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Full text of "Les sources inédites de l'histoire du Maroc de 1530 à 1845"

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LES 

SOURCES    INÉDITES 

DE 

L'HISTOIRE  DU  MAROC 


COLLECTION      DE       LETTRES.       DOCUMENTS       ET       MEMOIRES 
PUBLIÉE      SOUS      LES      AUSPICES 

DU  COMITÉ  DU  MAROC 
ET  DE  L'UNION  COLONIALE  FRANÇAISE 


LES 


SOURCES  INÉDITES 


L'HISTOIRE  DU  MAROC 


Le  Comte  HENRY  DE  CASTRIES 

*  •  •  •  * 
PREMIÈRE  SÉRIE  —  DYNASTIE  SAÂDIENNE 

v.i 

ARCHIVES   ET   RIBLIOTHÈQUES   DE   FRANCE 

T  O  iNI  E     III 


liislory  c/mnot  be  wrilten  from  manuscripts. 

Mark    Pattisoi». 


PARIS 

ERNEST    LEROUX,    ÉDITEUR 

28,     RUE     BONAPAUTK,     28 


l<|l  I 


INTRODUCTION 

AGENTS  ET  VOYAGEURS  FRANÇAIS  AU  MAROC 

i53o-i66o 


Aymoxd  de  Molon.  —  Ce  genlilhomine,  d'une  famille  de  la 
Bresse',  vint  au  Maroc  avec  un  compagnon"  en  i532  ;  il  arriva  à 
Fez  en  mars-avril,  se  donnant  pour  un  marchand  et  achetant  des 
plumes  de  panache',  mais  on  peut  supposer  qu'il  avait  cpielque 
autre  mission  et  devait,  à  tout  le  moins,  rapporter  des  renseigne- 
ments sur  le  pays.  Ayant  laissé  à  Fez  son  compagnon,  il  rentra  en 
France  avec  une  lettre'  du  souverain  mérinide  Ahmed  ben  Moham- 
med el-OuattassV'  pour  François  I".  A  son  retour,  Ayniond  de 
Molon  fit  des  richesses  du  Maroc  des  descriptions  exagérées  et  excita 
si  bien  les  convoitises  de  la  Cour,  qu'en  i533  le  Roi  se  décida  à 
envoyer  une  mission  sous  les  ordres  du  colonel  de  Piton  dans  ce 
pays  merveilleux.  L'expédition,  à  laquelle  avait  été  adjoint  Aymond 
de  Molon,  eut  une  fin  malheureuse  et  lui-même  mourut  lors  du 
voyage  de  retour'',  ainsi  que  son  chel'et  la  plupart  des  gentilshommes 
qui  l'avaient  accompagné. 

Pierre  de  Piton.  —  Colonel  de  mille  hommes  de  guerre  ù  pied, 
Pierre  de  Piton  avait  dû  s'éloigner  de  France  à  la  suite  d  un  homi- 

1.  \  .  I" Série,  France,  1. 1,  p.  i,  note  i.  It.  \.  Ibidem,  p.  -.«8. 

2.  On  ne  connaît  que  le  prénom  de  ce  ,').  Sur  ce  souverain,  V.  Ibidem,  p.  lo, 
compagnon,  Louis.  V.  Ibidem,  p.  -ili.  note  2.  Il  régna  de  iDsfl  à  i348. 

3.  V.  Ibidem,  p.  2/),  note  .3.  6.   V.  Ibidem,  p.  20. 

Dt  Casthies.  111.   —  a 


II  INTRODUCTION 

cide  involontaire'  :  il  y  rentra  avec  des  lettres  de  rémission. 
François  I"  le  mit  à  la  tète  de  l'ambassade  qu'il  envoya  au  Maroc 
en  i533'.  Piton  partit  le  25  mai  de  llonlleur  avec  la  galéasse 
«  le  Saint  Pierre  »,  commandée  par  le  génois  Baptiste  Auxylia. 
Cinq  gentilshommes  et  le  pseudo-marchand  Aymond  de  Molon 
faisaient  partie  de  l'expédition:  l'ambassade  emportait  des  montres, 
des  miroirs,  des  peignes  et  autres  ft  merceryes  »  avec  quelques 
articles  de  fauconnerie  :  le  tout  devait  être  oiTert  au  roi  de  Fez  et  à 
son  beau-frère  Moulay  Ibrahim. 

L'antagonisme  du  commandant  du  navire  et  de  l'ambassadeur  fut 
la  cause  de  conflits  sans  nombre.  Néanmoins  Piton  put  débaripier 
à  Larache  et  se  faire  conduire  à  la  mahalla  du  Roi,  qui  était  dans 
les  environs  ;  il  fit  la  remise  des  présents,  qui  fui'ent  peu  goûtés, 
puis  il  accompagna  le  Pioi  à  Fez,  où  il  séjourna  un  mois.  Il  obtint  du 
souverain  mérinidc  une  lettic  pour  François!'',  accordant  aux  Fran- 
çais la  libre  navigation  sur  les  côtes  du  Maroc  \  Pendant  le  voyage 
de  l'ambassade  à  Fez,  le  génois  Auxylia,  mû  par  quelque  sentiment 
de  basse  vengeance,  abandonna  son  navire  au  mouillage  et  passa  en 
Portugal,  où  il  dénonça  Pierre  de  Piton  comme  ayant  importé  au 
Maroc  de  la  contrebande  de  guerre'.  Les  Portugais  organisèrent 
une  croisière  pour  s'emparer  de  la  galéasse  française.  Piton,  malgré 
le  danger  de  tomber  entre  leurs  mains,  quitta  le  Maroc  :  la  tempête 
le  jeta  dans  les  îles  de  Rayonne  en  Galice  (septembre  i533).  au 
large  desquelles  il  mourut  de  maladie.  Tous  les  gentilshommes  qui 
l'avaient  accompagné  étaient  morts  avant  lui,  à  l'exception  d'un 
seul,  Jos-se  de  La  Planque",  qui  réussit  à  rentrer  en  France  avec  la 
galéasse  et  aborda  en  Normandie  à  la  fin  de  septembre  io33  °. 

Geoffroy  de  Bu.\de.  —  Ce  gcntilhonmie  gascon  faisait  partie 
de  l'ambassade  envoyée  en  lôtio  par  Antoine  de  Rourbon  à  Moulay 

I.   Sur  cette  afl'aire,  \  .  Ibidem,  note  /j.  de  Piton,  sur  la  dénonciation  du  capitaine 

■i.   V. /4((/em.  pp.  1 4-2  1,  la  Relation  que  Baptiste  .\u\ylia. 

Piton  lui-même  a  laite  de  son  ambassade.  5.   Sur  ce  personnage,  V.  Ibidem,  p.  4i- 

3.  V.   le  te.tte    de    cotte   lettre.    Ibidem,  note  i,  et  infra,  pp.  7^4  et  745. 

Doc.  IV,  pp.  8-1 1.  0.   Les  animaux  amenés  du  Maroc  étaient 

4.  V.   Ibidem,    pp.    ia-Sg,   le    teste    de        arrivés  en  France  des   le  début  d'octobre 
l'intormation  faite  à  Évora contre  le  colonel         i533.  \.  Ibidem,  p.  4i. 


INTRODUCTION  III 

Abdallah  el-GItalib' .  L'objet  de  celte  mission  était  de  négocier  la  ces- 
sion au  roi  de  Navarre  de  la  place  de  El-Ksar  es-Seghir  et  d'obtenir 
un  traité  de  commerce  dont  le  Ijénélice  se  serait  étendu  à  tous  les 
Français.  Mais  larrière-pensée  d'Antoine  de  Bourbon  était  de  faire 
de  la  place  marocaine  un  objet  d'échange  pour  obtenir  de  Philippe  II 
la  restitution  de  la  partie  de  la  Navarre  occupée  par  lEspagne.  Le 
i'oi  François  II  avait  donné  plus  ou  moins  officiellement  son  assen- 
timent à  l'expédition,  à  la  tête  de  laquelle  se  trouvait  un  gentil- 
homme nommé  Montfort,  mais  dont  le  véritable  chef,  en  raison  de  sa 
connaissance  des  clioses  marocaines,  était  le  capitaine  portugais 
Melchior  \  aez  d'Azevedo",  au  service  d'Antoine  de  Bourbon.  L'am- 
bassade s'embarqua  sur  un  navire  fourni  par  Antoine  de  Noailles, 
gouverneur  de  Bordeaux,  et  partit  de  ce  port  le  i"  mars  i^Go.  Elle 
arriva  à  Agadir  (Santa-Cruz-du-Cap-de-Guir)  le  17  mars  et  mil 
vingt-six  jours  pour  se  rendre  à  Pez.  Les  négociations  terminées  et 
le  traité  signé  '  par  rintcrmédiaire  du  cai^itaine  Melchior  Vaez 
d'Azevedo,  celui-ci  et  Montfort  reprirent  le  chemin  d'Agadir,  lais- 
sant Geofl'roy  de  Buade  malade  à  Fez.  Ce  dernier  put  en  partir  à  la 
fin  de  juillet  sur  un  navire  de  Marseille  «  qui  estoit  venu  audict 
Fez  en  marchandises  »  ;  il  arriva  ainsi  à  Cadix.  Quand  il  entra 
dans  ce  port,  l'embargo  fut  mis  sur  le  navire  et  l'équipage.  Grâce 
à  rintervention  de  Sébastien  de  L'Aubespine,  ambassadeur  de 
François  II  auprès  de  la  cour  d'Espagne,  cette  mesure  fut  rap- 
portée. Toutefois  GcoffroY  de  Buade  lui-même  demeura  long- 
temps, les  fers  aux  pieds,  dans  une  dure  captivité. 

Pkunay.  —  Deux  gentilshommes  de  ce  nom,  fils  de  Louis  de 
Billy.  seigneur  de  Prunay-le-Gillon  (Eure-et-Loir)  et  de  Marie  de 
Brichanteau,  firent  partie  de  l'ambassade  envoyée  à  Fez  en  1 56o*  par 
Antoine  de  Bourbon. 

MoNTFOHT.    —   Gentilhomme  choisi    par  Antoine  de   Bourbon 

I .   Sur  le  voyage  de  Geoffroy  de  Buade  tùme.    Œuvres    complètes,     éd.     Lalaniie, 

au    Maroc,   cf.   sa   lettre   du   3    septembre  t.  IV,  p.  36^. 
i56o,  /'■'  Série,  France,  t.  I,  pp.  20i-2o5.  3.   V.   le   texte  de   ce   traité,   /'"«  Série. 

3.  Sur  ce  personnage,  V. /ii'rfem,  p.  202,  France,  t.  I,  pp.  178-187. 
note  3  ;  Angleterre,  juin-août  i5Gi  ;  Bkan-  !i.   \  ,  Ibidem,  p.  2o3,  note  4- 


IV  INTROnUCTION 

comme  chef  officiel  de  l'ambassade  qu'il  envoyait  au  Maroc  en  i56o 
et  qui  fut  en  réalité  dirigée  par  le  capitaine  portugais  Melchior  Vaez 
d'Azevedo.  Un  Anglais,  Roger  Bodenham,  dans  un  mémoire  oiî  il 
propose  à  la  reine  Elisabeth  la  conclusion  d'une  alliance  avec  le 
Maroc,  invoque  comme  précédent  ia  mission  de  l'agent  français 
«  Monsford'  ». 


Robert  Bordet.  —  Il  fut  envoyé  au  Maroc  en  i56i  par  le  roi 
Charles  IX.  L'objet  de  sa  mission  était  d'obtenir  du  ohérif  Moulay 
Abdallah  el-Glialib  le  monopole  de  l'exportation  du  sucre  et  du 
cuivre'.  La  qualification  de  <af//e/' (commerçant),  (jui  lui  est  donnée 
dans  le  sauf-conduit  que  lui  accorde  le  Chérif,  ne  saurait  être 
prise  à  la  lettre".  On  ignore  la  suite  qui  fut  donnée  à  la  mission 
de  Robert  Bordet  ;  il  est  probable  que  les  guerres  religieuses  qui 
éclatèrent  au  début  de  i562  empêchèrent  le  roi  de  France  de  pour- 
suivre cette  affaire. 

Louis  Cabrette.  —  Cet  agent  cosmopolite  et  protéiforme  était 
Français*,  au  dire  de  M'de  .Mévillon,  gouverneur  de  Marseille,  qui 
le  qualifie  en  ib~!\  «un  de  nos  naturels  subjects  qui  se  trouve  à 
Alger'».  Cette  nationalité  lui  est  reconnue  à  deux  reprises  par 
\'argas  Mexia,  ambassadeur  de  Philippe  II  auprès  de  la  cour  de 
France.  Personnage  entreprenant  et  peu  scrupuleux  %  «  grand 
artisan  de  projets  chimériques^»,  on  le  trouve  mêlé  à  toutes  les 
intrigues  qui  se  trament  entre  la  France,  l'Espagne,  la  Turquie  et 
le  Maroc.  11  faisait  passer  des  avis  à  toutes  ces  Cours,  «jouant  double 


I.   Cf.  /'■' Série.  Angleterre,  il/i'm(y(>i' Wc  désigne  parfois  sous  le  nom  (le  <c  Capretto  >i. 

lioijcr  Bodenham.  Il  signait  :  «  Capilan  Cabreta  »  (V.  /''''  Sé- 

■2.   Sur  cette  négociation,  V.  iiifrn  la  lettre  rie,  .\nglcterre,  Lettres  des  1 3  octobre  et  is 

de  Moulav  Mohammed  ben  Abdallali,  des  novembre  iHjG')  et  :  «  Capitaine  Cabretes  » 

18-27  ""'"■*  i5tJi,  pp.  7/16-748.  (V.  Ibidem.  Lettre  du  18 juillet  iSjS). 

.3.  V.  infra.   pp.    749-752,  le   texte   du  5.   V.    1''  Série.   l'rance,   t.   I,   p.   35i, 

sauf-conduit.  note  2. 

/(.    Sa  nationalité,  comme  celle  de  beau-  li.   V.  Ibidem,  l'appréciation  de  Vivonnc 

coup  d'aventuriers  de  son  espèce,  est  dilli-  sur  le  caractère  de  Cabrette. 
cile  à  préciser.  Si  l'on  en  juge  par  son  nom,  7.   V.  la  lettre  de  Vargas  Mexia  du  16  dé- 

il    devait    être    d'origine    italienne.   On    le  ceuibre  iô-)i,  .\rch.  .\ut.,  A.  1Ô4Ô,  W  81 


INTRODUCTION  V 

jeu.  comme  le  font  toujours  les  agents  de  cette  espèce'  ».  La  profes- 
sion de  marin,  dans  laquelle  le  titre  de  capitaine  se  donne  si  faci- 
lement, dut  mettre  de  bonne  heure  le  capitaine  Cabrette  en  rapport 
avec  les  Turcs  et  les  Barbaresques.  Il  était  en  lôyi"  à  Alger,  où  il 
fit  la  connaissance  de  Moulay  Abd  el-Malek,  qui  y  résidait  en  atten- 
dant le  moment  de  faire  valoir  ses  droits  au  trône  du  Maroc.  Ce 
cliérif  très  cultivé,  parlant  litalien  et  l'espagnol,  flaira  en  cet  aven- 
turier un  homme  qui  pouvait  lui  rendre  des  services  dans  ses 
relations  avec  les  Cours  chrétiennes.  Devenu  souverain  du  Maroc 
en  1076.  il  lenvoya  en  France  et  en  Espagne.  Cabrette  arriva  à 
Paris  à  la  fin  de  juin  1576:  il  remit  à  Henri  III  une  lettre  dans 
laquelle  le  Cliérif  notifiait  son  avènement,  puis  il  se  rendit  à  la 
cour  d'Espagne,  où  il  avait  à  remplir  une  semblable  mission.  Il 
devait  en  outre  sonder  Philippe  II  au  sujet  d'un  projet  d'alliance 
offensive  et  défensive  contre  le  Grand  Seigneur.  Le  Roi  Catholique 
retint  à  sa  Cour'  l'envoyé  de  Moulay  Abd  el-Malck,  pendant  qu'il 
faisait  contrôler  sur  place  par  le  père  Diego  Merin  les  intentions 
du  Cliérif.  Henri  III  prit  ombrage  du  séjour  prolongé  de  Cabrette 
en  F]spagne  et  en  écrivit  au  Cliérif  en  novembre  1676  '.  Le 
capitaine  Cabrette  ne  dut  pas  retourner  au  Maroc.  Philippe  II 
l'envoya  en  1077  auprès  de  son  neveu  D.  Sébastien,  pour  éclairer 
ce  prince  sur  les  forces  de  Moulay  Abd  el-Malek  et  le  dissuader  de 
lexpédilion  qu'il  projetait  contre  le  Maroc".  On  sait  que  le  jeune 
roi  de  Portugal  ne  voulut  rien  entendre. 

En  janvier  1078,  on  retrouve  Cabrette  en  France;  il  va  trouver 
Henri  III  à  Ollainville  el  l'entretient  de  diverses  chimères  :  d'un 
projet  d'alliance  entre  les  puissances  catholiques  contre  les  Turcs 
et  les  licréfi(pies  ;  d'un  mariage  entre  le  duc  d'Alençon  et  l'une  des 
infantes,  enlin  d'un  autre  mariage  entre  D.  Carlos  et  la  fille  de 
Charles  IX.  11  dul  (juitter  Paris  en  juillet   1078  et  il  y  revint  en 


I.   «   Porqiic  son   gente  los   scmejantos  iiolc  ?.. 
qiio   hazcn   a   todas    manos.    »    i"   Série,  3.   V.   i'''  Série,  France,  t.  I,  p.  35i. 

France,   t.  II,  Lettre  rie  Varrja.t  Mexia   à  [\.  V.  Ibidem,  p.  35o,  note  2. 

Philippe  II.  p.   6.   —    «  Y  assi  se  podria  5.   V.  ccUc  lettre,  Ibidem,  p.  35 1. 

(liilxiar  <lc  que  haga  a  dos  manos.  »  Ibid.,  6.   V.  /'«  Série,  Espagne,  t.  I,  à  la  date 

p-   19.  du  33  juillet  1678.  Lettre  de  Juan  de  Silm 

a.  V.  1"  Série.   France,   t.   I,  p.   35i,  à  Philippe  IL 


VI  INTRODUCTION 

décembre.  C'est  à  cette  époque  qu'il  f^uggéra  à  Lansac  "  l'idée 
de  s'emparer  de  Larache  par  surprise  et  de  céder  ensuite  cette  place 
à  Philippe  II,  en  faisant  payer  ce  service  le  plus  cher  possible. 

Entre  temps,  le  capitaine  Cabrette  inventait  une  canonnière  à 
double  proue,  pouvant  porter  de  35o  à  600  hommes  et  f\  canons. 
Son  navire  fut  expérimenté  avec  succès  pour  la  traversée  des  Indes 
et  Philippe  II  lui  accorda  pour  cette  découverte  600  couronnes  de 
pension '. 

Cabrette,  dont  l'esprit  était  encombré  de  plans  imaginaires,  avait 
parfois  des  vues  politiques  assez  justes.  Il  en  a  exposé  quelques 
unes  dans  un  long  mémoire  intitulé  :  Discurso  hecho  en  suinina^... 
Dans  le  chapitre  consacré  au  Turc,  il  délinit  la  politique  du  Grand 
Seigneur,  qui  doit  tendre  à  la  conquête  du  Maroc  pour  devenir 
maître  par  le  détroit  de  Gibraltar  de  la  seconde  porte  de  la  Médi- 
terranée. 

Guillaume  Béraro.  —  Originaire  de  Saorge'  en  Terre-iVeuve', 
pays  relevant  du  duc  de  Savoie,  Guillaume  Bérard  avait  exercé  à 
Nice  la  profession  de  chirurgien-barbier,  puis  il  élail  venu  habiter 
Marseille,  d'où  il  était  passé  dans  le  Levant.  Il  se  trouvait  à 
Constantinople  '  en  107^,  quand  y  arriva  Moulay  Abd  el-Malek. 
On  sait  que  ce  chérif,  à  la  mort  de  son  frère  Moulay  Abdallah  el- 


1 .  La  date  (lu  retour  de  Cahretle  à  jicm  trnlaiuln  jior  ria  de  razon  y  jiiyzio  de 
Paris  se  déduit  de  la  lettre  de  Vargas  Mexia  honibre,  coma  uqucl  que  ha  vistu  y  diseurridn 
n  Philippe  II  du  i  fi  décembre  1D78.  V.  por  las  eosas  <lel  iniindo  y  conforme  al  juyzi.o 
j"  Série,  France,  t.  Il,  p.  7.  qar  de  los  unos  a  los  otros  se  puede  hazer, 

2.  V.  Ibidem,  pp.   1  et  2.  romo  se  oera  por  lo  sirjmenle.  —  Ce  docu- 
.3.   Cf.   /"  Série.  Angleterre,  Leltrc  de  ment,   rédigé  vraisemblablement  en  1576, 

Cabrette  du  18  juillet  1578.  sera  public  en  extraits  dans  i'''  Série.  \n- 

li.   Voici  le  titre  complet  de  ce  mémoire  gletorre. 

de  Cabrette:  Discurso  hecho  en  summa  por  5.   Saorge.   Saorgio  (Saourches  dans  les 

Luis  Cabreta  en  quanta  toca  a  lo  que  comiene  documents  du  temps),  petite  ville  de  l'ar- 

a  algunos  reycs.  principes  y  seâorias.  asi  de  rondissement  de  Nice. 

Christianos  comn  de   inJieUs  y  herejes.   tra-  0.    «  Nice  et  six-vingts  chasteaux  compris 

tando  de  coda  uno  dellos  en  particular.  de  lo  aujourd'hui  sous  le  nom  de  Terre  Neuve. . .  » 

que  los  comiene  para  se  poder  ronsercar  eon  V.    de  GAVFRiDt,  Histoire  de  la    Prooence, 

sus  estados  y  leyes,  todo  fundado  sobre  buen  t.  I,p.  255. 

consejo  (dejando  aparté  la  Prouidencia  que  7.   D'après  Vincent   Le   Blanc.  V.    f' 

puede  en  nn  instante  confundir  el  unioersaj ,  Série.  France,  t.  I,  p.    867,   note  i. 


INTRODUCTION  VII 

Ghnlih  fax  janvier  i57'i).  quitta  Alger  et  vint  trouver  le  sultan 
Selim  pour  lui  demander  d'appuyer  ses  droits  à  la  couronne  du 
Maroc.  Guillaume  Bérard.  appelé  adonner  ses  soins  à  ce  prince, 
atteint  de  la  peste,  lut  assez  heureux  pour  le  sauver.  Le  Chérif  lui 
en  sarda  une  grande  reconnaissance,  et,  une  fois  souverain  du 
Maroc,  l'attacha  comme  médecin  à  sa  personne.  Moulay  Abd  el- 
Malek,  à  l'esprit  large  et  dont  les  vues  politiques  n'étaient  pas  gênées 
par  une  étroite  orthodoxie,  chercha  à  étendre  les  relations  du 
Maroc  avec  les  puissances  chrétiennes.  Dès  iS^/i,  se  trouvant  à 
Alger  et  n'étant  encore  que  prétendant,  il  était  entré  en  rapports 
avec  Charles  IX'.  En  i5"6,  il  avait  chargé  le  capitaine  Cabrette^ 
d'une  mission  auprès  de  Henri  111,  pendant  que  son  ambassadeur 
auprès  de  la  Porte,  Moussa  ben  Abd  en-Nebi,  entrait  en  pourparlers 
avec  Gilles  de  Noailles,  le  représentant  de  la  France  à  Constan- 
tinople'.  Moulay  Abd  el-Malek,  fidèle  à  sa  politique,  fit  partir  en 
lô""  pour  la  cour  de  France  son  médecin,  porteur  d'une  lettre 
adressée  à  Henri  HI  ;  il  demandait  au  Roi  de  vouloir  bien  accréditer 
Guillaume  Bérard  en  qualité  de  consul  «  es  royaulmes  de  Marroc  et 
de  Fez  S).  Henri  accueillit  favorablement  la  requête  du  Chérif  et, 
comme  Guillaume  Bérard  était  sujet  du  duc  de  Savoie,  il  lui  octroya 
des  lettres  de  naturalité  (22  mai  1077)",  puis,  par  lettres  patentes 
du  10  juin  1^)7-.  il  le  pourvut  de  l'office  de  «consul  de  la  nation 
françoise»  au  Maroc,  avec  les  mêmes  droits,  profits,  revenus  et 
émoluments  que  les  consuls  français  dans  le  Levant'. 

Le  nouveau  consul  s'embarqua  à  Marseille  en  1578'.  Un  Mar- 
seillais, Vincent  Le  Blanc,  d'humeur  très  voyageuse,  avait  demandé 
à  l'accompagner*.  Leur  navire  fut  pris  à  la  hauteur  de  Gibraltar 
(février   1078)  par  D.   Francisco  de  Vargas  Manrique '.   Mais  peu 

1.  V.  infra.  Addenda,  Doc.  5,  pp.  7.t3-  rie,  France,  t.  I,  pp.  867-369.  En  même 
755,  Lettre  de  Moulay  Abd  cl-Mnlck  à  temps  l'rançois  Verlia  fut  nommé  facteur 
Charles  IX,  du  26  mai  1074.  au  Maroc.  V.  infra,  p.  is. 

2.  Cf.  /"  Série,  France,  I.  I.  p.  35o.  7.   C'est  la  date  que  «tonnent  Le.?  Voyages 

3.  Sur    celle    négociation,    \  .    Ibidem,        de  \  incent  Le  Blanc p.  i55.  Cf.  aussi 

pp.  352-366.  /'■''  Série.  France,  t.  I,  Doc.  XCVIII,   p. 

4.  V.  Ibidem,  p.  368.  37^,  et  Doc.  XCIX,  p.  876. 

5.  Archives  Départementales  des  Bouches-  8.  \ .  Les  Voyages  de  Vincent  Le  Blanc..., 
du-Bhnne.  Série  B.  registre  (iO,  f.  3o5.  p.   i55. 

6.  V.  le  texte  de  ces  provisions,  1"  Se-  ij.   Cf.    Heurera,    Ilistoria   gênerai   del 


VIII  iNTRonrcTiox 

après,  sur  les  instructions  fie  Pliilippe  II,  il  fut  relâché  et  autorisé 
à  continuer  sa  route  en  toute  liberté,  le  Roi  Catholique  voulant 
donner  à  Moulay  Abd  el-Malek  des  preuves  de  son  amitié.  D.  Sébas- 
tien, roi  de  Portugal,  qui  préparait  sa  folle  expédition  contre  le 
Maroc,  se  montra  très  affecté  de  cette  mesure  et  en  fit  des  reproches 
à  Juan  de  Silva  le  28  février  1 678  '. 

De  Gibraltar,  Guillaume  Bérard  et  Vincent  Le  Blanc  allèrent  à 
Larache,  où  ils  débarquèrent '.  Le  consul  français  partit  aussitôt  pour 
rejoindre  la  mahalla  cliérifienne,  qui  de  Merxakech  se  portait  à  la 
rencontre  de  l'armée  de  D.  Sébastien.  Il  arriva  au  camp  de  Moulay 
Abd  el-Malek.  établi  près  de  Salé,  vers  le  i/i  juillet,  au  moment  où 
le  Cliérif  ressentait  les  premières  atteintes  du  mal  auquel  il  devait 
succomber  quelques  jours  plus  lard,  el  il  lui  donna  ses  soins'.  Le 
Cliérif  porté  dans  une  malialTa  (litière),  quand  il  ne  pouvait  plus 
supporter  le  cheval,  se  traîna  jusqu'i  Ll-ksar  el-Kebir,  accompagné 
de  ses  médecins,  dont  le  consul  français'.  On  sait  que  l'opiniâtre 
Moulay  Abd  el-Malek  parut  un  instant  à  la  tête  de  ses  troupes  le 
li  août  1678,  revêtu  d'un  splendide  costume  et  l'épée  à  la  main  ; 
mais  ses  forces  le  trahirent  et  on  le  rapporta  dans  sa  mahalla,  oii  il 
expira,  avant  d'avoir  assisté  au  triomphe  de  son  armée.  Guillaume 
Bérard  revint  à  Fez  avec  la  mahalla  victorieuse  et  assista  à  la  baïa 
(couronnement)  de  Moulay  Ahmed  el-Mansour  ' .  L'année  suivante 
(1579).  ce  dernier  l'envoya  notifier  son  avènement  au  roi  de  France^ 
Pendant  le  peu  de  temps  qu'il  avait  passé  au  Maroc  comme  con- 


Mnndo.  t.  II,  p.  78  et  /''''  Série.  Espagne,  grave  indigestion  dont  la  cause  était  peut- 

Lettre  de  Juan  de  Siloa  à  Philippe  IL  28  (Mre    le    poison,    cf.  i''' Série,  .\nglcterro, 

février  1578.  Il  Y  a  une  légère  divergence,  Relation  de  la  balaille  de  El-Ksar  el-Kebir, 

quant  à  la  date  et  quant  à   l'auteur  de   la  et  Les  Voyarjes  de  Vinx^ent  Le  Blanc...  pp. 

capture  de  la  saïtie  française,  entre  Ilcrrcra  i58-i6i. 

et  .Tuan  de  Silva.  La  version  de   l'ambas-  4.   Outre  Guillaume   Bérard,   le  Chérlf 

sadeur  de  Philippe  II  est  évidemment  plus  était  soigné  par  un  médecin  juif  et  un  ccr- 

prcs  de  la  vérité.  tain  «  Gapitan  AUey  »,  ainsi  qu'il  résulte 

I.   V.  i"  Série.  Eipa.gnc,  Lettre  de  .liinn  d'une  lettre  adressée  par  ce  médecin  juif 

de  Silva  à  Pliilippe  IL  28  février  1578.  à  son  frère.  V.  i'''  Série,  Angleterre,   no- 

a.    \  .  Les  Vnyarjes  de  Vincent  Le  Blanc....  vembre  1678. 

p-   i-'i8.  5.   Cf.  r''' Série,  kngleleTTC,  Relation  de 

.3.    Sur  la  présence  de  Gnillaunic  liérinl  la  bataille  de  El-Ksar  el-Kebir. 

auprès  de  Moulay  .\bd  el-Malek  el  sur  les  6.   V.  i'''  Série,  France,  t.  II,  Doc.  VIII, 


soins  qu'il  donna  au  Chérif  atteint  d'une        pp.  32-a5. 


INTnODfCTION  IX 

sul,  fiuillaume  Bérard  avait  éprouvé  les  plus  grandes  difTicultés  à 
faire  acquitter  par  les  marchands  français  les  droits  qui  lui  reve- 
naient en  raison  de  son  ofTice.  Il  exposa  à  Henri  III  qu'en  l'absence 
de  tout  moyen  de   contrainte  vis-à-vis  des  négociants  au  Maroc, 
les  lettres  de  provision  qui  lui  avaient  été  octroyées  restaient  sans 
elTet.  Le  Roi,  pour   remédier  à   cette  situation  et  faire  droit  à  la 
requête  du  consul,  décida  par  mandement  du  ig  juillet  i5"g  qu'à 
l'avenir  les  Français  «  et  tous  aultres  trafTiquans  sur  la  bannière  de 
France  »  qui  refuseraient  d'acquitter  au  Maroc  les  droits  de  consulat, 
y  seraient  contraints  par  autorité  de  justice  à  leur  retour  en  France'. 
Henri  III  chargea  en  outre  Guillaume  Bérard  de  complimenter 
le  nouveau  chérif  sur  son  avènement  et  lui  donna  comme  instruc- 
tions (i6  juillet  1079)  d'obtenir  le  libre  accès  des  ports  du  Maroc, 
la  mise  en  liberté  des   captifs  français,  la   permission  d  exporter 
/ioooo  quintaux  de  cuivre  et  26  000  quintaux  de  salpêtre  :  il  devait 
de  plus  négocier  un  emprunt  de  i5oooo  écus'.  On  ne  sait  rien 
sur  le  résultat  de  cette  mission.  Guillaume  Bérard  retourna  au  Maroc 
en  1080^  et  y  exerça  sa  charge,  exposé  à  l'hostilité  des  commer- 
çants français,  qui  allaient  jusqu'à  lui  contester  l'authenticité  de  ses 
lettres  de  provision,  parce  qu'elles  n'étaient  pas  signées  du  Roi,  mais 
seulement  scellées  du  grand  sceau  delà  Chancellerie'.  En  août  i583, 
il  avait  le  dessein  de  rentrer  en  France,  mais  il  écrit  à  Villeroy 
que  Moulay  Ahmed  le  retient  au  Maroc  pour  lui  faire  accompagner 
un  ambassadeur  qu'il  avait  l'intention  d'envoyer  à  Henri  IIP.  On 
perd  de  vue  Guillaume  Bérard  jusqu'en    l'année    1689,   date  où 
Bernardino  de  Mendoza  signale  son   arrivée  du  Maroc  à  la  Cour 
qui  se  trouvait  alors  à  Blois'.    Il    dut    mourir   im   peu   avant   le 

27  avril  1091  '. 

François  Vertia.  —  Il  fui  nommé  «  facteur»  au  Maroc  le  1 1  juin 
1677.  Ses  lettres  patentes  furent  signées  le  lendemain  de  lexpédi- 

1.  V.  Ir  texte  dv  ce  mandement,  ;'''■  .Se-        Doc.  XXXTII,  p.   107. 

rie.  France,  t.  II,  Doc.  IX,  pp    26-29.  /|     V.  Ihidcni,  p.  107.  note  6. 

2.  V.  /"  .Série.  France,  t.  II,  Doc.  VIII,  5.   \ .  Ibidem,  pp.  106-107. 

pp.  22-25.  6.  \.  Ibidem.  Doc.  LXIX,  pp.  I7.''i-I75. 

3.  Guillaume  Bcrartl  écrit,  à  la  date  du  7      V  cette  (laie  il  était  décédé  a  ces  mois 

28  août   i58.3,  qu'il  est  au  Maroc  depuis  passés    ».    V.    infra.    Addenda,    Doc.    7, 
trois    ans.    V.    /■■'   .Séné,    France,    t.   II,  p.  738. 


X  INTRODUCTION 

tien  de  celles  qui  commettaient  Cnillaume  Bérard  au  consulat  du 
Maroc.  Elles  portaient  que  «  outre  le  consul  de  la  nation  françoise  », 
il  était  nécessaire  d'avoir  «  es  royaumes  de  Marrot  et  Fez  »  un 
agent  «pour  le  faturage  deppendant  dudicl  commerce'  ».  Celte 
charge  de  facteur  semble  correspondre  à  celle  de  vice-consul.  On  ne 
sait  si  François  Vcrtia  se  rendit  au  Maroc  et  y  exerça  ses  fondions. 

Vincent  Le  Bl.vnc.  —  Il  naquit  en  i5o3'  à  Marseille,  on  son 
père,  Raphaël  Le  Blanc,  était  armateur \  Entraîné  par  la  passion 
des  voyages,  Vincent  IjC  Bhmc.  à  peine  âgé  de  quatorze  ans,  partit 
en  iSG-  pour  Alexandrie  et  le  Levant  :  il  visita  successivement 
l'Arabie,  la  Perse,  les  Indes,  etc.,  et  revint  à  Marseille  (1577) 
après  une  absence  de  onze  ans  '.  11  passa  six  mois  dans  sa  ville 
natale  et.  repris  par  son  irrésistible  passion,  il  saisit  l'occasion  du 
départ  de  Guillaume  Béiard  et  s'embarqua  avec  lui  pour  le  Maroc  \ 
Le  récit  de  son  voyage  ''  nous  a  été  conservé,  mais  il  semble  si  peu 
digne  de  foi  que  nous  n'avons  pas  jugé  utile  de  le  publier.  Vincent 
Le  Blanc  passe  pour  «  un  charlatan  de  première  grandeur»  et  l'on 
ne  voit  pas  bien  sur  quelles  raisons  s  appuie  le  i)ibliograplie  Play- 
fair  pour  dire  que  cette  réputation  est  imméritée  ;  il  est,  à  tout  le 
moins,  un  vrai  Marseillais  par  la  place  exagérée  que  tiennent  dans 
son  récit  ses  aventures  personnelles  et  par  les  ficlions  dont  il  les 
travestit.  Il  sulfira  de  donner  ici  de  ce  voyage  idira-fantaisiste  une 
brève  analyse*. 

Le  navire  qui  portait  Guillaume  Bérard  et  \  incent  Le  Blanc  est 

1.  V.  j™ Scrif,  France,  1. 1,  Doc.  XCVII,  Le  Blanc  raconte  son  retour  à  Marseille, 
pp.  871-372.  |,.    i;f). 

2.  Vincent  Le  Blanc  dit  lui-même  dans  7.  CL  Playi-aih,  A  BibUiKjraphy  of  Mo- 
la  préface  de  son  livre  qu'en  i63i  il  est  rncco,  n"  I25,  p.  ■il\lt.  —  11  se  peut  que  le 
âgé  de  78  ans.  mut   iiiuloseroed  soit   une   coquille   et  que 

3.  V.  Les  Voya'jes  Je  Vincent  Le  Bhinc...  Playfair  ail  écrit  well  deserued.  —  L'article 
éd.  i648,  p.  3.  hibliographique   du   n"    I25  est  d'ailleurs 

4.  Les  renseignements  sur  Vincent  Le  erroné,  et  l'on  verra  que  l'édition  princeps 
Blanc  sont  uniquement  tirés  du  récit  de  ses  des  Voyages  de  Vincent  Le  Blanc...  est  de 
voyages.  ,6/,8  et  non  pas  de  1608. 

5.  V.  Les  Voyar/esde  Vincent  Le  Blnnc...  8.  Comme  on  a  donné  plus  haut  la  réfé- 
P-   '^5.  renée  du  passage  où  est  raconté  le  voyage 

6.  Il  occupe  dans  l'ouvrage  (édition  de  au  Maroc,  il  a  paru  inutile  de  renvoyer  à 
1648  et  de  1649)  ^"s  PP-  155-170.  Vincent  la  page  où  chaque  fait  est  mentionné. 


INTRODUCTION  XI 

assailli  par  une  tempèlc  près  de  Giliraltar:  à  peine  délivré  de  la 
mer,  il  est  rencontré  par  les  galères  d'Espagne  et  saisi,  comme  étant 
chargé  de  contrebande  de  guerre  '.  Guillaume  Bérard  et  dix  gentils- 
iionunes  qui  l'accompagnaient  sont  condamnés  à  mort,  les  autres 
aux  galères  à  perpétuité.  L'envoyé  de  Henri  III  appelle  de  cette 
condamnation  "  à  Philippe  II,  qui  confirme  la  sentence,  mais,  grâce 
à  l'intervention  de  Dona  Isahel,  l'alTaire  s'arrange:  tout  le  monde 
est  remis  en  hberté,  on  lève  l'embargo  mis  sur  le  navire,  qui  reprend 
sa  route  pour  le  Maroc  et  vient  mouiller  à  Larache.  Guillaume 
Bérard  s'achemine  vers  la  mahalla  du  Cliérif,  pendant  que  Vincent 
Le  lUanc  reste  à  Mekuiès.  Dans  une  promenade  aux  environs  de 
cette  ville  avec  un  de  ses  compagnons,  il  s'attire  une  mauvaise 
affaire.  «  JNous  trouvâmes,  raconte-t-il,  un  cimetière  de  Mahomctans, 
«S:,  deux  que  nous  estions  estant  entrciî  dedans  pour  faire  de  l'eau, 
il  se  rencontra  que  c'estoil  près  la  sepulluie  d'un  de  leurs  marabouts 
ou  santons.  »  Ils  furent  aussitôt  appréhendés,  traînés  devant  le  cadi 
et  condamnés  à  la  bastonnade:  ils  faillirent  mourir  sous  les  coups. 
Un  marchand  espagnol  nommé  Andréa  Gasparo  Corso'  intercéda 
pour  eux,  cl.  commeilélait  iniluentauprès  de  Moulay  Abd  el-Malek, 
il  obtint  la  mise  en  liberté  des  deux  voyageurs.  Sans  transition, 
Vincent  Le  Blanc  fait  ensuite  un  récit  fort  décousu  de  l'expédition 
de  D.  Sébastien.  Il  alla  visiter  l'armée  portugaise  peu  après  son 
débarquement,  en  compagnie  d'un  Italien,  le  capitaine  Hercule  de 
Pise*  et  de  Jean  de  Sasselo,  de  Marseille.  «Tout  ce  que  nous  trou- 
vions de  mal,  écrit-il.  c'cstoit  le  grand  nombre  de  femmes  & 
d'enfans  qui  y  estoient.  »  Il  prétend  avoir  vu  après  la  bataille  le  corps 
du  roi  de  Portugal  «  qu'on  portoit  dans  une  caisse  remplie  de  chaux 
vive  pour  le  conserver».  Suit  une  description  de  ((  l'empire  de  Fez 

T.   V.  supra,  pp.  vii-viii.  el-Malck alors  que  colui-ci  était  prétendant. 

2.  Juan  de  Silva  mentionne  une  dé-  U  fat  le  principal  agent  des  négociations 
marche  faite  auprès  de  la  cour  d'Espagne  entre  Philippe  II  et  le  Chérif.  Cf. /"■' SéWe, 
par  Vivonne,  l'ambassadeur  do  France.  \  .  Franco,  t.  I,  p.  GaS  et  note  3  ;  Angleterre, 
;'■'  Série,  Espagne,  à  la  date  du  2S  février  à  la  date  du  i'^''  septembre  1677  ;  Espagne 
1678.  et  Portugal  entre  les  années  1677  et  1579 

3.  Il  était  originaire  de  la  Corse,  mais  passiin. 

fixé  à  Valence  avec  son  frt're  Francesco.  Se  4.   Sur    ce   personnage,    V,    i''    Série, 

trouvant  à  .\lgcr  pour  son  négoce,  il  avait  France,  t.  I,  p.  55i  et  note  !t  ;  p.  552  et 
autrefois  rendu  des  services  à  Moulay  .Vbd        note  5  ;  p.  588,  p.  601  et  p.  64o,  note  4- 


XII 


INTROnUCTION 


et  Maroc  »  où  Vincent  Le  Blanc  accueille  toutes  les  fables  et  qui, 
pour  les  détails  exacts,  est  empruntée  à  Jean  Léon'.  Il  ne  semble 
pas  d'ailleurs  que  le  voyageur  ail  parcouru  le  nord  et  encore  moins 
le  sud  du  Maroc,  quoiqu'il  parle  des  montagnes  du  Ziz  où  vivent 
les  Zanaga,  «  ces  peuples  serjDentins  qui  vivent  parmi  les  serpents  ». 
Le  voyageur  dut  se  rembarquer  peu  de  temps  après  la  bataille  de 
El-Ksar  el-Kebir  pour  Cadix,  d'où  il  regagna  Marseille". 

Vincent  Le  Blanc  vivait  encore  en  i63i  "*  ;  sa  mort  doit  se  placer 
avant  1687,  date  de  celle  de  ses  amis  Nicolas  de  Peiresc'  et  Pierre 
Bergeron ',  qui  bii  survécurent.  L'œuvre  du  voyageur  marseillais 
ne  parut  pas  de  son  vivant.  Peiresc  et  Bergeron,  qui  avaient 
eu  l'intention  de  publier  ses  mémoires,  en  furent  empêchés  par  la 
mort^  Parla  suite,  un  érudit,  l'abbé  Louis  Coulon ',  ayant  retrouvé 
les  papiers  de  Vincent  Le  Blanc  dans  «  l'une  des  plus  ilorissantcs 
bibliothèques  et  des  plus  saintes  maisons*  »  de  la  ville  de  Paris,  les 
publia  en  iG/i8',  non  sans  de  nombreuses  corrections,  car  le  manus- 


I 


1.  11  se  pi?ul  que  ces  emprunts  soient  le 
fait  de  Bergeron  et  Coiilon  qui  ont  beau- 
coup ajouté  aux  «  mémoires  »  de  Vincent 
Le  Blanc,  comme  le  disent  les  titres  des 
éditions  de  i648etde  16^9. 

2.  V.  Les  Voyaiins  de  Vincent  Le  Blanc..., 

P-  179- 

3.  ^  .  supra,  p.  X.  note  2. 

4.  Nicolas-GIaiidc  Fabri  do  Peiresc  (i"' 
décembre  i58o-24  juin  lôSy),  conseiller 
au  parlement  de  Provence,  célèbre  par  la 
protection  et  l'assistance  qu'il  prêta  à  tous 
les  savants  de  son  temps. 

5.  Pierre  Bergeron,  avocat  au  parlement 
de  Paris,  mourut  en  16,^7. 

6.  V.  l'Avis  au  lecteur  en  tête  de  l'édi- 
tion princeps. 

7.  IjOuis  Coulon,  érudit  né  à  Poitiers 
en  i6o5,  mort  en  1664. 

8.  Ces  expressions  doivent  désigner  la 
bibliothèque  du  cardinal  Mazarin  qui  avait 
acheté  les  livres  de  Peiresc. 

fj.  Voici  le  titre  de  celte  édition  :  Les 
Vnya'ies  fameux  du  sieur  Vincent  Le  Blanc, 
marseillois,  qu'il  a  faits,    depuis   l'aaije  de 


doii:c  ans  jnsques  à  soixante,  aux  quatre 
piirlies  du  monde  ;  à  sçavoir  aux  Indes  orien- 
tales ($•  occidentales,  en  Perse  §•  Pegu.  Aux 
royaumes  de  Fez,  de  Maroc  ^  de  Guinée,  ^• 
dans  toute  l'Afrique  intérieure,  depuis  le  Cap 
de  Bonne-Esperance  jusques  en  Alexandrie, 
par  les  terres  de  Monomotapa,  du  Preslre 
Jean  §•  de  l'Egypte.  Aux  isles  de  la  Médi- 
terranée «y-  aux  principales  provinces  de  l'Eu- 
rope, avec  les  diverses  observations  qu'il  y  a 
faites. 

Le  tout  recueilly  de  ses  mémoires  par  le 
sieur  Coulon.  A  Paris...  M.  DC.  XLVIIL 

L'édition  de  cet  ouvrage  qui  porte  la 
date  de  iG^Q  est  identique  à  celle  de  iG48, 
à  l'exception  du  titre  dont  on  a  fait  dispa- 
raître le  nom  de  Coulon,  bien  que  ce  nom 
ait  été  conservé  dans  la  Dédicace  et  qu'on 
ait  reproduit  l'Avis  au  Lecteur  de  cet  abbé. 
Voici  la  modification  apportée  au  titre  : 

Les  Voyages  fameux  du  sieur  Vincent  Le 

Blanc 

^-  aux  principales  provinces  de  l'Europe,  etc. 

Rédigez  fîdellement  sur  ses  Mémoires  §• 
Registres,  tire;  de  la  Bibliothèque  de  Mon- 


INTRODUCTION 


xni 


cril  original  préscntail  «  une  certaine  confusion  de  mots  qui  nétoit 
pas  moindre  (jue  celle  des  ouvriers  de  Babel  '  ». 

Guy  Damians.  —  Ce  personnage  dont  le  nom  est  quelquefois  écrit 
d'Amians,  Damien,  etc.,  semble  avoir  résidé  à  Merrakecli en  1678- 
lô-y  et  y  avoir  fait  en  lâ-Q  l'intérim  de  Guillaume  Bérard.  Il  était 
originaire  de  Brouage". 

Arnoult  de  Lisle.  —  Il  était  né  à  Paris  en  i556'  dune  famille 
d'origine  allemande*.  Se  destinant  à  la  médecine,  il  se  fit  recevoir 
«  maître  es  arts  »  en  i58o,  afin  de  pouvoir  suivre  les  cours  de  «  la 
très-salutaire  Faculté  ».  Après  quatre  années  d'études,  il  obtint  le 
20  mars  i58A  le  grade  de  bachelier  ',  fut  reçu  licencié  le  19  mai  1586" 
et  docteur  au  mois  de  décembre  de  la  même  année'.  Ce  fut  M.  de 
Monantheuil  qui  lui  remit  la  palme*.  Le  nouveau  docteur,  protégé 


sieur  de  Peiresc,  Conseiller  uu  Parlement  de 
Provence,  ^-  enrichis  de  trescurieuses  obser- 
vations par  Pierre  Bcrgeron.  parisien,  A 
Paris,,,  M.DC.XUX, 

Enfin  en  i658  paraît  une  nouvelle  édi- 
tion qui  porte  en  titre:  Hcdic/e: Jidcl- 

lement  sur  ses  mémoires  par  Pierre  Benjeron, 
parisien. 

Et  nouvellement  reoeu,  corrigé  ^  augmente 
par  le  s''  Coulon, 

A  Troycs...  M.DC.LVIII. 

Dans  celte  édition  (i658)  la  Dédicace  et 
l'Avis  an  lecteur  de  Coulon  ont  été  suppri- 
més. 

I.  V.  Les  Voyages  de  \  incent  Le  Blanc, 
éd.  iG^S,  .\vis  aii  Lecteur  de  l'abbé  Coulon. 
On  peut  se  faire  une  idée  de  la  rédaction 
de  Vincent  Le  Blanc  d'après  le  Ms.  2o33 
du  fonds  français  de  la  Bibliothèque  Natio- 
nale, qui  contient  une  partie  ou  plutôt  le 
brouillon  d'une  partie  de  son  ouvrage,  évi- 
demment écrite  de  sa  main  et  consacrée  à 
«  l'histoire  naturelle  de  l'Inde  ».  On  y 
trouve  en  plus,  pp.  i46-i52,  le  récit  de 
son  voyage  au  Maroc,  assez  différent  de 
celui  qui  fut  imprimé  ;  il  porte  le  titre  de 


«  Succès  veneu  en  l'auteur  ». 

2,  Sur  l'identification  douteuse  de  ce 
personnage,  V.  /''''  Série.  France,  t.  II, 
p.  76,  note  4- 

3.  11  mourut  à  Paris  le  aS  novembre 
iGl3,  âgé  de  cinquante-sept  ans.  Guil- 
laume Du  Val,  Ilist.  du  Collège  Boyal  de 
France,  p.  Si. 

.'1.  Celte  origine  allemande  n'est  indi- 
quée que  par  Guilbuimc  Du  Val  (toc.  cit., 
p.  3o)  qui  donne  .\rnoult  de  Lisle  comme 
originaire  de  Vezelay  (Wcsel)  dans  le  pays 
de  Clèves,  mais  on  lit  :  «  Arnulpbus  de 
Lisle  diœcesis  parisiensis  »  dans  les  Com- 
mentaires de  la  Faculté  de  Médecine.  Cf. 
Bibl.  de  la  Faculté  de  Médecine  de  Paris, 

MSS.  .    vol.    .Î2.y.  /.   212. 

5.  V.  Ibidem. 

0.   V.  Ibidem,  f.  255. 

■y.  \.  Ibidem,  f.  269.  Les  questions  qu'il 
traita  dans  ses  vespérics  furent:  i"  An  ars 
exornatoria  medico  sit  tenenda?  '2°  An  ars 
comptoria  medico  sit  tenenda  ?  Sa  thèse  de 
doctorat  était  :  An  musica  medico  sit  tenenda? 

8.  «  Donalus  autem  fuit  laurea  a  do- 
mino de  .Monantheuil.  »  Ibidem, 


XIV 


INTRODUCTION 


parle  cardinal  de  Bourbon  ' .  augmenta  encore  son  crédit  en  épousant 
en  i586  damoiselle  Catherine  Duret^  fille  de  Louis  Duret,  premier 
médecin  de  Charles  IX  et  de  Henri  III. 

La  Renaissance  était  loin  d'avoir  complètement  détruit  le  prestige 
d'Avicenne  et  d'AvcI•rhoès^  et,  pour  ne  plus  èiro  aussi  absolue,  la 
domination  des  maîtres  arabes  s'exerçait  encore  sur  la  médecine. 
Malheureusement,  l'ignorance  de  leur  langue  rendait  très  ardue 
l'étude  de  leurs  ouvrages.  Ce  fut  pour  contribuer  aux  progrès  de 
l'art  médical  beaucoup  plus  que  pour  favoriser  la  philologie  que  le 
roi  Henri  III  fonda  en  1087  une  chaire  de  langue  arabe  au  Collège 
de  France'.  Arnoult  de  Lisle  en  fut  le  premier  titulaire  avec  la 
qualité  de  «  lecteur  et  professeur  du  Roy  à  Paris  en  langue  ara- 
bique °  ». 

Vers  cette  époque  Guillaume  Bérard",  qui  depuis  plus  de  dix  ans 
résidait  à  la  cour  des  chérifs  soit  à  litre  de  médecin,  soit  à  titre  de 
consul,  éprouva  le  désir  bien  légitime  de  quitter  le  Maroc  et  de 
rentrer  en  France  '.  Mais  le  Chérif  Moulay  Ahmed  el-Mansour  tenait 
beaucoup  à  avoir  auprès  de  sa  personne  un  médecin  chrétien 
«comme  gens  plus  fidèles  et  plus  entendus*».   Sur  le  conseil  de 


I 


1.  «  Cliens  illuslrissimi  cardinalis  Bor- 
bonii.  ))  Cf.  JosEPHi  Scaligeri  epUtohv, 
p.  696. 

2.  Le  mariage  de  A.  de  Lisle  cul  lieu 
du  vivant  de  Louis  Duret  (V.  G.  Du  Val, 
p.  06)  qui  mourut  le  22  juin  i580.  — 
K  Henri  III  voulut  honorer  ces  noces  de  sa 
présence,  il  accompagna  la  mariée  à  l'église 
et  se  plaça  à  sa  droite,  le  père  étant  à  sa 
gauche  ;  il  assista  ensuite  au  festin  pour 
lequel  il  prêta  toute  la  vaisselle  d'argent 
qui  y  fut  employée  et  dont  il  lui  fit  présent 
après  le  repas.  «  Cette  anecdote  est  racon- 
tée par  l'abbé  Golmet  (Mém.  histor.  et  lit- 
tér.  sur  le  Collège  Royal  de  France,  p.  i.3) 
qui  l'a  tirée  soit  de  Teissier,  Les  élorjcs 
des  hommes  saoanls  tirés  de  l'Histoire  de 
M.  de  Thou,  t.  Il,  p.  321,  soit  de  Niceron, 
Mém.  pour  servir  à  l'Iiist.  des  hommes 
illustres...,  t.  XXIII,  p.  3g2. 

3.  On  sait  combien  avait  été  grand  ce 


prestige  avant  la  Renaissance.  «  Usque  ad 
renatas  litteras,  écrit  J.  Brucker,  non 
inter  Arabes  modo,  verum  etiam  inter 
Christianos  dominatus  est  Avicenna  tantum 
non  solus  ».  Hist.  critic.  philos.,  t.  III,  p.  88. 
A.  La  date  de  la  création  de  celte  chaire, 
1687,  est  établie  par  un  article  des  comptes 
de  la  Rccelle  générale  de  Paris,  article 
relevé  par  jAC(.>rES  Du  Breuil,  Théâtre 
des  Antiquité:  de  Paris,  p.  761.  Cf.  Colo- 
Miiis,  Gallia  orientatis.  article  Arnotdus 
Insulanus.  Guillaume  Du  Val,  op.  cit., 
p.  3o,  a  reproduit  le  passage  de  Jacques  Du 
Breuil. 

5.  C'est  ainsi  cpi'il  est  qualifié  dans  les 
comptes  de  la  Recette  générale  de  Paris.  V. 
J.  Du  Breuil,  op.  cit..  p.  761. 

6.  V.  supra,  p.  vi,  la  notice  biogra- 
phique de  Guillaume  Bérard. 

7.  Cf.  i"  Série,  France,  t.  II,  p.  3i^. 

8.  Cf.  Ibidem. 


INTRODUCTION 


XV 


riuillaunio  Bérard,  il  ("crlvit  à  Henri  III'  «qu'il  recevroit  favora- 
blement le  médecin  ([ui  voudroil  venir  ^ers  luy  et  qui  auroil permis- 
sion de  s'en  retourner  quand  il  voudroil»  '.  Arnoull  de  Lisle,  ayant 
eu  connaissance  des  propositions  du  Chérifet  désireux  d'apprendre 
sur  place  la  langue  arabique,  «  sans  bupielle,  disait-il,  on  ignorait 
bien  des  clioses  en  médecine'  »,  s'oH'rit  pour  faire  ce  voyage,  avec 
l'intention  de  ne  passer  au  Maroc  que  deux  ou  trois  ans'. 

Ala  date  du  ii)  nnveuibre  1587,  il  avait  ([uitté  Paris,  car  un  de 
ses  confrères  signait  pour  lui  les  comptes  de  recettes  et  de  dépenses 
de  la  Faculté  de  médecine  pour  cette  même  année'.  Il  arriva  au 
Maroc  en  i588  et  Guillaume  Bérard  rentra  immédiatement  en 
France".  Tout  fait  croire  que  son  successeur  s'était  fait  accompagner 
au  Maroc  d'un  apothicaire  nommé  Pierre  Treillaull  '.  Le  séjour  de 
A.  de  Lisle  au  Maroc  se  prolongea  bien  au  delà  de  ses  prévisions, 
et  il  y  demeura  onze  ans,  de  i.'jSS  à  1099.  Outre  ses  fonctions  de 
«  proto  medico  »  de  Moulay  Ahmed  el-Mansour  et  l'étude  de  la 
langue  arabe,  ([ui  élaient  loin  de  l'absorber,  il  employait  son  temps 
au  mieux  des  intérêts  de  son  pays,  et  il  est  probable  que,  sans  avoir 
de  mandat  officiel,  il  avait,  en  fait,  remplacé  Guillaume  Bérard 
comme  agent  de  la  France  au  Maroc.  Malheureusement  ses  dépêches, 
pourcette  période  de  onze  années,  n'ont  pu  être  retrouvées.  Le  «  proto 
medico  »  ne  négligeait  pas  non  plus  sa  forlune  personnelle  et  amassait 
force  «  richesses  et  autres  commoditez*  ».  Les  documents  du  temps 
ne  font  que  très  rarement  mention  de  lui.  Par  un  récit  du  voyage 
du  jeune  D.  Christophe,  le  fds  du  prétendant  portugais  D.  Antonio, 


1 .  Los  loltros  de  Moulay  .Vlimcd  el-Man- 
sour à  Henri  III  «  pscriles  en  arable  cl  en 
espagnol  arrivèrent  premièrement  à  Mar- 
seille puis  à  Paris  «  (V.  Ibidcni)  où  elles 
durent  parvenir  avant  le  2/1  décembre  i58G, 
car,  à  cette  date,  un  avis  do  Sanson  fait 
allusion  au  personnage  «  que  ha  sido  sefia- 
lado  por  consul  para  Marruecos  de  los 
Kranccses  »,  c*est-ïi-<lire  à  la  désignation 
de  A.  de  Lisle  pour  aller  en  mission  au 
Maroc.  V.  i"  Série,  France,  t.  II,  p.  129, 
noie  I. 

2.  Cf.  /"  Série.  France,  l.  II,  p.  3l4. 

3.  «  Quod  arabismi  lenerolur  deslderio, 


sine  qiio  mulla  in  mcdicina  ignorari  dice- 
bal.  »  .T0SF.PHI  ScALiGEKi  Epistolac,  p.  697. 

4.  V.  i''' Série,  France,  t.  II,  p.  Siij. 

5.  V.  Bibl.  de  la  Faculté  de  Médecine 
de  Paris,  Mss..  Vol.  3^3,  f.  2j.'>. 

G.  La  présence  de  Guillaume  Bérard  csl 
signalée  à  Blois  en  février  1589  (V.  i"  Sé- 
rie, France,  t.  II,  p.  174).  Il  avait  donc 
di'ï  partir  du  Maroc  à  la  (in  de  i588,  ce 
qui  fixe  la  date  de  l'arrivée  de  .\.  de  Lisle 
à  la  cour  cliérificnne. 

7.  V.  infra,  j).  xxi,  la  notice  consacrée 
à  ce  personnage. 

8.  Cf.  1''''  Série,  France,  t.   II,  p.  4oOi 


XVI  INTRODUCTION 

on  sait  que  A.  de  Lisle  se  porta  en  janvier  iSSg  au  devant  de  ce 
jeune  prince,  qui,  envoyé  en  otage  par  son  père,  fit  son  entrée  en 
grande  pompe  dans  la  capitale  chérifienne'.  Ce  fut  aussi  pendant  ce 
premier  séjour  au  Maroc  que  l'agent  officieux  de  Henri  IV  fut 
témoin  des  luttes  du  Chérif  contre  le  prétendant  Moulay  en-Nasser, 
mais,  contrairement  à  ce  que  raconte  Guillaume  Du  VaP,  il  n'as- 
sista pas  aux  batailles  de  Er-Roken  (3  août  lôgô)  et  de  Taguate 
(i2  mai  lôgG).  pendant  lesquelles  il  resta  à  Merrakech  avec  Moulay 
Ahmed  el-Mcinsour^.  En  novembre  iSgô,  A.  de  Lisle,  avec  l'inten- 
tion sans  doute  de  rappeler  sa  présence  au  Maroc  et  de  se  faire  bien 
voir  du  nouveau  souverain,  envoya  en  présent  à  Henri  IV  deux 
chevaux  sous  la  conduite  de  l'apothicaire  (voticario)  ïreillault'. 
Cependant,  au  Collège  Royal,  la  chaire  d'arabe  fondée  par 
Henri  III  restait  vacante  par  suite  de  l'absence  du  titulaire  :  pro- 
fesseurs et  étudiants  désiraient  vivement  le  retour  de  A.  de  Lisle. 
Henri  de  Monantheuil,  prononçant  le  i  !i  novembre  1 5g5  un  discours 
solennel  %  sans  doute  pour  la  réouverture  des  cours  du  Collège 
Royal,  allait  jusqu'à  interpeller  Henri  IV  dans  une  figure  oratoire  : 
«  Rappelez,  lui  disait-il,  rajDpelez  de  la  Mauritanie  Tingitane,  où  il 
est  actuellement,  exerçant  la  médecine  auprès  du  roy  [de  ce  pays], 
et  apprenant  la  langue  arabe,  le  professeur  de  cette  langue,  créé 
par  Henri  III,  mon  Jean  de  Lisle''  ».  Mais  il  y  avait  à  Paris  une 
personne  qui  réclamait,  bien  plus  encore  que  les  professeurs  et 
étudiants  du   Collège  Royal,    le  retour  de  A.   de  Lisle,   c'était  sa 


I.   V.  /"'  Série,  Franco,  l.  Il,  p.  igg.  —  /"    Série.    Espagne,    Lettre    de    Ballliazar 

Les  relations  de  k.  de  Lisle  avec  D.  Anlo-  Polo  à  Medina-Sidonia,  19  novembre  1696. 
nio  et  SCS  fils  D.  Emmanuel  et  D.  Chris-  5.   Oratio  qiia  ostenditur  quale  esse  debc- 

tophe  devaient  remonter  à  1 586.  Cf.  i6iViem,  ret  Colteyium  profcssoruin  regiorum,  ut  sit 

p.  129.  iierfectuin  at(]ue  absolutum.  —  Habita  18  Cal. 

1.  L'erreur  commisi' par  (îuiLLAU.ME  Du  Der.   in  audilorio  regio  ab  Henrico  Monan- 

Val  (op.  «'(.,  p.  3o)  provient  de  ce  qu'il  thotioRemo,medicoetmathematicarumartium 

regarde  A.  de  Lisle   comme   l'auteur  des  professore  rcgio.  Paris,  1695,  pp.  60-61. 
deux  relations  de  ces  batailles.  6.   «  Mcum  loannen  Insulanum  ».  C'est 

3.   Cf.  i"  Série,  France,  l.  l\,  p.  21a.  par  erreur  que   Monantheuil   donne   à   de 

note  2.  Lisle  le  prénom   de  Jean.  Quant   au  pro- 

.'4.   «  El   medico  frances...  a  enbiado  de  nom  possessif  meum,  il  s'explique   par  ce 

aqui  [Merrakech]  un  voticario  suyo  con  dos  fait  que  Monantheuil,  ayant  remis  à  A.  de 

cavallos   de   présente   y    otras   cosas    quel  Lisle    la    palme    du    doctorat,   considérait 

mesmo  medico  manda  al  rey  de  Francia  w.  celui-ci  comme  une  sorte  de  filleul. 


INTRODUCTION  XVII 

femme  qui  latteiKlait  depuis  six  ans.  Pour  obtenir  que  le  Chérif 
laissât  partir  son  «  proto  medico  »,  il  fallait  trouver  à  celui-ci  un 
remplaçant.  Ce  ne  fut  qu'en  1098  '  qu'un  médecin  de  la  Faculté 
d  Orléans,  Etienne  Hubert  ^  sur  les  instances  de  son  ami  le  sieur 
Duret,  beau-frère  d'A.  deLisle,  et  désireux  d'acquérir  une  connais- 
sance approfondie  de  la  langue  arabe  «  se  résolut  aisément  à  ce  voiage 
pour  retirer  le  sieur  de  L'Isle  et  demeurer  là  quelque  tems  près  la 
personne  du  roy  de  Maroc,  en  mesme  charge  et  apointement  que 
ledit  sieur  de  Llsle  '  ». 

Arnoult  de  Lisle  rentra  en  France  en  iB()()  '.  Sa  présence  à  Paris 
est  constatée  le  9  mai  1601,  date  où  l'on  trouve  sa  signature  sur 
une  quittance  '.  Le  Collège  Royal  recouvrait  enfin  son  professeur, 
mais  ce  fut  sans  grand  profit,  car  il  ne  semble  pas  que  ce  dernier 
ait  jamais  enseigné  \  Le  rôle  que  les  circonstances  l'avaient  amené 
à  jouer,  l'expérience  qu'il  avait  acquise  des  affaires  du  Maroc 
avaient  profondément  modifié  ses  idées.  Aussi  visait-il  plus  haut 
maintenant  qu'à  une  chaire  du  Collège  Royal  et  son  ambition 
secrète  était  de  retourner  auprès  du  Chérif,  non  plus  comme  méde- 
cin, mais  comme  ambassadeur. 


I  Celte  date  est  fournie  par  une  men- 
tion qui  se  trouve  dans  une  relation  manus- 
crite de  la  bataille  de  El-Ksarel-Kebir.  V. 
/"  Série,  France,  t.  I,  p.  45i,  note  4- 
Celte  note  a  très  certainement  été  écrite 
par  le  frère  d'Etienne  Hubert. 

2.  Sur  Etienne  Hubert,  \.infra,  p.  xxii. 

3.  V.  /'■'  Série,  France,  t.  II,  pp.  3i4, 
3i5. 

4.  A.  de  Lisle  ne  quitta  lo  Maroc  qu'a- 
près l'arrivée  d'Etienne  Hubert  (V.  /'■"  Sé- 
rie, France,  t.  Il,  p.  3i5).  Or  l'année  iSyg 
est  la  date  du  séjour  de  Hubert  (^Ibideni) 
qui  ne  resta  qu'un  an  au  Maroc.  Mocqnet, 
dans  le  récit  de  son  voyage,  parlant  des 
deux  médecins,  dit  :  «  puis  tous  deux 
estoient  revenus  en  France  ».  Mais  ce  pas- 
sage n'implique  pas  nécessairement  l'idée 
d'un  retour  simultané. 

5.  Cf.  Bibl.  N'ai.  Pièces  oriijmales. 
Vol.  172^,  cote  /^nogG,  n°  12.  —  L'abbé 
Goujel  rapporte  q\ie  .\.  de  Lisle  prononça 

De  Castries. 


à  son  retour  un  discours  (Insulani  lingux 
arables:  professoris  rcgii  post  reditum  ex 
Afriea  oratio)o\\  il  donnait  de  grands  détails 
sur  SCS  voyages  ("V.  Goujet,  Mém.  hislor. 
sur  le  Collège  Royal  de  France,  p.  g3).  Ce 
discours  n'a  jamais  existé  et  l'alibé  Goujet 
semble  avoir  confondu  en  la  circonstance 
le  retour  de  Arnoult  de  Lisle  avec  celui  de 
Etienne  Hubert,  qui,  effectivement  pro- 
nonça un  discours  où  il  racontait  son 
voyage  au  Maroc,  V.  infra,  p.  xxiii. 

G.   Scaliger  essaya  d'entrer  en  relations 
avec  A.  de  Lisle,  mais  ne  put  y  parvenir. 

Cf.    JOSEPHI   SCALIGERI    epistolx,     |)p.    696- 

697,  lettre  à  Etienne  Hubert  datée 
de  Leyde,  4  des  ides  de  Mars  1608.  On  ne 
trouve  aucune  autre  mention  de  lui  dans 
la  correspondance  de  cet  orientaliste  qui 
par  contre  se  mon(re  prodigue  d'éloges 
pour  le  mérite  d'Etienne  Hubert,  V.  infra, 
p.  XXIV.  —  Casaubon  paraît  ne  pas  avoir 
appréciédavanlagela  science  de  A.  de  Lisle. 

m.  —  b 


XVIII  INTRODUCTION 

Il  semblait  d'ailleurs  assez  qualifié  pour  tenir  cet  emploi,  étant 
«  homme  meslé  et  adroit,  de  robbe  et  d'espée,  de  conseil  et  d'efiect, 
voyageur  par  mer  et  par  terre  et  un  vrai  Ulysse  chrétien,  politique, 
vaillant,  sage,  sçavant  et  éloquent'  ». 

C'est  dans  cette  nouvelle  voie  qu'il  dirigea  ses  efforts  pendant 
son  séjour  à  Paris.  Depuis  son  départ  du  Maroc,  la  situation  poli- 
tique de  ce  pays  avait  bien  changé  :  Moulay  Ahmed  el-Mansour 
était  mort  le  19  août  t6o3  ;  des  luttes  fratricides  avaient  éclaté  entre 
les  divers  prétendants,  et  Philippe  III,  exploitant  leurs  compétitions, 
cherchait  à  reprendre  les  anciennes  négociations  entamées  entre 
son  père  et  Moulay  Abd  el-Malek  en  vue  d'obtenir  la  cession  de 
Larache.  Henri  IV,  sans  conférer  à  A.  de  Lisle  le  titre  d'ambassa- 
deur qu'il  sollicitait,  jugea  utile  de  l'envoyer  au  Maroc  avec  la 
mission  de  traverser  les  desseins  de  l'Espagne",  en  se  concertant 
avec  le  représentant  des  Provinces-Unies  auprès  du  Chérif  ^.  C'est 
pourquoi  A.  de  Lisle  fit  prévenir  de  son  départies  Etats-Généraux 
par  l'intermédiaire  du  prince  D.  Emmanuel*. 

«  L'Ulysse  chrétien  »  dut  quitter  Paris  en  septembre  i6o5,  mais, 
empêché  par  des  vents  contraires,  il  ne  put  s'embarquer  qu'au 
commencement  de  janvier  1606  °.  Une  traversée  favorable  de  quinze 
jours  l'amena  à  Safi  le  20  janvier".  Le  fastueux  aventurier  Sir 
Anthony  Sherley  '  se  trouvait  dans  cette  ville,  attendant  un  convoi 
et  une  escorte  pour  se  rendre  h  Merrakech.  Comme  Sherley,  envoyé 
en  ambassade  par  l'Empereur,  avait,  à  son  passage  à  Cadix,  accepté 
une  mission  secrète  de  PhiHppo  III",  l'agent  de  Henri  IV  s'attacha 
à  pénétrer  les  projets  de  ce  magnifique  personnage.  La  chose  lui 
fut  facile,  grâce  à  ses  intelligences  avec  Lella  Safia.  la  sœur  de 
Moulay  Zidân.  On  voit  par  une  lettre  de  A.  de  Lisle  à  Villeroy 
que,  dès  le  29  janvier  1606,  il  avait  éventé  les  plans  de  l'Espagne. 

1.  V.    Guillaume    Du   Val,    op.     cil.,        note  9. 

P-  3o.  5.  Cf.  /'■'•  Série,  France,  t.  II,  p.  33i  et 

2.  Sur  lesinslructions  do  A.  do  Lisle,  V.         note  i. 

/'•"■  Série,  France,  t.  II,  pp.  887  et  338.  6.   Cf.  /6i</em. 

3.  Les  instructions  de  P.  M.  Coy,  l'agent  7.  Sur  ce  personnage,  A',  i"  Série. 
des  Provinces-Unies,  étaient  identiques  à  Pays-Bas,  t.  I,  p.  108,  note  I  et  France, 
celles  do  A.  de  Lislo.  Cf.  /'■'  Série.  Pays-  t.  II,  p.  33 1,  note  2. 

Bas,  t.  I,  jip.  70-77.  8.  Cf.  /'■''  Série.  France,  t.    II,  pp.  333 

t,.   V.  i"  Série.  France,  t.  II,  p.  887  et        cl  838. 


INTRODUCTION  XIX 

Le  Roi  Catholique  proposait  au  Chérif  une  alliance  pour  chasser 
les  Turcs  des  régences  d'Alger  et  de  Tunis  :  l'Espagne  resterait 
maîtresse  du  littoral  méditerranéen  et  la  domination  du  Chérif 
s'étendrait  sur  l'arrière-pays  '. 

L'envoyé  de  Henri  IV  cherche  \'isiblement  dans  sa  lettre  à 
augmenter  l'effet  produit  par  son  airivée  au  Maroc  :  il  annonce  que 
Sherley  en  a  aussitôt  informé  Philippe  III  et  qu'on  ne  manquera 
pas  de  se  plaindre  au  Pape  des  démarches  d'un  agent  français 
venant  contrecarrer  la  politique  espagnole,  si  avantageuse  pour  la 
Chrétienté".  Il  rappelle  ses  relations  personnelles  avec  le  Chérif. 
et.  après  avoir  ainsi  bien  mis  en  évidence  l'importance  du  rôle  qu'il 
peut  être  a^ipelé  à  jouer  au  Maroc,  il  termine  sa  lettre  par  cette 
phrase  :  «  Il  seroit  besoing  que  Sa  Majesté  m'honorast  du  tiltre 
d'ambassadeur,  d'autant  que  ce  prince  [le  Chérif]  m'a  faict  dire 
qu'il  ne  traitei-a  qu'avec  ceux  de  ceste  qualité.  Je  supplie  donc  Sa 
Majesté,  si  elle  a  pour  agréable  que  je  la  serve  en  ceste  negoliation, 
de  me  donner  ce  tiltre  et  de  croire  qu'elle  congnoistra  le  fruict  que 

je  y  ferai ^  ».  Dans  une  autre  lettre  du  lo  avril  1606,  il  revient 

à  la  charge  :  «  Je  croy,  écrit-il  à  ^  illeroy,  que  j'aurny  eu  mon 
expédition  si  ...  j'eusse  la  commission  et  le  pouvoir  d'ambassadeur 
que  j'attens,  s'il  plaist  à  Sa  Majesté  '  ».  Le  désir  de  A.  de  Lisle  ne 
fut  pas  réalisé,  et  il  dut  se  contenter  d'un  titre  plus  modeste. 
Henri  IV  dans  ses  lettres  le  qualifie  :  «  M.  de  L  Isle,  mon  conseiller 
et  médecin  ordinaire,  résidant  pour  mon  service  à  Marocq  "  ». 

Quant  à  sa  mission,  elle  fut  traversée  par  les  révolutions  poU- 
tiques  qui  se  succédèrent  à  Merrakech,  où  trois  prétendants  arii- 
vèrent  au  pouvoir  dans  l'espace  de  quelques  mois  ".  Les  pourparlers 
commencés  avec  Moulay  Abou  Farès,  repris  avec  Moulay  Zidân, 
semblent  n'avoir  abouti  qu'à  de  vaines  promesses  d'amitié  et  à  la 
faculté  donnée  aux  navires  français  de  se  réfugier  dans  les  ports 
marocains.  A.  de   Lisle  quitta  Merrakech  en  juin    i()07';  on  le 


I.  V.  i"  Série,  France,  t.  II,  p.  332.  dcm,  p.  872. 

a.  V.  Ibidem,  p.  334.  6-  V.  sur  ces  événements,  /''' Série,  Pays- 

3.  \.  Ibidem,  p.  335.  Bas,t.l, pp.  2t3-2i8,Relationde P. M. Coy. 

4.  V.  Ibidem,  p.  34o.  7.  V.  /"  Série,  Pays-Bas,  t.  I,  p.  234, 

5.  V.  Ibidem,   p.  3O7.  Moulay  ZidAn  h:  Altesiation    d'A.    de    Lisle    en    faveur    de 
qualifie  «  voire  agent  et  conseiller  ».  Ibi-  P.  M.  Coy. 


XX  INTRODUCTION 

retrouve  à  Paris  le  iC  août  1607,  chez  son  ami  et  voisin  Pierre  de 
LEstoile  ' . 

Le  médecin  diplomate  revint-il  une  troisième  fois  au  Maroc, 
comme  le  dit  G.  Du  Val'?  Nous  ne  le  pensons  pas.  Il  est  vrai  qu'il 
existe  une  lettre  de  lui  à  Henri  IV,  datée  de  Madrid  le  16  avril  1608, 
qui  est  conçue  dans  des  termes  tels  qu'on  croirait  à  première  vue 
qu'elle  a  été  écrite  au  retour  d'un  voyage  au  Maroc  ^  Mais  si  l'on 
examine  attentivement  cette  lettre,  on  voit  qu'en  dehors  de  la  bataille 
de  Ras  el-Aïn  (8  décembre  1607),  dont  A.  de  Lisle  avait  raconté  les 
détails  à  Henri  IV  avant  son  «  partement  »  de  la  Cour  et  dont  par 
conséquent  il  n'avait  pu  être  informé  que  par  une  lettre  venue  du 
Maroc,  les  renseignements  qu'il  donne  dans  sa  longue  missive*  du 
16  avril  proviennent  de  Gianettino  Mortara  et  de  Diego  Marin,  qui 
se  trouvaient  alors  à  Madrid.  En  outre  il  est  impossible  de  trouver 
le  temps  nécessaire  à  un  voyage  et  afoiiiori  a  un  séjour  au  Maroc 
dans  le  délai  compris  entre  la  date  où  dut  parvenir  à  Paris  la  nou- 
velle du  combat  de  Ras  el-Aïn  (soit,  pour  fixer  les  idées,  fin  janvier 
1608)  et  le  retour  à  Madrid  d'A.  de  Lisle,  évidemment  antérieur  à 
sa  lettre  à  Henri  IV  (16  avril  1608).  Il  faut  donc  supposer  que  la 
troisième  mission  confiée  à  cet  agent  se  bornait  à  aller  en  Espagne 
pour  s'y  enquérir  des  événements  qui  se  déroulaient  dans  l'empire 
chérifien. 

On  sait  peu  de  choses  sur  la  fin  d'Arnoult  de  Lisle.  Il  est  men- 
tionné dans  le  journal  de  P.  de  L'Esloile  le  28  décembre  16 10,  date 
à  laquelle  il  est  appelé  à  donner  ses  soins  au  fils  de  ce  chroniqueur 
qui,  comme  on  l'a  vu,  était  son  voisin  et  son  ami  ^.  Il  mourut  à  Paris 

1.  V.  7"  Série.  Franco,  t.  II,  p.  872,  y  a  des  particularitez  remarquables  que 
note  3.  beaucoup    appelent   pures  fadezcs...   »   P. 

2.  V.  GuillaujME  Du  Val,  op.  cit.,  de  LEstoile,  Mém.  Journ.,  éd.  de  la  11b. 
p.  3o.  des   Bibliophiles,   t.   IX,   p.    86.   Les   soi- 

3.  V.  cotte  lettre, /"  Séné,  France,  t.  II,  disant  «  fadezes  »  étaient  des  flatteries  à 
pp.  /)  26-434.  l'adresse  de  Henri  IV  par  lesquelles  A.  de 

4.  P.  de  L'Estoilo,  à  qui  cette  lettre  avait  Lisle  terminait  sa  lettre.  V.  /"  Série, 
été    communiquée,  en    fait   mention  dans  France,  t.  II,  pp.  433-434. 

son  journal  à  la  date  du  8  juin:  «  il[r]  5.  Le  talent  médical  de  A.  de  Lisle,  si 
D[u]  P[uy]  père  m'a  preste  une  lettre  de  l'on  en  juge  par  L'Estoile,  laissait  à  dési- 
M.  de  Lisle  au  Roy,  escrite  de  Madrid,  en  rer.  Son  intervention  auprès  du  jeune 
date  ihi  161=  avril  1608,  par  laquelle  il  lui  Claude  de  L'Estoile  fut  sans  doute  insuffi- 
donne  force  advis  delà  Cour  d'Espagne;  et  santé,  car  on  fit  appel  au  chirurgien  Riulanl. 


INTROniCTION 


le  20  novembre  i6i3.  ^  oici  l'éloge  par  lequel  Guillaume  Du  \al, 
l'historien  du  Collège  Royal  de  France,  termine  sa  biographie  : 
«  Donc  nostre  premier  Lecteur  du  Roy  en  arabe  Arnould  de  Lisle, 
pour  la  grandeur  de  son  esprit  et  la  solidité  de  son  jugement,  pour 
l'éminence  de  son  sçavoir,  piété  et  vertu  chrcstienne,  pour  la  subli- 
mité de  ses  conseils,  pour  sa  magnanimité  et  haultcs  pensées, 
employs  et  actions  et  pour  les  grandes  recherches  de  la  langue  ara- 
bique, peut  à  bon  droict,  par  rapport  allégorie,  estre  estimé  comme 
ceste  montagne  de  Sinaï  en  l'Arabie  où  Dieu  donna  la  loy  et  les 
préceptes  du  Saint  Decalogue  pour  bien  et  sagement  régler  les 
hommes  et  les  conduire  à  salut  par  l'observation  de  ses  ordon- 
nances ' .  » 

Pierre  Treillault.  —  Cet  «  officier  domestique  »  de  Moulay 
Ahmed  el-Mansour  semble  devoir  être  identifié  avec  le  «  facteur  » 
qui  a  écrit  la  relation  de  la  bataille  de  Er-Rokcn.  Pierre  Treillault 
était  en  réalité  un  apothicaire  emmené  au  Maroc  par  Arnoult  de 
Lisle.  Il  dut  quitter  ce  pays  à  la  fin  de  l'année  1696.  Balthazar 
Polo  annonce  en  effet  à  la  date  du  19  novembre  i5g6  que  A.  de 
Lisle  fait  partir  pour  la  France  son  apothicaire  (voticario)  avec  deux 
chevaux  qu'il  envoie  en  présent  à  Henri  IV  ^.  On  doit  à  Pierre 
Treillault  la  relation  des  batailles  de  Er-Rokcn  et  de  Taguate  (3  août 
1595  et  12  mai  logG)^  qu'il  composa  à  Merrakech,  d'après  des 
récits  de  témoins  indigènes,  car  il  ne  suivit  pas  dans  le  nord  les 
mahallas  allant  opérer  contre  le  rebelle  Moulay  en-JNasser  *.  A  son 
retour  en  France,  il  fit  hommage  au  connétable  de  Montmorency 
de  sa  relation  sur  la  bataille  de  Taguate. 


Mais  l'tin  rnmme  l'autre  no  purent  obtenir  p.  3o. 

une  bonne  cicatrisalioii  d(!  la  plaie,  et  L'Es-  3     V.  i"  Série.  France,   t.   Il,  p.   2i4, 

toile  exprime  son  chagrin  de  voir  le  plus  note  !x. 

beau  de  ses  enfants  «  auquel   il  paroistra  3.   V.  Ibidem  ces  deux  relations  pp.  2o5- 

toutc    sa   vie   pour    l'avoir   mis    entre   les  21201318-227. 

mains    des    médecins    et    chirurgiens    (pii  ^.  Treillault  dit  lui-même  qu'il  était  à 

n'ont  peu  faire  en  six  mois  ce  que  beaucoup  la  cour  de  Mouhiy  .Vhmed  el-Mansnur,  lors 

de  femmes,  et  mcsmcs  de  village,  eussent  d(r  la  bataille  de  Taguate.  Or  celui-ci  resta 

fait  en  six  jours  ».  Ji  Merrakech  pendant  les  opérations  contre 

I.    \  .    GuiLLAUMK    Du    Val,    np.    rit.,  le  prétendant. 


XXU  INTRODUCTION 

Etienne  Hubert.  —  Il  naquit  en  i568'  à  Orléans  et  fit  ses 
études  de  médecine  à  la  Faculté  de  cette  ville,  dont  les  docteurs 
étaient  fort  estimés,  parce  que  «  de  leurs  compagnies  ont  esté 
plusieurs  appeliez  au  service  de  nos  roys  S).  Ce  fut  aussi,  comme 
on  le  verra,  la  destinée  d'Etienne  Hubert  ^  Cependant  son  nom 
«  M.  Slephanus  Hubert  Aurelianensis  »  figure  sur  les  registres  de 
la  Faculté  de  médecine  de  Paris  ^  à  la  date  du  6  avril  iôqG,  mais, 
comme  il  n'en  est  plus  fait  mention  à  partir  de  cette  époque,  on 
peut  en  conclure  qu'Etienne  Flubert  prit  tous  ses  grades  à  Orléans". 
«  Il  sçavoit  très  bien,  écrit  G.  Du  Val.  la  médecine  tant  des  Grecs 
...  que  des  Arabes,  desquels  il  entendait  la  langue  et  les  idiomes".  » 

On  a  vu  ^  que  les  professeurs  du  Collège  Royal  s'étaient  émus 
de  l'absence  prolongée  de  Arnoult  de  Lisle,  qui,  titulaire  de  la  chaire 
d'arabe  fondée  en  1687  par  Henri  III,  se  trouvait  encore  au  Maroc 
en  169^  et  n'avait  pas  même  inauguré  son  cours.  Monantheuil, 
comme  nous  1  avons  dit,  avait  attiré  l'attention  de  Henri  IV  sur 
cette  situation  anormale.  On  chercha  longtemps  un  médecin  qui 
consentît  à  se  rendre  auprès  du  Chérif  pour  relever  A.  de  Lisle. 
Enfin  Etienne  Huljert,  poussé  par  le  désir  de  s'instruire  et  cédant 
aux  instances  de  son  confrère  et  ami  Jean  Duret*,  beau-frère  du 
«  proto  medico  »  du  Chérif,  s'offrit  à  aller  au  Maroc. 

Il  partit  en  1098  '  et  passa  une  année  '"  à  Merrakech,  exerçant  la 
médecine,  «  et  là,  suivant  son  principal  dessein  qui  l'avoit  porté  à 

1.  Plus  exactement  entre  le  20  juin  1567  5.  François  Le  Maire,  ?oc.  ci(.,  dit  po- 
et  le  20  juin  i568.  V.  infra,  p.  xxvi,  sitivoment  qu'E.  Hubert  était  docteur  de 
son  épitaphe.  la  Faculté  d'Orléans.  Il  a  pu  commencer 

2.  Cf.  François  Le  AIaire,  Histoire  et  ses  éludes  médicales  à  Paris  et  les  terminer 
antiquitez  de  la  ville  d'Orléans,  i6/i5,  t.  II,  à  Orléans. 

p.  108.  6.  Guillaume  Du  Val,  Le  Co/icye /îo^ai 

3.  Plusieurs  médecins  du  nom  de  Hu-        de  France,  p.  3l. 

bert  et  parents  très  probablement  de  Etienne  7.   V.   supra   la   notice   sur   Arnoult   de 

Hubert  figurent  dans  la   liste  des  officiers  Lisle,  pp.  xvi-xvii. 

domestiques  des  rois  Henri  III  et  Henri  IV.  8.   V.  /''''  Série.   France,   t.   H,   p.  3i5. 

Cf.  Bibl.  Nat.  Pièces  oriijinales.  Vol.  i543,  V.  aussi  supra,  p.  xvii. 

co(e 25  25.y,  n"*  C  efp  :  «Noble homme  Loys  9.   Sur   cette    date,   V.   supra,   p.  xvii, 

Hubert,   chirurgien   ordinaire  et  juré  du  note  i . 

Roy »  et  Collection  Clairambaull.  Vol.  10.   k  Le  sieur  Hubert  demeura  environ 

837.  un  an  à   Marroc  ».  V.   i"  Série,   France, 

4.  V.  Bibliothèque  de  la  Faculté  de  Me-  t.  II,  p.  4oo.  Son  séjour  se  place  en  iSgg. 
decine  de  Paris,  ms.  333,  J"  352  v".  V.  Ibidem,  p.  3i4. 


INTRODUCTION 


ce  voyage,  il  apprit  si  bien  la  langue  arabique  qu'il  s'y  rendit  fort 
sçavant...  Il  se  contenta  de  sortir  de  ce  pays  plus  eliargé  de  science 
et  de  livres  arabiques  que  de  richesses  et  autres  commoditez...  » 
A  son  départ  du  Maroc,  il  serait  allé  faire  un  court  séjour  à  Rome  ', 
avant  de  rentrer  à  Paris  où  il  fut  nommé  :  «  Lecteur  et  professeur 
du  Roy  en  la  Faculté  de  médecine,  en  langue  arabique,  en  1  univer- 
sité de  Paris  ».  Il  fut  en  réalité  le  premier  à  enseigner  cette  lan- 
gue '.  Le  discours  d'ouverture  qu'il  prononça,  en  prenant  possession 
de  sa  chaire,  était  conserA'é,  à  l'époque  où  Colomiès  écrivait  sa 
Gallia  orientalis,  dans  les  papiers  du  sieur  Hardy,  conseiller  au 
parlement  de  Paris'. 

Malgré  la  brièveté  de  son  séjour  au  Maroc,  Etienne  Hubert  avait 
su  acquérir  une  sérieuse  connaissance  de  la  langue  arabe,  et  sa 
réputation  comme  orientaliste  surpassa  de  beaucoup  celle  d'Arnoult 
de  Lisle,  plus  occupé  de  négociations  que  de  philologie.  Casaubon 
fait  le  plus  grand  éloge  de  sa  science.  «  Parmi  les  arabisants,  écrit- 
il  à  Scahger  le  8  août  1607,  le  premier  rang  est  tenu  chez  nous 
par  Etienne  Hubert,  d'Orléans,  médecin  du  Roi,  homme  très 
savant'.  »  Déjà  en  1601  il  reconnaissait  comme  un  maître  cet  éru- 
dit  «  qui  avait  appris  en  Afrique  les  principes  de  la  langue  arabe  °  ». 
C'était  là,  en  effet,  la  grande  supériorité  de  E.  Hubert  sur  les 
orientalistes  de  son  temps  :  il  avait,  comme  Cleynaerts  (Clénard), 
pratiqué  l'idiome  qu'il  enseignait.  Le  savant  Erpenius,  dans 
son  Oralio  de  lingua  arabica,  proclamait  le  mérite  de  ceux  qui 
«  n'avaient  pas  craint  pour  apprendre  cette  langue  d'entreprendre 


1.  .\uciiii  document  autre  que  son  épi-  ccsseur  dans  la  chaire  d'arabe,  ne  semble 
taphe  (V.  infra.  p.  xxvi)  ne  fait  mention  pas  avoir  professé  cette  langue  (V.  supra. 
du   séjour  d'Etienne  Hubert  à  Rome.  Son  p.  xvii). 

retour  à  Paris  eut  lieu  en  1600,  car  Je;in-  3.   Ce  discours  fut  prononcé  au  Collège 

Baptiste  Duval  (qu'il  ne   faut  pas   con-  de  Cambrai  en  1601  (V.  /'■'  Série,  France, 

fondre  avec  G.  Du  Val)  dit  dans  la  préface  t.  II,  p.  3i5,  note  3).   Cette  date  de  1601 

de  son  Dicliimarium  latino-arabicum,  1682.  ne  concorde  pas  avec  celle  (1600)  donnée 

qu'Etienne  Hubert  commença  ses  cours  en  par  Jean-Baptiste  Duval  et  Casaubon  pour 

1600.  Casaubon   (Epistnlx.  170g,  p.  i32)  l'ouverture   du    cours    de    K.    Hubert   (V. 

dit  qu'en  décembre  1601,  E.  Hubert  était  supra,  note  i). 

dans  la  deuxième  année  de   son    cours.    V.  4.  V.  Casauuon.  Epistolœ,    170g,   t.  II, 

cependant  ci-après  la  note  3.  p.  ag/i. 

2.  On  a  vu  que  A.  de  Lisle,  son  prédé-  5.   V.  Ibidem,  t.  I,  j).  iSa. 


XXIV  INTRODUCTION 

des  voyages  lointains,  périlleux  et  coûteux'  ».  Il  eut  recours  pour 
sa  grammaire  arabe,  la  première  qui  ait  été  publiée  par  un  Chré- 
tien, à  ((  des  traités  grammaticaux  des  Arabes  eux-mêmes  »  qui 
lui  avaient  été  procurés  en  partie  jiar  E.  Hubert  ^  Le  savoir  de 
l'orientaliste  français  était,  comme  on  le  voit,  très  apprécié  de  ses 
confrères  de  l'université  de  Leyde.  Scaliger,  en  particulier,  tout 
dérouté  par  les  protocoles  en  prose  rythmique  de  la  chancellerie 
chérifienne,  et  chargé  de  traduire  les  lettres  arabes  adressées  soit 
au  prince  Maurice  de  Nassau,  soit  aux  Etats-Généraux',  devait  s  ai- 
der des  conseils  de  son  ami  français,  plus  familiarisé  que  lui  avec 
le  cursus  des  fekih  marocains*. 

Mais  Etienne  Hubert  n'avait  jjas,  ainsi  qu'Arnoult  de  Lisle,  fait 
fortune  au  Maroc.  Il  en  était  revenu  plus  chargé  de  science  que 
de  richesses.  Il  vivait  de  sa  charge.  Le  Trésor  réglait  alors  très 
irrégulièrement  les  fonctionnaires.  Ne  pouvant  se  faire  payer  ses 
émoluments,  Hubert  fut  obligé  en  iGoi  de  renoncer  à  la  fois  à  sa 
chaire  et  à  Paris  %  et  alla  habiter  Orléans  \  La  retraite  du  savant 
orientaliste  fit  émoi  à  Leyde.  «  Utinam  ille  Hul^erlus,  écrit  Scaliger 
à  Casaubon,  hue  se  recepisset  !  Impetrassem  a  curatoribus  Academiae 

ut  ad    professionem    admittcretur Invideo  illis   qui    illo 

Huberto  hodie  fruuntur  ubi  ille  sit.  Ego  illius  congressu  multum 

profecissem '  »  Mais  Casaubon  fit  davantage;  il  intervint 

auprès  de  personnes  inlluentes,  cherchant  à  obtenir  la  réparation 
des  mauvais  procédés  qu'on  avait  eus  pour  Etienne  Hubert.  Il  lui 
raconte  dans  une  lettre  non  datée  les  démarches  qu'il  a  faites 
auprès  de  «  l'illustrissime  recteur  »,  lequel,  écrit-il,  «  m'a  assuré 


1.  V.   Th.    Erpenius,   Oratio  de   linijua  5.   «  Cum  a  qiiaesloribus  nvimmum  adhiic 
arabica,  1621,  p.  78.  milliim  potucrit  cxtorqucrc,   et  scholae  et 

2.  V.    Th.    Erpemus,    dédicace    de    sa  urbi    coaclus   est  valediccrc   ».   Lettre   do 
Grammatica  arabica,  i6i3.  Casaubon   à    Scaliger    du    6   des   ides    de 

3.  V.  /'''  Série,  Pays-Bas,  t.  I,  p.   i55,  décembre  1601.  Casaubhni  Episiolse,  t.  I, 
Lettre  de  Scaliger  à  Cornelis  d'Aersens,  7  p.  182. 

juillet  1606.  6.   Le  fait  qu'Etienne  Hubert  se  retira  à 

i.  V.  la  lettre  de  Scaliger  à  Et.  Hubert,  Orléans  est  établi  par  la  suscription  d'une 

datée  des  ides  d'octobre  1607,  dans  Scali-  lettre   de   Casaubon,   sans   date,  mais    qui 

GERi  Epistolx,  1627,  p.   6g/i.  V.  aussi  la  doit  être  de  décembre  1601.  V.   Ibidem, 

lettre  de  Scaliger  à  Casaubon,  du   i5  des  t.  I,  p.  683. 

calendes  de  mars  160O,  Ibidem,  p.  3o8.  7.   V,  Scaligeri  Epislola;,  p.  208. 


INTRODUCTION  XXV 

qu'il  allait  tout-à-fait  régler  votre  affaire  avec  le  trésorier'  ».  Et  en 
effet  Etienne  Hubert  put  rentrer  à  Paris,  ayant  obtenu  satisfac- 
tion. 

La  situation  du  professeur  allait  encore  s'améliorer  :  en  1602 
Henri  IV  le  nommait  son  médecin  ordinaire  aux  appointements  de 

I  200  livres  en  remplacement  du  sieur  Jean  de  Suberville".  L  étude 
de  la  langue  arabe  faisait  sans  doute  négliger  un  peu  à  Etienne 
Hubert  ses  nouvelles  fonctions,  car  le  22  mai  i6o5  le  Roi  dut  le  dis- 
penser par  brevet  de  ses  services  du  quartier  de  janvier  1606,  pour 
qu'il  put  «  aller  en  Espagne  et  de  là  rechercher  les  meilleurs  livres 
en  langue  arabique  et  les  faire  apporter  en  France,  et  aussy  pour 
conférer  et  discourir  avec  les  Arabes  qui  estoient  au  royaume  de 
Valence'  ». 

Il  continua  de  professer  l'arabe  au  Collège  Royal  jusqu'à  ce  qu'il 
se  démit  de  ses  fonctions  *,  ce  qui  eut  lieu  au  plus  tard  en  iGiS". 

II  se  retira  à  Orléans  et  y  mourut  peu  de  temps  après,  le  20  juin 
i6i4'',  à  l'âge  de  k~  ans.  On  l'enterra  dans  sa  ville  natale  en 
l'église  et  monastère  de  Saint  Samson  «  au  cloislre  des  moines  d  où 
monsieur  son  oncle  estoit  prieur'  ».  Son  épitaphe  en  hébreu,  en 
arabe,  en  grec  et  en  latin  "  fut  composée  par  ses  élèves.  L'église  de 
Saint  Samson   a  été  détruite,    mais  l'inscription   latine    avait   été 

1.  «  Niidius  quartus  affirmabat  mihi  decin  ordinaire  du  Roy  et  lecteur  pour  Sa 
clarissimus  prœsul,  quem  nosti,  se  omnino  Majesté  en  langue  arabitjue  »  (Ibidem, 
apud  To'v  f otÇoçj)  axa  tuum  negotium  esse        f.  98). 

confecturum.  »  Casauboni  epislolse,  t.  II,  0.   Cette  date  est  fournie  par  l'épilaphc 

p.  633.  d'E.  Hubert.  V.  infra,  p.  xxvi.  La  date  de 

2.  V.  Bibliothèque  Nationale,  Coll.  Clai-  i6i6donnéeparG.  Du  VALCstdoncerronée. 
rambmilt,  vol.  887,  pp.  3333  et  332/(.  D'aillour.s l'historien  du  Collège  Royal  écrit 

3.  V.  Guillaume  Du  Val,  op.  cit.,  que  Gabriel  Slonita  «  obtint  la  chaire 
p.  3i.  royalle  en  Arabe,  vacante  par  le  décès  dudit 

/|.   «  De  laquelle  royale  profession  |pro-  Hubert,   le  sixiesme  jour  de  février  i6i5, 

fesseur  en  langue   arabique]   il  se  dcmist  outre  la  démission  dudit  Hubert,  cy-dcssus 

volontiers...  n  G.  Du  Val,  p.  3i.  alléguée...  »  G.  Du  Val,  op.  cit..  p.  32.  En 

5.   Cela  résulte  d'un  acte  do  la  paroisse  outre  Maussac,  dans  un  ouvrage  paru  en 

SainUMaclou   d'Orléans  du    i8   novembre  i6i5,    parle     d'Etienne    Hubert     comme 

i6i3,  dans  lequel  Etienne  Hubert  est  qua-  décédé.  Maussac,    !\ot.    in  Plularchiim  de 

lifié  seulement  de  «  médecin  ordinaire  du  fluviis,  p.  276. 

Roy  »  {Arch.  départ,   du   Loiret  GG  y.'tO),  7.  V.  G.  Du  Val,  op.  cit..  p.  3i. 

alors  que  dans  un  acte  de  la  paroisse  Sainte-  8.   Cf.    Dom    Gi^uou,    Bibliothèque    des 

Catherine  du  20  avril  1G02,  il  est  dit  u  mé-  auteurs  Orléanais,  t.  I,  p.  238. 


XXVI  INTRODUCTION 

relevée  par  l'érudit  Gaignières'  et  nous  la  donnons  d'après  lui'  : 

Stephano  Hueerto  Aurelio  consilliario  medico  regio  arabica  lingue  primo 
professori  et  likguarum  orienta 
lium  secretario  interpreti  qui  ab 
Henrico  magno  Franc,  et  Navar. 
rece  chbistianiss.  ad  mauritanie 
imperatorem  missus  suam  legatio 
nem  honorificè  perfunctus  linguam 
arabicam  didicit  rome  excoluit 

REVERSUS    SEPULTAM    IN     GalLIA    EX 

CITAVIT    ET    IN     VICINAS    REGIONES 

PROPAGAVIT    OBIITQ.     ANNO    ilTATIS    SUE    47    REPARAT.E     SALUTIS      1614. 

JUNII    DIE    20. 

FrANCISCUS    HuBERTUS    FRATER     REGIS 

CONSILIARIUS    ET    RATIONUM     REGIARUM    AUDITOR     PABENTABAT  ■*. 

Ce  ne  fut  que  le  6  lévrier  i6i5  qu'Etienne  Hubert  fut  remplacé 
dans  la  chaire  d'arabe  du  Collège  de  France  par  un  Syrien  du 
Mont  Liban  nommé  Gabriel  Sionita'. 

Outre  sa  science  philologique  et  ses  connaissances  médicales, 
E.  Hubert  avait  étudié  la  théologie,  ce  qui  n'était  pas  sans  étonner 
Pierre  de  L'Estoile,  qui  écrit  dans  son  journal  à  la  date  du  i5  sep- 
tembre 1609  :  «  Ce  jour,  à  la  prière  d'un  ami,  je  monstrai  mon 
estude  à  trois  honnestes  hommes  qui  la  vinrent  voir  et  y  furent 
trois  iieures,  dont  il  m'ennuioit  bien...  le  tiers,  ung  médecin  nommé 
Hubert,  catholique,  fort  sçavant  es  langues  orientales  et  qu'on  dit 

1.  Cf.  Bibl.  Nat.  Ms.  fr.  S22g,  f.  55,  lamcdrcincd'Avicenncct d'Avcrroèsamcna 
n"  102.  —  Ce  Ms.  fait  partie  d'une  collée-  peu  à  peu  l'abandon  de  l'étude  de  la  langue 
tlon  de  vingt-cinq  volumes  (8216-8240)  arabe,  et  l'on  ne  vit  plus  de  médecins 
qui  sont  catalogués  sous  le  titre  général  :  enseigner  cette  langue  au  Collège  Royal. 
Recueil  d'épUap)ies  Joriné  par  Pierre  Clai-  L'usage  s'établit,  à  défaut  d'orientalistes 
rambaidt  en  partie  ai)ec  des  débris  du  cabinet  français,  de  rccniter  pour  les  fonctions  de 
de  Gaignières,  secrétaire-interprète  des  Arméniens  ou  des 

2.  Onlitentête;  «Orléans  —  Jesuitles»  Syriens.  Mais  les  conséquences  fâcheuses 
et  plus  bas  :  «  Epit.  de  marbre  noir  à  droite  résultant  de  l'emploi  d'étrangers  pour  les 
dans  le  fond  de  l'église,  en  entrant  par  la  négociations  y  fit  renoncer  vers  le  milieu 
grande  porte  ».  du  xviic  siècle.  Cf.  De  Guignes,  Essai  his- 

3.  On  lit  au  dessous,  de  la  main  du  co-  torique  sur  l'origine  des  caractères  orientaux 
piste  :   c<  Le  reste  est  en  hébreu  ou  grec  »,  de  l'Imprimerie  royale;  Dugat,  Histoire  des 

/).  Cf.  G.  Du  Val,  loc.  cit.,  pp.  3i-32.  orientalistes  de  l'Europe  du  wi"  au  xix"  sih- 
—  .\prùs  Etienne  Hubert,  le  discrédit  de         de,  t.  1,  p.  xxiv. 


INTRODUCTION 


estre  assez  bon  théologien  pour  ung  médecin,  duquel  la  profession 
ne  s'accorde  t^uèrcs  bien  avec  l'autre  '  ». 


o"- 


Georges  Fornier.  —  Au  mois  d'avril  iSgi ,  le  poste  de  consul  au 
Maroc  se  trouvait  vacant  par  suite  de  la  mort  do  Guillaume  Bérard  ". 
Le  sieur  Georges  Fornier,  «  marchand  natif  et  originaire  de  Mar- 
seille »,  qui  avait  séjourné  au  Maroc  et  y  avait  fait  l'intérim  du  titu- 
laire, rentré  en  France  en  février  i589\  adressa  une  requête  aux 
magistrats  municipaux'  de  cette  ville  à  l'efifct  d'être  pourvu  du  dit 
office  de  consul.  Pour  donner  plus  de  poids  à  sa  demande,  il  lu  lit 
appuyer  par  les  «  marchands  dudict  Marseille,  trafficquants  et  nego- 
lians  ausdicts  royaulmes  de  Fez  et  Marroc  ».  Ceux-ci,  «  considé- 
rant la  nécessité  importante  de  la  conservation  du  négoce  »  ainsi 
que  le  préjudice  qui  résultait  non  seulement  pour  leurs  intérêts, 
mais  encore  pour  les  «  droits  et  grandeurs  de  Sa  Majesté  »  de  voir 
le  Maroc  «  destitué  de  consul  »,  donnèrent  un  avis  favorable  à  la  no- 
mination de  G.  Fornier.  Nous  «  déclarons,  disaient-ils,  que  nen- 
thandons  empescher,  ains  plustot  dezirons —  et  la  grandeur  de  ceste 
nation,  bien,  repos  et  tranquilité  de  tous  les  negossians  ausdittcs 
parties  —  que  ledit  Fornier  soit  receu,  nommé  et  promeu  en  ladite 
charge  et  estât  consullaire  ausdiltes  parties.  .  .  .'». 

Les  magistrats  municipaux  de  Marseille  n'étaient  pas  compétents 
pour  conférer  cette  charge,  mais,  en  raison  des  troubles  de  la 
Ligue,  ils  crurent  pouvoir  donner  à  Georges  Fornier  le  27  avril 
iSgi  des  lettres  patentes  le  nommant  «  consul,  protecteur  et  dcITan- 
ceur  desdits  manans  et  habitans  dudit  Marseille  et  de  tous  autres  de  la 
nation  française  navigant,  tiafficjuant  et  negocians  auxdits  royaumes 
de  Fez  et  Marroques  et  aultres  lieux  despandant  dcsdittes  contrées  ». 

I.   P.  DE.  L'EsTOiv^,  Mémoires-journaux.  3.   «     Et    mosmns    ayant    exerce    ladite 

édit.   de   la    Lib.    des   Bibliophiles,    t.    X,  charge  par  quelques  années,  du  vivant  du- 

p.  16.  dit  lîcrard  et  en  son  absence  d'iccUc  ».  V. 

3.   Guillaume  Bérard   était   mort  «  ces  infra.  Addenda,  p.  768. 
mois  passés  ».  V.  infra.  p.  768,  le  certifî-  4.   Leur  titre  était  «  les  consijs  de  la  ville 

cat  des  marchands  de  Marseille  daté  d'avril  de  Marseille  »  ;   on  a  préféré  ne  pas  em- 

iSgi.  Les  lettres  de  nomination  octroyées  ployer  cette  désignation  pour  éviter  toute 

à  Fornier  par  les  magistrats  municipaux  de  confusion  entre  leur  fonction  et  celle  des 

Marseille  et  datées  du  37  avril  iSgi  portent  consuls  à  l'étranger. 

«  que  Guilheaume  Bcrard...  seroit  naguière  5.  V.  infra.  p.   75g,  Certificat  des  mar- 

dexedé  ».  V.  injra,  p.  760.  ckands  de  Marseille. 


XXVm  INTRODUCTION 

Ils  demandaient  à  Sa  Majesté  Très-Chrétienne  et  à  monseigneur  le 
duc  de  Mayenne  de  vouloir  bien  confirmer  cette  a  nomination,  eslec- 
tion  et  érection  de  consuUat  au  profiit  dudit  Fournier  clluy  en  fere 
expédier  lettres  à  ce  opportunes'  ». 

Cinq  mois  se  passèrent  sans  que  cette  confirmation,  par  suite  des 
troubles  de  la  Ligue,  pût  être  obtenue.  C'est  pourquoi,  le  9  sep- 
tembre iBqi  ,  Georges  Fornier  s'adressa  au  parlement  de  Provence, 
demandant  à  être  commis  au  dit  office  de  consul  ((  et  ce  par  provision 
et  jusques  à  ce  qu  il  ayt  moien  d'obtenir  lettres  de  provision  de  ladite 
charge  du  Roy  Très-Chrestien  ou  s'  duc  de  Mayenne,  lieutenant 
gênerai  de  l'Estat  royal  et  coronne  de  France  et  conseil  gênerai  de 
l'Union  des  Catholiques"  ».  Sur  le  vu  de  cette  requête,  du  certificat 
des  marchands  et  des  lettres  de  nomination  des  magistrats  muni- 
cipaux, le  Parlement  rendit  un  arrêt,  le  19  septembre  1691 .  ordon- 
nant à  Fornier  de  se  pourvoir  dans  un  délai  de  six  mois  auprès  du 
Roi  ou  de  Mayenne,  afin  d'obtenir  un  titre  régulier.  Mais  l'arrêt 
ordonnait  en  outre  que  l'impétrant  serait  autorisé  à  exercer  la  charge 
de  consul  «jusques  à  ce  que  aultrement  en  soit  ordonné^  ». 

En  conséquence  de  cet  arrêt,  le  même  jour,  il  fut  délivré  à  Georges 
Fornier,  au  nom  du  roi  ligueur'  Charles  de  Bourbon,  des  lettres  paten- 
tes le  nommant  consul  au  Maroc,  sous  la  réserve  indiquée  ci-dessus. 

Pourvu  de  ce  titre  d'une  validité  conditionnelle,  Georges  Fornier 
partitpour  le  Maroc, mais  il  évita  de  s'établira  Merrakech,oii  Moulay 
Ahmed  el-Mansour,  sous  l'influence  de  Arnoult  de  Lisle,  lui  aurait 
sans  doute  fait  un  médiocre  accueil,  et  il  alla  résider  auprès  de  Moulay 
ech-Cheikh,  à  Fez,  qui  était  alors  le  foyer  des  intrigues  espagnoles. 
Le  parti  de  la  Ligue  eut  ainsi  au  Maroc  un  consul  officiel,  en  même 
temps  qu 'Arnoult  de  Lisle  représentait  à  Merrakcch  le  parti  de 
Henri  IV. 

On  manque  de  détails  sur  le  séjour  de  Georges  Fornier  au  Maroc. 

1.  \.  infra,  ces  lettres  de  nomination,  g  mai  de  la  même  année.  Dans  la  néces- 
Addenda,  p.  760.  site  de  trouver  un  roi  au  nom  duquel  l'acte 

2.  V.  j"  Série,  France,  t.  II,  p.  ig4.  fût  rendu,  le  parlement  de  Provence  adopta 

3.  \.  le  texte  de  cet  arrêt  /"  Série,  celui  de  Charles,  cardinal  de  Vendôme, 
France,  t.  II,  pp.  194-195.  puis  de  Bourbon  (iSGa-iSgi),  neveu  du 

4.  Ce  roi  ne  pouvait  être  le  vieux  car-  précédent.  Los  Ligueurs  avaient  agité  la 
dinal  de  Bourbon  proclamé  roi  sous  le  nom  question  de  le  reconnaître  pour  Roi.  La 
de  Charles  X  le  3  mars  i5go,  mais  mort  le  conversion  deHenriIVrendit  vain  ce  projet. 


INTRODUCTION  XXIX 

Bien  que  le  roi  Henri  IV  n'ait  jamais  confirmé  les  lettres  de  provi- 
sion de  cet  agent,  celui-ci  passa  de  longues  années  au  royaume  de 
Fez,  car  sa  présence  y  est  encore  constatée  au  mois  d'octobre  1608 
par  l'envoyé  des  Etats-Généraux  des  Provinces-Unies,  P.  M.  Coy  '. 
L'agent  hollandais,  pour  le  distinguer  de  A.  de  Lisle,  le  qualifie 
de  «  consul  de  Marseille  ».  Si  Georges  Fornicr  n'obtint  jamais  la 
régularisation  de  sa  nomination  à  l'ofiice  de  consul,  il  géra  du 
moins  fructueusement  ses  afiaircs  personnelles,  car,  à  son  retour 
en  France,  il  établit  richement  ses  filles,  qui  épousèrent  des  gen- 
tilshommes de  la  Provence  "'. 

Robert  de  Marseilles.  —  Gentilhomme  normand  au  service  de 
Henri  de  Bourbon,  duc  de  Montpensier'.  Il  est  mentionné  comme 
résidant  à  Merrakech  dans  un  acte  successoral  du  28  juin  lagS'. 
Il  accompagna  Arnoult  de  Lisle  à  Merrakech  en  iGoG  etfutchaigé 
parluid'entrer  en  relations  avec  Sir  Anthony  Sherley.  afin  d'arriver 
à  connaître  l'objet  de  la  mission  de  cet  ambassadeur  °.  On  le  voit 
encore  à  Merrakech  le  7  juillet  1609,  date  oii  il  signe  une  attes- 
tation en  faveur  de  P.  M.  Coy,  l'agent  des  Provinces-Unies °. 

Jean  Mocquet.  —  Il  naquit  vers  i5"6.  Le  lieu  de  sa  naissance 
n'est  pas  certain.  Eyriès  indique  Vienne,  mais  nedonne  pas  la  source 
de  ce  renseignement,  qui  semble  erroné.  Il  est  plus  probable  que  le 
voyageur  vint  au  monde  à  Meaux  ou  dans  les  environs.  «J'estois 
encore  à  la  mamelle  en  i5~6,  écrit-il,  lorsque  mon  père  fut  mis  en 
prison  à  Meaux*.  »  En  outre,  les  villes  auxquelles  il  compare  les  loca- 
lités qu'il  décrit  au  cours  de  ses  voyages,  sont  presque  toutes 
situées  dans  la  Brie. 


1.  V.  /■■'  Série.  Pays-Bas,  t.  I,  p.  298  cl  F,  Registre  des  plaids  de  Roncheville,  années 
noie  I.  i5g8-i5gg. 

2.  V.  Bi!)l.    Nat.   Pièces  originales,  vol.  5.   Sur  Anlony   Sherley,    V.    1"   Série, 
1303.  eoteayoS/f.  France,  t.  II,  p.  33i. 

3.  V.  /■•'  Série.  France,  l.  II,  Lelire  de  6.   V.  /™  Série.  Pays-Bas,  l.  I,  p.  3/i8. 
A.  de  Lisle  à  Villeroy  du  29  janvier  1606,  7.   Biographie  Michaud.  Celle   asserlion 
p.    33 1,   et  noie   5.  —   Son   frère   Pierre  esl   reproduite  par  Lalanne,   Dictionnaire 
de  Marseilles,  sieur  d'Aploraonl,  élait  con-  Historique  de  la  France. 

sciller  cl  procureur  du  roi  au  Havre.  8.  V.    Voyages  de    Jeun   Mocquet,   {Ait. 

4.  V.   Arciiives  dép.  du   Calmdos.  Série  1617,  p.  4^1. 


INTRODUCTION 


Mocquet  fit  de  sérieuses  études  de  botanique  et  de  pharmacie, 
qui  devaient  lui  faire  obtenir  un  jour  la  charge  d'apothicaire  ordi- 
naire du  Roi'.  On  voit  d'ailleurs  qu'il  mettait  les  connaissances 
pratiques  fort  au-dessus  de  la  science  de  certains  chirurgiens,  experts 
en  langue  latine,  mais  manquant  «  de  la  cognoissance  des  medi- 
camens  et  d'expérience  "  ».  Ses  pérégrinations  «  en  terres  eslranges 
et  esloignécs  »  commencèrent  en  1601  '  :  il  n'avait  d'autre  but  que 
de  parcourir  le  monde.  Dans  la  suite,  la  plupart  de  ses  voyages 
furent  entrepris  à  la  demande  du  roi  Henri  IV'',  à  la  cour  duquel 
on  constate  sa  présence  en  i6o5:  Mocquet,  à  cette  date,  revenant 
d'Amérique,  explique  devant  le  Roi  à  Fontainebleau  comment  les 
Indiens  se  procurent  du  feu  en  frottant  de  petits  bâtons  ^ 

Dans  la  série  de  ses  voyages'',  ceux  qu  il  accomplit  au  Maroc  sont 
chronologiquement  le  premier  (1G01-1602)  et  le  troisième,  qui  eut 
lieu  en  1606- 1607. 

Il  s'embarqua  la  première  fois  à  S'-Malo.  le  9  octobre  1601.  sur 
un  navire  appelé  «  la  Sirène  ».  chargé  de  sel  et  qui  allait  faire  la  pèche 
au  banc  d'Arguin.  Après  avoir  repoussé  une  attaque  de  pirates,  le 
navire  mouilla  près  du  Cap  Blanc.  Mocquet,  étant  descendu  à  terre 
pour  se  procurer  quelcpies  œufs  d'autruche,  faillit  être  pris  par  les 
Maures.  «  La  Sirène  »  alla  pêcher  au  large  du  fort  d'Arguin  occupé 
par  les  Portugais,  mais  les  Espagnols  survinrent  avec  cinq  navires, 
s'emparèrent  du  bâtiment  et  le  ramenèrent  à  San  Lucar  de  Barrameda 


1.  C'est  ainsi  que  Mocquet  est  qualifié  compte  de  son  voyage  au  Roi.  V.  t"  Série, 
dans  le  «  privili'ge  »  de  son  livre  en  date  France,  t.  II,  p.  417.  Il  mentionne  assez 
du  12  août  16 16.  Il  semble  avoir  exercé  fréquemment  ses  entretiens  avec  Henri  IV 
celte  fonction  au  moins  depuis  i6o5,  date  et  Louis  XIII. 

de  son  départ  pour  un  deuxième   voyage  5.  y  AaVoyaijes  de  JeanMocquel.^.81. 

au  Maroc,  dont  il  rendit  compte  au  Roi  à  6.   Mocquet  fit  6  voyages  :  i"  sur  la  côte 

son  retour.  d'Afrique  et  au  Maroc  (1601-1602);  2°  sur 

2.  V.  /"  Série,  France,  t.  II,  p.  388.  le  Maragnon,  avec  La  Ravardière  (i6o4); 

3.  Ce  premier  voyage  conduisit  Jean  3°  au  Maroc  (1G05-1607);  4°  à  Mozam- 
Mocquct  précisément  au  banc  d'Arguin  et  bique  et  Goa  (1607-1610);  5"  en  Syrie  et 
sur  la  côte  du  Maroc.  Terre  Sainte(i6i  1-1612);  6°,  en  ce  voyage 

Ix.  Dans  la  dédicace  de  son    ouvrage  à  Mocquet  voulait  faire  le  tour  du  monde; 

Louis  XIII,  Mocquet  dit  que  Henri  IV  lui  mais  il  ne  put  aller  plus  loin  que  Cadix 

avait  fait  l'honneur  de  lui  commander  une  (i6i/i-ifii5).   Le  récit  de  ces  voyages  est 

bonne  partie  de  ses  voyages.  A  son  retour  d'un  grand  intérêt,  car  Mocquet  est  un  au- 

du  Maroc,  en  1607,  Mocquet  était  allé  rendre  leur  véridique  et  précis. 


INTRODUCTION  XXIX 

(février  1602).  Fort  heureusement,  l'adelanlado  ne  maintint  pas 
l'embargo  et  le  capitaine  de  «  la  Sirène  »  se  hâta  d'aller  à  Lisbonne 
afin  de  vendre  son  poisson  «pour  le  caresme  »  ;  mais  il  s'en  trouva 
beaucoup  d'avarié  qu'on  dut  jeter  à  la  mer.  «  La  Sirène»  ayant  été 
affrétée  à  Lisbonne  pour  porter  un  chargement  de  blé  à  Mazagan, 
dont  la  garnison  portugaise  se  mourait  de  faim,  Moccpiet  repartit 
pour  la  côte  africaine  le  28  avril  1602.  L  arrivée  du  navire  sauva 
une  fois  de  plus  Mazagan  de  la  famine.  Mocquet,  très  bon  observateur, 
fait  bien  connaître  la  vie  misérable  des  soldats  portugais  dans  les 
«fronteras  ».  Il  rentra  à  S'-Malo  le  i"  août  ir)02  '. 

Le  second  voyage  de  Jean  Mocquet  au  Maroc  avait  priiuilivemenl 
pour  but  les  Indes  Orientales,  mais  à  Lisbonne,  n'ayant  pu  réa- 
liser ce  projet,  il  s'embarqua  le  3  août  1606  sur  un  navire  de 
La  Rochelle  allant  en  Barbarie.  Ce  navire  ayant  fait  escale  à  Safi 
(8  août  1 606)  et  la  présence  de  l'apothicaire  français  ayant  été  connue, 
on  demanda  à  ce  dernier  de  donner  des  soins  au  secrétaire  de  Moulay 
Abou  Farès,  venu  récemment  avec  une  caravane.  Mocquet  admi- 
nistra au  malade  une  telle  purgation  qu  il  lui  fit  «  jetter  par  bas 
comme  de  petits  serpenteaux.  .  .  .  tels  qu'on  ne  pourroit  presque 
s'imaginer  que  si  vilaine  et  horrible  chose  peut  cstre  dans  le  corps 
d'un  homme"». Cette  cure  fit  sa  réputation  et  on  lui  proposa  d'accom- 
pagner la  caravane,  qui  retournait  à  Merrakech.  Il  quitta  Safi  le 
28  août  et  arriva  le  2  septembre  dans  la  capitale  chérifienne.  où  il 
alla  rendre  visite  au  sieur  A.  de  Lisle,  logé  dans  le  Mellah.  Mocquet 
fait  de  la  ville  et  des  habitants  une  description  très  fidèle  et  donne 
sur  la  situation  troublée  du  Maroc  des  renseignements  intéressants. 
Il  quitta  Merrakech  le  22  octobre  et  revint  à  Safi  trois  jours  après. 
La  chute  de  Moulay  Abou  Farès  et  la  nécessité  d'obtenir  un  nouveau 
passeport  de  son  successeur  le  retinrent  deux  mois  sur  la  côte,  pen- 
dant lesquels  il  alla  herboriser,  recueillant  «  des  plantes  et  de  très 
belles  fleurs  pour  en  rapporter  au  Roy  ».Ilput  s'embarquer  le  2  4  jan- 
vier 1607  et  arriva  au  Havre  le  17  mars'. 

A  la  veille  de  son  cinquième  voyage,  accompli  en  Syrie  et  en 


I.   V.  /"  Série.  France,  t.  II,  |>p.  383-  2.  V.  ["Série,  France,  t.  II,  p.  Sgi. 

3g I,  le  récit  du  |)rcmicr  voyage  de  Jean  3.   V.  le  récit  de  ce  voyage,  /"  Série. 

Mocquet  au  Maroc.  France,  t.  Il,  pp.  391-^17. 


XXXII  INTRODUCTION 

Terre  Sainte  de  1611  à  1612,  Mocquet,  suivant  son  habitude,  vint 
à  Paris  faire  sa  révérence  au  jeune  roi  Louis  XIII  et  à  la  reine 
régente.  «  Leurs  Majestés,  raconte-t-iL  furent  bien  aises  de  voir  mes 
singularitez  et  commandèrent  de  me  faire  bailllcr  lieu  propre  en 
leur  palais  des  Thuilleries  pour  y  dresser  un  cabinet  de  toutes 
sortes  de  raretez  et  choses  curieuses  que  j'avois  pu  ramasser  en  tous 
mes  voyages  par  le  monde'  ».  Ainsi  fut  créé,  en  16 12.  le  premier 
musée  royal.  Jean  Mocquet,  déjà  apothicaire  ordinaire  du  Roi,  en 
fut  nommé  conservateur.  On  voit  en  efTet  que,  le  8  octobre  1616, 
le  Roi  ordonna  au  trésorier  de  1  Epargne  de  payer  la  somme  de 
quatre  cent  cinquante  livres  à  u  Jehan  Mocquet,  l'un  de  noz  appo- 
thicaires  et  garde  de  nostre  Cabinet  des  singularitez  en  nostre 
pallais  des  Thuilleries...,  de  laquelle  nous  lui  avons  faict  et  faisons 
don  par  ces  présentes  signées  de  nostre  main  en  considération  de 
ses  services^.  » 

La  relation  imprimée  des  voyages  de  Jean  Mocquet  porte  la  date 
de  161 7,  et  l'absence  de  toute  mention  du  voyageur  à  partir  de 
cette  époque  dans  les  mémoires  et  journaux  du  temps  donne  lieu 
de  croire  qu'il  a  survécu  de  peu  à  la  publication  de  son  ouvrage. 

Guillaume  Curiol.  —  Lorsque  les  relations  diplomatiques  avec  le 
Maroc  eurent  été  renouées  par  la  deuxième  mission  de  A.  de  Lisle, 
Henri  IV,  qui  ne  reconnaissait  pas  la  nomination  faite  par  les 
Ligueurs  de  Georges  Fornier  comme  consul  en  ce  pays  et  qui  con- 
sidérait que  cet  office  était  vacant  depuis  la  mort  de  Guillaume 
Bérard,  y  nomma  par  lettres  patentes  du  iG  septembre  1(307'  '^ 
sieur  Guillaume  Curiol,  marchand  et  citoyen  de  la  ville  de  Marseille*. 
11  accordait  en  môme  temps  la  survivance  de  la  charge  à  Jean  Phi- 
lippe Castelane.  Guillaume  Curiol  éprouva  sans  doute,  comme  ses 
prédécesseurs,  de  grandes  difficultés  à  faire  acquitter  par  les  négo- 
ciants français  les  droits  qui  lui  revenaient  en  raison  de  sa  charge. 


1.  V.  Voyages  en  Afrique,  Asie....  faits  878,  les  provisions  de  G.  Curiol. 

par  Jean  Morijuel.  Ed.  princeps,  p.  4i8.  l\.  On  trouve  un  Jean  Curiol  deuxième 

2.  MWÀ.'^Ai.  Pièces  orhfmales.  vol.  ig/5.  échevin  de  la  ville  de  Marseille   en  i664. 
cote  45.35y,  n"  2.  Cf.    O.    Teissier,    Les    anciennes  familles 

3.  V.   i"  Série,  France,  t.  Il,  pj).  37O-  marseillaises. 


INTRODUCTION  XXXIII 

Aussi,  après  la  mort  de  Henri  IV,  dans  les  lettres  de  coiifirmalion  ' 
qui  lui  furent  données  par  Louis  XllI,  le  22  septembre  iGio,  il 
est  recommandé  au  duc  de  Guise,  gouverneur  de  la  Provence,  de 
faire  cesser  «  tous  troubles  et  empêchements  apportés  à  l'exercice 
de  ladite  charge  ». 

Guillaume  Curiol  dut  mourir  ou  résigner  ses  fonctions  avant 
décembre  t6ii,  année  où  la  présence  de  Jean  Philippe  Castelane, 
qui  avait  la  survivance  de  son  consulat,  est  constatée  au  Maroc'. 

Je.^n  Philippe  Castelane.  —  Il  appartenait  à  une  famille  de 
marchands  marseillais,  dont  on  retrouve  plusieurs  membres  à  Tunis 
et  à  Smyine  durant  le  cours  du  xvn"  siècle  ^  La  première  mcnlion 
que  nous  ayons  de  lui  remonte  à  juillet  160A.  A  cette  époque  il 
était  patron  d'un  navire  à  bord  iluipiel  se  trouvait  un  chaouch 
envové  par  le  Grand  Seigneur  auprès  de  Henri  l\  pour  lui  remettre 
une  lettre  du  28  août  iGo3  rinformant  des  mesures  qu'il  avait 
prises  pour  assurer  la  protection  du  commerce  dans  le  Levant  *.  Ce 
chaouch,  après  avoir  été  reçu  à  Paris  par  le  Roi,  alla  sur  le  bâti- 
ment de  Castelane  pour  porter  au  pacha  d'Alger  les  ordres  du  sultan. 
Castelane  devait  s'employer  à  obtenir  la  libération  des  captifs  du 
Bastion  de  France  et  la  reconstruction  de  cet  établissement.  Cette 
mission  n'eut  pas  de  succès  '  et  le  Divan  d'Alger  devenu  le  seul 
maître  déclara  que  a  celui  qui  proposerait  de  rétablir  le  Bastion 
serait  puni  de  mort».  Primitivement  le  chaouch  du  Grand  Seigneur 

1.  V.  CCS  lettres  de  confirmation,  1"  Hé-  On  voit  que  le  nom  di-  l'liili|>{i<'  ou  I'licli]>fi 
rie.  Franco,  l.  II,  pp.  5o8-5io.  n'est   pas   un    pronom,    mais  un    nom  <lc 

2.  V.  /"  Série.  Pays-Bas.  t.  II,  pp.  22-  famillp.  Les  provisions  de  1C107  cH  lOio  ne 
23,  et  infra,  p.  xxxiv.  mentionnent  que  Jean  l'iR-lipt.  sans  ajoiUcr 

3.  On   trouve  en    1C70  un   François  ilc  Caslrlaru^ 

Castelane, marchand  français àTunis(Arcli.  !i.   V.    /"  Série,  France,   t.  II,  p.  Sai. 

de  la  Chambre  de  commerce  de  Marseille  Lettre   de   Mahomet   III   à   Henri  IV,    j3 

ce  i55).  Ln  autre  marchand  ,leau  Philippe  août  i6o3. 

Castelane  mourut  à  Smyrne  en  1G88.  En  5.   \.  le  récit  qu'en  l'ait  Castelane  dans 

outre  il  existe  un  volumineux  dossier  rela-  sa  lettre  au  duc  do  Guise  du  1 1  juillet  lOoi- 

lif  à  un  procès  que  son  père  Henry  Phi-  Bihl.   Nal.,    Ms.    fr.    aS  198,    f.    238.   Cf. 

lippe    Castelane    intenta    à    Jean-Baptiste  également    la    lettre    de    P.   Vias,    consul 

Fabre,  marchand  français  établi  à  Constan-  de  France  à  Alger  au  duc  de  Guise  du  3 

tinople,   pour  délournement  de  sa  succès-  août   iGo-^,  Ibidem,   ff.  23C-237,  et  Gkam- 

sion  (Bibl.  Nat., /mprimés,  T/iois)',  uoi. /o5).  mont,  Hist.  d'Alger,  p.  i.'iO- 

Dt    C.tSTKIES.  111.    —  c 


XXXIV  INTRODUCTION 

devait  aussi  se  rendre  au  Maroc  auprès  du  cliérif  Moulay  Ahmed 
el-Mansour.  Mais,  celui-ci  étant  mort  le  2 4  août  iGo3,  il  y  a  lieu  de 
croire  que  la  lettre  du  sultan  au  Chérif  '  ne  fui  jamais  portée  au 
Maroc. 

Jean  Philippe  Castelane  avait  donc  déjà  à  cette  époque  été  em- 
ployé par  la  cour  de  France.  Aussi,  lorsque  Arnoult  de  Lisle  eut 
rétabli  les  relations  diplomatiques  avec  le  Maroc,  le  capitaine  mar- 
seillais obtint-il  aisément  la  survivance  de  la  charge  de  consul  en 
ce  pays,  charge  qui  avait  été  conférée  à  Guillaume  Curiol  par  lettres 
patentes  de  Henri  I\  du  16  septembre  1607.  Ces  lettres  portent 
que  la  nomination  de  Curiol  est  faite  «  à  condition  toutesfois  de 
survivance  de  luy  [G.  Curiol]  et  de  Jean  Phelipe,  aussy  citoyen  de 
nostre  ville  de  Marseille'  ».  Ces  lettres  patentes  furent  confirmées 
avec  la  même  clause  par  Louis  XIII  le  22  septembre  1610'. 

On  ne  trouve  pas  trace  de  la  venue  de  Castelane  au  Maroc  avant 
161 1.  Curiol  dut  probablement  mourir  ou  du  moins  resigner  sa 
charge  cette  année-là,  car  en  décembre  iGii  on  constate  l'arrivée 
à  Safi  '  de  Castelane,  sur  son  vaisseau  «  le  iVotre  Dame  de  la 
Garde  ».  Aux  termes  de  ses  lettres  de  provision,  il  ne  semble  pas 
que  le  capitaine  marseillais  ait  été  investi  d'autres  pouvoirs  que  de 
ceux  de  consul  °  ;  ses  attributions  étaient  celles  de  Guillaume  Bérard 
auquel  il  succédait  en  Aiit.  puisqu'on  ne  trouve  aucune  preuve  du 
séjour  de  Curiol  au  Maroc.  Mais  Castelane  paraît  avoir  eu  de  sa 
mission  une  conception  beaucoup  jîIus  grande  :  il  montra  au  Chérif 
le  texte  d'une  alliance  entre  le  roi  de  France  et  le  Grand  Seigneur' 


1.  V.  cette  lettre,  datée  comme  celle 
adressée  à  Henri  IV,  du  ii  aoilt  i6o3.  /"' 
Série,  France,  t.  II,  p.  oai. 

2.  V.  ces  provisions,  i'''  Série,  Iraiicc, 
t.  II,  p.  376. 

3.  Y.  cette  confirmation.  Ibidem,  p.  5o8. 

!\.  V.  la  lettre  de  Moulay  Zidàn  à  Sa- 
muel Pallachc  du  i3  février  1612,  /'''■  Sé- 
rie, Pays-Bas,  t.  II,  pp.  22  et  23. 

5.  Castelane  fit  d'ailleurs  une  déclara- 
tion dans  ce  sens,  lorsqu'après  la  capture 
de  son  navire  il  fut  interrogé  par  Juan  de 
Lara.  «  Un  Frances  que  dize  avia  salido 
por  horden  del  rey  de  Francia  a  Iralur  de 


poncr  un  consul  en  Marruecos  para  el  res- 
cate  de  los  Franceses  ».  V.  i"  Série,  Es- 
jiagnc.  Lettre  de  Juan  de  Lara  à  Medina- 
Sidonia.  à  la  date  du  i3  juillet  l6i2. 
L'amiral  Fajardo,  confirmant  le  renseigne- 
ment donné  par  son  lieutenant,  écrivait  à 
Ciriça  :  «  El  consul  de  aquella  nacion  que 
fue  dcsde  Marsclla  con  cartas  suyas  a  pedir 
unos  cautivos  franceses  ».  V.  Ibidem,  Lettre 
de  Fajardo  à  Ciriça,  à  la  date  du  0  octobre 
1612. 

Ij.  11  s'agit  du  traité  conclu  entre  la 
France  et  la  Porte  par  M.  de  Brèves  le  20 
mai     iGo4.    On    sait     que     Achmel     1='' 


INTRODUCTION  XXXV 

et  lui  oITrit.  au  nom  de  Louis  XIII.  de  conclure  un  accord  analogue. 
Moulav  Zidàn  accueillit  cettrc  olVrc  avec  empressement  et  rendit  la 
liberté  aux  captifs  français  '.  Castelane  s'en  retourna  avec  un  projet 
de  traité  et  «  deux  lettres  closes  de  parchemin  enfermées  dans  deux 
sachets,  liin  do  soie  verte,  l'anlre  de  damas"  ».  11  emmenait  en 
outre  deuxciievaux  oU'erls  j)ar  le  Chérif,  l'un  à  liouis  XIII,  l'autre 
au  duc  de  Guise,  gouverneui- de  Provence,  de  qui  le  consul  marseil- 
lais tenait  peut-être  des  instructions  diplomatiques.  Il  laissait  au 
Maroc  son  fils  et  son  neveu,  porsoiuiages  svn-  lesquels  nous  ne  pos- 
sédons aucune  autre  indication. 

A  peine  était-il  de  retour  à  Sali  que  Moulay  Zidàn  y  arrivait  lui- 
même  précipitamment,  avec  ses  femmes,  ses  biens  et  quelques  caïds 
fidèles  :  le  marabout  Abou  Maiialli  venait  d'infliger  à  sa  mahalla  une 
sanglante  défaite.  Le  chérif,  voulant  se  rendre  dans  le  Sous  pour  y 
organiser  la  résistance,  affréta  à  cet  effet  le  «  Notre-Dame  de 
la  Garde  »  ainsi  qu'un  ihniic  hollandais  mouillé  à  Safi  pour 
transporter  à  Agadir  une  cargaison  de  peaux  \  Au  retour  les  deux 
bâtiments,  qui  faisaient  voile  de  conserve,  rencontrèrent  un  navire 
hollandais  qu  ils  canonnèrent.  Après  1  avoir  abordé  et  s'être  emparé 
de  ses  vivres  et  de  sa  cargaison,  ils  le  laissèrent  continuer  sa  route* 
et  rentrèrent  à  Safi,  d'où  Moulay  Zidàn  les  fit  repartir  pour  Agadir. 


assurait  par  ce  traité  de   grands  avantages  (z"  Série,  Espagne,  Lcltre  de  Juan  de  Lara 

à  la  France  et  accordait  la  liberté  aux  cap-  à  Mcdina-Sidonia,  à  la  date  du   i3  juillet 

tifs  français  détenus  aux  pays  Barbaresques.  1612);    2"  Par  la  déclaration  de   Moulay 

Cette  dernière  clause  n'avait  reçu  son  appli-  Zidàn  qui  écrit  :  «  Nous  nous  sommes  ser- 

cation  qu'à  Tunis.  vis  de  son  navire  [le  navire  de  Castelane] 

I.  V.  /"  Série.  Pays-Bas,  t.  II,  Lettre  pour   quelques  nostres   ajferes    et   y   avons 

de  Moulay    Ziddn   à    Samuel  Pallache,    i3  chargé  quelques  biens  nostres  »(/"  Série, 

février  1612,  p.  32,  note  7  et  p.  33,  note  i  ;  Pays-Bas,  Lettre  de  Moulay  Zidàn  aux  Élats- 

Ibidem.  p.  108,  Lettre  de  Moulay  Zidàn  aux  Généraux,  à  la  date  du   27  juin  1612,  V. 

Élats-Généraux,  27  juin  1O12.  i"  Série,  Pays-Bas,  t.  H,  p.  108);  3"  Par 

3.   «  Dos  cartas  cerradas  de  pargamino  une  lettre  de  Vaucelas  écrivant  à  Louis  XIII 

celladas  en  dos  fundas,  la  una  de  raso  Aerdc  qu'il  a  vu  les  pièces  du  procès  de  Castelane 

y  la  otra  en  un  damasquillo  ».  V.  /''''  Se-  et  de  ses  compagnons  «  qui  tous  ont  con- 

rie,  Espagne,  Lettre  de  Lara  à  Fajardo  à  la  fessé  avoir  pris  un  certain  vaysseau  de  mar- 

date  du  18  juillet  1612.  cbandz  en  ce  voyage  de  Barbarie  et  que, 

3.   Le    fait   de    ce   premier    voyage    du  par  conséquent,  ilz  [les  juges  espagnols]  ne 

«  Notre-Dame  de  la  Garde  »  de  Safi  à  Aga-  leur  ont  point  fait  de  tort  de  les  condamner 

dir   est   établi  :    1°   Par  la    déposition   de  comme  pirates  ».  V.  France,  t.  II,  p.  Sgi. 

l'équipage    interrogé    par    Juan    de    Lara  4-   V. /'•'.Série.  Espagne,  i3 juillet  1612. 


XXXVI 


I\TTinDL"CTIO>" 


11  embarqua  ses  femmes  et  sa  suite  sur  le  navire  hollandais  '  et 
confia  au  «  Notre-Dame  de  la  Garde  »  le  reste  de  ses  biens  :  c'é- 
taient ses  «  bardes  »  et  surtout  sa  bibliothèque  «  septante-troys  far- 
dous  ou  balles  grandes  de  livres  mahometans"  ».  Le  prix  convenu 
avec  Caslelane  pour  raffrétement  était  de  trois  mille  ducats'. 

Le  i6  juin  1612,  le  navire  hollandais  et  le  «  le  iVolre-Dame  de 
la  Garde  »  arrivèrent  pour  la  seconde  fois  dans  le  port  dAgadir. 
Mais,  tandis  que  le  premier  mettait  à  terre  Moulay  Zidân  et  sa  suite. 
Castelane  refusait  de  débarquer  la  bibliothèque  et  les  caisses  du 
Chérif.  avant  d'avoir  reçu  le  prix  convenu  pour  l'alTrétement  de  son 
navire.  Comme  le  payement  se  faisait  attendre  et  que  d'autre  part 
les  vivres  du  «  Notre-Dame  de  la  Garde  »  commençaient  à  s'épui- 
ser %  Caslelane,  d'accord  avec  son  équipage  °,  prit  un  parti  radical: 
il  mit  à  la  voile  dans  la  nuit  du  22  juin,  emportant  à  son  bord  la 
bibliothèque  et  les  bagages  chérifiens.  Son  intention  manifeste"^  — 
qui  a  été  travestie  par  tous  les  historiens  —  était  de  ramener  son 
navire  à  Marseille  et  de  remettre  le  précieux  dépôt  entre  les  mains 
du  duc  de  Guise,  en  demandant  qu'on  le  désintéressât. 

Il  fut,  pour  son  malheur,  retardé  par  les  vents  contraires  et  se 
trouvait  encore  à  hauteur  de  Salé  le  5  juillet  1612,  quand  il  fut 
rencontré  par  quatre  vaisseaux  espagnols  détachés  de  la  Hotte  de 
l'amiral  Fajardo  et  commandés  par  Juan  de  Lara  ;  ces  vaisseaux 
donnèrent  la  chasse  au  «  JNotre-Dame  de  la  Garde  »  et  s'en  empa- 
rèrent. A  cette  époque  les  Espagnols  se  considéraient  comme  ayant 
le  droit  de  capturer  tout  navire  français  se  trouvant  dans  les  parages 
du  Mai'oc.  Un  interrogatoire  sommaire    de  l'équipage,  fait  pour  la 


1.  V. /'■'Série,  Espagne,  i3  juillet  i6i3. 

2.  V.  /'■'■  Série,  France,  t.  II,  p.  5^2, 
Élat  des  biens  enlevés  «  Mnalay  Ziiiân, 
pp.  54i-5i3. 

3.  V.  i"  Série,  Espagne,  loe.  cit. 

u'|.  «  Hallandosc  sin  bastimento  con  que 
potier  espcrar  ».  j"  Série,  Espagne,  Rela- 
tion Sicolas  André,  à  la  date  du  20  juillet 
1G12, 

5.  «  Hizieron  acuerdo  »,  Ibidem. 

6.  Cela  résulte  de  la  déclaration  fpie  fit 
par  lettre  le  maître  du  vaisseau  à  M.  de 
Vaucelas.  Il  affirma  que  l'on  avait   retenu 


les  liardes  de  Moulay  Zidàn  pour  se  payer 
des  services  qu'on  avait  rendus  à  ce  chérif. 
V.  /"  Série,  France,  t.  II,  Lettre  de  Vauce- 
las à  Puisieux,  10  septembre  i6i2,  p.  54^. 
«  Ces  Marseillais  disent  qu'ilz  eussent  le 
tout  depo.se  es  mains  de  monsieur  de 
Guise  ».  Ibidem,  p.  55 1. 

7.  Juan  de  Lara  ne  voidut  pas  soumettre 
l'éijuipage  à  la  torture  pour  obtenir  des 
aveux  plus  complets,  à  cause  de  la  paix 
cpii  existait  alors  entre  Philippe  III  et 
Louis  XIII.  «  No  he  querido  mas  apre- 
miarlos  ni  darlos  tormento  por  aclarar  mas 


INTnnDfCTION  XXVVII 

forme,  donna  à  Lara  le  pn'texfo  quil  rliercliait.  Il  fil  transporter  la 
cargaison  sur  un  de  ses  vaisseaux  le  «  San  Lorenzo  »,  ne  laissant 
à  bord  du  Notre  Dame  de  la  Garde  que  la  bihliolhèque  chérifienne', 
puis  il  attendit  les  ordres  de  Fajardo.  L'amiral  fit  amener  le  navire 
capturé  à  Cadix  ",  où  le  tribunal  maritime  saisi  de  l'alTaire  le  déclara 
de  bonne  prise,  soit  que  les  juges  aient  considéré  «  le  Notre-Dame 
de  la  Garde  »  comme  enlevé  à  un  belligérant,  le  roi  du  Maroc,  soit 
qu'on  ait  simplement  regardé  Castelanc  comme  un  pirate'.  En 
conséquence,  une  sentence  rendue  le  23  octobre  1612  condamna 
le  maître  et  le  contre-maître  à  la  peine  capitale,  les  autres,  y 
compris  Castelane,  aux  galères*. 

On  peut  juger,  d'après  les  Ici  très  '  de  Moulay  Zidàn  au  roi  de 
France  et  aux  Etats-Généraux  des  Provinces-Unies,  de  la  colère  du 
Cliérifà  la  suite  de  la  fuite  de  Castelane,  et  de  la  perturbation  que 
cet  incident  jeta  pendant  de  longues  années  dans  nos  relations  avec 
le  Maroc.  Louis  XIII  paraît  avoir  été  uniquement  préoccupé  de 
dégager  la  responsabilité  de  la  cour  de  France  en  cette  affaire,  en 
désavouant  son  agent.  Répondant,  le  5  juin  i6i5,  aux  Etals- 
Généraux  des  Provinces-Unies,  qui  s'étaient  entremis  pour  le  règle- 
ment de  ce  conllil.  il  qualifie  Castelane  d'  «  homme  sans  adveu  qui 
ne  fut  oncques  nostre  ambassadeur  ny  recommandé  d'autre  titre 
que  de  marchand,  duquel  ayant  abusé  comme  de  son  debvoir  en- 
vers nous  et  de  la  fidélité  qu'il  debvoit  à  la  fiance  que  ledict  roy 
[du  Maroc]  avoit  prise  de  ses  actions  et  effeclz...,  perfide  personne 
que  nous  ferions  chastier,  selon  son  démérite,  à  la  rigueur  de  nos 


esta   vprdatl.  pnr  scr  Franccscs   y   ver  las  avec  un  navire  hollandais,  avait  capturé  un 

paces  que  ay  entre  Niiestro  Rey  y  el  suyo  ».  navire  des  Provinces-Unies.   V.  supra,    p. 

V.  /'■'■  Série,  Espagne,   Lettre  fie  Juan  de  xxxv  et  note  3. 

Lara   à   Medina-Sidonla.   Ji   la   date   du    i3  'i.  V.  i''' Série.  Espagne,  à  In   date   du 

juillet  1612.  |8  novembre  i6ia. 

1.  «  Todos  los  farilos  y  cofres  de  ha-  5.  V.  /"  Série.  France,  t.  II,  p.  5<)7, 
zienda  qui^  se  hallaron  ser  de  Muley  Cidan  Lettre  de  Moulay  Zidàn  à  Louis  XIH,  i!x 
y  mcterlo  on  uno  de  los  navios  de  guerra  mars  1616;  Ibidem.  Pays-Bas,  t.  II,  p.  io8, 
que  es  «  San  Lorenzo  »,  exepto...  una  Lettre  de  Moulay /Àdàn  aux  Etals-Généraux . 
gran  llbreria  del  Rey  ».  Ibidem  37  juin   1613;   p.   787,   Lettre  de  Moulay 

2.  V.  i"  Série.  Espagne,  à  la  date  du  Zidàn  à  Samuel  Pallachc.  i3  décembre 
18  novembre  1612.  1612;  p.  6o3,  Lettre  de  Moulay  Zidàn  aux 

3.  On  a   vu  que  Castelane,  de   concert  Etats-Généraux,  3l  octobre  i6l5. 


WXVIII  INTKOnUCTION 

loix,  si  nous  avions  peu  le  tiicr  du  lieu  où  il  a  pris  lefuge  en  son 
crime  d  '. 

Ainsi  le  roi  de  France,  outre  qu  il  imputait  à  un  dessein  malhon- 
nête le  brusque  départ  de  Castelane,  déniait  à  cet  agent  son  carac- 
tère officiel.  Que  Castelane  ail  cherché  à  jouci-  de  l'ambassadeur 
pour  faire  accepter  au  Chérif  un  projet  d'alliance,  la  chose  est  assez 
vraisemblable,  mais  elle  n'aurait  pas  tiré  à  grande  conséquence,  si 
les  événements  avaient  pris  une  autre  tournure.  Il  n'en  est  pas 
moins  certain  que  Louis  XIII  faisait,  pour  les  besoins  de  la  cause, 
bon  marché  du  titre  officiel  dont  jouissait  Castelane,  aux  termes 
très  précis  de  sa  provision  de  consul.  Aussi  bien  le  loi  de  France, 
malgré  cette  indignation  de  circonstance,  recommandait  à  l'ambas- 
sadeur de  France  à  Madrid,  M.  de  Vaucelas,  de  réitérer  ses 
instances  auprès  de  Philippe  III  pour  obtenir  l'élargissement  de 
Castelane  et  de  ses  compagnons,  toujours  retenus  dans  les  prisons 
de  Cadix,  en  attendant  la  décision  du  tribunal  d'appel". 

La  question  s'était  posée  de  savoir  si  le  procès  devait  être  jugé 
par  le  Conseil  d'Etat,  en  l'envisageant  comme  une  afiaire  diploma- 
tique, ou  évoqué  au  Conseil  de  guerre,  en  le  considérant  comme 
une  affaire  de  prise.  Les  deux  Conseils  rendirent  en  août  i6t3  un 
arrêt  en  commun,  arrêt  assez  incohérent:  le  navire  était  déclaré  de 
bonne  prise  et  d'autre  part  on  ordonnait  la  mise  en  liberté  des 
inculpés  '.  Il  ne  semble  jias  que  cet  arrêt  ait  été  suivi  d'exécution, 
car,  en  juin  i6i5,  iafTaire.  sur  les  instances  de  Vaucelas,  ambassa- 
deur de  France  à  Madrid,  fut  examinée  à  nouveau  et  tranchée  dans 
un  sens  encore  plus  défavorable,  puisque  Castelane  et  ses  compa- 
gnons étaient  condamnés  aux  galères  '. 

Castelane  ne  paraît  pas  être  rentré  en  France.  Il  mourut  au  plus 
tard  en  1619  '. 

1.  V.  /'■''  Série.  Pays-Bas,  t.  II,  p.  .Ï73,  Vaucelas  à  Puisieux,  20  août  il5i3,  j).  556 
Lettre  de  Louis  XIII  aux  États-Généraux,  5        cl  note  1. 

juin  i6i5.  4-   ^  ■  Ibidem,  Lettre  de  Vaucelas  à  Pui- 

2.  V.  i"  Série,  Franco,  I.  Il,  Lettre  de        sicux.  2G  juin   i6i5,  p.  584. 

Vaucelas  à  Marie  de  Médicis.    i5   octobre  5.   Un  état  des  consuls  français  dans  le 

i6i3,   p.   559;   Lettre  de  Vaucelas  à  Pui-  Levant  en   date  d'août  1619  porte  que  le 

sieiLX,  26  juin  i6i5,  p.  583  ;  Lettre  de  Vau-  consulat  du  Maroc  est  «  vacant  par  la  mort 

celas  à  Louis  XIII,  9  juillet  i6i5,  p.  590.  do  Castclarme  [Jean  Philippe  Castelane]  ». 

3.  V.  /'■''  Série,  France,  t.  II,  Lettre  de  V.  infrn.  Doc.  XII,  p.  53. 


INTKODUCTION  XXXIX 

Antoine  de  Sallf.ttes.  siriK  oe  Saint-Mandiuer.  —  Ce  .gen- 
tilhomme provençal,  dont  le  nom  défiguré  par  les  Espagnols  se 
rencontre  sous  les  formes  :  Salvaleta,  Samandris,  San  Manrique, 
Suma  Andréa,  etc.  avait  dû  naître  à  Toulon  dans  le  dernier  quart 
du  xvf  siècle'.  Les  détails  manquenl  sur  ses  débuts:  on  sait  seu- 
lement quil  était  «  extrêmement  addroit  en  toute  sorte  d'exercice 
militaire  et  très-sçavant  aux  sciences  mathématiques'^  »,  ainsi  que 
fort  expert  dans  1  art  de  l'ingénieur'.  Saint-Mandrier  servit  probable- 
ment avec  ardeur  en  l'rovence  la  cause  de  Henri  1\  «  auquel, 
écrit-il  à  Louis  XIII,  je  m'estoys  norry  »*.  En  i6o/i,  il  a  des  démê- 
lés avec  les  consuls  et  les  habitants  de  Toulon  au  sujet  de  l'établis- 
sement de  salines  '.  Son  existence  paraît  avoir  été  déjà  celle  d'un 
aventurier,  car  en  i6ii,  à  la  tête  de  dix  partisans,  il  commet  un 
meurtre  «  en  personne  de  l'enseigne  et  sergent  de  la  compagnie 
(jue  avoyt  le  syeur  de  Saint-Pierre  en  la  guarnison  à  paye  mort  de  la 
ville  de  Tollon  en  Provence  »".  Obligé  de  sortir  de  France  avec 
ses  complices  à  la  suite  de  cette  afl'aire,  il  alla  olTrir  ses  services  à 
Charles  Emmanuel  I",  duc  de  Savoie,  qui  intriguait  alors  avec  les 
mécontents  de  Provence.  Devenu  bientôt  capitaine  d'une  compa- 
gnie de  loo  à  I  au  hommes  «  presque  tous  retirez  du  royaume  [de 
France]  pour  mesfaits'  »  comme  lui-même,  il  servit  ce  prince  dans 
la  guerre  de  Alontferral  (i6i2-i6i3).  Vers  la  fin  de  i6i3  il 
revint  clandestinement  à  Toulon.  Les  consuls  sont  avisés  le  3o 
novembre  «  que  le  duc  de  Savoye  a  intelligences  sur  ceste  ville 
par  le  moyen  du  s'  de  Sainct-Mandrier  et  de  ses  complices...  et 
que  ledict  s'  de  Sainct-Mandrier  et  Cliahert  sont  estes  souvent  en 

I.  Il  fit  SOS  picmitros  armes  après  iSgil,  2.  Cf.  Honoré  Boiche,  Hisl.  chron.  de 

date  où  la  Provence  revint  à  Henri  IV.  —  Provence,  l.  II,  p.  869. 

Sa   naissance  à  Toulon  est  établie  par  un  3.  Cf.   Ckspedks,  Primera  parte   de  la 

grand  nombre  de  documents.  Citons  entre  Ilhinria  de  D.  Felipe  IV,  p.  'MiS. 

autres  l'état  des  gentilshommes  et  soldats  !t.  V.  infra,  p.  i5. 

français  se  trouvant  à  Turin  en  juin  161. '5.  5.  Cf.  .Vrcli.  Nat.  Arrêts  du  Conseil  d'Etat 

Dans  cet  étal  on  lit  :  «  Le  S''  de  S'  Mandri,  K  0'',  f.   120  ;  E  8\  f.  28  ;  E  8^,  f.   2^6  ; 

provençal   de   la   ville   de  Tolon...    ».    \.  E   10^,  f.  77;  Bibl.  ÎVat.,  Ms.  fr.   18168, 

Bibl.  Nat.,  Ms.  fr.  jGgii.  f.  .tzi  v>.  Cette  ff.  11  et  228;  18170.  f.  37. 

liste    avec    renseignements    biographiques  6.   V.  7"  Série.  Dépôts  divers,  Flcinncc, 

avait  été  dressée  par  M.  Gueffier,  agent  de  Lettre  de  J.-B.  de  lirémoy  à  Orso  d'l£lci.  28 

France  à  Turin,   et  jointe   à  une  dépêche  décembre  1617. 

cpj'il  adressait  il  Puisieux,  le  29  juin  iGi3.  7.   V.  liibl.  i\at.  Ms.fr.  i(}iij.j.f.  ,''12.')  0". 


XL 


INTRODUCTION 


ceste  ville'  ».  L'assemblée,  après  en  avoir  délibéi'é,  décide  «  que 
les  gardes  de  la  ville  seront  renforcées,  et  sera  faicle  patrouille  par 
les  capitaines  des  quartiers  de  ladicle  vdle  ;  ...  que  lesdicls  s" 
viguier,  conseil  et  assaniblée  se  transporteront  aux  maisons  desdicts 
sieurs  de  Sainct-Mandrier,  Chabert  et  aultrcs.  sy  besoing  est,  pour 
fere  telles  visites  et  perquisitions  que  seront  requises  et  naisses- 
saires...^  » 

L'entreprise  du  duc  de  Savoie  sur  Toulon  ne  fut  pas  sans  doute 
poussée  plus  avant.  Aussi  bien  Sainl-Mandrier  n'était  pas  homme  à  se 
prêter  à  des  machinations  contre  sa  patrie.  Tout  son  désir  était  d'y 
rentrer  et  il  répondait  à  M'"  Gueffîer,  agent  de  Louis  XIII  en  Savoie 
«  que  s'il  pouvoit  retourner  en  France,  il  ne  manqueroil  tout 
aussy  tosl  de  le  l'aire  et  d'y  ramener  ses  compagnons  pour  obéir 
aux  volontés  de  Leurs  Majestez',  que  la  seule  nécessité  lavoit  luy 
et  eux  porté  icy  pour  ne  scavoir  on  se  retirer  ;  que  s'ilz  pouvoient 
avoir  abolition  de  ce  qu'ilz  ont  fait,  ils  aymeroient  beaucoup  mieux 
estre  emploiez  au  service  du  Roy  qu'à  nul  autre  prince  ».  S'  Man- 
drier  ajoutait  que  présentement  en  Savoie  «  il  se  faisoit  un  apprest 
sur  mer  auquel  Son  x41lesse  [Charles-Emmanuel  I"]  le  vouloit 
employer*  ». 

Une  des  idées  politiques  des  durs  de  Savoie  à  la  fin  du  xvi' 
siècle  avait  été  de  donner  une  marine  à  leur  pays,  afin  de  lui 
faire  jouer  un  rôle  parmi  les  étals  maritimes  de  l'Italie.  C'est 
pour  cette  raison  que  le  duc  Emmanuel-Philibert  entretenait  des 


1.  V.  Arch.  com.  de  Toulon,  BB53,  [f. 
6g2  vo-GgS. 

2.  V.  Ibidem.  —  A  la  suite  de  cette  déli- 
bcralion  le  parlement  d'.\iï  reçut  l'ordre 
d'ouvrir  une  information  contre  le  s**  de 
Saint-Mandrier. 

3.  Puisicux  avait  écrit  à  Gueffier  d'avoir 
à  signifier  aux  gentilshommes  et  soldats 
français  engagés  au  scn'ice  du  duc  de  Sa- 
voie «  le  commandement  de  Leurs  Majcstez 
de  se  retirer  de  sond'  service  ».  Gueflier  ne 
pouvant  pas  publier  ouvertement  à  Turin 
l'ordonnance  royale,  s'arrangea  pour  en 
faire  «  veoir  le  contenu  en  particulier  à 
chacvm  des   d'^    François    ».    C'est   à  cette 


communication  que  répond  S'-Mandrier.  ^  . 
Bibl.  >'at.  Ms.  fr.  i6gi4.  }'■  532. 

4.  V.  Ibidem,  f.  ôa^-  —  S'-Mandrier 
avait  même  pour  la  famille  royale  un  culte 
chevaleresque.  Le  s''  de  Mareuil  ayant  dit 
dans  une  «  compagnie  de  plus  de  vingt 
personnes  et  Ircs-haiilt  que  lo  marquis 
d'Ancre  couchoit  avec  la  Reyne,  S'-Mandry 
qui  estoit  là  prist  la  parole  et  dict  que  cela 
estoit  faulx.  »  Une  querelle  survint,  et  le 
duc  de  Savoie  eut  beaucoup  de  peine  à 
mettre  d'accord  les  deux  gentilshommes 
français.  V.  Lettre  de  Gueffier  à  Puisieux, 
5  juillet  i6i3,  Bibl.  >'at.  Ms.  fr.  i6gi4. 
/.  536  v°. 


INTRODUCTION  XLI 

galères  dans  le  pori  île  Yillofranche'.  Son  fils  Charles-Emmanuel, 
poursuivant  cette  politique  et  ayant  en  outre  des  représailles  à 
exercer  contre  l'Espagne,  qui  l'avait  oblige  à  restituer  le  Montferral, 
conçut  tout  un  plan  maritime  dont  l'exéculion  fut  confiée  en  partie 
à  Saint-Mandrier  ".  Celui-ci  devint  pour  la  circonstance  homme  de 
mer,  et.  muni  de  lellres  di'  marque  du  Duc,  il  courut  sus  aux  navires 
de  l'Espagne.  Mais  il  reçut  en  même  temps  une  mission  plus  impor- 
tante relative  à  El-Mamora. 

Rendez-\ous  des  pirates  de  toutes  les  nations,  ce  port  marocain 
échappait  complètement  à  l'autorité  de  Moulay  Zidàn  et  jouait  alors 
sur  la  côte  atlantique  le  rôle  d'Alger  sur  la  côte  méditerranéenne. 
Le  capitaine  anglais  Henry  Mainwaring  '  y  avait  fait  reconnaître  son 
autorité  et  recevait  des  propositions  de  toutes  les  puissances  qui 
convoitaient  cette  position.  Les  Pays-Bas  avaient  obtenu  du  Chérif 
l'autorisation  de  chasser  les  pirates  de  El-Mamora  et  d  élever  pour 
son  compte  un  fort  sur  la  côte  ',  dont  ils  espéraient  bien  rester 
les  seuls  maîtres.  Mais  l'Espagne  était  plus  intéressée  qu'aucune  autre 
nation  à  enlever;!  ses  ennemis  présents  el  futurs  celte  base  d'opération 
contre  sa  Hotte  des  Indes.  Charles-Emmanuel  I",  au  courant  de 
ces  compétitions,  chargea  Saint-Mandrier  d'entrer  en  pourparlers 
avec  Mainwaring  ',  afin  de  faire  accepter  à  la  pseudo-république, 
qui  se  sentait  menacée  à  la  fois  par  l'Espagne,  par  les  Pays-Bas 
et  par  le  Chérif,  l'autorité  (,'t  la  protection  de  la  Savoie. 

Saint-Mandrier  dut  mettre  à  la  voile  au  printemps  de  i6i4;  il 
capturait  le  3o  mai  dans  le  port  de  Carthagènc"  un  navire  hollan- 
dais «  le  Paon  Doré  »  et  se  dirigeait  ensuite  sur  El-Mamora  où  il 
entrait  avec  sa  prise.  Un  mois  après,  le  2~j  juin,  trois  vaisseaux 
envoyés  par  les  Etats-Généraux  et  placés  sous  le  commandement 

1.  Sur   les   flnsscins   marilimos  du   duc        pirates  de  II.  Mainwaring. 

Emmanuel  Philibert  el  do  son  amiral  ,\ndré  .1.   En  fait,  c'était  Samuel   Pallaclie  qui 

do  Provana,   Cf.  Costa  de  IBeaurecahd,  avait  pri.s  sur  lui  de  faire  cette  proposition 

Mémoires  hislorit/iies  xiir  h  maison  royale  de  au  nom  du  Chérif.  Cf.  r"  Série,  Pays-Bas, 

Savoie,  t.  Il,  p.  6(i.  t.  II,   p.   287  et  note  4.  V.   aussi  Ibidem, 

2.  Cf.  Cespedes,  Inc.  cil.  pp.  aSa,  204  et  377. 

3.  Ci.  CoRRKir,  Enoland  in  the  Méditer-  5.  Cf.  i"  Série.   Angleterre,  aux    dates 
ranean,  t.   I,  pp.  56-.')9  ;  /"  Série,  Angle-  indicpiées  ci-dessus,  note  3. 

terre,  aux  dates  4  juillet  161 1,  année  161 2  6.   Cf.  1''' Série,  Pays-Bas,  t.  II,  pp.  StV'i- 

passim,    2   juin    1618   et  le  Discourse    on        367. 


INTRODUCTION 


de  l'amiral  Jan  Evertsen  venaient  bloquer  le  pnrt'.  Tandis  que  les 
Hollandais  attendaient  les  instructions  de  Moulay  Zidân  pour 
descendre  à  terre  ",  l'amiral  Fajardo  parut  le  3  août  devant  El-Ma- 
mora  avec  une  flotte  de  quatre-vingt-dix-neuf  voiles  et  une  troupe 
de  sept  mille  hommes.  Evertsen  salua  le  pavillon  espagnol,  et,  fai- 
sant contre  mauvaise  fortune  bon  cœur,  il  communiqua  à  Fajardo 
tous  les  renseignements  qu'il  avait  sur  les  pirates,  bloqués  par  lui 
depuis  un  mois.  Les  Espagnols  débarquèrent  sans  résistance  au 
nord  de  El-Mamora  et  s'emparèrent  des  batteries  dont  ils  bra- 
quèrent les  canons  sur  les  vaisseaux  des  pirates.  Ceux-ci  mirent  le 
feu  à  quelques  prises,  mais  n'eurent  pas  le  temps  de  détruire  leurs 
navires  qui  restèrent  entre  les  mains  des  Espagnols  ;  ils  se  réfu- 
gièrent en  hâte  à  Salé.  Nous  n'avons  aucun  détail  sur  le  rôle  que 
joua  Saint-Mandrier  pendant  ces  opérations.  H  tenta  sans  doute  de 
forcer  le  blocus  et  de  gagner  la  pleine  mer.  mais  «  il  fut  si  rudement 
accueilly  par  quelques  vaisseaux  espagnols  qu'il  fut  contraint  d'en- 
trer et  de  remonter  le  long  d'une  rivière  [l'oued  Sbou],  aimant 
mieux  se  rendre  à  la  mercy  des  infidelles  que  de  se  laisser  prendre 
aux  Espagnols.  Entrant  dans  les  terres  de  Fez,  il  fut  fait  prisonnier 
et  présenté  au  Roy  [Moulay  Zidàn]  qui,  voyant  sa  i)onnc  mine  et 
celle  de  ses  gens,  l'employa  en  ses  guerres  tant  pour  l'infanterie 
que  pour  la  cavalerie,  en  quoy  il  réussit  merveilleusement  bien^  ». 
Les  connaissances  techniques  de  Saint-Mandrier  lui  concilièrent 
bientôt  la  faveur  de  Moulay  Zidàn,  qui  en  fit  son  ingénieur;  grâce 
à  lui  on  vit  au  Maroc  des  fonderies  de  canons  et  des  raffineries  de 
salpêtre*.  Consulté  sur  tous  les  projets,  il  devint  l'homme  le  plus 
en  vue  du  inakhzen,  «  faisant  donner  les  charges  de  l'Etat  à  qui 
bon  luy  sembloit"  »,  exposé  par  contre  à  tous  les  risques  que  com- 
porte une  pareille  fortune.  Au  milieu  des  satisfactions  de  l'ambi- 
tion, il  semble  que  le  gentilhomme  loulonnais  ail  toujours  eu  la 


1 .  Cf.  /'■'  .Série,  Pays-Bas,  t.  Il,  pp.  807, 
335  ot  35i,  cl  Franco,  I.  Il,  p.  Sfi"  vl  notes 
4  et  à, 

2.  Evertsen  nedevail  occuper  El-Maiiiora 
qu'après  en  avoir  reçu  l'orrlre  tlu  Chérit'. 
Cf.  z"  Série.  Pays-Bas.  t.  II,  p.  33r|  et 
note  2.   Mais  Samuel  Pallaclie,  qui  s'était 


évidemment  trop  avancé,  ne  put  obtenir 
cet  ordre.  Cf.  Ib'ulem,  pp.  3o5,  3i2  et  note 
I  ;  323  cl  339. 

3.  V.  Honoré  Bouche,  liist.  chron.  de 
Provence,  t.  II,  p.  869. 

/i.   Cf.  Cespedes,  loc.  cit.  et  infra,  p.  82. 

5.   V.  HoNOUÉ  Bouche,  loc.  cil. 


INTROnrCTION  M.III 

hantise  du  pays  natal  :  «  cette  demeure  dans  les  terres  infidellcs  ne 
liiy  agréoit  jins,  et  il  desiroit  de  retourner  à  son  pays,  en  la  Chré- 
tienté '  ».  Aussi  saisit-il  avec  empressement  roccasion  des  diffé- 
rentes missions  françaises  qui  furent  envoyées  au  Maroc  à  la  suite 
de  laffaire  Castelane,  pour  entrer  en  rapj)orls  avec  le  Uoi  et  lui 
rendre  tous  les  services  en  son  pouvoir.  Déjà,  au  commence- 
ment de  l'année  lOiy,  il  correspond  avec  Ilarlay  de  Sancy  ambas- 
sadeur de  France  à  Constanlinople  et  lui  donne  avis  «  que  tous 
les  François  sont  à  la  chaisne  »  ".  Le  i  a  juin  de  cette  même  année,  en 
réponse  à  une  lettre  qui  lui  a  été  remise  par  Boniface  de  Cabanes, 
croyant  que  Louis  XIII  lui  a  accordé  des  lettres  d'abolition,  il  écrit; 
«  J'ey  veu  ([u  il  a  pieu  à  ^  ostre  Majesté  me  donner  mou  abollssion 
pour  le  fet  de  l'omycide.  Sertes  je  ne  m'étois  moins  promis  de  la 
clemance  d'un  sy  granl  Rov  '  ».  (]ette  nouvelle  était  prématurée, 
car  nous  voyons  Saint-Maudricr  revenir  à  la  charge  dans  une  lettre 
adressée  au  Roi  le  ("janvier  i6i8  :  «  Mes  pleut  à  Dieu,  écri\ait-il, 
que  Votre  Magesté  degnat  ce  servir  de  moi,  et  me  voUul  donner  une 
abolission,  qui  vès  mor'ant  de  désir  de  morir  en  son  servisse'  ». 
Et  de  même,  dans  toutes  les  intrigues  du  capitaine  provençal  avec 
les  autres  puissances  chrétiennes,  on  le  voit  toujours  subordonner 
son  concours  à  cette  condition  d'obtenir  des  lettres  d'abolition  du 
roi  de  France. 

Ce  n'est  pas  seulement  en  ellet  avec  la  France  que  Saint- 
Mandrier  chercha  à  entrer  en  relations.  Dès  l'année  1617  il  aurait 
fait  des  ouvertures  à  l'Espagne'.  En  1619  on  retrouve  l'aventurier 
provençal  à  Sali  auprès  de  Moulay  ZidAn,  qui.  pressé  par  les 
rebelles,  songeait  à  demander  protection  aux  Espagnols.  D.  Jorge 
Mascarenhas,  qui  espérait  avoir  l'honneur  de  recueillir  le  Chérii", 
suivait  avec  anxiété  les  événements.  Voulant  profiter  des  oUVes  de 
Saint-Mandrier,  il  fit  partir  pour  Sali  F'^"  Diaz  Faleiro  avec  la 
mission  de  s  abouchei-  avec  lui  et  de  lui  faire  entcndie  que,  s'il 

1.  V.  Ho.NOKÉ  Bouche,  Inc.  nit.  Sainl-Maiidi  ier  lui  avait  adressé  de  Mcrra- 

2.  Cf.  infra,  p.  7,   Lettre  de  Ilarlay  de        Iccchune  loi  Ire  dans  laquelle  il  proposait  ses 
Sancy  à  Léon  Foureau,  i3  mai  1617.  services  au  roi  d'I'^spaptie  et  demandait  un 

3.  V,  infra,  p.  i5.  sauf-conduit  pour  se  rendre  soit  à  Maza- 
/i.  V.  infra.  p.  uj.  gan,  soit  à  Larache.  Ce  sauf-conduit  fut 
5.   D.    Jorge    Mascarenhas,    en    janvier        accordé  par  Philippe  IIF.  mais  ne   fut  pas 

1619,  écrit  qu'un  an  et  demi  auparavant,         utilisé. 


INTROniTTION 


parvenait  à  décider  ^^oulny  Zidân  à  se  réfugier  en  Espagne,  la 
reconnaissance  de  Philippe  111  lui  serait  acquise  et  que  ce  serait 
pour  l'expatrié  «  le  meilleur  moyen  d'obtenir  la  liberté  qu'il  dési- 
rait tant'  ».  Mais  Saint-Mandrier,  sollicité  par  les  Hollandais, 
détourna  le  Chérif  de  demander  asile  aux  Espagnols.  «  Il  lui  démon- 
tra, dit  Cespedes,  tous  les  avantages  qu'il  pourrait  retirer  des 
Hollandais  et  le  décida  à  ouvrir  un  port  sur  la  côte  atlantique, 
destiné  à  inquiéter  nos  flottes"  ». 

La  création  de  ce  port  fit  de  1619  à  162.4  1  objet  des  négociations 
des  puissances  chrétiennes  avec  Moulay  Zidàn.  Safi  était  alors  sur 
la  côte  atlantique  le  seul  port  chérifien  ;  Mazagan,  El-Mamora, 
Larache  étaient  aux  mains  des  Chrétiens;  quant  à  Agadir,  il  rele- 
vait le  plus  souvent  des  rebelles  du  Sous.  Un  nouveau  mouillage 
avait  été  reconnu  dans  la  lagune  d'Aïer.  située  dans  le  pays  des 
Doukkala,  à  20  kilomètres  au  nord-est  du  cap  Cantin.  Saint-Mandrier, 
qui  avait  visité  les  lieux  avec  sa  compétence  d'ingénieur,  estimait 
qu'en  faisant  sauter  un  banc  de  rochers,  la  lagune  pourrait,  à  peu 
de  frais,  être  mise  en  communication  avec  la  mer  et  former  un 
excellent  mouillage.  L'Espagne  prit  ombrage  de  ce  projet  du  Ché- 
rif, et  de  savoir  que  l'exécution  en  serait  probablement  confiée 
aux  Hollandais  n'était  pas  fait  pour  diminuer  ses  inquiétudes.  Les 
États-Généraux,  empressés  de  satisfaire  les  désirs  de  Moulay  Zidân, 
s'offraient  à  faire  les  travaux,  moyennant  une  promesse  de  conces- 
sion \ 

Cependant,  contrairement  à  ce  qu'écrit  Cespedes,  ce  ne  fut  pas 
aux  Hollandais  que  Saint-Mandrier  crut  devoir  soumettre  ce  projet.  Il 
voulut  en  faire  bénéficier  la  France.  Précisément  à  l'époque  dont 
il  s'agit,  au  commencement  de  janvier  1619,  il  était  arrivé  à  Safi 
un  vaisseau  commandé  par  le  chevalier  de  Razilly,  à  bord  duquel 
se  trouvait  un  «  ambassadeur  »  ou  plutôt  un  simple  envoyé  du  roi 
de  France,  le  s'  Claude  Du  Mas.  C'est  à  eux  c|ue  Saint-Mandrier 
exposa  les  intentions  de  ^loulay  Zidàn  concernant  la  création  d'un 
port  à  Aïer.  Il  fit  ressortir  les  grands  avantages  qu'on  pourroit  tirer 
de  ce  port  pour  la  pèche  du  corail,  pour  la  récolte  du  sel  et  d'autres 


1.  V.  infra,  p.  ."îî.  3.   Cf.  /"  .Série.  Pays-Bas.   t.  III,   à  la 

2.  Cf.  Cespedes,  loc.  cit.  date  du  2  juillet  1621. 


INTRODUCTION  XLV 

produits,  prétendant  qu'avec  une  légère  somme  d'argent  il  serait 
facile  d'obtenir  de  «  Sa  Majesté  du  Maroc  »  la  concession  de  cet 
endroit  pour  quelqurs  années'.  Razillv  et  Du  Mas  repartirent  le  20 
février  1619  pour  la  France",  cmmenani  à  bord  un  «  gcntilbomme 
maure  '  »  nommé  Sidi  Farès,  que  Moulay  Zidàn  envoyait  à 
Louis  XIII  avec  charge  de  réclamer  la  restitution  des  livres  enle- 
vés par  les  Espagnols  à  Castelane,  condition  sine  qiia  non  de  toute 
autre  négociation.  Le  Chérif  demandait  également  qu'on  lui  envoyât 
comme  ambassadeur  François  de  Razillv*.  frère  aîné  du  Chevalier, 
dont  la  réputafiou  d  ennemi  de  l'Espagne  était  parvenue  jusqu'à  lui. 

Le  projet  de  Saint-Mandrier  fut  accueilli  en  France  avec  faveur, 
et  une  société  ayant  à  sa  tète  un  grand  financier  de  l'époque,  le 
s"^  de  Montmort,  se  fonda  pour  l'exploitation  du  port  d'Aïer  ".  Tou- 
tefois le  «  chevalier  more  »  ne  fut  pas  reçu  à  la  Cour  et  resta  au 
port  oii  il  était  débarqué',  soit  que  son  titre  d'ambassadeur  ne  fut 
pas  suffisamment  officiel,  soit  que  Louis  XIII  préférât  ne  pas  s'expli- 
quer sur  l'affaire  Castelane.  De  plus  on  n'envoya  pas  au  Maroc  le 
frère  de  Razilly  '  demandé  par  le  Chérif,  mais  ce  fut  le  s'  Claude 
Du  Mas  qui  repartit  pour  ce  pays  avec  le  s"^  de  La  Mole,  intéressé 
dans  la  Société  Montmort.  Il  relâcha  à  Cadix,  où  il  vit  D.  Fadrique 
de  Tolède,  capitaine  général  de  la  flotte  de  la  mer  océane'.  Com- 
muniqua-t-il  à  l'amiral  espagnol  les  plans  et  le  projet  d'Aïer, 
comme  on  le  fit  plus  tard  croire  à  Moulay  Zidân'.''  On  peut  en  dou- 
ter. Toujours  est-il  qu'il  «  ne  sut  ni  n'osa  entamer  avec  le  Chérif  la 
moindre  négociation  en  vue  d'obtenir  la  concession  prévue'"». 

Il  est  probable  que  Saint-Mandrier  avait  trop  présumé  de  son 
pouvoir  auprès  de  Moulay  Zidân.  Celui-ci  d'ailleurs  avait  changé 
d'idée  :  il  voulait  maintenant  se  charger  lui-même  de  l'exécution 
des  tra\  aux  et  assurer  au  Maroc  seul  le  bénéfice  qui  devait  résulter 

I.  V.   /"  Série.   Pays-Bas,   t.   III,  Rap-  5.   V.  infra,  pp.   55-58,  les  instructions 

port  de  Van  GooL  a/i  juillet  1624,  et  infra,  données  par  M.  de  Montmort  à  La  Mole, 
p.   57.  t).   V.  infra,  p.  117  et  note  2. 

i.  ^  .  infra.  p.  5i,  Lettre  de  S'-Mandrier  7.   V.  infra,  p.  lOi. 

à  Puisieux,  10  février  lôry.  8.   Il  avait  succédé  en  celle  qualité  à  D. 

3.  \.   infra,   p.    loo  et  note   6.   Il   est  Luis  Fajardo  en  1617. 

appelé  le  c<  chevalier  more  »  dans  les  Ins-  g.   V.  /"  Série,  Pays-Bas,  t.  111,  Rapport 

trustions  à  La  Mole.  V.  infra,  p.  55.  de  Van  Gool,  2/1  juillet  i6j4- 

4.  V.  infra,  p.  loi  et  note  2.  10.   V.  Ibidem. 


XLVI  IMROnUCTION 

de  l'ouverture  du  nouveau  port.  Il  chargea  Saint-Mandrier  de  lever  le 
plan  de  la  lagune  '  elle  remit  au  capitaine  hollandais  OutgerClaesz., 
avec  une  lettre  où  il  demandait  au\  Etats-Généraux  de  lui  envoyer 
des  ouvriers  habiles  pour  faire  sauter  à  la  mine  le  banc  de  rocher '. 
En  décembre  1622,  Albert  Ruyl  arrivait  à  Safi  amenant  sur  son 
navire  les  carriers  demandés  par  le  Chérif^.  Mais  les  Pallache, 
jaloux  à  la  fois  de  Saint-Mandrier  et  de  Ruyl.  avaient  su  exciter  la 
méfiance  de  Moulay  Zidân  et  ameuter  la  tribu  des  Doukkala.  C'est 
pourquoi  on  retint  plus  de  sept  mois  le  capitaine  hollandais  sans 
1  autoriser  à  se  rendre  à  Merrakech  et  sans  même  envoyer  les 
ouvTiers  à  la  lagune  d'Aïer  ^.  Lorsquen  juin  1628  1  amiral  des  Pro- 
vinces-Unies, L  Hermitte.  vint  croiser  sur  la  cùle.  les  Doukkala 
prirent  ses  vaisseaux  pour  la  flotte  espagnole  venant  débarquer  à 
Aïer.  L'alarme  fut  si  grande  que  le  Chérif  dut  se  transporter  sur  les 
lieux.  Sous  rinfluence  des  Pallache  dénonçant  Du  Mas  comme 
ayant  livré  à  D.  Fadrique  de  Tolède  le  plan  d'Aïer,  il  fit  arrêter 
l'envoyé  français  ainsi  que  le  capitaine  Saint-Mandrier.  Celui-ci  fut 
relâché  en  septembre,  tandis  que  le  pauvre  Du  Mas  était  encore 
gardé  en  prison  pour  ce  motif  en  juillet  lOa^- 

Le  projet  d'Aïer  fut  donc  écarté.  Par  la  suite,  Moulay  el-Oualid 
tenta  de  réahser  cette  idée,  mais  il  dut  se  contenter  d'élever  sur  le 
bord  de  la  lagune  une  kasba  qui  fut  appelée  de  son  nom  El-Oua- 
lidya '.  Aussi  iiienles  Hollandais  avaient  reconnu  la  dilliculté,  sinon 
l'impossibilité,  d  établir  un  bon  mouillage  en  cet  endroit  et  s'étaient 
désintéressés  de  la  question.  Moulay  Zidân,  convaincu  de  la  néces- 
sité d'avoir  sur  la  côte  atlantique  un  autre  port  que  Safi,  porta  ses 
vues  sur  Azemmour,  où  un  renégat  hollandais,  Morato,  avait 
reconnu  la  possibilité  d'en  établir  un  en  construisant  une  digue  ^ 
Les  Espagnols,  inquiets  de  ce  second  dessein,  firent  de  nouvelles 
avances  à  Saint-Mandrier.  Philippe  III  s'engageait  à  lui  faire  obtenir 
sa  grâce  et  la  restitution  de  ses  biens,  «  chose  qui  fut  traitée,  dit  Ces- 
pedes,  avec  le  roi  de  France  ».  Mascarenhas  devait  rester  en  rela- 

1.  V.  /'■'  Série  Pays-Bas,  t.  III,  Rap-        Journal  il  Albert  Ruyl. 

port  de  Van  Gool,  2^  juillet  1626.  !t.  V.  Ibidem,  à   la  date  du    aa   juillet 

2.  V.  Ibidem,    à    la   date    du    2   juillet  162^,  Résolution  des  États  Généraux. 
1621,  Lettre  de   Moulay  Zidân  aux  Etats-  5.  V.  infra,  p.  55  et  note  2. 
Généraux.  6.  Cf.  Gespedes,  Historia  de  D.  Felipe 

3.  \  .  Ibidem,  a  la  date  décembre  1622,  I\',  rey  de  las  Espahas,  p.  4i3. 


INTRODUCTIO.N  \LVII 

tioii  avec  l'aventurier  et  favoriser  sa  fuite,  le  moment  venu.  Gagné 
par  les  promesses  de  lEspagne.  Sainl-Mandrier  amena  le  (Jhérif  à 
renoncer  au  projet  dAzemmour.  Le  renégat  Morato  en  conçut  une 
grande  fureur  et  dénonça  Saint-Mandrier  comme  un  espion  de  l'Es- 
pagne. Moulay  Zidàn,  voulant  sur\ciller  lui-même  son  favori,  se 
rendit  à  Azemmour,  puis  il  alla  camper  à  Megrous  '.  Saint-Mandrier, 
qui  devait  connaître  le  revirement  du  Chérif  à  son  égard,  était  aux 
aguets,  n'attendant  ipi'une  occasion  pour  s'échapper. 

Sur  ces  entrefaites,  le  chevalier  de  Razilly,  envoyé  auprès  de  Mou- 
lay Zidàn  pour  négocier  un  traité  d'alliance ^  vint  mouiller  à  Sali 
(octobre  1G2/1).  Il  fit  prévenir  Saint-Mandrier  de  son  arrivée,  le  priant 
de  lui  obtenir  un  sauf-conduit  pour  descendre  à  terre.  Moulay 
Zidàn  autorisa  seulement  le  débarquement  de  deux  personnes.  Saint- 
Mandrier  écrivit  au  Chevalier  pour  l'informer  de  cette  condition, 
mais  les  Maures,  hostiles  au  gentilhomme  provençal  et  inquiets  de 
la  présence  de  trois  navires  français  en  rade,  interceptèrent  la 
lettre  ^  Razilly  plein  de  confiance  descendit  à  terre  en  brillant  équi- 
page. 11  fui  arrêté  avec  toute  son  escorte  et  amené  à  la  mahalla  du 
sultan.  Moulay  Zidàn  l'autorisa  à  rentrer  en  France  pour  chercher 
la  rançon  des  captifs  français  *. 

Quant  à  Saint-Mandrier,  il  méditait  toujours  son  projet  de  fuite.  En 
iti'i,").  il  allait  s'évader  sur  un  navire  français  mouillé  à  Safi.  quand 
il  l'ut  poursuivi  et  ramené  au  port  '.  Moulay  Zidàn  le  garda  un  an 
en  prison  et  le  fit  décapiter  le  1 4  avril  1626°.  Son  beau-frère  Saint- 
Amour  arrêté  avec  lui  ne  fut  exécuté  que  le  20  juin   . 

P.\UL  Le  Bel.  —  Le  "juillet  i6o().  les  marchands  chrétiens  qui 
se  trouvaient  à  .Merrakech  signèrent  une  attestation  en  faveur  de 
l'agent  iioUandais  Pieter  Maertensz.  Coy.  On  relève  parmi  les 
signatures   celle  de   Paul   Le   BeP.  Ce  négociant  de  Rouen   était 

I.  Cf.  Cespedf.s,  p.  411  ;  Da  Cl.mia,  5.  Cf.  Cespf.des,  p.  5oG. 

p.  O.T.  6.   V.  infra.  Histoire  de   la  mission  des 

3.  V.  infra,  p.   102.  PP.  Capucins  au  Maroc,  p.  i!fi. 

3.  V.  Cespkues,  p.  JoG  cl  cf.  infra.  7.  V.  infra,  p.  i42  (it  i/i3,  note.  Saint- 
p.  loG  et  note  3.  Amour  était  venu  au  Maroc  avec  Razilly  on 

4.  Sur  l'arrestation  dp  Razilly  et  de  ses  iGaii. 

compagnons  en  1G24,  cf.  infra.  p.  LWII  8.   V.  cette  attestation    ;"   Série,  Pays- 

et  pp.   107-110.  13as,  t.  1,  pp.  'Siù-'iltt). 


XLVIII  INTRODUCTION 

venu  au  Maroc  à  une  date  quil  n'a  pas  élé  possible  de  préciser.  Il 
jouissait  d'une  certaine  notoriété  parmi  les  indigènes  qui  l'appelaient 
«  Tadjer  Paulo'  ».  Il  quitta  le  Maroc  au  plus  tard  en  1612,  date  où 
le  tratlc  avec  les  Français  cessa  dans  ce  pays  à  la  suite  de  l'alTaire 
Castelane". 

En  iGi/i,  Moulay  Zidûn  regrettant  l'absence  de  ce  marchand  fit 
faire  auprès  de  lui  une  démarche  indirecte  afin  de  le  décider  à 
rentrer  au  Maroc.  Le  caïd  Ammar  lui  écrivit  en  conséquence  «  qu'il 
eust  à  revenir  traitter  et  que  la  colère  du  Roy  esloit  appaisée'  ». 
Paul  Le  Bel  déféra  au  désir  du  Chérif,  car  sa  présence  est  constatée 
au  Maroc  en  1610'  paj"  Thomas  Le  Gendre.  Ce  dernier,  qui  se 
rendit  lui-même  dans  ce  pays  en  1618,  devint  l'ami  de  Paul  Le  Bel 
et  en  1628,  «  quand  celui-ci  fit  retraite"  »  il  prit  la  suite  de  ses 
affaires. 

Jacques  Jancart.  —  Ce  Français  se  trouvait  à  MeiTakech  en 
16 16  et  semble  avoir  été  attache  à  la  personne  de  Moulay  Zidàn. 
Celui-ci,  après  la  mort  de  Samuel  Pallache,  le  chargea  d'une  mis- 
sion spéciale  dans  les  Pays-Bas  :  Jancart  devait  rechercher  tout  ce 
qui,  dans  la  succession  de  ce  Juif,  devait  faire  retour  au  Chérif, 
tant  dans  les  Provinces-Unies  qu'en  Angleterre.  Cette  mission 
amena  enquête  sur  enquête  et  aboutit  à  un  règlement  de  compte 
assez  confus  entre  les  Etats-Généraux  et  le  Chérif,  d'une  part,  et, 
d'autre  part,  entre  celui-ci  et  les  héritiers  de  Samuel  Pallache  °. 

Jacques  Fabre.  —  Originaire  de  Provence",  il  se  serait,  si  l'on 
s'en  rapporte  à  Thomas  Le  Gendre,  présenté  au  chérif  Moulay 
Zidàn     pour     exercer    la     charge     de     consul     de     France     au 


1.  Tadjer  Paulo,   «    Marcliaiid   l'aul    ».  3.   V.  Ibidem,  p.  726. 
Le  qualificatif  (c  ladjer  »   est   employé   au  /j.   V.  Ibidem. 
Maroc  de  préférence  à  celui  de    «   nassa-  5.  V.  Ibidem. 

raiii   »   chrélieii,  pour  designer  les  Euro-  6.   Sur  Jacques  Jancart,   V.    1"   Série, 

péens    jouissant    d'une    certaine    considé-  Pays-Bas,  t.  II,  p.  7200!  t.  III,  année  1617, 

ration.     V.     infra,    p.    726,    Relation    de  passim. 
Thomas  Le  Gendre.  7.   V.  infra,  p.  70Û,  Relation  de  Thomas 

2.  \.  Ibidem,  p.  726.  Le  Gendre. 


INTKODUCTION  XLIX 

Maroc'.  Il  faut  très  probablement  entendre  par  là  que  Jacques 
Fabre  fut  clioisi  pour  porter  une  des  lettres  envoyées  par  Louis  XIII 
au  Chérif  de  i6i/i  à  i6i6afin  de  demander  la  mise  en  liberté  des 
Français  retenus  en  captivité  depuis  l'alTaire  Castelane  ".  On  ne 
trouve  en  elTet  aucun  document  mentionnant  Jacques  Fabre 
comme  consul.  Le  Gendre  place  en  1619  l'arrivée  au  Maroc  de  ce 
Provençal,  mais  cette  date  est  manifestement  fausse,  car  nous 
avons  une  trace  authentique  du  séjour  de  Jacques  Fabre  à  Merra- 
kcch  remontant  au  12  mars  1617.  date  à  laquelle  il  signe  une 
attestation  dans  laquelle  il  est  qualifié  de  marchand'.  Il  sut  s'insi- 
nuer dans  la  confiance  du  Chérif,  qui  l'emjoloya  à  diverses  missions, 
ainsi  qu  il  ressort  des  termes  employés  par  Moulay  Zidàn  pour  le 
qualifier,  «  nuestro  criado  Xaques  Fabre,  mercader  frances'». 
Jacques  Fabre  était  spécialement  allecté,  concurremment  avec 
les  Pallache,  aux  relations  très  suivies  du  Chérif  avec  les  Pays- 
Bas.  Moulay  Zidàn  l'envoya  auprès  des  Etats-Généraux  en  juin 
1O19,  pour  réclamer  le  payement  de  quatorze  cents  florins,  somme 
avancée  pour  la  mise  en  liberté  de  sept  captifs  hollandais  que  Mou- 
lay Zidân  avait  retirés  des  mains  des  Turcs".  Jacques  Fabre  devait 
également  faire  fondre,  avec  l'autorisation  des  Etats,  des  canons  à 
l'arsenal  de  Rotterdam. 

Sa  mission  n'alla  pas  sans  difficultés.  Comme  les  Pallache  et  les 
autres  intermédiaires  du  Chérif,  Jacques  Fabre  menait  de  front  le 
règlement  d'affaires  personnelles  assez  embrouillées  et  celles  de 
son  royal  mandant,  cherchant  à  exploiter  au  profit  de  ses  intérêts 
l'immunité  que  lui  conféraient  ses  fonctions.  Le  22  juin  1C19.  les 
Etats  avaient  décidé  en  principe  de  rembourser  à  Moulay  Zidàn  les 
quatorze  cents  florins  qu'il  demandait  et  de  lui  écrire  pour  le  remer- 

I.   V.  infra.  p.  706,  Belnlinn  de  Thomas  Généraux  du  21  février  1(117.  ^'  '"  Série, 

Le  Gendre.  Pays-Bas,  t.  III,  à  celte  derniire  date. 

■i.  Sur  les  lettres  écrites  par  Louis  XIII  It.   Cf.  z"'  Série,  Pays-Bas,  t.  III,  Lettre 

à  Moulav  Zidàn  de  i6i4  à  lOiG,  V.   infra.  de   Muulay  Zidàn   aux   Etats-Généraux,   21 

p.  LU,  note  i.  novembre  1619.  Traduction  espagnole  con- 

3.   .\  cette  date,    les    marchands   euro-  tcmporaine. 

péens  de  Mcrrakcch  certifient  la  signature  5.    Cf.  Ibidem,  à  la  date  du  y.2  juin  l6ig, 

du  caïdClialil  (Klialil)  qui  avait  traduit  en  Résolution  des  États-Généraux. 

espagnol  tme  lettre   du  Chérif  aux   États-  0.   V.  Ibidem. 

De  Gastrif.s.  III.   —  d 


INTRODUCTION 


cier  de  ses  dispositions  bienveillantes''.  Mais,  sur  ces  entrefaites,  un 
procès  privé  fut  intenté  à  Jacques  Fabre  par  un  autre  marchand 
français,  Pierre  Barbier,  procès  qui  amena  l'arrestation  de  l'agent 
chérifien  et  la  saisie  de  ses  biens'.  Les  Etats  crurent  bien  faire  de 
surseoir  au  payement  de  la  somme  qu'ils  devaient  verser  entre  les 
mains  de  Jacques  Fabre  pour  le  compte  du  Cliérif.  Moulay  Zidân, 
ayant  reçu  à  ce  sujet  des  informations  tendancieuses,  se  plaignit 
aux  Etats  du  mauvais  accueil  fait  à  son  agent  et  des  entraves  anpor- 


o^ 


jppc 


tées  à  sa  mission^.  Ceux-ci,  dans  une  lettre  adressée  au  Chérif  le 
22  mars  1620,  protestèrent  contre  les  calomnies  répandues  sur  leur 
compte,  rappelant  que  Jacques  Fabre,  dès  son  arrivée,  avait  été 
autorisé  à  faire  fondre  des  canons \  Néanmoins,  le  2  mai  1620, 
pour  terminer  celte  affaire  au  contentement  du  Cbérif,  ils  déci- 
dèrent, malgré  les  objections  de  l'amirauté  de  Rotterdam,  d'effec- 
tuer le  payement  des  quatorze  cents  florins  entre  les  mains  de 
Jacques  Fabre. 

Ce  dernier,  à  la  suite  de  cet  arrangement,  dut  retourner  au 
Maroc  avec  les  canons  qu'il  avait  fait  fondre  pour  Moulay  Zidân.  Il 
emmenait  avec  lui  le  peintre  Justus  Stuyling,  qui  devait  exécuter 
certains  travaux  dans  le  palais  de  Merrakech.  Quatre  ans  après, 
lors  du  voyage  de  Albert  Ruyl,  l'ambassadeur  hollandais,  ce  peintre 
se  trouvait  encore  au  Maroc,  d'où  le  Chérif  ne  voulait  pas  le  laisser 
partir'.  Quant  à  Jacques  Fabres.  on  le  trouve  en  1628  en  compa- 
gnie du  capitaine  Saint-Mandrier,  de  Matheus  Preston,  de  Justus 
Stuyling,  de  Du  Galion  et  des  autres  chrétiens  qui  fréquentaient 
au  makhzen.  En  quittant  Merrakech,  le  ik  novembre  1623,  Albert 
Ruyl  alla  les  saluer  à  la  mahalla  du  Chérif  campée  à  proximité 
de  la  ville  ". 

Robert  de  Bomface  de  Cabanes.  —  Il  appartenait  à  une  illustre 
famille  de  Provence,  qui  s'était  partagée  en  deux  branches,  celle  de 

1.  Cf.  Ibitlcm,  h  la  claie  du   21   février  3.   V.  Ibih-m.  a  la  date  du   2  mai  1620, 
Lettre  de  Jarijues  Fabre  aux  États-Généraux,        Résolution  des  États-Généraux. 

et  à  la  date  du  22  mars  1620,  Lettre  des  k-  Cf.  Ibidem,  à  la  date  du  i5  novembre 

Etats-Généraux  à  Moulay  Zidân.  162/1,  Reijuéte  de  A.  Ruyl  aux  États-Géné- 

2.  Cf.  Ibidem,  à  la  date  du  21  novembre        rau.v. 

lOig,  Lettre   de  Moulay  Zidân  aux  Etats-  5.  Cf.  Ibidem,  à  la  date  du  i^  novembre 

Généraux.  162.3,  Journal  d'Albert  Ru\l. 


INTRODUCTION  LI 

La  Mole  et  celle  de  Cabanes'.  On  trouve  à  l'époque  qui  nous 
occupe  un  Jean  Boniface,  seigneur  de  Cabanes,  qui  fut  consul  de 
Marseille  en  1 622-1 623\  Robert  de  Boniface  naquit  vers  iÔ'jq'. 
Ce  fut  très  vraisemblablement  à  la  fin  de  1616'  que  la  Cour  de 
France  l'envoya  en  mission  au  Maroc. 

Les  relations  de  la  France  avec  ce  pays  étaient  alors  très  tendues 
par  suite  de  l'affaire  Castelane.  L'Espagne,  ne  voulant  rien  restituer 
à  Moulay  Zidàn,  nous  plaçait  dans  une  situation  très  fausse.  C'est 
pourquoi  n'ayant  aucune  satisfaction  à  offrir  au  Chérif,  Louis  XIII 
avait  préféré  ne  pas  accueillir  en  i6i2-i6i3  Ahmed  el-Guezouli, 
l'ambassadeur  marocain,  qui,  venu  à  La  Haye,  sollicitait  un  sauf- 
conduit  pour  se  rendre  à  la  cour  de  France".  C'était  sur  les  mal- 
heureux captifs  français  que  retombait  le  poids  du  ressentiment  du 
Chérif;  celui-ci  ne  voulait  se  prêter  à  aucune  proposition  de  rachat, 
tant  que  le  roi  de  France  ne  serait  pas  arrivé  à  lui  faire  restituer  sa 
bibliothèque  et  ses  «  bardes  ». 

Les  choses  en  étaient  là,  quand,  après  plusieurs  autres  démar- 
ches infructueuses,  Robert  de  Boniface  fut  choisi  pour  aller  au 
Maroc,  avec  la  charge  «  de  négocier  le  rachat  des  captifs  français"  ». 
Le  Roi  lui  remit  deux  lettres,  l'une  pour  Moulay  Zidân,  l'autre 
destinée  au  capitaine  Saint-Mandrier,  l'homme  de  confiance  du 
Chérif.  Il  partit  de  Marseille,  accompagné  de  son  fils  Pierre,  âgé 
de  \!\  ans.  Mais,  attaqués  par  des  pirates  turcs  ^  à  la  hauteur  de  Car- 
thagène,  il  fut  obligé,  ainsi  que  l'équipage,  de  se  jeter  à  la  côte, 
abandoniianl  le  navire.  Les  Espagnols  retinrent  Robert  de  Boniface, 
qui  eut  à  faire  de   longues  démarches  pour  être  autorisé  à  conli- 

1.  Sur  cette  famille  cf.  Robert  de  pour  continuer  son  voyage,  solliciter  un 
Briançom,  Elat  de  la  Provence,  t.  I,  passeport  qu'il  obtint  le  12  mars  1617, 
pp.  4l3,  4l4  ;  Gaufridi,  llisl.   de  la  Pru-         après  de  longues  démarches. 

vence,  t.  II,  p.  602.  5.   Sur  cet  euNoyc  du  Chérif  qui  n'ob- 

2.  V.  Arch.  communales  de  Marseille.  tint  pas  de  sauf-conduit  pour  venir  en 
Rey.  des  délibérations,  années  1622-1623,  France  accomplir  sa  mission  et  qui  demeura 
passim.  aux  Pays-Bas,  V.  /'"  Série,  Pays-Bas,  t.  II, 

3.  Il  avait  38  ans  en  1617,  V.  infrn,  pp  1/12,  733  et  737  ;  France,  t.  Il,  p.  58o 
p.  LU,  note  2.  et  note  !i. 

(i.  Cette  date  conjecturale  est  assez  vrai-  G.   V.  1"'  Série,  Espagne,  à  la  date  du 

semblable,  car  on  verra  que  Boniface,  après  12   mars    1O17   Lettre    de    Philippe    III   à 

avoir  été  attaqué  par  des  pirates  turcs  et  Clriça. 

s'être  réfugié  sur  les  côtes  d'Espagne,  dut,  7.   \.  i'''  Série.  Espagne,   Ibidem. 


LU  INTRODUCTION 

nuer  son  voyage  ;  M.  de  Senecey,  l'ambassadeur  de  France  à 
Madrid,  dut  s'entremettre'  :  il  exposa  le  but  de  la  mission  de  Robert 
de  Boniface  et  obtint  enfin,  le  12  mars  161 7,  une  patente  du  roi 
d'Espagne  permettant  à  l'agent  français  de  s'embarquer  pour  le 
Maroc  avec  une  suite  de  cinq  ou  six  personnes,  sous  réserve  de  se 
conformer  aux  règlements  en  usage  ^ 

Le  20  avril  1617,  Robert  de  Boniface  s'embarqua  à  Cadix  sur  la 
tartane  «  Santa  Maria  Buenaventura  »,  qui  partait  pour  Mazagan'. 
De  ce  port,  il  s'achemina  sur  le  Diaa,  où  était  campée  la  malialla 
cbérifienne,  et  remit  au  capitaine  Saint-Mandrier  les  deux  lettres 
royales  dont  il  était  porteur.  Moulay  Zidân.  après  avoir  fait  «  fere 
l'explicassion  par  son  trochuinan  »  de  la  lettre  que  lui  adressait 
Louis  XIII,  ne  voulut  pas  se  départir  de  l'attitude  qu  il  avait  adoptée. 
En  conséquence  Saint-Mandrier  fit  savoir  à  Boniface  que  le  Cliérif 
avait  déjà  fait  réponse  à  de  semblables  lettres  venues  de  France  *, 
que  le  Roi  était  obligé  «  de  luy  tirer  reson  et  fere  rendre  ce  qu'il 
avoit  réfugié  entre  les  meyns  de  Castellane"  »  qu'il  persistait  à 
considérer  comme  un  ambassadeur  de  la  cour  de  France. 

Robert  de  Boniface  suivit  la  mahalla  cbérifienne  et  rentra  avec 
elle  à  Merrakech.  A  son  départ  de  cette  ville,  Saint-Mandrier  lui 
remit  une  lettre  pour  le  Roi  datée  du  1"  janvier  1618,  dans 
laquelle  il  l'informait  du  résultat  négatif  de  la  mission,  en  ce  qui 
concernait  les  cent  vingts  captifs  français  détenus  à  Merrakech. 
On  ne  sait  pour  quelle  raison,  l'envoyé  de  Louis  XIII  ne  rentra  pas 
immédiatement  en  France  avec  ce  message.  Toujours  est-il  qu'on  le 
trouve  à  Sainte-Croix  (Agadir)  à  la  fin  de  161 8  ou  au  commence- 
ment de   1619.  Il  y  fait  la  connaissance  d'un  aventurier  d'origine 

1.  V.  i'''  Série,  Espagne,  à  la  date  du  temps  qu'aux  Etats-Généraux  le  i4  jan>ier 
12  mars  1617.  i6i5.  Cf.  /'■''  Série.  Pays-Bas,  t.  II,  p.  464. 

2.  V.  /''<■  Série,  Espagne,  à  la  date  du  John  Harrison  avait  remis  la  missive  ché- 
12  mars  1617,  Passeport  de  Robert  de  Boni-  rifienne  à  la  cour  de  France  en  mai  i6i5. 

face.  Le  signalement  do  ce  dernier  perle  :  Cf.  Ibidem,  p.   072,  Lettre  de  Louis  XIII 

«  38  ans,   de    haute    taille,    cicatrices  à  la  aux  Élats-Généraux,   5  juin  i6i5.   A   une 

main  droite  et  à  l'oreille  gauche.  »  seconde   lettre    écrite  par   Louis  XUI   au 

3.  V.  1"  Série,  Espagne,  le  procès-verbal  Chérif  en  juin  iCi5  (V.  /"  Série.  France,  t. 
dressé  à  Cadix  le  20  avril  1617  par  le  capi-  II,  p.  079,  note  i),  celui-ci  avait  répondu 
taine  Diego  d'Escobar.  le  24  mars  1616.  V.  Ibidem,  p.  600. 

4.  Louis  Xlll  avait  écrit  en  i6i4  à  Mou-  ô.  V.  infra,  p.  i4-  Lettre  de  Saint- 
lay  Zidùn  qui  lui  a>ail  n'pomhi  en  même  Mandricr  à  Louis  XIII,  i5  juin  1017. 


IMHODUCTION  LUI 

française  nommé  Chai'les  Reinaul.  Celui-ci,  à  la  suite  de  quelque 
négociation  louche,  était  arrivé  à  décider  le  caïd  de  Sainte-Croix  à 
livrer  à  Philippe  III  cette  ville  ainsi  que  celle  de  Mogador.  Le 
caïd  demandait  seulement  au  roi  d'Espagne  de  le  prendre  sous  sa 
protection',  mais  il  est  permis  de  croire  qu'il  escomptait  aussi  en 
argent  le  prix,  de  sa  trahison.  Reinaut,  voulant  faire  passer  à  la  cour 
d'Espagne  la  proposition  du  caïd  de  Sainte-Croix,  eut  l'idée  de  la 
confier  à  Robert  de  Boniface.  «  Je  lui  ai  communiqué  mon  afere, 
écrit-il  à  Philippe  III,  et  overt  les  nioïens  qu'il  i  a  en  ses  païs  de 
vous  servir,  vous  supliant.  Sire,  vouloir  croire  se  qu  il  vous  dira  de 
ma  part  '  » . 

Dès  son  arrivée  en  Espagne,  Robert  de  Boniface  fit  part  des 
ouvertures  du  caïd  de  Sainte-Croix  à  D.  Pedro  de  Tolède,  marquis 
deVillaf'ranca.  Celui-ci,  en  rendant  compte  de  l'affaire  à  Philippe  III, 
le  i6  avril  1619,  demandait  qu'on  prît  l'avis  du  duc  de  Medina- 
Sidonia,  capitaine  général  de  l'Andalousie,  sur  l'occupation  éven- 
tuelle des  deux  ports  marocains  :  il  ajoutait  c|ue  Robert  de  Boniface 
se  trouvait  dans  une  grande  détresse  et  qu'il  allait  lui  faire  donner 
200  ducats  pour  son  entretien'.  Philippe  III  saisit  de  la  question 
Medina-Sidonia  et  D.  Fadrique  de  Tolède,  amiral  de  la  flotte  de  la 
mer  Océane.  D'après  la  réponse  de  ce  dernier,  datéeduô  juilletifiig, 
le  place  de  Sainte-Croix,  vu  son  éloigncment.  était  de  faible  impor- 
tance. Quant  à  la  ville  de  Mogador,  plus  rapprochée  des  côtes  d'Es- 
pagne, elle  était  plus  facile  à  défendre.  L'amiral  émettait  des  doutes 
sur  les  avantages  de  l'occupation  de  deux  nouvelles  «  fronteras  », 
alors  qu'on  avait  de  la  peine  à  secourir  celles  qui  existaient  déjà*. 
Le  duc  de  Medina-Sidonia.  de  son  côté,  adressa  à  Philippe  III,  le 
8  juillet  1619,  des  conclusions  dans  le  même  sens^  Malgré  ces  avis 
défavorables,  une  consulte  du  Conseil  d'Etat  du  22  juillet  1619 
déclara  l'affaire  de  «  mucha  consideracion  »  et  proposa  d'envoyer 


1.  V.  ;'■'  Série,  Espagne,  à  la  date  du  Pedro  de  Toledo  à  Philippe  111,  déjà  citée. 
i6  avril  iliig.  Lettre  de  D.  Pedro  de  4-  V.  /'■"  Série,  Espagne,  Lettre  de  D. 
Toledo  à  Philippe  111.  Fadriijue  dr  Tnlcdo  à  Philippe  III.  à  la  date 

2.  V.    /"    Série,    Espagne,    Lclirc  de  du  6  juillet  i6ig. 

Charles  Reinaut  à  Philippe  III,  à  la  date  du             5.   V.     /"    Série.    Espagne,    Lettre    de 

?•;  janvier  1619.  .Medina-Sidonia  à  Philippe  111,  à  la  date  du 

3.  V.  /"■'  Série,  Espagne,   Lettre  de  D.  8  juillet  1619. 


LIV  INTRODUCTION 

deux  barques  avec  un  ingénieur  et  un  pilote  pour  reconnaître  les 
deux  places'.  Néanmoins  les  choses  n'allèrent  pas  plus  avant. 

Quant  à  Robert  de  Bonilace,  il  fut  sans  doute  rapatrié  par  le 
gouvernement  espagnol  et  put  remettre  à  Louis  XIII  la  lettre  que 
Saint-Mandrier  lui  avait  confiée. 

Claude  Du  JMas.  —  Le  sieur  Claude  Du  Mas  ^,  provençal  ^, 
paraît  pour  la  première  fois  au  Maroc  en  janvier  1619,  date  où  il 
arriva  à  Safi'  sur  le  vaisseau  commandé  parle  chevalier  de  Razilly  ^ 
Qualifié  d'ambassadeur  dans  les  rapports  de  Francisco  Diaz 
Faleiro\  agent  du  gouverneur  de  Mazagan,  il  était  en  réalité  chargé 
d'une  mission  temporaire  qui,  de  même  que  celle  de  Boniface  de 
Cabanes  venu  avant  lui,  avait  pour  objet  la  libération  des  Français 
détenus  en  captivité  '.  Mais  Moulay  Zidân,  malgré  la  situation  pré- 
caire dans  laquelle  il  se  trouvait  alors,  assiégé  dans  Safi  par  Yabia 
ben  Abdallah',  persista  à  réclamer  satisfaction  pour  l'affaire  Cas- 
telane  avant  d'entamer  une  négociation  quelconque.  Ses  prétentions 
étaient  à  la  vérité  diminuées  et  ce  qu'il  demandait,  écrivait  Saint- 
Mandrier,  «  ce  peult  réduire  à  peult  de  chose  à  présent'  ».  LeChérif 
décida  d'envoyer  porter  ses  conditions  à  Louis  XIII  par  le  caïd 
Sidi  Farès'",  qui  devait  demander  l'envoi  au  Maroc  de  François  de 

1.  V.  /"  Série.  Espagne,  Consulte  du  6.  «  Hum  cmbaixador  »,  V.  m/ra.  p.  36. 
Conseil  d'État,  à  la  date  du  23  juillet  1619.  Van  Gool  [Golius],  dans  son  rapport,  l'ap- 

2.  Il  est  appelé  Du  Mastet  dans  l'His-  pelle  un  commissaire  «  commys  ».  V.  t" 
loire  de  la  mission  des  PP.  capucins  au  Maroc  Série,  Pays-Bas,  t.  III,  sli  juillet  i624- 
(V.  infra.  p.    loi   et  note  4),  et  Daumas  7.   Cf.  infra,  p.  5i.  «  Il  avait  été  chargé 
dans  la  Relation  de  Thomas  Le  Gendre  (V.  par  la  cour  de  Franco  du  rachat  de  quelques 
infra,  p.  706).  capitaines  marseillais  de  bonne  famille  cap- 

3.  Sur  sa  qualité  de  provençal,  V.  m/ra.  tifs  au  Maroc  ».  V.  j"  Série,  Pays-Bas, 
pp.  loi  et  706.  t.  III,  Rapport  de  Van  Gool,  3^  juiUet  1624. 

i.  V.  infra,  p.  36  et  note  3.  8.   Sur  ces  événements,  V.  l'n/ra.  Doc.  IX 

5.  V.  Ibidem.  Razilly,  il  est  vrai,  n'est  pas  et  Sommaire,  p.  20. 
nommé  par  Francisco  Diaz  Falciro,  mais  la  g.   V.    infra.    Lettre   de    .S'    Mandrier  à 

comparaison  du  passage  du  rapport  de  celui-  Louis  XIH.  ao  février  1619,  pp.  5i-53. 
ci   avec  le  récit   du  P.  François   d'Angers  10.   Il  est  qualifié  tantôt  «  gentilhomme 

(V.  infra,  p.  100)  prouve  qu'il  s'agit  bien  more  »  (V.  infra.  p.  100),  tantôt  a  cheva- 

du  Chevalier.  Le  fait  que  Claude  Du  Mas  lier  more  »  (V.  infra.  p.  55).  Son  véritable 

était  bien   «   l'ambassadeur   »  et  non   pas  nom  Sidi  Farès  est  donné  avec  une  défor- 

Razilly  est  prouvé  par  la  lettre  de  S'  Man-  mation    insignifiante    par   le    P.    François 

drier  du  30  février  1619  (V.  infra.  pp.  5i-  d'Angers  (V.  infra.  p.  106),  et  par  la  Rela- 

52).  tion  de  Thomas  Le  Gendre,  ^  .  infra.  p.  732. 


INTRODUCTION 


Kazillv,  frère  aîné  du  Chevalier,  «  avec  mémoires  et  pouvoirs  néces- 
saires, afin  d"a viser  aux  conditions  raisonnables  d'une  bonne  union 
et  la  rendre  solide'   ». 

La  mission  oiEcielle  de  Claude  Du  Mas  n'avait  pas,  comme  on  le 
voit,  donné  de  grands  résultats.  Mais,  pendant  sa  courte  durée,  l'en- 
voyé li'ançais  était  entré  en  rapports  avec  Sauit-Mandrier,  provençal 
comme  lui,  qui  l'avait  initié  au  projet  d'ouverture  et  d'exploitation 
d'un  port  à  Aïer.  Saint-Mandrier  avait  vanté  les  grands  avantages  et 
bénéfices  qu'on  pourrait  tirer  du  dit  port,  pour  la  pèche  du  corail, 
l'extraction  du  sel,  etc.,  il  prétendait  que,  moyennant  une  légère 
redevance  d  argent,  il  serait  facile  d  obtenir  de  Sa  Majesté  du  Maroc 
la  concession  de  cet  endroit  pour  quelques  années'.  Claude  Du 
Mas  dut  quitter  le  Maroc  le  20  février  1619'  ou  peu  après. 

La  cour  de  France,  comme  on  l'a  vu,  était  dans  une  situation 
fort  embarrassante  pour  donner  satisfaction  au  Chérif  au  sujet  de 
l'affaire  Castelane,  et  désirait  avant  tout  esquiver  les  pourparlers 
avec  «  le  chevalier  more  »,  de  même  que  précédemment  elle  avait 
évité  d'en  avoir  avec  Ahmed  el  Guezouli.  Claude  Du  Mas,  qui.  de 
son  côté,  tenait  à  retourner  au  Maroc,  fit  tant  et  si  bien  que  Sidi 
Farès  ne  put  parvenir  jusqu'au  Roi.  «  On  le  retint  quatre  moys 
enfermé  dans  la  maison  *,  de  l'advertissement  de  Sa  Majesté,  sans 
qu'il  eust  moyen  de  sortir  du  tout  '  ».  Il  réussit  ainsi  à  faire  écarter 
François  de  Razilly  et  obtint  d'être  renvoyé  au  Maroc  pour  conclure 
le  traité  d'alliance,  sans  qu'on  eût  aucun  égard  «  aux  protestations  de 
l'agent  du  roy  de  Maroque,  qui  résista  avec  tous  les  efforts  possibles 
à  la  nomination — ,  asseurant  qu'il  n'y  auroit  pas  de  sécurité  pour 


1.  V.  infra,  p.  loi.  dits  ports  et  places,  il  en  fera  la  remise 

2.  V.  /"  Série.  Pays-Bas,  l.  III,  Rapport  entière  à   ladictc   compagnie  ».  V.    infra, 
de  Van  Gool,  a/i  juillet  1624.  C'est  à  Du  p.  57. 

Mas,  revenu  à  Paris,  que  Van  Gool  altri-  3.   C'est  la  date   à  laquelle  Saint  Man- 

bue  ces  discours  sur  les  avantages  du  port  drier,  dans  une  lettre  à  Puisieux,  annonce 

d'Aïcr.  Mais  il  est  évident  que  l'agent  fran-  le  départ  de  Claude  Du  Mas  pour  rentrer 

çais  ne  faisait  que  reproduire  les  idées  de  en  France,  V.  infra.  pp.  5 1-52. 

S'  Mandrier,  qui  était  le  véritable  auteur  du  /j.    11  n'a  pas  été  possible  de  déterminer 

projet.  Cela   peut  se  déduire,  entre  autres  dans  quel  lieu  Sidi  Farès  avait  subi   cette 

preuves,  d'un  passage  des  Instructions  à  La  sorte  d'arrêt. 

Mole,  où   il  est  dit:  «  S'il  est  ainsy   que  5.   V.  infrn.  Mémoire  de  Racilly.  p.   ir7 

tcdict  s'  de  S'  .Mandrier  aye  le  don  des  sus-  et  note  2. 


LVI  INTRODUCTION 

lui  [Claude  Du  Mas],  n'estant  pas  agréable  au  Roy  son  maistie,  qui, 
l'ayant  veu  dans  ses  côtes  et  ses  pais  avec  déplaisir,  il  ne  lui  en 
perniettroit  jamais  Taproche'  ».  Cependant  Du  Mas  avait  réussi 
à  fonder,  avec  l'appui  de  M.  de  Montmort,  un  des  gros  financiers 
de  l'époque,  une  compagnie  en  vue  de  l'exploitation  du  port  d'Aïer. 
Le  s'  de  La  Mole  paraît  avoir  été  l'un  des  principaux  «  intéressés  » 
de  la  nouvelle  société. 

Ayant  donc  reçu  instruction  d'aller  s'embarquer  à  Marseille^ 
avec  le  s'  de  La  Mole  et  le  «  gentilhomme  more  »,  Claude  Du  Mas 
repartit  pour  le  Maroc,  probablement  dès  la  même  année  iGi()\ 
Ayant  fait  escale  à  Cadix,  il  y  eut  une  entrevue  avec  D.  Fadrique 
de  Tolède,  qui  commandait  la  flotte  de  la  mer  Océane.  Lui  commu- 
niqua-t-il  les  plans  et  le  projet  du  port  d'Aïer  .►•  On  peut  en  douter, 
mais  cette  accusation  fut  plus  tard  fatale  à  l'agent  fi-ançais*. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Claude  du  Mas,  à  son  arrivée  au  Maroc,  n'y 
trouva  pas  le  terrain  favorable  ù  ses  projets.  Il  fui  si  mal  accueilli 
par  Moulay  Zidàn,  irrité  de  léloignement  dans  lequel  son  envoyé 
Sidi  Farès  avait  été  tenu  en  France,  qu'il  «  ne  sut  ni  n'osa  entamer 
avec  le  Chérif  la  moindre  négociation  en  vue  d'o])tenir  la  conces- 
sion d'Aïer''  ».  Moulay  Zidàn  avait  d'ailleurs  changé  d'avis  et  pro- 
jetait de  faire  ouvrir  le  port  pour  son  compte  par  les  Hollandais". 
Claude  Du  Mas,  malgré  sa  très  grande  défaveur,  resta  cependant 
au  Maroc  avec  le  titre  de  consul  '.  Il  fit  construire  à  Safi  une  cha- 
pelle, mais  ne  put  arriver  à  la  conclusion  d'un  traité  d'alliance.  Il 
ne  semble  pas  qu'il  se  soit  occupé  avec  beaucoup  de  zèle  de  la 
libération  des  captifs  français,  car  ceux-ci,  dans  une  requête,  en 
date  de  Merrakech,  k  décembre  1622,  demandaient  à  Louis  XIII 
de   «  vouloir  expédier  quelque  personne  califiée   plus  vigilant  et 

1.  V.  infra.  Ilist.  de.  la  mission  des  PP.  été  tenu  «  en  la  maison  »  pendant  quatre 
capucins  au  Maroc,  p.  loi.  mois  seulement. 

2.  V.  infra.  Instructions  pour  La  Mole,  !\.  V.  infra.  p.  lvii. 

p.  55.  5.  V.  />••■  Série.  Pays-Bas,  t.  III,  Rapport 

3.  On  sait  par  le  Mémoire  de  Van  Gool        de  Van  Gool.  sa  juillet  1624. 
que  le  séjour  de  Claude  Du  Mas  en  France  6.   V.  supra,  pp.  xlv-xlvi. 

fut  do  courte  durée  (V.  /'''■  Série,  Pays-  7.  Sur  le  titre  de  consul  donné  à  Claude 
Bas,  t.  III,  24  juillet  162/4).  L'assertion  de  Du  Mas  V.  infra,  p.  io5.  Histoire  de  la  mis- 
Van  Gool  est  confirmée  par  le  fait  que  sion  des  PP.  capucins  au  Maroc  et  p.  706, 
Sidi  Farès,  qui  repartit  avec  Du  Mas,  avait  Relation  de  Thomas  Le  Gendre. 


INTRODUCTION  LVII 

mieux  vercée  à  la  poursuilte  de  ceste  alTaire  que  n'est  le  s'  Claude 
Du  Mas,  qui  de  tout  teuq)s  la  négligée  '  ». 

Une  circonstance  porta  à  son  comble  le  mécontentement  du 
Chérif  contre  cet  agent.  On  a  vu  plus  haut'  que  le  i)ruit  avait 
couru  au  Maroc  en  juin  iGaS  que  les  Espagnols  envoyaient  une 
flotte  débarquer  à  Aïer.  Les  Pallache,  jaloux  des  agents  chrétiens, 
dénoncèrent  Du  Mas  comme  ayant  livré  à  D.  Fadrique  de  Tolède 
le  plan  d'établissement  d'un  port  à  Aïer.  Moulay  Zidàn  saisit  cette 
occasion  pour  faire  arrêter  le  consul  français  ',  ainsi  que  Saint-Man- 
drier.  Celui-ci  fut,  il  est  vrai,  relâché  en  septembre,  mais  Claude 
Du  Mas,  objet  de  la  haine  de  Moulay  Zidàn,  «  demeura  prisonnier, 
mis  aux  fers,  et  est  mort  misérable  dans  cette  captivité  honteuse  et 
pénible'  ». 

Nous  n'avons  pas  de  renseignement  direct  sur  la  date  de  sa  mort. 
En  juillet  itja/j  il  était  encore  en  prison  "  et  d'autre  part  en  octoijre 
162/1,  lors  du  voyage  de  Razillyà  Safi,  il  n'est  plus  fait  mention  de 
lui  %  bien  qu'il  soit  parlé  de  sa  chapelle  consulaire.  Tout  porte  donc 
à  croire  qu'il  était  mort  avant  cette  date.  Ajoutons  qu'on  ne  trouve 
plus  dans  la  suite  aucune  mention  de  sa  personne. 

François  de  Bomface,  sieur  de  La.  Mole.  —  Ce  personnage  était 
issu  de  la  même  famille  provençale  '  à  laquelle  appartenait  Robert 
de  Boniface  de  Cabanes.  Reçu  chevalier  de  Malte  en  i585,  il  fut 
nommé  commandeur  de  Puymoisson  le  11  février  1092.  Les  inté- 
ressés de  la  Compagnie  Montmort  fondée  pour  la  création  et 
l'exploitation  du  port  dAïer  le  choisirent  comme  agent  en  1619  et 
le  chargèrent  de  se  rendre  au  Maroc  pour  traiter  avec  le  Chérif  la 
question  de  leur  monopole".  Le  sieur  de  La  Mole  devait  partir  de 
Marseille  en  même  temps  que  Claude  Du  Mas  et   Sidi  Farès  «  le 

I.  V.  infra.  p.  88.  la  mort  de  Du  Mas  est  antérieure  à  rar_ 

a.  V.  supra,  p.  XLVi.  rivée  du   Chevalier  à  Safi,   qui  eut  lieu  le 

3.  V.  r'  Série,  Pays-Bas,  t.  lit.  3  octobre  1634  (V.  infra.  p.   10.5). 

4.  V.  infra,  p.  102.  7.   Cf.   Bibl.    Nat.    Cabinet  des    Titres,; 

5.  V.  1"  Série,  Pays-Bas,  t.  III,  .  Pièces  originales.    Vol.    io4,     cote     go-ls 

6.  Le  P.  François  d'Angers  dit  que  la  Vol  ig83.  cote  iSig;  Vol.  ig85,  cote 
mort  de  Claude  Du  Mas  Cl  avorter  le  des-  4556o  et  Arch.  départ.  Bouchcs-du-Rhône, 
sein  du  traité  d'alliance  avec  le  Maroc  (V.  Ordre  de  Malte. 

infra.  p.   103),    projet   qui    fut   repris    par  8.    V.   infra.  pp.  5^-58  Instructions  pour 

Ba/iliy.  On  peut  inférer  de  ce  passage  que        La  Mole. 


INTRODUCTION 


chevalier  more  ».  Aucun  document  ne  faisant  mention  de  sa  pré- 
sence au  Maroc,  et  d'autre  part  le  projet  de  concession  du  port 
d'Aïer  ayant  complètement  échoué,  il  est  permis  de  supposer  que 
la  mission  du  sieur  de  La  Mole  ne  reçut  pas  d'exécution. 

Paul  Imbeut.  —  Originaire  de  Sainl-Gilles-sur-Vie  (Vendée)',  il 
était  capitaine  de  navire,  quand  il  l'ut  pris  et  emmené  en  captivité 
au  Maroc,  où  il  devint  la  propriété  du  pacha  Ammar  el-Feta", 
renégat  portugais,  (jui  avait  pris  part  a  la  conquête  du  Soudan  sous 
le  pacha  Djoudcr  (i  690-1591)  et  qui  depuis  avait  exercé  des  com- 
mandemenls  dans  cette  région.  Lors  d'un  voyage  qu'il  fit  au  Sou- 
dan en  16 18,  Ammar  emmena  avec  lui  son  esclave  %  auquel  il  était 
très  attaché.  Paul  Imljcrt  traversa  le  Sahara  du  nord  au  sud  et 
arriva  à  Tombouctou,  où  la  mahalla  marocaine  fit  son  entrée 
solennelle,  le  27  mars  1618.  Il  repartit  pour  Merrakech  avec  son 
maître,  faisant  ainsi  une  seconde  fois  la  traversée  du  Sahara.  Ces 
voyages  avaient  laissé  une  grande  impression  à  Paul  Imbert  «  lequel, 
raconte  Thomas  Le  Gendre,  nous  faisoit  souvent  récit  de  son 
voyage  de  Tombouctou  comme  d'un  voyage  de  grande  fatigue  et  de 
grande  conséquence'  ».  Il  n'est  pas  douteux  que  les  renseignements 
que  Thomas  Le  Gendre  nous  donne  sur  la  roule  de  Merrakech  à 
Tombouctou  '  ne  proviennent  de  cette  source. 

La  captivité  de  Paul  Imbert  se  prolongea,  et  on  le  retrouve  dix 
ans  après  exposé  aux  cruautés  de  Moulay  Abd  el-Malek,  le  succes- 
seur de  Moulay  Zidàn.  Le  2  mars  1628,  ce  chérif  sanguinaire, 
après  avoir  fait  périr  le  père  Juan  delCorral  et  cruellement  martyrisé 
le  frère  Pierre  Morel.  voulut  contraindre  Paul  Imbert  à  se  faire 
musulman,  mais  celui-ci,  donnant  un  bel  exemple  de  constance, 
«  resta  ferme  en  sa  créance,  quoy  qu'il  récent  trois  coups  d'cpée"  ». 

A  la  fin  de  septembre  i63o,  Paul  Imbert  était  encore  à  Merra- 


I.   V.  infra,  p.   168,  Hist.  de  la  mission  lionneste  homme  ».  V.  infra  p.  708,  Rela- 

des  PP.  capucins  «u  Maruc.  lion  de  Thomas  Le  Gendre. 

1.   Sur  ce  caïd  devenu  le  paclia  Ammar  3.   \  .  Ibidem. 

el-Feta,   Cf.    Es-Sadi,    Tarikh  es-Soudan.  4-   V.  Ibidem. 

Traduction  Houdas,  à  l'Index.  —  C'était,  5.    V.  Ibidem,  pp.  708-709. 

d'après  Thomas  Le  Gendre,  im  «  eunuque  6.  V.   infra,   p.  168,  Hist.  de  la  mission 

blanc   de   nation    portugaise,   fort   bon   et  des  PP.  capucins  au  Maroc. 


INTRODUCTION  LIX 

kcch.  et  c'est  lui  qui,  avec  un  de  ses  compagnons  d'esclavage 
nommé  Guilon,  écrivit  au  clievulicr  de  Hazili^  venu  à  Safi  pour 
ramener  les  captifs  français,  afin  de  le  mettre  en  garde  contre  la 
mauvaise  foi  du  Chérif. 

Les  Le  Gendre.  —  Les  Le  Gendre  étaient  une  riche  famille 
protestante, qui  eut  dans  le  commerce  de  Rouen  aux xvi'' et  xvii"  siècles 
une  place  prépondérante.  Leur  maison  était  sise  rue  S'  Etienne  des 
Tonneliers".  Ils  commencèrent  par  être  marchands  toiliers^  mais 
leurs  affaires  ayant  prospéré,  ils  devinrent  armateurs  et  portèrent 
leur  trafic  dans  des  contrées  lointaines.  On  les  trouve  en  i638* 
associés  à  la  maison  Rozée  de  Rouen,  cpii.  depuis  iG33'.  avait  le 
monopole  du  commerce  du  Sénégal.  Les  deux  représentants  de 
celte  famille  que  l'on  rencontre  au  Maroc  au  xvii"  siècle  sont  Thomas 
et  Jean-Baptiste. 

Thom.\s  Le  Gendre.  —  Né  en  1602',  il  fut  envoyé  fort  jeune  au 
Maroc  par  ses  parents,  qui  désiraient  établir  des  relations  commer- 
ciales avec  ce  pays.  Son  frère  aîné  Jean-Baplisle  dut  l'accompagner  ' . 
Lin  synchronisme  fournit  une  indication  sur  la  date  de  l'arrivée  de 
Thomas  Le  Gendre  au  Maroc  :  il  s'y  trouvait,  nous  dit-il ',  au 
moment  où  le  pacha  Ammar  partit  pour  le  Soudan  avec  une  cara- 
vane :  or  ce  dernier  fit  son  entrée  solennelle  à  Tombouctou  le 
28  mars  1G18'.  Il  est  probable  que  Thomas  Le  Gendre  résida  à 
Safi,  comme  les  autres  marchands  chrétiens  qui  avaient  quitté 
Merrakech  pour  éviter  les  vexations  auxquelles  ils  étaient  exposés 
à  la  suite  de  l'affaire  Castelane.  L'un  d'eux,  Paul  Le  Bel  (Tadjer 
Paulo),  qui  était  comme  lui  de  Rouen,  devint  son  «  intime  amy  »  et 

1.  V.  infra,  p.  3ai,  Relation  dite  de  6.  V.  Emile  Lese.ns,  Notice  placée  en 
Jean  Armand  Mustapha.  tête  de  la  réimpression  de  l'Histoire  de  la 

2.  Ci.  Bulletin  de  la  Société  du protestan-  persécution  Jaite  à  l'Eglise  de  Rouen.,,  par 
(«me /rançais,  t.  XXXVI,  pp.   i3i-i32.  Philippe  Le  Gendre. 

3.  Cf.  Bibl.  Société  Hist.  du  Protestan-  7.  V.  infra.  p.  lxm.  Notice  sur  Jean- 
tismc  français,  Ms.  Registre  des  inhumations  Baptiste  Le  Gendre. 

faites  à  Rouen,   (Jucvilly  et  Saint-Sever,  au  8.   V.  infra,  p.  708,  Relation  de  Thomas 

nom  :  Le  Gendre.  Le  Gendre. 

4.  V.  infra.  Doc.  XCVI,  p.  552.  ç».  Cf.  Es-Sadi,  Tarihh  es-Soudan.  Tra- 

5.  V.  infra,  p.  711,  note  2.  duction  IlotuAs,  pp.  33y-3iio. 


LX  INTRODUCTION 

Thomas  Le  Gendre,  âgé  de  21  ans,  prit  la  succession  de  ses  affaires 
au  Maroc,  quand  celui-ci  se  retira  en  iGsS'. 

Malgré  leur  installation  à  Safi,  les  marchands  chrétiens  devaient 
de  loin  en  loin  aller  à  Merrakech  pour  les  besoins  de  leur  commerce  ; 
ils  accomplissaient  ces  voyages,  soit  en  se  joignant  à  des  caravanes 
indigènes  (cailles),  soit  en  se  mettant  sous  la  sauvegarde  dun  mara- 
bout. Thomas  Le  Gendre  usa  en  1G2/I  de  ces  deux  modes  de  protec- 
tion. «  J  ay  esté  à  Maroc  [Merrakech],  écrit-il,  par  cafile  et  j'en 
revins  avec  un  marabout"  ».  Ce  détail  est  confirmé  et  précisé  par 
l'agent  hollandais  Albert  Ruyl.  qui  note  dans  son  journal,  à  la  date 
du  ()  février  163/î,  l'arrivée  à  Sali  de  Le  Gendre,  escorté  seulement 
d'un  marabout  nommé  «  Sidl  el-Hayts  ))^. 

Deux  mois  après  (avril  1624),  Moulay  Zidân  qui,  malgré  son 
ressentiment  contre  les  marchands  français,  avait  parfois  recours  à 
leurs  services,  fit  demander  le  navire  de  Thomas  Le  Gendre  pour 
transporter  du  grain  de  Safi  à  Sainte-Croix  (Agadir) '. 

En  octobre  162/i  arrivait  à  Safi  le  chevalier  de  Razilly  avec  ses 
trois  vaisseaux.  On  sait  à  la  suite  de  quel  guet-apens  le  Chérif  le  fit 
arrêter  avec  toute  son  escorte  et  les  PP.  capucins  que  le  P.  Joseph 
envoyait  au  Maroc  pour  fonder  une  mission".  Moulay  Zidàn,  qui 
escomptait  une  importante  rançon,  consentit  au  mois  de  novembre 
à  laisser  le  Chevalier  retourner  en  France.  Il  l'autorisa  à  emmener 
avec  lui  l'un  des  capucins  de  la  mission,  à  la  condition  que  Thomas 
Le  Gendre  et  les  autres  marchands  français  se  porteraient  caution 
du  retour  de  ce  Père  dans  un  délai  de  six  mois.  Ceux-ci  s'enga- 
gèrent à  payer  six  cents  ducats  d'or,  si  cette  clause  n'était  pas  exé- 
cutée. Les  six  mois  étaient  à  expiration  en  mai  1625.  On  verra  les 
raisons  (|ui  obligèrent  Razilly,  retenu  «  malgré  lui  »  au  siège  de 
La  Rochelle,  à  différer  son  retour  au  Maroc^  Il  n'était  pas  encore 
revenu  à  la  fin  de  1625.  La  situation  de  Thomas  Le  Gendre  et  des 
autres  commissionnaires  français  devenant  précaire,  ceux-ci  réso- 

1.  V.  infra.  p.  726,  Relalinn  de  Thomas         1624. 

Le  Gendre.  5.   Sur  ces  événements, V  .  m/rn,  pp.  107- 

2.  V.  Ibidem,  p.  718.  iii.  Histoire  de  la  missiondes  PP.  capucins 

3.  V.  ;"■  Série,  Pays-Bas,  t.  III.  Jonnuil  au  Maroc,  et,  pp.  733-784  Relation  de  Tho- 
d' Albert  [iuyl.  k  la  date  du  0  février  itVj'i.  mas  Le  Gendre. 

l\.   V. /6i(/em,  aux  dates  des  23  et  20  avril  G.   V.  infra,  p.  lxvih. 


INTRODUCTION  LXI 


lurent  de  quitter  le  Maroc  et  de  rentrer  en  France  pour  rendre  leurs 
comptes  à  leurs  commettants.  C'est  pourquoi,  voulant  se  dégager 
préalablement  de  leur  caution,  ils  demandèrent  au  Chérif,  qui  y 
consentit,  d'accepter  les  six  cents  ducats  d'or  et  de  leur  accorder 
leur  congé.  Par  la  suite,  le  P.  Joseph  fit  rendre  cette  somme  à 
Le  Gendre  et  aux  autres  marchands  par  son  frère  Charles  Du 
Tremblay,  gouverneur  de  la  Bastille.  L'exemple  des  négociants 
français  fut  d'ailleurs  suivi  par  les  trafiquants  des  autres  nations, 
et,  en  1626,  nous  apprend  le  P.  François  d'Angers,  il  ne  restait 
plus  à  Safi  qu'un  seul  marchand,  un  anglais'. 

Thomas  Le  Gendre,  qui  limite  lui-même  à  sept  années"  la  durée 
de  son  séjour  au  Maroc,  ne  dut  pas  y  retourner  après  i()25.  Toute- 
fois il  faut  noter  que  son  frère  Jean-Baptiste  s'y  trouvait  en  i638  et 
i63q,  et  il  est  très  probable  que  les  affaires  commerciales  de  leur 
maison  avec  le  Maroc  se  prolongèrent  bien  au  delà  de  cette 
dernière  date.  Outre  leur  trafic,  les  deux  frères  Le  Gendre  s'em- 
ployaient activement  au  rachat  de  leurs  compatriotes  prisonniers 
au  Maroc.  Un  acte  notarié  du  2  novembre  162/i  nous  fait  savoir 
que  Thomas  Blanvillain.  s'^  de  La  Forière,  agissant  au  nom  et  comme 
caution  de  plusieurs  habitants  de  Honfleur,  «  avait  requis  et  prié 
honneste  homme  Lucas  Le  Gendre,  marchand  demeurant  à  Rouen. . . , 
d'escripre  et  donner  ordre  à  Jean-Baptiste  et  Thomas  Le  Gendre, 
ses  fils,  de  présent  en  Barbaryc  »  de  négocier  le  rachat  de  quatre  de 
leurs  parents  retenus  en  captivité  au  Maroc.  Les  rançons  garanties 
par  le  s'  Blanvillain  étaient  :  de  4oo  livres  pour  le  rachat  de  Nicolas 
Aubert,  de  3oo  livres  pour  Forrey,  de  200  livres  pour  Jean  Liebcrl 
et  de  pareille  somme  pour  Jean  Gibon^. 

En  iG65,  Thomas  Le  Gendre,  à  la  demande  d'une  personne  dési- 
reuse d'obtenir  des  renseignements  sur  le  Maroc,  rédigea,  avec  ses 
notes  et  de  souvenir,  une  relation  fort  intéressante  et  peut-être  la 
plus  documentée  que  nous  ayons  sur  le  Maroc  au  xvii"  siècle.  Elle 
fut  imprimée  sous  le  titro  :  Lettre  escritle  en  response  de  diverses 
questions  curieuses  sur  les  parties  de  l'AjJ'rique  où  règne  aujourd'hui 


1.  V.  infra,  p.   1^6,  Hisl.  île  la  mission        Le  Gendre. 

des  PP.  capucins  au  Maroc.  3.   Cf.    Eludn   de    Maîtrn    Paul    Bréard 

2.  V    infra.  p.  ■ji4,  Relation  de  Thonnis        h  llonflcur,  MimUes.  année  ifi24,  f.  78. 


LXH  I^■TRODUCTIO^ 

Muley  Arxid,  roy  de  Tnfilete.  —  Par  Monsieur****  qui  a  demeuré 
25.  ans  dans  la  Mauritanie.  Celle  relation  parut,  comme  on  le  voit, 
sans  nom  d'auteur,  mais  les  circonstances  du  récit  ont  permis 
d'établir  de  la  façon  la  plus  certaine  qu'elle  devait  être  attribuée  à 
Thomas  Le  Gendre'.  Le  libraire-éditeur  doit  être  seul  rendu  respon- 
sable de  certaines  mentions  qui  figurent  dans  le  titre  et  qui  seraient 
en  contradiction  aAcc  ce  que  nous  savons  de  la  vie  de  Thomas 
Le  Gendre.  Pour  donner  plus  de  crédit  à  la  Lettre  escrilte,  il  aura 
fait  résider  l'auteur  anonyme  au  Maroc  pendant  vingt-cinq  ans. 
Enfin  laddilion  ou  règne  aujourd'hui  Muley  Arxid  était  destinée  à 
donner  de  l'actualité  à  une  relation  qui  se  rapporte  surtout  au  règne 
de  Moulay  Zidàn  et  des  derniers  chérifs  saadicns. 

Thomas  Le  Gendre  mourut,  le  27  décembre  1682,  à  l'âge  de 
quatre-vingts  ans".  Il  avait  eu,  de  son  mariage  avec  Françoise  de 
Saint-Léger,  qu'il  avait  épousée  en  168/4,  douze  enfants.  Celui  qui 
lui  succéda  à  la  tète  de  la  maison  de  commerce  fut  le  troisième,  né 
en  1689  et  appelé  Thomas  le  Jeune  pour  le  distinguer  de  son  père. 
Il  dut  abjurer  le  protestantisme,  lors  de  la  révocation  de  ledit  de 
Nantes,  car  il  obtint  de  Louis  XIV  des  lettres  de  noblesse  enregis- 
trées à  Rouen  en  la  grand'cbambre  du  Parlement  le  9  juin  i685.  Il 
ajouta  à  son  nom  le  litre  de  sieur  de  CoUandres,  fief  situé  près  de 
Beaumont-le-Roger.  Sa  fortune  s'élevait  à  quatre  ou  cinq  milhons, 
et  le  nombre  de  ses  correspondants  était  considérable.  En  1707, 
il  acheta  de  Marie-Anne-Henriette  d'Epinay  Saint-Luc  les  terres  de 
Gaillefonlaine,  Beaussault  et  Bézancourt,  moyennant  la  somme  de 
4o8ooo  livres.  Il  devint  aussi  seigneur  de  Romilly,  d'Alge,  d'El- 
bœuf  et  de  Maigremont. 

Ni  son  frère  Philippe,  le  pasteur,  ni  ses  enfants  Guillaume  et 
Thomas  ne  le  suivirent  dans  la  voie  de  l'abjuration.  Philippe  fut 
condamné  au  bannissement  par  le  parlement  de  Rouen  et  se  retira 
à  Rotterdam,  où  il  exerça  son  ministère.  On  lui  doit  une  Histoire 
de  la  persécution  faite  à  l'église  de  Rouen.  Quant  à  Guillaume  el  à 
Thomas,  ils  avaient  respectivement  quatorze  ans  et  treize  ans,  lors 
de  la  révocation  de  ledit  de  Nantes.  Retirés  à  Rolterdam  avec  leur 


I.   V.  rn/ro.  Noie  bibliographique  sur  la  2.   Pour  tous  les  renseignements  qui  siii- 

relalion  de  Thomas  Le  Gendre,  p.  697.  vent,  V.  Emile  Lesens,  op.  cit. 


INTRODUCTION  LXIII 

oncle,  ils  obtinrent,  le  G  décembre  1686.  une  décision  du  Magistrat 
de  cette  ville  par  laquelle  le  bourgmestre  et  les  échevins  les  pre- 
naient sous  leur  protection.  Il  semble  d'ailleurs  que,  malgré  la  diffé- 
rence de  leurs  destinées,  les  Le  Gendre  de  Hollande  soient  restés  en 
relations  avec  les  membres  de  leur  famille  résidant  à  Rouen . 

Jea\-Baptiste  Le  Gendre.  —  Né  en  1600'  et  par  conséquent 
plus  âgé  de  deux  ans  que  son  frère  Thomas,  il  dut  venir  avec  lui  au 
Maroc  en  1618.  Jean-Baptiste  Le  Gendre  dirigea  très  vraisembla- 
blement à  Safi  les  intérêts  de  la  maison  paternelle,  ce  qui  était  plus 
conforme  à  son  âge  et  à  sa  qualité  d'aîné.  Rappelons  qu'en  1618 
Thomas  n'avait  que  seize  ans.  Si  l'on  a  néanmoins  placé  au  premier 
rang  la  notice  consacrée  à  ce  dernier,  c'est  uniquement  parce  que 
la  relation  qu'il  a  écrite  permet  de  donner  sur  lui  des  détails  bio- 
graphiques plus  étendus  et  de  suivre  en  même  temps  l'histoire  des 
négociants  français  au  Maroc  sous  Moulay  Zidàn. 

La  présence  de  Jean-Baptiste  Le  Gendre  est  constatée  à  Safi  à  la 
date  du  28  novembre  1628  par  une  mention  du  journal  de  l'agent 
hollandais  Albert  Ruyl'.  On  a  vu  qu'il  y  résidait  en  novembre  162A, 
date  où  des  habitants  de  Honfleur  le  chargent,  conjointement  avec 
son  frère  Thomas,  de  racheter  leurs  parents  détenus  en  captivité. 
Il  quitta  le  Maroc  avec  les  marchands  français  établis  à  Safi, 
à  la  fin  de  i625.  Mais  il  y  retourna  en  i638  sur  le  navire  du 
capitaine  Esmery,  de  Caen.  On  le  trouve  à  Safi  au  mois  de  juin  de 
cette  année  ;  il  était  porteur  dune  lettre  de  Louis  XIII  pour  Moulay 
Mohammed  ech-Chcikh  el-AserjInr.  Le  nouveau  chérif  lui  fit  bon 
accueil  et  témoigna  qu'il  désirait  continuer  la  paix^;  il  lui  remit 
neuf  esclaves  français  et  l'assura  que,  s'il  redevenait  maître  de  Salé, 
il  lui  donnerait  tous  ceux  (pii  étaient  détenus  dans  cette  place. 

Moulay  Mohammed  ech-Cheikh  fit  plus  encore  et  prit  la  défense 
des  intérêts  de  Jean-Baptiste  Le  Gendre  contre  les  Anglais.  Ceux- 
ci,  qui  avaient  remplacé  les  Pallache  dans  la  ferme  des  douanes, 
voulaient  s'opposer  à  ce  que  le  marchand  rouennais  allât  traiter  ses 

I.   V.  Hibl.  (If  la  Sociélc  de  l'IIist.  du  3.   V.  i"  Série.  Pays-Bas,  t.  III,  Journal 

proU'stantismp  français. /îcy  f/psm/iumn(ions  d'Albert  liuyl.  à  la  date  du   xZ  novembre 

faites  à  Rouen,  Quevilly  et  Haint-Sever,  Ms.,  1628. 

aunomLeGendre,àIadaledu24marsi66o.  3.  V.  infm.  Doc.  XCVI,  p.  553. 


INTRODUCTION 


marchandises  à  Safi.  Le  Chc'rif  leur  fit  dire  «  qu'il  vouloit  que  les 
Français  trafiquassent  comme  eulx  et  qu'ilz  y  fussent  les  bien 
venus"  ».  Il  profita  de  l'occasion  pour  envoyer,  parle  vaisseau  du 
capitaine  Esmery,  un  ravitaillement  au  caïd  Morat  François  assiégé 
dans  la  kasba  de  Salé  par  Sidi  El-Ayachi.  Ce  vaisseau  arriva  devant 
la  place  le  22  juin  i638".  Jean-Baptiste  Le  Gendre,  qui  avait  l'in- 
tention de  revenir  en  France  pour  la  Toussaint \  resta  au  Maroc 
jusqu'en  iGSg.  Tandis  qu'il  se  trouvait  à  Salé,  en  novembre  i638, 
on  découvrit  à  une  lieue  de  la  ville  «  une  mine  de  très  fin  estain... 
qu'on  estime  meilleur  que  celuy  d'Angleterre,  laquelle  est  si  abon- 
dante en  ce  mestail  qu'elle  donne  plus  de  cinquante  pour  cent  et 
contient  plus  de  liuict  lieues  de  contour  ».  On  chargea  Le  Gendre 
d'en  emporter  «  une  partie  de  mille  quintaux  et  quelque  peu  de  la 
terre  duquel  on  le  tire  pour  monstrer  en  France'  ». 

Jean-Baptiste  Le  Gendre  quitta  Salé  en  juillet  iGSg;  le  vice- 
consul  Gaspard  de  Rastin  l'avait  chargé  de  remettre  à  Richelieu 
une  lettre  en  date  du  16  de  ce  mois,  dans  laquelle  il  exposait  sa  triste 
situation". 

Il  ne  semble  pas  qu  il  soit  retourné  au  Maroc  après  1689;  il 
mourut  à  Rouen  le  2/i  mars  1660.  Sur  le  registre  d'inhumation,  il 
est  qualifié  «  sieur  de  Boisville,  marchand  bourgeois  de  Rouen"  ». 

IsAAC  DE  Razillv  '.  — ^  La  famille  de  Razilly*,  qui  tire  son  nom  du 
fief  et  château  de  Razilly^,  appartenait  à  la  fois  à  la  Touraine,  à 
l'Anjou  et  au  Poitou.  Isaac  naquit  en    1687   au  château  d'Oiseau- 


I.   V.  infra.  Doc.  XCVII,  p.  554.  r^'K-rcnccs  à  ce  volume. 

1.  V.  m/ra.  Doc.  XCVI,  p.  552  et  note  1 .  8.   C'est  ainsi  que  le  nom  se  trouve  écrit 

3.  V.  Ibidem,  p.  553.  le  plus  généralement  jusqu'au  xviio  siècle, 

tl.  V.   infra,  p.  588,  Lettre  île  Gaspard  et  c'est  ainsi  que  signait  Isaac.  La  graphie 

de  ftastin  à  Richelieu,  i6  juillet  i63g.  Rasilly,  adoptée  par  Claude,  connu  sous  le 

5.  V.  Ibidem.  nom  de   Launay-1-ïa/.illy  (décembre   i5g3- 

6.  V.  suprn.  p.  Lxiii,  note  I.  22  mai  i65/i),  a  prévalu  aujourd'hui.  Cf. 

7.  Les  voyages  au  Maroc  du  chevalier  de  Généalogie  de  la  famille  de  Rasilly.  p.  27g 
Razilly  occupent  une  place  si  importante  et  338. 

dans  le  tome  III  des  SS.  HisT.  Maroc,  /■''=  g.   Commune    de    Bcaumont-en-Véron, 

Série,  France,   qu'il  a  paru  superflu  dans  arrondissement    de    Chinon,    déparlement 

cette  notice  biographique  de  multiplier  les  d'Indre-et-Loire. 


INTRODUCTION  LXV 

nielle'.  Reçu  chevalier  de  Malte'  au  prieuré  d'Aquitaine  le  G  jan- 
vier i6o5,  il  fît  partie  de  rexpédilion  que  La  Ravardière  et  François 
de  RazilK .  son  IVère  aîné,  coiidnisirent  au  Maragnon  en  1G12'. 

Revenu  en  France,  ce  gcntilliomme,  à  l'esprit  hardi  et  enlie- 
prenant.  ne  voyant  aucune  guerre  en  Europe  pour  occuper  son 
activité,  conçut  le  singuliei-  projet  de  passer  en  Afrique  et  d'aller 
ofTrir  ses  services  au  roi  du  Maroc.  Il  lut  encouragé  dans  ce  dessein 
par  son  frère  François.  Le  plan  de  Razilly  nous  est  seulement 
connu  par  l'exposé  qu'en  fait  le  P.  François  d'Angers.  Le  Cheva- 
lier, muni  de  lettres  de  recommandation  de  Louis  XIII  pour 
Moulay  Zidàn.  devait  travailler  au  rétablissement  des  relations  paci- 
fiques onti'c  la  France  et  le  Maroc,  très  tendues  depuis  l'alTaire 
Castelanc.  Il  mettrait  à  la  disposition  du  Chérif  pour  le  défendre 
contre  ses  ennemis  de  terre  et  de  mer  une  troupe  de  Français  qui 
tiendrait  garnison  dans  quelque  port  ou  place  de  sûreté,  et  dont 
1  entretien  serait  payé  par  le  makhzen.  Enfin  Razilly.  aussi  fervent 
chrétien  que  vaillant  capitaine,  n'onliiiait  pas  la  cause  de  Dieu  et 
devait  demander  au  Chérif  le  llhrc  exercice  de  la  religion  catho- 
lique dans  tous  ses  Etats'. 

Ce  projet  quelque  peu  aventureux  ne  dut  jjas  rencontrer  une 
grande  faveur  auprès  de  la  cour  de  France.  ÎNéanmoins.  on  crut  bien 
faire  de  profiler  des  dispositions  du  Chevalier  pour  le  charger  de 
conduire  au  Maroc  le  s'  Claude  Du  Mas.  envoyé  auprès  de  Moulay 
Zidàn  pour  négocier  la  mise  en  liberté  des  captifs  français.  Le 
vaisseau  de  Razilly  arriva  à  Safi  juste  au  moment  oîi  Moulay  Zidàn, 
pressé  par  le  rebelle  Yahia  ben  Abdallah,  venait  de  se  réfugier  dans 
ce  port.  Le  Chevalier  eut  occasion  de  rendre  quelques  services  au 
Chérif;  il  dut  l'entretenir  de  son  projet  et  fut  sans  doute  amené  à 
faire  devant  lui  l'éloge  de  son  frère  François  et  de  son  expédition 
au  Maragnon,  si  malheureusement  traversée  par  les  Espagnols. 
Toujours  est-il  que  Moulay  Zidàn  déclara  à  Du  Mas  qu'il  n'écou- 
terait aucune  [)roposition  avant  d'avoir  obtenu  satisfaction  pour 
l'afl'aire  Castelanc,  et  qu'il  fit  partir  sur  le  vaisseau  de  Razilly  le  caïd 

1.  Commune  des  Trois-Monlicis,  arioii-        Razilly  du  3  juin  iOo4,  Généalogie,  p.  xxi. 
dissemenl  de  Loudun,  département  de  la  3.    V.   Géiiéuloyie. 

Vienne.  '1.   V.  infra,  p.   100,  Hi$l.  '/<•  la  mission 

2.  V.    les   preuves  de   Malte  d'Uuac   de         des  PP.  capucins  au  Maroc. 

De  Casthies.  111.   —  e 


I.WI  INTRODUCTION 

Farcs  pour  demander  à  Louis  XIII  qu'on  envoyât  au  Maroc 
François  de  Razilly  «  avec  mémoires  et  pouvoirs  nécessaires  afin 
d'adviser  aux  conditions  raisonnables  d'une  bonne  union  et  la  rendre 
solide  ».  Le  caïd  devait  ajouter  «  qu'il  proposait  celte  personne 
[François  de  Razilly]  en  particulier,  pour  être  en  créance  dans 
l'esprit  du  Roy  son  maître,  et  connue  de  luy  pour  l'ennemi  véritable 
de  ses  propres  ennemis  ;  qu'a  peine  pourrait-il  [le  ChérifJ  prendre 
assurance  en  un  autre  de  qui  la  leputalion  ne  serait  pas  si  publique 
dans  ses  Etats'  ».  On  a  vu  plus  haut  que  la  cour  de  France  n'avait 
pas  déféré  à  ce  désir  du  Chérif. 

Les  opérations  maritimes  contre  les  Rochelais  occupèrent  Isaac 
de  Razilly  de  1G21  à  1623  ;  il  s'y  distingua  et  fut  nommé,  le 
3  décembre  i623.  premier  capitaine  de  la  marine  de  France,  puis, 
le  17  février  162^,  chef  d'escadre  des  vaisseaux  du  Roi  et  vice- 
amiral  de  ses  armées  navales. 

Mais  ces  événements  n'avaient  pas  distrait  sa  pensée  du  Maroc, 
et  il  était  sans  doute  resté  en  relations  avec  ce  pays.  Il  fut  in- 
formé en  1623  par  un  gentilhomme  français  échappé  de  captivité 
des  sentiments  et  des  dispositions  du  Chérif  à  son  égard  :  Moulay 
Zidân  avait  appris  avec  «  déplaisir  »  la  mort  de  François  de  Razilly, 
tué  en  octobre  1622  au  siège  de  Montpellier;  il  reprochait  au 
Chevalier  de  navoir  pas  continué  à  s'employer  «  au  traité  pour 
l'accommodement  des  deux  couronnes  ».  D'après  le  susdit  gentil- 
homme, Isaac  de  Razilly  pouvait  seul  réussir  dans  cette  entreprise 
«  du  côté  de  l'Afrique,  vu  la  haute  estime  dans  laquelle  il  étoit 
pour  sa  probité  et  sa  valeur  ».  Le  Chevalier  se  trouvait  alors  à  la 
tête  d'une  escadre  de  trois  vaisseaux,  rendue  inutile  par  la  paix  avec 
les  protestants.  11  demanda  donc  et  obtint  la  permission  de  passer 
au  Maroc  pour  sonder  les  intentions  du  Chérif  au  sujet  de  l'alliance 
et  empêcher  la  capture  des  nombreux  Français  que  les  Maures 
réduisaient  en  esclavage.  Dans  la   pensée  d'Isaac  de   Razilly,  son 

I.   V.  infra,  p.  loi.  Histoire  de  la  mission  lemenl  connu  de  Moulay  Zidàn.  L'auteur 

dss   PP.    rtipucins   au   Maroc.    Le   langage  de  la  Généalogie   a  admis  cette  hypothèse 

employé  par  le  P.  Frauçois  d'Angers,  auteur  (V.   p.    a36),   qui   est  d'ailleurs  contredite 

de  cette  Histoire,  donnerait  presque  près-  dans  ce  même  ouvrage  où  il  est  dit  (p.  3o^) 

que  à  penser  que  François  de  Razilly  avait  que  François  séjournait  à  la  cour  de  France 

été  au  Maroc  en   i6iy  et  était  personnid-  on  janvier  i6ig. 


INTRODUCTION  LXVII 

expédition  devait  avoir  aussi  pour  objet  d'amener  les  infidèles  à  la 
connaissance  du  vrai  Dieu.  C'est  pourquoi  il  s'adressa  au  P.  Joseph, 
provincial  des  PP.  capucins  de  la  province  de  Touraine  et  com- 
missaire apostolique  des  missions  étrangères.  Le  P.  Joseph  s  in- 
téressa vivement  à  l'entreprise  et  fit  députer  par  le  chapitre  de  la 
province  de  Touraine  les  PP.  Pierre  d'Alençon  et  Michel  de  Vezins 
avec  le  Frère  Rodolphe  d'Angers,  pour  accompagner  Razilly  et  fon- 
der au  Maroc  une  mission  apostolique. 

Partie  de  France  vers  la  fin  d'août  1624.  l'escadre  de  Razilly 
arriva  à  Safi  le  3  octobre.  De  nombreux  gentilshommes  faisaient 
partie  de  l'expédition.  Le  4  octobre,  le  Chevalier  descendit  à  terre 
avec  les  PP.  capucins  qui  célébrèrent  la  messe  dans  la  chapelle 
consulaire.  Quelques  jours  après,  Sidi  Farès,  le  caïd  qui  avait  été 
récemment  envoyé  en  France  par  Moulay  Zidân,  se  présenta  à  bord 
de  la  paît  du  Chérif,  qui  était  campé  dans  les  environs  de  Safi.  Il 
apportait  «  un  passeport  du  Roy  en  bonne  forme,  signé  de  sa  main 
et  scellé  du  sceau  des  armes  de  Sa  Majesté,  par  lequel  il  promettoit 
au  commandeur  de  Razilly  et  aux  siens  asseurance  dans  ses  Etats'  ». 
D'après  Cespedes\  le  passeport  limitait  à  deux  le  nombre  des 
Français  autorisés  à  débarquer.  Saint-Mandrier  aurait  écrit  dans  ce 
sens  à  Razilly,  mais  les  gens  de  Safi  auraient  intercepté  la  lettre  de 
ce  dernier  et  transmis  seulement  le  sauf-conduit  chérifien.  Si  l'on 
s'en  rapporte  à  Thomas  Le  Gendre,  témoin  oculaire,  le  passeport, 
au  contraire,  était  valable  pour  vingt-cinq  personnes  ^  Toujours 
est-il  que  «  le  sieur  de  Razilly  le  croyant,  et  que  la  lettre  qu'il 
ne  pouvoit  lire,  parce  (ju'elle  estoit  en  arabe,  chantoit  la  même 
chose  »,  descendit  à  terre  avec  une  brillante  escorte  de  plus  de 
trente  personnes,  trompettes  et  violons  en  tète  :  les  religieux 
capucins  l'accompagnaient.  Alors  que  les  Français  s'avançaient 
ainsi  pleins  de  confiance.  «  le  gouverneur  de  Safi.  qu'ils  pensoient 
être  venu  pour  les  recevoir  au  nom  du  Roy  son  maître,  les  arrêta 
tous  et  les  fit  prisonniers  ».  Après  les  avoir  dépouillés,  on  les  fit 
monter  à  cheval  et,  liés,  ils  furent  conduits  à  la  mahalla  chéri- 
fienne. 

1.  V.   infra.  p.   roC,  Histoire  de  la  Mis-        loria  de  D.  Felipe  IV.  p.  5o0. 

sion  des  PP.  capucins  au  Maroc.  3.  Cf.  infra,  p.  782,  Relation  de  Thomas 

2.  V.  Cespedes,  Primera  parte  de  In  His-         Le  Gendre. 


LXVIII  INTRODUCTION 

La  véritable  cause'  de  cet  acte  de  perfidie  contre  un  ambassadeur, 
attentat  presque  unique  dans  l'histoire  du  Maroc,  paraît  être  le 
ressentiment  très  grand  qu'avait  conçu  le  Cbérif,  en  apprenant  que 
la  cour  de  France  avait  refusé  de  recevoir  son  ambassadeur  Sldi 
Farès  et  de  lui  accorder  la  moindre  satisfaction  pour  l'affaire 
Castelane.  Moulay  Zidân  voyait  dans  ce  guet-apens  de  légitimes 
représailles  et  un  moyen  de  se  procurer  des  otages  de  prix,  puisque 
la  plupart  des  Français  ainsi  arrêtés  étaient  des  gentilslujmnics.  Il 
fil  camper  les  prisonniers  à  proximité  de  sa  lente.  Au  bout  de 
quelques  jours  il  consentit  à  remettre  en  liberté  Razilly,  son  valet 
de  chambre  et  un  des  capucins  de  la  mission,  le  Fr.  Rodolphe  :  il 
chargeait  le  Chevalier  de  remettre  au  roi  de  France  un  mémoire  sur 
l'affaire  Castelane  et  de  demander  «  réparation  de  cet  affront 
insigne  et  le  dédommagement  d'une  si  notable  perte  ». 

Rentré  en  France  avec  la  préoccupation  de  délivrer  le  plus  tôt 
possible  ses  compagnons  captifs,  Razilly  fut  cette  fois  encore  em- 
ployé «  malgré  lui  »,  à  La  Rochelle  oîi  il  remplit  les  fonctions  de 
contre-amiral  de  la  flotte  commandée  par  le  duc  de  Montmorency, 
n  se  distingua  ainsi  que  son  frère  Claude  dans  la  bataille  navale 
du  i6  septembre  i6a5  où  furent  vaincus  les  Rochelais,  et  tint  la 
campagne  jusqu  à  la  suspension  d  armes  du  5  février  1G26. 

Cependant  le  Chevalier  n'avait  garde  d'oublier  les  malheureux 
captifs  du  Maroc,  il  adressa  en  1626  à  Richelieu  plusieurs  mémoires 
relatifs  à  leur  rachat^.  H  envoya  même  au  Maroc  en  1627  une  pata- 
che  portant  «  argent  et  meubles  nécessaires  »,  mais  le  capitaine 
de  ce  navire  s'étant  mis  à  pirater  fut  poursuivi  et  pris  par  les  vais- 
seaux du  Roi.  Les  opérations  contre  les  prolestants  recommencèrent 
en  juillet  1 627  ;  le  Chevalier  y  fut  de  nouveau  employé  et  contribua 
avec  son  frère  Claude  à  chasser  les  Anglais  de  lîle  de  Ré  (novem- 
bre 1627). 

La  capitulation  de  La  Rochelle  (29  octobre  1G28)  et  la  paix  avec 
l'Angleterre    (2/1    avril    1629)    rendirent   à    Razilly    sa    liberté    et 

I.   Le  P.  François  d'Angers  rend  Saint-  çais   voulaient   surprendre  Sati.  \.    infru, 

Mandrier  responsable  de  cette  violation  du  p.   iog  et  note  i,   Hisl.    de   la  mission  des 

droit  des  gens.  Ce  capitaine  provençal  (V.  PP.  capucins  au  Maroc, 
supra,  p.  xxxix,  sa  notice)  aurait,    d'après  2.   V.  infra.  ces  mémoires,  pp.  iiD,  119 

lui,  persuadé  à  .\luulav  Zldùii  que  les  Fran-  et  123. 


INTRODUCTION  LXIX 

lui  permirent  de  s'occuper  du  Maroc,  où  Moulay  Abd  el-Malek  avait 
succédé  en  1627  à  Moulay  Zidàn.  Sur  les  instances  du  P.  Joseph, 
Richelieu  se  décida  à  y  envoyer  une  expédition.  Le  Chevalier  en 
eut  le  commandement,  mais  on  hii  adjoignit,  un  peu  comme  un 
mentor,  le  capitaine  Du  Chalard.  dont  il  avait  promis  au  P.Joseph  de 
suivre  «  les  bons  avis  ».  La  mission  de  Razilly  avait  un  double 
objet  :  il  devait  faire  une  démonstration  devant  Salé,  afin  d'amener 
cette  république  de  pirates  à  relâcher  les  esclaves  français  et  à  con- 
clure une  trêve  :  il  devait  daulre  part  négocier  avec  Moulay  Abd 
el-Malek  un  traité  de  paix  et  racheter  à  ce  dernier  les  captifs  français 
qui  lui  appartenaient  en  propre.  L'escadre  se  composait  de  sept 
vaisseaux  et  deux  pataches;  on  acheta  en  outre  un  vaisseau  olon- 
nais  qu'on  arma  pour  servir  également  de  patache.  Le  Fr.  Rodolphe 
revenait  au  Maroc  avec  l'expédition. 

La  flotte  partit  le  27  juin  1629  de  la  rade  de  Chef-de-Baie,  près 
de  La  Rochelle,  et  mouilla  devant  Salé,  le  20  juillet.  A  son  arrivée, 
le  Chevalier  apprit  la  mort  des  PP.  Pierre  d'Alençon  et  Michel  de 
Vezins.  ainsi  que  celle  de  son  neveu  Gabriel  de  Razilly'.  Le  28,  il  fit 
partir  pour  Safi  deux  vaisseaux  et  une  pinasse  avec  le  Fr.  Rodolphe 
chargé  des  négociations  à  ouvrir  avec  Moulay  Abd  el-Malek.  Quant 
à  lui,  il  signifia  un  ultimatum  au  Divan  de  Salé.  En  ayant  reçu  une 
réponse  insolente,  il  mit  le  Ijlocus  devant  la  place  le  26  juillet  et 
le  maintint  pendant  deux  mois,  prenant  pour  point  d'appui  El- 
Mamora".  Les  Salélins  se  décidèrent  le  2  octobre  1629  à  conclure 
une  trêve  de  cinq  mois.  Ce  fut  Du  Chalard  qui  négocia  et  signa  cet 
accord  avec  le  gouverneur  Mohammed  ben  Abd  el-Kader  Ceron.  Le 
Chevalier,  dont  le  vaisseau  «  la  Licorne  »  était  mouillé  devant  El- 
Mamora,  averti  par  trois  coups  de  canon  tirés  par  Du  Chalard  de 
la  conclusion  de  la  trêve  avec  le  Divan,  se  mit  en  roule  pour  Salé, 
afin  de    prendre   à  son   bord   les  captifs  français  que  les  Salétins 

I.   Il    était   fils  de    l'rançois  (In    I\azilly  Zidàn  parles  Etals-Géncraux  des  Provinccs- 

(frèrc  aîné  du  Chevalier)  et  de  Marguerite  Unies,  à  la  recommandation  du  comte  et 

de  Clcrmont,  et  avait  accompagne  son  oncle  de  la  comtesse  de   Soissons.   V.   inj'ra,  p. 

en   lôa.'i.  Il   mourut  de  la  peste  à  Mcrra-  126,  Doc.  XXVI. 

kcch  à  la  fin  de  mars  1659.  V.  Génénloijie ,  2.   Razilly    entretint   d'excellentes  rela- 

pp.  283  et  3i5.  Une  démarche  en  vue  d'oh-  tions  avec  le  gouverneur  espagnol  do  celte 

tenir  la  liberté  de  ce  jeune  gentilhomme  place,  Toribio  de  Ilcrrora.  V.  infra.  pp.  220 

avait  été  faite  en   1627  auprès  de  Moula)-  et  222. 


LXX  INTRODUCTION 

s'engageaient  à  lui  remeltre.  Mais  le  mauvais  temps  l'empêcha 
daborder  et,  après  avoir  erré  douze  jours  en  mer,  il  vint  mouiller 
devant  Safi,  où  il  lut  rejoint  par  Du  Chalard  (ili  octobre  162g). 

Il  trouva  à  Safi  le  Fr.  Rodolphe,  de  retour  de  Merrakech,  qui  lui 
apportait  une  lettre  de  Moulay  Abd  el-Malek.  Celui-ci,  usant  des 
atermoiements  coutumiers  aux  Chérifs,  ajournait  la  conclusion  du 
traité  et  la  mise  en  liberté  des  captifs  français.  La  mauvaise  saison 
s'avançait  et  les  bateaux  commençaient  à  fatiguer  sur  la  côte  maro- 
caine. Razilly  écrivit  donc  de  nouveau  au  Chérif,  lui  demandant 
avec  instance  de  se  hâter  ;  il  s'engageait  à  remettre  le  présent  du  roi 
de  France  '  à  l'envoyé  de  Moulay  Abd  el-Malek  qui  amènerait  les 
captifs.  Ce  fut  en  vain,  et,  le  27  octobre,  une  tourmente  s'étant 
élevée,  la  flotte  se  vit  contrainte  de  faire  voile  vers  la  France  où 
«la  Licorne»  arriva  à  Port-Louis  le  20  novembre;  les  autres 
vaisseaux  rentrèrent  à  Chef-de-Baie  près  de  La  Rochelle. 

Le  double  objet  de  la  mission  confiée  à  Razilly  n'avait  été  qu'im- 
parfaitement atteint  :  s'il  avait  réussi  à  signer  une  trêve  avec  les 
Salétins,  il  avait  dû  laisser  entre  leurs  mains  les  esclaves  français. 
Quant  au  Chérif,  il  n'en  avait  obtenu  ni  traité  ni  captifs.  Une  nou- 
velle expédition  était  nécessaire.  Razilly,  toujours  accompagné  du 
capitaine  Du  Chalard.  fut  renvoyé  au  Maroc.  La  flotte  partit  de  Saint- 
Martin-de-Ré  le  28  juin  i63o.  Elle  se  composait  de  «  la  Licorne  » 
le  vaisseau  de  Razilly,  de  «  la  Renommée  »  sous  les  ordres  de 
Du  Chalard  et  de  la  patache  <c  la  Petite  Marguerite  »  commandée 
par  le  capitaine  Pâlot.  Le  2.3  juillet  i63o,  on  arriva  devant  Salé  et 
le  même  jour  on  captura  trois  navires  aux  pirates,  qui  se  décidè- 
rent, le  2  août,  à  demander  une  suspension  d  armes.  On  échangea 
des  otages  de  part  et  d'autre  ;  les  Salétins  commencèrent  par  rendre 
la  liberté  à  tous  les  captifs  français  et  on  leur  donna  en  retour 
quelques  marchandises".  Puis  les  pourparlers  s'engagèrent  au  sujet 
de  la  paix.  Razilly,  laissant  à  Du  Chalard  le  soin  de  terminer  les 
négociations  avec  les  plénipotentiaires  de  Salé,  se  rendit  à  Safi,  où  il 

I .   On  sait  que  par  une  fiction  à  laquelle  tire  gracieux.  V.  infra,  p.  i^g  et  note  3. 
la  cour  de  France  attachait  une  grande  im-  2.   V.    infra.   p.    3io,    Relation  dite   de 

portance,  les  esclaves  français  n'étaient  pas  Jean  Armand   Mustapha.   La   rançon   était 

rachetés  au  Chérif,  mais  celui-ci  les  remet-  parfois  payée  en  nature,  à  cause  de  la  plus- 

tait  contre  un  présent  qui  avait  un  carac-  value  des  marchandises. 


iNxnnnurTioN-  lxxi 

arriva  le  .Si  août.  Le  capitaine  Pâlot,  porteur  dune  lettre  du  Che- 
valier pour  le  Chérif,  l'y  avait  devancé  et  avait  annoncé  la  pro- 
chaine arrivée  de  la  flotte  française.  Mais  Moulay  Abd  el-Malek 
semblait  vouloir,  comme  l'année  précédente,  traîner  les  choses  en 
lons;ueur.  Par  contre,  les  pourparlers  avec  les  Salétins  s'étaient 
heureusement  terminés,  et  le  7  septembre  Du  Chalard  arrivait  à 
Safi  avec  le  traité  signé  à  la  date  du  3  septembre.  Cependant  Razilly 
réclamait  avec  instance  du  (]hérif  l'envoi  d'un  caïd  ayant  des 
pouvoirs  pour  négocier.  La  capture  d'un  navire  plus  ou  moins 
chargé  de  contrebande  qui  fut  opéré  le  3  octobre  dans  la  rade  de 
Safi  avança  les  choses.  Ce  navire  appartenait  aux  Pallache,  cette 
famille  de  ,luifs  si  en  faveur  auprès  des  Chérifs.  Les  Pallache,  dési- 
reux de  recouvrer  leur  navire,  mirent  tout  en  œuvre  pour  obtenir 
la  liberté  des  captifs  français,  et  Moulay  Abd  el-Malek  consentit  à 
les  laisser  partir  de  Marrakech  le  9  octobre.  Dès  le  \  i  Razilly  était 
informé  par  eux  de  la  décision  du  Chérif.  Mais  il  n'ajouta  sans 
doute  qu'une  médiocre  confiance  aux  dires  des  Pallache,  et,  crai- 
gnanl  d'(Mre  pris,  comme  en  16519.  1"^'"  ^^  S'"*'^  temps  sur  la  côte 
du  Maroc,  il  mit  à  la  voile  le  12  octobre  et  arriva  à  l'île  de  Ré 
le  28  novembre  ;  il  ramenait  en  France  cent  vingt  des  captifs  déli- 
vrés à  Salé.  Le  capitaine  Pâlot,  qui  avait  quitté  Safi  le  1 2  septembre, 
en  avait  rapatrié  le  même  nombre. 

Le  16  octobre,  arrivaient  à  Safi,  sous  la  conduite  du  caïd  Yahia 
el-Djenati.  les  captifs  français  venus  de  Merrakech.  Grand  fut  leur 
désappointement,  en  apprenant  que  les  vaisseaux  de  France  étaient 
repartis  depuis  quatre  jours.  Le  Chérif,  oubliant  que  ses  atermoi- 
menls  justifiaient  dans  une  certaine  mesure  le  manque  de  patience 
du  (  ihcvalier,  adressait  à  Louis  XIII  une  lettre  pour  se  plaindre  du 
procédé  (2  novembre  i63o).  «  Vostre  subjet  [Razilly],  écrivait-il, 
sçavoit  très-bien  pourtant  que  le  nostre  le  devoil  bientôt  aller  trou- 
ver, voires  mesmes  qu'il  estoit  en  chemin,  et  toutes  fois  n'eut  pas 
la  patience  d'attendre  son  arrivée,  bien  qu'un  serviteur  ne  doive, 
pour  quoy  que  ce  soit,  laisser  la  poursuitte  des  choses  qui  luy  sont 
commandées  par  son  maistrc,  moins  encore  tesmoigner  de  l'impa- 
tience, quand  il  s'agist de  l  exécution  »'. 

I.   V.  infra,  p.   302,  Lettre  de  Moutay  Abd  et- Malek  à  Louis  XIII  (TTadaclioii). 


I.XXII  INTROr)Ur,TIO>- 


Razilly  el  Du  Chalard  durent  faire  un  nouveau  voyage  au  Maroc 
en  i63i  pour  terminer  avec  Moulay  el-Oualid,  successeur  de 
Moulay  Abd  el-Malek,  cette  négociation  qui  durait  depuis  ifiag.  La 
cour  de  France  leur  adjoignit  un  agent  spécial,  le  s'  de  Molères,  qui 
fut  chargé  de  la  partie  diplomatique.  Cette  dernière  expédition  des 
deux  capitaines  «  leur  réussit  si  heureusement  que.  par  leur  sage 
conduite,  ils  mirent  leur  négociation  au  point  où  Sadite  Majesté 
leur  avoit  commandé  de  la  mettre,  car,  après  avoir  esté  longtemps 
à  traitter  avec  le  roy  de  Marroc  et  avoir  combattu  toutes  les  diffi- 
cultés qui  les  traversoient  en  leurs  desseins,  ils  les  vainquirent  enfin 
et  firent  si  bien  qu'ils  délivrèrent  cent  quatre-vingts  esclaves  fran- 
çois  qui  restoient  en  tout  ce  païs-là,  outre  les  deux  cens  que  le 
mesme  commandeur  de  Razilly  avoit  rachetez  l'année  précédente,  et 
conclurent  entre  les  deux  couronnes  de  France  et  de  Marroc  un 
traitté  de  paix  assez  advantageux  '  ».  Le  traité  avait  été  signé  par  le 
Chérif  le  17  septembre  iC3i.  «  La  Licorne  »  et  «  la  Renommée  » 
étaient  de  retour  dans  la  baie  du  Morbihan  le  7  novrembre  i63i. 

Le  commandeur"  de  Razilly  ne  retourna  plus  au  Maroc  et  porta 
son  activité  du  côté  de  la  Nouvelle  France  (Canada);  il  fut  choisi 
par  Richelieu  le  12  mai  1682  pour  recevoir  ce  pays  des  mains  des 
Anglais  qui.  par  le  traité  de  Saint-Germain-en-Laye(2f)  mars  1682). 
venaient  de  le  restituer.  Par  lettres  patentes  du  20  avril  i632,  le 
Roi  le  nomma  «  son  lieutenant-général  en  tout  le  pais  de  la  Nouvelle 
France  dit  Canada,  terres  et  costes  circonvoisines,  en  toute  son 
estendue  et  par  delà  tant  et  sy  avant  qu'il  pourroit  faire  recevoir  et 
recongnoistre  son  nom  ».  En  fait.  Razilly  n'exerça  ses  fonctions 
de  lieutenant-général  de  la  Nouvelle  France  que  sur  l'Acadie'.  Il 
s'embarqua  à  Auray  le  !\  juillet  i632  et  réoccupa  1rs  établissements 
de  la  colonie  naissante  qu'il  administra  et  gouverna  en  Français 
jaloux  de  l'expansion  de  son  pays.  Il  projetait  d  y  établir  une  com- 
manderie  de  Malte  sous  la  suzeraineté  de  la  France,  quand  il  mourut 
à  La  Hève  en  i636. 


I.    V.  Dan,  Ilist.  de  Barbarie,  p.    33 'i.  datt'. 

3.   Il  avait  été  nommé  commandi'iir  de  3.   Sur  l'histoirr   de   cette   colonie,    cf 

l'Islc-Boucliard  le  21  octobre  i63i.  V.  Gé-  Rameau  de  Sai.\t-Péke,  Une  colonie  féo- 

néalogie,  p.  233.  C'est  à  tort  que  quelques  dale  en  Amérique,  l'Acadie  de  lOoià  181 1, 

historiens  lui  donnent  ce  titre  avant  cette  et  MoRtAU,  Histoire  de  l'Acadie. 


INTRODUCTION 


LXMII 


Priam-Piekre  Du  Ciu\lahd.  —  Ce  capitaine  de  vaisseau,  donl 
le  pcre  avait  été  gentilhomme  de  la  chambre  du  roi  de  Navarre  ',  dut 
naître  vers  iSgo".  11  était  «  fils  de  Bordeaux  et  de  condition,  dun 
très-gentil  esprit,  ayant  acquis  des  moyens  à  la  Cour,  oultre  ceux 
qu  il  avoit  de  sa  maison^  ».  Après  avoir  été  attaché  au  duc  de 
Fioquclaure  ',  au  service  duquel  on  le  trouve  en  1610,  il  «  fait  pro- 
lession  des  armes,  notamment  de  la  marine  à  ses  despens  '  ».  En 
1619,  il  est  qualifié  gouverneur  de  la  Tour  de  Cordouan  "  dans  une 
délibération  des  jurats  de  Bordeaux  relative  au  balisage  de  l'entrée 
de  la  Gironde"  et,  à  cette  même  date,  il  figure  dans  V Alphabet 
Lajîllurd  comme  capitaine  de  vaisseau  * .  Ce  double  titre  lui  est 
donné  dans  un  acte  du  l'y  septembre  1626  par  lequel  Claude  de 
Razilly,  qui  était  comme  lui  capitaine  de  vaisseau,  l'institue  son 
exécuteur  testamentaire'.  On  peut  déduire  de  ce  fait  que  P.  Du 
Clialard  était  lié  avec  les  Razilly.  Il  se  trouva  d'ailleurs  avec  les 
deux  frères  Claude  et  Isaac  au  siège  de  La  Rochelle  (162 7-1 628), 
où  il  se  distingua  '". 


1.  Gration  Du  Chalard,  pèro  Av  Priam 
Pierre,  avait  épniisé  Jeanne  Sevin,  fille  de 
Jean,  s''  de  Villerov  et  de  Bertrande  d'Ar- 
cct.  Bibl.  Nat  ,  Mss.  Dossiers  bteiis.  164, 
cote  i3o^. 

2.  Il  avait  I  âge  d'homme  en  i6io.  V. 
ci-dessous  la  note  4.  D'autre  part  on  verra 
qu'en  1639  Richelieu  l'avait  placé  auprès  de 
Razilly  comme  une  sorte  do  mentor  (V. 
supra,  p.  Lxix,  Notice  sur  Razilly).  ce  qui 
rend  vraisemblable  que  Du  Chalard  avait 
au  moins  l'âge  du  chevalier,  lequel  était 
ne  en  1587. 

3.  Cf.  Gaufketeau,  Chruiàquc  borde- 
laise, t.  II,  p.  175. 

!\.  a8  septembre  1610.  «  Priam  Pierre 
Du  Chalard.  gentilhomme  j)rès  du  si"  de 
Roquelaurc,  confesse  avoir  reçu  la  somme 
de  700**  à  lui  ordonnée  par  le  Roy  pour 
l'être  venu  trouver  de  la  part  du  s''  de  Ro- 
quelaurc de  la  ville  d'.\gen  en  celle  de 
Paris  ».  Bibl.  Nat.,  Pièces  originales,  vol. 
648.  cote  i525G,  p.  6. 

5.  Cf.  Gaufketeau,  loc.  cit. 


fi.  Nos  recherches  pour  retrouver  la  no- 
mination de  P.  Du  Cbalard  comme  capi- 
taine ou  gouverneur  de  la  Tour  de  Cordouan 
n'ont  pas  donné  de  résultats.  Mais  il  dut 
être  nommé  entre  1617  et  l6ig,  car  on 
voit  une  ordonnance  de  visite  de  la  Tour 
du  '27  février  1617  provoquée  par  Nicolas 
de  S'  Aulady,  bourgeois  de  Bordeaux,  capi- 
taine de  la  Tour  de  Cordouan.  V.  Arch. 
Dép.  de  la  Gironde,  Série  C,  cote  38g3.  — • 
Sur  la  Tour  de  Cordouan,  Cf.  Arch.  Hist. 
de  la  Gironde,  t.  28,   p.  234  ;  T.   Rimer, 

Fœdera,  conventiones t.  IV,  p.    i56  ; 

G.  Labat,  Doc.  sur  la  ville  de  Royan  et  la 
Tour  de  Cordouan,  p.  4. 

7.  Cf.  .Archives  communales  de  Bor- 
deaux, Série  JJ.  Inventaire  des  registres  de 
la  .Inrade  (i53o-ij83). 

8.  Cf.  Bibl.  de  la  Marine,  Alphabet 
LiifiHnrd,  p.  147.  Il  est  appelé  Pierre  Du 
Cliallard  de  S'  Soyan. 

().  Cf.  Généaloijie  de  la  famille  de  Rnsilly, 
p.  365. 

10.   Cf.  Gaufreteau,  loc.  cit. 


LXXn-  INTRODUCTION 

En  1629  il  fut  désigné  par  Richelieu  pour  commander  «  la 
Renommée  »,  l'un  des  vaisseaux  de  l'escadre  envoyée  au  Maroc  sous 
les  ordres  du  chevalier  Isaac  de  Razilly.  Il  avait  été  placé  auprès  de 
ce  dernier  comme  un  homme  de  bon  conseil  et  avait  en  réalité  «  la 
principale  part  en  la  conduite  de  cet  armement  '  ».  Aussi  le  père 
Joseph  écrivait-il  au  Chevalier  :  «  Je  vous  supplie  de  vous  souvenir 
de  ce  que  vous  m'avez  promis  qui  est  de  suivre  les  bons  avis  de 
monsieur  Du  Chalard,  selon  même  les  instructions  de  monseigneur 
le  Cardinal,  qui  vous  estimera  d'autant  plus  qu'il  vous  verra  donner 
créance  aux  personnes  capables  et  de  mérite'.  » 

On  a  déjà  raconté  dans  la  notice  sur  Razilly  '  cette  expédition  de 
1629.  ainsi  que  celles  de  i63oetde  i63i  *,  auxquelles  Du  Chalard 
prit  part  à  bord  de  son  vaisseau  «  la  Renommée  » .  Il  suffit  de  rappeler 
que  le  compagnon  de  Razilly  fut  chargé  spécialement  des  négocia- 
tions qui  aboutirent  à  la  trêve  du  2  octobre  1629,  conclue  pour  cinq 
mois,  et  à  la  trêve  du  3  septembre  1 63o,  signée  pour  deux  ans. Quant 
au  traité  dei63i ,  il  fut  négocié  par  un  agent  spécial,  le  s' de  Molères. 

En  i632,  Du  Chalard  °  fit  partir  pour  le  Maroc  le  s"^  Julien  Du 
Puy,  afin  de  recouvrer  du  consul  Pierre  Mazet  la  somme  de 
28886  livres,  qu'il  devait  pour  des  marchandises  qui  lui  avaient  été 
laissées  en  i63o  avec  charge  de  les  vendre.  Mais  le  chérif  Moulay 
el-Oualid,  irrité  d  un  malentendu  provoqué  par  l'infidélité  des 
Pallache  et  croyant,  ou  affectant  de  croire  à  un  changement  dans 
les  dispositions  de  la  France,  fit  jeter  en  prison  l'envoyé  de  Du 
Chalard,  ainsi  que  le  consul  Pierre  Mazet,  et  l'ecommença  la  course 
contre  nos  vaisseaux  ^  La  mission  du  capitaine  Cabiron  '  ayant  fait 
le  jour  sur  les  griefs  du  Chérif,  on  résolut  d'envoyer  au  Maroc  une 
nouvelle  expédition,  dont  le  commandement  lui  confié  à  Du  Chalard. 

1.  \  .  infra,  p.  3"^  1,  Histoire  de  In  mission  5.  Il  portait  alors  le  titre  de:  «  Con- 
çues PP.  capucins  au  Maroc.  seiller  du  Roy,  Commissaire  provincial  des 

2.  V.  infra.  p.  205,  Lettre  du  P.  Joseph  guerres  de  Guienne,  etc.  ».  V.  infra. 
à  Razilly.  p.  4/Ji,  Lettre  de  Mien  Du  Puy  à  Du  Cha- 

3.  V.  supra,  pp.  Lxix-Lxxii.  lard. 

h.  Dans  sa  lettre  de  commission,  datée  6.   Sur  ces  événements,  V. /èiV/em. 

du  6  mai  i63i,  P.  Du  Chalard  est  qualifié  :  7.   Sur  la  mission  du  capitaine  Cabiron, 

«  capitaine  et  gouverneur  de  nostre  Tour  de  V.  infra.  pp.   Ulx^j-li^o,  Relation  d'Antoine 

Cordouan  et  capitaine  gardo-cosle  de  nostre  Cabiron,  et  pp.  461-470,  Compte  d'Antoine 

province  de  Guienne  ».  V.   infra.  p.   Srjg.  Cabiron. 


INTRODUCTION  LXXV 

En  vertu  de  ses  inslruclions,  datées  du  2/1  octobre  i63A.  il  était 
ft  chargé  de  mener  et  de  conduire  au  roy  de  Marocq  les  Mores  ses 
subjects  qui  avoient  esté  sur  les  galleres  de  Fiance  et  retirer  par 
forme  d  échange  les  François  retenus  esclaves  par  ledit  roy  de  Marocq 
et  mesmes  par  les  habitants  de  Salé  '  ».  Au  cas  où  les  Salétins  refu- 
seraient cette  transaction.  Du  Chalard  devait  composer  avec  eux 
dans  les  limites  de  la  somme  qu'il  emportait  avec  lui.  Toutefois,  si 
les  rançons  dépassaient  cette  somme,  il  était  autorisé  à  emprunter 
au  nom  du  Roi  «  et  par  son  crédit  particulier  des  marchands  qu'il 
trouxeroit  audit  Salé  ce  qui  seroit  nécessaire  pour  faire  ledit  rachapt 
jusques  à  la  somme  de  cent  livres  par  homme,  que  Sa  Majesté  pro- 
mit de  faire  rendre  et  payer  trois  mois  après  son  retour'  ». 

Conjointement  à  cette  mission  de  rédemption  générale  dont  il 
était  chargé  par  la  cour  de  France,  Du  Chalard  en  accepta  une  parti- 
culière des  Etats  de  Bretagne  pour  le  rachat  des  caplifs  de  cette  pro- 
vince^. A  cet  efl'ct  les  États  réunis  à  Dinan  votèrent,  le  i4  décembre 
i63i,  une  somme  de  loooo  livres  et  firent  remettre  à  Du  Chalard 
la  liste  des  captifs  bretons.  Mais,  comme  les  fonds  n'étaient  pasprèts 
les  députés  des  Etals  le  prièrent  de  vouloir  bien  en  faire  l'avance,  et 
celui-ci,  avant  son  départ,  dut  emprunter  aux  sieurs  Bibault  et 
Bordet,  banquiers  à  La  Rochelle,  la  somme  de  dix  mille  livres  c<  dont 
il  liia  lettre  de  change  sur  la  dame  Du  Challard  *  ». 

Il  partit  le  3o  avril  i635  de  l'île  de  Ré  et  arriva  à  Safi  le  n  mai. 
Outre  son  vaisseau  «  la  Renommée  »  il  emmenait  avec  lui  «  l'Espé- 
rance-en-Dieu  »  commandée  par  le  sieur  de  Poincy,  et  «  l'Isabelle  » 
qui  servait  de  patache.  Moulay  el-Oualid  se  trouvait  à  Aïer.  sur- 
veillant les  travaux  de  sa  kasba  d'El-Oualidya,  où  étaient  employés 
tous  les  esclaves  chrétiens.  Il  se  rendit  le  23  mai  à  Safi  pour  se 
rencontrer  avec  l'ambassadeur  de  France.  Sur  ces  entrefaites  et 
tandis  que  les  pourparlers  se  poursuivaient,  le  navire  «  la  Perle  », 
battant  le  pavillon  anglais,  vint  mouillera  Safi.  Du  Chalard  somma 
le  capitaine  anglais  Lucas  Wheston  de  «  desarborer  son  pavillon 

I.   V.   Bibl.   \at..   Imprimés,  F'   i^â.'îi,  s6â2.  pp.    6jo-6yi.   Délibération  des  Étals 

Facliim   pour   esruier    Jciin   Du    Bouexic...  de  Bretagne  d\i  l4  décembre  i634. 

p.  I.  !)■  Bilil.   Nat.,   F'  lyô.lo.   Factwn  pour 

î.   Cf.  infrn.  p.  ^-/i,  nnli-  i.  messire  Priam-Pierre  du  Chalard.   conseil- 

3.  Cf.  Arch.  Départ.  il'Illoct-Vilaiiic  G  1er  du  lloy  en  ses  conseils  d'Eslat,  pp.  1-3. 


LXWI  INTRODUCTION 

de  son  grand  mast  ».  le  menaçant  d'aller  à  son  bord  pour  le  con- 
traindre «  à  rendre  à  la  bannière  de  France  l'honneur  qui  luy  est 
deu  ».  Whcston  piqué  répondit  «  qu'il  esloit  prest  de  le  recepvoir 
et  laltendoit  avec  bon  potage  et  qu'on  verroit  qui  seroil  le  plus 
fort  ».  C'était  provoquer  Du  Chalard  au  combat,  et  cela  en  pleine 
rade  de  Safi,  sous  les  yeux  des  Maures,  du  Cliérif  '  et  de  son  entou- 
rage. Le  vice-amiral  français  estima  qu'il  «  eust  été  déshonoré,  s'il 
eust  manqué  à  son  debvoir  et  en  fut  demeuré  là  en  présence  du 
roy  de  Maroc...  qui  eust  fait  mauvais  jugement  du  Roy  et  de 
son  Conseil  de  luy  avoir  envoyé  un  ambassadeur  lasche  et  peu  cu- 
rieux de  la  conservation  de  l'honneur  de  son  maislre,  pour  trailter 
des  affaires  de  la  paix  ».  C'est  pourquoi  il  fit  lâcher  sa  bordée  de 
canons,  à  laquelle  le  capitaine  anglais  répondit  par  la  sienne.  Le 
combat  fut  très  chaiid  :  après  trois  heures  de  canonnade  et  de  mous- 
queterie,  le  navire  anglais  ayant  perdu  son  capitaine  et  ses  ofïiciers 
demanda  quartier". 

Les  négociations,  à  peine  interrompues  par  cet  intermède  guer- 
rier, reprirent  entre  les  plénipotentiaires  marocains  et  Du  Chalard. 
Le  traité  fut  signé  le  t  8  juillet  i635  ;  une  clause  stipulait  la  relaxa- 
tion de  tous  les  esclaves  français'.  Puis  Du  Chalard  se  rendit  à 
Salé  où,  le  i"  septembre  i635,  il  fit  signer  aux  Salétins  un  accord 
par  lequel  ceux-ci  acceptaient  le  traité  passé  avec  le  Cherif.  «  La 
Renommée»  rentra  en  France  en  novembre  i635,  ayant  à  son 
bord  trois  cent  quatre  captifs.  Sur  ce  nombre  deux  cent  quinze 
avaient  été  rachetés  pour  la  somme  de  106200  livres  aux  Salétins, 
qui  en  donnèrent  quittance  le  i"  octobre  i635  ;  quarante  autres 
furent  remis,  sur  promesse  solidaire  de  P.  Du  Chalard  et  du  vice- 
consul  Gaspard  de  Rastin  de  payer  la  somme  de  5  5o3  ducats  soil 
27,015  livres.  D'autre  part  le  Chérif  avait  mis  en  liberté,  par 
échange,  vingt-huit  esclaves  qui  étaient  sa  propriété  personnelle. 

I.   Le  combat  cul  lieu  le  27  mai.  D'après  rendre  à  Aïer,   se  soit  trouve  le   27   assez 

le  P.  l'Vançois  d'.\ngcrs  (V.  infra.  Hist.  rie  près  de  Safi  pour  être  témoin  du  combat. 

In    Mission    des    PP.    capucins    au    Maroc.  2.   Sur    cette     affaire    V.'    infrn.     Doc. 

p.  A87),  le  Chérif  serait  reparti  de  Safi  le  LXXXVIl,  p.  5i6;   j"  Série.  Angleterre, 

36  mai.  11  n'y  a  aucune  raison  de  mettre  à   la   date   du    13  juin   i635  ;    Bibl     Nat., 

en  doute  le  dire  de  P.  Du  Chalard.  Mais,  Imprimés.  Lb-^^  35gS. 

dans   tous  les  cas,   on  peut  admettre  que  3.   V.  le  texte  de  ce  traité,  infra.  p.  igs, 

Moulay  el-Oualid,  longeant  la  côte  pour  se  el  notamment  l'article  111. 


INTRODUCTION  LXXVII 

Enfin  au  nombre  des  captifs  relaxés  se  Irouvaient  dix  Bretons  qui 
s'étaient  rachetés  eux-mêmes'. 

Comment  Du  ("lialard  avait-il  pu  obtenir  un  résultat  si  satisfai- 
sant? Il  n'avait  en  tout  cpic  dix  mille  bvres  remises  par  Louis  XIII 
et  pareille  somme  dont  il  avait  dû  faire  l'avance  aux  Etats  de  Bre- 
tagne. La  vente  de  la  cargaison  du  navire  anglais  «  la  Perle  »  vint 
auiîmcnter  de  21000  livres  ses  ressources,  mais  celles-ci  se  trou- 
vèrent  encore  très  inférieures  à  la  rançon  demandée.  Comme  il 
avait  à  cœur  de  retirer  du  Maroc  le  plus  grand  nombre  possible  de 
captifs  français,  il  contracta  des  emprunts  auprès  des  inarcbands, 
ainsi  qu  il  y  était  autorisé  par  ses  instructions. 

A  son  retour  en  France  «  il  se  pourveut  vers  le  Roy,  tant  pour 
le  remboursement  de  la  dépense  qu'il  disoit  avoir  faite  en  son  voyage 
que  pour  estre  acquitté  des  promesses  qu'il  avoit  faites  à  quelques 
particuliers  marchands,  jjour  marchandises  qu'il  avoit  prises  d'eux 
et  qu'il  disoit  avoir  employées  au  rachapt  des  captifs'  ».  La  préten- 
tion de  Du  Chalard  fut  fort  mal  reçue  ;  on  trouva  qu'il  avait 
«  outrepassé  excessivement  »  les  ordres  de  Sa  Majesté,  qui  en  fut 
«  si  justement  indignée  qu'elle  le  fit  mettre  en  la  Bastille,  où  il 
«  demeura  quelque  temps"  ».  Puis  il  fut  par  jugement  banni  pour 
un  an  de  la  ville  et  banlieue  de  Paris,  et  finalement  condamné  à 
payer  aux  marchands  envers  lesquels  il  s'était  obligé  plus  de 
/ioooo  livres*. 

Dans  cette  pénible  occurrence,  Du  Chalard  se  tourna  vers  les  Etats 
de  Bretagne.  Ceux-ci  s'étaient  engagés  «  sur  leur  foy  et  hon- 
neur »  à  le  rembourser  à  son  rclour  des  sommes  qu'il  aurait  em- 
ployées au  rachat  des  captifs  bretons,  jusqu'à  concurrence  des 
10000  livres  votées  le  i4  décembre  i63/|.  Mais,  d'après  Du  Cha- 
lard, les  députés  des  Etats  avaient  élargi  son  mandat,  le  chargeant 
«  de  rachapter  les  captifs  bretons  le  plus  qu'il  pourroit  sans  con- 
currance  à  la  soumie  de  x"'"  ».  Confiant  dans  cet  engagement,  il 


1.  Cf.  infra.  Histoire  de  la  MissionJes  PP.  3.   Cf.     infra.     Mémoires    de    Richelieu, 
capucins  au  Maroc,  p.  igi,  note  8,  etBilil.  p.  513. 

na\..,linprimésF^  i-jh'io.FaclumDuChalard.  4.   V.  Bibl.  Nat.,    Imprimés,   F^  i^SSo, 

2.  V.  Bibl.  nat.,  Imprimés,  F'  I753i,  Faclum  Du  Chalard,  p.  6. 

l'uctum    pour    escuier   Jean    du    Bouexic...  j.   Cf.  Ibidem,  p.  4,  Noie  marginale  d^^ 

contre  .W'  Priain-Pierre  Du  Chalard,  p.  2.  la  main  île  V    Uii  Chalard. 


LXXVIII  I>TRODUCTION 

avait  racheté  qualrc-vingt-dix-sept  Bretons,  pour  un  prix  global 
de  ^3/i8i  livres,  dont  il  réclamait  le  remboursement.  Mais  les 
Etats  décidèrent,  le  6  février  i636,  de  lui  allouer  seulement  les 
loooo  livres  pour  lesquelles  un  vote  ferme  avait  été  émis'.  Le 
malheureux  officier  plaida  pour  obtenir  les  33/i8i  livres  dont  les 
Etats  lai  restaient  redevables.  Il  en  résulta  un  procès  interminable, 
et,  après  appel  sur  appel.  les  parties  transigèrent  le  i5  septembre 
i664  pour  une  somme  de  six  mille  livres'. 

Cette  procédure  de  trente  années  est  tout  ce  que  nous  savons  de 
Pierre  Du  Chalard  depuis  son  dernier  voyage  au  Maroc  *. 

De  Molères.  —  Nous  ne  possédons  aucun  renseignement  bio- 
graphique sur  ce  personnage  et  nous  ne  voyons  que  le  sieur  Vital  de 
Molères*,  gentilhomme  ordinaire  de  la  Chamhre  du  roi  Louis  XIIL 
avec  lequel  il  pourrait  être  identifié.  Le  Molères  qui  nous  occupe 
fut  adjoint  comme  négociateur  à  Razilly  et  Du  Chalard,  envoyés  en 
mission  en  i63i  auprès  de  Moulay  el-Oualid  pour  traiter  de  la 
paix  et  de  la  mise  en  liberté  des  captifs  français.  Le  juif  David 
Pallache,  agent  du  Chérif.  laccompagnait. 

Molères  quitta  la  Cour  le  i4  juin  i63i  '  et  rejoignit  à  La  Rochelle 

1.  Cf.  Bihl.Jiit.  Factum  DuCluilard,f.  II.  Cf.  Arch.  hist.  de  la  Gironde,  t.  28,  p.  287. 

2.  Cf..\rch.dép.d'Ille-et-Vilaine,Ca65.  Il    semblerait    résulter   de   cette    mention 

3.  Il  exerça  pendant  longtemps  encore  qu'en  1669  Du  Chalard  n'était  plus  gou- 
la  charge  de  gouverneur  de  la  Tour  de  verneur  de  la  Tour  de  Cordouan.  Et  cepen- 
Cordouan.  On  trouve  en  effet  en  i643  la  dant,  à  la  date  du  10  novembre  1679,  on 
mention  d'un  don  fait  par  Louis  XIV  au  trouve  la  signature  de  Priam  Pierre  Du 
sf  Du  Chalard  gouverneur  de  la  Tour  de  Chalard  gouverneur  de  la  Tour  de  Cor- 
Cordouan  (Arc/i.  hist.  de  la  Gironde,  t.  28,  douan  au  bas  d'une  quittance  par  laquelle  il 
p.  325).  En  i653  «D"^  MaryeDu  Chalard,  reconnaît  avoir  reçu  la  somme  de  lOOolivTes 
faisant  pour  Pierre  Priam  Du  Chalard,  son  à  litre  de  gratification  par  ordre  du  Roi 
frère,  gouverneur  de  la  Tour  de  Cordouan  »  (Bibl.  !Sat.,  Pièces  oriy.  vol.  6^8,  cote 
somma  les  receveurs  des  droits  destinés  à  i535G.  p.  7).  Pour  concilier  ces  deux  faits, 
l'entretien  de  la  Tour  de  satisfaire  à  l'or-  il  faut  admettre  que  Du  Chalard,  après 
donnance  des  trésoriers.  V.  Arch.  dép.  de  s'être  démis  de  ses  fonctions,  en  aura  gardé 
la  Gironde,  Série  E.  Tabellionage ,  Minutes  longtemps  le  titre  honorifique.  Il  dut  mon- 
de Conilh.  A  la  date  du  3o  avril  i(J86,  le  roi  rir  peu  après  cette  année  de  1679,  date  où 
Louis  XIV  fait  don  au  s'  Masson,  huissier  il  devait  être  âgé  d'environ  go  ans. 

au  Parlement  de  Paris,  des  revenus  de  la  4-  V.    Bibl.    Nat.,    Cabinet    des    Titres, 

charge  de  gouverneur  de  la  Tour...  «  qui  Pièces  orig.  vol.  ig83,  cote  i5  5o8,  n°  4. 
ont  esté  indeument  perceus  et  receus  par  5.  Pour  ces  détails  et  les  suivants,  V. 

divers  particuliers  depuis  la  mort  du  com-  infra.    p.    ^32,   Gazette  de  France  du   ig 

mandour  de  Ncvesche,  deceddé  en  1669  ».  novembre  i63r  (Extrait). 


INTRODUCTION  LXXIX 

Razillv  ef  Du  (Mialoid.  La  Hotte  mit  à  la  Aoilc  en  juillet  et  mouilla 
à  Saiî,  le  mois  suivant,  après  avoir  relâché  à  Salé.  UaziUy  lit  infor- 
mer le  Chérif  de  son  arrivée  et  demanda  un  passeport  et  une  escorte 
pour  le  sieur  de  Molèios.  cpii.  seul,  était  autorisé  à  descendre  à  terre 
et  à  aller  à  Merrakecli.  Bientôt  arrivèrent  à  Safi  deux  caïds  et  deux 
compagnies  «  l'une  de  piquiers  et  lautre  de  mousquetaires  »  et 
Molères  se  mit  en  route  avec  David  Pallache  pour  la  cour  chéri- 
fienne.  «  Il  eut  le  lendemain  de  son  arrivée,  célèbre  et  favorable 
audiance  :  car  on  luy  amena  les  i8o.  esclaves  françois  qui  restoient 
dans  le  pais...  ».  Les  négociations  pour  le  traité  furent  un  peu  plus 
longues.  Moïse  Pallache,  frère  de  David,  «  trucheman  »  du  Chérif, 
servit  d'intermédiaire  pour  les  pourparlers.  Dès  que  l'on  fut  d'ac- 
cord sur  les  clauses,  on  dressa  une  traduction  du  traité,  qui  porta 
la  date  du  i-  septembre  i63i.  Molères  repartit  avec  les  esclaves 
pour  Safi,  emportant  cette  traduction.  Le  Chérif  promettait  d'envoyer 
quelques  jours  après  à  Razilly  le  texte  arabe  du  traité  et  sa  réponse 
au  roi  de  France.  La  chancellerie  chérifienne  ne  se  pressant  pas, 
on  fut  contraint  «  d'envoyer  un  marchand  exprès  à  Marroq  pour 
fer  atter  d'envoyer  les  dites  despeches,  lesquelles  ledit  Movse 
Pallache  porta  à  bord  ». 

La  flotte  repartit  pour  la  France  en  octobre  et  mouilla,  le  7  no- 
vembre, dans  la  baie  du  Morbihan.  Le  16,  le  s'  de  Molères  rejoignit 
la  Cour  qui  était  à  Château-Thierry  et  rendit  compte  au  Roi  de  sa 
mission. 

Pierre  M.\zet.  —  Né  à  Marseille',  il  appartenait  à  une  famille 
qui  fournit  à  cette  ville  plusieurs  officiers  municipaux  dans  la  pre- 
mière moitié  du  xvii'  siècle",  et  lui-même  fut  élu  consul  de  cette 
ville  le  28  octobre  1619  \ 

On  ne  peut  fixer  avec  certitude  la  date  de  sa  venue  au  Maroc  *  ; 

I.  V.    infru.    p.    3i8,    Commission   év,  l^.  Ou  trouve  dans  les  documents  liol- 

Consul  pour   Pierre   Mazct   u   natif  do  la  landais  de  cette  époque  la   mention  d'un 

ville  de  Marseille  ».  Pierre    Cruzct    de     Marseille    qui    aurait 

■X.  On  trouve  un  Vincent  Mazct,  élu  con-  séjourné  à  Dordrecht  et  savait  le  néerlan- 

sul  de  Marsi-ille  en  1624  et  réélu  en  iG25,  dais.  En  1624,  le  Chérif  le  retenait  depuis 

et  un  Jean-Baptiste  .Mazet,  élu  consul  de  la  quatre  ans  au  Maroc  sans  vouloir  le  laisser 

même  ville  en  1628.  V.  Arch.  corn,  de  Mar-  partir.  V.  /"  Série,  Pays-Bas,  t.  III,  Lettre 

seillc,  Uc(j.  des  délibérations.  de  Ruyl  aux  États.  i5  novembre  1624.  La 

3.  V.  Ibidem,  année  1C19,  f"  78.  ressemblance  du  nom,  l'identité  du  prénom 


LXXX  INTHOnUCTION 


Il  se  trouvait  au  Maroc  durant  la  captivité  du  P.  Pierre  d'Alençon 
(162/4-1629),  car  il  rendit  par  la  suite  témoignage  d'un  prodige  qui 
avait  accompagné  la  mort  de  ce  Père'.  Il  arriva  à  Salé  en  1626' 
et  y  fit  du  conmierce  ^  Ayant  acquis  une  certaine  influence  auprès 
du  Divan  qui  gouvernait  cette  république,  il  l'employa  au  soula- 
gement des  captifs  français,  et  ceux-ci  publient  ses  louanges  dans 
une  lettre  qu'ils  adressent  le  g  août  1629  au  chevalier  de  Razilly 
venu  en  mission  à  Salé  :  «  Nous  a  protégés  et  cauxionnés,  écrivent-ils, 
M'  Pierre  Mazet,  marchand  françois  de  Marseille,  pour  alléger  en 
partyc  nos  travaux  et  misères  des  cheynes  et  basses- fosses,  qui,  en 
vérité  et  foy  de  nos  consienses,  nous  a  fait  de  très-bons  olïîces  dignes 
que  nous  le  publions  partout  où  il  plau'a  à  Dieu  de  nous  conduire. 
Pour  quoy  nous  vous  suplions  de  croire,  mondit  seigneur,  qu'il 
est  louable  par  toutes  sortes  de  différentes  loix  que  par  le  destin  a 
esté  esleu  de  ses  M''  les  Andaloux,  gouverneur  du  chasteau  et  de 
ses  despendanccs *  ». 

Lorsque  Razilly  revint  à  Salé  avec  DuChalard  en  i63o,  P.  Mazet 
servit  d'intermédiaire  entre  le  Chevalier  et  leDivan^  Cefut  dans  son 
logis  que  les  PP.  capucins  et  le  P.  Datias  célébrèrent  la  messe 
le  21  août  i63o.  On  voit  par  ce  qui  précède  que  Pierre  Mazet  exer- 
çait en  fait  les  fonctions  d'un  consul  de  la  nation  française  à  Salé. 
Ce  fut  donc  sur  lui  que  se  porta  tout  naturellement  le  choix  de 
Razilly,  lorsque,  pour  aflirmer  les  bonnes  relations  de  la  République 
et  de  la  France,  la  création  d'un  consulat  à  Salé  fut  décidée.  Sa  nomi- 
nation fut  signée  le  même  jour  que  la  trêve,  le  3  septembre  i63o  ". 
En  cette  qualité,  il  reçut,  avec  mission  de  la  vendre  sur  place,  une 


et  Je  la  ville  d'origine,  la  ci.»ncordance  du  dans    la    Commisiiion   de    Consul    que    lui 

temps  permeltenl  de  supposer  que  ce  per-  donna  Razilly,  V.  infra.  p.  3i8. 

sonnage  serait  en  réalité  I^icrre  Mazet,  dont  tx.  V.   la   lettre   des  esclaves  français  de 

le  nom  aurait  été  mal  lu  par  un  secrétaire  Salé,  à  Razillv,  du  g  août  i6ag,  infra,  pp. 

hollandais.  234-235. 

1.  V.  Histoire  de  la  mission  des  PP.  Ca-  5.   Lorsque    les    Salétins   voulurent    re- 
pucins  au  Maroc,  infra,  p.  i83,  note  i .  nouer  les  négociations  qui  avaient  été  rom- 

2.  «  Il  y  a  quatre  ans  qu'il  feusl  à  Salle  >>  pues,  ce  fut  Pierre  Alazet  qu'ils  chargèrent 
dit  Pierre  Mazet  lui-même,  dans  une  lettre  d'écrire  à  Razilly.  V.  infra.  p.  3i5.  Rela 
à  Richelieu  de  la  fin  de  i63o,   V.   infra,  lion  dite  de  Jean-Armand  Maslapha. 

p.  375.  G.   V.  la  trêve  entre  la  France  et  Salé 

3.  11  est  qualifié  o  marchand  fninçuis  »,  infra.  p.  2y4. 


INTBunLCTION  LXWI 

partie  de  la  cargaison  d"  un  navire  capturé  par  Razilly  lo  3  octobre  iG3o 
et  qui  appartenait  aux  juifs  Pallache'.  Contre  liviaison  des  mar- 
chandises qui  lui  étaient  laissées  en  charge,  Pierre  Mazet  signa  une 
promesse  de  28886  livres'.  En  outre,  pour  quekjue  motif  que  nous 
ignorons,  il  souscrivit  à  Du  Clialardun  engagement  de  2  099livres\ 

Après  le  départ  pour  la  France  du  chevalier  de  Uazilly  (  1 2  octobre 
iG3i)',  Pierre  Mazet  remplit  avec  zèle  ses  fonctions.de  consul;  il 
vivait  en  bons  termes  avec  Mohammed  ben  Abd  el-Kader  Ceron, 
gouverneur  de  la  Kasba.  et  Abdallah  ben  Ali  el-Caccri,  le  chef  de 
Salé-le-Xeuf,  qui  faisaient  tous  deux  droit  à  ses  réclamations  en 
faveur  des  Français  illégitimement  capturés  ou  en  butte  à  des  vexa- 
tions. Néanmoins  Pierre  Mazet,  dans  ses  lettres  à  Richelieu,  deman- 
dait avec  instances  le  renvoi  de  Razilly  au  Maroc  pour  négocier  la 
mise  en  liberté  de  nos  compatriotes  détenus  en  captivité". 

Tandis  que  Pierre  Mazet  faisait  ainsi  acte  de  consul  à  Salé,  il 
apprit  que.  depuis  près  d'un  an,  un  autre  Marseillais  avait  été 
pourvu  de  l'olFice  qu'il  occupait.  En  effet,  dès  le  3o  novembre  1629, 
le  secrétaire  d'État  Bouthillicr  avait  nommé  consul  à  Salé  et  à 
Tétouan  le  sieur  André  Prat  '.  Cette  nomination  avait  dû  passer  ina- 
perçue et  il  semble  même  qu  elle  ait  été  ignorée  du  cardinal  de 
Uichelieu,  puisque  c'est  en  vertu  d'un  pouvoir  délivré  par  celui-ci 
que  Uazilly  avait  donné  à  Mazet  ses  lettres  de  provision.  Toutefois 
le  sieur  André  Prat,  bien  que  ne  se  rendant  pas  au  Maroc  et  n'y 
envoyant  personne  pour  tenir  sa  charge  ' ,  ne  laissa  pas  de  prétendre 
les  droits  de  consulat*,  ce  dont  Mazet  se  plaignait  amèrement  \  Le 

1.  Sur  cetlo  capture,  \.  infra.  Iiitro-  jjitéc.  En  effet  la  trêve  avec  les  Salétins 
duction  critique.  Les  Relations  de  la  France  autorisant  rétablissement  d'un  Consul  à 
avec  le  Maroc,  pp.  391-892.  Salé  avait  été  signée  le  2  octobre  iGag,  et 

2.  V.  infra.  p.  5 10,  Mémoire  de  P.  Du  c'est  le  25  novembre  1629  que  Razilly  re- 
Chalard.  venu  en  France,  en  informait  RiclK'Iicii. 

3.  V.  infra.  p.  5ii,  Mémoire  de  P.  Du  7.    V.  infra.  p.  875. 

Chalard.  8.   V.  Ibidem.  —  Les  Prat  avaient  la  pré- 

4.  V.  infra.  p.  829,  Relation  dite  de  tention  de  |>erccvoir  les  droits  consulaires 
Jean-Armand  Mustapha.  au  départ  même  de  Marseille.  Henri  Prat, 

5.  V.  infra.  pp.  3Gg-373,  Lettre  de  fils  et  successeur  d'.\ndré,  fut  débouté  de 
Pierre  Mazet  à  Richelieu,  10  février  i63x.  cette  prétention  par  arrêt  du  Conseil  du  28 

6.  Cette  nomination  de  .\ndré  Prat  le  mars  rfi72.  V.  2' Séné,  France,  h  cette  date. 
3o  novembre  162g  semble  avoir  été  faite  9.  V.  infra.  p.  878,  Lettre  de  P.  Mazet 
par  Boulhillier  d'une  façon  un  peu  préci-  à  Richelieu,  10  février  i63i. 

Dl  Castries.  111    —  f 


I.XXXII  INTIîODUCTrON 

conflit  aurait  pu  devenir  aigu,  sans  le  traité  du  i5  seplemlirc  idSi 
passé  avec  le  chérit'  Moulay  el-Oualid.  En  vertu  de  l'article  \  III  de 
cet  accord,  les  Français  étaient  autorisés  à  établir  des  consuls  dans 
tous  les  ports  du  Maroc,  où  bon  leur  semblerait'.  C'est  ainsi  que 
André  Prat  l'ut  confirmé  à  Salé,  Mazet  fut  nommé  à  Merrakech  et 
le  s'  de  Bourgaronne  à  Safi.  En  outre,  Mazet  nomma  un  corres- 
pondant à  Sainte-Croix  (Agadir)^.  En  fait.  Mazet  resta  à  Safi.  Dans 
les  documents,  il  est  appelé  «  le  consul  de  Saffy  »  \  ce  qui  semble 
indiquer  que  Bourgaronne  était  sous  ses  ordres. 

Très  zélé  comme  on  l'a  vu  dans  la  défense  des  captifs  français,  le 
consul  Pierre  Mazet  ne  semble  pas  avoir  été  à  l'abri  de  tout  reproche 
dans  sa  gestion  financière.  En  i63i,  il  n'avait  pas  encore  remboursé 
les  28886  livres  dont  il  était  redevable.  C'est  pourquoi  en  i  682  Du 
Cbalard  envoya  à  Safi  le  s'  Julien  Du  Pun  pour  en  opérer  le  recou- 
vrement. Celui-ci,  dès  son  arrivée,  constata  «  le  mauvais  mesnai- 
gement  du  bien  d'aultruy  par  le  s'  Mazé  et  Bourgaronne  ».  Il  dut 
s'acheminer  à  Merrakech,  où  se  trouvait  alors  Pierre  Mazet,  venu 
pour  réclamer  du  Cliérif  la  mainlevée  de  deux  tartanes  provençales 
capturées  à  Sainte-Croix.  Moulay  el-Oualid  accueillit  fort  mal  le 
consul  :  il  se  plaignit  de  1  attitude  du  roi  de  France,  qui  ne  lui  avait 
pas  envoyé  la  ratification  du  traité  de  i63i,  alors  que  lui,  il  avait 
mis  en  liberté  tous  les  captifs  français.  Du  Puy  tenta  vainement  de 
faire  entendre  raison  au  Chérif,  lui  expliquant  que  tous  les  torts 
venaient  du  juif  David  Pallache  qui  avait  été  chargé  d'apporter  au 
Maroc  la  dite  ratification^.  Mazet  ofl'rit  k  sa  teste  à  mercy  »  que,  si 
le  s"^  Du  Puy  rentrait  en  France  pour  exposer  la  situation,  le  roi  de 
Maroc  recevrait  satisfaction  dans  six  mois  '".  Mais  les  Pallache 
avaient  momentanément  circonvenu  le  Chérif:  le  consul,  s'étant 
présenté  au  makhzen  j^our  demander  le  congé  de  Du  Puy,  on  lui 
fit  savoir  de  la  part  de  Moulay  el-Oualid  qu'il  eijt  à  payer  70000 
onces  pour  semblable  somme  qu'il  avait  reçue  de  Razilly  et  de 
P.    Du   Chalard   en   marchandises   prises   aux  Pallache  en    i63o. 

I.   V.    le    texte    do    cet    article,    infra,  Chilaril. 

p-  /nHj.  /i.   V.    infra.    pj).    i|^i-i4i,     Lettre   de 

■1.   \.  infra.  p.  ^3^,  Gazelle  de  France,  Julien  Du   Puy  à    Du    Chalard.    a    février 

19  novembre  i63i.  iG33. 

3.   V.  infra,  p.  5 10,  Mémoire  de  P.  Du  5.   V.  Ibidem,  p.  /i43. 


INTHOnUCTlON  LXWIII 


\[azet  prolesta,  imoquant  l'article  i"  du  traité  du  i5  septembre 
1  G."3 1 ,  portant  que  tous  les  faits  antérieurs  à  l'accord  seraient  oubliés, 
ainsi  que  les  restitutions  déjà  laites  aux  Pallache';  il  lut  arrêté 
néanmoins  et  jeté  en  prison";  quelques  jours  après  Julien  Du  Puy 
subissait  le  même  sort. 

La  captivité  de  Pierre  Mazet  se  prolongea  :  il  était  encore  en  pri- 
son lors  du  départ  de  Merrakech  du  capitaine  Cabiron  le  7  avril 
lO^V-  Sa  raison  ne  put  résister  aux  mauvais  traitements  qu'il  eut 
à  subir:  il  devint  «  insensé*  «  ;  tous  ses  biens  furent  pris  et  dissi- 
pés. Du  Cbalard  ne  put  en  obtenir  la  restitution,  il  raconte  dans 
son  mémoire  (|u'en  «  ayant  faict  demande  audit  roy  en  ce  dernier 
voyage,  il  n'en  a  voulu  faire  aulcune  raison"  ».  On  ignore  quel 
fut  le  sort  de  l'infortuné  consid.  L'absence  de  toute  démarche  faite 
par  Du  Chalard  au  cours  de  sa  mission  au  Maroc,  pour  obtenir  la 
liberté  du  détenu,  autorise  à  croire  que  Pierre  Mazet  avait  du  mou- 
rir à  Merrakech  avant  larrixée  de  l'envoyé  de  Louis  XIII  (i635). 

De  BouRGARONiNE.  —  Ce  personnage,  sur  lequel  nous  manquons 
totalement  de  renseignements  biographiques,  fut  nommé  consul 
à  Safi  par  le  chevalier  de  llazilly,  en  exécution  de  1  article  Mil  du 
traité  conclu  entre  Moulay  el-Oualid  et  Louis  XIII  le  17  septembre 
i63i  *.  Sa  gestion  fut  l'objet  de  critiques  de  la  part  de  Julien  Du 
Puy.  qui,  dans  une  lettre  à  Du  Chalard,  parlant  des  marchan- 
dises laissées  en  i()3o  à  Pierre  Mazet,  se  plaint  du  «  mauvais  mesnai- 
gement  du  bien  d'aultruy  par  le  sieur  Mazé  et  Bourgaronne"  ». 


1.  David   Pallactic,  voiiii   fi   la   cour  de  3.   Ainsi  qu'on  le  constate  par  la  mention 
France    en    i03l,    avait    reçu,    outre    une  suivante:  «  A  mon  despart  de  Marroques, 

chaîne  d'or  valant  2000  onces,  une  somme         |iavé à  l'apoticaire  I3odier  pour  achep- 

def)O()0  onces  argent  comptant.  On  lui  avait  ter    des    mcdicamans    pour    purger    sieur 

accordé  la  restitution  de  son  navire,  évalué  Pierre  Mazet,  v  ducats  ».  V.  infra.  p.  46(), 

4o  000  onces,  et  une  licence  d'embarquer  Coinfylc  d'Antoine  Cabiron. 

3ooo  muids  de  sel  qu'il  vendit  Ji  La  Ro-  4-   V-  infra,  p.  ûii,  Mémoire  Je  P.  Du 

chelle  6  4oo  onces.    En  Il')3a   on   lui  remit  Chalard. 

encore  une  somme  de  6  300  onces.  Le  tout  5.   \  .  Ibidem. 

s'élevait  5  60600  onces.  V.  infra.  p.  i'i,t3,  0.   Cf.  infra,  p.  /|0(j. 

Relation  d'Antoine  Cabiron.  7.   Cf.   Ibidem,  p.  ^34.   Les  notes  3   de 

2.  V.  infra,  p.  .'i43,  Lettre  de  Julien  Du  la  page  434  et  2  de  la  page  442  se  reuvo- 
Piiv  <!  Du  Chalard,  3  février  i633.  yant  l'une  à  l'aulrc  sont  erronées. 


LXWIV  INTRODUCTION 

Julien  Du  Puy.  —  Il  fut  envoyé  à  Safi  par  Du  Chalaid  en  1682 
pour  réclamer  à  Pierre  Mazct  les  fonds  provenant  de  la  vente  de 
marchandises  qui  avaient  été  laissées  en  compte  à  cet  agent'.  A 
son  arrivée  il  constata  «  le  mauvais  mesnaigemenl  du  bien  d'aul- 
trui  »  qu'avait  fait  Pierre  Mazet  et  il  dut  se  rendre  à  Merrakech 
pour  tenter  de  recouvrer  au  moins  en  partie  les  sommes  qu'il  avait 
charge  de  recevoir'.  Mais  Pierre  Mazet  fut  arrêté  dans  cette  ville 
par  le  Chérif,  qui  retint  Du  Puy  à  Merrakech,  lui  refusant  son 
congé  sous  prétexte  qu'il  n'avait  pas  apporté  la  ratification  du 
traité  de  i63i.  Arrêté  à  son  tour  par  Moulay  el-Oualid  ^  il  fut  battu 
et  subit  tant  de  tortures  qu'il  abjura  sa  foi  et  se  fit  musulman  '. 

Voiture.  —  Par  suite  de  quelles  circonstances,  l'oracle  des 
Précieuses,  l'épistolier  de  l'hôtel  de  Rambouillet  avait-il  été  amené 
au  Maroc.''  Attaché  à  la  fortune  de  la  maison  d'Orléans,  Voiture 
avait  accompagné  en  Espagne  M'  Du  Fargis  que  Gaston  d'Orléans, 
après  la  défaite  de  Castelnaudary  (i"  septembre  i632),  envoyait 
faire  des  ouvertures  au  comte  d'Olivarès.  Malgré  les  succès  person- 
nels du  diplomate  improvisé,  la  mission  traîna  en  longueur,  et 
Voiture,  qui  avait  hâte  de  se  rapprocher  de  ses  belles  amies,  atten- 
dait avec  impatience  le  moment  d'être  remplacé.  Enfin  le  i4  mai 
i633,  l'arrivée  de  M'  de  Lingendes  lui  permit  de  quitter  Madrid.  Il 
n'avait  pas  le  goîit  des  voyages  et  prenait  fort  peu  de  plaisir  «  à 
courre  »,  mais,  craignant  les  dangers  auxquels  l'exposait  un  voyage 
à  travers  la  France  pour  rejoindre  le  remuant  (îaston.  qui  s'était 
réfugié  à  Bruxelles,  il  se  décida  à  s'embarquer  à  Lisbonne  et  s'y 
rendit  par  Grenade,  Séville  et  Gibraltar. 

Arrivé  en  vue  de  la  terre  de  Barbarie,  la  fantaisie  lui  vint  de 
traverser  «  le  Détroit  ».  Le  galant  Voilure  entrevoyait  sans  doute 
les  délicieux  badinages  et  toutes  les  ingénieuses  allusions  auxquels 
il  pourrait  se  livrer  en  envoyant  d'Afrique,  le  pays  des  lions,  de 
belles  phrases    à   celle  qu  il    honorait    de    sa   passion,   Angélique 

1.  V.  infra.  p.  5io,  Mémoire  de  P.  Du  3.  V.  infra,  p.  Itltg.  fielation  d'Antoine 
Chalard.  Cabiron. 

2.  V.  infra.  pp.  /i4i-i44,  Lettre  de  t).  V.  infra,  p.  31 1,  Mémoire  de  P.  Ou 
Julien  Du  Puy  à  Du  Chalard.  Chalard. 


INTR0DL"rT10>-  LXXXV 

Paulet  '  surnommée  «  la  lionne  ».  dans  la  société  de  l'hôtel  de  Ram- 
bouillet. Il  lui  écrit  de  Grenade  (juillet  i633)  : 

J'av  résolu  de  passera  Ceula  et  d'aller  voirie  lieu  de  voslre  naissance  et  vos 
parents  qui  régnent  dans  les  déserts  de  ce  païs-là.  Comme  je  leur  diray  de  vos 
nouvelles,  je  vous  supplie  très-humblement,  Mademoiselle,  d'en  dire  des 
miennes 

Le  7  aoijt,  Voiture  débarqué  à  Ccufa,  raconte  à  son  amie  son 
arrivée  sur  la  terre  d'Afrique  et  continue  sa  plaisanterie  sur  les 
lions,  qui,  si  ralBnée  qu'elle  dût  paraître  aux  précieuses,  semble 
bien  peu  divertissante  à  ceux  qui  sont  étrangers  aux  subtilités  de 
langage  de  l'Hôtel  de  Rambouillet. 

«  Enûn  je  suis  sorty  de  l'Europe  et  j'ay  passé  ce  destroit  qui  luy  sert  de 
bornes,  mais  la  mer  qui  est  entre  vous  et  moy  ne  peut  rien  estcindre  de  la  pas- 
sion que  j'ay  pour  vous...  Ne  vous  estonncz  pas  de  m'ouïr  dire  des  galanteries 
si  ouvertement  ;  l'air  de  ce  pais  m'a  desja  donné  je  ne  sçais  quoy  de  félon  qui 
fait  que  je  vous  crains  moins,  et.  quand  je  traitterav  désormais  avec  vous, 
faisles  estât  que  c'est  de  Turc  à  More... 

Je  gravay  hier  vos  chifTres  sur  une  montagne  qui  n'est  guère  plus  basse  que 
les  estoilles  et  j'envove  demain  des  cartels  aux  Mores  de  Marroque  et  de  Fez,  où 
je  m'olTro  à  sousienir  que  l'Afrique  n'a  jamais  rien  produit  de  plus  rare  ny  de 
plus  cruel  que  vous. 

.\près  cela.  Mademoiselle,  je  n'auray  plus  rien  à  faire  icy  que  d'aller  voir 
vos  parens...  A  ce  que  j'entens,  ce  sont  gens  peu  accoslables  ;  j'auray  de  la 
peine  à  les  trouver.  On  m'a  dit  qu'ils  doivent  estre  au  fond  de  la  Lybie  et  que 
les  lions  de  cestc  costc  sont  moins  nobles  et  moins  grands.  On  en  vend  icy  de 
jeunes  qui  sont  extrêmement  gentis  ;  j'ay  résolu  de  vous  en  envoyer  une  demi 
douzaine,  au  lieu  degands  d'Espagne,  car  je  sçay  que  vous  les  estimerez  davan- 
tage, et  ils  sont  à  meilleur  marché.  Tout  de  bon,  on  en  donne  icy  pour  trois 
escus  qui  sont  les  plus  jolis  du  monde.  En  se  jouant  ils  emportent  un  bras  ou 
une  main  à  une  personne,  et,  après  vous,  je  n'ay  jamais  rien  veu  déplus 
agréable  ». 

Voilure,  assez  casanier  et  qui  passait  autrefois  sa  vie  dans  un 
cercle  très  restreint,  conçoit  une  grande  fierté  en  se  découvrant  une 


I.   .\ngcliciuc    Paulrf.     née    vers    I3()3  Imnnaire     des     Précieuses...     où    elle     est 

morte  en    ifi.ïi,  fille   de   Charles   Paulet,  flésignéc  .sous  le  nom  de  Parthenie;  Ma.de- 

secrétalrc  de  la  Chambre  du  Roi,  l'inven-  .moisellf.    de    ScuDrKV,    Cyrus.    .septième 

leur  de  l'impôt  sur  les  charges  de  judica-  partie,  Liv.  I'^'',  et  Tai.lema.vt  des  Riaux, 

ture  (la  paulette).  Cf.  So.maize,  Grand  die-  IlisloricUes. 


LXXXVI  INTRODUCTION 

âme  de  voyageur,  presque  d'explorateur.  Un  projet  de  lettre  '   au 
cardinal  de  La  Valette  nous  révèle  cet  étal  d'esprit. 

Monseigneur, 

Je  ne  sçaurais  m'emppscher  de  vous  escrirc,  quand  ce  ne  seroit  que  pour 
datter  ma  lettre  de  Ceuta.  Après  avoir  vcu  les  palais  des  rois  de  Grenade  et  la 
demeure  des  Abencerrages,  j'av  voulu  voir  le  pais  de  Rodomont  et  d'Agramant 
et  connoistre  la  terre  d'où  sortirent  tous  ces  grands  hommes  rhe  furo  al  tempo 
rite  passaro  i  Mori  (VAJrir.a  il  mar. 

Si  vos  inclinations  ne  sont  changées,  je  sçay,  Monseigneur,  que  vous  ne  desa- 
prouverez  pas  cette  curiosité  et  que,  dans  la  félicité  où  vous  estes,  il  y  aura 
quelques  heures  où  vous  envierez  la  condition  d'un  bannv  et  d'un  misérable. 
.\u  cas  que  j'obtienne  un  passeport  que  j'espore  de  Tetouan,  et  que  les  .\larbes 
qui  courent  cette  campagne  ne  rompent  pas  mon  dessein,  j'auray  le  plaisir  de 
voir  dans  quelques  jours  une  ville  toute  pleine  de  turbans,  un  peuple  qui  ne 
jure  que  par  Alha,  et  des  .\frlquaines  qui  n'ont  rien  de  barbare  que  le  nom,  et 
lesquelles,  malgré  le  soleil  qui  les  brusle,  sont  plus  belles  et  plus  iirillantes  que 
luv.  C'est  un  pays.  Monseigneur,  où  il  n'y  a  point  de  sottes,  de  froides  ni  de 
cruelles;  elles  sont  toutes  amoureuses,  pleines  de  feu  et  d'esprit,  et  —  ce  que 
quelqu'un  v  estimera  davantage  — elles  ne  vont  jamais  à  confesse. 

Par  le  contentement  que  j  aurav  de  voir  touttes  ces  choses,  vous  pouvez 
juger.  Monseigneur,  que  ce  n'est  pas  toujours  la  fortune  qui  rend  les  hommes 
heureux  et  qu'il  n'y  en  a  point  de  si  mauvaise  qui  n'ave  quelques  bons  en- 
droits, pourveu  qu'on  les  sçache  trouver...  11  me  semble  qu'en  m'ostant  la 
France  on  m'a  donné  le  reste  de  la  terre,  et  que  je  ne  me  dois  non  plus 
plaindre  du  destin  qui  m'en  a  chassé,  que  les  léthargiques,  de  ceux  qui  les 
pincent  et  qui  les  frappent  pour  les  resveiller.  .\u  lieu  que  je  passois  ma  vie 
entre  dix  ou  douze  personnes,  en  cinq  ou  six  rues  et  deux  ou  trois  maisons, 
changeant  maintenant  de  lieu  à  toute  heure,  je  vois  des  montagnes,  des 
déserts  cl  des  précipices,  des  fleurs  et  des  fruits  que  je  n'avois  jamais  ouy 
nommer,  des  peuples  différents  et  des  rivières  et  des  mers  qui  m'estoyent  in- 
connues. Je  change  tous  les  jours  de  villes,  toutes  les  semaines  de  royaumes  ; 
je  passe  en  un  moment  d'Europe  en  Afrique  et  j'irois  plus  aisément  à  la  source 
du  Nil  que  je  n'eusse  esté  autresfois  à  celle  de  Rongis  -. 

Mais  les  projets  ambitieux  de  Voiture  ne  se  réalisèrent  pas  :  il 
n'alla  pas  à  Tétouan,  soit  qu'il  redoutât  les  bandes  d'El-Ayaclii  qui 

I.    Dans  sa  lettre  à  .Vngt'liqiio  Paiilrl  du  tcxic.  Pour  les  lettres  de  Voiture,  rf.   édi- 

7    août    i633,   Voilure    dit    qu'il    a   failli  tien  prlnccps,  Paris,  i65o. 
«  faire  une  folio  »  en  adressant  au  Cardinal  2.   Village  à  unelicuc  de  Sceaux,  dont  les 

delà  Valetli'  la  leltre  dont  il  r(|iroduil  le  eauxélaientamcnccsà Parispar uuaqucduc 


INTRODUCTION  LWXVII 

baltaient  l'estrade  dans  l'Aiidjera.  soit  qu'il  n'ait  jamais  eu  la  forme 
intention  de  s'aventurer  au  delà  du  préside  espagnol  de  Ceuta. 
Avant  de  quitter  la  terre  africaine,  il  adressa  à»  la  lionne  »  plusieurs 
lionceaux,  mais  ces  jeunes  fauves  étaient  des  figurines  en  cire  rouge. 
Le  «  poulet  >>  qui  accompagnait  cet  envoi  est  tout  rempli  du  badi- 
nage  un  peu  bouffon  qui  fait  le  thème  des  précédentes  lettres.  Mais 
combien  plus  ridicules  encore  nous  a|)paraissent  les  signatures  par 
lesquelles  ce  «  roi  de  l'esprit  »  terminait  ses  lettres  :  «  Voiture  l'A- 
fricain 1)  et  «  Léonard,  gouverneur  des  lyons  du  roy  de  Marroques»  ! 

Antoine  C.\biron.  —  Marin  el  commerçant,  Antoine  Cabiron 
était  originaire  de  Montpellier'.  Il  fut  envoyé  au  Maroc  en  ifiaS 
par  un  néiiociaiit  de  Lvon  nommé  Pierre  Orsel  '.  et  s'y  lia  avec 
Abraham  van  Libergen  représentant  d'une  maison  de  Rouen''  et 
grand  chasseur  comme  lui.  On  trouve  dans  la  relation  de  Thomas 
Le  Gendre  le  récit  d  une  chasse  que  les  deux  amis  firent  dans  les 
environs  de  Safi  et  où  ils  tuèrent  quatorze  lions  et  sangliers'. 

Sa  connaissance  des  choses  du  Maroc  le  fit  choisir  en  i635  pour 
une  mission  diplomatique  à  remplir  dans  ce  pays.  A  cette  époque, 
les  bonnes  relations  entre  la  France  et  le  Maroc  s'altérèrent  à  la 
suite  d'un  iiicidenl  créé  par  la  fourberie  du  juif  Pallache,  incident 
sur  lequel  on  ne  l'ul  bien  renseigné  en  France  que  par  une  lettre 
de  .lulien  Du  Puy  à  Du  Chalard  \  Louis  XIII  ayant  résolu  d'en- 
voyer un  agent  à  Moulay  el-Oualid  pour  se  plaindre  de  la  conduite 
de  David  Pallache  ei  obtenir  le  châtiment  de  ce  juif,  désigna  pour 
cette  mission  Antoine  (labiron.  ('e  dernier  devait  en  outre  remettre 
au  Cliérif  un  duplicata  de  la  ratification  du  traité  de  paix  de  i63i, 
pour  remplacer  celui  gardé  par  Pallache,  et  demander  la  mise  en 
liberté  des  Français  capturés  depuis  le  dit  traité,  ainsi  que  la  resti- 
tution de  leurs  biens  \ 

1.  V.  infra.  |).  71(1,  Relnlion  de  Thomas        Le  Gendre. 

Le  Gendre.  4.   V.  Ibidem. 

2.  V.  /"■'  Série,  Pays-Bas,  Lettre  des  5.  Sur  ccl  incident  et  ses  conséquencrs, 
États-Généraux  à  Moulay  Zidùn.  i3  mai  V.  infra,  p.  89^,  Introduction  critique, 
1625.  II  est  du  reste  bien  établi  par  la  Les  Relations  de  la  France  avec  le  Maroc  de 
relation  de  Cabiron  (V.  p.  .'iDo)  que  ce  der-  i6.3i  à  iG35.  Cf.  supra,  p.  lxxmi.  Notice 
nier  était  venu  au  Maroc  et  y  avait  résidé  sur  P.  .Mazet. 

plusieurs  années  avant  sa  mission  de  i63i.  Ti.    V.  infra.  p.  k'^f\,  lielalion  liW.  Cabi- 

3.  V.  infra,  p.  716,  Relation  de  Thomas        ron. 


LXXXVIII  I>'TftODUCTION 


Le  capitaine  Cabiron  se  trouvait  alors  pour  ses  affaires  en  Angle- 
terre, à  Exeter.  Il  partit  immédiatement  pour  Paris,  puis  il  alla 
recevoir  les  instructions  du  Roi  à  Nancy  (septembre  1 633)  et  revint 
à  Paris,  d'où  il  gagna  La  Rochelle.  Il  mit  à  la  voile  le  6  décembre 
et,  après  un  séjour  d'un  mois  à  Madcie,  il  arriva  à  Safi  le  12  février 
i63/i  et  à  Merrakech  le  6  mars.  Moulay  el-Oualid  entra  dans  une 
grande  colère,  cpiand  il  fut  mis  au  courant  par  Cabiron  de  la  con- 
duite de  David  Pallache.  11  reprochait  surtout  à  ce  juif  —  et  avec 
une  bonne  foi  plus  ou  moins  douteuse  —  d'avoir  falsifié  la  lettre 
chérifienne  et  de  s'être  fait  qualifier  de  «  ministre  ».  Il  fit  arrêter 
et  jeter  en  prison  Moïse  Pallache,  frère  du  coupable.  Mais  sur  les 
autres  objets  de  sa  mission,  Cabiron  n  obtint  que  des  résultats 
négatifs.  Le  Chérif  reçut  bien  la  ratification  du  traité  de  i63i  et 
déclara  vouloir  l'observer,  mais  il  ne  voulut  pas  mettre  en  liberté 
les  captifs  français  ni  leur  restituer  leurs  biens,  avant  que  ses  sujets 
captifs  sur  les  galères  de  France  n'eussent  été  mis  en  liberté. 
Aussi  bien  les  Pallache  avaient  desservi  le  capitaine  Cabiron  auprès 
du  makhzen,  en  le  donnant  comme  un  cuisinier'.  On  sait  que  la 
cour  chérifienne  était  intransigeante  sur  la  question  de  l'envoi  d'un 
gentilhomme  de  qualité  pour  négocier  un  traité.  Cabiron  quitta 
donc  Merrakech  le  7  avril  \i\3!\.  s'embarqua  à  Safi  le  3o  du  même 
mois,  et  arriva  à  La  Rochelle  le  26  juin  i63^. 

En  i635,  Du  Chalard  fut  envoyé  au  Maroc  pour  échanger  les 
captifs  appartenant  au  roi  de  France  et  au  Chérif  et  racheter  ceux 
détenus  à  Salé.  Il  devait  obtenir  confirmation  du  traité  de  i63i  et 
le  faire  accepter  par  les  Salétins.  Cabiron  faisait  partie  de  ce  voyage 
en  qualité  de  «  marchand  envoyé  par  Sa  Majesté  pour  le  débit  des 
marchandises  à  faire  valoir"  »,  car  la  somme  destinée  par  le  Roi  au 
rachat  des  captifs  avait  été  convertie  en  marchandises  destinées  à 
être  vendues  à  bénéfice  à  Salé.  En  cette  qualité,  le  nom  d'Antoine 
Cabiron  figura  parmi  les  signataires  de  la  quittance  donnée  par  les 
Salélins  le  1"  octobre  i635  '. 

Gaspard  de   Rastin.    —    On    a   vu    les   difficultés  qui   s'étaient 

I.  Cî.infra.p.  !^ôo,  tielationd'A.  Cabiron.         Bouexic.  F^,  I753i. 

7..    \  .  infra.  p.  486,  note  3  et  Bibl.  Nat.,  3.   V.  inj'm.  p.  665,  Arrêt  du  Parlement 

Imprimés,    Farlum    pour     cscuier    Jean     iJu         de  Paris.  -  \i.nn  i053. 


INTRODUCTION  LXWIX 

élevées  entre  André  Prat  et  Pierre  Mazet,  nommés  tous  deux 
à  moins  d'un  an  d'intervalle  (3o  novembre  1629  et  3  septem- 
bre i63o),  consuls  à  Salé,  le  premier  par  le  secrétaire  d'Etat  Bou- 
thillier,  le  second  par  Razilly  '.  André  Prat  s'abstint  provisoirement 
de  se  rendre  au  Maroc.  Mais  lorsqu'en  i63/j,  au  retour  du  capitaine 
Cabiron,  on  apprit  que,  par  suite  de  l'emprisonnement  de  Pierre 
Mazet  à  Merrakecb,  il  n'y  avait  plus  de  consul  de  France  au  Maroc, 
il  se  décida  à  se  faire  représenter  par  un  vice-consul  et  fit  clioix  de 
Gaspard  de  Rastin'. 

Celui-ci  dut  arrivera  Salé  à  la  fin  de  i63'î  ou  au  commencement 
de  i635.  11  s'y  trouvait  en  tout  cas  au  mois  d'août  i635,  lors  du 
troisième  voyage  au  Maroc  de  P.  Du  Chalard  et  s'employa  de  son 
mieux  à  le  seconder  dans  le  racbat  des  captifs.  Il  s'obligea  même,  à 
la  requête  du  vice-amiral'  et  solidairement  avec  lui,  pour  une 
somme  de  5  5o3  ducats  '  représentant  la  rançon  de  quarante  captifs, 
qui  ne  purent  être  libérés  que  par  ce  moyen.  Il  resta  trois  cent 
tienle-trois  Français  qu'on  dut  laisser  à  Salé.  Du  Chalard  promit 
que  le  Roi  paierait  leur  rançon  fixée  à  1 85  102  livres  avant  le 
3o  avril  1636°,  et.  sur  sa  demande,  Gaspard  de  Rastin  consentit 
à  se  porter  caution  de  ces  captifs  «  en  cas  qu'ils  se  sauveroient  ou 
qu'ils  mourroient.  Moyennant  quoy,  les  Mores  hosterent  les  chesnes 
ausdits  captifs  elles  laissèrent  en  liberté  dans  leur  ville,  Iravaillans 
neantnioings  au  bénéfice  do  leurs  patrons"  ». 

La  date  du  3o  avril  1 636  passa,  sans  que  la  rançon  vînt  de  France, 
et  Louis  XIII  dut  demander  au  Divan  de  Salé,  qui  y  consentit, 
de  prorogera  la  fin  de  Tannée  i636  l'échéance  de  cette  obligation". 

1 .  V.  los  notices  sur  André  Prat(p.  xciii)  Chalard  lui  avait  écritos  en  rade  de  Salé  et 
cl  Pierre  Mazet  (p.  lxxix).  des  obligations  signées  par  lui-même.  V. 

2.  Il  avait  vraisemblablement  été  nom-        Ibidem. 

me  par  simple  acte  notarié,  comme  le  fut  4.  V.  Ibidem,  p.  .58g. 

plus  tard   Pierre   Citrani  «   commis   pour  5.  V.  injra,  p.   oog,  Mémoire  de  P.  Du 

\ice-consiil  aux  parties  de  Salle  »  par  Henry  Chalard. 

Prat,  pour  trois   ans  le   g    mars    lOSo.    V'.  6.   \ .  Ibidem  ci  ]i .  hZ^i ,  Relation  de  J ean 

infra,  .Notice  sur  Citrani,  p.  c,  n.    6.   Cf.  Marges.  Sur  cette  réserve  qui  figurait  dans 

aussi  p.  xcvii,  n.  i.  tous  les  contrats  de  rachats  de  captifs,  V. 

3.  «  A  sa  prière  et  réquisition  »,  V.  infra.  Introd.  crit.  Les  ordres  rédempteurs 
infra,  p.  5g i.  Lettre  de  Gaspard  de  Rastin  et  les  captifs  chrétiens  au  Maroc,  p.  56 1  et 
n  Richelieu,  i6  juillet  i63g.  —  Rastin  avait  note  3. 

joint  a  sa  lettre  copie  des  lettres  que  Du  -j.    Les  lettres  du  Roi  aux  gouverneurs  de 


XC  INTRODUCTION" 


Des  évasions  se  produisirent  parmi  les  captifs  français  pendant  ces 
délais  et  eurent  une  fâcheuse  répercussion  sur  la  situation  de  leur 
répondant  Gaspard  de  Rastin.  Enfin  des  prises  faites  par  les 
navires  français  sur  les  Salétins  achevèrent  d'irriter  le  peuple  et  le 
portèrent  «  à  se  soubslever  contre  ledit  consul  qu'ils  vouloient  pour 
lors  emprisonner,  et  lui  prindrent  tout  ce  qu'il  avoit  de  marchan- 
dises, et,  moyennant  ce,  ledit  gouverneur  [Abdallah  ben  Ali  el- 
Caceri]  appaisa  le  peuple'».  Dans  sa  détresse,  il  s'adressa,  par 
l'intermédiaire  de  Jean  Marges,  à  Louis  XIII  et  à  Richelieu,  les 
priant  d'avoir  pitié  et  compassion  de  lui  et  de  le  libérer  de  ses 
engagements". 

Ses  obligations  en  effet  ne  cessaient  de  s'accroître,  car.  tous  les 
jours,  il  fuyait  ou  mourait  des  captifs  ;  elles  s'élevaient  de  ce  chef 
en  1689  à  la  somme  de  3  287  ducals,  non  compris  les  5  5o3  repré- 
sentant la  rançon  des  quarante  captifs  emmenés  par  Du  Chalard. 
«Il  n'est  pas  raisonnable,  écrivaitl'infortunc  vice-consul  à  Richelieu, 
qu'ayant  donné  liberté  par  l'obligation  que  je  passay  solidairement 
avec  ledict  s'  Du  Chalard  à  quarante  François  captifs...,  je  perde 
la  mienne  ^  » 

Le  temps  s'écoulant  sans  qu'il  fût  donné  satisfaction  au  Divan, 
la  position  de  Gaspard  de  Rastin  à  Salé  devint  de  plus  en  plus 
critique  et,  en  butte  à  des  vexations  continuelles,  «voyant  que 
la  Cour  ne  faisoit  que  luy  donner  de  vaines  espérances,  il  mourut 
de  déplaisir  en  l'année  ifi^S*». 


Jean   Marges.  —  Natif  de  Marseille.  Jean  Marges  appartenait  à 
une  famille  de  chirurgiens"  et  avait  fait  des  "études  en  vue  d'exercer 


Salé  et  à  Gaspard  de  Rastin  furent  appor-  /).   Cf.    2'    Série.    France,    Mémoire    de 

tées  à  Sale    par   une  barque   que    Claude  Henry  Prat.  8  juin  1669. 

Luguct,  commissaire  général  de  la  marine,  5.   Sur  son  lieu  de  naissance  et  sa  pro- 

y  envoya.  Cf.    2'    Série,    France,  Mémoire  fcssion,  V.  iiifra  la  supplique  à  Louis  XIII 

de  Henry  Prat.  à  la  date  du  8  juin  i66y  ;  qui  termine  sa  relation  p.  54i).  On  trouve 

infra.  p.  587,  Relation  de  Jean  Marges.  en  i634  un  Georges  Marges  et  en  iBSg  un 

1.  V.  Ibidem,  p.  .538.  François    Marges    qualifiés    «    chirurgiens 

2.  V.  Ibidem.  des  hospitaux  ».   Archives    Communales  de 

3.  V.  infra.  pp.  hHi-bt^i,  Lettre  de  Cas-  Marseille,    iG3i,  f.     igg    v"    et   i63t).  f. 
pard  de  riastin  à  riielicHcn,   16  juillet  1639.  lo.'!  0". 


INTROniTTION  XCI 

cptte  profession.  Il  n'avait  pas  encore  obtenu  ses  lettres  de  maîtrise', 
quand  il  fut  emmené  au  Maroc  par  Du  Chalard.  lors  de  son  voyage 
de  i635.  Du  Chalard  repartit  pour  la  France  au  commencement  de 
novembre  i635",  ramenant  3o/i  captifs  rachetés,  mais  laissant  à 
Salé  333  autres  prisonniers  qu'il  n'avait  pu  libérer,  faute  de  fonds. 
A  son  départ  il  ci  donna  ordre  audit  Marges  de  subvenir  aux  néces- 
sités de  maladie  ausdits  captifs'  ».  La  rançon  de  ces  derniers  devait 
être  payée  avant  le  dernier  avril  i(")3t),  mais,  à  la  demande  du  roi 
de  France,  ce  délai  fut  prolongé  jusqu'à  la  fin  de  celte  même  année 
i63().  A  cette  date,  l'argent  ne  fut  pas  envoyé. 

Le  séjour  de  Jean  Marges  à  Salé  fut  donc  de  plus  longue  durée 
qu  il  ne  l'avait  pensé.  Il  donna  ses  soins  non  seulement  aux  captifs 
français,  mais  aussi  aux  Salétins.  qui  curent  recours  à  lui,  a  pour  ce 
(pi'ils  en  avoient  besoing  pour  panser  leurs  blessés  ».  Salé  fut  en 
cfl'et  pendant  la  première  moitié  de  l'année  1637  en  pleine  révo- 
lution. Jean  Marges,  témoin  des  événements  troublés  qui  se  dérou- 
lèrent dans  cette  république  de  pirates  *.  en  a  laissé  une  relation 
intéressante. 

Cependant  les  bonnes  relations  entre  la  France  et  Salé  s'altérèrent 
à  la  suite  des  retards  successifs  apportés  au  payement  de  la  rançon 
des  captifs.  L'évasion  de  vingt-cinq  d'entre  eux  et  la  capture  par 
les  vaisseaux  français  de  quelques  navires  salétins  achevèrent  d'irriter 
la  population  contre  le  vice-consul  Rastin  et  Jean  Marges.  Ils  furent 
néanmoins  assez  bien  traités,  tant  que  Abdallah  ben  Ali  el-Caceri 
resta  à  la  tète  du  Divan.  Il  n'en  fut  plus  de  même,  lorsque  ce  dernier 
fut  déposé,  et  Marges  dut  chercher  une  occasion  «  pour  eschapper 
le  danger  de  demeurer  captif  ».  Moyennant  une  somme  de  cent 
ducats  qu'il  donna  aux  membres  du  Divan,  il  obtint  l'autorisation 
de  s'embarquer,  et  prit  passage,  le  6  juillet  1637,  à  bord  d'un  navire 
marchand  anglais  qui  était  mouillé  devant  Salé.  Le  navire  dut  quitter 

1.  V.  infra,  p.  .T^g.  ce    dernier    fut    donc    conclue  vers  le   3i 

2.  La  date  du  départ  do  Du  Chalard  de         octobre    l(i35. 

Salé  est  fournie  par  le  fait  que  le  délai  de  3.   V.    infra,    pp.    536-5^9,    Relation  Se 

six  mois  pour  le  payement  de  la  rançon  des  Jean  Marrjes. 

334   captifs   laissés   h   Salé   expirait   le   3o  4-   Sur  ces  événements, outre  la  Relation 

avril   i636  (V.  infra.  p.  Sog,  Mémoire  de  do  Jean  Marges  déjà  citée,  V.  infra.  Intro- 

P.  Du    Ciuûard).   La   convention  passée  à  duction   critique,   Les   Moriseos   à    Sale    et 

ce  sujet  entre  les  gouverneurs  de  Salé  et  Sidi  el-Ayachi,  pp.  igO-ig^. 


XCII  INTRODUCTION 

Salé  à  la  fin  de  juillet,  se  rendant  à  Sainte-Croix  (Agadir)  pour  y 
faire  sa  traite.  Marges  profita  de  cette  relâche  pour  aller  visiter  le 
marabout  Sidi  Ali,  qui  exerçait  alors  dans  le  Sous  elle  Di'aa  un  pou- 
voir royal'.  Le  marabout  le  reçut  courtoisement  et  lui  témoigna 
désirer  l'amitié  du  roi  de  France,  le  priant  de  faire  entendre  à 
Louis  XIII  que  «  ses  subjets  pouvoient  avec  toutle  asseurance  venir 
traiter  en  ses  terres  ». 

Le  i5  août  i63~,  le  navire  anglais  quitta  Sainte-Croix  et  arriva 
le  2(5  à  Funchal  (île  de  Madère).  Le  gouverneur  espagnol  ayant  fait 
procéder  à  la  visite,  Marges»  lequel,  pourn'estre descouvert,  avoit 
pris  l'habit  d'un  matelot  »  fut  reconnu  comme  Français  et  arrêté  un 
peu  arbitrairement",  car  on  se  contenta  de  lui  déclarer  que  «  puis- 
qu'il avoit  esté  esclave  en  Barbarie,  il  le  pouvoit  bien  estre  autre 
fois  à  Madère  ».  On  lui  avait  enlevé  préalablement  «  trois  cens  de 
plumes  d'austruche  fines  à  luy  apartenans  n.  Sur  le  conseil  de  quel- 
ques marchands,  «  il  se  feignit  pauvre  et  nécessiteux  ».  et  au  bout 
de  deux  mois,  le  i5  octobre  1687,  on  le  relâcha,  voyant  qu'il  n'y 
avait  pas  de  rançon  à  espérer  de  lui.  Il  s'embarqua  le  même  jour  sur 
un  autre  navire  anglais  qui  l'amena  à  Londres.  Pendant  son  séjour 
dans  cette  ville,  il  fut  témoin  de  la  réception  de  l'ambassadeur 
marocain  Djouder  ben  Abdallah ^ 

Revenu  en  France  ',  Jean  Marges  adressa  au  roi  un  rapport  sur 
son  voyage.  Il  donnait  son  avis  sur  la  politique  à  suivre  au  Maroc  et 
les  moyens  à  employer  pour  retirer  de  Salé  le  vice-consul  Rastin 
ainsi  que  les  prisonniers  français.  Puis,  exposant  les  services  qu'il 
avait  rendus  aux  captifs  pendant  son  séjour  à  Salé,  «  où  il  a  employé 
tant  en  leur  nourriture  que  médicamcns,  outre  ses  soings,  presque 
tout  son  bien  »,  la  prison  qu'il  avait  subie  à  Madère  et  les  pertes 
qu  il  y  avait  faites,  les  dépenses  que  lui  occasionnerait  son  retour 
à  Marseille,  il  terminait  par  cette  supplique  :  «  Il  plaise  à  Sadite 
Majesté  luy  octroyer  lettres  de  mestrise  pour  pouvoir  praticquer  sa 


1.  Sur  ce  marabout,  V.   infrn.   p.   578,  4.   Xous  ne  pouvons  fixer  exactement  la 
note  3.  date  du  retour  en  France  de  Jean  Marges, 

2.  La  guerre  existait  entre  la  France  et  mais  il  eut  lieu  certainement  après  le  i5 
l'Espagne  depuis  le  ig  mai  1635.  novembre    1687,  date   de  la   réception   de 

3.  Sur   cette   réception,    V.    z"'   Série,  l'ambassadeur  marocain  par  le  roi  d'.\nglc- 
Angleterre,  novembre  iG3-.  terre.  V.  infra,  p.  546  et  note  4- 


INTRODUCTION  XCIII 

vacation  de  chirurgien  dans  ladite  ville  de  Marseille,  lien  de  sa  nais- 
sance, sans  eslre  subjet  à  passer  par  les  formes  ordinaires  qui  se 
observent  en  ladite  ville,  qui  se  ibiit  avec  de  grandz  fraix,  lesquels 
il  ne  pourroit  supporter  pour  avoir  tout  consommé  audit  voyage  '  ». 

André  Ph.vt.  —  On  a  vu  avec  quelle  liùte  Boulliillier,  secrétaire 
d'Etat  aux  AITaires  Etrangt'res,  avait  donné,  le  3o  novembre  iGay, 
à  André  Prat,  négociant  marseillais,  la  «  piovision  du  consulat  pour 
la  nation  Françoise  au  pais  de  Toutouan  et  ville  de  Salle"  »,  et  le 
conilit  qui  en  était  résulté  avec  Pierre  Mazet.  que  Razilly.  muni  des 
pouvoirs  du  Roi  et  du  cardinal  de  Hiihelicu,  avait  noninic  à  ce  même 
olTice.  le  3  septembre  i63o  '.  André  Prat  ne  chercha  pas  d'ailleurs 
à  rejoindre  son  poste  :  il  resta  à  Marseille,  se  contentant  de  percevoir 
les  dioits  de  consul  au  départ  des  navires  de  ce  port,  ce  qui  amena 
les  protestations  de  Pierre  Mazet'.  Ce  l'ut  seulement  en  i634  ou 
i635,  après  l'arrestation  à  Marrakech  de  son  concurrent,  qu'il  se 
décida  à  envoyer  à  Salé  pour  exercer  sa  charge  le  vice-consul 
Gaspard  de  Rastin.  On  connaît  les  tribulations  par  lesquelles  passa 
ce  malheureux  agent,  pour  avoir  servi  de  caution  aux  captifs 
laissés  à  Salé  par  Du  Chalard,  et  les  vexations  qu'il  eut  à  endurer 
par  représailles  des  Salétins  pour  leurs  navires  capturés  par  les 
Français. 

A  la  mort  de  Fiastin,  survenue  en  iG/)3,  la  situation  des  Français 
à  Salé  était  mauvaise  ;  les  Salétins  reprochaient  à  la  cour  de  France 
de  n'avoir  pas  rempli  les  engagements  contractés  par  Du  Chalard 
pour  le  rachat  des  captifs,  et  le  commerce  était  interrompu  par  des 
actes  récipro(|ucs  d'hostilité.  André  Prat  jugea  nécessaire  d'aller 
lui-même  au  Maroc  pour  arranger  les  choses,  et  il  s'y  rendit  en 
1643  avec  son  fils  Henri". 

Salé    était    depuis    i6/|i    sous    l'autorité    du   marabout    de    Dila 

1.  \  .  infra,  p.  5'ig,  Relation  de  Jean  |3  et  22  octobre,  du  i5  décembre  i63o,  et 
Marges.  du  10  février  i63l,  infra.  pp.  875-876. 

2.  V.  les  provisions  d'.Viidré  Prat,  ùi/ra,  5.  Cf.  2'  Série,  France,  Mémoire  Je 
p.  278.  Henri  Prat  à  la  date  du  8  juin  i6(5g.  Dans 

3.  V.  la  commission  de  consul  pour  ce  mémoire  Henri  Prat  se  met  seul  en  scène 
Pierre  Mazet,  infra,  pp.  818-819.  et  passe  sous  silence  le  r61c  joué  par  son 

!t.    V.  extrait  de  lettres  de  P.  Ma^ct  des        pire. 


XCIV  INTRODUCTION 

Mohammed  el-Hadj  '  (le  Ben  Boucar  des  relations  contemporaines). 
André  Pral  sut  le  gagner  par  des  présents  habilement  placés  ;  il  lui 
fil  comprendre  combien  il  serait  préférable  pour  les  Salétins  de 
renoncer  à  des  engagements  remontant  à  près  de  dix  ans  et  de  renouer 
des  relations  commerciales  avec  la  France.  «  On  déchira,  écrit  son 
fils,  toutes  les  promesses  et  on  n'a  pas  depuis  ouï  parler  de  celte 
affaire  );.  Deux  arrangements  vinrent  sanctionner  les  résultats  obte- 
nus. En  1645  A.  Pral  passa  un  traité  avec  les  gouverneurs  de  la  ville  et 
château  de  Salé  u  pour  restablissemenl  du  négoce  de  France  et  des 
villes  de  Salé  et  Tetouan  ».  Enfin  le  11  mars  i6/i6  fut  signé  un 
«  traitlé  et  capitulation  laite  entre  lesdits  gouverneurs  et  adminis- 
trateurs pour  le  sieur  Sidi  Mahamé  &  Lach  Bembourquer  et  ledit 
André  Prat  pour  le  trafic  en  ladite  ville  de  Salé"  ». 

Bien  que  ces  accords  eussent  été  conclus  par  le  consul  sans  mandat 
officiel  et  à  titre  personnel,  ils  suffirent  néanmoins  à  ramener  le 
calme  à  Salé.  «  Depuis,  écrit  Henri  Prat,  les  François  et  autres 
negocians  et  traflîcandz  soubz  la  bannière  du  Roy  y  sont  allés  jus- 
ques  à  présent  avec  toute  la  liberté,  sans  y  avoir  eu  jamais  aucune 
advanie  à  leurs  biens  nv  religion'  ». 

André  Prat  rentra  en  France  en  16^8  '  et  se  démit  volontairement 
de  sa  charge  en  faveur  de  son  fils  Henri,  qui,  par  lettres  patentes 
du  20  octobre  16^8,  fut  nommé  consul  à  Salé  et  Tétouan. 

François  de  Boyer,  sieur  de  Bandol.  — L'habitude  de  considérer 
les  consulats  comme  une  propriété  personnelle  dont  on  pouvait  délé- 
guer les  fonctions  à  un  vice-consul,  tout  en  gardant  pour  soi  la  plus 

1.  Sur  ce  personnage  cl  Sun  rôle  à  Salé,  3.  V.  2=  Série.  France,  Mémoire  de 
\.  infru.  pp.  58o-ô83,  Introducliun  criti-        Henri  Prat,  8  juin  16G9. 

ipie,   La  zaouïa   de  DUa  et  la  chute  de  la  !\.   La  présence  de  André  Prat  à  Salé  à  la 

dynastie  saadicnne.  fin  de  l'année   1647  ^^^  constatée  par  des 

2.  Ces  renseignements  sur  les  traités  de  documents  oITiciels.  C'est  lui  qui  fut  chargé 
1645  et  16/16  sont  fournis  par  un  arrêt  du  de  régler  avec  le  gouverneur  de  Salé  l'af- 
Conseil  du  25  mai  i66i.  V.  Arch.  Nat.  faire  de  la  saïtie  génoise  qui  apportait  les 
Marine  A' VI.  —  Henri  Prat,  dans  son  mé-  marbres  destinés  aux  mausolées  de  Louis 
moire  de  1669  précédemment  cité,  s'attri-  XIII  et  de  Richelieu  et  qui  avait  été  captu- 
buant  le  rôle  de  négociateur  dans  ces  traités,  rée  par  les  Salétins.  V.  infra.  lettre  de  A. 
écrit:  «  Je  fis  ceste  négociation  avec  les  Prat  à  Lanier  du  11  décembre  16^7,  Doc. 
gouverneurs  du  pays  en  forme  de  capitu-  CXVII,  p.  687.  Cf.  auisi  Icttresde Lanier  à 
lations  et  dont  les  articles  seroient  Irop  A/a^arm  des  23  octobre  et  3o  décembre  1 645 
longs  à  déduire  ».  Doc.   C-MV,   p.  635  etCXVIIl,  p.  638. 


INTRODUCTION  XCV 

grande  partie  des  profils,  cul  pour  consé([uence  de  l'aire  nommer 
parfois  à  ces  offices  des  enfants  en  bas  âge  ' .  C'est  ainsi  que  Jules  de 
Boyer",  sieur  de  Bandol,  gentilhomme  de  la  Chambre  et  capitaine- 
lieutenant  de  la  galère  du  cardinal  Mazarin,  obtint,  en  récompense 
de  ses  services,  la  création  en  faveur  de  son  iîls  François  de  Bover, 
âgé  de  douze  ans  au  plus^,  d'un  office  de  «  consul  de  la  nation 
françoise  esdits  lieux  de  Safiic,  Mogador,  Sainte-Croix  [Agadir] 
et  la  coste  tirant  du  coté  de  midy  à  la  coste  de  Feiz^  ».  Les  lettres 
patentes  furent  signées  le  29  mars  ifi/17. 

Le  Maroc,  à  cette  époque,  échappait  de  plus  en  plus  à  la  dynastie 
saadienne  °,  et  André  Prat,  titulaire  du  consulat  de  Salé  et 
Tétouan,  se  trouvait  en  fait  accrédité  auprès  du  puissant  mara- 
bout de  Dila",  Sidi  Mohammed  el-Hadj.  La  France  n'avait  aucun 
agent  pour  protéger  son  commerce  et  sa  navigation  dans  le 
Maroc  du  sud,  aussi  bien  dans  les  provinces  relevant  encore  du 
chérif  Moulay  Mohammed  ech-Cheikh  el-Aseghir,  que  dans  le  Sous, 
où  dominait  le  marabout  Sidi  Ali  ben  Mohammed ^  C'est  sans 
doute  cet  état  politique  du  Maroc  qui  motiva  la  création  du  nouveau 
consulat  comprenant  Safi,  Mogador  et  Sainte-Croix,  «  quoyque  le 
consulat  de  Fez  et  de  Maroc  »,  ainsi  que  le  remarque  P.  Ariste, 
«  eust  toujours  esté  possédé  par  une  mesme  personne  jusqu'ici'  ». 

Le  nouveau  poste  n'eut  qu'une  durée  éphémère,  et  François  de 


I .   Alexandre  Bernard  do  Loménie,  lils 


200, 


diisccrélaircd'Élat, fut  nomme  IcSonovcm-  3.   V.  note  ci-dessus.  François  do  Bover, 

bre   i6'i7,  à  l'âge  de  sept  ans  au  plus,  au  dont  le  père  s'était  marié  en  i634  avait  au 

consulat  du  Caire  et  d'.Vlexandrie.  ^  .  .\rcli  plus  douze  ans  en  16^7. 
.\n'.  Ktr.,    Turquie,    Corresyond.  pol.,    oui.  4-   V.  infru,  p.  6i3,  Provisions  de  consul 

5,  ff.  340  et  36o.  pour  François  de  Boyer. 

2.  Jules  de  Boyer,  seigneur  de  Bendort  .ï.   V.  Carte  polilique  du  Maroc  en  1660, 

[sic\,  S'  .lulien,  La  I^cne,  Cliasteau-.\rnoux  l'I.  \  ,  p.  ()o8  et  Introduction  critique,  La 

et  autres,  capitaine  au  régiment  de  Cliapcs  Zaouïa  de  Dila  et  la  chute  de  la  dynastie  saa- 

en  iC'iO,  l'un  des  iô  gentilsliommes  ordi-  dienne,  pp.  572-Ô83. 
naires  de   la  Chambre  du   Boy,   capitaine  t).   V.  Ibidem. 

lieutenant  de  la  galère  du  cardinal  Mazarin  7.   V.  infra,  p.  Ô^S,  note  3. 

parbrevctdu  Roy  de  l'an  iG'iS.  Il  futsyndic  8.   V.    Traicté   des   consuU  de    la  nation 

de  la  noblesse,  de  laquelle  charge  il  se  démit  française    aux    pays    estrangers...    par    P. 

en  1G6/).  Il  mourut  l'an  1076  et  avait  épousé  /l[r(s(e],   conseiller  du  Iloy  en  ses  conseilz, 

en  i634  Éléonor  de  Foresta.  Cf.  Bibt.  Nat..  cy-devant  principal  commis  de  M.   le  comte 

Cabinet  des  Titres,  Dossiers  bleus,  ool.  isp.  de  Brienne...  jdOy.îiihl.ynl.  .Ms.J'r.  iSûy.'i 

cote  3t66,  et  Carres  d'ilozier,  vol.  isy,  /"  p.  yS. 


XCVI  INTRODUCTION 


Boycr  ne  tira  pas  grand  revenu  de  son  titre.  «  En  conséquence  de  ce 
tiltre»,  écrit  le  même  au  letn- en  1667,  «il  [François  de  Boyer]  avoit 
commis  une  personne  pour  aller  faire  cet  establissement.  IMaisjus- 
ques  à  présent  on  n  en  a  retiré  aucune  utilité,  pour  le  peu  de  com- 
munication et  de  commerce  que  nous  avons  avec  les  gens  de 
ce  pays- là  '  ». 

François  de  Boyer  ne  persévéra  pas  dans  la  carrière  consulaire. 
Conseiller  au  parlement  d'Aix  de  1660  à  iC>-b.  il  fut  nommé  en  iG-5 
président  de  la  cour  des  comptes. 

Henri  Puât.  —  Il  avait  accompagné  au  Maroc  en  i6/i3  son  père, 
avec  lequel  il  avait  résidé  quatre  années  à  Salé.  Revenu  avec  lui  à  Mar- 
seille à  la  fin  de  16^7  ou  au  commencement  de  iGAî^,  il  lui  succéda 
comme  consul  de  Salé  et  de  Tétouan.  Ses  lettres  de  provision, 
datées  du  20  octobre  iG/|8,  fuient  enregistrées  par  le  parlement  de 
Provence  le  20  janvier  i6^g  ". 

Les  lettres  de  provision  portaient  qu'Henri  Prat  auiail  à  prêter 
serment  à  M.  de  La  Haye-Ventelet,  ambassadeur  à  Conslantinople, 
et  à  ses  successeurs,  qui  devaient  le  mettre  en  possession  de  la  dite 
charge  et  le  faire  jouir  des  prérogatives  y  attachées.  Le  consulat  de 
Salé  et  de  Tétouan  était  ainsi  assimilé  aux  consulats  du  Levant  et, 
à  ce  titre,  dépendait  de  l'ambassade  de  Constantlnople  ^  Le  nouveau 
consul,  aux  termes  de  ses  lettres  patentes,  était  autorisé  à  «  com- 
mettre et  subdeleguer  pour  vice-consul  en  son  lieu  et  place  ez  dites 
villes  de  Totoan  et  Salles,  à  tel  personnage  qu'il  advisera.  duquel  il 
nous  demeurera  responsable,  auquel  seront  expédiées  nos  lettres 
jjatentes  de  commission  à  cet  effet  ».  Cette  réserve  avait  été  insérée 
dans  le  but  de  réglementer  la  nomination  des  vice-consuls.  Elle 
ne  l'ut  d'ailleurs  pas  observée  par  Henri  Prat,  qui  depuis  i648  ne 
retourna  pas  au  Maroc  et  s'y  lit  représenter  par  des  délégués  nommés 


1 .  \  .  Ibidem.  expédier  lettres  du  consulat  pour  la  nation 

2.  V  Arch.  Nat.,  Marine,  A'  VI.  Arrêt  françoise  à  Marrok  et  à  Fess  et  terres  en 
du  Conseil  du  35  mai  iGGJj.  deppendantcs  avec  les   mesmcs  droits  des 

3.  En  1617  Harlay  de  Sancv,  ambas-  consulats  du  Levant..  »  Il  ofifrait  quatre 
sadeur  de  France  à  Constantlnople,  avait  mille  francs  de  cptle  charge  V.  infra. 
fait   des  démarches  en  vue  de   se    u    faire  Doc.  III,  p.  7. 


INTHODUCTION  XCVl 


par  simple  acte   notarié,   alléguant  que   tel   était  l'usage  dans  le 
Levant'. 

C  est  ainsi  que  le  9  mars  1 65o.  par  devant  Galiriel,  notaire,  Pierre 
Cilrani,  inarrliand  de  Marseille,  lut  nommé  vice-consul  «  aux  par- 
ties de  Tctouan  et  de  Salle  »  pour  la  durée  de  trois  années.  Henri 
Prat,  n'avunl  pas  été  satisfait  de  la  manière  dont  Cilrani  adminis- 
trait les  intérêts  qu  il  lui  avait  confiés,  le  révoqua,  paracte  du  1 3  jan- 
vier i6ô3,  et,  par  un  autre  acte  du  même  jour,  nomma  en  son 
lieu  et  place  Antoine  Julien-Parasol.  Il  en  résulta  un  procès  qui 
ne  se  termina  qu'en  lOOo'. 

Ce  fut  au  cours  de  la  gestion  d'Henri  Prat  que  les  religieux 
récollets  tentèrent  d'installer  à  Salle  une  chapelle  consulaire,  ainsi 
qu  ils  l'avaient  fait  dans  les  consulats  du  Levant  pour  le  service  des 
chrétiens  \  Le  consul,  âpre  au  gain,  refusa  de  faire  les  frais  de  leur 
entretien  et  de  la  construction  d'une  chapelle.  Sur  la  plainte  des 
marchands  et  des  esclaves,  Louis  XHI,  par  lettre  du  28  janvier  1662, 
lui  ordonna  (i  de  donner  à  deux  desd.  religieux  recolectz,  mission- 
naires, un  lieu  propre  et  commode  pour  faire  leurs  fonctions  spiri- 
tuelles comme  chappelains  de  Salé  et  de  Toutouan  »,  et  de  leur 
fournir  «  les  choses  qui  seront  necessaires^pour  leur  entretien  jusques 
à  la  somme  de  quatre  cens  livres  ».  Le  P.  Félix  Chevalier  et  son 
compagnon  étaient  porteurs  du  présent  ordre  «  auquel  Sa  Majesté 
enjoinct  très-expressément  à  son  consul  de  se  conformer,  sous  peine 
de  perdre  sa  charge  '  ».  Henri  Prat  dut  s'exécuter;  une  chapelle  fut 
construite  dans  le  logis  du  vice-consul  Parasol  ;  elle  était  terminée 
en  i65^  ',  et  le  culte  catholique  y  était  célébré  régulièrement. 


I.   V.  dans  l'arrèl  du  Conseil  du  a5  mai  celles  que  les  titulaires  des  consulats  leur 

1O64  (.\rcli.  .\at.  il/arine  A'  Ki)  une  altes-  délivriiil     originairement    par    main     de 

talion   du    li    février    i664,    signée,    entre  notaire,   ils  prennent   y<osscssion  dos   con- 

autres.  par  les  consuls  de  Saïda,  d'.Vlep,  de  sulats  sans  authorlté  ni  formalité  de  justice, 

Négrcpont,  de  Smyrne  et  autres,  qui  rosi-  et  sans  prendre  aucun  acte  de  ladite  instal- 

daient   à   Marseille,  et  non  sur  les   lieux,  lation  ». 

portant  que  «  les  consuls  qui  exercent  les  2.   Sur  les  rapports  de  Prat  avec  Citrani, 

consulats  et  vice-consuls  ne  font  aucune  V.  infra.  p.  c,  la  notice  de  ce  dernier, 
procédure  par  escrit  touchant  ladite  instal-  3.   V.  infra,  p.  6/46,  note  2. 

lation,  mais  sculem-nt,  après  avoir  les  con-  4.   V.  infra,  p.  645,  Ordre  de  Loui:>  XIV 

suis  en  tiltre  monstre  les  provisions  qu'ils  ù  Henri  Pral. 
avoient  do  Sa  Majcslr,  ou  les  vice-consuls  5.   V.  infra,  p.  640,  noie  3. 

De  Castkiks.  III.    —   'j 


INTRODUCTION 


En  dehors  de  cette  affaire,  le  consulat  de  Henii  Pial  fut  marqué 
par  de  longs  démêlés  avec  les  marchands  français  pour  les  con- 
traindre à  acquitter  le  droit  de  2  pour  cent  sur  la  valeur  des  marchan- 
dises '.  Il  semble  que  le  consul  soit  arrivé  à  ses  fins  avec  les  négo- 
ciants de  Marseille  ;  il  avait  là  au  moins  la  possibilité  de  jjercevoir 
les  droits  au  départ  des  navires.  Avec  les  trafiquants  de  La  Rochelle, 
il  éprouva  au  contraire  de  grandes  difficultés  et  dut  finalement 
(20  février  16C0)  poursuivre  les  délinquants  devant  le  conseil  du 
Roi.  Cette  cour  rendit  son  arrêt  à  Paris  le  26  mai  1664.  Les  défen- 
deurs étaient  condamnés  à  payer  au  demandeur  «  tous  les  droits  du 
consulat  de  Toutouan  et  Salle  pour  les  marchandises  qu'ils  ont 
déchargées  et  chargées  aux  ports  desdils  lieux,  à  raison  de  deux 
pour  cent  du  prix  d'icelles  et  continuer  à  l'advenir  sur  le  même 
pied...  »  '. 

Henri  Prat,  toujours  résidant  à  Marseille,  continua  de  faire  rem- 
plir sa  charge  par  des  vice-consuls.  On  trouve  successivement 
Antoine  Julien-ParasoP  (i653-?),  François  Julien  (.î>-i669), 
Antoine  Reymond  (1669-1679)  et  Pierre  Gautier  (1679-1680) 
«  homme  pauvre  »  qui  avait  été  serviteur  du  précédent. 

Pour  ce  qui  est  de  Tétouan,  il  est  difficile  de  préciser  à  partir 
de  quelle  époque  il  y  eut  dans  ce  port  un  vice-consul  spécial.  On 
trouve  à  ce  sujet  dans  un  mémoire  du  temps  la  mention  suivante  ; 
«  Le  consulat  de  Tetuan  en  Afrique,  que  l'on  dit  appartenir  au 
s'  Prat,  de  Marseille,  a  esté  régi  plusieurs  années  par  les  vice-con- 
suls et  commissionnaires  qu'il  y  a  establis  *  ».  Le  premier  agent  que 
nous  connaissions  dans  ce  port  est  un  nommé  Cheillan,  dont  la 


I.   Ce  droit  do   2   pour  100  était  perçu  toutes  les  marcliandises  qui  sortent  dudit 

depuis    un    temps    immémorial,    mais    il  !'")'*  »■ 

n'était  fixé  par  aucune  ordonnance.  Il  se  2.  V.  Arch.  Nat.,  Marine.  A'  VI. 
prouvait  par  attestation.  On  en  trouvera  3.  V.  m_/ra,  p.  en,  la  notice  sur  Antoine 
une  citée  dans  l'arrêt  du  conseil  du  aS  mai  Julien-Parasol.  —  Pour  les  autres  vice- 
1664  (Arch.  Nat.,  Marine.  A'  VI)  où  «plu-  consuls,  leur  biographie  sera  donnée  dans 
sieurs  capitaines,  escrivains  do  vaisseau  et  le  dernier  volume  de  la  3"  Série,  France, 
marchands  françois  qui  auroient  trafiqué  avec  un  degré  d'e.\actitude  qui  ne  saurait 
en  Levant  »  certifient  «  comme  de  tout  être  atteint  en  l'état  actuel  de  nos  connais- 
temps  la  coustume  a  esté  de  payer  aux  con-  sances. 

suis  establis  par  Sa  Majesté  aux  eschelles  /j.   V.  2"  Série.   France,   Mémoire  sur  te 

de  Levant  le  droit  de  deux  pour  cent  de  consulat  de  Tétouan. 


INTRODUCTION  \CA\ 


présence  est  constatée  à  Tétouan  le  6  juin  iG5i  ',  sans  que  l'on 
puisse  préciser  si  à  cette  date  il  perlait  le  titre  de  vice-consul. 
Cheillan  eul  pour  successeur  son  fils  Antoine  Cheillan  «  qui,  en 
l'an  iGGO,  renia  la  Iby  catholique  pour  se  faire  maure '».  Le  poste 
étant  devenu  ainsi  vacant.  Henri  Prat  y  envoya  pour  vice-consul 
un  s'  Semion  «  homme  qui  ne  sçait  ni  lire  ni  escrire,  qui  ne  fait 
à  Tetouan  que  foit  peu  de  séjour  et  lequel  n'a  aucune  qualité  propre 
pour  faire  celte  fonction^  ». 

Les  délégués  de  Henri  Prat,  à  Salé  comme  à  Tétouan,  n'étaient 
plus,  ainsi  (ju'on  le  voit,  à  hauteur  de  leur  situation  :  le  titulaire 
de  ce  double  consulat  ne  l'avait  lui-même  jamais  été.  Henri  Prat  ne 
voyait  dans  son  office  qu'une  source  de  revenus  qu'il  exploitait  de 
Marseille,  au  mieux  de  ses  intérêts,  ne  rendant  aucun  service  aux 
marchands  qu'il  pressurait  et  ne  correspondant  même  pas  avec  le 
ministre  '.  L'arrivée  de  Colbert  au  pouvoir  changea  cette  situation. 
Prat  dut  adresser,  le  8  juin  1669,  un  rapport  sur  son  administra- 
tion \  Les  commerçants  de  Marseille  firent  entendre  leurs  légitimes 
plaintes.  Le  28  mars  1672.  le  c(jnseil  d'Etat  saisi  rendit  l'arrêt  sui- 
vant :  «  Le  Roy  étant  informé  que  Henry  Prat,  hahitant  de  la  ville 
de  Marseille,  propriétaire  du  consulat  de  la  nation  française  à  Salé 
et  Tetouan.  veut  obliger  les  marchands  et  patrons  de  barques  qui 
trafiquent  à  la  côte  de  Barbarie  de  lui  payer  en  la  ville  de  Marseille 
le  dioit  de  deux  pour  cent  attribué  audit  consulat,  quoi  qu  il  ne 
fasse  aucune  résidence  sur  les  lieux,  ny  ne  les  serve  en  rien  de  son 
ministère,  même,  sur  les  contestations  qui  surviennent  pour  raison 
de  ce,  il  les  veut  obliger  de  procéder  au  Conseil,  ce  qui  les  con- 
somme en  frais,  et  d'ailleurs  l'intention  de  Sa  Majesté  étant  que  les 
propriétaires  des  consulats  exercent  eux-mêmes  en  personne  sur  les 
lieux;  a  quoy  étant  nécessaire  de  pourvoir.  Sa  Majesté,  étant  en  son 
conseil,  a  fait  expresse  deflense  audit  Prat  de  faire  la  levée  dudit 


1.  Il  est  mnitionrifilans  l'ariiU  lin  l'aile-  \c  consulat  de  Salé  et  Tétouan  était  dans 
naent  de  Provenco  du  3o  juin  1G60,  i,'ntrf;  la  famille  des  Prat  et,  pendant  ce  laps  de 
Citrani  et  Prat.  V.  infra  la  iiutice  de  Citrani.  temps,  on  ne  trouve  aucune  lettre  adressée 

2.  V.   a»  Série,  France,   Mémoire  sur  le  par  ces  agents  au  secrétaire  d'Etat. 
consulat  de  Tétouan.  5.   V.   2'  Série,   France,  t.  I,   Lettre  Je 

3.  V.  Ibidem.  Henri  Prat   à   Colbert.  8  juin   1669,  et  le 
4-   Il  y  avait  en  lOGy  quarante  ans  que  Mémoire  qui  )■  est  joint. 


C  INTRODUCTION 

didil  de  deux  pour  cent  en  la  ville  de  Marseille,  sur  les  marchands 
el  patrons  qui  trafiquent  dans  ledit  consulat  de  Salé  et  Tetouan.  ny 
de  faire  aucunes  poursuites  contre  eux  audit  conseil...'  ». 

En  même  temps  Henri  Prat  reçut  de  Colbert  l'ordre  «  de  le  tenir 
averti  de  tout  se  quy  se  passe  de  considérable  audict  pays  ».  Le 
consul  accusa  réception  de  cette  dépêche  le  24  mai  1672  ",  mais  il 
ne  se  conforma  pas  plus  que  par  le  passé  à  cette  prescription: 
il  n'écrivit  pas  davantage  au  ministre  et  continua  de  résider  à 
Marseille,  dont  il  fut  même  échevin  en  1676  et  1677  ^  Ces  abus  ne 
devaient  prendre  fin  qu'en  1682.  Pierre  Gautier  ayant  été  expulsé 
de  Salé  par  les  autorités  du  pays  en  1680,  y  fut  rétabli  la  même 
année  comme  consul  parle  chef  d'escadre  Château-Renaud,  et  s'y 
maintint  malgré  Henri  Prat.  Colbert  fil  alors  défense  à  ce  dernier 
d'envoyer  un  vice-consul  à  Salé  ;  puis,  sans  même  le  révoquer,  il 
profita  de  l'ambassade  de  M''  de  S' Amand  '  (  1 682)  pour  le  remplacer 
en  iG83,  à  la  fois  à  Tétouan  et  à  Salé  '.  Henri  Pral  se  trouva  ainsi 
dépossédé  en  fait  du  double  consulat  dont  il  touchait  les  revenus 
depuis  près  de  trente-cinq  ans. 

Pierre  Citram.  —  Il  est  qualifié  «  cscuier  de  la  ville  de 
Marseille^  ».  Henri  Prat,  consul  en  titre  de  Salé  et  de  Tétouan, 
l'ayant  choisi  pour  le  représenter  comme  vice-consul  dans  ces  deux 

1.  V.  2"  Série.  France,  t.  I,  Arrêt  du  lOSS,  le  s'  Jean  Pprillier  de  Marseille  fut 
conseil  d'État,  a3  mars  1672.  nommé  «   consul  de  la  nation  françoise  à 

2.  V.  2»  Série.  France,  t.  I,  Lettre  de  Salé  et  Tétouan  en  Barbarie  »  pour  une 
Henri  Prat  à  Colbert,  24  mai  107a .  durée  de  trois  années  à  courir  du  i^"'  février 

3.  Cf.  Arch.desAff.  Èlr .,  Correspondance  i684.  V.  2"  Série,  France,  t.  I,  à  la  date  du 
consulaire.   Chambre  de  commerce  de  Mar-  i'''  avril  i683. 

scille.   Vol.  I,  [f.  m,  iig,  deux  lettres  de  0.   Les  renseignements  sur  Pierre  Citrani 

1676  et/o  /a/î  une  lettre  de  1677,011  Henri  sont  tirés   de    l'arrêt  du  Parlement  d'Aix 

Prat  signe   en  qualité  d'échevin   de  Mar-  du   3o  juin    1660,  entre    Citrani  et   Prat 

seille.  (Arch.     départ,     des    Bouches-duRhônc, 

4.  V.  2'  Série,  France,  les  lettres  de  S'  section  d'Aix.  Série  B,  Parlement,  Registre 
Amand  à  Colbert  et  à  Scignclay  (juin  1683-  des  arrêts  à  la  barre  du  23  mai  au  3o  juin 
juin  i684).  /6'Co).  et  aussi  de  l'arrêt  du  18  janvier  i653 

5.  Ce  fut  un  s''  Boyer  que  S'  Amand  ins-  de  la  même  Cour,  enjoignant  aux  marcbands 
talla  provisoirement  comme  consul  à  Te-  français  de  ne  reconnaître  pour  vice-consul 
touan,  pendant  son  séjour  dans  cette  ville  à  Salé  et  Tétouan  que  le  s''  Antoine  Julien- 
(2  octobre-i  I  novembre  1682).  En6n  Parassol  (Ibidem,  Registre  des  arrêts  à  la 
par  lettres  de  provision  datées  du  i'-'  avril  barre  de  janvier- février  i653). 


INTRODUCTION  CI 

villes,  le  nomma  à  ces  fonctions  pour  une  durée  de  trois  années, 
parade  notarié  du  g  mars  i65o,  Citrani,  conjointement  à  sa  mission, 
acceptait  de  gérer  les  intérêts  des  Prat  au  Maroc. 

Il  arriva  à  Salé  le  "juin  i65o'.  Ses  débuts  furent  difficiles  :  les 
Salélins  ayant  refusé  de  le  reconnaître,  11  fut  obligé  de  présenter 
une  requête  au  gouverneur  de  la  place  pour  être  admis  en  qualité 
de  vice-consul.  Ce  ne  fut  que  le  G  juin  i65i  qu'une  ordonnance  fit 
cesser  sa  fausse  situation.  Pendant  cette  année  d'attente,  Citrani  ne 
fut  pas  autorisé  à  débarquer  les  marchandises  dont  il  avait  accepté 
la  charge.  Ses  instructions  portaient  bien  qu'au  cas  où  il  rencon- 
trerait des  difficultés  à  Salé,  il  devrait  aller  vendre  son  fret  à  Safi 
ou  à  Sainte-Croix,  mais  il  ne  fut  probablement  pas  libre  de  ses 
actions. 

A  Marseille,  Prat  et  ses  associés,  s'étonnantdu  retard  apporté  à 
leurs  opérations  commerciales,  dépêchèrent  à  Salé  le  17  février 
i65i  André  Prat,  frère  d'Henri,  avec  une  procuration  pour  aller 
recouvrer  les  fonds.  Une  partie  de  marchandises  put  être  vendue, 
l'autre  dut  être  renvoyée  en  France  et,  somme  toute,  l'affaire  ne 
rapporta  aux  intéressés  qu'un  fort  médiocre  bénéfice.  André  Prat 
donna  quittance  à  Citrani  le  17  juin  i65i.  Le  vice-consul  se  contenta 
par  la  suite  de  percevoir  purement  et  simplement  les  droits  de  con- 
sulat, qu'il  rcmitle  3o  août  et  le  i5  novembre  i652,  aux  mandataires 
envoyés  à  Salé  par  Henri  Prat.  Telle  n'était  pas  la  manière  dont 
celui-ci  entendait  que  ses  intérêts  fussent  gérés  :  Citrani  devait 
d'apiès  lui  employer  «  sur  les  lieux  lesdits  droits  de  consulat  et 
autres  profBts  en  achept  de  merchandises  ». 

C'est  pourquoi  Henri  Prat.  par  acte  notarié  du  1 3  janvier  i653, 
révoqua  «  la  commission  de  la  charge  de  vice-consul  aux  parties 
de  Toutouan  et  Salles  »  qu'il  avait  donnée  à  Citrani  le  9  mars  i65o. 
En  même  temps  il  fit  choix  pour  remplacer  ce  dernier  du  s'  Antoine 
Julien-Parasol.  Une  commission  notariée  lui  fut  délivrée  et  le 
28  janvier  i6ô3  le  Parlement  d'Aix  rendit  un  arrêt  enjoignant  aux 
marchands  français  de  ne  payer  les  droits  de  consulat  qu'au  susdit 
Parasol  et  non  à  un  autre. 

I.  Il  ne  semble  pas  qu'entre  la  date  du  date  île  l'arrivée  de  Citrani  (7  juin  i65o), 
retour  des  Prat.  père  et  fils,  à  Marseille  il  y  ait  eu  à  Salé  un  agent  français  ayant 
(fin   i6'47  ou  commencement  i648)  et  la        le  titre  de  vice-consuJ. 


cil  INTRODUCTION' 


Ce  fut  Parasol  lui-même  qui  à  Salé,  le  26  février  i653,  signifia 
à  Pierre  Citrani  son  acte  de  révocation.  Citrani  résista  et  continua 
à  percevoir  les  droits,  prétendant  que  Prat  l'avait  commissionné 
pour  trois  années,  lesquelles  n'expiraient,  d'après  lui.  que  le  7 
mai  i653.  Il  fallut  une  «  ordonnance  du  gouverneur  et  officierie  de 
la  ville  de  Salles  »,  datée  du  27  avril  i(i53,  pour  contraindre  Citrani 
à  renoncer  à  sa  prétention.  Rentré  en  France,  il  cita  Henri  Prat 
devant  la  cour  du  parlement  d  Aix  (26  juin  i653),  l'affaire  dura 
sept  ans  et,  par  arrêt  du  3o  juin  1660,  Citrani  fut  débouté. 

Entre  temps,  l'ancien  vice-consul  retourna  à  Salé  pour  faire  du 
commerce.  Ayant  refusé  d'acquitter  les  droits,  il  reçut  le  1 1  novem- 
bre iCo4  une  sommation  de  Parasol  et  fut  compris  par  la  suite  dans 
l'action  intentée  par  Henri  Prat  à  tous  les  marcbands  coupables  de 
cette  contravention.  On  a  vu  que  cette  affaire  se  termina  le  25  mai 
1664  par  la  condamnation  des  délinquants. 

Antoine  Julien-Par.^^sol '.  —  Ce  Marseillais  avait  fait  en  1603 
un  voyage  à  Salé  pour  recouvrer  les  fonds  provenant  de  la  gestion 
de  Pierre  Citrani,  vice-consul  à  Salé  et  à  Tétouan  pour  Henri  Prat, 
en  même  temps  qu'agent  commercial  de  ce  dernier.  A  son  retour 
à  Marseille,  il  fut  choisi  par  Henri  Prat  pour  remplacer  Citrani 
révoqué  de  ses  fonctions,  et  arriva  à  Salé  au  commencement  de  i653. 

L'exercice  de  sa  charge  fut  surtout  marqué  par  la  construction 
à  Salé  dune  chapelle  consulaire  à  l'usage  des  religieux  récollets,  au 
sujet  de  laquelle  Louis  XIV  avait  adressé  à  Henri  Prat  les  instruc- 
tions les  plus  formelles. 

Comme  il  fallait  s'y  attendre.  Parasol  eut  des  difficultés  avec  les 
marchands  français  au  sujet  de  l'acquittement  des  droits  de  consulat, 
et  sa  principale  occupation  fut  de  signifier  des  sommations  aux 
récalcitrants.  Il  était  encore  en  fonctions  en  ififii. 

Lambert.  —  Pendant  la  guerre  de  la  France  avec  l'Espagne 
(1635-1659),  plusieurs  capitaines  français  de  navires  marchands, 
voulant  éviter  la  côte  espagnole,  allèrent  relâcher  sur  le  littoral  du 

I.  Cf.  Arcti.  dép.tlcsBouclics-du-Khùne,  arrêt  du  iS  janvier  i653  et /6idem, /Vcjts/rr 
Section  d'.\iï.  Série  B,  Parlement,  Registre  des  arrêts  à  la  barre  (a3  mai-3o  juin  1660) 
des  arrêts  à  la  barre  (janvier-février  i653),         arrêt  du  3o  juin  iGtiu. 


INTRODUCTION  nill 

Itif,  au  lieu  dit  El-Mezemma.  entre  le  Peîïon  de  Vêlez  et  Melilla.  Ce 
mouillage,  situé  dans  la  Mersat  el-Moudjahadin  (la  Baie  des  Com- 
battants pour  la  foi),  fut  reconnu  très  favorable  a  un  établissement 
commercial.  Il  était  abrité  par  des  îlots  rocheux"  que  nos  mar- 
chands et  nos  marins  appelèrent  les  îlots  d'Albouzèmes.  par  une 
corruption  du  mot  El-Mezemma.  Le  cardinal  Mazarin  '.  informé  de  ce 
fait,  conçut  le  projet  de  faire  occuper  ces  îlots  ainsi  que  ceux  des 
Zaiïarines  (ChilTalines)  par  quelque  compagnie  de  marchands  :  il 
proposa  même  de  mettre  cent  mille  livres  «  du  sien  »  à  ces  futurs 
établissements,  pour  les  rendre  utiles  au  commerce  de  France. 
On  était  entré  en  pourparlers  avec  le  chef  du  pays,  le  cheikh  Arass', 
qui  avait  manifesté  des  dispositions  bienveillantes.  Dans  ces  condi- 
tions, Mazarin  fît  nommer  par  anticipation,  en  i655  ou  1607',  un 
sieur  Lambert,  consul  des  îles  d'Albouzèmes,  «  pour  en  exercer  la 
charge,  après  que  les  négociants  y  auront  commencé  des  établisse- 
mens  ». 

Le  désir  de  Mazarin  de  voir  une  Compagnie  fonder  sur  la  côte 
du  Rif  une  exploitation  analogue  à  celle  du  Bastion  de  France  ne 
fut  pas  réalisé  de  son  vivant,  et  loffice  de  consul  créé  pour  le 
s'  Lambert  resta  sans  objet.  Nos  navires  de  commerce  continuèrent 
de  fréquenter  cette  côte,  traitant  avec  les  indigènes  quelques  affaires 
de  cire.  Ce  ne  fut  que  dix  ou  douze  années  après  cette  tentative 
qu'une  compagnie  appelée  «  Compagnie  des  Albouzèmes  »  sollicita 
et  obtint  par  lettres  patentes  d'octobre  i665  de  faire  le  commerce  à 
«  Albouzème  et  lieux  en  dépendants'  ». 

I.   V.   2'  Série,   France,  Mémoire  de  P.  !i.   V.  l'indicatiuii  du  territoire  dépendant 

/l[r!s(e],  à  la  date  1667.  du  ce  cheikh  infra,    PI.   V,  Carte  pnlilique 

■X.  Le   plus  important  de  ces   îlots,  sur  du  Maroc  en  1660,  p.  608. 
lequel  les  Espagnols  ont  construit  le  pré-  5.  P.  Ariste,  dans  son  mémoire  (op.  «(.), 

side  d'Alhucemas,  est  appelé  par  les  indi-  s'exprime  ainsi  :    «   Un   nommé,   le   sieur 

gènes   Hadjerat   en-^iekour.    On   sait   que  Lambert  fut  pourveu,  il  y  a  dix  ou  douze 

l'oued   on-Nekour  vient   se  jeter   dans   la  ans...    ».   Or  il   rédigea   son   Mémoire  en 

Mersat  cl-Moudjahadin.  1667,  ce  qui  reporte  à   i65.S  ou   1657  ce 

3.   Sur  ce  premier  essai  d'établissement  premier  essai  de  consulat  à  Albouzème. 
aux  îlots  d'.\lbouzèmc,  V.  2' .Série,  France,  fi.   V.  2'  Série,  France,  Lettres  patentes- 

Mémoire  du  chevalier  de   Clercitlc,  janvier  pour  la  Compagnie  des  Albouzèmes,  octobre 

1662.  i665. 


INDEX   ALPHABETIQUE 

DES  AGENTS  ET  VOYAGEURS  FRANÇAIS  AL  MAROC 

(i53o-i66o) 


Pages_ 

Bandol  (François  de  Boycr,  sieur  de) xciv 

Bérard  (Guillaume) vi 

Boniface  de  Cabanes  (Robert  de) l 

Boiiifaco  (François  de),  voir  La  Alole. 

Bordft  (RobiTl) IV 

Bourgaroiuic lxxxiii 

Boycr  (François  de),  voir  Ban<lol. 

Buade  (Geoffroy  de) ii 

Cabanes,  >"oir  Boniface  de  Cabanes. 

Cabiron  (Antoine) lxxxvh 

Cabrettn  (Louis) ]v 

Caslelane  (Jean  Philippe-) xxxiii 

Citrani  (Pierre) u 

Guriol  (Guillaume) xxxii 

Damians  (Guy) xiii 

Du  Cbalard  (Priain-l'icrrc) i.\xiii 

Du  Mas  (Claude) liv 

Du  Puy  (Julien) lxxxiv 

Fabre  (Jacques) xlvui 

Fornier  (Georges) xxvii 

Hubert  (Etienne) xxii 

Imbert  (l'aul) lvui 

Jancart  (Jacques) xLviii 

Julien-Parasol,  voir   Para>ul. 

Lambert cji 

l.,a  Mole  (François  de  Boniface,  sieur  de) LVil 

Le  Blunc  (\  incent) x 


CVI  INDEX     ALPtlABETIQUE 

Le  Gendre  (les) ; lis 

Le  Gendre  (Jean-Baptiste) lxiii 

Le  Gendre  (Thomas) lix 

Lisle  (Arnoult  de) xiii 

Marges  (Jean) xc 

Marseilles  (Robert  de) xxix 

Mazet  (Pierre) lxxix 

Mocquet  (Jean) xxix 

Molères  (Vital  de) lxsviii 

Melon  (Aymond  de) i 

Montfort  (de) m 

Parasol  (Antoine  Julien-) en 

Philippe,  voir  Castelane. 

Piton  (Pierre  de) i 

Prat  (André) xciii 

Prat  (Henri) xcvi 

Prunav m 

Rastin  (Gaspard  de) lxxxviii 

Razilly  (Isaac  de) lxiv 

Saint-Mandrier  (Antoine  de  Salletle*.  sieur  de) xxxix 

Sallettes,  voir  Saint-Mandrier. 

Treillanlt  (Pierre) xxi 

\  erlia  (François) ix 

Voiture  (Vincent) lxxxiv 


LETTRE    DE     IIARLAV     DE    SANCY     A    UICHELIEU 


LETTRE  DE  HARLW  DE  SANCY'  A  RICHELIEU 

(extrait) 

Arrivée  des  ambassadciirx  de  Moahty  Zidàn  à  (Innslniilmitjilc.  — Aperni 
de  t'étahlisseinenl  de  In  dynastie  saadiciuic.  —  Onijiitc  de  la  redevance 
de  vassalité  pavée  par  les  chérifs  marocains  an  Crand  Seiijneiir.  —  Les 
guerres  civiles  en  ont  interrompu  le  payement.  —  Mniday  Zidàn  propose 
de  se  soumettre  au  trllmt  pour  se  préserrer  des  entreprises  d  Alijcr.  — 
Son  ambassadeur  agit  auprès  de  Soliman  fie  (Jatane  pmir  décider  celui- 
ci  à  briguer  le  gouvernement  d'Alger.  — Moulay  Zidàn  demande  un 
secours  de  galères  pour  l'aider  à  cha.tser  les  Espagnols  des  presidios.  — 
Le  Grand  Seigneur  élude  ces  demandes. 


Péra,   a5  mars  1617. 

Au  dos,  alla  manu:  Relation  des  afTaires  du  Levant  envoyée  par 
M.  de  Sancy  du  xw'  jour  de  mars  1617.  —  Rcspondu  le  xxvnf 
may. 

Depuis  troys  mois  sont  venus  ioy  dans  un  vaisseau  de  guerre 
liollandois  des  ambassadeurs  de  la  pari  du  roy  de  iMarrock",  Mouley 


I.  Aililllr  ilf'  Ilarlay  de  Sancy,  né  en 
l58i,  mort  le  30  novembre  lO'iO,  fnt 
nommé  ambassadeur  en  Turquie  en  ifiii. 
Il  s'y  livra  a  de  telles  exactions  qu'il  fut 
bàlonné  par  ordre  du  sultan,  qui  en  fut 
quitte  avec  des  excuses  dérisoires,  car 
Sancv  se  garda  d'insister  pour  une  répara- 
tion plus  compli'te,  préférant  que  sa  con- 
duite fiM  laissée  dans  l'ombre.  Uemplacé  en 
iGiy  par  son  parent  Harlay  de  Césy,  et 
De  Castries. 


rnveini  en  France,  il  entra  dans  l'Oratoire; 
il  en  sortit  iMi  i63l  et  fut  nommé  évcquc 
de  Saint-Malo. 

3.  Ces  ambassadeurs,  au  nombre  de 
cinq,  étaient  arrivés  par  le  navire  «  Don 
Orangenboom  »  commandé  par  le  capitaine 
Quast.  Partis  de  Safi  leaS  septembre  1616, 
ils  étaient  arrivés  à  Constanlinople  le  itx 
décembre.  \.  i"  Série.  Pays-Bas,  t.  II,  p. 
737  elt.  111,  2cSjuiu  lij  i- .  Journal  de  Quast. 
111.   —   1 


2  2  5    MARS     1617 

Sidan  :  luii  desquels  ha  esté  expédié  et  renvoyé,  il  y  ha  quinze  jours', 
avec  une  lettre  de  la  part  du  Grand  Seigneur  audict  roy,  de  laquelle 
je  vous  envoyé  la  copie'  :  mais,  comme  elle  est  en  arabe  et  y  ha  icy 
assez  peu  de  personnes  qui  lentendent  facilement,  je  ne  l'ay  encore 
pu  faire  traduire.  Je  vous  en  envoyeray.  Dieu  aydant,  la  traduction 
l'ordinaire  prochain.  Cependant  je  croy  que  vous  naurez  desag- 
greable  que  je  vous  touche  icy  un  mot  de  ce  que  j'ay  pu  apprendre 
de  ce  royaume  et  de  l'occasion  qui  ha  mu  ce  roy  barbare  à  envoyer 
icy  ses  ambassadeurs. 

Le  royaume  de  Marok  a  commencé  de  nostre  temps,  et  n'y  ha 
pas  iiu'^"'  ans  qu'il  estoit  divisé  en  une  infinité  de  petits  royaumes. 
Autant  de  meschantes  villes,  autant  deroysy  regnoyent:  qui  demeu- 
roit  à  Safi,  qui  à  Tedula,  qui  à  Terudante,  qui  à  Dara.  qui  à  Tafi- 
lete,  qui  à  Fess,  qui  à  Marok,  qui  estoit  quasi  toute  destruite  et 
déserte  pour  les  continuelles  inondations  descendantes  du  mont 
Atlas  qui  n'en  est  qu'à  demye  journée.  Deux  frères  nommez  Mehe- 
met^  et  Achinet*,  tous  deux  descendants  de  la  race  de  Mahomet,  et, 
pour  ce,  dicts  scherifs,  s'esleverent  en  Dara.  et,  soubs  nom  de 
sainteté,  s'y  emparèrent  du  gouvernement,  et  de  là  s'estendirent 
jusques  à  Marrok  qu'ils  prirent  et  du  depuis  toutes  les  autres  villes, 
horsmis  Fess  et  Safi.  Après  avoir  faict  la  guerre  à  leurs  voisins,  ils 
la  feirent  entr'eux  ;  Mehemet  vainquit  son  frère  et  le  tint  en  prison. 
Lors  attaqua  et  gaigna  Fess,  et  les  Portugais  qui  tenoient  Safi  le  luy 
abandonnèrent';  il  mourut  incontinent  après\  Son  fils  aisné, 
AbduUa ',  luy  succéda  et  régna  dix-sept  ans,  laissant  le  royaume  à 

I.    L'ambassade  marocaine  qui,  d'aprt'S  3.  Cette    copie   de   la   lettre   du   Grand 

les    instructions    données    par     les   Etats-  Seigneur  n'a  pu  être  retrouvée. 

Généraux  (/'■'■  Série,  Pays-Bas,  t.  II,  p.  685),  3.   Mohammed  ec/i-C/iei/v/i.  V.  i'''  Série, 

nedevaitpasprolongersonséjouràConstan-  France,  t.  I,  PI.  V,  Tableau  généalogique, 

tinople  au  delà  de  trois  semaines,  s'y  trou-  note  2. 

Taitencoreaucommencementdemarsi6i7,  4.   Ahmed  «(-.-larerf/.  \.  Ibidem,  note  i. 

bien  que  les  plénipotentiaires  eussent  reçu  5.   La  ville  de  Safi  fut  évacuée  par  les 

depuis  longtemps  leurs  lettres  de  congé;  Portugais  en  décembre  i54i.  Cf.  Luiz  de 

mais  ils  vaquaient  à  des  affaires  de  com-  Souza,  p.    35i   et  2''^  Série,  France,  t.  I, 

merce  personnelles.  Quast  dut  mettre  à  la  pp.  i3-i48,  passim. 

voile  le  4  mars,  n'ayant  à  bord  que  l'un  des  6.    Mohammed    ech-CheikIi    mourut    le 

ambassadeurs;   les   autres    rejoignirent  le  23  octobre  1507.  V.  El-Oufràni.  p.  81. 

navire  le  9  à  Gallipoli.  V.  /"■  Séné,   Pays-  7.   Moulay  Abdallah,  surnommé  ^/-G/id- 

Bas,  t.  III,  28  juin  1017,  Journal  de  Quast.  Ub  bi  Allah  {ibo--i5-ïli). 


LETTRE    DE    HABLAY    DE    SANCY    A    RICHELIEU  O 

son  fils  Mehemet'.  père  du  prince  de  Marrok  qui  est  en  Espagne"; 
qui,  deux  ans  après,  ayant  esté  chassé,  puis  tué  en  la  bataille  du  roy 
de  Porlugal\  Achmet',  son  oncle,  frcredu  susdict  Abdulla,  succéda, 
qui  est  le  père  des  roy  s  de  maintenant".  Or  le  susdict  Abdulla, 
sachant  que  un  autre  de  ses  frères  ''  estoit  fuy  de  deçà  vers  le  Grand 
Seigneur,  eut  crainte  qu'il  n'en  obtint  secours,  et  pour  ce  envoya 
icy  un  ambassadeur  faire  alliance  avec  le  Grand  Seigneur  auquel  il 
se  soubsmit  de  payer  quelque  tribut  tous  les  ans. 

Feu  .Achmet  en  fit  aultant  et  continua  jusques  à  sa  mort,  à  laquelle, 
s'estant  eslevées  des  guerres  entre  ses  eiifans,  ils  ont  discontinué 
l'envoydudict  tributjusquesà  maintenant  que  Moulay  Sidan  reprend 
les  vieilles  ères  de  ses  pères,  à  ce  induit  par  la  crainte  qu'il  ha  du 
royaume  d  Alger,  auquel  il  ha  peur  que  ses  subjects  de  Fess,  désor- 
mais lassez  de  tant  de  guerres,  ayent  recours  et  se  vueillent  soubs- 
mettrc  :  en  quel  cas  il  ha  donne  ordre  à  ses  ambassadeurs  de  pour- 
suivre et  obtenir  de  ce  Seigneur  un  commandement  au  divan  d'Alger 
qu'ils  ne  se  meuvent  contre  luy,  et  mesmc  ha  faict  soliciter  par 
sondict  ambassadeur  Solyman  de  Catagne  '  de  poursuivre  la  ban- 
nière d'Alger,  luy  promettant  dix  mille  escus  de  pension  tous  les 
ans  pour  luy  aider  à  s'y   mainlcnir,    parce   qu'il  congnoit  ledict 


1.  Moulay  Mohammed,  surnomme  El- 
Mesloukh  (137^-1576).  V.  /'■«  Série,  France, 
t.  I,  PI.  V,  Tableau  généalogique. 

2.  Moulay  ech-CIieikh.  On  se  rappelle 
quecechérifsc  convertit  au  christianisme  et 
fut  baptisé  à  l'Escurial  le  3  novembre  iriy.3. 
Il  f^st  désigné  par  les  historiens  du  temps 
sous  les  noms  de  :  Principe  de  Marruecos, 
D.  Felipe  Xarife,  Felipe  de  .Vfrica,  etc. 
Cf.  /"  Série.  France,  t.  I,  p.  53^,  note  i 
et  t.  II,  Doc.  LXXXIII,  p.  îo.'!  ;  Pays-Bas, 
l.  I,  p.  /I2,  note  I. 

3.  La  bataille  de  El-Ksar  el-Kcbir 
(4  août  1678).  —  Moulay  Mohammed  cl- 
Mesloulih,  dépossédé  en  1.Î76  par  son  oncle 
Moulay  .\bdel-Malek(i576-i.")78),  combat- 
tait dans  les  rangs  de  l'arméi^  portugaise. 
On  sait  f[ue  ce  dernier,  omis  par  Ilarlay 
de  Sancy,  fut  le  vainqueur  de  la  journée 
de  El-Ksar  et  périt  dans  sa  victoire.  \  .  /'''■ 
Série,  France,  t.  I,  Tableau  généalogique. 


noter). 

4.  Moulay  \hmcd  el-Mansour. 

5.  En  1617,  date  du  document,  il  ne 
restait  plus,  des  enfants  et  héritiers  de 
Moulay  .\hnied  el-Mansour,  que  Moulay 
Zidàn  ;  l'autorité  de  ce  dernier  ne  s'étendait 
pas  jusqu'à  Fez,  qui  obéissait  plus  ou  moins  à 
Moulay  Abdallah,  fils  de  Moulay  ech- 
Cheikii. 

6.  Moulay   Vbd  el-Malek. 

7.  11  faut  entendre  :  Et  mesme  ha  faict 
soliciter  Solyman  de  Catagne  par  sondict 
ambassadeur...  —  Soliman  de Catane [Soli- 
man Katanieb]  remplaça  en  1617  Mustapha 
Kouça,  pacha  d'Alger  ;  il  ne  resta  lui- 
même  que  quelques  mois  au  pouvoir  et 
eut  pour  successeur  Hussein  ech-Cheikh, 
pacha  pour  la  seconde  fois.  V.  Grammont, 
Hisl.  (l'Alijer.  pp.  i5i-i52  et  Rousseau, 
Chronologie  des  pachas  d'Alger,  dans  Chro- 
ni<iue  lie  la  liéijeiice  d'Alger,  p.  206. 


/ 

Solyman  et  espère  service  de  luy  et  croit  estreplus  asseuré  d'Alger, 
luy  y  commendant  ;  mais  il  n'ha  rien  spécifié  de  ces  choses  en  sa 
lettre  au  Grand  Seigneur,  ains  seulement  l'ha  requis  de  luy  envoyer 
quelques  galères  pour  avec  icelles,  dict-il,  se  delTendre  du  roy 
d'Espagne  et  essayer  de  reprendre  les  ports  qu'il  tient  en  sesEstats, 
et  pour  la  détention  desquels,  voire  la  nouvelle  acquisition  d'aulcun 
d'eux',  les  Mores,  ennemys  dcsClircstiens,  portent  mauvaise  volonté 
à  Seidan  et  à  toute  la  race  desdicts  cherifs,  comme  non  assez  puis- 
sants de  les  delTendre  des  Chrestiens.  Mais  sa  demande  est  venue 
hors  de  saison,  car  ce  Seigneur  ha  sy  peu  de  gens  de  marine  qu'il 
ne  luy  suffît  pas  pour  luy-mesme  ;  aussy  ne  luy  l'aict-il  responce  en 
particulier  que  vaine  et  frivoUe  :  ny  mesme  ses  amhassadeurs  n'ont 
pu  induire  Solyman  de  Catagne  à  demander  la  bannière  d'Alger, 
pour  ce  qu'elle  est  tiop  chère  et  craint  de  se  hasarder  à  ceste 
despence,  puis  qu'on  l'oste  de  ceste  charge  dans  peu  de  mois  après. 
Le  vieil  Mouley  i\bdula,  dont  je  vous  ay  parlé  cy-dessus,  tenoit 
quelques  galères  et  ont  esté  tenues  encore  du  temps  de  Mouley 
Mehemet,  père  du  prince  de  Marrok,  et  faisoyent  grandes  prises  en 
la  coste  d'Espagne.  Il  n'y  en  ha  point  esté  tenu  du  depuis  jusques 
à  maintenant. 

Et  me  tenez,  s'il  vous  plaist,  en  voslre  bonne  grâce  et  pour  estre, 
Monsieur,  vostre  très-hurnble  et  très-affectionné  serviteur. 

Signé  :  A.  de  Harlay. 
De  Pera,  ce  25  mars  1617. 

Bibliothècjue  Nationale.  —  Fonds  français.  —   Ms.    lHl'iS,  [f.   72  v"- 
73^.  —  Original. 

1.  Allusion  à  l'occupation  par  les  Espa-  och-Cheikh. 
gnols  des  ports  de    Larache   (iGio)  et  de  2.   Les  manuscrits  iGii"  et  i6i48  coii- 

El-Mamora   (161/1).   On  sait  que   la  pro-  tiennent  la  correspondance   de   Harlay  de 

mière  de   ces  places  leur  avait  été   cédée  Sancy  pendant  son  ambassade  à  Gonstanti- 

11011    par  Moulay    Zid.'iii    mais  par    Moulay  iiople  (itii  1-1618). 


LETTRE    DE     HARLAY    DE     SA^CY    A    VILLEROV  O 

II 

LETTRE  DE  IIARLW  DE  SANCY  A  MLLEROY 

Harlay  a  su  par  une  lettre  de  Saint-Mumlrier  hi  malheureuse  situation  des 
Français  retenus  en  esclava</e  par  Mnulay  Zidàn.  —  Le  Grand  Seigneur 
interrient  pour  améliorer  leur  sort.  —  La  cause  du  ressentiment  de 
Moulay  Zidàn  est  l'ajjaire  Castelane.  —  Nécessité  de  ne  nommer  consul 
au  Maroc  (/u  un  homme  de  proljilé  reconnue.  —  Ilarlay  denuinde  le 
privill'ije  de  cette  char  (je. 


Pcra,  i3  mai  1617. 

Au  dos  :  A  monsieur,  monsieur  de  Villeroy,  conseiller  du  Roy  en 
ses  Conseils  et  premier  secrétaire  de  ses  commendements.  En  Cour. 
En  te'te:  Duplicat  de  ma  depesche  du   i3  may  1617'. 

Duplicat  d'une  autre  mienne  depesche  encore  du  mesme  jour 
i3  may  161 7  ". 

Monsieur, 

J'ay  eu  advis  il  y  a  quelques  jours,  par  une  lettre  que  m'ha 
escrilto  un  gentilhomme  de  Provence  nommé  Saint-Mandrlés.  de 
l'esclavitude  de  plusieurs  pauvres  suhjects  du  Roy  en  Barbarie, 
soubs  la  domination  de  Mouley  Sidan  :  à  quoy  désirant  pour  le 
service  de  Sa  Majesté  remédier,  j'ay  obtenu  du  Grand  Seigneur 
et  du  Visir  lettres  addressantes  audicl  roy  Sidan  pour  luy  faire 
rendre  la  liberté  à  ces  pauvres  Chi-esliens,  et  les  ay  fait  consignera 
un  chaous  depesche  exprès  pour  ce  seul  subject  audict  Sidan  et  que 
j'ay  accompagné  d'un  des  miens  pour  monstrer  qu'avec  affection 
ceste  affaire  est  pourchassée,  et  les  ay  faict  tous  embarquer  sur  un 

I.   Celte  dépêche  est  relative  à  (1rs  difTc-  2.    Ces     deux     duplicata    de    dépêches 

rends  de  Ilarlav  de    Sancy  avec   le    sieur        adressées  le  i3  mai  précédaient  une  lettre 
Viguier  au  sujet  du  consulat  d'Alep.  du    i'i   septembre    1617.   V.  p.  ti,  note  2. 


6  1 3  MAI  1617 

vaisseau  françois  qui  est  parti  de  ce  poit.  le  7"  de  ce  mois,  pour 
Marseille  et,  de  là.  doibt  aller  à  Saplii,  porl  du  royaume  de  Marruok. 

Geste  cruauté  dudict  Sidan  vers  les  François  ha  esté  causée  par  l'in- 
fidélité d'un  maraud  de  Marseille,  nommé  Philippe  de  Castellane', 
qui,  ayant  esté  trouver  ledict  roy  Sidan  avec  lettres  du  Roy  et  de  mon- 
sieur de  Guise,  et  bien  receu  de  luy  et  accepté  en  qualité  de  consul 
pour  les  François,  et,  sur  quelque  accident  survenu,  ledict  Sidan 
s'estant  fié  en  luy  et  luy  ayant  mis  entre  les  mains  quatre  mille  vo- 
lumes de  livres  précieux  pour  leur  riche  couverture  et  la  rareté  des- 
dicts  livres  en  ces  pays  où  l'imprimerie  n'est  pas  en  usage,  fit  voile 
au  contraire  d'où  il  luy  avoit  commandé  et  prenoit  sa  route  vers 
France.  Il  fut  rencontré  de  D.  Louis  Fajardo,  pris  et  mené  en 
Espagne  où  les  Uvres  sont  encores  aujourd'hui.  Les  ambassadeurs 
du  roy  de  Marruok.  dont  l'un  est  encore  icy,  racontèrent  ceste 
affaire  devant  nioy  au  ^  isir,  auquel  je  m'excusay  sur  ce  que  ledit 
Gastellane  estoit  un  affronteur  et  les  lettres  feintes  qu'il  disoit  estre 
du  Roy,  et,  nonobstant  tout  ce  que  les  ambassadeurs  pussent  faire, 
leur  fy  donner  ordre  exprès  du  Pascha  de  moyenner  la  liberté  des- 
dicts  François  et  escrire  à  leur  maistre  que  telle  estoit  la  volonté  du 
Grand  Seigneur.  En  conséquence  de  quoy,  j'ay  depuis  faicl  depes- 
cher  le  chaous  que  je  vous  ayt  dit  cy-dessus. 

Et  pour  ce  que  l'infidélité  de  ce  Castellane  ha  esté  de  tant  de  pi'C- 
judice  aux  subjects  du  Roy  et  honneur  du  nom  françois  et  qu'il 
importe  qu'à  personnes  indignes  ne  soyent  confiées  semblables  char- 
ges, je  vous  suplie  de  me  vouloir  fa\oriser  de  ladite  charge  de  con- 
sul à  Marruok  et  Fess  et  terres  obéissantes  audit  roy.  Je  ne  com- 
metterai  aucun  en  l'exercice  d'icelles  dont  la  probité  ne  me  soit 
cogneue  et  que  je  n'en  puisse  respojidre.  J'en  escris  plus  amplement 
à  monsieur  Fourreau  que  je  vous  suplie  de  vouloir  entendre  sur 
ce  subject,  me  faisant  1  honneur  de  me  continuer  en  vostre  bonne 
grâce  et  me  tenir,  entre  tous  ceux  qui  ont  l'honneur  de  s'advouer 
voz  serviteurs,  pour  celiiy  qui  l'esl  entre  tous  le  phis  véritablement. 

Bibliothèque  Aationale.  —  Fonds  français.  —   Ms.  IG738,  JJ.    116- 
117.  — Duplicata  original. 

I.   Sur  l'affaire  Castelane,  V.  i''' Série.  a.   Ici  venait  la  dépêche  du  a3  septem- 

Francc,  t.  II,  p.  .'3^1,  Sommaire.  bre  i6i'-,  V.  n.  5,  note  2. 


LETTRE    DE    HARLAY    DE    SANCY    A    LEON    FOUREAU 


m 

LETTRE  DE  HARLAY  DE  SANCY  A  LÉON  FOUREAU 

(Extrait) 

//  demande  le  re'tablissenienl  en  sa  faeeur  du  eonsa/al  du  Maroc.  —  Le 
commerce  a  été  suspendu  à  la  suite  de  l'affaire  Castelane.  —  //  tient  d'un 
ambassadeur  marocain  présent  à  Constantinoplc  que  le  roi  du  Maroc 
ferait  bon  accueil  à  un  consul  envoyé  de  sa  part.  —  Ce  consul  perce- 
vrait les  droits  ordinaires  des  consulats  du  Levant. 

POra,  i3  mai  i()i7. 

Au  dos  :  A  monsieur,  monsieur  Fourreau  ',  conseiller  et  secrétaire 
du  Roy,  maison  et  couronne  de  France. 

Monsieur,  il  y  a  long  temps  que  je  n  ay  reçcu  de  voz  nouvelles... 

Monsieur,  depuis  ceste  lettre  escrite,  je  me  suis  advisé  de  vous 
adjousler  encore  ce  mot  sur  un  nouveau  subject  qui  est  pour  le 
consulat  de  Marok  et  Fess,  dont  je  suplle  très-humblement  mon- 
sieur de  ^  illeroy  de  me  favoriser.  Il  ne  s  y  lliict  tralFicq  mainte- 
nant, comme  vous  verrez  par  une  lettre  que  je  vous  envoyé,  qui 
m'iia  esté  escrite  de  Marrok  par  un  nommé  Saint-Mandriez^  qui 
me  donne  advis  que  tous  les  François  sont  à  la  chaisne,  dont  j'ay 
eu  pitié  et  envoyé  d'icy  un  cliaous  exprès  avec  lettres  du  Grand 
Seigneur  pour  les  délivrer,  ayant  encore  accompagné  ledict  chaous 

I.  Le  20  mai  i6i3,   Lcoii  l'ourcau  fut  Guichanor.  Ilconsenacottecliarf,'ojiisqu'en 

reçu  en  la  charge  de  conseiller,  secrétaire  1627.  A.  Tessereau,  pp.  3i5  et  35^. 

du  Roi,  maison,  couronne  de  France  et  de  2.   Pur  ce  persoiniape,  V.   Introduction, 

ses  finances,  vacante  par  le  décès  4e  Jean  notice  biograpliitjne, 


8  1.3  MAI  1G17 

d'un  des  miens  pour  ne  rien  obmettre  qui  pust  faciliter  la  déli- 
vrance de  ces  pauvres  gens. 

L'infidélité  de  ce  maraud  de  Castellane  '  (dont  aurez  bien  ouy 
parler),  qui  avoit  esté  receu  là  du  roy  de  Marrok  honorablement, 
feroit  peut-estre  que  ledict  roy  ne  voudroit  plus  accepter  de  consul 
de  France,  mais  son  ambassadeur  qui  est  icy"*  mha  dit  qu'il  fera 
recevoir  avec  honneur  celuy  qui  seroit  envoyé  de  ma  part  et  de 
la  fidélité  duquel  je  donnasse  asscurance  audit  roy. 

Je  ne  sçay  si  ledit  Castelane  prenoit  aucun  droit  sur  les  marchands, 
et  je  croy  que  non.  Mais  aussi  la  misère  et  ce  qu'il  navoit  moien  de 
s'entretenir  l'iia  réduit  à  luy  faire  commettre  cet  acte  infâme  qui 
a  cousié  le  bien,  la  liberté  et  la  vie  de  plusieurs;  et  eust  esté  bien 
plus  advantageux  que,  prenant  d'eux  les  droictz  ordinaires  des  con- 
sulats en  Levant,  il  ne  leur  eust  puis  après  faict  couster  si  cher  ceste 
exemption. 

Je  supplie  donc  mondict  sieur  de  Villeroy  de  me  vouloir,  s'il 
luy  plaist,  faire  expédier  lettres  du  consulat  pour  la  nation  fran- 
çoise  à  Marrok  et  à  Fess  et  terres  en  deppendantes  avec  les  mesmes 
droicts  des  consulats  du  Levant,  sçavoir  :  deux  pour  cent  sur  tout 
ce  qui  s'i  porte  ou  bien  sur  ce  qui  s'en  enlevé,  et  je  luy  en  donne- 
ray  quatre  mille  frans,  espérant  que  peust-estre  si-après  y  ayant 
un  peu  raccommodé  les  affaires,  comme  j'espère  qu'elles  le  seront 
un  peu  par  l'allée  de  delà  dudict  chaous,  il  s'y  pourra  commen- 
cer quelque  négoce.  J'en  escry  à  monsieur  de  Villeroy  et  le  remets 
à  ce  que  je  vous  en  mande,  le  supliant  de  vous  escouter  sur  ce 
subject^ 

Ce  qui  me  faict  encore  plus  désirer  ceste  grâce  de  luy  est  quelque 
curiosité  que  j'ay  de  sçavoir  par  ce  moien  et  estre  adverti  de  plu- 
sieurs particularitez  de  ces  lieux  esloignez  et  ce  qui  s'i  passera.  Je 
vous  en  auray  obligation  et  essayeray  de  m'en  revanchcr  par  le  ser- 
vice que  le  peu  que  je  vaulx  me  permettra  jamais  de  vous  rendre. 


I.  llarlay  de  Sancy,  ne  connaissant  2.  Son  ambassadeur  qui  est  ioy.  Sur  l'am- 
cettc  alfaire  que  par  les  dires  des  ambassa-  bassade  marocaine  envoyée  en  16 17  àCons- 
dcurs  do  Moulay  Zidàn,  partageait  les  pré-  tantinople,  V.  p.  i ,  note  3  et  p.  2,  note  i . 
ventions  de  ce  dernier  contre  Castelane.  3.  Harlav  de  Sancy  renouvela  cette  de- 
Sur  cet  événement,  cf.  /™  Série,  France,  mande  dans  la  dépèche  adressée  à  Villeroy 
t.  Il,  p.  54l,  Sommaire.  le  23  septembre    1617.   V.  p.  6,  note  2. 


LETTRE  DE  HARLAY  DE  SANCY  A  LEON  FOUREAU  Q 

Je  VOUS  supplie  de  me  tenir  en  vostre  bonne  grâce  et  pour  estre, 

Parafe'. 
De  Pera.  ce  i3  may  1G17. 


Bibliothèque  Nationiile.  —  Fonds  français. 
Duplicata  original'. 


Ms.  1673S,  f.  120.  — 


I.  Harlav  de  Sancv  a  mis  seulement 
son  parafe  au  bas  de  ce  duplicata  qui  est 
de  la  main  de  son  secrétaire.  Une  main 
étrangire  a  reproduit  postérieurement,  à 
cette  place,  la  signature  de  la  dépèche  de 
Harlav  de  Sancy  du  aS  septembre  1617. 
V.  note  suivante. 


2.  Ca  duplicata  fut  envoyé  au  secrétaire 
Foureau  le  23  septcmbri*  1O17  ;  il  est  sui\i 
d'une  autre  dépêche  dellarlayde  Sancy  au 
même,  du  28  septembre  16 17,  et  de  la  copie 
de  l'arrêté  de  compte  des  dépenses  faites  par 
Harlay  de  Sancy  dans  l'exercice  du  consu- 
lat d'Alcp  en  date  du  i>^''  avril  1617. 


lO  27     MAI     161  ' 


IV 

LETTRE  DE  HAKLAY  DE  SANCY  A  LOUIS  XIII 
(Extrait) 

//  a  fait  envoyer  à  Moiilay  Zidàn  une  lettre  du  Grand  Sci<incur  en  faveur 
des  Français  esclaves  au  Maroc. 

Pira,  2  y  mai  1G17. 

Suscriplion,  alia  manu  :  Au  Roy. 

Au  dos,  alla  manu:  M'  le  baron  de  Sancy,  du  \xvii  may.  — 
Receu  le  xxii  juillet  ensuivant. 

Sire, 

Puisque  j'ay  desja,  Dieu  mercy,  remédié  au  tribut  qui  avoit  esté 
icy  violemment  imposé  sur  les  subjects  de  V.  Ma'%  je  ne  me  ser- 
viray  de  la  lettre  qu'elle  m'ha  envoyée  pour  le  Grand  Seigneur  à 
ce  suject. 

M'estant  venu  advis  de  Marruok  que  plusieurs  pauvres  François, 
jusques  au  nombre  de  deux  cents,  y  estoyent  détenus  esclaves  par 
ce  roy,  oITencé  d'une  infidélité  signalée  qu'auroit  cy-devant  com- 
mise contre  luy  un  certain  Philippe  de  Castellane,  Marseillois, 
j'ay  requis  le  Grand  Seigneur  au  nom  de  V.  Maj'"  de  moyenner 
leur  délivrance,  et  ay  obtenu  à  ce  subject  lettres  de  Sa  Hautesse 
audit  roy,  auquel  je  les  ay  fait  envoyer  par  un  cliaous  despesché 
exprès  et  que  j'ay  desja  faict  embarquer,  il  y  ha  quelques  jours, 
pour  ce  voyage. 


LETTRE     DE     HARL.VV    DE    SANCY    A     LOUIS    XIII  I  I 

Je  prie  Dieu,  Sire,  quil  doint  à  V.  Maj"  accomplissement  de 
toutes  ses  volontez  royales  et,  en  parfaicte  santé,  très-longue  et  très- 
heureuse  vie. 

De  V.  Ma"'  très-humble  et  très-obeissant  et  trcs-fidele  subject  et 
serviteur. 

Signe  :  De  Ilarlay. 

Bibliothèrjiie  Nationale.  —  Fonds  franniis.  —  M.s.  KjlUS,  J.  '11.  — 
Oriijinal. 


12  2"    MAI    iGiy 


LETTHE  DE  UARLAY  DE  SANCY  A  RICHELIEU 

//  (/  (ihti'iui  ilii  druiul  ScK/ih'ur  des  lettres  en  faveur  des  Franrais  détenus 
en  esclaru'/e  jxir  Mouluy  Ztdùn.  —  AlJnire  (Àisle/nne.  —  Mauvais 
traitements  infliijés  aux  Français  par  Moulay  Zidàn. 


Péra,  27  mai  1617. 

Au  dos:  A  monsieur,  monsieur  de  Richelieu,  conseiller  du  Roy 
en  ses  conseils  et  secrétaire  de  ses  commendements. 

Monsieur, 

J'ay  obtenu  lettres  de  ce  Seigneur'  et  un  clmous  vers  le  roy 
de  Marruok  pour  faire  délivrer  deux  cens  François  que  j'ay  advis 
quy  sont  détenus  esclaves  par  ce  roy,  en  vangeance  d'une  infidélité 
qui  luy  ha  esté  commise  par  un  certain  Marsillais  nommé  Phelippe 
Castellane". 

Cet  homme  l'alla  trouver  avec  lettres  du  Roy  et  de  monsieur 
de  Guise  ;  il  fut  receu  honorablement  de  luy  et  tenu  là  en  qua- 
lité de  consul.  Quelque  temps  après,  il  survint  une  disgrâce  audict 
roy  nommé  Mouley  Sidan  qui  fut  contraint  de  se  retirer  de  Marruok 
en  une  aultre  de  ses  provinces  et  chargea  tout  ce  qu'il  avoit  de 
plus  cher  sur  quelques  vaisseaux  chrestiens  pour  l'y  transporter. 
Il  fia  quatre  ou  cinq  mille  volumes  de  livres,  riches  de  couverture 
et  rares  jiour  l'impritnerie  qui  leur  manque',  audit  Castellane  et 

1.  V.  Doc.  précédent,  p.  10.  3.  Sur  ces  livres,  V.  i'''  Série,  Pays-Bas, 

2.  V.  /"ijcrie.  France,!.  II,  p.54i,Som-  t.  II,  p.  107,  note  2  ;  France,  t.  II,  p.  5^2, 
maire.  Sommaire. 


LETTRE    DE     IIAKI.  VY     DE     SANCY     A     lUCHELIEU  1  .'i 

les  fit  embarquer  dans  son  vaisseau.  Mais,  dès  qu  il  eut  fait  voile, 
il  changea  de  route  et  tira  droit  vers  Marseille  :  il  fut  rencontré 
en  chemin  par  D.  Luys  Fajardo,  gênerai  en  ces  mers-là  des  vais- 
seaux de  hault  bord  du  roy  d'Espaigne,  qui  le  prit  et  mena 
son  vaisseau  en  Espaigne  où  les  livres  sont  encore  aujourd'huy. 
Mouley  Sidan,  dez  qu'il  ouit  ceste  nouvelle,  fit  recherche  de  tous 
les  François  qui  estoyent  en  ses  Estais  et  les  mit  tous  à  la  chaisne, 
et  faict  semblable  traitement  à  tous  les  aultres  François  qui  abbor- 
dent  en  ses  Estats.  Les  ambassadeurs  du  roy  de  Marruok  ont  coulé 
devant  moy  ceste  histoire  au  ^'isiI■.  Je  m'en  suis  bien  sceu  dell'en- 
dre,  et,  nonobstant  toutes  leurs  oppositions,  leur  ay  faict  commcn- 
dement  d'escrire  à  leur  roy  pour  la  délivrance  desdicts  François. 
Mais  cependant,  Monsieur,  semblables  infidelitez,  assez  et  trop  com- 
munes à  nos  Marseillois.  ne  laissent  pas  d'estre  honteuses  et  de 
nous  prejudicier  souvent  en    plusieurs  rencontres. 

Continuez-moy.  s'il  vous  plaist.  l'honneur  de  vostre  bonne  grâce 
et  me  faictes  la  faveur  de  vous  asseurcr  du  très-humble  service  de, 

Monsieur, 

Vostre  très-humble  el  obeissani  servilciu-, 

Siyné :  A.  de  llarlay. 
De  Pera,  ce  27  may  161 7. 

Bibliothhjuc  .\(itioita/e.  —  Fonds  français.  — •  Ms.    IGl'iS,  f.  S8.  — 
Original. 


i4 


i5  JUIN   1617 


VI 


LETTRE  DE  SAINT-MANDRIER  A  LOUIS  XIII 

Moiilay  Ziilài)  ci  reçu  par  le  sirur  de  Boni/ace  une  lettre  de  Louis  XIII, 
mais  il  refuse  d'y  répondre.  —  //  persiste  à  rendre  le  roi  de  France  res- 
ponsable de  l'abus  de  confiance  qu'aurait  commis  Castelane.  —  Samt- 
Mandrier  a  appris  que  Louis  XIIl  lui  octroyait  des  lettres  d  aliolition.  — 
//  remercie  le  Roi  de  sa  clémence  et  lui  renouvelle  l'expression  de  sa 
fidélité'. 


De  la  province  de  Draa,  i5  juin  1617. 


Au  dos  :  Au  Roy. 

Sire, 

Le  s'  de  Bonniface  '  a  esté  an  se  peïs  aA  eq  une  lettre  de  V''  Ma- 
jesté adressante  à  l'ampereur  Molley  Sidan,  laquelle  je  luy  ay  ran- 
deue  moy-mesme  et  fet  fere  l'esplicassion  par  son  trochuman,  à 
laquelle  il  n'a  voUu  fere  aucune  response,  sinon  que  je  disse  audit 
Boniface  qu'il  avoyt  assés  souvant  et  amplement  rcspondcu  à  V.  M'. 
sur  samblables  lettres,  et  que  \.  M.  est  obligée  de  luy  tirer  reson 


I .  Robert  de  Boniface  appartenait  à  une 
illustre  maison  de  Provence  les  Boniface, 
branche  de  Cabanncs.  Cf.  Bibl.  Nat,  Pièces 
Originales,  vol.  /joi,  pièce  go33  ;  Robert 
DE  Briançon,  État  (le  In  Provence,  éd. 
1698,  t.  I,  pp.  4i3-4i4;  GAiîFRiDr,  Hisi. 
de  la  Provence,  t.  IF,  p.  602.  —  Robert  do 
Boniface  avait  été  envové  par  Louis  XIII 
auprès  de  Moulay  Zidàn  pour  négocier  le 
rachat  des  Français  détenus  en  captivité  au 
Maroc.  Son  navire  ayant  été  attaqué  par 
des  corsaires  turcs,  il  se  réfugia  sur  la  côte 
de  Carthagène.  Philippe  III  lui  accorda  lui 


sauf-conduit  pour  reprendre  son  voyage  et 
il  s'embarqua  à  Cadix  sur  un  navire  espa- 
gnol, le  a  S^  Maria  Buenaventura  »  qui 
faisait  voile  pour  Mazagan.  Robert  de  Bo- 
niface, après  avoir  échoué  dans  sa  mission, 
semble  avoir  pris  en  main  les  intérêts  de 
l'Espagne,  car  on  le  trouve  en  avril  1O19  à 
Santa  Cruz  (Agadir)  occupé  à  \me  négocia- 
lion  pour  la  cession  de  cetto  place  à 
Philippe  III.  Cf.  i"  Série,  Espagne,  20  avril 
1617  et  16  avTil  1619. 

1.   Cf.  i"-' Série.  France,  t.  II,  Doc.  CCX, 
p.  597. 


LETTRE    DE    SAINT-MANDRIER    A    LOUIS    XIII  10 

et  fere  randre  se  qu'il  avoit  réfugié  entre  les  mevns  de  Castellane, 
ambasadeur  de  Vosfre  Majesté,  et  sous  vostre  bandiere. 

Il  m'a  randu  une  autre  à  moy,  qu'il  a  plu  à  V.  Mag.  mescrire  sur  le 
suget  de  son  voyage,  à  coy  j'ey  fet  se  qu'il  [m'a]  esté  possible,  mes  les 
Mores  sont  sy  intéressés,  ne  se  payent  [)as  de  cortoysie  ny  de  reson. 
En  quelle  lettre  j'ey  veu  qu'il  a  pieu  à  ^  ostre  Magesté  me  donner 
mon  abollision  pour  le  fet  de  romy[cide]  '.  Séries  je  ne  m'etois  pas 
moyns  promis  de  la  clemanse  d'un  sy  grant  roy,  mes  le  soyn  qu'il 
luy  a  pieu  en  avoyr,  sans  en  avoyr  inportuné  V.  M.,  m'oblige  à 
continuer  les  prières  pour  la  prospérité  de  Vostre  Magesté  et  les 
très  humbles  et  fidelles  servisses  que  j'ay  comenssé  au  feu  roy  de 
bonne  memoyrc,  mon  segner  et  mettre,  auquel  je  m  etoys  norry, 
afBn  de  me  pouvoir  lousjour  dire, 

Sire, 

Vostre  très-humble  et  Irès-hobeissant  et  très-fidelle  serviteur  et 
sujet, 

Signé  :  St  Mendriés. 

De  l'armée  de  l'Ampereur,  à  presaiit  au  loyaume  de  Dra  en 
AÉTrique,  ce  1 5  juin  1617. 

Bibliolhèquc  ISalionnIc.  —  Fonds  franrnis.  — Mx.  IGl'iS.  f.  C.'iO. — 
Original.  —  Cachet  en  cire  nmijc  armorié. 

I.  I.'om.y[cide].  Ce  mot  se  trouve  sur  guaniison  à  paye-mort  de  la  ville  de  Toi- 
le bord  du  papier  qui  est  rongé  en  cet  en-  ion  >>,  et  il  ne  pouvait  rentrer  en  France 
droit.  S'  Mandricr  avait  lue  dans  une  avant  d'avoir  obtenu  des  lettres  d'abolition. 
rencontre  un  sergent  de  la  compagnie  V.  ci-dessus,  Introduclion,  notice  blogra- 
du  sieur  de  S'  Pierre  faisant  partie  do  «  la  pbique. 


i6 


i6r 


VII 


ÉTAT  DES  CONSULS  DE  FRANCE  A  L'ÉTRANGER 


(Extrait) 


S.  l.,[iG,7ji. 


Au  dos.  (ili'i  iiiunii  :   Meinoire  des  consulatz  ausquelz  il  a  esté 
pourveu. 

Eli  télé  :  Coiisulz  franeois  establiz  hors  le  roYfiume. 


Maroques  et  Fez. 

Guillaume  Curel,  à  la  survivance  de  Jean  Philipes  de  Castelanne, 
au  mois  de  septembre  1G07.  en  la  place  de  (niillaume  Be^aI•d^ 


Biblioihhjue  JSalionale. 
Original. 


Fonds  françai. 


Ms.  16738,  f.  m.  — 


I.  Cette  dat(^  est  restituée  d'après  la  date 
la  plus  récente  qui  figure  dans  le  présent  Do- 
cument, celle  du  i6  juin  1617,  à  laquelle 
Jehan  Viguier  fut  pourvu  de  l'olEce  de 
consul  à  Tripoli  de  Syrie,  île  de  Chypre, 
Beyrout,  Alcxandrette,  côte  de  Caramanie 


et  Alep. 

2.  En  marge  de  ce  paragraphe  se  lit  la 
mention  :  «  Ledict  Guillaume  Curel  est 
mort  ».  On  a  ajouté  postérieurement  la 
mention  non  complétée  :  «  Ledict  Caste- 
lanne...» 


LETTRE    DE    SAINT-MANDUIEU    A     LOI  IS    XIU 


VIII 

LETTRE  DE  SAINT-MANDRIER  A  LOUIS  XIII 

//  a  reçu  par  Bnniface  de  Cahannes  une  lettre  de  Louis  XIII  relative  à  In 
demande  de  mise  en  liberté  de  cent  rinrjt  esclaves  français.  —  Moulay 
Zidân  très  irrité  par  l'affaire  Castelane  ne  consent  pas  à  les  relâcher.  — 
Les  Espagnols  ont  dépassé  leurs  droits  en  capturant  le  navire  de  Cas- 
telane fjui  navi(juxiil  sous  la  bannière  de  France.  —  Louis  XIII  est  aussi 
fondé  à  présenter  des  réclamations  à  la  cour  d'Espagne  que  Moulay 
Zidân  à  porter  les  siennes  à  la  cour  de  France.  —  Les  rebelles  au  Maroc 
sont  réduits  à  l'impuissance.  —  Sainl-Mandrier  demande  des  lettres 
d'abolition. 

Merrakecli,  i^'' janvier  1G18. 

Au  dos  :  Au  Roy  Très-Crctien  de  France. 

Sire, 

J'ey  rossou  par  Boniface  Cabarines'  une  lettre  de  la  parlde  Vostre 
Magesté  pour  la  liberté  danviron  six  vintz  esclaves  frençois  qui 
sont  debteneus  ycy  par  Moley  Zidain,  roy  de  Felz  et  de  Marroqs, 
auquel  j'ey  rondeu.  leu  et  doinu'  entendre  celle  que  sanblablement 
V.  Mg.  luy  en  escrit,  et  ay  fet  tout  mon  possible  aflin  de  les  feredeli- 
vrer;  mes  l'interest  essede  la  cortoysic  parmy  les  Mores.  Daillurs  d 
est  fort  oll'encé  —  et  cet  ponrquoy  il  les  délient,  corne  jey  par  plu- 
sieurs fois  escrit  à  Y.  Mg.  —  de  se  que  un  Fclip  de  Castellane,  mar- 
ceillé.  vint  ycy  aveq  lettres  de  V.  Mg.  en  non  d'cmbassadeur  et, 
après  avoir  obteneu  de  luy  toutes  les  dépêches  qu'il  desiroit  et  y 
avoir  esté  plus  fa\orableinent  el  liondiablement  trclé  que  autre  qu'd 
y  sovt  janiés  arrivé,  avant  la  ncssessilé  conlrciiH  lc(bl  Moley  Zidam 

I.   Sur  ce  personnage,  V.  p.  i4,  note  i. 

De  Castkies.  111.  —  2 


l8  I     JANVIER     l6l8 

de  se  sauver  par  mei'  pour  la  perte  d'une  bataille  contre  un  magls- 
sien  rebelle  de  ces  sugetz  qui,  sous  prétexte  de  seynteté  et  d'estre 
envoyé  de  Dieu  pour  le  bien  publiq,  abeusoit  le  peuple  à  le  suivre  ', 
et  estant  embarqué  aveq  le  plus  pressieux  de  son  trésor  sur  le  navire 
deudit  de  Castellannc  auquel,  pour  respet  de  V.  Mg.,  avoit  grant 
confience,  et  ausy  sur  un  navire  anglois',  dès  ausitost  que  ledit  de 
Castellane  ut  mis  les  personnes  à  terre,  il  s  'anfouit  aveq  tout  ce 
qu'il  apartenoit  à  Moley  Zidain.  ce  que  l'Anglois  ne  fit  pas.  qui  n'es- 
toit  que  personne  privée. 

Or  ledit  de  Castellanne  fut  rancontré  par  les  navires  de  don 
Feyssardou,  jeneral  des  gallions  d'Espagne,  (jui  le  prit,  l'emprisona 
et  luy  confisqua  tout,  de  coy  il  en  y  a  encorcs  une  partie  qui  et 
en  estât  au  depost  en  Espagne,  et  fit  vandre  à  l'inquant  publiq  deux 
beaus  chevaux  que  ledit  Moley  Zidan  mandoit  de  presant  à  Vostre 
Majesté,  ce  qu'il  cemble  que  ledit  Don  Faysardou  ne  povoit  fere, 
attendeu  que  le  tout  estoit  entre  les  meins  d'eun  embassadeur  de 
V.  Mg.  ou  qui  se  disoit  tel  et  en  avoit  les  dépêches,  et  en  la  sauve- 
garde de  l'estandart  de  France,  qui  est  franq  et  libre  par  tout  le 
monde.  Que  si  ons  presupose  que  ledit  de  Castellanne  l'eut  dérobé, 
cet  à  V.  Mg.  sulle  d'an  conoistre.  et  n'est  pas  permis  de  mestre  la 
meyn  cy  légèrement  dessus  cens  qui  portent  tel  titre.  Il  est  très- 
important  à  l'honneur  et  cervisse  de  V.  Mg.  et  au  bien  de  ces 
sugetz  qu  il  prevoye  à  se  desordre  avant  qu'il  causa  de  plus 
grantz  effetz.  Votre  Majesté  a  la  mesme  justice  et  la  mcsme  reson 
de  demander  au  roi  d'Espagne  se  qui  a  esté  prins  aus  meyns  deu- 
dit Castellanne  et  sous  sa  baniere,  que  Moley  Zidain  à  V.  Mg.  se  qui 
luy  a  donné  en  garde. 

Les  alTeres  par  dessa  sont  en  estât  que  ceus  qui  rebelles  trou- 
bloient  cet  Estât  sont  tous  esterminés,  fors  un  que  le  peuple  trop 
supertissieusement  croyent  seinct.  appelle  Haya^.  qui  est  reduyt  et 


1.  Ce  «  magissien  rebelle  «  était  le  Moulay  Zidàii  avait  affrète  un  navire 
maraboulAbou  Mahalli.  Surce  personnage,  hollandais  en  même  temps  que  le  N.  D. 
V.  /'•'•  .SériV,  Pays-Bas,  t.  U,  Doc.  LIV,  de  La  Garde.  V.  j"  Série,  Espagne,  i6i2, 
pp.  1 17-135,  Doc.  CLXVII,  pp.  44o-/iii3  et  Angleterre,  Relation  de  J.  Harrison, 
et  Angleterre,  Latc  i\cwes  ont  of  Bnrbary,  aS  juillet  i63i. 

1612.  3.   Sur    ce    personnage,    qui    s'appelait 

2.  D'après  l'iiiquêlc  o\ivorte  en  Espagne,  Yahia  ben  Abdallah,  V.  z™  Série,  Pays-Bas. 


LETIRK    l>E    SAINT-MANDHIEU     A     LOMS     Mil  10 

relraiiclié  ;\  une  moiilagnc  viiassessible  au  royaume  de  Seus,  cens 
Ibrsse  ny  crédit,  pour  cestre  truvés  veyns  hcaucoup  d'esfors  qu'il 
a  tante,  au  i:;rant  jM-ejudisse  de  sa  seynteté. 

Et.  pour  le  prince  MolcyAbdalla,  son  neveu,  ilestausy^  sans  forsses 
nymoiensan  un  petit  lieu  au  rolaumede  Fetz',  où  ledit  MoIeyZidain 
s'en  va  asture  aveq  l'armée,  tant  qu'il  est  asture  pesible"^  de  tous  ces 
roiaumes  qui  sont  merveillusement  grantz:  et  ne  luy  reste  sinon  que 
venir  au  bout  de  ces  dus  personnes  qui  poroient  un  jour  prendre  l'occa- 
sion de  remuer.  Je  le  cers  depuis  cattre  ans  ',  durant  lequel  tamps 
il  a  reconquis  tous  ces  royaumes.  Mes  pleut  à  Dieu  que  V.  Mg. 
degnat  ce  servir  de  moi  et  me  vollut  doinier  une  abolission'.  (jui 
vés  morant  de  désir  de  morir  en  son  servisse,  comme,  de  V.  Mtr.. 

Le  très-humble,  très-hobeissant,  trcs-fidelle  serviteur  et  seuget, 

Si(jné  :  Le  cappitenne  St  Mendriés  de  TlioUon. 
De  la  ville  de  Maroqs  en  Affrique,  ce  jDremier  janvier  1618. 


Bibliolhhiue  Aalionale. 
Original. 


Fonds  français.  —  Ms.   IGl^S,  f.   218.  — 


I.  11.  |i.  134,  note  5;  p.  11)7,  note  i  ; 
Doc.  XCI,  p.  3i4  ;  p.  33^  et  p.  33g  ;  An- 
gleterre. Relation  de  J.  Ilurrison,  1(527  ; 
Et-OtFRÀM,  pp.  34r)-34ti.  Il  mourut  le 
4  mars  1626. 

1.  Depuis  l'année  i()i  I  Moulay  Abdallaii 
avait  été  sans  cesse  occupé  à  réprimer  les 
soulèvements  de  Fez  el-Bàli  (Fez  le-Vieil). 
Cette  lutte  se  prolongea  jusqu'à  sa  mort  sur- 
venue en  1634.  —  Il  ne  semble  pas,  d'après 
El-Oufrini,  que  Moulay  Zidàn  ait  fait  une 
expédition  contre  le  royaume  de  Fez  depuis 
sa  défaite  à  Uas  el-Ma  le  i  i  septembre  i6l() 
parles  troupes  de  Moulay  AlMleillali(p.  '100). 


■i.  Pesible,  pour  :  paisible,  c'est-à-dire  : 
possesseur  paisible. 

3.  S'  Mandrier  était  allé  offrir  ses  servi- 
ces à  Moulay  Zidàn  après  la  prise  de  El- 
Maniora  par  les  Espagnols  (Ci  août  i6i4). 
V.  f' Série.  Pays-Bas,  t.  II,  p.  364,  note  4 
et  supra.  Introduction,  notice  biographi- 
que. 

4.  11  faut  admettre  ou  que  les  lettres 
d'abolition  dont  Saint-Mandrier  remer- 
ciait le  Roi  dans  sa  dépêche  du  i5  juin 
1617  (V .  p.  i5)  ne  lui  étaient  pas  par- 
venues, ou  que  Saint-Mandrier  a  commis 
une  erreur  de  date. 


20  6-2  7     JANVIER     1619 


IX 


PROCÈS-VERBAUX  DES  CONSEILS  TENUS  A  MAZAGAN 
PAR  D.  JORGE  MASCARENHAS 

Après  avoir  lutté  victorieusement  contre  le  rebelle  Abou  Mahalli  écrasé  sous 
les  murs  de  Merrakech  le  3o  novembre  iGi3',  Yahia  bon  Abdallah-  cédant 
à  des  suggestions  ambitieuses  se  révolta  contre  le  Chérif  dont  il  venait  de  dé- 
fendre la  cause.  Moulay  Zidàn,  battu  par  lui  dans  plusieurs  rencontres,  dut 
se  réfuîrier  à  Sali  avec  ses  femmes  et  ses  richesses.  D.  Jor^e  Mascarenhas^, 
gouverneur  de  Mazagan,  dans  l'espoir  de  profiter  des  circonstances,  entra  en 
pourparlers  avec  le  Chérif  vaincu';  mais  la  discorde  se  mit  dans  1  armée  de 
Yahia  ben  Abdallah,  qui  dut  lever  le  siège  de  Safi,  et  cela  rendit  inutile  la  né- 
gociation entamée  par  Mascarenhas. 


Mazagan,  6-37  janvier  iGii). 

Papeis  autenticos  de  como  pcrdco  a  batalha  Mulcy  Zidam,  e  se 
retirou  a  Zafim,  onde  esteve  cercado.  e  o  meyo  que  ouve  para  virem 
a  liberdade  os  cativos  que  tinha  de  Mazagâo. 

Procès-verbal  de  la  séance  du  6  janvier  161 9. 

Moulay  Zidân,  vaincu  par  Yahia  ben  Abdallah,  s'est  retiré  à  Safi  oii  il  est 

1.  Sur  la  révolte  de  Abou  Mahalli,  V.  /"       note  3.   . 

Série,  Pavs-Bas,  t.  II  p.   20,  Sommaire  et  3.   D.Jorge  Mascarenhas  avait  succédé  en 

notes  4  et  6  ;  Doc.  LIV,  p.    117  ;  Doc.  i6i5àHcnrlqueCorreadaSilvacommegou- 

CLXVII,   p.    44o  ;   France,  t.  11,  p.  5^1 .  verneur  de  la  place  de  Mazagan;  il  remit 

M.    Jacqueton,    dans    son    Inoenlaire    des  son  commandement  en  septembre  1619  et 

archives  espagnoles  du  gouvernement  yénéral  rentraenPortugaloùPhilippellllefitcomte 

de  l'Algérie,  a  cru  que  les  documents  classés  de  Castello  Novo.  V.  Da  Clnha,  Mem.  para 

sous  la  rubrique  Papeis  autenticos  de  como  a  Hist.  da  praça  de  Mazagâo  pp.  63,  63. 

perdeo  a  batalha  Muley  Zidam se  rappor-  4.   Sur  la  révolte  de  \ahia  ben  Abdallah 

talent    à    l'insurrection    de  Abou  Maballi  on  ne  trouve  que  fort  peu  de  renseignements 

(p.  93,  n<">  489-491)-  '^"t  à;mi  les  sources  imprimées  que  dans 

2.  Sur  ce  personnage,  \.  supra,  p.   18,  les  sources  manuscrites. 


PROCES-VERBAUX  DES  CONSEILS  TEXLS  A  MAZAGAN         21 

assiégé.  —  Instructions  aux  officiers  de  Maza<jan  en  précision  d'une 
alerte;  envoi  d'une  frégate  à  Saji  pour  proposer  au  Cher  if  le  rachat  des 
captifs.  —  Diaz  Faleiro  est  désigné  pour  partir  avec  celte  frégate. 

Primeiro  assento  que  se  tomou  nesta  matcria. 

Em  Mazagâo,  aos  seis  dias  do  mes  de  Janeiro,  no  anno  de  mil  e 
seiscenlos  e  dezanove,  nos  aposentos  do  senhor  Dom  Jorge  Masca- 
renhas,  do  consclho  de  Sua  Mag''%  veador  de  sua  casa  real  do  reyno 
de  Portugal,  e  seu  capitâo  gérai  e  governador  desta  dita  A'illa  etc., 
pelln  dilo  Senhor  foi  mandado  \'iv  por  ante  si  os  officiacs  dafazenda 
de  Sua  Magcstade,  guerra  c  jusliça,  procuradores  do  povo  e  outras 
pesoas  délie  abaixo  assinadas,  aos  quaes,  estando  présentes,  disse  : 

Que  esta  noitc,  que  forâo  cinco  de  Janeiro  do  dito  anno,  Ihc  viera 
hum  Mouro  de  nova,  e,  entre  as  que  Ihe  dcra,  Ihc  disscra  que  o 
Cassis  '  dera  batalha  a  Mulcv  Zidam,  a  quai  durara  dons  dias,  e  que, 
no  fini  délies,  foi  Muley  Zidam  desbaratado  e  roto,  perdendo  muita 
gente;  e  que  se  sahira  da  batalha  com  dous  alcaydes,  com  os  quacs 
se  retirara  a  Zafim,  onde  tinha  sua  molher  e  filhos;  e  que  o  Cassis 
fora  em  seu  seguimcnto.  e  que  o  tinha  cercado,  e  que  do  seu  exercito 
apartara  huma  almahala  com  hum  alcayde  seu,  o  tpial  mandara  a 
esta  a  Duqucla,  seis  leguoas  desla  prassa  ;  e  que  juntameule  llie 
dissera  que  o  dito  cassis  se  nâo  queria  alansorear"  por  rey,  e  que 
Marrocos  esta  va  ainda  por  Muloy  Zidam,  cspcrando  a  resoluçâo  do 
cerco. 

E  que  os  mandava  cliamar  pera  dous  ('(Teilos.  O  primeiro  que 
era  encomendar  aos  capitâes  das  companhias  a  vigilancia  do  muio. 
e  que  nos  rebafes  Ihe  nâo  deixem  passar  a  gente  de  pee  dos  valos  do 
meyo  pera  fora,  e  Ihe  tenhâo  os  soldados  recolhidos  nos  rebelins. 
E  ao  adalid,  que,  andando  a  gente  de  cavallo  trabalhando  no  campo, 
havendo  rebate,  llia  trouxesse  sem  pararate  onde  cstivesse  o  guiào 
délie  dito  S"'.  E  a  lluy  Diaz  da  \  eiga,  veador  das  obras,  pera  c|ue, 
com  a  gente  délias  com  mais  alguns  homens,  reibrmassen  os  valos, 
e  que,  com  o  meslre  da  carpintaria,  vissem  a  artclhaiia  toda  e  a  refor- 

ben  Abdallah.   On  sait  que  ce  personnage 
I.   Cassis  ^j^.  (■:,->l  le  nom  donnr  par        ^^.^jj  ^^  j,^^,,^  ^^,^^^^^^  ^1,,  ^.[^(^ 

les  Arabes  aux  pnHres  cl  particiiliiremcnt  y..    .-U«nsorpnr.  Civcrbcupii  nnfigiiredans 

au\  prêtres  chrétiins.   Il  désigne  ici  Vabia        aucun  dictionnaire  a  le  sens  de  :  acclamer. 


93  fi-a-y     JANVIER     l6lf) 

massein  bem,  com  o  condestavel,  que  a  tivesse  lestes  e  aparelliada 
pera  o  que  fosse  necessario. 

E  o  segundo  efTeito  era  comunicarlhe  que  llie  parecia  boa  ocasiâo, 
pois  o  tempo  estava  bonança,  niandar  a  fragata  pequena  a  Zafim, 
porque  Ibe  parecia  boa  ocasiâo  cm  que  podia  Muley  Zidam,  pello 
apreto  em  que  estava,  dar  os  cativos  que  linba  consigo  pera  se  valer 
do  dinheiro  délies,  porque,  quando  os  quisesse  dar,  o  queria  empres- 
tar  a  redençâo;  e,  trazendo  disso  aviso  a  fragala,  mandaria  a  urqua 
que  estava  neste  porto  a  este  cITeito. 

E  pelles  ditos  foi  respondido  que  tudo  o  tocante  as  prevençôes 
Ihe  pareciâo  muy  bem  assertadas  e  necessarias:  e  que.  no  tocante  ao 
particular  de  ir  a  fragata.  Ibe  parecia  tam  bem,  pella  ocasiâo  em  que 
se  acbava  Muley  Zidam,  a  sombra  da  quai  jiodcria  efeiluarse  o  nego- 
cio  da  liberdade  dos  cativos  ;  e  que,  pois  Muley  Zidam  tivcra  sempre 
lâo  boa  correspondencia  com  este  lugar,  Ibes  parecia  que  juntaniente 
Ibe  dévia  escrever,  aleni  da  niateria  dos  cativos,  ofTrecendolhe  em 
nome  de  Sua  Mag''"  o  que  Ibe  fosse  necessario  desla  forssa  em  esta 
ocasiâo.  E  todos  nomearâo  pera  isso  e  poder  ir  na  dita  fragata  a 
Francisco  Diaz  Faleiro,  por  ser  muito  pratico  na  lingoa  aravia  e 
nesta  costa,  e  aver  estado  por  duas  veces  em  Zafim. 

De  que  mandou  o  dite  S°'  fazer  este  termo,  que  assinarâo  todos 
com  elle. 

E  eu,  Domingos  Ferreira  Taveira,  tabeliâo,  o  escrevi. 

Dom  Jorge  Mascarenbas  —  Joam  Gomez  de  Lemos  — •  Antonio 
Gil  Lobato  —  Salvador  Uodrigues  do  Coulo  —  Pedro  Rodrigues 
da  Costa  —  Francisco  Barreto  d'Almeyda  —  Francisco  Caldeira 

—  Pero  da  Sylva  da  Cunba  —  Luis  de  Sàopayo  —  Alfonso  Leitâo 

—  Vicente  da  Cunba  da  Costa  —  Bras  Gonçalves  —  Nicolao 
Caldeira  —  Fernâo  Gonc^-alves  —  Miguel  de  Sousa — Dioguo  Gomes 
— ■  Nicolao  Barriga  —  Matbeus  Valente  —  Pero  Valente  da  Costa 

—  Antonio  Gonçalves  Colta  —  Ruy  Diaz  da  \eiga. 


Copia  du  caria  que  Icvou  Francisco  Diaz  a  Muley  Zidam,  escrita 


PROCES-VERBAUX    DES    CONSEILS    TENUS    A    MAZAGAN 


l'i 


na  aravia  por  ilnin  Francisco',  iiicu  filln).  a  (jiial  contem  o  pezame 
de  aver  perdido  a  batallia,  on'crcccndollit^.  em  nome  de  Sua  Mag''", 
o  que  cuver  nesta  forssa,  e  pedindolhe  que,  pois  alli  Ihe  nâo  sâode 
proveito  os  cativos  que  tem  cm  seu  poder,  os  queira  pur  em  preço 


e  resgatar". 


Lettre   de   Moulav   Zidan   a   D.   Jorge   Mascaremias. 

./  remercie  Mascarenhas  de  la  part  ij ne  celui-ci  a  prise  à  son  malheur.  — 
//  a  essuyé  une  nouvelle  défaite,  mais,  depuis,  il  a  remporté  la  victoire 
et  s'est  emparé  de  l'artillerie  de  Yahia  ben  Abdallah.  —  //  est  prêt  à 
rendre  les  captifs  espaijnols  moyennant  rançon.  —  //  demande  quon  lui 
envoie  de  la  poudre. 

Safi,  22  I Moharrom]   loaS-i)  janvier  lOïC)^. 

Copia  da  reposta  de  Muley  Zidam.  que  mandou  na  aravia,  e  tirada 
por  seu  secretario  em  nossa  linguoa'  da  aravia,  e  com  o  seu  sinal, 
e  esta  rubricada  '  por  elle. 

Dom  Jorge  Mascarenhas,  del  consejo  de  Su  \Iag'',  veador  gênerai 
de  su  casa,  capitan  gênerai  y  governador  de  la  villa  de  Mazagan. 
salud  y  paz  en  nuestra  casa  y  en  toda  vesti'a  gente. 

La  vestra  recibi  por  Francisco  Diaz  Faleiro  oy,  niiercoles,  por  la 
quai  acabe  de  cntender  la  anilstad  y  ainoi-  cpie  me  leneis,  y,  por  las 
obras  y  buen  conocimiento  que  de  v  os  tengo  del  pesar  que  recibistes 

1.  Francisco  Mascarenhas  possédait  très  de  l'hégire  1028  (V.  p.  24);  or  le  çi  janvier 
bien  la  langue  arabe,  comme  on  le  verra  16  iq,  d'après  les   tables  de   concordance, 
par  la  suite.  correspond  au  32  de  Moharrem  1028. 

2.  Cetteleltren'existeplusdansledossier  4.  Em  nossa  linguoa,  c'est-à-dire  en  lan- 
constitué  par  les  Papeis  autcnticos.  guc  espagnole,  comme  on  peut  le  constater. 

3.  Cette  restitution  est  faite  d'après  les  Le  secrétaire  qui  a  constitué  le  dossier  de- 
données  suivantes  :  lalettrea  été  écrite  entre  vait  être  un  Espagnol. 

les  6  et  12  janvier  l6ig,  dates  auxquelles  5.   11   s'agit  de    ce  signe    de    validation 

seréunit  le  Conseil,  et  de  plus  un  mercredi,  , 

soit  le  mercredi  9  janvier.   D'autre  part  elle  (togbra  Sj^k)    placé    on    tête  des   lettres 

a  été  écrite  le  2  2"=  jour  delà  lune  de  l'année  chérifiennes. 


24  6-2"    JANVIER     1619 

desta  desgracia  que  el  S"''  foi  servido  darnos,  estoi  en  mas  conoci- 
mienlo.  La  ocasion  desta  desgracia  fue  que  hize  de  mi  gente  très 
repartimenlos,  y  el  uno  fue  dexar  un  tercio  dellos  en  Marruequos, 
y  el  otro  mandarlo  con  mi  madré  y  hacienda  a  Zali,  y  el  olro 
truxe  comigo.  Quando  fue  el  S°'  servido  que  jueves  '  de  maûana 
parti  con  mi  rcal,  fuiavisado  que  elenemigo  dio  en  el  cainpo  de  mi 
madré.  Dexe  el  real  niarcliar  solo,  y  acudi  con  aiguna  gente  de  a 
cavallo  que  podia  tener.  por  ir  mas  pi'esto,  donde  fue  a  desgracia  que 
hallamos  el  enemigo  delante,  forlificado  con  catorce  o  quince  mil 
liombres  de  infanteria.  con  seis  mil  de  cavallo.  todos  de  escopetas, 
y  una  cahilda  que  se  nos  rebelo,  que  se  diz  Haliamana'.  Hallamos- 
los  fortificados,  donde  fue  el  Senor  servido  de  cumplir  su  voluntad 
con  poca  pei'dida.  Morieron  dos  alcaydes,  veinte  o  quarenta  de 
los  nuestros  cautivos,  y  no  sabemos  si  son  muertos  o  vivos. 

Este  lunes  passado,  les  tuvimos  otra  batalla,  con  que  les  tomamos 
su  artelleria  con  victoria  nuestra,  y  eslamos  confiados  en  Dios  que 
presto  tendremos  otra,  como  puede. 

Négocie  de  los  cautivos,  hare  en  ello  toda  su  voluntad.  como  vos 
ordenares. 

iNlunicion  v  pohora  nos  liara  ^  . M'  merced  aver  deste  iVances  o 
flamenco  que  alii  esta,  que  bien  sabemos  que  vos  no  lo  podeis  dar, 
sino  que  sea  iutercisornuestro  para  averlo  ;  ycmbiarnosloluegocon 
su  criado.  Francisco  Diaz  Faleiro. 

Y  con  esto,  Dios  lo  guarde,  como  puede. 

Oy  a  veinte  y  dos  dias  de  luna,  aùo  de  mil  y  veinte  y  oclio. 

En  posl-scvipturn.  Y  a  esta  buclta  de  Francisco  Diaz,  trataremos 
nuestros  negocios  mas  despacio.  porque  el  esta  de  priessa,  y  nos  ni 
mas  ni  mcnos,  como  el  proprio  ve. 


Rapport  de  Francisco  Diaz  Faleiro  sur  son  voyage  a  Safi. 


Incidents  qui  ont   retardé  son   départ  pour  Safi.  —  Il  a  débarqué  à   Safi 

I.    Probablement    le    jeudi    précédent,  3.   /?a/iamana.  la  tribu  des  Reliamna  qui 

c'est-à-dire  le  3  janvier.  campe  au  N.  0.  de  Mcrrakech. 


PnOCÈS-VERBAUX    DES    CONSEILS    TENUS    A    M.VZAGA.N  2  5 

après  avoir  obtenu  un  sauf-conduit.  —  Il  a  remis  les  lettres  de  Masra- 
renhas  à  Moulay  Zidùn:  entretien  tju'il  a  eu  arec  lui.  —  Déclarations  du 
Chérif  au  sujet  des  captifs.  —  Sihje  de  Sa/i  ;  nombre  et  situation  des 
assié'jés.  —  Arrivée  d'une  ambassade  française  à  Sa/i.  —  Intentions  du 
Chérif  et  projets  de  Vakia  ben  Abdallah.  —  Audience  de  congé  de 
Dias  Faleiro. 

[Mazagan,  la  janvier  iGu)]'. 

Declaraçâo  que  fez  Francisco  DIaz,  quando  veio  de  Zafin. 

Primeiramente  disse  que  o  dia  que  daqui  parlio  que  iiào  puJera 
fazer  viagem,  por  re/.ùo  de  aver  visla  de  luim  navio  que  dcra  fundo, 
e  desarvorara  a  IVagala  ate  que  o  perdeo  de  visla  ;  e  que  ao  anoitecer 
se  fez  a  vella,  con  tam  l)om  tempo,  que  amanheceo  no  eabo  de 
Canlim. 

Disse  mais  que,  despois  de  dohrar  o  dito  cabo,  teve  vista  de  dous 
navios  surtos  na  baliia  de  Zafim,  e  que,  querendo  os  da  fragala  nûo 
il'  por  (liante,  os  persuadio  que  os  navios  estavâo  largos  de  Zafîm.  e 
que.  lundo  elles  costeando,  liies  nào  podiâo  fazer  nojo,  senào  com 
lanclias,  e  que  elles  erâo  mellier  que  elles. 

Disse  mais  que.  liindo  assi  costeando  e  fazendo  seu  caminlio 
junlo  as  muralhas  de  Zafim,  vira  gram  copia  de  gente  e  bandeiras 
que  Ihe  capearâo,  e  que,  chegando  a  terra  a  fallar  com  elles,  llies 
pregunlarâo  que  gente  era  e  que  buscava,  e  que.  respondendo  elle 
que  Muley  Zidam  e  que  ihe  Irazia  carias,  llias  pediâo.  dizendollie 
que  ali  eslava,  e  que,  neste  comenos,  llic  atirarào  da  cidade  huma 
pessa  e  Ihe  capearâo  com  huma  handeira.  E  que.  alargandose  da 
terra,  hindo  a  cidade,  reconhecendoos  que  erâo  (Ihrislâos,  viera  a 
praya  o  alcayde  Abgib';  e,  dizendolhe  que  le\ava  carias  pera  Muley 
Zidam,  foi-a  a  cidade  e  Ihe  Irouxera  seguro  por  escrilo.  com  o  quai 
desembarcou. 

I.  Il  ist  (lit  plus  bas  (^'.  p.  i."),  iiole  2.  Abgib.  le  caïd  Adjib,  renégat  espa- 
i)  que  la  frégate  sur  laquelle  se  trou-  gnol,  esclave  de  Moulay  Zidàn.  Il  fut  cu- 
vait Faleiro  revint  au  bout  de  six  jours  et  voyé  &  Salé  vers  1626  pour  remplacer  Ez- 
l'on  sait  qu'elle  était  partie  au  plus  tôt  le  Zarouri  comme  caïd  des  Hornacheros  et  fut 
6  janvier.  D'autre  part  le  conseil  du  ta  massacré  en  1627.  Cf.  Ei.-Ouiràm,  p. 
janvier  se  lient  le  jour  même  du  rilour  de  /)3g,ct  ci-dessous  Introduction  critique  :  I^cs 
iJia/.  KaJeiro,  V.  p.  28.  .Moriscos  à  Sale,  p.   lyi  et  notes  5  et  6. 


26  6-2-     JANVIER     1619 

Que  lia  porta  da  cidade  acliara  o  alcayde  Agcna'  e  outros  .Mou- 
ros,  e  com  elles  Judas  Levy,  Solimâo  Ben  Aiete,  e  Jacob  Ahim, 
judeus^;  e  que  todos  o  levarâo  a  El  Rey,  a  quem  dora  a  caria  que 
levava,  fazendoUie  particulares  honras  e  favores,  e  que  forâo  de 
qualidadc  que  lodos  se  maravilharâo  disso. 

E  preguntado  que  Ihe  dissera,  ou  que  preguntas  Ihe  fixera,  disse 
que  llie  preguntara  por  Sua  Mag''"  e  pello  senlior  Capitâo  e  pella 
sua  casa,  e,  em  particular.  que  navios  liavia  em  Mazagâo,  e  que  Ihe 
respondera  que  huma  urqua  framenga  de  trinta  pessas  de  arfelharia. 

Declarou  mais  que,  dcpois  destas  praticas,  Ihe  mandara  vir 
perante  elle  os  nove  cativos  de  Mazagfio  e  oito  molheres  e  alguns 
meninos,  e  que  logo  mandara  teirar  os  ferros  aos  cativos  de  Mazagâo, 
dizendoliie  que.  no  particular  do  resgate.  faria  tudo  o  que  o  senhor 
Capilào  quisesse.  e  que  assim  Iho  escrevia  e  que  voilasse  logo  com 
reposta,  porque  com  ella  eireltuaria  logo  o  resgate. 

Declarou  mais  o  dito  Francisco  Diaz  que  de  noite  e  de  dia  pelei- 
javâo  com  o  enemigo,  e  que  era  o  serco  tâo  apretado,  que  todo  o  dia 
estavâo  en  arma,  e  que  o  mcsmo  Muley  Zidam  trazia  de  ordinario 
a  escopeta  na  mào. 

Preguntado  mais  o  dito  Francisco  Diaz  que  gente  tinha  dentro, 
disse  que  obra  de  mil  e  quinhentos  soldados  e  quatrocentos  cavalos. 

E  preguntandolhe  de  que  cousas  tinliâo  falta,  disse  que  de 
municôes,  e  que  era  tâo  grande  a  falta  délias,  como  se  veria  da 
mesma  carta  que  trazia  del  Rey.  e  que,  em  particular,  a  tinhâo  de 
lenha,  porque  nem  para  o  comer  del  Rey  a  havia,  e  que.  por  eslos 
respeitos,  entendia  que  nào  podia  sustentar  o  cerco  muitos  dias. 

Declarou  mais  que  havia  chegado  a  Zafim  huma  settia  de  Fran- 
ceses,  com  hum  embaixador,  que  era  gente  lucida',  que  Ihe  man- 
dara varar  a  setia  em  terra,  e  que  estavâo  bem  emfadados. 

Disse  mais  que  os  dous  navios  que  estavâo  na  baliia  que   nào 


1.  Agena.  V.  p.  353,  note  i.  tre  au  Chi'rif  de  se  séparer  de  ses  familiers 

2.  Moulay  Zidàn  avait  toujours  des  Juifs  juifs.  Cf.  r'  Série.  Angleterre,  We/ai/on  de 
dans  son  entourage,  ce  qui  indisposait  le  fa-  J.  Harrison.  1627,  et  Pays-Bas,  t.  I,  p.  3^.^, 
natisme  musulman.  Ce  fut  une  des  causes  de  note  3. 

la  révolte  de  Abou  Mahalll.  Par  la  suite,  3.   Cet  ambassadeur  français  était  vrai- 

quand  Yahia  ben  Abdallah,  vainqueur  du  scmblablemcnt  le  chevalier  Isaac  de  Razilly. 

rebelle,  entra  dans  MerralvRch,  il  fil  promet-  V.  poç.  W,  p.  100 


PltOCES-VERBALX    DES    CONSEILS    TENXS    A     AfAZAGAN  2" 

erâo  navios  de  força,  y  que  ouvio  dizer  que  vendciâo  alguinas  armas 
e  muniçôes  e  que  traziào  inuitos  asucares,  que  enlendia  que  erâo 
Ingreses,  e  que  sairâo  alguns  a  torra.  a  conscriarllic  a  artelharia. 

E  preguiitado  o  dito  Francisco  Diaz  que  entendera  dos  Judeus 
aserca  do  desenho  com  que  csta\  a  Muley  Zidam,  disse  que  Ben  Avole 
llie  dissera  que  deseja\a  de  virem  navios  em  que  se  poder  passar 
a  Sale,  com  seu  thesouro  que  era  grande  :  e  que  afirmavâo  que  o 
Cassis  delerniinava  depois  de  entrar  a  cidade  ou  embarcar 
Mulev  Zidaïu.  som  entrar  em  Marrocos,  passar  pella  a  Duquella.  e 
enti'ar  a  Xauiiia'.  e  pur  cerco  a  Mamora,  e  daiiivoitar  acoroarse  em 
Marrocos. 

Disse  mais  que  se  dcspidira  del  Rey  a  quinla  feira^,  e  que  Ihe 
dissera:  «  ,; Francisco,  quando  poderas  a(jui  voltar  a  tratar  dos 
cativos?  »  e  dizendolhe  que  aie  domingo^  Ihe  respondcra  :  «  E  se  o 
fizeres  assi,  tudo  o  que  o  Capitâo  quiser  farei  de  boa  vontade.  » 

Disse  mais  que,  dandollie  a  carta  que  levara  escrila  na  aravia, 
Ihe  preguntara  quem  escrevia  aquellas  cartas,  e,  respondendolhe 
que  hum  lillio  do  Capilào  *.  o  festejara  muito. 


Procès-verbal  de  la  séance  du   12  janvier   1619. 

DéliliénUion  au  sujet  de  In  lettre  de  Moulay  Zidân  à  Mascnrenhas.  —  On 
fournira  au  Chérif  trois  ou  quatre  quintaux  de  poudre  pris  dans  les 
magasins  de  Mazacjan.  —  Francisco  Mascarenhas  ira  avec  trois  navires 
négocier  le  rachat  des  captifs.  —  Le  P.  Francisco  Manoel  a  refusé  de 
fournir  l'argent  nécessaire  à  ce  rachat,  déclarant  ijud  n'avait  pas  de 
fonds  à  cet  effet. 

Assento  que  se  tomara  sobre  a  caria  de  Muley  Zidam  e  dito  de 
Francisco  Diaz,  e  resoluçâo  que  se  tomou. 

Em  Mazagâo,  aos  doze  dias  do  mes  de  Janeiro  do  anno  de  mil 
seiscentos  e  dezanove.  nos  aposentos  do  senhor  Dom  Jorge  Masca- 
renhas,  do  conselho  de  Sua  Mag''",   veador  de   sua  casa   real  do 

1.  Xauhia,  Chaouia.  3.   Lo  dimanche  i3  janvier  ifiiç). 

2.  Le  jeudi  lo  janvier  iliiy.  4-  V.  p.  23  el  note  i. 


28  6-27  •'\^^"^"  '^"9 

reyno  de  Portugal,  c  seu  Capitâo  gérai  e  govcrnador  desta 
villa,  etc.,  estando  o  dito  senlior  capitâo  alii  présente  e  todos  os 
ofliciaes  da  fazenda,  guerra  e  jusliça  e  outres  particularcs  deste 
povo,  aos  quais  o  dite  senhor  disse  que,  em  virlude  do  assento 
ati'us  que  se  tomou  sobre  a  ida  de  Francisco  Faleiro  fez  a  Safim 
a  tratar  do  resgate  dos  cativos,  teve  reposta  de  Muley  Zidam, 
que  mandou  ajuntar  aqui,  a  quai  mandou  1er  peranle  todos  pello 
escrivâo  dos  contes  de  Sua  Mag''\ 

E  depois  de  lida  e  de  verem  todos  a  sustancia  délias,  e  o  bom 
animo  com  que  Muley  Zidam  dezia  que  llie  queria  dar  os  cativos, 
pera  effeito  do  quai  llie  pedia  hum  socorro  de  polvora  comprado 
destas  naos  estrangeiras  que  estâo  na  baliia,  disse  elle  dite  seulior 
que  chamava  a  Iodes  pera  llie  pedir  seu  parecer  nesta  materia, 
porque  o  mesmo  era  comprar  a  polvora  dos  eslrangeiros  que 
mandurlha  da  que  Sua  Mag'^'  tem  nestes  almazens.  E  despois  de 
cuidarcm  na  materia.  per  vote  de  todos  se  venceo  com  parecer  do 
provisor  e  do  padre  Miguel  Gonçalves,  que  serve  de  vigaire  na 
igreja,  que,  per  quaiito  e  dite  secorro  nâo  era  contra  Christâos,  e 
o  pedia  Muley  Zidam,  e  que  por  esse  respeite  dava  os  cativos,  erâo 
todos  de  parecer  que  se  Ihe  mandasse  hum  pequene  secorro  pello 
barco  que  de  la  tinha  vindo,  que  nâo  fesse  de  mais  que  de  o  entre- 
ter  ate  pedercm  chegar  os  navies  que  se  ficavâo  aprestando  pera 
irem  buscar  os  cativos. 

E,  preguntando  o  dito  senhor  a  cantidade  de  socorro  que  Ihe 
faria,  parecee  a  todos  que  se  Ihe  poderia  mandar  très  ate  quatre 
quintaes  de  polvora  e  a  esse  respeite  chumbe  e  murrâo;  e  que 
soltie  tudo  parccia  l'ezâo  de  estado  que.  quande  hum  Rey  natural 
de  seu  reyno  esta  tào  pei'seguido  de  hum  tyrane,  e  se  quer  valer 
da  grandeza  de  Sua  Mag''%  que  era  bem  que  Ihe  nâo  faltasse.  E, 
tratando  despois  cemo  se  aviâo  de  ir  buscar  os  cativos,  se  resolveo 
que  fosse  a  urqua  grande  e  o  frances  e  e  barce  castelhano,  todos 
em  conserva  guarnecides  com  gente,  de  modo  que  fossem  seguros 
assim  pera  trazerem  os  cativos,  como  pera  segurança  do  cabedal 
que  se  ha  de  mandar  por  elles.  E,  tratando  sobre  a  materia  e  jiesea 
que  yria  a  este  efTeito.  disse  elle  dito  senhor  Capitâo  que.  pella 
obra  ser  em  si  de  tanlo  service  de  Dees  e  de  Sua  Mag''°,  e  per  mos- 
trur  o  zcllo  (pie  sempi-e  teve  ncUa.  queria  que  fosse  a  este  efTeito, 


l'ROCÈS-VERBAUV    DES    CONSEILS    TENUS    A    MAZAGAN  2g 

por  cabcça  clos  ditos  navios,  scu  fillio,  Dom  Francisco  Mascarcnhas, 
o  que  jjareceo  a  todos  ser  cousa  muy  conforme  ao  animo  com  que 
o  dite  senhor  sempre  procedeo  nesta  materia. 

E  juntamente  acordarâo  que  o  barco  partisse  logo  diante  com  o 
socorro,  e  dar  aviso  como  logo  hiâo  os  navios  a  buscar  os  cativos, 
por  nâo  aver  detença  e  estarem  lodas  as  cousas  acordadas  por  nâo 
fazerem  detença  os  ditos  navios. 

De  que  se  fez  este  terino.  que  todos  asinarâo  com  o  dito  senhor 
Capitâo. 

E  eu  Domingos  Fcrreyra  Taveira,  tabeliâo,  o  escrevi. 

Dom  Jorge  Mascarenhas  — •  Joâo  (i ornez  de  Lemos  —  Salvador 
Roiz  do  Couto  —  O  capitâo  Luis  de  Sâopayo  —  Pero  Roiz 
da  Costa  —  Antonio  Gil  Lobalo  —  O  pro\isor  Joâo  Serrado  — ■ 
O  padre  Miguel  Gonçahez  —  Matbeus  Valente  —  Pero  da  Silva 
da  Cunha  —  Vicente  da  Cunha  da  Costa  —  Francisco  d'Azevedo 
Coutinho  —  Bras  Goncalvez  —  Francisco  Caldeira  —  Joâo  Bras 
de  Médina  —  Nicolas  Caldeira  —  Miguel  de  Sousa  —  Pero  Valente 
da  Costa  —  Antonio  Rapozo  Azedo  —  Diogo  Gomez  —  Antonio 
Goncalvez  da  Costa,  digo  Colta  —  Fernâo  Gonçalves  —  Pero  da 
Cunha  da  Costa. 


Note  de  Joào  Gomez  et  de  Salvador  Roiz 

Us  rendent  compte  à  D.  Jnrije  Mascarenhas  da  refus  du  P.  Fr.  Manoel 
de  faire  une  avance  d'anjent  sur  les  fonds  de  rédemption. 

Mazagan,  12  janvier  1619. 

Assento  cm  que  se  déclara  como  o  padre  Fr.  Manoel  nâo  quis 
dar  o  dinlieiro  pera  o  rescate. 

E  logo  no  dito  dia,  mes  e  anno  atras  escrito,  disse  o  dito  S' 
Capitâo  Dom  Jorge  Mascai-crdias  ao  contador  da  fazenda  de  Sua 
Mag''°  e  ao  escrivâo  dos  contos  dcUa,  que  estavâo  présentes,  que, 


3o  6-27    JANVIEU     ifilQ 

sem  embargo  do  padre  Fr.  Manoel  nâo  querer  vir  em  outras  oca- 
sioens  de  resgate  a  tratar  nas  malerias  délie,  como  Sua  Mag"'''  manda 
em  seu  régi  mente,  que  elles  ambos  se  vissem  com  elle  e  de  sua 
parte  Ihe  disessem  as  diligencias  que  estavâo  feitas  nesta  materia,  e 
que.  pera  conclusâo  délia,  o  avisasse  do  dinheiro  que  tinha  110  cofre 
e  se  o  queria  mandar  entregar  para  se  efleituar  o  resgate  e  tirar 
esles  cativos,  poi'que,  quando  o  nâo  quisesse  fazer,  o  faria  com  seu 
dinheiro,  nos  navios  que  niandava  ao  dilo  effeito  seu  filho  Dom 
Fi-ancisco  Mascarenhas. 

E  hindo  o  dito  contador  com  o  dito  escrivào  dos  contos  a  casa  do 
dito  frade  Fr.  Manoel,  e  dandolhc  o  dito  recado  atras  escrito  da 
parle  do  dito  S'  Capitao,  Ihe  respondeo  que  nào  tinha  ncnhum 
dinheiro  da  rendiçâo  ;  que  o  que  tinha  era  de  hum  particular  que 
chamâo  Antonio  Fernandez  Paez,  o  quai  nào  queria  dar  sem  ordem 
de  seu  dono  ;  e  que  elle  que  nâo  era  thesoureiro,  e  com  outras 
rezôes  que  vinhâo  a  dizer  isto  mesmo.  E  por  mais  rezôes  que  Ihe 
derâo  por  ser  a  obra  tâo  pia  como  es,  a  nada  quis  suceder  mais  que 
resolverse  em  que  nâo  avia  de  dar  o  dinheiro. 

E  com  esta  reposta  que  derâo  ao  S'  Capitâo  o  dito  contador  e 
escrivào  dos  contos,  perante  mim  tahcliâo,  mandou  o  dito  senhor 
fazer  este  termo,  que  elles  asinarâo. 

E  eu  Domingo  Ferreira  Taveira  tabeliào  o  escrevi. 

Joâo  Gomez  de  Lemos  —  Salvador  Uoiz  do  Coulo. 


Instructions  données  a  Francisco  Diaz  Faleiro  se  rendant  a  Safi. 

//  retournera  en  toute  hâte  à  Sn/i  et  remettra  à  Moulay  Zidàn  la  lettre  de 
Mascarenhas.  —  Il  engagera  le  Chérifù  venir  à  Mazagan  avec  sa  famille, 
ses  biens  et  ses  captifs.  —  //  aura  soin  de  ne  pas  laisser  soupçonner 
l'existence  des  munitions  qu'il  porte  à  son  bord  et  il  ne  remettra  ces 
munitions  au  Chérif  que  s'il  t^oit  qu'elles  lui  sont  absolument  nécessaires. 
—  //  se  fera  seconder  dans  sa  mission  par  Saint-Mandrier  ;  il  fera  savoir 
à  ce  caj)itaine  que  Mascarenhas  tient  un  sauf  conduit  à  sa  disposition  et 


PROCES-YEUBALX    DES    CONSEILS    TENUS    A    MAZAGAN  0  1 

(ju'il  n'a  qu'à  se  présenter  à  Medina-Sidonia  pour  être  conduit  au  roi 
d'Esparjne.  —  Diaz  Faleiro  s'est  engagé  à  observer  ces  instructions. 


Mazagan,  12  janvier  i6ig. 

Regimcnto  que  se  deo  a  Francisco  Diaz  Faleiz'o,  estando  présentes 
o  contador  da  fazenda  de  Sua  Mageslade  e  o  escrivâo  dos  contos. 

Partireis  outra  vez  na  volta  de  Zafim  na  mesma  fragata  em  que 
viestes,  fazendo  toda  a  diligencia  possivel  por  chegares  com  brevi- 
dade:  e  logo  que  chegares,  dareis  a  el  Rey  Muley  Zidam  a  carta  que 
levais  niinha,  em  reposta  da  sua  que  me  trouxestcs.  e  juntanicnte 
entregarcis  ao  alcayde  Agena  e  ao  alcayde  Abgib  as  que  llie  escrevo. 

E,  pera  eslares  advertido  no  que  se  vay  tratando  na  materia  do 
serviço  de  Sua  Mag'''  e  em  bem  do  resgale  dos  cativos,  lie  bem  que 
saibais  a  materia  sobre  que  Ihe  escrevo.  pera  que.  conlornic  vossa 
inteligencia,  lideis  com  el  Uey  Muley  Zidam  e  com  os  ditos  alcaydes 
de  maneira  que,  quando  se  nâo  consiga  o  efleito  princijjal  que 
himos  trassando,  que  he  vir  a  pessoa  de  Muley-Zidam.  sua  may, 
mollier  e  filhos  e  seu  thesouro  e  todos  os  cativos  que  Icm  as  mâos 
de  Sua  Mag''",  que  pello  menos  se  consiga  eflcituarse  o  resgale 
que  tanlo  ha  que  se  prétende. 

Der-lhe-heis  logo  como  Iras  vos  se  fica  aprestando  meu  fdho  Dom 
Francisco  e  com  huma  nao  framenga  de  trinta  pcssas  e  com  hum 
navio  frances  mais  e  outro  caslelhano.  todos  com  muy  boa  solda- 
desca,  pera  elle  se  poder  vir  segui'o,  representandolhe  o  procedi- 
mento  que  se  teve  com  el  Rey  Muley  Xeque,  seu  irmâo,  quando 
se  quis  valer  do  amparo  e  favor  de  Sua  Mag■'^ 

Advortireis  cjue  os  quatro  quintais  de  polvora  que  levais  e  quatro 
de  chumbo  e  dous  de  murrào,  que,  quando  desembarcares,  o  nâo 
farels  a  saber  de  nenhuma  maneira,  advirlindo  que  sô  em  hum  caso 
se  poderâo  dar  e  pera  este  efleito  os  leveis,  o  quai  he  estar  tào  nece- 
sitadc)  de  polvora  o  dito  Rey,  que  vos  pareça  que,  sem  as  ditas  muni- 
çôes,  nâo  podera  esperar  a  chegada  de  meu  fdho;  pois  nâo  he  bem 
que,  podendoUie  vos  valer  e  Irazer  ao  amparo  de  Sua  Mag''',  como 
fica  dito,  o  arnscpicmos  a  screnirado  do  seu  enemigo  c  a  perderem 
par  esse  respeito  a  liberdad(>  (juc  por  esta  \ia  podcm  1er  os  cali\os 
que  consigo  tem. 


Sa  6-27  JANVIER  161 9 

A  Monseur  San-Mannique',  que  se  perdeo  na  Mamora.  e  o  que 
lie  seu  fundidor  da  artelharia  e  seu  engenheiro,  direis  que  avéra 
anno  e  mevo  que  per  este  porto  veio  de  Marrocos  hum  Napolitano 
em  companliia  do  alcayde  Abgib,  ao  quai  elle  dilo  monseur  San- 
Man nique  deu  huma  mula  em  que  veio,  e  que  de  palavra  me  disse  que 
elle  desejava  de  servir  ao  serviço  de  Sua  Mageslade.  que  Ihe  quisesse 
aver  seguro  jiera  o  poder  fazer  por  esta  via  ou  pella  de  Larache,  e 
que  logo  em  comprimento  disso  escrevi  a  Sua  Mag**"  que  Ihe  quisesse 
aver  seguro  pera  o  poder  fazer  por  esta  via,  embiando  carta  sobre 
isso  por  via  do  duque  de  Mcdina  dandolhe  conta  de  sua  proposta  ;  e 
que  tenho  ordem  de  Sua  Mag''*'  para  Ihe  dar  passo  poi'  aqwi  dcrigido 
ao  duque  de  Médina,  e  o  dito  duque  logo  a  Sua  Mag'' ,  e  que  a  mesma 
ordem  ha  em  Larache  ;  e  que,  posto  que  Ihe  tenho  dado  a  enlender 
isto  por  algumas  vias,  o  nâo  quis  deixar  de  fazer  por  esta,  por  ser  tào 
certa.  E  juntamenle  pedilhe  vos  ajude  nesie  particular,  de  maneira 
que  consigan  os  efieitos  que  pretendemos,  pois  lie  o  meyo  por  onde 
elle  tambem  pode  vir  a  liberdade  que  elle  tanto  deseja. 

Nas  mais  cousas  que  se  oflerecerem,  ireis  emcaminhando  as  mate- 
rias  a  este  effeito,  esperando  de  vossa  inteligencia  que  as  tereis  tào 
digestas  que,  quando  meu  iîlho  chegue,  estejâo  casi  determinadas. 

E  de  como  o  dito  Francisco  Diaz  recebeo  este  regimento,  e  pro- 
meteo  de  o  guardar  em  tudo,  mandou  o  dito  Senlior  fazer  este 
termo,  que  assinou  com  o  dito  confador  e  escrivâo  dos  contos  e  o 
dito  Francisco  Diaz. 

Em  Mazagâo,  aos  doze  dias  do  mes  de  Janeyro  de  mile  seiscentos 
e  dezanove. 

E  eu  Domingos  Ferreira  Taveira  tabeliào  o  escrevi. 

Dom  Jorge  Mascarenhas  —  Joào  Gomez  de  Lemos  —  Salvador 
Rodriguez  do  Coulo  — -  Francisco  Diaz  Faleiro. 


Instructions  données  a  Francisco  Mascarenhas  se  rendant  a  Safi. 

La  sllunlifin  de  Moulny  Ziilon  cxl  Iclle  que  ce  prince  pourra  cire  ohHijé  de 

I.   Sainl-Maiidrior.    Sur  ce   personnage         troduclion,  notice  biographique,  el  supra, 
cl  SCS  offres  de  service  à  l'Espagne,  V.  In-        p.  19,  note  3. 


PROCÈS-VERBAUX    DES    CONSEILS     TENUS    A     MAZAGAN  33 

quitter  Safi  :  il  faudra  parer  aux  inconvénients  que  cet  événement  pour- 
rail  faire  naître.  —  Francisco  Mascarenhas  lâchera  de  venir  en  aide  au 
CliériJ  et  d'obtenir,  en  échange  de  son  concours,  ta  mise  en  liberté  de 
deux  cents  captifs.  —  Conduite  qu'il  tiendra  au  cas  où  le  Chérif 
serait  déjà  embarqué  lors  de  son  arrivée.  —  Mesures  à  prendre 
lorsque  Mascarenhas  aura  le  Chérif  à  son  bord.  —  Conseillers  dont 
il  devra  prendre  l'avis.  —  Néce.<!sité  de  mener  rapidement  l'accom- 
plissement de  la  mission.  —  Il  fera  visiter  les  navires  qu'il  trouvera  dans 
le  port  de  Safi. 

[Mazagan,  i3  janvier  i6ig]  '. 

Rcgimenfo  que  levou  Dom  Francisco  Mascarenhas,  meu  fillio,  e 
de  como  o  recebeo  e  foi  lido  a  elle.  E  as  pessoas  que  leva  por  conse- 
Iheiros  assinarâo  ao  pe  dellc,  com  o  senlior  Capitâo. 

Meu  filho,  depois  de  vos  botar  minha  bençâo,  e  a  de  Deos  que 
vos  cubra,  o  quai  permita  por  sua  misericordia  darvos  nesta  jornada 
o  sucesso  que  desejo,  pera  que  acertcis  nella  o  service  de  Deos  e  de 
Sua  Mag''%  me  pareceo  dar  vos  esta  instrucçSo  e  regimento,  que 
guardareis  nnuy  enteiramente. 

Primeiramente,  sabereis  que  o  que  me  move  a  vos  mandar  nesta 
jornada  lie  saber  o  grande  aprelo  coin  que  se  acha  Mulcy  Zidam 
que  lie  tal,  conforme  a  informaçào  que  me  veio,  e  vi  por  sua  carta, 
que  tenho  por  sem  duvida  que  elle  sera  forçado  sairse  dali.  Porque 
poderia  acontecer  embarcarse  em  navios  estrangeiros,  que  levem  sua 
pessoa  e  de  suas  molheres  e  fdlios  a  seus  Reys,  e  resultar  disso  poder 
elle  entregar  os  portos  de  Zafim  e  Sale  a  França,  Ingalaterra  ou  aos 
Estados  de  Frandes,  que  sera  muy  em  perjuiço  do  serviço  de  Sua 
Mag''%  ou  que,  aportando  ahi  alguns  navios  de  Turcos,  se  meta  nelles 
com  seu  thesouro,  de  que  pode  resultar  fazerse  alguma  ai'mada  que 
de  cuidado  a  Espanha,  me  pareceo  emviarvos  com  toda  a  pressa  a 
desviarcs  estes  inconvenientes,  e  a  ver  se  podeis  aver  as  mâos  o  dilo 
Rey,  e  trazelo  as  de  Sua  Mag''°  com  toda  sua  casa  e  thesouro,  porque, 
conseguindose  este  efTeito,  se  scguira  a  elle  outro  mayor  do  serviço 
de  Deos  e  de  Sua  Mag''°,  (jue  lie  baver  em  liberdade  duzentos  cativos 
que  estâo  em  seu  poder. 

I.   V.  infra.  Lettre  de  D.  Jorge  Mascarenlias  à  Moulay  Zidàn,  p.   38. 

De  Casthies.  111.  —  3 


34  6-2  7     JANVIER     1619 

Tanto  que  chegares  a  bahia,  se  vira  ter  comvosco  Francisco  Diaz, 
que  vay  diante  na  fragata,  o  quai  deve  ter  ya  entendido,  conforme 
a  ordem  que  leva,  o  estadodestascouzas  e  o  que  este  particularpode 
dar  de  si  ;  e  conforme  a  isso  despondereis  o  ncgocio,  nâo  vos  resol- 
vendo  em  nada,  sem  o  pai'ecer  dos  conselheiros  que  vos  nomearei. 

Em  caso  que  as  cousas  de  Muley  Zidam  estejâo  mellioradas.  e  nâo 
possa  aver  effeito  este  primciro  intcnto.  tralareis  entâo  do  resgate 
dos  cativos,  que  me  tera  prometido  por  sua  carta,  traballiando  quanto 
fare  possivelpor  tirares  todos,  porque,  quando  nâo  bastarodinlieiro 
que  levais  pera  isso,  sey  que  sobre  meu  credito  se  vos  darâo.  E  cm 
caso  que  nâo  possais  conseguir  o  l'esgate  gérai,  Iraballiareis  quanto 
vos  for  possivel  por  resgatar  os  Portugueses  eEspanhoesqueouver, 
molheres  e  meninos,  e  hum  religioso  irlandes  que  la  esta.  ' 

E  porque  pode  acontecer  que,  quando  cbcgueis  a  bahia,  acheis 
Muley  Zidam  ou  sua  roupa  embarcada  em  alguns  navios,  lançareis 
mâo  de  tudo,  sendo  na^  ios  com  que  os  nosos  possâo^,  e,  sendo  caso 
que  nelles  cstejaapessoa  do  dito  liey,  sem  embargo  de  o  cati\aresde 
boa  preza,  o  representareis  com  o  respeilo  que  se  deve  a  pessoa  real. 

E,  em  caso  que  vcnha  ou  o  ajais  a  mâo  na  forma  que  digo, 
havendo  tempo  ou  tormcnta,  trabalharcis  quanto  for  possivel  por 
nâo  arribar  a  nenhuma  parte  e  de  irvos  desembarcar  a  esta  força, 
por  excusar  os  extraordinarios  gastos  que  Sua  Mag'"  costuma  fazer 
com  semelhantespessoas'. 

Nâo  deixareis  sair  ninguem  em  terra,  e  quando  baya  de  sair  mais 
alguma  pessoa  que  a  de  Francisco  Diaz,  sera  o  adahil  Antonio  Gil 
Lobato,  e  este  saira  com  asegurança  que  a  elle  Ihe  parecer  bastante. 

Vossa  pessoa  se  nâo  desembarcara  do  navio,  e  sô  em  hum  caso 
o  podereis  fazer,  que  lie  vindovos  ver  Muley  Abd  el-Melech,  fdho 
del  Rey,  e  ficando  no  navio  em  quanto  vos  saires;  e  ainda  nesta 
forma  escusareis  de  o  fazer  quanto  vos  for  possivel. 

Na  materia  do  governo  do  mar,  nâo  tenho  que  vos  encomendar, 


1.  Ce  religieux  irlandais  était  le  P.  3.  Sur  les  frais  occasionnés  par  le  séjour 
Antoine  de  Sainte  Marie.  V.  infra,  p.  88  et  en  Espagne  de  Moulay  ech-Cheikh,  le  fils 
note  3.  de  Moulay  Mohammed  el-Mesloukh,  et  de 

2.  Sendo  navios  com  que  os  nosos  possâo  :  Moulay  en  Nasser  (i  58  i-i5g5)  et  de  Moulay 
si  nos  naWres  sont  assez  forts  pour  les  ech-Cheikh  bon  Zidàn  en  1G09,  V. /"Série, 
capturer.  Espagne,  passim. 


PROCES-VERBAUX    DES    CONSEILS    TENUS    A    MAZAGAN  35 

porque  essa  toca  ao  capitâo  do  navio,  com  o  quai  tereis  toda  a  boa 
correspondencia  possivel,  e  a  mesma  ordenareis  que  tenha  a  solda- 
desca  que  levais  coin  a  da  sua  nao. 

Metcr-se-lia  guarda  de  noitc  e  de  dia,  como  he  costume,  por 
quaitos,  assi  em  popa  como  uo  conves  do  navio,  e  em  proa  e  nas 
escotillias  o  que  for  necessario. 

E  porque  os  outros  dous  navios  que  vos  han  de  acompanhar 
levâo  seus  regimentos,  vos  emcarrcgo  somente,  e  que  assi  o  façais 
ao  capitâo  da  nao,  que  os  levé  todos  em  conserva  e  juntos,  daii- 
dolhe  anoiteser  nome,  dizendolhc  a  derrola  que  han  de  seguir  ;  e 
a  elles  se  Ihe  encomcnda  o  mesmo. 

Em  caso  que  topeis  algum  navio  na  bahia,  ou  fora  délia,  que  vos 
pareça  de  ruim  trato,  o  faieis  vir  a  vos,  e  o  fareis  visitar  por  Ruy 
Diaz  da  \eiga  e  Manoel  Rodriguez  do  Couto,  e,  achandolhe  cousas 
dcfezas,  lançareis  mâo  délie,  e  o  trarcis  em  vossa  companhia. 

O  negocio  do  resgate  vos  toriio  a  encomondar  de  novo,  corrcndo 
na  maleria  délie  com  o  provisor  Joâo  Serrado,  a  quem  encarguei 
esta  obra,  pello  padre  frei  Manoel  se  escusar  dclla. 

Nas  mais  couzas  que  se  ofFerecerem  e  em  todas  estas,  vos  nomeio 
por  conselliciros  ao  provisor  Joâo  Serrado,  pella  muita  experiencia 
que  sei  que  tem  das  couzas  do  mar  e  da  guerra,  ao  adail  Antonio 
Gil  Lobato  e  ao  capitâo  \icente  da  Cunha,  a  Ruy  Diaz  da  Veiga, 
a  Pero  Valente  da  Costa  e  a  Francisco  Diaz  Faleiro,  que,  como 
pessoa  que  tem  mais  alcansado  nestas  materias,  sera  bem  advertir  e 
apontar  o  que  convem  ncUas. 

i\o  particular  de  vossa  estada  la,  trabalhareis  quanto  vos  for 
possivel  que  se  abrevie  quanto  puder  ser,  dando  a  entender  a 
Muley  Zidam  e  a  seus  alcaydes  que  nâo  levais  ordem  minha  pera 
vos  doter  mais  de  quatro  dias  ;  e  assi  o  trabalhareis  de  fazer,  sem 
précisa  necessidade,  pcUos  muitos  inconvenientes  que  podcm 
resultar  disso. 

E  em  caso  que  hayais  de  sair  a  terra,  como  fica  referido,  o  que  de 
novo  vos  torno  a  encomcndar  (|uo  escuseis,  sairâo  em  vossa  com- 
panhia Ruy  DIelz  da  Veiga,  Pero  Valente  da  Costa  e  Manoel  Roiz 
vosso  criado,  e  o  adaliil,  se  Ihe  parecer  tornar  comvosco  ;  e  nâo 
sahira  nenhuma  outra  pessoa,  e  deixareis  o  navio  emcarrcgado  ao 
capitâo  Vicente  da  Cunha. 


36  6-2-    JANVIEK     1619 

E  porque  pode  acontecer  Muley  Zidam  tratar  alguns  partidos 
sobre  o  modo  de  sua  vinda  a  esta  força,  advirtireis  vos  e  as  pessoas 
que  vos  nomeio  por  conselheiros,  que  vos  nâo  alargareis  mais  que 
a  ordcm  que  tenho  por  caria  de  Sua  Mag''%  que  ira  tresladada  nesle 
regimento,  nem  se  Ihe  segurara  mais  que  ao  que  se  estende  a  dita 
ordem  e  carta. 

Sendo  caso  que  Muley  Zidam  se  resolva  a  vir  em  vossa  com- 
panhia,  nâo  consinlireis  que  se  embarque  nos  navios  gente  que 
seja  superior  a  nossa,  e  bavera  gran  vigilança  de  noite  e  de  dia, 
trazendo  loda  a  nossa  gente  armas  e  mechas  acezas,  dando  conta 
neste  parlicular  ao  capitâo  da  nao  pera  que.  de  conformidade  com 
elle,  se  procéda  com  toda  a  segurança  possivel. 

E  porque  tcnbo  aviso  que  ficavâo  na  babia  de  Zafim  dous  navios 
nâo  de  grande  jiorte,  carregados  de  asucar',  a  primeira  couza  que 
fareis  sera  cbegarvos  a  elles,  e  fazer  vir  ao  vosso  navio  os  capitâes  e 
pilotos,  pera  Ibe  tomar  seus  ditos  e  ver  seus  passaportes,  e  mandal- 
os-heis  visitar  por  Ruy  Diaz  da  ^  eiga  c  por  Manoel  Roiz.  como  fica 
dito  ;  e  nâo  largareis  os  pilotos  e  capitâes  dos  ditos  navios  vossos,  e 
metereis  em  bum  Ruy  Diaz  da  Veiga  com  dez  ou  doze  mosqueteiros, 
e  no  outro  Pero  \alente  com  outros  tantos.  tirandolbe  juntamente 
alguns  de  seus  marinlieiros  aos  ditos  navios.  atripulando  aos  ditos 
lugares  com  outros  que  tirares  da  vossa  companbia  ;  e,  sem  embargo 
de  nâo  ser  navios  de  piratas,  be  bem  que  se  averigue  se  trazem 
cousas  defesas  a  Berberia,  e  juntamente  que  façais  com  elles  corpo 
de  armada  pera  o  que  suceder  de  necessidade. 


Lettre  de  Philippe  m  a  Jorge  Mascarenhas. 


Instructions  à  Mascarenhas  pour  le  cas  où  Moulay  Zidàn  demanderait  à 
être  conduit  à  Mazagan  ;  précautions  à  prendre  et  surveillance  à  exercer 

1.   V.  supra,  pp.  2O-37. 


PROCÈS-VERBAUX    DES    CONSEILS    TENUS    A    MAZAGAN  3"] 

autour  du  ChériJ.  —  Mascarenhas  rendra  compte  des  événements  à  Sa 
Majesté. 

San  Lorenzo,  20  septembre  1616. 

Treslado  '  da  carta  de  Sua  Mag''". 

Dom  Jorge  Mascarenhas.  amigo. 

Eu  El  Rcy  os  cnivio  muito  saudar.  Ilavendo  visto  o  que  me 
escrevestes  em  catorce  de  Dezembro  do  anno  passado,  acerca 
do  modo  em  que  devcis  de  procéder,  em  cazo  que  Muley  Zi- 
dain  se  venlia  amparar  c  rocolher  a  essa  forfaleza,  hey  por  bcm 
que,  sucedcndo  assi.  guardcis  com  elle  a  mcsma  ordem  que 
estava  dada  para  Muley  Xeque  e  seu  filho  Muley  Abdela',  que 
era  que  fossem  recolhidns  com  pouca  gente,  de  maneira  que 
por  respelto  délia  se  nào  pudesse  temer  risco  algum,  advirtindo 
que  no  numéro  de  gente  que  entrar  com  Muley  Zidam  convem 
procéder  com  grande  tento  e  recato,  e  que  a  mais  que  trouxer  em 
sua  companhia  ficara  a  sombra  da  artelliaria  fora  das  balas.  E  logo 
como  o  ouveres  recolhido,  me  avisareis  com  toda  dilio;encia,  com 
particular  relaçào  de  como  o  recebisleis,  e  da  gente  com  que  cntrou, 
e  da  que  ficou  de  fora  pera  eu  mandar  o  que  for  servido. 

Escrita  em  Sam  Lourenço,  a  20  de  Setembro  de  iGiO. 

Rey. 


Signé  :  Dom  Jorge  Mascarenhas  —  Dom  Francisco  Mascarenhas 
—  O  provisor  Joâo  Serrado  —  Antonio  Gil  Lobato  —  Vicente  da 
Cunha  da  Costa  —  Ruv  Diaz  da  Veiija  —  Pero  Valente  da  Costa. 


I.  Tracluclion  on  langue  portugais!' de  ment  dccesprinces. OnserappcUeque  Mou- 
la lettre  de  Philippe  111  ipii  devait  iMre  lav  ech-Cheikh,  vaincu  par  MoulaY-Zidin, 
écrite  en  espagnol.  passa  seul  en  Espagne;  son  fils  MoulayAbdal- 

a.  Allusion   aux  instructions  qui  furent  lah  resta  au  Maroc.   Cf.   /'''  Série,  France, 

donnéesen  if)0()  en  prévisiondelembarque-  I.  M.pp    i^^-^Dî  et  Espagne,  année  i6oc|. 


38  6-2"    JANVIER     1619 


Lettre  de  Jorge  Mascarenhas  a  Moulay  Zidàn. 

Vœux  en  faveur  des  armes  de  Moulay  Zidân.  —  //  lui  envoie  son  fils, 
Francisco  Mascarenhas ,  avec  trois  navires  ;  ce  dernier  traitera  de  la 
venue  éventuelle  du  Cher  if  à  Mazcujan  cl  du  rachat  des  captifs. 

Mazagan,  i3  janvier  1619. 

Treslado  da  carta  pera  Muley  Zidam. 

Muy  alto  e  poderoso  rey  e  senlior  entre  os  Mouros.  Por  Fran- 
cisco Diaz,  meu  criado,  recebi  a  de  Y.  Alleza,  sentindo  em  muito  o 
sucesso  passado.  Porem  grandes  couzas  nâo  acontecem,  senâo  a 
grandes  principes.  Permitira  Deos  que  Iras  estes  tenha  V.  A.  con- 
tra esse  seu  enemigo  os  bons  que  Deos  llie  pode  dar.  E  folgai'a  em 
particular  poder  ser  de  proveito  a  \  .  A.  em  esta  ocasiâo.  No  que  o 
posso  fazcr,  he  enviar  tras  este  barco  em  meu  lugar  a  meu  filho  Dom 
Francisco,  que  partira  dentro  de  dous  dias,  com  o  favor  de  Deos, 
com  très  navios  que  se  acharâo  neste  porto,  como  mais  particular- 
mente  dira  o  portador  a  V.  A. ,  pera  que,  em  caso  que  as  couzas  sejâo 
de  calidade  que  obriguem  a  V.  A.  a  mudarse  dahy,  se  possa  vir  a 
esta  força,  a  quai  Ihe  offereço,  em  nome  de  Sua  Mag''%  pera  se 
retirar  a  ella,  com  toda  a  sua  casa  e  as  pessoas  que  quizer. 

Beijo  a  V.  A.  as  mâos  pella  mercê  que  me  faz  em  me  dizer  que 
se  fara  toda  a  minlia  vontade  no  resgate  dos  cativos,  de  que  fico  tâo 
agradecido  como  lie  justo,  e  nâo  o  poderei  servir,  senâo  em  repre- 
sentar  a  Sua  Mag'"  o  boni  animo  de  \ .  A.  neste  particular,  que  sera 
de  muito  effeito  pera  tudo  o  que  ao  diante  se  offerecer.  Francisco 
Diaz  tratara  o  preço  que  eu  me  obrigo  por  esta  a  pagar  a  ^  .  A.,  nos 
generos  de  fazenda  e  dinheiro  que  A  .  A.  for  servido,  os  quaes  se 
entregarâo  a  pessoa  que  V.  A.  ordenar.  E  quando  os  navios  em 
que  vay  meu  filho  nâo  sirvâo  de  V.  A.  se  vir  nelles,  sirvâo  de  me 
trazer  muitos  cativos,  porque  doutra  maneira  nâo  me  pagara  V.  A. 
a  boa  vontade  com  que  Ihos  emvio  e  a  que  tcnho  de  servir  a  V.  A. 
com  El  Rey  Dom  Plielippe  meu  senhor,  a  qucm  nâo  dou  aviso  de 
nada,  ate  sabcr  a  resoluçâo  de  tudo  com  a  vinda  do  meu  filho. 


PROCÈS-VERBAUX    DES    CONSEILS    TENUS    A    MAZAGAN  Sq 

j  Nosso  S''  guarde  a  ^  .  A.   e  o  traga  a  seu  verdadciro  conheci- 
mcnlo  ! 

Mazagâo,  trece  de  Janeiro  de  mil  e  seiscentos  e  dezanove  annos. 

Muy  alto  e  podcroso  Rey  e  Senlior  entre  os  Mouros,  bcija  as  mâos 
de  V.  A.  seu  servidor, 

Dom  Jorge  Mascarenhas. 


Com  estas  carias,  que  se  duplicarâo,  partio  a  fragata',  e  Iras  ella 
meu  fiUio  Dom  Francisco  com  très  navios,  comvem  a  saber  :  huma 
nao  de  Amburgo^  com  trinta  pessas,  hum  navio  frances  com  doze 
e  hum  patache  castelhano.  Gastarâo  na  jornada  quince  dias,  e  do 
que  nella  Ihe  sucedeo  fizerâo  a  declaraçào  seguintc. 

Rapport  de  Francisco  Mascarenhas 

Départ  des  navires  et  arrivée  devant  Sa/i.  —  Reconnaissance  des  vaisseaux 
qui  se  trouvaient  dans  le  port.  —  Francisco  Diaz  a  apporté  les  remer- 
ciements du  Chérif  et  fait  connaître  l'impossibilité  où  celui-ci  était  de 
rendre  la  liberté  aux  esclaves  chrétiens,  lesquels  constituent  présentement 
sa  (jarde.  —  Discordes  et  révoltes  an  camp  de  Yahia  ben  Abdallah.  — 
Convention  pour  le  rachat  des  esclaves.  —  I\é(/ociations  en  vue  du  pa.isac/e 
du  Chérif  à  Azemmour. 

[Mazagan,  janvier  lOig] 

Primeiramcnte  disserâo  que,  partindo  daqui  a  fragata  diante  a 
segunda  feira^  que  nâochegou  la  senâo  a  sesta,  que  foiodiaemque 
daqui  parlirâo  os  navios,  per  rezâo  de  cabiianas,  e  que,  saindo  em 

1.  C'est  la  frégate  dans  laquelle  partit  3.  La  frégate  partit  le  lundi  qui  suit  le 
Diaz  Kaleiro  ;  le  fils  de  Mascarenhas  devait  i3,  soit  le  i/i  janvier  (le  i3  est  un  dimanche 
partir  deux  jours  après  lui,  soit  le  lO  jan-  en  i*>Iij)  ;  elle  n'arriva  à  Safi  que  le  ven- 
vier  lOiy.  dredi   18  janvier  et  ce  fut  ce  jour-là  que 

2.  Amburtjo,    Hambourg.  partit  en  réalité  D.  Francisco  Mascarenhas. 


/(O  6-2"     JANVIER     l6lj) 

terra  Francisco  Diaz,  que  hia  nella,  achou  Muley  Zidain  em  estado 
que,  se  naquelle  dia  chegarâo  os  navios,  se  embarcara  nelles  sem 
nenhuma  duvida. 

Disserâo  mais  que,  em  partindo  daqui  os  navios  a  sesta  feira  de 
madrugada,  coiierâo  aquelle  dia,  e  pairarâo  de  noite.  E  estando  tanto 
avanie  com  o  cabo  de  Cantim.  llie  acalmou  o  vento;  e  com  isso  se 
detiverâo  aie  o  domingo'.  E  que  acbarâo  na  bahia  cinco  navios, 
convem  a  saber  :  dous  dosEstados^,  dous  Ingreses  e  lium  Frances 
pequeno  com  Mouros  de  Sale,  e  que  em  lerra  estava  outra  fragata 
de  Sale  de  nove  o  doze  remos  por  banda. 

Disserâo  mais  que,  antes  de  surgir,  mandarâo  reconhecer  os 
navios  pello  palaxe  castelhano  :  e  que  os  Olandeses  bolarâo  barco 
fora  e  vierào  a  nossa  capitana,  dizendo  que,  estando  no  porto,  se  llie 
nâo  fizera  cortesia  com  a  nossa  bandeira  ;  a  que  respondeo  Dom 
Francisco  que  elles  tinhâo  excedido  o  modo,  pois  nâo  abatiâo  a 
bandeira  a  de  Espanlia  ;  e,  sem  embargo  de  os  mandar  liospedar, 
se  levantarào  ao  dia  siguinte^  levando  consigo  os  dous  ingreses. 

Declararâo  mais  que  estiverâo  aquelle  dia  e  o  seguinle'  sem  vir 
de  terra  a  nossa  fragata,  que  avia  ido  diante  por  rezâo  de  aver  muilo 
mar  na  bahia;  e  que.  metendose  o  venlo  no  sudueste,  os  obrigou  a 
levar  ferro  e  fazersena  volta  do  mar,  onde  andarâo  dousdias  '  ;  e  que, 
tornando  ao  porto,  por  abonansar  o  tempo,  veyo  da  terra  Francisco 
Diaz,  o  quai  veyo  com  recado  de  Muley  Zidam,  de  grandes  agrade- 
cimentos,  e  que,  no  parlicular  dos  calivos,  nâo  estava  em  tempo  de 
os  poder  largar,  por  quanlo  délies  so  se  confiava  e  faria  sua  guarda, 
por  rezâo  de  se  nâo  fiar  dos  Mouros  ;  porem  que  daria  os  desla 
força\  porque  so  nella  e  no  amparo  de  Sua  Mag'"  tinha  suas  espe- 
ranças. 

Disserâo  mais  que  nesle  comenos  ouve  diflerenças  no  campo  do 
Cassis,  que  tinha  mais  de  quarenta  mil  homens,  e  que  crecerâo  de 
maneira  que  peleijarâo  huns  com  oulros'  e  morreo  muita  gente;  e 

1.  Le  dimanche  ao  janvier.  5.   Dous  dias,  le  22  et  le  28  janvier. 

2.  Estoios  :  Les  États-Généraux  des  Pro-  6.  Os  desla  força,  c'est-à-dire:  les  cap- 
vinces-Unies.  tifs  provenant  de  la  place  de  Mazagan.  V. 

3.  Dia  siguinte.  le  lundi  21  janvier.  infra,  p.   Ixi. 

!\.  A'juelle  dia  e  0  siguinte,  le  20  et  le  7.   Les  contingents  de  Sidi  Yahia  se  di- 

21  janvier.  visèrent  en  trois  groupes  :  les  gens  de  Mer- 


PROCÈS-VERBAUX    DES    CONSEILS    TENUS    A    MAZAGAN  ^I 

que,  com  esta  discordia,  levantarâo  o  cerco,  hindo  o  Cassis  na  volta 
de  Marrocos'  com  dczoito  ou  vinte  mil  Iiomcns,  e  os  mais  se  forâo 
pera  suas  terras,  deixando  no  alojamento  escadas,  bastimento  e 
outras  couzas  que  os  de  Zafim  recolherâo. 

No  mesmo  dia,  mandou  Muley  Zidam  recado  a  Dom  Francisco 
que,  com  sua  chegada,  llie  fizera  Deos  merce,  e  lançou  tendas  fora, 
e  despachou  correos  pera  todas  as  partes,  apregoando  (juatro  pagas 
e  outras  vcntajas. 

Estando  as  cousas  nesle  eslado,  se  tratou  com  elle  do  rcsgatc  a 
que  se  liia  :  e  costarâo  se  os  nove  cativos  de  Mazagâo,  convem  a 
saber  :  os  cinco  cavaleiros  a  duas  mil  oncas  cada  hum,  e  quatro  escu- 
las  de  jiee  a  mil  e  (piinhenlas  onças,  per  sercm  todos  moços,  que 
se  Ihe  pagarâo  em  dinlieiro;  e  o  dia  que  os  entregou,  mandou  com 
elles  huma  espada  a  Dom  Francisco,  dizendoUic  que  Iha  mandava 
por  Iha  aver  mandado  o  Grâo  Turco. 

Declarou  mais  F'rancisco  Diaz.  que  lie  a  pessoa  que  andou  nestes 
negocios,  e  hia  e  vinha  a  terra  a  fallar  com  elle,  que  Muley  Zidam 
Ihe  disscra  que  elle  se  vinha  a  Azamor  pera  segurar  sua  pessoa, 
molher  e  fdhos  e  thesouro  a  sombra  desta  praça  ;  e  Ihe  perguntara  se 
podia  estar  seguro  debaixo  da  arlelharia,  e  se  enlrase  aqui,  se  o  tor- 
nariâo  a  deixar  ir  livicmcnte,  e  a  suagente  se,  (icando  de  fora,  ficava 
segura.  A  que  Ihe  respondeo  que,  mctendose  dentro  dos  valos  com 
suas  tendas,  que  nâo  se  Ihe  podia  fazer  nenhum  dano,  e  que,  metendo 
sua  molher  e  fdhos  e  tesouro  dentro  da  fortaleza,  que  ficava  muy 
segura,  pois  a  fortaleza  ei'aa  mellior  que  havia  no  mundo,  e  que,  no 
tocante  a  podcr  sair,  visse  o  que  se  fez  a  seu  irmâo  em  Espanha. 
Com  que  ficara  muy  contento,  dizendolhe  que  nenhuma  cousa  sentia 
no  aperto  em  que  se  vira  mais  que  deixar  as  molheres  que  tinha. 

Disse  mais  Francisco  Diaz  que  Ihe  pregunlou  Muley  Zidam  se 
poderia  o  Capitâo  asentar  pazes  com  elle  e  que  elle  Ihe  respondeo 
que  o  podia  fazer  ate  avisar  a  Sua  Mag''";  e  que  com  esto  se  despe- 
dira,  dizondo  (|ue  se  podiâo  vir  os  navios.  porquc  dentro  em  très 
dias  se  pailia  jiera  Azamor,  onde  fosse  logo  ter  coin  elle,  c  que  pera 


rakccli  rostironl  fidèles  au  marabout,  ceux  i.   On  a  vu  plus  haut  que  li'   Marabout 

du   Sous  suivirent  son   neveu  et  ceux  de        n'était  pas   encore  entré  dans   Merrakcch 
llaha  prirent  parti  pour  Abeda.  V.  p.  '18.  (pp.  21  et  27). 


^2  6-37    JANVIER     tBiQ 

isso  Ihe  deu  hum  scguro  real  que  trazia,  e  que,  em  chegando  aquelle 
lugar,  que  sâo  duas  leguoas  de  Mazagâo,  que  alli  tratariâo  de  assen- 
tar  a  paz  e  o  resgate  dos  cativos,  e  que  tudo  o  que  o  Capitâo  quisesse 
se  faria. 

Declararâo  mais  que  escrevera  Muley  Zidam  a  Dom  Francisco 
carta  em  que  llie  pedia  seguro  pera  os  navios  de  Sale,  e  que  elle  Iho 
dcra  por  concluir  o  negocio  do  resgate,  e  que  os  navios  erâo  huma 
fragafa  [)equena  com  vinte  homens,  e  hum  navio  franccs  de  pequeno 
porte  com  trinta  homens  e  quatro  roqueiras  c  poucas  espingardas. 

Disse  mais  Francisco  Diaz  que  estava  Muley  Zidam  com  grâo 
falta  de  armas  e  de  moniçôes. 

E  todos  assinarijo  a  dita  declaraçâo. 

Dom  Francisco  Mascarenhas  —  O  provisor  Joâo  Serrado  —  O 
adail  Antonio  (Jil  Lobato  — ■  O  capitâo  \icente  da  Cunha  —  Ruy 
Diaz  da  Veiga  —  Pcro  \  alente  da  Costa  —  Francisco  Diaz. 


Lettre  de  Moulay  Zidàn  a  Francisco  Mascarenhas. 

//  prie  Mascarenhas  de  ravitailler  les  navires  qui  sont  venus  de  Salé  pour 

lui  porter  secours. 

Safi,  lo  [Scfcr  i028]-[27  janvier  i6ig.]* 

Treslado'  da  carta  de  Muley  Zidam. 

Dom  Francisco,  gênerai  dos  très  navios  que  nos  vinieron  de  Maza- 
gâo, hijo  do  governador  Dom  Jorge  Mascarenhas,  salud. 

Despues  de  los  mas  scrvicios  que  nos  havcis  qnerido  hazer,  nues- 
tra  volunlad  es  que  mireis  por  los  otros  navios  que  nos  vinieron 
de  Sale,  y  los  socorrais  en  sus  necessidades,  mientras  alli  cstuviere. 
Y,  para  que  mexor  se  cumpla  esta  nuestra  voluntad  y  vos  la  vuestra 

I.   Cotte  lettre   a  été  écrite  le  lo  de  la         loaS   correspondant    au   27  janvier    1619 
lune  qui    suit  le  mois  de  Moharrem  (V.         de  l'ère  clirétionne. 
supra,  p.  'l'i,  note  3),  soit  le  10  de  Sefer  2.    Cette    traduction    est    en    espagnol. 


PROCÈS-VERBAUX    DES    CONSEILS    TENUS    A    MAZAGAN  ^3 

obligacion,  iran  ancorar  a  par  de  si,  porque  ansi  me  rogaron,  y  le 
doi  gracias  por  las  merces  que  les  haveis  hecho,  que  ansi  tambicn 
me  lo  lian  diclio. 

Oy,  de  Zafim,  alos  diez  de  la  luna. 

Ylen  si  acaso  no  pudieren  arribar  con  el  viento,  puedan  ancorar 
en  vuestro  puerlo,  como  lo  hallareis  en  qualquier  necessidad  que 
se  olTerezca. 

Mascarenhas. 


Archives  espagnoles  du  Gouvernement  qénêral  de  l'Alr/e'rie.  —  A'^"  ^90 
(anciennement:  Registre  1680,  ff.  '27'2-'283).  —  Copie  du  xvu''-  siècle'. 

i.   Documents   rapportés    dos    Archives        autre  copie  de  ce  dossier  au  British  Muséum, 
de  Simancas  par  M.  Tiraii.  —  Il  existe  une        Aild.  ^{ss.   284O1,  ff.    sG-SG. 


4    FÉVRIER     1619 


LETTRE  DE  JORGE  MASCARENHAS  A  PHILIPPE  IIP 

Situation  précaire  Je  Moiilay  Zidân  assiégé  dans  Safi  par  le  rebelle  Yahia 
ben  Abdallah.  —  Conseils  de  (juerre  tenus  à  Mazafjan  et  mesures  p?-i- 
ses  en  vue  de  la  retraite  de  Moulay  Zidân  sur  cette  place.  —  Attitude 
incorrecte  du  Frère  .Manuel  ijui  a  refusé  de  réunir  les  fonds  néces- 
saires au  rachat  des  captifs.  —  Bien  que  Merrakech  se  soit  déclaré  pour 
Yahia  ben  Abdallah,  les  affaires  de  Moulay  Zidân  semblent  en  meil- 
leure voie.  —  Les  Chebanat  ont  attaqué  un  convoi  du  rebelle  et  l'ont 
pillé.  —  Celui-ci  se  fait  appeler  ^Moulay  ech-Cheikh  ben  Abdallah  pour 
augmenter  sa  popularité.  —  Graves  désordres  dans  son  armée  qui  se 
plaint  de  n'être  pas  payée.  —  Il  a  dû  lever  le  siège  de  Safi  et  se  dirige 
sur  Merrakech.  — Si  l'on  n'a  pu  racheter  qu'un  petit  nomtire  d'esclaves, 
la  responsabilité  en  revient  au  Frère  Manuel  qui  a  traversé  les  négocia- 
tions. —  Calomnies  que  celui-ci  répjand  au.'iujet  de  cette  affaire.  —  Mou- 
lay Zidân  se  rend  à  Azemmour.  —  Le  rétabiissenient  de  la  paix  est  à 
désirer  pour  permettre  aux  indigènes  de  cultiver  leurs  terres.  —  Masca- 
renhas  aurait  voulu  annoncer  à  Philippe  III  que  Moulay  Zidân  était  venu 
se  mettre  sous  sa  sauvegarde,  que  les  captifs  étaient  rachetés  et  que  la 
forteresse  de  Salé  était  soumise  à  l'Espagne.  —  //  espère  que  ce  dernier 
désir  pourra  être  réalisé;  il  a  eu  un  entretien  avec  un  Andalou  de  Salé 
qui  lui  a  promis  de  livrer  la  place.  —  //  demande  des  munitions  et  des 
vivres. 

Mazagan,  ^  février  1G19. 

En  tèle,  alla  manu:  Visio  para  la  hisloria. 

Carta  para  Sua  Magcstade  de  dom  Jorge  Mascarenlias,  governa- 
dor  e  capilâo  gênerai  de  Mazagâo,  sobre  materias  del  Rey  Muley 
Sidâo  e  socorro  que  Ihe  pedio  e  se  Ihe  deu. 

I .  La  plus  grande  partie  de  la  lettre  de  groupe  de  documents  qui  précède.  On  a  cru 
D.  Jorge  Mascarenlias  n'est  qu'un  récit  inutile  d'établir  en  note  aucun  rappro- 
coordonné  des  événements  contenus  dans  le        chôment. 


LETTRE    DE    JOUGE    MASCARENHAS    .V    PHILIPPE    III  45 

Senlior. 

No  ultimo  navin  que  daqui  paitio,  aviscy  a  V.  Mag'''  do  eslado 
e  revoluçâes  da  Bcrberia,  e  das  rezâes  que  avia  para  enteiider  que 
quebrâria  Muley  Zidam.  como  despois  aconteceo.  E,  liavcndo  pas- 
sade quince  dias  sem  o  saber.  me  veo  bum  Mouro  de  nova,  e  me 
disse  como  o  Cassis  levantado  Ibe  dera  batalba  e  o  desbaralara, 
ganhandolbe  lendas  e  artelharia  de  campanha,  e  que  Muley  Zidam 
se  saliira  da  batalba  com  dous  alcaydes  e  se  relirara  a  Zafim,  onde 
tinha  sua  molber  e  filbos  ;  e  que  o  Cassis  fora  em  seu  seguimenlo  e 
o  tinba  cercado,  o  que  me  afirmava  como  pessoa  que  se  acbara 
na  batalba.  Com  esta  nova,  considerei  que  poderia  ser  boa  ocasiâo 
pera  mandar  liuma  fragata  a  Zafim,  assi  a  tralardo  resgate  doscati- 
vos,  como  a  ver  o  estado  em  que  estava.  E  dando  conta  deste  intento 
as  pessoas  de  consideraçâo  deste  lugar,  Ibes  pareceo  que  nâo 
somente  Ibe  dévia  escrever  sobre  elle,  mas  que  juntamente  Ibe 
dévia  de  dar  o  pezame  da  pcrda  e  offerecerlbe  em  nome  de  V.  Mag'" 
o  em  que  daqui  opudessemos  ayudar.  E  com  luima  caria  ncstacom- 
formidade.  despacbei  a  fragata,  que  dentro  cm  scis  dias'  voltou  com 
reposta,  avisandome  a  pesoa  que  nella  mandei  do  grande  apreto 
em  que  estava,  que  era  de  calidade  que  se  nâo  poderia  sostentar 
muitos  dios  no  cerco,  assi  pella  falta  em  que  estava  de  muniçeons, 
como  por  nâo  aver  no  lugar  lenha.  E  o  mesmo  fiquei  colegindo  da 
carta  que  me  escreveo,  pois  nella  me  pedia  Ibc  quisesse  aver  dos 
na\  ios  que  estavâo  neste  porto  algumas  moniçôes  e  emviarlbas  pella 
mesma  fragata,  dizendo  juntamente  que  no  particular  dos  cativos. 
veria  em  tudo  o  que  eu  quizesse. 

Com  esta  carta  e  dito  do  bomem  que  eu  mandei  na  fragata,  fiz 
segunda  juiita,  assi  pera  me  resolver  no  que  dévia  de  responder  acerca 
do  que  me  pedia,  como  pera  o  modo  em  que  mandaria  tratar  o 
negocid  do  lesgate.  E  resolvendose  que,  pois  bum  Rey  naquelle 
eslado  se  (jueria  \  aler  da  grandeza  de  V.  Mag''°,  que  era  bem  que 
nâo  Ibe  fallasse.  asscntando  todos  comigo  que  Ibe  dévia  inandar 
hum  pequeno  socorro  de  muniçôes,  considerando  eu  o  estado 
do  negocio,  e  que  nâo  dava  lugar  de  avisar  a  V.  Mag**",  ordenei 

I.   Celle  iTK^ntloii  a  servi  à  dater  le  rapport  de  Faleiro.  V.  supra,  p.  2"),  noie  i. 


l\Q  4    FÉVRIER     1619 

que  fosse  outra  vez  a  fragata,  com  quatro  quintaes  de  polvora,  qua- 
tro  de  chunibo  e  dous  de  murrâo,  com  ordem  que,  quando  desem- 
barcasscm,  o  nûo  fizessem  a  saber  de  nenhuma  maneira,  e  que  so 
pera  lunn  effeito  a  levavâo,  que  era  verem  o  lugar  tâo  apretado  que 
nâo  tivessem  com  que  se  defender  aie  a  chegada  dos  nossos  navios 
que  tras  elle  emviava,  pois  nâo  era  justo  que  arriscasemos  nâo  vir 
este  Rey  as  mâos  de  V.  Mag''°,  e  pcrderem  os  cativos  que  consigo 
tinha  a  liberdade  que  podiâo  ter  por  esta  via,  por  sellie  dar  hum 
tâo  pequeno  socorro. 

Partida  a  fragata.  fiz  logo  aprestar  huma  nao  de  Amburgo  que 
aqui  estava  arlclhada  com  trinta  pcssas,  e  hum  navio  frances  de 
bom  porte  tambem  artilhado,  e  outro  pataxe  castelhano,  pera  que 
fossem  a  hum  de  dous  effeitos  :  o  primeiro,  a  ver  se  queria  embarcar 
nelles  e  virse  ao  amparo  de  V.  Mag"*",  e  com  isso  trazer  a  liberdade 
todos  os  cativos  de  graça,  ou,  quando  isto  nâo  acontecesse,  conse- 
guirse  o  resgate  délies;  o  segundo,  a  desviar  a  que  o  dito  Rey  se 
nâo  embarcasse  em  dous  navios  ingreses  e  outro  frances  que  este- 
vâo  naquelle  porto  de  Zafim,  pois  o  podiâo  levar  a  Ingalaterra  ou 
a  França,  c  resultar  disso  poder  entregar  aquelle  Rey  os  portos  que 
tem  nesta  costa.  ou  passarse  nos  ditos  navios  a  Sale  ou  a  Turquia, 
e  perderse  ocasiâo  délie  vir  as  mâos  de  V.  Mag"*',  donde  se  podia 
conseguir  entregar  Sale. 

Estando  o  negocio  neste  eslado,  sem  embargo  de  se  ter  levanta- 
do  Fr.  Manoel  com  a  liberlade,  digo  obedicncia  que  se  me  dévia 
como  a  pessoa  quegovernou  em  nome  de  \  .  Mag''°  este  lugar  e  com 
as  ordens  e  obrigaçâo  do  seu  regimento,  Ihe  mandei  dizer  que  orde- 
nase  dinheiro  para  este  effeito,  ao  que  nâo  quis  deflerir.  E  assi  me 
resolvi  a  mandar  o  que  havia  em  minha  casa,  a  cargo  do  provisor 
Joâo  Serrado.  E.  pera  os  navios  irem  como  convinha,  embai'quei 
nelles  a  meu  fdlio  Dom  Francisco  Mascarenhas,  acompanhado  com 
boa  gente,  escrevendo  a  Muley  Zidam  como  embiava  os  ditos  navios, 
para  em  caso  que  fosse  necessario  sairse  de  Zafim,  o  pudesse  fazer 
nelles  e  virse  a  esta  força,  que  Die  offerecia  em  nome  de  V.  Mag''", 
e,  quando  Ihe  nâo  fossem  necessarios,  que  Ihe  pagasse  a  boa  vontade 
com  que  Ihos  mandava  em  querer  resgatar  todos  os  cativos  que 
tinha,  como  me  havia  escrito  que  laria,  e  (jue  meu  filho  levava  ordem 
e  dinheiro  para  Ihos  pagar. 


LETTRE    DE    JORGE    MASCARENHAS    A    PHILIPPE    III  47 

Chegarâo  a  Zafim  a  tempo  que  a  gente  de  Muley  Zidam  tinlia 
feilo  huma  saida  da  cidade  e  ganhado  nella  aos  do  Icvantado  cinco 
pessas  de  artelliaria,  coin  que  Uie  fazia  dano.  E  como  Marrocos  se 
tinlia  ja  declarado  pello  Cassis,  mandou  buscar  a  artelliaria  que  havia 
naquella  cidade  pera  continuaro  cerco.  E  vindolhe  por  caminho, 
derâo  os  Xaibanes  ',  que  lie  huma  cabildada  may  de  Muley  Zidam.  nos 
que  u  traziâo,  e  degolarào  muitos,  e  Iha  lomarâo.  E,  sem  embargo  do 
Cassis  estar  ja  alansoreado  por  rey  e  inudado  de  nome,  chamandose 
Muley  Xeque  bem  Avdela'.  ouve  motim  no  seu  exercito.  tomando 
por  motivo  que  Ihes  nâo  pagava,  e  foi  de  qualidade  que  vierâo  a 
peleijar  huns  com  os  oulros.  Afirmâo  que  morrerùo  muitos;  com  o 
que  levantou  o  serco,  e  se  foi  na  volta  de  Marrocos,  com  perto  de 
vinte  mil  homens.  E,  como  se  tem  nomeado  pov  rey,  tenho  por  sem 
du  vida  que  se  nâo  desera  de  sua  opiniâo,  como  Muley  Zidam  tem 
lugar  pera  se  sair  pera  Aduquella  e  havera  muitos  dias  em  que  enten- 
der  nesta  guerra.  E  parece  que  fol  promlssâo  divlna  nâo  se  acabar 
desta  vez,  pellos  inlentos  com  que  cstavaestelevantado,  que  erâo  de 
qualidade,  que  determinava,  despois  entrar  Zafim,  virse  pella  Adu- 
quela  pur  cerco  a  esta  prassa  ou  a  Mamora,  e  scnhorearsc  da  Xauhia 
e  Sale,  antes  de  enlrar  em  Marrocos:  e  tudo  llie  fora  facil  e  dera 
muito  que  entender  a  estas  praças,  se  ouvera  as  mâos  a  pessoa  de 
Muley  Zidam  e  seu  thesouro. 

Quando  meu  filho  chegou  a  Zafim,  achou,  de  mais  dos  navios 
referidos,  dous  do  conde  Mauricio,  que  tiiihâo  ja  lançado  mâo  dos 
dous  ingreses.  E  estava  Muley  Zidam  concertado  pera  se  embarcar 
nelles\ 

Havia  mais  dous  navios  de  pouco  porte  de  Sale,  com  Andaluzes. 
Os  dos  Eslados  quiserâo  ter  competencia  de  bandeiras  com  os  nossos 
navios,  em  que  Dom  Francisco  acudio  conforme  sua  obrigaçâo  ;  e 
com  isso  levanlarâo  os  navios  do  conde  Mauricio,  levando  em  sua 
companhia  os  dous  ingreses.  Como  que  escreveo  Muley  Zidam 
huma  caria  a  meu  filho,  pcdindolhe  seguro  pera  os  navios  de  Sale, 

1.  Xaibanes:  les  Chebànat.  —  Sur  cnlte  la  crédulité  indigincesl  telle  que  ce  subler- 
tribu,  V.  Ibn  Kiialdol'n,  t.  I,  pp.  i  uj-iaS;  fi'ge  ramùne  toujours  à  leur  cause  quolq^ies 
El-Oufrà.m,  pp.  427,  /('.iS,  477  et  5o2.  partisans. 

2.  Ce  changement  de  nom  csl  d'iiii  usage  ,3.   V.    i'''  Série,  Pays-Bas,  t.    Ill,  à   la 
constant  parmi  les  chefs  d'insurrection,  et      date  du  3o  mars  1619. 


/j8  li     FÉVRIER     1619 

que  Ihe  deu  por  nâo  danar  com  isso  o  negocio  do  resgate,  de  que 
hia  Iratar.  E.  por  mais  deligencias  que  fez  nelle,  nâo  pode  aver  as 
mfios  mais  que  cinco  cavaleiros,  e  quatre  esculas.  que  la  eslavâo 
desle  lugar,  c  hum  Frances,  pay  de  outro  que  he  marinheiro  na 
cara\  ela  desta  força.  E  nâo  foi  a  menor  causa  de  se  nâo  conseguir 
mor  resgate.  cartas  que  forâo  deste  lugar  de  Fr.  Manoel.  escrevendo 
a  El-l\ey  e  ao  renegado  Abgil  que  o  estorvase  e  se  nâo  effcituasse 
por  esta  vez,  porque  arriscava  com  isso  seu  crédite.  Em  fim,  agora 
vera  Y.  Mag''"  com  evidencia  clara  quai  foi  sempre  meu  zello  neste 
particular.  pois  pello  mestrar  arrisquei  meu  fdhe  e  minlia  fazenda, 
a  quai  offeroci  muitas  vezes  pera  este  effeito,  como  mostrarei  clara- 
mente.  mandandome  \.  Mag"*""  ouvir  por  ministres  cliristâos  e  fora 
de  paixâo.  E  so  espère  dos  que  me  calumniarâo  ate  agora  neste 
particular,  dizendo  que  eu  empedia  o  resgate,  que  de  nevo  e  façâo 
dizendo  que  nâo  he  officie  meu  resgatar  cautlvos. 

Mule\  Zidam  fica  fora  de  Zafim  :  e  e  Cassis  se  foi  pera  Marrocos 
e  esta  as  perlas  da  cidade,  pagande  a  gente,  e  seu  sobrinhe  pera 
Susi,  e  es  d'Abeda  pera  Haiha,  que  forâo  as  très  cabezas  entre  quem 
euvc  as  differenças.  Muley  Zidam  se  vem  na  volta  de  Azamor,  e  assi 
o  mandou  dizer  a  meu  filho,  tratando  de  querer  pazes  com  nosetros, 
a  que  meu  fdhe  respondee  que  nâo  levava  ordem  minha  pera  as 
fazer,  e  que,  pois  Sua  Alteza  vinha  a  Azamor,  que  alii  se  poderia 
tratar  o  négocie  das  pazes,  e  tratar  da  partiçâe  dos  termes  do  campe 
que  haviamos  de  ter. 

A  sua  vinda  a  Azamor  sera  brevemente,  se  os  da  Aduquella  os 
deixarem  passar.  E  e  intente  com  que  se  vem  pera  esta  visinhança 
lie  pera  nesta  prassa  segurar  sua  pessea,  sua  casa  e  thesouro.  A  paz 
teria  eu  por  boa,  pello  pouce  que  ganha  nesta  guerra,  em  case  que 
elle  terne  a  permanecer.  porque,  déniais  do  grande  bénéficie  que 
tera  este  lugar  em  se  legrar  a  gente  délie  de  semear  estes  campes, 
a  que  sâo  por  extrême  afeiçoades,  e  de  terem  suascriacôesdegados, 
sera  de  grâo  provcite  a  fazenda  de  V.  Mag''%  pois  com  ellas  se 
nâo  ha  de  dar  mais  que  meia  rasào  aos  de  cavale,  com  o  que  vem 
V.  Mag"*'  a  poupar  quinhentos  moyosdetrigo  cada  anno.  E  por  sem 
duvida  tenho  que,  se  Muley  Zidam  permanecer,  censervara  a  paz 
(se  ha  de  durar  agradecimento  em  Meure,  do  que  eu  duvido)  pello 
muito  obrigado  que  se  mestra  a  demestraçâo  que  fiz  com  elle 


LETTRE     DE    JOKGE     MASCARENHAS     A     IMIILII'I'E     III  /(Q 

Porem,  o  intento  era  cuidar  que  podcria  avisai"  a  \.  Mag'"  de  que 
o  tiniia  em  meu  poder.  e  que,  coin  suavinda,  ouverâoliberdadeos 
cativos  de  graça  ;  e  juntamenle  que.  pello  V.  Mag''""  favorecer, 
offerecia  a  alcasava  de  Sale,  que  tenho  por  cousa  de  importancia, 
assim  por  cstar  fortificada  e  bein  aiiilhada,  como  pella  comodidade 
que  Icm  pera  Gales',  e,  em  parlioular,  por  scr  aquella  terra  a  mais 
lertil  e  millior  que  tem  toda  a  Beibcria.  E,  sem  embargo  de  se  me 
salr  das  mâos  esta  ocasiâo,  ainda  fico  com  esperanças  de  poder 
islo  acontecer  nos  poucos  dias  que  me  restâo  nesta  assistencia^. 

Do  porto  de  Zafîm  despacbou  Muley  Zidam  buina  fragata  de  Sale  ; 
e,  como  estava  com  scguro  de  meu  filbo,  se  dcspidirào  délie  e  dan- 
dolhe  Iiuina  carta  pera  inim.  Falei  com  os  que  vinliâo  nella,  que  erâo 
os  mais  Andaluces  de  Sâo  Lucar,  Cadiz,  Lherena^  e  de  Fornaclios*. 
E,  entre  elles,  conlieci  bum  que  havia  sido  soldado  no  tempo  que 
andei  embarcado  com  Dom  Luis  Fayardo  ;  e  inibrmandome  délie  do 
sitio,  entrada  do  porto  e  da  gente  que  liavia  na  Alcasava,  disse  que 
seriâo  quatrocentos  homens,  e  eu  imagino  que  sâo  muito  menos, 
e  que  estevâo  repartidos  por  companliias,  dous  terços  da  gente  de 
Ff)rnacIios,  e  os  mais  dos  lugares  releridos.  E  preguntandolbe  se  se 
lembravâo  de  Espanlia,  com  lagrimas  e  demostracoens  me  disse 
que  era  christâo"  e  que  confiava  em  Deos  que  ainda  liavia  de  mor- 
rer  em  Espanha.  Eu  llie  disse  que  tudo  era  facil  a  Deos,  e  que  oca- 
siâo podia  1er  com  que  o  pudesse  fazer,  lioiirrando  os  \  .  -Mag''%  fulmi- 
nando  com  os  mais  entregar  aquella  força.  Ficou  conmigo  de  arris- 
car  a  vida  pera  o  fazer,  e,  pera  me  voltar  com  reposta,  me  pedio 
seguro  pera  tornar  a(|iii  com  a  fragata,  o  quai  Ihe  dei  vindo  nestes 
vinte  dias  primeiros.  E,  vindo  com  elle  a  falar  no  meyo  que  poderia 
aver,  assentaraos  bum  muv  facil,  que  lie,  concertando  com  os  maise 
virme  com  recado,  e  irein  dous  navios  com  trezentos  liomens,  e 
entrar  a  sombra  de  trato,  levantandoos  debaixo  de  cuberta,  e 
desembarcarem  de  noite.  E,  posto  que  a  materia  nâo  tem  mais 
sustancia  que  esta,  me  pareceo  digna  de  avisar  a  V.  Magestade. 

1.  Gales,  Cadix.  do  la  province  d(^  Badajoz,  V.   infrn,  Intro- 

2.  V.  p.  20,  noie  3.  duclion  crit!r|ue,  p.  187  et  note  4- 

3.  Lhercna,    Llerena,  province  de    Ba-             5.   Sur    les    sentiments    chrétiens    des 
dajoz.  Moriscos  expulsés  d'Espagne,  V.  infra.  p. 

!>.   Fornachos,  Ilornaclios.  Sur  cette  ville         (j-  et  note  I. 

De  Castiiies.  m.  —  !t 


5o  li     FÉVRIER     1619 

Tambem  determino,  concertando  a  paz,  que  em  todo  caso  farei 
condicionalmente  ate  avisar  a  V.  Mag"*»,  de  pedir  a  Muley  Zidam 
saca  de  trigo  do  porto  de  Fadala,  e  juntamente  que  o  salitre  que  se 
navega  em  Zafim  pera  Ingalaterra  e  Olanda  se  nos  de,  que  sera 
cousa  importante,  segundo  a  informaçâo  que  tenho.  O  tempo  de 
minha  assistencia  pera  assentar  estas  cousas  he  brève.  E  pois  estou 
entrado  ncllas,  sera  bem  que  com  toda  a  brevidade  me  mande 
V.  Mag"""  avisar  do  que  devo  fazer  ncllas.  assim  pera  assentar,  como 
pello  muito  que  estimarei  deixallas  concluidas  ou  assentadas  em 
meu  tempo.  E  pera  isso,  mando  este  meu  criado  pella  posta,  lem- 
brando  juntamente  que  convem.  assim  pella  vinda  de  Muley  Zidam, 
que  tenho  jior  sem  duvida  que  sera,  como  jjor  poder  acontecer  vir 
o  Cassis  em  seu  seguimento,  e  ajuntasse  hum  com  outro  sobre  esta 
prassa,  cmbiar  com  toda  brevidade  municôes  e  biscoito  e  carvâo, 
porque  tudo  ha  de  ser  necessario,  e  alguns  mosquctes  e  lanças.  Que 
he  tudo  o  que  posso  dizer  neste  parlicular.  e  que  todos  os  inciden- 
tes que  ouve  nelle  vera  V.  Mag''"  pella  copia  dos  papeis  autenticos 
que  irâo  o  incluses  nesta. 

j  Nosso  S'  guarde  a  catholica  pessoa  de  V.  Mag""'! 

Mazagâo,  4  de  Fevereiro  de  161 9. 

Dom  Jorge  Mascarenhas. 

Archives  espagnoles  du  Gouvernement  général  de  l'Algérie.  —  N"  U91 
(anciennement  :  Registre  1686,  ff.  28^-288).  —  Copie  du  ilmi"  siècle^. 

1 .  Pièce  rapportée  d'Espagne  par  M.  Ti-        au  British   Muscum,    Add.    Mss.,   28^61, 
ran.  Il  existe  une  copie  de  ce   document        ff.  S^-io. 


LETTRE    DE    SAI>T-MANDUIER    A    PUIStEUX 


XI 

LETTRE  DE  SAINT-MAINDRIER  A  PUISIEUX 

Du  Mas  rendra  compte  de  sa  mission  à  Puisieux.  —  Saint-Mandrier  prie 
ce  dernier  de  s'employer  à  la  délivrance  des  Français  retenus  captifs 
par  le  ChériJ  à  cause  de  l'ajjaire  Caslelane. 

Camp  du  Doiikkala,  20  février  1619. 

Suscription  :  A  monseigneui-,  monseigneur  de  Puisieux,  conseil- 
ler du  Roy  en  ses  conseils  et  secrétaire  de  ses  commandemens. 

Au  dos,  alla  manu:  Le  sieur  de  Saint-Mandrier  du février 

1619. 

Monseigneur, 

Je  me  suis  dispencé  d'escrire  au  Roy  ce  qu'a  faict  le  sieur  Du 
Mas'  avec  l'empereur  Mole  Zeydan  sur  le  subjet  de  son  dernier 
voyage,  et  m'en  remettray  à  luy  pour  vous  en  dire  touttes  les  par- 
ticularitez  :  et  d'aultant  cpie  je  sçay  que  le  rapport  qu'il  vous  plaira 
prendre  la  pcyne  d'en  faire  à  Sa  Majesté  opperra  plus  que  tout  ce 
qu'on  luy  en  sçauroit  représenter  d'ailleurs,  par  la  créance  qu'il  a 
à  vostre  capacité  et  fidélité,  j'osseray  vous  supplier  très-humble- 
ment d'apporter  en  cette  occasion  ce  que  vous  a\  ez  accoustumé  en 
touttes  autres  qui  regarde  son  service  et  soulagement  de  ses  subjetz 
et  la  délivrance  de  tant  de  pauvres  esclaves  qui  sont  détenus  icy 
par  la  perfidie  de  Pliillippes  de  Castallanne\  qui  avoit  esté  envoyé 

1.  Sur  ce  personnage,  V.  supra,  Intro-  particulières  dans  lesquelles  celui-ci,  après 
duction,  notice  biographique.  avoir   vainement    réclame    au    Chérif   les 

2.  Saint-Mandrier  partageait  les  préven-  sommes  qui  lui  étaient  dues,  avait  pris  le 
tions  de  Moulay  Zid,'m  contre  Castelane  et  parti  de  revenir  en  France.  Cf.  /"'  Série, 
ne  tenait  pas  compte  des  circonstances  très  Kranc(\  t.  IF,  p.  34  r,  Sommaire. 


02  20    FÉVRIER     1619 

à  cest  empereur  de  la  part  du  defTunt  roy,  ce  qui  semble  plus  obli- 
ger Sa  Majesté  de  luy  donner  quelque  satisfaction,  laquelle  ce  peult 
réduire  à  peult  de  chose  à  présent,  pour  des  considcralions  que  le- 
dit sieur  Du  Mas  vous  dira.  J'espère  que  Sa  Majesté  ne  voudra 
perdre  cette  occasion,  s'il  vous  plaist  d'y  joindre  ce  que  vous  pou- 
vez, comme  j'en  suis  Ires-certain  et  que  l'affaire  est  assez  importante 
et  plaine  de  charité. 

Pour  mon  particuUier,  j'y  apportcray  tousjours  tout  le  debvoir 
et  service  que  je  doibtz  à  mon  roy  et  à  ma  patrye  et  ce  que  je  puis 
avoir  acquis  par  mes  services  près  de  cest  empereur  depuis  que  je 
suis  de  deçà,  lesquelles  estimerois  beaucoup  plus  s'ilz  pouvoient 
estre  utillcs  en  cette  rencontre  et  me  donnoient  le  moyen  de  vous 
pouvoir  tesmoigner  la  volonté  que  j'ay  de  vous  en  rendre  aux  occa- 
sions que  vous  daignerez  commender, 

Monseigneur, 

Votre  très-humble  et  très-obeissant  serviteur, 

Signé  :  S"  Mendriés. 

De  l'armée  du  roy  de  Marroc  estant  de  presantcn  Duqucde,  ce 
xx'  febvrier  1619. 

Bibliothèque  Nationale.  —  Fonds  français .— Ms .  16l'i9,f.  'il  r"  et  v". 
—  Original. 


ETAT  DES  CONSULS  FRANÇAIS  DANS  LE  LEVANT 


XII 


ÉTAT  DES  CONSULS  FRANÇAIS  DANS  LE  LEVANT' 


S.  1.,  août  i6ig. 

Au  dos,  alla  manu:  Mémoire  des  consulalz   de  Levant  baillé  à 
monsieur  de  Scsi'  au  mois  d'aoust  1C19. 
En  tête  :  Consulatz  de  Levant. 


CONSTANTINOPLE ET  AULTRES  PAYS. 


Achilles  de  Ilarlay.  sieur  et   baron    de   Sancy,  avecq  faculté  de 
commettre. 


Marocques 
Vacant  par  la  mort  de  Castelarme^ 


Bihliothci/ae  .\alionale.  —  Fonds  J'rançais.  —  Ms.  1G73S,  f.    iOl  v". 
-  Oricjinal. 


1.  Ce  Document  fait  suite  à  r('latdeiGi7 
(Doc.  VII,  p.  lO);  il  ne  conticnlque  les  modi- 
fications sunenucs dans  le  corps  consulaire 
depuis  cette  date  pisqu'en  aoAt  1619. 

2.  Philippe  de  llarlav,  seigneur  puis 
comte  de  (jésy  (i.")Ni-iG52).  Il  fut  envoyé 
en  i6i(j  comme  ambassadeur  à  Constanti- 
nople,  en  remplacement  de  son  parent 
Harlay  de  Sancv.  En  i63i  il  fut  remplacé 


à  son  tour  par  M.  de  Marcheville,  mais 
celui-ci  n'ayant  fait  qu'un  très  court  sé- 
jour à  Constantinople,  Césy  y  resta  et  géra 
les  affaires  de  France,  sans  être  ambassa- 
deur, jusqu'en  iC4i,  date  de  l'arrivée  de 
M.  de  La  Ilaye-Vantelet. 

3.  C'est  la  seule  donnée  qui  permette 
d'établir  que  Castelane  mourut  au  plus  tard 
en  l'année  i6ig. 


54  1619 


XIII 

INSTRUCTIONS  POUR  LA  MOLLE  ' 

Eloiqnc  de  Merrakcch  par  la  révolte  de  Yahia  ben  Abdallah-,  Moulay  Zidân 
avait  transporté  sa  mahalla  dans  la  tribu  des  Doukkala  entre  Sali  et  Mazagan  ' 
(1C18-1619).  C'est  ainsi  que  son  attention  lut  attirée  sur  le  port  ou  plutôt 
sur  la  lacune  d'Aier  située  à  ao  kilomètres  au  nord-est  du  cap  Cantin.  Le  capi- 
taine de  Saint-Mandrier  envoyé  sur  les  lieux  par  le  Chéril'  conclut  à  la  possibi- 
lité d'ouvrir  un  chenal  dans  cette  lagune  en  faisant  sauter  quelques  rochers. 
Sur  ces  entrefaites,  l'agent  français  Du  Mas  venu  pour  négocier  le  rachat  de 
quelques  captifs  marseillais  fut  mis  au  courant  de  la  question  ;  il  repartit  vers 
le  20  février  1619  '  avec  un  envoyé  de  Moulay  Zidàn,  nommé  Sidi  Farès,  qui 
avait  mission  d'obtenir  la  restitution  des  livres  du  Chérif.  Arrivé  à  la  Cour,  Du 
Mas  fit  valoir  les  avantages  que  présenterait  l'ouverture  d'un  port  à  Aïer  et 
montra  la  possibilité  d'obtenir  la  concession  de  cet  emplacement  ■'.  Un  projet 
tendant  à  la  fondation  d'une  Compagnie  pour  l'exploitation  du  futur  port  fut 
présenté  à  Louis  XllI,  qui  donna  des  instructions  au  sieur  de  La  Molle  concernant 
l'étude  du  pays,  les  négociations  à  ouvrir  avec  Saint-Mandrier  et  le  Chérif 
ainsi  que  les  différents  privilèges  à  concéder  à  ladite  Compagnie.  Selon  toute 
vraisemblance,  La  Molle  n'accompagna  pas  Du  Mas  à  son  retour  au  Maroc.  Ce- 
lui-ci qui  n'apportait  sans  doute  aucune  réponse  satisfaisante  au  sujet  des  livres 
de  Moulay-Zidàn  c<  ne  sut  ni  n'osa"  »  entamer  les  négociations  relatives  à  la  con- 

1.  Probablpment  François   de  Boniface         ces  temps  de  trouble,  campait  lo  plus  souvent 

de  La  -Molle,  chevalier  de  Malte  en  i58.5,  ^ 

j         j     n  •  1  f- „•  dans  la  plaine  de  Mecrous  ,  ^J  ,a^.   Sur   ce 

commandeur  de  Puymoisson  lo  1 1  lévrier  ^  f>  U^^J^ 

iDga  ;  llétait  fils  de  Jean  Paul  de  Boniface  nom,  V. /"  Série,  France,  t.  II,  p.  2^6,  n.  A- 

de  La  Molle,  seigneur  du  dit,  lieu,  gentil-  !i.   Cf.  ci-àessxis  Lettre  de  Saint-Mandrier 

homme  ordinaire  de  la  chambre  du  Roi  et  ù  Piiisu'ux.  Doc.  \I,  p.  5i. 

frère  de  Jaccpies  de  Boniface  de  La  Molle,  5.   11  semblerait,  d'après  les  instructions 

conseiller  du  roi  au  parlement  d'Aix  lo  i4  à  La  Molle,  que  Saint-Mandrier  s'était  vanté 

décembre  161S.  Bibl.Nat.,Cabmetdc's  titres.  d'avoir  obtenu  la  concession  d'A'ier.  Le  rôle 

Pièces  orig.,  vol.  io4.  n°  goSs,  f.  ij.  ;  ml.  joué  par  ce  capitaine  dans  toute  cette  affaire 

rgS.1,  n"  4»i9^.   ff-     »  et    3  :    vol.    igfiô.  fut  très  équivoque  et  il  parait  établi  qu'il 

n"  iô.'il'io,  f.  2.  et  Arc/i.  Bimches-du-Rh'inr.  avait  fait  également  des  ouvertures  à l'Espa- 

—  Ordre  de  Malte.  gne  et  aux  États-Généraux  des  Provinces- 

2.  Sur    cette  révolte,    Y.    p.    30,    Som-  Unies.  Cf.  Cespedes,  pp.  .S44-345. 
maire.  (i.   V.  ;'''■  Série,  Pays-Bas,  t.  III,  iîapport 

3.  La  mahalla  de  Moulay  Zid.în,  pendant        de  van  Gool,  24  juillet  1624. 


INSTRUCTIONS    POUR    LA    MOLLE  55 

cession  d'Aïer  et  le  projet  ne  fut  pas  mis  à  exécution.  De  leur  côté  les  Hollan- 
dais '  elles  Espagnols  envoyèrent  reconnaître  la  laguned'Aïer,  ce  qui  provoqua 
parmi  les  tribus  de  la  côte  une  grande  surexcitation.  Les  travaux  d'aménage- 
ment du  port  d'Aïer  ne  furent  pas  entrepris  par  Moulay  Zidàn,  mais  son  succes- 
seur Moulay  el-Oualid  reprit  le  projet  en  i634;  les  esclaves  chrétiens  furent 
emplovés  à  élever  à  cet  endroit  un  fort  qui  reçut  le  nom  de  El-Oualidia  et  à 
améliorer  le  chenal  de  la  lagune  dont  le  Chérif  ht  exploiter  le  sel  ;  il  eut  même 
l'intention  d'y  construire  une  résidence  royale  avec  jardins -.  En  fait  Aier  dut 
rester  fermé  à  la  navigation  et  au  commerce^. 

La  Molle  s'embarquera  à  Marseille  avec  Du  Mas  et  le  chevalier  maure. 
—  Arricé  au  Maroc,  il  observera  avec  soin  le  pays.  —  //  fera  entrer 
Saint-Mandrier  dans  la  société  commerciale  dont  il  est  fondé  de  pouvoir 
et  se  rendra  en  sa  compagnie  au  port  d'Aïer.  —  //  reconnaîtra  le  port 
et  en  dressera  un  plan.  —  //  tâchera  de  faire  remettre  ce  port  à  la 
Société  par  Saint-Mandrier  et  poursuivra  la  confirmation  de  cette  ces- 
sion auprès  du  Chérif.  —  Base  d'une  convention  commerciale  et  mari- 
time entre  la  Société  et  le  roi  du  Maroc. 


S.  1.  n.  d.,  [i6i9?l* 

En  te  te  :  Maroques.  —  M.  de  Montmort\ 

Monsieur  de  La  Molle  sembarqucra.  s'il  luy  plaist,  à  Marseille 
avec  les  s"  Du  Mas  et  le  chevalier  more,  pour  faire  avec  eux  le 
voyage  de  Marroque. 

1.  Sur  les  visées  des  Hollandais  sur  le  ment.  La  Molle,  d'après  les  présentes  ins- 
port d'Aïer,  V.  i"  Série.  Pays-Bas,  t.  III,  tructions,  devait  s'embarquer  pour  le  Maroc 
1622-162^,  possi'm.  et  Cespedes,  pp.  3/i4-  avec  Du  Mas.  Or  nous  savons  par  le  A/émoiVe 
345.  (/«  Goo/ cpie  le  séjour  en  France  de  cet  agent 

2.  Cf.  /"  Série,  Pays-Bas,  4  décembre  fut  de  courte  durée  (V.  i'''  Série,  Pays-Bas, 
i634.  Lettre  de  David  Pallachc  aux  Etats;  2/1  juillet  lOai).  Arrivé  en  mai-juin  i6ig 
Fk.  de  s.  Juan  del  Puerto,  Mission  histo-  il  repartit  pour  le  Maroc  avec  «  le  chevalier 
rial...,  p.  365  et  Godard,  p.  5oi.  More  n.  V.  p.  100,  note  6. 

3.  Si  l'on  s'en  rapportait  à  BiRAGo, //l'.s^  5.  Jean  llabert,  seigneur  de  Montmort, 
di  Porlofinllo.  les  Portugais  occupnieut  en  conseiller  du  Boi  en  iSqG,  trésorier  gé- 
lô'io  le  point  d'.\ïer,  et  le  gouverneur  de  néral  de  l'extraordinaire  des  guerres  eu 
la  forteresse  d'.Vier  se  serait  déclaré  en  iRiG,  gros  financier  de  l'époque  qui 
même  temps  que  celui  de  Mazagan  en  commanditait  les  compagnies  de  colonisa- 
faveur  du  roi  Jean  IV  de  Bragance  (p.  233).  tion.  Cf.  Tessereau,  Ilist.  de  la  Chancel- 

4.  Voici  les  donnéesquipermettcntd'éta-  lerie.  t.  L  P'  2^1  et  passim  ;  Bibl.  nat., 
blir  approximativement  la  date  de  ce  docu-  Dossiers  bleus,  vul.  .343.  n"  SH.^O,  f.  33. 


56  i6i9 

Sur  les  chemins,  traitera  avec  ledict  more  la  plus  estroicte  ami- 
tyé  qu'il  pourra  et  sentretiendra  en  bonne  intelligence  avec  ledict 
s'  Du  Mas. 

Estant  abbordé  aux  terres  de  Marroque,  remarquera,  partout  oîi 
il  passera,  la  bonté  du  pays,  tant  par  la  qualité  de  l'air,  fertilité  du 
terrouer,  multitude  d'animaux  domestiques  ou  sauvages,  arrouse- 
ment  de  rivières  et  fontaines  d  eaux  douces,  que  generallement  tout 
ce  qui  peut  accommodderou  incommoder  la  A^ye  humaine  et  autres 
particularitez  dont  la  Compagnie  puisse  tirer  quelque  advantage. 

Visitera  monsieur  de  S'  Mandrier'  de  la  part  et  au  nom  de 
ladicte  Compagnie,  avec  les  complimens  les  plus  honnestes  qu'il 
pourra,  et  luy  présentera  les  lettres  d'icelle. 

Convyera  ledict  s'  de  S'  ^landrier  d'entrer  au  corps  de  ladicte 
Compagnie,  et,  à  celte  fin,  luy  présentera  les  articles  pour  les  luy 
faire  signer  comme  les  autres  ont  faict. 

Après  les  articles  signez,  traictera  avec  luy  sur  le  suget  de  son 
voyage,  et,  pour  cet  effet,  se  fera  conduire  à  la  Ducaille''  au  port 
et  forteresse  d'Hiers'. 

Où  estant  arrivé,  recongnoistra  le  port  et  havre  tant  en  mer  qu'en 
terre,  les  entrées  dicelluy,  les  marques  et  signes  qui  se  voyent  de 
la  radde  pour  lesdictes  entrées,  le  fondz  et  les  ventz. 

Recongnoistra  semblablement  la  place  qui  est  audict  port  et  la 
visitera  en  son  pourtour  et  advenues,  comme  aussi  sa  cyme,  pour 
sçavoir  sy  c'est  pierre,  terre  ou  sable,  et  generallement  toute  son 
assiette  et  force,  le  tout  avec  l'advis  de  ceux  qui  sont  les  plus 
entenduz  aux  fortifïications,  mesmes  s'il  fault  plus  de  cinquante  sol- 
datz  pour  la  garde  d'icelle. 

Fera  faire  le  plan  desdicts  port,  havre,  radde.  entrées,  place  et 
de  leurs  environs  au  plus  juste  qu'il  se  pourra,  avec  l'entière  rela- 
tion des  commoditez  ou  incommoditez  des  lieux. 

Pareillement,  s'il  y  a  bois,  pierres  et  autres  matériaux  pour 
bastir,  eaux  douces  et  pasturages,  fruicts,  jardinages  et  terres  de 
labeur,  et  quelques  villages  habitez  proche  de  ladicte  place,  com- 

I.    Sur  ce  personnage, \  .  supra,  Introduc-  avaient  autrefois  occupé  ce  point  l'avaient 

tlon,  notice  biographique.  nommé   Casa  do  Cavaleiro.  Sur  la  lagune 

a.  DucaUle,  Doukkala.  d'Aïer,  V.  i"  Série.  Pays-Bas,   24  juillet 

3.   Hiers.     Aïer.     Les      Portugais     qui  iQili,  Rapport  de  van  Gool. 


mSTRUCTIOS    POUR    LA    MOLLE  87 

bien  esloigné  de  la  ville  de  Maroque  et  quel  chemin  il  fault  passer, 
si  ce  sont  forests,  montaignes,  rivières,  campagnes,  et  si  l'on  ren- 
contre quelques  villages  sur  Icdict  chemin. 

S'il  est  ainsy  que  ledict  s'  de  S'  Ahindrier  ayo  le  don  des  susdicts 
port  et  place,  il  en  fera  la  remise  entière  à  la  dicte  Compagnie,  et  [la] 
fera  non  seuUement  aggreer  au  roy  de  Maroque,  ains  icelle  confir- 
mer et  par  après  en  renouveller  le  don  à  ladicte  Compagnie  par  le 
roy  de  Maroque  avec  les  expéditions  nécessaires,  y  adjoustant  quel- 
ques terres  circonvoisines  pour  faire  cultiver  et  ensemancer.  Pour 
à  quoy  parvenir  ledict  s'^  de  S'  Mandrier  introduira  ledict  s'  de 
La  Molle  près  ledict  roy  de  Maroque. 

Ledict  s'  de  La  Molle  fera  audict  roy  de  Maroque  les  complimens 
convenables  de  la  part  de  ladicte  Compagnie. 

Traictera  audict  nom  avec  ledict  Roy,  tant  pour  la  confirmation 
du  don  des  port  et  places  cy-dessus.  que  pour  ce  qui  regarde  le 
négoce,  sçavoir  : 

Que  nul  estranger  ne  pourra  negotier  en  ses  terres,  portz  et 
rivages  que  soubz  l'adveu  de  ladicte  Compagnie,  bannières  et  mar- 
ques d'icelles  ; 

Qu'il  donnera  liberté  à  ladicte  Compagnie  de  traffiquer.  par  toutes 
les  terres,  lieux  et  destroicts  de  son  olieissance,  toutes  sortes  de 
denrées  et  marchandises,  tant  en  ventes  qu'en  acliatz,  apportz  que 
transportz  ;  à  la  conservation  des  droictz  royaux  desquels  ledict 
s'  de  la  Molle  tirera  la  meilleure  composition  que  faire  se  pourra, 
avec  la  plus  grande  quantité  de  terres  labourables  qu'il  pourra  obte- 
nir, desquelles  ledict  roy  de  Maroque  fera  don  à  ladicte  Compagnie, 
et  dont  ledict  Roy  donnera  toutes  lettres,  expéditions,  mandemens, 
passeportz,  octroys  et  previlleges  (pii  seront  nécessaires  pour  en 
jouir,  mesmes  permission  de  bastir  et  construire  magasins,  forte- 
resses et  tous  autres  lieux  d'habitation  pour  la  seuretté  des  biens  et 
personnes  de  ladicte  Compagnie  es  endroictz  où  il  sera  besoin,  et 
pour  cet  effet  de  coupper  les  bois,  faire  ouverture  de  la  terre  pour 
les  matériaux  qui  seront  nécessaires,  ensemble  pour  les  places  qui 
seront  nécessaires  pour  bastir,  avec  la  liberté  entière  d'exercer  la 
religion  chrestienne  en  tous  lesdictz  lieux  ;  déclarant  criminels  tous 
les  subjectz  qui  contreviendront  ou  voudront  empescher  les  susdictz 
previlleges  et  libertez. 


58  i6i9 

S'obligera,  de  la  part  et  au  nom  de  ladicte  Compagnie,  de  four- 
nir les  terres  et  lieux  de  son  obéissance  de  toutes  sortes  de  denrées 
et  marchandises  desquelles  ilz  ont  besoin,  fors  et  excepté  celles 
desquelles  le  transport  est  interdit  en  France,  et  d'en  tenir  les 
magasins  fournis,  moyennant  les  seurettez  et  libertez  cy-dessus. 

BibUothl'que  Nationale.  —  Fonds  français .  —  Ms.  19579,  ff.  179- 
181.  —  Copie  du  xvii'  siècle. 


LETTRE    DE    GASPARD    DE    BENEMERIN    A    CHARLES    DE    GONZAGUE     50 


XIV 


LETTRE  DE  GASPARD  DE  BENEMERIN' 

GONZAGUE - 


A  CHARLES  DE 


//  approuve  la  résolution  prise  par  Charles  de  Gnnzague  de  tenir  à  Rome 
le  prochain  chapitre  de  l'Ordre.  —  Nécessité  d'obtenir  l'exequatur 
d'Espagne.  —  //  travaille  à  obtenir  du  cardinal  Zapata  l'autorisation  de 
recruter  des  chevaliers  de  l'Ordre  dans  le  royaume  de  .Xaples.  —  Envoi 
d'une  relation  de  l'ile  de  Sainte  Maure  dont  l'occupation  serait  très 
avantageuse  à  l'Ordre. 

Naples,  10  juillet  1621. 


Au  dos,  al'ia  manu:  Del  S'  Infante  di  Fez,  al  lo  dl  Luglio  1G21. 
Napoli. 


I .  En  l'état  présent  dr  nos  recherches 
nous  ne  connaissons  sur  les  origines  de  ce 
prince  marocain  que  ce  qu'en  rapporte 
VicEXTE  EscALLON,  chcvalicr  napolitain, 
qui  écrivit  en  i6ofi  une  généalogie  de  la 
famille  des  Béni  Merin,  à  laquelle  il  était 
lui-même  allié.  V.  /'''  Série,  France,  t.  I, 
p.  274,  note  I.  —  Vers  1618,  Gaspard  de 
Benemerin  entra  dans  l'Ordre  de  la  Milice 
Chrétienne  fondé  par  Charles  de  Gongague, 
duc  de  \evers  (V.  la  note  suivante).  II  pro- 
posa à  ce  dernier,  dans  une  lettre  du  i4 
mars  1628,  une  entreprise  sur  l'île  de  S**^ 
Maure  et  entretint  avec  lui  une  correspon- 
dance active  :  ses  lettres  vont  du  10 
juillet  lOîi  au  6  avril  1O2/1.  Cf.  Buchon, 
Nouvelles  rechtTchi's  historiques  sur  la  prin- 
eipauté  française  <tc  Morée,  t.  I,  pp.  231- 
3o3  ;  Bibl.  Xat.,  fonds  français,  mss.  4708- 
4704,  4728-4727.  Gaspard  de  Benemerin 
résidait  à  Naples  et  .'1  Rome  où  il  logeait 
au  palais  de  Latran,  siège  de  lalanguemé- 


ridionale  de  l'Ordre  de  la  Milice  Chrétienne. 
Le  pape  Urbain  VIII,  en  reconnaissance 
de  .son  zèle,  le  nomma  commandeur 
de  l'Immaculée  Conception.  Il  mourut, 
présumé  centenaire,  à  Napics,  en  i64i, 
et  fut  enterré  dans  l'église  do  S^  Maria 
délia  Concordia  où  se  volt  son  épi- 
taphe  ;  il  y  est  appelé  «  le  2  2"  roi  d'.\fri- 
que  » ,  alors  que,  dans  l'ordre  de  succession 
des  princes  de  la  dynastie  des  Béni  Merin, 
il  eût  occupé  la  So"  place.  Cf.  Budgett 
Meakin,  The  Moor.  Emp..  pp.  321-322  et 
/"  Série.  Dépôts  divers,  Naples,  i64i. 

2.  Charles  de  Gonzague,  duc  deNevers, 
descendait  par  sa  grand-mère  Marguerite 
Paléologue  de  la  famille  des  empereurs 
d'Orient.  C'est  pourquoi  les  habitants  du 
Magne  ((îrèce)  députèrent  vers  lui  en  1613 
deux  archevêques  et  trois  évêques  pour  lui 
<lemander  de  se  mettre  à  la  tête  d'un  soulè- 
vement contre  les  Turcs.  Lo  duc  de  Nevers 
conçut  alors  li'  projet  d'une  sorte  de  croisade 


6o  lO    JUILLET     162I 

Excellenlissimo  Signore, 

Li  giorni  passa ti,  cor»  il  percaccio  de  19  de  Giugno.  diede  a 
V.  E.  parte  del  mio  arrive  a  salvamenti  in  Napoli  :  dove  anco  lavi- 
sava  del  accordio  et  prelentioni  del  Petrigniaiio ',  il  quale  disse  et 
promesse  non  moversi  a  nulla,  sino  alla  risposta  di  \.  E.,  le  oui 
prétention!  havera  per  quelle  visto.  Mi  viene  con  questo  percaccio 
avisato  di  Roma  de  che  detto  Petrigniano  sia  venuto  meno  délia  pa- 
rola,  et  dato  memoriali  a  N.  S",  dimandando  novo  giudice,  corne 
credo  ne  havera  dato  parte  a  V.  Ex"  Hor"  Ciandelieri,  lo  che  certo 
mi  ha  fatto  restar  stupefatto,  in  veder  che  detto  Petrigniano  sia  un 
huomo  di  cossi  poco  parola.  Dispiaceme  nel  aima  non  ritrovarmi 
di  persona  in  Roma,  per  posser  usarealcuna  diligenza.  Mi  ha  parso 
del  tutto  darni  aviso  a  V.  Ex\ 

Il  detto  Ciandelieri  mi  avisa  délia  buena  risolutione  fatta  da 
V.  Ex%  in  che  il  Capilulo  générale  si  tenghi  in  Roma,  cosa  certo 
acertatissima  et  di  molto  utile  al  ordine  ;  et  per  le  raggloni  che 
V.  E.  allega,  che  ho  visto,  non  si  ha  possuto  far  meglio  resolu- 
tione. 

Sarebbe  bene  che  V.  E.  sollicitasse  l'exequatur  di  Spagnia,  che 
inporta  molto  per  questo  regno. 

Con  il  S''  Cardinal  Zapatta  '  stono  trattando  accapar  l'assenso  per 
posser  criare  cavaheri  in  questo  regno,  et  lo  tengo  in  buen  termine. 


des  États  catliollques  de  l'Europe  contre  la  chrétiens  goûtèrent  peu  les  idées  du  duc  de 
puissance  musulmane.  On  sait  cfue  cette  Nevers,  et  celui-ci,  d'autre  part,  ayant  hérité 
idée  hantait  l'esprit  du  P.  Joseph.  Des  pour-  en  1627  du  duché  de  Mantoue,  abandonna 
parlers  eurent  lieu,  lors  des  conférences  ses  projets.  Cf.  Bibl.  N  al.,  fonds  français. 
de  Loudun  en  1616,  entre  le  célébreca  mss.  4  7o3-4  70^, /(  723-4  727;  Bruxet  de 
pucin  et  Charles  de  Gonzagiie.  Après  plu-  Presle,  Mémoire  sur  une  tentatiue  d'insurrec- 
sieurs  voyages  du  P.  Joseph  tant  à  Rome  lion  ortjaniséedans  le  Magne...,  dans  Bibl.  de 
qu'en  Espagne,  un  Ordre  militaire  «  La  l'École  des  Charles,  i"  Série,  t.  II,  pp.  532- 
Milice  Chrétienne  »,  dont  les  bases  avaient  553  ;  Buchon,  /oc.  cil.  ;  G.  Fagniez,  Le  Père 
été  arrêtées  à  Paris  le  ag  sept.  1C17,  Josrp/ic(fl(c/ie/ieu.  t.I,pp.  25i-3o3  ;  Michel 
fut  définitivement  constitué  à  Vienne  le  8  de  Marolles,  Mémoires,  pp  5657. 
mars  1619.  Il  comprenait  trois  langues:  i.  Pietro  Petrignano,  président  du  dis- 
orientale,  occidentale  et  méridionale.  Les  trict  méridional  de  l'Ordre  de  la  Milice 
chercheurs  d'aventure  vinrent  s'enrôler  dans  Chrétienne. 

l'Ordre  ;  parmi  eux  se  trouvait  Don  Gaspar  2.   Le  cardinal   Antoine  Zapata,  né   en 

de  Benemerin,  se  donnant  comme  «  Infante  1 5 5o,  vice-roi  de   Naples  en  1620,  grand- 

de  Fez  »    (V.    p.   5ij,  note   i).  Les  princes  inquisiteur  en  lOaô,  mort  en  i635. 


LETTRE    DE    GASPARD    DE    BENEMERIN    A    CHARLES    DE    GONZAGUE     6l 

L'istesso  S'  Cardinale  mi  ha  fatlo  intcndere  che  desidera  si  confe- 
risse  un  al)hito  a  un  suo  genlilhuonio  de  caméra,  gratis  del  passag- 
gio  ;  io  ho  dello  volerne  dar  parte  a  V.  Ex".  Il  gentiluomo  che 
prétende  l'abbito  è  siciliano,  nomine  Vincenzo  Vitloria.  Veda  V.  E. 
quel  che  comanda  si  facci.  A  me  pare  que  si  potrebbe  conpiaccre 
al  S' Cardinale,  essendo  lei  hoggi  Vicere  di  Napoli,  dal  quale  po- 
tremo  sperare  alcuni  favori  tanto  aqui  in  Napoli  quanto  in  Roma. 

Da  Roma  mandai  a  V.  Ex"  una  brève  relatione  de  la  Penisola 
de  S'"  Maura,  antepostami  da  un  gcntilhuomo  spagniolo  molto 
prattico  d'aquelle  parte,  la  quale  mi  pare  esser  molto  al  proposito 
per  il  nostro  ordine  per  moite  raggioni,  et  in  particolare  per  esser 
isola,  molto  fertile  de  tutte  le  cose  uccessarie,  come  vittoaglie,  bes- 
tiame  et  ligniami,  per  tutti  li  vascelli  che  fussero  necessarii,  con- 
fine con  golphi  et  le  Celalonie  grande,  è  piccola,  polra  esser  soc- 
corsa  in  2^1  hore  dal  capo  de  Otrento,  et  è  isola  molto  meglio  di 
quella  di  Malta,  et  molto  dannosa  al  nemico,  et  ponendo  il  piede 
in  quella,  si  potra  con  facilita  mantenere,  et  guadagniarla  con  poca 
perdità  di  gente,  et  si  fusse  di  Xpiani,  sarebbe  di  molto  utile  et 
proveccio  a  tutta  la  Xpianità.  Mi  ha  parso  de  nuevo  darne  parte  a 
\  .  Ex"  aciô  lo  consideri  béni,  et  mi  doni  rcsposta,  perche  la  persona 
ciieme  la  tiene  proposta  desidera  sapere  la  buena  voluntà  di  V.  Ex". 

Per  fine  a  V.  Ex"  fo  humilissima  reverenza  con  pregar  N.  S'" 
doni  intiera  sainte,  con  acrescimento  de  stati  che  desea. 

Da  Napoli,  il  di  lo  de  Luglio  ifiai. 

*^''-     ^  '  De  V.  Ex" 

AfTetluosissimo  scrvitore, 
Signé  :  Infante  de  Fez  '. 

Bihliotht'f/ue  Nationale.  —  Fonds  français.  —  Ms.  U70'i,  //.  71-72. 
—  Oriijinal. 

I.   C'est  la  .signature   habituelle  tle  I).  por  vcrdadiera...  et  la  ûrma  de  su   mano 

Gaspard  de  Bonemerin  dans  sa  corrcspon-  Hoggi  i8  di  Marzo  1628  ».  Suit  la  signa- 

dance  avec  le  duc  de  Nevers.  Un  seul  docu-  ture  :    «    D.   Gaspar  de  Benemerin.  » 

ment  est  signé  de  son  nom  :  transmettant  La  fille   de  D.   Gaspard   «    la   princesa  de 

une    Relation   de    l'île    S"'  Maure,    il    en  Marruecos  »  épousa  à  iNaples  vers  1642  Gil 

certifie  l'autlienlicité    par  cette    mention  :  de  Terres,  «  ayo  de  pajes  «  du    Cardinal- 

«  D.  Gaspar  Benemerin,  infante  de  Fez,  a  Infant.  V.  Mémorial  hislorico  espahol,  t.  ig, 

procuralo  (pnsla   nla/iono.   la  quale  ticnc  p.  463. 


02  1621-1622 


XV 

MÉMOIRE  SUR  LA  DÉFENSE  DES  PRESIDIOS  D'AFRIQUE' 

(Extraits  —  Traductio^j) 

Difficullc  de  maintenir  iiiité(irité  et  d'assurer  la  sécurité  des  territoires  de 
la  monarchie  espagnole,  tant  à  cause  de  leur  étendue  (jae  de  leur  disper- 
sion. —  Les  corsaires  sont  une  menace  perpétuelle  pour  son  commerce. 
—  Grands  avantages  que  l'on  retirerait  en  fortijîant  les  presidios  afri- 
cains de  l'Océan  et  de  la  Méditerranée.  Le  Roi  devrait  se  décharger  de 
la  ijarde  de  ces  places  en  la  confiant  a  des  Ordres  militaires,  qui  y  trou- 
veraient l'occasion  d'appliquer  leurs  statuts. 

[162T-16222]. 

Moyen  de  défendre  les  côtes  d'Afrique,  en  assurant  la  sécurité  des 
places  que  le  Roi,  notre  seigneur,  y  possède,  et  en  illustrant  les 
Ordres  militaires,  dont  Sa  jNIajesté  est  maître  et  perpétuel  adminis- 
trateur. 

Motif  et  sujet  de  ce  bref  discours. 

Connaissant,  Excellentissime  Seigneur,  combien  est  exposée  la 
situation  de  cette  monarchie  et  coml)ien  il  est  difficile  de  la  con- 
server dans  sa  grandeur,  puisqu  en  raison  de  l'étendue  et  de  léloi- 

I.   Ce  document  est  une  plaquette  espa-  Maroc, 
gnole  qui  se  trouve  à  la  Bibliotcca  !\'acionat  2.   Plus  exactement  :  entre  la  fin  de  l'été 

de  Madrid (Scccion  de  Varias  1  —  isS-isG").  de  l'année  162 1  et  la  fin  de  l'été  de  l'année 

Comme  il  en  existe  un  autre  exemplaire  à  1622,  car  l'auteur  du  mémoire  fait  allusion 

la  Bibliothèque  Mazarine  Qi .  infra  la  réfé-  à  une  attac[ue  des  Maures  contre  El-Mamora 

rence  p.  81),  il  a  paru  conforme  aux  règles  qui  eut  lieu  «  l'été  passé  »,  et  nous  savons 

de  la  présente  Collection  de  publier  ici  en  d'autre  part  que  cet  événement  se  place  dans 

traduction    les   extraits  se    rapportant    au  l'été  de   162 1.  ^.  p  GO  et  note  /i. 


MEMOIRE    SUR    LA    DÉFENSE    DES    PRESIDIOS    DAFRIQUE  63 

gnement  des  royaumes  dont  elle  est  composée,  elle  est  astreinte 
dans  un  même  temps  à  de  diverses  et  grandes  opérations,  qui  non 
seulement  dépensent  les  forces  et  les  ressources  de  ces  royaumes, 
mais  encore  obligent  ceux  qui  les  gouvernent  d'en  haut  à  chercher 
avec  une  sollicitude  et  une  vigilance  continuelles  les  moyens  d'ob- 
vier à  tant  de  nécessités  qui  les  pressent  dans  la  paix  et  dans  la 
guerre,  et  particulièrement  à  celle  d'assurer  la  sécurité  de  la  mer, 
en  châtiant  les  pirates  et  en  empêchant  que  désormais  ils  puissent 
nuire  ou  mettre  obstacle  au  commerce  entre  ces  royaumes  :  et 
considérant  qu'un  si  grand  résultat  doit  être  obtenu  par  des 
moyens  divers,  et  qu'un  de  ceux-ci  est  d'assurer  et  de  fortifier 
les  places  d'Afrique  dans  l'une  et  l'autre  mer  près  du  détroit  de 
Gibraltar  et  d'y  mettre  une  garde  fixe  et  perpétuelle  qui  le  défende, 
j'ai  voulu  exposer  que  le  sérénissime  roi  Don  Ferdinand  le  Catho- 
lique a  déjà  fourni  le  moyen  d'approcher  de  ce  but  et  même  d'y 
parvenir,  en  confiant  la  surveillance  de  ces  côtes  aux  Ordres  mili- 
taires. Et,  vu  les  nombreux  soucis  que  Sa  Majesté  a  en  ce  moment, 
il  paraît  non  seulement  convenable,  mais  presque  nécessaire  de  se 
décharger  de  celui-ci  (qui  n'est  pas  le  moins  important)  par  un 
moyen  si  certain,  et  en  donnant  aux  Ordres  l'occasion  qui  leur  est 
due  de  s'exercer  et  de  se  distinguer  :  chose  qui,  bien  qu'elle  soit  ici 
secondaire,  pourrait  être  considérée  comme  principale. 

Ayant  donc  vu  dans  l'hisloire  de  ce  sage  roi,  écrite  par  Zurita',  ce 
qu'en  qualité  de  maître  il  ordonna  en  Chapitre  général,  et  que  le 
Pontife  approuva  ^  et  jugeant  d'après  les  statuts  établis  en  ce  temps-là, 
il  ma  paru  qu'ils  sont  faciles  à  exécuter  en  celui-ci,  et  quil  est 
plus  que  nécessaire  de  se  servir  de  ce  moyen  pour  la  défense  de  ces 
places  et  la  sécurité  de  l'une  et  l'autre  côte  dans  les  parages  du 
Détroit,  et  d'occuper  un  point  très  important,  qui  est  aujourd'hui 
désert  (et  oublié,  à  ce  qu'il  semble)  pour  que  ni  l'ennemi  turc  ni 
le  Hollandais  ne  l'occupent  ^  C'est  une  opération  facile  et  sans  incon 


1.  Geronimo  Zurita,  historien  espagnol  d'.\lcantara,  Calatrava  et  Santiago,  et  il 
(i5l2-l58i),  auteurde  : /Ina/csdc /a  corona  avait  obtenu  du  pape  Alexandre  VI  que 
de  Aragon.  Saragosse,  i562-l579,  6  vol.  cette  grande  maîtrise  tiH  ilcsormais  insépa- 
in-fol.  rable  de  la  couronne. 

2.  Ferdinand  s'était  fait  reconnaître  3.  Il  s'agit  de  Mogador,  auquel  l'auteur 
grand-maître  des  ordres  religieux  militaires  consacre  le  dernier  chapitre  de  son  mémoire 


6A  iGai-iHaa 

vénient,  honorable  pour  notre  nation,  un  moyen  d'augmenter  sa 
noblesse  et  sa  valeur  ainsi  que  sa  réputation  et  son  renom  ;  elle  est, 
à  mon  faible  jugement,  très  réalisable,  et  il  suffît  que  Sa  Majesté 
donne  l'ordre  d'exécuter  les  dispositions  laissées  par  son  prédéces- 
seur (qu'il  est  glorieux  d'imiter).  C'est  bien  hardi  de  ma  part  de 
traiter  de  choses  si  importantes;  mais  il  appartient  à  la  générosité 
de  V.  E.  de  me  pardonner,  car  elle  sait  que  cette  liberté  m'est  ins- 
pirée par  le  souci  du  bien  public  dont  je  fais  jDrofession,  et  le  désir 
que  j'aurai  toujours  de  remplir  d'aussi  anciennes  obligations  que 
celles  que  j'ai  contractées  envers  V.  E. 


Chapitre   I.    —   De  la   nécessité  qu'il  y  a  de  défendre    les  places 
d'Afrique  pour  la  sécurité  de  l'Espagne. 

L'importance  que  présentent  l'armement  des  places  d'Afrique,  de 
chaque  côté  du  Détroit,  et  le  maintien  en  permanence  d'une  force 
qui  assure  la  sécurité  des  côtes  n'est  pas  douteuse,  et  il  n'est  pas 
nécessaire  de  perdre  son  temps  et  ses  discours  à  la  démontrer, 
puisque  nous  avons  des  sens  qui  nous  font  voir  et  toucher  chaque 
jour  davantage  cette  nécessité,  par  le  dommage  que  nous  éprouvons 
du  fait  que  ces  points  ne  sont  pas  garnis  et  pourvus  comme  ils  le 
doivent.  Il  semble,  Monseigneur,  que  Dieu,  pour  nous  prouver  sa 
miséricorde,  nous  signale  avec  insistance  la  voie  c[u"il  nous  convient 
de  prendre  pour  notre  sécurité,  en  nous  envoyant  des  avertisseurs 
qui  nous  avisent  de  notre  mal,  sans  nous  faire  tout  le  dommage 
qu'ils  pourraient.  C'est  sur  les  circonstances  que  se  doivent  régler 
les  actions,  lorsqu'elles  sont  dirigées  par  la  sagesse.  Les  circons- 
tances présentes  exigent  que  nous  apportions  un  soin  et  une  énergie 
extrêmes  à  notre  conservation,  en  évitant  ce  qui  nous  nuit  le  plus  ; 
et,  comme  ce  sont  les  pirates  qui  nous  inquiètent  d'ordinaire  dans 
nos  foyers,  et  que  le  commerce  d'oîi  dépend  notre  subsistance  est 
tellement  menacé  par  eux  qu'aucun  navire  n'ose  entrer  dans  les 
ports  d'Espagne  ni  en  sortir,  et  que  les  Hottes  des  Indes  ne  peuvent 
naviguer  en  sûreté,  c'est  une  chose  notoire  qu'on  ne  peut  différer 
de  rétablir  la  sécurité  dans  la  mer  Océane  en  y  faisant  passer  de 
grosses  escadres  qui  la  nettoyent  des  pirates  et  relèvent  la  répula- 


MEMOIRE    Stn    LA    DÉFENSE    DES    PRESIDIOS    d'aFRIQUE  C5 

tiûii  cl  le  crédit  que  nous  avons  perdus.  Il  faut  apprécier  hau- 
tement la  sollicitude  de  Sa  Majesté  pour  y  parvenir,  et  les  moyens 
si  grands  que  l'on  met  en  action  à  cet  eiTet;  et  l'objet  de  la  présente 
proposition  est  de  contribuer  à  un  dessein  si  nécessaire. 

C'est  pour  plusieurs  raisons  qu'il  faut  considérer  l'importance  qui 
s'attache  à  la  conservation  et  à  la  sécurité  des  ports  que  cette  mo- 
narchie possède  en  Afrique,  et  même,  s'il  est  possible,  à  l'augmen- 
tation et  au  renforcement  des  places  de  cette  côte,  de  chaque  côté 
du  Détroit.  La  première,  c'est  que  la  nature,  semble-t-il,  a  fixé  elle- 
même  notre  mode  de  défense,  en  créant  entre  l'Océan  et  la  Médi- 
terranée ce  col  destiné  à  fermer  comme  une  porte  la  communication 
des  deu\  mers  et  à  rendre  maître  de  celle  entrée  et  de  cette  sortie, 
sans  qu'il  y  faille  beaucoujj  d'habileté  et  d'effort,  celui  qui  le  serait 
de  l'une  et  l'autre  côle.  Et  Dieu  nous  ayant  fait  la  grâce  que  sa 
Sainte  Croix  soit  arborée  sur  l'une  el  l'autre  rive  du  Détroit  et  que 
les  armes  de  l'Espagne  y  dominent,  si  l'on  prend  des  dispositions 
pour  empêcher  l'entrée  de  nos  ennemis,  nous  sommes  sûrs  de  con- 
server ce  qui  nous  importe  tant.  Et  si,  dans  les  temps  où  cela  fut 
conquis  avec  une  si  grande  effusion  de  sang,  le  but  fut  d'acquérir 
glorieusement  de  nouveaux  royaumes  et  d'étendre  la  foi  catholique, 
nous  sommes  d'autant  plus  tenus  aujourd'hui  d'agir  qu'il  est  plus 
nécessaire  de  conserver  une  conquête  très  importante  que  d'en 
vouloir  faire  une  nouvelle  ;  car  à  ce  premier  dessein  se  sont  ajoutées 
d'autres  nécessités  plus  urgentes,  qui  sont  d'occuper  les  lieux  dont 
la  possession  par  de  nouveaux  ennemis  ferait  notre  malheur  et 
notre  perte.  En  effet,  reportant  les  yeux  en  arrière,  nous  verrons 
que  c'est  par  la  mer  Méditerranée  que  sont  entrées  toutes  les  nations 
qui  dans  les  anciens  temps  ont  occupé  l'Espagne,  et  c'est  par  là  que 
vint  le  dernier  désastre  qui  la  perdit,  sous  le  roi  don  Rodrigue'.  Et 
ainsi  c'est  la  mer  d'où  nous  vient  le  plus  grand  péril  qui  doit  être 
surveillée  avec  le  plus  de  soin.  Si  la  plus  grande  sécurité  des 
royaumes  consiste  à  garder  Icuis  frontières,  celles-ci,  qui  sont  si 
dangereuses,  seront  d'autant  mieux  gardées  que,  dans  la  région  qui 
leur  fait  face,  il  y  aura  une  plus  grande  force.  Et  la  garde  du 
Détroit  sera  d'autant  plus  assurée  que  la  côte  d'Afrique  sera  plus 

I.   Allusion  à  l'invasion  do    la  pt'uinsiilc         par  les  armées  arabes. 

Dk  Castries.  111.  —  5 


66  1621-1622 

défendue  du  côté  de  la  terre,  et  mieux  protégée  du  côté  de  la  mer 
par  des  galères,  galéasses  ou  navires.  Par  leur  présence  permanente 
ceux-ci  écarteront  les  vils  pirates  de  ces  côtes  et  ils  se  tiendront 
assez  près  de  la  porte  pour  la  garder  et  pour  pouvoir  se  joindre  à 
un  plus  grand  nombre  de  vaisseaux,  si  l'on  y  veut  faire  quelque 
importante  opération,  empêchant  toujours  qu'aucun  ennemi  ne 
puisse  arriver  à  celle  côte  et  la  défendant  des  invasions  honteuses 
que  nous  avons  subies,  comme  celle  de  Drake'. 

Dans  l'état  précaire  oia  se  trouvent  aujourd'hui  Larache  et 
El-Mamora,  c'est  la  miséricorde  de  Dieu  qui  les  protège  miracu- 
leusement ;  car,  comme  le  Maure  et  le  Hollandais  se  donnent  les 
mains  pour  nous  nuire  "  (et  déjà  les  vils  Morisqucs  expulsés  se 
sont  faits  marins  %  et,  mêlés  avec  les  Turcs,  ils  nous  mettent  dans 
l'embarras  oîi  nous  nous  trouvons,  ce  qui  rend  Sa  Majesté  si  juste- 
ment soucieuse  de  porter  remède  à  leur  insolence),  si  les  Maures 
se  décidaient,  par  une  entreprise  sur  mer  et  sur  terre,  à  recouvrer 
ces  ports,  ou  bien  les  remettaient,  à  la  suite  d'un  accord,  aux  Hol- 
landais, quel  mal  ceux-ci  ne  nous  feraient-ils  pas,  étant  maîtres, 
si  près  de  nos  côtes,  de  vastes  ports,  d'où  ils  pourraient  sortir 
pour  nous  attaquer,  et  pouvant  se  pourvoir  et  s'approvisionner  jjar 
terre  de  ce  qui  leur  serait  nécessaire  pour  tout  ce  qu  ils  viendraient  à 
désirer  P  Et  le  Maure,  sans  doute,  améliorerait  ses  affaires  en  se 
donnant  à  une  autre  nation  que  l'Espagne,  car  il  est  certain  que  ce 
n'est  ni  le  Hollandais,  ni  quelqu'un  d'autre  que  l'Espagnol  qui 
pourrait  poursuivre  la  conquête  d'un  pays  si  éloigné  du  sien  :  le 
Maure  délogerait  son  ennemi,  et,  lui  parti,  il  en  ferait  à  sa  guise, 
commercerait  et  deviendrait  riche  et  habile,  mù  par  des  pensées 
plus  ambitieuses  tout  à  notre  préjudice.  Et  nous  sommes  exposés 
à  ces  dangereuses  éventualités  parce  que  nous  avons  tant  né- 
gligé ces  places,  comme  nous  l'a  montré  l'expérience;  car  si  le 
Maure  barbare,  lors  de  l'attaque  qu'il  fit  l'été  passé  contre 
El-Mamora  *,  avait  persévéré  comme  il  l'aurait  pu,  sans  crainte 
d'être  délogé,  il  aurait  recouvré  sa  place  à  notre  grande  honte  ;  et 

1.  Le  texte  espagnol  porte  :  Adra.  3.   Surrétablisscment  à  SalédesMorlscos 

2.  V.  sur  l'alliance  des   Pays-Bas  et  du  expulsés  d'Espagne,  \ .  infra,  p.   rgo. 
Maroc    contre  l'Espagne,   j''' Séria,    Pays-  i.   Les  Marocains  s'elTorcèrent,  à  diverses 
Bas,  t.  I,  Introduction.  reprises,  d'arracher  El-Mamora  aux  Espa- 


MÉMOIRE    SUR    LA    DÉFENSE    DES    PRESIDIOS    d'aFRIQUE  67 

alors  que  la  flotte  de  l'Océan  se  trouvait  à  Cadix  et  qu  en  une  nuit 
on  auiait  pu  envoyer  un  brillant  secours,  non  seulement  pour  y 
rétablir  la  sécurité,  mais  encore  pour  prouver  qu'en  vingt-quatre 
heures  ces  places  peuvent  être  puissamment  secourues,  on  ne  la  pas 
fait,  quoique  1  on  eût  dû  le  faire,  ne  fût-ce  que  pour  bien  établir 
qu  il  était  facile  de  les  secourir  :  leur  force,  en  effet,  ne  consiste  pas 
en  celle  qu'elles  ont  dans  leurs  murs,  mais  en  celle  qu'elles  peuvent 
recevoir  rapidement.  L'ennemi  aurait  été  dégoûté  de  tenter  une  autre 
fois  la  même  entrei^rise  avec  meilleure  chance  ou  de  plus  grands 
préparatifs,  en  voyant  que  dans  toute  rencontre  il  nous  était  inférieur 
et  que,  secourue,  la  place  n'était  jamais  perdue;  et,  sicelaétaitarrivé, 
comme  c'était  possible,  c'eût  été  la  chose  la  plus 'lamentable  pour 
la  réputation  que  de  voir  le  lloi,  notre  seigneur,  commencer  son 
règne  '  par  la  perte  de  ce  que  son  père  lui  avait  acquis  presque  à  sa 
porte  par  des  moyens  si  coûteux  ;  et  cela  arrivera  si  l'on  ne  fait 
pas  en  sorte  que  les  choses  changent  et  que  la  sécurité  de  ces 
places  soit  assurée. 

Chapitre  II.  —  Qui  fournit  le  moyen  qu'on  pourra  employer 
pour  assurer  avantageusement  la  sécurité  de  ces  places,  sans  qu'il  en 
coûte  au  patrimoine  royal. 

Frappé  de  l'importance  qu'il  y  a  d'assurer  la  sécurité  de  la 
côte  de  Barbarie  par  mer  et  par  terre,  et  de  ce  fait  que  la  gran- 
deur de  cette  monarchie  est  ce  qui  l'expose  le  plus  à  sa  ruine,  à 
cause  de  l'étendue  et  de  l'éloignement  des  parties  dont  elle  est 
composée  (car  cela  l'oblige  à  secourir  chacune  d'elles  et  affaiblit 
d'autant  ses  foiccs.  puisciu'elle  doit  les  répartir  en  un  mrme  lemps 
à  dilTérents  endroits  et  qu'il  n'y  a  pas  de  ressources  qui  suffisent,  ni 
de  soins  et  d'activité  qui  subviennent  à  ce  qu'exige  chaque  jour  sa 

gnols.   En   1621,  forts  de  l'appui  des  llol-  S('Tent    l'ennemi.    Cf.    Cespedes,  p.  i38  ; 

landais,    ils   vinrent  attaquer  la   place  par  Galindo  ydeVera,  p.  2/17  ;  Castellanos, 

terre  et  par  mer,  mais  le  général   Crislo-  Hist.    de    ilarruecos,    p.    92    et    i"   Série, 

bal    Lcchuga   sut    résister   aux    forces  des  Angleterre,  aux  dates  des  2,  11  et  23  juin 

coalisés  et  donna   ainsi  le  temps  à  la  flotte  162 1. 

espagnole  commandée  par  Contreras  d'ac-  i.   l'Iiilippe  IV  succéda  à  son  père  le  3l 

courir  au  secours  des  assiégés  qui  rcpous-  mars  1621. 


G8  1621-1622 

conservation),  il  y  a  longtemps,  Monseigneur,  que  j'ai  l'esprit 
occupé  d'un  projet  qui  permettrait  à  Sa  Majesté  de  se  décharger 
des  dépenses  nécessaires  pour  conserver  et  défendre  cette  région, 
tout  en  y  donnant  bon  ordre.  De  l'exécution  de  ce  projet  décou- 
leraient d'autres  résultats  très  importants  pour  la  gloire  de  Dieu  et 
le  service  de  l'Eglise  catholique,  pour  l'honneur  des  royaumes  de 
Castille,  pour  le  bien  de  la  noblesse  et  sa  réputation. 

Voyant  donc  combien  brillel'ordrede  Saint-,JeandeMalte,  comme 
avec  peu  de  forces  il  s'acquiert  de  la  gloire,  et  le  fruit  que  ses  actions 
rapportent  à  la  Chrétienté  (ce  serait  leur  faire  tort  que  de  vouloir 
les  rapporter  brièvement)  ;  et  considérant  en  combien  peu  de  temps 
l'ordre  de  Saint-Etienne,  institué  par  les  Ducs  de  Florence'  (et  qui 
a  été  l'un  des  motifs  pour  lesquels  Pie  V  leur  a  donné  le  titre  de 
Grand  Duc),  avec  de  si  modestes  débuis,  a  acquis  du  renom  et  de 
l'estime  et  a  mérité  que  Sa  Sainteté  le  secoure  et  l'encourage  par 
des  indulgences  et  des  grâces  ecclésiastiques,  en  lui  exprimant  sa 
satisfaction  ;  et  me  souvenant  de  ce  que  nous  avons  tous  lu  des  ti'ois 
Ordres  militaires  de  Castille:  Santiago,  Calatrava  et  Alcantara,  dont 
les  histoires  générales  et  particulières,  toutes  pleines  de  glorieuses 
actions  accomplies  pendant  la  restauration  de  l'Espagne,  montrent 
coml)ien  ils  furent  favorisés  de  Dieu  dans  toutes  les  occasions, 
combien  ils  rendirent  de  services  aux  rois,  combien  ils  ont  mérité, 
et  ce  qu'on  doit  aujourd'hui  d'honneur  et  d  estime  aux  descendants 
de  ceux  qui  firent  alors  profession  ; 

Considérant  que  la  gloire  de  ces  Ordres  parait  oI)scurcie  et  ne 
resplendit  pas  comme  elle  le  devrait,  parce  que  leurs  membres,  qui 
ne  seraient  pas  inférieurs  à  leurs  devanciers,  si  on  leur  donnait 
l'occasion  d'accomplir  leurs  désirs,  ne  sont  pas  en  situation,  comme 
en  ce  temps-là,  de  montrer  leur  valeur  ; 

Me  rappelant  en  particulier  que,  lors  de  la  conquête  de  l'Anda- 
lousie, la  plus  ardue  et  la  dernière  entreprise  des  rois  de  Castille  et 
de  Léon,  ces  rois  —  voyant  qu'il  était  dilFicile  de  recouvrer  un  pays 
naturellement  défendu  par  la  Sierra  Morena,  vaste,  fertile  et  dans 


I.  Cosme  de Médicis (premier grand-duc  en  i56g.  Il  institua  le  1 5  mars  iSôal'ordre 
de  Toscane),  duc  de  Tlorence  en  i537,  duc  de  Saint-Etienne  dont  Pie  IV  le  déclara 
de  Sienne  on  i55d  et  grand-duc  de  Toscane        grand-maitre. 


MÉMOIRE    SUR    LA    DEFENSE    DES    PRKSIDIOS    d'aFRIQUE  fig 

lequel  les  armées  des  Maures  étaient  abondamment  approvisionnées 
par  les  ports  et  secourues  du  côté  de  l'Afrique,  d'oîi  ils  pouvaient 
être  aidés  par  des  gens  semblables  à  eux,  de  même  secte  et  religion, 
et  que  ce  qui  faisait  cette  province  inexpugnable  et  qui  contribua 
surtout  à  en  rendre  la  soumission  si  longue  et  si  coûteuse  fut 
qu'elle  produisait  naturellement  et  toujours,  dans  toutes  les  nations 
et  parmi  tous  ceux  qui  l'on  occupée,  des  caractères  invincibles, 
habiles,  vaillants,  industrieux,  intelligents  et  tels  que,  pour  la 
défense  de  leur  pays  et  pour  la  conquête  de  celui  des  autres,  on  ne 
peut  nier  qu'ils  n'aient  été  excellents  —  ces  sages  rois,  dis-je, 
refrénèrent  cet  orgueil  et  cette  valeur  belliqueuse  en  leur  donnant 
pour  fronteros  les  maîtres  des  Ordres  militaires  et,  en  plaçant 
ceux-ci  sur  les  confins  entre  l'Estramadure  et  l'Andalousie,  rendirent 
facile  ce  qui  autrement  paraissait  impossible  (les  bannières  des 
Ordres,  en  efiet,  leurs  troupes  rangées  en  escadrons,  enseignes 
déployées,  étaient  comme  des  touis  et  des  forteresses  inexpugnables 
qui  défendaient  les  autres  parties  de  l'armée  :  c'est  là  qu'ils  gagnèrent 
par  refTusion  d'un  sang  généreux  ce  que  leurs  descendants  possèdent 
à  bon  droit)  : 

Et  voyant  que  dans  les  Ordres  réguliers,  qui  vont  en  s'éloignant 
de  leurs  premiers  et  fervents  fondateurs  et  chez  qui  s'éteint  cette 
ferveur  primitive.  Dieu  a  de  nos  temps  suscité  et  aidé  de  secours 
extraordinaires  de  saints  religieux  de  ces  instituts,  qui.  revenant 
avec  un  nouveau  recueillement  à  leur  premier  état,  illustrent  les 
règles  de  leurs  Ordres,  et,  par  leur  perfection  évangélique,  piodui- 
sent  un  fruit  admirable  dans  l'Eglise  catbolic[ue  ; 

Je  considère  que  la  haute  Miséricorde  et  Providence  divine  qui 
nous  protège  daignera  faire  la  même  chose  dans  les  Ordres  mili- 
taires, et  que,  de  si  précieuses  semences  de  nobles  veitus  étant 
réparties  dans  ces  Heux,  il  ne  se  peut  pas  qu  elles  ne  brdlent  et 
produisent  des  plantes  glorieuses,  restaurent  le  renom  et  la  valeur 
espagnole,  propagent  l'Eglise  de  Dieu  et  défendent  les  fds  de 
celle-ci,  pour  sf)n  exaltation  et  sa  gloire. 

C'est  pour  remédier  à  la  nécessité  présente  que  je  fais  ce 
discours,  mais  il  faut  tenir  grand  compte  de  ce  que  ce  projet  a  été 
étudié  dans  le  passé  et  que  l'application  en  a  été  ordonnée  par  l'un 
des  rois  les  plus  prévoyants,  valeureux  et  préoccupés  de  la  conser- 


■yo  1621-1(522 

vation  de  ses  royaumes  qu'ait  eus  cette  couronne,  et  celui  qui  l'a 
accrue  et  environnée  de  la  grandeur  qu'elle  possède  aujourd  hui . 
le  saint  roi  D.  Ferdinand  le  Catholique.  Entre  autres  grandes  choses 
qu'il  ht  en  sa  vie,  il  avait  préparé  sur  ce  sujet  une  ordonnance  non 
suivie  d'exécution,  comme  le  rapporte  Zurita  dans  ses  Annales, 
Dieu  réservant  peut-être  la  gloire  d'une  si  grande  œuvre  au  Roi 
notre  seigneur  ahn  qu'il  acquière  des  mérites  en  l'appliquant  et 
en  la  perfectionnant.  Tenant  donc  chapitre  général  de  l'ordre  de 
Santiago,  dont  il  était  maître  et  perpétuel  administrateur,  il  ht 
insérer  parmi  les  statuts  du  chapitre  tenu  dans  la  ville  de  Valla- 
dolid  l'an  1609,  le  statut  suivant,  d'après  Zurita,  livre  8,  6°  partie, 
chap.  /|8  : 

«  Ce  fut  une  ancienne  coutume  dans  cet  Ordi'e  et  chevalerie  du 
«  bienheureux  apôtre  Saint  Jacques,  notre  patron,  de  placer  de  ses 
«  couvents  sur  les  frontières  des  Maures  infidèles,  ennemis  de  notre 
«  sainte  foi  catholique,  pour  que  là  ils  eussent  tous  les  moyens 
«  et  occasions  de  faire  et  d'accomplir  ce  à  quoi  la  religion  les 
«  oblige.  Et  à  présent  qu'il  a  plu  à  Dieu  Notre  Seigneur  de 
«  nous  donner  une  telle  victoire  dans  la  province  d'Afrique  que 
«  la  ville  d  Oran  et  d  autres  lieux  ont  été  pris  et  assujettis  à  ces 
«  royaumes  de  Castille  et  de  Léon',  et  que  nous  avons  confiance 
<(  que  chaque  jour  ils  s'augmenteront  :  voulant  imiter  une  si  louable 
«  coutume,  avec  l'accord  des  Révérends  Pères  Prieurs  de  Ucles  et 
«  de  San  Marcos  de  Léon,  et  des  grands  commandeurs,  et  des 
«  treize ^  et  de  tous  les  autres  commandeurs,  chevaliers  et  frères, 
«  réunis  avec  nous  en  ce  chapitre  général  que  nous  avons  ordonné 
«  de  tenir  en  la  noble  ville  de  Valladolid,  nous  ordonnons  et 
«  mandons  qu'il  soit  créé  immédiatement  un  couvent  de  ce  saint 
«  Ordre  de  chevalerie  dans  la  ville  d'Oran.  où  il  y  ait  un  prieur  et 
«  des  religieux  du  même  Ordre,  qui  célèbrent  les  divins  offices, 
«  confessent  et  donnent  le  Saint  Sacrement  aux  chevaliers  qui 
«  résident  là,  et  fassent  toutes  les  autres  choses  auxquelles,  d'après 
«  la  règle  et  les  statuts  de  cet  Ordre,  ceux-ci  sont  oljligés. 

«  En  outre,  comme  le  but  de  cet  Ordre  de  chevalerie  est  de 

I.   La  ville   d'Oran   fut   prise  le   i-  mai  a.   On  appelait  ainsi  les  treize  chevaliers 

iSogpar  Pedro  de  Xavarro  qui  commandait        de    Saint-Jacques    députés    par    le    grand- 
rexpédition  du  cardinal  Xiuienès.  maître  pour  assister  à  un  chapitre  général. 


MEMOIRE     SLR     LA     DEFENSE    DES    PRESIDIOS    D  AFRIQUE  7  I 

«  défendre  les  Chrétiens  et  de  faire  la  guerre  aux  Maures  ennemis 
«  de  notre  sainte  foi  catholique,  il  nous  a  paru  chose  raisonnable 
«  que  les  gentilshommes  qui  devraient  être  reçus  dans  lOrdre  et 
«  chevalerie  de  ce  glorieux  Apôtre  aillent  prendre  l'habit  audit 
«  couvent  que  nous  ordonnons  de  faire  dans  la  ville  d'Oran.  C'est 
«  pourquoi,  avec  l'accord  et  consentement  dudit  chapitre  général, 
«  nous  ordonnons  et  mandons  que  les  chevaliers  qui  dorénavant 
«  seront  reçus  dans  ce  saint  Ordre  et  chevalerie  de  Santiago  aillent 
«  recevoir  1  habit  et  faire  profession  audit  couvent  que  nous  ordon- 
«  nous  de  fonder  dans  la  ville  d'Oran,  et  non  ailleurs;  et  nous 
«  entendons  ne  dispenser  de  cette  observance  pour  aucune  cause 
«  ni  raison.  » 

En  conformité  de  ces  statuts,  il  fut  expédié  par  le  pape  Jules  II 
une  bulle  que  1  on  trouvera  aux  archives  de  Simancas,  donnée  au 
mois  de  mai  iSoq.  où  il  accorde  la  faculté  de  placer  dans  le  couvent 
d'Oran  un  prieur  et  des  frères  (jui  jouissent  de  tous  les  privilèges 
qu'ils  ont  dans  les  autres  couvents  de  cet  Ordre,  et  il  leur  attribua 
certains  revenus  dont  il  sera  plus  loin  fait  mention.  Et  de  même 
S.  M.  supplia  le  Pape  d'autoriser  les  couvents  de  Villar  de  Venas  et 
de  S'  Martin,  qui  sont  dans  les  diocèses  de  Santiago  etd'Oviedo,  à 
s'unir  avec  ce  nouveau  couvent  d  Oran  et  à  lui  affecter  leurs  biens; 
Zurita  rapporte  cjue  le  Pape  accorda  cette  autorisation.  Cette  si 
sainte  détermination  ne  fut  pas  exécutée,  pour  avoir  été  prise  tout 
à  la  fin  du  règne  de  ce  prince  très  sage.  Et  peut-être  est-ce  parce 
que  cela  n'a  pas  été  fait,  et  parce  que  les  deux  autres  couvents  n'ont 
pas  été  établis  à  Tripoli  et  à  Bougie',  que  ces  deux  places  ont  été 
perdues.  Et,  puisque  Dieu  a  voulu  que  Larache  et  El-Mamora 
puissent  jouir  de  cet  avantage,  et  que  les  Ordres  militaires  puissent 
avoir  une  tache  si  convenable,  si  léi^ritime  et  si  nécessaire  à  leur 
état,  si  sûre  pour  leur  conscience,  et  qui  est  un  facile  et  droit 
acheminement  aux  honneurs,  aux  charges  et  commanderies  de  leurs 
Oidres  et  à  la  gloire  de  ceux-ci,  choses  d'autant  plus  estimables 
qu'elles  ont  été  acquises  par  plus  de  mérite,  puisque  c'est  là  l'em- 
ploi et  le  but  des  Ordres  militaires,  il  sera  très  juste  que  ce  qui  n'a 

1.  Les  statuts  prévoyaient  la  fondation  valicrs  de  Malte  par  le  corsaire  Dragut. 
de  couvents  dans  les  places  de  Tripoli  et  de  lîougie  fut  enlevée  aux  Espagnols  en  l555 
Bougie.  Tripoli  fut  pri^e  on  i55i  aux  chi'-        par  le  paclia  Salah  Raïs. 


'J2  ifiai-iCaa 

pas  été  fait  dans  ce  temps-là  s'exécute  dans  celui-ci,  où  la  nécessité 
est  plus  urgente  :  on  confiera  donc  à  leur  garde  spéciale  et  particu- 
lière ces  places  si  dignes  d'être  défendues,  et  elles  le  seront  tfès 
bien  lorsqu'elles  se  trouveront  à  la  charge  de  personnes  ayant  de  si 
grandes  obligations.  Ce  principe  étant  donné,  chacun  des  Ordres, 
par  émulation,  tâchera  de  produire  de  meilleurs  effets,  et  tous 
ensemble  en  produiront  de  très  grands,  non  seulement  en  mettant 
des  garnisons  dans  ces  places  pour  les  défendre  et  en  assurant  la  sécu- 
rité de  l'une  et  de  l'autre  côte,  mais  encore,  avec  de  tels  portiers,  on 
hésitera  à  passer  le  Détroit  et,  avec  un  léger  renfort,  il  sera  entiè- 
rement gardé.  Et,  lorsque  viendront  de  grandes  flottes,  les  Ordres 
les  seconderont  au  moment  opportun  et  une  troupe  de  gens  si  nobles 
se  distinguera,  et  il  se  fera  diverses  choses,  toutes  très  grandes  et 
proportionnées  à  cette  œuvre. 

On  se  trouvera  déjà  en  présence  d'un  commencement  d'exécu- 
tion; car  du  temjjs  de  l'Empereur,  notre  seigneur,  l'Ordre  de  Saint- 
Jacques  a  eu  quatre  galères  à  son  compte  et  les  a  entretenues  au 
moyen  de  deux  parts  prélevées  sur  les  commanderies  ;  et  à  ce  sujet 
il  m'a  été  dit  par  un  chevalier  de  l'Ordre,  qui  connaît  bien  le  passé, 
qu'il  y  a  sur  cela  une  ordonnance  et  une  bulle  donnée  en  juillet 
io53  ;  en  outre,  lors  de  l'aflaire  du  Penon,  il  est  fait  mention  qu'il 
s'y  est  trouvé  des  galères  de  l'Ordre  de  Saint-Jacques  ' 

Cii,\piTRE  VIII.  —  Des  choses  qui  pourraient  aider  au  peuplement 
de  ces  places  et  par  suite  relever  le  nombre  des  soldais  des  rjarni- 
sons  de  terre  en  même  temps  que  faciliter  l'accroissement  de  celui 
des  gens  de  mer. 

Une  des  causes  qui  rendent,  dans  l'état  présent,  plus  ardu  et  plus 
difficile  de  secourir  ces  places,  c'est  leur  dépeuplement  et  leur  accès 
incommode  ;  il  y  aura  deux  moyens  pour  obvier  à  cette  sittiation 
et  contribuer  à  la  faire  cesser'  :  le  premier  est  d'y  attirer  davantage 

I.   L'affaire  du  Penon  eut  lieu  le  6  sept.  2.   Un  moyen  de  remédier  au  di!|)eu[jlr- 

i564;   les  galères   dos    Ordres   d'Espagne  ment  des  presidios  et  d'erapcclier  les  désor- 

se  réunirent  à  la  flotte  de   D.  Garcia    de  tions  qui  y  étaient  si  nombreuses  eût  été  d'at- 

Toledo  pour  prendre  part  à  la  campagne.  tirer  dans  ces  places  des  femmes  espagnoles 

Mar.mdl,  II,  p.   aôg  et  /''*  Série,    France,  et  de  favoriser  le  mariage  des  soldats,  ainsi 

t.  I,  pp.  •iLi'-i-'À~o.  (|uc  ci'la  se  faisait  dans  les  «  frontoiras  »  por- 


MÉMOIRE    SUR    L\    DÉFENSE    DES    PRESIDIOS    d'aFRIQUE  "3 

les  navires  de  commerce:  alors  ces  places  seront  mieux  défendues, 
et  par  cela  seul  cessera  la  dépense  que  l'on  fait  pour  les  défendre  ; 
le  second  est  de  rendre  ces  places  praticables  et  commodes.  On 
obtiendra  ainsi  bien  des  résultats,  que,  pour  ne  pas  insister  sur 
cette  idée,  ni  allonger  le  discours,  on  ne  rapporte  pas,  et  ils  sont  si 
nombreux,  que  l'un  quelconque  d'entre  eux  peut  porter  à  adopter 
les  moyens  que  l'on  propose  pour  ce  peuplement  et  accroissement. 

C'est  une  chose  notoire  que,  comme  tout  homme  fuit  la  dure 
pauvreté  et  cherche  sa  commodité  et  son  soulagement,  chacun  quitte 
sa  patrie  et  sa  maison  à  la  recherche  de  son  aAantage  et  de  son 
profit.  Parmi  les  moyens  d'atliier  la  population,  le  piemier  sans 
contredit  est  la  franchise  et  liberté  du  commerce;  on  pourrait  donc 
donner  à  tous  les  habitants  de  ces  lieux  celle  qui  fut  accordée  aux 
gens  d'Antequera'  pour  la  repeupler,  quand  elle  était  frontière  du 
royaume  de  Grenade,  privilège  qui  était  conféré  à  ses  habitants, 
quel  que  fût  l'endroit  où  ils  vendraient  les  produits  et  marchandises 
qu  ils  apporteraient. 

On  pourrait  accorder  une  franchise  exonérant  de  droits,  dans  une 
proportion  et  limite  déterminée,  les  produits  venant  d'Espagne  qui 
seraient  nécessaires  à  l'approvisionnement  de  ces  places  ;  on  per- 
mettrait aussi,  pour  une  quantité  fixe  et  limitée,  la  sortie  des  mar- 
chandises dont  l'exportation  est  prohibée  ;  et  ce  ne  serait  pas  un  pri- 
vilège exorbitant  d'exonérer  de  droits,  pour  la  quantité  qu'il  est 
permis  d'exporter,  celui  qui  vendrait  à  l'Espagnol  de  ces  places,  car  le 
prieur  et  le  couvent  de  SanYsidrode  Sevilleonlle  privilège  d'exemp- 
ter celui  qui  acliète  au  couvent  de  tous  droits  sur  ce  qu'il  achète  ;  et 
il  n'y  a  pas  de  privilège  qui  soit  trop  grand,  lorsque  grande  est  la 
cause  pour  laquelle  il  est  concédé.  Cette  franchise  étant  accordée 
temporairement,  on  pourrait  la  renouveler  juscju'à  ce  qu'elle  ait 
produit  les  résultats  que  l'on  en  attend,  puis  réformer  ce  qu'elle 
aurait  d'excessif,  lorsque  sa  raison  d'être  aurait  disparu. 

On  pourrait  également  accorder  licence  d'importer  du  blé  en 
Espagne',  dans  les  temps  où  il  y  en  aurait  abondance  en  Barbarie 

tugaises.  V.  /"  Sirir.  Espagne,  Mémoire  île  par  les  Espagnols  en  i4io  ;  un  combat  où 

l'r  Ju/irtn  Poi/or,  à  la  dalo  (le  mal  ilKu.  les  Cliréliens  furent  vainqueurs  se  livra  sons 

I.   .\ntequera  h  ,")o  kil.  N.-().<le  Malatra.  ses  murs  en  i^a/J. 
Celle  ville  forlifiée  par  les  Maures  fui  prise  2.   V.  /''''  Série.  France,  t.  II,  p.  43a. 


■J^  1(191-1622 

et  pénurie  ici.  et  d'en  tirer  le  prix  en  argent,  car  cela  a  été  accordé 
à  des  étrangers,  et  même  à  des  ennemis,  dans  les  années  de 
disette. 

Les  prises  qui  seraient  faites  devraient  être  réparties  de  telle 
manièi'e  qu'il  en  résultât  nécessairement  pour  l'œuvre  un  accrois- 
sement. On  en  attribuerait  à  la  communauté  une  bonne  part,  et 
aux  particuliers  une  autre,  ce  qui  serait  un  grand  encouragement, 
et  tout  cela  bien  organisé  prospérerait. 

Comme  le  l)ut  auquel  vise  cette  brève  relation  n'est  pas  de 
fatiguer  l'esprit,  mais  seulement  de  donner  un  aperçu  de  ce  qu'on 
pourrait  faire,  et  non  de  la  manière  dont  on  doit  l'exécuter,  on 
laisse  de  côté,  pour  abréger,  beaucoup  de  rameaux  que  cette  faible 
semence  viendra  à  produire,  si  on  la  sème  et  la  cultive,  car  le 
commerce  de  Barbarie  est  en  bien  des  manières  très  utile  à  l'Es- 
pagne ;  et  l'établissement  de  ces  places  faisant  du  commerce  avec 
l'Espagne  et  tous  les  pays  voisins  amènera  une  paix  et  une  sécu- 
rité qui  permettront  d'étendre  ensuite  les  moyens  d'action  ;  et  plus 
les  Ordres  seraient  commodément  établis  dans  ces  places,  plus 
s'accroîtrait  avec  la  sécurité  de  ces  places  le  nombre  des  marins, 
et  il  viendrait  un  temps  où  le  Détroit,  par  le  moyen  de  cette  gar- 
nison permanente,  deviendrait  sûr,  et,  sur  la  rive  de  l'Océan,  l'entrée 
des  ports  d'Espagne  le  serait,  chose  très  importante,  car  la  popu- 
lation qui  avoisine  ces  ports  est  celle  qui  soutient  le  commerce  avec 
toutes  les  nations. 

Et,  quand  une  chose  qui  entraîne  si  peu  de  frais  qu'elle  est 
plutôt  une  opération  commerciale  qu'une  dépense  est  faite  pour  des 
fins  si  hautes  et  si  utiles,  ces  traits  semblent  suffire  pour  qu'on 
souhaite  de  l'exécuter. 


Chap.  IX.  —  Où  l'on  rapporte  ce  que  Sa  Majesté  dépense  aujourd'hui 
dans  ces  places,  pour  qu'on  connaisse  ce  qu'on  économisera  en  les 
confiant  aux  Ordres  inilitiùres,  suivant  ce  projet. 

Non  seulement  ce  plan  est  honorable  et  sûr  et  il  est  nécessaire 
et  urgent  de  l'adopter,  ou  un  autre  équivalent,  pour  remédier  à  une 
nécessité  si  urgente,  mais  encore  ce  plan  est  utile  et  économique, 


MEMOIHE     SUR     LA     DEFENSE     DES    PRKSIDIOS    D  AFRIQl  E  7O 

car  il  faut  considérer  que  Sa  Majesté  dépense  aujourd'hui,  sur  le 
service  des  millions,  quatre-vingt-dix  mille  et  quatre  cents  ducats 
de  consignation  ordinaire,  dans  le  préside  dOran,  sans  compter 
les  dépenses  extraordinaires,  qui  ne  sont  pas  inférieures. 

Sur  ce  même  service,  elle  assigne  à  Larache  et  à  El-Mamora  vingt- 
deux  mille  quatre  cents  ducats,  sans  les  constructions  et  les  dépenses 
qu'on  peut  a^^pelcr  ordinaires,  car  elles  sont  plus  que  nécessaires, 
et  qui  s'élèvent  à  un  si  grand  chiffre  que  c'est  horrible  à  penser, 
quand  on  voit  l'état  de  ces  places,  leur  dénûment,  loubli  et  l'absence 
de  toutes  mesures  propres  à  améliorer  une  situation  aussi  honteuse, 
et  qu'on  songe  qu'une  dépense  d'une  nécessité  permanente  n'est 
assurée  que  par  des  contributions  volontaires  et  accidentelles, 
susceptibles  d'être  interrompues,  puisqu'il  n'y  a  plus  de  forces  ni 
de  sang  à  répandre,  malgré  l'urgence  de  remédier  à  cet  état  de 
choses.  Ces  cent  treize  mille  ducats,  devenus  libres,  pourraient  être 
employés  à  augmenter  les  flottes,  à  créer  celle  des  Ordres,  à 
laquelle  il  serait  donné  cent  mille  ducats  de  principal,  sans  compter 
les  couvents  et  l'assistance  de  sujets  si  valeureux  qui  tiennent  de 
leur  illustration  même  de  irrandes  obligations  :  chacun  d'eux  entraî- 
nerait  avec  lui  bien  des  gens  qui,  venus  dans  le  seul  dessein  de 
l'accompagner,  contribuei'aient  à  la  fortification  et  à  la  défense  de 
ces  places. 

Et  aujourd'hui,  avec  ces  dépenses,  non  seulement  elles  ne  sont 
pas  défendues,  mais  on  est  exposé  à  les  perdre  ignominieusement, 
en  môme  temps  que  sa  réputation,  et  ceux  qui  les  occuperont 
pourront  nous  couper  les  vivres,  que  seul  nous  procure  le  commerce, 
et  entrer  par  nos  portes.  Ils  le  pourront  faire  sans  danger,  se 
fondant  sur  notre  négligence  et  sur  notre  manque  de  prévoyance 
plutôt  que  de  zèle,  car  ils  savent  combien  cette  prévoyance  est 
courte,  et  cela  les  encourage  dans  leurs  projets.  C  est  un  laby- 
rinthe si  profond  et  si  lamentable  que  l'examen  de  ces  matières, 
que,  quelque  modéré  que  soit  le  discours  qu'on  en  fait,  il  afflige  le 
cœur  et  gâte  la  vie  de  celui  qui  avec  un  zèle  loyal  et  chrétien  y 
consacre  ses  pensées.  Et  ainsi  il  vaut  mieux  n'y  pas  entrer  que  se 
lamenter,  sans  tirer  aucun  fruit  du  temps  et  de  la  peine  qu'on  y 
consacre.  Que  Celui  qui  prend  soin  des  poissons  et  des  oiseaux 
fasse  un  miiaclc  pour  son  Église,  car  c'est  un  miracle   continuel 


76  1^2  1- 1622 

que  les  ennemis  de  celle-ci   n'ouvrent  pas  les  yeux,  quand  nous 
autres  les  tenons  si  fermés. 


Chapitre  X  et  dernier.  —  Où  l'on  expose  la  nécessité  d'occuper  la 
position  de  Mogador  et  comment  le  soin  de  la  peupler  et  de  la  défendre 
pourrait  ctre  confié  aux  Ordres  militaires. 

Dans  la  partie  qui  regaide  rOccident.  face  à  la  côte  d'Afrique 
qui  est  battue  par  l'Océan,  près  du  cap  de  Ghir,  entre  celui-ci  et  le 
cap  Cantin,  se  trouvent  le  point  et  l'île  de  Mogador,  qui,  bien 
qu'elle  soit  petite  et  peu  connue  '  (heureusement  pour  nous),  est, 
au  dii'e  de  tous  les  marins  (|ui  praticpienl  cette  cùte  et  la  route  des 
Indes,  un  port  très  important  pour  la  couronne  d'Espagne,  parce 
que,  par  sa  situation,  il  commande  ces  rivages.  Ce  port  est  vaste, 
facile  à  défendre,  d'une  entrée  et  d'une  sortie  sûres  pour  les  gros 
vaisseaux.  On  en  pourrait  sortir,  lors  du  passage  ordinaire  de  nos 
flottes,  et,  s'il  en  est  qui  ne  connaissent  pas  encore  ce  passage,  il 
leur  suffira  d'une  sortie  dans  ces  parages  pour  le  relever  avec  pré- 
cision. Et  si  le  Turc  ou  un  autre  ennemi  avait  cette  place  et  cette  sûre 
retraite,  il  tiendrait,  comme  on  dit,  le  couteau  sur  la  gorge  à  toutes 
nos  entreprises  pour  les  égorger  ;  et  si  cette  position  est  importante 
pour  eux,  c'est  une  raison  pour  nous  de  l'occuper  afin  qu'ils  ne 
l'acquièrent  pas.  Les  Ordres  militaires  pourraient  très  bien  se  chaiger 
de  cette  opération,  avec  le  concours  des  navires  qui  croisent  ordinai- 
rement devant  les  autres  ports  de  la  côte  d'Afrique  ;  et  même  on 
pourrait  confier  la  garde  de  cette  place  à  l'un  de  ces  Ordres,  de 
même  que  celui  de  Saint-Jean  a  celle  de  Malte,  qui  lui  a  été  donnée 
de  nos  temps  par  l'empereur  Charles-Quint.  Car,  à  bien  examiner, 
comme  il  est  nécessaire  de  le  faire,  une  chose  si  importante,  si  une 
autre  nation  occupe  cette  île,  que  l'on  dit  être  par  elle-même  très 
désirable,  outre  la  place  et  le  port  qu'elle  contient,  il  y  aura  dans 
l'Océan,  près  de  la  route  ordinaire  d'ici  aux  îles  Canaries,  et  non 
loin  d'elles,  un  obstacle  fort  dangereux  pour  la  sécurité  de  la 
navigation,  sur  laquelle  reposent  l'existence  et  la  richesse  de  l'Es- 

I.  Sur  l'importance qrie  Razilly  attribuait  moire  qu'il  adressa  à  lîirlielieu  à  la  date  du 
à  la  |)Ositioii  de  Mogador,  V.  infrn.  le  Wù-      26  nov.  iGiG,  Doc.  XXII.  p.  ii5. 


MEMOIRE    SUR    LA    DEFENSE    DES    PRESIDIOS    D  AFRIQUE  'j'j 

pagne,  et  que  doit  principalement  maintenir  cette  monarchie  pour 
sa  conservation. 

En  effet,  au  dire  de  capitaines  et  de  marins  expérimentés', 
Mogador  occupé,  c'est  un  Alger  dans  l'Océan,  par  sa  situation, 
son  port  et  sa  retraite  assurée,  pour  toutes  les  entreprises  que  l'en- 
nemi Turc  ou  Hollandais  tenterait  contre  nous,  avec  une  sortie  sîire 
et  commode  pour  faire  de  là  toutes  ses  courses  et  arrêtei  et  inquiéter 
les  flottes  des  Indes  Orientales  et  Occidentales,  qu'il  rencontrerait 
forcément  non  loin  de  ceparage,  quand  elles  passeront  jjour  prendre 
hauteur  :  et  une  fois  que  les  ennemis  auront  occupé  ce  point,  ils 
sont  à  même  de  détruire  ou  conquérir  les  Canaries,  en  coupant  les 
communications  de  ces  îles. 

Si  le  Turc  lient  iMogador,  il  peut  tenter  d'étendre  sa  domination 
sur  le  Maroc,  ainsi  qu'il  est  devenu  par  Alger  maître  de  Tunis, 
car  celui  qui  est  le  maître  de  la  mer  qui  baigne  un  pays  est  fort 
à  portée  d'en  conquérir  l'intérieur,  en  empêchant  le  peuple  con- 
quis d'être  secouru  par  mer  ;  et  tout  ce  qui  établit  les  avantages  que 
le  Turc  retirerait  de  ce  point  fait  ressortir  combien  notre  situation 
serait  critique,  s'il  venait  à  l'acquérir.  Et  bien  que  parfois  cette 
question  ait  été  examinée,  on  n'a  pas  prévenu  cet  inconvénient, 
et  on  ne  pense  pas  à  l'éviter.  Dieu  veuille  que  cela  ne  soit  pas 
quand  il  n'y  aura  plus  de  remède  ! 

Ce  n'est  pas  une  réponse  concluante  que  celle  qui  a  été  faite  par  un 
homme  îjrave  et  obligé  de  connaître  ces  matières,  disant,  pour  sortir 
de  l'embarras  oii  le  mettaient  de  si  fortes  raisons  :  «  Si  cette  position 
est  si  importante  pour  le  Turc  ou  le  Hollandais,  et  si  elle  est  inoc- 
cupée, comment  ne  1  ont-Ils  pas  prise  P  »  Car  l'important  est  de 
voir  si,  en  la  prenant,  ils  peuvent  nous  faire  du  mal,  et  s'ils  ne  l'ont 
pas  tenté,  c'est  une  bonne  fortune  ;  et  si  Dieu,  moteur  universel  des 
choses,  et  par  la  providence  duquel  elles  se  gouvernent,  nous  a  fait 
la  grâce  que  jusqu'à  présent  l'ennemi  n'iiil  pas  connu  cette  position, 
ou  bien  (pie,  la  connaissant,  il  n'ait  pas  été  disposé  à  en  faire  la 
concpiêlc,  la  prudence  nous  conseille  d'empêcher  qu'il  ne  la  puisse 
accomplir,    sans   compter   qu'il  est  toujours  sage  de  craindre    le 


1.   Tel  nV- lait  pas  l'avis  dr  D.  Fatlriqun        tic  Mogadur   rju'uti    mriliocro    inliTét.    V. 
de  Tolcdo  qui  ne  reconnaissait  à  la  place        /'fSénV, Espagne, C'ons»/(cclii 2ijiiilli't  i()i(|. 


■jS  1C21-1622 

danger  et  de  le  prévenir,  et  qu'il  est  plus  sûr  d'éviter  les  périls  que 
d'espérer  de  les  vaincre.  Notre  situation  peut  leur  avoir  donné 
l'envie  et  la  pensée  de  tenter  ce  qu'en  d'autres  temps  ils  n'auraient 
pas  osé.  Autrefois  les  Maures  n'usaient  pas  de  vaisseaux  de  haut 
bord  ;  aujourd'hui  les  prises  qu'ils  ont  faites  leur  ont  donné  des 
forces  et  de  la  cupidité,  car  le  gain  et  l'intérêt  donnent  de  la  vaillance, 
et  c'est  le  profit  qui  nourrit  les  sciences.  Et  Aoyant  comme  cela 
leur  réussit,  ils  voudront  s'assurer  une  meilleure  position  et  n'avoir 
plus  besoin  pour  opérer  dans  l'Océan  de  passer  par  le  Détroit  ;  et, 
quand  ils  verront  que  nous  tentons  d'empêcher  ce  passage,  ils 
voudront  d'autant  plus  avoir  un  établissement  sur  de  ce  côté-ci,  d'oii 
pourront  sortir  pour  faire  leurs  prises  ces  corsaires  Turcs  si  nom- 
breux qui  opèrent  aujourd  hui,  réunis  aux  Irlandais  et  aux  Hollan- 
dais, dont  nous  devons  nous  méfier  davantage.  Ils  se  trouveront 
dans  Mogador  comme  dans  une  tour  ou  un  observatoire  d'où  ils 
soi'tiront  pom-  fondre  sur  ceux  qu'ils  auront  remarqués  s'avançant 
sans  précaution  ;  et,  maîtres  de  ce  point,  ils  attaqueront  tout.  Le 
commerce  avec  l'intérieur  ne  leur  sera  pas  difficile,  car  qui  que  ce 
soit  trouverait  avantageux  d'échanger  contre  les  choses  dont  ont 
besoin  les  gens  de  ces  pays  l'ambre  '  et  les  autres  denrées  qui  y 
abondent  ;  et  aujourd'hui,  comme  les  forces  du  Hollandais  se  sont 
accrues,  ses  desseins  viseront  plus  loin. 

Et  les  projets  qu'ils  ont  différés  jusqu'à  présent  faute  de  pouvoir 
les  exécuter  ou  de  les  savoir  praticables,  ou  bien,  s'ils  les  savaient 
tels,  pour  ne  pas  compromettre  la  paix  dont  ils  croyaient  la  conclu- 
sion durable,  ils  profiteront  de  l'occasion  pour  les  accomplir,  main- 
tenant que  la  possibilité  en  est  venue  et  qu  ils  se  verront  privés  du 
commerce  ^  C'est  une  très  mauvaise  politique  que  de  confier 
notre  sécurité  à  la  torpeur  d  autrui.  Jusqu'ici,  les  forces  navales 
du  Turc,  depuis  la  bataille  de  Lépante,  n'ont  pas  été  celles  qu'il 
mettrait  en  ligne  aujourd'hui,  s'il  cherchait  querelle  à  l'Espagne, 
et  aujourd'hui  il  nous  trouve  occupés,  tiraillés,  et  faibles  ;  et  nous 

I.   Pour  ojiérer  dans    l'Océan.    Le  texte  reprise  des  hostilités.  —  La  trêve  de  douze 

porte  :  para   cnlrar  al  Occeano.  ans  conclue  en  i6og  entre  l'Espagne  et  les 

a.   L'ambre  gris  dont  il  est  question  est  Provinces-Unies  expirait  le  10  avril  1621  ; 

au  Maroc  un  produit  im])orl('.  elle  fut  jjrorogée  jusqu'au  3i  août,  date  à 

3.   Il  faut  sous-cntendrc  :  par  suite  de  la  laquelle  les  hostilités  recommencèrent. 


MÉMOIRE    SUR    LA    DEFENSE    DES    PRESIDIOS    D  AFRIQUE  79 

sommes  si  peu  prudents,  que.  par  ces  marchés  passés  avec  des 
étrangers  et  par  ce  mode  de  subsistance  de  nos  armées,  nous  faisons 
montre  d'une  détresse  encore  plus  grande  que  celle  dont  nous 
souffrons,  si  cela  peut  être.  Joignez  à  cela  que  le  Turc  jusquà 
présont  n'avait  pas  les  mains  libres  et  que  personne  n  était  là  pour 
l'aider  et  l'instruire  dans  l'art  de  la  navigation,  comme  le  fait  au- 
jourd'hui le  Hollandais,  qui  le  lui  communique  et  enseigne  et  lui 
apprend  à  voler  sur  des  navires  ;  et  l'orgueil  des  Moriscos  a  beau 
jeu  à  se  prévaloir  des  renseignements  qu'ils  lui  fournissent  sur 
notre  état  et  notre  situation,  en  dressant  des  stratagèmes,  en 
prenant  notre  costume,  nos  armes  et  notre  langue  pour  nous  trom- 
per', se  donnant  comme  nos  amis.  A  cela  se  joindrait  l'envie  de 
dominer  à  Fez  et  à  Merrakech,  ces  royaumes  qui  autrefois,  par  la 
déroute  du  roi  D.  Sébastien,  avaient  acquis  de  la  réputation, 
mais  qui  aujourd'hui  l'ont  perdue  par  leurs  dissensions.  Et  le  Turc 
peut  viser  non  seulement  à  prendre  pied  dans  la  mer  Océane,  mais 
encore  à  s'étendre  sur  la  côte  voisine,  vu  le  peu  de  résistance  de 
ceux  qui  l'occupent  et  la  grandeur  des  forces  dont  il  dispose.  La 
communauté  de  religion,  de  langue  et  la  ressemblance  des  deux  peu- 
ples en  tout  contribueront  à  ce  que  les  indigènes  se  laissent  vaincre, 
car  ils  fonderont  de  grandes  espérances  sur  la  richesse  des  prises 
qu'ils  feront  sur  nous  et  dont  ils  ont  eu  des  indices  suffisants  par 
l'assurance  que  leur  en  ont  donnée  ceux  qui  ont  visité  ces  places  '. 
L'exempleest  sous  les  yeux,  car  on  voitce  qui  sort  d'Alger  chaque 
année  et  la  richesse  qui  y  rentre,  ce  qui  suffit  à  motiver  tout  dessein 
ambitieux,  et  surtout  de  la  part  du  Hollandais,  que  l'étroitesse  de 
son  pays  pousse  à  se  rendre  maître  de  la  mer  et  à  entreprendre  de 
difficiles  commerces,  oii  il  a  réussi;  et  à  présent,  comme  des  éper- 
viers,  ils  mangent  a\  ec  délices  ce  qu'ils  nous  enlèvent.  Et  pour  ce 
motif,  force  leur  est,  ainsi  (|u'aux  Turcs,  de  chercher  des  points 
avantageux  qu'ils  se  hâteront  avec  raison  d'occuper,  car  si  l'Espagne 
accpiéraltet  fondait  des  forteresses  sur  la  ente  d'Afrique,  elle  pourrait 
s'en  servir  pour  de  plus  vastes  projets.  En  outre  les  Turcs  sont  voi- 
sins des  pays  d'Afrique,  il  leur  est  aisé  de  les  occuper,  car  leurs  idées 
et  leur  religion  ne  leur  fini  j)i)int  de  tort,  contrairement  aux  Chré- 

I.   Sur  les  supercheries  employées  par  les        Y.  infrn.  p.   igo. 
.MoriscosdeSalépourlromperlusEspagnols,  2.   Ces  places,  c'est-à-dire;  les  presidios. 


8o  i6ai-i622 

tiens,  leurs  ennemis  directs.  Aujourd'hui  qu'il  se  trouve  libre  du 
côté  de  ceux  d'Alger  comme  il  l'est  du  nôtre,  il  ne  faudrait  que 
peu  d'elTorts  au  Turc  pour  tenter  une  si  grande  entreprise,  car  les 
guerres  de  Babylonie  et  de  Tauris  '  se  ralentissent,  celles  de  Géorgie 
et  de  Hongrie"  sont  sur  le  point  de  finir,  et —  nous  sommes  obligés 
de  l'avouer  avec  la  plus  grande  douleur  —  par  suite  de  notre  pusilla- 
nimité et  de  notre  désorganisation,  il  jJeut  reprendre  haleine  et 
préparer  ses  desseins.  Il  voit  que  ceux  d  Alger  se  sont  enhardis  à 
parcourir  l'Océan,  qu'ils  le  connaissent  et  y  vont  en  sécurité,  y  font 
des  prises  à  nos  portes,  sans  (jue  l'on  donne  ordre  de  les  châtier, 
qu'ils  ont  ravagé  l'île  de  Santa  Maria,  sont  entrés  dans  celle  de  Lan- 
zarote,  sont  arrivés  aux  murs  de  Lisbonne,  et  qu'ils  auraient  pu 
tout  aussi  bien  emmener  avec  eux  que  brûler,  comme  ils  l'ont  fait,  le 
navire  des  Indes  avec  lequel  ils  stationnèrent  en  vue  de  notre  ilotle. 
S'il  sort  d'Alger  cinquante  navires  vides,  il  en  revient  cent  chargés 
de  richesses  et  de  victoires,  sans  avoir  éprouvé  aucun  dommage. 

Quand  le  Hollandais  ne  considérerait  autre  chose  sinon  que,  s'il 
prend  pied  près  de  notre  maison,  nous  le  laisserons  dans  la  sienne, 
il  le  fera  pour  cela,  et  aussi  pour  éviter  la  longueur  de  la  route  et 
s'assurer  gratuitement  une  meilleure  position,  en  ayant  sous  la 
main  un  jjort  oîi  garder  et  vendre  ses  prises,  caréner  ses  vaisseaux, 
et  reposer  et  approvisionner  ses  équipages  et  Hottes.  Et  cette  maison 
se  trouvant  au  milieu  du  bois  où  il  chasse,  qu'y  aurait-il  d'étonnant 
à  ce  qu'il  la  dispose  pour  y  passer  la  nuit  en  sécurité,  sans  payer 
le  logement,  y  trouvant  une  place  d'armes  pour  son  ravitaillement 
et  un  dépôt  pour  ses  marchandises,  avec  une  entrée  et  sortie  large 
et  sûre,  causant  à  l'Espagne  une  crainte  horrible  et  inquiétant  de 
là  toute  la  Ciu'étienté,  et  fournissant  un  témoignage  évident  de  notre 
négligence  ;  car,  si  ce  qu'aujourd'hui  nous  pouvons  posséder  avec 
sécurité  est  occupé  par  eux,  il  sera  nécessaire  de  vendre  les  calices 
des  églises  pour  les  en  déloger,  et  nous  ne  sommes  pas  certains  du 
succès. 


I.   Allusion  il   la  guerre   que  le  sliah  de  i.   Les  Hongrois,  ayant  à  leur  lête  Beth- 

PerseAbbas^e  Grant/ (i  589-1 628)  soutenait  lenGabor,  s'étaient  soulevés  contre  la  Porte; 

contre  les  Turcs,  et  qui  eut  pour  théâtres  ils  venaient  de  s'cmjjarer  de  Wailzcn  en 

principaux     la     Babylonie,    Tauris    et    la  iCiy,maislesTurcs,  occupés  par  la  Pologne 

Géorgie.  ne  uiarclièrcnt  pas  contre  les  vainqueurs. 


MEMOIRE    SUR    LA    DEFENSE    DES    PRESIDIOS    D  AFRIQUE 


81 


On  ne  doit  pas  tirer  sa  confiance  du  malheur  dautrui.  et  ce 
n'est  pas  un  raisonnement  sûr  en  politique  que  de  dire  que  le 
Turc  a  des  deuils  à  déplorer  et  que  les  Polonais  et  le  fils  du  roi 
de  Pologne  se  sont  fortifiés  dans  lîle  de  Simire,  à  la  bouche  du 
Danube  et  à  l'entrée  de  la  Mer  Noire,  à  six  journées  de  Constanti- 
nople  ;  car  il  est  certain  que  la  bonne  et  la  mauvaise  chance  alternent 
bien  des  fois  et  que  la  fortune  a  coutume  de  faire  comme  les  ileuves, 
qui  enlèvent  à  une  rive  ce  qu'ils  donnent  à  l'autre.  Et,  quand  on 
concéderait  tout  ce  qui  vient  d'ètie  dit.  il  est  très  certain  qu'il  n'est 
pas  besoin  de  la  force  ni  du  secours  du  (Jrand  Turc  pour  prendre 
ce  c|uc  personne  ne  défend,  et  (|ue  si  les  Hollandais  s  établissaient 
en  permanence  à  Mogador,  y  descendaient  à  terre,  s'y  installaient 
comme  dans  une  tente  ou  une  barraquc,  entrant  et  sortant  sur 
leurs  navires,  ils  créeraient  là  en  peu  de  temps  une  place  sûre  et 
fortifiée,  et  c'est  une  miséricorde  et  un  miracle  exprès  de  Dieu 
qu'ils  ne  le  fassent  pas.  Plus  on  fermera  le  Détroit  et  l'on  en 
fortifiera  la  sortie,  plus  il  importe  aux  Hollandais  d  avoir  là-bas 
un  |)oint  d'appui  sur  l'Océan  et  un  port  oii  ils  puissent  se  réunir 
et.  après  s'être  rassemblés  de  conserve  en  grosse  et  forte  com- 
pagnie, sortir  pour  rompi'e  notre  défense,  sans  qu'il  y  ait  pour 
l'enq^ècher  d'autre  que  Jésus-Christ. 

Qu'il  daigne,  parles  mérites  de  son  sang,  faire  en  sorte  que  cette 
gloire  revienne  à  la  noblesse  d'Espagne  et  à  ses  Ordres  militaires, 
pour  l'exaltation  de  sa  foi  et  l'honneur  de  sa  bienheureuse  mère 
qui  soit  louée  à  jamais!  Amen. 

Ilihliothèque  Ma:ariru'.  —  Ms.  l'J07  (3317),  n"  5,  ff.  6^-95  v".  — 
Imprimé. 


De  Castkies.  III.  —  6 


82 


9    AVRIL     1622 


XVI 


LETTRE  DE  JORGE  MASCARENHAS  A  MEDINA-SIDOINIA 

(Extrait.  —  Traduction) 

Le  mokaddem  Ahmed  en-Neksis  invite  les  Anglais  à  fonder  une  maison  de 
commerce  à  Télouan  :  il  faut  s'opposer  jinr  tous  les  moyens  à  leur  éta- 
blissement dans  celte  cille,  car  il  serait  très  préjudiciable  aux  intérêts  de 
iEspo'jne  au  Maroc. 

Tanger,  9  avril  1623. 

En  Ic'lc  :  Extrait  d'une  lettre  de  Don  Jorge  Mascarcnhas', 
gouverneur  de  Tanger,  au  duc  de  Medina-Sidonia,  en  date  du 
9  avril  1622. 

De  Cadix  il  m'est  venu  une  lettre  pour  En-Neksis',  mokaddem  de 


1.  Sur  co  personnage,  V.  xupra,  p.  20, 
note  3. 

2.  Les  En-Neksis  _i„àjl  étaient  une 
famille  puissante  de  Tétouan  qui  préten- 
daitètrevonueautrefoisd'Andalousie  ;  mais, 
d'après  les  chroniqueurs  indigènes,  ils 
tiraient  li'ur  origine  d'une  tribu  do  Ujebala, 

les  lieni  Ider  J  Jjl  ^1  ou  les  Bcni  Ilouzmar 

^^3)*"  iC''-  Les  habitants  de  Tétouan, 
pour  se  préserver  des  incursions  continuelles 
dos  Djebala,  placèrent  à  leur  tète,  avec  le 
titre  de  mokaddem,  un  membre  de  cette 
famille  nommé  Mohammed  on-Neksis.  Le 
pouvoir  se  conserva  jiarmi  ses  descendants 
et  alla  en  grandissant  pendant  les  troubles 
qui  manpièrent  le  déclin  de  la  dynastie 
saadlciuie  après  la  mort  de  Moulay  Ahmed 


cl-Mansour  (24  aoiU  i0o3).  Les  En-Neksis 
furent  définitivement  renversés  par  le  cliérif 
filalicn  Moulay  er-Rechid  et  émigrèrent  à 
Taroudant.  Leurs  maisons  qui  occupaient 
tout  un  quartier  de  Tétouan  furent  données 
aux  chérifs  d'Ouezzan  ;  elles  se  trouvaient 
dans  la  rue  qui  porte  aujourd'hui  le  nom 
de  <c  rue  des  chérifs  »  (Renseigncmenls  de 
sourcr  indiffenc) .  —  Ahmed  en-Neksis, 
«  vieillard  petit,  chauve  et  borgne,  »  exer- 
çait alors  à  Tétouan  un  pouvoir  tyran- 
nique.  Il  était  l'ennemi  des  chérifs  et 
avait,  en  i6i3,  à  l'instigation  de  Abou 
Mahalli,  fait  assassiner  Moulay  ech-Chcikh. 
Il  venait  on  1621-1O22  de  se  révolter  contre 
le  fils  de  ce  dernier,  Moulay  Abdallah.  Cf. 
RojAS,  S.  6^-67;  El-Olifràm,  pp.  Saa, 
3g4  et  /'■"  Série.  Espagne,  à  la  date  du  ao 
décembre  1620. 


LETTRE    DE    JOUGE     MASCARENHAS    A    MEDINA-SIDONIA  83 

Tétouan,  et,  voyant  (juc  ladresse  était  d'une  écriture  étrangère, 
je  l'ai  ouverte.  J"y  ai  trouvé  une  lettre  d'un  Anglais,  marchand  à 
Cadix'  et  une  seconde  de  l'ambassadeur  d'Angleterre  résidant  à  la 
Cour,  en  réponse  à  une  autre  de  En-Neksis.  dans  laquelle  celui-ci 
demandait  au  roi  d'Angleterre  que  les  Anglais  établissent  une 
maison  de  commerce  à  Tétouan.  Et,  dans  sa  lettre,  l'Ambassadeur 
l'avise  qu'il  a  écrit  à  son  roi  et  lui  donne  de  bonnes  espérances. 
C'est  là  une  chose  à  prendre  en  considération,  et  il  me  semble  qu'on 
doit  empêcher  cela  par  le  meilleur  moyen  possible.  En  elTet,  s'il 
s'établit  dans  cette  ville  un  commerce  permanent  avec  les  Anglais, 
cela  causera  un  grand  dommage  aux  Fronteras  et  cela  sera  de 
grande  utilité  pour  les  pirateries  de  ces  gens-ci  et  de  ceux  d'Alger. 
J'envoie  cette  lettre  à  Sa  Majesté  et  j'ai  voulu  en  rendre  compte 
àV.  E. 

Archives  espaç/noles  du  Gouvernement  (je'néral  de  iAkjéric.  —  A^"  338 
(anciennement  :  2''  carton,  9°  liasse,  n"  h  A).  —  Copie  du  xix°  siècle'. 

I.   11   s'agît   ici,    selon    toute    vraisem-  fit  valoir,  ilans  une  lettre  à  \AaUer  Aston, 

blancc.  d'un  marchand  de  Londres  nommé  les  avantages  que  procurerait  le  commerce 

Thomas  Aston.  Ce  personnage,  se  rendant  avec  la  ville  de  Tétouan.  C'est  sans  doute 

à  Tétouan  au  mois  de  décembre  lôai,  y  fut  uiu' lettre  de  ce  même  Thomas  Aston  qu'a- 

accompagné  par  un  certain  John  Duppa  que  vail  interceptée  Jorge  Mascarenhasavec  celle 

l'ambassadeur  d'Angleterre  à  Madrid.  Wal-  del'ambassadeurd'Angleterre.  Cf.  i'''Série, 

1er  .Vston,    avait   chargé  de    négocier    un  Angleterre,   Lettre  de  Ahmed  en-A'cksis  à 

échange  ou  un  rachatde  captifs.  Lemokad-  Wnlter  Aston,  ii  décembre  1621;  Leltresde 

<lem,  Ahmed  en--\eksis,  après  avoir  exposé  John  Duppa  à  Walter  Aston.  28  décembre 

à   Duppa  les  griefs    des   gens  de  Tétouan  1621  et  l'i  janvier  1632;  Portugal,  Lettre 

contre  les  Anglais,  se  montra  désireux  de  de  D.  Jorge  Mascarenlws  à  Philippe  IV  du 

rétablir  la  paix   et  les  relations  commcr-  11  juillet  1022. 

cialcs.  Il  écrivit  à  l'ambassadeur  d'Angle-  2.    Le  copistes  espagnol  a  ajouté  :  Copié 

terre  par  l'intermédiaire  de  J.  Duppa,  pour  aux  Archives  de  Simancas,    le  21  novembre 

lui  faire  part  de  ses  propositions.  De  son  i844.  pour  M.  Tiran,  de  l'extrait  de  lettre 

côté,  Thomas  Aston,  revenu  en  Espagne,  qui  existe  dans  la  liasse  Estado  n"  25i5. 


84  l/l    MAI    16 


AI     1022 


XVII 

CONSULTE  DU  CONSEIL  D'ÉTAT 
(Traduction) 

Le  Conseil  d'Etat  est  d'avis  fjue  les  gowerneiirs  de  Ceuta  et  de  Tanger 
reçoivent  l'ordre  de  contrecarrer  l'établissement  de  marchands  anglais  à 
Tctouan.  —  On  préviendra  des  visées  de  ces  marchands  l'ambassadeur 
d'Espagne  en  Angleterre. 

Madrid,   lij  mai  1622. 

En  tête  :  D'office.  Le  Conseil  d'Etat,  le  ili  mai  1622.  Sur 
l'intention  que  les  Anglais  ont  d'établir  une  maison  de  commerce 
àTétouan,  ce  dont  a  avisé   le  duc  de  Medina-Sidonia. 

De  la  main  de  Philippe  IV :  Cela  est  bien,  et  il  a  été  ordonné,  par 
l'entremise  du  Conseil  de  Portugal,  de  faire  par  cette  voie  toute 
diligence,  ainsi  que  cela  a  été   recommandé,  à  Ceuta  et  à  Tanger. 

Sire, 

Votre  Majesté  a  ordonné  que  le  Conseil  vît  la  copie,  qui  est  re- 
tournée ci-jointe,  d'un  passage  dune  lettre  de  Don  Jorge  Masca- 
renhas  pour  le  duc  de  Medina-Sidonia',  qui  traite  des  négociations 
qui  ont  lieu  entre  En-Neksis,  mokaddem  de  Tétouan,  et  quelques 
marchands  anglais  de  Cadix  pour  établir  à  Tétouan.  au  su  du  roi 
d'Angleterre,  une  maison  de  traite  et  de  commerce  desdits  Anglais. 

Après  avoir  conféré  sur  la  matière,  il  a  paru  bon  au  Conseil  de 
donner  à  Votre  Majesté  l'avis  qu'il  serait  convenable  à  son  royal 

I.   V.  Doc.  précédent,  p.  82. 


CONSULTE    nu    CONSEIL    d'ÉTAT  85 

service  d'ordonner  aux  gouverneurs  de  Ceuta  et  de  Tanger  de  faire 
en  sorte,  avec  beaucoup  de  soin  et  par  les  moyens  qu'ils  pourront, 
d'empêcher  ce  commerce,  à  cause  des  inconvénients  qui  pourraient 
en  résulter  pour  les  Fronteras  d'Espagne,  et  de  faire  écrire  aussi  à 
l'ambassadeur  de  Votre  Majesté  en  Angleterre,  en  lui  faisant  part 
de  cette  intention  des  Anglais  de  s'établir  à  Télouan,  afin  qu'il 
tâche  d'empêcher  qu'elle  soit  réalisée. 

\otre  Majesté  ordonnera  ce  qui  lui  paraîtra  le  mieux. 

Madrid,  i^  mai  1622'. 

Suivent  cinq  parafes. 

Archives  espagnoles  du  Gouvernement  fjénéral  de  l'Algérie.  —  A'"  339 
(anciennement  :  2"  carton,  9"  liasse,  n°  4  Bj. 

I .   Le  copiste  espagnol  a  ajouté:  Copiéaiix        pour  M.  Tiran,  sur  la  consulte  originale  qui  se 
Arcliiues  de  Simancas,  le  21  novembre  iS44-         trouve  clans  ta  liasse  Estado  n°  25i5. 


86  h    DÉCEMBRE     l62  2 


XVIII 


REQUÊTE  DE  CAPTIFS  FRANÇAIS  A  LOUIS  XIII 

Partis  de  Marseille  sur  le  (jaUon  «  Notre-Dame  »  avec  des  lettres  de  mar- 
que pour  faire  la  course  contre  les  pirates  turcs,  ils  ont  fait  naufrage  et 
sont  retenus  par  Moulay  Zidàn  dans  une  dure  captivité'.  —  Leur  situa- 
tion est  si  intolérable  que  plusieurs  captifs,  pour  y  échapper,  se  sont  faits 
musulmans.  —  Ils  demandent  au  Roi  de  remplacer  l'agent  Claude  Du 
Mas,  qui  ne  s'est  pas  occupé  activement  de  leur  rédemption,  par  une  per- 
sonne à  qui  ion  remettra  un  pjrésent  d'une  valeur  de  dix  à  douze  mille 
écus  à  offrir  à  Moulay  Zidàn.  —  fis  chargent  le  P.  Antoine  de  Sainte- 
Marie  de  remettre  au  roi  la  présente  supplique. 


Merrakech,  A  décembre  1G22. 

Entête,  alla  manu:  Les  captifs  de  Maroc. 

En  tête,  propria  manu  :  Au  Trcs-creslien  et  Très-auguste  Roy  de 
France  et  de  Navarre,  noslre  très-honoré  seigneur  et  maistre,  et  à 
Nosseigneurs  de  son  ConseiL 

Sire, 

Remonstrent  très-humblement  et  très-deAotement,  avec  tout 
riionneur,  respect,  obéissance  et  fidélité  à  nous  possible,  deue  à 
Voslre  Très-crestienne  et  saccrée  Magesté,  les  pauvres  affligés  et 
infortunés  captifs,  ses  Irès-liumbles,  très-obeissanl  et  fidelles  subjetz 
et  serviteurs,  qui,  despuis  neuf  années,  sont  deblenuz  captifs  et 
prisonniers  par  Molei  Sidan,  roy  de  Maroc  en  Mauritanye,  comme 
Vostre  Magesté  a  esté  cy-devant  informée  par  les  pleintes  à  elle 
adressées  et  à  Nosseigneurs  de  son  Conseil  du  mauvais  et  cruel 


REQUÊTE    DE    CAPTIFS    FRANÇAIS    A     LOUIS    XIII  87 

traitement  que  nous  recevions  journellement  par  les  tourmaiis  et 
outrages  quon  nous  faict  soufTi'ir  soubz  l'excessive  pesanteur  de 
noz  fers,  que  pour  les  faire  entendre  entièrement  à  Vostre  Magesté 
seroit  trop  de  prolixité,  laquelle  ne  luy  pourroit  apporter  que  mes- 
contantement  et  beaucoup  d'allliclion  de  voir  ces  pauvres  subjetz 
ainsy  tourmantés. 

Vostre  Magesté  a  sceu  comme  nous  sommes  partis  de  sa  ville  de 
Marseille  avec  un  navire  dit  le  gallion  iNostre-Dame.  armé  et  équipé 
en  guerre,  portant  la  baniere  de  Vostre  Magesté,  contre  les  corsaires 
turcs  et  autres  pirattcs,  avec  cent  dix-liuict  homes,  tant  soldats  que 
mariniers,  vingt  pièces  d'aifillcrye,  et  de  munitions  et  vivres  pour 
un  an,  le  tout  pour  le  service  de  Vostre  -Magesté  et  pour  le  bien 
et  repos  de  nostre  palrye,  avec  lettres  de  commission,  mandement 
et  permission  de  Vostre  Magesté  et  de  son  admirai  des  mers  de 
Ponant  pour  faire  la  guerre  ausdits  corsaires  et  pirattes,  le  tout  à 
noz  propres  coustz  et  desjjens,  pour  Icsmoigner  avec  plus  de  fran- 
chise et  fideUté  que  notre  vie  et  noz  biens  sont  affectés  à  son 
service,  en  qualité  de  ses  très-humbles  et  très-fidelles  subjectz. 

C'est  pourquoy  nous  supplions  Irès-luimblemcnt  Vostre  Mag''', 
avec  touttes  sortes  de  submissions,  dhobeissance  et  fidélité,  qui  luy 
plaise,  par  sa  clémence,  pictté  et  dévotion  ordinaire  et  accoustumée 
envers  les  pauvres  affligez  ses  subjectz,  nous  sortir  et  retirer  de  la 
cruelle  et  insuportable  captivité  oîi  nous  sommes  asservis  et  ceux 
aussy  qui  ont  estes  pris  par  les  corsaires,  cajitivés  (lavant  et  après 
nostre  nolTrage,  qui  sont  audit  Maroc,  et  Vostre  Mag"  sera  le  second 
rédempteur  de  tant  de  pauvres  âmes  languissantes,  batues  et  tour- 
mantées  de  tant  d  orage  et  lempeste  que  le  noffrage  les  va  menas- 
sant  de  leur  totalle  perle.  Et  desja  y  en  a  de  perdus  et  submergés 
dans  les  gouffres  du  jjaganisme,  les  uns  par  force  et  violence,  les 
autres,  ne  pouvant  supporter  tant  de  travaux,  s'y  sont  par  desespoir 
précipités. 

Ce  sont  voz  subjectz  (i-ès-fidelles.  Sire,  qui  implorent  le  secours 
et  faveur  de  ^ostl•e  Mag"  par  le  juste  ressentiment  quelle  en  doibt 
avoir.  L'outrage  faict  aux  serviteurs  redonde  sur  le  maistre;  c'est 
avec  raison  fort  équitable  que  nous  recourons  à  Vostre  Magesté 
comme  à  nostre  très-honoré  seigneur  et  maistre,  estant  plus  puis- 
sant, plus  victorieux  el   invincible  que  tous.  Aussy  n'y  a  nulz  qui 


88  ^t    DÉCEMBRE     l62  3 

soient  plus  humbles,  plus  obéissant  cl  plus  fulelles  à  Vostre  Magesté 
que  nous. 

Ce  considère.  Sire,  plaira  à  Vostre  sacrée  et  Irès-augustc  Magesté 
avoir  pour  agréable  ceslo  nosire  Irès-humble  supplication,  par  son 
indicible  clémence,  cl  \oulloir  expédier  quelque  personne  califiée 
plus  vigillant  et  mieux  vercée  à  la  poùrsuilte  de  ceslc  affaire  que 
n'est  le  s'  Claude  Du  Mas',  qui  de  tout  temps  l'a  négligée,  auquel' 
V"'  Mag'%  par  charité  et  pieté,  lui  délivrera  la  somme  qu'elle 
a  ordonnée  de  sa  royalle  volonté,  pour  estre  employée  à  l'achapt  de 
quelques  eslolîes  de  soye  escarlattes  et  autres  jjom-  1ère  présent  au 
roy  Molei  Sidan,  qui  poura  monter,  à  nostre  jugement,  environ  dix 
ou  douze  mil  escuz.  qui  est  peu  de  chose  à  V"'  Mag''  à  légal 
de  tant  de  gens  de  bien  qui  sont  \oz  très-humbles  et  légitimes 
subjects,  qui  souffrent  et  endurent  les  peines  et  travaux  susdits, 
connue  elle  sera  plus  amplement  informée  par  Père  Anlhoine  de 
Sainte-Marie  \  Irlaudoys,  de  l'ordre  des  Prédicateurs,  lequel  a  esté 
caplif  avec  nous  lespasse  de  huict  ans,  présent  porteur,  qui  don- 
nera [lins  anq)le  advis  à  Vostre  Magesté  des  expedientz  et  procé- 
dures de  cest  affaire,  pour  lequel  la  supplions  très-humlilement 
l'avoir  en  recommandation,  pour  la  bonne  doctrine  qu'il  nous  a 
donnée  et  pour  le  service  divin  qu'il  nous  a  célébré  et  administré 
dans  l'église  des  Crestiens  captifs  dudit  Maroc,  où  il  a  fait  de  beaux 
fruicts  de  sa  doctrine  en  la  conversion  des  dévoyez,  de  quoy  luy 
sommes  tous  obligés. 

C'est  au  nom  de  ce  grand  Dieu  Tout-Puissant,  distributeur  des 
couronnes  et  royaumes,  que  nous  taisons  ceste  suplication  à  Vostre 
Magesté,  pour  laquelle  nous  offrirons,  pour  sacriffice  et  pour  hostie 
sur  l'autel  saccrc  de  ces  commandementz,  nostre  sang  et  nostre  vye 
pour  y  contribuer  nostre  obéissance  et  fidélité,   et  prierons  très- 


I.   Claiulo  Du  Mas,  agent  consulairi' au  pour  le  Chérif  des  livres  latins  en  castillan, 

Maroc.    Cf.    supra.     Introduction,    notice  et  des  renégats  les  mirent  ensuite  en  arabe, 

biographique.  Le  Chérif  le  dispensa  de  porter  la   chaîne 

3.   ,1  «(/»(•;,  c'est-à-dire  :  à  la  personne  do-  comme  les  autres    esclaves.    Ce   religieux 

signée  pour  remplacer  Claude  Ou  Mas.  établit  à  .Maroc  une  confrérie  du  Rosaire, 

3.   Sous   Moulay   Zidàn,    le   dominicain  rpii  subsista  longtemps,  et  ne  voulut  être 

irlandais  .■Vntoino  de  Sainte-Mario  fut  amc-  racheté  qu'après  l'arrivée  d'un  autre  prêtre 

né  comme  esclave  à  Merrakoch  ;  il  traduisit  ;m  milieu  des  captifs.  Godard,  p.  i^q8. 


REQUÊTE    DE    CAPTIFS    FRANÇAIS    A    LOUIS    XIII  89 

dévotement  Sa  Divinité  d'accroître  le  royaume  de  Voslre  Très- 
Antrtisto  et  Saccrée  Magestô  jusques  aux  bouts  ot  limites  de  la  terre, 
en  Iriumplie,  vieloirect  felieitc,  en  très-heureuse  et  longue  vye,  en 
parfaicte  prospérité  et  sauté. 

Ce  sont  les  vœuz,  prières  et  oraisons  de  ses  très-humhles.  très- 
obeissanls  et  Irès-fidolles  serviteurs  ({ui  soûl  captifs  à  Maroc  et 
autres  lieux  de  Haibarye,  et  pour  iceux  avons  soubz  signé. 

A  Maroc,  le  4"  décembre  1622. 

Signé:  Berenguier.  —  Chevallier.  —  Payan-Reinicr.  —  Guil- 
ton.  —  Castainlial.  —  P.  llevel.  —  Mauyau'. 

Archives  des  Affaires  Étrangères.  —  Maroc.  —  Correspondance  con- 
sulaire^.   Vol.  I.  —  Original. 

I .   La  prrsenlp  retnu'lc  est  de  la  main  de  «  Carions  consulaires  »  ont  été  reliés  depuis 

ce   personnage,   ainsi   (jii'il   résnllo    de   la  la  publication  des  volumes  I  et  II  des  SS. 

similitude  d'écriture  entre   sa  signature  et  Ilist.  .Maroc,  i"  série,  France;  ils  se  Irou- 

le  telle  de  la  lettre.  vent    désignés   maintenant   sous  le  titre  : 

3.  Les    documents   conservés    aux    .\r-  «  Correspondance  consulaire  ».   —  Les  vo- 

chives    des    Affaires    Étrangères    dans   les  lûmes  ne  sont  pas  encore  foliotés. 


qO  2  NOVEMBRE  iGs^ 


XIX 

CONTRAT  DE  RACHAT  DE  CAPTIFS 

HonOeur,   i   novembre    iGai. 

Dudit  samedy  dcuxicsmc  jour  de  novembre,  après  inidy,  à  Hon- 
neflcur,  en  l'escriptoire,  devant  lesdits  Robinet  et  Boudard,  tabel- 
lions. 

Furent  présents  Magdallaine  Helliol,  femme  de  Nicollas  Auber  ; 
Ysaabeau  Ilocbet,  veuve  de  Ilobert  Auljer,  mère  diceUui  AicoUas  ; 
Antlioinette  Auber,  veuvede  Jacques  Allcxandre,  sa  sœur,  et  Tous- 
sainctz  Auber.  marcliand:  Magdallaine  Allexandre.  femme  de  Jelian 
Fourrey,  sa  procuratrice  specialle  par  procuration  contenant  pou- 
voir de  vendre  et  engager  ses  biens  et  beritages,  passée  devant 
Dugalley  et  Gravoys,  tabellions  audit  llomielleur,  viconté  de  Ron- 
cheville,  le  dix-septiesme  jour  de  mars  mil  six  centz  saize  ;  Thi- 
baut Le  Chevallier,  capitaine  de  navires  ;  Pierre  Dordonne  dit  Bour- 
sier, tant  en  son  nom  que  comme  procureur  de  Guillaume  (iibon 
par  procuration  passée  devant  lesdits  tabellions  de  Roncllc^  illc,  le 
septiesme jour  de  febvrier  mil  six  centz  vingt  trois;  Guillaume  et 
Silvestre  Hay.  père  et  fils;  Margueritte  Gernigou,  tant  en  son  nom 
que  de  Robert  Pays,  son  mary,  et  sa  procuratrice  par  procuration 
de  vendre  ses  biens  et  héritages,  passée  en  ce  tabellionnage  le  ving- 
tiesme  jour  de  mars  mil  cinq  centz  quatre  vingtz  dix-sept  ;  Jehane 
de  La  Haie,  femme  de  Pierre  Pays;  Pierre  de  La  Haie,  frère  de 
ladite  Jehane  ;  Margueritte  Briere,  veuve  de  Jacques  de  La  Haie  : 
Jehan  Liebart  ;  André  Llebart  :  Jehan  Faulcon  ;  Jehan  GodelTrey, 
capitaine  de  navire  ;  Marlhe  Faulcon,  veuve  de  Henry  Liebart  :  les- 
quels, demeurantz  en  la  paroisse  Saincte-Catherinue  dudit  Honne- 
fleur,  ont  recogneu  et  confessé  que,  à  leur  faveur  et  requeste,  Tho- 
mas  Blanvillain,  sieur  de  La  Foriere,  marchand,  aussy  bourgeois 


CONTRAT  DE  RACHAT  DE  CAPTIFS  gi 

dudit  Honncfleur,  avait  requis  et  prié  honneste  homme  Lucas 
Le  Gendre',  marchand,  demeurant  à  Rouen,  à  quoy  il  a  ohlcm- 
peré.  descrlpre  et  donner  ordre  à  Jehan-Baptiste  et  Thomas  Le 
Gendre,  ses  enfants,  de  présent  estants  en  Barbarye,  de  procurer  et 
donner  ordre  et  charge  à  qui  ilz  adviseront  bon  estre  pour  faire  le 
rachapt  desdits  NicoUas  Auber.  Jehan  Fourrey,  Guillaume  Gibon, 
Jehan  Gibon,  Pierre  Pays  et  Liebard,  fds  Henry,  de  présent 
détenus  captifs  et  esclaves  en  la  ville  de  Salle  ou  autres  villes  dudit 
pays  de  Barbarye  ;  et  à  ceste  fin  de  paier  ou  faire  paier  et  fournir 
jusqu'aux  sommes  cy-après  déclarez,  assçavoir  :  quatre  centz  livres 
pour  ledit  Nicollas  Auber,  troys  centz  livres  pour  ledit  Fourrey, 
autres  troys  cenlz  livres  pour  Guillaume  Gibon,  autres  troys  centz 
livres  pour  ledit  ï'ays,  deux  centz  livres  pour  ledit  Jehan  Liebart, 
captif,  et  autres  deux  centz  livres  pour  ledit  Jehan  Gibon  ;  le  toult 
levenant  à  dix-sept  centz  livres  pour  ledict  rachapt,  sy  tant  en  est 
de  besoing:  promettants  que  ladite  somme  de  dix-sept  centz  livres, 
qui  sera  paiée  et  fournye  par  lesdits  Le  Gendre  ou  par  aucun  aiant 
leur  ordre,  pour  toult  principal  et  frais  pour  ledit  rachapt,  la  rendre 
et  paier  audit  sieur  Lucas  Le  Gendre  en  sa  maison,  à  Rouen,  à 
leurs  despens  et  à  la  première  demande  qui  leur  en  sera  fête  par 
ledit  Le  Gendre  ou  aucun  porteur  de  la  présente,  au  moyen  et  en 
faisant  apparoir  de  lettres  ou  obligations  desditz  Auber,  Fourrey, 
Gibon,  Gibon,  Pays  et  Liebard,  captifs,  ou  de  leurs  promesses 
dudit  rachapt  ou  autres  rescripts  soubz  leurs  saings  privez,  assça- 
voir :  lesdits  Ilelliot,  Hochet.  Anlhoinette  Auber  et  Toussainclz 
Auber,  la  somme  de  quatre  centz  livres  pour  ledit  NicoUas  Auber  ; 
ladite  Allexandre  et  Le  Chevallier,  troys  centz  livres  pour  ledit 
Fourrey  ;  ledit  Dordonne  et  Hay,  père  et  fils,  autres  troys  centz 
livres  pour  ledit  Guillaume  (îibon  ;  (iernigou,  Jehane  de  La  Haie, 
Pierre  de  La  Haie.  Bricre.  troys  cents  livres  pour  Pierre  Pays  ; 
Jehan  et  Aiidié  Liebart,  l'^aulcon,  Godelîrey  et  Marthe  Faulcon, 
deux  centz  livres  pour  ledict  Jehan  Liebart,  fils  Henry  ;  et  par 
ledicl  Boursier  aullres  deux  cenlz  livres  pour  ledict  Jehan  Gibon. 
Et  fut  à  ce  présent  ledit  Blanvillain,  lequel,  en  contemplation  des- 
dits captifs  et  à  la  faveur  et  prière  des  dessusdits  leurs  parents  et 

I .   Sur  celte  f.iniille  (l'nrmnteiirs  de  Uoueii,  V.  siiprn.  Introduction,  notice  biographique. 


ga  2   NOVEMBRE    1624 

aniYS,  a  volunlairement  pleigé  et  cauxtionné  lesdits  captifs  à  la  sti- 
pullation  et  requeste  des  dessusdits  leurs  pareufs  et  ...  de  paier 
ladite  somme  de  dix-sept  centz  livres  tournoiz  audit  sieur  Le  Gendre 
en  sa  maison  audit  lieu  de  Rouen  ou  aucuns  porteurs  de  la  présente, 
et  s'en  est  constitué  et  obligé  principal  paieur  et  respondant  pour 
corps  et  avec  ses  biens  et  héritages  et  sans  aucune  division,  ordre 
de  discussion  ny  appellation  de  garantye,  avec  lesdits  llclliot,  Ho- 
chet, Anthoinette  Auber,  Toussainctz  Auber,  Alexandre.  Le  Che- 
vallier, Dordonne,  Hay,  père  et  fds,  Gernigou,  Jehane  et  Pierre  de 
La  Haie,  Briere,  Jehan  et  André  Liebart,  Faulcon,  Godreffrey  et 
Marthe  Faulcon,  qui  pareillement  se  sont  obligés  par  corps  et  avec 
leurs  biens,  héritages  et  chacun  portant  son  faict  au  regard  de  cha- 
cun de  son  parent  et  allié,  lesdites  femmes  tant  en  leurs  noms  que 
vertu  desdites  procurations  et  par  promesses  fêtes  par  les  dessus- 
dits parents  desdits  captifs  au  sieur  de  La  Foriere  que  à  autre,  à 
sadile  prière  et  internement,  etc. 

Et  présents  Pierre  Gy  et  Ollivier  Le  Chevallier,  capitaines  de 
navires,  bourgeois  dudit  Honnefleur,  tesmoins,  qui  ont  signé  avec 
lesdits  obligez  au  présent. 

Suivent  les  signatures. 

Étude  de  M'  Paul  Bréard  à  HonJIeur.  —  Extrait  des  minutes  de  Jean 
Robinet  et  Germain  Boudard,  tabellions  royaux  pour  la  vicomte  d'Aïuje, 
au  siège  de  HonJIeur.  Année  162^,/.  78 \ 

I.  Une  analyse  de  ce  document  a  été  Documents  relatifs  ù  la  marine  marchande, 
publiée  par  MM.  CnARLEset  Paul  Brfard,        pp.  36-38. 


LES    CHKÉTIENS    AU    xMAUOC  g3 


LES  CHRÉTIENS  AU  MAROC 

Introduction  critique. 


Le  christianisme,  afl'aibli  par  les  schismes  et  les  hércsics  dans  la  Mauritanie 
Tingitane  comme  dans  toute  l'Afrique  septentrionale,  n'opposa  qu  une  faible 
résistance  à  l'invasion  de  l'islam  au  vu''  siècle.  Aussi  est-il  peu  probable  que  de 
petites  communautés  de  Berbères  chrétiens  aient  pu  se  maintenir  longtemps 
dans  le  Maghreb  el-Aksa  (Extrême-Occident),  nom  que  le  conquérant  arabe 
avait  donné  à  l'ancienne  province  du  Bas  Empire.  L'islamisme  submergea  tout. 

Au  commencement  du  xiii"  siècle,  François  d'Assise,  qui  venait  à  peine  de 
fonder  l'ordre  des  Frères  Mineurs  ou  Franciscains,  conçut  dans  un  généreux 
élan  d  apostolat  le  projet  d'évangéliser  le  Maroc.  Le  saint,  tout  rempli  de  zèle, 
ignorant  l'irréductibilité  de  la  religion  du  Coran  et  considérant  les  musulmans 
un  peu  comme  des  idolâtres,  pensait  par  une  ardente  prédication  les  amener  à 
la  loi  de  l'Évangile.  Il  ne  détachait  pas  sa  pensée  des  villes  de  Tanger  et  de 
Merrakcch,  plongées  dans  l'erreur,  et  on  l'entendait  répéter:  «  0  Timjis  ! 
demenla  Tingis  .'  0  Marrucliium  !  Marrochiiim.  illusa  civilas  !  »  Rappelé  d'Es- 
pagne en  Italie,  il  ne  put  exécuter  lui-même  son  dessein  et  dut  se  contenter  de 
faire  partir  pour  le  Maroc  en  1219  une  première  mission  composée  de  cinq 
Frères  Mineurs.  On  doit  reconnaître  que  la  règle  monastique  instituée  par 
François  d'Assise  convenait  à  merveille  à  des  missionnaires  en  pavs  musulman  : 
la  pauvreté  et  l'amour  des  humiliations  donnaient  à  ces  moines  mendiants  et 
exaltés  une  certaine  ressemblance  avec  ces  derviches  que  l'islam  révère  comme 
des  esprits  possédés  de  Dieu.  Mais  le  zèle  inconsidéré  des  premiers  mission- 
naires envoyés  au  Maroc  détruisit  l'impression  favorable  qu'aurait  pu  faire 
naître  cette  lointaine  ressemblance,  et  les  cinq  Frères  Mineurs  furent  mis  à 
mort  le  13   janvier  1220,  non  pour  avoir  exercé  leur  religion,  ni  même  pour 

I.   Cet  expose  est  destiné  à  servir  d'iii-  .Iuax  del  Puerto,  Mission  histnrialde  Mar- 

trodiiclioti    aux    Doc.    XX,   pp.    99-1  n  ;  ruems  ;  Wadvisg,  Annales ordinis Minorum; 

XXVII,  pp.  129-183  ;  XXXIII,  pp.  3(53-272  Paiva  Manso,  Historia  ccclesiasticn  ultru- 

el  XLIV,  pp.  337-3/19.  tp''  conticiinrnt  le  mnrinha  ;    Mahcelino  da  Givezza,   Sloria 

rccildela  mission  des  PP.  capiirins  envoyés  universateilelle  MUsioni  francescane  ;  Rocco 

au  Maroc  par  le  P.  Josepli.  — ■  Cf.  Marcos  da    Cesikale,    Storia    délie    Missioni    dei 

Dv.  LisiiOK,Chronicas  anliyuas  delaOrdende  Cappuccini  :  Godard,    Histoire  du  Maroc  ; 

los  Frailes  Menores  ;  Dominicus  deGuber-  Castellanos,   Apostolado  serajico  en  Mar- 

NATis,  Urbisseraphicus  ;  Fka.m;iscode  San  raecosclV\ayiEZ,Le P.Josephet  Richelieu. 


ni  IMKODUCTION     CRITIQUE 

avoir  piOclié  l'Êvangilc,  mais  pour  avoir  insulté  publiquement  Maliomct  et  le 
Coran. 

11  se  mêlait  si  peu  une  idée  de  persécution,  voire  même  d'intolérance,  h 
cette  condamnation  que,  six  ans  après,  l'émir  almohade  \oussef  el-Moslancir 
bi-Allnli,  celui-là  même  qui  avait  fait  périr  les  trop  zélés  et  trop  audacieux  mis- 
sionnaires, cédant  à  la  demande  des  soldats  et  des  autres  chrétiens  de  son  empire, 
laissait  venir  au  Maroc  une  seconde  mission  de  Franciscains.  Il  publiait,  en  effet, 
le  37  naars  1236,  un  édit  par  lequel  il  autorisait  les  chrétiens  à  construire  des 
églises  où  ils  pourraient  librement  pratiquer  leur  religion  selon  les  rites  de 
l'Église  romaine,  à  la  condition  que  l'évèque  placé  à  leur  tête  appartînt  à  l'ordre 
des  Frères  Mineurs'.  Peu  à  peu  la  mission  franciscaine  prit  sa  véritable  orien- 
tation :  elle  renonça,  au  moins  provisoirement,  à  l'évangélisation  des  musul- 
mans et  se  consacra  aux  chrétiens  du  Maroc.  Il  y  avait  là  les  éléments  d'une 
véritable  église;  on  la  verra  se  constituer  avec  son  siège  épiscopal  et  ses  revenus 
provenant  de  généreuses  et  pieuses  fondations.  Ses  lldèles  se  composaient  d'élé- 
ment divers:  .Vndalous  émigrés  ou  transportés  au  Maghreb;  esclaves  capturés 
sur  mer  par  des  pirates  de  toutes  nations  et  vendus  au  Maroc  ;  soldats  chrétiens 
formant  l'élite  des  armées  marocaines  -  ;  commerçants  circulant  librement  dans 
l'intérieur  du  pays,  où  le  trafic  n'était  pas  limité,  comme  dans  les  autres  par- 
ties du  Maghreb,  aux  villes  tlu  littoral  ;  enfin  aventuriers  de  toute  origine,  plus 
ou  moins  en  rupture  de  ban  avec  leur  patrie.  L'histoire  de  cette  église  du 
Maroc  est  intimement  liée  à  celle  des  Franciscains.  En  effet,  quoique  le  pape 
Ilonorius  111  eût  confié  en  1220,  par  la  bulle  ]'inea;  Domini  cuslodes,  la  mission 
du  Maroc  aux  religieux  de  Saint-Dominique  et  de  Saint-François^,  les  premiers 
ne  semblent  pas  avoir  pris  pour  champ  d'action  cette  partie  de  l'Afrique,  qui 
resta  presque  exclusivement  dévolue  aux  seconds. 

Le  siège  épiscopal  de  Merrakech  fut  créé,  selon  toute  vraisemblance,  en 
1233,  par  le  pape  Grégoire  IX.  Le  premier  titulaire  fut  un  franciscain,  le 
F.  Agnelo,  dont  il  est  fait  mention  dans  une  lettre  que  ce  pape  adressait,  le 
i'^'' juin  1333,  à  l'émir  El-Mamoun  pour  lui  recommander  le  prélat  récemment 
nommé'.  Semblables  aux  évêques  de  la  primitive  église,  les  évèques  de  Mer- 


1.  Cf.  Francisco  de  S.  Juan  del  4.  ce  Et  utinam  fiducia  quam  conccpimus 
Puerto,  Hb.  II,  cap.  v.  non  fallamiir,  de  tua  conversatione  speran- 

2.  Ferdinand  III  U  Saint,  roi  de  Castille  tes,  pro  coquod  religiosis  viris  fîdei  nostrœ 
(i2i7-i252)etdeLéon  (i23o-:252),  accor-  et  specialiter  F.  A.  N.  Facensi  Episcopo  et 
da  à  l'émir  EI-Mamoun  qui  se  rendait  au  aliis  Fratribus  de  ordine  Minorum  le  man- 
Maroc  pour  faire  valoir  ses  droits  à  la  suetum  exhibes  et  benignum...  »  On  voit 
couronne  (122S)  un  corps  do  douze  mille  que  dans  ce  document  Agnelo  était  qualifie 
soldats  castillans.  évoque  de  Fez.  Mais  dans  une  lettre  adressée 

3.  La  bulle,  en  date  du  7  octobre  1225,  par  le  pape  Innocent  IV  le  iif  janvier  ia46 
est  adressée  :  «  Fratribus  Prœdicaloribus  ci  aux  chrétiens  de  l'église  du  Maroc,  ce  prélat 
Miiviribns  et  in  reijno  Miniinulini  a  Sfdc  est  appelé  «  Episcopus  Marrocliltanus  ».  Ce 
Apostolica  destiiialis.  »  double  titre  était  sans  doute  motivé  par  les 


LES    CHRÉTIENS    AU    MAROC  g5 

rakecli  n'eurent  à  leur  début  d'autres  biens  que  les  aumônes  des  fidèles.  Mais 
en  1257,  un  peu  après  la  prise  de  Séville,  le  roi  Ferdinand  III  et  ses  fils 
D.  Alphonse  et  D.  Sanche  firent  don  à  l'évèclic  de  Merrakech  de  grands  terri- 
toires situés  à  l'embouchure  du  Guadahjuivir  et  du  domaine  de  Torre  Blanca  ' . 
Pour  reconnaître  cette  libéralité,  le  pape  concéda  aux  rois  d  Espagne  le  droit 
de  présentation  pour  l'évêché  du  Maroc. 

L'évèque  franciscain  résidait  surtout  à  Merrakecli,  où  l'on  vovait  près  du 
palais  des  émirs  almoliades  la  petite  église  et  le  couvent  de  Sainte-Marie  ;  les 
Frères  Mineurs  se  transportaient  dans  tous  les  lieux  où  se  trouvaient  des  captifs, 
attirés  davantage  vers  ces  chrétiens  qui  se  trouvaient  plus  exposés  à  l'apostasie 
par  l'appât  de  la  liberté.  Us  étaient  aidés  dans  ce  ministère  par  les  Trinilaires 
et  les  Mercédaires,  venus  au  Maroc  vers  le  milieu  du  xin"^  siècle.  Les  religieux 
de  ces  deux  ordres  fondés  pour  la  rédemption  des  captifs  circulèrent  toujours 
assez  facilement  au  milieu  des  populations  musulmanes  du  Maghreb,  car  ils 
étaient  les  intermédiaires  de  presque  toutes  les  rançons. 

Vers  la  lin  du  xv"  siècle,  les  conquêtes  des  Portugais  sur  les  côtes  du  Maroc 
eurent  pour  conséquence  la  fondation  d'églises  et  de  couvents  franciscains  à 
Tanger,  à  Ceuta,  à  Arzila,  à  Sali  et  à  Mazagan.  L'établissement  des  Frères 
Mineurs  dans  les  villes  du  littoral,  devenues  des  places  portugaises,  eut  une 
répercussion  fâcheuse  sur  la  mission  de  l'intérieur  du  Maroc,  et  le  nombre  de 
ses  religieux  alla  en  diminuant  dans  les  villes  du  centre,  où  la  domination 
musulmane  leur  rendait  l'existence  plus  diflicile.  Une  autre  cause  contribua  au 
déclin  de  la  mission  franciscaine:  les  évèques  de  Merrakech,  dont  on  peut 
suivre  les  noms  depuis  le  F.  Agnelo,  ne  furent  plus  exclusivement  choisis  parmi 
les  disciples  de  Saint-François.  Lorsque  des  revenus  furent  attachés  à  cette 
dignité  épiscopale,  elle  devint  l'objet  de  brigues  ;  on  vit  souvent  les  chanoines 
de  Séville  se  mettre  sur  les  rangs.  Les  évèques  ainsi  nommes  manquaient  de 
zèle  apostolique  et  ne  traversaient  même  plus  le  Détroit  pour  prendre  pos- 
session de  leur  siège,  délaissant  à  la  fois  les  fidèles  et  les  missionnaires 
placés  sous  leur  juridiction'.  Par  un  abus  qui  devint  une  tradition,  ils  se 
fixèrent  à  Séville,  où  ils  furent  plutôt  les  coadjuteurs  de  l'archevêque  que  des 
évèques  de  Merrakech.  Ils  habitaient  sur  la  rive  gauche  du  Guadalquivir  au  lieu 
dit  San  Telmo,  dans  ces  territoires  qui  leurs  avaient  été  concédés  autrefois  par 
Ferdinand  III  et  ses  fils,  .\utour  de  San  Telmo  étaient  venus  se  grouper  les 
commentants  faisant  du  trafic  a\cc  le  Maroc,  ce  qui  avait  valu  à  ce  quartier  de 
Séville  le  nom  de  Barrio  de  Marruecos.  On  y  voyait,  outre  le  palais  des  évèques 


deux  capitales  de  l'empire  almoliadc.   Cf.  (putstion  ci-dcssus. 

Casteli-anos,  Apost.  «era/.,  pp.  126-180.  2.   En     1/129.    les  clirélieiis   du    .Maroc 

I.   Celle  concession  fui  faite  au  F.  .\gno,  ('cri virent  au  pape  Martin  V  pour  se  plain- 

troisièmclitulaircdorévèchédeMerrakeoli,  dre  de  l'abandon  dans  lequelles  tenait  leur 

que  qu(*Upics  chroniqueurs  espagnols  ont  évètpio  D.  Pedro.  Celui-ci  mourut  en  i^S.S 

confondu  avec  le  F.  Agnelo  dont  il  a  été  sans  avoir  jamais  passé  le  Détroit. 


gÔ  INTRODUCTION    CRITIQUE 

de  Merrakech,  une  église,  un  hôpital  et  de  nombreuses  maisons  s'étendant  le 
long  du  fleuve. 

Ces  biens  ne  devaient  pas  rester  à  l'église  du  Maroc.  En  iD(îo,  D.  Fernando 
de  Valdès,  archevêque  de  Séville  et  grand  inquisiteur,  pria  le  pape  Pie  IV,  qui 
le  lui  accorda,  d'incorporer  au  Saint-OfTice  les  biens  de  cet  évcché  de  Merrakech 
qui  n'avait  plus  en  réalité  sous  sa  juridiction  que  le  Barrio  de  Marruecos.  Il 
justifiait  sa  demande  en  faisant  valoir  les  dépenses  excessives  qui  avaient 
incombé  au  Saint-Tribunal  du  fait  de  la  lutte  contre  les  protestants.  D'ailleurs 
le  titulaire  de  l'évcché  de  Merrakech,  D.  Sancho  Diaz  de  Trujillo,  chanoine  de 
Séville,  n'élevait  aucune  objection  et  s'offrait  à  faire  la  remise. 

La  bulle  papale  qui  disposait  en  faveur  du  Saint-Office  des  bénéfices  de 
l'évcché  du  Maroc  ne  mit  pas  fin  à  son  existence.  On  relève  encore,  après 
Sancho  Diaz  de  Trujillo,  les  noms  d'autres  évpques  de  Merrakech  ;  mais  ceux-ci, 
bien  que  nommés  à  ce  siège,  résidèrent  toujours  en  Espagne  et  furent  en 
quelque  sorte  des  prélats  m  parlibus  ;  le  dernier  d'entre  eux  lut  le  Portugais 
D.  Francisco  de  Faria  nommé  par  Lrbain  VIII  en  1689. 

En  réalité  l'église  hiérarchisée  du  Maroc  disparut  beaucoup  plus  tôt,  avant 
même  la  liquidation  de  ses  biens  :  pour  indiquer  une  date  qui  ne  peut  être 
d'ailleurs  qu'approximative,  c'est  vers  i53o  qu'elle  cessa  d'exister.  Or  c'est 
également  vers  cette  date  que  survint  au  Maroc  un  grand  changement  politique  : 
l'avènement  des dynastieschérifiennes,  révolution  qui  contribua,  avecles  causes 
déjà  énumérées,  à  la  ruine  de  la  mission  franciscaine.  Les  chérifs,  dont  la 
raison  d'être  avait  été  la  Guerre  Sainte,  la  lutte  contre  les  Chrétiens  qui,  sous  le 
faible  gouvernement  des  Béni  Merin.  s'insinuaient  de  plus  en  plus  au  Maroc, 
grâce  aux  succès  des  armes  portugaises,  signalèrent  leur  arrivée  au  pouvoir  par 
la  persécution  :  les  Chrétiens  furent  chassés  de  l'inlérieur  du  pavs  comme 
souillant  la  ferre  de  l'islam,  et  bientôt  il  ne  resta  plus  au  Maroc  que  la  mal- 
heureuse classe  des  captifs.  Ces  derniers,  dont  le  nombre  fut  parfois  très  consi- 
dérable, comme  par  exemple  après  le  désastre  de  EI-Ksar-el-Kcbir  (4  août 
1378),  ne  furent  pas  complètement  délaissés  ;  les  Trinitaires,  les  Mercédaires, 
quelques  Jésuites,  des  Dominicains  et  des  Augustins,  à  défaut  de  l'ancienne 
mission  permanente,  vinrent  les  visiter  de  temps  en  temps,  partageant  leur 
dure  existence  d'esclaves  ;  plusieurs  de  ces  religieux  payèrent  de  la  mort  leur 
généreux  dévouement. 

En  1624.  un  célèbre  capucin,  animé  pour  1  Église  et  pour  son  pavs  d'un 
zèle  égal,  qui  lui  faisait  entrevoir  dans  l'expansion  du  christianisme  la  réali- 
sation d'une  plus  grande  France,  le  P.  Joseph,  fit  adopter  par  le  cardinal  de 
Richelieu  et  par  Louis  XIII  un  vaste  plan  de  missions  dont  l'un  des  objets 
devait  être  de  créer  ou  de  développer  les  relations  commerciales  de  la  France. 
L'idée  de  la  mission  du  Maroc  fut  suggérée  au  P.  Joseph  parle  chevalier  Isaac 
de  Razilly.  Cet  homme  de  mer,  que  la  paix  avec  les  Protestants  laissait  inoc- 
cupé, désirait  trouver  l'emploi  de  son  activité  et  de  son  initiative  au  Maroc,  où 
il  avait  accompli  un  premier  voyage  en   1O19.  Il  lit  part  de  son  dessein  au 


LES    CHRÉTIENS    AU    MAROC  fj'y 

P.  Joseph.  Celui-ci  accueillit  d'autant  mieux  ses  ouvertures  qu'il  entrevoyait  le 
movcn  lie  rétablir  au  Maroc  l'ancienne  mission  franciscaine  qui  y  avait  prospéré 
pendant  trois  siècles  (i23o-iâ3o),  et  d'assurer  en  même  temps  à  la  France  le 
bénéfice  de  relations  commerciales  avec  celte  terre  africaine.  Aussi  bien, 
l'Espagne,  absorbée  d  abord  par  la  lutte  contre  les  Protestants,  puis  par 
limplacabie  persécution  des  Moriscos,  délaissait  de  plus  en  plus  le  rôle  de 
protection  qu'elle  s'était  réservé  auprès  des  chrétiens  du  Maroc.  Au  nombre  de 
ces  chrétiens  se  trouvaient  d'ailleurs  quelques-uns  de  ses  propres  sujets  qu'elle 
venait  de  rejeter  violemment  du  sol  de  la  patrie.  Lors  du  bannissement  de  1610, 
en  elTet,  prescripteurs  et  proscrits  ne  furent  pas  toujours  séparés  par  une 
différence  de  religion.  Les  témoignages  sont  nombreux  qui  établissent  que, 
parmi  les  Moriscos  réfugiés  à  Salé,  il  y  avait  un  très  grand  nombre  de  chrétiens. 
Ceux-ci  même  avaient  leur  place  dans  les  préoccupations  du  P.  Joseph. 
Écrivant  en  1620  au  secrétaire  de  la  Propagande,  il  faisait  allusion  à  ces 
malheureux  expatriés  «  qui  ab  Ilispania  ejecli  se  ad  Mas  partes  conlulerunt, 
inler  cjuos  mulli  reperiuntar  chrùilianx  religionis  non  immeniores  '  ». 

Le  P.  Joseph,  en  parfaite  communion  d'idées  avec  Razilly,  usa  de  son 
inllucnce  pour  le  faire  envoyer  sur  les  côtes  du  Maroc.  On  sait  que  la  situation 
était  alors  des  plus  tendues  entic  la  France  et  le  Cliérif.  Celui-ci,  depuis  l'affaire 
Castelane,  rendait  le  roi  Louis  XIII  responsable  du  tort  qu'il  avait  subi  et,  en 
manière  de  représailles,  il  avait  chassé  de  Mcrrakcch  les  négociants  chrétiens 
qui  peu  à  peu,  malgré  les  mesures  d'expulsion  prises  par  les  premiers  chérifs, 
étaient  revenus  s'y  établir.  En  même  temps  que  Razilly  s'efforcerait  de  renouer 
des  négociations  avec  le  Chérif,  trois  capucins,  pris  dans  la  province  de  ïou- 
raine  et  adjoints  à  l'expédition  par  le  P.  Joscpii,  devaient  étudier  les  possibilités 
de  fonder  dans  l'empire  chérifien  une  mission  apostolique.  Tout  ce  plan  éciioua 
par  suite  de  la  trop  grande  confiance  de  Razilly  qui,  étant  descendu  à  terre 
sans  garantie  sultisante,  fut  arrêté  avec  son  escorte  ainsi  que  les  PP.  capucins. 
Moulay  Zidàn  remit  le  chevalier  en  liberté  peu  de  temps  après  et  le  renvoya 
avec  l'un  des  capucins  porter  en  France  ses  revendications.  Quant  aux  deux 
autres  religieux,  on  les  conduisit  à  Merrakech  où  pendant  cinq  ans  ils  furent  la 

I.   Cf.    /'■'  Série,   Dépôts  divers,  Rome,  11  septembre  1627).   «  Je  sais  comme  té- 

lOsS.  Les  PP.  capucins  eux-mêmes  décla-  moin  ocnlaire,  écrivait  Vihakeai,,  qu'il  y 

renl  que  la  plupart  (les  habitants  de  Salé  a  encore  aujourd'liui  dans  la  Barbarie  beau- 

11  étaient  encore  chrétiens  en  leur  àmc  »  coup  de  catholiques  qui  furent  tiilés  d'Es- 

(infra,  p.  3/|i)-  John  Harrison  s'exprimait  pagne,  n  El  Politico  cliristianissimo  ciel  car- 

ainsi  sur  les  Moriscos  de  Salé  :  i<  Ils  sont  nés  clcnnl  duque  (le  Richelieu. . .  Trad.  de  Fr.  de 

en  Espagne,  ils  sont  chrétiens,  baptises Gkexmlle,    iG'iô,  p.    ij3.  —   A  Tétouan 

Il  yen  a  beaucoup  [larmi  CCS  Moriscos  expul-  les  Moriscos  clirétiens   qui   avaient   refusé 

ses  qui  sont  d'aussi  bons,  sinon  de  meilleurs  d'entrer  dans  les  mosquées  furent  lapidés. 

chrétiens  qu'il  n'y  en  a  en  Espagne  »   (j"  Cf.  Cabrera,  y(c/«c(o«<'.5...  p.  ^o'|.  V.suprn, 

Série,  .\ngleterre,  Relation  de  J    Ilnrrison.  p.  'iQ  et  note  5. 

De  Casthies.  III.         7 


gS  INTBODLCTIO>-    CRITIQUE 

consolation  et  le  soutien  des  captifs  chrétiens  ;  ils  succombèrent  à  la  peste  en 
1629,  au  moment  où,  sur  les  instances  du  P.  Joseph,  Razilly  repartait  pour  le 
Maroc  à  la  tète  d'une  escadre.  Il  devait  traiter  à  la  fois  avec  les  rebelles  de  Salé 
et  avec  le  Chévif.  Mais  l'escadre  fut  prise  par  le  gros  temps  et  dut  rentrer  à  Port- 
Louis  le  20  novembre  1629. 

Une  troisième  tentative  fut  faite  en  i63o.  Trois  nouveaux  capucins,  auxquels 
le  P.  Joseph  avait  donné  les  plus  sages  instructions  ',  s'embarquèrent  avec 
Razilly  et  Du  Clialard  envoyés  de  nouveau  sur  les  côtes  du  Maroc.  Les  mis- 
sionnaires se  flattaient  même  de  pouvoir  s'établir  à  Salé,  où  ils  auraient 
exercé,  conformément  au  désir  du  P.  Joseph,  un  fructueux  apostolat  auprès 
des  Moriscos.  Mais  les  Salétins,  dans  la  trêve  conclue  à  Salé  le  3  septembre 
i63o,  restreignirent  l'exercice  du  ministère  des  capucius  aux  seuls  Français. 
Celte  condition  parut  inacceptable  à  ces  religieux  et,  leur  sécurité  se  trouvant 
d'autre  part  insulHsamment  assurée,  ils  prirent  la  détermination  de  rentrer 
en  France  et  de  rendre  compte  au  P.  Joseph  des  obstacles  qui  s'opposaient 
à  la  fondation  d  une  mission  -. 

11  appartenait  aux  Franciscains  d'Andalousie  de  relever  la  mission  du  Maroc. 
Le  P.  Juan  de  Prado,  gardien  du  couvent  de  Cadix,  nommé  en  i63o  par  le 
pape  Urbain  VIII  préfet  apostolique  de  Fez  et  de  Merrakech,  alla  prendre  pos- 
session de  son  siège  sous  le  règne  de  Moulay  el-Oualid  et  rétablit  l'ancienne 
église  de  Merrakech^. 

1.  V.  CCS  instructions,  p.  3^6.  sion,    mais    pour   s'enaployer    auprès    des 

2.  En  1 635,  Du  Chalard  retourna  à  Safî        chrétiens  rachetés. 

pour  négocier  le  rachat  des  captifs  français;  3.   Sur  le   rétablissement  de  la  mission 

il  avait  à  son  bord  deux  capucins  envoyés  franciscaine  au  Maroc,  V.  j"  Série,  Espa- 
par  le  P.  Joseph  non  pour  fondcrunemis-        gne,  i63o. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPLCINS    AU    MAROC 


99 


XX 

HISTOIRE  DE  LA  MISSION  DES  PP.  CAPUCINS  AU  MAROC 

(1623-162/i) 

(P.  pRA^içois  d'Angers') 

Premier  voyage  d'hanr  de  Razilly  au  Maroc  en  1019.  —  //  revient  en 
France  arec  un  andmssadeur  de  Moulay  Zidc'tn.  —  Causes  de  l'échec  des 
né(jocialions  entamées  par  Razilly.  —  Deuxième  voya(je  d'Isaac  de 
Razilly  en  16'2^i.  — Le  Père  Joseph  lui  adjoint  trois  capucins.  —  Arri- 
vée de  l'e-tcadre  à  Safi.  —  Isaac  de  Razilly,  niabjre'  un  sauf-conduit,  est 
retenu  prisonnier  au  camp  de  Moulay  Zidàn  avec  les  capucins  et  son 
escorte.  —  Le  Chérif  l'envoie  porter  à  Louis  XIII  ses  réclamations  au 
sujet  de  l'affaire  Castelane. 


De  nos  jours  le  R.  P.  Joseph  de  Paris,  inspiré  clu  ciel,  par  un 
mouvement  de  son  zèle  apostolique  &  par  l'ardeur  de  sa  charité 
seraphique,  en  qualité  de  commissaire  apostolique  des  Missions 
étrangères,  choisit  deux  Pères  capucins  l'an  1624''  qu'il  envoya  aussi 
à  Maroque,  où  ils  sont  morts  martyrs,  sinon  par  le  trenchant  d'une 
épée,  au  moins  pour  l'efort  de  la  contagion,  assistant  avec  une  cha- 
rité incroyable  les  esclaves  pestiférés,  genre  de  mort  que  l'Eghse 
reconnoit  en  plusieurs  saincts  pour  une  nouvelle  sorte  de  martyre. 
Cet  honneur,  disent  les  .saincts,  est  justement  dcu  à  une  pieté  si 
emincnte  >.V  à  une  foi  si  généreuse. 

Afin  de  publier  lefort  de  cet  atrait.  A:  que  l'on  sçache  la  vérité 
de  cette  liisloire,  que  j'ay  tirée  de  plusieurs  mémoires  autentiques 
&  lettres  de  personnes  de  créance  \  de  conditions  diferentes,  qui 

I.  V.  infra,  p.   iii,  note  i.  2.   V.  ci-apns,  pp.  io3  et  io5. 


loo  i623-i6a4 

ont  été  dans  cet  cmploy,  dont  jay  les  originaux',  sans  parler  de  ce 
que  jay  pu  rencontrer  d'eux-mêmes,  il  faut  en  découvrir  la  source, 
comme  la  divine  Providence  prépara  un  moyen  qu'il  fit  connoislre 
au  R.  P.  Joseph  pour  l'exécution  du  dessein  dont  il  avoit  receu  le 
mouvement. 

Nos  puissances  aussi  bien  que  le  fer  s'usent  d'avantage  par  la 
rouille  que  dans  l'employ.  D'oîi  vient  que  les  bons  courages  s'en- 
gagent librement  dans  les  hazards,  choisissant  plustôt  de  finir  agis- 
sant avec  honneur,  que  de  subsister  plus  long  temps  dans  une  vie 
languissante  à  la  laveur  de  l'oisiveté.  Monsieur  le  commandeur  de 
Razilly",  de  qui  la  profession  &  la  naissance  donnoicnt  de  la  géné- 
rosité, se  sentit  piqué  de  celte  inclination.  Et  pour  ce,  voyant 
1  Europe  dans  une  paix  asseurée,  résolut  de  passer  en  Afrique  pour 
y  chercher  la  guerre,  animé  à  ce  dessein  ^^ar  les  persuasions  de  son 
frère  aisné\  Il  demanda  des  lettres  de  recommandation  au  roy  de 
France  pour  celuy  de  Maroque*.  à  dessein  de  rétablir  les  anciennes 
alliances  entre  ces  deux  couronnes  &:  voir  si  ce  prince  luy  voudroit 
donner  moyen  d'entretenir  des  François  dans  quelque  port  ik  place 
de  seureté^,  avec  l'exercice  libre  de  la  religion  catholique  par  tous 
ses  Estais,  i.^:  qu'ils  le  servlroienl  fidèlement  contre  ses  ennemis, 
par  mer  \  par  terre. 

Ce  Commandeur  en  l'an  iCig  traita  celte  afaire  avec  tant  de 
vigeur  &  d'adresse  qu'il  la  fit  réussir  >k  obtint  même  l'envoi  d'un 
gentilhomme    more''  en  France  vers  Sa  Majesté,  pour  la  remer- 


I.   Celle   iiidicalion    des    sources    où    a  el  note  3;  Doc.  XXXI,  p.  2i5etnolea). 
puisé  l'auleur    donne   à    sa   Relation   une  5.   Ce  u  port  et  place  de  seureté  »  devait 

grande  valeur.  cire  le  port  d'Aïcr.  Il   est  probable  que  le 

a.   .\   celte    époque    (iGî^),     Isaac    de  chevalier  de  Razillv  fut  désigné  pour  aller 

Razilly  était  chevalier  de  Malle  ;  il  ne  fut  au  Maroc  avec  l'agent  Du  Mas,  sur  les  ins- 

reçu  commandeur  que  le  26  octobre  i63l.  lances  de  Saint-Mandncr qui  avait  demandé 

V.  supra,  Introduction,  notice  biographique.  à  Louis   XIII   l'envoi    d'une   personne   do 

3.   François  de  Razilly.  V.  sitprn,  Intro-  qualité  pour  traiter  avec  le  Ghérif.  L'objet 

duclion.  Notice  bio<jraplti<juc.  apparent  de  la   négociation  était  le   rachat 

/(.  Ces  lettres  n'ont  pu  être  retrouvées,  de  quelques  Marseillais,  mais  il  s'agissait  en 
non  plus  que  la  Commission  d'Isaac  de  réalité  de  la  concession  d'Aïcr.  Saint- 
Razilly.  On  ne  connaît  d'ailleurs  sur  la  Mandrier  avait  transmis  à  la  cour  de  France 
mission  du  chevalier  en  161  g  que  les  détails  les  lettres  el  les  propositions  qu'il  avait  re- 
rapportés par  le  P.  François  d'Angers  et  çuesd'Espagneàcesujct.  Cespedes,  p.  345. 
quelques  indications  éparscs  (Doc.  IX,  p.  jO  6.   Ce  «  gentilhomme  more  »  est  appelé 


HISTOIRE    DE    L\    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  ICI 

cier,  au  nom  du  Roy  son  maistrc,  des  témoignages  qu'il  lui  avoit 
envoie  offrir  de  son  amitié  &  du  désir  d'un  renouvellement  d'alliance  ; 
supliant  Sa  Majesté  vouloir  nommer  le  sieur  de  Razilly  l'aisné  pour 
ambassadeur,  avec  mémoires  &  pouvoirs  nécessaires,  afin  d'aviser 
aux  conditions  raisonnables  d  une  bonne  union  A:  la  rendre  solide  ; 
ajoutant  ([uil  proposoit  cette  personne  en  particulier,  pour  eslre  en 
créance  dans  l'esprit  du  Roy  son  maistre  '  &  connu  de  lui  pour  l'en- 
nemi véritable  des  siens"  ;  qu'à  peine  pouroit-il  prendre  asseurance 
en  une  autre  personne,  de  laquelle  la  réputation  ne  scroit  pas  si 
publique  dans  ses  Estats^. 

Les  afaires  d'Etat  sont  tellement  compliquées  que,  les  traitant 
avec  messieurs  les  ministres,  elles  ne  prennent  tout  le  cours  qu'on 
leur  pense  donner,  comme  il  arriva  en  l'occasion  présente,  pour  ce 
que  la  proposition  que  nous  venons  de  dire  ne  fut  pas  suivie  du 
roy  de  France,  sans  avoir  même  égard  aux  protestations  de  l'agent 
du  roy  de  Maroquc,  qui  résista  avec  tous  les  eforts  possibles  à  la 
nomination  de  Du  Mastet%  Provençal,  qui  fut  proposé  pour  cette 
entremise,  asseurant  qu'il  n'y  auroit  pas  de  seureté  pour  lui,  n'étant 
pas  agréable  au  Roy  son  maistre,  que  l'ayant  veu  dans  ses  cotes  & 
ses  pais  avec  déplaisir,   il  ne  lui  en  permetlioit  jamais  l'aproche. 

plus   loin    par    Ii^    P.    François  d'Vngers  :  flncntc    aupris  de   Marie    de   Médicis  et  il 

Cizifaré    (p.   106).    Le  Gendre    le    nomme  dut    abandonner   son    entreprise,   sur    une 

Cidyfers  (V.  i/i/rd  Doc.  C\XÏ\,    p.  73'i).  injonction    de    la    Reine    qui    aiTectait    de 

Son  nom  véritable,  restitué  d'après  ces  deux  craindre  une  brouille  avec  le  roi  d'EspagTie. 

transcriptions,  devait  itre  Sidi  Farès.  Cet  Cf.  Liîo.n  Desciiamps.  De  Rasiliis,    Gabrictc 

ambassadeur   aurait   été    mal   accueilli   en  Isaac  et  Claudio  pracnominatis,  Richelii  adju- 

France,  au  dire    d'Isaac  de  Razilly,   et   il  toribus,  pp.  3 1-82 . 

aurait  été  retenu  dans  un  port  pL'iidant  pr(''s  3.   Dans  ses  Estais,  c'est-à-dire  :  au  Maroc, 

de   ([uatrc    mois    (V.    infra.    Doc.    WIl.  Ce  passage  dormerait  à  entendre  que  Moulav 

p.    117    et    note    2).    Il   revint    au     Maroc  Zidàn  connaissait  déjà  François  de  Razilly. 

avec  Claude  Du  Mas(V.  infra.  Doc.  XIII,  Cependant,  comme  on  n'a  retrouvé  la  trace 

pp.  5i-55).  d'aucune  mission  de  ce  dernier  au  Maroc, 

I.   Du  Roy   son    mnistrr.    c'est-à-din^   de  on  peut  admettre  qu'Isaac  aurait  fait  devant 

Moulay  Zidàn.  le  Cbérif  l'éloge  de  son  frère  aîné  ;  ce  qui 

3.    Il     faut    entcmdre     que     François  de  suHîrail  peut-être  à  expliquer  l'insistance  de 

Razilly  était  comme  Moulay  ZidAn  l'ennemi  Moulay  Zidàn   pour  obtenir  l'envoi  de  ce 

des  Espagnols.  Onsaitque  ce  gentilbommc  personnage  au  Maroc. 

avait  formé    avec  La  Ravardière  le  projet  ij.   Du  Mastet,    nom   altéré.  Il   s'agit  en 

de  fonder   une  colonie  française  dans  l'ilc  réalité  de  Claude  Du  Mas.  Sur  ce  person- 

dc  Maranbào  (Rrésil).  Ses  desseins   furent  nage,   V.  supra.    Introduction,    notice  bio- 

traversés     par     la     faction    espagnole     in-  grapbicpie. 


I02  ifJa.S-ifiaA 

Néanmoins  il  fut  rtsolu  qu'il  iroit,  lV  on  lui  donna  ses  expéditions. 
Et  efectivement  partit  pour  Maroque.  où  aussi  tost  qu'il  eut  mouillé 
&  descendu  à  terre,  fut  aresté  prisonnier,  mis  aux  fers,  »k  est  mort 
misérable  dans  cette  captivité  honteuse  >N:  pénible. 

Cet  accident  interrompit  le  nouveau  dessein,  qui  fut  veu  périr  en 
sa  naissance,  comme  ces  vapeurs  enflammées  qui  atirent  dans  des 
précipices  ceux  qui  les  suivent.  Il  est  vrai  que  celte  mort  aparenle 
n'étoit  que  pour  le  faire  revivre  avec  plus  d'éclat.  Dieu  l'ayant 
réservé  pour  l'efet  du  courage  d'une  personne  considérable  en  pieté, 
en  valeur  et  en  mérite. 


1623'. 

Et  de  vrai,  en  l'année  ifia.S,  monsieur  le  commandeur  de 
Razilly  récent  un  gentilhomme  françois  echapé  des  prisons  de 
Maroque,  duquel  il  aprit  le  déplaisir  que  temoignoit  ressentir  le 
rov  de  ce  pais  pour  la  mort  du  sieur  de  Razilly  son  frère  aisnéS  & 
de  ce  que  lui  disconlinuoit  de  travailler  au  traité  pour  l'accommo- 
dement des  deux  couronnes;  [ilj  1  asseura,  selon  sa  connoissance, 
que  luy  seul  le  pouvoit  du  côté  de  1  Afrique,  veu  la  haute  estime 
dans  laquelle  il  étoit  pour  sa  probité  lV  pour  sa  valeur. 

Dieu,  qui  conduit  toutes  choses  avec  une  douceur  extrême,  pour 
servir  utilement  au  dessein  de  sa  gloire,  permit  cette  rencontre 
heureuse  au  temps  que  ce  commandeur  tenoit  trois  vaisseaux  armez 
en  mer,  dont  le  service  étoil  lors  inutile,  ayant  été  licenciés  après 
la  paix  faicte  avec  les  religionnaires  de  ce  royaume  '.  Tous  ces  motifs 
joints  ensemble  lui  firent  prendre  resolution  de  s'y  engager,  & 
se  sentit  comme  intérieurement  *  pressé  de  l'efectuer.  11  demanda 
donc  \  receul  la  commissi(»n  pour  passer  à  ces  côtes  d'Afrique", 
découvrir  au  vrai  les  intentions  du  roy  de  Maroque,  avec  qui  le  roy 
de  France  dcsiroit  aliance.  afin  d'empescher  la  continuation  de  la 

1.  En  margo  dans  IVdition  princcps.  octobre   1622,  qui  mettait  fin  à  la  guerre 

2.  François  de  Ilazilly  avait  été  tué  en        civile. 

ocloljre  1622  iiu  siège  de  Montpellier  oii  11  !i.   Inlcr'wuremenl.    Le  texte  porte  :  infé- 

servaitcomme  marécholdecamp.  Cf.  Généa-  ricurcment. 

lo(jii'  lia:illY.  p.  283.  5.   Cette  commission  n'a  pu  être  rclrou- 

3.  La  paix  (le  Montpellier,  signée  le  20  vée.  V.  p.  io5,   note  3, 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION     DES    PI>.     CVPUCINS    AU    MAROC  Io3 

prise  de  nombre  de  François  que  ces  Barbares  faisoienl  esclaves, 
en  retirer  ceux  qui  y  étoicnt  \  y  établir  le  commerce. 

En  cet  état,  il  s'adresse  au  H.  P.  Joseph  de  Paris,  lors  provincial 
des  Percs  capucins  de  la  province  de  Toureine,  pour  ce  qu'il  étoit 
commissaire  apostolique  des  Missions  étrangères  ',  comme  il  est 
exprimé  en  sa  vie.  &  lui  proposa  son  dessein.  Cette  ouverture  fut 
à  l'ardeur  du  zèle  apostolique  de  ce  Père  une  matière  propre  à  le 
i'airc  éclater.  C'estoit  à  vrai  dire  jetter  de  l'huile  dans  un  feu  pour 
sa  nourriture  «Se  le  rendre  plus  ardent.  Aussi  il  l'embrassa,  comme 
un  moyen  veritalde  que  Dieu  lui  offroit,  par  ce  digne  chevalier, 
pour  étendre  la  gloire  de  Dieu,  qui  etoil  la  chose  qui  l'a  toujours 
d'avantage  pressé,  comme  un  nouvel  apostreen  ce  temps,  à  l'exemple 
du  grand  S.  Paul  >k  du  Sauveur,  qui  souhaitoient  que  tous  arivas- 
sent  à  la  connoissance  de  la  vérité  '. 

Ce  fut  pourquoy  il  fist  députer  par  le  chapitre  de  la  province  de 
Toureine  les  UR.  PP.  Pierre  d'Alençon  >S;  Micliel  de  Vezins,  avec 
Frerc  Rodolphe  d'Angers,  pour  accompagner  ce  commandeur, 
assister  au  spirituel  son  équipage,  mais  principalement  pour  recon- 
nolslre  si  on  pourroit  s'habituer  en  Salé,  Safy  &  Maroque,  à  ce  que, 
par  le  moyen  d  un  nombre  de  rehgieux  sulTisant,  on  pust  rendre 
l'assistance  nécessaire  à  une  grande  quantité  d'esclaves,  tant  françois 
que  d'autres  nations  catholiques,  et  pour  gagner  plusieurs  Andalou- 
ziens  sortis  d'Espagne,  qui  sont  heietiques  &  passent  leurs  jours 
dans  une  liberté  pleine  d'infamie,  comme  ceux  desquels  le  sainct 
homme  Job  asseure  ^  qu'après  avoir  employé  leur  vie  en  débauches, 
en  un  instant  ils  descendent  dans  les  enfers.  Le  zèle  de  ce  Père  alloit 
jusques  à  penser  au  salut  même  du  Roy  &  de  tout  son  peuple,  si 
Dieu  V  donnoit  tant  soit  peu  d'ouverture  &  qu'après  il  secondât  la 
générosité  des  ouvriers.  Ces  Percs  eurent  charge  d'y  prendre  des 
habitations  6;  donner  [)romptement  avis  de  leur  succès,  afin  que  s'il 
etoit  favorable  à  ces  glorieux  desseins,  on  leur  envoyât  du  secours 
pour  Cl  imposer  une  armée  du  Dieu  vivant. 

1.  Il  avait  cU':  nommé  Commissaire  uiio,  nd  cgli  l'appoggio  presso  Riclielieu, 
apostûliipii'  dos  Missions  ctrangùres.  quosli  appo  il  ro,  e  la  spcdizionc  fa  decre- 

2.  «  Krano  due  cosc  clie  Irovano  semprc  tala.  »  Rocco  d\  Cesinale,  t.  III,  p.  454- 
adito  iicir  anime  del  cappucino,  religionc  c  Cf.  Bertam,  p.  77. 

patria  ;   ora  il  progetto  le  comprcndcva  lu  3.   On  lit  en  marge:  Job:  2i-i3. 


Ainsi  le  patriarche  Jacob  envoya  son  cher  Joseph  pour  aprcndre 
l'état  de  ses  frères  &  de  leurs  troupeaux  &  luy  en  faire  un  raport 
fidèle.  Monsieur  le  Commandeur  étant  asseuré  de  ces  Pères  au 
chapitre  de  leur  province,  qui  se  tenoit  lors  à  Orléans,  environ  le 
mois  daoust,  il  se  rendit  à  la  Cour,  où  il  travailla  partie  de  l'hyver 
à  toucher  les  assignations  nécessaires  pour  les  frais  de  l'envitaille- 
menl  de  ce  voyage. 

Je  ne  parle  point  de  la  vertu  &  des  bonnes  qualités  de  ces  religieux, 
c'est  assés  de  dire  qu'ils  furent  choisis  parles  Pères  de  la  province 
assemblés  au  chapitre,  qui  est  une  preuve  sans  reproche  de  leur 
probité,  par  la  bonne  estime  en  laquelle  ils  étoient  dans  l'esprit  de 
leurs  supérieurs.  Et  puis  cetle  histoire  en  est  la  montre  ;  on  y  voit 
avec  quelle  fidélité  ds  ont  travaillé,  leur  patience  y  est  remarquable, 
leur  humilité  y  est  en  considération,  leur  charité  y  a  un  grand  éclat, 
leur  pauvieté  y  est  parfaite,  enfin  leurs  vertus  y  sont  étalées  avec 
lustre. 

Il  est  vray  pourtant  que  j'aurois  sujet  d'exprimer  queb^ue  chose 
en  particulier  du  R.  P.  Pierre,  qui  fut  comme  le  supérieur  en  cet 
employ,  dont  la  vertu  avoit  aussi  quelque  chose  de  plus  éclatant.  Sa 
vocation  extraordinaire  entre  les  PP.  capucins  meriteroit  d'estre 
considérée,  si  quelque  jour  on  ne  la  lisoil  dans  la  vie  du  R.  P.  Joseph, 
Dieu  s'étant  servy  de  hay  pour  cet  appel,  qui  fut  un  préjugé  que  sa 
vie  ne  seroit  pas  commune  &  que  Dieu  s'en  serviroit  à  quelque  haut 
dessein  pour  sa  gloire,  comme  en  efet  il  est  arivé. 

Il  fui  premièrement  employé  dans  la  mission  de  Poictou  &  puis 
au  secours  spirituel  des  soldats  dans  les  armées  par  mer  i-V  par  terre 
que  Sa  Majesté  avoit  lors  pour  dompter  la  rébellion  de  ses  sujets 
qui  font  profession  de  la  Prétendue  ;  où  il  témoigna  qu'il  avoit  le 
cœur  noble,  conforme  à  sa  naissance,  qui  luy  donnoit  cet  illustre 
avantage  :  l'ardeur  de  sa  charité  s'y  mit  en  évidence,  qui  sembloit 
cachée  comme  du  feu  sous  les  cendres  de  l'humilité,  joint  que  les 
ocasions  ne  luy  avoient  fourni  la  matière  pour  son  entretien.  On  luy 
vid  mépriser  les  hazards  &  s'exposer  librement  entre  les  périls,  pour 
confesser  les  soldats  blessés  ;  ce  qui  fut  l'essay  du  grand  employ 
qu'on  luy  donna  ik  duquel  nous  étalons  l'histoire,  afin  d  en  repren- 
dre la  suite. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    P: 


CAPUCINS    AU    MAROC 


lOO 


iGaV 


Après  que  monsieur  le  Commandeur  eut  avec  grand  peine  Ira- 
vaillc  en  Cour  à  l'ajuslcmenl  de  cette  entreprise,  il  mit  enfin  à  la 
voile  Tannée  présente"  162A  avec  ces  trois  religieux,  environ  le 
mois  de  may\>'^  n'arriva  à  Safy,  qui  est  le  havre  de  Maroque'.  sinon 
le  3  octobre.  A  cjui  fera  reflection  sur  ce  jour,  il  1  avouera  eslre  le 
pronostic  du  Ciiliir  bonheur  de  ces  bons  Pères.  Cest  la  veille  du 
jciur  fjue  l'Eglise  a  consacré  au  souvenir  des  mérites  illustres  de  leur 
palriarciie,  le  grand  S.  François  ;  ils  dévoient  y  achever  ce  quil  y 
avoil  commencé  en  volonté  par  foy,  &  en  elet  par  ses  premiers  enfans. 
Ayant  mouillé  à  celte  rade,  ils  en  donnèrent  avis  au  l^oy,  de  qui  ils 
receuienl  les  asseurances  d'un  acueil  favorable.  Sur  la  parole  du 
Prince,  ils  descendirent  en  terre  le  quatrième,  a^ec  monsieur  le 
Commandeur  "  ;  les  deux  Pères  dirent  la  saincte  messe  en  ce  jour  qui 
leur  est  si  célèbre,  dans  la  chapelle  du  Consul'',  ofi  la  musique 
chanta.  \  le  i{.  P.  Pierre  fit  une  exhortation  aux  catholiques  es- 


I.  En  marge  dans  l'édition  princcps. 
a.    Celte  indication    fi.-rait  croire  que  ce 
passage  est  extrait  d'une  relation  écrite  en 

3.  Cette  date  n'est  pas  celle  du  ilépart 
de  Raiîillv  pour  le  Maroc.  Le  I'^"'  l'évri<T 
lOaij,  il  reçut  un  congé  de  l'.Vmirauté  pour 
poursuivre  les  pirates;  il  s'embarqua  au 
IlaNTc  le  i5  février  sur  «  le  Sainl-Louis  » 
ayant  sous  ses  ordres  «  la  Chaste  IHeur  » 
commandée  par  le  capitaine  Pierre  Du  Tas. 
En  juin  lOai,  Du  Tas  s'empara  ilu  navire 
du  sieur  Thibault  mouillé  dans  la  rade  du 
Conquet  et  le  conduisit  à  Brest  où  il  le 
remit  à  Hazilly.  Ce  dernier  vint  à  Paris 
rendre  compte  de  sa  capture;  l'.Vmiranté 
déclara  de  bonne  pris<i  le  navire  de  Thi- 
bault par  jugement  du  •.>.7  juillet  iGa'i.  Le 
2!)  juillc^t  r.\mirauté  avait  délivré  à  Razilly 
un  autre  congé  pour  partir  avec  son  navire 
«  le  Saint-Louis  »  et  une  patacbc  nommée 


«  la  Quatolique  ».  Dans  le  même  temps  il 
dut  recevoir  sa  commission  pour  le  voyage 
du  Maroc  et  partir  à  la  fia  d'août  lOa.'i, 
date  oîi  il  fut  remplacé  dans  la  garde  des 
côtes  de  Bretagne  par  Pierre  de  Rusquien 
(Peter  Ruskin).  Cf.  Arch.  A-a(..Zi'l6,  fl". 
go-r)5  ;  ro3-io5  ;  106-107.  —  ^''''-  Nal.. 
mss.  néerlandais,  vol.  86,  ff.  25i,  23^. 

4.  A  celte  époque  où  Mogador  n'existait 
pas  et  où  Mazagan  était  occupé  par  les  Por- 
tugais, Safi  était  le  seul  port  chérifien  de 
cette  côte. 

5.  Cf.  infra.  Doc.  C\\l\.  p.  73;!. 

6.  .\vaiit  que  cela  ei'lt  fait  l'objet  d'au- 
cune stipulation  écrite,  l(!s  marchands 
chrétiens  avaient  mis  comme  condition 
de  leur  venue  dans  les  ports  barbaresques 
le  libre  exercice  de  leur  religion  :  de  là, 
dans  les  maisons  des  consuls,  l'existence  do 
chapelles  où  les  esclaves  eux-mêmes  étaient 
parfoisadmis.  Cf.  DAN,éd.princeps,  p.  432. 


io6  162,3-1624 

claves  &  autres  qui  s'y  purent  treuver,  le  nombre  desquels  n'eloit 
pas  petit. 

Si  ces  pauvres  captifs  curent  de  la  joye  à  la  veue  de  ces  bons 
Pères,  je  le  laisse  à  penser.  Car,  outre  que  leur  vie  exemplaire  est 
un  motif  puissant  d'une  consolation  véritable,  leur  habit,  par  sa 
bénédiction  qu'il  a  reçue  du  Ciel,  jette  une  alegresse  dans  les  cœurs, 
qui  ne  seroit  pas  croyable  si  elle  n'etoit  ressentie  tous  les  jours. 
Que  si  cela  est  certain,  malgré  1  usage,  qui  en  est  commun,  jusques 
à  quel  poinct  parut  celle  qu'ils  causèrent  en  ces  pauvres  chrestiens, 
languissans  sous  le  faix  de  plusieurs  misères,  éloignés  de  leurs 
pays,  de  leurs  connoissances,  chargés  de  cliaines,  à  demy  consom- 
més de  la  faim,  faute  de  nourriture,  &  leurs  langues  atachées  au 
palais  de  la  bouche,  par  l'ardeur  de  la  soif  violente  qu'ils  soufroient 
dans  l'obscurité  de  leur  prison  !  Ce  peu  de  pain  iS:  d'eau  qu'on  leur 
distribuoit  chaque  jour  servoit  à  les  faire  languir,  plustôt  que  pour 
les  faire  vivre.  Certes  l'invention  est  étrange  à  prolonger  un  suplice. 

Le  plus  sensible  de  leur  alliction  etoit  d'être  privés  de  la  pâture 
spirituelle  iS:  de  n'avoir  personne  qui  la  leur  distribuât,  quoy  qu'ils 
la  demandassent. 

Cette  allégresse  ne  fut  particulière  à  ces  pauvres  captifs,  elle 
ressemble  à  la  chaleur,  qui  se  dilate  aisément  :  aussi  elle  s'étendit 
si  fort  entre  eux  qu'elle  devint  publique,  d'où  naquit  une  confiance 
qui  donna  la  liberté  aux  François  d'ébaucher  quelque  commerce. 
Les  Mores  alloient  aux  navires  avec  franchise,  &  les  François  en 
terre  avec  seureté.  Quelques  jours  s'etans  passés  de  la  sorte,  on  eut 
tout  sujet  de  se  promettre  un  succès  avantageux  de  l'entreprise.  Ce 
qui  confirma  cette  créance  fut  que  le  sieur  Cizifaré  ',  gentilhomme 
more  qui  avoit  été  en  France,  comme  nous  avons  dit,  aporta  un 
passe-port  du  Roy  en  bonne  forme,  signé  de  sa  main  >k  scellé  du 
sceau  des  armes  de  Sa  Majesté,  par  lequel  il  promettoit  "  au  comman- 
deur de  Razilly  »S;  aux  siens  asseurance  dans  ses  Etats  \ 

1.  Sur  ce  gentilhomme  maure,  V.  supra.  rendre  auprès  de  lui,  mais  il  aurait  limite  à 
p.   100,  note  6.  deuilenombredespersonnespouvantdébar- 

2.  Le  texte  porto:  permetloit.  quer.    Saint-Mandrier  écrivit  dans  ce  sens 

3.  D'après  Cespedes,  le  Chérif  ainait  au  Chevalier  ;  mais  les  gens  de  Safi  ouvri- 
accordi'  à  Razilly  un  sauf-conduit  ])Our  se  rent  et  retinrent  sa  lettre,  envoyant  seule- 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION'    DES    Pl>.     CAl'UCINS    AU    MAROC  I  G" 

Sur  cette  foy  publique,  il  descendit  à  terre  avec  les  trois  PP.  capu- 
cins, suivy  de  (rente  person  nés  les  plus  considérables  de  son  équipage, 
bien  couverts  à:  en  bon  ordre,  à  dessein  d  entrer  dans  la  ville  de 
Maroque"  avec  éclat,  pour  de  là  rendre  ses  respects  au  Roy  &  luy 
proposer  le  dessein  de  son  voyage,  présentant  ses  pouvoi^-s.  0  tralii- 
son  étrange,  qui  n'a  pu  naître  que  d'un  esprit  barbare  !  Aussi  il  est 
certain  que  la  mauvaise  foi  combat  ouvertement  les  principes  de 
nostre  nature.  Comme  il  ariva  au  consul  Cornélius  Asina,  qui  fut 
opprimé  par  les  Carthaginois,  l'ayant  appelle  sous  prétexte  de  vouloir 
parlementer,  se  saisirent  de  luy  avec  une  visible  preuve  de  la  perfidie 
des  Africains,  aussi  après  une  asseurance  si  autentique,  le  gouver- 
neur de  Safy,  qu'ils  pcnsoient  estre  veim  pour  les  recevoir  au  nom 
du  Roy  son  maistre,  les  aresta  tous  prisonniers,  les  ayans  dépouillés 
de  tout  ce  qu  ils  avoient  de  meilleur.  On  les  fait  monter  à  cheval,  & 
liés,  furent  conduits  captifs  dans  l'armée  du  Roy,  au  milieu  de  son 
camp,  qu'ils  appellent  en  leur  langue  LuIiikiIkiIu,  \  furent  logés 
dans  une  tente  assés  proche  de  celle  du  Prince,  où  on  les  pourveut 
des  choses  nécessaires  pour  leur  vivre  à  la  façon  du  pays.  En  cet 
état  ils  purent  dire,  comme  de  celle  célèbre  Académie  de  Grèce,  pour 
grande  &  peuplée  que  fût  la  ville,  elle  n'eloit  pas  moins  une  grande 
solitude.  Aussi  ces  prisonniers  se  treuverent  dans  un  désert  à  la  cour 
d'un  roy  \  au  milieu  d'une  armée  ;  là  ils  furent  abandonnés  ;  aucun 
de  la  Cour  n'osoit  les  visiter.  Quelques  pauvres  Arabes  y  venoient 
en  cachette,  ne  voulant  pas  y  être  reconnus,  quoy  que  ce  ne  fut 
par  humanité,   mais  en  espérance  de  quelque  profit.   Ils  coiitre- 

mcnt  à  Razilly  le  sauf-conduit.  Entre  temps  sonnerie  de.s  cloches,  il   fat  surnommé  par 

ils  excitèrent  Moulay  Zidàn  à  la  défiance  :  les Moriscos  ;  Zi/-7'V/;!7iC'«mprm(;ro.  La  cloche 

les  vaisseaux  de  Razilly,  d'après  eux,  étaient  de  l'.Vngelus,  Tarkeiujlocke ,  introduite  en 

d'une  grandeur  inaccoutumée  ;  ils  avaient  à  i/jij6    parle   paj)o    Calixte   III  pendant  le 

bord  de  nombreux  et  brillants  soldats,  ainsi  siège  d(^  Belgrade  par  Maliomet  II,  devait 

que  des  moines  qui  apportaient  des  cloches  être   particulièrement    désagréable    à    des 

{llistoria  de  D.  Felipe  IV...,  p.  5o6).  —  On  oreilles  musulmanes.  —  .Vu  Maroc,  les  mis- 

sait  que  l'usage  des  cloches  est  réprouve  par  sionnaires,  dans  l'exercice  de  leur  ministère 

les  musidmans.  La  capitulation  donnée  par  auprès  des  captifs,  se  contentaient  d'imiter 

le  klialifaOmarhen  el-lvhattab  aux  chrétiens  les  muezzin  et  ils  appelaient  les  fulèlcs   à 

de  Jérusalem   portait:  «   Us  ne  sonneront  la   prière  par   la   salulatiun  :    .lie     Muria, 

l)as  leurs  cloches,  ils  se  contenteront  de  les  hermanos. 

tinter.  »  Quand,  après  la  prise  de  Grenade,  i.   Dniis  la  ville  de  Manv/iie.  Il  f.iut  [iro- 

le  cardinal  Ximenès  rétablit  dans  la  ville  la  habh  ment  ent<!idre  :  dans  Safi. 


io8  ^C)■i3-ïG■2'\ 

faisoienl  les  officieux,  pour  leur  aporter  des  nouvelles  qui  bien  sou- 
vent n'étoient  pas  véritables  ;  ils  les  inventoient  pour  servir  de 
prétexte  au  petit  gain  qu'ils  en  prelcndoient  :  ce  peuple  est  extrême- 
ment mercenaire. 

Ce  fut  en  celle  ocasioii  où  le  /ele  du  P.  Pierre  commença  de  pro- 
duire SCS  premiers  éclats,  aiiliiKiul  ses  compagnons  dans  cet  essay 
de  soufrance  par  l'exemple  de  sa  constance  ik  de  ses  paroles.  Comme 
il  vid  que  cette  captivité  n  etoil  pas  pour  finir  bien  tùt,  il  distribua 
le  temps  en  divers  petits  employs,  afin  d'adoucir  leur  peine  par 
cette  innocente  tromperie.  Ils  avoient  les  heures  destinées  pour 
taire  leurs  prières  en  commun,  sans  préjudice  de  celles  que  les  Pères 
avoient  choisies  pour  leurs  dévotions  particulières. 

C'est  dans  les  petits  sujets,  comme  celuy  que  je  vais  dire,  quon 
peut  remarquer  les  plus  grandes  merveilles  de  la  Piovidence.  Un 
jour,  le  Roy  passant  assés  près  de  la  tente  de  nos  prisonniers,  à 
l'heure  qu'ils  faisoienl  les  prières  publiques,  le  P.  Pierre,  qui  avoit 
la  voix  belle,  chanloil  les  litanies  de  la  Vierge;  Sa  Majesté  s'aresta 
pour  l'entendre  &  en  témoigna  l)eaucoup  de  satisfaction,  de  sorte 
que  souvent  il  soulageoit  son  esprit  par  ce  divertissement,  ^:  s'y 
rendit  si  assidu  qu'un  jour,  le  Père  ayant  discontinué  de  chanter,  le 
Roy  leur  en  envoya  commander  la  continuation,  les  asseurant  du 
plaisir  qu'il  en  recevoit. 

Monsieur  le  Commandeur,  sortant  un  soir  entre  les  autres,  &  le 
P.  Pierre  avec  luy.  hors  la  tente,  d'où  ils  s'éloignèrent  un  peu, 
s'entretenant  sur  les  efcts  miraculeux  de  la  Providence  de  Dieu, 
qui  conduit  souvent  ses  ouvrages  à  leur  perfection  entière  par  des 
moyens  contraires  à  nos  raisonnements  iS:  à  nos  prévoyances;  et  ce 
discours  fini,  le  Père  Pierre,  par  un  mouvement  dune  ferveur  extraor- 
dinaire, dit  à  ce  bon  chevalier  qu'il  le  conjuroitde  se  résoudre  d'estre 
serviteur  de  la  Mère  de  Dieu.  Et  comme  si  c'eût  été  un  oracle  du 
Ciel  qui  luy  eût  fait  ce  commandement,  il  fait  vœu  de  servir  éter- 
nellement une  si  grande  Reyne.  Ce  vœu  ne  fut  pas  plustôt  achevé 
qu'un  homme  qu'ils  ne  connoissoient  point  se  mit  au  milieu  d  eux, 
qui  leur  dit  :  «  Rejouissés-vous,  le  Roy  a  résolu  de  vous  renvoyer 
en  France.  »  A  l'instant  il  disparut,  sans  demander  recompence, 
comme  c'est  la  covitume  de  ce  pays  pour  le  moindre  service.  Je  ne 
décris  point  leur  etonnement  pour  le  persuader;  il  est  trop  aisé  à 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PI*.     CAPUCINS    AU    MAROC  I GQ 

croire,  d'autanl  plus  que  moins  ils  y  reconnoissoient  d'aparence. 
Ainsi  se  relirercnt-ils  avec  leurs  compagnons. 

Mais  ils  le  furent  bien  d'avantage  le  lendemain  au  matin,  qu  un 
alcaïde  les  vint  treuver  de  la  part  du  Roy,  pour  leur  proposer  sa 
bonté  »k  sa  clémence,  qui.  encor  que  Sa  Majesté  sceût  leur  mauvais 
dessein,  il  leur  oITroitla  permission  à  quelques-uns  de  retourner  en 
France  pour  faire  entendre  le  sujet  quil  avoit  de  se  pleindre  des 
François  v^  en  raporter  la  satisfaction,  que  pour  cet  efet  il  leur 
commandoit  de  choisir  ceux  qu  ils  vouloient  envoyer  tV  leurdoniie- 
roit  passe-port.  11  est  vray  qu'un  Provençal  en  bonne  posture  près 
de  ce  prince',  piqué  de  jalousie,  luy  avoit  persuadé  que  les  noires 
dévoient  aiiver  à  dessein  de  surprendre  Safy,  sous  prétexte  dune 
proposition  d'alliance  entre  les  deux  couronnes.  Monsieur  le 
Commandeur,  étonné  de  ce  raport  autant  que  des  ofres,  repartit 
qu'il  suplioit  très-humblement  le  Roy  luy  permettre  l'honneur  de 
le  saluer  lV  que  Sa  Majesté  connoitroit  à  son  visage,  par  sa  science 
de  physionomie,  en  laquelle  il  étoit  expérimenté,  s  il  avoit  1  esprit 
susceptible  dune  lâcheté  pareille  ik  d'une  trahison  si  honteuse.  Cette 
proposition  succéda  avec  grand  heur,  comme  nous  dirons. 

Tandis  que  lalcaïde  fut  faire  son  raport  au  Roy,  nos  prisonniers 
se  mirent  en  devoir  de  choisir  ceux  qui  retourneroient,  selon  les 
ofres  qu'on  leur  a^oit  faites.  Monsieur  le  Chevalier  proposa  le  P. 
Pierre,  «^  luy  monsieur  le  Commandeur",  ce  qui  fut  suivy  du 
sentiment  commun.  Mais  ne  pou\ant  s'y  résoudre,  le  P.  Pierre  dit 
qu'il  faloit  deniander  à  Dieu  <[u  il  luv  pleut  leur  faire  connoitr'e  sa 
volonté.  Ils  in\oquerent  le  Sainct  Esprit.  Leurs  prières  achevées, 
cliacun  continua  dans  son  premier  avis,  que  monsieur  le  Chevalier 
y  devoit  aller,  avec  Frère  Rodolphe  d'Angers,  le  troisième  des  PP. 
Capucins,  >K:  son  valet  de  chambre. 

Celte  resolution  prise,  ils  attendirent  celle  du  Roy,  qui.  ayant 
agréé  la  ic|)artie  du  Commandeur,  luy  envoya  la  permission  pour 
le  venir  lieu  ver.  En  efet  il  y  fut,  &forl  hienrcceu.  Ce  Prince  reconnut 

I.   Ce  Provftiirnl   on  bonne  posture  prrs  Sanit- Mandrier  n'aui'ait    pas  vir  tel  rpie  le 

de  Monlay  Zidàii  est  Saint-Mandrier.    Sur  raconte  Cf.spfdus.  Cf.  SH/)ra.  p.  io('),notc3. 

ce  persoiHiage,  V.  supra.  Introduction,  no-  3.   Jj 'auteur  désigne  Isaac de  Razilly  dans 

tice  biographique.  —  On  voit  tpie,  d'a])rés  la  même  phrase  sous  deux  titres  différents, 

le  P.  François  d'.Vngcrs,   le  rôle  joué  par  celui  do  chevalier  et  celui  de  commandeur. 


1  lô  ifia.l-ins'i 

une  si  grande  ingénuité  sur  le  visage  de  ce  Chevalier  qu'il  luy  donna 
pouvoir,  sur  sa  parole,  de  retourner  en  France  faire  éclater  ses 
pleintes  à  la  Cour  contre  un  certain  François,  qui  se  disoit  envoyé 
du  Roy,  quilacusoit  d'un  vol  considérable,  d'autant  que,  se  voyant 
assiégé  d'une  armée  si  puissante  qu'il  eut  sujet  de  creindre  d'être 
chassé  de  ses  Etats,  dans  cette  appréhension  il  luy  confia  pour  un 
million  d'or  de  pierreries  ik  un  grand  nombre  de  volumes  d'une 
rare  l)ibliothecque,  pour  aporter  en  France,  afin  d'y  conserver  le 
tout'.  Ce  pauvre  homme,  faisant  sa  route,  fut  rencontré  d'un  vaisseau 
d'Espagne  qui  se  rendit  maistre  du  trésor,  après  l'avoiretédu  navire. 
Le  roy  de  Maroque  croyoit  que  ce  fût  un  fourbe  &  en  demandoit  la 
réparation  comme  d  un  vol  >k  d'une  perfidie.  Sa  Majesté  fist  délivrer 
au  sieur  Chevalier  un  mémoire  de  ce  que  Sa  Majesté  prelendoit 
pour  réparation  de  cet  afront  insigne  A:  le  dédommagement  d'une 
si  notable  perte'.  Il  y  a  une  circonstance  qui  rend  ce  crime  plus 
énorme,  de  ce  qu'il  fut  commis  sur  la  foy  publique,  ce  qui  choque 
le  droict  des  gens,  qui  a  toujours  été  religieusement  observé  &:  tenu 
avec  grand  respect  dans  toutes  les  nations  de  la  terre. 

Monsieur  le  Commandeur  partit  de  ^laroque^  avec  passe-port  & 
les  instructions  du  Roy.  Il  mena  avec  luy  F,  Rodolphe  d'Angers, 
religieux  ca[)iicinlaïc,  le  troisième  de  ceux  qu'il  yavoit  menés,  >kun 
ou  deux  des  siens.  Il  arivaen  France  par  la  Holande,  A  son  retour, 
il  rendit  compte  au  Roy,  à  Son  Eminenee,  &  au  R,  P,  Joseph  de 
tout  ce  qui  s'etoit  passé,  des  propositions  de  Sa  Majesté  de  Maroque, 
qui  furent  jugées  raisonnables.  Mais  avant  de  découvrir  l'issue  de 
cette  négociation  (aussi  fut-elle  longtemps  à  se  résoudre,  à  cause 
des  guerres  civiles  qui  travailloient  la  France,  le  Roy  ayant  à  cet 
efet  des  armées  sur  mer  &  sur  terre,  tous  les  vaisseaux  du  Roy 
étoient  employés,  dont  le  nombre  étoit  lors  bien  petit),  il  faut  retour- 
ner à  Maroque  treuver  les  RR,  PP,  Pierre  >S;  Michel,  dans  la  prison 
où  nous  les  avons  laissés  avec  plusieurs  autres  François  de  l'équipage 


I.   Il  s'agit  ici   du  capitaine  Castelane,  2.   Le  mémoire  où  Moulay  Zidàn  expo- 

Moulav  Zidàn  lui  avait  confié  son  trésor  et  sait    ses    revendications    n'a    pu    être   re- 

ses  livres  pour  qu'il  les  transportât  à  Aga-  trouvé. 

dir  et  non  en  France,  comme  le  dit  inexac-  3,   De  Marocjue.    Entendez:   du    Maroc, 

tement  l'auteur.   V.    sur  cette  affaire,  /"  Isaac  de  Raziilv  dut  partir  en   novembre 

Série,  France,  t.  II,  p.  ôii.  Sommaire.  1624.  V.  infra,  p.  i3o,  noie  4. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION"    DES    PP.     CAPVCINS    AU    MAROC 


I  I  I 


de  monsieur  de  Razilly,  comme  nous  avons  dit  ;  aussi  bien  font-ils 
le  principal  sujet  de  celte  histoire. 


Bibliolhhque  Nationale. — Impriméx.  O^j  1 1'3.  L'histoire  de  la  mission 
des  Pères  capucins  de  la  province  de  Toureine  au  royaume  de  Maroque...  ', 
pp.  139. 


i .  l^f  titre  complet  de  cet  ouvrage  est  : 
L'histoire  de  la  mission  des  Pères  capucins  de 
la  province  de  Toureine  au  royaume  de 
Ma  rogue  en  Afrique,  parles  ordres  du  H.  P. 
Joseph  de  Paris,  prédicateur  capucin,  com- 
missaire apostolique  des  missions  étrangères. 
Ce  volume  in-S"  parut  à  Niort  en  i644, 
sans  nom  d'autour,    mais  une  lettre  placée 


en  tète,  datée  de  Niort  i""'  juin  i644  et 
adressée  au  R.  P.  Michel  de  Nevers  est 
signée  :  F.  F.  D.  A.  C.  I.  (Frère  François 
d'Angers,  Capucin  Indigne).  D'ailleurs  le 
permis  d'imprimer  qui  se  trouve  en  tète 
de  l'édition  prlncips,  daté  de  Rome, 
20  juin  1643  est  adressé  à  :  Francisco 
AnJccavensi. 


I  12 


AOUT     I 


Hafi 


XXI 


LETTRE  DE  DUTIEZ  '  A  ISAAC  DE  RAZILLY 

\'an  Licherrjhrn  a  reçu  de  I^e  Gendre  l'ordre  de  remettre  à  Dutiez  et  à  cha- 
cun des  Pères  capucins  la  somme  de  ^00  Hures.  —  Dutiez  a  tiré  sur 
RazilN  une  lettre  de  chanije.  —  Détresse  des  rjens  de  l'écjuipac/e  qui 

attendent  avec  imjxitienre  le  retour  de  Jiazillv. 


nkccli. 


)ùt  iG'iC) 


Siisrrij)tion  :  A  monsieur,   monsieur  le  chevalycr  de  Razilly  et, 
eu  son  ahsence,  à  monsieur  de  Launay  son  frère  "  la  part  où  il  sera. 

Monsieur, 

J'ay  reçu  lettres  de  monsieur  Lejendre  '  par  lesquelles  il  donne 
charge  au  sieur  Libergue  ',  marchand  à  Saffy,  de  me  délivrer  ycy  à 


I .  Ce  personnage  qui  n*a  pas  été  identifié 
devait  faire  partie  de  l'escorte  de  Razilly  ;  il 
avait  été  arrêté  et  retenu  en  captivité  avec 
celle-ci  lorscpie  le  Chevalier  était  allé  à 
terre. 

3.  Claude  de  Razilly,  chevalier  de  l'ordre 
du  Roi,  seigneur  de  Launay,  Fontenay,  etc., 
cinquième  iils  de  François  de  Razillv  et  de  Ca- 
therine de  \illicrs,  né  en  décembre  iSgS, 
mort  le  2  2  mai  i654.  Il  ser\'it  sur  mer  et  fut 
nommé  successivement  capitaine  entretenu 
de  l'un  des  vaisseaux  du  Roi,  lieutenant-gé- 
néral au  gouvernement  de  Brouage  et  com- 
mandant des  îles  et  fort  d'Oléron  (iGa'y), 
premier  chef  d'escadre  des  vaisseaux  du  Roi , 
vice-amiral  de  ses  armées  navales  (iGS^)  et 
ambassadeur  en  .\ngleterre.  Il  ajouta  à  son 
nom   celui   de    Launay,    provenant  d'une 


terre  qu'il  avait  achetée,  pour  se  distinguer 
de  son  frère  Isaac,  marin  comme  lui.  Ce  fut 
lui  qui  le  premier  signa  RasiUv,  écrivant 
son  nom  avec  une  s.  Il  devint  le  chef  de  sa 
maison  par  la  mort  de  son  neveu  décédé 
sans  enfants.  Cf.  Généalogie Basitty ,  pp.  279, 
338. 

3.  Lejendre,  Le  Gendre.  Surette  famille 
d'armateurs  de  Rouen,  V.  supra.  Introduc- 
tion, notice  biographique. 

4.  Libergue.  Abraham  van  Libergen, 
commerçant  néerlandais  établi  au  Maroc, 
était  en  relations  d'affaire  avec  la  maison 
Le  Gendre  de  Rouen  et  il  semble  même 
avoir  habité  cette  dernière  ville.  Cf.  t" 
Série,  Pays-Bas,  t.  III,  Journal  de  Ruyl 
(1628-1624)  et  infra,  Doc.  CXXIX,  Rela- 
tion de  Thomas  Le  Gendre,  p.  716. 


LETTRE    D1-;    DLTIEZ    A     ISAAC    IIE    BAZILLY 


I  I. 


Maroq  et  aux  reverendz  Pères  capucins,  chacun  la  somme  de 
^oo  livres  pour  subvenir  à  nos  nécessités  qui  ne  sont  pas  petittes, 
comme  vous  auront  pu  cscripre  nos  dicts  reverendz  Pères.  Je  croy 
que  c  est  par  vostre  commandement  qu'a  faict  ledict  sieur  Lcjendre, 
à  qui  nous  avons  mille  obligations  ;  ce  qui  me  faict  vous  prier  très- 
humblement  de  m'excuser  sy  j'ay  prinsla  hardiesse  de  tirer  /ioo  livres 
en  change  sur  vous,  que  je  vous  prye  avec  toutte  mon  affection  faire 
paicr  audict  sieur  Lejendre.  Jamays  service  n'est  venu  plus  à  propos 
que  celuy-là  ;  et  vous  puis  dire  avec  veritté  que  la  necessitté  est 
sy  grande  parmy  ceulx  qui  sont  restés  à  terre  de  vostre  esquippage 
qui  vont  demandyer  leur  pain  chaque  jour  el  d  aller  travailler  au 
Mont-Serra',  où  les  coups  de  baslon  ne  leur  manque  point;  et 
n'csloient  quelques  vielx  esclaves  francès  qui  sont  en  la  sezalnne"  qui 
nous  ont  assistés,  la  pluspart  seroient  mors  de  fain  et  de  pauvrette, 
y  ayant  plus  de  dix-huict  mois  '  que  le  Roy  nous  a  retranchés  ce  qui 
nous  avoit  ordonné  pour  nostrc  vivre,  et  nous  laisse  entre  quattre 
murailles  sans  aucun  secours  venant  de  luy,  avec  quantité  de  Mores 
pour  nous  garder  jusqu'à  vostre  retour,  que  noussouheltons  avecq 


i.  Mont-Serra,  transcription  défectueuse 

de  El-Meserra  e  ■....«.'l  .  LeMeserraclaitun 

immense  verjjer  créé  par  l'émir  alnioliade 
Abdel-Moumen  (i  i.3o-i  i03)  ;  il  était  com- 
ptante d'oliviers,  d'orangers  et  autres  arbres 
fruitiers  et  était  arrosé  parles  eaux  de  l'oued 
Ourika  dérivées  à  partir  de  Aglimat,  ainsi 
que  par  un  grand  nombre  de  puits.  Son 
emplacement  devait  correspondre  au  jardin 
actuel  de  Agiiedal  (V.  carte  F.  UE  Roque- 
VAIRE,  plan  de  Merrakech).  Les  eaux  de 
l'oued  Ourika,  réunies  dans  un  vaste  bas- 
sin, arrosaient  un  premier  jardin  appelé 
«  le  Petit  Mescrra  »,  avant  de  passer  dans 
le  grand  vergerdcEl-Mcscrra.  La  fertilité  du 
vf^rgcr  de  El-Meserra  était  si  grande  qu'en 
1 1/|8  il  rapporta  3o  noo  dinars,  «  et  pour- 
tant, ajoute  le  chronitjueur  arabe,  les  fruits 
à  cette  époque  se  vendaient  bon  marché  à 
Merrakech  ».  Ce  magnifique  jardin  fut  sans 
doute  laissé  a  l'abandon  sous  les  IJcaii  Merin. 
Le  chérif  Moiilay  Ahmed  el-Mansour  entre- 
Un  Castries. 


])rit  de  le  restaurer  et  d'en  faire  une  mer- 
veille digne  du  palais  de  El-Bedi.  Ce  fut 
probablement  lui  qui  construisit  le  pavillon 
mauresque  situé  au  centre  des  jardins  et 
connu  aujourd'hui  sous  le  nom  de  Dar  cl- 
lîeida.  Le  kiosque  de  El-Meserra  était  le 
lieu  de  retraite  préféré  des  chérifs  et  Moulay 
Ahmed  el-Maiisoiir  a  chanté  lui-même  dans 
SOS  poésies  les  charmes  de  ce  séjour.  L'en- 
tretien journalier  des  jardins  était  fait  par 
les  esclaves  chrétiens.  Sur  El-Meserra,  V. 
El-Oufràm,  pp.  igi,  192,  280,  3o4  et 
/407  ;  infrn,  p.  429,  note  5  ;  p.  727,  note  i  ; 
et  les  anciens  plans  et  vues  de  Merrakech 
apiid  :  Dappek,  Hôst,  Ali  Bey,  Washing- 
ton et  spécialement  la  vue  De  sladt  Marocco 
(l'I.  27),  dans  l'exemplaire  de  l'atlas  de  Hlaeu 
conservé  à  la  Unis,  unil  Kiin.  lIoJ'-BibliuUtck 
à  Vienne. 

2.  Sczainne.  scdjène,  •p=»-,  prison.  Sur 
la  prison  des  Chrétiens  à  Merrakech,  V. 
infra,  p.  iGâ,nole  i. 

3.  Depuis  janvier  1625  environ. 

III.  —  S 


11^  AOUT     1626 

passion  pour  nous  délivrer  de  tant  do  mizere  où  la  fortune  nous  a 
reduictz. 

Je  ne  vous  en  serois  dire  davantage  que  vous  en  sçavés,  vous 
priant  de  tout  mon  cœur  de  me  faire  tousjours  l'honneur  de  m'aimer 
et  me  tenir  pour  vostre  très-humble  et  très-obeissant  serviteur, 

Signé  :  Dutiez. 
Maroq,  ce  d'aust  1626. 

Post-scriptum.  —  Monsieur,  il  n'y  a  rien  de  nouveau  en  cepaïs, 
sinon  que  le  Roy  a  faict  coupper  la  texte  à  S'  Mandrier  '  et  à 
S'  Amoury '.  Syj  avois  la  main  libre  de  pouvoir  escripre.  j  aurois 

escript  à  monsieur  de  La  Fosse  ^;   il  se  contentera  à  presant 

baize  mains  sy  luy  plaist. 

Je  n'aurois  pris  la  hardiesse  de  vous  escripre,  n'avoit  esté  par 
commandement  du  Père  Pierre,  capucin. 

Archii'cs  du  niarfjais  de  Rasilly.  —  Original''. 

1.  Sur  ce  personnage,  V.  supra.  Inlro-         lis;  p.  i43  et  note  i. 

(juctioii,  notice  biographique. — Ilavaitétc  3.   Monsieur  de  La  Fosse- Bcsnard. 

exécuté  le  \k  avril.  V.   infra,    p.    liiî    et  '4.   Ce    document   a   été   publié  dans  la 

note  I .  Généalofjie  de  la  famille  de  Hazilly,  pp.  261- 

2.  S'  Amoury,   Saint-Amour;   c'était  le  3O2.  C'est  à  tort  que  la  date  de  1627  a  été 
beau-frère  de  Saint-Mandrier.  \  .  infra,  p.  inscrite  en  tète  du  document,  p.  261. 


MEMOIRE    DE    KAZILLY    A    RICHELIEU  I  10 


XXII 

MÉMOIRE  DE  RVZILLV  A  KICHELIEU 
(Extraits) 

Progrès  faits  par  Icx  corsaires  au  Maroc.  —  Moyens  de  se  procurer  des 
ressources  pour  combattre  la  piraterie  et  racheter  les  captifs  chrétiens.  — 
Razilly  propose  de  bloquer  Salé  et  de  négocier  avec  Moulay  Zidân  la 
délivrance  des  Français  qu'il  retient  en  esclavage  par  ressentiment  contre 
Castelane.  —  Plan  d'occupation  de  l'île  de  Mogador  ;  avantages  commer- 
ciaux que  la  France  retirerait  de  cette  opération. 


Ponloisc,  26  novembre  1626'. 

Sur  la  couverture,  alla  manu  :  Mémoire  présenté  en  1626  au  car- 
dinal de  Richelieu  pour  restablir  le  commerce  sur  mer  et  autres 
choses  très-utiles,  par  le  chevalier  de  Uassilly. 

Monseigneur, 

Le  zcele  passionné  que  j'ay  au  service  du  Roy  et  bien  public  m'a 
licentié  de  rédiger  ])ar  escript  les  mesmoyres  cy-dessoubs,  selon  la 
pratique  que  j'ay  acquise  dans  les  quatre  partyes  du  monde.     . 

Ceulx  du  royaulme  de  Marocquc,  Salle  et  Toutouan  ont  com- 
mancé  d "armer  par  mer  depuys  buyl  ans%  et  oui  pris  plus  de  six 

1 .  Le  présent  mémoire  est  précédé  d'une  Abbc  Willemsz  écrivait  à  l'amirauté  de 
épitre  dédicaloire  adressée  par  Hazillyà  Ri-  Rotterdam  :  «  Il  v  a  un  an,  les  Maures  de 
chelicu  et  datée  de  l'ontoise,  36  nov.  1626.  Salé   n'avaient  pas   de  vaisseaux,  et  main- 

2.  Le  8  août  16171e  capitaine  hollandais  tenant  ils  en  ont  quatre  en  mer  ;  ils  dev-ien- 


I  ]  (1  26     NOVEMBRE     1626 

mil  chicsliens  el  quinze  millions  de  livres,  dont  la  France  en  a 
souffert  les  deux  parts  de  la  perte  ;  et  bien  qu'ils  n'ayent  commancé 
que  par  une  tartanne  armée  en  guerre,  ils  ont  à  presant  plus  de 
soixante  vaisseaux,  lesquels  neantmoins  ne  sont  encore  bien  armez 
ny  leurs  gens  praticques  à  la  mer  '  ;  car  six  bons  navyres  de  troys 
cens  tonneaux  pièce  pourront  battre  tous  les  soixante,  quand  ils 
seroyent  tous  ensemble.  Mais  peu  à  peu  ils  s'aguerrissent,  et,  sy 
l'on  ny  met  prompt  remedde,  ils  se  randront  invincibles. 

^  ostre  Grandeur  considérera,  s  il  luy  pluisl,  que  de  tout  temps 
la  nation  françoyse  a  esté  libre  et  Iranclie  pour  tout  le  monde,  et 
(pj  d  n'y  a  que  depuis  ^ingt-quatre  ans  que  les  Turcqs  ont  rendus 
esclaves  les  Françoys  naviguans  soubs  les  trois  fleurs  de  lis,  y  en 
ayant  à  presant  dans  l'Affricque  plus  de  liuict  mil  des  meilleurs 
marynyers  du  royaulmc.  quy  sont  contraincts  par  les  tourmanls  de 
renoncer  la  loy  de  Jesus-Clirist,  puys  servent  de  pillotles  aux  Bar- 
bares jjour  venyr  aux  costes  de  France  prendre  leurs  parans  et 
comjjatriottes,  ce  quy  arrive  journellement  dans  touttcs  ses  costes^. 
A  quoy  pouront  remedyer  les  vaisseaux  quenlretiendra  le  Roy,  qui 
empescheront  bien  que  Ion  ne  prene  ses  subjects  à  l'advenyr; 
mays  ceulx  quy  sont  esclaves  à  presant,  le  zeele  et  affection  qu'a 
Vostre  Grandeur  au  service  de  Sa  Majesté  et  bien  public  fera  faci- 
litter  les  moyens  pour  les  mettre  en  liberté.  Une  partye  des  denyers 
necessayres  à  cest  effect  se  pouront  trouver  sur  les  droicts  du 
dixiesme  des  prises  quy  se  feront  en  mer.  aux  voyages  de  long 
cours,  ensemble  sur  les  droicts  des  congés  donnés  aux  navigateurs 
d  aller  en  mer.  Mesmes.  l'on  poura  obtenyr  de  Sa  Saincteté  et  bulles 
etpermissions  de  manger  de  la  vyande  en  caresme,  comme  l'on  faist 
en  Espagne  \  dont  le  provenu  des  aumosnes  sera  employé  au 
rachapt  des  dessusdicts  esclaves.  L'on  y  poura  adjouster  que  tous 

dront  très  puissants,  si  l'on  n'y  prend  uarde.  igoS,  p.  835. 

Xu  faisant  aucun  cas  de  l'autorité  du  Roi  3.   Sur    les    descentes    opérées   par    les 

[de    Maroc],   ils  s'empareront   de   tout   ce  pirates  de  Salé  sur  les  côtes  de  l'Atlantique, 

qu'ils    pourront.   »    z™    .Série,    Pays-Bas,  cf.  i6trfem,  pp.  84o-84i  et /''' .Série,  Angle- 

t.  III.  terre,  1625-1626,  passim. 

I.   Sur  l'inaptitude  des  Maures  à  la  navi-  3.   Sur  la  bulle  de  la  Croisade  (la  Cru- 

gation,  cf.  H.  de  Castries,   Les  corsaires  zada),    V.    1"  Série,  France,  t.    I,  p.   55, 

de  Salé,  Revue  des  Deus  Mondes,  i5  fév.  note  2. 


MEMOIRE    DE    RAZILLY    A    RICHELIEU 


couK  <|uv  auront  des  carosses  dans  Parys  conliMhnci'oiit  vingl  cscus 
par  an  pour  la  dellivrance  des  esclaves  françoys  delenus  en  Raiha- 
rye.  (]elte  alTliyre  donnera  ung  million  de  bénédictions  à  Sa  Majesté 
et  à  cculx  quy  contribueront  à  cette  bonne  œuvre. 

Or,  je  présuppose  qu'il  y  ayt  force  navyres  en  armes  en  France, 
armés  et  equippés  de  touttes  choses  necessayres.  Il  nest  doncq  pas 
question  maintenant  de  les  laisser  inutilles  :  et.  pour  les  employer  h 
l'adxantagc  du  service  du  Roy  et  bien  public,  je  desduyray  cy-aprcs 
les  lieux  où  il  me  semble  qu'il  seroy  t  besoing  de  les  employer  et  qu'on 
le  pouroict.  C'est  au  lieu  que  les  navyrres  de  Salle,  subjects  de  l'ctn- 
pereur  du  Marocque,  sont  journellement  en  ses  costes.  cjnv  prennent 
très-grand  nombre  de  navyrres  de  ce  royaulme  et  gasteiit  nostre  traf- 
ficq.  Fauldroy  et  les  prevenyr  et  aller  mouiller  l'ancre  à  la  rade  dudict 
Salléavec  six  navyrres,  doiitlun  empescliera  qu'ils  ne  puissententrer 
ny  sortir  sans  estre  pris  ;  et,  du  mesme  voyage,  l'on  poura  traicter  la 
palv  avec  ledict  empereur  de  Marocque  et  retirer  les  pauvres  Fran- 
çoys détenus  esclaves  pour  la  trahison  et  vol  de  Cathelanc  et 
aultres,  lesquels  l'ont  affronté  par  le  moyen  des  lettres  du  Roy  qu'ils 
ohtindrent  par  faveur  des  secretayres  d'Estat,  où,  en  effect,  il  a 
juste  occasion  de  se  plaindre,  veu  qu'ils  luy  emportèrent  plus  de 
froys  millions  en  pierreryes  et  livres'  :  et,  lorscpiil  enxoya  eu  France 
son  ambassadeur  pour  seplayndre.  on  le  retint  (juatre  moys  enfermé 
dans  la  maison",  de  l'advertissemciit  de  Sa  Majesté,  sans  qu'il  eust 
moyen  de  sortyr  du  tout.  Geste  all'ayre  lut  très-mal  conduytte.  Mais 
l'on  y  peult  remeddycr  par  le  moyen  du  fonds  que  l'on  a  destyné 
sur  les  ventes  d'offices  de  conseillers  de  Rouan  et  Dijon. 

Et,  du  mesme  voyage  que  l'on  aura  retyré  les  esclaves,  l'on  pourra 
laisser  cent  hommes  à  l'isle  de  Monlgaddor,  sittuée  à  poi'tée  du  canon 
de  la  terre  ferme,  à  32"  de  lattitudc,  isle  très-ay.sée  àforti^■yer^  11  y 
fauldroyt  mettre  six  pièces  de  canon  et  laisser  du  biscuyt  aux  cent 
hommes,  et  avoyr  nombre  de  j)lancbes  de  sap  pour  y  fayre  des  inai- 


1.  Sur  l'afroire  Castolano,  V.  /"   Série,  V.  supra,  p.  loo,  note  6. 

Franco,  t.  II.  p.  54i.  Sommaire.  3.   Sur  les  avanlagos  di;   la  position   ilo 

2.  L'ambassadeur  aurpicl  il  est  l'ait  allu-  Mogador,  V.  Doc.  W,  p.  ■jf)  ;  Duc  WllI, 
sien  est   Sidi  Farès.  Sur  ce    personnage,  p.  121  et  Doc.  .XLVII,  p.  3Ci. 


Il8  26    NOVEMBRE     ifi^G 

sons,  car  d'aultres  forteresses  il  n'en  est  ja  besoing,  daultant  que 
l'isle  naturellement  est  toutlc  fortilTyée.  Fauldroyt  establyr  dans 
yccUe  ung  commerce  de  thoille,  fer,  drap,  et  aullres  mesmes  mar- 
chandises, jusques  à  la  somme  de  cent  mil  escus  par  an.  L'on  aura 
de  la  pouldre  dor  en  payement,  dattes  et  plumes  daustruche. 

Et  Ion  pouroyt  lliirer  quelques  chevaux  barbes  des  plus  forts 
et  meilleurs  de  l'AfTncque.  Le  profil  et  de  la  vente  des  marchandises 
pouroyt  monter  à  3o  p.  100  de  gain,  daultant  que  le  voyage  est 
fort  court:  car,  des  costes  de  France,  ayant  bon  vanl,  l'on  y  peult 
estre  en  huict  jours.  C  est  avoyr  ung  pied  dans  l'AfTricque  pour  aller 
s'estendre  plus  loin  . 

Il  y  a  quelques  Françoys  quy  ont  Irnffîcqué  dans  la  rivyere  de 
Gambye.  Mays  dans  tous  ces  quartiers  de  (uiinée,  l  ayr  y  est  très- 
mauvays.  Et  pour  les  habitations,  il  n'y  a  lieu  en  AfTrieque  propre 
aux  Françoys  que  lislede  Montgaddor  etTagrin  ',  où  les  Portugays 
avoyent,  en  diverses  années,  armé  des  vaisseaulx  pour  y  dresser 
des  coUonyes.  Tagiin  est  onze  degrés  nord  delà  ligne.  Les  Portu- 
gays y  ont  esté  deflaict  par  les  Françoys.  Le  pays  est  fort  agréable. 
Mays  le  reste  de  rAfTricque  est  très-malsain  et  en  beaucoup  d'endroicts 
sterille,  dont  je  ne  parleray  d'advantage. 

Ce  qu'attendant,  je  fmiray  ce  grossier  discours  mathelot  en  luy 
offrant  mes  labeurs  de  vingt-troys  années  que  j'ay  consommées  à 
la  recherche  de  la  congnoissance  des  quatre  partyes  du  monde, 
le  peu  de  bien  quy  me  reste  avecq  ma  vye.  Et  luy  feray  voir  aux 
elTects  qu'il  n'y  a  personne  au  monde  plus  zeellé  à  son  service 
que  moy,  quy  prieray  Dieu  le  reste  de  mes  jours  pour  sa  pros- 
périté, santé,  heureuse  et  longue  vye. 

llibliuthèijuc  Sainte-Geneviève.  —  Ms.  '2036.  —  Copie  du  xvu"  siècle-. 

1.  Tarjr'm,  le  cap  Tagrin,  sur  la  côte  de  par  M.  Léon  Deschamps  dans  la  Revue  de 
Guinée,  près  de  la  baie  de  Sierra  Leone.  Géographie,  t.  XIX,  année  1886,  pp.  ?i']!x- 

2.  Ce  mémoire  a  été  publié  in  extenso        383  et  /i53-46/i. 


MÉMOIRE    DE    RAZILLY    A    RICHELIEU  IIQ 


XXIII 

MÉMOIRE  DE  RAZILLY  A  RICHELIEU  ' 

Il  Jaiit  charger  de  la  négociation  (ht  rachat  les  sieurs  Le  Gendre,  marchands 
de  Rouen,  auxquels  Razilly  prêtera  son  appui.  —  Une  somme  de  soixante 
mille  écu^  est  nécessaire  pour  traiter  avec  Moulay  Zidân. — Inconvénient 
d'envoyer  des  pierreries  pour  cette  nilcnr.  car  celles-ci  ont  le  tncnn' cours 
en  France  et  au  Maroc  et  leur  prix  très  élevé  expose  à  de  grands  risques. — 
//  est  préférable  d'envoyer  pour  le  montant  de  cette  somme  des  étoffes  de 
toute  espèce  qui  valent  au  Maroc  deiuc  fois  plus  qu'en  France.  —  On 
occupera  l'ile  de  Mogador  oii  seront  lais.fés  cent  des  esclai'es  rachetés.  — 
Les  esclaves  retirés  du  Maroc  devront,  à  leur  choix,  servir  trois  ans  le 
Roi  sans  toucher  aucune  solde,  ou  lui  rcmlmurser  deiir  cents  écas 
pour  leur  rançon.  —  Avantai/es  que  le  Uni  retirera   de  cette  opération. 

S.  1.  [fin  iG36.]2 

Au  dos  et  en  télé:  Pour  les  alTaircs  do  Marocq. 

II  convient  avoir  trois  des  grands  vesseau\  armez  et  une  pa- 
tache.  pour  trois  mois  d'avance  au\  malhelotz  et  cinq  mois  de  vic- 
tuailles, et  partir  au  premier  d"apvril\ 

1.  La  similitude  entre  ce  Document  et  remarques  suivantes:  i°  Le  mémoire  est 
le  précédent,  notamment  en  ce  qui  con-  postérieur  au  retour  du  Maroc  des  Le 
cerne  l'occupation  de  Mogador  par  cent  Ciendre  tpii  no  durent  revenir  à  Rouen 
captifs  libérés  et  avec  six  pièces  de  canon,  qu'à  la  fin  de  1G25  ou  au  commencement 
le  rappel  de  l'affaire  Castelane,  etc.,  fait  de  1626  (V.  p.  698,  note  l\).  2°  Il  est  an- 
supposer  que  les  deux  mémoires  ont  été  térieur  à  la  mort  de  Moiday  Zidàn  (30 
rédigés  à  des  dates  très  voisines  l'une  de  septembre  1627),  ou  tout  au  moins  à  la 
l'autre  et  qu'ils  émanent  tous  deux  du  date  oi'i  panint  en  France  la  nouvelle  de 
chevalier  de  Razilly:  le  premier,  plus  gé-  la  mort  du  Clurif. 

néral,  concerne  toutes  les  affaires   mariti-  3.   On  sait  que,   par  suite  du   mauvais 

mes  de  la  France,  le   second  se   rapporte  temps,  la  côte  du  Maroc  était  difficilement 

exclusivement  au  Maroc.  praticable  pendant  les  mois  d'automne  et 

2.  Cette  date    est   restituée  d'après    les  d'hiver. 


I  aO  FIN" 


I T)  2  G 


Pour  rachapter  les  exclaves  iVançois  de  Maroeq,  il  convient 
envoyer  quérir  à  Rouen  deux  marchantz  appelles  Le  Gendre', 
lesquelz  ont  accoutumé  despuis  longues  années  liafTiquer  grand 
nombre  d'argent  audit  Maroeq,  et  que  le  presant  que  l'on  l'era  à 
l'empereur  Mole  Zidan  de  Maroeq  soit  mis  entre  les  mains  des 
susditz  marchantz,  qui  en  respondronl  et  tretteronl  l'alTaire  avec 
prudance  et  asistance  que  leur  donnera  le  chevallier  de  Uazilly. 

Ledit  empereur  Mole  Zidan  auroit  esté  sy-davant  affronté  par 
Castelanne''  de  Marseille  et  autres,  envoyés  à  Maroeq  pour  consulz'' 
de  la  part  de  Sa  Magesté,  qui  ont  trompé  ledit  empereur  de  sept 
mile  volumes  de  livres  estimés  à  deux  millions.  Et,  voulantz  envoyer 
des  ambassadeurs  en  France  pour  se  plaindre,  ilz  auroist  estez  par 
deux  fois  indignement  trettez  ',  ce  qui  auroit  contraint  ledit  empereur 
à  faire  prandre  grand  nombre  dexclaves  françois. 

Or,  pour  faire  la  paix  et  rachapter  les  susditz  exclaves  de  Maroeq, 
il  convient  pour  soixante  mille  escus  d'estoife  descarlatte,  velours, 
brocar  et  damas,  qui  doubleront  presque  dans  le  pays. 

Les  pierreryes  vallent  au  moins  autant  à  Maroeq  comme  elles 
fonten  France.  Toute  la  difficulté  qu'il  y  auroit  seroit  que,  desdia- 
mans  de  vingt  mille  eseus,  l'on  ne  les  voudroit  risquer  d'un  coup 
à  les  envoyer  à  terre,  de  peur  qu'il  lust  retenu;  et,  de  la  marclian- 
dize.  l'on  n'en  risquera  que  deux  mille  escus  à  la  fois,  où  on  icti- 
rera  en  mesme  temps  un  nombre  d'exclaves  accordez  et  le  trocque 
continura  de  ceste  sorte. 

Mais,   sy  l'on  est  assuré  de  pierrei'ye,   l'on  peut  faire  l'affaire 


1.  Jean-Baptiste  et  Thomas  Le  Gondro,  Zidàn  auprès  du  roi  de  France.  V.  /"  Série. 
fils  de  Lucas  Le  Gendre.  Pays-Bas,  t.  II,  Doc.  XLVIII,  p.  io8  ;  LV, 

2.  Sur  l'affaire  Castelanc,  Cf.  i''  Série.  p.  i3i  ;  LVII,  p.  i38;  LXXIII,  p.  174, 
France,  t.  II,  p.  5.'n,  Sommaire.  et  Addenda.  Doc.  I,  2  et  4,  pp.  788,  787 

3.  Claude  Du  Mas  est  sans  doute  l'autre  et  748.  En  1619  Isaac  de  Razilly  avait 
consul  dont  veut  parler  l'auteur  du  mé-  oljlenu  de  Moulay  Zidàn  l'envoi  d'un  autre 
moire.  V.  p.  loi  et  note  4.  Mais  Du  Mas  ambassadeur,  Sidi  Farès  ;  mais  il  semble 
n'a  pas  été  mêlé  à  l'affaire  des  livres.  que  celui-ci    fut  retenu  à  Marseille   et  ne 

4.  En  1612  Louis  XIII  avait  refusé  ini  fut  pas  reçu  par  Louis  XIII.  V.  supra, 
sauf-conduit  au  caïd  Ahmed  el-Guczouli,  p.  117  et  note  2.  C'est  cet  envoyé  de  .Moulay 
malgré  les  instances  des  États-Généraux  Zidàn  qui  est  appelé  le  «  gentilhomme 
clos  Provinces-Unies  qui  s'étaient  faits  en  more  »  dans  le  Doc.  XX,  p.  ion,  et  le 
la  circonstance  les  intermédiaires  de  Moula  v  «  chevalier  more  »  dans  le  Doc.  XIII,  p.  5o. 


MEMOIRE    DE    HAZII.I.Y    A     HICHELIEU  191 

avsernpnt.  d'autant  qu  il  se  (rémora  dos  niarchantz  à  Paris  lesquelz 
fourniront  toutes  sortes  d  estoll'es  au  tiers  de  la  valleur  des  pior- 
reryes,  les  leur  mettant  en  gage.  Le  tout  est  donc  d'avoir  des  pior- 
rerves  pour  soixante  et  dix  mille  escus'.  pour  faire  la  paix  a^ec 
l'ampereur  Mole  Zidan  et  reltirer  les  exclaves  françois  do  Marocq 
et  empaicher  à  l'advenir  que  Ion  n'en  prenne  plus. 

Avant  retiré  les  susditz  exclaves.  l'on  on  laissera  cent  à  l'islo  do 
Mongador",  lieu  très-propre  d'y  establyr  iing  commerce  de  pos- 
cherye.  C'est  un  lieu  do  grande  importance,  soit  contre  les  royaulmes 
de  Fez.  Marocq  et  Suzo.  mesnio  contre  l'Espaigno.  en  cas  de 
gueri'O.  lieu  dont  la  nature  a  forlifiô  1  isie  d  une  toile  façon  que  cent 
hommes  avec  six  canons  la  pouvoiit  deffandre  et  garder  contre 
toutes  les  forces  d'Affrique  ;  il  y  a  l)on  jiorl  à  mettre  à  cou^or 
quinze  \cssoaux  entre  l'islo  et  la  terre  ferme. 

Il  y  fault  porter  des  planches  de  sap  et  hisquit  pour  ung  an, 
futailles,  charbon  et  autre  menue  chose  nécessaires  que  l'on  des- 
duira  dans  loslat  do  randjarcpioiuenl. 

Les  exclaves  que  l'on  retirera  dudit  .\Iarocq  serviront  trois  ans 
le  Roy  sans  aulcun  gage,  ou  payeront  deux  cent  escus  pour  leur 
lachapt;  autrement  les  delinquans  seront  compdamnés  àlamoit.  De 
cesto  façon  Sa  Magesté  gaignera  beaucoup  en  cesle  alfairo  sur 
l'antretien  de  ses  vesseaux  et  fera  une  œuvre  qui  bénira  son  raigne 
au  ciol  ol  en  la  terre.  Oultre.  sans  double,  que  dans  laditte  coste 
d  AlTrKpio,  par  la  i^ràcp  do  Dieu,  les  trois  vi^ssoaiix  du  Roy  et  la 
patachc  prandroni  dos  forbans  chargés  d  airnos  pour  plus  de  cent 
mille  escus  ol  \olonliors  da\antage.  Cela  fera  rodoutoi'  les  armes  du 
Roy  et  ompaicbora  qu  dz  ne  \iendront  plus  \<)ler  les  pau\  ros  Fran- 
çois aux  coslos  de  ce  royaulnie.  Bref,  la  suitte  de  ceste  affaire  est 
de  très-grande  imporlance  et  le  ciel  est  ouvert  pour  tous  ceux  qui 
coni  rdiiicioni  à  coslo  liniuio  (i'U\re. 

Le  doU'unct  ro\  dosiroit  grandement  consor\or  le  tralTicq  de 
Maroccj  \  d  autant  tpio  toutes  nos  marchandizos  do  France  sont 
bien  vandues  en  ce  pays  là. 


1.  Il  est  jiarli'   ]i1ms   liant  d'iiiir'  somme         lion    ilr^    Mogaclor,   V.    supru.  Doc.  WII, 
(le  soixante  mille  éciis.  p.   i  |-  ;  Doc.  XV,  p.  ■^6. 

2.  Sur  les  avantages  que  présente  la  posi-  '1.    Il  se  faisait  luitre  la  France  et  le  Maroc 


123  FIN     iG'jG 

Et  pour  le  payemont  des  marchandizes  que  l'on  porte  de  delà, 
l'on  on  rapporte  de  l'or,  des  cuirs,  de  la  cire  et  du  salpestre,  dont 
la  navigation  est  très-ayséc  et  le  voyage  cour;  et  sy  d  avanture  il 
V  avoit  des  vesseaux  marchantz  qui  voulussent  aller  en  Espaignc, 
l'on  les  pourra  conduire  en  chemain  Taisant. 

Arrhircs  des  Affaires  KtraïKjcres.  —  Maroc.  —  Mémoires  et  Documents, 
t.  3,  /.  12  13.  —  Ori.jiwil. 

im  trafic  dont  il  a  été  plusieurs  fois  ques-  achetaient  le  sucre  dans  les  provinces  men- 
tion :  la  Provence  et  le  Languedoc  impor-  dionales  du  Maroc  et  principalement  dans 
taient  les  fameux  cuirs  appelés  maroquins,  le  Sous.  V.  i'''  Série.  France,  t.  II,  Doc. 
tandis  cpie    Rouen,  Dieppe   et   Le    Havre  CV,  p.  357. 


MEMOIRE    DE    RAZILLY     A     lUCIIFMEU  laO 

XXIV 
MÉMOIRE  DE  RAZILLY  A  RICHELIEU 

s.  1.  |fin  i6a6.] 
Au  dos,  alia  inaim  :  M'  de  Rasilly. 

Il  n'est  point  parlé  du  traffic  de  l'Afrique,  où  l'on  peut  employer 
six  vaisseaux  en  marchandises  tous  les  ans,  qui  en  rapporteront 
d'ordinaire  cinquante  pour  cent  de  profTit  après  que  le  commerce 
sera  estably,  assavoir  trois  à  la  cosle  de  Maroc,  et  trois  autres  à  la 
coste  de  Guinée,  sçavoir  un  à  Sénégal  et  deux  pour  Capdever  et 
Gamby.  Et  ces  vaisseaux  ne  doibvent  estre  moindres  de  trois  cens 
tonneaux  armez  en  guerre  et  marchandises;  par  ce  moyen  ils  n  au- 
ront point  de  besoing  d'escorte. 

Les  marchandises  pour  les  trois  vaisseaux  de  la  coste  de  Maroc 
doibvent  estre  thoilles  de  Rouen  et  les  balots  réduits  à  IIII'  aulnes 
chacun,  saffran  et  oppion,  drapperie  de  couleur  rouge  et  bleue:  le 
fer  se  vend  bien,  mais  cela  est  deffendu  par  Sa  Sainteté.  L'on  en 
rapporte  des  cuirs  maroquins,  cire,  salpestrc,  pouldred'oretmedicos. 

Pour  les  trois  de  Guiné,  il  y  fault  porter  du  fer  en  barre,  du  cris- 
tail.  de  l'ambre  jaulne,  force  rassadc  '  et  contris^,  des  thoilles  de 
Mantes  et  cousleaux.  Et  à  Sénégal  touttes  les  susd.  choses  y  sont 
aussy  très-bonnes  et  outre  quelque  argent  monnoyé  en  pièces  de 
dix  solz  de  France  ;  l'eau-de-vie  y  est  aussy  fort  requise.  Les  mar- 
chandises qui  en  viennent,  ce  sont  cuirs  de  bœuf,  morfil,  cire, 
gommes,  ambegris,  civette,  musqué  et  quelque  peu  de  pouldre  d'or. 

Blhliolhhjue  Nationale.  —  Fonds  Jranrais.  —  Ms.  ~^i8'20,  f.  11.  — 
Minute. 

1.  Kassade,  pfilili^s  perles  de  verre.  de  Venise  employée  comme  monnaie  cou- 

2.  Contris,  contiTies  :   grosse  verroterie        rantc  dans  le  lunimerce  avec  les  Nùgres. 


i2'i  a5  MARS  iC)9.'j 


XXV 

LETTRE  DE  RAZILLY  A  RICHELIEU 
(Extrait) 

f)ciii(irrhi's  (juc  Razilly  se  propose  île  faire  pour  le  rachdl  des  captifs. 


Siiscriptinn  :  A  Monseigneur. 

s\a  dos.  (ilia  manu:  Razilly,  du  '3 5'' mars  1G27. 


Me 


Le  jour  que  je  partis  de  Paris,  je  rencontris  le  s'^  Glatignan,  cy- 
davant  major  de  Calais,  lequel  me  dist  qu'en  peu  de  temps  il  est 
entré  huict  navires  dans  Calais  chargés  de  draps  et  marcliandises 
d'Angleterre  pour  débiter  en  Franee  et  Flandre,  le  tout  sur  le 
nom  des  Françoys,  bien  que  ladite  marchandise  appartienne  aux 
Angloys. 

Je  pars  pour  aller  au  Havre  recepvoir  le  commendement  de  mon- 
sieur le  Commendeur  et  payer  tous  les  matelots  qui  ont  scrvy  dans 
les  cinq  vaisseaux  du  Roy,  &  tascheray  d'aporter  mon  pouvoir  à 
faire  avancer  les  petites  galliaces  que  faites  bastir  à  Onlleur  &  au 
Havre.  Puis  à  Casimodo  je  rcviendray  solliciter  à  Rouan  la  vérifi- 
cation de  l'edit  des  Conseillers,  afin  qu'il  y  ayt  espérance  de  retirer 
cy-après  les  pauvres  captifs  françois  de  Marroque,  où  je  nauray 
jamais  jour  de  contentement  f[ue  je  ne  les  aye  veux  en  liberté. 

Je  demande  pardon  à  Voslre  Grandeur  d'estre  sy  téméraire  de 


LETTRE    DE     HAZILLY     A    RICHELIEU  120 

faire  un  sy  long  discours,  mais  c'est  la  passion  que  j'ay  à  voslre 
service  qui  me  licensie,  croyant  que  vous  le  prendrez  comme  ve- 
nant do  vostre  créature  qui  ne  respire  rien  sinon  vostre  service,  &; 
je  rcchcrcheray  toute  sorte  d  occasions,  au  péril  de  mille  vyes  pour 
tesmoigner  à  Vostre  Grandeur  en  tous  lieux  que  je  luy  suis  à  ja- 
mais, 

Monseigneur, 

Votre  trcs-liumijle  et  très-obeissant  serviteur, 

Signé:  Le  chevalier  de  Razilly. 

A  Rouan,  ce  25  jour  mars  i()27. 
Depuis   ma  lettre  escripte,  j  ay  apris   larrivée  de  monsieur  de 
Cormolin,  que  je  m'en  vois  voir. 

Archives  des  Araires  étrangères.  —  France.  —  Mémoires  et  Documents, 
Vol.  7h'5.  f.  l]3v".  —Ori'jlnal. 


126  l5    SEPTEMBRE     1627 


XXYI 

LETTRE  DE  LANGERACK'  AUX  ÉTATS-GÉNERAUX  DES 
PROVINCES-UNIES 

(Tradiction -.) 

.-1  la  requête  du  comte  de  Soissons  et  de  la  rnmtesse  de  Soixsnns  xa  mère, 
Lançjerack  demamle  aux  Etats  de  vouloir  bien  interrcnir  auprès  du 
Chérif  pour  obtenir  la  relaxation  de  Gabriel  de  Ra:illy  prisonnier  au 
Maroc. 


Paris.  i5  septembre  1627. 


Hauts  et  Puissants  Seigneurs, 
Messeigneurs. 

Le  roi  de  France  a  envoyé,  il  v  a  quelque  temps,  le  chevalier  de 
Razilly  avec  des  lettres  très  courtoises  au  roi  de  Fez  ou  de  Mer- 
rakech^  afin  de  prier  ce  roi  de  conclure  un  traité  damitié  et  d'al- 
liance avec  la  couronne  de  France.  Ledit  chevalier  de  Razilly 
espérait  obtenir  lautorisation  de  résider  là-has  en  qualité  d"  ambas- 
sadeur de  Sa  Majesté  le  roi  de  France  susdit.  Il  était  accompagné 
de  plusieurs  gentilshommes  français  de  grande  qualité. 

Or  lui  et  au  moins  quarante  gentilshommes  de  sa  suite  ont  été  faits 

1.  Gédéon  de  Bœtzelaer  van  Aspcreii,  la  référence  p.  138).  Il  a  paru  préférable 
seigneur  de  Langerack,  Xieuport,  etc.,  de  donner  seulement  à  cette  place  la  Ira- 
ambassadeur  des  Etats-Généraux  des  Pro-  duction  de  cette  minute  ;  l'original  de  la 
vinces-Lnies  auprès  de  Louis  XUI  depuis  lettre  se  trouvant  au  Rijksarcbief  (Stalen 
le  3  février  i6i4.  Generaal  66y8,  Lias  Frankrijk  i63C-iti37) 

2.  Le  registre  des  minutes  de  la  corres-  sera  publié  dans  i'''  Série,  Pajs-Bas,  t.  IIL 
pondance  do  Langerack  ainsi  que  son  3.  Sur  la  mission  de  Razilly  auprès  de 
journal  sont  conservés  au  Département  des  Moula}-  Zidàn  en  162^,  V.supro,  Doc.  XX, 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  Xationale  (V.  pp.  io5-i  1 1 . 


LETTRE  DE  LAXGERACK  AUX  ETATS-GENERAUX  DES  PROVIXCES-UNIES      I27 

prisonniers  par  ledit  roi  de  Fez,  à  cause  de  certaine  affaire  bien 
connue  de  Vos  Hautes  Puissances  ;  il  s'agit  d'une  bibliothèque  et 
de  manuscrits  de  très  grande  importance,  appartenant  audit  roi 
de  Fez  ',  laquelle  a  été  enlevée  sur  mer  par  les  Espagnols,  et  cela, 
dit-on,  par  suite  de  la  négligence,  de  la  connivence  du  consul 
français  ou  de  quelque  complot:  cette  bibliothèque  serait  encore  re- 
tenue en  Espagne. 

Or,  parmi  lesdits  gentilsliommes  français  captifs  au  Maroc,  se 
trouve,  entre  autres,  un  jeune  seigneur  se  nommant  également 
M .  de  Razilly .  C'est  un  jeune  hom  me  de  qualité  \  parent  du  chevalier  de 
Razillv  et  également  apparenté  à  monsieur  d'Hauterive,  colonel  dans 
l'armée  des  Pays-Bas  \  Ainsi  me  1  ont  déclaré  le  comte  de  Soissons  " 
et  la  mère  de  Son  Excellence,  madame  la  comtesse  de  Soissons",  qui 
m'ont  prié  avec  instance  de  madresser  à  Vos  Hautes  Puissances  et 
à  Son  Excellence  monseigneur  le  prince  d'Orange,  et  de  les  sup- 
plier, pour  1  amour  desdits  prince  et  princesse,  de  bien  vouloir 
user  de  leur  crédit  auprès  dudit  roi  de  Fez,  comme  bons  amis  et 
alliés  de  ce  roi,  pour  intercéder,  par  des  lettres  de  recommandation, 
en  faveur  de  ce  jeune  gentilhomme  et  demander  sa  relaxation,  en 
mettant  en  avant  sa  parenté  avec  ledit  sieur  colonel  de  Hauterive, 
lequel  se  trouve  au  service  de  Vos  Hautes  Puissances.  Lesdits  prince 
et  princesse  du  sang  m'ont  fait,  à  ce  sujet,  des  instances  sérieuses  et 
réitérées.  Aussi  j'ose  espérer  que  Vos  Hautes  Puissances  ne  refuse- 
ront pas  de  leur  donner  cette  marque  d'amitié  et  de  leur  rendre  ce 
service. 

Mais  il  importe,  avant  tout,  que  \os  Hautes  Puissances,  dans 
leurs  lettres,  passent  sous  silence  les  liens  de  parenté  existant  entre 


I.  Sur    cet    événement,   V.   /""«    Série,  t.  VI,  p.56o). 

France,  t.  II,  p.  54 1,  Sommaire.  4-  Eiigùne-.Mauricc  de  Savoie,  comte  de 

s.   Gabriel    de    Razilly;   il    ne   fut  pas  Soissons,  fils  puiné  de  Thomas  de  Savoie, 

relâché  et  mourut  de  la  peste  à  Merrakech  princcdeCarignan,  ctdeMarie  de  Bourbon, 

en  i62ç|.  V.  infra,  p.  179,  note  2.  né  h  Chambéry   le  3   mai   i635,   mort  eu 

3.    François    de    L'Aubespine.    marquis  Champagne  le  7  juin  1O73. 

d'Hauterive,  de  Chastcauneuf  et  de  Ruffec,  n.  Marie     de     Uourbon,     comtesse    de 

lieutenant  général  des  armées  du  Roi,  après  Soissons,  seconde  fille  de  Charles  de  Bour- 

avoir  été  général  de  l'infanterie   française  bon,  née  le   3  mai  1606,  épousa  Thomas- 

cn   Hollande   et  gouverneur  de   Bréda.   Il  François  de  Carignan,   mourut  à  Paris  le 

mourut  le   27    mars   1670   (P.   A.\sel.me,  i3  juin  |0<J2. 


128  liî     SEPÏUMBliE      l6-J- 

Icdil  jeLiiie  geutilhoiame  et  le  susdit  clievalier  de  Uazilly,  et  que, 
pai'  contre,  elles  fassent  bien  mention  du  colonel  de  Hauterive  sus- 
dit, comme  étant  au  service  de  Vos  Hautes  Puissances. 

Et,  en  cas  qu'il  se  trouverait  éventuellement  à  La  Haye  quel- 
que ambassadeur  ou  agent  dudit  roi  de  Fez,  Vos  Hautes  Puissances 
sont  priées  très  instamment,  de  la  pari  du  prince  et  de  la  princesse 
susdites,  de  bien  vouloir  lui  recommander  très  spécialement  cette 
alT'aire  en  dehors  des  lettres  de  «  vigoureuse  »  '  intercession  que  Vos 
Seigneuries  adresseraient  au  roi  susdit,  pour  obtenir  ([ue  le  jeune 
gentilhomme  dont  il  s'agit  soit  relâché,  en  faveur  de  \  os  Hautes 
Puissances,  et  renvoyé  dans  son  pays. 

Sur  ce.  Hauts  et  Puissants  Seigneurs,  Messeigneurs, 

Je  vous  renouvelle  l'assurance  de  mon  humble  et  fidèle  dévoue- 
ment, et  je  prie  Dieu  Tout-Puissanl  d'accorder  à  Vos  Hautes  Puis- 
sances un  gouvernement  durable  et  prospère. 

Donné  à  Paris,  lo  septembre  1C2-. 

Bibllotitcque  .\ationalc.  —  Fonds  nccrlaniluis. — Ms.  'JU,  ff.  'JG-'J7 . — 
Minute. 

I.   Lo  texte  néerlandais  porte:  vigoureuse. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.    CAPUCINS    AU    MAROC  120 

XXVII 

HISTOIRE  DE  LA  MISSION  DES  PP.  CAPUCINS  AU  MAROC 

(1625-1629) 

(P.   François  d'Angers) 

Captivité  des  PP.  Pierre  d'Alençon  et  Michel  de  Vezins  au  Maroc. 


[1625'] 

Je  n'ay  pas  rencontré  de  grandes  particularités  en  ce  pays"  qui 
est  étrangement  bizarre,  d  autant  que  les  marchands  françois  les 
avoient  priés  ^  avec  instance  et  pour  plusieurs  raisons  qu'ils  nalle- 
guoient  pas.  quoy  qu'il  soit  aisé  à  juger  qu'elles  regardoient  leur 
inleresl  par  le  commerce,  de  n'écrire  chose  aucune  qui  touchât  les 
Mores  ^  Et  comme  ils  éloient  beaucoup  avisés,  aussi  observent-ils 
religieusement  cet  avis. 

Qui  ne  sait  que  les  aftiircs  domesti([ues  louchent  d'avantage  que 
les  étrangères,  linterest  et  les  conséquences  les  rendent  plus 
considérables.  La  beauté  de  nos  Lys  se  rendit  fade,  par  une  con- 
currence de  négoces  qui  arrivèrent  en  l'année  1025",  de  sorte  que 
le  sieur  commandeur  de  Razilly  ne  put  rien  faire  pour  son  retour 
en  Afrique;  et  le  R.  P.   Joseph  devoit  aller   à   Rome,  ce  qui  luy 

1.  On  se  ra|)|Mllo  que  li^  P.  François  lions  qu'il  adressa  en  iG3o  aux  PP.  Capu- 
(r.\ngcrs  suit  rigoureusement  dans  son  cins  envoyés  au  Maroc,  leur  recommanda 
ouvrajfc  l'ordre  chronologique.  Ce  récit  fait  également  d'observer,  lorsqu'ils  écriraient, 
immédiatement  suite  à  celui  publié  ci-  la  plus  grande  réserve  dans  leurs  ap- 
dessus,  pp.  gg-iii.  V.    p.  iii,   note  i.  prédations    sur     les    Maures.     V.    infra, 

2.  Il  faut  entfîiidrt!  :  Je  n'ai  pas  rencon-  p.  347- 

tré  [dans   les  lettres  des  PP.  capucins]  de  5.   Les  «  négoces  »:  c'est-à-dire  les  com- 

grandes  particularités  sur  ce  pays...  plirations  qui  furent  le  résultat  delà  révolte 

3.  Les  avoient  priés.  Lisez:  avaient  prié  des  Protestants.  En  janvier  lôaâ,  Soubise 
les  PP.  capucins.  s'empara  de  l'île  de  Eé  et  de  la  flotte  royale 

4.  Le  P.  Joseph,  dans  les  sages  instruc-  dans  le  Blavet. 

De   Castries.  111.  —  ii 


i3o  1635-1629 

otoit  le  moyen  de  vaquer  h  cette  sollcitation,  joint  aussi  que  le 
terme  prefix  par  le  roy  de  Maroque  étoit  expiré,  pendant  lequel  les 
pauvres  captifs  se  consoloient  de  l'espoir  de  leur  délivrance.  La 
joye  d'avoir  ces  deux  bons  Pères  pour  compagnons  de  leur  servi- 
tude redoubloit  leur  consolation 

Ils  [les  capucins]  furent  reconduits  à  Maroque'.  &  resserrés  dans  la 
sagene",  qui  est  la  maison  commune  pour  tous  les  captifs.  Ils  avoient 
la  liberté  de  célébrer  les  adorables  mystères  de  nostre  rédemption 
dans  une  chapelle  que  d'autres  prisonniei's  y  ont  bâtie,  quand  ils 
pouvoienl avoir  du  vin;  là  ils  preclioient,  enseignoient,  confessoient 
tS;  rendoient  les  autres  assistances  aux  pauvres  esclaves.  &,  comme 
les  Apostrcs,  ce  qui  sembloit  leur  devoir  imposer  silence  les  a 
portés  à  prescher  plus  hardiment  lV  plus  hautement  la  parole  de 
salut,  avec  une  satisfaction  publique.  Si  leur  zcle  en  ce  poinct  avoit 
quelque  raport  à  celuy  de  Sainct  Paul,  je  puis  dire  sans  mentir 
qu'en  certaine  façon  ils  possedoient  cet  avantage  que.  leur  distri- 
buant la  pâture  spirituelle,  la  temporelle  leur  manquoit.  Il  est  vray 
qu'ils  furent  nourris  quelque  temps  aux  frais  du  Roy,  comme  les 
autres,  ce  qui  ne  dura  gueres  :  car  je  suis  asseuré  qu'en  ce  temps 
ils  commencèrent  à  ressentir  de  grandes  mesaises.  que  je  n'ay  pu 
découvrir  en  détail,  qui  redoublèrent  à  mesure  qu'on  s'éloignoit 
du  temjjs  aresté  pour  la  satisfaction  du  Roy. 

Au  mois  d'aoust  ils  écrivirent  en  France^  pour  avertir  que  les 
François  esclaves  commençoient  à  perdre  l'espérance  qu'ils  avoient 
toujours  eue  de  leur  future  liberté,  à  cause  du  retardement  de 
monsieur  le  Chevalier,  trois  mois  étant  déjà  passés  au  delà  du 
terme'.    Ce   qu'ils  treu voient  de  plus  étrange  étoit    de    ce  qu'ils 


1.  L'auteur  se  sert  du  terme  impropre  lyse  la  lettre  du  P.  Pierre  d'Alonçon  au 
«  reconduits  ».  Les  PP.  capucins  avaient  P.  Joseph  de  Vitré,  lettre  qu'il  publiera 
été  conduits  de  Safi  à  Merrakech  peu  après  plus  loin  (V.  p.  i38).  Ce  procédé  l'oblige 
la  mise  en  liberté  de  Razillv,  autorisé  par  à  une  répétition. 

le  Chérif  à  retourner  en   France.   Ce   l'ait  4.   Le  terme  fixé  par  le  Chérif  pour  faire 

tfue   l'auteur   n'a  pas  relaté   explicitement  droit  à  .sa  demande  devait   être  mentionné 

peut  se  déduire  du  récit  de  16240  .  p.  1 10)  dans  le  mémoire  que  Razilly  était  chargé 

et  de  la  Relation  de  Thomas  Le  Gentire  (V.  de   présenter  à   la    cour  de   France,    mé- 

Doc.  CXXIX,  pp.  ■^33-73/1).  moire  qui  n'a  pu  être  retrouvé.  V.   supra, 

2.  Sagene.  Sur  ce  mot,  V.  p.  1 13,  note  2.  p.  i  lo,  note  2.  D'après  la /ïe /a (ion  de  Thomas 

3.  L'auteur,  dans  le  récit  qui  suit,  ana-  Le  Gendre  (V.  infra,  p.  784),  Razillv  s'était 


HISTOIRE    DE     LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  l3l 

n'eniendoient  rien  de  luy,  qui  n'avoit  aussi  que  mander,  étant  à 
la  suite  de  la  Cour  en  grande  peine  de  n'avoir  pu  avancer  ses  afaires, 
ce  qui  faisoit  désespérer  son  retour.  Le  Roy  môme'  en  témoignoit 
son  sentiment  à  ceux  de  sa  confidence,  ik  ne  s'y  attendant  plus,  il 
s'éloignoit  de  la  douceur  &  prenoit  d'étranges  resolutions. 

Le  doute  aparent  du  retour  de  ce  seigneur  fist  résoudre  les 
Pères  «k  tous  les  captifs  à  se  préparer  pour  de  nouvelles  soufrances, 
élant  probable  que  ce  prince,  ainsi  irrité,  se  vengeroit  sur  les  Fran- 
çois. tV  particulièrement  sur  les  deux  capucins  &:  ceux  de  la 
suite  du  Cbevalier,  estimant  Sa  Majesté  plus  ofencée  pour  ce 
manque  de  parole,  que  de  sa  perte".  Leur  creinte  éloit  apuyée  de 
raison,  car.  voyant  le  feu  dans  la  maison  de  leur  voisin,  ils  avoicnl 
sujet  d'en  attendre  tout  autant. 

Le  fils  aisné  du  Roy  '  commença  le  premier  acte  d'une  sanglante 
tragédie,  faisant  renier  la  créance  à  deux  Fiançois,  l'un  Provençal, 
l'autre  d'Olone,  par  la  force  des  tourmens.  Et  n'y  avoit  pas  plus 
d'un  mois  qu'un  jeune  écolier  de  la  ville  de  Rennes  en  Bretagne '^, 
ayant  sorti  de  France  pour  une  querelle,  fut  pris,  passant  en 
Espagne,  par  les  Turcs.  vS;  vendu  en  ce  païs-là,  puis  envoyé  à 
Sapbi,  afin  de  l'obliger  au  desaveu  de  sa  foy.  Après  quoy  on  le 
devoit  razer,  pour  s'en  servir  dans  le  desordre  que  reprocbe 
l'Aposlre  aux  Romains,  qui  ofence  la  nature.  Il  y  en  avoit  desja 
plusieurs  autres  choisis  pour  ce  mauvais  usage. 

C'est  la  coustume  de  ces  royaumes,  avant  d'exposer  les  Chrestiens 
à  ces  horreurs,  qu'on  leur  fait  renoncer  à  la  loy  de  Jesus-Christ. 
Il  permet  cet  excès,  d'où  il  tire  de  la  gloire,  faisant  avouer  à  ses 
ennemis  mêmes  que  la  pureté  de  l'Evangile  &  de  la  foy  divine  est 
incompatible  avec  des  abominations  si  honteuses.  Ces  bons  Pères 


cngagr  îi  revenir  au  .Maroc  dans  six   mois  de  sa  bibliothèque  emportée  par  Caslelane 

et  les  marchands  français  de  Safl  s'étaient  et  retenue  en  Espagne.  V.  i'' Série,  France, 

portés  caution  pour   lui.  Comme,  d'après  t.  Il,  p.  .î^i.  Sommaire. 

le  récit   du  P.  François  d'.\ngers,  le  délai  3.   Le  fils  nisné  du  Rny.  Moulay  Abd   el- 

se    trotivait     dépassé    de    trois    mois    en  Malrk,  tpii   lui  succéda  et  régna  de  i6'2t 

aoiH  itiiô,  on  en  peut  déduire  que  Razillv  à  i03i. 

était  parti  do  Safi  en  novembre  lOs'i.  /).   Sur  cet  écolier,  qui  se  nommait  (îuido 

I.   Le    Roy    même.     Entende/:      Moulay  Jacopin,  on  trouvera  des  détails  circonstan- 

Zidùn  ciésdans  la  lettre  du  P.  Pierre  d'Alenron  au 

■>..   De  sa  perte,  c'cst-à-dint:  de  la   perle  P.  .loseph  deViIré.  V.  infrii.  pp.  i3g-l4o. 


i32  1625-1629 

ont  remarqué  que  le  malheur  de  cette  cheute  étoit  lors  trop  aisé. 
à  cause  du  peu  de  pieté  qui  restoit  en  ces  pays,  où  la  charité  étoit 
refroidie,  je  n'ose  dire  éteinte,  ainsi  qu"il  doit  ariver  vers  la  fin  du 
monde,  entre  les  Chrestiens  qui  restoient  dans  ces  contrées,  & 
principalement  entre  les  captifs,  qui  ne  porloient  que  le  seul  nom 
de  chreslien.  De  bouche  ils  reconnoissoienl  Dieu,  mais  par  leurs 
actions  ils  le  desavouoient.  leur  vie  étant  une  continuelle  abomi- 
nation, leur  volonté  dans  un  tel  endurcissement  qu'on  ne  pouvoit 
attendre  d'eux,  en  ce  déplorable  état,  aucune  œuvre  qui  fût  véri- 
tablement bonne. 

Ce  soupçon  se  changea  en  vérité,  car  en  ce  temps  ils  furent  plus 
resserrés,  »&  on  leur  retrancha  le  commerce  c|u'ils  avoient  au 
dehors  avec  des  Mores  lV  des  Juifs.  Cette  peine,  aussi  bien  que 
les  autres,  leur  eût  été  douce,  si  elle  n'eût  été  acreue  à  l'excès  par 
un  suplice  qui  étoit  insuportable  à  leur  probité  lV:  à  leur  zèle.  Ces 
mauvais  Chrestiens  &  les  captifs  faisoient  plus  d'injures  à  Dieu  que 
les  Mores  mêmes,  par  leurs  crimes  continuels,  A:  le  plus  sensible 
déplaisir  étoit  qu'ils  ne  faisoient  pas  avec  eux  le  profit  qu'ils 
pretendoient,  correspondant  à  leurs  soins. 

On  commença  lors  à  parler  de  chaînes  ^:  de  fers,  ils  furent 
menacez  d'esire  réduits  à  un  pain  de  cjuatre  deniers  par  jour.  Si 
en  elTet  ils  ne  furent  pas  pour  l'heure  dans  cet  acal)lement  extrême, 
néanmoins  leurs  esprits  furent  pénétrés  jusques  au  vif  de  voir  que 
leur  charité  alloit  estre  privée  de  son  exercice 

Ils  écrivoient  aux  captifs  éloignés  deux  qui  voyaient  par 
là  que  ces  bons  Pères  leur  étaient  presens  d'esprit,  ne  le  pouvant 
de    corps 

Ils  écrivirent  en  ce  tems  à  plusieurs  des  Pères  de  leur  Province. 

Voicy  partie  dune  lettre  que  je  donne,  où  vous  verres  exprimée 
la  ferveur  seraphique  de  ces  légitimes  enfans  de  Sainct  François, 
le  profit  de  ses  exemples  en  l'amour  de  la  Croix.  La  subscription 
est:  Au  R.  P.  Joseph  de  Paris,  Provincial  des  PP.  Capucins  de  la 
province  de  Touraine,  Commissaire  Apostolique  des  Missions 
étrangères. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  1 33 


Lettre  des  Capucins  captifs  au  Maroc  au  P.  Joseph 

Ils  attendent  dans   une  dure  captivité  que  Razilly  revienne  pour  conclure 
la  paix  entre  la  France  et  le  Maroc. 


De  la  prison  do  Merrakoch,  aoiit  iGaS. 

Mon  R.  >S:  et  tiès-lionoré  P.  en  JNostre  Seigneur, 

Si  ce  mot  vous  treuve  retourné  d'Italie,  il  vous  dira  comme 
nous  sommes  encor  esrlaves  en  Barbarie,  attendant  toujours 
monsieur  le  commandeui-  de  Hazilly.  pour  consommer  la  paix  de 
ces  deux  royaumes;  iSc  vous  dire  les  peines  que  nous  y  avons  sou- 
fertes,  le  peu  de  seureté  qu'il  y  a  d'envoyer  des  lettres  hors  ce 
rovaume  nous  le  défend.  Vous  pouvés  seulement  croire  qu'elles 
ont  été  du  tout  extrêmes.  \,  n'eût  élé  les  assistances  extraordinaires 
que  vos  prières  nous  ont  obtenues  de  Nostre  Seigneur,  je  ne  croy 
pas  que  nos  esprits  les  eussent  pu  suporter,  eussent-ils  été  de 
marbre  ou  de  bronze.  Je  ne  parle  pas  de  celles  qui  nous  ont  été 
infligées  par  les  Mores,  car  bien  que  celles-cy  ayent  été  prou 
grandes  en  soy,  elles  ont  pourtant  été  douces  comme  du  miel,  au 
désir  que  Nostre  Seigneur  nous  a  donné  de  soufrir  beaucoup  pour 
la  gloire  de  son  nom.  Je  parle  de  celles  qui  nous  sont  venues  de 
la  part  de  quelques  Clirestiens.  Et  de  celles-ci  je  vous  puis  asseurer 
que  la  malice  >k  les  circonstances  en  sont  si  efroyables  qu'à  grand 
peine  les  pourés-vous  croire  (juand  on  vous  les  expliquera  en 
particulier. 


Cette  lettre  est  dattée:  de  Maroque.  en  nostre  prison  bien  aimée, 
environ  le  mois  d'aoust  iCaô.  Elle  fut  receue.  J'en  ay  rencontré 
la  réponce,  écrite  à  Paris  le  m  novembre.  C'est  celle  qui  suit. 


i3/i  1625-1629 


Lettre  du   P.   Joseph   aux  Capucins   captifs  au   Maroc. 

Le  chevalier  de  Razilly  a  le  plus  vif  désir  de  retourner  au  Maroc,  mais 
il  a  été  retenu  en  France  par  la  révolte  des  protestants  de  La  Rochelle. 

—  Ceux-ci  viennent  de  perdre  une  batadle  dans  laquelle  Razilly  et  son 
frère  se  sont  distingués.  —  Le  P.  .Joseph  insistera  auprès  de  Louis  XIII 
pour  quil  soit  donné  satisfaction  au  Chérif.  —  Son  éloit/nemeni  de 
France  a  été  une  cause   du  retard  apporté  au  règlement  de  cette  ajjcdre. 

—  Le  F.  Rodolphe  se  trouve  à  l'île  de  Ré. 


Paris,  If)  novembre  lOaS. 

Mes  vénérables  &  très-chers  Pères,  humble  salut  en  N.  S. 

J'ay  eu  part  de  la  lettre  que  vous  avés  écrite  au  R.  P.  Angélique, 
gardien  d'Orléans,  jay  aussi  receu  celles  dattées  des  mois  de 
juillet  ik  d'aoust  passé? 


ÏS. 


Je  suis  de  retour  de  mon  voyage  de  Rome,  &  me  suis  déchargé 
à  nostre  Chapitre  provincial,  tenu  depuis  mon  retour  Le  R.  P. 
Hierosme  de  la  Flèche  est  maintenant  en  cette  charge,  tout  plein 
d'afection  pour  le  bon  œuvre  auquel  vous  travaillés.  J'ay  parlé  de 
vous  au  Pape,  qui  vous  donne  sa  bénédiction  ik  a  témoigné  rece- 
voir delà  joye  de  vostre  voyage,  avec  beaucoup  de  désir  d'aporter 
tout  ce  qu'il  pourroit  pour  le  contentement  du  roy  de  Maroque, 
selon  les  ocasions.  Sa  Saincteté  vous  donne  toutes  les  facultés  dont 
vous  pourries  avoir  besoin  pour  toute  sorte  d'absolution  des  cas 
réservés  au  S.  Siège:  vous  pourrés  en  son  nom  distribuer  chacun 
mille  indulgences  de  S.  Charles.  Et.  n'étoit  qu'à  même  heure 
part  le  messager  de  Rouen',  ik  que  je  creins  de  perdre  l'occasion 
que  cette  lettre  vous  soit  rendue,  je  vous  envoyerois  la  copie  des 
facultés,  ce  que  je  feré  dans  huict  jours. 

I.  Les  relations  de  la  ville  de  Rouen  Doc.  XLIX,  p.  1 33  et  supra,  p.  120),  ce  qui 
avec  le  Maroc  étaient  très  suivies  (/''«  Série,  explique  l'envoi  parle  messagcrde  cette  ville 
France,  t.  I,  Dot.  LXWl,  |).  3o3  ;  t.  II,         des  correspondances  à  destination  du  Maroc. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  100 

Quand  à  M.  de  Razilli,  il  meurt  de  désir  de  relourncr  vous  voir, 
ce  qu  il  eût  fait  il  y  a  Ions  temps,  si  le  Hoy  ne  l'eût  employé 
malgré  lui  contre  La  Rochelle,  qui  depuis  un  an  s'est  révoltée  de 
nouveau  de  son  obéissance  ik  a  fait  une  puissante  armée  navale. 
Depuis  six  sepmaines,  ils  ont  perdu  une  bataille  navale  signalée, 
où  commandoit  M.  l'Amiral,  \  où  M.  le  chevalier  de  Razilli  ik 
M.  de  Launay  son  frère'  ont  fait  des  merveilles.  Ils  seront  bientôt 
à  Paris,  où  je  me  tiendré  assiduellernent,  pour  faire  que  le  Roy 
donne  contentement  au  roy  de  Maroque,  qui  lui  eût  desja  sans 
doute  donné  il  y  a  long  temps,  sans  la  grande  ocupation  qu'il  a 
eue  depuis  vostre  parlement  à  soutenir  de  grandes  guerres  dedans 
&  dehors  son  royaume.  Le  roy  de  Maroque,  qui  est  un  sage  prince, 
peut  bien  considérer  combien  ces  remumens  publics  donnent 
d'empeschement.  Avec  un  peu  de  patience,  tout  ira  bien. 

Et  de  rechef  je  vous  asseure  que  je  n'aurc  aucun  repos  jusques 
à  ce  que  cela  soit.  Il  est  vray  que  mon  éloignement  de  France  a 
un  peu  retardé  cette  afaire.  F.  Rodolphe  est  dans  l'isle  de  Ré  tV 
se  porte  fort  bien,  trcs-desiroux  de  retourner  vous  voir.  C'est  ce 
que  je  vous  puis  dire  pour  cette  heure.  Je  ne  manqueré  désormais 
de  vous  écrire  par  toutes  les  ocasions,  comme  je  vous  prie  faire 
de  vostre  part  &  de  vous  souvenir  de  moy  dans  vos  heureux  & 
glorieux  liens,  qui  pourront  servira  l'honneur  de  Dieu,  peut-estre 
plus  que  vous  ne  pensés,  comme  vous  verres  par  la  suite,  ou  en 
ce  monde,  ou  en  l'autre,  si  Dieu  vous  y  apcloit  entre  ses  plus 
chers  amis.  Vous  vous  ferés  part  l'un  à  l'autre  de  cette  lettre,  selon 
que  vous  treuverés. 


J 'ay  mis  cette  lettre  au  temps  qu  elle  fut  écrite  ;  nous  exprimerons 
bientôt  quand  elle  fut  rcceue,  qui  n'ariva  que  l'année  suivante, 
avec  une  autre  dattée  de  trois  semaines  après,  qui  furent  receues 
ensemble,  avec  la  copie  des  pouvoirs  qu'il  leur  avoit  obtenu.  J'ay 
choisi  cet  ordre  pour  n'interrompre  le  temps  &  dire  les  choses 
selon  qu'elles  sont  arivées,  rengeant  chacune  dans  sa  place. 

La  seconde  lettre  est  du  i6  décembre  de  cet  an  :  la  creinte  qu'il 

I.   Sur   ce    frî're   de  Razilly,  V.  p.  112,   iioln  5.. 


i3G  102,5-1629 

avoit  que  la  première  n'arivât  pas  heureusement  l'oblige  à  réitérer 
ses  mêmes  soins  tV  leur  en  donner  les  asseurances  par  des  efets  ; 
leur  commande,  par  tout  le  pouvoir  que  son  office  &  l'amitié  luv 
donnoient,  qu'autant  qu'il  leur  seroit  possible,  ils  employassent  à 
leurs  besoins  le  secours  qu  il  leur  envoyoit,  ^^  pour  servir  Dieu  »k 
le  prochain  en  cette  ocasion,  ils  ne  se  laissassent  pas  acabler  aux 
misères  inséparables  d'une  captivité.  Il  répète  les  excuses  du  retar- 
dement de  monsieur  le  Chevalier,  étant  encor  actuellement  dans 
l'employ,  commandant  des  vaisseaux'  devant  La  Rochelle,  étant  en 
grande  considération,  comme  l'un  des  meilleurs  &  expérimentés 
hommes  do  mer  qui  fût  en  ce  temps  ;  le  Roy  avoit  lors  en  prest 
les  ramberges  d'Angleterre,  sur  lesquelles  éloit  ce  chevalier.  Il 
redouble  aussi  comme  le  roy  de  Maroque  peut  trouver  des  raisons 
pour  servir  d  excuse  valable  à  ce  retardement,  par  sa  propre  expé- 
rience, dans  les  incommodités  qu'il  soufroit  par  la  révolte  de  ses 
sujets.  Ces  mouvemens  font  diversion  de  tous  les  autres  desseins, 
étant  chose  asseurée  qu'en  cette  ocurrence  on  ne  fait  pas  tout  ce  que 
l'on  voudroit  faire.  11  ajouste  : 


Lettre  du  P.   Joseph  aux  C.vpucins  captifs  au  Maroc. 

//  est  à  la  Cour  où  il  sollicite  l'argent  nécessaire  à  la  rédemption  des 
captifs.  —  Services  que  le  Chéri/  pourrait  attendre  de  l'amitié  de  la 
France. 

Paris,  iG  dûcembre  iGaS. 


Et  je  masseure  que  Sa  Majesté  aura  du  contentement  de  montrer 
sa  générosité  &  bonté  royale  à  ne  point  surcharger  de  peines  les 
sujets  d'un  grand  Roy,  qui  peut  luy  témoigner  de  l'amitié  en 
plusieurs  ocasions  à  l'avenir.  Or,  quant  à  moy,  je  suis  maintenant 
libre  de  toute  charge  i^  n'ay  point  d'autre  plus  grand  pensement 
que  de  pourvoir  par  toute  sorte  de   moyens  à  l'expédition  de  vos 

I .  Etant  encor  actuellement  dans  l'employ,  ayant  encore  actuellement  l'emploi  de 
commandant   des   vaisseaux...  c'est-à-dire:        commandant  des  vaisseaux. 


HISTOIRE     DE    LA     MISSION    DES    PP.     CAPUCINS     AU    MATtOC  iS'y 

afaires,  m'étant  icy  attaché  exprés  à  la  Cour  près  du  Roy.  où  nous 
avons  quelque  jour  de  treuver  des  deniers  extraordinaires.  Cepen- 
dant nidusieur  de  La  Fosse  Besnard  est  icy  de  la  part  de  monsieur 
de  Uazilly,  pour  m'aider  à  cette  solicitalion  ;  cV  il  est  vray  que.  si 
j'eusse  été  plus  tôt  libre,  je  croy  que  vos  afaires  eussent  pris  un 
meilleur  train. 

Consolés  vos  pauvres  compagnons  captifs,  soit  ceux  qui  sont 
allés  avec  vous,  ou  ceux  que  vous  y  avés  treuvé,  lesquels  je  porte 
très-ecrits  dans  mon  cœur,  &  n'épargneré  rien  pour  les  secourir. 
Ceux  qui  auront  été  fidèles  en  Nostre  Seigneur  auront  une  conso- 
lation indicible  d'avoir  soufert  pour  son  amour.  Outre  l'attente  des 
deniers  du  Uoy,  nous  ne  laisserons  de  voir  avec  nos  amis  ce  qui 
se  pourra,  ».V;  vous  faire  tenir  au  moins  de  quoy  vous  sustenter.  Je 
ne  doute  pas  que  la  fin  de  cette  afaire  ne  soit  bonne,  ainsi  que  je 
voy  les  choses  disposées  :  ce  qui  m'en  déplaist,  c'est  la  longueur, 
que  nous  tasclierons  d'abréger. 

Et  vous,  mes  très-chers  Pères,  je  vous  suplie  cependant,  pour 
ne  point  augmenter  la  peine  que  je  soufre  pour  vous,  par  la  com- 
passion de  vos  travaux,  de  vous  soulager  A:  conserver  autant  que 
vous  pourrés.  Vous  ne  sçavés  pas  ce  que  Dieu  veut  tirer  de 
l'abisme  oia  il  semble  qu'il  vous  ail  mis;  peut-estre  en  ferés-vous 
sortir  un  trésor  plus  riche  que  l'on  ne  pense.  Et  quand  le  Roy  sera 
contenté,  s'il  juge  à  propos  de  tirer  du  service  des  nostres,  même 
pour  le  bien  temporel  de  son  royaume,  par  voye  de  commerce  ou 
de  service  contre  ses  rebelles,  il  Ireuvera  que  nous  sommes  des 
gens  fidèles  &  constans. 

Jettes  cependant  les  yeux,  &  voyés  ce  (jui  se  pourra  faire  de 
mieux  pour  le  bien    du   pays  où    vous  êtes,   après  que  le  nuage 

présent  sera  dissipé  &  que  le  roy  de  Maroque  sera  satisfait Je 

vous  envoyé  seulement  l'obédience  \  les  facultés  de  Rome,  qui 
sont  fort  amples. 

Le  Pape  vous  envoyé  sa  bénédiction,  comme  aussi  nostre  trcs-R. 
P.  General. 


L'obédience  &  les  facultés  desquelles  ces  lettres  font  mention  ne 


i38  1625-1629 

se  sont  pas  treuvées  entre  le  peu  de  papiers  qui  ont  resté  des 
meubles  de  ces  pauvres  religieux,  non  plus  que  d'autres  mémoires. 
Ce  n'est  pas  une  petite  merveille  que  Dieu  ait  permis  qu'il  en  soit 
resté  &  venu  à  nostre  connoissance. 

Chacun  sçait  que  l'on  découvre  plus  librement  ses  pensées  à  un 
amy  qu'à  tout  autre.  Je  veux  que  l'on  parle  au  supérieur  avec  une 
sincérité  toute  entière,  néanmoins  l'esprit  est  toujours  partagé  de 
respect  &  de  creintc  ;  mais  à  un  amy,  on  luy  ouvre  son  cœur, 
comme  les  fleurs  s'épanouissent  au  soleil,  on  n'a  point  de  reserve, 
car,  comme  l'on  est  sans  crainte,  il  y  a  aussi  plus  de  franchise. 
J'avance  ce  raisonnement  parce  quencor  que  j'aye  trouvé  assés 
de  preuves  qui  font  connoitre  le  désir  extrême  de  soufrir  qu'avoient 
ces  Pères,  par  les  lettres  qu  ils  envoyoient  à  leurs  supérieurs, 
toutesfois  j 'en  ay  rencontré  une  du  R.  P.  Pierre,  qu'il  écrivoit 
dans  la  confidence  à  l'un  de  ses  plus  intimes  amis  >k  anciens  com- 
pagnons, qu'un  même  sentiment  de  zèle  avoit  autrefois  lié  d'une 
amitié  saincte.  Je  me  persuade  que,  par  sa  lecture,  on  verra  mieux 
cette  ardeur  seraphique  qui  l'a  fait  consommer  dans  l'exercice  de 
la  charité.  Elle  a  ce  tiltre  : 

Desiderium  animœ  ejus  tribuisli  ei,  Domine,  cj  volantate  lahiorum 
ejus  non  fraudasti  eiun,  posuisti  in  caplte  ejus  coronam  de  lapide 
pretioso,  id  est.  omnibus  an<justiis\ 


Lettre  du  P.   Piekre  d'Alençon  \v  P.   Joseph  de  Vitré. 

Les  lettres  étant  ouvertes  au  Maroc,  les  commereantf:  français  lut  ont 
recommandé  une  i/rande  réserve.  —  //  <?.</  détenu  en  esclavage.  —  -Sa 
captivité  va  devenir  plus  dure  si  Ra:dly  larde  à  venir. 

[Delà  prison  de  Mcrrakecli.  aoiH]-   1625. 

Mon  V.  &  très-honoré  Père,  humble  salut  en  Nostre  Seigneur. 

1.  Psaumes,  \X,  3,  4-  note   i.  T.e  P.   François  d'Angers  n'a  donc 

2.  SurcoltedalcrcstiUi('c,\  .m/in.ji.  1 3g,         pas  placé  la  présente  lettre  à  sa  vraie  date. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCIXS    AU    MAROC  l39 

Cette  occasion  présente  est  si  précipitée  que  je  ne  puis  luy 
faire  violence  pour  l'arester.  quoy  que  je  m'en  évertue,  si  bien  que 
vous  n'aurés  maintenant  que  ce  mot  de  vostre  fidel  amy,  joint 
aussi  que  les  marchands  Irançois  auxquels  je  fais  tenir  mes  lettres 
pour  la  France  mont  prié  instamment  de  ne  rien  écrire  qui  puisse 
fâcher  les  Mores,  de  peur  de  les  mettre  en  peine.  Toutes  nos  lettres 
sont  vcues,  disent-ils,  avant  que  de  sortir  de  Barbarie;  contcntés- 
vous  donc  que  je  vous  die  en  deux  paroles  que  par  la  grâce  de 
Nostre  Seigneur  je  suis  esclave,  &  dans  un  pays  doù  la  sortie  est 
plus  dificile  que  d'aucune  autre  terre  qui  soit  dans  l'univers.  Nous 
avons  banqueté  cent  >S:  cent  fois  avec  la  très-haute  pauvreté,  i\ostre 

bonne  maitresse Il  y  a  neuf  mois'  qu'elle  nous  fait  l'honneur 

de  nous  aprester  tous  les  jours  nostre  couche  à  terre  avec  tant  de 
sua^'ité  que  les  roses  iSc  les  lys  qui  jonchent  les  lits  mollets  des 
plus  grands  rois  nous  seroient  en  vérité  des  épines  mortelles. 

Pour  les  nouvelles  de  ce  pays,  je  n'oserois  presque  vous  rien 
dire  sur  ce  sujet,  de  peur  que  vous  racontant  une  conqueste  mira- 
culeuse, entre  les  autres,  que  Nostre  Seigneur  a  faite  par  ses  in- 
dignes serviteurs,  je  n'en  empesche  l'entière  consommation. 

L'on  nous  prépare  les  chaines  tSc  les  fers,  avec  la  faim,  si  monsieur 
le  chevalier  de  Razilli  ne  vient  bientôt.  Vienne  tout  l'enfer  en- 
semble pour  nous  gesner,  je  ne  croy  pas  que  leur  fureur  soit  plus 
forte  que  nos  désirs  de  soufrir  infiniment  jîour  nostre  bon  Jésus. 

Nagueres  un  jeune  écolier  de  bon  lieu,  après  avoir  fait  quelque 
batterie,  se  retira  vers  la  Basse-Bretagne,  d'où  voulant  passer  en 
Espagne,  il  fut  pris  par  les  Turcs,  près  de  la  côte  d'où  il  étoit  party, 
&  amené  en  ces  lieux.  Il  est  très-beau  de  corps  &  d'esprit.  Le  Roy 
le  tient  enfermé  avec  defence  à  qui  que  ce  soit  de  luy  parler,  sur 
peine  de  ciM(j  cens  coups  de  bâton,  horsmis  les  euneuques.  Il  y  a 
sept  ou  huict  mois  qu'il  soufre  pour  la  foy .  Je  ne  manque  de  courre 
tous  les  hazards  pour  encourager  son  esprit  ^:  sustenter  son  pauvre 
petit  corps.  Il  est  fort  proche  parent  de  mademoiselle  de  La  Trous- 

I.  Cette  mention  permet  d'établir  que  capucins  à  leur  supérieur  le  P.  Josepli  de 
la  date  de  celte  lettre  est  la  même  que  Paris  (V.  p.  i33),  car  les  neuf  mois  .sont  à 
celle  de  la  lettre  adressée  parles  deux  PI*.         compter  de  novembre  i624(V.  p.  i3o,  n.4). 


i/jo  1G25-1629 

sanais.  de  ^  itré,  lV  de  tout  plein  d'autres  conseillers  de  Rennes.  Il 
a  nom  Guido  Jacopin.  Je  le  recommande  instamment  à  vos  prières. 
Il  a  très-bien  étudié,  aussi  est-il  plein  de  coui'age  en  son  martvre. 
J'espère  que  le  Roy  le  donnera  à  monsieur  le  Chevalier,  avec  tous 
les  François,  aussitôt  qu'il  sera  de  retour. 


Il  finit  cette  lettre  comme  S.  Paul  &  les  autres  apostres  presque 
toutes  leurs   Epistres,    avec   des   recommandations    pleines  d'une 

saincte  charité La  suscription  est:  Au  V.  Père  Joseph  de  Vitré, 

Gardien  des  Capucins  du  convent  d'Angers. 


162G' 


Je  commence  le  narré  de  cette  année  par  l'échantillon   d'une 
pièce  que  l'on  verra  un  jour  étendue  dans  la  vie  du  R.  P.  Joseph. 


Le  R.  P.  Joseph  étoit,  comme  j'ay  dit.  Commissaire  apostolique 
des  Missions  étrangères;  comme  bon  fils  ^:  bon  sujet,  il  étoit  soi- 
gneux de  rendre  compte  de  sa  commission  aux  eminentissimes 
cardinaux  de  la  Sacrée  Congrégation  pour  l'étendue  de  la  foy".  Il 
leur  donna  avis  de  sa  mission  de  Maroque,  ainsi  qu'il  se  remarque 
par  une  lettre  de  cette  Congrégation,  de  Rome,  le  28  janvier, 
écrite  au  R.  P.  par  l'ordre  de  la  susdite  Congrégation.  Elle  est  en 
italien,  je  la  donne  en  françois.  La  suscription  est  au  R.  P.  F. 
Joseph  de  Paris.  Prédicateur  Capucin. 


1.  Cette  date  est  placée  en  marge  dans        Ludovisi,  préfet  de  la  Propagande,  seront 
l'édition  princeps.  publiées    dans    /'''   Série.    Dépôts   divers, 

2.  Les   lettres  du  P.  Joseph  au  cardinal         Italie. 


HlSTOIÎlE    DE    LA    MISSION'    DES    I'l>.     CAPUCINS    AL:    MAIiOC  I  /|  I 


Le  cardinal   Lldovisi"    au   P.   J 


OSEPll 


On  a  été  très  intéressé,  à  la  Propafjunde.  par  les  nouvelles  de  la  mission 
des  capucins  au  Maroc.  —  On  espère  que  les  musulmans  en  retireront 
quelque  profit. 

Rome,  2'S  janvier  1626. 

R.  P. 

On  a  leu  on  la  Sacrée  Congrégation  pour  l'étendue  de  la  foy  la 
relation  des  Missions  que  V.  R.  a  envoyée  au  Secrétaire  de  ladite 
Congrégation,  laquelle  a  été  fort  agréable  ^;  a  excité  aux  Seigneurs 
Cardinaux  dicelle  une  vive  espérance  que  cette  Mission  produira 
de  grands  biens  dans  son  progrès,  par  la  diligence  tJi  le  soin  qu'EUe' 
en  prendra,  principalement  à  présent  quelle  est  libérée  de  la 
charge  de  Provincial,  »k  quelle  aura  un  égard  particulier  de  n'en- 
voyer point  de  missionnaires  qui  ne  soient  choisis  tS:  personnes 
qui  ayent  le  vray  esprit  apostolique,  avec  la  simplicité  i\:  la  pru- 
dence que  Jesus-Christ  Nostre  Seigneur  recherche  en  semblables 
ouvriers.  La  Sacrée  Congrégation  attendra  de  temps  en  temps 
d'aprendre  de  bonnes  nouvelles  de  la  conversion  de  plusieurs  âmes, 
t-V  ce  qui  succédera  des  missions  de  Constantinople  iN:  de  Maroque, 
(|iir  la  Congrégation  a  grandement  à  cœur,  ayant  conceu  par  les 
avis  des  deux  capucins  esclaves  à  Maroque  qu'il  y  a  grande  espérance 
de  profit  en  ces  Mahometans,  encor  qu'ils  soient  fermes  en  leur 
fausse  créance. 

Nostre  Seigneur  vous  donne  sa  saincte  grâce,  «k  me  recommande 
à  V.  R. 

De  Home,  le  28  janvier  1626. 

Signé:   Le  cardinal  Ludovisio. 
François  Ingoly,  secrétaire. 


I.    Le  canlinal    Louis    l.udovisi    (l,")75-         de  Bologne  en  i(i3  i ,  il  l'ut  nomme  canlin: 
18  novembre  1682),  neveu  du  pape  Gré-        et  préfet  de  la  Propagande, 
goirc  XV  (  Alexandre  Lndovisi);  archevêque  a     Elle,  le  P.  .Joseph. 


ilxi  1625-1629 

Par  cette  lettre  on  est  asseuré  que  le  R.  P.  Joseph  travailloit  à 
même  temps  aux  Missions  d'Orient,  de  l'Asie  &  de  l'Afrique,  &  que 
la  Congrégation  aprouvoit  ses  travaux,  puis  que  s'etoit  par  ses  ordres. 

Mais,  pour  reprendre  nosti'e  histoire,  dans  la  morale,  comme 
dans  la  nature,  les  contraires  s'entresuivent,  par  une  vicissitude 
continue.  Après  que  ces  bons  Pères   eurent  presque  passé  deux 

années  dans  leur  captivité,  sans  entendre  des  nouvelles  de  France 

ils  rcceurent  des  lettres  du  sieur  commandeur  de  Razilly.  C'est 
chose  inutile  d'exprimer  la  joye  qui  dilata  les  cœurs  de  tous  les 
Français,  quand  ils  virent  la  fin  de  leur  attente,  >k  que  de  plus  ils 
aprlrent  que  les  afaires  dont  la  France  étoit  travaillée  retardoient, 
non  pas  la  sollicitation  de  leur  liberté,  mais  l'efet.  Le  peu  de 
commerce  que  nous  avions  en  ce  pays  empescha  leur  conlente- 
ment:  car  ces  lettres  ne  furent  rendues  qu'en  cette  année,  quoy 
qu'elles  eussent  été  écrites  dès  l'an  passé,  une  en  juillet,  l'autre 
en  décembre. 

Je  n'ay  Ireuvé  de  ces  lettres  sinon  le  témoignage  d'une  généro- 
sité excellente,  que  je  dois  publier  à  la  gloire  d'un  si  brave  cheva- 
lier. Il  asseure  qu'il  ne  perd  aucun  moment  sans  solliciter  l'affaire 
pour  laquelle  il  est  retourné,  &  qu'il  ne  cessera  jusques  à  l'avoir 
achevée,  que  si  par  malheur  elle  ne  luy  réussit  pas,  il  est  résolu 
de  retourner  à  Maroque  se  rendre  prisonnier  du  lloy,  pour  acheter 
la  liberté  de  tant  de  gentllhommes  &  de  ceux  de  son  équipage, 
comme  un  autre  S.  Paulin,  par  son  esclavage. 

Il  ne  faut  pas  douter  que  tout  ce  monde  ne  receùt  cette  reso- 
lution généreuse  pour  une  preuve  certaine  d'une  amitié  sincère  ; 
ce  qui  servit  à  fortifier  leur  patience,  pour  attendre  le  succès, 
aussi  bien  que  la  somme  d'argent  qu'il  leur  envoya  pour  leurs 
nécessités. 

En  ce  temps  le  roy  de  Maroque  eut  avis  dune  trahison  que  des 
François  ménageoient  contre  son  Etat.  Les  autheurs  furent  arestés 
&  condamnés.  Sainct-Amour  qui  en  étoit  un,  eut  la  teste  trenchée 
le  25.  juin  de  cette  année.  On  n'en  dit  positivement  la  cause, 
sinon  que  c'étoit  pour  les  afaires  d'un  certain  Sainct-Mandriés, 
qui  avoit  aussi  été  exécuté  le  1/4.  avril',  tV  qu'ils  avolent  traité  avec 

I.  Sur  les  circonstances  de  la  mort  de  Sagarra,  p.  k~'i^  et  supra,  Introduction, 
Saint-Mandricr,    Cf.    Cespedes,   p.    5o6;         notice  biographique. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION"    DES    I>P.     CAPtCINS    AU    MAUOC  1^.3 

l'Espagnol  la  yievle  de  la  Barbarie.  Et  cetuy-cy  acusa  Sainct- 
Amour  d'avoir  amené  monsieur  le  Commandeur  en  ses  côtés-là, 
pour  surprendre  Safy  ' . 

Ce  soupçon  rendit  le  Roy  soigneux  de  faire  épier  les  actions  des 
François,  de  sorte  que  tout  ce  qu'on  leur  envoyoit  étoit  visité. 
Cette  déflance,  qui  est  mère  de  la  seurelé,  servit  utilement  à  vérifier 
l'innocence  du  chevalier  de  Razilly.  Car  le  Roy  lisant  dans  ces 
lettres  susdites  la  peine  assidue  qu'il  prenoit  pour  avancer  les 
moyens  du  traitté  de  paix  entre  les  deux  Couronnes,  les  difficultés 
puissantes  qui  ne  se  pouvoient  pas  si  tôt  vaincre,  &  surtout  la 
franchise  de  ce  chevalier  &  sa  résolution  couiageuse,  il  perdit 
aussitôt  la  mauvaise  impression  de  ce  rapport.  >S:  conceut  une  haute 
opinion  de  sa  probité,  &  prolesta  qu'à  son  retour  il  luy  donneroit 
advis  de  tout  ce  que  Sainct  Mandriés  avoit  fait  contre  luy.  Après 
une  calomnie  si  extrême,  il  laissa  cette  satisfaction  aux  Chrestiens 
de  mourir  avec  constance  iS;  refusa  en  mourant  d'adorer  .Mahomet. 

Dans  la  dépesche  de  monsieur  le  Chevalier,  le  Roy  treuva  ces 
deux  lettres  précédentes  du  R.  P.  Joseph,  qui,  comme  vous  avés 
leu,  animoit  ces  deux  religieux  aux  soufrances,  avec  des  paroles  de 
feu  1.V  des  tendresses  de  père,  &  les  asseuroit  de  la  part  qu'il  prenoit 
en  leur  alhclions,  le  soin  qu'il  employoit  pour  avancer  leur  déli- 
vrance, &  comme  on  s'empressoit  à  treuver  les  moyens  asseurés 
d'un  accommodement  des  deux  royaumes;  ce  qui  satisfit  le  Roy  & 
l'adoucit  de  sorte  qu'il  fit  rendre  à  ces  Pères  leurs  dépesches,  avec 
tout  ce  qu'on  leur  envoyoit.  Ils  receurent  alors  les  pouvoirs  que  le 
S.  Père  leur  accordoit  à  la  requeste  du  R.  P.  Joseph,  avec  plusieurs 
indulgences,  qui  sont  les  riches  trésors  de  l'Eglise,  pour  les  enri- 
chir ik  les  distribuer  aux  chresticns  esclaves,  &  la  bénédiction 
apostoHque;  ce  que  lisant,  à  l'exemple  de  leur  père  S.  François, 
ils  se  mirent  à  genoux,  afin  de  la  recevoir  avec  plus  de  respect. 

Comme  un  feu  attire  l'autre,  tant  de  braizes  firent  sortir  les 
llainmes  des  cœurs  de  ces  nouveaux  apostres,  que  les  eaux  de  leurs 
allictions  ne  pouvoient  éteindre,  que  les  murs  d'une  prison  ne 
pouvoient  retenir.  Ils  en  envoyèrent  l'image  au  naïf  dans  une  lettre 


I.   On     peut     supposer,    d'apn's    celte         Saiiil-Mandrier,  était  venu  avec  Razilly  en 
phrase,  que    Saint-Amour,    beau-frère   de         ilia^. 


iVi  iGa5-Tna9 

au  H.  P.  Joseph,  pour  réponce  aux  siennes  &  luy  rendre  compte 
fidel  du  talent  qu'il  leur  avoit  commis  &  de  l'état  où  se  trouvoit  lors 
cette  nouvelle  entreprise. 

Ce  seroit  grossir  cette  histoire  à  l'excès,  qui  transcriroit  toutes 
leurs  lettres,  je  pense  qu'il  sutTit  d  en  extraire  ce  qui  peut  servir  à 
nostie  dessein.  Ils  asseurerent  d'estre  en  une  santé  parfaite,  ce  qui 
n'est  pas  une  petite  merveille,  car  ils  manquoient  de  nourriture,  le 
Roy  ayant  retranché  un  peu  de  viande  qu'il  leur  avoit  ordonné, 
qu'à  grand  peine  pouvoient-ils  avoir,  &  les  réduisit  au  poinct  du 
reste  des  captifs,  ausquels  il  ôta  le  pain,  tant  à  cause  de  son  mécon- 
tentement, qu'à  raison  de  la  famine  qui  fut  extrême  cette  année 
dans  Maroque  ;  de  sorte  que  la  peste  se  joignant  à  la  famine,  au 
desespoir  &  à  d'autres  misères,  que  Ion  doit  croire  en  des  captifs 
chresfiens,  entre  les  ennemis  publics  de  leur  profession,  il  mourut 
plus  de  six  cens  esclaves  clirestiens.  Ce  qui  devoit  faire  mourir  ces 
bons  Pères  étoit  l'infection  de  tant  de  cadavres,  qu'il  sembloit  que 
cette  prison  fût  changée  en  un  charnier,  oii  les  corps  étoient  entassés 
en  si  grand  noinl)re.  Toutesfois  Dieu  les  conserva  sains  parmy  ces 
puanteurs,  >N:  leur  donna  assés  de  force  pour  rendre  aux  Chrestiens 
qui  resloient  l'assistance  spirituelle  qui  leur  estoit  nécessaire  dans 
ces  extrémités,  &  en  eussent  fait  davantage,  si  la  liberté  d'aller  par 
tout  chercher  les  ocasions  pour  l'employ  de  leur  zèle  leur  eût  été 
permise. 

Si  les  morts  causoicnt  de  la  peine,  ceux  qui  restoient  sembloient 
n'avoir  de  vie  que  pour  croître  1  aihction  de  ces  Pères,  ou  plustùt 
pour  la  rendre  plus  sensible,  par  une  nouvelle  invention  :  car  ces 
pauvres  captifs  pour  la  pluspart  étoient  si  languissans  qu'ils  ne 
pouvoienl  marcher  sans  aide,  &  ne  sortoient  de  leurs  cachots  que 
pour  chercher  du  pain.  Ceux  qui  le  pouvoient  cherchoient  les  restes 
des  autres,  qui  n'avoient  assés  de  force  pour  manger.  Lisant  ce 
narré  pitoyable,  je  me  suis  souvenu  d'une  plainte  pareille  qu'avoit 
fait  un  Prophète',  en  la  considération  des  misères  futures  de  son 
peuple,  qui  devoit  gémir  &  demander  du  pain.  Il  devoit  donner 
ton!  ce  qu  d  avoit  de  plus  précieux  pour  avoir  de  quoy  manger,  tant 
la  faim  le  devoit  presser. 

I.   On  lit  en  margn  cette  référence  :  ïhré.  [©prjvoi  Lamentations]!,  ii. 


HISTOIUli    DE    LA    MISSION    DES    PP.     C.\PUC1NS    AU    MAROC  l/jO 

En  efet  les  gentilhommes  de  monsieur  le  Chevalier  vendirent  peu 
aprè-s  ce  qui  leur  resta,  enfin  jus([ues  à  ne  se  reserver  que  ce  dont 
ils  ne  se  pou  voient  absoluinenl  priver  pour  n'eslre  nuds  ;  et  puis  ils 
furent  contraints  de  faire  comme  les  autres.  Je  laisse  à  penser,  entre 
tant  de  miscres,  quels  repas  délicieux  faisoient  ces  pauvres  Pères.  Certes 
cela  est  digne  d'admnat  ion  ([  ne  celuy  qui  donne  la  pâture  aux  animaux 
et  aux  poussins  des  corbeaux  (yix  1  invocpient.  ne  leur  manqua  jamais. 

La  misère  étoit  lors  universelle  dans  la  Barbarie,  aussi  bien  pour 
les  naturels  du  pays  que  pour  les  étrangers,  ce  qui  les  jettoit  dans 
un  accablement  extrême,  sans  aucune  consolation  présente,  ny 
espoir  de  future.  La  faim,  la  soif,  la  nudité,  les  batures.  les  chaines, 
les  maladies,  enfin  toules  sortes  de  misères  jusques  à  la  mort  éloient 
leurs  viandes.  Les  François  y  pâtissoienl  plus  qu'on  ne  sçauroit 
penser  :  leur  nombre  aussi  bien  que  celuy  de  leurs  peines  pasoit  au 
double  celuy  des  autres  nalions  ensemble  qui  y  étoient  captifs. 
Pour  ces  Pères,  ils  étoient  plus  alligés  de  voir  tant  souffrir  de  misères, 
sans  les  aider  en  les  consolant,  parce  qu'ils  n'avoient  point  de 
remède  à  ces  maux,  &  ils  étoient  si  resserrés  que  dificilement  on 
leur  permettoit  de  sortir  une  lois  en  trois  mois  pour  les  visiter  un 
jour. 

Dieu  donna  sa  bénédiction  sur  la  fidélité  de  leur  besoigne,  par  la 
conversion  de  plusieurs  hérétiques  en  celte  année  ;  ils  en  ébranlèrent 
encor  plusieurs,  qu'il  eût  été  besoin  de  voir  souvent,  afin  de  les 
fortifier  en  leur  nouveau  dessein  &  aider  à  croître  leur  connois- 
sance. 

Le  Uoy  en  ce  temps-là  étoit  vers  Safy  pour  remédier  à  la  rébellion 
de  quelques-uns  de  ses  sujets.  Cette  afaire,  ({uoy  que  fâcheuse,  ne 
luy  ola  pas  le  souvenir  de  monsieur  le  Commandeur,  il  témoignoit 
souvent  cstre  fort  jiiqué  de  son  retardement.  La  peine  qu'il  prenoit 
à  remettre  ses  rebelles  dans  leur  devoir  ne  luy  faisoit  point  penser 
à  celle  que  le  roy  de  France  avoit  de  renger  les  siens,  c'étoit  une 
preuve  de  son  desii'.  Ce  tjul  luy  donnoit  sujet  d'une  plus  grande 
plainte  étoit  de  n'avoir  rcreu  aucune  lettre  d(!  sa  part  pour  luy  en 
De  Castkies.  lit.  —  lo 


i/ifi  1625-1629 

l'aire  agréer  le  sujet.  De  là  on  jugeoit  que  son  retour  luy  eût  été 
agréable,  &  l'eût  reccu  avec  satisfaction,  aussi  bien  que  ses  sujets, 
qui  en  ténioignoient  publiquement  de  1  impatience,  pressés  de  leur 
interest.  Le  commerce  y  étoit  perdu  depuis  la  prise  des  François,  il 
n'y  avoit  pas  même  un  seul  marchand  dans  la  ville  de  Maroque,  tk 
dans  cette  côte,  il  restoit  seulement  à  Safy  un  Anglois  '. 

Cette  raison  qui  regarde  l'interest  du  pays  leur  faisoit  souhaiter 
le  retour  de  monsieur  le  Chevalier  pour  traiter  l'alliance  des  deux 
Etats,  et  les  François  en  avoient  d  autres  qui  les  obligeoient  à  la 
solliciter:  sans  parler  de  la  charité  chrestienne,  qui  eût  rendu con- 
siderahle  au  roy  de  France  la  perte  d'un  grand  nombre  de  ses 
sujets,  pour  les  mauvais  services  que  ses  ambassadeurs  avoient 
rendu  en  ce  pays  là.  son  propre  interest  le  devoit  exciter  à  donner 
remède  à  ces  malheurs,  qui  coûtèrent  à  ces  côtes  en  deux  ans  seule- 
ment plus  de  deux  millions,  tant  il  y  avoit  de  vaisseaux  pris,  brûlés, 
échoués,  sans  parler  du  principal,  qui  est  la  perte  de  plus  de  deux 
mille  hommes  de  mer,  qui  furent  faits  captifs  par  les  Mores  ou 
Turcs,  desquels  la  moitié  mourut  d'ennuy,  de  faim,  de  peste,  ou 
par  la  violence  du  fer,  du  feu  tk^  d'autres  tourmens,  &  n'en  restoit 
de  vivans  qu'environ  douze  cens  esclaves  françois. 

Et  à  la  vérité  ce  n'étoient  là  que  rozes,  si  ce  dont  les  menaces 
éclatoient  lors  eût  réussi,  ce  qui  étoit  extrêmement  à  craindre.  Car 
le  desespoir  des  pilotes  fut  réduit  à  ce  point,  que,  se  voyant  ainsi 
abandonnés  à  la  mercy  de  ces  Barbares,  ik  que  leurs  desastres  ne 
touchoient  les  cœurs  en  France,  plusieurs  prirent  resolution  d'ins- 
truire les  ennemis  &  leur  donner  les  moyens  de  faire  des  maux 
incroyables  à  leur  chère  patiie,  dans  1  espoir  de  quelque  soulage- 
ment, comme  la  faim  a  contraint  les  hommes  de  s'entre-manger, 


I.   On  voit  que  l'arrestation  de  Razilly  et  chands   ».   \.    ci-dessous.    Relation  de   Le 

de  son  escorte,  arrestation  motivée  par  le  Gendre  p.    78^.    Le  commerce   resta   très 

non-règlement  de  l'affaire  Castelane,  avait  précaire    pendant    près  de    quarante    ans 

eu  comme  grave  conséquence  l'exode   du  (i625-i665),  et  les  seules  places  avec  les- 

Maroc  de  tous  les  commerçants  chrétiens.  quelles  on  put  faire  quelque  trafic  étaient 

Les   négociants    français   durent  s'estimer  celles  qui  s'étaient  soustraites  à   l'autorité 

heureux  de  n'être  pas  incarcérés;  Moulay  chérifienne  comme  Agadir,  Salé  et  Tétouan. 

Zidàu  les  autorisa  à  revenir  en  I-"rance  pour  Les  relations  oUicielles  se  bornèrent  à  des 

régler   leurs   comptes    avec    «  leurs    mar-  négociations  pour  le  rachat  des  esclaves. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AL    MAROC  1^7 

i\;  la  mère  de  se  nourrir  de  la  chair  de  son  enfant.  Pour  preuve  que 
leurs  menaces  ne  finiroient  pas  avec  leurs  paroles,  efectivement  ils 
les  menèrent  aux  Terres-Neufves,  sur  les  grands  bancs,  où  ils  firent 
des  ravages  si  étranges  que  du  Havie  de  Grâce  seul  ils  amenèrent 
ou  coulèrent  à  fond  plus  de  quarante  vaisseaux  qui  alloient  au 
poisson,  &  ce  dans  l'espace  de  deux  ans'  ;  il  en  fut  aussi  pris  des 
autres  villes  maritimes,  dont  le  nombre  n'étoit  pas  aisé  à  dire.  Les 
cotes  du  Ponant  étoient  dégarnies  de  matelots,  les  renégats  y  étoient 
communs,  dont  les  jeunes  servoientà  des  mauvais  usages,  desquels 
je  dis  avec  l'Apostre  que  ces  crimes  abominables  qu'ils  commettent 
en  cachette  ne  se  peuvent  exprimer  sans  rougir^. 

Comme  la  profession  d  une  même  règle  avoit  rendu  ces  deux 
excellents  religieux  frères,  l'uniformité  de  leur  zèle  les  avoit  fait 
compagnons  de  travaux  &  de  soufrances,  c'est  pourquoy  je  ne  les 
sépare  point.  Et,  sans  mentir,  il  ne  seroit  pas  juste  que  je  divisasse 
ce  que  Dieu  avoit  si  fortement  uny  par  les  plus  serrés  liens  que 
peut  |)roduire  une  charité  sans  feinte.  Néanmoins  pour  cette  fois  je 
dire  du  H.  P.  Pierre  une  chose  qui  le  regarde  seul.  On  lira  sa  con- 
version du  tout  extraordinaire  dans  la  vie  du  R.  P.  Joseph,  lors 
qu'étant  Provincial,  il  faisoit  sa  visite  au  couvent  d'Alençon  en 
l'année  i6i3.  D'où  vient  cju'il  ne  se  faut  pas  étonner  si,  après  une 


I .  Les  pêcheurs  de  Terre-Neuve  étaient  croisière  en  vue  des  côtes  anglaises  écrivait 
particulièrement  éprouvés  par  les  pirates  de  le  26  aoi'it  lOaô  à  Buckingham  que  les  pi- 
Salé  qui  venaient  chaque  année  dans  les  rates  salétins  étaient  favorisés  par  les  ilibus- 
eaux  anglaises  et  françaises  guetter  leur  dé-  tiers  hollandais  et  que  les  pêcheurs  de 
part  ou  leur  retour.  Dans  un  Mémoire  pour  Terre-\euvc  devraient  s'unir  et  naviguer  de 
faciliter  le  commerce  de  France  avec  les  es-  conserve  pour  se  protéger.  V.  /'«  Série, 
trnnijers  rédigé  en  1626,  on  lit  ce  paragra-  Angleterre,  à  la  date  indiquée  ;  au  12  dc- 
phe  :  «  Envoyer  six  vaisseaux  de  guerre  cembre  1626  et  au  3o  septembre  i635. 
mouiller  l'ancre  en  Salle  proche  de  lîarba-  [^'amiral  anglais  William  Rainsborough  fut 
rie  depuis  le  moys  de  mav  jusques  au  com-  envoyé'  en  i  G37  contre  Salé  pour  bloquer 
mencement  de  septembre.  Geste  garde  en  les  pirates  et  les  empêcher  de  courir  sus 
ce  lieu  de  Salle  servira  plus  pour  la  pesche  aux  pêcheurs  de  Terre-Neuve.  V.  Ibidem, 
que  de  les  envoyer  sur  les  bans,  et  ce  faisant  Mémoire  de  Giles  Prim,  décembre  1036; 
la  pesche  sera  seure.  »  Arch.  des  Aff.  Etr.,  Lettre  de  W.  Rninsbonmgh.  19  mai  i()37  ; 
France,  Mém.  et  Doc.  vol.  y8.3.  f.  20.?.  —  Lettre  de  Lnnd  à  Cnnway.  i-j  juillet  1687. 
Francis  Stewart  qui  avait  été  chargé  d'une  2.   On  lit  en  marge  :  Ephes.  5.  12. 


i/i8  1625-1629 

vocation  qui  tient  Ijoaucoup  du  miracle,  comme  l'on  verra,  il  marche 
si  heureusement  selon  le  dessein  de  Dieu  qui  l'a  appelle.  C'est 
que  la  lumière  divine  luy  faisoit  voir  l'exemple  de  Jésus,  qui  est 
le  premier  aposlre  &  le  souverain  prestre  de  sa  confession.  J'ay 
rencontré  dans  une  de  ses  lettres,  qu'il  écrivit  celte  année  au  R.  P. 
Joseph,  un  éfort  de  son  ressentiment. 

En  ce  temps-lù,  il  se  treuva  entre  les  esclaves  le  fils  de  monsieur 
Edeline.  conseiller  au  Chastelet.  dont  ces  Pères  donnèrent  avis, 
afin  qu'on  envoyât  de  quoy  le  soulager  entre  les  extrêmes  misères 
de  sa  captivité. 

Le  l\.  P.  Joseph  étoit  à  la  Cour,  qui  travailloit  eficacement  à 
ses  missions,  tant  à  celle  de  Constantinople  pour  son  établisse- 
ment qu'à  celle  de  Maroque  pour  la  liberté  de  ses  enfans  6.:  des 
autres  Chresticns  esclaves.  Voicy  ce  qu'il  leur  écrivit  le  2g.  no- 
vembre de  cette  année. 


Lettre  du  P.   Joseph  aux  Capucins  captifs  au  Ma 


HOC. 


//  a  obtenu  du  roi  de  France  la  somme  promise  par  Razilly  au  Chérif  poarle 
rachat  des  captifs.  — •  Razilly  est  retenu  en  France  par  le  sercice  de  Sa 
Majesté.  —  Bonnes  dispositions  de  Louis  \lll  à  l'c<jurd  île  Monlay 
Zidàn.  —  Le  P.  Pierre  encourarjera  les  captifs  et  les  assurera  de 
l'aide  du  roi  de  France. 


S.  1.,  2y  novembre   lOiti. 

Mes  très-intimes  amis  &  très-chers  compagnons  en  l'œuvre  de 
Nostre  Seigneur. 

Je  ne  vous  puis  exprimer  la  consolation  que  reçoit  nostre 
Très-R.  P.  General  &  plusieurs  de  nos  provinces  de  voir  vos  cou- 
rages (Si  fermeté. 


Or,  pour  en  venir  au  point  de  vos  afaires,  je  vous  dire  que  j'ay 
été  longtemps  grief vement  malade  6c  que  depuis  mes  dernières  lettres 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION     DES    PP.     CAPICINS    AI'    MAROC  I  Iq 

les  troubles  du  royaume  se  sont  accieus.  Monsieur  le  ciievalier  de 
Razillv  et  moi  n'avons  cessé  de  soliciter  et,  nonobstant  toutes  ces 
dificultés,  nous  avons  obtenu  du  Uoi  la  somme  promise  par  mon- 
sieur le  ciievalier  de  Razilly  au  roy  de  Maroque.  Je  vous  asseure. 
en  vérité,  que  l'afaire  est  en  ces  termes  que  le  Roy  en  a  déjà  lait 
et  aprouvé  le  don  pour  les  pauvres  captifs  en  son  conseil  d'Etat, 
lequel  don  est  aussi  aprouvé  et  vérifié  au  conseil  des  Finances. 

Cela  étant,  la  chose  est  asscurée.  ik  ce  qui  reste  maintenant  à 
faire  est  de  lever  les  deniers  et  relirer  les  assignations  ' .  De  bonheur, 
le  surintendant"  est  grandement  de  mes  amis,  généreux  et  pieux  ; 
le  controlleur  ne  l'est  pas  moins  ;  ainsi  toutes  choses  concourent 
assés  bien.  Sans  ma  maladie,  au  lieu  de  cette  lettre  vous  aurlés 
vostre  argent.  Or.  maintenant,  je  ne  perdre  aucun  temps  pour 
votre  commune  délivrance.  Monsieur  le  Chevalier,  toujours  occupé 
&  commandé  par  le  Roy,  a  été  employé  pour  son  service  en  tous 
ces  rcmumens,  iS.:.  outre  qu'il  n'a  pu,  étant  retenu  par  Sa  Majesté 
pour  les  raisons  susdictes,  il  n'a  pas  jugé  utile  d'aller,  les  mains 
vuides,  trouver  le  roy  de  Maroque.  qu'il  aime  &  honore  parfaitement. 

Une  dificnllé  a  retenu  longtemps  messieurs  du  conseil  du  Roy, 
considérant  qu'il  n'était  de  su  dignité  de  payer  cette  somme  comme 
pour  rançon  &  que  cela  ne  doit  estre  entre  deux  grands  rois  où  la 
courtoisie  mutuelle  doit  avoir  lieu\  Aussi  Sa  Majesté  ne  prétend  pas 
que  le  roy  de  Maroque  reçoive  celle  somme  que  comme  un  témoi- 
gnage d'amitié  singulière  que  désormais  elle  veut  luy  porter. 

L'on  est  icy  très-marry  des  sujets  de  mécontentement  que  le  roy 
de  Maroque  a  reçeu  des  méchants  &  infidèles  Français  indignes  de  ce 
nom  ;  mais  quand  toutes  choses  seront  pacifiées,  nostre  roy  est  dis- 
posé à  témoigner  tant  de  bienveillance  à:  rendre  de  si  bons  efels, 
aux  ocasions,  au  roy  de  Maroque,  qu'il  aura  sujet  de  se  louer  de 
la  générosité  &  fidélité  des  Français,  entre  lesquels  monsieur  de 
Razilly  a  une  passion  si  extrême  de  servir  le  roy  de  Maroque  et  le 
peut  faire    si   utilement  en   ses  guerres  civiles  (jue  sans  doute  le 

1 .  Assignations,  sommes  que  lo  Roi  don-        ral  des  finances  (ifiaG-iôSa). 

nail  à  prendre  sur  ses  fermiers  ou  sur  son  3.   Les  rois  de  France,  au  moins  dans  les 

Trésor.  actes  officiels,  n'admettaient  que  l'échange 

2.  Le  snrinlrndnnl,  .Vntoine  (loilTier  de  des  captifs  et  ne  voulaient  pas  être  obligés 
Ruzé,  marquis  d'ElTiat,  surintendant  gêné-  îi  payer  une  rançon. 


i5o  1625-1629 

malin  esprit  y  a  aporté  les  mauvaises  rencontres  que  vous  y  avés 
éprouvées'.  Si  Dieu  vous  laisse  la  vie,  vous  pourrés  vous  expliquer 
plus  au  long  au  roy  de  Maroque  sur  ce  sujet  &  plusieurs  autres 
plus  importans  à  son  service. 

Il  est  vray  que  moy-même,  vous  envoyant  vers  ce  roy,  renommé 
pour  plusieurs  grandes  parties  que  l'on  dit  estre  en  luy,  je  me  suis 
senti  touché  d'un  mouvement  fort  particulier  de  le  servir,  &  vous 
savez  que  sans  cela  je  ne  vous  eusse  pas  envoyé  au  milieu  de  tant 
d'hazards,  vous  aimant  chèrement  comme  je  fais.  Enfin,  s'il  plaist 
à  Dieu  vous  conserver  la  santé  &  la  bénignité  du  Roy  d'y  concourir, 
je  me  promets  qu'il  en  arrivera  du  bien. 

Vous  asseurerez  ces  messieurs  qui  sont  avec  vous,  et  les  autres 
pauvres  captifs  françois,  de  la  bonne  afection  qu  a  nostre  roy  de  les 
aider.  tS;  les  conjurerés  de  se  consoler  «Si  fortifier  en  l'espoir  de  Dieu 
et  de  leurs  amys.  Vous  leur  pouvez  remontrer  combien  ils  seront 
consolés,  retournant  dans  leur  pays,  d'avoir  montré  de  la  constance 
&  combien  cela  les  rendra  dignes  d'honneur  &  d'être  employés  en 
de  bonnes  occasions,  chacun  selon  sa  condition. 

Je  ne  vous  envoyé  point  de  livres,  puis  que  je  croy  que  vous 
scrés  bientost  rachetés.  Que  si  après  cela  le  roy  de  Maroque 
trouve  bon  que  vous  demeuriés  en  son  pais  pour  le  servir,  pour 
faire  voir  la  diference  qu'il  y  a  de  vostre  genre  de  vie  &  de  vostre 
sincérité  &  simplicité  avec  les  santons,  souvent  rebelles  à  Sa 
Majesté,  contre  la  loy  de  Dieu  &  le  droict  commun,  alors  je  vous 
enverré  tout  ce  que  vous  aurés  besoin. 


i 
I 


Voila  une  partie  de  1  employ  du  R.  P.  Joseph  à  la  Cour'.  Que 
l'on  demande  maintenant  ce  qu'il  y  i'aisoit  1  Le  reste  se  verra  en 
d'autres  ocasions.  Je   ne  sçay   pas  positivement   le  temps  que   les 

I.    Ce  passage  semble  ctîiblir  que  le  che-  2.    On  reprochait  au    V.  Joseph  de  trop 

valicr  de  l^azilly  avait  autrefois  otVert  ses  vivre  à  la  Cour  et  de   négliger   les  devoirs 

services  à  Moulay  Zidàn  pour  combattri' les  de  son  état.  Le  P.   François  d'.\ngers  fait 

rebelles   du    Maroc.    Cf.    p.    ad,    note  3  ;  encore  allusion   plus  loin  à  ces  reproches 

pp.  100  et  3i5,  note  2.  V.  infra.  p.  S^g. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  I O I 

Pères  receurent  cette  lettre  ;  mais  je  conjecture  qu  elle  fut  leceuë 
l'année  suivante,  peu  avant  ranivée  du  F.  l\odolplie.  capucin,  qui 
y  lui  renvoyé,  comme  nous  dirons  c\-après. 


1627'. 

Les  maux  que  nous  ressentons  en  ce  monde  ne  sont  jamais  si 
extrêmes  qu'ils  ne  nous  laissent  quelque  moment  libre  pour 
prendre  un  peu  de  respit.  C'est  comme  une  surseance  d'armes 
entre  deux  combatans,  pour  rentrer  dans  la  lice  avec  plus  de 
vigueur.  Le  R.  P.  Joseph,  qui  ressentoit  l'esclavage  de  ces  Pères 
avec  des  tendresses  que  je  ne  puis  exprimer  qu'en  le  comparant  à 
cette  mère  légitime  de  l'cnianl  que  la  marâtre  vouloit  partager, 
par  une  jalousie  plus  que  barbare,  car  vrayement  ces  entrailles 
lurent  émeues  sur  son  fils,  et  le  sentiment  pressoitce  grand  homme 
de  treuver  les  moyens  pour  les  aracher  des  prisons  de  ce  tyran. 
En  efet,  il  renvoya,  en  l'année  1627.  à  Maroque  Frère  Rodolphe, 
capucin,  duquel  je  vous  ay  déjà  [jarlé,  pour  leur  porter  des  com- 
modités Cjui  leur  étoient  plus  nécessaires. 

Il  ariva  à  Mazagan.  qui  est  un  port  que  le  Roy  Catholique 
tient  en  ces  côtes  de  Barbarie,  en\ iion  le  mois  de  juin  de  cette 
année,  >k  ne  luy  fut  possible  de  passer  outre,  quelque  instance 
qu'il  en  fisl  au  Gouverneur,  qui  ne  luy  voulut  permettre.  La 
nouvelle  de  sa  venue  l'ut  portée  jusques  à  la  cour  du  roy  de  Ma- 
roque, ce  qui  ne  fut  pas  peu  utile.  Car  ainsi  il  reconnut  asseure- 
ment  cpie  1  on  travailloit  à  l'exécution  des  promesses  que  luy  avoit 
fait  monsieur  le  Commandeur,  ce  qui  l'ôta  de  l'erreur  dans  laquelle 
il  éloit  que  l'on  n'y  pensoit  plus,  &  servit  aussi  à  relever  l'esprit 
abatu  de  tous  les  pauvres  captifs,  &  principalement  des  gentils- 
bomnu's  frunrois  (pii  avoient  suivy  ce  brave  chevalier. 

Les  nouvelles  sont  comme  les  boules  de  neige,  qui  se  grossissent 
à  mesure  qu'elles  roulent  dessus,  car  elles  s'augmentent  aussi  en 
passant  dune  persoruie  à  l'autre.  De  la  veinie  de  Frère  Rodolphe, 
on  conjectura  qu'il  aportoit  les  présents  pour  le  Roy  &i  le  rachat  de 

I.   Celte  iliite  est  placée  en  marge  dans  l'édition   princeps. 


i52  ifiaB-iGao 

tous  les  esclaves  ;  ceux-cy  se  rejouissoient.  \'  le  Roy  y  treuvoit  à 
redire  c[u'on  eût  pris  ce  moyen  &  qu'on  se  fût  servi  de  ses  ennemis 
pour  l'aire  la  paix  avec  luy'.  Ces  bons  Pères  ne  furent  pas  moins 
réjouis  de  la  venue  de  leur  ancien  compagnon  que  les  autres 
captifs  l'étoient  du  secours  qu  on  leur  envoyoit  par  son  moyen. 

Ce  qui  leur  toucha  d  avantage  le  cœur  fut  de  considérer  les 
efets  admirables  de  la  tendre  afcction  qu'avoit  pour  eux  le  R.  P. 
Joseph.  Leurs  lettres  sont  pleines  des  ressentimens  qu'ils  en  avoient, 
du  soin  oITectif  qu'il  prenoit  pour  les  soulager,  en  l'attente  qu'il  se 
promeltoit  de  leur  entière  liberté.  Mais  ce  qui  les  mit  dans  le 
ravissement,  c'est  qu  il  les  asseuroit  que,  si  la  hberlé  commune  de 
tous  les  esclaves  ne  se  pouvoit  ménager,  il  étoit  résolu  de  ne  rien 
épargner  pour  réussir  en  la  leur  particulière.  Jay  rencontré  un 
lambeau  de  lettre  que  le  R.  P.  leur  en  écrivoit  :  je  pense  qu'il  en 
manque  deux  pages;  le  reste  commence  ainsi,  au  milieu  d'une 
période  : 


Lettre  du  P.  Joseph  aux  capucins  captifs  au  Maroc. 

fl  s'est  occupé  de  concert  avec  le  chevalier  de  Razilly  d'envoyer  des  secours 
aux  Pères  capucins  captifs  à  Merrakech.  —  Le  capitaine  de  la  patache 
affrétée  pour  cet  objet  s'est  livré  à  des  actes  de  piraterie  au  lieu  d  accom- 
plir sa  mission.  —  Le  P.  Joseph  a  eu  alors  recours  aux  bons  soins  de 
Samson  Napollon  qui  s'est  enç/afjé  à  faire  parvenir  d'Abjer  des  secours 
aux  capucins  et  même  à  payer  leur  rançon. 

S.  1.,  [1627]. 

Vous  vous  souviendrés  que  les  prémices  de  nostre  Ordre,  offertes 
à  Dieu  en  sacrifice  de  louange,  commencèrent  par  Maroque.  &  puis 
cette  ferveur  s'étendit  en  plusieurs  autres  lieux.  Ainsi  pourrons-nous 
dire  cstre  arivé  en  ce  dernier  temps  :  car  vous  verres  combien  les 
Missions  se  sont  dilatées  depuis  vostre  parlement.  Nous  avons  main- 

I.  Il  faut,  entendre  que  le  Cliérif  était  Espagnols.  Moulay  Al)d  el-Malck  finit 
froissé  qu'on  voulût  traiter  avec  lui  par  la  d'ailleurs  par  consentir  à  ce  que  la  négo- 
voie   de    Maza^an    et    de   ses   ciuiemis    les         riation  se  fit  à  Mazafran.  V.  p.    166. 


IIIPTOinE    DE    Z\     ■MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC 


[53 


tenant  quatre  de  nos  l'eres  logés  dans  Constantinople,  avec  une 
belle  église  >k  un  joly  auspice,  que  les  Clirestiens  de  ce  lieu-là 
leur  ont  donné.  Ils  y  sont  dés  le  septième  juillet  de  Tannée  passée. . . 

Jajouteré  que  l'on  a  eu  soin  de  vous  aider  en  vostre  nécessité 
de  vivres  en  plusieurs  sortes.  Il  v  a  plus  de  six  mois  que  monsieur 
de  Hazilly  envoya  une  pataclie  pour  aller  à  Maroc,  qui  portoit  argent 
>S>:  meubles  nécessaires.  Celuy  qui  la  commandoit  étoit  tenu  pour 
fort  homme  de  bien,  ik  cependant  ce  mauvais  homme  ne  fut  pas 
sitôt  en  mer  qu'il  se  mit  à  voler  les  sujets  du  Roy,  les  vaisseaux 
duquel  le  poursuivirent  de  telle  sorte  qu'il  fut  contraint  de  se  sauver 
dans  un  esquif,  ik,  laissant  la  barque  à  l'abandon,  elle  fut  pillée. 

J'ay  aussi  usé  d'un  autre  moyen  qui  est  que  le  Roy,  ayant  obtenu 
du  Grand  Seigneur  que  les  cajififs  d'Alger  fussent  rendus,  cette 
afairc  fut  commise  au  sieur  Samson  Xapolon  ' ,  demeurant  à  Mu  rseille , 
qui  eut  charge  delà  part  du  conseil  du  Roy,  &  me  promit,  étant  fort 
de  mes  amis  et  de  notre  Ordre,  qu'étant  à  Alger  il  iroil  ou  enverroit 
des  hommes  fidèles  pour  vous  porter  quelque  secours  d'argent  & 
même  payer  votre  rançon  pour  vous  deux,  si  on  la  vouloit  accepter, 
et  disposer  que  les  autres  fussent  délivrés  ou  dès  lors,  ou  quand 
on  aura  la  plus  grande  somme. 

Je  ne  sçav  si  vous  aurés  eu  des  nouvelles  dudit  Samson. 


Voila  ce  <jue  j'ay  pu  lire  de  cette  pièce,  car  l'écriture  en  est  h 
demi  efacée,  le  papier  fort  déchiré,  ^;  ceci  suflil  au  dessein  que  j'ay 
eu  de  le  transcrire. 

I.   Gîudîcclli,      gcnlilhonirnc     d'orii^lnf'  cliargi' par  le  duc  Je  Guiso,  gouverneur  tle 

corse,  devenu  marseillais  d'adoption  et  plus  I*ruvence,    il'aller    négocier    la    paix    avec 

connu   sous  le   nom   de  Samson  Napollon,  .VIgcr.  Il  arriva  à  Alger  le  20  juin   i(ji6. 

agent  liabilc  et  énergique,    s'était   signalé  Les  pourparliTS  durèrent  de  1626  à    iG'icS. 

comme  consul  à  .\lep.  Le  Roi  l'avait  nommé  C'est  à  cette  mission  de    Samson   Napollon 

getitilliomme  do  sa  chambre.   En   r6u3,  il  <|ue  fait  allusion  le  P.  Joseph  dans  la  pré- 

fut  charge  d'une    mission   de  confiance  à  sente  lettre,  (^f.    I'lantet,  Correspondance 

Constantinople    pour    obtenir    du     Grand  des  deys  d'Alrjer  et   I^.    M\sso.\,  Hist.   des 

Seigneur  des  ordres    rigoureux  contre  les  Elabl.     et    du  Coinmeree  fraiirais    dans    le 

IJarbaresques.   De   retour   en  iGaC,   il   fut  Leoanl.  aux  index  alphabétiques. 


i5/|  1625-1639 

Tj'ai'deur  de  soufrir  qu'avoient  ces  deux  excellons  religieux  s'op- 
posa à  cet  eiet;  ils  trouvèrent  de  la  lionte  à  sortir  sains  de  ce  combat, 
croyant  que  ce  seroit  une  ofence  notable  à  leur  générosité,  s'ils  n'en 
voyoient  l'issue.  Ils  refusèrent  ces  ofres  avec  des  instances  seules 
dignes  de  leur  vertu.  vS;  suplierent  le  R.  P.  Joseph  de  n'y  penser 
plus,  car,  outre  que  le  zèle  qui  les  avoit  conduits  là  leur  faisoit 
treuver  du  plaisir  dans  leurs  peines  et  étoit  la  raison  principale  de 
leurs  refus,  néanmoins  ils  en  avoient  encor  une,  qui  ne  pouvoil 
sortir  d'autre  principe  que  celuy  de  la  charité.  Suposé  que  le  roy  de 
Maroque  eût  consenti  à  leur  élargissement  seul,  ce  que  les  maximes 
d'Etat  ne  luy  conseilloient  pas,  ils  asseurerent  qu'il  ne  leur  étoit 
possible  de  se  séparer  de  ces  pauvres  captifs  pour  les  laisser  à  la 
mercy  de  tant  de  misères  &  de  cruautés... 

Le  cœur  s'ouvre  à  la  joye  &  se  dilate  si  fort  qu'il  semble  ne  se 
devoir  jamais  remplir,  >k  se  rend  si  présent  à  la  jouissance  de  ce 
plaisir  qu'il  oublie  facilement  tout  ce  qui  n'est  point  ce  qu  il 
possède.  Et  la  satisfaction  est  d'autant  plus  grande  que  le  sujet  de 
son  allégresse  a  été  long  temps  attendu.  Cela  n'ariva  pas  à  ces  bons 
Pères,  car  encor  qu'ils  eussent  beaucoup  désiré  ik  longtemps  attendu 
ce  peu  de  respit  à  leurs  longues  peines,  ils  n'y  abandonnèrent 
point  tant  leurs  cœurs,  qu'ils  en  oubliassent  les  choses  nécessaires. 
Et  de  vray  ils  tâchèrent  alors,  par  toutes  sortes  de  moyens,  de 
sçavoir  les  intentions  du  roy  de  Maroque  sur  le  traité  de  paix  entre 
les  deux  couronnes  :  d'où  il  auroit  gré  qu'on  y  travaillât,  à  Mazagan 
ou  Saphy,  quoy  qu'il  eût  assés  de  sujet  pour  croire  que  le  dernier 
ou  Salé  luy  seroient  moins  suspects,  encor  que  depuis  peu  cetuy-cy 
fût  révolté  contre  luy  '.  Toutesfois  il  étoit  nécessaire  d'avoir  de 
luy-mème  sa  résolution.  11  luy  survint  une  incommodité  qui 
retarda  sa  réponce. 

Il  y  avoit  grande  aparence  qu'il  refuseroit  Mazagan.  d'autant 
qu'il  étoit  ennemi  juré  d'Espagne',  ce  qui  y  rendoit  même  le 
commerce  des  François  périlleux,  et  les  Espagnols  de  ce  havre  étant 

1.  V.  Introduction  critique,  pp.  igi-igS.  de  Mazagan,  des  rapports  très  bienveillants. 

2.  Malgré  cette  haine  de  Moulay  Zidàn  Cf.  Ckspedes,  p.  5o6,  et  /'''  Série,  Espa 
pour  l'Espagne,  la  nécessité  avait  créé  entre  gne,  avril  1627;  Angleterre,  flc/a/ion  rfc 
lui  et  D.  Gonçalo  Coutinho,  le  gouverneur  J.  Hurrison.   il  septembre  1637. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION     DES    PP.     CAPICINS     Al      MAROC  100 

soupçonnés  d'estre  les  autheurs  ou  les  complices  du  désastre  des 
Fiaiiçois',  outre  l'antipathie  extrême  décos  deux  nations. 

Aprc's  que  le  roy  de  Marocjue  eut  recouvert  sa  santé,  les  Pères 
apprirent  ses  intentions  par  le  moyen  de  l'alcaïde  Amar,  vice-roy 
de  ce  pays-là,  touchant  le  voyage  de  F.  lUxlolphe,  qui  les  asseura 
que  Sa  Majesté  en  avoit  reçeu  heaucoup  de  contentement,  et,  quant 
aux  ombrages  qu'on  croyoit  qu'elle  eût  de  monsieur  le  comman- 
deur de  Razilly,  qu'ils  n'étoient  pas  véritables,  &  qu'en  efetil  pou- 
voit  rcloui'Ufr  eu  asseurance  avec  le  présent^;  &  promit  de  faire 
réponse  aux  lettres  que  ledit  sieur  luy  écrivoit.  Pour  preuve  de 
celte  bonne  disposition  dans  laquelle  étoit  le  Uoy,  l'Alcaïde  leur 
donna  de  la  part  de  son  maistre  trente  ducats,  ce  qui  leur  fit  juste- 
meut  croire  qu'en  vérité  le  Uoy  étoit  satisfait  ;  et  leur  commanda 
faire  translater  leurs  lettres  en  espagnol,  afin  qu'il  les  pust  montrer 
au  RoY-  Nous  dirons  bientost  comme  ils  employèrent  cette  libéra- 
lité rovale,  aussi  bien  que  celles  qu'ils  ménageoient  d'ailleurs. 

Pour  donner  plus  de  jour  à  cette  afaire,  il  est  certain  qu'il  étoit 
plus  à  propos  iS:  plus  honorable  au  roy  de  Maroque  que  l'alliance  & 
liberté  des  captifs  se  traitât  dans  quelqu'un  de  ses  ports,  &  par  quel- 
qu'un qui  agît  de  la  part  du  roy  de  France  comme  ambassadeur 
que  par  le  simple  commerce  des  marchands  particuliers,  qui 
retiennent  tant  qu'ils  peuvent  le  rachapt  des  esclaves,  afin  que 
l'argent  profite  entre  leurs  mains  :  l'interest  propre  est  le  dieu  de 
leur  police  en  ces  côtes  de  mer.  Et  le  roy  de  Maroque  tenoit  à  grand 
honneur  l'ambassade  aparente  d'un  si  grand  prince  que  celuy  de 
France.  La  paix  &  la  liberté  se  fussent  achevées  avec  plus  d'heur 
&  de  promptitude.  Il  y  avoit  même  du  profit  à  faire,  par  le  trafic 
temporel,  mais  sans  comparaison  plus  pour  les  âmes,  après  cet 
acommodemcnt. 

La  passion  véhémente  qu'avoient  ces  heureux  Pères  d  étendre  le 

1.  .\llusion  à  l'emprisonnement  de  Ra-  était  l'objet  important  de  la  négociation 
zilly  et  de  son  escorte  en  162/1.  On  se  rap-  pendante  entre  la  France  et  le  Maroc, 
pelle  que  Saint-Mandrier  était  soupçonné  devait  être  ofl'ert  h  Moiilay  Zidàn  par  le 
d'avoir,  à  l'instigation  des  Espagnols,  pré-  chevalier  de  Rjizilly  pour  l'indemniser  de 
parc  ce  guct-apcns.  V.  p.  109  et  note  1  ;  la  perte  de  son  trésor  et  de  ses  livres.  Sur 
p,   ii'i3.  ce  «  présent  )i,  V.  p.  1 10  et  note  i  ;  p.   1  '|i) 

2.  Avec  le  présent.   Ce  «  présent  »,  qui  et  p.  i5i. 


IÔ6  iCto.7}-if)2g 

royaume  de  Dieu  dans  ce  canton  de  l'Afrique  les  tenoit  toujours 
altentii's,  afin  de  discerner  au  vray  les  intentions  du  Koy,  pour  tâcher 
de  faire  que  ce  négoce  s'achevât  heureusement,  par  des  moyens  qui 
satisferoient  son  inclination  avec  éclat.  Ce  fulpourquoy  ils  donnèrent 
avis  au  R.  P.  Joseph  que  la  somme  qu  il  avoit  obtenue  de  la  magni- 
ficence du  Rov,  qui  étoit  de  cent  cinc[uante  mil  livres,  fût  employée 
en  étofes  diferentes.  comme  draps  d'Angleterre,  escarlate,  velours 
ik  satin  à  lleurs  &  plein  de  la  Ilolande,  quelques  pierreries,  des 
instruments  de  mathématique'. 

De  ce  moyen,  il  y  avoit  aparenccqucdeii\  choses  en  réussiroient. 
La  première  que  le  roy  de  Maroque,  recevant  ces  marchandises 
comme  des  présents,  en  tireroit  de  la  gloire,  ce  qu'il  ne  feroit  avec 
tant  d'avanlage,  si  on  composoit  pour  de  l'argent,  comme  le  trafic 
d'une  marcliandisc.  encor  (juil  aimât  1  argent  avec  passion.  La 
seconde  &  la  plus  considérable  est  que,  sur  les  étofes,  il  y  avoit  à 
gaigner  cent  pour  cent,  qui  étoit  un  moyen  excellent  pour  multiplier 
la  somme  &  de  petite  la  rendre  fort  grande.  Enfin  tous  jugeoient 
que  l'afaire  devoit  estre  traitée  avec  éclat. 

La  piété  &  la  naissance  donnent  de  bonnes  inclinations.  Ces  hons 
Pères,  qui  ne  manquoient  pas  de  ces  deux  qualités,  étoient  si 
reconnoissans  de  la  courtoisie  qu'ils  avoient  receue  de  l'alcaïde 
Amar,  vice-roy.  qu'ils  conjurèrent  le  R.  P.  Joseph  de  ne  leui-  pas 
refuser  le  moyen  de  luv  témoi'mer  leur  irralilude.  Ils  demandèrent 
des  drogues,  qu'il  leur  avoit  témoigné  désirer,  pour  luy  faire  un 
présent  conforme  à  son  souhait,  comme  theriaque,  rheubarbe, 
scamonée,  agaric,  aloës,  séné,  conserves  de  pié  de  chat  (k  de  romarin, 
confection  d'alkermès.  &c. 

En  celte  année  un  Juif  de  considération,  très-sçavant  en  la  loy 
de  Mahomet,  le  meilleur  rabbi  qui  fût  en  ce  pais,  pressé  de  sa 
conscience,  reconnut  sou  erreur  \  témoigna  à  ces  bons  Pères  un 
grand  désir  de  venir  en  France.  Ils  le  proposèrent  au  R.  P.  Joseph, 
&.  pour  ce  qu'il  n'étoit  pas  aisé  de  le  faire  sortir,  donnèrent  l'inven- 
tion de  le  faire  demander  par  M.  l'ambassadeur  futur,  de  la  part 
de  Sa  Majesté  Trcs-Chrestienne,  pour  enseigner  l'hébreu  à  Paris  ^, 

1.  Cf.  Doc.  XXIII,  p.  120.  ayantenseigncriitbreuauCollogetlel'Vance 

2.  Celte  idée  ne'fut  pas  suivie  d'exécu-  à  cette  époque.  Cf.  G.  Duval,  Le  Colletje 
tion,  r.Tr  on  no  Iroiivp  mention  d'aucun  .lui f        rnral  de  France,  pp.  27-38. 


HISTOIUE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  1  Oy 

en  quoy  il  excelloit,  comme  aussi  en  langue  arabique,  autant  & 
plus  que  les  Arabes  mêmes.  Il  y  avoit  grand  nombre  de  jeunes 
enfans  chrestiens.  qui  éloient  en  pcril  de  renoncer  leur  créance, 
que  l'on  proposoit  d  envoyer  en  France,  qui  eût  été  une  cbarité 
excellente  >S:  rendre  du  bien  pour  du  mal,  selon  le  conseil  aposto- 
lique. 

Au  mois  d'aoust  mourut  dans  les  prisons  le  sieur  Vachot,  esclave, 
autrefois  commis  aux  Finances  sous  le  sieur  de  Beaumarchais'.  Je 
remarque  cette  mort,  pourceque  s'étoitl'un  des  chers  enfans  de  ces 
bons  Pcres.  Ses  compagnons  le  regreterent  beaucoup.  Néanmoins 
cette  mort  leur  fut  utile,  ils  en  tirèrent  sujet  de  magnifier  l'infinie 
bonté  de  Dieu,  d'autant  qu'en  France  il  avoit  vescu  comme  un 
démon  incarné  au  milieu  des  délices,  &  en  Barbarie  il  y  a  passé 
ses  jours  en  ange.  Il  s  étoit  obligé  par  un  vœu  particulier,  long- 
temps avant  la  maladie  de  laquelle  il  mourut,  d  estre  capucin.  Les 
merveilles  de  sa  conversion  meriteroient  un  livre,  ce  qu'à  peine 
croiront  ceux  qui  l'ont  connu.  Ce  sont  les  fruicts  des  exemples  «k 
de  la  charité  de  ces  bons  Pères.  Et  la  peste  commença  lors  à  sapro- 
cher  d'eux. 

Le  17  septembre  de  cette  année,  jour  que  l'Eglise  employé  au 
souvenir  de  la  grande  merveille  d'amour  que  Dieu  opéra  en 
S.  François",  le  roy  de  Maroque  Molezidan  mourut  assés  jeune ^  : 
car.  comme  a  chanté  David,  «  les  hommes  qui  versent  le  sang,  & 
pleins  de  tromperies,  n'ariveront  jamais  à  la  moitié  de  leurs  jours'  ». 
Il  étoit  furieux,  yvrongne,  cruel,  voluptueux,  &  par  tout  jusqu'à 
l'excès'.  Son  fils  aisné  Mole  Abdclmclec  luy  succéda.  Ses  deux 
frères  cadets"  se  mirent  en  campagne,  ce  qui  n'empesclia  pas  qu'il 
ne  fût  reconnu  prince  vaillant  &  amoureux  d'honneur.  Ces  Pères 

1.  Vincent  Bouhier  de  lieaumarchaîs,  Ij.  Il  est  bon  do  se  rappeler  que  la 
financier,  intendant  de  l'ordre  du  Saint-  plupart  des  auteurs  chrétiens  ont  presque 
Esprit  de  i.^gg  à  iG3i.  trésorier  de  l'E-  toujours  tracé  des  portraits  fantaisistes  des 
pargne.  cliérifs  du  Maroc,  un  peu  par  prévention, 

2.  On  lit  en  marge:  «  Les  Stigmates  ».  mais   aussi    beaucoup    par    ignorance    du 

3.  Moulay-ZidAn,    d'après   Ei.-Olikàni  milieu. 

(pp.  4o3   et   4o4),   mourut  à   Merrakccli,  6.  Ses  (/eux/rcres  cadcis:  les  deux  chérifs 

le  20  septembre    1627    (g    Safar  1087).  Il  Moulay  el-Oualid   et   Moulay  Mohammed 

devait  avoir  environ  cinquante  ans.  <cb-Cheikh    cl-Aserjher.   Cf.   El-Oufràni, 

If.  On  lit  en  marge:   Psal.   5^.  a^.  p.  /|o5. 


i58  iGaô-iGag 

remar(|uerent  qu  il  avoit  une  sorte  d'inclination  pour  Louys  le 
Juste,  nostre  deffunct  monarque'.  &  ensuitte  pour  les  François  : 
les  principaux  de  sa  Cour  l'étoient.  On  eut  sujet  de  croire  que  ce 
cliani^emcnt  donneroit  fjuelqne  nouveau  jour  au  traité  de  paix,  en 
ce  qu'on  pouvoit  ouvertement  traiter  avec  Sa  Majesté;  car  lalcaide 
Amar,  qui  gouvernoit  tout,  n'eût  jamais  permis  que  M.  le  Com- 
mandeur reçeùt  le  moindre  déplaisir.  Et  puis  le  lloy,  du  vivant 
même  de  son  père,  avoit  témoigné  son  sentiment  là  dessus, 
n'aprouvant  point  qu'on  negociasl  cette  afaire  que  dans  les  ports 
de  ses  Etats;  d'oîi  ses  bons  Pères  prirent  sujet  décrire  au  Père 
Joseph  pour  avancer  ce  traité.  6î  se  promettoient  que,  dans  la  Cour 
du  roy  de  Maroque,  il  ne  tireroit  en  longueur,  le  Roy  étant  fort 
expeditif. 

Les  lettres  qu'ils  écrivirent  pour  ce  sujet  finissentavec  des  paroles 
qui  témoignent  bien  que  ce  n'étoit  pas  leur  interest  particulier  qui 
les  rcndoit  empressés  à  la  solicitation  de  cette  afaire,  mais  seule- 
ment l'état  présent  qu'ils  éloient  obligés  de  repiesenter.  atin  de 
donner  par  leurs  avis  la  lumière  nécessaire  en  la  cour  de  France, 
outre  que  l'obéissance  les  y  obligeoit,  le  R.  P.  Joseph  leur  ayant 
plusieurs  fois  commandé  d'estre  soigneux  à  luy  donner  continuelle- 
ment des  avis  sur  ce  sujet;  de  plus  encor  le  besoin  de  plusieurs 
qu'ils  reconnoissoient  sur  le  bord  du  précipice,  &  les  retenoient 
avec  peine.  L'inclination  que  le  Prince  avoit  pour  les  François 
leur  étoit  un  nouveau  sujet  de  creindre  qu'il  n'en  prit  à  son  service, 
ce  qui  ne  fût  arrivé  sans  renoncer  leur  créance. 

Le  nouveau  roy  continuoil  à  témoigner  l'inclination  qu'il  avoit 
pour  les  François:  ces  bons  Pères  furent  avertis  qu'il  en  vouloit 
deux  cens.  Si  cela  fût  arivé,  il  ne  falloit  plus  penser  au  rachapt, 
car  la  pluspart  des  esclaves  étoienl  à  demi  desespei'és  par  l'excès 
de  leurs  misères.  Un  mal  abat  d'avantage  par  la  longueur  de  sa 
durée  que  par  sa  violence;  quand  aussi  tous  les  deux  se  rencon- 
trent, ils  font  d'étranges  ravages.  Il  y  en  avoit  même  qui  s'y 
exposoient  volontairement,  ce  qui  alligcoit  plus  ces  fervensrehgieux 

I.  La  relation  du  P.  l'rançois  d'Angers  Louis  XIII  puisque  le  premier  imprimatur 
dut  être  écrite  au   moment  de  la  mort  de        est  date  du  20  juin  i643. 


IIISTOIUK     nii     L.V     MISSION     DES     1>1>.     CAPUCINS      VU     MAROC  lOf) 

(|iie  toutes  les  disettes,  ik  ne  pouvoient  comprendre  comme  il  étoit 
possible  de  nen  voir  pas  un  ([ui  eût  assés  de  cœur  pour  soufrir 
un  souflet  pour  l'amour  de  Jesus-Christ.  Ces  bons  Pères  ne  furent 
pas  privés  des  preuves  de  la  bienveillance  royale;  Sa  Majesté  s'avisa 
un  jour  de  leur  envoyer  l'aire  compliment  de  sa  part,  ce  qu'à  peine 
on  eût  creu  rencontrer  dans  un  pays  si  barbare  :  «  qu'ils  prissent 
courage  Â:  patience,  qu'il  ne  les  abandonneroit  ». 

Mais  comme  il  avoit  des  aiaires  plus  importantes  &  pressées,  il 
les  oublia,  aussi  bien  que  ce  projet  premier,  car  ses  deux  frères 
puisnés  s'oposoient  avec  des  forces  considérables  à  son  établisse- 
ment' ;  toutesfois  il  les  mit  en  déroute  avec  une  médiocre  armée. 
Alors  il  navoit  point  de  pensée  plus  présente  que  pour  s'afermir 
sur  son  trône  À:  régner  avec  douceur  iSc  de  la  gloire,  ce  qu  il  ne 
pouvoit  faire  sans  peine,  étant  fort  haï.  La  famine  &  la  peste,  qui 
augmentoient.  ne  favorisoient  pouit  son  dessein  ;  le  peuple  étoit 
sur  le  poinct  de  se  révolter,  faute  de  bled,  dont  la  charge  valoit 
jusques  à  vingt  écus.  &  alloit  monter  jusques  à  quarante.  &  l'orge, 
douze;  &  si  on  n  en  Ireuvoit  pas.  Ses  frères  atendoient  cette  oca- 
sion  pour  se  déclarer  ouvertement,  ik  les  santons'"  se  fussent  mis 
de  la  partie,  ce  qui  eût  achevé  de  tout  perdre. 

A  la  vérité,  si  les  afaires  de  France  eussent  permis  qu'on  eût 
alors  envoyé  monsieur  le  Commandeur,  car  on  n'en  demandoit 
d'autre,  à  cause  de  la  haute  estime  qu'il  avoit  acquis  en  ce  pays-là, 
sans  doute  on  eût  fait  tout  ce  qu'on  pouvoit  désirer  avec  un  présent 
médiocre.  Le  Roy  avoit  même  dit  à  un  de  ses  favoris  qu'il  voudroit 
que  le  chevalier  de  Razilly  fût  retourné  &  qu'il  luy  en  eût  coûté 
dix  mille  ducats  de  son  épargne,  et,  parlant  à  un  de  ses  renégats, 
(|ii  il  luy  vouloit  donner  cinq  cents  ducats  pour  etrennes,  quand 
r Amijassadeur  seroit  venu. 

Il  faut  avouer  que  ce  prince  n'éloit  point  trompé,  d'autant  que, 
si  monsieur  le  Commandeur  fût  aproché  avec  force  de  cette  côte, 
il  eût  donné  de  la  terreur  à  ses  t'unemis.  et.  s'il  eût  été  trop  pressé, 
il  l'eût  rencontré  à  propos  pour  s'embarquer  avec  ses  plus  pré- 
cieuses richesses;  aisément  il  se  lut  persuadé  (|u  on  luy  eût  envoyé 

I.  Sur  la  n'voUc  (le  Moulay  ol-Oualiil  cl  Oufhàni,  p.  lioï)  et  infra,  p.  3t')3,  note  3. 
'le  Moiilny  Molianimed  <(li-(;iieikh  el-  .l.sc-  2.    Les  sanfrias.  Siili  el-.Vvaclii  et  tjidi  Ali 

ijlier  contre  Moulay  .\bil-il-\lalelv,  \  .  El.-         l)cu  Moussa,  le  marabout  du  Sous. 


i6o  1625-1629 

exprés.  El  pour  ce  il  le  desiroitavcc  passion,  se  doulaiit  du  succès 
des  armes,  si  on  en  venoil  aux  mains. 

Les  Pères,  voyans  de  si  l)elles  ocasions  pour  faire  prendre  au 
traité  une  heureuse  issue,  s  avisèrent  de  tâcher  à  le  faire  consentir 
qu'un  d'eux  fût  venu  en  France  afin  d'y  travailler.  Mais  il  ne  se 
trouva  aucun  qui  eût  assés  de  hardiesse  pour  luy  faire  cette  pro- 
position, toute  cette  Cour  n'étant  composée  que  de  personnes  d'une 
naissance  basse,  sans  cœur. 

Dieu  visita  ces  bons  Pères  en  ce  temps  d'une  nouvelle  atliction. 
Tant  de  misères  produisirent  enfin  de  grandes  maladies.  Le  U.  P. 
Pierre  en  fut  incommodé  trois  mois  entiers,  &  le  U.  P.  Michel  un 
peu  moins,  &  à  faute  de  soulagement,  le  premier  fut  long-temps 
à  se  remettre.  Ce  qu'on  leur  avoil  envoyé  de  France  ne  leur  fut 
pas  à  moitié  donné,  les  marchands  en  retinrent,  &,  de  ce  que  même 
ils  leur  envoyèrent,  on  en  déroba  encore;  6:  eux  distribuèrent  la 
plus  grande  partie  de  ce  qui  étoit  arivé  jusques  à  eux.  Il  mourut 
un  jeune  gentilhomme  nommé  Boulainviliers',  nep^eudu  sieur  de 
Montalet.  qui  a  été  capitaine  des  mousquetons  de  Sa  Majesté;  il 
avoit  été  nourry  page  de  M.  le  mareschal  de  BrissaC^  &  fut  aussi  un 
des  enfans  qu'il' avoit  engendrés  à  Jesus-Christ.  Ilvescut  là  en  ange, 
tant  ses  actions  furent  innocentes,  &  sa  mort  fut  autant  précieuse 
que  sa  vie  avoit  été  pure.  Ils  l'avoicnt  non  seidemcnt  gagné  à  Dieu 
dans  le  monde,  mais  pour  la  Religion,  où  il  avait  résolu  d  entrer, 
ayant  choisi  celle  de  ces  bons  Pères. 

Il  est  certain  qu'ils  avoient  raison  de  presser  l'exécution  du  traité 
de  paix,  car  le  roy  de  Maroque  témoignoit  le  souhaiter  bien  fort. 
Pour  preuve  de  l'inquiétude  qui  le  pressoit,  il  demandoit  des  nou- 
velles du  futur  ambassadeur  à  tous  les  François  qu'il  rencontroit; 
&  eux,  connoissant  cette  grande  inclination,  asseuroient  tout  le 
monde  que  le  printemps  ne  passeroit  pas  sans  que  ce  bon  œuvre 

I.   On    trouve   à   la  Bibl.   Xat.,  Dossiers  cation,  comme  on  le  voit,  ne  s'accorde  pas 

bleus,  vol.  iiQ.  11°  2r)5j,  f.  (j  ti"  :  u   Fran-  avec  ce  que  dit  le  P.  François  d'Angers, 
(.■ois    de    Boulainvillicrs,    mort    au    retour  2.   Charles   de   Cessé,    duc   de    lirissac, 

de  Maroc  où  il  avoit  esté  captif  avec  maréchal  de  France  en  i5g4,  mort  en  1G31 
le   chevalier  de   Rassilly  en    iCiag.   Enterré  3.   Il,  entendez:  l'un  ou  l'autre  des  PP 

aux  Cordelicrs  de  Pontoise.  »   Cette  indl-  capucins. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  l6l 

fût  achevé.  Et  est  croiable  que  lesperance  de  ce  succès  retint  le 
Roy  qu'il  ne  prit  les  François  comme  il  l'avoit  résolu  pour  les 
faire  Mores.  On  remarque  qu'il  avoit  du  dessein  plus  particulière- 
ment contre  ceux  de  l'équipage  de  M.  le  Commandeur.  Il  luy  en 
fut  mené  un  par  ses  ordres,  qu'il  tenoit  dans  son  armée  depuis  un 
mois;  le  Roy  luy  demanda  aussi  si  l'Ambassadeur  viendroit,  il 
répondit  qu'ouy,  &  à  même'  prcsenla  à  Sa  Majesté  une  lettre  que 
les  Pères  luy  avoient  envoyé,  qu'ils  écrivoient  en  arabe  à  Sa  Majesté 
en  faveur  de  ce  pauvre  jeune  homme,  et  confirmoient  l'asseurance 
du  prochain  retour  de  M.  le  Commandeur,  &  que  dans  deux  ou 
trois  mois  elle  recevroit  toute  la  satisfaction  espérée.  Ce  qui  ne  fut 
pas  inutile  aux  François,  qui  eurent  depuis  un  peu  de  trêve  des 
mauvais  trailemens  ordinaires.  Et,  sans  parler  de  religion  à  ce 
jeune  homme,  Sa  Majesté  luy  donna  un  ducat  le  renvoyant. 

Tout  le  pays  étoit  perdu  depuis  leur  prise,  comme  nous  avons 
dit;  car  elle  donna  tant  d'épouvante  à  tous  les  marchands  de  France 

autres  qu'ils  y  cessèrent  leur  commerce  '.  Toutes  les  denrées  y 
étoient  au  poids  de  1  or,  (Se  y  faisoit  tellement  cher  vivre  que  la 
famine  étoit  presque  universelle  dans  ce  royaume.  Je  laisse  à 
penser  en  quelle  extrémité  étoient  réduits  les  esclaves.  Pour  ceux 
de  la  prison  dans  laquelle  étoient  les  Pères,  se  voyoient  à  ce  poinct 
qu'il  étoit  besoin  d'un  miracle  du  ciel,  sans  quoy  ils  étoient  résolus 

à  mourir  de  faim Et  ce  mal  étoit  prochain  »&  inévitable;  le  Roy 

avoit  retranché  ses  libéralités   &   ne   se  ressouvenoit  plus   de  ses 

ofres Ce  qui  rendoit  encore  leur  misère  plus  certaine,  étoit  de 

ne  pouvoir  retirer  des  marchands  ce  peu  qu'il  leur  restoit  entre 
les  mains  &  qui  leur  avoit  été  avancé  pour  eux^.  Les  marchands 
de  ces  pays  ressemblent  à  ceux  desquels  dit  S.  Jean  qu'ils  se  sont 
fait  riches  de  la  puissance  des  délices  de  Babylone,  et  se  tenoient 
loin  d'elle  pour  la  crainte  de  son  tourment'. 

Avec  grande  raison   ils  pressoient  le    renvoy    de   monsieur  le 

1.  Et  à  même,  c'est-à-dire:  Et  en  niàmc  3.  Les  marchands  établis  au  Maroc  gar- 
tcmps.                                                                         daicnt  souvent  l'argent  reçu  pour  le  rachat 

2.  Sur  la   cessation   du  commerce  que        des  captifs.  V.  infra,  p.  56l. 

les  trafiquants  français  faisaient  au  Maroc,  4.  On  lit  en  marge  la  référence:  Apoc. 

V.  p.  i/i6  et  note  i.  i8.  3.  lô. 

De  Castkies.  m.  —  II 


162  i625-i62g 

Commandeur  pour  traiter  l'accommodement  des  deux  Couronnes 
en  ce  temps.  Outre  les  asseurances  qu'ils  avoient  du  passé,  que  le 
roy  de  Maroque  le  desiroit  ardemment,  tous  les  jours  ils  décou- 
vroient  de  nouveaux  sujets  pour  les  confirmer  dans  cette  créance. 
On  leur  donna  avis  que  le  Uoy  avoit  demandé  à  son  interprète  s'il 
avoit  les  lettres  qui  luy  étoient  venues  de  France.  Il  en  asseura  Sa 
Majesté,  qui  luy  en  fit  réitérer  la  teneur  tSc  aprit  que  ce  chevalier 
faisoit  de  très-humbles  excuses  à  Sa  Majesté  de  n'avoir  pu  efectuer 
sa  parole  au  temps  prefix,  &  que  son  roy  luy  avoit  donné  de 
l'employ  dans  les  guerres  civiles  de  ses  Estais  pour  son  service, 
&  qu'il  nétoit  pas  en  état  de  jîouvoir  si  tôt  obtenir  son  congé; 
qu'à  ce  défaut  il  envoyoit  ofrir  à  Sa  Majesté  quatre  mille  pièces  de 
huit,  qui  étoient  là  cent  mille  livres  monnoye  de  France,  pour  tous 
les  François  captifs  dans  son  royaume,  et  le  suplioit  très-humble- 
ment de  vouloir  estre  content  de  celte  somme,  à  cause  de  la  néces- 
sité 011  étoit  lors  la  France  pour  tant  de  guerres  qui  obligeoient  à 
une  dépense  presque  infinie.  Le  Roy  demanda  ce  que  son  père 
avoit  résolu  de  faire  '  ;  l'interprète  répliqua  qu'il  avoit  eu  ordre  d'écrire 
à  un  marchand  de  Mazagan  avec  qui  F.  Rodolphe,  capucin,  avoit 
traité  pour  faire  les  ofres,  en  termes  qui  n'acceptoient  ny  refusoient 
ce  présent,  afin  de  reconnoître  si  ce  qu'on  promettoit  eût  pu  satis- 
faire. Le  même  receut  ordre  de  réitérer  une  réponse  pareille  en  ce 
sens,  &  ajouter  que  celte  somme  n'étoit  sufisanle  pour  le  dédomma- 
gement de  la  moindre  des  perles  que  les  François  luy  avoient  causé  ; 
mais  le  désir  qu  a  Sa  Majesté  de  faire  une  bonne  paix  avec  la  France 
luy  faisoit  sinon  oublier  lout-à-fail,  beaucoup  moins  considérer  ses 
inlerests.  Nous  verrons  cy-après  l'événement  de  cette  entremise. 

Cette  histoire  seroit  défectueuse  si  je  ne  declarois  comme  ces  bons 
Pères  dispensoient  le  temps  en  cette  prison,  leur  forme  de  vivre, 
&  comme  ils  y  étoient  pourvcus.  J'ay  réservé  ce  narré  à  la  fin  de 
celle  année,  afin  de  n'interrompre  la  suite  de  l'histoire,  &.  qu'en 
celle  année  ils  virent  plus  de  fruicl  de  leur  patience. 

Ils  dressèrent  une  chapelle  en  lieu  commode,  où  ils  presentoient 
l'auguste  sacrifice  du  corps  &:  du  sang  de  Jésus,  quand  ils  pouvoienl 


I.   La  lettre  de  Razilly  était  adressée  à         dant  la  maladie  de  ce  dernier.  V.  ci-dessous, 
Moulay  Zidàii  ;  elle  arriva  au  Maroc  pen-        p.   i^5. 


Histoire   de  la   mission   des   pp.    capucins  au   maroc        i63 

recouvrer  du  vin,  preehoient,  instruisoient  les  captifs,  adminis- 
troient  les  saincts  sacrements,  i'aisoient  souvent  des  processions 
autour  de  la  Cezenne,  par  le  dedans,  donnoient  le  pain  &  l'eau 
bénite  les  dimanches.  Ils  disoient  les  oITices  à  certaines  heures  du 
jour  réglées,  chantoient  vespres,  où  les  esclaves  se  trouvoient,  à 
quoy  plusieurs  leur  aidoient,  se  levoient  la  nuict  pour  dire  matines 
ensemble,  comme  les  autres  heures,  employoient  chaque  jour  à 
l'oraison  mentale,  une  après  les  matines,  &  l'autre  au  soir  après 
les  litanies  de  la  Vierge,  que  le  R.  P.  Pierre  chantoit,  où  les  captifs 
assistoient.  Ils  n'oubLioient  pas  les  disciplines  acoutumées  en  leur 
Ordre.  Bref  ils  vivoientlà  avec  une  régularité  aussi  exacte  en  toutes 
les  observances  que  dans  les  convents  fermés. 

La  charité,  qui  est  comme  un  feu,  se  dilate  à  mesure  qu'elle 
rencontre  de  la  matière  propre  à  nourrir  ses  flammes.  Celle  de  ces 
Pères  étoit  toujours  agissante.  La  pluspart  de  ces  pauvres  captifs 
fût  mille  fois  morte  de  faim  sans  le  soin  continuel  qu'ils  en 
prcnoient.  Il  y  avoit  des  esclaves  françois  de  Marseille,  qui  vivoient 
hors  la  Cezenne,  pource  qu  ils  avoient  donné  caution,  ainsi  éloicnt- 
ils  plus  accommodés  &  avoient  plus  de  moyens  pour  pourvoir  à 
leurs  besoins,  soit  par  leurs  amis,  par  leurs  travaux  &  industries. 
Les  Pères  s'adressoient  souvent  à  eux  afin  d'en  tirer  des  libéralités, 
que  puis  après  ils  ménagcoient  et  dispensoient  entre  les  esclaves, 
selon  les  besoins.  Il  y  avoit  aussi  des  marchands  qui  leur  donnoient 
quelques  aumosnes.  Et,  comme  s'ils  eussent  ignoré  que  c'eût  été 
pour  eux,  ou  qu'ils  n'eussent  pas  senti  leurs  nécessités,  ou  qu  ils 
les  eussent  oubUées,  ils  partageoient  aux  plus  pressés,  sans  consi- 
dération des  personnes,  ny  des  qualités,  comme  asseurent  ceux  qui 
ont  été  sur  les  lieux,  qui  l'ont  apris  des  esclaves.  Maisencor  étoit- 
ce  fort  peu  pour  une  si  grande  multitude. 

Avec  ces  soins  ils  en  préservèrent  plusieurs  qui  eussent  renoncé 
leur  créance.  C'est  pourquoy  ils  s'y  engageoienl  d'autant  plus 
volontiers  qu'ils  sçavoient  que  le  salut  de  leur  prochain  y  étoit 
comme  ataché.  Ces  charitables  religieux  se  privoient  volontiers  de 
leurs  soulagements,   afin  de  sacrifier  leur  interest  à  l'exemple  du 

Sauveur,  pour  aider   à  leurs  frères Aussi  ces  pauvres  Pères 

étoient  contents,  pour  tout  mets,  d'herbes  cuites  avec  du  sel  &  de 
l'eau,  fort  peu  de  pain  ;  ôc  ont  ainsi  passé  presque  tous  leurs  repas 


l^j!^  i025-ifi2() 

depuis  que  le  roy  de  Maroque  eut  retranché  le  peu  de  viande  qu'il 
leur  donnoit  au  commencemenl. 


Ainsi  firent  ces  hommes  apostoliques  ;  ils  joignirent  leurs  soins 
charitables  avec  leur  vie  exemplaire  pouratirer  au  service  de  Dieu 
plusieurs  âmes  entre  ces  captifs,  qui  vivoient  avec  dérèglement, 
méprisant  leurs  remontrances,  changeant  par  une  très-mauvaise 
habitude  la  douceur  de  leurs  conseils  en  venin.  Ils  se  moquoient 
de  ces  bons  Pères,  leur  laisoient  la  moue  des  lèvres,  &  hochoient 
contre  eux  la  teste,  &  commirent  au  préjudice  du  respect  qui  leur 
étoit  deu,  de  l'obligation  qu'ils  leur  avoient,  plusieurs  insolences 
indignes  de  François  &  de  Chrestiens,  que  je  n'oserois  publier, 
tant  elles  sont  pleines  de  honte.  Il  me  semble  entendre  S.  Ignace, 
qui  disoit  de  ceux  qui  le  conduisoient  au  suplice  à  Rome,  que  plus 
il  tàchoit  à  leur  faire  du  bien,  de  tant  plus  ils  le  maltraitoient.  Plus 
ces  Pères  obligeoient  ces  esclaves,  leur  insolence  croissoil,  6c  ariva 
jusques  à  l'excès  de  fraper  le  R.  P.  Pierre.  La  douceur  de  leurs 
remontrances,  aussi  bien  que  leurs  services,  avoit  été  jusques  alors 
inutile. 

Et  Dieu,  qui  seul  peut  changer  les  cceurs,  qui  les  laisse  endurcir 
pour  les  rendre  maniables,  tk,  comme  le  potier  qui  a  la  puissance 
de  faire  d'une  même  argile  des  vaisseaux  destinés  à  des  usages 
honnestes,  ou  des  vaisseaux  préparés  pour  des  services  honteux, 
fit  une  merveille  digne  de  son  pouvoir  aussi  bien  que  de  sa  bonté. 
Ces   espris    farouches    s'adoucirent,    &  comme    les   Corinthiens  à 

5.  Paul,  il  leur  fit  porter  les  marques  de  1  apostolat  de  ces  mission- 
naires. 

Car  reconnoissant  enfin  la  vertu  de  ces  excellents  religieux,  ils 
changèrent  de  mœurs,  changement  qui  commença  par  une  confes- 
sion générale,  À:  le  progrès  fut  d'une  pieté  exemplaire,  de  sorte 
qu'aucuns  d'entr'eux  achevèrent  heureusement  leur  vie  dans  cette 
captivité  &  rendirent  leurs  âmes  à  Dieu  purifiées  dans  leurs  larmes 

6.  les  maux  de  leur  esclavage,  entre  les  bras  de  ces  charitables  Pères. 
Ainsi  possederent-ils  leurs  âmes,  &  celles  du  prochain,  par  la 
patience,  &  en  bien  faisant,  surmontant  le  mal  par  le  bien,  selon  le 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  l65 

conseil  apostolique.  Par  ces  moyens,  ils  ont  maintenu  les  autres 
&  empesché  quils  n'abandonnassent  leur  foy. 

Après  tout,  le  zèle  ardent  de  ces  Pères,  comme  le  feu,  ne  disoit 
jamais  que  ce  fût  assés,  ils  ne  faisoient  pas  tout  le  profit  qu'ils 
eussent  souhaité,  &  qu'efectivement  ils  eussent  fait,  si  la  liberté  de 
sortir  leur  eût  été  permise,  étant  renfermés  dans  une  prison  séparée, 
avec  tous  ceux  de  l'équipage  de  monsieur  le  Chevalier',  &  n'avoient 
de  communication  avec  les  autres  esclaves,  quoyqu'ils  en  fussent 
proches,  resserrés  dans  la  prison  commune.  Il  leur  étoit  besoin 
d'une  permission  pour  y  entrer,  &  ne  la  pouvoient  avoir  que  pour 
de  l'argent,  que  les  esclaves  fournissoient.  Ainsi  ils  n'v  entroient 
que  rarement,  »k  quand  cela  arivoit.  ils  y  prechoient  en  public, 
consoloient  les  particuliers,  &  confessoient  ceux  qu'ils  trouvoient 
disposés,  &  tâchoient  en  ce  peu  de  temps  qu'on  leur  permettoit  faire 
beaucoup  de  besoigne. 


1628- 


Les  généreux  sentimens  que  ces  deux  braves  champions  du  Cru- 
cifié avoient  entre  les  différentes  ataques  de  tant  de  maux  &  de  si 
longue  durée,  avec  lesquels  ils  saluèrent  le  R.  P.  Joseph  comme 
pour  les  etrennes  de  ce  nouvel  an,  m'en  font  commencer  le  narré 
&  de  leurs  avantures  par  ces  paroles  du  grand  S.  Paul,  le  modèle 
acomply  de  tous  les  missionaires  :  Que  Dieu  soit  à  jamais  beny, 
qu'il  soit  adoré  &  loué  de  toutes  les  puissances  de  nostre  ame.  Nous 
luy  devons  cet  hommage  pour  plusieurs  raisons  :  car,  outre  qu'il 
est  Père  de  Nostre  Seigneur  Jesus-Christ.  il  est  le  Père  des  miséri- 
cordes &  le  Dieu  de  toute  consolation,  qui  nous  guérit  d'une  main, 
s'il  nous  blesse  de  l'autre,  &  ne  nous  envoyé  point  de  tribulations, 
qu'il  lie  nous  donne  de  nouvelles  forces  pour  les  suporter^  S'ils 

I.   Il  résulte  de  ce  passage  qu'il   v  avait  2.   Cotte   date  est  placée  en  marge  dans 

à  Morrakech  deux  [)risons  d'esclaves  chré-  l'édition  princeps. 

tiens,    d'où    était    venue    l'expression    de  '6.  Allusion    faite  de    mémoire   et    sans 

«  petite  cezenne  »  appliquée  à  l'une  d'elles.  référencée  un  passage  de  saint  Paul.  Pour  le 

V.  p.  169.  texte  exact,  V.  II  Cor.  I,  3,  etc. 


i66  1625-1629 

n'écrivirent   ces  paroles,    au    moins   luy   en    mandaient  le   sens, 
l'onzième  janvier. 


11  arive  souvent  à  nostre  honte  que  la  nécessité  nous  contraint  de 
faire  ce  que  la  raison  ne  nous  avoil  pu  persuader.  On  en  voit 
la  preuve  au  roy  de  Maroque  pressé  des  afaires  de  son  Etat,  qui 
luy  donnoient  une  juste  aprehension  dune  guerre  civile  au  pro- 
chain printemps  ;  [elles]  le  firent  résoudre  à  se  contenter  des 
ofres  qu'on  luy  faisoit  de  France,  qui  étoient  cent  mille  francs,  que 
F.  Rodolphe,  capucin,  avoit  proposées;  et  consentit  de  plus 
qu'on  traitât  cet  acommodement  à  Mazagan.  quoyque  cette  ville 
soit  à  l'Espagne. 

Ce  changement  étonna  iS:  réjouit  tout  ensemble  ces  bons  Pères, 
pource  qu'ils  ne  s'y  atlendoient  pas  &  que  cela  rendoit  le  traité  plus 
facile  &  plus  prompt.  Aussi  en  donnerent-ils  avis,  afiu  que  Ion 
prît  icy  les  moyens  nécessaires  pour  avancer  ce  négoce,  crainte  d'un 
autre  changement.  Le  péril  manifeste  du  salut  de  tant  d'âmes  rendoit 
leur  zèle  agissant,  à  ce  qu'on  ne  laissât  échaper  une  ocasion  qui  se 
presentoit  delle-mème  ».V  que  l'on  avoit  recherchée. 


Les  soufrances  acabloient  les  esprits  foibles  par  une  longueur 
importune  >k  leur  faisoient  prendre  des  resolutions  oposées  à  leur 
salut.  On  ne  croiroit  pas  aisément  les  peines  que  prenoient  ces  bons 
rehgieux  à  les  retenir  en  l'état  de  pouvoir  rendre  à  Dieu  ce  dont  ils 

luy  étoient  redevables  comme  chrestiens Ce  qu'ils  faisoient 

n'étoient  pas  remèdes  pour  leur  guerison  parfaite  (le  mal  étoit 
presque  invétéré  en  plusieurs),  mais  seulement  quelques  lenitifs, 
pour  relever  un  peu  les  espérances  abafues  de  ces  pauvres  captifs,  les 
asseurant  de  jour  en  jour  qu'on  ne  tarderoit  pas.  >k  qu'enfin  ce  qu'ils 
attendoient  depuis  un  si  long  temps  étoit  sur  le  point  de  paroître  à 
leur  contentement,  puis  qu'on  y  travailloit  sans  relâche. 

Si  le  travail  de  ces  Pères  n'avoit  pas  autant  deficace  pour  ces 
âmes  conmie  ils  eussent  désiré,  en  revanche  ceux  qui  étoient  dans 
leur  même  prison  leur  donnèrent  un  grand  sujet  d'alegresse.  Leur 
persévérance  dans  une  resolution  véritable  de  vivre  &  de  mourir 


HISTOIRE    TiF.     LA     'MISSION     DES     PP.     CAPUCINS     AV     MAROC  I  Gy 

avec  une  conformité  entière  à  la  volonté  divine  étoit  comme  la 
recompense  de  tant  de  soins  &  le  repos  à  leurs  fatigues. 

Depuis  deux  ans  la  famine  fil  le  degat  dans  le  royaume  de 
Maroque.  la  terre  qui  y  est  peu  fertile  &  le  trafic  qui  y  avoit  cessé 
l'y  entretinrent  tout  ce  temps.  Plus  de  sept  mille  familles  entières 
quittèrent  la  ville  pour  fuir  celte  sanglante  persécution.  Elle  fit 
mourir  des  Mores  i^  des  Juifs  sans  nombre,  et.  ce  qui  est  plus  déplo- 
rable, elle  contraignit  les  femmes  qui  avoient  de  la  réputation  à  la 
honte  de  leur  prostitution,  qui  voulurent  résister  à  sa  violence,  pour 
un  morceau  de  pain. 

La  nécessité  publique  de  ce  pauvre  royaume,  jointe  à  l'expérience 
qu'avoient  ces  Pères  de  la  foiblcsse  de  plusieurs  François  &  Espagnols, 
leur  donnoit  de  justes  craintes  que  ce  malheur  ne  s'achevât  en  la 
perte  de  tant  d'âmes. 

Ce  fut  avec  juste  raison,  d'autant  qu'au  commencement  de  cette 
année,  le  9.  de  mars,  le  roy  de  Maroque  fit  représenter  une  tragédie 
en  sa  présence  aussi  triste  qu'aucune  qui  se  soit  passée  en  ce  pays-là. 
Je  n'en  ay  pu  rien  découvrir  de  particulier.  Le  R.  P.  Pierre  écrit 
seulement  qu'il  n'a  osé  en  exprimer  les  actes,  qui  eussent  sans  doute 
atendri  les  cœurs,  &  que  la  prudence  ne  luv  permet  autre  chose, 
sinon  asseurer  que  plus  de  trente  Cliresticns  furent  séquestrés, 
afin  de  renier  la  foy  ;  que  de  deux  religieux,  l'un  françois  de  l'ordre 
S.  Dominique',  l'iil  tout  couvert  de  playcs  &  en  rechapa  glorieux 
par  miracle  (il  éloit  jeune);  l'autre,  espagnol,  qu'on  nommoit  le 
P.  Jean  Coiral',  prestre  de  l'ordre  S.  Augustin,  fut  constant  à 
répandre  son  sang  pour  le  nom  de  Nostre  Seigneur  &  mourut  après 

1.  Probablement  le  Krère  Pierre  Morcl  cliérif.  Juan  dol  Corral,  ayant  écrit  de  Mer- 
de Rouen.  V.  infra,  pp.  38o  et  38l.  rakcch  à  ses  supérieurs  pour  témoigner  de 

2.  Jean  Coiral.  le  P.  Juan  dol  Corral,  son  repentir,  obtint  de  rentrer  dans  l'ordre 
né  à  Soria  (Espagne),  religieux  de  l'ordre  des  Augustins.  Cf.  Mémorial  de  esta  Santa 
des  Augustins.  .Vvant  quitté  les  Augustins,  Provincia  île  San  Dietjo,  f.  45  v"  ;  Fk.  Fkan- 
il  s'embarqua  pour  l'Italie,  mais  le  navire  cisco  dp.  S.  Ji'as  del  Puerto,  M(ssio« /u'sto- 
sur  lequel  il  se  trouvait  fut  pris  par  les  Bar-  rial  de  Marruecos,  lib.  II,  cap.  xxii  ;  Castel- 
baresques  et  le  capitaine  corsaire  l'odrit  i.axos,  Apostolado  Serajico,  pp.  25i-25."); 
comme  esclave  à  Moulay  Abd  el-Malck  ben  Godard,  pp.  .'198-A99  et  infra.  Doc.  L, 
^idAn,  au  moment  de   l'avriiement  de  ce  pp.  38o-38i, 


i68  ifiaô-ifiag 

plusieurs  blessures .  Tous  les  autres  Chrestiens,  épouvantés  de  l'hor- 
reur des  cruautés  présentes,  protestèrent  de  paroles  qu'ils  étoient 
Mores,  à  la  reserve  d'un  nommé  le  capitaine  Paul  Imbert,  de 
Sainct-Gilles  en  Poictou  ',  lequel  resta  ferme  en  sa  créance,  cjuoy- 
qu'il  receût  trois  coups  d'épée.  Je  conjecture  qu'il  éloit  de  l'équipage 
de  monsieur  le  Commandeur". 

Il  est  vray  que,  parmy  l'affliction  incroyable  que  receurent  ces 
deux  véritables  serviteurs  de  Dieu,  lorsqu'ils  entendirent  la  clieute 
de  tant  dames  toutes  à  la  fois,  il  pleut  à  sa  bonté  les  consoler,  en  ce 
que  ces  pauvres  âmes  abatucs  se  relevèrent  par  la  lecture  des  lettres 
qu'ils  leur  écrivirent;  de  sorte  qu'excités  d'un  nouveau  feu,  ces 
pauvres  navrés  restèrent  trois  jours  entiers  dans  le  champ  de  bataille, 
s'ofrant  avec  courage  à  la  mort  pour  1  expiation  de  la  faute  commise, 
desavouant  lâchement  de  bouche  celuy  qu'ils  adoroient  dans  leurs 
cœurs. 

Cela  se  passa  sur  les  Chrestiens  de  la  Cezenne  ou  grande  prison, 
si  proche  de  la  petite,  dans  laquelle  étoient  enfermés  les  deux  Pères 
capucins,  qu'ils  entendoient  aisément  les  cris  lamentables  de  ces 
innocentes  victimes,  sans  leur  pouvoir  donner  autre  secours  que 
celuy  de  leurs  larmes  ik  de  leurs  oraisons  continuelles. 

Enfin  nostre  bon  Dieu,  qui  mortifie  &  vivifie  les  siens  selon  qu'il 
luy  plaist,  retira  ces  Chrestiens  del'ocasion  par  un  efet  de  son  amou- 
reuse miséricorde.  Il  permit  que  pour  cette  fois  ils  fussent  ramenés 
dans  la  prison,  afin  de  se  préparer  par  un  renouvellement  de  vie  à 
mieux  résister  aux  futurs  assauts  qu'ils  n'avoienl  fait  aux  passés. 

Un  mois  après,   le  2   d'avril,   le  Roy  se  trouvant  en  meilleure 


1.  Aiijourd'liui  Sainl-Gilles-sur-Vie,  avant  la  date  (octobre  162/I)  à  hiquoUe  Isaac 
petit  port  à  3^  kilomètres  au  nord  des  de  Razilly  y  vint  lui-même  pour  la  seconde 
Sables-d'Olonne.  —  Sur  Paul  Imbert,  cf.  fois.  On  verra  plus  loin  Relation  de.  Thomas 
infra.  Doc.  XLIII,  p.  324  et  Doc.  CXXIX.  Le  Gendre,  p.  708)  que  Paul  Imbert  était 
Relation  de  Thomas  Le  Gendre,  p.  708  et  allé  à  Tombouctou  avec  son  maître  le  caïd 
note  2.  Ammar.  Or  c'est  le   iS  mars  1618  que  ce 

2.  Cette  conjecture  du  P.  François  dernier,  envoyé  au  Soudan  par  Moulay 
d'.\ngers  semble  peu  fondée.  Le  capitaine  Zidàn  fit  son  entrée  à  Tombouctou.  Cf.  Es- 
Paul  Imbert  devait  se  trouver   au   Maroc  Sadi,  Tarikh  es-Soudan,  pp.  SSg-S^o. 


HISTOIRE    nF    LA     MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  I  fif) 

humeur  contre  son  ordinaire  (car  il  étoit  cruel  comme  un  autre 
Néron),  il  envoya  queiir  les  deux  Pores  capucins  a^ec  leurs  compa- 
gnons esclaves,  c'est-à-dire  ceux  de  la  petite  Cczenne.  Avant  receu 
cet  ordre,  ils  creurent  qu'on  leur  en  vouloit  autant  faire  qu'aux  pre- 
miers. C'est  pourquoy  le  R.  P.  Pierre,  avec  sa  ferveur  ordinaire, 
animé  de  son  zèle  apostolique,  s'excita,  comme  un  éléphant  à  la 
veue  de  son  sanir.  >^  les  encouragea  tous  par  un  discours  qu'il  lira 
de  S.  Paul,  qui  sentoit  desja  le  martyre. 

Ainsi  disposés,  ils  partirent  de  la  prison  avec  une  joye  incro\ahle. 
Tous  les  Chrestiens  >k  les  Mores  qui  les  virent  passer  jugèrent 
qu'en  efet  ils  aloient  à  la  boucherie.  Mais  Dieu  en  disposa  autrement, 
car  le  Rn\  les  receut  avec  un  si  gracieux  accueil  qu'ils  en  furent 
ravis  d'étoiinement.  Us  le  saluèrent  tous  avec  le  respect  deu  à  la 
majesté  d'un  grand  monarque.  Ce  prince  à  l'abord  leur  donna 
liberté  de  parler.  Il  interroga  le  II.  P.  Pierre  s'ils  avoient  receu 
des  nouvelles  de  France  &  si  on  ne  vieudroit  point  traiter  de  leur 
délivrance,  comme  on  avoit  promis.  Et  après  plusieurs  témoignages 
du  désir  qu'il  avoit  du  retour  de  ^I.  de  Razilly  ou  de  quelcpi'autrc 
ambassadeur  de  cette  qualité,  pour  terminer  le  diferenl  qui  étoit 
entre  les  deux  couronnes,  ils  confirmèrent  au  Rov  le  sujet  du  retar- 
dement dudit  sieur,  comme  il  étoit  employé  dans  l'armée  que  le  Roy 
avoit  contre  l'Espagne  ik  l'iVngleterre.  Ce  mot  d'Espagne  luy  toucha 
le  cœur  d'aise,  d'entendre  que  le  roy  de  France  faisoit  la  guerre  à 
son  ennemy.  11'  ajousta  que,  la  paix  faite,  il'  ne  manqueroit  de 
demander  congé  pour  achever  ce  traité  tk  effecluer  la  parole  qu'il 
avoit  donnée  au  feu  roy  Molezidan  son  père,  &  qu'ils  en  avoient 
receu  lettres  depuis  peu  de  jours. 

Entre  plusieurs  questions  que  ce  prince  proposa  au  R.  P.  Pierre, 
fut  si  sa  loy  permettoit  de  tuer  un  roy  tyran.  Le  Père  répondit 
quéloignée  de  ce  conseil  damnable,  par  un  sentiment  contraire, 
elle  conseilloit  de  leur  rendre  respect  &  obéissance,  non  seulement 
par  cérémonie  ou  civilité,  mais  par  devoir  ik  obligation  de  con- 
science, &  recommandoit  de  faire  des  prières  pour  eux.  Ce  prince 

I.   //.  c'est-Ji-diro  :  l'un  fins  Pères.  ■>..   II.  c'fst  à-diro  :  Razillv. 


lyo  iGaB-iOag 

témoigna  prendre  plaisir  à  ces  réponses,  &  le  présent  qu'il  leur  fit 
servit  de  preuve  à  la  satisfaction  qu'il  en  avoit  receu. 

Car  s  estant  enquis  de  leur  traitement,  après  avoir  sceu  d'eux 
l'extrême  besoin  qu'ils  enduroient  avec  celte  comjjagnée,  il  se  fit 
aporter  une  boële  pleine  de  ducats,  d'où  il  tira  jusques  à  cent,  puis 
dit  au  Père  qu'il  ouvrît  sa  main,  les  voulant  mettre  dedans.  Ce 
que  le  Père  refusa,  disant  qu'il  ne  luy  étoit  permis,  de  cjuoy  ce 
prince  fut  étonné  ;  mais  un  renégat  luy  dit  que  ces  religieux  ne 
manyoient  jamais  d'argent  &  fuyoient  les  femmes,  ce  qui  accreut 
son  étonnement,  &  avoua  cjue  les  siens  n'étoient  pas  de  même. 

Alors  le  R.  P.  Pierre,  qui  atlendoit  une  occasion  pour  parler 
de  la  religion,  prit  la  parole  &  dit  qu'aussi  n'étoient-ils  pas  reli- 
gieux ;  qu  il  n  y  avdit  qu  une  seule  &  vraye  religion,  qui  étoit  la 
Chrestienne,  Catholique,  Apostolique  &  Romaine.  Le  Roy  repartit 
qu'il  desiroit  faire  venir  un  de  ses  rabbins  pour  disputer  de  la  foy 
avec  eux.  Le  Pcre  répondit  que  cela  luy  seroit  une  faveur  singu- 
lière &  qu'd  n  avoit  point  de  désirs  plus  pressans  que  d'en  venir 
là,  en  la  présence  de  Sa  Majesté,  pour  luy  faire  connoistre  la  vérité 
de  la  foy  chrestienne,  &  s'offrit  d'entrer  dans  le  feu  pour  maintenir 
sa  créance,  qu'il  assemblât  les  plus  sçavans  de  son  royaume,  & 
Sa  Majesté  en  verroit  la  glorieuse  issue,  avantageuse  à  la  religion 
qu'ils  professoient'.  Cetteferventc  proposition  estdans  les  mémoires^ 
d  un  homme  d  honneur,  qui  lavoit  aprise  sur  les  lieux  des  esclaves 
enfermés  avec  les  Pères".  Le  Roy  ne  refusa  point  ces  offres,  il 
témoigna  de  les  agréer,  asseuranl  qu'il  y  aviseroil  :  &  cependant 
luy  fit  étendre  un  côté  de  son  manteau,  dans  lequel  il  jetta  son 
présent,  pour  aider  à  vivre  attendant  leur  rachapt  ;  commanda 
qu'on  le  remenàt  en  prison'.  Quand  à  la  dispute,  le  Roy  en  fut 
diverty  par  ceux  de  son  Conseil.  Ainsi  ces  Pères  furent  privés  de 
l'espérance  qu'ils  avoicnt  conceue  de  faire  ou  d'endurer  quelque 
chose  pour  la  gloire  de  Dieu  &  le  salut  de  ses  infidelles.  Pour 
l'argent,  ils  le  déposèrent  entre  les  mains  de  quelqu'un,  qui  le 
garda,  &  en  achetoit  ce  que  le  R.  P.  Michel  luy  ordonnoit,  selon 

1.  Qu'ils  professoient  :  cntondez  :  que  les         sont  une  des  sources  du  récit. 

PP.  capucins  professoient.  3.   Sur  cette  comparution  des  PP.  capu- 

2.  Ces  mémoires  ainsi  que  ceux  cités  cins devant  Moulay  Abdel-Malck,  cf.  infra, 
plusieurs  fois  par  le  P.  François  d'Angers        Doc.  L,  p.  38o. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.    CAPUCINS    AL    MAROC  1~I 

le  besoin  de  fous  leurs  compagnons  en  gênerai,  &  en  particulier 
de  ceux  qui  étoient  en  plus  grande  nécessité. 

La  condition  de  1" homme  est  étrange,  qui  rend  les  roys  sujets  à 
des  ibiblesses,  aussi  bien  que  les  moindres  :  en  voicy  une  bien 
sensible.  Ce  prince  étoit  fort  yvrongne',  &,  dans  son  yvresse,  il 
commettoit  des  cruautés  de  foute  sorte,  dont  il  étoit  déplaisant 
après  le  mal  passé.  Une  nuict,  en  ce  honteux  étal,  il  sortit  de  son 
palais,  suivi  de  quelques  renégats,  compagnons  ordinaires  de  ses 
dél)auches,  il  s'en  alla  à  Ihostel  de  l'un  de  ses  parents,  &  l'ayant 
fait  appellcr,  il  le  tua  de  sang-froid,  le  laissa  ainsi  étendu  mort  sur 
le  seuil  de  la  poI■te^  puis  se  rendit  à  la  prison  des  Pères,  les  fit 
appeller  pour  leur  en  faire  autant,  comme  il  est  à  croire;  mais  le 
concierge,  voyant  le  Roy  en  si  mauvais  état,  craignant  plus  son 
propre  péril  que  celuy  des  bons  religieux,  ne  répondit  point.  tS:  le 
Roy,  contre  son  humeur  ordinaiic,  qui  le  rendoit  opiniâtre  à  tout 
ce  qu'il  entreprenoit,  changea  d'opinion  en  un  instant  &  s'en 
retourna  sans  répliquer.  Ce  fut  un  ciel  de  la  divine  Providence, 
qui  ne  permit  pas  que  ces  bons  Pères  mourussent  encor,  leur  pré- 
sence étant  nécessaire  pour  le  maintien  des  esclaves. 

La  bonne  odeur  de  leur  vie  n'étoit  pas  seulement  ressentie  des 
Chrestiens,  mais,  comme  d'un  baume  précieux,  elles  étenditjusques 
entre  ces  Barbares,  qui,  en  leurs  plus  grandes  aflictions  &  autres 
nécessités,  se  faisoient  recommandei-  à  leurs  prières,  la  mère 
inesme  de  celuy  qui  succéda  à  Al)delmclech  ;  vray  est  qu'elle 
avoit  connoissance  de  nostre  religion,  étant  l'une  des  Morisques 
chassées  d'Espagne  ^ 

Sans  faire  de  reflection  sur  la  honte  i!v;  le  blâme  que  meritoit  ce 
prince  pour  ses  débauches  excessives  (aussi  n'est-ce  pas  mon 
dessein),  je  dire  que  c'étoit  grand  dommage  qu'il  fût  sujet  à  ce 
défaut.  Il  avoit  une  haute  estime  de  Louys  le  Juste,  tant  pour  sa 
pieté  que  pour  sa  valeur,  &  par  inclination  il  le  prefeioit  à  tous 
les  monarques  de  l'Europe.    Aussi    éloit-il  vaillant,    généreux   & 


I.   ((  Ce  prince  faisait  abus  des  liqueurs  Moul.nv  el-Oualid,  le  successeur  de  Moulav 

fermcnlécs.  »  El-Oufkàni,  p.  4o5.  .Midel-Malek,  est  montionnéecgalemeulpar 

•X.   Sur  ce  meurtre,  cf.  p.  382.  .lolui  Harrisou.    V.    /'''Série,    .\npleterre, 

3.   Cette  origine  morisque  de  la  mi're  de  Hclation  t/c  .Inlui  llarriann,  !.')  juillet  iG3i. 


172  I620-I629 

redouté  par  loule  la  côte  de  Barbarie.  11  Icnoit  lors  la  campagne 
pour  empêcher  les  soulèvements  &  les  révoltes  des  mutins. 

Le  cinquième  may,  un  vaisseau  de  Maiseille  partit  du  port'.  Ce 
fut  la  première  ocasion  qui  se  présenta  après  ces  bonnes  &  mau- 
vaises avanlures.  Les  Pères  s'en  seivirent  pour  donner  les  avis 
nécessaires  au  R.  P.  Joseph,  afin  de  l'obliger  à  redoubler  ses 
soins,  pour  voir  enfin  l'efet  achevé  de  la  négociation  commencée, 
l'asseurant  de  la  bonne  volonté  du  Roy  par  les  efets  susdits,  &  que 
Dieu  leur  avoit  envoyé  ce  secours"  par  une  espèce  de  miracle,  étant 
tous  à  l'extrémité. 

Il  est  vrav  que  cet  aide  leur  servit  à  tous,  non  pas  pour  remé- 
dier à  la  misère,  puisque  ce  n'en  fut  qu  une  étendue;  toutesfois 
ces  pauvres  captifs  en  receurent  quelque  respit,  pour  attendre  avec 
moins  d'inquiétude  ik  plus  de  tianquillilé  d'estre  redimés  de  cette 
vexation.  Et  à  vray  dire,  il  étoit  bien  à  craindre  qu'après  ce  calme, 
car  l'accident  de  la  nuicl  ne  lavoit  qu'interrompu,  le  Roy  n'excitât 
en  efet  un  furieux  orage  (on  sçait  assés  qu'une  patience  irritée  se 
change  en  fureur)  si  l'année  se  passoit  sans  que  l'on  efectuàt  une 
chose  tant  de  fois  promise  &  si  longtemps  attendue. 

La  nature  en  ces  pauvres  captifs,  afoiblie  de  tant  de  peines,  ne 
put  plus  résister,  elle  succomba  enfin  aux  mauvaises  humeurs 
amassées  de  si  longtemps,  qui,  fortifiées  de  la  corruption  de  l'air, 
firent  une  révolte  entre  elles.  En  un  mot  la  maladie  se  mit  dans 
ce  petit  troupeau,  qui  augmenta  leurs  autres  incommodités.  Il  en 
mourut  quatre,  entre  lesquels  étoit  le  sieur  d'Aunay,  de  Paris;  & 
une  partie  de  ceux  qui  restèrent  fut  aussi  malade,  ce  qui  servoit  de 
nouvel  exercice  à  la  charité  6:  à  la  patience  de  ces  Pères.  Mais  le 
pis  est  que  les  esclaves  de  la  grande  Cezenne  n'avoient  pas  moins 
besoin  de  leur  secours  que  ceux-cy,  &  n'en  pouvoient  recevoir, 
n'étant  permis  aux  Pères  de  les  visiter,  sinon  rarement,  &  encor 
avec  de  l'argent.  Aussi  étoient-ils  tellement  désespérés  qu'il  n  y 
avoit  aucune  raison  capable  de  les  remettre.  C'étoit  pitié  de  con- 
noître  en  dettail  leurs  misères.  Ces  Pères  ne  les  osoient  exprimer 
dans  leurs  lettres,  ci-ainte  qu'on  ne  les  crût  exaggerées. 


I.    Du  pnri,  du  port  do  Safi.  venait  do  leur  donner  Moulav  Abdel-Mulck. 

t.   Il   s'agit  du  secours   en  argent    que        V.  supra,  p.  l'jo. 


HISTOIUE    DE    LA    MISSION     DES    PP.     CAPLCINS    AU    MAKOC  I  ^3 

Au  commencement  du  mois  d'aousl,  en  la  saison  plus  échaufée 
de  1  an,  la  colère  du  loy  de  Maroque  commença  d'être  émeue, 
portant  avec  grande  impatience  le  retardement  qu'on  causoit  à  sa 
satisfaction.  Il  résolut  de  faire  Mores  tous  les  Chresliens  captifs  ou 
de  les  faire  mourir.  Voilà  enfin  l'heure  funeste  de  leur  attente  :  je 
laisse  à  penser  si  cette  nouvelle  fut  agréable  à  ces  deux  véritables 
serviteurs  de  Dieu  &  à  ceux  qui  avoient  juré  de  mourir  avec  eux 
pour  le  soutien  de  la  cause  de  Dieu  en  leur  crovance,  >k  combien 
elle  alligea  ceux  qui  cherchoient  toutes  les  (jcasions  pour  sortir  de 
leur  misérable  captivité.  ÎNeanmoins,  les  uns  &  les  autres  furent 
trompés,  ce  dessein  ne  réussit  pas  pour  lors,  le  Roy  étant  contraint 
de  retourner  promptement  à  son  armée  &  presque  au  même  temps 
qu'il  eut  conceu  cette  resolution.  Ces  ehangemensles  faisoient  tou- 
jours tenir  en  cette  attente,  n'y  ayant  de  loy  en  ce  pays  que  la 
volonté  du  prince.  Jamais  aucun  des  siens,  pour  favori  qu'il  soit, 
n'a  assés  de  hardiesse  pour  luy  contredire. 

En  ce  temps  un  Chrestien.  désespéré  de  se  voir  si  longtemps 
captif,  proposa  de  faire  enfin  banqueroute  à  Dieu  par  celle  de  sa 
créance,  pensant  treuver  plus  de  plaisir  &  d'utilité  en  la  secte  de 
Mahomet  qu'en  la  vraye  religion,  dans  laquelle  il  avoit  été  élevé. 
Dieu,  qui  veille  au  salut  des  âmes,  t.V  qui  n'en  soufre  la  perle  sans 
regret  >S:  tâche  de  les  ramener  dans  le  droit  chemin  de  la  pénitence, 
permit  que  cette  lâcheté  fût  connue  du  R.  P.  Pierre.  Comme  il 
étoit  prudent,  il  se  servit  d'une  grande  adresse  pour  anéantir  le 
dessem  pernicieux  de  ce  misérable.  Mais,  au  lieu  de  tirer  avantage 
des  sainctes  inventions  de  ce  bon  Père,  comme  laraignée  convertit 
tout  ce  quelle  mange  en  venin,  il  se  laissa  de  sorte  posséder  à  la 
rage  qu'il  chercha  le  moyen  de  le  faire  mourir:  «  Ta  demeure  est 
au  milieu  de  la  tromperie,  ils  ont  parfraude  refusé  de  meconnoître'.  » 
C'est  le  leproche  de  Dieu  aux  mauvais,  comme  étoit  celuy  duquel 
nous  parlons.  Ce  que  j'avoue  de  plus  étrange  fut  qu'il  inventa  des 
impostures  exécrables  contre  luy  afin  de  pouvoir  achever  son 
malheureux  projet  avec  plus  de  liberté. 

L'exécution  de  ce  mauvais   {)rojet  luy    étoit   d  autant  plus  aisée 
I.  JùnJmic.  IX,  6. 


qu'étoit  grande  sa  fnalIr;o,  aidée  de  ce  qu'en  ce  païs  il  n'y  a  point 
de  justice  pour  examiner  avec  forme  la  vérité  &  la  séparer  du  men- 
songe. Le  prernifîi'  qui  se  pleint  gagne  sa  cause,  &  ainsi  l'acusé  est 
condamné  sans  autre  preuve,  coupable  ou  non.  Dieu,  qui  est  pro- 
tecteur fiflel  de  l'innorent,  conserva  celle  de  ce  lion  Père,  que  l'on 
pretiii<loit  injuslenient  (jpiimer,  en  celuy  qui  s'engageoit  si  avant 
dans  les  intérêts  de  sa  gloire,  par  un  elfil  illustre  du  ressort  de  sa 
puissance,  comme  i}i\  ouvrage  digne  de  sa  droite.  Sur  ce  point  que 
ce  mauvais  homme  devoil  donner  l'éclat  à  sa  ('(juspiralion,  iJieu 
ouvrit  les  yeux  de  son  âme  à  ce  qu'à  la  faveur  de  sa  lumière  il 
reconnût  sa  faute,  &  à  môme  frappa  son  cœur  de  regret  de  l'avoir 
jamais  conceue,  &  ce  coup  fit  sortir  des  larmes  de  ses  yeux. 

Quoyque  je  n'aye  produit  (|ij'ijri  exemple  qui  touche  seulement 
le  l'i.  I*.  Pierre,  si  est-ce  que  mes  mémoires  disent  en  gênerai  qu'en 
d'autres  occasions  tous  deux  ensemhle  ont  soudert  des  maux 
extrêmes  par  la  malice  des  hommes  &  l'invention  du  diable. 

Ainsi  afermis,  ils  ne  craignoient  pas  les  orages  (pji  cho(pjoient 
leurs  interests.  mais  leur  [)lus  sensible  déplaisir  éloit  le  péril  eminent 
de  l'apostasie  des  Chresticins,  &  entr'aulres  <les  François,  descpjcls 
quantité,  mesrnc  de  1  équipage  de  M.  le  Commandeur,  se  rendirent 
enfin  Mores,  à  la  moindre  semonce  ipj  on  Ir-iir  en  (it  de  i;i  part  du 
Itoy.  Voilà  qu'il  l(!ur  ariva  ce  qu'ils  craignoient  tant;  c  est  le  peu 
d'assurance  qu'il  y  a  aux  paroles  des  hommes;  c'est  la  faiblesse  de 
leur  esjirit  tSc  jusques  où  va  l'excès  de  leur  amour-propre.  Je  ne 
puis  mieux  donner  à  connoislrele  zèle,  à  ce  propos,  decesexcellen» 
religieux  que  jjar  eux-mêmes.  Et,  si  j'^  m;  le  |)roduis  pas  autantde 
fois  que)  en  rene(jntre  les  éclats,  au  moins  je  le  dorme  à  reprises, 
à  mesure  que  les  nouveaux  sujets  m  y  engagent. 

J'ai  rencontré  une  lettre  du  aO  d'aoust  de  celte  année,  qu  II 
[le  l'i  !',  Pierre]  écrivoit  à  monsieur  le  Chevalier,  dans  laquelle 
il  prédit  sa  mort  prochaine  en  termes  exprès,  l'asseuranl  que  l'hyvcr 
suivant  ne  passera  pas  qu'il  ne  meure  avec  ses  compagnons,  &  dit 
que  si  quelqu'un  rechape,  cpie  ce  sera  par  une  fort  spécial*;  provi- 
dence de  Dieu,  comme  de  vray  il  est  arrivé,  &  semble  que  Dieu  n'en 


HISTOIIIK    Di:    LA     MISSIOA-    DES    I>P.     CAPl  CI>S    Al     MAltOC  I -,( 

ail  conservé  ce  peu,  sinon  pour  faire  connoîlre  la  vertu  exceUenlede 
ces  nouveaux  aposlrcs  d'Afrique. 


I.e  rov  de  Maroque,  lassé  de  tant  de  remises  \  de  promesses 
saiisefet,  quinavoil  même  receu  iellrcsny  du  Hoy,  ny  de  monsieur 
le  Chevalier,  sinon  celle  qui  ariva  pendant  la  maladie  mortelle  du 
]\o\  son  père',  ik  lacpiellc  par  malheur  fut  inutile  à  cause  de  celte 
mort,  iS:  qu  à  son  avènement  à  la  couronne  il  eut  des  afairesqui  luv 
en  emprcherenl  le  souveiiir:  de  sorte  que  ce  jeune  prince,  plein 
d  honneur  A;  de  courage,  creut  <pie  les  espérances  dcscpjeiles  ces 
hons  l'eres  l'avoientenlrelenu  si  longtemps  choquoient  lun  «Se  l'autre, 
et  dans  ce  sentiment  il  protesta  à  l'un  de  ses  mignons  qu'il  en 
vouloil  voir  une  fin.  faisant  tous  les  Chre^tiens  Mores. 

Il  est  certain  qu'il  n  y  eût  pas  eu  grand  peine  en  plu.sieurs,  les- 
quels y  avaient  de  la  disposition,  lassés  d'attendre  une  liherté  ima- 
ginaire, croyant  la  rendre  veritahie  par  ce  moyen.  Beaucoup  d'entre 
eux,  picqués  contre  ces  pauvres  Pères,  nienassoient  de  les  perdre 
en  les  envelojiani  dedans  leur  propre  ruine. 

Mais  ces  deux  esprits  généreux  s'afermissoieni  dans  les  épreuves. 
Leur  patience  a  plus  paru  dans  les  rencontres  qui  l'ont  voulu  ahatre, 
A;  l'ingratitude  a  fait  redouhler  leurs  services;  plus  ils  ont  reconnu 
de  foihiesse  dans  la  vertu,  il>  ont  d'avantage  travaillé  pour  la  forti- 
fier, ils  ont  vaincu  la  malice  fiar  leur  fermdi' :  \  iciir-  soin^  cii  ont 
éludé  les  artifico. 

Ils  ne  les  épargnèrent  pas  pour  surprendre  les  lettres  que  quelques 
ca|>tifs  ('crivoieiil  pour  se  déclarer  Mores.  \  empèchoient  par  leurs 
amis  que  le  Ho\  n  en  eût  la  cofmois.sance.  Ce  qui  en  efet  leur  réussit 
avec  grand  heur  plusieurs  fois.  Dieu  henissant  leur  dessein  qui 
n  a\oil  pour  ohjet  d'autre  principe  sinon  lâchante.  Ce  qu'ils  eussent 
loujf)urs  continué,  si  le  Roy.  de  son  mouvement,  ne  se  fût  avisé  de 
mander  les  captifs  l'un  aprfcs  l'autre;  ce  qui  fit  résoudre  ces  hons 
Père»  à  lever  les  veux  \  les  mains  au  ciel,  par  continuelles  «.V;  fer- 
ventes oraisons,  pour  recommander  à  Dieu  la  nécessité  qui  étoit 

I     V.  {>.  iCi  cl  iiulo  I. 


I-fi  I625-I629 

présente  &  pressante  de  tant  d'àmes  en  péril  d'un  naufrage  éternel. 

Ce  n'est  pas  sans  sujet,  comme  on  peut  connoitre,  qu'ils  avoient 
tant  solicité  pour  l'envoy  de  M.  le  Commandeur  ou  de  quelque 
autre,  ou  à  tout  le  moins  d'une  lettre  de  Sa  Majesté  en  faveur  des 
Chrestiens.  Car,  outre  les  dispositions  qu'ils  remarquoient  en  ce 
prince,  qui  eussent  rendu  le  traité  de  paix  plus  facile,  les  misères  se 
multiplioient  en  ces  pauvres  captifs.  Et  pource  que  les  habitans  de 
ces  côtes  les  crevn-ent  estre  abandonnés  de  tout  secours,  chacun  se 
retira  d'eux,  &les  marchands  chrestiens,  qui  quelquefois  les  avoient 
aidés,  refusèrent  depuis  de  les  secourir.  Les  Percs  mêmes  &  les 
gentilhommes  qui  restoient perdirent  leur  crédit;  on  ne  leur  voulut 
plus  rien  avancer,  voyant  leur  liberté  désespérée,  aussi  bien  que  le 
retour  de  monsieur  le  Chevalier.  Ceux  qui  étoient  en  avance  ne 
pouvoient  estre  remboursés,  &  ces  plaintes  rctenoient  les  autres  de 
s'y  engager.  Et  pource  que  les  Pères  ne  recevoient  aucune  nouvelle 
de  France,  que  l'on  sçavoit  là  estre  en  guerre,  ils  la  jugeoient  en 
mauvais  état,  veu  qu'on  n'en  mandoit  rien,  croyant  bien  asseure- 
ment  que  la  jjrosperité  eût  été  publiée. 

Le  roy  de  Maroque  étoit,  ce  mois  d'aoust.  en  la  campagne  vers 
Saphy,  près  l'isle  de  Mongador,  en  dessein  d'y  faire  un  port  qu'il 
pretendoit  fortifier.  On  tira  trente  Chrestiens  de  la  Cezenne  pour 
les  y  conduire,  afin  d'y  travailler.  Ces  pieux  Pères  apiehendoient 
bien  fort  qu'au  retour  de  là  il  n'execulât  sur  les  Chrestiens  ce  que 
les  ocasions  pressantes  de  son  Estât  l'avoient  obligé  de  diferer.  Il 
est  vray  que  si  M.  le  Commandeur  fût  lors  arivéà  cette  côte,  tandis 
que  le  Roy  étoit  si  proche  de  la  mer,  il  eût  encor  remporté  une 
heureuse  &  prompte  issue  de  son  traité. 

Les  frères  de  ce  prince  avec  les  méconlans  pensoient  à  son  nou- 
vel avènement  luy  donner  de  la  peine,  mais  il  les  rengea  &  se  fit 
rendre  obéissance  de  tousses  sujets,  ce  qui  leur  imprima  le  respect 
&  la  crainte,  de  sorte  qu'il  étoit  redoutable  par  tout  son  royaume 
&  regnoit  en  grande  paix  avec  beaucoup  de  douceur.  Il  étoit  fort 
civil,  qui  ne  vouloit  estre  vaincu  par  courtoisie'.  Aussi  est-ce  le  sujet 

I.  Ces  détails  sur  le  caractère  de  Woiiloy  contraires  aux  portraits  que  les  liisloriens 
Abd  el-Malok  ben  Zidùu  sont  absolument        ont  tracé  de  ce  prince.  Ils  sont  d'ailleurs  en 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  l'y 

que  les  Pères  avoient  de  faire  instance  pour  obtenir  une  lettre  de  Sa 
Majesté  Très-Chrestienne. 

Une  puissance  irritée  est  redoutable.  Les  rois  sont  comme  les 
foudres  qui  n'employent  leurs  efforts  que  contre  les  corps  qui  leur 
font  de  la  résistance  et  se  contentent  de  toucher  ceux  qui  fléchis- 
sent sous  leur  pouvoir.  Ainsi  Esther  baise  lextremité  du  sceptre 
d'Assuerus. 

Ce  monarque  afi  icain  fit  avouer  cette  première  vérité.  Car  enfin 
sa  patience  lassée  par  quatre  aimées,  croyant  que  son  honneur  étoit 
blessé  par  un  manque  notable  <k  public  de  parole,  résolut,  au 
retour  de  ce  voyage,  de  faire,  comme  jay  dit,  tous  les  Chrestiens 
esclaves  mores  ou  de  les  faire  cruellement  mourir.  De  quoy  les 
Pères  furent  avertis. 

Si  ces  nouvelles  leur  touchèrent  encor  le  cœur  d'allégresse,  je  le 
laisse  à  penser. 

Ils  jugèrent  qu'il  étoit  à  propos  de  taire  passer  la  mer  à  leur  joye, 
donnant  avis  du  sujet  qu'ils  en  avoient,  premièrement  au  R.  P. 
Joseph,  qui  les  avoit  envoyés,  en  qualité  de  Commissaire  Apostolique 
des  Missions  Etrangères,  ce  qu'ils  firent  par  une  lettre  du  3  octobre  ', 
quatre  ans  après  leur  arrivée  en  ce  païs-là.  Elle  est  signée  des  deux 
PP.,  ce  qu'ils  n'avoient  encor  faict.  Ce  qui  étoit  un  présage  de 
leur  prochaine  union  dans  le  Ciel.  J'en  propose  la  copie  toute 
entière,  rpie  jay  prise  dans  l'original,  comme  jay  fait  des  autres. 


Lettre  des    IM*.    IMkhue   d'Alen(;o.\   et  Michel  de   Vezins 
AU  p.  Joseph. 

Aucune  inlcrvcntiim  de  lu  Fninrc  ne  s'étanl  pruilnile.  les  ntniheurs  préi'us 
sont  .sur  le  point  d'orrircr.  —  Ils   ont  été  prérenus  tpte  le  dliérif  allait 

COI  itrailic  lion  avec  ce  qu'a  l'crltlel*.  l''raii(,"ols  nt's  ici  par  le  I'.  l'Vançois  (l'Angers  sont  lires 

dWiigcrs  ci-dessus  (p.   ifig),  déclarant  (]uc  d'une  letlre  d'un  l^ére  capucin  de  la  mission, 

Moulay  .\bd  oI-Malck  «  étoit  cruel  comme  lequel   sachant  cpie  ce  qu'il  écrivait  serait 

un  autre  Néron».  —  John  Harrison  raconte  lu  au  maklizen  se  sera  montré  prodigue  de 

q\i'ou  l'appelait  «  tlie  mad  king  »  (^i''' Série,  louanges  envers  le  Chérif. 

Angleterre, /fc/n(ion»/t'./. //«rr/son.  8octol)re  i.    I^a    date   donnée    plus    bas    (p.    i-ij) 

iCi'io). —  Il  est  probable  que  les  détails  ilon-  dans  la  copie  de  la  letlre  porto  :  ô  octobre. 

De  Castkies.  111.  — •  12 


1^8  ifi25-i6a9 

les  condamner  i)  mourir  ou  à  renier  leur  foi.  —  Ils  se  préparent  nu 
martyre  et  font  leurs  adieux  au  P.  Joseph.  —  S'ils  viennent  à  mourir 
il  ne  faudra  pas  pour  cela  négliger  le  rachat  des  autres  captifs 
Français. 

Merrakcch,  5  octobre-  1G28. 

^lon  R.  &  Très-Magnanime  P. 

Je  regrette  en  mon  cœur  de  vous  importuner  par  tant  de  lettres, 
&  sans  mentir,  si  la  nécessité  ne  forçoit  la  loy  en  ce  j5oint,  je  ne 
consentirois  pas  à  cette  importunité.  Nous  sommes  travaillés  plus 
que  jamais,  v^  certes,  si  nous  voulions  croire  nos  sens,  il  nous  en- 
nuyeroit  de  vivie.  Les  malheurs  que  j'ay  preveu  de  si  longtemps 
&  contre  lesquels  j'ay  tant  de  fois  invoqué  en  vain  le  secours  de  la 
France,  sont  enfin  loml)és  dessus  nos  testes.  Le  lion  est  entré  dans 
nostre  bercail,  il  déchire  cruellement  les  âmes,  rien  ne  s'oppose  à 
sa  violence,  la  foiblesse  des  Chrestiens  cède  à  la  moindre  menace, 
on  ne  voit  que  regrets.  Au  moins,  si  nous  pouvions  voir  en  face 
cette  besle  sauvage,  peut-estre  dompterions-nous  sa  fureur,  par  le 
pouvoir  de  la  divine  raison,  ou  par  la  magnanime  efusion  de  nostre 
sang.  Mais  hélas!  nous  sommes  arrestés  dans  une  étroite  prison, 
d'où  l'on  ne  peut  entendre  nos  soupirs  6:  nos  cris.  Nos  écrits  ne 
peuvent  rien  répliquer  à  la  terreur  des  tourmens  presens,  il  seroit 
besoin  danimei-  ces  petits  courages  par  nostre  exemple,  ou  au  moins 
par  nostre  vive  voix  ;  mais  les  jugemens  de  Dieu  qui  nous  tiennent 
si  serrés  dans  nos  liens  ne  nous  ont  pas  permis  jusques  icy  de 
pouvoir  satisfaire  selon  nos  désirs  ny  à  1  un  ny  à  l'autre.  J'espère 
néanmoins  que  bientôt  nous  accomplirons  tous  les  deux,  étant  ja 
condamnés,  ce  dit-on,  à  mourir  ou  à  renier  la  foy.  tSt  quelques 
uns  de  nos  compagnons  qui  servent  le  Roy  en  son  armée  nous  ont 
mandé  que  cela  est  arcsté.  &  que  nous  préparions  les  courages  de 
ceux  qui  sont  avec  nous,  pour  soutenir  vaillamment  un  si  grand 
assaut.  Grâces  à  Dieu,  cet  arrest  a  redoublé  à  l'infiny  l'ardeur  des 
désirs  que  nous  avons  toujours  eu  de  sacrifier  nostre  sang  à  Jesus- 

Christ,  nostre  très-aimé  &  honoré  Seigneur Quelque  nombre 

de  captifs  qui  vivent  avec  nous  participent  à  celte  joye. 

Quant  au  reste,  je  ne  sçaurois  (jue  \ous  du'c  pour  ce  qui  louche 


HIST01HE     DE     LA     ^IISSION     DES    PP.     CAPUCINS     AU    M  VMOC  l'Q 

les  inoNCiis  que  Ion  doit  tenir  en  Fiance  pour  nostre  libellé.  Car 
vous  convier  à  la  prompte  exécution  des  promesses  déjà  faites  & 
renouvellées  chaque  année,  peut-estre  seroit-ce  chose  inutile  après 
nostre  mort  ;  vous  dissuader  aussi  absolument  de  vous  employer 
davantage  à  nos  libertés,  peut-estre  seroit-ce  contre  la  prudence, 
ne  sçachant  pas  si  la  Providence  de  Dieu  dissipera  encore  cette 
fois  limpatience  &  la  fureur  du  roy  de  Maroque,  pour  nous  reserver 
à  d'autres  ocasions  pour  son  service,  joint  aussi  qu'encor  que  fussions 
morts,  il  restera  toujours  beaucoup  d'autres  pauvres  François  à 
qui  on  fera  une  insigne  charité  de  procurer  leur  liberté  par  la  paix. 
Faites  donc  en  cela  tout  ce  que  le  Sainct  Esprit  vous  inspirera. 

Je    SUIS    pour    jamais.    Mon    U.    i'.,     vos    très-humbles    tk 

obeissans  serviteurs  en  Nostre  Seigneur, 

F.  Pierre  d'Alençon,  cap.  ind. 
&  F.  Michel  de  Vezins,  cap.  ind. 

De  Maroque,  ce  5.  octobre  1628. 


LeR.  P.  Pierre  écrivit  une  lettre  pour  son  particulier  au  R.  P. 
René  d'Angers,  qui  avoit  été  plusieurs  années  son  Gardien,  en  qui 
il  avoit  une  singulière  confiance,  aussi  étoit-cc  un  fort  excellent 
religieux,  &  d'une  rare  pieté'. 

Il  eu  d;illc  une  de  deux  jours  après  à  monsieur  le  chevalier  de 
Razilly,  pour  luy  faire  aussi  son  adieu.  U  l'asseure  que  sa  joye  est 
redoublée  par  le  courage  que  Dieu  avoit  donné  au  neveu  de  ce  bon 
seigneur'   ik  aux  autres  gentilhommes  qui  restoient  encor  en  vie 

1.  Cette  lettre,  toute  d'édification,  est  tesse  de  Soissons,  les  Etats-Généraux  des 
sans  intérêt  pour  l'histoire  du  Maroc.  Provinces-Unies    avaient  écrit    à    Moulay 

2.  Gabriel  de  Ra/illy,  lils  de  François  Zidàn  pour  intercéder  en  faveur  du  prison- 
de  Razilly  et  de  Marguerite  de  (llerinont,  nier  et  demander  son  élargissement.  V. 
né  vers  i6o.5.  Il  servait  comme  officier  flans  supru.  Doc.  XXVI,  p.  laGet  i'^'^  Série,  Pays- 
l'escadrede  son  oncle  Isaac  de  Razilly,  lors  Bas,  t.  III,  à  la  date  du  7  octobre  1627. 
de  sa  mission  au  Maroc  en  162/1.  Il  fut  Gabriel  de  Razilly  mourut  de  la  peste  à 
retenu  en  captivité  avec  les  PP.  capucins  Merrakech  à  la  fin  de  mars  1629.  V.  Gé- 
et  l'escorte  qui  était  descendue  a  terre  à  néatoyie  de  la  famille  de  RasUly.  pp.  288, 
Safi.    \  la  requête  du  comte  et  do  la  rom-  .Hi.T  et  inj'ra.  pp.  IiS3,  312,  2l5. 


i8o  i(')25-i629 

dans  la  même  prison,  qui  protestèrent  ne  rien  faiie  indigne  de  leur 
sang  &  de  leur  créance,  embrazés  qu'ils  étoicnt  du  désir  de  soufrir 
le  martyre,  &  promet  qu'avec  l'aide  de  Dieu  leurs  efets  ne  démen- 
tiront jjoint  leuis  resolutions  magnanimes.  Ce  sont  les  fruits  des 
labeurs  &  des  exemples  de  ces  deux  excellens  leligieux,  car  celte 
jeunesse  ne  s'éloit  pas  embarquée  à  ce  dessein.  Mais  il  n'apartient 
qu'à  Dieu  à  changer  les  cœurs  &  employer  en  d'illustres  usages  les 
vaisseaux  destinés  aux  prophanes. 

Tandis  que  ces  deux  braves  champions  de  Jesus-Christ  se  pre- 
paroient,   pour  se    rendre   dignes  du    bonheur  auquel  ils    s'attcn- 

doient ,  Dieu,  qui  les  reservoit   à  une  autre  sorte  de  martyre, 

permit  que  le  roy  de  Maroque  n'exécutât  pas  sa  resolution,  outre 
qu'il  n'en  eût  pas  été  le  temps  commode,  car  étant  loujour-s  em- 
pesché  à  son  dessein  de  Sapliy,  il  ne  i-elourna  à  Maroque  sinon 
au  commencement  de  l'année  suivante,  &  Dieu  retira  ces  deux 
seraphiques  Pères,  ainsi  que  nous  dirons,  au  mois  de  mars. 

En  décembre  de  cette  année,  ils  receurent  des  nouvelles  de 
France  par  une  lettre  du  R.  P.  Joseph  &  ime  de  monsieur  le 
Chevalier,  &  dans  ce  pacquet  il  y  avoit  une  dépesclie  de  ce  seigneur 
au  roy  de  Maroque  :  à  l'ouverture  du  pacquet,  ils  jugèrent  le 
retardement  de  leur  couronne.  Ces  lettres  furent  longtemps  avant 
d'ariver  :  elles  étoient  du  mois  d'avril  &  de  may  :  tJc  [ils]  rendirent 
leurs  compagnons  esclaves  participans  de  ces  bonnes  nouvelles,  À: 
les  envoyèrent  avec  la  dépesche  de  monsieur  le  Commandeur  à  Sa 
Majesté  à  Saphy,  par  un  exprès,  &  y  en  joignirent  une  de  leur 
part.  Le  Roy  commanda  à  son  interprète  de  les  translater  toutes 
afin  de  les  considérer.  Le  R.  P.  Joseph  écrivoit  aux  marchans  de 
Mazagan  afin  de  les  disposer  pour  servir  fidèlement  au  rachapt 
des  cajîtifs,  si  d'aventure  il  arivoit  qu'on  fùl  obligé  de  les  y 
employer. 

1629'. 
Je  n'ay  rien   tieuvé   qui  fût  asseuré  de  ce  que  produisirent  ces 

I.   Cette  date  est  placée  en  marge  dans  l'édition  princeps. 


HISTOIRE    DE     LA    MISSION     PES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  l8l 

lettres  en  lesprit  du  roy  barbare  &  en  conséquence  quel  soulage- 
ment les  esclaves  en  receurent.  Je  n'ay  aussi  pu  sçavoir  quand  ce 
rov  lefourna  de  son  voyage,  ny  rien  apprendre  de  la  peste  qui  se 
rendit  cette  année  universelle  dans  tout  ce  royaume,  quoy  que 
j'aye  deux  lettres  de  ces  Pères  du  26  décembre,  qui  asseuroicnl 
seulement  le  R.  P.  Joseph  &  monsieur  le  Commandeur  de  la 
réception  de  la  dernière  dépesclie.  Par  icelles  je  suis  certain  que 
le  Roy  étoit  encor  près  de  Saphy  &  que  la  peste  n'éloit  pas  dans 
leur  prison. 

Mais  par  des  conjectures  que  je  tire  des  mémoires  &  des  circon- 
stances de  leur  mort,  il  faut  croire  que  le  Roy  se  rendit  à  Maroque 
au  mois  de  janvier,  ou  du  moins  à  la  fin  de  février,  ik  qu'à  son 
arivée,  son  esprit  étant  adouci  par  l'espérance  dune  paix  future, 
que  ces  lettres  luy  promettoient  en  bref,  il  donna  un  peu  plus  de 
liberté  à  ces  Pères.  Ou  bien  il  faut  juger  que,  la  peste  étant  géné- 
rale, les  esclaves  de  la  grande  Cezenne  demandèrent  ou  achetèrent 
la  liberté  de  pouvoir  estre  secourus  dans  le  péril  de  la  mort  où  ils 
étoient  tous  réduits;  parce  que  toutes  les  relations  que  j'ay  de 
diverses  personnes  en  différents  voyages  asseureut  qu'ils  moururent 
de  peste,  que  le  R.  P.  Pierre  prit  le  premier,  assistant  un  Portu- 
gais esclave,  qui  en  étoit  malade.  Et  il  est  certain  qu'il  n'y  avoit 
dans  leur  prison  que  des  François  de  l'équipage  de  monsieur  le 
(Commandeur  —  &  encore  en  étoicnt-ils  séparés  —  avec  les  gentil- 
hommes  qui  avoient  suivi  ce  généreux  chevalier.  Ce  fut  donc  dans 
la  grande  Cezenne,  où  en  efet  la  peste  étoit  furieuse,  parmy  ces 
captifs  de  diferentes  nations,  où  le  P.  Pierre  fut  frappé  de  ce  mal, 
en  les  assistant,  comme  assurent  nos  mémoires. 

La  peste  suit  de  fort  près  la  famine,  aussi  ne  se  faut-il  pas 
étonner  si  elle  parut  dans  ce  royaume,  où  la  faim  depuis  deux  ou 
trois  ans  coupoit  tous  les  jours  la  goi'ge  à  plusieurs  personnes.  Elle 
y  fut  de  vray  si  furieuse  quelle  fit  mourir  en  un  mois  ])\ufi  de 
cent  mil  Arabes,  selon  une  relation,  &  une  autre  en  compte  jusques 
à  cent  soixante  mil  &  plus  en  un  an,  qui  sont  de  grands  nombres 
pour  peu  de  temps  &  en  petit  espace,  sans  parler  de  ceux  qu'elle 
avoit  chassés.  Et  après  qui  s'étonnera  de  la  sçavoir  dans  une  prison. 
011  environ  douze  ou  quinze  cens  esclaves  chrestiens  languissoient 
de  faim,  accablés  de  tant  d'autres  misères  que  la  moindre  pouvoit 


iSa  1626-1629 

alirer  la  peste,  qui  prit  enfin  possession  au  commencement  de  cette 
année  de  la  grande  Cézanne,  &  de  prison  de  captifs  la  changea  en 
hospital  de  pestiférés? 

En  cette  calamité  publique,  la  cliarité  de  ces  bons  Pères  leur 
ouvrit  le  cœur,  pour  voir  que  Dieu  leur  proposoit  un  autre  moyen 
pour  estre  martyrizés  que  celuy  d'un  bourreau.  Ils  s'engagèrent 
volontairement,  par  un  généreux  mouvement  de  la  charité,  entre 
ces  pauvres  Chresliens,  sans  s'épargner,  ofrant  leurs  vies,  selon  le 
conseil  apostolique,  pour  le  salut  de  leurs  prochains,  avec  tant  de 
zèle,  que,  sans  pensera  leur  conservation,  ils  rendoient  à  ces  ma- 
lades tous  les  ofices  de  pieté  qu'ils  pouvoient,  aussi  bien  pour  les 
corps  que  pour  les  âmes.  Et.  ce  qui  est  admirable  en  leur  charité, 
ils  secouroient  indiferemment  tous  les  malades,  les  Arabes  comme 
les  Chrcstiens.  Et,  au  rapport  du  sieur  Aliberque',  marchand 
flamand  résidant  à  Salé,  ils  convertirent  beaucoup  d'heretiques  & 
infidèles  &  administrèrent  à  tous  les  saincts  sacrements.  Ce  qui 
donne  sujet  de  croire  que,  ce  mal  étant  si  grand,  chacun  ne  pen- 
soit  plus  qu'à  se  garentir  par  la  fuite,  â:  eurent  par  ce  moyen  la 
liberté  d'aller  par  toute  la  ville  chercher  les  malades  pour  l'exercice 
de  leur  charité  &  de  leur  zèle.  Et,  sans  mentir,  il  n'étoit  plus  besoin 
de  reserver  pour  la  mort  des  personnes  que  la  peste  cherchoit  & 
qui  s'exposoient  eux-mêmes  dans  les  périls  d'où  il  n'en  échape 
gueres. 

Enfin  le  R.  P.  Pierre  fut  frapé  de  la  peste,  rendant  à  un  chrestien 
portugais  les  assistances  nécessaires  pour  le  salut  de  son  ame  &  le 
soulagement  de  son  corps,  par  quelques  services  dont  il  avoit  be- 
soin. Et  après  avoir  résisté  au  mal  quelque  peu,  la  violence  l'obligea 
d'y  céder,  il  s'alita,  &  peu  après  il  mourut,  le  22  de  mars.  Et  le 
R.  P.  Michel,  qui  avoit  gagné  le  mal  en  le  servant,  ne  vescut  que 
cinq  jours  après.  Ils  étoient  si  fortement  unis  en  charité  qu'ils  ne 
pouvoient  estre  plus  long  temps  séparés.  Et  d'autant  que  le  sang  de 
Jésus  en  sa  croix  étoit  le  ciment  qui  les  avoit  joints  ensemble  au 
désir  de  partager  avec  luy  ses  soufrances,  voila  pourquoy  il  ne 
permit  pas  qu'ils  fussent  séparés  plus  d'espace  que  celuy  de  cinq 
jours,  nombre  qui  est  mystérieux  en  ce  qu'il  désigne  la  Passion 

I.   Alibertjiir.    Abrali.Tm   van    Liliorgi'ii.   Cf.  j).   iii,  noie  4- 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.    CAPUCINS    AU    MAROC  l83 

du  même  Sauveur  en  ses  ciiKj  principales  douleurs  &  playcs  plus 
notables. 

Mais  aussi  il  étoit  juste  que  la  ferveur  &  la  libéralité,  qui  avoient 
eu  plus  d'éclat  au  R.  P.  Pierre,  fussent  recompencées  de  cette 
avance.  Et  croy  que  la  clarté  qui  parut  sur  la  teste  de  ce  grand  ser- 
viteur en  expirant  étoil  la  marque  glorieuse  de  ces  avantages, 
comme  celle  de  sa  charité  &  de  sa  gloire.  Cette  clarté  fut  vcuc  de 
grand  nombre  de  personnes  (|ui  assistoient  à  sa  mort,  qui  en  de- 
meurèrent ravis.  Et  on  a  sceu  depuis  cette  vérité  par  des  personnes' 
sans  soupçon  d'interest,  mais  très-sinceres.  Ainsi,  je  puis  asseurer 
que  sa  mort  fut  précieuse,  puisque  sa  vie  a  été  dans  liimocence, 
au  moins  depuis  sa  conversion. 

Le  neveu  de  monsieur  le  Commandeur",  avec  plusieurs  autres 
gentilshommes  &  grande  partie  des  esclaves  françois,  moururent 
aussi  de  ce  mal,  en  ce  même  temps,  comme  les  enfans  qui  suivent 
leurs  pères,  les  disciples  leurs  maistres. 

Non  seulement  les  Chrestiens  &  les  esclaves  ressentirent  avec 
tendresse  la  mort  de  ces  Pères,  mais  aussi  les  Arabes  :  &  le  Roy 
même  en  témoigna  du  regret.  Et  pour  preuve  donna  de  l'argent 
aux  Clircsliens  pour  les  faire  enterrer  avec  le  plus  de  solennité  qui 
se  pourroit  selon  le  lieu  >k  la  saison,  dans  le  cimetière  des  Chrestiens 
esclaves,  &  furent  mis  l'un  près  de  l'autre.  Ce  que  je  trouve  digne 
de  grande  considération,  est  que  les  Mores  aussi  bien  que  les  Chres- 
tiens avoient  leur  sepulchre  en  veneralion,  y  aloicnt  souvent  par 
dévotion,  en  prenoient  de  la  terre  pour  la  conserver'. 


liihiiolhèqac  Aationalc.  —  Imprinu'x.  (f  j  03.  —  L'histoire  de  la 
mission  des  pères  capucins...  au  royaume  de  Maroque,  pp.  39-252. 

I.    /)(?s  p<?rsonnes...  En  marge  on  lit  cette  tombeaux  des   saints  personnages    est  très 

note:    «  Ce  furent    (les   marchans  anglois  répandu  en  Algérie  et  au  Maroc.   Il  n'y  a 

&  holandois,  le  consul  des  François  à  Salé  pas  do   maison,  de  tente  ou   de  gourbi  où 

&  plusieurs  esclaves.  »  l'on  ne    trouve,   précieusement   conservée 

a.  Sur  ce  neveu  d'Isaac  de  Razilly,  V.  par  les  femmes  dans  quelque  chiffon,  do 
supra,  p.  179,  note  a.  t    I   II        1  - 

3.    L'usage  de  recueillir  de  la  trrr.^  aux  '••'  «  ^'"'^  ''''  "'^iral'onts  »  ùvia^.'ji'  <->'jr- 


i84  i8  FÉVRIER  iGag 


XXVIII 

INSTRUCTIONS  POUR  RAZILLY 


Grenoble,  iX  février  16:29 


An  <los  :  Instructions  au  s'  de  Razilly. 

Le  sieur  de  Razilly  aura  soing  de  faire  mettre  en  estât,  pour 
partir  dans  le  dixiesme  jour  de  mars  au  plus  tard  ',  les  six  vaisseaux^ 
dont  le  Roy  luy  donne  le  commandement  pour  aller  à  Maroc 
rachepter  les  esclaves  François  qui  y  sont,  prenant  garde  à  faire 
ledict  rachapt  en  sorte  qu'il  ne  soit  circonvenu  par  la  mauvaise  foy 
de  ceux  avec  qui  il  aura  à  trailtcr,  comme  il  a  esté  par  le  passé  ^ 

Il  tiendra  la  main  à  ce  que  tous  les  équipages  de  cet  embarque- 
ment reçoivent  la  solde  de  deux  mois  et  que  lesdictz  vaisseaux  soient 
garnis  de  victuailles  pour  liuict  mois,  lesquelles  seront  mesnagées 
en  sorte  quils  n'en  puissent  manquer  pendant  le  cours  de  leur 
voiage. 

Lesdicles  victuailles  seront  délivrées  aux  capitaines  qui  en  demeu- 
reront chargez,  pour  leur  estre,  au  cas  qu'ils  demeurent  moins  que 

I.  Le  fléjiart  d'Isaac  de  Razilly  dut  èlre  ceux  qu'il  trouverait  à  la  mer.  Louis  XIII 
plusieurs  fois  retardé.  A  la  date  du  i4  lui  écrivit  le  17  mai  1621J  de  ne  pas  met- 
avril  itizg,  la  reine-mère  lui  envoya  en  tre  à  la  voile  avant  de  nouvelles  instruc- 
toute  diligence  par  Du  Chalard  l'ordre  de  lions.  Ibidem,  p.  271. 

convoyer  avec  son  escadre  jusqu'au  Havre-  2.   Dans  la    lettre  de  Marie   de  Médicis 

de-Gràce  quatre-vingt-dix  navires  chargés  à  Razilly  du  li  avril   162g  (V.  note  i),  il 

de  sel  et  venant  du  Brouage.  ^  .  Généalogie  est  question  des   «  sept  vaisseaux  qui  sont 

Rasllly.  p.  270.  La  paix  avec  r.\nglcterro  equippez    en    Brouaige   n.     En    réalité    le 

signée    le    24    avril     1629    vint    apporter  Chevalier  partit   avec   une  escadre  de  dix 

un  nouveau  retard  au    départ  de   Razilly,  navires.  V.  infra.  pp.  206-208. 
car   celui-ci,    outre  sa  mission   au  Maroc,  3.   Allusion  au    guet-apens    dont    avait 

devait  «  entreprendre  »  contre  les  .Vnglais  été  victime  la  mission  de  Razilly  en  102/4. 

de  l'île  de  Saint-Christophe  et  contre  tous  \.  supra,  p.  107. 


INSTRUCTIONS    POUR    RAZILLY  1 85 

lesdictz  huicf  mois  à  la  mer,  dcsduictes  sur  les  soldes  qui  pourront 
estre  deues  à  tout  lequipage  lorsqu'il  sera  de  retour. 

Ledict  sieur  de  Razilly  advertira  tous  les  capitaines  et  autres  qui 
seront  sous  sa  charge  de  se  tenir  en  la  discipline  de  la  guerre  et 
autres  bons  usages  de  la  mer,  en  sorte  qu'il  ne  puisse  à  leur  retour 
y  avoir  subject  de  plainte  d'eux  pendant  leur  voiage. 

Si,  pendant  le  cours  de  sa  navigation,  il  rencontre  quelque  Hotte 
ou  vaisseaux  hors  des  termes  de  l'amitié,  Sa  Majesté  luy  donne 
pouvoir  de  les  attaquer,  s'il  juge  par  raison  estre  assez  fort  pour  s'en 
rendre  maislre  ;  mais  auparavant  que  d'en  venir  aux  mains,  il 
tiendra  conseil  et  ne  fera  rien  qu'avec  meure  délibération. 

Au  retour  de  ^laroc.  il  costoyera  la  Virginie  et  les  lieux  où  les 
Anglois  font  leur  poisson  sec,  et,  trouvant  l'occasion  propre,  il 
pourra  s'en  saisir  et  les  prendre  comme  ennemis  '. 


Faict  à  Grenoble  le  dix-buictiesme  jour  de  febvrier  mil  six  cens 

Signé:  Le  card.  de  Richelieu. 


vingt-neuf. 


Par  mondict  seigneur  : 

Sifjné  :  Charpentier. 

Archwes  du  manjuis  de  Rasilly.  —  Ori(/in(il-. 

I.   Ce    paragraphe    fut   modifié    par   la        note  i.  afifi  et  note  8. 
signature  de  la  paix  avec  l'Angleterre.  V.  2.   l'uhlié  dans  la  (icnéalmjie  de  la  Ja- 

supra,  p.  184,  note  i,  et  infra,  pp.  265  et        mille  de  liasilly,  p.   aCij. 


i86  i8  JUIN  1629 


XXIX 

LETTRE  DE  RICHELIEU  A  RAZILLY 

Razillj  est  autorisé  à  s'emparer  de  Mo(jador  et  à  y  laisser  (jarnisnn. 

Alais,  18  juin  162g. 

Suscription.  A  Monsieur  le  chevalier  de  Razilly. 

Monsieur, 

Si  vous  estimez,  estant  sur  les  lieux,  que  l'isle  de  Montguedor' 
se  puisse  conserver  et  ([ue  la  prise  en  soit  utile,  je  vous  laisse  de  la 
part  du  Roy  la  liberté  de  vous  en  saisir  et  d'y  laisser  cent  hommes. 
Cependant,  je  demeure 

Votre  jjien  afTectionné  à  vous  servir. 
Signé:  Le  Gard,  de  Richelieu. 

D'AUez,  ce  18  juing  1629. 

Archives  du  marfjuis  de  Rasilly.  —  Original'-. 

1.  Mogador.  V.  supra.  Doc.  XXII.  p.  1 17  Papiers   d'Etat    du    cardinal    de    Richelieu, 
et  Doc.  XXIII,  p.  iL!i.  t.   III.  pp.  353-354;  elle  avait  été  extraite 

2.  Cette  lettre  a  été  publiée  par  AvENF.r,,  par  M.  Margry  des  Archives  de  la  famille 
dans  Lettres,    Instructions  diplomatiques   et  de  Rasilly. 


^I. 


LES    MORISCOS    A    SALE    ET    SIDI    EL-AVACHI 


■  87 


LES  MORISCOS'  A  SALÉ  ET  SIDI  EL-AYAGHI 


Introduction   critique. 


Une  des  conséquences  de  l'ordonnance  de  bannissement  prise  par  Pliilippe  IH 
contre  les  Moriscos  fut  de  créer  sur  la  cote  atlantique  du  Maroc  une  république 
de  pirates-  qui,  pendant  près  d  un  siècle,  fut  presque  aussi  redoutable  à  la  navi- 
gation que  celle  d'Alger  et  mérita  d'être  appelée  «  La  Rochelle  d'Afrique^  ». 
Les  Moriscos  de  Valence,  atteints  les  premiers  par  le  décret  d'expulsion  (4  août 
1609),  avaient  cherché  un  refuge  dans  les  ports  barbaresques  de  la  Méditerra- 
née; ceux  de  Castille,  prévenant  la  sentence  qui  les  menaçait  et  qui  fut  publiée 
le  19  janvier  1610,  passèrent  en  grand  nombre  au  Maroc,  dès  la  fin  de  l'année 
i6og.  Ce  fut  ce  parti  qu  adoptèrent  les  habitants  de  la  ville  de  Hornachos  en 
Estremadure*.  Ils  forinaioiilune  agglomération  iin|)ortante,  presque  autonome, 


1.  Au  Maroc  on  n'employait  pas  le  mot 
espagnol  u  Moriscos  »  pour  désigner  les 
proscrits.  D'après  le  P.  Julian  Paslor.  on 
connaissait  sous  leur  vrai  nom  «  Horna- 
clicros  ))  les  habitants  de  la  Kasba  et  on 
donnait  à  tous  les  autres  proscrits,  sans  dis- 
tinguer leur  origine,  celui  de  «  Andalous  ». 
V.  /"  Série,  Espagne,  16G1.  Mémoire  du 
I'.  Julian  Pastor. 

2.  Salé  n'existait  pas  comme  port  de 
pirates  avant  l'arrivée  des  Moriscos,  «  car, 
bien  que  longtemps  auparavant  cette  ville 
eût  quelques  petits  vaisseaux  de  course, 
lorsqu'elle  estoit  entièrement  sous  l'empire 

du  roy  de  Maroc, c'estoit  neantmoins 

si  peu  de  chose  qu'à  peine  s'en  parloit-il.  » 
Dkx,  éd.  1687,  p.  l'y/)-  Cf.  Cf.spf.des, 
p.  ^i3.  Ce  furent  les  Moriscos  qui  pour  la 
première  fois  organisèrent  la  course  en 
grand  au  Maroc  (r"  .Série.  Angleterre, 
Lettre  de  Harrison,  3  juin  1620). 

3.  V.  infra.  Doc.  XXXI.  Proces-verbal 
d'André  Chemin,  p.  212  et  Mémoire  de  l'.  Du 
Clmlard.    pp.    ,'176-^77. 


i.  Sai.azar  de  Mendoza  qui  visita  cette 
ville  au  commencement  du  x\u'  siècle  en 
trace  le  tableau  suivant  :  «  Esta  villa  es  de 
mil  casas  y  encomienda  de  la  orden  de  San- 
tiago, en  la  provincia  de  Léon  (sic),  a  cinco 
léguas  de  Llcrena,  donde  réside  un  tribunal 
de  el  Santo  Otlcio  de  la  Inquisicion.  Todos 
los  que  vivieron  en  ella  cran  Moriscos  y 
guardavan  la  secta  de  Mahoma,  desde  que 
se  baptizaron  en  tiempo  de  el  Rey  Catolico 
don  Fernando,  y  estavan  circuncidados. 
Prctendieron  persuadir  a  los  Inquisidores 
que  nacian  assi,  y  para  bazello  verdad,  en 
naciendoles  el  hijo,  le  circuncidavan  y  luego 
avisavan  al  Cura  que  havia  nacido  circun- 
cidado,  que  se  tomasse  informacion.  Trata- 
vanse  como  rcpublica  y  juntavanse  a  su  con- 
sejo  de  estado  en  una  cueva  de  la  sierra  y 
alli  batian  moneda.  Eran  mucbos  arrieros 
y  sabian  por  este  camino  con  mucha  facili- 
dad  todo  lo  que  passava  en  Espafia  y  aun 
fuera,  por  que  tenian  inteligencias  y  corres- 
pondencias  con  los  Turcos  y  Moros.  Quando 
vinicron  a  Toledo  los  Moriscos  de  Granada 


i88 


INTROmCTIOX    cuiiioit: 


et  avaient  autrefois  obtenu  de  Philippe  II  le  privilège  de  porter  les  armes, 
moyennant  une  redevance  de  3o  ooo  ducats'.  Arrogants  et  pillards,  ils  détrous- 
saient les  voyageurs,  fabricjuaient  de  la  fausse  monnaie  et  commettaient  des 
abus  de  toute  sorte.  En  octobre  iGoS,  on  avait  dû  envoyer  de  Madrid  pour  les 
châtier  l'alcade  Gregorio  Lopez  Madera.  Les  Hornacheros  se  firent  débarquer  à 
l'embouchure  du  Bou  Regrag  -  où  s'élevaient  sur  les  rives  du  fleuve  les  deux 
villes  de  Salé  (Sla)  et  de  Rbat. 

Depuis  la  plus  haute  antiquité,  cette  position  était  regardée  comme  la  meil- 
leure de  la  côte  atlantique  du  Maroc,  comme  le  véritable  port  de  Fez  ',  comme 
le  point  d'ov'i  l'on  commande  à  la  fois  la  région  de  Merrakech  et  celle  de  Fez. 
Aussi  les  envahisseurs  successifs  du  Maghreb  el-Aksa  y  avaient-ils  toujours  assis 
leur  domination*.  La  ville  de  Salé,  située  sur  la  rive  nord  du  fleuve,  de  beau- 
coup la  plus  ancienne,  était  connue  des  Carthaginois.  La  cité  sud,  plus  récente, 
avait  été  fondée  en  1197  P^""  l 'î'"''"  almohade  Yagoub  el-Mansour,  qui  lui 
avait  donné  le  nom  de  Rbat  el-Fatah  ^.  Ce  souverain  l'avait  puissamment  forti- 
fiée du  côté  de  la  terre  et  du  côté  de  la  mer,  pour  la  mettre  à  l'abri  des  coups 
de  main  des  tribus  et  des  entreprises  des  Chrétiens.  La  principale  défense  de 
Rbat  était  sa  kasba,  citadelle  dominant  à  la  fois  la  ville  et  l'embouchure  du 
Bou  Regrag,  sorte  d'acropole  où  habitaient  la  garnison,  le  gouverneur  et  les 
fonctionnaires'.  Lors  de  la  lutte  entre  les  Almohades  et  les  Béni  Merin  (la/jO- 
19,70),  Rbat  perdit  beaucoup  de  son  importance  et  tomba  plus  ou  moins  en 
ruines.  Sous  les  premiers  chérifs  saadiens,  elle  se  confond  avec  Salé  :  ce  nom 


travaron  entre  cllos  lipa  y  amistad  miiy 
cstrccha.  Communicavanse  por  una  seiida 
que  Uamaron  Moruna,  que  yva  por  un  dos- 
poblado  las  quarcnla  léguas  que  ay  desde 

Toledo  a  Ornachos  de  montes  y  malezas » 

Orirji'n  de  las  diijnidadcs  seglares  de  Castella 
y  Léon.  Llb.  I\  .  cap.  5,  §  6.  —  On  répétait 
on  Espagne  le  dicton  suivant  :  k  Moriscos 
en  Hornachos,y  donde  quiera  muchachos  «, 
qui  doit  être  entendu  :  (c  II  y  a  à  Hornachos 
autant  de  Moriscos  que  de  gamins  ailleurs.  » 
Les  commentateurs  de  ce  dicton  ajoutent  : 
«  Solea  alli  haber  casi  lodos  los  vecinos 
moriscos  ;  ya  no  despues  que  los  echaron 
de  Espana  ».  —  On  comprend  qu'ayant  une 
telle  réputation,  les  Moriscos  de  Hornachos, 
qui  se  sentaient  particulièrement  menacés, 
n'aient  pas  attendu  le  décret  d'expulsion 
pour  quitter  l'Espagne.  On  sait  d'autre  part 
(Uas.  p.  175)  qu'ils  arrivèrent  au  Maroc 
avec  de  grandes  rictiesses,  ce  qui  ne  fut  pas 
le  cas  des  proscrits. 


1.  Cf.  Lfa,  Tlie  Moriscos  of  Spain,  p. 
182. 

2.  Ce  fleuve  est  connu  dans  son  cours 
supérieur  sous  le  nom  de  Oued  Grou. 

3.  L'embouchure  du  Sbou.i  El-Mamora, 
où  s'abritaient  les  pirates  avant  l'occupa- 
tion de  ce  point  par  les  Espagnols,  n'a 
jamais  eu  l'imjjortancc  de  celle  du  Bou 
Regrag  qui,  malgré  les  graves  inconvénients 
de  la  barre,  semble  avoir  été  toujours  pré- 
férée par  ceux  qui  pratiquaient  ces  parages. 

4.  GODAKD,    p.    4,î. 

ô.   Rb'it  cl-Faluh,  la  Place  de  la  \ictoire. 

Le  nom  de  Rbat  Ji?uJ  s'appliquait  à  l'ori- 
gine à  des  postes  occupés  par  des  musulmans 
faisant  profession  de  lutter  contre  les  infi- 
dèles. 

6.  Cette  kasba,  qui  joua  un  si  grand 
rôle  au  xvu=  siècle  au  temps  des  Moriscos, 
existe  encore  aujourd'hui  et  est  connue  sous 
le  nom  de  «  Ivasbol  cl-Oudaïa  ». 


LES    MORISCOS    A    SALIS    ET    SIDI     EL-AVACIII  1 8() 

désisne  à  la  fois  les  deux  villes'  rattachées  au  Muvernement  de  Merrakech - 
bien  que  dépendant  géographiquement  de  la  région  de  Fez.  Elles  montrent 
d'ailleurs  un  loyalisme  très  intermittent.  Si  les  chérifs  y  envoient  des  caïds,  il 
est  probable  que  ceux-ci  sortent  rarement  de  la  Kasba  et  clierchent  peu  h  faire 
montre  de  leur  autorité. 

A  l'époque  de  l'expulsion  des  Moriscos,  le  marabout  Sidi  el-Ayachi  '  «  faisait 
briller  son  heureuse  étoile  dans  le  ciel  salélin  '•  »,  tandis  que  1  astre  de  Mouiay 
Zidàn  y  palissait  de  plus  en  plus.  Sidi  Mohammed  ben  .Vhmed,  el-Maleki,  cz- 
Zaïani,  El-Ayachi,  plus  connu  sous  le  dernier  de  ces  noms,  ne  doit  pas  être 
confondu  avec  les  agitateurs  et  les  prétendants  qui  surgissent  chroniquement 
au  Maroc;  il  fut  le  cbaïupion  de  l'Islam,  «  le  pôle  de  son  époque^  ».  Né  en  1.573 
d'une  famille  des  Béni  Malek",  il  se  voua  dès  sa  jeunesse  à  la  lutte  conlre  les 
Chrétiens  des  fronteras  dont  il  devint  la  terreur  :  sept  mille  six  cent  soixante-dix 
d'entre  eux  trouvèrent  la  mort  dans  ses  expéditions'.  Désigné  par  la  commu- 
nauté musulmane  pour  conduire  la  Djihàd  (la  Guerre  Sainte),  l'autorité  suprême 
dont  il  fut  investi  était,  au  moins  à  l'origine,  absolument  licite',  si  mal  vue 
quelle  lût  du  Chérif  régnant.  Par  la  suite,  le  glorieux  moudjahid  '  se  laissa 
tenter  par  le  pouvoir  et  aspira  à  la  royauté'". 

El-Ayachi  fit  sesdébuts  en  attaquant  la  garnison  de  Mazagan.  Moulav  Zidàn, 
pour  récompenser  son  zèle,  le  nomma  caïd  d'Azemmour.  Infatigable,  auda- 
cieux, connaissant  à  fond  la  guerre  d'embuscades,  le  Marabout  tint  les  Chré- 
tiens dans  une  continuelle  alerte.  Ne  pouvant  plus  faire  paître  leurs  troupeaux 
ni  labourer  leurs  terres,  ils  intriguèrent  auprès  du  Chérif,  lui  envoyant  des 
présents  et  cherchant  à  éveiller  sa  défiance  à  l'endroit  de  El-Ayachi  dont  la 
popularité  augmentait  de  plus  en  plus.  La  jalousie  s'empara  de  Mouiay  Zidàn, 
qui  expédia  à  Azemmour  le  caïd  Mohammed  e.s-Snoussi  à  la  tète  de  quatre 
cents  hommes,  avec  ordre  de  se  défaire  du  Marabout.  Celui-ci  prévenu  à  temps 


1.  li  n'est  pas  fait  une  fois  mention  de  leurs  musulmans  sont  prodigues  est  cm- 
Rbal  dans  l'ouvrage  d'EL-OcFRÀNi.  jilové  pour  désigner  toute  personne  qui,  par 

2.  V.  Description  du  Maroc,  i'''  Série,  ses  vertus  et  sa  piété,  s'élève  bien  au-dessus 
France,  t.  II,  p.  266.  —  Los  tribus  du  Bou  de  ses  contemporains  et  leur  sert  de  guide. 
Kegrag  et  la  population  maure  de  Salé  incli-  6.  Tribu  du  Gharb  campant  au  sud  de 
naienl  du   côté  de   Mouiay    .\hdallali    ben  El-Ksar  cl-Kebir. 

ech-Chcilih,  le  pseudo-souverain  do  Fez.  V.  7.    E1-0i:fràni,   p.  ;i4S. 

/•■'  Série,  Pays-Bas,  t.  lit,  ;>  In  date  (Ui  17  iS.    El-Oui'iiàm,  p.  440.   Sur  la   (luerro 

février  1628.  Sainte,    cf.   Ei.-M\werdi,   Traduction  du 

3.  Sur  ce  personnage,  cf.  Ei.-Olfràm,  comte  Léon  Ostroroc,  t.  II,De /n  coHwiion 
pp.  'i.3i-'i55  et  /'"'  Série,  Espagne,  Angle-  de  la  commandcrie  de  Guerre  Suinic. 
terre,  Portugal  et  Pays-Bas  entre  les  dates  9.   Moudjnltid,   pbir.    Moudjahidin,   com- 
1620-1641  et  .Menf.zi>,  p.  itiC).  battant  pour  la  foi. 

4.  El-Oufrâni,  p.  44o.  10.  El-Oufràm,  p.  420.  —   Sur  l'Iiy- 

1  ■  pothèse  qui  fait  do  El-Ayachi  un  précur- 

0.   Le  mot  de  pôle  ,_Ja>  dont  les  au-  _^.,           .... 

seur  des  IJilaites,  V.  uijrii,  p.  074,  note  0 


igO  INTHODL'CTION    CRITIQUE 

put  gagner  Salo  avec  quarante  partisans.  11  \  lut  dautant  mieux  accueilli  que 
les  Espagnols  de  Laraclie  faisaient  alors  de  fréquentes  incursions  dans  le  pays 
et  allaient  jusque  dans  la  lorèt  de  Ei-Maïuora  pour  s'approvisionner  de  bois.  A 
la  sollicitation  dos  Salétins,  El-Ayachi  marcha  contre  les  Chrétiens  et  les  défit 
près  de  El-Mamora.  Salé  avait  pu,  à  grand'peine,  fournir  pour  cette  opération 
deux  cents  fusils  au  Marabout'.  Cette  situation  précaire  allait  être  modifiée  par 
l'arrivée  des  Hornacheros-.  Ceux-ci  s'établirent  à  Salé,  au  pied  delà  Kasba,  où 
vivait  effacé  un  caïd  chérifien  avec  une  médiocre  garnison.  Ce  fut  ce  dernier 
fjui.  avec  1  assentiment  de  Moulav-Zidàn  et  plus  encore  d'El-Ayachi-*,  accueillit 
les  émigrants.  Avec  l'or  qu'ils  apportaient  d'Espagne  ils  s'empressèrent  d'armer 
des  navires  et  «  se  mirent  à  brigander  sur  la  mer*  ».  Le  i8  avril  iCio,  Vau- 
celas  signalait  à  Henri  IV  leursactes  de  piraterie  '.  En  i6i3  le  capitaine  anglais 
Mainwaring  négociait  avec  eux  le  rachat  de  tous  les  esclaves  chrétiens".  La 
destruction  du  repaire  de  El-Mamora  (6  août  iGi4),  à  la  suite  de  l'occupation 
de  ce  point  par  les  Espagnols,  vint  contribuer  au  développement  de  la  piraterie 
à  Salé.  Ce  furent  leurs  proscripteurs  que  les  Hornacheros  commencèrent  à 
poursuivre  sur  mer,  et  cette  chasse  leur  était  singulièrement  facilitée,  puisque, 
parlant  le  castillan,  arborant  la  bannière  de  l'Espagne  et  se  donnant  les  appa- 
rences de  faire  du  commerce',  ils  trompaient  aisément  les  navires  qu  ils  ren- 
contraient en  mer  ou  les  populations  de  la  côte.  Mais  bientôt ''  leurs  expéditions 
ne  visèrent  plus  seulement  les  Espagnols,  et  ils  «  gasterent  »  le  trafic  de  toutes 
les  marines  marchandes  exposées  à  leurs  brigandages.  C'est  ainsi  que,  faisant 
de  nombreuses  prises,  ils  grandirent  en  richesses  et  en  puissance. 

Moulay  Zidàn  prisait  fort  ces  nouveaux  venus,  qui  lui  donnaient  dix  pour 
cent  tant  des  Chrétiens  qu'ils  faisaient  captifs  que  des  marchandises  dont  ils 
s'emparaient-';  il  appréciait  d  ailleurs  leur  intelligence  et  leur  aflermait  les 
douanes  et  dillérenles  taxes  ;  il  songeait  même,  d'après  Ruyl,  à  leur  confier 
des  caïdats  importants'".  Toujours  aux  prises  dans  le  Sud  avec  des  révoltes,  il 

1.  El-Olfràni,  p.  438.  d'Isaac  de  Razilly  (V.  supra.   Doc.  XXIIi 

2.  Les  Hornacheros formaienlla majeure  p.  Il5)  et  du  capitaine  hollandais  Abbe 
partie  des  émigrants  venus  à  Salé,  mais  il  Willemsz  (\ .  /'■"  Série,  Pays-Bas,  t.  lU,  à 
y  avait  parmi  eux  des  Moriscos  de  San  la  date  du  8  aoiM  1617).  les  pirateries  des 
Lucar,  de  Cadix  et  de  Llerena.  V.  supra,  Salétins  auraient  commencé  à  être  rcdou- 
Doc.  X,  p.  4g.  tables    à  partir   de   l'année    1617.    Albert 

3.  V.  /'■'■  Série,  Angleterre,  Mémoire  Ruyl  demandait  le  17  février  iBaS  aux 
sur  le  Maroc.  1637.  Etats-Généraux  d'envoyer  deux  navires  de 

4.  V.  Dan,  p.   175.  guerre  croiser  de  Salé  à  Agadir  pour  pré- 

5.  V.  1"  Série,  France,  t.  IL  Doc.  venir  les  insolences  des  pirates  de  Salé  (\  . 
CLVin,  p.  5o2.  I"  Série,    Pays-Bas,    t.    III   à   la   date  ci- 

(i.    Cf.  CoKBETT,  Enijlaïul  in  llte  MciVUer-  dessus). 

roiieon  t.  I,  pp.  56-5g.  9.   Cf.  Dan,  p.   175. 

7.  V.  /'''Série,  Angleterre,  Mémoire  de  10.  Le  Chérif  avait  l'intention  d'envoyer 
J.  Ilarrison,  1O27;  Dan,  p.  175.  comme  gouverneur  du  Tafilelt  et  même  du 

8.  D'après  les  témoignages  concordants  Soudan  le  caïd  andalou  Youssef  Biscaino 


S-i;!, 


''1 


«I 


/'.         Jl 


LES    MORISCOS    A     SALE    ET     SIDI     EL-AYACIII 


'0' 


voulut  uliliser  leurs  qualités  militaires  et  chargea  Ez-Zarouri',  caïd  de  Salé, 
de  lever  parmi  eux  un  corps  de  quatre  cents  soldats,  qu'il  envoya  rejoindre 
une  niahalla  occupée  à  guerroyer  dans  le  Draa  -  contre  les  partisans  du  mara- 
bout Sidi  Ali  ben  Mohamed  '.  Ce  contingent  rallia  l'armée  chérifienne  ;  mais, 
comme  l'expédition  traînait  en  longueur  et  que  la  solde  était  rare,  il  déserta  en 
masse  et  retourna  à  Salé.  Vainement  Ez-Zarouri  tenta-t-il  une  seconde  fois  de 
les  enrôler.  Aussi  bien,  enorgueillis  de  leur  puissance,  les  Hornacheros  avaient 
résolu  de  se  déclarer  indépendants.  Ils  dissimulèrent  leurs  intentions  et  écrivi- 
rent à  Moulav  Zidàn  pour  protester  de  leur  fidélité,  demandant  seulement  le 
remplacement  de  leur  caïd.  Le  Chérif  lit  arrêter  Ez-Zarouri  (i625)  et  leur 
envoya  comme  caïd  le  mamelouk'  Adjib^  (fin  mars  1627).  Ce  dernier  avait 
comme  instructions  secrètes  de  s'appuyer  sur  les  tribus  du  voisinage  pour  im- 
poser son  autorité  aux  Moriscos,  dont  les  velléités  d'indépendance  préoccu- 
paient le  makhzen. 

C'est  à  peine  si  ce  nouveau  caïd  put  prendre  possession  de  son  commande- 
ment. Tourné  en  dérision  par  les  Hornacheros,  il  fut  chassé  de  la  Rasba  ainsi 
que  tous  les  ofliciers  du  Chérif''.  Maîtres  de  la  citadelle,    et  par  là  même  de  la 


qui  fut  désigné  en  i624  comme  ambassa- 
(leur  pour  les  Proviiices-L  nies  des  Pays- 
Bas.  V.  /"  Série,  Pays-Bas,  t.  lll.  Journal 
de  liuyl,  6  octobre  i623. 

I.  11  s'appelait  Abd  el-.\ziz  ez-Zarouri. 
Cf.  I"  Série.  Pays-Bas,  t.  III,  k  la  date 
du  17  février  i623. 

i.  Cf.  El-Oufr.â.ni,  p.  ASget  1"  Série, 
-Angleterre,  Lettre  de  J.  Harrison,  3o  juil- 
let 1623.  —  Harrison  parle  de  l'envoi  de 
mille  soldats  recrutés  parmi  les  Moriscos. 

3.  Sidi  .\li  ben  Mobammed,  petil-lîlsde 
Sidi  Ahmed  ben  Moussa,  surnommé  el- 
Djezouli,  es-Semlali  et  quelquefois  es- 
Soussi.  Ce  marabout,  dont  la  famille  avait 
une  inlluence  prépondérante  dans  le  Sous 
depuis  le  xvi*^  siècle,  s'était  posé  en  préten- 
dant contre  Moulav  Zidàn  ;  il  avait  été 
longtemps  en  lutte  avec  Sidi  ^ahia  ben 
Abdallah  (V.  p.  18,  note  3).  .\près  la 
mort  de  ce  dernier  (6  mars  i6a6),  son 
autorité  s'étendit  jusqu'au  Draa  et  au 
ïadlelt  et  il  fixa  sa  résidence  à  Sidjilmassa. 
Il  fut  d'abord  favorable  à  Moulav  ecb-(<bé- 
rif,  le  fondateur  de  la  dynastie  filalienne, 
puis  il  rompit  avec  lui  (i633-i634).  Après 
plusieurs  années  de  lutte,  Moulay  Moham- 
med ben   cch-Chérif  le  supplanta  dans  le 


Talili'lt  et  le  Draa.  Sidi  Ali  ben  Mohammeil 
mourut  entre  le  18  septembre  lOâij  et  le 
0  septembre  1660.  Son  tils  Sidi  Mohammed 
ben  Ali  se  retira  à  Iligh  (Tazeroualt)  où 
se  trouve  la  zaouïa  des  Oulad  Sidi  Ahmed 
ben  Moussa.  —  El-Oufràni,  pp.  .'176-476. 

4.  On  appelle  mamlouk  au  Maroc  un 
esclave  de  race  blanche,  né  de  parents  libres 
et  ayant  été  réduit  dans  son  enfance  en 
servitude.  Ce  terme  s'oppose  au  mot  abd 
désignant  l'esclave  de  naissance. 

,").  C'était  un  renégat  espagnol.  Moulay 
Zidàn  l'avait  acheté  comme  esclave  et  le 
chargeait  de  missions  de  confiance.  Le 
5  août  1623,  il  l'avait  envoyé  avec  Saint- 
Mandrier  pour  calmer  les  Doukkala  que  les 
entreprises  des  Hollandais  sur  .\ïer  avaient 
mis  en  elfervescence.  (/"  Série,  Portugal, 
à  la  date  ci-dessus).  En  septembre  itiafi,  le 
caïd  Adjib  était  allé  à  Mazagan  saluer  de 
la  part  do  Moulay  Zidàn  le  gouverneur 
D.  (jonçalo  Coutinho.   Da  Cunha,   p.  7IÏ. 

0.  D'après  El-Oiifkàm(p.  43g),  les  Mo- 
riscos aurai<uit  mis  à  mort  le  caïd  A<ljib. 
.1.  Harrison  raconte  que  ce  caïd  chassé  île  la 
ville  fut  assassiné  par  les  .Maures  des  tribus 
environnantes.  V.  /''''  Série,  Angleterre, 
ReliUinn  ile.f.  Hnrrixon,  1 1  septembre  1627 


102  INTUODUCTION    CRITIQUE 

ville,  les  llornaclieros  désaimèreiil  la  population  indigène  et  l'obligèrent  à 
émigrer'.  C'était  la  révolte  complète.  El-Avachi  n'y  avait  pas  été  étranger  ; 
Charles  l",  lui  écrivant  le  12  octobre  1627,1e  félicitait  de  l'aide  qu'il  avaitdon- 
née  aux  Moriscos  dans  cette  insurrection-. 

Les  llornaclieros  devenus  indépendants  s'installèrent  dans  la  Kasba.  Mais 
justement  préoccupés  de  leur  faiblesse  numérique,  ils  attirèrent  à  eux  les  Moris- 
cos réfugiés  dans  les  autres  parties  du  Maghreb  et  les  établirent  au  pied  de  la 
citadelle.  C'est  ainsi  que  l'ancienne  ville  de  Rbat  fut  reconstruite  et  repeuplée^. 
L'habitude  se  prit  de  la  désigner  sous  le  nom  de  Salé-le-Neuf  (Sla  el-Djedid) 
par  opposition  avec  la  ville  du  Nord  appelée  Salé-le-Vieil  (Sla  el-Bali)  *.  De  cet 


1.  Cf.  ^)A^,  [1.  206. 

2.  V.  ;'■'■  Sérir.  Angleterre,  13  octobre 
16J7.  —  D'après  le  1'.  Dan,  Moiilay  Zidàn, 
voulant  faire  rentrer  les  Moriscos  dans 
l'obéissance,  aurait  envoyé  contre  eux  une 
forte  maballa  ;  les  troupes  chérifiennes 
auraient  assicsé  sans  succès  la  ville  en- 
couragée dans  sa  résislance  par  El-Ayachi. 
Un  accord  serait  intervenu  aux  termes 
duquel  les  llornaclieros,  reconnus  seuls 
maîtres  de  la  ville  et  de  la  Kasba,  s'enga- 
geaient à  donner  ebaque  année  au  Clu'rif 
quelques  esclaves  à  titre  de  redevance  et 
acceptaient  la  présence  dans  leur  ville  do 
fonctionnaires  chargés  de  rendre  lajusiice. 
Cf.  Dan,  p.  176.  Les  Doc.  français,  anglais, 
espagnols  et  portugais  ne  font  aucune  allu- 
sion à  cette  marche  du  Chérif  contre  Salé; 
il  se  peut  que  le  P.  Dan  ait  placé  à  cette  date 
un  événement  survenu  postérieurement. 
V.  p.  ig6. 

3.  Cf.  i"  Série,  .Angleterre,  Relation 
J.  Ilarrison,  8  octobre  i63o. 

/|.  La  plus  grande  confusion  a  régné  au 
sujet  de  ces  désignations  dans  les  auteurs 
du  xvii''  siècle,  et  elle  se  retrouve  même 
dans  des  documents  cartographiques  II  en 
est  résulté  quelques  divergences  dans  les 
récits  des  événements,  surtout  dans  les 
ouvrages  de  seconde  main.  Dans  tous  les 
temps,  le  nom  do  Salé  semble  avoir  été 
employé  d'une  façon  générale  pour  designer 
l'onsomble  des  villes  situées  à  rcmboucluire 
de  l'oued  Bou  Regrag.  L'arrivée  des 
Moriscos  ne  changea  pas  cet  usage  et  l'on 
appela   même    «  Salélins  »  les  pirates   qui 


s'étaient  fixés  presque  exclusivement  à  Rbat 
(Salé-le-Neuf).  Pour  l'intelligence  des  faits, 
il  est  nécessaire  de  bien  préciser  la  topogra- 
phie et  la  dénomination  des  lieux  situes  à 
l'embouchure  du  Rou  Regrag  et  formant  le 
groupe  Rbal-Salé,  plus  connu  aujourd'hui 
sous  le  nom  de  Rbat.  .\  l'époque  de  l'ins- 
tallation des  Moriscos  on  distinguait  sur  la 
rive  gauche  du  Bou  Regrag  :  ["la  kasba 
(alcassava)  habitée  par  le  caïd  et  la  gar- 
nison du  Chérif,  puis  pendant  un  certain 
temps  par  les  llornaclieros  2"  la  ville  de 
Salé-le-Neuf,  l'ancienne  Rbat  des  Almo- 
bades,  reconstruite  par  les  Moriscos.  Cette 
ville  était  souvent  appelée  par  les  contem- 
porains Arrabal,  Arrabal  de  Salé,  Arrabal 
do  l'alcassava,  ce  qui  introduisit  un  nouvel 
élément  de  confusion.  On  sait  que  le  mot 
espagnol    «    arraval    »    (venu    de    l'arabe 


J^ 


)  Jl  très  voisin  comme  prononciation  de 


Er-Riibat  lai  Jl)  a  la  signification  de  fau- 
bourg. A  deux  kilomètres  en  amont  de 
Salé-le-Neuf  (Rbat)  et  sur  la  rive  gauche 
du  Bou  Regrag  on  trouve  les  ruines  de  la 
ville  de  Chella.  Sa  fondation,  d'après  quel- 
ques auteurs,  serait  antérieure  à  la  Salé  des 
Carthaginois,  qui  lui  aurait  même  emprunté 
son  nom,  d'où  il  est  résulté  pour  quelques 
auteurs  une  nouvelle  équivoque.  Enfin  sur 
la  rive  droite  du  fleuve  s'élevait  la  ville  de 
Salé  proprement  dite,  appelée  Salé-le-Vieil 
depuis  la  reconstruction  de  la  ville  de  Rbat 
par  les  Moriscos.  Dans  son  Histoire  de 
Barbarie.  ..,1e  P.  Dan  place  par  erreur  Salé 


LES     MOmSCOS    A     SALE     ET     SIDI     EL-\^.\(:lll  1  Ç).") 

('■lat  de  choses  ii  était  résulté  pour  les  Hornaclicros,  premiers  occupants,  une 
situntion  prépondérante.  Ils  s'étaient  constitués  «  en  forme  de  seigneurie  repu- 
blicque,  dominative  et  successive  à  soy  »,  sorte  de  conseil  communal  imité  de 
l'Espagne  (cabildo)  ;  le  pouvoir  appartenait  à  un  gouverneur  élu  annuellement 
assisté  d'un  divan.  La  nouvelle  république  avaitété  reconnue  à  sa  naissance  par 
l'Angleterre  qui,  sur  le  conseil  de  J.  Harrison  invoquant  le  précédent  d'Alger, 
se  décidait  à  entrer  en  relations  et  à  traiter  avec  elle.  De  leur  côté  les  Moriscos 
avaient  mis  en  liberté  plus  de  cent  quatre-vingt-dix  esclaves  anglais  et  avaient 
écrit  à  Charles  I'"'  (i8  avril  1637),  l'assurant  du  plaisir  qu'ils  auraient  «  à  le 
servir  de  leurs  vaisseaux  et  de  leurs  personnes'  ». 

Mais  la  domination  des  Hornacheros  finit  par  peser  sur  les  Andalous  de  Salé- 
le-Neuf.  Ceux-ci,  de  beaucoup  les  plus  nombreux,  réclamaient  ajuste  titre  une 
part  dans  le  gouvernement  et  les  revenus  de  la  douane  -,  qui  étalent  dépensés  en 
travaux  de  défense  constituant  une  menace  pour  leur  propre  existence.  La  Kasba 
leur  répondait  par  des  coups  de  canon,  qui  Ibrt  heureusement  faisaient  peu  de 
dommage  dans  des  maisons  construites  en  pisé  ^  Par  contre,  Salé-le-Neuf  tenait 
la  Kasba  étroitement  bloquée  par  terre,  et  celle-ci  ne  pouvait  se  ravitailler  qu'en 
communiquant  par  le  fleuve  avec  Salé-lc-\'ieil  ;  elle  y  entretenait  un  détache- 
ment de  ca\aliers  toujours  prêts  à  opérer  des  razzias  sous  les  murs  de  Salé-le- 
Neuf. 

El-Ayachi  avait  vu  avec  non  moins  de  plaisir  que  Moulay  Zidân  l'établisse- 
ment des  Hornacheros  à  Salé.  Il  espérait  que  ces  ennemis  de  l'Espagne  lui  four- 
niraient un  précieux  appoint  dans  ses  expéditions  contre  les  «  frontcras  ».  La 
prise  de  El-Mamora  par  les  Chréliens  avait  indigné  son  âme  de  a  moudjahid  » 
et  il  voulait  à  tout  prix  les  déloger  de  cette  place.  Son  influence  s'étendait  main- 
tenant à  tout  le  pays  compris  entre  Taza  et  le  Tamesna  ;  les  chefs  des  tribus  et 
les  notables  lui  avaient  reconnu  par  un  acteoUiciel  l'autorité  suprême  pour  diri- 
ger la  lutte  contre  les  infidèles  '.  El-Ayachi,  afin  d'entretenir  le  zèle  des  k  croi- 
sés »  de  l'islam,  les  entraînait  à   de  continuelles  attaques  contre  El-Mamora, 

Ic-Vicil  ail  sud    du    Bou    lîcgrag    et   Salé-  inscrit  sur  les  rogislrcs  de  la  douane  pondant 

le-Neuf  (Hbal)  au    nord   du   fleuve.    Cette  ces   dix    années.    Cf.    1"  Série.   Espagne, 

confusion   est   reproduite    dans    des   plans  Rapport  du  P.  Maihias  de  San  Francisco  à 

conservés  au  Service  liydrwjrapliiqne  de  la  la  date  du  28  mars  i63g. 

Marine,  Porlefcuille  tio,  D""  i,  pièces  2  et  3.   Cette remarquede IIarrison(/™ .SVne, 

'5.  —  V.  les  vues  de  Salé,  PI.  I,  p.  187  et  Angleterre,    8  octobre    i6.3o)    sur    le   peu 

l'I.  II.  p.  i()i.  d'cHicacité  du  tir  de   l'artillerie  contre  les 

1.  \.  /•■'  Série,  .\ngIelerro,  Lettre  des  constructions  maure.sijues  en  pisé  est  encore 
Miiriscos  de  Salé  à  Charles  /"■.  18  avril  1627.  absolument  exactit  aujourd'hui,  et  elle  a  été 

2.  Les  douanes  consliliiaient  déjà  un  vérifiée  dans  toutes  les  opérations  contre 
revenu  très  important,  si  l'oiien  juged'après  les  oasis  sahariennes. 

le  chilTrc  altiint  par  les  prises  pendant  la  /|.   El-Oufràni.    p.    !,!,(>.    Cf.    El-Ma- 

période  décennale  de  iGjg  à   iBSg.  Le  P.  werdi.  Traduction  Ustkokog,  t.  Jl,  Titre 

.Mathias  de  S.  Francisco  affirme  par  serment  quatricmc,  De  la  collation  de  la  commanderie 

avoir  vu  le  cliifTrede  27  millionsde  ducats,  de  Guerre  Sainte,  pp.    i-ki.î. 

De  Casikiks.  III     _    i3 


ig^  INTRODUCTION    CRITIQUE 

Larache  et  Tanger,  voire  même  contre  Tétouan,  dont  le  mokaddem  Abdallah 
en-Neksis  ne  s'était  pas  rallié  à  sa  cause  *. 

Les  Hornacheros,  après  avoir  répondu  pendant  quelques  années  aux  espé- 
rances du  Marabout,  se  fatiguèrent  de  ses  exigences  pour  la  Guerre  Sainte  et 
accentuèrent  déplus  en  plus  leur  indépendance  et  leur  autonomie.  Une  hostilité 
sourde  s'établit  dans  leurs  rapports.  Quand,  en  juillet  1629,  le  chevalier  de 
Razilly  vint  mettre  le  blocus  devant  Salé,  El-Ayachi  faisait  des  vœux  pour  que 
l'escadre  française  démantelât  la  Rasba,  le  seul  point  qui  l'empèchàt  d'être 
maître  de  l'embouchure  du  Bou  Regrag-.  Mais  Razilly,  gêné  par  la  lourdeur 
de  ses  navires,  ne  put  affronter  la  barre  et  obtenir  un  résultat  aussi  complet  ; 
force  lui  fut  de  mouiller  à  El-Mamora  et  de  diriger  de  là  les  opérations  du 
blocus.  Au  bout  de  deux  mois,  les  Andalous,  qui  «  pàtissoient  grandement  »  de 
la  cessation  du  commerce  et  «  qui  desiroient  unanymement  la  paix»,  se  soulevè- 
rent contre  la  Kasba  qui  les  repoussa,  leur  tirant  «  force  canonades  ».  Néan- 
moins les  Hornacheros  jugèrent  sage  d'entrer  en  composition  avec  Razilly  :  une 
trêve  de  cinq  mois  fut  signée  le  2  octobre  1629  et  le  chef  d'escadre  put  rentrer 
en  France  avec  l'apparence  d'un  succès^. 

Cependant  El-.\yacbi,  ne  jugeant  pas  le  moment  opportun  pour  entrer  en 
lutte  ouverte  contre  les  Moriscos,  se  porta  sur  Tanger  avec  les  moudjahidin, 
mais  le  vlirilant  "ouverneur  Fernando  Mascarenhas   marcha    au-devant  de  lui 

0  o 

avec  la  garnison  et  lui  infligea  des  pertes  considérables  (10  janvier  lëSo)*^. 

Telle  était  la  situation  des  partis  en  mars  i63o  quand  J.  Harrison  se  pré- 
senta devant  Salé  :  lutte  intestine  entre  .\ndalous  et  Hornacheros;  incursions 
de  El-Ayachi  dans  le  nord  du  Gharb.  Harrison  écrivit  au  Marabout  pour  lui 
demander  de  s'interposer  entre  la  Kasba  et  Salé-le-Neuf,  mais  celui-ci,  occupé 
à  préparer  sa  revanche  de  l'échec  de  Tanger  et  ne  voyant  dans  tous  les  Moriscos 
que  des  ennemis  de  l'islam,  refusa  sa  médiation.  Un  accord  fut  néanmoins 
signé  entre  Andalous  et  Hornacheros  (i63o),dont  les  conditions,  valables  pour 
une  durée  de  deux  ans,  étaient  les  suivantes  :  les  Andalous  auraient  un  caïd  élu 
par  eux  mais  résidant  dans  la  Rasba  ;  ils  nommeraient  la  moitié  des  membres 
du  divan,  mais  celte  assemblée  tiendrait  ses  séances  dans  la  Rasba;  enfm  ils 
auraient  une  part  dans  les  revenus  des  douanes  °. 

Un  rapprochement  au  moins  momentané  s'imposait  entre  Andalous  et  Hor- 
nacheros, car  à  Salé-le- Vieil,    comme  dans  les  tribus  du  Bou  Regrag,  on  pre- 

1.  Cf.  infra  p.  ^aS,  Relation  anonyme,  de  cet  accord,  on  voit  deux  gouverneurs 
3i  octobre  i63i.  résider  à  la  Kasba,  l'un   Mohammed  ben 

2.  Cf.  /"'Série,  Espagne,  Le/ire  de  Villa-  Abd  el-Kader  Ceron  pour  les  Hornacheros 
franco  à  Philippe  IV,  ili  octobre  1629.  et  l'autre  Abdallah  ben  Ali  el-Caceri  pour 

3.  V.  infra,  Proces-verbal  d'André  Che-  les  Andalous  (sur  ces  personnages,  V.  in- 
min,  pp.  218  et  243-246.  fra.  p.  209  et  note  i  ;  p.   282,  note  3  et 

4.  V.  infra.  Doc.  XXXV,  pp.  273-281.  p.  3o8,  note  i).  Mais  la  méfiance  continue 

5.  Cf.  7"  Série,  Angleterre,  Relation  de  de  régner  entre  les  deux  partis  (V.  infra, 
J.  Harrison,  8  octobre  i63o.  —  A  la  suite  Doc.  XLVIII,  p.  870). 


LES    MORISCOS    A    SALE    ET    SIDI    EL-AYACHI  I QO 

nait  ombrage  de  la  nouvelle  république  qui  avait  accaparé  le  commerce  '  ;  on 
mettait  en  suspicion  la  foi  de  ces  musulmans  à  noms  espagnols,  parlant  le  cas- 
tillan et  avant  conservé  les  usages  de  leur  ancienne  patrie.  On  leur  reprochait 
d'être  chrétiens  et  il  est  probable  que,  pour  plusieurs  d'entre  eux,  le  reproche 
était  fondé-.  Enfin  El-Ayacbi  les  accusait  de  prévenir  de  ses  mouvements  les 
garnisons  de  El-Mamora  et  de  Larache',  avec  le  dessein  de  faire  échouer  ses 
entreprises.  Voulant  les  obliger  à  dévoiler  leurs  sentiments,  il  leur  demanda  de 
fournir  des  canons  pour  l'attaque  de  El-Mamora  et  réclama  d'eux  le  payement 
d'une  contribution.  Les  Moriscos  ayant  refusé  furent  mis  hors  la  loi  par  le  Ma- 
rabout', et  dès  lors  il  commença  contre  eux  une  guerre  acliarnée  qui  ne  devait 
prendre  lin  qu'avec  sa  mort  (3o  avril  i64[).  Les  péripéties  de  cette  lutte  et  les 
vicissitudes  des  divers  partis  qui  y  furent  mêlés  forment  un  tel  imbroglio  que 
les  contemporains  eux-mêmes  ne  sont  pas  toujours  arrivés  à  démêler  la  situa- 
lion  exacte  des  belligérants.  Entre  temps  la  France,  l'Angleterre,  les  Pays-Bas 
et  l'Espagne  intervinrent  au  milieu  de  ces  troubles  et,  avec  des  politiques  plus 
ou  moins  intéressées,  sous  couleur  de  rachat  de  captifs,  ouvrirent  des  négocia- 
tions en  vue  d'obtenir  la  cession  ou  tout  au  moins  le  protectorat  de  l'impor- 
tante position  occupée  par  les  Moriscos  à  l'embouchure  du  Bou  Regrag. 

Les  hostilités  commencèrent  par  le  siège  de  la  Kasba  et  de  Salé-le-Neuf  que 
le  Marabout  vint  investir  en  juillet  i63i  ^.  Campé  sur  la  rive  droite  du  fleuve  et 
ayant  Salé-le- Vieil  comme  point  d'appui,  il  surveillait  avec  ses  batteries  l'en- 
trée du  port,  pendant  que  son  fils  installé  à  Chella  menaçait  la  ville  du  côté  de 
la  ferre.  Ce  siège,  comme  toutes  les  opérations  de  ce  genre  au  Maroc,  se  pro- 
longea plusieurs  années  sans  ameneraucun  résultat  décisif.  Le  Marabout  n'avait 
pas  d'ailleurs  renoncé  à  ses  autres  expéditions  et  il  assiégeait  en  plus  la  ville  de 
Tétouan.  Sur  le  trône  chérifien  Moulay  Abd  el-Malek  avait  été  remplacé  par 
Moulay  el-Oualid  le  i  i  mars  1 63 1 .  Ce  prince  jugea  de  bonne  politique  de  profiter 
de  la  lutte  entre  les  Moriscos  et  El-Ayachi  pour  se  faire  reconnaître  dans  la  Rasba 
et  dans  Salé-le-Neuf.  Fils  d'une  Espagnole,  il  lui  fut  facile  de  préparer  l'opinion 
en  sa  faveur  :  Ilornacheros  et  Andalous  se  replacèrent  momentanément  sous  son 
autorité  et  lui  envoyèrent  des  présents*.  Aussi  bien  ils  étaient  en  butte  à  des  sol- 
licitations pressantes  delà  part  de  Médina  Sidonia.  L'Espagne  suivait  les  évé- 
nements de  Salé  avec  un  grand  intérêt.  Entre  les  Moriscos  qui  lui  avaient  causé 
tant  de  mal  sur  mer  et  «  l'invincivel  »  El-Ayachi  acharné  à  la  reprise  desfron- 

1.  El-Oufràxi,  p.   V'i'i.  de   Fez.    Sur    ces    deux  engagements,   cf. 

2.  V.  supra,  p.  97  et  note  i.  Galindo  ï  de  Vera,p.  2^8  ;  El-Oufràm, 

3.  Laraclie  venait  d'éprouver   un  cruel  pp.  442-443  et /"Sene.  Angleterre,  LeHrcs 
échecle  7  février  i63i.  La  garnison  attirée  de  Arthur  Iloptori,  février  cl  mai  i63l. 
dans  une  embuscade  par  El-.\yachi  avait  4.   El-Oufràni,  p.  444. 

été  massacrée.  Sur  six  cents  Espagnols  sortis  5.   Cf.  inj'ra.  p.  4^3  et  i"'  Série,  Espagne, 

de  la  place,  il  n'en  rentra  pas  un   seul.  En  h  la  date  du  !>:''  aoi*>t  itjSa. 
mai  1 03 1,  les  troupes  de  El-Mamora  avaient  6.   Cf.    i"  Srrii-,  .Vngleterri\  l. dires  de 

été  surprises  et  défaites  par  les  moudjahidin  J.  Ilarrisnn.   1 3  août  et  g  octobre  i63i. 


ir)6  IMIIODLCTION    CIUTIQÙE 

teras,  clic  pré  fera  se  déclarer  pour  les  premiers,  d'autant  plus  quelle  voulait 
les  soustraire  aux  avances  intéressées  de  l'Angleterre  et  de  la  France.  Medina- 
Sidonia  entama  avec  les  assiégés  des  nésociations  secrètes  pour  leur  faire  accepter 
le  protectorat  de  leur  ancienne  patrie  ;  il  fit  même  parvenir  quelques  ravitail- 
lements dans  la  place'. 

Les  opérations  du  siège,  qui  ne  furent  jamais  conduites  activement,  se  ralen- 
tirent progressivement.  Quand  Du  Clialard  -  vint  mouiller  devant  Salé  en  aoijt 
iG3ô  et  présenta  h  l'acceptation  des  Moriscos  le  traité  signé  par  Moulay  el- 
Oualid  le  i8  juillet,  la  KasLa  et  Salé-le-Neuf  étaient  dans  une  paix  profonde. 
Du  Clialard,  après  avoir  obtenu  leur  adhésion,  repartit  à  la  fin  d'octobre,  lais- 
sant comme  vice-consul  dans  la  place  le  sieur  Gaspard  de  Raslin  '.  Une  nou\elle 
discorde  éclata  en  i(î36  entre  llornaclieros  et  Andalous  :  les  premiers,  chassés 
de  la  Kasba,  se  réfugièrent  auprès  de  El-Ayachi,  qui  réunit  des  contingents  pour 
marcher  contre  les  Andalous  de  Salé  et  de  ïétouan.  Mais  le  Marabout  s'étant 
éloigné  pour  d'autres  opérations,  le  gouverneur  de  Salé-le-Neuf,  Abdallah  ben 
Ali  el-Caceri,  en  profila  pour  aller  assiéger  Salé-le-Vieil,  la  base  d'opération  de 
El-Ayachi.  Les  Andalous  construisirent  un  pont  de  bateaux  pour  faire  passer 
leur  artillerie  sur  la  rive  droite  du  fleuve  et  pendant  deux  mois  (janvier-février 
163-)  ils  investirent  la  ville-  El-Ayachi,  à  son  retour,  fit  lever  le  camp  à  El- 
Kasseri  et  mit  pour  la  seconde  fois  le  siège  devant  la  Kasba  et  Salé-le-Ncuf,  que 
venait  bloquer  quelque  temps  après  (avril  iCSy)  l'escadre  de  l'amiral  Rainsbo- 
rough,  envové  par  Charles  I""'  pour  exercer  des  représailles  contre  les  pirates'  et 
racheter  les  captifs  anglais.  Le  Marabout  entra  en  pourparlers  avec  lui  en  vue 
d'une  action  commune.  Sur  ces  entrefaites  Moulay  Mohammed  ech-Cheikh 
el-Aseghir,  qui  avait  succédé  à  Moulay  el-Oualid  (22  février  i636),  marcha  sur 
Salé-lc-Neuf  pour  empêcher  la  place  de  tomber  au  pouvoir  de  El-.\vachi,  mais 
celui-ci,  allié  au  chef  de  la  zaouïa  de  Dila  ',  ravagea  tous  les  environs  et  empêcha 
le  Cliérif  de  dépasser  Fedala. 

Menacée  par  El-Avachi  et  par  l'escadre  anglaise,  travaillée  par  les  agents 
secrets  de  l'Espagne,  sachant  d'autre  part  les  troupes  chérifiennes  en  marche 
pour  la  secourir,  la  population  de  Salé-le-Neuf  et  de  la  Kasba  était  dans  une 
grande  effervescence.  Une  sédition  éclata,  fomentée  par  El-Avachi  :  les  révoltés 


1.  Sur  la  politique  (le  l'Espagno  à  l'égard  ils  étaient  traînes  en  longueur,  ils  finirent 
des Moriscosde  Salé,  V.  l'iSén'e,  Espagne,  par  s'attaquer  aux  Anglais,  et  en  peu 
les  documents  de  cette  période.  d'années  leur  infligèrent  des  pertes  consi- 

2.  Sur  ce  personnage,  V.  inj'ra,  p.  300,  dérables.  La  situation  devenue  particulic- 
note  2.  rcmenl  intolérable  en  i636  motiva  l'expc- 

3.  V.  infra.  p.  5.37,  note  2.  dilion   de    Rainsborough.    Cf.    /''^    Série, 
!\.   Malgré   l'accord   signé  en    1637   par  Angleterre,  i635-i636,  passim. 

Harrison  avec  les   Moriscos,  les  vaisseaux  5.   Sur  la  zaouïa  de  Dila  et  ses  chefs,  V. 

anglais  avaient  repris  la  course  contre  les  infra.  Introduction  critique,  La  Zaouïa  de 

navires  salétins.   Les  Moriscos  se  plaigni-  Dila  et   la  chute  de  la  dynastie  saadienne, 

rent  de  cette  violation  du    traité.    Comme  pp.  ,")73-5S3. 


LES     MOniSCOS    A     SALK     KT    Sinl     KI.-AVACIII  IQ~ 

se  porteront  contre  la  maison  du  vieux  gouverneur  El-Caceri,  qui  fut  déposé  et 
remplacé  par  trois  chefs  élus  (juin  iGSy).  Les  Andalous  délibérèrent  ensuite 
sur  la  conduite  à  tenir.  Les  uns,  favorables  h  El-.\vaclii,  voulaient  traiter  avec  le 
Marabout,  qui  imposait  comme  conditions  la  rentrée  des  Hornacheros  dans  la 
Kasba  et  la  concession  de  quelques  avanlayes  à  Salé-le-\  ieil.  Les  autres,  parti- 
sans du  Cliéril,  proposaient  de  lui  faire  lioniniaj;c  de  (idélité  et  de  lui  livrer  El- 
Caccri.  Enlin  un  troisième  parti  tenait  pour  ce  dernier  et  voulait  le  remettre 
à  la  tète  du  gouvernement.  Ce  furent  les  [lartisans  du  Cliérif  qui  l'emportè- 
rent :  le  vieil  El-Caceri  chargé  de  cliaines  fut  embarcjuéet  mené  à  Azemmour, 
puis  conduit  au  Chérif  qui  campait  dans  le  Tamesna.  Mais  le  premier  acte  de 
celui-ci  fui  de  conlirmer  El-Caceri  dans  ses  fonctions.  Le  gouverneur  reprit  la 
mer,  ramené  à  Salé  par  un  agent  anglais,  Robert  lilake',  et  un  caïd  cliériCen 
ayant  mission  de  le  remettre  en  charge.  Il  fut  conduit  à  bord  du  «  Léopard  »  et 
retenu  par  Rainsborough,  pendant  que  Robert  Blakeet  le  représentant  du  Chérif 
allaient  à  terre  sonder  les  dispositions  des  Andalous.  Un  revirement  s'était  produit 
parmi  eux,  et,  pour  témoigner  de  leurs  bonnes  intentions,  ils  donnèrent  la 
liberté  à  quelques  esclaves  anglais  et  redemandèrent  El-Caceri  qui,  débarqué  du 
«  Léopard  »,  fut  accueilli  avec  enthousiasme.  Il  fit  trancher  la  tête  à  quchpies 
meneurs,  partisans  de  El-Ayachi,  puis,  en  exécution  des  engagements  pris  avec 
Rainsborough,  il  lui  renvoya -tous  les  captifs  anglais  au  nombre  de  trois  cents 
environ.  L'amiral  anglais,  qui  pendant  cinq  mois  de  blocus  (2  avril-3oaoùt  1637) 
avait  vainement  tenté  de  brûler  quelques  navires  dans  le  port,  put  mettre  à  la 
voile,  laissant  Ei-Avachi  devant  Salé-le-Neuf  cl  la  Kasba-.  Mais  le  Chérif  ayant 
réussi  à  envoyer  par  mer  un  fort  secours  aux  Andalous,  le  Marabout  se  décida 
à  traiter  avec  lui,  et,  après  avoir  obtenu  l'admission  des  Hornacheros  dans  Salé- 
Ie-\euf,  il  leva  le  siège   et  alla  camper  du  coté  de  [Cl-Mamora  ^. 

Rentrés  dans  la  ville,  les  turbulents  Hornacheros  v  reprirent  une  silualioii 
préj)ondérante  et  assiégèrent  la  Rasba,  dont  les  défenseurs,  tant  Maures 
qu  Andalous,  tenaient  pour  le  Chérif.  Quant  à  EI-Avachi,  bien  <|u'éloigiié 
de  Salé,  il  n'en  était  pas  moins  l'instigateur  de  l'attaque  dirigée  |)ar  les 
Hornacheros  contre  la  Kasba  ;  il  reparut  avec  ses  moudjahidin  en  mars  i638 
et  fit  pousser  activement  le  siège.  La  situation  de  la  Kasba  devenait  critique  et 
les  Andalous  se  demandaient  à  qui,  de  l'Angleterre  ou  de  l'Espagne,  ils  con- 
fieraient leur  défense  (septembre  i638).  Medina-Sidonia  surveillait  attentive- 
ment les  démarches  de  l'agent  anglais  Robert  Bl.ike  et  les  mouvements  de  El- 
Ayachi,  redoutant  également  de  voir  la  Kasba  aux  mains  des  Anglais  ou  au 
pouvoir  du  Marabout'".  Cependant  la  place  eut  quelque  répit  en  iCSg,  car  El- 
Ayachi,  appelé  par  les  Oulad  Douaïb,  se  porta  sur  Mazagan".  Attiré  traitreusc- 

1.  Sur  ce  personnage,  V.  infra,  p.  543,  cl  Journal  de  liobcrl  Blake.  iG3iS-i(i3g. 
noie  I.  II.  V.  Ibidem  et  infra.  Doc.  VA,  p.  58^, 

2.  V.  infra,  pp.  bië-bftB).  Relation  de  Jean  Lettre  de  Gaspard  de  Rastinù  Richelieu. 
Marf/esel  t'''^  Série. Xn^lctcrrc. ïCiS'^ .passim.  ,5.   Les  iiit('lllt;rncosqii<!  Moulav  Moliani- 

3.  V.  /''''  Série.  \tij^\clcrr(-',  ïiV.\^,  pnssim  mcd    ccli-dlirikli    c/- l.s-c^/i/V  rnlrrlciuilt  ;i 


igS  INTRODUCTION    CRITIQUE 

ment  dans  une  embuscade,  le  jeune  Francisco  Mascarenlias,  comte  de  Caslello 
Novo,  gouverneur  de  la  IVonlera,  fut  cerné  et  périt  avec  toute  sa  cavalerie 
(il  avril  16/10)'.  Enorgueilli  par  ce  fait  d'armes,  El-Ayachi  revint  à  Salé, 
jurant  d'exterminer  les  Andalous.  Ceux-ci  réclamèrent  alors  l'intervention  ami- 
cale de  la  zaouïa  de  Dila.  Sidi  Mohammed  cl-lladj,  le  chef  des  Dilaïtes  depuis 
la  mort  de  son  père  Sidi  Mohammed  ben  Abou  Beker  (163-),  fit  une  démarche 
auprès  d'El-Ayachi  en  faveur  des  Andalous.  «  Ces  gens-là,  répondit  le  Mara- 
bout, sont  un  ulcère  qu  il  faut  détruire  jusqu'à  la  racine'-.  »  Profondément 
irrité.  Sidi  Mohammed  cl-IIadj  marcha  avec  ses  Berbères  contre  El-Ayachi. 
Battu  dans  une  première  rencontre,  il  prit  sa  revanche  aux  environs  de  ,\zghar  : 
le  Marabout  s  enfuit  chez  les  Khelouth  ',  mais,  trahi  par  eux,  il  fut  assassiné  à 
Ain  cl-Rsolj  (.'îo  avril  16/I1).  Sa  tète  fut  coupée  et  envoyée  à  Salé-le-Neuf,  où 
on  la  promena  par  la  ville,  à  la  grande  joie  des  Andalous.  A  Mazagan,  à  El- 
Mamora,  à  Larache  et  à  Tanger,  les  Chrétiens  se  livrèrent  à  toute  sorte  de 
réjouissances  en  apprenant  la  mort  du  redoutable  «  santo*  ». 

Délivrés  de  leur  implacable  ennemi  et  ne  pouvant  plus  compter  sur  l'appui 
du  Chérif,  que  Sidi  Mohammed  el-IIadj  venait  de  refouler  au  sud  de  l'oued 
el-.\bid  •■,  les  Andalous  se  placèrent  sous  1  autorité  de  la  zaouïa  de  Dila, 
qui  était  alors  reconnue  depuis  le  Tadla  jusqu'à  Fez  et  à  Mckinès.  Sidi 
Mohammed  el-Hadj  devint  le  suzerain  de  Salé,  qui  perdit  en  partie  son  indé- 
pendance et  son  autonomie.  On  le  voit  en  l643,  i6^4  et  i65i,  ayant  la  haute 
main  sur  la  république  et  signant  les  accords  qu'elle  passe  avec  les  Etats-Géné- 
néraux  des  Provinces-Unies.  Cette  situation  dura  jusqu'à  l'avènement  de  la 
dynastie  filalienne,  époque  à  laquelle  la  cité  et  la  Kasba  perdirent  toute  exis- 
tence propre  et  refirent  partie  intégrante  de  l'empire  chérifien. 


cette  époque  avec  le  roi  d'Espagne  par  1  in- 
termédiaire d'un  franciscain,  le  P.  Malliias, 
avaient  donné  naissance  aux  bruits  les  plus 
invraisemblables.  On  prétendait  que  le 
Chérif,  fils  d'une  chrétienne,  n'attendait 
que  l'appui  de  Philippe  IV  pour  se  déclarer 
chrétien  et  obliger  ses  sujets  à  en  faire  au- 
tant. Ces  bruits  étaient  habilement  eiploités 
par  El-Ayachi  au  profit  de  la  Guerre  Sainte. 
C'est  pourquoi  le  Marabout  était  venu  s'é- 
tablir prés  d'Azemmour  pour  intercepter  les 
communications  entre  Merrakech  et  Maza- 
gan où  était  attendu  le  P.  Matliias  revenant 
de  Mailrid.  Il  espérait  surprcmlre  des  lettres 
compromettantes  de  Pliilippe  IV  au  Chérif. 
-Mais  le  P.  Mathias  ayant  prolongé  son  sé- 
jour en  Espagne,  ce  projet  ne  put  recevoir 


d'exécution.  Ce  fut  alors  que  les  Oulad 
Douaïb  conçurent  le  projet  d'une  attaque 
contre  la  garnison  de  Mazagan.  V.  Fran- 
cisco de  S.  JuAiN  DEL  Puerto,  pp.  i^ôo-^Di. 

1 .  Cette  malheureuse  affaire  fut  appelée 
à  Mazagan  la  Desavenlura  do  conde.  Cf.  D\ 
Clsha.  pp.  8i-83.  El-Oufr.àm,  p.  4^7. 

2.  EL-OuKK.iNI,  p.  4iij. 

3.  El-KIœloiUh,  tribii  du  Gharb  campant 
au  sud  de  El-Ksar  el-Kebir  sur  le  même 
territoire  cpie  les  Béni  Malek  et  les  Sofian. 

4-  El-Oufrâm,  p.  45 1. 

5.  Bataille  de  Bou  Akha,  26  octobre 
i638.  Cf.  El-Olfràni,  pp.  4^3  et  467  et 
/'■''  Série,  Angleterre,  Journal  de  Robert 
Blake,  iC38-i63g.  —  La  date  donnée  par 
El-Oufràni  est  erronée. 


LETTRE    DE    RAZILLY    A    RICHELIEU  If)g 


XXX 

LETTRE  DE  RAZILLY  A  RICHELIEU' 

Bazilly  a  bloqué  les;  pirates  dans  Salé  et  détruit  plusieurs  de  leurs  navires. 
—  Les  esclaves  français  et  espac/nols  trouvés  à  bord  de  ces  vaisseaux  ont 
été  rendus  à  la  liberté.  —  Razilly  a  vainement  proposé  aux  pirates  de 
leur  rendre  des  prisonniers  turcs  en  échange  de  captifs  français.  — 
Pressés  par  la  famine,  les  Salétins  se  sont  révoltés  et  ont  obligé  le  (jou- 
vcrncur  à  traiter  avec  les  assiégeants.  —  Le  (joaverneur  s'est  emjaqé  à 
rendre  les  captifs  et  a  conclu  avec  Du  Chalard  une  Ircve  de  cinq  mois.  — 
Le  mauvais  temps  a  empêché  Du  Chalard  d'endtarquer  les  captifs.  — 
ftnzilly,  qui  était  allé  relâcher  à  Safi.  a  correspondu  avec  le  roi  du 
Maroc,  mais  les  vents  contraires  l'ont  éloiqné  de  la  côte  et  ramené  en 
France.  —  //  est  probable  que  les  trois  navires  qu'il  avait  envoyés  à  Mo- 
qador  ont  eu  le  même  sort.  —  Di.'^cipline  et  zble  de  son  équipage;  raisons 
pour  lesquelles  la  flotte  n'a  //as  rendu  plus  de  services.  —  Recomman- 
dation  en  faveur  d'André  Chemin  qui  se  rend  au/irh  de  Richelieu  pour 
lui  rendre  compte  de  Vexpédition  et  lui  remettre  les  lettres  du  Chérif. 

Port-Louis,  aâ  novembre  163g. 

En  tcle,  alla  manu:  Lettre  du  chevalier  de  Razilli  sur  son  voyage 
sur  les  côtes  de  Barbarie. 

Monseigneur, 

Aussytost  mon  arryvée  au  Port  Louis,  j'ay  escript  la  présente  à 
Vostre  Grandeur  pour  luy  rendre  compte  de  ce  qui  s'est  passé  au 
voyage  de  Marocq.  où.  Dieu  mercy.  je  puis  dire  que  la  flotte  du 
Roy.  dont  il  a  pieu  à  V.  G.  m'onliorcr  de  la  charge,  a  fait  caller  la 

I.  On  trouvera  avec  plus  de  détails  dans  porte  Razilly  dans  la  présente  lettre.  Il  a 
le  Procès-verbal  d'André  Cbemin  (V.  infro,  paru  inutile  de  signaler  en  note  toutes  les 
Doc.  XWl,  pp.  2o0-a.^)5)  les  faits  ipie  ra|>-         concordances  centre  les  deux  documents. 


200  35     NOVEMBRE     1629 

voille  à  tous  les  vaisseaux  estrangers  qu'avons  rencontré  Jejiuis 
nostre  départ  ;  et  particullieremenl  avons  repoussé  l'audasse 
de  la  republique  de  Salle,  lesquelz  se  sont  révoltez  contre  leur 
roy.  Ils  avoient  acouslumé  de  s'enrichir,  tous  les  ans,  aux  des- 
pens  des  pauvres  marclians  françois,  et,  pour  cest  ellait,  avoient 
armé  ceste  année  nombre  de  vaisseaux,  qui  n'ont  pu  sortir  de  leur 
port,  pour  aller  es  Terre-Neufve  et  coste  de  France',  en  dessain  de 
prendre  le  plus  grand  nombre  d'esclaves  françois  qu'ilz  pour- 
royent.  Et,  ayant  apris  dans  la  rade  de  Salle  leurs  dessaingz,  j'ay 
fait  toute  sorte  de  dilligence  pour  rettirer  les  esclaves  qu'ilz  dé- 
tiennent. Mais  comme  ilz  esloient  mal  informez  des  forces  de  Sa 
Majesté  par  mer,  en  se  riant,  demandoient  cent  pièces  de  canon  et 
un  million  de  livres,  et  que.  paraprez,  ilz  traiteroientdepaix  avecq 
nous,  disant  que  le  roy  d'Angleterre,  qui  est  le  maisfre  de  la  mer, 
a  esté  contraint  de  leur  en  envoyer  nombre  pour  avoir  leur  amityé. 
Ayant  entendu  d'eux  telle  impudence,  je  mis  les  vaisseaux  du  Roy 
en  ordre  et  fis  de  telle  fasson  qu'en  trois  mois  ils  n'ont  peu  sortir 
aucuns  de  leurs  vaisseaux,  ce  qui  a  rompu  leur  premier  dessain, 
outre  que  tous  ceux  qu'ilz  avoient  à  la  mer,  pensans  entrer  dans  leur 
havre,  nous  les  avons  pris  oubruslez.  ParticuUierement  leur  admi- 
rai, du  port  de  trois  cens  thonneaux.  armé  de  vingt  pièces  de  ca- 
non, et  d'esquipage  cent  quatre-vingtz  hommes,  feust  contraint  de 
s'eschouer  à  une  lieue  de  La  Mamore,  où,  à  coups  de  canon  de  ceste 
Hotte,  on  leur  tua  un  grand  nombred  honunes  ;  le  reste  fut  noyé  et 
partye  sauvez  à  la  nage,  aprez  avoir  rendu  trois  heures  de  combat. 
Enfin  feust  bruslé,  comme  aussy  deux  autres  navires  de  deux  cens 
thonneaux,  bien  armez  en  guerre,  que  nous  avons  contrains  de 
s'eschouer.  dont  l'un  a  esté  bruslé  à  la  veue  des  Espaignolz  de  La 
Mamoie,  outre  que  nous  avons  pris  trois  vaisseaux  de  guerre  de 
cent  cinquante  à  deux  cens  thonneaux  avecq  une  barcpie  françoise 
qu'ilz  avoient  prise.  L  un  desquels  vaisseaux  ne  peut  estre  atrapé 
que  par  une  patache  oUonnoise,  que  mons'  Du  Challard'  et  moy 

1.  Sur  les  entreprises  des  pirates  de  Rocjuelaurc,  servit  dans  la  marine  avec  dis- 
Salc  contre  les  pcîcheurs  de  Terro-Xeuve,  tinction  ;  déjà  gouvernciir  de  la  Tour  de 
V.  suivra,  p.  1^7.  note  i.  Cordouanen  i6ig,  iirétaitencorc,auraoins 

2.  Priam  Pierre  Du  Clialard,  d'abord  en  titre,  en  1679  (Bibl.,  Nat.,  Pièces  origi- 
attaclic    comme    gentilliomme   au    duc   de  iialcs.  vol.  6^8,  cote  JÔ2Ô6,  pp.  G  et  7). 


LF.TTHE    nr.     liAZlILY     A     ItlCHELlEl'  201 

avons  armée,  où  il  y  avoit  ciii(|iianlc  hommes  et  six  pièces  de  ca- 
non, et  dans  le  vaisseau  ennemy  y  avoit  quatre-vingtz  liommcs  et 
douze  pièces  de  canon .  (pii.  aprez  trois  heures  de  combat,  i'ciisl  a  horde 
par  le  dit  OUonnois.  où  les  soldats?  courageusement  renlcvoient  à 
coups  d  cspée.  Il  ne  demeura  dedans  que  soixante  homnies;  le  reste 
feust  tué  au  combat. 

Ses  navires  fuient  tellement  fracassez  et  brisez  de  coulis  de  canon 
(jiiil  nous  cstoit  du  tout  impossible  de  les  amener  en  France,  ce 
qui  nous  a  obligé  de  les  vendre  à  un  François  espagnolizé',  qui  nous 
en  a  donné,  pour  deux  et  cinquante  Mores,  saize  mil  livres  paiables 
à  S'  Mallo.  Dans  ces  vaisseaux,  il  s'est  tiouvé  vingt  François 
esclaves,  que  nous  avons  dans  la  flotte,  et  trente  Espagnolz  aus- 
quelz  j'ay"  redonné  liberté,  au  nom  du  Roy  et  de  Vostre  Grandeur, 
ipie  j'ay  envoyez  au  gouverneur  de  La  Mamore.  où.  en  suite  de  ce, 
j'av  lait  escorter  plusieurs  navires  espagnolz  qui  venoient  aporter 
des  vivres  à  ladite  Mamore,  qui  en  estoit  mal  garnie.  Hz  passoient 
à  l'ahry  et  fabveur  de  ceste  flotte,  qui  eussent  tous  esté  pris  sans 
nous.  Ce  qu'ayant  sceu,  le  duc  de  Medine  m'en  a  escript  deux 
lettres  de  remercyement.  auquel  j'ay  fait  responce  que  c'estoit  V.  G. 
qui  m'avoit  commandé  de  protéger  tous  les  vaisseaux  espagnolz. 

Or,  les  prisonniers  tui'cqz  cpic  nous  avions  pris  dans  les  susditz 
vaisseaux  me  prièrent  instamment  d'envoyer  un  navire  à  la  rade 
de  Salle  et  m'asseuroient  que  ceux  dudit  Salle  rendroicnt  les 
esclaves  françois  pour  eulx  ;  où,  à  cest  elfait,  j'envoyey  à  leur  rade 
mons'  Du  Cliallard  avecq  son  navire,  auquel  ilz  tirent  responce 
quilz  ne  voulloient  aucunement  eschanger  personne.  Ce  que 
voyant,  je  fis  remetre  les  vaisseaux  du  Roy  en  ordre,  pour  confi- 
rmer à  leur  l'aire  la  guerre,  où  nous  empeschames  plusieurs  navires 
anglois  et  hoUandois  de  M'iiir  traiter  avecq  eux,  lesquelz  nous  con- 
traignimes  de  regaigncr  à  la  mei' ;  ce  qui  leur  "  aporta  une  grande 
tristesse,  outre  cpie,  durant  tout  ce  tenqis  là,  plusieurs  har([ues  quilz 
avoient  à  Arzil  chargez  de  hicd  n'ozoient  se  mettre  à  la  mer  pour 
venir  audit  Salle,  qui  feust  cause  qu'ilz  se  trouvèrent  à  la  famyne. 
(|ui  insita  le  commun  peuple,  se  voyant  si  fort  incommodez  de 
^  ivres,  à  se  révolter  contre  ceux  du  cliasleau  et  se  battre  les  uncrz  les 


■o' 


1.   Daniel  Desliaycs.  \.  pp.  22y-233.  2.   Leur,  aiii  pirales  île  Salé. 


202  25     NOVEMBRE     l62f) 

autres,  de  telle  fasson  qu'il  y  en  eust  beaucoup  de  tuez  de  part  et 
d'autre,  d'autant  que  le  gouverneur  estoit  poussé  par  quelques  ungz 
à  ne  faire  point  la  paix,  si  bien  qu'ilz  l'obligèrent  à  nous  rechercher. 
A  cest  efiait,  me  fit  escrire  sourdement  par  les  esclaves,  alïln  que 
j'envoyasse  un  navire  en  leur  rade,  et  qu'ilz  rendroient  tous  les 
esclaves  pour  le  prix  qu'ilz  leur  avoient  cousté  en  la  place  publique, 
qui  se  montent,  l'un  portant  l'autre,  à  quelque  deux  cens  livres. 

Sçachant  l'extresme  charité  que  V.  G.  a  pour  la  liberté  de  ses 
pauvres  François,  je  renvoyayde  rechefle  s' Du  Chalard  avecq  son 
vaisseau  en  ladite  rade,  avecq  tout  pouvoir  de  negotier  avecq  eux 
à  l'advantaige  du  service  du  Roy  ;  où,  lorsqu'il  y  feust,  le  Gouver- 
neur envoya  à  son  bord  les  articles  signez,  qui  contiennent  une 
trefve  pour  cinq  mois,  que  nous  avons  trouvée  à  propos,  et  fit  offre 
de  toutes  sortes  de  service  au  Roy  et  à  V.  G. 

Sur  le  temps  que  l'on  debvoit  prendre  les  esclaves,  survint  une 
sy  grande  tourmente  de  mauvais  temps  qui  contraignit  le  s'  Du 
Cliallard  à  lever  l'encre,  pour  s'en  venir  me  trouver  à  la  rade  de 
Saffy.  où  le  temps  m'avoit  forcé  d'aller  rellacher  ;  où  estant  arryvé, 
japris  touttes  nouvelles  de  Marocq  par  M"'  les  chevaliers  Des 
Roches  et  de  Guitault,  que  j'y  avois  envoyez,  il  y  avoit  trois  mois, 
dans  l'un  desquelz'  estoit  le  Révérend  Frère. Rodolphe,  capuchin,  qui 
avoit  porté  la  lettre  de  Sa  Majesté  au  roy  de  Marocq  et  qui  avoit 
charge  de  negotier  ;  d'autant  que  nous  avyons  apris,  à  nostre 
arryvée  à  Salle,  que  les  deux  bons  Pères  capuchins  estoient  mortz 
ensemble  la  pluspart  des  gentilhommes  françois,  compris  mon 
nepveu  ",  et  que,  d'un  sy  grand  nombre,  il  n'en  restoit  que  cent- 
dix  :  les  autres  estoient  mortz  de  la  peste,  qui  avoit  esté  sy  forte 
qu'il  estoit  mort  en  un  an  à  Marocq  cent  soixante-six  mil  hommes. 

Ayant  donc  sceu  par  le  retour  du  R.  F.  Rodolphe  la  bonne 
vollonté  et  inclination  qu'avoit  le  roy  de  Marocq  de  faire  la  paix 
avecq  Sa  Majesté,  feust  cause  que  j'escrivis  une  lettre  audit  roy, 
qu'il  receust  avecq  contentement,  et  me  fit  response  où  il  me  man- 
doit  que,  puisqu'il  sçavoit  asseurement  que  j'estois  serviteur  du  roy 
de  France  et  que  je  luy  avois  tenu  ma  paroUe,  combien  que  je 


T.    Dans  l'un  dcsijiieh,..  Entenrloz  :  dans         liers  Des  Rochrs  ol  rlc  (>uitanlt. 
l'un  'les  navires  commandés  par  les  chuva-  2.   Gabriel  de  Kazillv.,  V.  p.  1-9,  note  2. 


LETTRE     DE    RAZILLY     A     HICHELIEV  2o3 

n'eusse  rien  aporté,  qu'il  ne  laisseroil  do  me  randre  lous  les 
esclaves,  et  que,  à  plus  forte  raison,  il  estoil  très  aize  de  donner  ce 
contentement  à  Sa  Majesté,  souhaitant  et  désirant  l'amityé  d'un  sy 
grand  et  puissant  monarque,  comme  est  le  roy  de  France,  duquel 
les  victoires  rcdondent  par  toute  la  terre.  Il  est  vray  aussi  qu'il 
faisoil  enharnacher  six  chevaux  barbes  avecq  leur  mors  d'argent 
et  leurs  selles  en  broderye,  pour  en  faire  présent  à  Sa  Majesté. 

Sur  le  point  que  les  affaires  estoient  prestes  et  que  le  Roy  debvoit 
envoyer  à  Saffy  les  esclaves  pour  les  faire  embarquer,  survint  une 
tourmente  d'un  vent  de  surouest,  qui  dura  sy  longtemps  qu'il  nous 
fallut  par  nécessité  s'esloigner  de  la  terre  ou  se  perdre,  et  avons  esté 
contrains,  aprcz  avoir  enduré  ceste  tourmente  trois  sepmaines, 
d'un  bort  et  d'autre  à  la  mer,  à  faire  vent  derrière  pour  venir  rel- 
lacber  en  France  où  ',  quinze  jours  aprez,  qui  feusl  le  dix-huif  de 
novembre,  parut  à  midy  le  solleil.  Je  ne  voullus  perdre  l'ocasion  de 
prendre  haulteur  avecq  mes  pillotes,  et  me  trouvay  par  les  qua- 
rante-sept degrez,  et  nostre  estime  de  l'est  estoit  proche  de  terre, 
tellement  que  je  fis  porter  à  l'cst-nord-est,  où  le  lendemain  je  me 
rencontré  à  deux  lieux  de  l'isle  de  Groys.  La  tourmente  continuant 
tousjours,  le  vaisseau  faisant  grande  eau.  la  pouUayne  toutte  rom- 
pue, par  l'advis  de  mes  pillotes,  j'entrey,  le  vingt"  de  novembre, 
dans  le  Port  Louis,  allln  de  sauver  le  navire  du  Uov,  bien  fâché  de 
ce  que  le  vent  ne  me  permetoit  d'aller  à  La  Rochelle,  où  je  croy 
que  mes  compaignons  auront  rellaché,  voyant  journellement  arry- 
ver  des  miracles  pour  les  armes  du  Roy,  comme  Dieu  les  conserve 
et  benist  par  les  conseilz  de  V.  G. 

Le  jour  auparavant  que  je  fus  contraint  de  lever  l'encre  de  la 
rade  de  Saffy,  j'avois  envoyé  trois  navires  "  à  Mongador  j^our  exé- 
cuter les  commandernens  de  V.  G.,  ausquelz  j'avois  donné  ce  qui 
estoit  nécessaire.  Mais,  ayant  receu  la  tourmente  comme  nous,  je 
croy  quilz  n'auront  rien  fait  et  auront  esté  contrains  de  s'en  reve- 
nir, car,  de  dix  voillcs  que  nous  estions,  je  me  suis  trouvé  seul'\ 

1.  La  fin  ilu  paragraphe  est  presque  Icx-  et  Dos  Koclics.  V.  infra.  p.  îCm. 
tuellcmeril  semblable  aux  clcriiières  lignes  3.   II    semble    cependant    qu'ils    purent 
du  Proces-verbal  d'André  Chemin.  V.  infra.  remplir  leur  mission,  car,  d'après  le  récit 
p.  255.  du  P.    p'rançois  d'Angers,  ils   levèrent  le 

2.  Les  navires  île  Treillebois,   Guitault  plan  de  l'île  et  de  la  forteresse  de  Mogador 


2o'l  25    NOVEMBRE     iCaf) 

Je  diray  à  V.  G.  que,  tous  les  capitaines  de  ceste  ilolte,  se  sont 
les  plus  sages  qui  se  peut  dire,  remplis  de  courage  et  zellez  au  ser- 
vice du  Roy  et  de  \.  G.  ;  et.  durant  tout  le  voyage,  il  n'y  a  eu  au- 
cune paroUe  de  controverse  ny  dispule,  tous  portez  d'affection  à 
execuler  vos  commandemens.  J'asscnieray  V.  G.  qu'il  n'y  en  avoit 
pas  un  qui  n'eust  plus  d'hommes  que  lestât  de  Sa  Majesté  ne  porte; 
moy  en  particulier,  qui  ay  employé  mon  reste,  avois  deux  cens 
trente  hommes  pour  hien  servir  le  Roy  et  V.  G.,  n'ayant  rien  f[ue 
pour  l'employer  à  son  service. 

Ceste  Hotte  esfoit  sy  unie  qu'elle  pouvoit  faire  de  grandz  exploitz, 
sy  elle  eust  rencontré  de  plus  puissans  cnnemys,  mais  nous  avons 
perdu  la  saison  dans  le  long  radoub  cju'ont  eu  ses  vaisseaux  à  s'a- 
commoder  à  Brouage,  et  moy  qui  ay  l'ait  le  radoub  de  ce  vaisseau 
«  La  Licorne  »  et  achapfé  des  cables  et  agreilzà  mes  dépens,  n'ayant 
eu  affaire  aux  officiers  de  la  maryne,  j'ay  esté  prest  trois  mois 
devant  les  autres,  bien  que  je  ne  sçaurois  dire  nv  accuser  les  capi- 
taines que  ce  deffault  soit  venu  de  leur  part  ;  ilz  y  ont  aporté  toute 
sorte  de  soingz  et  dilligence. 

Le  s'  Chemin  s'en  va  trouver  V.  G.,  qui  luy  porte  le  procez- 
verbal  de  tout  ce  qui  s'est  passé  de  jour  à  autre'.  Lequel  ne  s'estpas 
comporté  seuUement  en  commissaire,  mais  en  homme  de  guerre, 
car,  en  toute  sorte  d'ocasions  qui  se  sont  piesentez,  a  tesmoigné 
avoir  le  courage  généreux  et  fort  zellé  au  service  de  V.  G.  ;  laquelle 
je  suplye  considérer  que,  pour  faire  des  embarquemens  à  l'advenir 
en  dilligence,  il  est  très-nécessaire  de  faire  paver  nos  matelotz,  qui 
ont  servy  fidellement,  comme  pourra  asseurcr  le  s' Chemin  àV.  G., 
laqucUejesupliequejeluy  aille  baiser  les  mains  et  luy  porteries  estan- 
dars  des  Turcqz  qu'avons  pris  et  luy  mener  un  capitaine  d'Alger 
que  nous  avons  trouvé  assosyé  avecq  ceux  de  Salle',  comme aussy 
luy  porter  les  lettres  dudit  roy  de  Marocq,  qui  souhaite  avecq  pas- 
sion l'amityé  de  Sa  Majesté,  qui  se  peut  faire  au  premier  voyage, 
ayant  raporté  toutes  les  marchandises ',  ausquelles  l'on  n'a  touché. 

qui  Ipiir  parurent  à  l'abri    il'uiic  suqirisn.  d'André  Chemin,   pp.   225-226  ol  289-240. 
\.  infrn,  p.  2'ja.  3.   Il  faut  entendre  que  le.s  marchandises, 

1.  V.  ci-aprcs  ce  procès-verbal,  p.  206.  c'est-à-dire  les  présents  destinés  au  Chérif 

2.  Ce  capitaine  d'Alger  est  le  capitaine  (V.  p.  261^  et  note  8),  seront  toutes  prêtes 
Oja  dont  il  est  question  dans  le  Proe'es-oerbal  pour  de  nouvelles  négociations. 


LETTRE     DE     RAZII.LY     A     HICHELIEU  20.1 

Je  rendray  compd'  plus  particiillicroniciif  à  V.  (i.,  loiscjue  jaurav 
riionneur  de  la  salhier.  Atendant.  je  priciav  Dieu  230iir  sa  prospe- 
rilé  el  santé,  de  laquelle  je  suis  <à  jamais, 

Monseigneur, 

Vostrc  très-liunible,  Irès-obeissant  el  très-obligé  servileui-. 
Signé  :   Le  chevallier  de   Razilly. 

Au  Port  Louis  eu  Bretagne,  le  20  novembre  iG^çj. 

Archives  des  Affaires  Elramjères.    —  Maroc.  —   Mémoires  el  Doc.u- 
ineiiLi.  Vol.  2,  ff.  ^8-U9  r".  —  Original. 

Archives  de  la  Marine.  —  D'  ^9,  p.  120.  —  Copie. 


îoG  '629 


XXXI 

PROCÈS-VERBAL  D'ANDRÉ  CHEMIN' 

Troisic'ine  voyage  de  Razilly  au  Maroc. 


1629. 

En  trie  :  Geste  relation  se  doibt  jDresenter  à  monsieur  le  com- 
mandeur de  La  Porte ^,  lequel  est  tics-huniblement  suplié  par  le 
clievalliei-  de  Razilly  de  prendre  son  temps  jiour  la  faire  veoir  à 
monseigneur  le  Cardinal. 

Relation  en  abrégé  fait  par  nous  André  Chemin,  esouier,  sieur 
de  La  Gaultraye,  commissaire  ordinaire  de  la  marine,  député  pour 
la  pollice  des  sept  vaisseaux'  et  deux  pataches  ordonnez  par  Sa 
Majesté  et  monseigneur  le  cardinal  de  Richelieu,  grand  maistre,  chef 
et  surintendajit  gênerai  de  la  navigation  et  commerce  deFiance,  pour 
faire  le  voyage  de  Marocq  et  autres  lieux  de  la  coste  dAffrique,  soubz 
la  charge  de  monsieur  le  chevalier  de  Razilly,  chef  d'esquadre  des 
vaisseaux  de  Bretaigne  et  commandant  ladite  flotte,  composée  des 
navires  du  Roy  cy-aprez  mentionnez,  suivant  lestât  de  Sa  Majesté: 

Premièrement,  le  navire  «  la  Licorne  »,  commandé  par  ledit  sieur 
chevalier  de  Razilly  ; 

Le  vaisseau  «  le  Saint-Louis  »,  commandé  par  le  sieur  de  La 
Touche  de  Non  '  ; 


1.  On  trouve  ;i  la  Bibl.  Nat.,  il/ss.,  Dos-  croix  de  l'ordre  de  Malte,  grand  prieur  de 
siers  bleus,  vol.  i<Si,  la  généalogie  d'une  France,  commandeur  de  Bracque,  gouver- 
famillc  Chemin,  dans  laquelle  figure  un  neur  d'Angers  en  i6rg,  du  Havre  en  1626, 
André  Chemin  qui  est  peut-être  le  commis-  lieutenant  du  Roi  au  pays  d'Aunis  et  es  îles 
saire  de  la  marine  attaché  à  l'espédition  de  Ré  et  d'Oléron  en  i633,  mort  à  Paris 
de  Razilly  en  11129,  mais  ce  document  ne  le  3i  octobre  i6^4. 

fournit  aucun  renseignement  biographique  3.   En  réalité  huit,  d'apri  s  l'énumération 

sur  ce  personnage.  qui  suit. 

2.  .\.mador  de  La  l'orte,  chevalier,  grand  [\.   V.  p.  2(1/1,  note  5. 


PROCES-VERBAL    D  ANDRE    CHEMIN  20'1 

Le  vaisseau  «  la  Renommée  »,  commandé  par  le  sieur  Du 
Chalard'  ; 

Le  vaisseau  «  le  Hambourg»,  commandé  par  le  s'' chevallier  de 
Guilaull"  ; 

Le  vaisseau  «  la  Sainte-Anne  »,  commandé  par  le  s'  chevallier 
Des  Roches'  ; 

Le  vaisseau  «  la  Catherine  »,  commandé  par  monsieur  le  che- 
valier de  Jalesnes'  ; 

Le  vaisseau  «  le  Griffon  »,  commandé  par  le  s'  de  Trellebois  ; 

Le  vaisseau  «  le  S'-Jean  »,  flibot  '  commandé  par  le  s'  de  La 
Selle,  armé,  suivant  l'ordre  de  mondit  seigneur  le  Cardinal,  pour 
donner  advis  au  loy  de  Marocq,  d'autant  que  la  dote  croyoit  faire 
le  voyage  de  Canada. 

Le  vingt  deux'  jour  de  juin  162g,  les  susditz  vaisseaux  estans 
mouillez  à  la  rade  de  La  Palliée,  arryva  un  courrier  du  Roy  qui 
aporla  les  ordres  de  Sa  Majesté  et  de  mondit  seigneurie  Cardinal, 
où  il  estoit  enjoint  au  sieur  chevallier  de  Razilly  de  faire  voille  au 
2>lustostet  suivre  son  voyage  de  Marocq,  dont,  dès  la  mesme  heure, 
il  fit  assemblei-  tous  les  capitaines  de  la  Hotte  avecq  le  dit  s'  Chemin 
commissaire,  allin  de  suivre  exactement  les  ordres  et  commandemens 
qui  luy  esloient  enjointz,  où  il  feust  tiré  au  sort  à  qui  possederoit 
les  marques  honorables  de  la  flotte,  qui  escheurent,  sçavoir  :  au  s'' 
de  La  Touche,  le  vis-admiral  ;  au  s'  chevallier  de  Jalesnes,  le  contre- 
admiral;  et  au  sieur  de  Trellebois,  l'avan^arde.  Et  feust  remonstré 
par  le  sieur  Du  Challard  les  grandes  incommoditez  qu'il  avoit  pour 
ne  pouvoir  charger  ses  \  ictuailles,  à  cause  du  présent  qu'il  porloit 
au  nom  du  Roy.  A  ce  subjet  furent  tous  d'advis  avecq  le  sieur  che- 


1.  Sur  ce  personnage,  \.  supra,  p.  200,  le  i"  août  1616.  Vertot,  t.  IV,  p.  563. 
note  2  et  Introduction,  notice  biogra-  Mentionné  en  i636  et  1687  comme  capi- 
phiqiie.  taine  de    galère.   Bibl.  du  Ministère  de  la 

2.  Charles  de  Pechpcirou-Commenge,  Marine,  Alphabet  Laffilard,  p.  5n. 
connu  sous  le  nom  de  Commandrur  de  4.  Jacques,  seigneur  de  Jalesnes  (châ- 
Guilaud,  se  distingua  comme  capitaine  de  tellcnie  en  Anjou),  reçu  chevalier  de  Malte 
vaisseau  i  la  prise  de  Sainte-Marguerite  en  le  i5  octobre  161 5.  Vertot,  t.  IV,  p.  563. 
1637.  Maréchal  de  camp  en  lôôg.  Moueki,  Mentionné  comme  capitaine  de  vaisseau  en 
t.  VIII,  p.  i53.  ifi34  et  1662.  Alphabet  Laffilard.  p.  3o5. 

3.  Martin  Fumée,  seigneur  des  Rocbes  5.  Flibot  (en  néerlandais  :  Vlie-boot,  en 
(diocèse  de  Tours),  reçu  chevalier  de  Malte  anglais  ;  l'ij-hoat),  petit  navire,  mouche. 


2o8  1^29 

vallier  de  Razilly  [qu'Jilz  acheteroient  un  navire  ollonnois,  bon 
voillier,  du  port  de  quatre-vingt  thonneaux.  qu'ilz  aimeroient  tant 
pour  servir  de  palacheaux  occasions  de  guerre,  pour  renger  et  appro- 
cher les  costes  d'AiTrique  et  poursuivre  les  vaisseaux  cnnemys  et 
forbans,  que  pour  charger  et  porter  une  partie  des  vuituailles  de  la- 
dite «  Renommée  »  ;  et  feust  aussy  accordé  au  s''  de  Trellebois  qu'il 
armeroil  une  siene  pettitte  pinasse  avecq  quinze  hommes,  lesdites 
patachcs  eslans  fort  bien  armez  et  esquipez  pour  le  voyage,  veus 
et  visilez  jDar  nous,  commissaire. 

Le  vingl-sejjl''  dudit  mois,  le  vent  estant  devenu  bon,  le  sieur 
chevallier  de  Uazilly  ne  le  vouUant  perdre  fit  lever  l'encre  à  tous  les 
navires  de  la  ilotle  pour  commencer  le  voyage,  et,  estant  à  vingt 
lieux  à  l'ouest  de  La  Rochelle,  firent  rencontre  de  quarante-trois 
navires  hollandois  qu'ilz  feurent  recognoistre,  et  ayant  veu  qu'ilz 
porloienl  le  pavillon  de  Hollande  au  grand  mas,  les  vaisseaux  du 
Roy  arryvereni  à  portée  du  mousquet  de  ladite  flotte  pour  les 
faire  amener  leurs  enseignes  à  la  veue  du  pavillon  du  Roy,  ce  qu'ilz 
firent  et  le  salluerent  de  trois  coups  de  canon,  et  leur  feust  respon- 
du  dun  coup  du  vaisseau  «  la  Licorne  ». 

Pour  doubler  lecap  de  Finisterre,  l'on  fit  porter  à  l'ouest-sorouest, 
où  l'on  eust  huit  jours  de  calme,  qui  attira  les  vaisseaux  dans  le 
goulTre  vers  la  coste  de  Biscaye.  Neanmoingz  le  vent  de  nort,  venant 
à  deux  lieues  pour  heure,  nous  fitdescouvrir  le  cap  d  Ortiguières', 
et  passans  à  unze  ou  douze  lieux  du  cap  de  Finisterre,  le  vent 
continuant  au  norl.  nous  singlames  au  sud.  puis  au  su'est,  jusques 
à  recognoistre  les  terres  d'Affrique  par  trente-cinq  degrez,  à  la  veue 
de  La  Rache,  et,  rengeant  la  coste  au  surouest,  nous  arryvames  à 
la  rade  de  Salle,  le  vingt"  de  juillet,  à  la  pointe  du  jour^.  Mons'  le 
chevallier  de  Razilly  donna  ordre  que  deux  des  vaisseaux  yroient 
vers  Fadalle  ^  au  surouest,  et  deux  autres  yroient,  terre  à  terre,  vers 
la  rade  de  Salle,  venant  du  costé  du  nord-est,  etluy,  avecq  les  trois 
autres  vaisseaux,  yroient  droit  mouiller  l'encre  à  la  rade,  pensant 
surprendre  des  vaisseaux  de  Salle  de  ceste  fasson,  qui  estoient  en 
ladite  rade,    qui   ne   pouvoient  eschaper.  n'eusl  esté  que  le  calme 

1.  OrU'jiiicrf.i,  Ortegal.  juillcl  pour  lenir  conseil.  V.  p.  2(17. 

2.  D'apri's    le    P.    [•'raiiçois    il'Aii^'nrs.  'A.  FatlalU.    Fedala,    rade    forainr.    V 
liazillv  avail  f'ail  i-^cali- .'1  KI-Maiinini  li-  17          ;'■'  Sérif.  rraiicu,  t.  Il,  p.  2')  i ,   uolc  3. 


PROCES-VERBAL  D  ANDRE  CHEMIN  aOQ 

vint,  qui  empesclia  que  les  vaisseaux  ne  peurcnt  acomplir  l'ordre 
qu  il  leur  avoit  donnée  :  tellement  que  trois  navires  du  port  de  cent- 
cinquanle  et  deux  cens  llionneaux  quiesloient  à  ladite  rade,  des- 
couvrans  deux  de  nos  vaisseaux  proche  de  la  forteresse  de  Salle  et 
les  autres  venans  du  costé  du  nord-est,  ilz  l'eurent  contrains  de  gai- 
gnerà  la  mer  vers  Fadalle  ;  que  sy  le  vent  eust  permis  que  les  deux 
vaisseaux  ordonnées  eussent  esté  de  ce  costé-là,  ses  trois  vaisseaux 
eussent  esté  pris.  Hz  se  sauvèrent  avecq  fort  peu  de  vuituaillcs,  mal 
accommodez,  d'autant  qu'ilz  pensoient  embarquer  à  loisir  leurs 
nécessitez. 

Touttc  la  Hotte  vint  doncq  mouiller  l'encre  à  la  rade  de  Salle,  à 
portée  de  canon  du  chasleau,  et  l'eust  tiré  de  la  forteresse  trois 
coups  de  canon  en  balle  sur  les  plus  proches  vaisseaux  d'icelle. 

Deux  heures  aprez.  1  on  envoya  une  chaloupe  à  portée  du 
mousquet  de  terre,  conduite  par  le  capitaine  Delormel.  lieutenant 
dans  le  navire  «  la  Licorne  »,  auquel  l'on  donna  la  lettre  qui 
s'ensuit,  laquelle  il  tira  à  terre  avecq  un  arc  et  une  lleche  : 

Teneur  de  la  lettre. 


Lettre  de   Razilly   a    Mohammed   be\   Abd   ei.-Kader   Ceron'. 

//  le  prie  de  liiifuirc  conruu'lre  l<i  voie  lu  plus  sàre  pour  entrer  en  relations 
arec  Moulay  Abd  el-Malek. 

En  rado  de  Salé,  30  juillrt  lOai). 

Monsieur, 

Vous  serez  advcrly  par  la  picscnic  que  je  viens  de  la  part  de 
1  invincible  Roy  Ïrès-Chresticn,  protecteur  de  l'Europe  et  monarque 
des  François,  alTin  de  traiter  qiiebjucs  alTaires  importantes  avecq 
le  trcs-pulssanl  Molley  Abd  el-Melecq,  roy  de  Marocq  et  empereur 
d'AITriquc.  C'est  pourquoy,  ce  lieu  icy  estant  le  premier  que  j'aye 

I.   Ce  caïd,  qui   exerçait  une  grande  in-  decelterépnlili((ueavecles  Puissances.  V.  ci- 

llui'ncesur  les  Ilornacheros  de  Salé,  joua  un  dessous,)).  3o8et  note  i;  i''  Série,  Pays-Bas, 

rôle  important  dans  toutes  les  négociations  t.  III,  passini,  Angleterre,  i4  juillet  i63i. 
De  Castuies.  III.  —  lit 


2IO  iGaç) 

peu  aborder  en  ces  cosles,  je  vous  adresse  ce  mol  pour  vous  prier 
me  mander  la  \  eoye  plus  asseurée  pour  luy  faire  sçavoir  de  mes 
nouvelles,  et.  pour  cest  eflait,  je  vous  donne  ma  paroUe,  qui  est 
inviollable.  que  tous  ceux  qui  viendront  de  vostre  part  s'en  pour- 
ront retourner  avecq  toute  seureté;  mesmes.  s'il  y  a  quelques 
marchans  françois,  il  vous  plaira  vous  servir  d  eux  pour  me  mander 
au  plus  tost  ce  que  dessus. 

En  atendant.  je  demeurerey,  Monsieur, 

Vostre  très-humble  serviteur, 
Le  chevallier  de  Razilly. 

Envoyée  au  gouverneur  de  Salle  le  vingt'  de  juillet  1629. 


Le  Gouverneur,  ayant  receu  ladite  lettre,  tout  incontinent  fit 
esquiper  une  siene  chaloupe  qu'il  envoya  au  bord  de  monsieur  le 
chevallier  de  Razilly  avecq  la  response  de  la  susdite  lettre  en  langue 
espaignolle,  dont  la  teneur  ensuit  : 


Letthe   ue   Mohammed   be\   Abd   el-Kadek   Cehon  a   Razilly. 
]l  lui  souhaite  lu  liicnrcnue  et  envoie  une  barque  lui  porter  ses  propositions . 

Salé,  27  Don  cl-Cada  [o38'  —  18  juillet  1639. 

Sea  V.  S.  muy  aliora  bucna  vcnido  a  este  puerlo,  que  para  todos 
los  Andallozes,  moradores  desta  fuerça,  a  sido  negocio  de  mucho 
gousto,  y  lo  touvieron  muy  occido  con  la  carta  que  Y.  S.  nos  escrivio  ; 
y  ansy,  para  satisfazer  a  ella  y  servir  a  V.  S.  en  toto  quanto  se 
offreciere,  yra  un  ijarco  a  bordo  aqui,  en  suplico  se  saliiar  del 
procéder  y  de  la  seguridad  con  que  aqui  se  trata,  ques  notosia  a 
todos  el  mundo. 


I.    Il     faut    probablement   rétablir  :    39         puisque  cette  lettre  est  une  réponse  à  celle 
Don  cl-Caila,  correspondanl  au  20  juillet,         de  I\a/illv  du  io  juillet. 


PROCES-VERBAL    D  ANDRE    CHEMIN  211 


j  Que  Dios y  prospéra  V.  S.  largos  annos  ! 

Desta  fucrça  de  Salle,  27  de  Du  al-Cada  io38. 

Muhamad  ban  Abdulcader  Ceron. 


Dans  laquelle  chaloupe  qui  aporla  ceste  responce  vindrenl  à 
bort  forces  Andallous  et  capitaines  de  ladite  ville  de  Salle,  lesquelz 
virent  le  vaisseau  «  la  Licorne  »  bien  armé,  comme  il  est,  de 
force  canons  et  de  bons  hommes,  le  tout  en  bon  ordre,  qui  feurent 
fort  bien  receubz  dudit  s'^  chevallier  de  Razilly,  et  s'estonnoient 
de  veoir  un  sy  grand  nombre  de  monde  sy  bien  couvertz  et  armez, 
et  ravis  de  veoir  de  sy  belles  flemmes  et  estandars  de  damas  en- 
richis à  perfection,  qui  les  faisoit  bien  juger  qu'un  tel  vaisseau 
ne  pouveoit  apartenir  qu'à  ung  grand  roy  ;  et  véritablement  tous  les 
vaisseaux  de  la  flotte  estoient  fort  bien  armez,  et  avoient  des  mat- 
telos  et  soldatz  en  plus  grand  nombre  que  Testât  du  Roy  ne 
portoit. 

Le  gouverneur  de  Salle  monstra  sa  liberallité  et  envoya  au  s'' 
chevallier  de  Razilly  douze  grandz  moutons,  douze  penniers  de 
raisin  muscat  et  quantité  de  voUailles,  lequel,  en  revenche,  luy 
envoya  huit  aulnes  de  toille  d'oi',  qui  valloient  six  fois  son 
présent. 

En  mesme  temps,  ledit  s'  chevallier  de  Razilly  cscrivit  une 
seconde  lettre  et  dit  de  bouche  à  tous  les  Andallous  qui  estoient 
dans  son  bort  :  «  Dites  à  vostre  gouverneur  que,  s'il  ne  me  renvoyé 
tous  les  esclaves  françois  qu'il  détient  injustement  dans  peu  de 
jours,  que  je  luy  déclare rey  la  guerre  de  la  part  du  roy  de  France, 
mon  maistre,  et  que  je  l'advise  qu'il  ne  sortira  ny  entrera  aucuns 
vaisseaux,  qu'il  ne  soit  pris  ou  couUé  à  fons  ;  et  que,  s'il  désire 
rendre  les  susditz  esclaves  de  bon  gré,  on  luy  fera  un  présent 
hoiinesle,  aprochant  de  la  valleur  que  pourront  avoir  cousté  les 
esclaves  en  la  place  publique.  » 

L'ordre  estoit  de  s'adresser  au  roy  de  Marocq,  aflin  qu'il  fit 
rendre  lesdits  esclaves,  s'ilz'  n'eiissenl  esté  révoltez.  Mais,  ayant 
apris  leur  révolte,  par  les  Andallous  de  la  ville  de  Salle  qui  vindrent 

I.   //;  :  les  Salctins. 


Ul-2  1629 

à  bord,  contre  ledilroyde  Marocq,  et  qu'on  les  apeloit  La  Rochelle 
d'AITrique.  successyve  et  dominatyve  en  Republique',  partant 
1  on  jugea  que  cestoit  perdre  temps  d'avoir  recours  au  roy  de 
Mai'ocq  pour  la  liberté  des  esclaves  de  Salle,  et  qu'il  falloit  les 
ravoir  par  force  d'armes,  s'ilz  ne  les  voulloii'nt  lendre  damityé. 

Les  marchans  hoUandois  etanglois,  qui  poui-  lois  cstoientà  Salle, 
nous  asseurerent  de  la  déplorable  mort  des  deux  R.  P.  Pierre 
d'AUenson  et  Michel,  capuchins,  que  tout  le  monde  de  la  terre  ^, 
quoy  que  Mores,  croyent  qu'ilz  sont  morfz  saintz  :  et.  en  elTalt,  il 
seroit  impossible  de  resyter  par  escript  le  nombre  de  cbaritez  et 
bonnes  œuvres  qu'ont  fait  ses  deux  bons  Pères.  Le  grand  zelle  du 
service  de  Dieu  les  faisoit  eslre  tousjours  entre  les  Chrestiens,  qui 
estoient  pestiiTerez,  affin  de  les  assister,  tellement  qu'à  la  fin  ilz  ont 
rendu  l'ame  à  Dieu,  avecq  un  très-grand  nombre  d'autres  Fransoys 
esclaves,  entre  lesquelz  y  avoit  quelques  genlilhommes  qui  sont 
mortz,  particuUierement  le  nepveu  dudit  s'  ch"  de  Razilly.  A 
l'exemple  de  ces  deux  bons  Pères  capuchins,  ilz  ont  rendu  lame,  très- 
particuUierement  louant  Dieu,  à  chacun  moment,  de  les  avoir 
envoyez  mourir  parmy  les  infidelles,  oîi  ilz  avoient  recogneu  plus 
facillement  les  merveilles  de  Dieu  que  s'ilz  eussent  esté  en  France 
parmy  les  dellices,  car  la  pluspart  estoient  fort  desbauchez  en  France 
et  neantmoingz  ont  fait  une  mort  très-chrestienne.  Voillà  comme 
Dieu  se  sert  de  plusieurs  moyens  pour  sauver  des  âmes  ! 

^ous  feusmes  asseurez  par  les  susdits  marchans  que,  pour  tout 
certain,  il  estoit  mort  de  peste  dans  la  ville  de  Marocq,  en  l'année  iiî-2-^, 
cent-soixante  mil  hommes  arrabes  et  quelques  deux  mil  Chrestiens 
esclaves,  contant  ceux  qui  sont  mortz  à  Salle,  de  sorte  qu'il  ne  reste 
d'esclaves  françois  à  Marocq  que  cent-dix,  et  à  Salle  cent-soixante. 

Geste  triste  nouvelle  nous  feust  confirmée  par  les  Andallous  de 
Salle,  tellement  que  nions'  le  chevallier  de  Razilly  pensa  mourir  de 
desplaisir,  sçachant  la  mort  des  Pères  capuchins.  de  son  nepveu  et 
autres  gentilhommes  qu'il  estimoit  grandement.  Mais  particuUiei'e- 
ment  de  la  mort  dudit  Père  Pierre  d'AUenson,  il  nous  feust  presque 


I.   Sur  la  révoltt!  des  Salétinsct  la  cons-  2.   De  la  terre,  c'est-h-dirr  :  du  pays, 

litution  de   Salé  en  républicjue,   V.  Inlro-  3.   Sur  culte  peste,  V.   supra,    pp.    1^4, 

duction  critique,  pp.  191-192.  iS/,  iSg,  i8i-i83. 


PROCES-VErtBAL    n  ANDHIÎ     CIIKMIN  2IO 

impossible  de  le  pouvoir  consoUer,  car  il  laymoit  autant  que  soy- 
mesme  ;  à  la  vérité,  la  grande  fréquentation  ([u'il  avoit  eue  avecq 
luy  et  la  cognoissance  de  ses  bonnes  mœurs  luy  faisoient  admirer 
la  sainteté  de  sa  vie. 

Or  ledit  s'  chevallier  de  Razilly,  sçachanl  que  le  plus  grand 
nombre  d'esclaves  estoient  à  Salle  et  que,  s'il  allnit  avecq  toute  sa 
Hotte  à  SafTy,  il  ne  pourroit  revenir  audit  Salle,  —  d'autant  que  les 
marcz  et  le  vent  de  noirouest  ordinaire,  cpii  dure  le  plus  souvent 
trois  mois,  fait'  qu'il  fault  un  grand  temps  à  rellovoyer  de  SalTy 
à  Salle,  bien  qu'il  ny  ait  que  soixante  lieux  —  donc"  par  l'advis  du 
Conseil  de  guerre,  il  feust  trouvé  à  propos  d'envoyer  deux  des  plus 
légers  navires  de  ceste  flotte,  qui  fut  le  vaisseau  «  la  Sainte-Anne  », 
commandé  par  le  s'  chevallier  Des  lloohes,  et  «  le  Hambourg  », 
commandé  parle  s'' chevallier  de  (iuitault,  et  une  pinasse,  ausquelz 
sieurs  feust  ordonné  de  commander  sepmayne  par  sepmaine,  estans 
tous  deux  camarades,  et  prier  le  II.  F.  Rodolphe,  capucliin,  d'aller  à 
Marocq.  aprezavoireu  passeport  et  seureté  dudil  roy,  etpoiterla  lettre 
de  Sa  Majesté  pour  negotier  la  liberté  des  esclaves  qui  restent  et  la 
paix,  selon  l'ordre  de  monseigneur  le  Cardinal,  ce  qui  a  esté  exécuté. 

Le  Frère  Rodolphe  feust  généreusement  à  SalTy  avecq  les  deux 
navires  et  la  pinasse^  où  ayant  pris  passeport,  alla  présenter  la  lettre 
du  Roy  audit  roy  de  Marocq,  où  il  feust  très  hien  reecu  avec  tout 
honneur.  Neantmoingz  les  caballes  eslrangeres  travaillèrent  jour  et 
nuit  afRn  d'empescher  qu'on  ne  rcnouvelast  les  antiennes  amitycz 
qu'il  y  a  eu  autrefois  entre  la  France  et  Marocq.  d'autant  que  ceste 
alTairc  est  plus  importante  que  beaucoup  ne  se  pourroicnt  imaginer, 
parlicullierement  pour  la  navigation.  Mais  ledit  Révérend  Frère 
Rodolphe,  estant  pratique  du  pays  et  fort  entendu  à  touttes  bonnes 
alVaires,  a  dissipé  ces  obstacles  de  telle  sorte  qu'il  a  sussité  le  roy  de 
Marocq  à  rendre  les  esclaves  et  faire  la  paix,  et  avecq  passion  sou- 
haiter l'amityé  du  Roy  Très-Chrestien,  luy  disant:  «  Bien  que  les 
François  maynl  l'ait  tort  de  la  valleur  de  trois  millions  de  pierre- 
r\es  et  de  sent  mil  volhunesdc  livres  des  manuscriizde  S' Augustin  *, 


I.    Le  texte  porte  :  rjui  fait  qnU nouvelle. 

a.    L'auteur  oubliant  le  flébiitilesa  plirase  3.    Ils  partirent  \('.  i^  juillet.  V.  p.  aSS. 

la  laisse  inachevée  et  en   commence  une  4-   Une  légentlecpii  avait  coursau  Maroc, 


2I_'|  1629 

et  que  celuy  quia  ravyce  tiesor  au  roy,  mon  père,  avoit  commis- 
sion du  roy  de  France*,  neanmoingz  j'oublie  le  tout,  sur  la  grande 
réputation  du  gi'and  roy  Louis  le  Juste,  monarque  des  François  ; 
je  désire  son  amityé  et  rendray  tous  les  François.  Je  suis  bien 
taché  de  ceux  qui  sont  mortz,  car  je  les  aurois  tous  renvovez  à  Sa 
Majesté  Très-Chrestienne,  encor  qu  il  ne  m'eust  envoyé  aucun 
présent.  » 

Ledit  Frère  Rodolphe  luy  porta  aussy  la  lettre  du  s''  chevalier  de 
Razilly,  dont  la  teneur  ensuit  : 

Lettke  de   Razilly   a  Moulay   Abd   el-Malek. 

Evénements  (jiii  l'ont  empêché  de  retourner  plus  tôt  au  Maroc.  — Il  a  pour 
mission  de  renouveler  les  anciennes  alliances  entre  le  Marne  et  la  France.  — 
Il  s'excuse  de  ne  pouvoir  aller  rendre  ses  hommatjes  au  Chérif.  — Il  a 
eu  la  douleur  d'apprendre  la  mort  des  capucins  et  des  (jentilshommes  cjui 
étaient  venus  avec  lui,  en  1O24,  au  Maroc.  —  //  rappelle  le  rôle  joué  par 
lui,  lors  du  siège  de  Safi  par  Yahia  ben  Abdallah.  —  //  envoie  deux 
vaisseaux  et  une  pinasse  à  Saji,  pour  faire  remettre  au  Chérif  les  lettres 
de  Louis  XIII.  —  //  prie  le  Chérif  de  contraindre  les  Salétins  à  rendre 
les  Français  cju'ils  détiennent  captifs,  faute  de  quoi  il  devra  recourir 
contre  eux  à  la  force.  —  //  demande  la  relaxation  de  tous  les  autres 
captifs  dans  le  royaume  du  Chérif,  ainsi  que  l'octroi  d'un  sauf-conduit 
au  F.  Rodolphe  et  l'autorisation,  pour  ce  capucin,  de  se  servir  d'un 
interprète  français.  —  //  met  le  Chérif  en  garde  contre  la  malveillance  de 
diverses  personnes.  —  //  ouvrira  les  négociations  en  vue  du  traité  aussi- 
tôt après  la  mise  en  liberté  des  captifs  de  Salé. 

En  rade  de  Salé,  28  juillet  1629. 

Sire, 
Sy  j'eusse  esté  libre  de  mes  vollontées,  il  y  a  quatre  ans  que  je 

surtout  parmi  les  Chrétiens,  assimilait  légende,  saint  Augustin  serait  enterré  dans 
saint  Augustin  à  Sidi  Bel  Abbès  es-Sebti,  cette  dernière  ville  et  sa  tombe  v  serait  vê- 
le patron  de  Merrakech.  Elle  semble  avoir  nérée.  Dappek, Traduction, p.  i36,  elinfra, 
pour  origine  la  ressemblance  entre  le  nom  p.  788.  Sidi  Bel  Abbès  est  enterré  à  Merra- 
de  Tagaste,  ville  où  naquit  saint  Augustin,  kecli  dans  la  mosquée  qui  porte  son  nom. 
et  celui  de  Tagaost  (Sous).   D'après  cette  i.   .\Uusion  à  l'affaire  Caslelano. 


PROCES-VERDAL    11  ANDRE    CHEMIN"  3  10 

feusse  retourné  en  vostre  empire  :  mais  il  a  pieu  à  mon  roy  me 
faire  l'honneur  de  me  donner  employ  en  ses  victoires  acoustumez, 
où  il  a  vaincu  non  seullemcnt  ses  subjctz  rebelles,  mais  tous  les 
princes  estrangcrs  qui  l'ont  voullu  troubler.  Et  maintenant  que 
toutte  l'Europe  tremble  dessoubz  sa  puissance  et  que  Sa  Majesté  a 
un  sy  grandnombrede  navires  qu'il  n'a  des  ennemys  assez puissans 
pour  les  employer.  Sa  Majesté  m'a  commandé  de  venir  avecq  dix 
de  ses  vaisseaux  vers  la  cosle  de  Vostre  Majesté  pour  negotier  et 
renouveler  les  antiennes  alliances  qu'il  y  a  eu  entre  les  roys  vos 
prédécesseurs.  Sans  la  particulliere  delTence  que  j'ay  de  mon  roy 
de  dessendre  à  terre,  m'ayant  commis  à  la  conservation  de  ses 
vaisseaux,  je  naurois  manqué  d'aller  baiser  les  piedz  de  V.  I.  M.  et 
luv  rendre  mille  grâces  des  fabvcurs  que  j'ay  receubz  d'elle  prez 
l'empereur  Mole  Sidan,  père  de  V.  M.,  pour  ma  liberté,  qu'elle  me 
fit  l'honneur  de  respondre  de  ma  fidellité,  que  j'auray  toute  ma 
vie  cngravé  dans  mon  cœur  ceste  obligation:  bien  qu'arryvant  en 
ceste  rade  de  Salle,  j'ay  receu  les  plus  tristes  et  déplorables  nouvelles 
que  je  pouvois  jamais  recevoir,  ayant  sceu  la  mort  des  bons  Pères 
capuchins,  de  mon  nepveu  et  de  tous  les  gentilhommes  et  princi- 
paux François  qui  sont  mort/,  et  les  autres  renoncé  la  foy,  ne 
restant  à  présent  que  des  misérables  serviteurs  et  gens  qui  n'ont 
aucune  commodité  ny  autre  recommandation  que  celle  de  la  simple 
charité.  Ce  qui  m'afflige  le  plus,  c'est  ([uon  ma  dit  en  ces  quartiers 
qu'il/  sont  mortz  par  le  mauvais  traitement  qu'ilz  ont  souffert  de  la 
part  de  \ .  M.,  qui  est  tout  le  contraire  de  ce  que  j'avois  asseuié  à 
mon  roy  que  V.  M.  leur  feroit  tout  bon  traitement  ;  de  sorte  que 
je  suis  comme  au  desespoir  des  justes  et  inévitables  reproches  que 
me  fera  Sa  Majesté  de  trouver  un  sy  contraire  changement  à  ce  que 
je  luv  avois  promis.  Sans  doubte  que  Dieu  sera  irrité  que  ces  pauvres 
François  soient  sv  malheureusement  mortz,  veu  qu  ilz  estoicnt 
venus  avecq  toute  franchise  et  bonne  vollonté  pour  servir  l'empereur 
Mole  Sidan,  père  de  V.  M.  ', —  ainsy  que  je  l'ay  servy  au  siège  de 
Saffy  contre  Aya  "  — au  lieu  que  mes  ennemys  luy  avoientfaitentcn- 


I.   On  aplacôentrc  tiretslesmotssuivaiits         porte  à  la  mission  de  162^. 
qui  sont   unf  paronlliise  rétrospective.  Le  2.   .\lhision  au  siège  de  Safi  par  Yaliia 

reste  de  la  jilirase  ainsi  que  le  début  se  rap-         ben  Abdnilali  en  lOi().  ^.  Doc.  IX,  p.  20. 


2 1 6  1  fi  •>.  9 

dre  que  j'estois  venu  pour  me  saisir  de  la  place  ;  ce  qui  ne  feust 
jamais  en  ma  pensée,  qui  tendoil,  de  mesme  qu'à  présent,  à  la  paix, 
que  V.  M.  considérera,  s'il  luy  plaist,  qu'elle  luy  aportera  cent  fois 
plus  de  profFit,  en  un  an,  par  la  liberté  du  traiïîcq  et  commerce, 
pour  les  droitz  de  V.  jNI.  ',  que  la  renson  qu  elle  pourroit  espérer 
des  pauvres  esclaves  ne  pourroit  l'aire. 

Sur  quoy  j'envoye  deux  des  plus  légers  vaisseaux  et  une  pinasse 
de  ceste  flotte  en  la  rade  de  SafTy  pour,  de  là,  faire  tenir  la  despesche 
de  mon  roy  à  V.  M.,  etattendray  en  cesle  rade  de  Salle  l'honneur 
des  commandemens  de  V.  M.,  que  je  suplye  très-humblement  me 
départir  au  plus  tost  et  commander  à  vos  subjetz  de  Salle  d'assem- 
bler tous  les  François  qu'ilz  détiennent  esclaves,  soit  dans  la  ville 
que  dans  le  pays,  pour  mêles  faire  rendre,  premier  que  je  parte  de 
ceste  rade,  ayant  commandement  très-exprez  de  mon  roy,  par 
l'ordre  que  m'en  a  donné  monseigneur  le  cardinal  de  Richelieu  qui 
commande  les  armes  de  Sa  Majesté  en  France,  s'ilz  n'effectuent 
ceux  de  V.  M.  en  ceste  occasion,  de  les  y  forcer  par  toutes  les  veoyes 
que  je  pourray,  et  espe^ranl  de  la  générosité  de  \.  M.  qu'elle 
donnera  ce  contentement  à  mon  roy  et  la  liberté  de  ceux  qui  restent 
en  vie  à  Marocq  et  autres  lieux  du  pouvoir  de  V.  M.,  dont  je  la 
suplye  très-humblement  de  faire  envoyer  le  mémoire  des  noms  et 
un  passeport  bien  ample  pour  le  Frère  Rodolphe,  capuchin,  qui  va 
porter  la  despesche  de  mon  roy  à  V.  M.  :  et  me  fera  ceste  grâce 
de  se  voulloir  servir  de  Paul  Imbert,  pauvre  esclave,  ou  de  quelque 
autre  François  qui  sache  la  langue  du  pays,  pour  expliquer  à  V.  M. 
fidellement  ma  lettre  et  ensuite  celle  de  mon  roy,  et  luy  donner 
permission  qu'il  aille  à  SalTy  pour  servir  de  conduite  et  truchement 
au  Frère  Rodolphe  qui  va  trouver  V.  M.,  d'autant  que  j'ay  esté 
advei'ty  ([ue  Fransceq  Rocq  "  est  près  de  V.  M.  pour  m'y  faire  de 

I.   Pour    les  droilz  de    V.   il).    L'auteur  corresponden   commigo  y  lo  liiço  con  mi 

veut  diro  que  la  prospérité  du  commerce  padre  muchos  afios  siempre  con  aprovacion 

accroîtra,  par  la  perception  des  taxes,  les  y  confianza  de  su  procéder,  porque  es  un 

revenus  du  Cliérif.  Espafiol  cassado  en  Cadiz,  correspondiente  v 

y..   Francisco  Roque  était  un  dos  agents  confidente  de  mercaderes  de  aquella  ciudad, 

de  l'Espagne  aupri-s  de  Moulay  Zidàn.  Le  en  particular  de  Aloiiso  de  Herrera  Torres, 

duc  de  Medina-Sidonia  donne  à  son  sujet  hombre  de  muchos  negocios  y  de  satisfa- 

à  Philippe  IV  les  renseignements  suivants.  cion.  «(/'''.Série,  Espagne,  Lettre  de  J/erfino- 

«  Francisco  Roque,  que  es  uno  de  los  que  se  Sidonia  à  l'hiUppe  IV,  ig  avril  1627.) 


PROCES-VERli.VL    n  ANDRE    CHEMIN  SI" 

mauvais  ofïices,  outre  que  je  say  de  bonne  part  qu'il  y  en  a  beau- 
coup d'autres  mal  affectionnez  pour  empescher  le  bon  succez  de  ma 
negotiation. 

Et,  incontinent  aprcz  que  j'auray  les  esclaves  de  Salle,  j'yray  à 
SafTy  ou  autres  lieux  que  V.  M.  me  commandera  daproclier,  pour 
traiter  de  la  paix  et  dellivrer  le  présent  que  mon  Roy  envoyé  à  V. 
M.  et  renvoyer  par  mesme  moyen  les  esclaves  françois  qui  resteront, 
supliant  V.  M.  de  croire  que  ceux  qu'elle  aura  agréable  qui  aillent 
dans  les  vaisseaux  y  seront  les  bien  receubz  et  y  auront  toutlo 
liberté. 

Cependant  je  prie  Dieu  pour  la  prospérité  et  heureux  règne  de 
V.  1.  M.  de  laquelle  je  seray  à  jamais, 

Sire. 

Vostre  très-humble,  très-obeissant  et  très-fidelle  serviteui-. 

Le  chevallier  de  Razilly. 

De  la  rade  de  Salle,  ce  23''  juillet  i(i2(). 

Et  la  subscription  de  ladite  lettre  est  : 

A  très-liault.  très-puissant  et  très-victoiieux  MoUey  Abd  cl- 
Melecq,  roy  de  Fez,  Marocq,  Suze  et  Gago,  grand  chérit'  de 
Mahnmmrt  cl  empeicur  d'An"ri(]uc. 


Les  deux  navires  et  la  pinasse  estans  donc  partis  pour  aller  à  Saffy, 
ledit  s'  chevalier  de  Razilly  fît  encor  entendre  au  gouverneur  de 
Salle  et  Andallous  que,  s'ilz  ne  lendoient  les  esclaves  françois  pron- 
tement,  qu'il  leur  feroit  la  guerre,  dont  alors  ilz  en  firent  des  risez 
par  la  ville,  et  furent  sy  irnpudens  de  dire  que  le  roy  d'Angle- 
terre, qui  esloit  le  maistre  de  la  mer,  leur  avoit  envoyé  embassa- 
deurs  et  plusieurs  pièces  de  canon  de  fouie  pour  leur  deaiaiKlcr  la 
paix'  et  que,  sy  le  ion   de  France  la  \oiill(ill  avecq  eux,  en  rendant 

I.    Allusion  à  la  mission  de  John  Ilarrison  urK^  ville:  dr   pirnins.  V.   i''^  Série^  Anglc- 

cnvoyé  en   iCi->.-  pour  traiter  avec  les  Salé-  terre,    Lcllre    di'   II.    Marlcn,  5    décembre 

lins,   malgré   l'avis  de  Sir  Henry  Marten  1G26  et  Helalions  de  John  Ihurison,  année 

qui  était  opposé  a  toute  négociation   avec  iGî'J. 


2l8  l^'2f) 

les  esclaves,  qu'il  leur  falloit  donner  cent  pièces  de  canon  et  un 
million  de  livres. 

Doncq  alors,  ledit  sieur  ch"  de  Razilly  fit  mettre  en  ordre  les 
cinq  navires  du  Roy  qui  luy  restoient  et  les  deux  patachcs  de 
soixante  à  quatre-vingtz  tlionneaux,  bonnes  voillieres,  qu'il  avoit 
fait  armer,  ayant  prévu  que  les  vaisseaux  du  l\oy  estoient  trop 
grandz  et  pesans  pour  ranger  proche  de  la  terre  affin  d'atraper  les 
vaisseaux  de  Salle  '  ;  et  feust  disposé  ([ue  deux  navires  garderoicnt  la 
rade  de  La  ,Mamora,  à  cinq  lieux  du  nord-est  de  Salle,  un  autre 
entre  Fadalle  et  Salle,  les  deux  pataches  terre  à  terre,  et  le  vaisseau 
admirai  et  vis-admiral  au  millieu,  au  norouest  de  Salle.  Ce  qui  a 
esté  fait,  tellement  que.  depuis  l'ordre  donné,  il  n'a  peu  entrer  ny 
sortir  au  port  de  Salle,  en  trois  mois  de  temps,  aucuns  navires 
qu'un  vaisseau  d'Alger,  un  de  Salle  et  deux  petites  setyes^,  qui 
neantmoingz  rengerent  la  terre  de  sy  prez  qu'il  esloil  du  tout  im- 
possible de  les  aborder  sans  s'eschouer;  neantmoingz  feurent 
battus  à  coups  de  canon  et  coups  de  mousquet  par  la  patache 
d'OUonne  depuis  La  Mamorc  jusqucs  à  la  rade  de  Salle  ;  et  avons 
depuis  apris  qu'il  feust  tué  vingt  hommes  dans  ledit  vaisseau  de 
Salle,  qui  se  deffendit  assez  bien,  y  ayant  force  monde  dedans,  et 
tuèrent  le  sieur  de  Penneshir,  qui  coinmandoit  aux  soldatz  du  ren- 
fort que  y  avoit  mis  ledit  s''  chevallier  de  Razilly,  et  feust  blessé 
deux  gentilhommes  apellez  La  Ferre  et  Jaquetyere,  lesquelz  ont 
esté  guéris  de  très-grandes  blesseures  qu'on  ne  croyoit  pas  qu  ilz  en 
peussent  eschaper,  mais  ilz  ont  esté  grandement  bien  asistez.  Et 
le  vaisseau  advangarde,  commandé  par  le  sieur  de  Trellebois,  feust 
jusques  soubz  le  chasteau  de  Salle  les  poursuivre,  en  les  battant  à 
coups  de  canon,  auquel  feust  tiré  plus  de  quatre-vingtz  coups  de 
canon  dudit  chasteau,  et  crevèrent  deux  couUuevrynes  de  fonte  de 
celle  quavoient  aporté  lesdifz  Anglois. 

Le  dimanche  cinq'' jour  d'aoust  arryva  à  la  pointe  du  jourparmy 


I.   Le  chevalier  de  Jalesncs  questionne  manque  d'embarcations  légères  gêna  beau- 

à    Cadix    sur    la    mission    RaziUv    recon-  coup  W  .  Rainsborough,  lorsque  cet  amiral 

naissait  que  l'on  avait  commis  une  erreur  anglais    vint    en     iCS"    mettre   le    blocus 

en  envoirant  pour  opérer   contre  Salé  des  devant  Salé.  Cf. /''' Série,  Angleterre,  1687. 

navires   d'un    tonnage    aussi    considérable  a.   Setyes,    saities,    na>'ires   sans   rames, 

(/'«  Série,  Espagne,  i4  octobre  162g).  Le  portant  trois  ou  quatre  voiles. 


PROCES-vïï.uRVL  n  \M)ui:   ciiTMiN  a  19 

nous  une  chaloupe  de  Portugal,  dans  laquelle  estolent  trois  Turcz 
qui  se  sauvoieiil  d'esclavitude  de  Vienne  ',  qui  avoicnt  enlevé  deux 
jeunes  enfans  de  dix  ans  qu'ilz  croyoyent  mener  à  Salle  vendre  et 
les  rendre  renegatz,  et,  croyans  que  nos  vaisseaux  foussent  d'Alger. 
ilz  s'y  vindrent  rendre  et  feurentau  bort  du  \is-adiniral,  qui  esloit 
le  plus  proche  deux;  il  y  avoit  cinq  jours  qu'ilz  n  avoient  ny  Ijcu 
ny  mengé. 

Le  six"  dudit  mois,  l'admirai  de  Salle,  du  port  de  trois  cens 
thonneaux,  armé  de  vingt  pièces  de  canon  et  esquipé  de  cent  quatre- 
vingtz  hommes,  avecq  son  vis-admiral  presque  aussy  grand,  se 
trouvèrent  le  malin,  à  soUeil  levant,  entre  La  Mamore  et  Salle,  où, 
tout  aussytost.  les  navires  de  la  flotte  leur  coupèrent  chemin  ;  le 
plus  proche  f'eust  le  vis-admiral,  contre-admiral  et  le  flibot.  qui 
l'entreprindrent  en  telle  fasson  qu'ilz  le  contraignirent  d'aller 
mouiller  l'encre  à  portée  d'arquehusade  de  terre,  et  fdla  son  cable 
jusques  à  ce  qu'il  feust  tout  proche  des  rochers,  oîi  il  se  résolut  de 
combattre.  «  la  Renommée  »,  qui  acompaignoit  l'admirai,  poursuv- 
voient  à  force  de  veille  le  vis-admiral  de  Salle"  ;  mais  d'autant  qu  il 
estoit  fort  bon  voillier,  il  gaigna  à  la  mer,  qui  feust  cause  qu'on  ne 
les  peut  atraper;  et  l'admirai,  jugeant  ne  pouvoir  joindre  ledit 
vaisseau,  entendant  tirer  nombre  de  coups  de  canon,  revyra  de 
l'autre  boit  pour  venir  aider  au  vis-admiral  et  contre-admiral,  et 
lorsque  le  vaisseau  ennemy  aperceust  notre  admirai  à  portée  de 
canon  de  \n\ ,  perdit  courage.  <jui  le  fit  s  eschouer  à  terre,  et  se 
jett(>rent  tous  à  la  nage  pour  se  sauver,  abandonnant  leur  navire, 
où  tous  nos  vaisseaux  recommencèrent  à  tirer  force  canonnades 
qui  en  tuèrent  grand  nombre,  et  force  autres  qui  furent  noyez,  et, 
dès  le  soir,  on  mist  le  feu  dedans  et  feust  du  tout  bruslé,  sans  qu'il 
en  feust  rien  sauvé. 

Ce  vaisseau  s'eschoua  à  une  petite  lieue  de  La  Mamore,  où  les 
Espaignolz,  des  rcmpars  de  leur  forteresse,  voyoient  le  plaisir  du 
combat. 


I.    FiV^nne.  Vianna  <lo  Castcllo.  [lotit  port  nmiral),   «  la  Catlierine  «  (contre-amiral) 

de  la  province  de  Minho  (Portugal),  à  70  et     .(    le    Saint-Jean    )i    (llibot)    atta([ucnt 

kilomètres  au  nord  de  Porto.  l'amiral  de  Salé  pendant  que  «  la  Licorne  » 

a.    Le  sens  de  ce  passage  un  peu  obscur  (amiral)  et  c<  la  lii^nommée  «  tienni'nt  tète 

est    celui-ci   ;    «   le    Saint-Louis   »    (vice-  an  vice-amiral  de  Salé. 


220  '62() 

Ensuite  le  vis-admiral  et  «  la  Renommée  »  firent  eschouer  un 
autre  vaisseau  de  guerre  toutproche  où  feustbruslé  celuy  cy-devant, 
que  le  mauvais  temps  empescha  que  ne  peusmes  le  Ijrusler. 

En  mesme  temps  que  les  Espagnolz  de  La  Mamore  nous  voyoienl 
maltraiter  les  vaisseaux  de  Salle,  ne  nous  cognoissant  point,  firent 
sortir  une  caravelle  de  leur  poit,  laquelle  vintjusques  à  portée  de 
canon  des  vaisseaux  de  nostre  Hotte  et,  ne  nous  pouvant  cognoistre, 
eust  peur,  qui  la  fît  rentrer  dans  ledit  port,  ce  que  voyant,  le  dit 
sieur  chevalier  de  Razilly  se  deslibera  de  faire  escrire  une  lettre  au 
gouverneur  dicelle,  dont  la  teneur  ensuit  : 

Lettre  de  Razilly  a  Toriisio  de  IlKr.uERA'. 

Il  proteste  de  ses  bonnes  dispositions  à  l'égard  des  Espagnols;  il  doit,  aux 
termes  de  sa  mission,  prêter  assistance  aux  vaisseaux  du  Roi  Catholique . 
—  Son  action  se  bornera  à  obtenir  des  Salétins  la  relaxation  des  captifs 
français.  —  Les  bons  procédés  de  Ilerrera  à  l'égard  de  ces  captifs  l'obli- 
gent ù  faire  de  même  vis-à-vis  des  Espagnols.  —  //  renvoie  au  gouverneur 
deux  captifs  qu'il  a  trouvés  sur  une  chaloupe i  —  //  est  bon  que  la 
flotte  française,  pour  agir  contre  les  Salétins,  se  tienne  en  vue  de  El- 
Mamora. 

A  boni  do  la  Licorne,  0  aoùl  lOag. 

Monsieur, 

Voyant,  ces  jours  passez,  une  de  vos  pinasses  qui  sortoit  de  vostre 
port  et  venoit  vers  ceste  ilotte,  j'amenay  mes  voilles  pour  l'at- 
tendre, et  quelqu'un  de  nos  vaisseaux  ayant  fait  porter  à  la  ren- 
contre, vostre  dite  pinasse  tesmoigna  avoir  quelque  defliance  de 
nous,  d'autant  qu'elle  s'en  retourna  sans  nous  jjarler,  bien  qu  elle 
pouvoit  veoirlestendart  du  Roy  Très-Chrcstien,  mon  maistre,  dont 
j'ay  commandement  de  Sa  Majesté  d'assister  tous  les  vaisseaux  que 
je  pourrois  rencontrer  au  Roy  Catholique.  C'est  pourquoy  je  vous 
oscris  la  présente,  aifin  que  n'entriez  en  ombrage  qu'eussions  inten- 
tion de  faire  tort  à  aucun  vaisseau  des  vostres  qui  pourroient  sortir 

1.    Il  avait  siucéilc  comme  gouvorneur  de  El-Mamora  à  U.  Juan  Jara  Quemada. 


PROCES-VERBAL    D  ANnUK    CHEMIN  22  1 


OU  entrer,  car,  tout  au  contraire,  je  Icui-  donneray  toute  protection  ; 
monseigneur  le  cardinal  de  Hicliclicii,  qui  commande  les  armes  de 
Sa  Majesté  par  la  mer  et  par  la  terre  en  France,  me  la  commandé 
très-particulierement. 

Vous  avez  veu,  par  expérience,  (jue  ceste  flotte  n'en  veult  qu'aux 
pirates  et  voUeurs  de  mer,  et  mon  but  principal  est  de  faire  la 
guerre  aux  vaisseaux  de  Salle  jusques  à  ce  qu'ilz  ayent  rendu  tous 
les  esclaves  Irançois  qu'ilz  détiennent  injustement.  La  preuve  de 
mon  dire  est  que  depuis  deux  jours,  comme  à  une  lieue'  de  vostre 
forteresse,  qu'à  coups  de  canon  avons  fait  eschouer  et  brusler  un  de 
leurs  vaisseaux,  d'environ  trois  cens  thonneaux,  armé  de  vingt  pièces 
de  canon,  où  il  y  avoit  quelque  deux  cens  hommes;  il  en  a  passé 
quelques  petitz  au  hazard  de  nos  canons,  mais  ilz  rcngeoient  sy  foit 
la  terre  qu'il  estoit  du  tout  impossible  de  les  aborder,  veu  la  gran- 
deur de  nos  vaisseaux:  pour  les  grandz  navires,  doresnavant  je  ne 
croy  pas  qu'ilz  nous  eschapent.  Sy  j'en  prens  quelqu'un  où  il  y  ait 
des  Espaignolz  esclaves,  je  vous  les  envoyeray,  sans  autre  préten- 
tion, sinon  de  faire  œuvre  agréable  à  Dieu. 

L'on  m'a  dit  que  plusieurs  François  cy-devant  esclaves  à  Salle 
s'estoient  sauvez  en  vostre  gouvernement  et  que  leur  avez  rendu 
force  courtoisies  et  donné  passage  pour  Espaigne.  Ceste  généreuse 
action  m'oblige  duserde  recyproque.  sy  telle  occasion  s'en  présente, 
et,  en  atcndant,  je  prie  Dieu  pour  vostre  prospérité  et  santé  et  suis 
à  jamais, 

Monsieur, 
\ostrc  très-humble  serviteur. 

Le  chevallier  de  Kazilly. 

De  nostre  bort,  ce  (i  aoust  i (]•>.<). 

Et  est  adjoulé  à  ladite  lettre  ces  motz  : 

Depuis  ma  lettre  escrlpte,  nous  avons  pris  une  chaloupe  venant 
de  Vienne,  dans  laquelle  y  avoit  trois  Turcz  et  deux  petitz  Espai- 
gnolz qu'ilz  esperoicnt  mener  à  Salle  jiour  les  vendre,  que  je  vous 

I.   Comme  à  Ufw  licuc,  c'est-à-dire:  environ  il  une  li(mo. 


222  ^^^9 

renvoyé.  J  eusse  fail  le  semblable  des  Tuiez,  nesloit  qu  ilz  ont  cor- 
respondanse  à  Salle  et  pourray  avoir  des  esclaves  François  pour  eux  ; 
sy  j'en  rencontre  dautres,  je  vous  les  renvoyeray.  Jay  recogneu 
que  la  meilleure  garde  que  je  pourroys  faire  pour  prendre  les  enne- 
mys  seroit  d'estre  à  la  veue  de  vostre  forteresse,  et  présentement 
nous  avons  fait  eschouer  à  la  cosle  un  autre  vaisseau  proche  de 
celuy  qui  a  esté  bruslé. 


Le  gouverneur  de  ladite  Mamore,  ayant  receula  lettre  cy-dessus, 
feust  très-content  d'aprendre  que  c'estoient  vaisseaux  du  roy  de 
France,  et.  pour  response  à  icelle,  envoya  celle-cy.  avecq  un  capi- 
taine de  la  forteresse,  offrir  tout  ce  qui  estoit  de  son  pouvoir  à  la 
terre,  dont  la  teneur  ensuit: 


Lettre  de  Toribio  de  Herrera  a  Razilly. 

Il  est  Iwnrcux  de  eonnaiire  la  mission  de  Hazilly  et  les  bonnes  dispositions 
de  ce/ui-ei  à  l'éi/ard  îles  Espagnols  :  il  explique  la  défiance  iju'il  lui  a 
d'abord  témoignée.  —  //  promet  à  Ra:llly  l'appui  de  la  garnison  espa- 
gnole de  El-Mamora.  —  Echange  des  captifs  espagnols  et  français.  — 
Tactique  conseillée  par  Torribio  de  Herrera  à  Razilly  pour  faire  écliouer 
à  la  côte  les  navires  ennemis. 

El-Mamora,  8  août  163g. 

Muclia  merced  he  recivido  con  la  agradal)le  carta  de  8  deste  que 
me  troyo  M',  de  Santa  Crux  y  sus  camarada,  y  ostoy  muy  contente 
de  aber  sabido  y  certillicado  me  de  lener  tam  buen  besino  como  son 
las  armas  del  Rey  Christianissimo  ;  y,  si  V.  S.  me  ubiera  abisado 
el  primer  dies  con  esta  lancha,  ubieremos  hecho  buena  conserva, 
que  suzgaba  los  baselles  de  V.  S.  cran  ollandeses,  de  quien  tango 
orden  de  recarlame  ;  y  por  csso  no  entendimos  quando  V.  S. 
amayna  las  vêlas,  porque  suelen  ser  ardides  de  guerra,  y  mas  em 
piratas,  para  cojer  gente,  y  no  se  puedo,  aunque  se  hiso  mucha 
dilligenzia,  conocer  el  estandarte  christianissimo;  y  quando  V.  S. 


PROCÈS-VERBAL    DAMIHÉ    CHEMIN  223 

enbarranco  el  basel  de  las  3oo  tonnelades  y  20  piezas,  yo  saque  my 
gente  a  campana  y  tome  les  puetos  que  me  parecyeron  a  proposito 
relrcme,  por  la  duda  que  digo  arriba  y  aber  sallido  muclia  cava- 
leria  de  SalIé  emparai-  su  bajel,  y  asi,  no  conociendo,  fue  l'ueiça  no 
abanturaime  ;  y  si  el  nabio  ubiera  enbarrancado  cerca  desta  plaza, 
no  se  escapara  niguno  de  los  que  benien  en  el,  y  se  tubieria  con 
V.  S.,  guardando  los  ordenes  de  Su  Magestad.  todalabuena  corres- 
pondanzia  que  permile  la  conservazion  de  las  armas  de  entranbas 
coronas  en  occasiones  semejantes  ;  y  esto  mismo  se  hara,  estando 
\  .  S.  con  esta  adbertancya,  en  los  nabios  que,  temerosos  de  los  de 
V.  S. ,  sy  deren  en  esten  costa,  cerca  desta  buena,  en  la  parle  donde 
yo  me  pueda  alargar,  con  my  génie  y  los  prisonneros  podren  servir 
para  los  inlentos  de  V.  S.  y  los  que  tienne  esta  plaza,  que  todo  biene 
a  ser  a  una  considerazion. 

Y  baiso  a  V.  S.  las  manos  por  la  merced  que  offreze  hazer  a  los 
caplivos  espaignoles  que  hallera  en  los  nabios  de  piratos  que  coxiere, 
y  lie  estimado  mucbo  el  rcmirlime  ^  .  S.  los  dos  mucbacbos.  Otrus 
dos  hombres  frenseses  con  que  me  hallo  imbio  a  V.  S.,  que  se 
benieron  de  la  esclavidad  de  Zalle,  y  eslaban  aguardando  pasaje 
para  rcmitirlos  a  Espana,  comjjliendo  la  orden  que  tiengo  de  Su 
Magestad  de  hazerles  buena  pasage  y  darles  de  corner  el  tempo 
que  lubieron  aqui  y  [o]cho  dias  mas  para  su  embarcazion,  para 
que  se  bayan  a  sus  tierras  ;  y  holgara  mucbo  tener  aqui  todos  los 
capfivosfranseses  para  remittirlosa  V.  S.  ;  y  laassistanzia  de  V.  S.  en 
esta  obra,  pareciendo  a  V.  S. ,  a  de  ser  de  junto  la  milad  de  los  nabios 
a  la  niar  para  tener  siempre  abarlobenle,  y  los  otros  que  esten  sobre 
Cale,  conparlicuUarcuydado  de  tener  siempre  marineros  alto  pe,  para 
reconocer  la  mar  y,  biendo  que  bienen  algunos  nabios  a  esta  parte, 
hazcrse  a  la  bêla  y  sallirles  allenquenlro,  para  que  bengan  a  embar- 
rcncai-  a  esta  costa,  porque  de  olia  manera  qucdaran  muy  largos 
(Iclla  :  \  los  Moros  que  V.  S.  coijo  cl  la  lanclia  con  los  mucliachos 
eran  esclavos  en  gonte  del  mar  de  INulugal,  camarada  de  oslros 
mlos  (pie  tube,  y  no  tiencn  correspoiidenzia  con  Zalé  ;  y  siempre 
que  en  esta  parla  hubiere  ocasion  del  servizio  de  Monsenor  el 
Caïd"'  de  Hiclielyeu  y  de  V.  S.,  adcmas  que  la  considerazion  de  las 
armas  de  ainbas  coronas,  esta  con  mucbo  volontad  sujclo  a  la 
ubidicnzia  dcio  (juc  dil  me  quisieron  mandar. 


22/|  1^39 

j  (i'"'  Dios  a  V.  S.  como  puedo  y  dcsea  ! 
Mamora,  8  d'Agosto  1629. 

Muy  seividor  de  V.  S.  que  sus  manos  besa  muclias  bczes. 

Toribio  de   llerrera  y  Monlero. 
Sg.  Caval"  de  Razilly. 


I']ii  suite  de  cesle-cy,  ledit  gouverueur  cscrivil  audil  sicur  de 
Uazilly  quantité  d'autres  lettres  elle  fit  visiter  par  ses  capitaines,  qui, 
estaiis  à  boid,  recevoient  dudit  sieur  clle^ allier  de  Razill^  tout  bon 
traitement  et  leur  fit  mille  coul•l(lis^cs  ;  et  ledit  gouverneur  luv 
envoya  quelques  ralVaiebissemens  que  icelluy  sieur  de  Uazilly  res- 
compensa  au  triple  par  presens  qui  luy  envoya.  Lesditz  gouver- 
neui-  et  sieur  chevalier  de  Razilly  s'escryvirent  plusieurs  lettres  les 
ungs  [aux]  autres  quiserolenl  trop  longues  à  desidei- '.  cl  fui  envoyé 
audit  gouverneur  par  ledit  sieur  de  Razilly  les  deux  pelilz  Espagnolz 
et  les  Turcz  qui  avoient  esté  pris  dans  ladite  chaloupé,  avecq  trois 
autres  Mores,  pour  présent,  et  une  orloge  vallant  plus  de  cent  escus. 

Le  dixiesme  dudit  mois  d'aoust.  nous  descouvry mes  trois  vaisseaux 
de  Salle  et  d  Alger  à  l'ouest  de  La  Mamore,  qui  prenoient  la  route 
dudit  Salle,  ausquelz  tout  aussytost  l'on  donna  chasse,  mais  il  y 
avoit  sy  peu  de  vent  que  les  grandz  vaisseaux  du  Roy  ne  les  peurent 
jamais  joindre  pour  ce  jour"-.  Deux  desditz  vaisseaux  tirèrent  vers 
Fadalle,  et  l'autre,  pensant  gaignei'  en  plaine  mer,  feust  atrapé  par 
nostre  palache  oUonnoise,  dans  laquelle  y  avoit  cinquante  hommes 
choisis,  qui  aussytost  feurent  à  l'abordage  ;  mais  ilz  l'eurent  furieuse- 
ment repoussez,  d'autant  que  c'estoit  un  vaisseau  de  deuxcens  thon- 
neaux ,  armé  de  vingt  pièces  de  canon  et  plus  de  quatre-vingtz  hommes 
de  guerre  dedans  ;  il  n'y  avoit  dans  nostre  patache  que  six  pièces  de 
canon  ;  pourtant  le  combat  feust  opiniâtre,  et  feurent  longtemps  à 
portée  depistoUetlun  de  l'autre,  à  coups  de  canon  et  mousquetades, 
dont  le  capitaine.  Turc  de  Salle,  fut  tué  et  les  plus  vaillans. 

Ensuite,  s'estant  passé  trois  heures  de  combat  de  la  fasson.  nostre 

1.    Trop  longacs  ù  (/«■si'i/i.T,  probabicmpiil  j.   Sur  l'infiTioritc  des  navires  français, 

pour  :    Irop   loni;iirs  à  deviser,  c'est-à-dire         \  .  11.  de  Castrif.s,  Le  Maroc  d'autrefois, 
à  exposer  tout  au  long.  t^evue  des  deux  mondes.  igoS,  p,  SS^. 


PROCÈS-VERBAL    D  ANDRÉ    CHEMIN  220 

ditepatacheollonnoise,  commandée  par  un  capitaine  brellon  nommé 
M''  Nicolas,  se  résolut  de  laborder  pour  la  deuxième  fois,  dont  il 
l'enleva   aprez  avoir  longtemps  résisté  au\  mains. 

Le  premier  qui  sauta  à  bord  feust  un  soldat  poitevin  nommé  La 

Vergue,  le  secondfeust' qui  estoitde  lavan-garde,  avecq 

quelques  autres  soldat/.  <[ui  firent  fort  bien,  et  ledit  La  Vergne, 
pour  s'ostre  batu  courageusement  dans  ledit  combat,  a  eu  cent  escus, 
elle  second  cinquante,  promis  par  les  ordonnances,  aiïin  de  convier 
les  autres  cy-aprez  à  bien  faire,  car  verital^lement  le  combat  feust 
fort  beau,  d'autant  cpic  les  ennemys  estoient  deux  fois  plus  fors 
que  les  nostres.  Il  feust  mis  en  libeité  douze  Chresliens  qui  estoient 
esclaves,  tant  François  que  Espaignolz.  Cela  fait  veoir  qu'aucune 
nation  ne  se  peut  esgaller  à  la  force  de  nostre  nation  fransoise. 

Les  deux  autres  vaisseaux  qui  estoientde  conserve  avecq  cestuy-cy 
feurent  poursuivis  par  nostre  admirai  et  contr-admiral  et  le  tlibot, 
où  ilz  pressèrent  ces  vaisseaux  ennemys  de  sy  prez,  deux  jours 
durant,  que  le  vaisseau  d'Alger,  du  port  de  deux  cens  cin(juanto 
tonneaux,  avecq  dix  pièces  de  canon  et  quatre-vingtz  bommes 
d'eslite,  feust  contraint  de  se  venii-  rendre  sanscombatre",  se  pensant 
servir  de  la  paix  acordée  entre  les  François  et  ceux  d'Alger,  ce  qui 
l'eust  libéré,  sans  la  déposition  de  vingt  François  et  Espaignolz  qui 
estoient  dans  son  bort  esclaves,  lesquelz  interrogez  les  ungz  aprez 
les  autres  déposèrent  que  le  capitaine  dudit  vaisseau,  apellé  Hamet 
Oja,  s'estoit  assossyé  avecq  les  vaisseaux  de  Salle  pour  faire  la  guerre 
aux  François,  et  mesmes  que,  depuis  son  départ,  unmoiscy-devant, 
il  avoit  poursuivy  deux  vaisseaux  françois  en  deux  diverses  fois, 
bien  qu'il  eust  certaine  cognoissance  delà  bendiere  de  France',  et. 
estant  fort  ])rocbe,  leur  avoit  tiré  force  coups  de  canon  jusques  à 
tant  {|u'il  les  conti-aignit  d'cscbouerà  la  costed'Espaigne,  et  mesmes 
qu'il  s'estoit  vanté  plusieurs  fois  parmy  son  esquipage  que,  s'iltrou- 
voit  des  vaissc;ui\  françois  chargez  de  toilles  et  ballos,  qu'il  les 
prendioit  sans  diiïîculté,  que  ce  n'estoit  à  faire  qu'à  demeurer  un 

1.  'Som  laissa  en  Waiic  par  li'  copislr.  Jf.  2.'i4  V-^.yS. 

2.  Sur  la  prise  de  ce  navire,  V.  Gbwi-  .S.  Bien  qu'il  cusl  certaine  C(](jnoissuncc  de  la 
MO.NT,  llisl.  d'Alger,  pp.  i68,  169,  172,  Oendiere  de  France,  enlcnduz:  bien  qu'il  cùl 
et  Bibl.Nat.,  Nouv.  Acquisitions,  Ms.  70/if/,  manifestement  reconnu  le  pavillon  français. 

1)k  Casthies.  III.  —   i5 


22fi  1629 

an  hors  d'Alger,  et  qu'ayant  vendu  les  François  à  Salle,  au  bout  de 
lan,  qu'il  s'en  retourneroit audit  Alger. 

Et,  d'autant  que  les  susditz  Chrestiens  peuvent  astre  reprochables, 
l'on  a  l'ait  interroger  le  lieutenant  dudit  vaisseau  turc  et  quatre  des 
principaux  de  son  esquipage,  qui  ont  advoué  le  toult,  blasmant  fort 
leur  capitaine,  disant  que  M''  de  la  Douane  '  d'Alger  le  desadvoue- 
roient,  d'autant  qu'il  estoit  partv  d'Alger  sans  congé  contre  leur  gré. 

Il  est  à  remarquer  que,  depuis  que  la  paix  est  l'aile  entre  la  France 
et  ceux  d'Alger,  qu'il  s'est  commis  plusieurs  grandz  abus,  d'autant 
que  les  vaisseaux  d'Alger,  ne  pouvant  plus  mener  en  leur  ville  les 
vaisseaux  François  qu'ilz  prennent,  ilz  les  vont  vendre  à  Salle  et, 
pourveu  qu'ilz  soient  un  an  absent//",  ilz  peuvent  s'en  retourner  au- 
dit Alger  comme  auparavant.  Partant,  cela  est  inutille  d'avoir  paix 
avecq  eux,  et,  sy  on  ne  donne  ordre  de  faire  la  paix  avecq  ceux  de 
Salle  ou  les  exterminer,  l'on  considérera  que.  sans  passer  le  Destroit, 
leurs  vaisseaux  peuvent  estre  en  huit  jours  aux  costes  de  France  à 
pirater,  car  il  se  trouvera  que,  depuis  dix  ans  qu'ilz  ont  commencé 
à  faire  la  guerre  aux  François,  ilz  ont  fait  tort  au  commerce  déplus 
de  quatre  millions  et  quatre  mil  esclaves^. 

La  vérité  est  que,  sansceste  flotte  qui  lésa  empesché  ceste  année 
de  pouvoir  sortir  pour  venir  vers  les  costes  de  France,  ilz  eussent 
fait  de  grandz  maux  aux  pauvres  marchans.  car  ilz  avoient  force 
vaisseaux  prestz  ceste  année.  L'un  des  camarades  dudit  capitaine 


1.  M"  de  la  Douane,  M'*  du  Divan.  conséquent  do  l'interest  du  public  en  cette 

2.  La  paix  entre  la  Franci:  et  Alger  fut  échelle,  afin  de  prévoir  tels  inconvenienset 
signée  le  i g  septembre  1628.  Voici  l'article  se  rendre  assuré,  sera  cstabli  un  très-bon 
du  traité  auquel  semble  faire  allusion  Andrc'  ordre  par  lequel  tous  ceux  qui  partiront 
Chemin  :  «  Et  d'autant  que  ceux  de  la  d'Alger  se  pourront  promettre  d'y  retour- 
milice  d'Alger  qui  seront  raix  et  capitaines  ner,  défendant  aussi  qu'aucun  étranger 
de  galènes  et  navires  de  guerre  ne  contre-  ne  soit  fait  raïx  de  galère  et  de  navire.  » 
viendront  jamais  à  ce  traité  de  paix,  ains  (Dumont,  t.  V.,  p.  ôSg.)  Il  faudrait  savoir 
pourroit  bien  estre  qu'aucuns  de  mauvaise  quel  est  «  le  très-bon  ordre  »  qui  fut  établi, 
vie,  comme  Mores  et  Tagarins  qui,  voulans  Si  l'on  s'en  rapporte  à  André  Chemin,  il 
armer,  pourroient  rencontrer  quelques  fut  stipulé  qu'aucun  navire  ne  pourrait 
navires  ou  barques  françoises  et  les  con-  aborder  à  Alger,  qui  aurait  commis  quel- 
duire  à  Salles  ou  autres  lieux  des  ennemis  que  acte  d'hostilité  contre  les  Français 
des  François,  ce  qui  seroit  au  grand  pre-  pendant  l'année  précédant  son  retour  à 
judicc  de  l'intégrité  de  cette  paix  et  feroit  Alger. 

donner  le  blâme  à  ceux   d'Alger,    et    par  3.   V.  supra,  pp.   ii.")-iili. 


PHOCES-VEHBAL     D  ANDllE    CHEMIN  237 

Uja.  apellé  iNegrille,  d'Alger,  a  l'ait  plusieurs  prises  sur  les  François 
qu  il  a  menez  vendre  à  Salle.  Le  frerc  de  cedit  capitaine  JXegrille, 
nous  le  tenons  prisonnier. 

L'autre  vaisseau  de  Salle,  se  voyant  pressé  et  jugeant  ne  pouvoir 
gaigner  à  la  mer,  feust  contraint  de  s'eschouer  à  Fadalle,  où  les 
gens  se  sauvèrent  à  terre,  qui  emmenèrent  avecq  eux  nombre  d'es- 
claves François  et  un  seigneur  d'Espaigne.  Hz  sauvèrent  ce  qu'il 
y  avoit  de  bon  dans  leurdit  vaisseau,  puis  mirent  les  poudres  cnti'e 
deux  pontz  avecq  de  pelis  boutz  de  mèche  allumez  pour  faire  brus- 
1er  le  vaisseau,  alïin  de  perdre  ceux  qui  voudroient  1  aller  aborder. 
Les  vaisseaux  du  Roy  ne  le  pouvoient  aprocher  qu'à  portée  de  leur 
canon  ;  mais  nostre  flibot  avecq  deux  chaloupes  s'acosta  à  son  bort, 
à  la  mercy  de  leur  mousquelerye  qu  ilz  avoient  à  terre,  et,  comme 
il  estoit  prest  de  monter  dans  ledit  navire,  le  feu  prist  dans  un  baril 
de  poudre  qui  loinpit  une  partie  du  pont  ;  ce  que  voyant,  le  s'  de 
Cazcnas.  lieutenant  dans  le  vis-admiral,  sautaà  bort  etiitestaindre 
touttes  les  mèches  qu'il  lenconlra  et.  avecq  dilligence.  fit  porter  une 
ancre  pour  remettre  ledit  navire  à  flot,  et  nous  l'amena  devant  La 
Mamora,  soubz  la  conduite  du  vis-admiral.  où  nous  estions  mouillez. 

La  grandeur  dudit  vaisseau  estoit  de  cent  quarante  thonneaux  et 
huit  pièces  de  canon  et  six  pierriers.  Il  n'y  eust  personne  dudit 
vaisseau  pris  que  deux  renegas  l'rançois,  quy  se  vindrent  rendre  de 
bonne  vollonté  à  bort. 

En  suite  de  ce,  il  feust  trouvé  à  propos  par  le  Conseil  de  guerre 
d'envoyer  à  la  rade  de  Salle  un  navire,  affîn  de  faire  entendre  aux 
Andallous  que,  s'ilz  avoient  tant  soit  peu  de  natturel  pour  leurs  com- 
patriotes que  nous  avyons  prisonniers,  qu'ilz  eussent  à  eschanger 
autant  de  François  esclaves  pour  autant  de  leurs  parans  andallous  ; 
et,  à  cest  efl'ait,  il  feust  ordonné  à  monsieur  Du  Challard  d'y  aller 
avecq  son  vaisseau  «  la  Renommée  »,  où  estant,  il  envoya  son 
lieutenant  dans  un  petit  esquif  avecq  bandiere  blanche  proche  la 
terre  pour  parlementer,  et  feust  escript  par  ledit  sieur  Du  Challard 
au  gouverneur  dudil  Salle  la  letic  qui  s'ensuit. 

Lettre  de  P.   Du   Chai.ahd  a  Mohammed  iien  Abd  el-Kader  Ceron. 

//  lui  iinijnise  d'échaïKjer  les  captifs  franr<ùs  ilctenus  à  Salé  contre  les  A  nda- 


228  1629 

Ions  pris  par  lu  flotle  française  à  bord  d'un  navire  salétin.  —  //  attend 
un  enroyé  du  Gouverneur  pour  traiter  celle  affaire  avec  lui. 

En  rade  de  Salé,  i5  août  162g. 
Monsieur. 

Une  des  petites  pataclies  de  ceste  flotte  ayant  pris,  il  y  a  trois 
jours,  un  de  vos  navires  dans  lequel  il  a  resté  du  combat  soixante- 
quatre  hommes,  dont  plusieurs  sont  Andallous  (mesmes  il  y  en  a 
deux  qui  se  disent  de  vos  parens),  monsieui-  le  commandeur  de 
Hazilly,  admirai  de  ceste  Hotte,  m'a  commandé  de  venir  en  ceste 
rade  pour  sçavoir  sy  vostre  intention  est,  et  de  messieurs  de  Salle  ', 
de  rendre  les  esclaves  François  qui  y  sont  sy  injustement  détenus, 
au  lieu  de  ses  prisonniers  que  j  ay.  Sur  quoy  je  vous  escris  ceste 
lettre,  affîn  que  vous  envoyez  quelqu'un  de  vostre  part  dans  ce 
vaisseau  pour  traiter  cest  affaire  avecq  moy  ;  ce  que,  je  vous  engaige 
ma  foy,  aous  jjourrez  faire  en  toute  seureté  et  liberté.  A  cest  elTait, 
j'atendray  vostie  responce  par  le  refour  de  ce  porteur  more,  que  je 
vous  envoyé  exprez,  jusques  aprez  demain   midy.    Cependant  je 

demeureray,  Monsieur, 

Votre  très-humble  serviteur. 
Du  Challard. 

Escrite  du  vaisseau  du  Roy  nommé  «  la  llenommée  »,  à  la  rade 
de  Salle,  le  10  aoust  162g. 


Le  Gouverneur,  ayant  receu  ceste  lettre,  prist  resolution  de  sur- 
prendrai esquif  dudit  sieur  Du  Chalard,  etfitesquiperpourcest  elTait 
deux  chaloupes,  tandis  que  les  Andallous  amusoient  les  gens  de 
l'esquif  de  belles  paroUes,  en  les  asseurant  qu'ilz  rendroient  autant 
de  François  comme  ilz  avoicnt  pris  d  Andallous  et  qu  ilz  preparoient 
des  rafraichissemens  pour  envoyer  à  l'admirai  de  nostre  flotte,  pensant 
les  surprendre  tandis  que  les  chaloupes  sortoient  la  barre,  qui  furent 
descouvertes  par  ledit  vaisseau  «  la  Renommée  »,  qui,  les  voyant 
sortir,  fit  tirer  un  coup  de  canon  pour  advertir  son  esquif  de  ceste 
embûche,  qui  ne  les  pouvoit  descouvrir  au  lieu  où  il  estoit,  et  ayant 

I .   Messieurs  de  Salle  :  le  divan  de  Salé. 


PROCES-VERBAL  n  ANURK  CHEMIN  22g 

ouy  ce  signal  de  deffiance.  virent  les  chaloupes  qui  nageoient  terre  à 
terre'  :  mais  l'esquif  qui  estoit  léger  se  sauva  à  bort  de  son  vaisseau, 
sans  qu'ilz  le  peussent  atraper,  et,  s'il  n'eustesté  léger,  il  estoit  pris. 

Le  sieur  Du  Challard,  voyant  reste  traliison  sy  manifeste,  leva 
l'encre  et  s'en  vint  trouver  son  admirai,  auquel  il  fit  son  raport  de  ce 
que  dessus  ;  et  dès  lors,  on  tacha  de  faire  en  sorte  de  prendre  encor 
quelques  autres  navires  de  Salle.  Et,  à  cesl  eflait,  le  sieur  de  Trelle- 
bois,  advan-garde,  feust  commandé  d'aller  mouiller  à  la  rade  de 
Salle,  et  les  autres  vaisseaux  mis  en  l'ordre  cy-devant. 

Le  vingtième  dudit  mois  d'aoust,  arryva  sur  la  barre  de  Salle 
une  prise  françoise,  du  port  de  (rente  (lionneaux,  chargée  de  blé 
et  de  cercles  ',  laquelle  se  trouva  au  matin  à  portée  du  mousquet  de 
noslre  advan-garde,  qui  la  voyant  fil  esquiper  sa  chaloupe  et  la  fit 
aborder  et  prendre  par  sadile  chaloupe,  et  l'envoya  au  bord  de 
l'admirai  à  la  rade  de  La  Mamore. 

Le  premier  jour  de  septembre,  au  point  du  jour,  du  costé  du 
noi  d-est  de  La  Mamore.  nous  apeurseumes  un  vaisseau  de  deux 
cens  cinquante  ihonneaux  qui  s  en  venoit  terre  à  terre.  L'ayant 
aperceu.  on  luy  coupa  le  chemin  de  mer  et  de  terre,  de  sorte  qu'il 
feust  contraint  de  s'eschouer  à  une  lieue  au  nord-est  de  ladite 
Mamore,  par  grosse  mer,  dont  la  phispart  de  lesquipage  d  icelluv 
feurent  noyez  et  le  vaisseau  feust  bruslé  entieremenl. 

Ce  mesme  jour,  arryva  deux  tartanes  qui  venoient  d'Espagne, 
chargez  de  biscuit  pour  la  forteresse  de  La  Mamore,  dont  l'une 
estoit  commandée  par  un  capitaine  françois  apellé  Daniel  Deshayes, 
de  Diepe,  qui  aportoit  une  lettre  du  duc  de  Mcdine  pour  monsieur 
le  chevalier  de  Uazilly,  dont  la  teneur  ensuit  : 

Lettre   de   Medina-Sidoma   a    Razillv. 

//  /r  remercie  des  bons  procédca  danl  la  floUe  française  uxe  ù  l'ér/ard  des 
navires  espa'jnols.  —   //  en  a  rendu  compte  au  roi  d'Espaqne. 

San  Lucar  do  linrramfd:i,   t'A  aoiU  i6'j(|. 

El  maestrc  de  campo,  gouvernador  de  La  Mamora.  me  a  abisado 

I.   Terre  à  terre,    c'est-à-dire  :    en  Ion-  2.  CVrcfa.  On  n'a  pu  trouver  de  sens  pour 

gcant  la  côte.  ce  mot  qui  a  dû  être  mal  copié. 


de  la  asistancia  que  V.  M.  liaze  en  su  costa  con  los  navios  de  su 
cargo  y  lo  buena  correspondanzia  que  a  tenido  con  V.  M.,  que  en 
sallado  los  vazelles  (jue  d'Espana  jîassan  con  vaslimientos  a  ella, 
de  que  yo  estoy  con  inucho  reconocimiento,  desseando  monstrarlo 
a  V.  M.  en  lo  que  se  ofrociere  de  su  servicio  y  del  vcneficio  y 
socoi'o  de  sus  navios  y  gente.  Esto  offresco  a  \  .  .M.  con  muy  buena 
volontad.  despues  de  aver  escrito  al  Rey,  my  senor,  la  que  V.  M.  a 
manifestad  en  estos  mares,  cunpliendo  con  la  del  Rey  Christia- 
nissimo. 

j  Guarde  Dios  a  \.  M.  como  puede  I 

San  Lucar  de  Varemodo  y  Agosto  28  de  1629. 

El  Ducque  de  Medina-Sidonia. 

A  M',  de  Razilly  |  que  Dios  guarde  !  a  cuy  cargo  desta  lescadra 
de  los  navios  que  assisten  en  la  costa. 


Autre  lettre  dudit  duc  de  Médina  audit  sieur  chevalier  de  Razilly. 


Lettre  de  Medina-Sidonia  a  Razilly. 

//  renouvelle  à  la  Jlolle  française  l  offre  de  ses  bons  offices.  —  Recom- 
mandation en  faveur  de  Daniel  Deshayes.  —  Il  a  écrit  au  gouverneur 
d'El-Mamora. 

San  Lucar  de  Barrameda,  2(j  aoiU  iGjg. 

Desseo  que  aya  llegada  a  manos  de  \.  M.  la  carta  que  escrivi 
con  los  patronos  de  una  sailias  que  vino  guargadas  de  vastimiento 
a  La  Mamora  porque,  va  que  tenemos  à  V.  M.  en  esta  vincidad, 
no  se  pierde  tienipo  de  ver  sv,  con  esta  ocazion,  siolTrezer  muclias 
de  su  servicio  y  de  la  coinodidad,  buena  correspondanzia  y  acogida 
de  los  nabios  y  gente  de  su  cargo,  en  que  buelvo  offrezer  a  V.  M. 
lo  que  experimentara  y  lo  que  y  essa  que  sera  accepto  al  Rey,  my 
seûor,  de  mas  de  la  ohligazion  y  inclinazion  con  que  yo  vivo  a  la 
nation  franceza. 

El  cap"  Daniel  Deshayes,  de  cuya  mano  rescrira  V.  M.,  esta  un 


PROCES- VERBAL  D  ANDRE  CHEMIN 


23l 


vesino  desta  cieudad,  persona  de  muv  buene  parte  y  un  de  las  que 
mas  estiiao  sei'  Franseses;  por  tal  merese  la  honra  que  yo  lo  desseo 
\  que  suplico  a  V.  M.  le  haya  en  lo  que  se  ofTreziere  ;  y  con  el 
podra  V.  M.  y  avisarme  a  mandar  en  que  le  sirva.  Y  al  governador 
de  La  Mamora  escrivio  quanto  agradesco  que  lo  haga  el  por  su 
parte  y  selo  invidie. 

j  Guarde  N.  S.  a  V.  M.  muchos  annos  ! 

A  San  Lucar,  Agosto  de  29  de  1629. 

Et  de  sa  main  il  est  escript  : 

Mucho  desseo  servir  a  V.  M.  el  buen  succzo  que  a  hecho  y 
esculto  a  los  ba\iles  de  bastimientos  que  lien  llcgado  a  esta  fuerça. 

Medina-Sidonia . 
A  Mons'  de  Razilly,  caballero  de  San  Juan. 


Ledit  capitaine  Daniel,  ayant  fait  descharger  les  tartanes  à  la 
forteresse  de  ladite  Mamore,  repassa  au  bort  de  ladmiral  pour 
prendre  la  responce  desdites  lettres  du  duc  de  Médina  qu'il  avoit 
aportez,  laquelle  feust  : 

Lettre  de  Razilly  a  Medi\a-Sidonia'. 

Baz'dly  n  reni  la  IcUrr  de  Medina-Sidonia;  bon  accueil  (ju'il  a  put  à 
Daniel  Deshayes.  —  //  n'a  fait  (ju'obdir  à  ses  instructions  et  aux  statuts 
de  son  Ordre  en  assistant  les  captifs  espagnols.  —  Pertes  qu'il  a 
infligées  au.r  pirates  de  Salé;  il  les  aurait  exterminés,  si  la  saison  ne 
robUijeait  à  rentrer  en  France.  —  Services  que  lui  a  rendus  le  gourer- 
neur  d' El- Mamora;  remerciements  à  Medina-Sidonia. 

En  rade  ilo  Salé,  [12  septembre  162g].  ^ 

Monseigneur, 
Je  me  sens  infiniment  honoré  des  lettres  que  j'ay  receues    de 

I.   L'original   de   cette  lettre   se  trouve  seront  signalées  en  note, 
dans  les  Archives  du  marquis  de  Rasilly,  et  2.  Celle  date  est  restituée  d'après  l'ori- 

clle   a  été  publiée    dans    la   Généalogie  de  ginal,  la  copie  donnée  par  Chemin  n'étant 

Rasilly.  p.  27/1.  Quelipies-unes  des  variantes  pas  datée.  V.  p.  233,  note  i. 


2.^2  l''^l.) 

V.  E.  par  les  mains  du  capitaine  Daniel,  auquel',  pourvostre  con- 
sidération et  en  ce  qu'il  est  homme  de  bien,  je  luy  ay  offert  tout 
ce  qui  est  à  mon  pouvoir'',  mesmes  luy  ay  vendu  deux  navires' 
avecq  cinquante  Mores  à  bon  marché.  Je  ne  mérite  nullement  les 
louanges  que  V.  E.  m'atribue  pour  les  assistances  que  ceux  de  sa 
nation  ont  trouvés  dans  ces  costes  par  le  moyen  des  vaisseaux  du 
Roy,  mon  maistre,  mais  bien  à  ses  saintes  intentions  et  au  com- 
mandement que  m'en  a  fait  monseigneur  le  cardinal  de  Richelieu, 
qui  commande  les  armes  de  Sa  Ma"  en  France,  d'assister  parti- 
cullierement  les  subjetz  du  Roy  Catholique,  joint  aussy  à  mon 
Ordre  qui  m'y  oblige  eslroitement.  Sy,  pendant  ses  courses,  je 
fais  rencontre  de  quelqu'un  de  ses  vaisseaux  qui  ayent  nécessité  de 
secours,  je  les  escorteray,  ainsy  que  j'ay  fait  cy-devant. 

J'ay  envoyé  bon  nombre  de  Portugais  et  Espagnolz  dans  leurs 
maisons,  que  j'ay  tirez  de  l'esclavitude  des  sept  vaisseaux  de  Salle  que 
j'ay  pris,  bruslez  et  perdus,  avecq  partyede  leurs  esquipages  tuez  et 
noyez,  leur  admirai,  vaisseau  de  trois  cens  thonneaux.  armé  de 
vingt  pièces  de  canons,  bruslé,  un  eschoué  et  perdu  avecq  ses 
hommes',  un  autre  non  moing grand  que  son  admirai  bruslé  depuis 
dix  jours,  et  quatre  autres  de  pris  '  de  deux  cens  tonneaux  et  douze 
pièces  de  canon,  les  autres  de  cent  cinquante  tonneaux  avecq  dix 
pièces  et  huit  pièces  de  canon,  et  un  vaisseau  d'Alger  de  cent  cin- 
quante thonneaux  '',  douze  pièces  de  canon  et  quatre-vingtz  hommes, 
avecq  le  capitaine,  sans  adveu  ny  commission  de  personne,  que 
j'ameneray  en  France'  poui-  en  faire  justice.  Sy  n'estoit  que  la 
saison  nous  presse  à  faire  voille  pour  retraite,  je  paracheverois  de 
prendre  et  perdre"  les  forces  qui  leur  restent.  INous  avons,  grâces  à 
Dieu,  toutes  choses  nécessaires  en  nos  vaisseaux,  soit  pour  la  guerre 
que  pour  les  vuituailles  ;  mondit  seigneur  le  Cardinal  y  a  songneu- 
sement  pourveu  et  largement. 

Je  ne  puis  que  me  louer  des  assistances  que  j'ay  receubz  de  mon- 
sieur le  gouverneur  de  La  Mamore  ;  je  vous  en  fais  très-humble 

I.  Généalogie  :  \equeï.  comme  le  ^às-amiral  de  200  tonneaux,  armé 

a.  Gc/iéfl/oy/f  :  tout  ce  qui  dcpandcle  mov.  de  12  pièces  de  canon. 

3  Gênéalorjie  :  un  navire.  6.    Généalogie  :  de  200  tonneaux. 

4.  Généalogie  :  avec  son  monde.  7.   Généalogie  :  avec  tout  son  monde. 

5.  Généalogie  :    quatre   autres   de    pris,  8.   Généalogie  :  de  brusier  et  prendre. 


PROCES-VERBAL    D  ANDRE    CHEMIN 


î83 


remercvement  pour  ce  que  V.  E.  a  coopéré  à  ses  courtoisies  par 
les  ordres  quelle  luv  en  avoit  donnez.  Les  fabveurs  qu'il  plaisi  à 
V.  E.  départir  à  la  nation  Françoise  est  manifestée  à  tout  le  monde  ; 
se  sont  les  elTais  de  sa  f^enerosité  qui  me  font  souhaiter  avecq 
passion  les  ocasions  de  luy  tesmnigner  ralTection  que  j  ay  à  son 
service  :  et  m'estimeray  heureux,  lorsqu'elle  me  fera  l'honneur  de 
me  tenir,  Monseigneur, 

Son  très-hunihle  el  obéissant  serviteur. 
Le  chevalier  de  Razilly'. 

Et  en  la  suscription  est  escripl  : 

A  monseigneur,  monseigneur  le  duc  de  Medine-Sidonia, 
capitaine  gênerai  de  la  merOcceaneet  coste  d'Andallousye  pour  Sa 
Ma"'  Catholique,  à  San  Lucar  de  Varamedo. 


Et,  d'autant  que  les  susditz  vaisseaux  pris  sur  les  ennemys  estoient 
tous  fracassez  et  brisez  de  coups  de  canon  et  la  plus  part  de  leurs 
manœuvres  coupez  et  rompus  de  coups  de  mousquetades,  jugeant 
inqDOssible  de  les  pouvoir  conduire  en  France,  on  trouva  bon  par 
conseil  de  les  vendre  au  capitaine  Daniel  qui  s'en  alloit  en  Espaigue, 
lesquelz  on  luy  livra  pour  le  prix  et  somme  de  saizc  mil  livres. 

Le  lendemain,  vingt-unième  dudit  mois  d'aoust,  le  gouverneur 
de  La  Mamore.  ayant  receu  deux  lettres  adressantes  à  M.  le  cheval- 
lier de  Uazill}  de  la  part  de  tous  les  esclaves  de  Salle,  les  luy 
envoya  à  son  bort  exprez,  dont  la  teneur  ensuit  : 

Lettre  des  esclaves  français  a  Razillv. 

Hevirement  des  Andalous  de  Salé  à  leur  égard;  ils  ont  obtenu  à  i/r/tml 
peine  l'autorisation  de  faire  parvenir  la  présente  lettre  à  Razilly.  —  Ils 
ne  supportent  les  misères  de  leur  captivité  que  par  l'espoir  d'une  rédemp- 
liiin  prociiiiine.  —  Bons  offices  que  leur  a  rendus  Pierre  Mazet. 


Monseigneur, 


Salé,  9  aoiH  iGaij. 


Santé,  joye  vous  soit  et  très-humble  sallul. 

Nous  avons  pris  la  hardiesse  de  vous  escrire  la  présente,  aprez 
beaucoup  de  peyne  à  en  obtenir  permission  de  ces  M"  gouverneur 

I.   On  lil  ciiMiitr  il.Tiis  l'original  :  «  Salle,  co  13  srplrmbrc  ilV^rj  ». 


23/1  1629 

et  douan  de  ce  lieu,  qui  csloient  aigrement  iirytez,  changement  à 
nous  grandement  préjudiciable  et  desconlormante  aux  bonnes 
aparences  qu'entendions,  au  commencement,  que  firent  en  hommage 
et  esquitable  correspondant  quilz  usèrent  sur  vostre  première 
enqueste  que  de  vos  grâces  leur  fites,  tellement  que,  à  nos  requestes 
et  suplication,  nous  ont  octroyé  de  pouvoir  envoyer,  sur  noslre 
louyer',  ceste  barque  qui  part  de  ce  lieu,  à  ce  que  nous  puissions,  et 
par  ainsy  présentement  l'envoyons  à  lladvanture  et  conduite  du 
Souverain  Seigneur,  pour  suplier  V.  G.,  avecq  les  larmes  aux  yeux, 
d'avoir  esgard  et  mercy  à  la  misère,  pauvreté  et  autres  callamitez 
que  de  long  temps  avons  suportez,  par  la  grâce  de  Dieu,  et  les  maux 
qu'il  nous  représentent  de  recevoir  de  rechef  (il  seroit  impossible  de 
les  spécifier  par  escript),  sy  n'estoit  le  suport  et  l'espérance  que 
nous  avons  de  la  Providence  divine  (jue  V.  (t.  moyennera,  par 
droite  ligne  de  paix,  noslre  rédemption  duquel  sy  longtemps  désirée, 
conduite  et  establie  en  bonne  et  deue  forme  par  un  sy  vertueux  et 
brave  seigneur,  esleu  par  ce  grand  nectar"  du  monde  en  ce  ciecle, 
nostre  très-bon  roy  de  France,  à  qui  le  Souverain  Seigneur  done 
l'unique  fellecité  que  désirent  ses  très-humbles,  obeissans  et  fidèles 
serviteurs.  Et  nous,  qui  sommes  plus  ou  moins  cent-cinquante,  tant 
ycy  qu'à  la  mer,  en  servitude,  serons  obligez  éternellement  à  prier 
pour  l'augmentation  et  heureuse  fellicité  de  V.  G.  à  la  bonne  grâce 
de  ce  magnanime  Roy,  nostre  sire  débonnaire,  que  par  sa  grande 
clémence  et  miséricorde  que  journellement  uze  de  copieuse  commo- 
ditez  pour  le  suport  de  ses  pauvres  vassaulx  pour  réduire  en  leur 
repos  publicq,  qu'il  souhaite  en  gênerai  son  bien-aymé  peuple. 

Et,  d'autant  qu'il  se  présente  locasion  par  nous  désirée,  soubz  la 
bonne  conduite  et  par  une  charité  chrcsticnne,  nous  a  protégé  et 
cauxionné  Mr.  Pierre  Mazet\  marchand  françois  de  Marseille,  pour 
alléger  en  partye  nos  travaux  et  misères  des  cheynes  et  basses  fosses', 
qui,  en  vérité  et  foy  de  nos  consienses,  nous  a  fait  de  très-bons 
olTices,  dignes  que  nous  le  publions  partout  où  il  plaira  à  Dieu  nous 
conduire  ;  pour  ({uoy  nous  vous  suplions  de  croire,  mondit  seigneur, 

1.  Sur  nostre  louyer,  c'est-à-dire  :  fn  la         notice  biographique. 

louant  nous-mêmes.  ^.   Basses   fosses,     matmoura   Sj»«Ja.<, 

2.  Nectar.  Il  faut  rétablir  :  Nestor.  silo  destiné  à  conserver  le  prain  et  servant 

3.  Sur  ce  personnage,  ^.  Introduction,         aussi  de  prison. 


PROCKS-VERBAL    T)  WDRK     CIŒMIN 


235 


qu'il  est  louable  par  toutes  sortes  de  gens  de  dilTarentes  loix  que  par 
bon  destin  a  esté  esleu  de  ses  M"  les  Andalous.  gouverneur  du 
chasteau  et  de  ses  despendances '.  que  prions  Sa  divine  Ma'"  les 
vouUoir  inspirer  à  quelcjues  bons  advis  requis  et  nécessaire  pour 
bon  principe  de  paix  honorable  pour  V.  G.  et  agréable  pour  ces  M". 

El,  en  alendant  ce  bonheur,  aurons  l'honneur  de  nous  dire  à  jamais 
Monseigneur, 

Vos   très-humbles,    plus   fidelles    et  afectionnez  serviteurs. 

J.  Le  Floc.  Jean  de  La  Segne,  La  Grue,  Pierre  Joubert,  J.  La  For- 
tune, Jaques  Troye.  François  Robillard.  Joachin  Sanner.  Girard 
Croisy,  Chrestien  Colbert. 

Avecq  vostre  permission,  salluons  les  R.  P.  et  tous  ceux  de  vostre 
armement  que  Dieu  garde  ! 

De  Salle,  ce  25"  juillet  1629. 

Et  depuis  dabtée  de  nouveau  :  le  9"  aoust  1G29. 

A  la  suscription  est  escript  :  A  monsieur,  mons"^  le  commandeur 
de  Razilly,  embassadeur  pour  Sa  Majesté  Très-Chrestienne  vers  le 
roy  de  Marocq  et  autres  lieux  de  la  coste  d'AlTrique. 

Seconde  lettre  desdits  esclaves. 

Lettre  des   esclaves   français  a   Razilly^. 

[Sale,  10  août  iGiQ.]^ 

Monseigneur  ', 
Aprez  vous  avoir  présenté  nos  très-humbles  saluts,  laissant  à  part 

I,  Pour  (jiioy  rKtits  vous  siipUons  (le  rroiri'        ClnMiiiii    liii-m()me.    On    jicut    également 
et  de  ses  despt'ntlaitcfs.  II  faut  proba-        supposer    que    ce     dernier,    en   présence 


blement  entendre  ce  qui  suit  :   Noiis  vous  d'une  rédaction  tris  incorrecte,  aura  voulu 

supplions  de  croire  qu(^  toutes  sortes  de  gens  apporter  quelques   retouches   à  l'original, 

de  dlirérentes   religions  trouvent  bon  que  On  ne  signalera   dans    les    notes    que    les 

Pierre  Mazet   ait  été  ag^éé  comme  consul  variantes  importantes,  omettant  celles  qui 

tant  par  les  .Vndalousquepar  le  gouverneur  ne  portent  que  sur  la  graphie.  Mais,  même 

de  la  Kasba.  en  éclairant  les  deux  textes  l'un  par  l'autre, 

2.    L'original  de  cette  lettre  existe  dans  certains   passages   de   la    lettre    des  captifs 

les  archives  du  marquis  de  Rasillv;  il  devait  restent  obscurs. 

ilre  d'une  écriture  peu  lisible,  si  l'on  en  3.   Ce  document,  dans  le  Procès-verbal 

juge    par    les    fautes   de    lecture   relevées  de  Chemin,  ne  porte  pas  de  date.    On  a 

dans  le  texte  imprimé   qui  se  trouve  dans  restitué  celle-ci  d'après  la  Généalogie.  V. 

la   Génédloyie  de   la  famille  de  [iasilly  (p.  infru  p.  238.  note  3. 
a'jS),   et   par  celles  commises   par  André  l\.   L'original    porte   la    suscription   sui- 


9M 


i6î>9 


les  calamitez  et  misères  que  passons  en  la  servitude'.  Vostre 
Grandeur  en  est  que  trop  expérimentée,  comme  la  pluspart  sommes 
en  ce  cliasleau  de  Salle,  Toutouan  et  autres  endroictz,  qui,  de  tout 
temps ',  esloient  de  la  juridiction  et  despendance  dudict  royaulme, 
de  qui  présentement  se  sont  rendus  neutres  en  forme  de  seigneurie 
et  republicque  dominative  et  successive  à  sov,  ainsv  que  croyons 
y  a  eu  advertissemenl  ^  d'ailleurs.  Et  sommes  en  une  extresme 
tristesse  pour  le  subit  *  changement  que  nous  voyons  en  ces  M'* 
Andallous,  de  jour  à  autre  plus  iritez  quau  commencement"  de 
vostre  très-joyeuse  et  désirée  venue,  veu  quen  gênerai ''  grandz  et 
petitz  y  estoient  portez  d'une  conformante  vollonté  de  convenir  à 
la  paix  esquitable,  suivant  ce  que  entendions  du  commun  peuple, 
qui  se  contcnteroient  de  ce  que  nous,  pauvres  ailligez,  leur  avyons 
coustez  à  la  publique  place,  qui  n'estoit  pas  peu  de  chose  suivant 
les  autres  nations,  et  en  outre  pour  y  estrc  mort  plusieurs  des  nostres 
à  leur  pouvoir  .  Et  d'autant  que  nostre  souhait  ne  tend*  à  autre 
but,  sy  ce  n'est'  que  vostre  ardant  désir  s'acomplisse,  à  vousretori- 
quer  et  philosopher  '".  à  noz  dcbilles  entcndemens,  pour  bon  destin  " 
qu  il  plaise  à  Vostre  Grandeur,  et  pour  nostre  pitoyable  requeste, 
voulloir  cesser  les  plus  grandes  irrytations''qui  se  peuvent  ensuivir, 


vante:  «  A  Monseigneur,  monseigneur  le 
commantlenr  (le  Razilly,  ambassadeur  pour 
Sa  Majesté  vers  le  rov  de  Marocques  et 
autres  endroictz  de  Barbarie.  De  la  part  des 
crestiens  françois  de  Salle.  » 

1 .  Généalogie  :  En  la  servitude  insupor- 
tablc,  semé  parmy  ce  royaume  de  Maroques, 
quoique  \ostre  Grandeur  en  est  que  trop 
esperimentée 

2.  Généaloijie  :  qui,  du  temps  pas.sé, 
estoient... 

3.  Généalogie  :  que  croyons  en  aurez  ja 
eu  advertissemenl. 

!\.   Généalogie  :  susdit. 

5.  Généalogie  :  plus  irritez  ce  que  au 
commencement 

6.  Généalogie  :  trcs-joveuse  et  désirée 
venue  que  en  général... 

7.  Qui  se  contenteraient  de  ce  que et 

en  outre  itiiiir  y  estre  mort  plusieurs  îles  nostres 


en  leur  pouvoir.  11  tant  probablement  enten- 
dre :  Les  gens  de  Salé  se  contenteraient 
comme  rançon  du  prix  auquel  nous  avons 
été  achetés  sur  la  place  publique,  ce  qui 
serait  de  leur  part  une  très  grande  conces- 
sion, étant  donné  les  sommes  qu'ils  exigent 
des  captifs  des  autres  nations  et  qu'en  outre 
ils  ne  font  pas  figurer  dans  la  rançon  le 
prix  de  ceux  des  nôtres  morts  en  captivité. 
—  L'usage  des  chérifs  était  d'exiger  une 
rançon  globale  des  captifs  chrétiens  en  leur 
pouvoir  et  de  ne  pas  tenir  compte  des  décès 
ou  des  évasions. 

8.   Généalogie  :  n'estant. 

q.   Généalogie  :  cy  n'est  que 

10.  A  vous  retoriquer  et  philosopher.  Le 
sens  est:  à  vous  persuader  par  des  arguments. 

lï.    Généalogie:  dessein. 

12.  La  phrase  est  peu  intelligible  et  il  est 
difTicile  d'en  dégager  le  sens.  On  ]>ropose 


PROCÊS-VEKBAL     d'a.NUKÉ    CIlliMlN  23^ 

soubz  l'entremise  do  commander  à  une  de  voz  chaloupes  qu'elle 
vienne  au  mesme  endroit  de  la  première  fois  avecq  bandiere  de 
paix  jusqucs  à  demy  chemin,  et  attendre  là  pour  veoir  s'ils  se  vou- 
dront incliner  à  faire  la  mesme  correspondanse  d'asseurance  qu'ilz 
firent  cy-devant  ;  que  s'ilz  la  font,  hardiment  pourront  '  porter  la 
lettre  que  Vostre  Grandeur  leur  ^  escrira  en  termes  suivantz  :  «  Que 
s'ilz  ont  pour  agréable  d'envoyer  un  tel  nombre  d'honnestes  per- 
sonnes pour  otage  à  bort  en  asseurance  de  ceux  qu'il  vous 
plaira,  monseigneur,  leur  envoyer,  soubz  un  tel  signal  '  par  leur 
chaloupes  ou  barque  de  chaque  part,  avecq  enseignes  blanches, 
seront  rencontrez''  à  demy  chemin  et  so'ont  conduitz  les  ungz  par 
les  aultres  à  leur  ditz  endroitz  pour  moycnncr  de  vostre  part  les 
aflaires  portez  par  la  commission  de  '  nostre  très-bon  et  puissant  roy, 
usé  pour"  sa  clémence  miséricorde  ',  vous  a  peu  avoir  donné  pour 
consolation  et  dellivrance  de  tous  ses  pauvres  subjetz  qui  sont  en 
l'esclavitude  de  la  Barbaiye.  »  Par  où  espérons  en  Dieu  et  à  la 
persuasion  de  quelques  begnignesgens  de  ce  lieu  pourroient  réduire 
par  bon  terme  à  leurs  premières  agréables  intentions  à  ceux*  qui 
sont  requerans"  ce  bien  gênerai.  Que,  en  vérité  et  foy  de  nos 
consiences,  ne  seroient  pas  peu  de  cas  à  nous  redimer  pour  huicl 
mil  médicaux'"  plus  ou  moingz.  qu'avons  à  nous  rachaplerau  triple 
d'avantaige  et  laisser  d'establir  le  repos  publicq  au  temps  advenir, 
qui  seroit  la  plus  grand  fellice "  que  les  François  prevaudroient 

!o  stii\aiit  :  ï]t,  sous  réserve  que  nos  souhaits  7.    Usé  pour  sa  clémence  misé  riconlL'...cci,i- 

iie  tendent  qu'à  l'accomplissement   de  vos  à-dlre  :   suivant  sa  clémence  accoutumée... 

plus  ardents  désirs,   nous    voudrions  vous  8.  Réduire...  ù  leurs  premières  ayreables 

persuaderjjardesdiscourset des  arguments,  intentions    à    ceulx.   Hispanisme  ;    il    faut 

autant   que  le  permet  notre  faible    intelli-  entendre  :  ramener  à  leur  bonne  intention 

gence,  si  toutefois  ce  dessein  est  agréé  par         première  ceux 

VotreGrandeurctsi  notre  requête  est  prise  f).   Gcnéa/ojic:  contrecarrent...  ;  ce  que  le 

en  pitié,  de  faire  cesser sens  exige.  Les  mots  «  sont  requérons  »  vien- 

I .    Pourront,   le  sujet  est  ;  les  gens  de  la  nent  d'une  mauvaise  lecture  du  copiste  de 

chaloupe  Chemin.  Celui-ci  a  dû  écrire  eonlrequarenl , 

1.  Lear  escrira,  c'est-à-dire  :  écrira  aux  là  oi'i  les  captifs  avaient  mis  contrecarrent. 

Maures.  lO.   Medieaulx.  mitcal,  pièce  do  monnaie 

3.  Gcncaloijic  :  signe.  d'or  arabe. 

4.  Seront  rencontrez.  Généalogie:  s'iront  11.   La  plus  ijrand  Jellice Le   mot 

rencontrer.  suivant  a  été  transcrit  par  le  copiste  d'.Vndré 

5.  Généaloijie  :  que.  Chemin  :  Cicille.  L'éditeur  delà  Génea/oyie 

6.  Généalogie  :  pour.  a  lu  :  le  plus  felix  object. 


338  1639 

sur  les  autres,  consonnant  à  ce  grand  Nestor  '  du  monde,  nostre 
sire  débonnaire,  comblé  de  la  divine  bénédiction  souverayne.  Et  par 
Geste  fréquentation  d'asscurance  et  communication  d'otaige  se  pour- 
ront facilliter  toute  sorte  de  difficultez,  Monseigneur,  à  lopposite 
de  l'honneur  de  vos  mérites. 

Et  en  attendant  ce  bonheur,  prions  très-saintement^  l'Eternel 
vous  donner  ceste  bonne  issue  qui  se  prétend,  pour  nous  dire  à  tout 
jamais,  Monseigneur,  vos  très-humbles  et  aiTectionnez  serviteurs'. 

Sl[/né:  llené  Passevent.  —  Du  Tillac.  —  Pierre  Joubert.  - —  Jean 
de  La  Segne.  —  Joachin  Sanner*. 


Aprez  que  monsieur  le  commandeur  de  Razilly  eusl  reccu  la 
lettre  de  ses  pauvres  esclaves  François  fjui  luy  faisoient  pityé,  prit 
resolution  de  renvoyer  derechef  monsieur  Du  Cliallard  à  la  rade 
dudit  Salle  avecq  trois  lettres  qui  s'ensuivent,  l'une  adressante  au 
gouverneur  dudit  Salle,  l'autre  au  capitaine  Negrille  d'Arger*"  et  la 
troisième  ausdits  esclaves. 

Lettre  audit  Gouverneur: 

Lettre   de   Razilly  a   Mohammed  be\  Abd  el-Kader   Cero\. 

Il   envoie  Du  Chalnrd  ncr/ocier  avec  le  divan   de  Salé  la  relaxalinn  des 
captif  s  français  et  les  conventions  relatives  A  la  liberté  du  commerce. 

A  bord  de  la  Licorne,  i5  septembre  1629. 

Monsieur, 
J'ay  apris  par  les  lettres  que  m'ont  escriptes  les  pauvres  esclaves 

1.  Généalogie  :  nectar.  transcrire  dans  un  ordre  difTérent.  L'absence 

2.  Généaloijie  :  instamment.  de  plusieurs  signatures  dans  le  procès-verbal 

3.  On  lit  ensuite  dans  l'original  ;  «  De  d'André  Chemin  provient  de  ce  que  ce 
Salle,  ce  dixiesme  aoust  1629.  »\.Généa-  dernier  a  négligé  celles  qu'il  n'a  pu 
logie,  p.  378.  déchiffrer.  Voici,  d'apris  la  Généaloijie.  les 

!l.  Les    signatures    dans    la    Généalogie  noms   des   pétitionnaires  :   Jehan  Delasei- 

(p.  374)  ne  sont  pas  rangées  dans  le  même  gne.    —    François    Uebillard.    —  Tristan 

ordre  et  sont  plus  nombreuses.  Cette  diver-  Colbert.     —    Jehan    Lombard.    —    Piere 

gence  s'explique  aisément  :  les  signatures  Bert.    —     La    Fortune.    —  Dutillac.    — 

placées    au    bas    d'un    document  ne   sont  Fonvial.  — ■   Roirlé. 

pas  en  général  écrites  sur  des  lignes  horizon-  6.   Mohammed  Raïs  surnommé  Negrille. 

talcs  et  il  est  loisible  à  deux  copistes  de  les  Cf.  Dan,  Hist.  de  Barbarie,  éd.  lÔ^Q.p.  i45. 


PROCÙS-VEHBAL    d'aMIRÉ    CHEMIN  2.S() 

françois  qui  sont  à  Salle,  que  sy  j'envoyoys  encor  une  fois  un 
vaisseau  en  vostre  rade,  avecq  bandiere  de  paix,  vous  traiteriez 
pour  leur  liberté.  La  pityé  que  me  ibnt  ses  pauvres  gens  et  le 
cominandennent  que  j'ay  du  Roy  mon  maistre  moblige  d'envoyer 
encore  monsieur  Du  Challard  pour  faire  accommodement  avecq 
vous.  Je  vous  prie  que  ce  soit  en  toute  liberté  et  franchise  et  de 
n'user  de  surprise,  ainsy  que  l'on  a  fait  cy-devant,  car  ce  mauvais 
procédé  nous  oteroit  tout  moyen  de  nous  plus  fier  à  vous  et  vous 
rendroit  odieux  à  toutes  les  nations  du  monde.  Vous  le  trouverez 
sy  plain  de  raison  que  vous  n'aurez  aucune  difficulté  avecq  luy  ; 
et  ce  qu'il  vous  aura  promis  vous  est  du  tout  asseuré  et  vous  sera 
aussylost  envoyé.  Et  les  choses  qu'il  arrestera  aA  ecq  vous  pour  la 
liberté  de  vostre  commerce  ou  autres  choses,  je  le  signeray  au 
nom  du  Hoy.  mon  maistre.  suivant  ma  commission  ;  et  sy,  en 
vostie  particulier,  il  s  Offre  ocasion  de  vous  faire  service,  je  le  feray 
de  tout  mon  pouvoir. 

Sur  ce,  je  dcmeureray.  Monsieur,  vostre  très-humble  serviteur, 

Le  chevalher  de  Razilly. 
i5  septembre  162g. 


Lettre  audit  Aegrille. 


jETTRE    de 


\\a 


Il  (i[]'re  à  Negrilic  de  lui  renvoyer  son  frère  iju'il  a  pris  dans  le  narire  du 
capitaine  Oja.  —  Baisons  qui  justifient  la  capture  de  ce  navire.  — 
Bonnes  dispositions  du  roi  de  France  à  re(/ard  du  divan  d'Ali/er.  —  Le 
capitaine  Oja  n'a  été  ni  spolié,  ni  maltraité,  mais  liazilly  est  dans  l'obli- 
iptlinn  de  le  conduire  en  France.  —  Pui.'isance  maritime  du  roi  de 
France;  inconvénients  i/ui  résulteraient  pour  les  Ixirl/aresijues  d  Ali/er 
d'une  alliance  avec  les  Salétins. 

X  boni  (le  la  I^icomn,  iô  septembre  l(J2(). 

Monsieur  Negrillc, 

La  présente  sera  pour  vous  faire  entendre  (juc  s>  desirez  avoir 
vostre  frère  (pie  j  ay  pris  dans  le  navire  du  ca[)itaMie  Oja.  envoyez 
un  bateau  en  cesle  rade  de  Salle,  et  je  vous  le  renvoyeray  avecq 
ceux  iludit  cap'"  Oja  qui  s'en  voudront  aller  à  terre. 


2/ÎO  1629 

Messieurs  d'Alger  ne  peuvent  trouver  estrange  sy  j'ay  arresté 
ledit  capitaine  Oja,  car  il  a  contrevenu  à  la  pai\  faite  avecq  la 
France,  ayant  fait  eschouer  deux  vaisseaux  françois,  voyant  les 
bandiereï-  de  France,  estant  fort  proche,  à  coups  de  canon  les  a  fait 
perdre,  ainsy  que  le  tesmoigne  des  Turcqz  de  son  mesme  esquipage. 
De  plus,  il  s'est  vanté  et  parlé  plusieurs  fois  qu'il  cherchoit  quel- 
ques navires  françois  chargé  de  toille  pour  la  prendre,  et,  à  cest 
elfait.  s'esloit  assosyé  avecq  deux  vaisseaux  de  Salle.  Outre,  le 
capitaine  Oja  n'a  point  de  commission  de  M'*  d'Alger,  qui  fait 
paroistre  qu'il  sera  desadvoué  d'avoir  fait  tort  aux  François;  car 
la  voUonté  du  roy  de  France,  mon  maistre,  est  d'enl  retenir  la  paix 
avecq  toute  franchise  avecq  Messieurs  d'Alger,  et  vous  avez  veu 
que  leurs  vaisseaux  sont  bienvenus  en  France;  et  maintenant,  sy 
j'en  trouvois  cpielqu'un  qui  n'eust  fait  la  guerre  aux  François, 
depuis  la  paix  ',  je  luy  donnerois  toutte  sorte  d'assistance. 

L'on  ne  sauioit  dire  que  j  ave  pris  le  navire  dudit  cap""  Oja 
pour  1  ai'genl  n^  marchandise  qu'il  y  eust  dedans,  encor  moingz 
de  vuituailles  ;  car,  dans  ledit  vaisseau,  il  n'y  avoit  chose  qui  vaille, 
et  puis  asseurer  n'en  avoir  eu  aucune  chose  ny  n'en  pretens.  Les 
matelos  et  renegas  ont  peu  desroher  quelques  robes  "  des  particu- 
lières, qui  n'est  venu  à  ma  cognoissance.  J'ay  fait  tout  mon  pos- 
sible pour  faire  rendre  à  un  chacun  ce  qui  luy  apartenoit  ;  c'est 
chose  de  peu  d'importance,  dont,  en  France,  l'on  leur  donnera 
le  double.  Ft.  pour  la  personne  dudit  cap""  Oja,  il  a  retrouvé  toutes 
ses  hardes,  et  je  le  traite  à  ma  table  et  fais  nourrir  son  esquipage, 
composé  de  quatre-vingtz  hommes,  aux  despens  du  Roy,  mon 
maistre,  avecq  toute  sorte  de  liberté  dans  ce  vaisseau,  ainsy  qu'il 
pourroit  désirer.  Mais  je  ne  puis,  par  raison,  faire  autre  chose, 
sinon  de  le  mener  en  France  au  Roy,  mon  maistre,  affin  que  la 
justice  en  soit  faite,  et  faire  des  plaintes  à  M"'  d'Alger  à  ce  qu'ib; 
n'envoyent  point  de  leurs  capitaines  faire  la  guerre  aux  François. 
Je  croy  qu'ilz  remédieront  par  leur  sage  conduite  pour  éviter  le 
couroux  du  roy  de  France,  mon  maistre,  remply  de  victoires  et 
invincible  comme  est  celuy  d'à  présent. 

I .   La  paix  signée  avec  le  divan  d'Alger        le  négociateur, 
le    ir|  septembre    1638  (\  .  supra  p.   326,  2.  Robes,  c'cst-à-diru  bardes,  comme  il 

note  2)  et  dont  Sanson  Napollon  avait  été        est  dit  plus  loin. 


PROCÈS-VERBAL     DAMJHÉ    CIIKMIN  2^1 

De  vostre  costé,  je  vous  donne  pour  advis  de  ne  vous  assosier 
avecq  les  vaisseaux  de  Salle  pour  faire  la  guerre  aux  François,  car 
se  n'est  plus  le  temps  que  les  François  se  laissoient  prendre  ;  se 
sont  eux  maintenant  qui  prennent  les  autres.  Nous  avons  cent 
cinquante  vaisseaux  de  guerre  en  France,  où  le  Roy  n'a  d'ennemys 
assez  puissans  pour  les  pouvoir  employer.  Je  vous  donne  ma  pa- 
rolle  que  vous  pouvez  venir  à  bort  de  tous  les  vaisseaux  de  ceste 
flotte  avecq  toute  sorte  de  seureté,  et  vous  en  pourrez  retourner  à 
terre,  lorsque  vous  voudrez,  et,  en  vostre  particulier,  en  tout  ce 
qui  me  sera  possible,  je  vous  rendray  service  et  amityé,  estant 
vostre  serviteur  très-humble, 

Le  chevallier  de  llazilly. 

A  bort,  le  20  septembre  1629. 


Ledit  Negrille  ne  fit  aucune  rcsponce  à  ladite  lettre  ;  au  contraire, 
sortit  de  Salle  avecq  son  navire,  de  nuit  obscure,  et  alla  à  la  coste 
d'Espaigne,  où  il  fit  une  prise  dun  vaisseau  dOllonne  dans  lequel 
y  avoit  quinze  François  qu'il  a  menez  vendre  à  Salle,  quelques 
jours  auparavant  que  les  articles  de  trefves  feussent  signez,  et 
depuis  on  a  retenu  son  frère  prisonnier. 

Lettre  ausdits  esclaves  : 


Lettre  de  Razilly  aux  esclaves  français. 

Les  démarches  auprès  du  divan  de  Sale  pour  obtenir  la  mise  en  liberté  des 
captifs  étant  demeurées  infructueuses,  il  se  voit  dans  l' oblicjation  de 
retourner  en  France.  —  //  assure  les  captifs  qu'on  ne  les  abandonnera 
pas  et  il  les  invile  à  qarder  bon  espoir.  —  Les  maux  de  cette  vie  ne 
.Vint  rien  en  comparaison  des  félicités  qui  leur  sont  réservées  au  Ciel,  s'ils 
observent  les  commandements  de  Dieu.  —  Il  rendra  compte  au  roi  de 
France  des  bons  services  de  Mazet. 

A  boni  dr  la  Licorne,  2/1  septembre  iG3g. 

Mes  chers  amys, 

Vous  avez  veu  que  j'ay  esté  et  envoyé  plusieurs  fois  à  la  rade  de 
L)e  Castkies.  111.   —   iG 


Salle  et  ayant  escrit  à  ces  M'"  les  Andallous  grand  nombres  de 
lettres  pour  procurer  vostre  liberté,  laquelle  je  souhaite  comme  sy 
c'estoit  pour  moy-mesme  ;  mais  je  recognois  très-bien  que  lesdits 
sieurs  Andallous  ne  veuUent  rien  faire  pour  se  subjet,  sinon  que  de 
nous  faire  retarder,  croyant  qu'il  pourroit  venir  un  mauvais  temps 
pour  que  quelqu'un  de  nos  navires  se  perdisent  en  leur  rade,  qui 
ne  vault  du  tout  rien.  Nous  y  avons  ja  pei"du  force  ancres  et  cables, 
et  j'ay  fait  au-delà  de  mes  commissions,  car  j'avois  ordre,  du 
premier  refus  de  vos  libertez,  de  leur  faire  la  guerre  sans  aucune 
autre  conférence. 

Je  vous  puis  asseurer  sur  mon  honneur  que  l'argent  qui  a  été 
destiné  pour  le  rachapt  des  captifz  françois  ne  sera  diverty,  et,  par 
une  fasson  ou  d'autre,  on  ne  vous  laissera  pas  à  la  misère  là  où 
vous  estes,  car  nostre  invincible  roy  saura  bien  avoir  raison  de 
ceux  qui  1  offensent.  Vousdebvez  vous  confier  en  sa  bonté,  qui  fera 
qu  il  y  aura  tousjours  un  nombre  de  navires  de  guerre  de 
France  en  ces  costes,  qui  seront  choisis  bons  voilliers  ;  ovi  je  m'as- 
seure  que,  dans  un  an,  ceux  de  Salle  se  repentiront  de  n'avoir 
entendu  à  mes  propositions,  qui  ne  tendent  qu'à  vostre  liberté  et  à 
leur  repos  :  et,  si  je  vous  pouvois  rachater  de  mon  sang,  je  le  feroys 
de  cœur  et  d'âme,  sçachant  très-bien  les  misères  que  vous  souffrez 
en  ce  pais  de  Barbarye.  Mais  ayez  ferme  fiance  en  Dieu,  qui  nous 
donnera  des  moyens  pour  vous  ravoir.  En  ce  qui  despend  de  mon 
pouvoir,  je  ne  vous  abandonneray  jamais. 

Ayez  tousjours  l'amour  et  crainte  de  Dieu  dans  vos  cœurs,  et 
considérez  que  c'est  peu  de  chose  que  de  ceste  vie  et  qu  il  fault 
que  les  empereurs,  les  roys  et  les  princes  meurent.  Partant,  nous 
autres,  pauvres  misérables,  ne  debvons  avoir  regret  à  perdre  la  vie 
pour  soustenir  l'honneur  de  Nostre  Seigneur  Jesus-Christ.  Puis- 
qu'il est  mort  pour  nous,  nous  pouvons  bien  mourir  pour  Luy  ;  et, 
vivans  en  ceste  resolution,  nous  sommes  asseurez  d'avoir  la  vie 
bienheureuse  et  éternelle.  Mais  ses  lâches  de  cœur,  qui  sont  sy 
misérables  de  se  faire  renagatz,  ne  peuvent  atendre  que  des  paines 
éternelles  dans  les  enfers,  car  N.  S.  a  dit  que  quiquonque  le  renie- 
roit  d'entre  les  hommes,  qu'il  le  renieroit  devant  Dieu,  son  Père. 
Donc,  mes  chers  camarades,  pour  estre  bienheureux,  observez  les 
commandemens    de    nostre    bon   Dieu   et   prenez    vos   peines    en 


PROCÈS-VERBAL    DANDRÉ    CHEMIN  2^3 

patience  pour  l'amour  de  Luy,  et  Sa  divine  Majesté  ne  vous  délais- 
sera point.  Ayez  la  charité  les  ungz  envers  les  autres  et  vous  aymez 
tous  comme  ireres,  et  priez  Dieu  sans  cesse  pour  la  prospérité  de 
noslrc  bon  roy.  qui  a  tant  de  soing  de  vous,  et  aussv  pour  monsei- 
gneur le  cardinal  de  Richelieu,  qui  a  la  chai'ité  entière  pour  vos 
libériez.  Et  vous  prie  de  m'aymer  autant  comme  je  vous  souhaite  de 
bien,  et  j "espère  en  Dieu  vous  faire  paroistre  aux  efFais  que  je  suis, 

Mes  chers  amys.  vostre  affectionné  amy  et  serviteur, 

Le  chevallier  de  Razilly. 

Ce  2 4  septembre. 

Faites  mes  affectionnez  recommandations  à  M.  Mazet'.  Je  feray 
entendre  au  Roy  le  soing  qu'il  a  de  vous  tous  et,  à  mon  particul- 
lier,  en  toute  sortes  d'ocasions,  je  le  serviray  de  très-bon  cœur.  Je 
ne  luy  escris  point,  d'autant  que  je  luy  désire  tesmoigner  ma  bonne 
vollonté  plustost  par  effait  que  par  lettre. 


Monsieur  Du  Challard  fit  tenir  les  lettres  dudit  gouverneur, 
^egrille  et  esclaves,  et,  tandis  que  ledit  gouverneur  prenoit  resol- 
lution  avecq  les  principaux  du  chasteau  et  Andallous  à  ce  qu'il 
avoit  affaire,  ou  de  rendre  les  esclaves,  faire  la  paix,  ou  de  conti- 
nuer la  guerre  contre  les  François,  tout  le  commun  peuple  de  la 
ville  se  mirent  en  révolte  contre  ledit  gouverneur,  qui  estoit  insité 
par  de  ses  amys  estrangers  à  continuer  la  guerre  et  ne  désirer  point 
la  paix,  tout  au  contraire  de  la  vollonté  de  tout  le  peuple  en  gênerai, 
qui  desiroient  unanymement  la  paix  et  la  voulloient  à  toute  force, 
d'autant  qu'ilz  pâtissoient  grandement,  car,  durant  tout  le  temps 
que  nous  avons  esté  devant  leur  ville,  il  n'y  a  entré  aucunes  vui- 
luailles  de  dehors,  qui  a  esté  trois  ou  quatre  mois  qu'il  a  manqué 
de  commerce  avecq  tous  leurs  alliez.  Cela  les  a  réduis  à  toute  sorte 
de  misère,  qui  contraignit  le  peuple  de  la  ville  de  s'eslever  et 
prandrc  les  armes  contre  ledit  chasteau,  et  avoient  ja  gaigné  une 
porte  où  ilz  se  battirent  rudement,  où  il  en  eust  plusieurs  de 
part  et  d'autre  tuez  et  blessez.  Neantmoingz,  ceux  dudit  chasteau 
repoussèrent  ceux  de  la  ville,  doncq  quatre  jours  durant,  le  chas- 
teau leur  tira  force  canonades. 

I.   Sur  Pierre  Mazet,  V.  Introduction,  notice  biographique. 


Les  plus  sages,  recognoissans  qu'ilz  ostoient  sur  le  point  de  se 
perdre  les  ungz  les  autres,  suyvirenl  les  vollontez  du  commun 
peuple  et  envoyèrent  une  chaloupe  à  bort  dudit  s'  Du  Challard 
pour  demander  la  paix,  offrant  de  rendre  les  esclaves  françois 
qu'ilz  detenoieut,  pourveu  qu'on  leur  payast  le  pris  qu'ilz  avoient 
cousté  en  la  place  publique,  et,  à  cest  effait,  envoyèrent  des  otages. 

Le  révérend  Père  Datias',  de  Tordre  de  la  Mercy,  poussé  de 
zelle,  demanda  au  s'  Du  Challard  permission  d'aller  à  terre,  affin 
de  faire  acomplir  leur  paroUe  pour  rendre  les  esclaves  au  plus  tost. 
Neanlmoingz.  ledit  s''  Du  Challard,  n'ayant  ordre  dudit  sieur  che- 
vallier de  Razilly  de  faire  la  paix,  mais  bien  une  trefve,  s'y  com- 
porla  très-prudamment  et  sagement,  le  tout  à  l'advantaige  du 
service  du  Roy  :  sy  bien  que  le  gouverneur  de  Salle,  par  l'advis 
de  tous  les  Andallous,  envoya  les  articles  signez  à  bort  dudit  s' Du 
Chalard,  dont  la  teneur  ensuit  : 


Trêve  entke  Louis  XIII  et  la  ville  de  Salé. 


Salé,  2  octobre  ifiag. 

Entre  monsieur  le  commandeur  de  Razilly,  premier  capitaine  de 
l'admirauté  de  France,  chef  desquadre  des  vaisseaux  du  Roy  en  sa 
province  de  Bretaigne,  et  admirai  de  la  flotte  de  Sa  Majesté  es  costes 
de  Barbarye,  soubz  la  charge  de  monseigneur  le  cardinal  de  Riche- 
lieu, grand  maistre,  chef  et  surintendant  gênerai  de  la  navigation 
et  commerce  de  France,  au  nomde  Sadite  Majesté,  et  en  vertu  du 
pouvoir  et  commission  qu'il  a.  dune  part  ;  et  le  sieur  Mahumadban 
Abdulcader  Ceron,  gouverneur  et  capitaine  gênerai  de  la  forteresse 
et  ville  de  sa  juridiction,  tant  en  son  nom  qu'au  nom  de  tous  les 
habitans  de  ladite  ville  et  forteresse  de  Salle,  d'autre  : 

A  esté  accordé  que,  veu  que  ledit  seigneur  de  Razilly  est  venu 
en  ceste  rade  avecq  ladite  flotte  et  armée  pour  retirer  les  François 

I.  Dallas  (avec  les  variantes  Dalla,  d'A-  Mercy  Je  Paris.  Sur  ce  religieus,  V.  iiifra, 
thia,  d'.Vthis).  Le  Père  François  d'Atliia,  pp.  387,  33g,  ^78,  note  4  et  Introduction 
commandeur  du   couvent  de  N.  D.   de  la        critique,  pp.  557-558. 


PROGÈS-VERBAL    d'aNDRÉ    CHEMIN  2^5 

esclaves,  et,  au  rcffus  d'estre  rendus,  faire  la  guerre  à  ceux  qui 
les  détiennent  en  ces  costes,  sur  quoy  sont  survenus  certains  dom- 
niaires  qui  ont  acoustumé  de  s'ensuivre  de  la  guerre,  aprezlesquelz. 
desireurs  d'establir  la  paix,  quelques  dilllcultez  se  sont  rencontrez 
qui  n'ont  peu  permettre  que  la  resolution  se  prist  sy  tost  ;  afTin 
que  lesdits  dommaiges  cessent  auportdudil  Salle  et  ceux  qui  pour- 
roient  arryAcr  aux  marchans  françois,  atcndant  que  lesdites  difïîcul- 
tez  se  puissent  plus  amplement  résoudre  et  que  les  partyes  advise- 
ront  en  la  forme  qu'ilz  le  \oudront  tenir,  ilz  ont  trouvé  bon  de 
faire  trefves  pour  le  temps  et  espace  de  cin(|  mois,  commenceant 
du  jour  de  la  dabte  de  la  présente  capitulation,  avecq  les  conditions 
qui  s'ensuivent  : 

Premièrement,  que  tous  les  François  esclaves  qui  sont  à  Salle 
seront  dès  àpresent  randus,  moyennant  ce  qui  a  esté  acordé,  et  que, 
durant  le  temps  desditz  cinq  mois,  aucuns  vaisseaux  de  Sa  Maj"  ou 
autres  de  ses  subjets  ne  feront  aucuns  actes  dhostillifez  contre  ladite 
forteresse  et  ville  de  Salle,  ny  aussy  à  leurs  navyres  ny  embarque- 
mens,  dans  lesquelz  ne  sera  pris  aucune  chose  dont  ilz  seroientchar- 
gez  et  ce  qui  se  treuvera  sur  iceux,  soient  Chrestiens  ou  reniez, 
sur  painc,  à  celuv  ou  ceux  qui  contreviendroient,  d'estre  griefve- 
ment  punis  avecq  restitution  de  toutes  pertes  et  dommages  : 

Que.  pendant  ledit  temps  de  trefves,  aucun  navire  du  port  de 
Salle  ne  pourra  prendre  aucun  vaisseau  ny  autre  chose  quelconque 
apai  tenant  au  Roy  Très-Chrestien  où  à  ses  subjets  en  mer  ou  en 
terre  :  comme  aussy  il  ne  sera  permis  audit  port  de  Salle  qu'au- 
cun vaisseau  françois  ou  subjetz  de  Sa  Majesté  ny  marchandises 
leur  apartenans,  pris  par  autres  personnes  que  ceux  de  Salle,  de 
quehjue  nation  que  ce  soit,  directement  ou  indirectement,  soient 
vendus  audit  port  de  Sallé  nv  menez  ailleurs,  ains  seront  rendus 
et  remis  en  toulte  liberté/,  sur  paine  aux  contrevenans  d'estre 
rigoureusement  chastiez  avecq  entière  restitution  des  pertes  et  dom- 
maiges qui  s'ensuivront  ; 

Que,  durant  le  temps  de  ladite  suspension  d'armes,  lesditz  Fran- 
çois auront  toute  liberté  et  franchise  dans  le  port  et  ville  de  Sallé, 
où  ilz  pourront  achapter  et  vendre  de  la  marchandise,  comme  entre 
marchans  et  amys  ;  mesmes  ceux  de  ladite  armée  de  Sa  Majesté 
pourront  dessendre  à  terre  pour  y   liaitcr    tout    ce   que    bon     leur 


2^6  iSag 

semblera,  sans  que  personne  les  puyssenl  empescher  ny  offenser 
en  leurs  personnes  ou  biens,  et  niesmes  les  vaisseaux  marchans  et 
embarquemens  dudit  port  de  Salle  pourront  librement  aller  au 
royaume  de  France,  et  ausdils  vaisseaux  de  l'armée. 

Et  ledit  sieur  admirai  de  Razilly,  de  sa  part,  et  le  s'  gouverneur 
de  Salle,  d'autre,  s'obligent  d'acomplir  et  faire  garder  inviollable- 
nient  lesdites  trefves  et  articles  cy-dessus  contenus,  lesquelz  ils  si- 
gneront de  leurs  mains. 

Fait  le  deuxième  octobre  1629. 

Et,  d'autant  que  ledit  s'  commandeur  de  Razilly  n'est  à  présent 
en  ladite  rade,  le  s'  Du  Cballard,  gouverneur  de  la  Tour  de  Cor- 
douan,  cap""  garde-coste  de  l'adinirauté  de  Guienne  et  cap"°  d'un 
des  vaisseaux  du  Roy  de  ladite  llolle,  ayant  cbarge  de  Sa  Majesté 
et  dudit  sieur  de  Razilly  à  l'efTait  que  dessus,  les  signera,  atendant 
que  ledit  sieur  de  Razilly  les  signe. 

Fait  le  deuxième  octobre  1629. 

Maliumad  ban  Abdulcader  Ceron. 
Du  Cballard'. 


Le  sieur  cbevallier  de  Razilly  avoit  donné  ordre  au  sieur  Du 
Cballard  qu'il  tira  trois  coups  de  canon  pour  signal,  lorsqu'il  seroit 
temps  qu'il  y  alla  avecq  son  navire  pour  terminer  l'aflaire  et  ravoir 
lesdits  esclaves. 

Il  feust  donc  tiré  trois  coups  de  canon  du  bort  dudit  sieur  Du 
Cballard,  lesquelz  estans  entendus  par  M'  de  Razilly,  fit  aus- 
sytost  lever  l'encre  de  devant  La  Mamore,  où  il  estoit  mouillé, 
lequel  estant  à  portée  du  canon  de  la  rade  de  Salle,  le  calme  le 
prist,  avecq  une  grosse  mer  et  les  marées  courantes,  qui  l'empor- 
tèrent par  force  advant  le  vent,  puis,  le  lendemain,  le  vent  venant 
fort,  il  fit  force  de  voilles  pour  essayer  à  rellovoyer  et  gaigner  à  la- 
dite rade  de  Salle.  Mais  ce  feust  en  vain,  car,  en  douze  jours  de 
temps,   il  se  trouva  à  quatorze  lieux  a'van  le  vent,  entre   la  ville 

I.  11  existe  une  copie  de  la  trêve  de  aux  Archives  des  Affaires  Etrangères, 
iGag  entre  Louis  XIII  et  la  ville  de  Salé        Maroc,  Correspondance  consulaire,  t.  I, 


PROCÈS-VERBAL    DANnuÉ    CHEMIN  2^7 

d'Anafe'  et  la  Ville  aux  Lions",  et  peult  estre  de  deux  mois  il 
n'eust  peu  atraper  qu'à  palne  ladite  rade  de  Salle,  ce  qui  le  con- 
traignit daller  rellacher  à  la  rade  de  SafTy,  où  il  avoit  affaire. 

Le  sieur  Du  Challard,  ayant  jugé  que  le  vaisseau  «  la  Licorne  » 
n'avoit  sceu  relovoyer  pour  le  venir  trouver  et  qu'il  avoit  les  mar- 
chandises propres  pour  Salle,  se  résolut  de  l'aller  joindre  avecq  le 
vis-admiral,  contre-admiral  et  avan-garde,  à  la  rade  de  Saffy,  là 
où  il  estoit,  et,  comme  ils  partoient',  il  s'esleva  un  coup  de  vent  sy 
impétueux  qui  dura  quelques  six  heures,  de  telle  fasson  que  le 
contre-admiral  pensa  couUer  bas  et  se  perdre,  et  feust  contraint  de 
faire  vent  arrière  pour  aller  rellacher  en  Espaigne  *,  d'autant  qu'il 
estoit  presque  plain  d'eau. 

Le  vis-admiral,  pour  le  secourir,  ordonna  à  la  prise  d'Alger  de 
le  suivre  de  prez,  et  puis  ledit  vis-admiral,  avecq  l'avan-garde  et 
«  la  Renommée  »,  suy virent  leur  route  droit  à  Saffy  pour  trouver 
leur  admirai,  où  déjà  yl  estoit  arryvé  il  y  avoit  quelque  jours. 
Lequel  y  avoit  trouvé  le  vaisseau  '  des  sieurs  chevalUers  Des  Roches 
et  Guitault  avecq  la  pinasse,  qu  11  avoit  envoyée  devant  avecq 
le  II.  F.  Rodolphe,  qui  estoit  de  retour  de  l'armée  du  Roy,  il  y 
avoit  trois  scpmaines,  qui  présenta  à  M.  de  Razilly  la  responce  du 
roy  de  Marocq,  translatée  d'arabe  en  espaignol,  dont  la  teneur 
ensuit  : 

Lettre  de  Moulay  Ald  el-^L\lek  a  Razilly. 

//  Irailera  avec  le  F.  Rodolphe  la  question  des  Français  captifs  dans 
l'empire  chérifien  et  dans  la  ville  de  Salé. 

Ta.srout.   ilj  Don  cl-Ilidilja  luUS-f)  aoiM  1629. 

Traslado  de  la  carta  que  va  con  esta  en  arabijo  del  emperador  de 
Berberia  Muley  Abd  el-Meleque  j  que  Dio  soalce  !,  y  dise  lo  sg'^ 

1.  Anafe,  .Viifa,  aujourd'hui  :  Casa-  4-  Ce  fut  à  Cadix  que  relâcha  le  chcva- 
blanca.  lier  de  Jalcsncs  (contre-amiral)  ;  il  eut  un 

2.  La  l'i7(e  aux  Lions,  en  arabe:  Medincl  long  entrelien  avec  le  gouverneur  de  laville. 
cs-Sebà.  Cette  ville  doit  être  identifiée  avec  V.  /«  Série.  Espagne,  iti  octobre  1629. 
Tit.  V,  p.  'iCt-j,  note  i.  5.   Le  vaisseau.  Entendez  :  les  vaisseaux. 

3.  Du  Chalard  quitta  Salé  le  7  octobre.  Celaient  la  S"-'  Anne  et  le  Hambourg.  V. 
V.  p.  2O0.  supni.  p.  207. 


2^8  '629 

Lo  contenido  de  esta  cartala  alla,  el  Adelantado',  el libéral,  el  Rey, 
el  Generoso,  el  Haxmy,  el  Fatmy,  el  Hasny,  por  el  mandadoprofetico, 
el  Xarife  el  sublime  ^,  el  que  se  sujetô  a  su  sujecion  la  libéral  los  poten- 
lados  de  los  Moros,  y  abedecio  a  su  mandad(j  la  xarifa  los  polos  del 
Poniente,  y  se  humillo  a  su  mandatos  los  altos  los  rebeldes  reyes 
de  Guinea  y  sus  polos  los  lexanos  y  los  cercanos'. 

Al  prudente  y  bomrrado,  cl  que  mira  con  los  ojos  del  entendmi- 
miento,  el  jeneral,  el  cavallero  de  Uazilly. 

Y  despues,  loque  qiere  désir  esta  en  que  llege  a  nostro  estado  el 
alto  vuestra  carta  y  la  leymos  todos  sus  capilullos  y  entendimos 
su  contenido  el  particullar  y  el  jeneral,  y  lo  lenemos  bien  con- 
prehendido  ;  y  para  lo  que  pedis  de  nuestro  estado  el  alto  de  la  carta 
de  siguro  para  vuestroamigo.  el  padre  Rodolfe.  para  que  se  rencuentre 
con  nos,  ya  nos  lescryvinios  nuestra  jjalente  la  alla,  en  que  contiene 
lo  que  pedistes  ;  y  lo  que  disis  tocante  los  esclaves  franseses  que 
tenemos  en  nuestro  rci^no  el  alto,  en  viniendo  vuestro  amia-o,  el 
padre  diclio  Rodolfo,  a  nuestro  estado  el  alto,  trataremos  con  el 
en  los  que  ay  aqui  de  los  esclaves  dichos,  y  en  aviendo  con  con- 
cluido  en  ellos  los  que  es  la  volontad  confavor,  y  despues  tratare- 
mos con  el  en  los  demas  que  ay  en  el  puerto  de  Salle,  con  el  favor 
de  Dios  todo  poderoso,  y  lo  demas  de  los  capitules  de  vuestra 
carta,  de  que  vuestro  amigo  os  rcspondcre  acada  particular,  con  el 
favor  de  Dios. 

Escrita  en  nuestro  felisse  campe  en  Tasrot ',  16  dcDullieja  io38, 
que  de  Agosto  5"  de  1629  aâos. 


Or,  durant  les  trois  sepmaines  que  les  vaisseaux  des  sieurs  Des 

I.  El  Adelantado,    traductiun  espagnole  fiennes,  plus  ou   moins  exactement  traduit 

.  par     l'interprète     espagnol,    V.   i"  Série, 

de  rëpitlKte  protocolaire  ^L.\l  cl-Imàmi  p^^^^^^^  j    jj^  p^^   CCXWs  p.  600. 

(l'Iraamien).  L'Imàm  est  celui  qui,  dans  la  !i.  Tasroi(Tesrast, Taxirout,Tazarot),pe- 

récltation  de  la  prière  en  commun,  se  place  titevillesurrAssifel-Ma],rivièrequi  descend 

devant  les  fidèles  et  il  est  par  extension  le  du  Haut  Atlas  (Djebel  Ogdimt)  et  se  jette 

successeur  de  Mahomet.  dans  l'oued  Tensift.  Cf.  MAssiGNON,p.  197. 

3.  El  sublime.  L'interprète  a  rendu  par  5.   Arjoslo  5  ;  il  faut  rétablir:  Agosto  6. 

ce  qualificatif  le  mot  arabe  «  alaoui  n  dont  Le  traducteur  a  commis  une  erreur  d'un 

le  sens  est  ici  :  descendant  d'Ali.  jour  dans  la  conversion  de  la  date  de  l'hé- 

3.   Sur  ce  préambule  des  lettres  chéri-  girc  en  date  chrétienne. 


PROCÈS-VERBAL     d"  ANDRÉ     CHEMIN  2/|q 

Roches  et  de  Guitault  avoient  essayé  de  lovoyer  au  vent,  pensant 
gaigner  la  rade  de  Salle  pour  trouver  leur  admirai,  mais  ilz  ne 
peurcnt  jamais  advancer  et  furent  contrains  de  retourner  en  la  rade 
de  SalTy.  où  Dieu  sait  quel  contentement  ilz  eurent  de  se  reveoir 
joiniz  avecq  leur  admirai,  auquel  il  firent  leur  raport  <(  comme  il 
estoit  venu  un  mois  devant  à  SalTy  deu\  vaisseaux  anglois  et  deux 
hollandois.  deux  de  trois  cens  thonneaux  et  deux  de  deux  cens 
ciiKjuante  thonneaux.  qui  portoient  le  pavillon  au  grand  mas.  et 
lesdits  sieurs  Des  Hoches  et  Guitault  ayant  envoyé  leurs  cha- 
loupes au  boit  leur  faire  commandement  de  la  part  du  Roy  de  mettre 
bas  leurs  pavillons,  ilz  sen  moquèrent,  ce  que  Aoyant  lesditz 
sieurs  se  mirent  en  ordre  de  combat  pour  les  aller  aborder,  ce  que 
voyant  les  quatre  vaisseaux  mirent  incontinent  bas  leurs  pavillons 
et  envoyèrent  à  leur  borf  faire  de  grandes  escuses  quilz  ne 
croyoient  pas  que  ce  feussent  vaisseaux  du  Roy.  Hz  leur  pardon- 
nèrent, à  la  cliarge  quilz  ne  manqueroient  plus  au  debvoir  qu'ilz 
doibvent  aux  estandars  de  Sa  Majesté.  » 

A  la  venue  du  vis-admiial  et  dudit  sieur  Du  Challard  à  SaQy, 
monsieur  de  Razilly  redouble  ses  lettres  au  roy  de  Marocq  pour 
presser  l'afiaire,  luy  faisant  sçavoir  qu'il  ne  pouvoil  demeurer  en 
ces  costes  que  peu  de  jours,  selon  son  ordre. 

Il  escryvit  quatre  lettres  consecutyves  sur  ce  subjet  et  force 
autres  lettres  au  gouverneur  de  SafTy  et  aux  alcaïdes  de  sa  cognois- 
sance  pour  presser  laffaire,  leur  faisant  sçavoir  que,  s'il  venoit  du 
vent  d'aval',  comme  la  saison  en  estoit  desja,  qu  il  seroit  coulrainl 
de  s'en  retourner  en  France,  ne  pouvant  rader  à  cause  des  tour- 
mentes ordinaires. 

Le  roy  de  Marocq,  ayant  esté  adverty  de;  la  venue  de  M',  de 
Razilly  devant  SafPy,  l'envoya  visiter  par  les  sieurs  Checq  Israël  et 
Pallaciie  ',  Juifs,  lesquclz  luy  oITrirent  de  la  part  de  leur  roy  toultc 
sorte  de  franchise  et  liberté  dans  le  royaulme. 

Le  vingt-cincj'  octobre  ensuivant,  les  susdits  sieurs  .luifs  revin- 
drentà  bort  pour  veoir  le  présent  que  noslrc  roy  envoyoil  au  roy 
de  Marnrq.  nirin  d'en  faire  leur  raport,  lequel  présent  ilz  estimèrent 

I.  VfiU  d'aval,  c'csl-à-ilirc  :  vent  du  /"  Série.  l'ays-Iias,  t.  I,  p.  xvji  ot  p.  278 
laryc.  noie  1  ;  t.  Ht,  Journal  de  Ruyl,  1622-1624 

a.   Moïse  Pallachc.  Sur  crtte  famille,  V.         et  ci-dessous  possi'm. 


25o  '629 

et  prisèrent  fort,  et  partlcuUierement  d'autant  qu'il  venoit  d'un  sy 
grand  roy. 

Tous  les  habitans  de  SafTy,  Mores  et  Juifs,  et  mesme  ceux  de 
la  campaigne,  esloient  très  aises  et  joyeux  de  l'arryvée  dudit  sieur 
de  Razilly,  espérant  par  iccUe  avoir  la  paix  asseurée  avecq  les 
François,  qui  rendoit  leur  commerce  libre. 

Pendant  nostre  séjour  à  la  rade,  nos  chaloupes  alloient  journel- 
lement à  terre,  lorsque  la  mer  le  permettoit,  en  loutte  liberté,  pour 
aller  chercher  des  rafraichissemens. 

Le  sieur  Dûment,  gentilhomme  natif  de  Nantes,  esclave  il  y 
a  cinq  ans  ' ,  escry vit  à  M'  le  chevallier  de  Razilly  la  lettre  qui 
s'ensuit  : 

Lettre   de   Dumont  a   Razilly. 

Abd  el-Malek  se  félicile  de  l'ari-ivée  de  Razilly  :  il  a  fait  harnacher  six  che- 
vaux pour  les  offrir  en  présent  au  roi  de  France.  — -  Le  P.  Rodolphe 
transmettra  les  nouvelles  ù  Razilly. 

[MerrakechJ -,  aoùl(?)  1629. 

Monsieur, 

Nous  sommes  très-obligez  à  prier  Dieu  journellement  pour  la 
prospérité  de  Sa  Ma'"  et  de  monseigneur  le  cardinal  de  Richelieu, 
pour  le  soing  qu'ilz  ont  de  nous.  Le  roy  de  Marocq  est  très-joyeux 
de  vostre  arryvéeet  désire  fort  la  paix  et  amityé  de  Sadite  Ma".  Il 
a  fait  préparer  six  beaux  chevaux  et  estaprez  à  faire  faire  les  harnois 
en  brodcrye  d'or  pour  en  faire  présent  au  Roy.  Il  nous  a  fait  faire 
à  tous  deshabillemens,  et  espérons  en  Dieu  qu  il  vous  donnera  tout 
le  contentement  que  desirez  de  luy,  car  il  vous  estime  fort  de  ce 
qu'avez  tenu  vostre  parolle.  Tout  ce  que  j'aprehende,  c'est  la  lon- 
gueur, que  les  harnois  ne  soient  assez  tost  prés,  parce  qu'il  n'y  a  que 
deux  brodeurs  en  ce  pays.  Nous  vous  prions  d'avoir  patience. 

I.   On  peut  déduire  de    ce    détail    que  2.   Les  nouvelles  que  Dumont  donne  de 

Dumont  avait  accompagné  le  chevalier  de  la  cour  du  Chérit'  montrent  que  cette  lettre 

Razilly   lors  de  son  voyage  de    1624.   Cf.  a  été  écrite  à  Merrakech  où  se  trouvait  alors 

sur  ce  minie  personnage  p.  342  et  p.  38o.  Moulay  Abd  el-Malek, 


PROCÈS-VEUB.VL    n'A>DUÉ    CHEMIN  25 1 

Le  Père  Rodolphe  vous  dira  toute  nouvelles.  Aous  suppliant  me 
faire  l'honneur  de  me  tenir,  Monsieur, 

Vostre  très-humble  et  très-obeissant  serviteur, 

Du  Mont. 


Lorsque  quelques-ungz  des  nostres  estoient  à  terre,  tout  le  peuple 
rendoit  tesmoignage  par  aparence  que  le  roy  de  Marocq  souhaitoit 
avecq  passion  la  paix  avecq  nostre  roy  et  qu'il  disoit  souvent  dans 
son  armée  :  «  J'onhore  le  roy  Louis  de  France,  d'autant  qu  il  est 
généreux  et  vaillant.  Nous  sommes  tous  deux  de  mesme  aage. 
J'ayme  les  vaillans.  car  je  le  suis  :  s'il  a  dompté  ses  subjetz  et  autres 
ses  ennemys,  et  moy  j'acheveroy  bicntost  de  vaincre  les  miens.  » 

Le  vingt-sixième  dudit  mois',  le  roy  de  Marocq  envoya  ceste 
seconde  lettre  au  sieur  chevalier  de  Razilly,  laquelle,  translatée 
d'arrabe  en  espaignol,  contient  ces  mots  : 


Lettre   de   Moulay  Abd  el-Malek  a   Razilly. 

Il  a  reçu  la  lettre  de  Louis  Xfllet  celle  de  Razilly  ;  ces  missives  lui  ont  fait 
connaître  le  désir  du  roi  de  France  touchant  l'entretien  de  la  paix  et  la 
mise  en  liberté  des  captifs.  —  //  s'enc/aije  à  relaxer  ces  captifs  et  attend 
le  (jcntilhomme  porteur  du  présent  offert  par  le  Roi. 

S.  I.,  3  Rbia  I'''  ioSq-îi  ocfobro  1639. 

Traslado  de  la  que  va  consta  en  arabijo  del  emperador  Mulley 
Abd  el-Melecq,  rey  de  Barberia,  al  jcneral  del  rey  de  Fransia,  el 
cavalero  de  Razilly.  Es  lo  sig". 

Lo  que  conticne  este  mando  el  Alto",  el  Adelantado,  el  LiberaP, 
el  Rey,  el  Soalsado*,  el  llasny,  el  que  se  sujeto  a  su  sujétion  la 

I.   Celte  date  est  celle  de  l'arrivfo  do  la  /|.   El  Sonisiido  iluil  trailnire  approxima- 

ettre  à  Safi. 

FI   m         l  II  tivement  l'épillH-te  protocolaire  ^^,aJi»JI. 

le  Triompliaiil, 
3.  El  Libéral  ^SCj\. 


252  1629 

libéral  los  reynos  de  los  Moros  y  se  humillo  a  su  bcndition  la  xaiife 
los  polos  del  Poniente  y  obedecio  a  sus  mandatos  los  altos  los 
rebeldes  potentados  de  la  Guinea  y  sus  polos  sercanos  y  lexanos*. 

Al  honrrado,  el  prudente,  el  valoroso.  el  discreto.  el  jeneral.  cl 
cavallero  de  Razilly. 

Y  despues,  esta  nuestracarta  vos  [enviamosjdenuesfraalmhallala 
prospéra,  la  vicloriosa,  y  gracias  a  Dios  que  esta  en  bien  y  con  prospe- 
ridad  perl'eta  y  continuacion  des  bienes  des  Dios.  Aly  sirve  dicha 
carta  a  vos  para  vos  desii"  ([uc  nos  lleparon  a  nuestro  estado  alto  la 
carta  del  rey  de  Francia  poderoso  entre  los  reyes  cliristianos  y 
perfecto  en  la  profecion  del  Mesias,  junto  con  vuestra  cartas  las 
quales  se  leyeron  delante  de  nuestro  estado  el  alto  sus  contenidos  y  sus 
particularidades  y  la  comprehendimos  bien  lo  que  contenia  dicba 
carta  del  Rcy  :  y  colegimos  de  ella  lo  muclio  que  estima  allegar 
nuestra  amistad  la  perfeta  y  con  nuestro  estado  el  alto  :  y  lo  que 
deses  que  sea  continua  y  per  duo  afios  y  inviolable  y  para  descanço 
pcrpetuo  y  consentimento  igual.  y  quita  toda  suerte  de  danos  :  y  que 
tambien  imbio  consto  a  nuestro  estado  el  alto  un  présente  que 
muestra  coniirinar  la  buena  voUontad  y  inlento  para  perfecion  del 
casso  :  y  nos  pide  tambien  por  la  libertad  de  los  que  tenemos  de  los 
Franceses  captivos  ;  y  entendimos  toda  su  volontad  en  este  parti- 
cullar  to  coni  bien  recebimentoy  buena  voluntad  y  perfeta  fidellitad 
y  amor  y  quercr  de  nuestro  estado  el  alto,  y  se  assento  a  nuestro 
pareceryseconfirmo  ;  y,  por  los  esclavos  que  pidio  de  nuestro  estado 
el  alto  que  se  den  libertad,  sy  uvierais  vos  solo  pedido  dicbos  escla- 
vos de  vuestra  parte,  los  uvieramos  dado  libertad  por  ser  criado  del 
rey  de  Francia,  quanto  y  mas  darlos  libertad  por  el  respecto  de 
diclio  rey  de  Francia,  sin  ningun  jenero  del  présente,  por  todo  la 
buena  voluntad  que  tienne  de  nuestra  amistad  y  la  piadad  que  tiene 
con  ellos  y  caridad,  como  pareceo  por  su  carta  :  y  hasta  agora,  sobre  lo 
que  aveisdeliazercon  elfavordeDios,  es  que  venga  el  cavallero  "que 
dixo  y  dixisteis  que  tiene  el  présente  y  con  el  présente,  y  venga  a 
nuestro  estado  el  alto  ;  y  lo  que  tenemos  aqui  a  nuestro  felixse  armada 
de  Cliristianos  que  pedis  vosiran  primero  :  y  los  que  ay  en  nuestra 
real  ciudad  de  Maruecos  ;  que  Dios  prospère  !  sy  nos  fueremos  alla, 

l.  ^  .  supra,  p.  2^8,  noie  3.  2.   El  cavallero,  le  sirur  Du  Clialard. 


PROCÈS-VERBAL    DANDUK    CHEMIN  253 

con  breudad  vos  los  mandaremos.  y  si  nos  detuvieremos  aqui  para 
alguna  cossa  que  sea  denuestra  volonlad,  vos  los  mandarc  trasy  los 
imbarie  a  vos  de  presto,  con  el  favor  de  Dios. 

Eserila  a  los  très  del  mes  de  Rabeli  el  profelico'  1039,  que  de 
Octubre  21  de  1629. 


L'original  en  langue  arabe  est  cacheté  d'un  seau  imprimé,  par- 
semé de  poudre  dor  par  le  dessus. 

Geste  lettre  du  Roy  ayant  esté  aportée  à  borl  par  les  susditz  s" 
Checq  Israël  et  Pallaclie,  promirent  d'envoyer  la  responce  dudit  s' 
chevallier  de  Razilly  audit  roy  de  Marocq  qui  s'ensuit  : 


Lettre  de   Razilly  a   Moulay  Abd  el-Malek. 

//  remercie  le  Clierif  de  ses  bonnes  dispositions  à  l  égard  du  roi  de  France. 
—  //  le  prie  de  hâter  les  négociations  en  vue  de  la  mise  en  liberté  des  cap- 
tifs. —  Les  envoyés  de  Moulay  Abd  el-Malek  rjui  amèneront  ces  captifs 
à  Salé  pourront  recevoir  le  présent  envoyé  par  Louis  XIII  au  Chèrif  et 
engarjer  les  pourparlers  en  vue  de  la  paix.  —  Ni  Du  Chalard.  ni  les  au- 
tres membres  de  la  mission  ne  peuvent  débarquer  .mns  enfreindre  leurs 
mxtructions. 

|Kn  rade  (1r  SafiJ,  :(6  oclohro  163g. 

Sire, 

J'ay  rcceu  la  dernière  lettre  de  V.  ^L  avecq  unejoye  indicible,  par 
laquelle  je  demeure  tant  obligea  voslre  impériale  et  magnifique  libé- 
ralité (jue  je  n'ay  jjointdeparollespourcxpiimcr  les  vifz  ressentimens 
que  j'en  ay  conceubz,  combien  (jue  ce  ne  soit  daujourd'huy  que  j'ay 
fait  expérience  en  mon  particuUier  de  vossinguUieres  fabveurs.  Et, 
puis  qu'il  plaist  à  V.  M.  de  correspondre  aux  sincères  intencions  du 
Roy,  mon  maislre,  pour  donner  lieu  à  la  ncgotiation  dont  il  luy  a 
pieu  me  charger,  il  plaira  à  V.  M.  parla  mesme   i)onté  d'entendre 

1.    Hnbrli  et  profelico.  le  Kebia  (lu  l'roplute,  c'est-à-dire  ;  lUjia  1"''. 


254  1639 

aux  moyens  requis  et  nécessaires  pour  l'iieureux  acomplissement  de 
ceste  aflaire.  qui  requiert  de  nostre  part  une  briefVe  expédition,  en 
sorte  que,  s\  elle  ne  se  termine  tout  à  fait  dans  six  ou  huit  jours  au 
plus,  il  me  faudra  nécessairement  retourner  en  France,  sans  rien 
faire.  Surquoy,  je  suplye  V.  M.  en  toute  humillité  me  pardonner, 
sy  je  suis  contraint  me  prescrire  ces  bornes  et  presser  de  dilligence 
un  sy  grand  roy  que  je  desirerois  servir  toute  ma  vie,  considérant 
aussy  le  long  temps  que  j'ay  atendu  aux  environs  de  vostre  ville 
de  Salle  vos  commandementz  pour  me  rendre  en  ceste  rade,  et  que 
cependant  quatre  mois  se  sont  escoullez  que  javois  résolu  d'em- 
ployer au  loisir  de  V.  M. 

Ce  que  je  requiers  doncq  très-liumblemcnt  de  V.  R.  M.,  c'est 
qu'elle  envoyé  pronlemcnt  ùSalfy  nos  pauvres  esclaves,  avecq  telles 
personnes  qui  luy  plaira  commander  pour  recevoir  le  présent  et 
traiter  ensuilte  des  articles  de  la  paix  tant  désirée,  suivant  les  parti- 
culières instructions  que  j'en  ay  par  ma  commission.  Pour  ce  que 
V.  M.  demande  M'  Du  Challard.  il  luy  est  défendu  et  à  tous  les  au- 
tres cap""'  de  quiter  leurs  vaisseaux',  et.  sy  quelqu'un  y  pouvoit 
aller,  je  voudrois  estre  celuy-là  pour  avoir  l'honneur  de  baiser  les 
piedz  de  V.  I.  M.,  laquelle  je  prie  Dieu  tenir  en  sa  sainte  et  digne 
garde  et  faire  régner  longuement  et  heureusement  en  ces  victoires 
acoustumez.  Et  demeure, 

Sire. 

Vostre  très-humble,  très-obeissant  et  très-fidelle  serviteur. 

Le  chevallier  de  Razilly. 
Ce  26  octobre  162g. 


Ceste  lettre  feust  envoyée  à  SaCfy  au  s'  Pallache  pour  la  faire  te- 
nir au  Roy,  comme  il  avoit  promis  ;  etdebvoit.  à  son  retour,  venir 
à  bort  de  l'admirai  pour  admener  les  esclaves  et  les  chevaux  que  le 
roy  deMarocq  fait  présent  au  roy  de  France  ;  mais  une  tourmente  de 
sur-ouest  nous  a  contrains  de  lever  l'encre^  et  gaigner  à  la  mer,  de 

I.   Cette    interdiction    de    descendre    à  Chalard  et  La  Touche  quittent  Safi  pour 

terre  était  justifiée  après  le  guet-apens  de  rentrer  en  France.  Treillebois,  Guitaut  et 

162V  ^-  supra,  p.  107.  Des  Roches  partirent  le  même  jour  pour 

3.   C'est  le  27  octobre  que  Razilly,  Du  ÎMogador.  V.  Doc.  XXXII,  p.  261. 


PROCÈS-VERBAL    d'a>DRÉ    CHEMIN  255 

telle  fasson  que  nous  avons  reccu  les  plus  grandes  tourmentes  qui 
se  peuvent  imaginer.  Neantmoings  nous  tachions  tousjours  àrello- 
vover,  pensans  regaigner  en  ladite  rade,  mais  c'estoit  en  vain,  car, 
tant  plus  nous  atcndions,  tant  plus  le  vent  s'eiTorsoit  ;  et,  crai- 
gnans  les  costes,  d'autant  que  c'est  la  saison  des  ventz  d'avaux, 
nous  avons  esté  contrains,  pour  éviter  de  nous  perdre,  de  mettre 
le  cap  vers  la  France,  on',  quin/c  jours  aprez,  qui  feut  le  dix-huit" 
novembre,  il  parut  à  midy  le  soUeil,  et  ledit  s'  de  Razilly  ne  per- 
dit locasion  de  prendre  hauteur  avecq  ses  pillotes,  et  il  se  trouva 
par  les  ^-  degrez,  et  nostre  estime  de  1  est  estolt  proche  de  terre, 
tellement  que  ledit  s'  de  Razilly  fit  porter  à  lest-nord-est,  où  le 
lendemain  il  se  rencontra  à  deux  lieues  de  lisle  de  Groys.  La  tour- 
mente continuant  tousjours,  le  vaisseau  faisant  grand  eau  et  la 
poullayne  toute  rompue,  par  l'advis  de  ses  pillotes.  il  entra  le 
vingt'  novembre  dans  le  Port-Louis,  alTm  de  sauver  le  navire  du 
Roy,  estant  bien  l'àché  de  ce  que  le  vent  ne  permetoit  daller  à  La 
Rochelle,  où  il  croit  que  ses  compaignons  auront  rellaché,  voyant 
journellement  arryverdes  miracles  pour  les  armes  du  Roy,  comme 
Dieu  les  benist  et  conserve  par  les  conseilz  de  monseig''  le  Car- 
dinal. 

Archives  des  Affaires  Étrangères.  —  Maroc.  —  Mémoires  cl  Documents. 
Vol.  2,  ff.  U-!i7  v".  —  Original. 

I.  Tout  ce  qui  suit  se  retrouve  presque         Riclielieu  du  2D  novembre  1639.  V.  supra, 
mot  pour  mot  dans  la  lettre  de    liazillv   à         Doc.  \XX,  p.  2o3. 


2o6  ^629 


XXXII 

MÉMOIRE  ADRESSÉ  AU  CONSEIL  DU  ROI 

Trotsii'me  voyage  de  ftazilly. 
(1629) 

Le  premier  jour  d'avril,  le  vaisseau  nommé  «  la  Licorne  »,  com- 
mandé par  le  sieur  chevallier  de  Rasilh  ,  fusl  rendu  prest  et  partit 
de  Brest  et  se  randit  à  Brouage  le  dix-neuf'  dudict  moys. 

Le  lendemain,  lediet  sieur  chevallier  visita  les  six  vaisseaux  du 
Roy  commandez  pour  les  voyages  de  Canada  'et  de  Maroque,  sur 
lesquels  il  trouva  les  hommes  de  l'équipage  en  plus  grand  nombre 
qu'ilz  n'estoicnt  ordonnez,  tant  lalTeclinn  &  fidclitlé  des  capitaines 
a  esté  grande  en  cest  arménien I. 

Le  deux'"''  jour  de  may,  lediet  sieur  chevallier  de  Rasilly  receut 
la  despesche  de  Sa  Majesté  et  de  monseigneur  le  Cardinal  par  le 
sieur  Du  Chalard,  parly  de  Suzcavecqe  l'instruction  de  ce  quiestoit 
affaire  ausdicts  voyages,  comme  aussy  une  lettre  de  la  Royne,  mère 
de  Sa  Majesté,  portant  très-exprès  commandement  de  surceoir  les- 
dicts  voyages  et  d'aller  premièrement  accompagner  avec  sa  flotte 
les  navires  chargez  de  sel  du  grand  party  jusques  au  Conquet^,  à 
cause  des  advis  qu'il  y  avoit  vingt  navires  de  guerre  qui  altendoient 
ladicte  flotte  de  sel,  qui  obligea  lediet  sieur  chevallier  à  mettre  sur 
sondict  vaisseau  deux  cens  3o  hommes,  et  aussy  qu'il  avoit  eu 
ordre  d'en  laisser  cent  ailleurs,  ainsy  que  messeigneurs  du  Conseil 
se  souviendront.  Lediet  convoy  fut  faicl  avec  le  vaisseau  commandé 
par  lediet  sieur    Du   Challard,    qui    se   trouva  seul   en   estât,    les 

I.   D'après    les    instructions   données    à  dessus  p.  1  S/i, le  passage  relatif  au  «  voyage 

Razilly  le  18  février  162g.  avant  la  conclu-  de  Canada  »  qui  d'ailleurs  n'eut  pas  lieu, 
sien  de  la  paix  avec  l'Angleterre,  sa  mission  2.   Sur  cette  lettre   de  la    Reine   et  ces 

avait  pour  objet  le  Maroc  et  le  Canada.  On  secondes  instructions  adressées  à  Uazilly ,  V. 

a  retranché  de  ces  instructions,  publiées  ci-  p.  i8i,  note  i,  p.   iSô,  note  1. 


MÉMOIRE    ADRESSÉ    AU    CONSEIL    nU    ROI  267 

auttres  ne  l'ayant  peu  estre,  à  cause  que  les  radoubz  n'estoient  pas 
achevez,  ny  les  cabales,  cordages  et  munitions  de  guerre  délivrez 
du  magazin  de  Brouagc,  où  les  choses  nécessaires  manquoient  et 
les  fallust  faire  venir  de  Bourdeaux,  ce  qui  retarda  le  partement  de 
deux  mois. 

Le  vingt-ung"  dudict  mois  lesdits  s"  chevallier  de  Rasilly  &  Du 
Challard  partirent  et  conduircntladicle  flotte  de  sel  au  Conquet,  où 
ilz  arrivèrent  le  vingt-quatriesmc. 

Le  vingt-six',  ilz  partirent  du  Conquet  et  le  vingt-neuP  arrivèrent 
à  la  rade  de  Chedebois  '.  où  ils  trouvèrent  tous  les  vaisseaux  du  Roy 
prestz  à  faire  leurs  voyages,  ce  qu'ils  eussent  accomply,  mais  le 
vingt-neuP  ledict  sieur  clievallier  de  Rasilly  receut  une  despesche 
de  Sa  Majesté  qui  luy  donnoil  advis  de  la  paix  faicte  avec  les  An- 
glois,  et  luy  commandoit  de  ne  partir  pas  qu'il  n'eust  aultre  com- 
mandement. Sur  quoy  if  envoya  un  courrier  exprès  à  monseigneur 
le  Cardinal  pour  sçavoir  son  intention. 

Le  vingt-sept"  de  juing,  ledit  courier  fut  de  retour,  qui  porta 
commandement  de  partir.  Ce  qui  fut  exécuté  le  mesme  jour,  que 
tous  lesdits  vaisseaux,  au  nombre  de  dix,  comprins  le  navire  oUon- 
nois  armé  par  ledict  sieur  Du  Challard,  la  patache  dudict  sieur  de 
Rasilly  &  la  pinasse  du  s'  de  Treillebois,  mirent  soubz  voille  pour 
commancer  la  routte  du  voyage  de  Barbarye. 

Depuis  ledict  jour  vingt-sept' juing  laditte  flotte  fist  sa  course  et 
mouilla  l'ancre  à  la  rade  de  Salé  le  vingt'' juillet. 

Le  vingt-ung",  ledict  sieur  chevallier  de  Rasilly  escrivit  au  gou- 
verneur de  Salé  et  luy  demanda  les  François  de  la  part  du  Roy.  A 
quoy  ledict  gouverneur  fist  responce  par  des  demandes  si  extraor- 
dinaires (comme  qu'on  leur  donnast  ung  million  de  livres  et  cent 
pièces  de  canon),  qu'il  fust  jugé  que  c'estoit  au  mespris  des  armes 
du  Roy,  de  sorte  que  ledict  sieur  chevallier  fist  assembler  les  capit- 
taines  de  la  flotte,  ausquelz  il  fist  entendre  lesdietcs  demandes,  et 
proposa  s'il  estoit  plus  à  propos  de  faire  la  guerre  ou  (jue  toute  la 
flotte  allast  à  SafTy  pour  Iraitter  a\ec  le  roy  de  Marocq.  Sur  quoy, 
ayant    esté   advcrlis  [)ar  ung  marchant   demeurant  à    Salé^  qu'ils 


I.    C/i('(/c6oi.s  :  (llicl'dc  Baie,  [loiiitc  for-  li.    Ahrahani    van  Lihorgoii.  V.    p.  112 

m«inl  ail  nord  la  baie  de  La  liuchelle.  noie  !\  et  p.  26?^,  noie  i. 

De  Casthiks.  111.  —  17 


258  1^29 

estoient  révoltez  et  ne  cognoissoient  plus  l'authorité  de  leur  roy  et 
que,  sy  on  alloit  à  SafTy,  on  ne  pouroit  pas  retourner  à  Salé,  où  la 
plus  grand  part  des  François  esclaves  estoient  (à  cause  que  le  vent 
est  d'ordinaire  contraire),  fust  résolu  de  leur  déclarer  la  guerre  et 
d'envoyer  deux  vaisseaux  audict  SafTy  porter  le  Frère  Rodolphe, 
capucin,  qui  iroit  trouver  le  roy  de  Marocq  avec  les  despesches  de 
Sa  Majesté  et  les  letties  particuUieres  dudict  sieur  chevallier  de 
Razilly. 

Le  vingt-quatriesnie,  les  navires  des  sieurs  chevaliers  (Juitault 
et  Des  Roches  partirent  et  allèrent  à  SatTy,  où  le  Frère  Rodolphe  fut 
mis  à  terre  et  allast  trouver  le  roy  de  Marocq,  qui  le  receut  favora- 
blement, acceptant  le  présent  que  Sa  Majesté  luy  envoyoict  et, 
désirant  la  paix,  promist  de  randre  les  François  esclaves  qu'il  a  en 
son  pouvoir,  ainsy  qu'il  se  voit  par  la  lettre  qu'il  a  escript  audict 
sieur  chevallier  de  Rasilly.  de  quoy  ledicl  Frère  Rodolphe  donnoit 
advis  audict  sieur  chevallier  par  terre  à  l'adresse  de  Calé,  où  les 
lettres  furent  retenues. 

Depuis  le  vingt-cinq'^  dudict  mois  jusques  au  quinziesme  aoust, 
les  vaisseaux  de  Sa  Majesté  s'employèrent  à  faire  la  guerre  contre 
ceux  de  Calé,  ausquelz  par  force  de  combats  on  a  faict  brusler  leur 
navires  admirai  et  viz-admiral,  qui  estoient  du  port  de  trois  cens 
thonneaux.  armez  de  vingt  pièces  de  canon,  et  deux  autres  navires 
eschouerenl,  1  un  entre  La  Mamore  et  Salé,  et  l'autre  entre  Lara- 
che  et  La  Mamore,  et  prins  trois  autres  navires  armez  de  douze, 
quatorze  et  dix-huict  pièces  de  canon,  dont  deux  ont  esté  venduz 
aux  Espagnolz  avec  cinquante  Mores  ;  plusieurs  Espagnolz.  qui 
estoient  esclaves  sur  lesdils  navires  prinz,  envoyez  libres  au  nom  du 
Roy  et  de  monseigneur  le  Cardinal  au  gouverneur  de  La  Mamore  ; 
et  l'autre  navire  est  avec  le  s'  chevalier  de  Jalenc,  qui  a  esté  con- 
trainct  par  le  mauvais  temps  de  relascher  à  Calis. 

Les  vaisseaux  du  Roy  mancquans  d'eau  douce,  qui  ccstoient 
perdues  au  roulis,  ledit  sieur  chevallier  de  Rasilly  advisa  ce  qui 
esloit  à  faiic,  et.  par  conseil  prins  de  tous  les  capitaines,  résolut 
d'aprocher  la  rade  de  La  Mamore,  ce  que  voyant  le  gouverneur  fist 
sortir  une  grande  chalouppe  et  envoya  offrir  audict  s.  chevallier  ce 
qu'il  avoit  besoing,  de  quoy  il  le  remercia  :  et  après  s'eslrc  informé 
de  Testât  de  la  place,  qui  estoit  en  grande  nécessité  de  vivres,  les 


MÉMOIRE    ADRESSÉ    AU    CONSEIL    DU    HOI  sSg 

Alarabes  en  nombre  de  plus  de  Irenlo  mil  hommes  s'asemblans 
pour  l'assiéger,  il  fit  dire  audict  gouverneur  cpi'il  luy  donneroit 
tout  le  secours  et  assistance  de  sou  pouvoir-  en  laveur  de  la  bonne 
union  des  deux  couronnes,  de  sorte  que  ledict  gouverneur  en 
donna  advis  au  loy  d'Espagne  et  à  monsieur  le  duc  de  Medine- 
Sedonia  à  Sainct  Lucas,  qui  envoya  plusieurs  carabelles  chargées 
de  bledz  et  autres  vituailles  à  la  faveur  de  la  flotte  des  vaisseaux  du 
Roy,  sans  qu'aulcun  ayt  esté  prias  de  ceux  de  Çallé  comme  ils 
estoient  auparavant  :  ce  quy  donna  une  si  grande  réputation  aux 
François  en  Espagne,  que  le  commun  peuple  disoict  leur  avoir  plus 
d'obligation  qu'à  leurs  palriottes  qui  n'avoient  jamais  rendu  la 
coste  sy  libre,  de  quoy  ledict  sieur  duc  de  Medine  remercia  par 
lettres  ledict  sieur  chevallier,  qui  fist  faire  ensuitte  ayguade  à  La 
Mamore  à  toute  la  flotte. 

Le  quinziesme  aoust,  pour  mettre  ceux  de  Salé  en  leur  tort,  ledict 
s'  chevallier  de  llasilly  envoya  le  sieur  Du  Chalard  avec  son  vais- 
seau à  la  rade  de  Calé,  auquel  il  bailla  soixante-quatre  prisonniers 
mores  pour  les  changer  en  des  François  esclaves,  ce  que  ledict  sieur 
Du  Challard  vouUant  exécuter  envoya  sa  chalouppe  et  son  lieute- 
nant au  bord  du  rivage  de  Salle  pour  faire  bailler  une  lettre,  par  un 
des  prisonniers  qu'il  fist  descendre  à  terre,  au  gouverneur  de  Salle, 
lequel,  au  lieu  de  recognoistre  ce  bon  proceddé,  fist  desseing  de 
surprendre  ladicte  chaloupe  ;  ce  qu'il  eust  faict,  sans  que  ledict 
s'  Du  Challard  avoit  dict  par  presentiment  à  sondict  lieutenant  que 
s'il  sortoit  plus  d'une  chaloupe  du  port  de  Salé,  qu'il  tireroit  un 
coup  de  canon  à  balle  pour  signal  qu'il  se  retiras!  :  car  ceux  de 
Salé  firent  sortir  une  fregalte  à  vingt  rames,  et  une  autre  grande 
chaloupe,  et  vogoient  de  grande  force  pour  investir  la  chalouppe 
dudil  sieiu'  Du  ("hallard,  estimant  qu'aiaiit  son  lieutenant  il  au- 
roient  meilleure  condition,  ce  qui  ne  leur  reusit  pas;  et  ledit  sieur 
Du  Challard  leva  l'ancre  à  1  heure  qu'il  avoitescript  qu'il  feroil  au- 
dict gouverneur  s'il  n'avoit  sa  responce,  et  retourna  trouver  ledict 
sieur  chevallier  de  Rasiliy  h  la  rade  de  La  Mamore. 

Depuis  ledict  quinziesme  aoust  juscpies  au  xii''  de  septembre, 
les  vaisseaux  du  Roy  s'emploierent  à  tenir  la  mei'  d'un  bout  sur 
autre,  pendant  lequel  temps  il  n'entroit  ne  sortoit  rien  de  Salé,  et 
celluy  du  sieur  Treillebois  print  une  barque  qui  y  alloit. 


Le  treiziesme  jour  de  septembre,  ledict  sieur  chevallier  de  Ra- 
zilly  receut  par  le  moien  du  gouverneur  de  La  Mamore  une  lettre 
des  François  esclaves  à  Salé',  portant  que,  s'il  envoyoit  un  de  ses 
navires  faire  enseigne  de  paix,  que  ceux  de  Calé  estoient  à  présent 
disposez  à  les  randre,  et  d'accommoder  les  alTaires,  ce  qui  le  porta 
d"y  renvoyer  ledit  sieur  Du  Cliallard  avec  son  vaisseau,  auquel  il 
donna  tout  pouvoir  de  traitter  pour  le  bien  du  service  de  Sa  Majesté 
et  la  liberté  desdicts  François,  à  quoy  il  travailla  si  courageusement 
qu'ilz  signèrent  une  suspention  d'armes  pour  cinq  mois,  et  accor- 
dèrent de  rendre  lesdicls  François  esclaves  pour  le  prix  qu  ilz  ont 
cousté  aux  maistres  qui  les  ont  acheptez  au  marché,  (pii  reviennent 
à  deux  cens  soixante-cinq  livres  pour  teste,  ainsy  qu'il  se  void  par 
les  articles  de  ladicte  capitulation".  Et  en  consequance  fut  dressé  par 
ledict  sieur  Du  Cliallard  des  articles  pour  la  paix  qui  eussent  esté 
aussy  signez,  lesdicts  François  esclaves  relirez,  sans  que  une  tour- 
mente furieuse  du  vent  de  sud-ouest  le  força  de  quitter  la  rade  de 
Salé  ;  et  c'estant  ledict  s'  Du  Cliallard  trouvé  transporté  par  les 
grands  courans  beaucoup  au  dessoubz  des  isles  de  Fadal  ',  il  fut  ré- 
solu qu  il  continueroit  sa  routte  à  SalTy  avec  les  sieurs  de  La  Touche, 
Treillebois,  le  chevallier  de  Jalesne,  où  ilz  trouvèrent  lesdicts  sieurs 
chevallier  de  Rasilly,  Guitaull  et  Desroches,  qui  fut  le  qualor- 
zicsme  dudict  mois',  ayant  demeuré  à  faire  la  routte  depuis  ledict 
sept\ 

Le  quinziesme,  ledict  sieur  chevalier  escrivit  au  roy  de  Marocq 
l'arrivée  dudict  sieur  Du  Cliallard  et  des  autres  vaisseaux,  le  su- 
pliant  d'envoyer  les  François  esclaves  et  personne  de  sa  part  pour 
recevoir  le  présent  que  le  Roy  luy  cnvoioit.  A  quoy  il  nefist  response 
que  le  xxi%  comme  il  ce  void  par  sa  lettre",  et  demandoict  que  ledict 
s'  Du  Cliallard  l'allast  trouver  avec  ledict  présent. 

Le  xxii",  ledict  s'  chevallier  escript   encore  au  roy  de  Marocq  ^ 

I.  Celaient  deux  lettres  des  g  Rt  10  août,  le   i4   octobre  ;   l'auteur   croit   avoir  déjà 

reçues  par  Razilly,  non  le   i3  septembre,  mentionné  ce  mois, 
mais  le  21  août.  V.  pp.  233-238.  5.   Voir  cette  lettre  dans  le /'r«f('st'cr6«i 

3.\.  Procis-verbald'André Chemin,  p.  2!i!i.  d'André  Chemin,  p.  201. 

3.  Lrs  isles   de    Fadal,   Fedala.    Sur    ce  fi.  Voir  cette  lettre,  datée  du  26  et  non 

point,  V.   j'''  Série,  France,  t.  II,  p.   201,  du  2 2  octobre,  dans  le  Proccs-uerinlfrAnf/rc 

note  3.  Chemin,  p.  353.  —  La  date  du  36  est  évi- 

li.   Le  ijtmtorziesme  dudict  mois  :  entendez  dcmment  la  bonne. 


MKMOIHE    ADHESSÉ     AI      CONSEIL     nU     IlOI  261 

que  ledict  s'  Du  Challard  ne  pouvoit  aller  porter  le  présent  à  terre, 
Sa  Majesté  ayant  deffendu  à  tous  les  capitaines  d'y  dessendre,  et 
qu'il  luy  pleust  d'envoyer  les  François  esclaves  et  donner  comman- 
dement au  gouverneur  de  SafTy  ou  autre  personne  de  recevoir  le 
présent,  ne  pouvant  plus  attendre  à  cause  de  la  saison  de  l'hiver 
et  que  leurs  vituailles  ce  consommoyent  ;  que  neantmoins  il  feroit 
avec  les  capittaines  qu'ilz  patienteroient  encore  cinq  ou  six  jours, 
sy  le  temps  leur  permeltoit.  Et  la  veritlé  est  que  ledict  roy  de  Ma- 
rocq  n'a  retardé  que  pour  avoir  le  temps  de  se  faire  les  harnois 
des  chevaux  qu'il  desiroit  envoier  à  Sa  Majesté  et  pour  faire  habil- 
ler tous  les  François  esclaves. 

Le  vingt-sept%  ledict  s'  chevallier  Razilly  ordonna  aux  sieurs 
Treillebois,  Guitault  et  Des  Roches  d'aller  avec  leurs  vaisseaux,  le 
navire  oUonnois  et  la  pinasse  à  l'isle  de  Mongador,  pour  y  prendre 
de  l'eau,  qui  levèrent  l'ancre  après  midy,  le  vent  estant  sud-ouest, 
apparence  de  mauvais  temps. 

Ledict  jour  et  du  mcsme  temps,  ledict  sieur  chevallier  de  Rasilly, 
les  sieurs  de  La  Touche  et  Du  Challard  levèrent  aussy  les  ancres, 
mirent  souhz  voillc  pour  ce  garentir  du*  péril  de  la  terre  de  SafTy, 
où  il  est  impossible  de  tenii-  du  vent  d'aval,  ce  mirent  au  large  en 
mer,  firent  la  roulte  au  nord-ouest  i/4  à  ouest  le  reste  du  jour  et 
la  nuict  pour  ne  s'esloigner  pas,  aussy  ce  trouva  le  matin  qu'ilz 
n'avoient  couru  que  dix  lieues. 

Le  vingt-huictiesme,  le  vent  sestanl  renforcé,  les  voilles  furent 
serrées  et  mis  à  la  cappe,  la  drive  fut  tenue  au  Nord. 

Depuis  ledict  jour  xxvin'  octobre  jusques  au  cinq'  du  moys  de 
novembre,  ledict  sieur  chevallier  de  Razilly  avec  lesdits  sieurs  de  La 
Touche  et  Du  Chalard  reprindient  la  loultc  le  long  de  la  coste  de 
Rarbaiye,  le  vent  estant  est-nord-est,  qui  sauta  sur  les  quatre 
heures  après  midy  au  sud-sud-oucst  que  on  estoit  à  cinq  lieues 
du  cap  Caiityn.  Mais  ledict  vent  vinct  sur  la  nuici  sy  grand,  avec 
une  sy  grosse  pluye.  cpi  d  fui  force  de  repratidic  au  larg("  au  nord- 
ouest,  et  continua  la  lourmante  sy  furieuse  jusques  au  quart  du 
jotu-  de  la  nuict  du  qniiiziesme.  que  ledict  sieur  chevallier  de  Ra- 
zilly. ayant  parié  ausdicls  sieurs  de  La  Touche  et  Du  Challard.  leur 
dictqu'ilfalloil  faire  la  traverse  à  retournera  Chedebois  ou  Brouage, 
estant  impossible  de  tenir  la  mer.  Et  peu  de  temps  après,  la  brume 


262  l'^sg 

fut  sy  grosse  el  le  vent  si  impétueux  qu'il  fust  séparé  des  aultres 
vaisseaux,  le  sien  s'estant  ouvert  par  dessoubz  la  pouUayne,  qui 
fut  emportée  d  un  coup  de  mer,  de  sorte  que  l'eaue  estoit  entre  les 
pons  à  la  seinture  des  hommes  qui  nepouvoienl  fournir  à  franchir 
les  pompes,  sy  bien  quil  print  congnoissance  de  l'isle  de  Groye 
et  entra  dans  le  Port-Louis,  et  les  autres  vaisseaux  arrivèrent  à  la 
rade  de  Chedebois. 

Tellement  qu'il  se  justifie  que  le  voyage  desdicts  sieurs  a  esté 
utille  à  la  réputation  des  armes  de  France  autant  que  humainement 
il  pouvoit  l'estre,  n'aiant  peu  vaincre  le  mauvais  temps,  sans  lequel 
ilz  eussent  mené  les  esclaves  françois  etexeculté  ce  qu'il  leur  avoit 
esté  commandé.  Et  sera  consideié  que  depuis  quinze  ans  le  roy  de 
Marocq  n 'avoit  pas  voulu  entendre  la  paix  avec  les  François,  ce 
qu'il  a  faict  maintenant,  dont  l'on  tirera  de  grandz  adventages  par 
le  commerce  et  de  la  retraicte  des  vaisseaux  qui  se  fera  à  la  coste 
de  Barbarye  voisine  d'Espagne,  sur  le  chemin  des  Indes  Orientalles 
et  Occidentalles  ;  qu  il  n  a  esté  rien  donné  des  choses  que  le  Roy  a 
destinées  pour  le  présent,  qui  ont  esté  rapportées. 

Et  ceux  de  Çallé,  qui  estoient  en  la  présomption  d'estre  invinci- 
bles, révoltez  contre  leur  roy,  qui  eussent  ruiné  les  marchandz 
françois,  qu'ilz  venoient  prendre  dans  les  costes  et  jusques  dans  les 
rivières,  ce  sont  soubzmis  à  ce  qu'il  leur  a  esté  proposé  de  la  part 
du  Roy,  dont  ce  recepvra  des  proffîctz  inestimables,  sy  on  forme  une 
compagnie  pour  le  commerce  en  ladicte  coste  d'Africque,  à  quoy  il 
faut  en  emploier  des  vaisseaux  du  Roy  qui  yronl  en  guerre  et 
marchandise,  accompagnant  par  mesme  moyen  ceux  de  ladicte 
compagnie. 

Et  pour  achever  ce  qui  reste  à  executter,  deux  navires  et  deux 
pattaches  le  peuvent  faire,  pourveu  que  le  voiage  soit  disposé  pour 
partir  au  commencement  d'avril. 

Bibliothèque  Nationale.  —  V  de  Colbert.  —  Ms.  203,  ff.  37-W.  — 
Copie  du  XVII'  siècle. 


HISTOIRE     DE    LA     MISSION     DES    PP.     CAPUCINS    AU    'MAROC  2fi3 


XXXIII 

HISTOIRE  DE  LA  MISSION  DES  PP.  CAPUCINS  AU  MAROC 

(1G29) 

Troisième  voyarje  de  Hazilly  nu  Maroc. 

Le  second'  voyage  de  Maroque  en  Afrique. 

Le  R.  P.  Joseph,  qui  ressentoit  au  delà  de  ce  qu'on  en  peut  dire 
la  captivité  des  Chrestiens  à  Marroque  &  surtout  celle  de  ces  deux 
excellons  religieux"  dont  les  peines  lui  tenoient  le  cœur  pressé  d'un 
extrême  regret  &  n'eut  été  l'assurance  de  leur  probité  &  les  preuves 
qu'il  recevoit  de  leur  constance,  je  suis  certain  qu'il  eût  été  incon- 
solable, mais  la  joye  d'une  si  haute  vertu  soulageoit  son  ennui. 

La  ruine  de  Privas  '  fut  1  aurore  du  bonheur  de  ce  royaume  & 
servit  d'espérance  au  R.  P.  Joseph  du  progrès  de  son  dessein  ;  car 
dès  lors  il  pressa  monsieur  le  cardinal  de  Richelieu,  &:  sur  les  apa- 
rences  dune  tranquillité  prochaine  par  les  glorieuses  victoires  du 
Roy,  il  fut  résolu  au  Conseil  que  1  on  relourneroil  à  Maroque,  afin 
d'en  retirer  les  Chrestiens  esclaves,  par  la  douceur  ou  par  la  vio- 
lence, le  R.  P.  Joseph  ayant  fait  connoistre  au  Roy,  à  Son  Emi- 
nence  &  au  Conseil  la  gloire  d'une  action  si  belle.  Et  si.  comme 
Sainct  Louys,  Sa  Majesté  ne  pouvoit  ataquer  l'ennemy  du  nom 
chrestien,  au  moins  il  retireroit  ses  sujets  qu'il  luy  tenoit  esclaves, 

1.  Le  second   voyage  dans  le   rccil  du        du  Vczins.  V.  supra,  p.  tio. 

P.   François  d'Angers,   mais  en  réalité  le  a.   La  ville  de  Privas,  capitale  du  Yiva- 

troisièmc  de  ceux  que  fit  Ra^illy  au  Maroc.  rais,  défendue  par  Alontbrun,  fut  assiégée 

V.  p.   100,  note  4.  par  Louis  \III  en  avril  ifiag   et  se  rendit 

2.  Les   PP.  Pierre  d'.Vlcnçon  et  Micliel  à  discrétion  au  bout  de  (juclques  jours. 


après  avoir  Aaincu  ceux  qui  s'étoient  élevés  contre  son  authorité, 
qui  sont  les  illustres  marques  d'un  roy  juste  &  trcs-chrestien. 

On  délivra  donc  commission  à  monsieur  le  commandeur  de 
Razilly  pour  faire  le  voyage  à  Maroque  &  aux  côtes  de  Barbarie 
en  Afrique,  avec  une  Ilote  considérable  de  sept  grands  vaisseaux 
armés  en  guerre  &  une  pataclie',  &  on  luy  députa  de  vaillans  capi- 
taines pour  les  commander  sous  son  autorité,  le  Roy  le  faisant 
admirai  de  cette  expédition,  messieurs  les  chevaliers  de  Jalesne", 
Des  Roches',  deGuilaud*,  &  messieurs  de  La  Touche",  Du  Cha- 
lard",  Treillebois  &  de  La  Selle,  tous  résolus  à  bien  servir  comme 
gens  de  cœur  quils  sont,  &  bien  équijiés,  comme  ils  étoient'. 

Après  que  monsieur  le  Commandeur  eut  touché  le  reste  de  ses 
assignations,  receu  ses  ordres  de  la  Cour,  &  que  tout  fut  en  bon  état, 
il  partit  avec  sa  flotede  la  rivière  de  Seudre  près  Brouage  &  Oleron, 
le  3o  juin  de  cette  année,  par  la  solicitation  du  R.  P.  Joseph,  qui 
étoit  dès  lors  presque  toujours  avec  M.  le  Cardinal,  j^ar  l'autorité 
duquel  les  officiers  de  marine  agissoient,  en  qualité  de  Surinten- 
dant gênerai  de  la  navigation  &  du  commerce  de  France. 

Cette  petite  armée  portoit  un  beau  présent  de  la  part  du  roy  de 
France  à  celuy  de  Maroque.  étant  une  coutume  générale  de  ne  point 
traiter  avec  les  princes  mahometans  sans  se  donner\  L'Admirai 
avoit  ordre  de  renouveller  la  paix  ancienne  entre  les  deux  couronnes, 
rétablir  le  commerce  &  ramener  les  deux  Pères  capucins,  ceux  de 


1.  En  réalité,  huit  vaisseaux,  une  patache  vires  qu'ils  commandaient.  V.  Doc.  XXXI, 
et  une  pinasse.  Cf.  supra,  pp.  206  et  207.  pp.  206-207. 

2.  Sur  ce  personnage,  \.  p.  207,  note  4.  8.  L'usage  s'était  établi  d'offrir  des  pré- 
Le  P.  Apollinaire  de  Valence  a  lu  :\alcsnes.  sents  aux  chérifs  du  Maroc  à  chaque  négo- 
\  .  édition  1888,  p.   189.  ciation,  et  l'on  entretenait  ainsi  non  seule- 

3.  Sur  ce  personnage,  V  .  p.  207,  note  3.  ment  leur  cupidité,  mais  encore  leur  infa- 

4.  Sur  ce  personnage,  V  .  p.  207,  note  2.  tuation,  car   ils  affectaient  de  recevoir  ces 

5.  Il  est  appelé  La  Touche  de  Non  dans  présents  comme  un  légitime  tribut.  Parfois, 
le  Doc.  XXXI.  p.  30(5,  et  La  Touche  de  La  pour  sauvegarder  la  situation,  il  fut  décidé 
Ravardière  par  Le  Gendre.  \ .  infra,  Doc.  que  i<  le  cadeau  «  serait  offert  au  nom  de 
CXXIX,  Relation  de  Le  Gendre,  p.  78^.  l'ambassadeur  au  lieu  de  l'être  au  nom  du 

6.  Sur  ce  personnage,  V.  supra,  p.  200,  souverain.  Enfin  quand  ces  présents  com- 
note  2  et  Introduction,  notice  hiographi-  portaient  une  somme  d'argent,  comme 
que.  dans   le  cas  actuel,  on  évitait  les  apparences 

7.  On  trouve  dans  le  journal  d'.\ndré  d'un  tribut  en  joignant  cette  somme  au  prix 
Chemin  la  désignation  de  chacun  des  na-  du  rachat  des  captifs. 


HISTOIRE    nE    LV    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AV    MAROC  265 

l'équipage  de  monsieur  le  commandeur  de  Razilly,  entre  lesquels 
étoit  son  neveu,  nombre  d'autres  gentilhommes,  &  plusieurs  bons 
soldats  &  matelots,  >kcn  suite  tous  les  autres  Fiançois  esclaves. 

Voicy  la  copie  dune  lettre,  d'entre  plusieurs,  que  le  R.  P.  Joseph 
écrivoit  du  camp  de  devant  Privas  à  M.  le  Commandeur,  avec  la 
despesche  du  Roy,  le  2  4  may. 


Lettre  du  P.  Joseph  a  Razillt. 

Il  lui  envoie  avec  une  lettre  de  commission  les  fonds  nécessaires  à  sa  négo- 
ciation avec  le  Cliérif.  —  Importance  de  l'entreprise  sur  Mocjador.  — 
Recommandations  au  sujet  des  PP.  Pierre  d'Alençon  et  Michel  de 
Vezins.  —  Razilly  devra  s'efforcer  de  faire  agréer  par  Moulay  Zidân 
l'occupation  de  Mogador. 

Devant  Privas,  'il^  mai  1G29. 

Monsieur, 

J'ay  receu  trois  de  vos  lettres  &  me  réjouis  que  vous  ayés  avec 
vous  pour  vostre  voyage  les  trois  Pères  capucins  que  vous  me 
nommés.  Vous  recevrés  par  celuy  qui  vous  rendra  la  présente  une 
commission  de  M.  le  cardinal  de  Richelieu',  grand-maistre,  chef  & 
surintendant  gênerai  de  la  navigation  &  du  commerce  de  France, 
telle  qu'il  faut  pour  vostre  voyage  de  Maroque,  que  Dieu  a  inspiré 
de  se  porter  avec  grande  afection  pour  cette  afaire,  ce  qui  vous  en 
doit  faire  espérer  un  heureux  succès  &  une  gloire  non  commune. 
On  vous  envoyé  aussi  de  l'argent  nécessaire  pour  leradoux  &  autres 
frais,  &  ne  manqiieré  ensuiltcde  vous  assister  icy  de  tout  mon  pos- 
sible. Je  vous  supplie  vous  souvenir  de  ce  que  vous  m'avés  promis, 
qui  est  de  suivre  les  bons  avis  de  M.  Du  Cbalard  ',  selon  même  les 
intentions  de  monseigneur  le  Cardinal,  ipii  vous  estimera  d'autant 
plus  ([u'il  vous  verra  donner  créance  aux  personnes  capables  &  de 

I.   Ils'agil  ici  d'unenmivoIleCommission  3.   Du  Chalard  qui,  comme  il  obt  dit  plus 

modifiant   les   inslructions  du    18    février  bas(p.  v.71),  ccavoilprincipnle  [)artcn  lacon- 

1629.  V.  p.   iM'i,  note  I.  Cette  commission  duite  de  cet  armement  )i,  avaitété  donné  à 

n'a  pas  été  retrouvée,  Ha/.illy  comme  guide  et  comme  conseil. 


a  fi  G  ''"'20 

mérite.  Ne  vous  faschés  pas,  si,  comme  vostre  sincère  amy,  je  vous 
advcrtis  que  vostre  inclination  à  la  très-grande  bonté  a  besoin  de 
ceux  qui  vous  en  peuvent  rendre  sans  vous  faire  tort.  Considérés 
bien  ensemble  tout  ce  qui  est  de  vostre  commission.  Le  dessein 
de  Montgador '.  étant  bien  conduit,  est  celuy  seul  qui  peut  avoir  delà 
suitte  &  donner  fondement  &  seureté  à  plusieurs  grandes  clioses,  à 
quoy  monseigneur  le  Cardinal  se  porte  constamment,  &  contribuera 
tout  ce  qui  sera  requis  auprès  de  Sa  Majesté  pour  cette  généreuse 
entreprise. 

Sur  toutes  choses,  ne  vous  laissés  point  divertir,  par  qui  que  ce 
soit,  d'aller  droit  à  Maroque,  &  ne  perdes  pas  l'occasion  que  N.  S. 
vous  met  entre  les  mains.  jNe  vous  fiés  jjoint  à  ce  l'oy  barbare  que 
sous  bon  gage  ;  c'est  ce  qui  me  fait  priser  le  dessein  de  Montgador, 
que  je  tiens  bien  plus  seur  que  la  parole  du  More. 

Je  m'asseure  que  vous  aurés  aussi  grand  soin  de  nos  Pères  & 
que  vous  ferés  estime  de  leurs  avis,  à  qui  vous  donnerés  ce  paquet, 
s'il  vous  plaist,  où  il  y  a  des  lettres  pour  nos  cliers  &  généreux  Pères 
Pierre  d'Alançon  &:  Michel  de  Vezins.  S'ils  sont  encor  en  vie,  ce 
sera  bien  fait  de  les  retirer  de  leur  captivité,  pour  leur  donner  un 
peu  de  repos.  S'ils  jugent  pourtant  à  propos  d'y  demeurer,  je  m'en 
remets  à  vos  avis  ^  communs,  ce  qu'il  ne  faut  pas  faire  sans  grande 
espérance  de  profit  &  seureté.  Que  si  on  s'établit  à  Montgador,  il 
est  utile  d'y  mettre  le  P.  Pierre  pour  supérieur,  ayant  grande 
expérience  de  ce  païs-là.  &  peut  beaucoup  profiter  aux  occasions, 
pour  le  soulagement  &  le  salut  des  ùmes  abandonnées.  Vous 
donnerés  ordre  qu'on  leur  porte  ce  qui  est  nécessaire  pour  remé- 
dier à  leurs  nécessités,  y  ayant  long-tems  qu'ils  n'ont  rien  eu  de 
France  pour  leurs  vestement  &  autres  besoins. 

Escrivés-nous  par  les  occasions  qui  se  présenteront.  La  paix  a 
été  faite  avec  l'Angleterre  le  20  de  ce  mois  ^  prenés  garde  de  ne  la 
pas  rompre  &  de  ne  vous  pas  faire  blâmer. 

La  perfection  de  vostre  ouvrage  seroit,  après  avoir  pris  Montgador, 
de  le  faire  trouver  bon  au  roy  de  Maroque,  &  qu'il  l'agréât  pour  la 

I.   Sur  le  «  dessein  de  Montgador  »,  V.  2.   Le  texte  porte  :  amis. 

supra.  Doc.  XXII,  Mémoire  de  Razilly,  pp.  3.  La  paix  avec  l'Angleterre,  qui  avait 

117-118  et  Doc.  XXIX,  p.   186,  Lettre  de  été  signée  le  24  avril  ifiag,  avait  été  ratifiée 

Richelieu  à  Razit/y.  le  20  mai. 


HISTOIRH    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS     AU    MAROC  afi" 

seureté  du  commerce,  À:  luy  faire  voir  le  profit  qui  luy  en  arrivera 
pour  la  richesse  &  seureté  de  ses  Estais,  appaisant  sa  colère  par  le 
présent  que  vous  luy  portés,  qui  fait  voir  que  Ton  ne  va  pas  vers 
luy  comme  ennemy.  Que  si  pour  cette  heure  il  ne  le  veut  pas  con- 
sentir, il  le  pourra  faire  après  par  force  ou  par  amour.  Vous  fercs 
bien  d'épandre  le  bruit  que  vous  n'allés  pas  à  Maroque,  pour  préve- 
nir les  obstacles  qui  vous  ont  déjà  fait  tort  ' . 


Pour  donner  au  lecteur  satisfaction  entière,  Montgador  est  une 
isle  dans  laquelle  il  y  avoit  un  fort,  elle  est  un  peu  avancée  dans  la 
mer  en  cette  côte,  &  commande  aux  ports  de  Salé  &  de  Saphy  ^  qui 
eût  tenu  ces  Barbares  en  leur  devoir  &  eût  aidé  au  trafic,  comme 
fait  le  Bastion  '  en  la  mer  Mediteranéc  proche  d'Alger,  se  pouvant 
maintenir  contre  les  ennemis  >S;  estre  secourue. 

Cette  armée  arriva  à  La  Mamorre,  terre  de  Barbarie,  le  17  juillet. 
Après  avoir  mouillé  à  cette  rade,  M.  le  Commandeur  fit  tirer  le 
coup  du  signal,  à  ce  que  les  capitaines  se  rendissent  à  son  bord,  qui 
étoit  l'admirai,  pour  y  tenir  conseil,  oii  les  PP.  capucins,  le 
R.  P.  Isidore  de  Baugé,  le  R.  P.  Pacifique  de  Mazé,  &  le  R.  P.  Colom- 
bin  de  Nantes,  &  F.  Rodolphe  d'Angers''  furent  appelles.  Il  fut 
aresté  qu  on  leveroit  l'ancre  pour  mouiller  à  la  rade  de  Salé,  à  une 
lieue  près,  afin  de  couper  chemin  aux  vaisseaux  qui  voudroient 
gaigner  la  barre  &  mettre  à  raison  ceux  de  celte  ville,  remplie  de 
corsaires  &  de  rebelles  à  leur  Roy,  où  étoit  la  plus  grande  partie  des 
esclaves  françois. 


1.  Allusion  aux  intrigiins  q\ii  avaient  fait  maisons  non  fortifiées.  Il  fut  détruit  en 
éclioucr  la  mission  de  itia^.  V.  p.  log.  i6()'i  par  la  milice  de  Bône  sur  l'ordre  du 

2.  Inexactitude  grograpliique.  Le  fort  divan  d'Alger.  A  la  suite  des  négociations 
élevé  dans  l'ilc  de  Mogador,  située  à  lo^  de  Sanson  ÎVapollon  avec  les  Barbaresques 
kilomètres  de  Safi  et  à  plus  de  4oo  kilomè-  (1636- 1628),  le  Bastion  de  France  futVelevé 
très  de  Salé,  n'avait  aucun  commandement  et  prit  une  grande  extension;  on  vconstrui- 
de  par  sa  position  sur  ces  deux  ports.  sit  une  forteresse.  Cf.  F.  Plantet,  Corresp. 

3.  Etablissement  pour  la  pécho  du  corail  des  Deys  d'Alger  et  P.  Masson,  Hist.  du 
fondé  vers  i5Go  i)ar  des  Provençaux  sur  la  commerce  franc,  dans  l'AJr.  barb.  aux  Index. 
côte  barbaresque  entre  Bône  et  La  Calle.  4.  Le  F.  Uodolphe  d'Angers  était. 
Ce  ne  fut,  jusqu'au  xvii*'  siècle,  qu'un  comme  on  le  voit,  revenu  en  France  après 
refuge   de  péclieurs  comprenant   quelques  sa  mission  au  Maroc  do  iGa'j. 


268  in<r) 

On  écrivit  aux  gouverneurs  de  la  ville  &  forteresse,  pour  leur 
faire  sçavoir  qu'ils  étoicnt  venus  de  la  part  de  l'invincible  RoyTrès- 
Chrestien,  protecteur  de  l'Europe  &  monarque  de  France,  afin  de 
traiter  d'afaires  importantes  avec  le  très-puissant  Mole  Ahdelmelech, 
roY  de  Maroque  ik  empereur  d'Afrique.  On  les  prie  de  mander  par 
quelle  voye  ils  luy  feront  sçavoir  les  nouvelles  de  leur  venue, 
donnant  parole  que  ceux  qui  viendront  de  leui-  part  retourneront  en 
toute  scureté. 

Les  gouverneurs  envoyèrent  un  marchand  flamand,  duquel  nous 
avons  parlé',  pour  leur  dire  qu'ils  étoient  les  bienvenus,  comme 
dans  Paris,  &  qu'à  présent  Salé  étoit  ennemie  du  roy  de  Maroque 
&  ne  luy  obéissoit  plus^  ;  que,  pour  les  Cbresliens  esclaves,  que  la 
peste  avoit  fait  mourir  à  Maroque  cens  soixante-seize  mil  quatre  cens 
personnes  de  diverses  nations,  &  que  les  deux  PP.  capucins  étoient 
morts  au  service  des  pestiférés,  comme  nous  avons  exprimé  ;  que, 
dans  le  moment  que  le  P.  Pierre  rendit  lame,  tous  les  esclaves  & 
autres  personnes  qui  y  étoient  présentes  virent  une  clarté  sur  son 
cbef,  de  quoy  ils  furent  merveilleusement  étonnés,  i^:  qu'on  les  esti- 
moit  saincts  comme  des  martyrs.  Celte  nouvelle  tira  les  larmes  des 
yeux  de  tous  ceux  qui  les  connaissoient,  mais  sur  fous  de  M.  le 
Commandeur,  qui  en  ressentit  un  déplaisir  extrême.  Il  l'asseura 
aussi  que  son  nepveu  &  les  gentils-hommes  étoient  morts  avec  une 
grande  connoissance  du  bonheiu-  qu'ils  recevoient  par  cette  mort. 

Sur  les  asseurances  de  ces  habitans,  il  prit  sujet  de  leur  mander 
que,  puisqu'ils  étoient  independans  du  roy  de  Maroque.  &  par  con- 
séquent souverains,  qu'il  traiteroit  avec  eux  de  paix,  au  nom  du  roy 
de  France,  pour  rétablir  le  commerce  qui  a  toujours  été  avec  cette 
ville,  &  demandoit  les  esclaves  françois,  avec  promesse  de  leur 
rendre  les  Mores  qui  dépendroient  d'eux  &  qui  seroient  en  France. 

On  commença  donc  en  suilte  à  traitter,  »^  le  sieur  Mazet^  consul 
des  François,  qui  étoit  là,  comme  prisonnier  sur  sa  parole,  vint  à 
bord  de  l'admirai  pour  voir  M.  le  Commandeur.  Il  luy  dit  aussi 
les  malheurs  arivés  à  tous  ceux  de  son  équipage,  qu'il  ne  restoit 


1.  Abraliam  van  I^ibergen.  V.  supra,  p.  3.   Le  sieur  Mazet  no  fut  nommé  consul 
112,  note  ^.                                                              par  Razilly  qu'en  i63o.  C'est  donc  à  tort 

2.  \  .  Inlrniluclloii  crilùjiic,  pp.  i(ji-iy3.         qu'il  est  appelé  consul  ici. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAl'LCINS    AU    MAROC  269 

plus  que  cenl  esclaves  à  Salé,  que  le  Roy  en  avoit  quatre-vingt,  & 
que  quarante  restoient  ailleurs. 

Tandis  que  l'on  Iraittoit  avec  les  bourgeois  de  Salé.  M.  le  Chevalier 
commanda  à  trois  de  ses  vaisseaux  d'aller  mouiller  à  Saphy,  qui  est 
le  port  de  Maroque  '.  alin  de  faire  donner  avis  au  lloy  de  son  arivée 
&  de  son  dessein,  luy  demandant  passeport  pour  cela.  Il  fut  jugé  à 
propos  de  charger  F.  Riulolphc,  capucin,  de  cette  commission,  qui 
y  avoit  de  l'habitude,  lacililé  de  la  langue  espagnole,  &  qui  étoit  du 
premier  voyage,  quand  les  François  lurent  arestés.  M,  le  Comman- 
deur donna  une  lettre  de  créance  à  ce  bon  religieux,  dont  la  teneur 
étoit  : 

Comme  il  n'a  pu  retourner  plustost,  à  cause  des  guerres  que  le 
roy  de  France  a  eu  sur  mer,  dans  lesquelles  il  a  été  employé,  qu'il 
est  donc  venu  pour  renouveller  les  anciennes  alliances  qui  ont 
presque  toujours  été  entre  les  roys  de  France  &  de  Maroque,  si  Sa 
Majesté  la  agréable,  comme  je  l'espère  pour  l'utilité  commune  des 
deux  royaumes  :  mais  qu'il  a  appris  la  plus  triste  nouvelle  qui  luy 
pouvoit  ariver,  la  mort  des  deu.x  Percs  capucins,  de  son  nepveu  & 
de  la  plus  grande  part  des  gentils-hommes  &  principaux  François 
de  son  équipage,  &  d'autres  qui  ont  renoncé  la  foy  chrestienne,  ne 
restant  plus  que  des  misérables  serviteurs,  personnes  sans  conduite 
ny  d'autre  recommciidalion  que  de  la  charité.  Ce  qui  l'alligeoit 
davantage  étoit  de  ce  qu'on  l'avdil  asseuré  en  ces  pais  qu'ils  sont 
morts  par  les  mauvais  traitemens  qu'ils  ont  soufferts  par  l'ordre  de 
Sa  Majesié.  qui  est  tout  le  contraire  de  ce  qu'il  avoit  asseuré  au  Roy 
son  maistre,  qu  ils  ne  manqueroient  d'assistance  ;  de  sorte  qu'il 
étoit  comme  au  desespoir  pour  les  justes  &  innevitables  reproches 
(jue  l'on  luy  leroit  à  son  retour  en  France". 


Il  écrivit  aussi  au  gouverneur  de  Saphy  pour  contribuer  à  l'exe- 

I.   Sophy'jtii  est  le  port  (le  Maroi/tie,  c'esl-  2.   Le  Père  François  tl'.\ngers  donne  ici, 

à-dire:  Sali  qui  est  le  port  de    Merrakcch.  partie  en  substance  et  partie  in  extenso,  la 

On  se  rappi'lle   que   Mazagan  était  sous  la  lettre  de  Uazillv  à  Moulay  Abd  el-Malek  du 

domination     espagnole     et    ([uc     Mogador  23  juillet  itiarj  quiaété  jiuhliéc  ci-dessus,  p. 

n'existait  pas  comme  port.  3i4,  dans  le  Procis-vcrbal  d'André  Chemin. 


270  '629 

cution  de  ce  qu'il  mandoil  au  Roy.  Cependant  qu  il  demeura  à  Salé, 
il  fit  beaucoup  de  mal  à  ces  corsaires  et  rebelles.  Il  brûla  l'admirai 
de  leur  tlotc  monté  de  vingt  pièces  de  canon  :  comme  il  vouloit 
entrer  dans  le  port,  il  le  fit  échouer.  Il  en  prit  quelques  autres  qui 
venoient  des  courses,  &  sauva  nombre  de  Portugais  &  Espagnols, 
qu'il  renvoya  à  Mamore  &  autres  places  de  cette  côte  qui  sont  à 
l'Espagne,  &  en  tous  ses  exploicts  il  n'y  perdit  qu'un  gentilhomme 
breton  fort  vaillant,  qui  fut  tué  à  un  aboi'dage,  &  deux  ou  trois 
personnes  blessées  légèrement.  Les  gouverneurs  de  ces  places  luy 
renvoyèrent  des  complimens  pour  ses  services,  &  des  présents 
nécessaires  sur  mer,  que  l'on  y  appelle  des  rafraichissemens. 

Les  esclaves  français  de  Salé  eurent  permission  d'écrire  à  M.  le 
commandeur  de  Razilly,  le  suppliant  les  larmes  aux  yeux  d'avoir 
égard  à  la  misère  extrême  où  Dieu  permettoit  qu'ils  fussent  depuis 
long  temps,  &  considérât  les  maux  inexpliquables  qu'ils  apprehen- 
doient  de  soulTrir  à  l'avenir,  ne  leur  étant  pas  possible  de  les  luy 
spécifier  par  écrit,  tant  ils  étoient  grands,  moins  encor  de  les 
souffrir  sans  desespoir,  la  patience  étant  vaincue  par  la  longueur 
du  temps  &  par  l'excès  des  peines;  &.  nétoit  l'espérance  qu'ils 
mandoient  avoir  en  la  Providence  divine  qu'il  moyenneroit  leur 
rachapt  &  établiroit  là  une  bonne  paix,  ils  auroient  cherché  le 
moyen  de  trouver  du  repos.  Voici  une  pièce  de  la  lettre'  : 


Ce  n'est  pas  la  rareté  de  la  pièce  qui  me  la  fait  garentir  du  nau- 
frage, mais  seulement  pour  faire  voir  que  la  nécessité  a  fait  les 
mêmes  effets^  en  de  pauvres  esclaves  matelots  que  laSapience,  qui 
ouvre  la  bouche  des  muets  &;  qui  rend  les  langues  des  enfans 
éloquentes  ^ 

Ils  redoublèrent  leurs  lettres  pleines  des  senfimcns  de  leurs 
besoins,  la  peine  ouvre  l'esprit,  voyant  que  ces  messieurs  les  An- 
daloux  de  Salé  les  traitoient  plus  mal,  à  cause  qu'on  vouloit  les 

I.   Voir  ci-dessus  celtp  lettre  des  esclaves        Elle  est  datée  de  Salé,  g  aovH  ifiag. 
français  à  Razilly  publiée  in  extenso  d'après  2.   Le  texte  porte  :  efforts, 

le  Proces-verbal  d'Aitdré  Chemin,   p.   233.  3.   Sagesse,  X.  21. 


HISTOIRE    DE    L.V    MISSION     DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  27 1 

faire  rendre  par  force  &  quon  ruinoit  leurs  vaisseaux.  Car  ensuitte 
on  prit  le  vice-admiral,  du  port  de  deux  cens  tonneaux,  d'où  l'on 
retira  bon  nombre  d'esclaves.  On  gagna  encor  un  autre  vaisseau 
chargé  d'armes,  &  un  Turc'. 

Monsieur  le  Commandeur  répondit  aux  esclaves  françois  ce  qui 
suit  ^  : 


Cette  lettre  aide  fort  à  faire  voir  {"('tat  des  choses,  mais  elle  sert 
davantage  à  faire  connoistre  la  rare  pieté  de  ce  généreux  chevalier, 
deux  qualités'  qu'ont  remarquées  en  luy  tous  ceux  qui  l'ont 
connu,  ik  qui  ne  sont  comnmnes  aux  hommes  de  mer  &  de 
guerre. 

Ces  Barbares  témoignèrent  avoir  changé  d'avis  &  voulurent 
commencer  une  conférence,  demandèrent  qu'on  allât  à  Salé  pf)ur 
traiter,  promettant  la  foy  À:  scurclé.  Monsieur  Du  Chalard  fut 
député,  qui,  comme  nous  avons  dit,  commandoit  un  vaisseau  & 
avoit  principale  part  en  la  conduite  de  cet  armement.  Ces  infidèles 
à  Dieu  ik  aux  hommes  lâchèrent  à  surprendre  sa  chaloupe,  ce  qui 
1  obligea  à  se  sauver.  Monsieur  le  Commandeur  le  laissa  encore  à 
la  rade  pour  attendre  l'efet  des  promesses  de  ces  perfides,  au  moins 
étoit-ce  pour  les  mettre  dans  tout  le  blâme.  Ils  prolongeoient  la 
conclusion  à  mauvais  dessein  ;  neantmoins  il  fit  une  trêve  pour 
cinq  mois,  pendant  lesquels  on  ne  feroit  aucune  prise  de  part  & 
d  aulre,  &  qu'à  la  fin  on  rendroit  les  esclaves  françois,  qui  seroient 
en  liberté  durant  ce  temps-là,  &  que  1  on  feroit  la  paix. 

Cela  aresté,  M.  Du  Chalard  et  les  autres  capitaines  allèrent  à 
Saphy,  où  M.  le  Commandeur  éloit  des  le  cinquième  octobre,  & 
y  Ireuva  F.  Rodolphe,  capucin,  qui  laltendoit  avec  la  réponse  du 
roy  de  Maroque,  qui  asseuroil  le  Commandeur  &  les  siens  d'estre 
les    très-bien   venus,    &  cpi  il  envoyait    seureté  à    F.    Rodolphe    & 

I.    Sur    ces    faits    racontes   avec    détails  C/i'-min  avec  uiio  date  (a'i  septembre)  et  un 

dans  le  Proces-verbnl  d'André  Chemin,  V.  postscriptiitïi  fjiic   ni;  reproduit  pas  le  P. 

pp.  219  et  323.  l'rançois  d'Angers,  on  a  jugé  inutile  de  la 

3.  Cette  lettre  étant   flonnée   ci-dessus  publier  de  nouveau  ici. 

(pp.  24i-2.13)  AamXel'roccs-vcrbald'André  3.   Probablement, lapiétcetlagénérosité. 


972  1629 

autres,  pour  traiter  avec  ceux    qu  il  deputeroil  en  luule  auiilic  iSc 
franchise. 

Mais  monsieur  le  Commandeur  >S;  tous  ceux  de  la  flofe,  voyant 
les  tempestes  qui  commcnçoient  d'estre  furieuses  en  ces  côtes,  où 
il  est  impossible  de  tenir  la  mer  et  de  subsister  aux  rades,  si  l'on 
[n'Jest  en  asseurance  dans  quelque  havre,  &  il  n'y  avoit  pas  là  de 
seureté,  ils  écrivirent  au  rov  de  Maroque  pour  luy  faire  sçavoir  la 
nécessité  de  leur  retour,  avec  promesse  de  retourner  l'année  sui- 
vante de  bonne  heure.  Avant  partir  ils  tirèrent  le  plan  de  lisle  & 
forteresse  de  Montgador.  qu'ils  ne  treuverent  pas  en  état  d'estre 
surprise.  Puis  mirent  enfin  à  la  voile  6:  ariverent  au  port  Louys, 
ou  Blavet,  en  Bretagne,  le  20  novembre  162g. 

Bibllothàjue  Nationale.  — Imprimés  0'  j  6^>.  L'histoire  'le  la  mission 
des  pères  capucins  de  la  province  de  Toiireine  au  royaume  de  Maroc, 
pp.  259-288. 


PROVISIU.NS    DE    CONSUL    l'OLU    ANDRÉ    PRAT  278 


XXXIV 

PROVISIONS  DE  CONSUL  POUR  ANDRÉ  PRAT' 

Paris,  3o  novembre  lOïg. 

En  fcle  :  Lettres  patantes  de  provision  du  consulat  pour  la  nation 
Françoise  au  pais  de  Toutouan  et  ville  de  Sallert,  de  la  personne 
d'André  Prat. 

Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France  et  de  Navarre,  à 
nostre  cher  et  bien  amé  André  Prat,  de  la  ville  de  Marseille, 
salut. 

Sur  l'advis  qui  nous  a  esté  donné  du  traffic  et  négoce  que  les 
François  noz  subjectz,  principallemant  ceulx  de  nostre  pais  de 
Provence,  font  au  royaume  de  Toutouan  "  et  ville  de  Salle  en  la 
coste  de  Barbarie,  au  deçà  du  destroit  de  Gibraltar,  et  qu'il  seroit 
neccessaire  d'establir  èsdicts  lieux  quelque  personne  de  qualité 
requise  pour  y  avoir  la  charge  de  consul  pour  la  nation  françoise 
et  y  rendre  adcistance  à  noz  subjectz  qui  y  traffiquent. 

A  ces  causes  et  sur  le  tesmonage  qui  nous  a  esté  rendu  de  voz 
sens,  suffisance,  loyaulté,  preud  homie  et  bonne  dilligcnce,  nous 
vous  avons  commis  et  ordonné,  coinmclons  et  ordonnons,  par 
ces  presantes  signées  de  nostre  main,  à  la  charge  de  consul  de  la 
nation  françoise  èsdicts  lieux  de  Toutouan  et  Salle  pour  en  jouyr 
aux  honneurs,  authorités,  perrogatives,  precminances  et  droitctz 
qui  y  apartienent,  telz  et  semblables  que  les  autres  consulz  de  la  nation 

1.  Sur  ce  personnage,  V.  Introiliiclion,  note  i;  t.  II,  p.  igo,  note  i;  et  supra, 
notice  biographique.  p.  82,  note  3),  avait  pris  une  certaine  hcgé- 

2.  La  ville  de  Tétoiian,  sous  l'autorité  monie  sur  les  Djebala  du  pays  de  Hibt,  ce 
des  En-Neksis  (V.  i^e  Série.  Pavs-Bas.  t.  I,  qui  explique  l'expression:  royaume  de 
p.  3gg,  note  i;   p.  3i8,   note   i  ;   p.  32Ô,  Tùtouan. 

Ut  Castkies.  III.  —  iS 


27^  3o    NOVEMBRE     I 629 

françoise  establis  en  Levant,  tant  qu'il  nous  plaiira.  Sy  donnons  en 
mandemant  à  nez  amez  et  feaulx  les  gens  tenans  nostre  cour  de 
parlemant  et  cour  des  comptes,  aydes  et  finances  de  Provence  que 
ces  presantes  ilz  facent  registrer  et  du  contenu  en  icelles  jouyr  et 
user  plainemant  et  paisiblemant  sans  y  contravenir  ny  souffrir  y 
estre  contravenu  en  aulcune  manière.  Car  tel  est  nostre  plaisir. 

Donné  à  Paris  le  trentiesme  jour  de  novembre,  l'an   de  grâce 
mil  six  cens  vingt-neuf  et  de  nostre  reigne  le  vingtiesme. 

Siïné  :  Louis. 

Et  plus  bas  : 

Par  le  Roy  :    Boutbillier. 

Et  scellées  du  grand  sceau  de  cire  jaulne  à  simple  queue  ' . 

Archii'cs    départementales  des    Bouches-du-Rhône,    Section   d'Aix.   — 
Série  B,  registre  n"  33iS\  ff.  267  v°-269. 

I.  Ces  lettres  patentes  furent  enregistrées  tement   au   texte  des   lettres  patentes  dans 

par  arrêt  du  Parlement  de  Provence  en  date  le  registre  33j^8. 

du  8  février  i63o,  sur  requête  d'André  Prat  1.   Ce  registre  est  intitulé  :  Registre  des 

présentée  le  4  février   i63o.  Cette  requête  lettres    royaulx    des   années    1639,    i63o, 

et  cet  enregistrement  font  suite  immédia-  i63i  et  iGSa. 


RELATION    d'une    SORTIE    DES    TROUPES    DE    TANGER  2'y5 


XXXV 

RELATION  DUNE  SORTIE  DES  TROUPES  DE  TANGER" 
lo-i  I  janvier   iG3o. 

(traduction) 

En  titre  :  Relation  véritable  d'une  victoire  ([ue  Notre-Seigncur 
a  daigné  accorder  à  D.  Fernando  Mascarenlias,  çrouverneur  et  ca- 
pitaine  général  de  Tanger^,  et  que  celui-ci  a  remportée  sur  le 
marabout  Laez\  qui  tenait  la  campagne  avec  toutes  les  forces  qu'il 
a  aujourd'bui  en  Barbarie,  le  lo  janvier  i63o. 

Don  Fernando  Mascarenlias,  gouverneur  et  capitaine  général  de 
Tanger,  avait  plusieurs  fois  fait  preuve  d  initiative  hardie  et  de 
vaillance  contre  les  pervers  descendants  d'Ismael,  leur  faisant  la 
guerre  et  leur  livrant  combat,  détruisant  leurs  villages,  enlevant 
leurs  subsistances,  s'emparant  de  leurs  chevaux,  prenant  leurs 
soldats,  sans  laisser  passer  aucune  occasion  de  leur  faire  du  mal. 
Il  y  a  peu  de  temps,  le  2  seplenibre,  il  leur  enleva  une  grande  quan- 
tité de  menu  bétail,  trois  cents  bœufs  et  quelques  Maures,  et  le 
i"  janvier  il  tua  trois  chevaux  et  un  Maure,  ayant  fait  prisonniers 
les  deux  autres  cavaliers. 

Lacz  ressentait  déjà  grandement  la  défaveur  dans  laquelle  il  tom- 
bait forcément  aiq)iès  des  tiibus  vcjisines,  et  il  clierchait  à  venger 
les  pertes  (ju'il  avait  éprouvées.  A  cet  eifct,  il  rassembla  tous  les  gens 


I.  Sur  cet  ongageracnt,  V.  Fernando  de  il  était  précédemment  gouverneur  de  Ceuta. 

Mene7.es,  pp.  ii5-i46.  Mfnezes,  Histoire  de  Tanger,  p.  i^5. 

a.  D.     Fernando      Mascarenlias      avait  3.   /.<- marrt6ou(Z,aer,  Sidi  el-Ayachi.  Sur 

succédé  au  mois  de  juin   ï0?,8  à  I).  Miguel  ce  personnage,   V.  supra,  Introiluctioii  cri- 

de  Noronlia  comme  gouverneur  de  Tanger  ;  tique,  pp.   187-198. 


276  lO-I  I     JANVIER     l63o 

qu'il  put  de  Salé,  El-Ksar,  Tetouan,  Farrobo',  Chcchaouen,  Béni 
Msaouer,  Ouedras,  Angera  et  autres  lieux,  et  il  vint  jusqu'à  nos  terri- 
toires, en  se  dissimulant.  Le  prévoyant  général,  instruit  de  ees  pré- 
paratifs, se  disposa  à  la  bataille,  et,  voulant  prendre  la  campagne  le 
10  janvier,  il  envoya  la  nuit  précédente  deux  espions,  qui  s'avan- 
cèrent intrépidement  dans  les  grottes  profondes  du  pays  et  dans  les 
sentiers  qui  serpentent  au  mdicu  d  une  végétation  fertile  et  de  l'om- 
brage des  arbres;  ils  reconnurent  les  quelques  rares  embuscades 
qui  y  avaient  été  dressées  et  assurèrent  qu'il  n'y  avait  personne 
dans  toute  l'étendue  de  cette  plamc.  Alors,  à  dix  heures  du  matin, 
il  fit  sonner  le  tocsin,  mais,  en  rassemblant  le  troujjeau,  on  oublia 
une  vache  ;  or  il  est  bon  d'avertir  que  l'enlèvement  du  troupeau 
par  les  Maures  est  tenu  pour  un  afïront  honteux  ^ 

Pourévitercedéshonneur.  Alexo  de  Sosa  y  Menezes,  du  royaume', 
avec  un  courage  intrépide  et  une  vaillante  détermination,  bravant 
un  danger  de  mort  évident,  lâcha  la  bride  à  son  cheval  et  alla 
recueillir  la  vache,  estimant  qu'il  y  avait  moins  d'inconvénient 
à  la  perte  d'une  vie  consacrée  dès  les  tendres  années  à  la  défense 
de  la  Foi  et  déjà  exercée  avec  éclat  à  la  guerre,  qu'à  la  courte 
gloire  que  l'ennemi  pouvait  tirer  de  la  vache  oubliée.  Mais  sa 
chance  fut  telle,  et  son  habileté  si  admirable,  que  non  seule- 
ment il  la  ramena  du  lieu  éloigné  où  elle  était,  mais  qu'il  sauva 
encore  sur  la  croupe  de  son  cheval  un  fourrageur,  qui  le  rejoignit 
harassé  et  épuisé  au  point  de  ne  pouvoir  làire  un  pas  de  plus,  et 
qui  sans  doute  aurait  été  fait  prisonnier,  si  ce  secours  ne  lui  était 
arrivé.  Et  il  faut  noter  que  celui  qui  l'a  donné  n'a  pas  dix-neuf 
années  d'âge,  et  qu'il  se  risqua  à  y  aller  seul  et  sans  compagnon  (si 
l'on  peut  dire  que  celui  qui  porte  sa  valeur  avec  lui  est  sans  compa- 
gnon). Ainsi,  que  le  lecteur  curieux  considère  quels  heureux  résul- 
tats peuvent  se  promettre  les  glorieux  commencements  de  ce  gentil- 
homme portugais,  dans  lequel,  sans  aucun  doute,  nous  admirerons 
plus  tard  ce  que  le  poète  lyrique  a  dit  d'un  autre  vaillant  esprit  : 

I.   Farrobn,  Djebel  cl-Kharroub.  Sur  les  troupeau  dans  la  place.  On  sait  que  la  razzia 

aulres    noms   de  lieux   ou   de   tribus,    V.  est  l'objet   principal   de    tous   les   combats 

Flotte  de  Roquevaike,  Carie  du  Maroc.  livrés  par  les  Maures. 

3.   Pendant    les    prises   d'armes    de    la  3.   Du   royaume,  c'est-à-dire:  du   Portu- 

garnisou  de  Tanger,  ou   faisait  rentrer  le  gai. 


RELATION     D  INE    SORTIE    DES    TROUPES     DE    TANGER  2'y'y 

Qu'avec  le  temps,  il  reléguera  Mars  à  la  seconde  place. 

Imposera  un  joug  à  la  mer,  un  frein  au  soleil,  et  l'envie  au  monde. 

Il  revint  donc  auprès  du  général,  lequel  ordonna  aussitôt  à  un 
peloton  de  mousquetaires  de  sortir  pour  attaquer  les  Maures  par  une 
grêle  de  balles  et  de  globes  de  feu.  Ceux-ci  s'étaient  déjà  divisés  en 
trois  escadrons,  si  bien  ordonnés  qu'ils  se  protégeaient  les  uns  les 
autres.  Et  le  général,  pensant  qui!  n'avait  pas  là  tous  ses  gens, 
ordonna  aux  arquebusiers  de  tirer  avec  toutes  les  flammes  de  leur 
vaillance,  qui  animait  la  flamme  qu'ils  vomissaient  par  les  bouches 
fougueuses  de  1  horrible  instrument.  Dieu  voulut  cjiie,  sous  la 
violence  impérieuse  des  coups  bien  visés,  beaucoup  tombassent, 
se  débattant  au  milieu  de  faibles  signes  de  vie,  dans  1  accablement 
certain  de  la  mort  :  sur  quoi  leurs  compagnons  elTrayés  s'enfuirent 
honteusement,  instruits  par  leur  jjropre  expérience.  Alors  les  nôtres, 
enorgueillis,  chargèrent  victorieusement  et  les  poursuivirent  lépée 
dans  les  reins,  et  par  ce  moyen,  ils  firent  diverses  prises  de  chevaux 
et  autres  choses.  C'est  alors  que  ladaïl  Andres  Diaz  de  França  tua 
trois  Maures  et  fit  beaucoup  de  blessures  profondes  à  d'autres; 
et  ce  jour  là  Dom  Manuel  de  Castro.  Arias  de  Saldaiîa,  Alexandre 
de  Sosa,  Pedro  de  Oliveyra  de  Vasconzelos  et  Fernando  Monteyro 
acquirent  une  réputation  avantageuse,  à  cause  du  courage  qu'ils 
montrèrent,  dignes  héritiers  du  noble  sang  de  ces  illustres  Lusi- 
taniens  que  l'anliquilé  a  tant  célébrés. 

Parmi  les  susdits  se  distingua  Dom  Jorge  Manuel,  qui,  à  la  vue  de 
tous,  conduisant  lavant-garde,  attaqua  celle  des  Maures,  qui  étaient 
plus  de  deux  cents,  et  en  désarçonna  deux  à  la  vue  de  tous,  par  de 
fiers  coups  de  lance,  dont  ils  l'urenl  tués  net.  Avec  la  même  intré- 
pidité et  un  élan  plus  grand,  il  alla  attaquer  un  autre  Maure  qui  le 
chargeait  au  même  moment  :  l'impétuosité  et  le  choc  des  deux  cava- 
liers furent  tels  que,  leurs  lances  ne  s'élant  pas  rencontrées,  leurs 
montures  se  lieurlèrent  :  chevaux  et  ca\  alicrs  tombèrent  par  terre  ; 
le  Maure  se  releva  le  premier,  parce  que  Dom  Jorge  avait  un  pied 
pris  sous  son  cheval,  et  le  barbare  scélérat  marcha  sur  son  adver- 
saire pour  le  tuer;  ils  lui  portèrent,  lui  et  d'autres,  di.\-neuf  coups 
de  lance,  mais  aucnn  ne  le  blessa,  parce  que  ses  armes  le  proté- 
geaient; ils  ne  lui  firent  (pi'une  seule  blessure  à  la  tête,  mais  si 
peu  grave  que,  dès  le  lendemain.  Dom  Joi-ge  se  Ironvail  à  eôlé  du 


2"8  lO-lI     .lANVlER     lfi3o 

général,  revenant  à  la  poursuite  des  Maures.  Ceux  qui  accoururent 
les  premiers  à  sa  délivrance  furent  Arias  de  Saldana  (qui  en  passant 
donna  un  coup  de  lance  mortel  à  un  Maure)  et  Juan  Fernandez 
Tavares,  chevalier  de  l'habit  du  Christ. 

En  ce  moment,  on  combattait  en  beaucoup  dendroits,  et  la  vio- 
lence du  déluge  de  balles  et  des  traits  de  feu  que  tiraient  les  vaillants 
Portugais  fit  que  la  forêt  paraissait  composée  plutôt  de  troncs 
humains  que  de  souches  sylvestres,  car  le  général,  en  tout  vivante 
image  d'un  courage  viril,  fit  de  grands  et  extraordinaires  ravages 
parmi  les  ennemis.  Le  combat  dura  l'espace  de  deux  heures,  et, 
parmi  les  nôtres,  il  ne  mourut  qu'un  jeune  hommequi,  atteintd'une 
balle  perdue,  tomba  mort  sur  le  sol. 

Dom  Jorge  Manuel  et  Alexandro  de  Sosa  furent  blessés,  ce  der- 
nier à  une  jambe,  mais  ce  fut  peu  de  chose.  Simon  Lopez  de  Men- 
doça,  qui  combattit  comme  un  Cid,  eut  son  cheval  blessé.  Le  cheval 
du  très  vaillant  cavalier  Hernando  Montero  fut  tué.  Mais,  parmi  la 
pernicieuse  secte  suscitée  par  ce  faux  prophète,  il  en  mourut  d'in- 
nombrables. On  n'en  sait  pas  le  nombre  certain,  mais  on  les  vit 
occupés  longtemps  à  traîner  un  grand  nombre  de  morts  vers  leur 
camp,  et,  lorsque  les  Maures  se  retirèrent,  on  en  vit  sauter  cinq 
réduits  en  pièces  par  l'effet  de  l'artillerie  ;  leurs  blessés  furent  très 
nombreux. 

Finalement,  après  la  sanglante  bataille,  le  barbare  Laez  envoya 
Reta,  alfaquèque',  à  notre  gouverneur,  disant  que  le  jour  suivant  il 
voidait  parler  à  Sa  Seigneurie,  avec  le  caïd  Almançor  Cheikh  et 
d'autres  cheikhs  des  villages.  Ceux-ci  s'estimaient  contents  parce 
qu'ils  avaient  pris  quatorze  fourrageurs  qui.  par  suite  de  la  négli- 
gence de  la  sentinelle,  étaient  sortis  dans  la  campagne.  Ils  en  avaient 
tué  huit  et  avaient  fait  les  six  autres  prisonniers.  Mais  le  très  sage 
général  les  congédia  poliment. 

Le  lendemain,  le  messager  apporta  une  lettre,  dont  les  termes, 
quoique  grossiers,  étaient  les  suivants. 

.  ^^.  «lus    par    le    Roi    ou   par    les    communes 

I.   Alfaquèque    (de    l'arabe:   £j\5^)l),  devaient  être  de  loyal  caractère,  versés  dans 

nom  donné  aui   membres  d'une  confrérie  la  langue  arabe,  humains,  braves,  pounus 

moitié  religieuse,   moitié  militaire  fondée  d'un  patrimoine  servant  de  cautionnement 

pour  le  rachat  des  captifs.  Les  alfaquèques  pour  les  sommes  qui  leur  étaient  confiées, 


RELATION    D  UNE     SORTIE    DES    TROUPES    DE    TANGER  27Q 


LETTRE    DE     SIDI     EL-AYACIII    A     FERNANDO    iMASCARENHAS 


S.  1.,  [26]  Djoumada  h''  loSg  —  11  janvier  i63o'. 


En  télé  :  Lettre  du  Marabout. 

J'ai  envoyé  hier  l'alfaqucque  Iteta  pour  rendre  compte  à  Ta  Sei- 
gneurie que  j'étais  dans  ce  pays,  avec  les  mokaddems  delà  région. 
Je  l'avais  adressé  ledit  Reta  pour  dire  à  Ta  Seigneurie  d'envoyer 
chercher  ses  morts.  Or  Reta  est  rentré  sans  qvie  personne  ne  soit 
venu  pour  les  enlever.  Ta  Seigneurie  voit  le  temps  qu'il  fait,  je 
suis  un  peu  occupé,  c'est  pourquoi  je  pars  aujourd'hui,  date  de  la 
présente.  Ainsi,  Ta  Seigneurie  peut  envoyer  pour  chercher  ses 
morts  dix  ou  douze  hommes,  et  tous  ceux  qu'elle  voudra  jusqu'à 
vingt,  car  par  la  présente  je  leur  donne  sauf-conduit  pour  toute  la 
journée,  afin  qu'ils  puissent  venir  et  s'en  aller,  sans  que  personne 
ne  leur  fasse  aucun  tort.  Je  recevrai  également  comme  une  grâce,  au 
cas  où  les  réponses  aux  lettres  que  j'ai  envoyées  en  Espagne  au  duc 
de  Médina  et  au  Roi  seraient  anivées,  que  tu  me  les  fasses  parvenir; 
sinon,  avise  moi  de  ce  qu'il  y  a,  parce  que  j'attends  une  réponse,  et, 
si  elle  ne  vient  pas,  j'en  concluerai  qu'on  approuve  en  Espagne  ce 
qui  se  fait  à  Larache.  Pour  cette  raison,  Ta  Seigneurie  m'avisera  de 
tout. 

Aujourd'liui  vendredi  37  de  la  lune  de  Homalulied",  l'an  1089. 

Mohammed  hcn  Ahmed  Aiidcl  ^  aga  et  capitaine  général  des 
Barbares  et  Arabes  d'Afrique  pour  le  roi  de  Maroc. 

I.  I,a  lettre  est  datée  à  la  iin  (lu  "  vciidridi  lettre  du  marabout  ne  pouvant  être  posté- 

27  de  la  lune  de  Ilomaluhad  (Djoumada  rieure    à   la  réponse  de   Mascarenlias,   qui 

el-aouel,  Djoumada  I"'')  »,  mais  ce  quan-  est  elle-même  du  11  janvier, 

tième   est   inexact;    le    vendredi,   d'après  2.   Sur  celle  date,  V.  note  précédente, 

les  tables  de  concordance,  se  trouve  le  afi  3.   Audet.  probablement  Abdallah.  A   la 

Djoumada  I''''  (1 1  janvier),   cl  celle  der-  place   de  ce   dernier   nom   on   s'attendrait 

Iiière  tlate  doit  élre  terme  pour  exacte,   la  plutôt  à  celui  de  Ml-\vaciii. 


aSo  lo-ii   .lANviER  i63o 


REPONSE    DE    FERNANDO     MASCARENHAS     A     SIDI    EL-AYACHI 


Taneer,   ii  ianvier  i63o. 


Eli  tele:  Réponse  du  général  de  Tanger. 

La  lettre  de  Votre  Seigneurie  ne  comportait  pas  de  réponse,  et,  si  je 
vous  l'avais  renvoyée,  je  pense  que  cela  aurait  été  y  répondre;  mais 
je  la  garde,  afin  que  tous  la  voient  et  jugent  si  elle  est  bien  conforme 
à  ce  que  Votre  Seigneurie  et  le  caïd  El-Mansour  m'avaient  écrit. 
Cette  campagne  de  Tanger  est  à  moi,  et  pour  y  sortir,  je  n'ai 
besoin  de  la  permission  de  personne  :  celui  qui  y  entrera  sans  mon 
consentement  aura  à  s'en  repentir. 

Sitôt  cette  lettre  terminée,  je  ferai  une  sortie  dans  la  campagne, 
non  comme  Votre  Seigneurie  m'y  invite,  mais  comme  il  me 
paraîtra  bon.  Quant  à  ceux  qui  sont  morts,  en  allant  sans  ma  per- 
mission clierclier  du  fourrage  dans  la  campagne,  je  ne  les  envoie  pas 
chercber,  parce  que  des  hommes  lâches  et  désobéissants,  qui  trans- 
gressent l'ordre  de  leur  général,  ne  méritent  pas  de  sépulture,  et, 
si  je  les  avais  pris  vivants,  ainsi  que  les  autres,  je  leur  aurais  fait 
donner  une  mort  infâme.  Votre  Seigneurie  aura  eu  beaucoup  de 
travail  pour  donner  la  sépulture  à  ses  morts  qui  sont  si  nombreux. 

En  Espagne,  on  parle  avec  vérité,  l'on  n'approuve  pas  les  choses 
mal  faites,  et  l'on  rend  justice  à  tout  genre  de  personnes.  J'ai  fait 
connaître  à  l'alfaquèque  Reta  la  réponse  que  j'ai  reçue  aux  lettres 
de  \  otre  Seigneurie. 

Tanger,  1 1  janvier  i63o. 


On  infère  de  la  lettre  du  Marabout  que .  quand  il  envoya  sa  pre- 
mière lettre,  il  ignorait  toutes  les  pertes  c[u"il  avait  subies,  et  que 
toute  sa  joie  provenait  de  ce  qu'il  avait  jjris  les  quatorze  fourrageurs, 
comme  si  la  négligence  de  ceux-ci  avait  pu  détruire  la  gloire  de 
notre  victoire  ;  mais,  lorsque  le  malheureux  Maure  eut  su  combien 


RELATION    d'une    SORTIE    DES    TROUPES    DE    TANCÎER  28 1 

il  avait  perdu  de  gens  et  reconnu  qu'il  ne  pouvait  pas  faire  la  pom- 
peuse démonstration  que  son  arrogance  aurait  voulu  étaler,  con- 
traint par  le  petit  nombre  de  ses  soldats,  il  manqua  à  sa  parole  et 
feignit  des  occupations  qu'il  n'avait  pas.  Notre  général  avec  les 
autres  soldats  les  poursuivit  jusqu  à  ce  quenfin  ils  s'enfuirent 
comme  des  lâches.  Les  soldats  portugais  firent  en  tous  ces  jours 
mille  héroïques  actions',  dont,  pour  être  bref,  on  ne  parle  pas. 

Àrcliives  cxpaynoles  du  Gouvernement  fjénéral  de  rÀl'/e'rie.  —  .\°  512 
(anciennement  :  Registre  1680,  ff  35i-35'2).  —  Imprime'-. 

I.   Ce  style  emphatique  est  celui  de  près-  gloriosa Victoria  ».  Cf.  Galinuo  y  de  Vera, 

(pie  toutes   les   relations   portugaises;    les  p.  248. 

moindres    sorties    faites    par   les    «    fron-  2.   Cette  pièce  imprimée  a  été  rapportée 

leiros   »    sont  racontées  comme   d'impor-  par  M.  Tiran.  On  lit  en  bas  de  la  dernière 

tanls  engagements,  et  la  razzia  de  quelques  page:  Avec  pcriiùssinn.  à  Madrid,   dans  la 

létes   de   bétail    devient    une    «    famosa    e  mnisnn  de  Bernardin  de  Guzman.  L'an  jOSo. 


282  a/j  AOUT   i63o 

XXXVI 

PROJET  DE  TRÊVE  ENTRE  LOUIS  XIII  ET  SALÉ' 

Sale,  2^  août  i63o. 

En  tête,  alla  manu  :  Traicté  de  trefvc  pour  deux  ans  de  la  ville 
de  Salé  du  28"  septembre  i63o  ". 

El  muy  \lustie  Senor  conicndador  de  Razilli,  primer  capilan  del 
almiranle  de  Francia,  cabo  de  escuadra  de  les  navios  del  Rey  en 
la  probinzia  de  Bretafia,  y  jeneial  de  la  flola  que  de  présente  esta 
al  ancora  en  este  puerto  y  bara  de  Zalle;  y  el  ylustre  Senor  Du 
Chalard,  gobcrnador  de  Corduan  y  vice-almirante  de  la  jeneral 
flota,  en  nombre  del  muy  alto  y  muy  poderrosso  y  cliristianissimo 
enbenzible  rey  de  Francia  y  Nabarra,  debaxo  del  cargo  del  muy 
lustrissimo  Seîior  Cardenal  de  Resillix,  cabeça,  sopretendente,  gran 
maestre  y  jeneral  roformador  del  comerzio  de  Franzia  ;  y  en  birtud 
de  la  rreal  zedula  y  comision  de  Su  dicha  Magestad,  cuyo  traslado 
yra  aqui  ynserto,  de  la  una  parte; 

Y  los  ylustres  Senorres  Axmadt  Ben  AU  Baxer  y  Abdalla  ben  Ali 
el-Cazre^,  capitanes  y  gobernadorres  d'esta  rreal  fuerza  delà  zividad 

I .   Ce  traité,  ou  plutôt  ce  projetde  traité,  laissé  entre  les  mains  de  Razilly.  En  dehors 

rédige  sans  doute  en  deux  exemplaires  par  de   la   clause   additionnelle,    ce   projet   ne 

le  secrétaire  dji  Divan   Mohammed  Blanco  diffère  presque  pas  du  texte  définitif  signé  le 

(\  .  infra,  p.  286),   fut  apporté  à  hord  de  3  septembre,  texte  qui  est  publié  ci-dessous 

«  la  Licorne  »  par  les  députés  des  Moriscos  (V,   pp.   292-296).   Les  divergences  ayant 

de  Salé  et  présenté  à  l'acceptation  de  Razilly.  quelque  importanceseront  signalées  en  note. 

Celui-ci,   sur  les  conseils  de  Du  Chalard,  2.   Date  erronée. 

exigea  l'addition  d'une  clause  qui  fut  insérée  3.   El-Ca:re.  pour  El-Caceri.  —  Abdal- 

à  la  suite   du  projet.   Les  députés   diirent  lah  ben  Ali  el-Caceri  était  caïd  des  Anda- 

retourner  à  Salé  avec  l'un  des  exemplaires  lous  (V.  p.  igi,  note   5).   Le  surnom   de 

du  traité,  mais  les  gouverneurs  refusèrent  à  El-Caceri  était  probablement  un  ethnique 

leur   tour  de   signer    l'article   additionnel  rappelant  que  ce  caïd  était  originaire  de  la 

(V.   infra,  p.    Stâ,  et  p.   3ii).   Il  est  vrai-  ville  de  Caceres  (Estremadure).  Il  fut  assas- 

semblable  que  le   présent  document  n'est  sine  par  les  Hornacheros  en  mai  1661  (V. 

autre  que  le  second  exemplaire  qui  aura  été  /re  Série.  Espagne,  5  juin  lOGi). 


PROJET    DE    TRÊVE    ENTRE    LOUIS    XIII    ET    SALE  283 

de  Zale  y  de  las  mas  cividades  de  su  jurridizion  por  la  Magestad  de 
MauUey  Bumarruan'  Abdu  el-Malliqu.  enperador  de  Marruecos, 
rey  de  Fez,  Zuz  y  Tafilet,  Senor  de  la  probincia  de  Derra  y  Ginea, 
de  la  otra.  por  si  y  en  nombre  de  los  morradorres  de  la  diclia 
fuerza  y  zivedades,  hacuerdo  y  conssulta  de  los  seûores  del  diguan 
y  ayuntamiento. 

Dixeron  que  :  por  cuanto  antiguamente  entre  el  rreyno  de  Fran- 
zia  y  este  de  Harrica  ubo  pazcs  y  amistades,  y  de  pocos  aûos  a  esta 
parte,  porciertas  causas  que  se  ofrecieron,  se  qucbrantarron,  y  agora 
de  acuerdo  y  conforinidad  de  hambaslas  dichas  partes,  para  rreine- 
diar  los  dafios  que  causan  la  gerra,  hordenaron  y  establezieron  las 
treguas,  capitulaciones  sigientes  por  tiempo  de  dos"  afios  prrime- 
ros,  que  corren  y  se  cuentan  del  dia  de  la  feclia  desta. 

Primeramente,  se  capitula  y  asienta  que,  si  algunos  de  los 
baxeles  deste  puerto  de  Zale  ubiere  tomado  u  tomare  algunos  nabios 
de  Franceses  despues  del  dia  très  del  présente  mes  de  Hagosto^, 
sean  obligados  a  bolver  los  dichos  nabios,  aziendas  y  perssonas  \ 
sin  faltar  eossa  ninguna,  en  conformidad  de  lo  que  sse  trato  en  el 
Diguan  con  el  capitan  Herrare%  sin  que  por  ello  los  duenos  de  los 
baxelos  deZalle  puedan  pcdir  nipretender  cossa  alguna;  y  la  misma 
obligacion  tengan  y  liagan  los  nabios  de  Su  Magestad  y  otros  quales- 
quiera  que  sean  del  diclio  rreyno  y  bassallos. 

Yten,  se  capitula  y  assienta  que,  durranteel  tiempo  de  los  dichos 
sscis  anos",  ninguna  harmada  ni  bajel  del  rrey  de  Franzia  ni  de  sus 
bassallos  puedan  hazcr  gerra  a  esta  fuerça,  ni  lia  sus  morradorres, 
ni  a  iiingiiii  Ijaxel   del    dicho   puerto,    ni   molestarlles   en  ninguna 

I.   Bumarriinn,  Bon  ^rirouan.  V.  p.  agS,  et  le  3  septembre  fussent  dccIarLcs  nulles, 

note  3.  fi.  On  trouve  aprrs  le  mot  «personnes» 

2.  La  rédaction  primitive  portait  :  k  se.is  dans  la  traduction  française  du  traité  du 
anos  ».  Le  secrétaire  a  raturé  le  mot  «  seis»  3  septembre:  «  qui  se  trouvoient  dans  iceux 
et  écrit  en  interligne  :  «  dos  ».  vaisseaux,  lors  de  leur  prise.  » 

3.  Dans  le  texte   français  du  traité   du  5.   El  rapilun  Uerrarc,  le  capitaine  Du 
3   septembre  on    a   îijouté  les    mots  «  jus-  Pré  Ililarv.  V.  m/rn,  pp.  •2()3  et  3io. 
qu'au  ^'i  du  mesmc  mois  ».  Par  la  suite,  les  6.   Los  dichos  sseis  aûos.  Le  secrétaire  a 
Moriscos  de  Salé  ne  voulurent  pas  admettre  oublié  de  faire  la  correction  ;   il  faut  réta- 
quc  les  prises  a)'ant  eu  lieu  entre  le  2^  aoiU  blir  :  «  los  dicbos  dos  aûos.  n 


2(S-'|  a'i     AOUT     ifi^O 

parte  que  los  enconlrarren,  ni  quitalles  cossa  alguna  de  ningun 
xenero  que  ssea,  como  cautibos  o  rrenegados  o  otra  qualquierra 
cossa  que  sea  por  niar  ni  ticrra. 

Yten,  que  los  nabios  y  baxeles  de  Su  Magestad  y  sus  bassallos 
pucdan  bénir  ba  este  puerio  de  Çalle  y  eutrar  por  la  barra  y  proberse 
de  todo  lo  necessario  de  bastimentos  para  su  probision  que  les  faltar- 
rcn,  ba  inoderrados  precios,  y  bolver  a  ssalir  cada  y  quando  que  quis- 
sieren,  sin  que  perssona  alguna  les  aggravia  ni  pongaenpedimiento. 

Yten,  se  capitula  liassi  niismo  ([ue  los  mercadeles  del  reyno  de 
Francia  puedan  beuir  libreinente  con  sus  mercancias  a  este  puerto 
y  negociar  como  en  tierra  de  liamigos  con  mucba  segurridad  y 
satisfacion,  pagando  los  derrechos  bacostumbrados.  Y,  si  algunos 
de  los  diclios  nabios,  lo  que  Dios  no  permita,  al  salir  u  enlrar  de 
la  barra,  u  a  la  costa  de  la  jurridicion  de  Sale,  dieren  al  traves  y 
se  pierdan,  los  morradorres  desta  diclia  fuerça  tengan  obligacion 
lia  les  liayudar  y  poner  en  cobro  sus  haziendas,  personas,  muUiziones 
y  armas  y  lo  demas  que  tubierren,  sin  pretender  ningun  derrecho  a 
ello.  Y  la  misma  obligacion  tengan  y  hagan  con  los  baxeles  del  dicho 
puerto  de  Zalle  los  basallos  de  Su  Mg''  en  sus  puertos  y  costas. 

Yten,  se  capitula  y  assienta,  si  algunos  baxelles  de  Arxel.  Tunes 
o  de  otra  qualquiera  parte  que  scan  trujerren  a  este  puerto  de  Zalle 
algunos  Xpianos  franceses  y  los  quissierren  bender  y  enaxenar,  los 
morradorres  de  la  dicba  fucra  tengan  obligacion  de  enpedillo  y  no 
consentir  se  bendan.  Y,  si  por  otro  caaiino  qualquiera  que  sea  hapor- 
taren  algunos  Franceses  a  esta  cividad  y  fuerça  por  niar  u  liera,  se  los 
arra  buen  pasaxe  y  se  rremitirran  a  sus  tierras  en  baxeles  de  hamigos. 

Yten,  se  capitula  que,  si  los  baxeles  del  dicho  puerto  de  Zalle 
tomarren  halgunos  nabios  de  sus  cnemigos,  y  en  el  ubiere  lialgu- 
nos  Franceses  morradorres  del  dicho  rreyno,  tengan  obligacion  de 
darles  libertad  con  todas  sus  aciendas. 

Yten,  se  assienta  que,  en  la  dicba  fiierza  de  Çalle  aya  un  consul 
del  dicho  rreyno  de  Francia,  por  nombramiento  del  dicho  yllustris- 
simo  Seûor  Cardenal  y  que  goce  de  las  libertades.   franqueças  y 


PROJET    DE    TRÊVE    ENTRE    LOUIS    Mil     ET    SALE  286 

preminenzias  que  los  demas  consules  franceses  suelen  gozar  con 
el  libre  exercicio  de  la  rreligion  aposlolica  romana',  el  quai  segira 
a  su  Costa  los  pleitos  que  se  olVecierren  entre  baxeles  de  la  dicha 
fuerça  y  Francia  cou  los  demas  Franceses"  asla  acabar  los  pleitos 
que  uviere^  \  la  misraa  obligacion  tenga  el  que  ubiere  de  hasister 
por  parte  de  la  dicha  fuerça  en  el  rreyno  de  Francia. 

\ten,  se  assienta  que,  si  alguii  baxel  del  diciio  rreyno  de  Francia 
truxere  algunas  mcrcadurias  por  cuenta  de  henemigos  de  la  dicha 
fuerça,  sehan  perdidas  caycndo  en  poder  de  los  baxeles  de  Zalle; 
solo  tengan  obligacion  de  dar  libres  los  Francesses  morradorres  de 
Francia  con  su  rropa  y  bolver  los  nabios  y  pagar  los  fleles.  Y  lo 
misnio  se  entiende  y  guardara  por  los  baxeles  franceses  a  los  baxeles 
de  Zalle. 

\ten,  se  hasienta  que  todos  los  baxeles  del  dicho  puerto  de  Çalle, 
ansi de  gerra  como  de  mercadelles,  coso  '',  teniendo  comision  \  licencia 
del  Diguan,  puedan  ir  ha  todas  y  qualesquier  ysUas  y  puertos  del 
dicho  rreyno  de  Francia  y  senorios  y  probense  en  ellos  de  todo 
jenere  de  bastimentos  y  lo  demas  necesarrio,  y  los  de  la  tiera  sehan 
ubhgados  ha  darsselos  y  a  moderrados  precios.  y  los  mercadelles 
bender  y  conprar  las  mercadirias  que  bien  bisto  les  fuere,  como 
en  tiera  de  hainigos,  sin  que  ninguna  persona  les  agravien  ni  pon- 
gan  pcdimiento,  pagando  los  derrechos  acostunibrados. 

Ylen,  se  capitula  y  assienta  que  Su  Mg''  el  Xpianissimo  rey  de 
Francia  sera  humilmente  suplicado  mande  dar  libertad  ha  los 
Ilandaluces  y  Morros  que  se  toniarron  en  Lebante  en  el  patache 
del  arraez  Bencarte,  y  en  la  carrabella  de  Morat  Harraez. 

Y    con  esto  sse  concluyerron,  cappitularroii  las  dichas  treguas. 

1.  (îon  cl  libre  exercicio  de  la  rreligion        portait:  sntisja:er  las  partes. 

aposlolica  romana.  Ces  mots  ont  l'té  ajoiili's  4.   I^a  traduction  française  du  traité   du 

en  interligne  apris  coup.  3  septembre  porte  seulement  :  «  vaisseaux 

2.  Con  Zos  démos  Franceses.  Ces  mots  ont  du  port  de  Salé  tant  de  guerre  que  mar- 
été  ajoutés  après  coup,  en  marge.  chands».    Le  mot  espagnol    «coso»   (de 

3.  Acabar  los  pleitos  que  uoiere.  Correc-  course,  c'cst-à-dirn  :  corsaires)  n'a  pas  été 
lion   laite  en  interligne.    Le  le\te  primilil"  mulii  en  i'raii(,'ais  par  un  ('(piivalent. 


286  a/i  AOUT   i63o 

Y,  si  durante  el  diclio  ticmpo  délias  parrecieren  haber  otras  capi- 
tulaziones  y  cossas  en  su  beneficio  y  serbazion,  se  liara.  Y  prome- 
tieron  liambas  lasdichas  partes  liaberpor  firme,  estable  y  ballederro 
todo  lo  que  diclio  es  enbiullablemente,  y  queninguna  délias faltarra 
en  cossa  alguna  en  ningun  tiempo;  y  el  arraez  y  capitanes  que  lo 
contrarrio  yzieren  serran  grabemente  casligados.  Y  asi  lo  prome- 
tieron  y  otorgaron  y  firmarron  en  la  dicha  fuerça  y  rrada  de  Zalle, 
ha  beinte  y  quatre  dias  del  mes  de  ilagosto  de  aûo  de  mill  y  seis- 
cientos  y  treinta,  a  quenta  de  Xpianos. 

Entre  rrenglones  :  hacabar  los  pleitos  queuviere,  baie.  Testado  : 
fazer  la  jîarles,  no  balle.  Entre  rrenglones  :  cosso,  baie. 

Signé  '  ;  c^^^-Jiîl     le-  Jj;  <Oil  JLc 

Ahmed  ben  Ali  Bexer. 

Ante  mi, 
Signé  :  Mohamed  Blanoo. 

Otrossi  se  capitula  que  ningun  bajel  deste  puerto  de  Zale  no 
puedan  tomar  ningunos  bajeles  en  ninguno  de  los  puertos  y  radas 
de  Su  Mg''  del  rey  de  Francia  y  guardando  los  iueios  del  dicho 
reyno,  aunque  sean  de  enemigos  desta  fuerza.  Y  lo  mismo  hagan  y 
guarden  los  nabios  de  Su  Mg''  y  de  sus  basallos  en  este  puerto. 

Fecho  ut  ssupra'. 

Archives  des  A  flaires  Etrangères.  —  Maroc.  Correspondance  consulaire. 
Vol.  l.  —  Original. 

I.   Signature   de   Abdallah   ben   AU   el-  gouverneurs  de  Salé  refusèrent  de  l'accepter. 

Caceri.  Cet  article  fut  cependant,  après  de  nouveaux 

3.    Col    article  additionnel,  qui  est  écrit  pourparlers, incorporé  dansletextedu  3  sep- 

de  la  main  de  Mohammed  Blanco,  à  la  de-  tembre,  mais  la  clause  de  réciprocité  de  la 

mande   de  Razilly,  fît  échouer  la  négocia-  part  de  la  France  n'y  fut  pas  inscrite.  \. 

lion,  car,  ainsi  qu'on  l'a  dit  plus  haut,  les  injra,  p.  296  et  note  i. 


LETTRE     DES    GOUVERSECRS    DE     SALÉ    AU     I>.     DA  THL\  287 


XXXVII 

LETTRE  DE  AHMED  BEN  ALI  BEXER  ET  DE  ABDALLAH 
BEN  ALI  EL-CACERI  AU  P.  D'ATHIA' 

Ils  ont  reçu  avec  reconnaissance  la  lettre  que  Louis  XIII  leur  a  écrite  au 
sujet  du  rachat  des  captifs  et  du  traité.  —  Ils  ont  donné  la  liberté  à 
tous  les  esclaves  Jrançais.  —  Pour  le  traité,  les  capitaines  de  Razilly  et 
Du  Chalard.  au  moment  de  le  sifjner,  y  ont  fait  ajouter  une  clause  de 
peu  d'importance  pour  la  France,  mais  qui  cause  aux  Salétins  un  <jrnnd 
préjudice. 

Salé,  aâ  août  i63o. 

Eu  léle,  alla  iiuuiu  :  Lettre  des  gouverneurs  de  Salé. 

Muy  ylustrissimo  y  reverendissimo  S°^ 

Por  el  gran  nombre  y  fama  (^ue  ay  de  la  cristiandad  y  buen  pro- 
céder de  V.  S.  ylustrissima  y  la  gran  merced  que  Su  Mg''  el  Cris- 
tianissimo  Rey  de  Francia  le  haze  nos  a  obligado  de  escrevir  y 
suplicar  a  V.  S.  nos  lenga  y  conosca  por  sus  servidores  y  nos 
mande  muclias  cosas  de  su  servicio  y  gusto  que  se  ofrecieren  en 
estas  fuerzas  y  su  provincia. 

S.  Mg**  nos  escrivio  una  carta  acerca  de  la  libertad  de  sus  sujelos 
y  pazes  con  esc  rciiio,  en  que  recebimos  muy  gran  merced,  por 
ser  carta  de  tan  alto  princepe,  y  luego  se  puso  por  obra  y  se  dio 
libertad  a  todos  los  Francezes,  muy  a  gusto  de  los  senores  capitanes 
de  la  esquadra  de  Su  Mg''.  \  venido  a  tratar  de  las  pazes,  se  capi- 

1 .  Le  qualiTicatif  «  Reverendissimo  »  cm-  le  père  d'Athia,  qui  fut  mêlé  à  la  négociation 
ployé  dans  la  lettre  établit  qu'elle  était  adrcs-  de  la  trêve.  Sur  le  P.  d'Atliia,  V.  p.  2^/4, 
sée  à  un  religieux,  lequel  ne  peut  être  que         note  i  ;  pp.  3l3-3i4,  SSg-S'iO  et  878,  note  4- 


288  20    AOUT    i63o 

tularon  por  anbas  las  partes,  y,  al  firmarlas,  lors  dichos  senores  de 
Razilli  y  Salarie  '  quisieron  anidir  un  capitulo  de  poca  ynportancia 
para  ese  reyno  y  de  mucho  daûo  para  nosotros',  de  lo  quai  dumos 
mas  larga  quenta  a  Su  Mg''  en  la  suya',  a  que  nos  rel'erimos  por 
no  enfadar  a  V.  S.,  por  cuya  causa  no  se  efetuaron  ni  fue  culpa 
nuestra. 

j  Dios  guarde  a  V.  S.  ylustrissima  los  anos  de  su  desseo! 

Destas  fuerças  de  Zalle,  de  Agosto  25  de  i63o. 


Signé  :  Ahmed  ben  Ali  Bexer 


Abdala  ben  Ali  el-Caccri. 


Archives  des  Affaires  Étratujères.  —  Maroc.    Correspondance  consu- 
laire. Vol.  1 .  —  Original. 

1.  Salarie  :  Du  Clialard.  note  2. 

2.  C'est  l'article  additionnel  du  projet  de  3.   Il  doit  s'agir  d'une  lettre  écrite  au  roi 
trêve  du  24  aoi^t    it')3o.  ^  .  supra,  p.  286,  de  France  et  envoyée  au  P.  d'Athia. 


RELATION    DU    CAPITAINE    PALLOT  289 


XXXVIII 

HKLATION  DU  CAPITAIXE  PALLOT' 

(12     JUILLET-I"  SEPTEMBRE     I  ()3o) 

Quatrième  voyat/e  de  Razilly. 

[Commencement  de  septembre  i63o.] 

En  lête  :  Relation  du  voyage  du  sieur  de  Razilli  sur  les  costes  de 
Barbarie,  12  juillet  i63o. 

Messieurs  de  Razilly,  Du  Challart  et  Pallot  sont  partis  de  l'isle 
de  Ré,  le  vendredy  28"  de  juin",  avec  chacun  leur  vaisseaux,  pour 
faire  la  route  de  Barbarie,  et  se  sont  joinct  avec  eux  quelques  mar- 
chands françois  pour  passer  en  Espaigne  .soubs  leur  faveur'. 

Le  vendredy  12'  de  juillet,  la  Hotte  se  trouva  à  dix  lieues  du  cap 
de  Finistère,  où,  à  la  pointe  du  jour,  jilusieurs  vaisseaux  turcs,  qui 
tenoient  la  haulteur  dudit  cap,  vindrent  recognoistre  ladite  flotte  et. 
la  voyant  puissante,  tindrent  le  vent  et  donnèrent  chasse  à  six  na- 
vires françois  (jui  rengeoient  la  coste.  lesquels  pour  esviter  lesdits 
Turqs  se  vendront  sauver  soubs  le  pavillon  et,  soubs  cette  protec- 
tion, arrivèrent  au  lieu  de  leur  descharge,  ce  que  vcu  par  lesdits 
Turqs,  mirent  à  la  mer  et  feust  impossible  aux  vaisseaux  du  Roy  de 

I.    I^'atlribution  ilo  cetti^  relation  au  ca-  He  faire,  puisqu'il  quitta  la  racle  de  Safi  le 

pitaino  l'allot  est  fondée  sur  les  arguments  i  i  septembre  (V.  p.  2(J7),  c'est-à-dire  avant 

suivants  :  i"  .\.  de  La  Porte  annonce  dans  iiazillv  lui-même. 

sa  lettre  du  27  septembre  i03o(V.  p.  3oi)  a.   Les  trois  vaisseaux  avaient  mis  à  la 

l'envoi    d'une    relation    de    ce    capitaine;  voile  le  ao  juin  i63o,  mais  un  calme  de  six 

a"   La   présente  relation  ne   donne  pas  le  jours,   auquel    succéda    une    tempête,    les 

récit   complet  de  l'expédition   de   Razilly,  ramena   à  S'-Martin  de  Ré.  V.  la  Helatlon 

récit  que  Pallot  était  précisément  incapable  dllc  de  Jean  Armand  Mustapha,  p.  3o6. 

De  Castkies.  III.  —  k) 


2f)0  COMMENCEMEiNT    DE    SEl'TEMBHE     l63o 

les  pouvoir  aborder,  pour  n'avoir  des  pataches  bonnes  de  voille. 
Le  mardy  23'  juillet,  ladite  flotte  arriva  en  la  radde  de  Salé,  la- 
quelle, à  l'instant  de  son  arrivée,  fist  prise  de  trois  navires  dudit 
Salé  ainsy  quelques  personnes  entrer  dans  le  havre  ' .  Les  gouverneurs 
de  ladite  ville  et  forteresse  firent  équiper  dix-sept  de  leurs  vaisseaux 
qui  estoient  pour  lors  en  leur  port.  afTin  de  se  venger  des  armes  du 
Roy  qui  leur  faisoient  la  guerre  si  puissamment;  mais  ayant  tenu 
le  conseil  et  le  raport^  de  plusieurs  dentr'eux  qui  avoient  cognois- 
sance  des  vaisseaux  de  Sa  Majesté,  le  bon  ordre  que  l'on  y  tient, 
joint  aux  chaloupes  qui  seroient  posées  la  nuit  en  garde  proche 
leurs  murailles,  jugèrent  leur  dessain  inutille  pour  tout  plain  d'au- 
tres raisons  cju'ils  aleguerent  et  que  ce  leur  estoit  plus  d'avantage 
de  rechercher  la  paix  et  rendre  les  esclaves  françois  que  diriter  les 
armes  de  Sa  Majesté. 

Ils  écrivirent  plusieurs  lettres  à  messieurs  le  commandeur  de 
Razilly  et  Du  Chalart  jDOur  faire  cessation  d'armes  pendant  le  traitlé, 
d'autant  qu'ils  en  recevoient  plusieurs  incommoditez,  tant  en  prin- 
ses  de  leurs  vaisseaux  que  la  perte ^  de  leurs  cappitaines  tués  et  gens 
etropiez  des  canons  lorsqu  ils  pensoient  entrer  ou  sortir,  ce  qui 
leur  feust  accordé,  moyennant  qu'ils  envoyassent  un  ottage  pour 
traitter  seuUement. 

Le  vendredy  2'  d'aoust.  lesdits  sieurs  de  Salé  envoyèrent  un  des 
principaux  de  leur  Divan  en  ottage  à  bord  de  monsieur  le  Comman- 
deur, et  en  feust  envoyé  un  pareillement  à  Salle  pour  avancer  les 
affaires.  Ce  mesmejour,  les.  Morateres*,  admirai  dudit  Salle,  avecq 
plusieurs  autres  cappitaines,  demenderent  seureté  pour  venir  saluer 
mondit  sieur  le  Commandeur,  ce  qui  leur  feust  accordé,  où  ils  furent 
receus  et  traittés  bien  honnorablement  ;  lesquels  en  cette  visite  asseu- 
rerent  messieurs  de  Razilly  et  Du  Chalart  de  la  bonne  volonté  de 
leurs  gouverneurs,  et,  à  leur  retour,  ils  demandèrent  la  paix  avec 
instance  et  rendre  les  esclaves  françois,  ainsy  qu'ils  avoient  cousté  à 
leurs  patrons,  en  la  place. 

Le  vendredy  g'  aoust,  l'entrée  du  havre  ayant  esté  dangereuse 

1.  Ainsy  quelques  personnes  entrer  dans        rétablir:  et  ouï  le  rapport. 

le    havre.    Membre    de    phrase    inintelli-  3.   Que  la  perle,  pour  :  qu'en  la  perte, 

gible  par  suite  d'un  lapsus  du  copiste.  4.   Morateres,  Morat  Raïs.  Sur  ce  pirate, 

2.  Et  le   rapurt.   Il   faut   probablement        V.  inj'ra,  p.  3og,  note  a. 


RELATION    DU    CAPITAINE     PALLOT  SQI 

pour  sortir,  qui  fut  cause  de  ne  rien  expédier  les  jours  précédant, 
ils  envoyèrent  une  quantité  desclaves  à  bord,  et  feust  aussy  envoyé 
de  la  marcliandize  à  proportion  desdits  hommes  mis  en  liberté,  et 
ainsy  continuant  jusques  à  ce  qu'il  ne  s'en  est  plus  trouvé  aucun, 
tant  en  leur  ville,  forteresses  que  autres  lieux  de  leur  jurisdiction, 
faisant  commandement  à  leurs  citoyens  de  les  amener  à  la  Douane 
sur  peynes  de  grosses  amandes  et  punitions. 

Le  15"  dudil  mois,  monsieur  Pallot  feust  envoyé  de  la  radde  de 
Salle  à  Saffy,  pour  advertir  le  roy  de  Marocq  de  l'arrivée  des  vais- 
seaux de  Sa  Majesté  en  ces  costes  afRn  de  poursuivre  le  traitté  cy- 
devant  commancé. 

Le  samedy  2^"  dudit  mois,  messieurs  de  Salle  envoyèrent  six 
de  leurs  deputtez  à  bord  de  l'Admirai  pour  prendre  de  luy  les  arti- 
cles de  paix,  ce  qui  leur  feust  refeuzé,  ains  seuUement  une  trêve  de 
deux  ans,  soubs  le  bon  plaisir  du  Roy  de  la  continuer.  Quelques 
articles  furent  contestez,  qui  enfin  furent  arrestés  par  mondit  sieur 
Du  Cbalard,  suivant  le  pouvoir  qui  luy  en  avoit  esté  donné  par 
mondit  sieur  le  commandeur  de  Razilly,  joinct  à  la  commission 
du  Roy,  qui  accommoda  tellement  les  affaires  que  les  subjets  de 
Sa   Majesté  n'en  peuvent  estre  que  soulagez. 

Le  2-'  dudit  mois,  mondit  s'  le  Commandeur  partit  de  la 
radde  de  Salle  pour  faire  routte  à  Saffy,  laissant  mondit  sieur  Du 
Cballnrd  pour  accommoder  quelques  difficultez  qui  estoient  aux 
articles  dudit  traitté. 

Le  dernier  dudit  mois,  mondit  s'  le  Commandeur  est  arrivé  à 
Saffy,  ayant  rencontré  plusieurs  vaisseaux  anglois  et  flamans  qui 
ont  rendu  les  soubsmissions  dcues  aux  pavillons  de  Sa  Majesté. 

Et  le  lendemain,  premier  jour  de  septembre,  mondit  sieur  le 
Commandeur  envoya  à  Saffy  trouver  le  Gouverneur  pour  l'infor- 
mer de  son  arrivée,  lequel  au  mesme  jour  envoya  à  son  bord  l'un 
des  principaux  dudit  lieu  pour  congratuler  sa  bienvenue  et  pren- 
dre les  lettres  qu'il  desiroit  escrire  au  roy  de  Marocq  son  maistre, 
la  responce  desquelles  on  attans  à  presant. 

\rrhivcs  Nationatex.  —  Marine,  />'  '/.'>,  //'.  .')"2/-.7?,?.  —  Copie. 


2gâ  3  SEPTEMBRE  I 63o 


XXXIX 

TllÈVE  ENTRE  LOUIS  XIII  ET  SALE' 


Sale,  3  septembre  ttiSo. 

En  tète  :  Capitulation  et  articles  de  trefve  de  ceux  de  Salay  avec 
les  s"  de  Razilly  et  Du  Clialart,  au  nom  et  soubs  le  bon  plaisir  du 
Roy  et  lautorité  de  monseigneur  le  Cardinal. 

Le  très-illustre  commandeur  de  Razilly,  premier  cappitaine  de 
l'admirauté  de  France,  chef  d'escadre  des  vaisseaux  du  Roy  en 
Bretagne  et  admirai  de  la  Ilote  qui  est  à  présent  à  l'encre  en  la  rade 
de  Salay,  et  monsieur  Du  Challart,  gouverneur  de  Cordouan  et 
vice-admiral  de  ladicte  flote  soubs  la  charge  de  monseigneur  le  car- 
dinal de  Richelieu,  grand  maistre,  chef  et  surintendant  gênerai  de 
la  navigation  et  commerce  de  France,  au  nom  de  très-hault  et 
puissant,  très-chrestien  et  invincible  roy  de  France  et  de  Navarre 
et  en  vertu  de  la  commission  de  Sa  Majesté,  coppie  de  laquelle  sera 
insérée  cy-dessoubs,  d'une  part  ;  et  les  illustres  Ahmet  Ben  Aly 
Bexel  et  Abdala  Ben  Aly  Cazeris,  cappitaincs  et  gouverneurs  des 
cliasteaux  et  ville  de  Salay  et  des  autres  villes  de  leur  juiisdiction 
pour  la  Majesté  de  Moley  Bousmasquan  "  Abdalmelecq,  empereur  de 
Maroque,  roy  de  Fés,  Suze  et  Trafilet.  seigneur  de  la  province  de 
Dara  et  Guinée,  d'autre  part,  pour  eux  et  au  nom  des  habitans 
dudict  chasteau  et  ville,  de  l'accord  et  advis  des  s''  de  leur  Douan 
et  assemblée,  ont  dict  : 

Comme  ainsy  soit  qu'anciennement  entre  le  royaume  de  France 


I.   Ce  document  doit  être  rapproché  du  2.   Bousmasquan.  pour  Abou    Merouan. 

textecspagnolpubliéci-dessus, pp.  282-286.         V.  infra.p.  298,  note  3. 


TRKVE    ENTRE    LOrrs    Mil    ET    SAI.É  2q3 

et  celuy  de  Barbarie  il  y  ayt  eu  grande  amitié  et  paix,  laqiielle  depuis 
peu  d'années  a  esté  interrompue  pour  certaines  causes  qui  se  sont 
offertes,  à  présent,  du  conseil  et  conformité  des  parties,  pour 
remédier  aux  pertes  et  dommages  que  cause  la  guerre,  ont  esté 
accordées  et  establies  les  trefves  et  capitulations  suivantes,  pour  le 
temps  de  deux  ans  suivans,  à  compter  du  jour  et  datte  des  présentes. 

Premièrement,  que  si  quelques  vaisseaux  du  port  de  Salay  ont 
pris  quelques  vaisseaux  françois  depuis  le  troisiesme jour  daoust 
dernier,  ils  seront  obligez  de  les  rendre  avec  les  personnes  et  mar- 
chandises, sans  que  rien  en  soit  destourné,  conformément  à  l'acte 
qui  le  mesme  jour  en  fust  faict  au  Douan  avec  le  capitaine  Du  Pré 
Hilary,  sans  que  les  propriétaires  des  vaisseaux  .dudict  Salay  y 
puissent  demander  ou  prétendre  chose  quelconque.  Ce  à  quoy 
seront  pareillement  obligez  et  exécuteront  le  mesme  les  vaisseaux 
de  Sa  Majesté  de  France  et  tous  autres  subjects  dudict  royaume. 
(Cet'  article  prist  fin  et  s'acheva  le  a/i'-  dudict  mois,  parce  que  les 
hostages  furent  rendus  de  part  et  d'autre.) 

Que  durant  ledict  temps  de  deux  ans  aucunes  armées  ny  vaisseaux 
du  roy  de  France  ny  de  ses  subjects  ne  pourront  faire  la  guerre 
audit  chasleau  de  Salay  ny  à  ses  habitans  ou  citez  de  sa  jurisdiction, 
ny  mesme  à  aucun  vaisseau  du  port  dudicl  lieu,  ny  les  molester 
en  façon  quelconque  oîi  ils  les  rencontreront,  ny  leur  oster  aucune 
chose,  soit  captifs  ou  reniez,  par  mer  ou  parterre. 

Que  les  vaisseaux  de  Sadicte  Majesté  Très-Chrestienne  et  de  ses 
subjects  pourront  aller  au  port  de  Salay,  entrer  dans  la  barre,  se 
pourveoir  de  tout  ce  qui  leur  sera  nécessaire  de  vivres  et  autres 
provisions,  qui  leur  seront  données  à  prix  modéré,  et  se  retirer 
quand  bon  leur  semblera,  sans  que  personne  les  offense  ou  leur 
donne  cmpeschement. 

Pareillement,  que  les  marchands  du  royaume  de  France  pour- 

I.  Celte  glose  (|\ie  nous  avons  placi';('  ajoutéorn  marpi' parRazilIy  ou  Du  Chalard 
entre  parenthèses  ligure  dans  un  grand  et  les  copistes  lauront  fait  passer  dans  le 
nombre  de  copies.  Elle  avait  été  sans  doute        texte. 


aq^  3    SEPTEMBRE     ifi.So 

ront  librement  [venir]  au  port,  de  Salay  avec  leurs  navires  et  mar- 
chandises et  negolier  avec  toute  seureté  et  satisfaction  comme  en 
terre  d'amis,  payant  les  droicls  accoustumez,  et  s'il  arrive  (ce  qu'à 
Dieu  ne  plaise!)  que  lesdicts  vaisseaux  viennent  à  s'eschouer  sur  la 
barre  à  l'entrée  ou  sortie  dudict  portde  Salay,  ou  donnent  de  travers 
à  la  cosle  de  sa  jurisdiction,  les  habitans  dudict  lieu  seront  obligez 
de  les  assister  à  sauver  et  mettre  en  asseurance  les  marchandises, 
personnes,  mujiitions  et  toute  autre  chose,  sans  prétendre  aucun 
drolct,  et  la  mesme  obligation  auront  les  subjects  de  Sa  Majesté 
Très-Chrestienne  en  ses  ports  et  costes  envers  les  vaisseaux  dudict 
lieu  de  Salay. 

Que  si  quelques  vaisseaux  d'Alger  ou  de  quelque  autre  port  que 
ce  soit  mènent  au  port  de  Salay  quelques  François  clirestiens  ou 
de  leurs  marchandises  et  les  mettent  en  vente  ou  désirent  les  alienner 
ausdicts  habitans  dudict  lieu  de  Salay,  ils  seront  obligez  de  l'em- 
pescher,  ne  consentant  point  qu'ils  se  vendent;  et  si,  par  autre  voye 
que  ce  soit,  il  est  conduit  un  François  dans  ledict  lieu  de  Salay  par 
mer  ou  par  terre,  il  leur  sera  faict  bon  passage  et  seront  renvoyez 
en  France  dans  les  vaisseaux  amis. 

Que  si  les  vaisseaux  de  Salay  prennent  quelques  vaisseaux  de 
leurs  ennemis,  dans  lesquels  il  se  trouve  des  François  regnicoles 
dudict  royaume,  ceux  de  Salay  seront  obligez  de  leur  donner  liberté 
avec  toutes  leurs  marchandises. 

Qu'audict  chasteau  et  ville  de  Salay  il  y  aura  un  consul  de  la 
nation  Françoise  à  la  nomination  dudict  illustrissime  cardinal  de 
Richelieu,  et  jouira  des  libertés,  franchises  et  prééminences  qu'ont 
accoustumé  de  jouir  les  autres  consuls  françois,  avec  le  libre  exercice 
de  la  religion  catholique,  apostolique  et  romaine  avec  les  autres 
François.  Et  ledict  consul  poursuivra  à  ses  despens  les  procès  qui 
seront  intentez  entre  les  vaisseaux  de  France  et  dudict  port  de  Salay 
jusques  en  fin  de  cause,  et  la  mesme  obligation  aura  celuy  qui,  de 
la  part  dudict  lieu  de  Salay,  debvra  estre  dans  le  royaume  de  France. 

Que  si  quelque  vaisseau  du  royaume  de  France  porte  quelques 


TRÈVK    DNTBE    LOllS    \III     ET    SAI.K  29O 

marcliandiscs  appartenantes  aux  ennemis  dudict  lieu  de  Salay,  elles 
seront  perdues  venans  au  pouvoir  des  vaisseaux  dudict  lieu  de 
Salay,  lesquelz  seront  seulement  obligez  delaisseï'  lihresles  François 
et  regnlcoles  de  France  avec  leurs  marchandises  et  rendre  leurs 
navires,  payant  le  fret.  Ce  que  pareillement  garderont  les  François  à 
l'endroict  des  vaisseaux  de  Salay. 

Que  tous  les  vaisseaux  dudict  port  de  Salay,  tant  de  guerre  que 
françois,  ayans  commission  du  Douan,  pourront  aller  à  toutes  les 
isles  et  ports  dudict  royaume  de  France  et  ses  seigneuries  et  se  pour- 
veoir  de  toute  sorte  de  vivres  et  autres  choses  nécessaires,  que  ceux 
de  la  première  ville  seront  obligez  leur  donner  à  prix  modéré,  et  les 
marchands  pourront  vendre  et  achepter  les  marchandises  que  bon 
leur  semblera  comme  en  terre  d'amis,  sans  que  personne  les  moleste 
ny  donne  empeschement,  payant  les  droictz  accoustumez. 

Qu'aucun  vaisseau  de  Salay  ne  pourra  prendre  aucun  vaisseau 
de  ses  ennemis  dans  les  ports  et  rades  de  France'. 

Que  si  les  vaisseaux  dudict  lieu  de  Salav  ont  pris  quelques  navires 
françois  depuis  le  xxni  d'aoust  dernier  que  les  ostages  furent  rendus 
de  part  et  d'autre  et  cessa  l'effect  des  trefves  jusques  aujourd'huy 
troisiesme  septembre,  les  prises  seront  bien  faictes,  et  ce  qui  se 
prendra  depuis  ledict  jour  sera  rendu  et  restitué  en  la  forme  susdicte 
et  capitulation  qui  s'effectuera  respectivement. 

Que  Sa  Majesté  Très-Chrestienne  sera  suppliée  de  commander 
que  les  Andalous  et  Mores  pris  dans  la  patache  de  l'arez^  Benehart 
en  Levant  et  dans  la  caravelle  de  Moralo  l^eiz  seront  rendus  et  mis 
en  liberté. 

Et  ainsy  ont  esté  conclues  et  capitulées  lesdictes  trefves,  pen- 
dant le  temps  desquelles,  s'il  s'offre  quelque  autre  chose  pour  le 

I.   C'est  rarticlc   a<I(lifiotiiicl  du  projet        didîcultt's  rt  fait  échouer  la  négociation  le 
fie  traité  du   2^  aoAt  (V.  p.  28a,  note  i  ;         2/4  ao\^t. 
p.    28O   et  note   2)  qui  avait    soulevé   des  2.   L'arc:,  le  raïs. 


2n6  <?   sei'tembue    i  fi3o 

bénéfice  des  parties,  il  sera  receu  et  accomply.  Promectans  les- 
dictes  parties  de  tenir  pour  ferme,  stable  et  inviolable  ce  que  dessus, 
sans  que  personne  y  contrevienne  en  aucune  manière  ou  temps,  ou 
les  raiz  et  cappitaines  qui  contreviendront  seront  rigoureusement 
chastiez.  Car  ainsy  l'ont  promis  et  signé  au  chasteau  et  rade  de  Salay, 
ce  troisiesme  jour  de  septembre  M  Vr  trente,  au  compte  des 
Chrestiens. 

Signé:  Du  Ghallard.  et  au  nom  de  monsieur  de  Razilly;  Ahmed 
Ben  Aly  Bexel  et  le  paraffe  en  arabicq  de  Abdala  Ben  Aly  Cazeris, 
et  plus  bas  : 

Par  devant  moy  :  Mehemet  Blanco,  escrivano. 

Archives  des  Affaires  Élrançjbrei; . — Maroc. —  Correspondance  consulaire, 
Vol.  1 .  —  Copie  du  wn'  sihle. 

Ibidem.  —  Maroc,  Mémoires  et  Documents,  Vol.  2,  ff.  50-  .  —  Copie 
du  xvii"  siècle. 

Ibidem.  —  Turquie,  Mémoires  et  Documents.  Vol.  2,  ff.  2^8-252.  — 
Copie  du  xvii'"  sihle. 

Bibliothhjue  Nationale.  — Fonds  français.  —  Ms.  23386,  ff.  275-278. 
—  Copie  du  xvii'  siècle. 

Ibidem.  —  Fonds  français,  Nouvelles  Accjuisitions.  —  Ms.  7()¥J,  ff. 
322-32 ^t.  —  Copie  du  xvn"  siècle. 

Ibidem.  —  V  de  Colberl.  —  Ms.  ^83.  ff.  -^i7 1-^75.  —  Copie  du 
xvn'  siècle. 

Archives  Nationales.  —  Marine  B'  520.  —  Copie  du  xvii'  siècle^. 

I .  Outre  ces  copies  manuscrites,  le  texte  note  3)  et  dans  P.  Dan,  Hislnirc  de  Barbarie 
de  la  Tréve  a  été  publié  dans  la  Relation  de  et  de  ses  corsaires,  ainsi  que  dans  les  re- 
Jean  Armand  Mustuplui  (V.  inj'ra,  p.  3i8,         cueils  de  Du.moiNT  et  de  Léonard. 


PROCES-VERBAL    DE    GASPARD    COIGNET  2q- 


XL 

PROCÈS-VEHBAL  DE  GASPARD  COIGNET' 

Arrivée  ilii  mpitniiie  Pal  loi  à  La  Unchellc. 

La  Rochelle,  28-28  septembre  i63o. 

En  tête  :  Procès-verbal  du  s'  de  La  Tliuillcrie  touchant  les  esclaves 
de  Barbaiie.  —  Du  23  sept'""  iG3o. 

Aujourd'huy,  28  de  septembre  i63o,  par  devant  nous,  Gaspard 
Coignet,  sieur  de  La  Tliuillerie,  conseiller  du  Roy  en  ses  conseils 
d'Estat  et  piivé,  maislre  des  requestcs  ordinaire  de  son  hostel  et 
intendant  de  la  justice,  police,  finances  et  marine  ez  pro\  inces  de 
Poictou,  Xaintonge.  pays  d'Aulnis,  ville  et  gouvernement  de  La  Ro- 
chelle et  isles  adjacentes,  est  comparu  le  sieur  Pallot,  capitaine  de 
marine,  entretenu  pour  le  service  de  Sa  Majesté,  commandant  le 
vaisseau  apellé  «  la  Petite  Marguerite  »,  qui  nous  a  dit  que,  le  12" 
du  prcsant  mois,  il  auroil  esté  commandé  par  M.  le  chevalier  de 
Razilly,  admirai  de  la  llotle  ccpiipée  parle  commandement  du  Roy 
pour  racheter  les  escla\  es  Irun^ois  détenus  à  Salé  et  Safy  en  Barba- 
rie, de  partir  de  la  rade  dudil  Safy,  où  cstoit  ledit  sieur  de  Razilly", 
pour  retourner  en  France  et  amener  à  M.  le  commandeur  de  La 
Porte  ^,  ou  à  nous  en  son  absence,  le  nombre  de  cent  dix-neuf  esclaves 
françois  faisant  partie  de  tous  les  esclaves  que  le  gouverneur  et  la 


I.   (îaspard    Coignet,    seigneur    de    La  pris    des    princes    d'Italie    en    1687  ;    en 

Thuillcric,     comte    de     Courson ,     né    en  Hollande  en  iG'io;  en  Danemark  en  ilj^ô; 

l5(j6,  conseiller  du  Parlement  de  Paris  le  de  nouveau  en  Hollande  de  i6'i6  à  16^8; 

27    août    it)i8;    maître    des    re(pidles    le  mort  en  lôô.'i. 

23  décembre    1624  ;   intendant  de  justice  3.   Uazilly  était  arrivé  àSafileSi  aoiU 

aux  provinces  de  Poitou,  Saintonge  et  pays  i63o.  V.  supra,  p.  291. 

d'Annis;  ambassadeur  à  Venise  en    iCSa  ;  3.    Sur  ce  personiiaire,  V.  p.  200,  note  3. 


298  2,3-98     SEPTEMBRE     1 63o 

republique  dudit  Salé  luy  auioient  rendu,  suivant  les  trailtés  faits 
entre  eulx  et  le  dit  s.  de  Razilly,  au  nom  de  Sa  Majesté,  dont  il  avoit 
coppie  et  rolle  des  noms  desdits  esclaves  pour  presanter  audit  sieur 
Commandeur,  et  outre  aussy  amener  deux  vaisseaux  françois  pris 
sur  les  Turcs,  lun  du  port  de  70  tonneaux  ou  environ,  dans  lequel 
y  avoit  du  sel  blanc,  l'autre  du  port  de  5o  tonneaux  ou  environ, 
chargez  de  mesrin',  lesquels  vaisseaux  avoient  mouillé  l'ancre  à  la 
rade  de  ChedeboYe\  Et  nous  ayant  ledit  Pallot  presanté  une  lettre 
dudit  sieur  chevallier  de  Razilly  à  nous  adressante,  escritte  de  la 
rade  dudit  de  Safy.  par  laquelle  il  nous  auroit  donné  avis  de  ce  que 
dessus,  nous  aurions  ordonné  audit  s.  Pallot  de  se  tenir  prest  pour  le 
lendemain  matin  passer  en  Brouageymenerlesdites  prises  et  qu'audit 
lieu  nous  nous  y  transporterions  pour,  avec  mondit  sieur  le  comman- 
deur de  La  Porte,  pourveoir  ainsy  qu'il  seroit  advizé  bon  estre. 

Et  le  2^'  dudit  mois,  nous  serions  transporté  à  bord  du  vaisseau 
dudit  s.  Pallot,  y  serions  arrivé  avec  lesdites  prises  audit  lieu  de 
Brouage  environ  les  cinq  à  six  heures  du  soir,  où  estant,  après 
avoir  veu  mondit  sieur  le  commandeur  de  La  Porte  et  qu'il  auroit 
ouy  ledit  sieur  Pallot  sur  le  i'aict  de  sondit  voyage,  luy  ayant  pre- 
santé les  despesclies  dudit  sieur  de  Razilly  et  les  articles  accordez 
entre  luy,  le  sieur  Du  Challard,  vis-admiral  de  ladite  flotte,  au  nom 
de  Sa  M'%  et  Ahmet  ben  Aly  Bexel  et  Abdala  ben  Aly  Cassery,  cap- 
pitaines  et  gouverneurs  du  château  et  ville  de  Salé  et  des  autres 
villes  de  leur  jurisdiction  pour  la  M'"deMuley  Bou  Marquan^  Abdu- 
malique.  empereur  de  Marocque,  roy  de  Fez,  Suz  et  Taflîlet,  sei- 
gneur de  la  province  Dara  et  Guins*,  pour  eux  et  au  nom  des  habi- 
tans  dudit  château  et  villes,  ensemble  le  rolle  desdits  esclaves 
amenez  par  ledit  Pallot,  mondit  sieur  le  commandeur  de  La  Porte 


1.  Mesrin,  merrain.  ainsi  formes  par  des  personnages  vénérés 

2.  Chedeboye,  Chef  de  Baie.  dans  l'islam  ont  continué  à  être  appliqués 

3.  Bou  Marquan.  pour  Abou  Merouan,  en  perdant  tout  sens  de  paternité.  C'est 
nom  souvent  accolé  à  celui  d'Abd  el-\falek  ainsi  que  le  nom  de  Abou  Abdallah  est 
(\  .  El-Oufr\ni,  p.  ho'ii).  L'usage  chez  les  devenu  l'équivalent  du  nom  de  Moham- 
anciens  Arabes  donnait  au  père  le  nom  de  med,  comme  Abou  el-IIassen  l'est  d'Ali, 
son  fils,  précédé  du  mot  Abou  (Bou  en  comme  Abou  el-.\dbas  l'est  d'.\timed, 
langue  vulgaire)  «  père  »,  et  faisait  de  comme  Abou  Merouan  l'est  d'Abd  el- 
cette  appellation  comme  une  corroboration  Malet,  etc. 

du  nom.  Cet  usage  a  disparu,  mais  les  noms  !\.   Ghi'hs.  Guinée. 


PROCÈS-VERBAL    DE    GASPARD     COIGNET  2f)f) 

auroit  remis  au  lendemain  à  se  faire  presanter  lesdits  esclaves  pour 
veoir  au  surplus  ainsy  qu'il  apparfiendroit. 

Et  le  leudemain  vingt-cinq',  sur  les  liuict  heures  du  matin,  ledit 
Pallot  ayant  fait  venir'  au  devant  de  l'iiostel  dudit  sieur  comman- 
deur de  La  Porte,  nous  aurions  en  sa  prcsance  faict  appeler  suivant 
ledit  roUe  tous  lesdits  esclaves,  lun  après  l'autre,  lesquels  nous 
aurions  veus.  excepté  le  nommé  Denis  Berthoumeau  du  lieu  d'Au- 
lonne,  que,  denostre  ordonnance,  ledit  sieur  Pallot  auroit  faict  des- 
sandre a  terre  et  mener  à  l'hospital  de  La  Charité  de  La  Rochelle, 
pour  y  esfre  pancé  et  medicamanté  dune  mousquetade  qu'il  avoit 
receue  en  la  leste  en  un  combat. 

Et  ayant  tous  lesdits  esclaves  crié  ensemblement  trois  fois 
((  Vive  le  Koy  !  ».  les  aurions  envoyez  à  l'église  remercier  Dieu  de 
leur  liberté,  et  le  prier  pour  la  prospérité  des  armes  de  Sa  Majesté 
et  celle  de  Mgr,  après  quoy  mondit  sieur  le  Commandeur  leur 
auroit  permis  se  retirer  en  leurs  maisons  et  fait  distribuer  passe- 
ports et  quelque  argent  pour  aider  à  leur  subsistance  en  leur  voyage. 

Ce  fait,  nous  serions  transporté  à  bord  desdites  prises,  oîi,  ayant 
demandé  audit  sieur  Pallot  où  estoient  les  chartes-parties  d'icelles 
et  l'inventau'e  des  marchandises,  nous  auroit  dict  ne  s'estre  trouvé 
ausdits  vaisseaux  aucune  charte-partie  et  n'avoir  esté  fait  inventaire 
desdites  marchandises  lors  de  la  prise  desdits  vaisseaux,  et  après  nous 
avoir  esté  aiïirmé  par  ledit  sieur  Pallotet  par  les  nommez  Garandeau 
et  Bonnaud,  aussy  cappitaines  de  marine,  qui  avoient  esté  mis  sur 
lesdites  prises  par  ledit  sieur  de  Razilly  pour  la  conduite  d  icelles, 
n'avoir  esté  osté  ny  di'verty  aucunes  marchandises  desdicts  vais- 
seaux, fors  et  excepté  quelque  peu  dudict  mairin,  qui  avoit  esté 
bruslé,  faute  d'autre  bois,  aurions  jugé  par  estimation  y  pouvoir 
être"  dans  l'un  d'iceulx  environ  deux  cens  de  sel  d'Espaigne 
blanc, et  dans  l'auti-e  vaisseau  deux  ou  ti'ois  milliers  dudit  mairin 
de  plusieurs  grandeurs. 

Et  après  ladite  visilte  faite,  nous  aurions,  suivant  l'ordre  de 
mondit  sieur  le  commandeur  de  La  Porte,  ordonné  que  ledit 
vaisseau  chargé  de  sel  blanc  seroit  mené  avec  sa  marchandise  par 

1.  Lispz  :  ayant  fait  venir  ledit  Pallot.  tlu  eopisto  rend  le  membre  do  plirase  inin- 

2.  Etre.  Le  texte  porte  :  car;  cette  faute        lelligiblu. 


3oO  23-a8    SEPTEMBRK     I  6.S0 

ledit  Garandeau  au  Port  Louis,  où  ledit  sel  blanc  est  de  meilleur 
débit,  pour  astre  vandus  au  plus  ofTrant  et  dernier  enchérisseur 
en  la  manière  accoustumée  par  les  ofliciers  de  l'admiraulté  dudit 
lieu,  et  les  deniers  en  provenans  mis  es  mains  du  receveur 
des  droits  de  monseigneur  le  cardinal  de  Richelieu,  grand-maistre, 
chef  et  surintendant  gênerai  de  la  navigation  et  commerce  de 
France,  jusques  à  ce  qu'autrement  par  luy  en  ayt  esté  ordonné  ;  et 
à  l'esgard  de  l'autre  barque  chargée  dudit  mairin,  qu'elle  demeu- 
reroit  audit  havre  de  Brouage  pour  y  estre  avec  ledit  mairin  vandue 
au  plus  offrant  et  dernier  enchérisseur  ;  duquel  mairin  n'ayant 
trouvé  plus  grand  pris  que  celuy  offert  par  ledit  Pallot  de  vingt- 
cinq  sols  le  paquet  et  vingt-cinq  escus  le  millier  de  pipes,  de  l'avis 
dudit  sieur  commandeur,  nous  luy  aurions  adjugé  tout  ledit  mairin 
estant  en  ladite  barque  pour  le  pris  cy-dessus  par  luy  offert  comme 
plus  offrans  et  dernier  enchérisseur,  et  ordonné  au  sieur  de  La  Mail- 
leraye.  commis  au  controlle  de  la  marine,  de  tenir  compte  de  la  quan- 
tité dudit  mairin.  Et  à  l'instant,  estant  intervenu  le  nommé  \il!ain, 
qui  auroit  reclamé  ladite  barque  comme  à  luy  appartenant,  de  l'avis 
cy-dessus,  la  luy  aurions  laissée  en  payant  mille  livres  es  mains  du 
commis  à  la  recette  des  droicts  de  mondit  seigneurie  Cardinal  audit 
Brouage,  en  cas  qu'ainsy  fust  trouvé  bon  par  iceluy  dit  seigneur. 

Et  le  27"  dudit  mois  de  septembre,  ledit  La  Mailleraye  nous  ayant 
raporté  avoir  conté  et  faict  délivrer  audit  capitaine  Pallot  tout  ledit 
mairin,  et  s'en  est  trouvé  la  quantité  de  deux  milliers  sept  cens  à 
raison  de  douze  cens  longaille  et  six  cens  fonçaille  pour  millier, 
ainsy  qu'il  est  accoutumé,  et  vingt-trois  paquets  à  faire  pipes,  con- 
tenant dix-neuf  pièces  chacun,  avec  dix  pièces  de  fonçaille  pour  la 
garniture,  nous  aurions  ordonné  audit  Pallot  de  payer  le  prix  d'ice- 
luy  comptant  es  mains  dudit  receveur,  et  le  lendemain  28"  dudit 
mois  serions  party  dudit  Brouage  et  retourné  en  ladite  ville  de  La 
Rochelle. 

Ce  que  dessus  nous  certilïîons  véritable  et  avoir  ainsy  esté  faict 
lesdits  jour  et  an. 

Coignet  La  Thuillerie. 

Archives  Nationales.  —  Marine,  B''^^/9,  ff.  331-335.  —  Copie. 


LETTRE    DE    A.     DE    LA    POllTE    A    lUCHELIEU  3oi 


XLI 

LETTRE  DE  A.  DE  LA  PORTE' A  RICHELIEU 

Cenl  vimjl  esclaves  français  rachètes  à  Salé  et  deux  navires  pris  dans  ce 
port  sont  arrivés  au  Brouaxje. 

Le  Brouage,  27  septembre  i63o. 

En  tête  :  Lettre  du  gouverneur  de  La  Porte  au  caidinalde  Richelieu 
au  sujet  des  esclaves  de  Barbarie.  —  A  Brouage,  le  27  septembre 
i63o. 

Monseigneur, 

Est  arrivé  en  ce  port  le  sieur  Pallot.  envoyé  par  M'  de  Uazilly 
avec  six  vingts  esclaves  racheptés  par  la  libéralité  du  Roy,  faisant 
part  de  dculx  cens  qu'ils  ont  retirez  de  Salé,  cpiils  ont  guardé  avec 
eux.  M'  de  La  Thuillerie  en  a  fait  son  procès-verbal,  tant  des  esclaves 
que  aussy  de  deulx  petites  prises  qu'ils  ont  faites  à  la  rade  de  Salé, 
dont  lun  est  uiig  llibot  chargé  de  sel  et  lautre  une  barque  du  sieur 
de  La  Villain,  habitant  de  Brouage,  chargée  de  mairin,  qui  est  chose 
de  peu  de  valeur,  qui  avoit  dix  jours  qui  estoit  entre  les  mains  des 
ennemis  et  par  concequent  perdue  par  le  propriétaire.  Toutes  fois 
j'ai  creu  qu'il  estoit  de  vostre  bonté  ou  de  le  gratifier  de  tout  le 
vaisseau,  ou  d'une  partie,  d'autant  qu'il  est  homme  qui  a  toujours 
bien  servi  fidèlement  en  ce  que  vous  luy  avez  commandé  pour  le 
service  du  Roy.  C'est  pourquoy  nous  tiendrons  la  chose  en  suspens 
jusqu'à  ce  que  nous  sachions  vostre  volonté. 

De  plus  nous  vous  envoyons  la  l'clation  de  son  voyage  '. 

Archives  Nationales.  —  Marine.  B'  ^9,  f.  335. —  Copie. 

I.  V.  p.  206,  note  3.  2.  V.  Doc.  XXXVIII,  p.  289. 


3o2  3o    SEPTEMUKli     1  GSo 


VLIl 

LETTRE  DE  GASPARD  COIGNET  A  RICHELIEU 
Détails  sur  la  mission  de  Razilly  au  Maroc. 

La  Rochelle,  3o  septembre  i63o. 

En  léle,  alla  manu  :  Lettre  du  s'  de  Lu  Tliuillcric  écrite  de 
La  florhclle  ;m  «iijft  flu  commerce  à  Salé. 

Monseigneur, 

Vous  verrez  par  les  articles  que  monsieur  de  Kazilly  a  accordez 
avec  le  gouverneur  de  Salé',  et  le  procès-verbal  que  j'ay  iaict  du 
retour  du  s'  Pallot,  le  succès  d'une  partie  de  leur  voyage.  Les 
nopces  du  roy  de  Maroc ^  ont  jusques  icy  empesché  le  dit  s'  de  Ra- 
zilly de  traicter  avec  luy,  et  l'aprehention  qu'il  a  de  ne  recepvoir  le 
contentement  qui!  espère  luy  a  faict  retenir  le  lieutenant  dudict 
s'  Pallot  et  vinct  de  ses  meillieurs  hommes  avec  quarante  esclaves 
dos  plus  délibérez  de  ceulx  qu'il  a  racheptez  à  Salé,  pour  prendre 
de  luy-rnesrne  ses  asseurances,  en  cas  que  l'on  ne  les  luy  vouUeusl 
donner. 

Ledicl  s'  Pallot  nous  raportc  quelque  dessain  sur  Saphi,  mais  je 
croy  que  l'isle  de  Mongador  et  une  fortification  sur  une  poincte  de 
terre  joignant  suffiront  pour  nous  donner  la  liberté  du  commerce 
en  ce  pays. 

Oultre  les  articles  accordez  à  Salé,  ledit  s'  Pallot  nous  dict  que 

I.   Le  capitaine  Pallot  devait  avoir  ap-  de  la  puissante  tribu  des  Chebàna,  où  les 

porté  le  texte  du  traité.  cbcrifs  avaient   coutume   de    prendre   des 

î.   Moulay  Abd  cl-Malck  bon  Zidân  vc-  épouses.     V.     infra,    p.    827   et    noie    i  ; 

nait  de  célébrer  son  mariage  avec  une  fille  p.  387,  note  1 . 


LETTUE    DE    GAî-l'AUl)    CURiMCT    A     UlCIlELlEf  OOO 

l'on  y  doil)t  bastir  ung  couvant  de  capucins',  avec  obligation  aux 
renegatz  de  les  venir  trouver  pour  lecepvoir  instruction,  et,  en  cas 
de  recognoissance",  on  leur  doibt  doiuier  liberté  entière  et  passage 
pour  s'en  retourner  en  leur  pays. 

Je  prie  Dieu  que  tout  réussisse  à  vosire  contentement  et  (lu'Il  me 
donne  aullant  de  moyen  de  vous  tesnioigner  mes  obi-issances,  (juc 
i'ay  d'obligation  à  estre  toullc  ma  vie, 

Monseigneur, 

V'oslre  très-bumble,  et  très-obeissant  serviteur. 

Siync  :  La  Tbuillerio. 
A  La  Rochelle,  le  3o  7'""  iC)lU). 

Archives  des  Affaires  Etrangères.  —  Maroc.  Correspondance  consulaire, 
\'ol.  I.  —  Oriijinal. 

I.  On  verra  ci-(lcssous  (pp.  o'|i-34'i)  les  a.   En  cas  de  recognoissance,  c'eil-h-dnc; 

faisions  pour  lesquelles  les  capucins  ne  ju-  ilaii>  le  cas  ori  ils  recoruiaîLrnient  leur  erreur 
gèrent  pas  pouvoir  rester  au  .Maroc.  et  reviendraient  au  christianisme. 


3o/l 


JLIN-NOVEMBKE 


[63o 


XLIII 


RELATION  DITE  DE  JEATN  ARMAND  MLSTAPHA' 


(juin-novembre   i63o.) 


Quatrième  voyaye  de  Razilly  au  Maroc.  —  Description  de  Salé. 


Titre  de  départ':  Voyages  d'Afrique,  où  est  contenue  la  naviga- 
tion des  François,  entreprise  en  l'an  1629  &  i63o,  sous  la  conduite 
du  sieur  de  Razilly,  es  côtes  occidentales  des  royaumes  de  Fez  & 
de  Marroc  ;  le  traicté  de  paix  fait  avec  les  habilans  de  Salé,  &  la 
délivrance  de  plusieurs  esclaves  françois  ;  ensemble  la  description 
des  susdits  royaumes,  villes,  coustumes,  religion  &  commoditez 
de  ceux  du  pais. 


I.  Jean  Armand  était  un  Turc  nommé 
Mustapha.  Pris  sans  doute  dans  quelque 
croisière,  il  avait  été  converti  au  christia- 
nisme et  avait  reçu  au  baptême  les  noms  de 
son  parrain  le  cardinal  de  Richelieu  (\ . 
VÉpilre  dcdiroLoirc').  Il  prit  part,  sans  doute 
comme  interprète,  aux  voyages  de  Razilly 
au  Maroc  en  1629  et  i03o  (V.  p.  3ii, 
note  i).  A  son  retour,  il  professa  les  lan- 
gues orientales  à  Paris  (V.  infra.  p.  33i). 
Dans  l'édition  de  i03i  Jean  Armand 
est  qualifié  «  chirurgien  de  Mgr.  le 
comte  de  Soissons  ».  —  On  attribue 
quelquefois  abusivement  à  Jean  Armand 
Mustapha  la  présente  relation,  alors  que 
celui-ci  n'a  fait  que  fournir  au  libraire- 
éditeur  des  notes  pour  la  partie  géogra- 
phicpie  du  récit  (^  .  infra,  pp.  33o-33i). 
Malgré  les  indications  du  titre,  l'ouvrage 
est  consacré  à  l'expédition  de  i63o  ;  celle 
de   162g  n'est  rappelée  que  pour  faciliter 


l'intelligence  des  vicissitudes  de  la  mission 
de  i63o.  La  relation  du  voyage  de  i63o 
a  été  rédigée  avec  des  sources  originales, 
c'est-à-dire  avec  le  journal  de  Razilly,  ainsi 
qu'.Xndré  Chemin  l'a  fait  pour  le  voyage 
do  lOay  (V.  infra,  p.  33o  et  note  i).  A 
en  juger  même  par  la  composition,  par  la 
disposition  des  pièces  reproduites,  il  ne  serait 
pas  étonnant  que  celui-ci  fût  le  principal 
auteur  des  Voyaijes  d'Afrique Le  libraire- 
éditeur  aura  simplement  fait  quelques  re- 
maniements au  texte  en  vue  de  la  vente  et 
il  confesse  lui-même  avoir  retranché  de 
cette  narration,  pour  le  plaisir  de  l'ami  lec- 
teur, «  beaucoup  de  missives  »  qui  don- 
naient à  l'ouvrage  l'aspect  d'un  «  recueil 
de  lettres  ».  Or  c'est  précisément  cet  aspect 
qu'a  le  journal  d'André  Chemin. 

2.  Le  titre  de  la  couverture  diffère  un 
peu  du  titre  do  départ.  V.  infra.  p.  336, 
note  2. 


RELATIO:^    DITE     DE    JEAN     ARMAND     MLSïAFliA  3o5 

Il  ne  sufTit  pas  au  Roy  Très-Clirestieu  Louvs  XIII  de  donner  la 
paix  à  ses  sujets  par  les  efTorls  de  sa  valeur  accouslumée,  si  encore 
par  un  seing  plus  que  paternel  il  ne  leur  en  fait  gouster  les  fruits. 
II  ne  veut  pas  que  son  peuple  jouisse  tant  seulement  des  biens  que 
la  France  produit  abondamment,  mais  en  outre,  assisté  du  conseil 
de  monseigneur  l'illustrissime  cardinal  de  Uichelieu  (^(juon  peut 
nommeràbondroitlesage&lefidellc  JNestordece  royaume),  il  entend 
que  les  François  joignent  aux  commoditez  qui  croissent  chez  eux 
les  richesses  qui  viennent  es  terres  estrangeres.  A  ces  fins  il  lasche 
de  rendre  tous  les  jours  libre  aux  siens  la  navigation  des  mers,  & 
oster  les  empeschemens  qui  peuvent  rompre  ou  arrester  le  cours 
d  un  commerce  non  moins  honorable  que  profitable.  L'intelligence 
que  Sa  Majesté  entretient  avec  le  Grand  Seigneur,  à  l'avantage  de 
la  Chrestienté,  rend  assez  marchande  la  mer  Méditerranée.  laquelle 
en  seroil  encore  plus  fréquentée,  si  les  ravages  &  linfidelité  des 
corsaires  ne  donnoient  quelque  crainte  à  ceux  qui  n'en  ont  point 
ny  de  la  furie,  ny  de  l'inconstance  de  cet  élément.  En  vertu  de  cette 
confédération  renouvcllée  particulièrement  en  l'an  1629  avec  la 
milice  ^^  et  les  galères  d'Alger'  soubs  le  bon  plaisir  i^  authorité  du 
monarque  des  Ottomans,  les  ports  de  l'Afrique,  de  l'Asie  &  de 
cette  portion  de  l'Europe  qui  obéit  aux  Turcs  se  trouvent  ouverts 
À:  asseurez,  non  seulement  pour  nos  François,  mais  aussi  pour  tous 
ceux  que  l'espérance  du  profit  ou  la  simple  curiosité  ont  rangé 
sous  leurs  bannières. 

L'humeur  farouche  &  peu  civile  de  ceux  qui  habitent  le 
long  de  la  coste  occidentale  de  la  Barbarie,  battue  par  les 
flots  de  rOcean  Atlantique.  ^:  qui  recognoissent  pour  souverain 
le  roy  de  Fez  &  de  Marroc,  faisoit  perdre  à  nos  gens  l'envie 
d'aborder  en  ces  lieux,  d'où  la  courtoisie  semble  estre  bannie.  Tou- 
tesfois,  en  l'an  1629,  monsieur  le  chevalier  de  Razilly  (personnage 
des  plus  recommandables  de  la  France,  tant  pour  la  grandeur  de 
son  courage,  que  pour  son  expérience  au  fait  de  la  marine)  ayant 
eu  commandement  de  Sa  Majesté  &  et  reoeu  l'ordre  de  monsei- 
gneur le  Cardinal,  après  avoir  rompu  la  glace  cinq  ans  aupara- 


I.   Allusion  au  traité  signé  entre  le  roi        et    non   en   1629,   par   l'intermédiaire    de 
du  Krance   cl  le   diiari  d'Alger   en    1638,         Samson  Xapollon.  V.  p.  ■i.'iA't,  note  i. 
De  Casikiks.  III.   —  30 


3o6  JUlN-\OVEMBKE     I 63o 

vanl',  entreprit  ce  chemin  pour  la  seconde  fois,  &,  accompagné  des 
sieurs  de  La  Touche,  qui  portoit  le  pavillon  de  vice  admirai,  »k  Trille- 
bois,  des  chevaliers  de  Jallesmes,  de  Guitaut  &  Des  Roches,  alla  mouil- 
ler l'ancre  à  la  rade  de  Salle,  ville  appartenante  auxroysde  Marroc, 
mais  occupée  maintenant  par  les  Mores  Grenadins,  qui  se  sont  can- 
tonnez là  dedans  &  révoltez  contre  leur  prince  légitime.  L'arrivée 
de  nos  soldats,  jointe  à  leur  resolution,  espouventa  tellement  ces 
rebelles,  qu'après  avoir  esté  maltraitiez  en  plusieurs  escarmouches 
(où ils  eurent  tousjours  du  pis),  ils  furent  contraints  défaire  trefves 
avec  le  sieur  de  Uazilly,  lequel  estant  sur  le  point  d'entrer  en  quel- 
que sorte  d'accommodement  avec  les  députez  de  l'empereur  de 
Marroc,  qui  1  estoient  allé  trouver  dans  ses  vaisseaux,  se  veid  con- 
traint par  la  force  de  la  tempeste  et  du  mauvais  temps  de  retourner 
en  France.  Oîi,  après  avoir  rendu  compte  de  son  voyage  &  fait 
entendre  1  importance  du  traffic  de  ces  costes  qu  il  venoit  de  quitter, 
en  conséquence  duquel  on  pourroit  moyenner  facilement  la  liberté 
de  beaucoup  de  François  détenus  en  un  misérable  esclavage,  tant 
dans  la  ville  de  Salé,  qu'en  plusieurs  autres  du  royaume  de  Mar- 
roc, vSa  Majesté  Très-Cheslienne  trouva  bon  que  le  mesme  sieur  de 
Razilly,  comme  gênerai  de  sa  flotte,  s'y  en  allast  l'année  ensuivante 
&  mît  peine  de  parachever  ce  que  desja  il  avoit  commencé.  Pour 
ceslefiect  furent  equippez  trois  bons  vaisseaux,  1  un  desquels  nommé 
«  la  Licorne  »  estoit  commandé  par  ledit  chevalier.  L'autre  appelé 
«  la  Renommée  »  portoit  le  sieur  Du  Chalard,  vice-admiral.  Le 
sieur  Pâlot  estoit  dans  le  troisiesme,  qui  fut  choisi  entre  les  pata- 
ches  de  S.  Jean  de  Luz. 

Ces  trois  vaisseaux  quittèrent  la  rade  de  Sainct  Martin  de  Ré  le 
2o.  jour  de  juin  iC3o,  pour  faire  la  route  de  Barbarie  ;  auxquels  se 
voulurent  joindre  de  compagnie  plusieurs  navires  marchands  qui 
passoient  en  Espagne.  Le  calme  dura  six  jours,  après  lesquels 
l'orage  et  la  violence  des  vents  les  contraignirent  à  relascher  au 
mesme  lieu  d'oîi  ils  estoient  partis  auparavant. 

Peu  de  temps  après,  cette  mesme  flotte,  ayant  derechef  mis  les 
voiles  au  vent,  se  trouva  le  vendredy  12  de  juillet  à  dix  lieues  du 
cap   Finisterrœ  (nommé  des  anciens  Celiicum  &  Neriuin  promon- 

I.   Allusion  au  voyage  du  cliovalicr  de  Razilly  en  1O24.  V.  Doc.  XX,  pp.  io5-li:. 


RELATION     DITE    DE    JEAN     AUMAND    MCSTAPHA  So" 

lorium).  lequel  fait  rextremité  plus  occidentale  du  royaume  de 
Galice  en  Espagne.  A  la  pointe  du  jour,  des  vaisseaux  turcs  vin- 
drent  recognoistre  la  flotte,  &.  après  avoir  veu  lestendard  de  France, 
s'enfuirent.  Toutesfois,  faisans  leur  retraicte,  ils  donnèrent  la 
chasse  à  quelques  navires  marchands,  qui  eurent  loisir  de  ranger  la 
coste  »^  se  sauver  par  bonheur  soubs  le  pavillon.  On  trouva  par 
après  que  c'estoient  six  vaisseaux  françois,  qui  du  depuis  ont  para- 
chevé leur  voyage  en  toute  scurelé,  bien  aises  d'avoir  rencontré  si  à 
propos  un  azylc  pour  se  garantir  du  danger,  qui  sans  cela  leur 
estoit  inévitable.  Les  ennemis,  ayant  failly  leur  coup,  furent  pour- 
suivis, mais  il  fut  impossible  de  les  attraper,  à  cause  qu'ils  estoient 
trop  bons  voiliers. 

Le  mardy  28.  dudit  mois,  le  chevalier  de  Razilly,  après  avoir 
passé  le  long  des  costes  de  Portugal  &  d'Andalousie  qu'il  laissoit 
à  main  gauche  &  gagné  l'océan  de  Barbarie,  ai'riva  avec  les  vais- 
seaux du  Roy  en  la  rade  de  Salé,  &  mouillant  l'ancre  fist  prise  d'un 
vaisseau  dudit  lieu  qui  pensoit  estre  en  la  barre. 

Le  2l\.  ia.  10.  du  mesme  mois,  jours  consécutifs  de  son  arrivée, 
furent  encore  pris  deux  autres  vaisseaux  appartenants  aux  habi- 
tans  &  corsaires  dudit  Salle'.  Ce  qui  obligea  messieurs  du  Divan 
&  gouverneurs  de  la  ville  de  penser  soigneusement  à  leur  defence 
>Sc  se  défaire  de  nos  gens.  L'exécution  leur  en  sembloit  facile,  par 
le  moyen  de  dix -sept  navires  qu'ils  avoient  dans  leur  havre,  avec 
lesquels  ils  esperoient  surprendre  à  la  faveur  de  la  nuict  &  se  ren- 
dre maistres  des  vaisseaux  françois.  Deux  fois  on  assembla  le  Con- 
seil pour  deliljerer  ce  qu'on  devoit  faire.  Neantmoins  après  s'cstre 
inslruicls  ik  deuemcnt  informez  du  bon  ordre  que  monsieur  de  Ra- 
zilly avoit  estably  dans  lesdits  vaisseaux,  qui  se  tenoient  nuict  et 
jour  sur  leurs  gardes,  ils  jugèrent  cette  entreprise  autant  hardie 
que  malaisée  ;  &,  changeans  d  avis,  conclurentqu  il  estoit  beaucoup 
meilleur  pour  le  bien  de  leur  i\cpubli(|ue  d  entrer  en  quelque  sorte 
d'accommodement.  Celte  voye  sembla  la  [)lus  asseuréc  >k  la  moins 
hazardeuse  de  toutes  :  voila  pourquoy,  la  proposition  en  cslmit 
faite,  on  jugea  qu'il  estoit  expédient  de  la  suivre.    A  quoy  les  fist 


I.   11  s'agit  probablement  des  deux  vais-      en  réalité  à  des  Français,   mais  ils  avaient 
seaux  ramenés  jiar  l'allut;  ils  apjiarlenaient      été  capturés  parles  Salétins.  V.  p.  297-301. 


3o8  JUIN-NOVEMBRE    I  63o 

condescendre  un  de  leurs  alcaïdes  nommé  Ccron  '.  homme  de  con- 
sidération &  de  créance  parmy  eux,  leur  remonslrant  :  «  Qu  en 
Testât  où  ils  cstoient  réduits,  le  party  de  la  douceur  estoit  préfé- 
rable à  tout  autre  ;  qu'ils  trouveroienl  hlen  plus  dadvantage  en 
l'amitié  des  François  qu'ils  ne  rencontreroient  de  satisfaction  en 
leur  haine  propre  :  qu  il  estoit  nécessaire  d'entrer  en  confédéra- 
tion avec  eux  pour  donner  naissance  à  un  commerce  réciproque  ; 
qu'il  estoit  expédient  de  leur  ouvrir  les  portes  de  la  ville  pour 
s'ouvrir  à  eux-mêmes  celles  de  leur  asseurance  ;  qu'il  estoit  très  à 
propos  d'avoir  esgard  au  bien  de  toute  la  communauté,  à  laquelle 
il  importe  grandement  que  les  particuliers  puissent  negotier  libre- 
ment, sans  courir  risque  de  leurs  vies  et  mo^ens  :  que,  tandis 
qu'ils  auroient  guerre  avec  les  François,  ceste  liberté  leur  seroit 
ostée,  là  oîi  au  contraire,  s'ils  faisoicnt  paix  avec  eux,  ils  pourroient 
avoir  libre  l'entrée  &  sortie  de  leur  port,  comme  encore  de  toutes 
les  villes  maritimes  de  la  France  ;  qu'ils  ne  sçauroient  faire  rien  ou 
plus  profitable  au  public,  ou  plus  dommageable  aux  ennemis;  que 
le  secours  qu'ils  pourroient  retirer  des  François  osteroit  à  leur 
mal  vueillans  l'en^  ie  de  les  attaquer  d'ores  en  avant,  ou  rendroit  à 
tout  le  moins  foibles  les  efforts  de  leur  puissance  :  qu'on  sçavoit 
assez  le  courage  de  ceux  de  celte  nation  &  la  promptitude  avec  la- 
quelle ils  avoient  accoustumé  d'assister  leurs  alliez  ;  qu'eux-mesmes 
avoient  par  cy-dcvant  esprouvé  à  leurs  despens  ceste  force,  qui  les 
avoit  privé  de  beaucoup  de  leurs  vaisseaux  ;  bref,  qu'ils  estoient 
à  la  veille  de  souffrir  de  plus  notables  pertes,  s'ils  refusoient  de 
suivre  le  conseil  qu'il  leur  donnoit.  non  par  crainte  ou  lasclieté 
aucune,  ny  pour  aucun  intercst  particulier,  mais  poussé  du  seul 
zèle  de  la  vérité  &  de  l'affection  qu'il  avoit  tousjours  tesmoignée  au 
bien  &  service  de  sa  ville  &  et  de  ses  citoyens.   » 

Tandis  qu'on  estoit  ainsi  en  délibération  dans  la  ville,  quelques 
corsaires  de  Salé,  qui  pouvoient  estre  en  tout  une  vingtaine,  favo- 
risés du  vent  qui  leur  estoit  propice,  entrèrent  dans  le  port.   Mon- 

I.    Motiammed  ben  Abdel-Kader  Ceron.  ncur  de  la  Kasba  pour   les   Hornacheros. 

Il  était  vraisemblablement  originaire  de  la  Remplacé  par  Ahmed  bcn  Ali  Bcxer,  l'un 

ville  de  Seron,  place  importante  des  Moris-  des    signataires   de   la    trêve   de    i63o,    il 

ces  entre  Murcie  et  Baza.  En  lôîg  Moliam-  revint    au  pouvoir   le   4  février  i63i.  V. 

med  ben  Abd  el-Kader  Ccron  était  gouver-  infra,  p.  3-0. 


RELATION     DITE    DE    JEAN    ARMAND    MUSTAPHA  Sog 

sieur  Du  Chalard  leur  fist  tirer  quelques  coups  de  canon,  desquels 
fut  tué  un  de  leurs  principaux  capitaines  &  cinq  soldats  blessés. 
Ce  qui  donna  subjet  aux  plus  apparens  de  la  ville  de  poursuivre  le 
traité  de  paix  6c  s'y  résoudre  cnlicrement.  De  quoy  ayant  donné 
rognoissance  aux  nostres  &  promis  de  bailler  des  ostages  pour 
plus  grande  asseurance,  il  y  eut  cessation  d'armes  &  de  tous  actes 
d'hostilité,  tant  d'un  costé  que  d'autre. 

Le  vendredy  3.  du  mois  d'aoust,  fust  envoyé  pour  cest  effet  par 
ceux  de  la  ville  Araby  Garcia,  l'un  des  premiers  secrétaires  de  leur 
Divan,  pour  ostagc  de  ccluy  qui  seroit  mis  à  terre  de  la  part  de 
monsieur  de   Razilly.  alTin  d  avancer  les  affaires  ' . 

Ce  mesme  jour  Moral  Rays  ',  admirai  de  leurs  vaisseaux.  & 
plusieurs  capitaines  de  la  ville,  ayans  obtenu  toutes  les  asseurances 
qu'ils  demandèrent  pour  venir  saluer  monsieur  le  commandeur  de 
Razilly,  se  firent  porter  dans  nos  vaisseaux,  où  ils  furent  receus 
honnorablemenf.  Après  les  compliments  receus  de  part  &  d'autre, 
ils  protestèrent  au  nom  de  leurs  gouverneurs  qu  ils  n'avoient  pas 
de  plus  grand  désir  que  de  rendre  des  tesmoignages  d'affection  à 
Sa  Majesté  Très-Clireslienne,  avec  laquelle  ils  seroient  très-aises 
de  vivre  en  bonne  paix  &  amitié,  &  qu'ils  metroient  peine  de  l'en- 
tretenir ponrtuellement.  Après  ces  protestations,  Moral  Rays  sup- 
plia monsieur  de  Razilly  de  luy  expédier  un  passeport  pour  faire 
sortir  en  mer  un  de  ses   vaisseaux,    qu'il  avoit    tout    prest,   à    la 


I .  L'agent  anglais  .luliii  Harrifon  so  Iroii-  Harrison.  Pour  les  autres  détails,  ils  concor- 
vail  à  Salé-lc-Xeuf  pendant  CCS  négociations  dent  avec  la  relation  de  l'agent  anglais, 
surlerachatdcsrsclavesfrançais.  Déjàconn\i  Celui-ci  ajoute  que  Razilly  et  Du  Chalard 
des  pirates  par  ses  séjours  antérieurs  dans  lui  écrivirent  pour  le  remercier  et  lui  don- 
la  ville  (itïîD  et  1O27),  ilfutclioisi  dans  la  nèrenl  une  fêle  à  bord.  Cf. /'"■  i'én'c.  Angle- 
présente  circonstance  comme  médiateur  par  ivxTi; .  Relation  de  J .  Harrison,  8  octobre  i63o. 
le  Divan,  à  la  requête  des  captifs,  des  niar-  2.  Moral  Rays,  appelé  le  caïd  Morato, 
chands  français  et  du  1'.  d'Athia  lui-même.  Moralto  .Vrracz,  le  capitaine  John,  etc., 
11  alla  avec  ce  religieux  et  l'otage  dos  Moris-  était  un  renégat  hollandais  de  Harlem; 
cos  à  bord  de  «  la  Licorne  »,  puis  il  revint  son  vrai  nom  était  Jean  Janssen.  l'ris  à 
à  terre,  ramenant  au  Divan  le  capitaine  Du  Lanzcrote  en  i6l8  par  les  corsaires  barba- 
l'ré  Ililary,  porteur  des  lettres  de  Louis  XIII  resques,  il  avait  apostasie  à  .Vlger  ;  il  devint 
aux  gouverneurs,  et  qui  devait  rester  à  terre  un  des  plus  hardis  pirates  de  Salé  et  c'est  à 
tant  pour  les  négociations  que  comme  otage  hii  que  cette  ville  dut  en  partie  sa  renom- 
du  coté  do  Razilly.  Les  documents  français  mée.  V.  i"'  Série,  .Vnglelcrre,  ibidem  et 
gardent   le    silence    sur    l'intervention   de  Pavs-13as,  t.  HI,  passim. 


3lO  .TUIN-NOVEMBRE    I  fiSo 

charge  qu'il  no  feroit  aucunes  courses  sur  les  François  &  n'at- 
taqueroit  leurs  vaisseaux,  ny  mesmes  ceux  des  alliés  de  la  Cou- 
ronne à  dix  lieues  près  des  costes  de  France,  ains  plustost  les  pro- 
tegeroit  contre  tous  pirates  turcs  ou  autres,  indilTcremment  &  sans 
exception  ;  ce  qui  lui  lust  octroyé  soubs  ces  conditions.  Cecy  es- 
tant fait,  Morat  Rays  &  sa  compagnie  retournèrent  dans  la  ville, 
&  avec  eux  y  alla  le  sieur  Hilary  ',  tant  pour  apporter  une  lettre 
du  Roy  que  pour  y  demeurer  en  ostage  pendant  le  traicté,  qui 
commença  par  une  publication  portant  commandement  à  tous 
leurs  citoyens  &  subjets  de  leur  Divan  de  produire  tous  les  escla- 
ves françois  &  iceux  mettre  en  liberté,  moyennant  rançon  &  com- 
position honneste  qu'on  delivrcroit  à  ceux  qui  s'en  trouveroienl 
saisis,  »k  menace  aux  contrevenans  d'estre  recherchés  tk  rigoureu- 
sement punis.  En  suite  de  cecy,  plusieurs  marchands  anglois  & 
flamands,  qui  estoient  eji  traicte  audit  Salé,  demandèrent  permis- 
sion à  monsieur  de  Razilly  d'en  poursuivre  la  conclusion,  le  prians 
en  outre  de  leur  donner  passeport  ;  ce  que  ledit  sieur  ne  leur  ac- 
corda pas  tant  seulement,  mais  encore  leur  oflVil  en  cas  de  besoing 
toute  sorte  de  protection  &  assistance. 

Despuis  ce  jour  jusques  au  9  du  mois  susdit,  on  ne  peut  rien 
faire  ny  avancer,  à  cause  de  la  barre  qui  rendoit  la  sortie  dange- 
reuse. Mais,  le  9  du  mois,  ceux  de  Salé  ameinerent  à  bord  quan- 
tité desclaves,  en  eschange  desquels  leur  fust  faite  délivrance  de 
quelques  marchandises,  ÎS.  ce  h  proportion  des  esclaves  qu'ils 
avoient  mis  en  liberté  :  ce  qui  continua  jusques  à  tant  (ju'il  ne  s'y 
en  trouva  plus,  sçavoir  jusques  au  12  du  mois. 

Le  i5  du  mesme,  monsieur  de  Razilly  fist  assembler  le  Conseil, 
où  il  fut  résolu  d'envoyer  le  sieur  Pâlot  en  la  rade  d  AzafTy.  pour 
donner  advis  au  roy  de  Marroc  du  retour  des  vaisseaux  de  Sa  Ma- 
jesté Très-Chrcstienne  es  costes  d'Aflrique. 

Ledit  sieur  Pâlot  fist  voile  ce  mesme  jour  avec  trois  vaisseaux" 
chargés  des  esclaves  à  qui  on  venoit  tout  fraichement  de  rendre  la 
liberté  ;  &  luy  furent  ù  mesme  temps  baillées  deux  lettres,    l'une 


1 .  Hilary.    C'est  le    personnage   appelé        patache  «  la  Petite  Marguerite  »  et  les  deux 
plus  haut  Du  Pré  Hilary.  V.  p.  îqS.  prises  qu'il  avait  faites  en  rade  de  Salé.  V. 

2.  Les  trois  vaisseaux  de  Pallot  étaient  sa        su/)ra,  pp.  297-301. 


RELATION    DITE    DE    JEAN    ARMAND    MUSTAPHA  OU 

pour  le  roy  de  Marroc,  &  l'autre  pour  le  gouverneur  d'Azafiy, 
toutes  deux  de  la  part  de  monsieur  de  Razilly.  On  ne  peut  mieux 
comprendre  à  quelle  fin  elles  furent  escrites  que  par  la  teneur 
d'icelles.  La  lettre  du  roy  de  Maroc  estoit  telle  : 


Lettre  de  Razilly  a  Moulay  Abd  el-Malek. 

Les  vents  contraires  l'ont  oblir/e  à  retàcher  à  Salé  avant  de  se  rendre  à 
Saji.  —  //  a  profilé  de  cette  escale  pour  réclamer  contre  rançon  la  mise 
en  liberté  des  esclaves  français  détenus  dans  cette  pince.  —  Sur  le  refus 
des  Salélins,  il  s'est  emparé  de  quelques-uns  de  leurs  navires  et  les  a 
amenés  à  composition.  —  Des  que  le  rachat  sera  terminé,  il  ira  à  Safi, 
mais  il  fait  partir  immédiatement  pour  ce  port  trois  navires  avec  le  sieur 
Pallot  et  le  F.  Rodolphe.  —  //  prie  Moulay  Abd  el-Malek  d'envoyer 
un  passeport  à  ce  dernier,  chargé  de  lui  remettre  la  lettre  de  Louis  XIII, 
et  de  faire  amener  à  Safi  /o(w  les  esclaves  français  qui  se  trouvent  à 
Merrakech . 

[Rade  de  Salé,  i5  août  i63oJ. 

Sire, 

Si  les  vents  &  la  mer  recognoissoicnt  la  puissance  des  monar- 
ques de  la  terre,  il  n'y  a  point  de  doubtc  qu'avec  les  vaisseaux  du 
lloy  nostre  inaistre  nous  ne  fussions  plustost  allés  en  la  rade  d'A- 
zalTy,  suivant  notre  dessein,  qu'en  ces  costes  où  nous  sommes  pour 
le  présent.  Mais  estant  fort  dilFicile  (pour  ne  dire  impossible)  de 
s'opposera  l'eflort  des  marées,  nous  avons  esté  contraints  de  mouil- 
ler lancre  en  la  rade  de  Salé  ;  là  où,  pour  ne  perdre  tout  le 
temps,  nous  avons  voulu  sommer  les  hahitans  du  lieu  à  nous  ren- 
dre les  esclaves  françois  qu'ils  detenoient,  eu  leur  payant  neanl- 
moins  les  droits  de  racliaj)l.  Sur  le  refus  qu'ils  ont  fait  du  com- 
mencement d'acquiescer  à  nos  justes  demandes,  nous  leur  avons 
dénoncé  la  guerre,  assailly  leur  port  »k  pris  quelques-uns  de 
leurs  navii'cs  ;  ce  qui  les  a  obligez  de  nous  (louncr  contentement  & 
nous  remettre  lesdits  esclaves,  que  nous  avons  à  l'instant  embai- 
quez.  Nous  espérons  recouvrer  bienlost  ceux  cpii    restent  ik  incon- 


3  I  2  JUIN-NOVEMBRE     1  63o 

tinent  après  aller  en  vostre  rade  d'Azaffy.  Cependant,  pour  avan- 
cer temps,  nous  y  envoyons  trois  de  nos  vaisseaux  soubs  la 
conduite  du  sieur  Pâlot,  lequel  a  charge  de  demander  passeport  à 
Vostre  Majesté  pour  le  R.  Père  Rodolphe'  &  deux  ou  trois  autres 
François,  affin  qu'en  toute  asseurance  ils  puissent  rendre  la  des- 
pesche  du  Roy  nostre  maistre  à  Vostre  Majesté.  Et  d'autant  que 
nous  avons  ordre  de  ne  demeurer  que  peu  de  jours  en  vos  Estats, 
&  que  d'ailleurs  la  saison  de  lliyver  s'approche,  nous  supplions  très- 
humblement  Vostre  Majesté  d'envoier  le  plus  promptement  qu'il 
sera  possible  ledit  passeport,  &  commander  que  tous  les  esclaves 
françois  détenus  dans  vostre  ville  de  Marroc  soient  prests  pour  estre 
amenés  audit  Azafl'y. 

Il  plaira  encore  à  Vostre  Majesté  députer  telles  personnes  qu'elle 
aura  agréable,  pour  recevoir  le  présent  que  le  Roy  nostre  maistre 
nous  a  chargés  de  luy  envoyer,  ensemble  pour  éviter  que  les 
afTaires  n  aillent  en  longueur  &  que  par  ainsi  le  temps  nous  force 
de  retourner  en  France  sans  rien  conclurre,  comme  il  arriva  l'an- 
née passée.  De  nostre  costé  nous  y  apporterons  toute  la  diligence 
qu'il  nous  sera  possible,  &  demeurerons,  &c. 

La  suscription  de  la  lettre  esloit  :  A  très-haut,  très-puissant  & 
très-victorieux  Prince,  Muley  Abdelmelech,  roy  de  Fez,  Marroc, 
Sus  &  Gago,  Grand  Xerif  de  Mahomet  &  empereur  d'Affrique. 


La  lettre  du  gouverneur  d'AzalTy  estoit  couchée  en  ces  termes 


Lettre  de  Razilly  au  gouverneur  de  Safi. 
//  lui  demande  de  Jaire  parvenir  sa  lettre  à  Moulay  Abd  el-Malek. 

[Rade  de  Salé,  i5  août  i63o.] 

Monsieur, 
Le  mauvais  temps  nous  força  l'année  passée    de  quitter  la  rade 

I.  Le  F.   Rodolphe  ne  partit  pas  avec        Salé  le  32  août.  V.  ci-dessous.  Doc.  XI^IV, 
le  capitaine  Pallot  ;  il  se  trouvait  encore  à        p.  34o. 


HELATin>-     niTE    DK    .lEAN     VBMAND    MUSTAPHA  3 1  .3 

d'AzafTy  à  nostre  grand  regret,  sans  avdir  eu  le  bonheur  de  para- 
chever l'afTaire  pour  laquelle  le  Roy  nosfre  maistre  nous  envoyé 
derechef,  avec  la  dépêche  pour  l'empereur  de  Marroc,  vostrc  prince, 
affîn  de  retirer  les  François  détenus  en  esclavage.  Sur  quoy  nous 
escrivons  à  Sa  Majesté  Impériale,  à  ce  qu'il  luy  plaise  de  nous 
donner  un  passeport,  parle  moyen  duquel  nous  puissions  luy  faire 
porter  ladite  depesche  en  toute  asseurance.  JNous  vous  prions  par 
celle-cy  d'onvoicr  nosfre  dite  lettre  à  la  Cour,  seurement  &  en  dili- 
gence, d  autant  que  nous  espérons  d'estre,  avec  l'aide  de  Dieu,  dans 
peu  de  jours  en  la  rade  d'Azafl'y  &  là  recevoir  les  passeports  qui 
nous  sont  nécessaires.  Asseurez-vous  que  vostre  soing  et  l'autorité 
que  vous  cmploierés  pour  nous  faire  obtenir  l'effet  de  nos  demandes 
ne  demeureront  pas  sans  recognoissance,  outre  l'obligation  que 
nous  en  aurons  toute  nostre  vie,  qui  sera  telle  que  nous  en  de- 
meurerons à  jamais,  (kc. 

De  la  rade  de  Salé,  d'aoust  ifi^o. 


Le  samedy  i".  du  mois,  comme  encore  le  i8.  >k  19.  la  barre  fut 
dangereuse  pour  sortir  jusqu'au  mardy  20.,  auquel  jour  ceux  de 
Salé  envoyèrent  devers  monsieur  de  Razilly  les  sieurs  Monjet  San- 
tiago &  El  Capitan  Blanco.  Hornal  Héros',  de  la  part  du  gouver- 
neur du  Chasteau  ",  Caya  Rios  «Se  j\arvais\  Andaloux,  pour  commis- 
saires &  députés,  ensemble  Morat  Rays,  cy-dessus  nommé,  & 
Clavicho,  tous  habitans  de  Salé  &  des  principaux  du  Divan,  pour 
conclure  la  paix.  Ils  furent  reçus  comme  ils  meritoient,  &  entrèrent 
en  conférence,  dû,  après  avoir  demeuré  assés  longtemps,  ils 
prindrent  congé,  emportans  avec  eux  les  mémoires  que  les  sieurs 
de  Razilly  &  Du  Challard  leur  donnèrent,  pour  arrester  seulement 
une  espèce  de  trefve  '  sous  le  bon  plaisir  du  Roy.  Or,  pour  tesmoigner 
([ue  ceste  visite  ne  luy  avoil  point  este  désagréable,  ledit  sieur  de 
Razilly  pria  les  RR.  PP.   capucins  &  le  R.  P.    Dalias,   accompa- 

1.  Hornal  Héros,  il  faut  ntablir  :  Ilorna-  ptlail  AIuiiliI  Xarvaoz.  V.  i"  Série,  Anglc- 
chcros.  V.  supra,  pp.  187-198.  torrn,  juillet  1637. 

2.  Le  caïd  do  la  h'mbn.  Alimod  lien  Ali  ^1.  Cotte  trêve  devait  être  primitivement 
Boxer.  do  six  aiis(V.  supra,  p.  3f!3,  notes  2  et  6). 

3.  \arvais.  Ce  commissaire  andalou  s'ap-  EUo  fut  réduilo  à  doux  ans. 


3l4  .TUIN->"OVEMBRE    I  63o 

gnez  d'un  ofTiciei',  daller  conjoinctement  avec  les  députés  de  Salé 
saluer  de  sa  part  »S;  de  monsieur  Du  Challard  les  gouverneurs  de 
la  ville  &  les  asseurer  de  leurs  bonnes  volontés  envers  eux.  Ce 
qu'ils  firent,  non  sans  estre  grandement  caressés  des  gouverneurs 
susdits,  qui  les  conduisirent  au  Cliasteau,  avec  un  applaudissement 
gênerai  de  tout  le  peuple  ;  &,  après  quelques  compliments  &  céré- 
monies, qu'on  pratique  ordinairement  en  semblables  occurrences, 
ordonnèrent  que  Morat  Rays  leur  prepareroit  son  logis  &  leur 
fourniroit  tout  ce  qui  seroit  nécessaire  pour  leur  entretien. 

Le  21.  du  mois,  les  PP.  capucins  &  le  P.  Datias  célébrèrent  la 
saincte  messe  au  logis  du  sieur  Moiet'',  marchand  françois,  laquelle 
estant  parachevée,  ils  furent  trouver  messieurs  les  gouverneurs  de 
la  ville  à  la  sortie  du  Conseil,  pour  sçavoir  la  délibération  par  eux 
prise  sur  les  mémoires  qu'on  leur  avoit  baillé.  Leur  responce  fut 
qu'ils  avoient  lait  commandement  à  leur  secrétaire'  de  la  mettre  au 
net,  &  que  sur  le  soir  lecture  leur  en  seroit  faicte.  Ce  qui  fust  ainsi 
exécuté.  Les  nostres,  y  ayans  trouvé  quelques  articles  à  contester, 
prièrent  les  députés  de  leur  en  laisser  copie,  afin  d'avoir  le  loysir 
d'examiner  le  tout  &  changer  ce  qui  leur  sembleroit  estre  néces- 
saire pour  l'honneur  tS;  service  des  armes  du  Roy  Très-Chrestien. 

Le  lendemain  22.  du  mois,  le  tout  ayant  esté  bien  considéré  par 
nos  gens,  \  quelques  additions  faites  aux  précédents  articles  pour 
ladvanlage  des  sujets  de  Sa  Majesté  Très-Chrestienne,  ils  les  re- 
mirent entre  les  mains  des  gouverneurs  de  la  ville,  &  peu  de  temps 
après  se  retirèrent  dans  nos  vaisseaux,  fors  le  sieur  Hilary.  qui 
demeura  comme  ostage. 

Le  mesme  jour,  Haly  Blanco  '  &  Santiago  vindrent  à  bord  & 
rapportèrent  lesdicts  articles  pour  estre  approuvés  par  monsieur  de 
Razilly,  lequel  ne  les  trouvant  pas  à  son  gré  ny  en  la  forme  qu  il 
desiroit,  y  voulut  derechef  adjouter  quelque  chose,  par  le  conseil 
mesme  de  monsieur  Du  Chalard.   Mais  d  autant  que  ce   qu'on  y 

I .   Cet  officier,  appelé  plus  loin  :  le  secrc-  'i .  Moiet  ;  11  faut  probablement  rétablir  ; 

taire  de  Razilly  (p.  3âo,  note  i),  était  peut-  Mazet.  Cf.  plus  loin,  p.  3i8. 

être  le  Turc  Jean  Armand  Mustapha  qui,  3.  Leur  secrétaire,  Mohammed  Blanco. 

d'après    le    titre   de    la   Relation  (éd""  de  4-  Huly  Blanco,  probablement   ce    capi- 

1682  et  de  i633)aurait  «  eu  employ  auxdits  taine  Blanco,  représentant  de  Ahmed  ben 

voyages  ».  V.  p.  336  note  2.  Ali  Bexer,  dont  il  a  été  parlé  p.  3i3. 


RELATION     DITE     DE    JEAN     ARMAND    MUSTAPHA  3lO 

avoit  adjousté  de  nouveau  sembloil  cstre  au  desadvantage  des  ha- 
bitans  de  Salé,  les  gouverneurs  refusèrent  de  les  signer.  D'ailleurs 
jugeans  bien  que  le  sieur  de  Razilly  ne  doinordroit  pas  facilement,  ils 
voulurent  (avant  que  déclarer  leur  dessein)  pourvoir  à  leur  seureté, 
faisant  sortir  leurs  vaisseaux  sous  prétexte  de  la  trefve  qui  durcit 
encore.  Puis,  ayans  déclaré  leur  volonté  &  remonstré  les  raisons 
quils  avoicnt  pour  n  accorder  point  les  articles  susdits,  les  affaires 
se  virent  quasi  réduites  aux  mesmes  termes  où  elles  estoient  du 
commencement,  les  ostages  ayans  esté  renvoyés  de  part  et  d'autre. 
Neantmoins,  comme  on  estoit  sur  le  point  de  rompre,  le  traicté  fut 
renoué  par  l'entremise  de  l'alcaïde  Ceron  (duquel  il  a  esté  parlé 
cy-devant),  lequel  représenta  aux  gouverneurs  le  tort  qu'ils  se  fai- 
soient.  refusans  de  signer  les  articles  jn-oposés.  11  leur  fist  toucher 
au  doigt  la  nécessité  d'en  user  de  la  sorte,  &  après  leur  avoir  per- 
suadé par  bonnes  raisons  que  ceste  capitulation  ne  leur  pouvoit 
estre  si  préjudiciable  que  la  guerre  qui  estoit  aux  portes  de  leur 
ville,  leur  fist  changer  de  resolution.  De  sorte  que  sur  l'heure  ils 
donnèrent  charge  au  sieur  Mazet  d'en  escrireà  monsieur  de  Razilly  ; 
à  quoy  consentit  encore  par  dessous  main  Morat  Rays,  bien  qu'ou- 
vertement il  fist  semblant  d'y  contredire,  afin  de  faire  valoir  la 
réputation  de  leur  Republique. 

Les  lettres  estant  receues,  les  sieurs  de  Razilly  &  Du  Challard, 
avec  le  conseil  des  RR.  PP.  capucins,  trouvèrent  bon  d'accorder 
la  trefve  pour  un  an  seulement  ' .  afin  d'ostcr  aux  Mores  tous  moyens 
de  courre  le  reste  de  l'année  sur  les  marchands  fiançois.  Ce  qu'ils 
firent  d'autant  plus  volontiers  qu'ils  se  voyaient  forcés  d'aller  à 
Azaffy  pour  traiter  avec  les  députés  du  roy  de  Marroc.  Ce  conseil 
fust  trouvé  à  propos  &  arresté  que  le  sieur  Du  Challard  demeure- 
roit  en  la  rade  de  Salé  pour  donner  fin  à  ce  traicté,  tandis  que  le 
sieur  de  Razilly  s'acliemineroit  A^ers  Azail'y  pour  y  devancer  les 
affaires,  sans  attendre  que  les  tourmentes  contraignissent  nos  vais- 
seaux à  faire  retraicte.  A  ces  fins  fust  laissée  audit  sieur  Du  Chal- 
lard procuration  avec  ample  pouvoir  d'agir  &  signer  les  articles 
qu'il  jugeroil  estre  pour  le  bien  du  service  du  Roy  ^:  accomplisse- 
ment des  ordres  de  monseigneur  le  Cardinal. 

I.    La  trêve   fut  conclue  pour  ileus  an?.   V.  p.  a83.  note  •{  et  p.  jyS. 


3  1  6  JUIN-NOVEMBRE    1  fi3o 

Le  2".  du  mois  ledit  sieur  commandeur  de  Razilly  fist  voile  pour 
aller  à  AzafFy  (ainsi  qu'il  a  voit  esté  résolu)  &  cependant  recognoistre 
sur  sa  route  une  ville  dépeuplée  qui  est  le  long  de  la  coste.  La 
ceinture  de  ses  murailles  est  aussi  grande  que  pourrolt  cstre  le  cir- 
cuit de  La  Rochelle.  On  y  void  encore  quantité  de  maisons  assés 
bien  baslies,  avec  les  ruines  de  quelques  mosquées  &  d'un  arsenac 
très-propre  à  loger  nombre  de  galères.  Ce  qui  tesmoigne  assès  que 
ce  lieu  a  esté  d'autrefois  en  considération.  Mesmes  à  présent  les  mar- 
chands y  vont  pour  trafiquer  avec  les  Arabes  des  montagnes  voi- 
sines, d'autant  qu'il  y  a  une  bonne  rade,  ainsi  qu'on  pourra  voir  un 
jour  par  le  plan  que  le  sieur  de  Razilly  en  a  pris  ',  lequel  arriva  à 
AzafTyle  dernier  jour  du  mois  d'aoust,  oîi  il  trouva  quelques  vais- 
seaux flamands  &  anglois  qui  saluèrent  le  pavillon  royal. 

Le  lendemain  i.  de  septembre,  ledit  sieur  de  Razilly  commanda 
à  un  de  ses  officiers  d'aller  de  sa  part  baiser  les  mains  au  gouver- 
neur du  lieu,  &  sçavoir  de  luy  quelle  estoit  la  responce  des  lettres 
cy-devant  escrltes  à  l'empereur  de  Marroc.  Ledit  gouverneur  dépê- 
cha à  l'instant  un  Juif  vers  le  sieur  de  Razilly  pour  luy  apporter 
quelques  rafraichissemens  &  luy  dire  que  n'ayant  eu  encore  nou- 
velles aucunes  de  la  cour  du  Roy  son  maisire.  il  le  supplioit  d'es- 
crire  derechef,  luy  mandant  en  outre  qu'il  nattendoit  que  sa 
dépêche  pour  y  envoyer  un  courrier.  Cela  fut  cause  que  ledit  sieur 
escrivit  la  lettre  suivante  : 

Lkttre  de  Razilly  a  Moulay  Abd  EL-^L\LEK. 

lls'élonne  de  ne  pas  avoir  trouvé  à  son  arrivée  à  Safi  le  passeport  qu'il 
avait  demandé  à  Moulay  Abd  el-Malek  pour  le  F.  'Rodolphe.  —  7/  ne 
pourra  séjourner  sur  les  côtes  du  Maroc  que  vinqt  Jours  au  plus.  —  // 
frie  instamment  le  Chérif  de  donner  délégation  au  caïd  de  Safi  pour 
négocier  le  traité  et  de  faire  réunir  à  Safi  tous  les  esclaves  français  de 
Merrakech.  afin  qu'on  puisse  s'entendre  sur  leur  rachat. 

[Racle  lie  Sali,  sriilciubrc  i6,'!o.| 

Sire, 
Je  croiois,  à  mon  arrivée  devant  vosire  ville  d'Azaffy,  trouver  un 

I      II  s'agll  tin  ja  ville  rie  Tit.  V.  infra,  p.  867,  note  I. 


RELATION    DITE    DE     JEAN     AUMAND     MUSTAPHA  3l7 

passeport  de  Yostre  Majesté,  y  aiant  desja  vingt  jours  que  j'avois 
fait  avancer  trois  vaisseaux  sous  la  conduite  du  sieur  Pâlot  pour  ce 
seul  efTel.  Maintenant,  aiant  pris  l'avis  de  tous  les  gens  de  mer  qui 
sont  sous  ma  charge,  j  ay  recogneu  ne  pouvoir  séjournerez  costes 
de  Vostre  M  que  i5  ou  20  jours  au  plus  :  d'aulant  que  dans  peu 
de  temps  les  tourmentes  seront  si  grandes,  que,  si  les  vaisseaux  ne 
sont  en  brief  de  retour,  ils  courent  risque  de  se  perdre.  L'année 
passée,  il  se  perdit  soixante  et  dix  naNiros.  ^:  la  flotle  (|ue  j'avois 
l'honneur  de  commander  cuida  lairo  naufrage  plusieurs  fois.  Cette 
expérience  me  fait  supplier  Vostre  Impériale  Majesté  d'envoier  en 
sa  ville  d'AzalTy  quelqu'un  de  ses  alcaïdcs,  avec  ordre  &  commission 
au  gouverneur  d'icclle  de  traicter  des  articles  de  paix,  ainsi  que 
j'ay  pouvoir  à;  conunission,  conjoinctement  avec  monsieur  Du 
Challard,  de  traicter  &  convenir  pour  toutes  négociations  nécessaires 
eu  ce  subjet.  Je  la  prie  encore  Ircs-humblement  de  faire  en  sorte 
qu'en  mcsme  temps  tous  les  esclaves  françois  arrivent  en  la  mesme 
ville,  afin  qu  on  puisse  moyenner  leur  délivrance. 

Pour  moy,  je  meltray  de  ma  part  les  présents  que  le  Roy  mon 
maistre  envoie  à  Vostre  Majesté  entre  les  mains  des  alcaïdes  qu'il 
luy  plaira  ordonner  pour  cet  effet.  Au  reste,  il  me  deplaist  infini- 
ment que  la  saison  me  presse  de  si  près  &  ne  me  permette  point 
de  séjourner  plus  longtemps  en  ces  costes,  mais  vous  sçavez,  Sire, 
que  la  mer  n'a  point  d'esgard  à  la  volonté  des  navigants.  Cela 
n'empêchera  pas  pourtant  qu'en  quel  lieu  que  je  puisse  estre,  je  ne 
m'efforce  de  rendre  toute  sorte  de  service  à  V.  M.,  comme  dès  à 
présent  je  luy  fais  offre  de  tous  les  vaisseaux  que  j'ay  sous  ma 
charge,  &  ce  de  la  part  du  Roy  mon  maistre  ;  la  priant  au  surplus 
de  croire  que,  poui'  mon  particulier,  je  désire  demeurer  toute  ma 
vie  A:c. 


Par  la  mesme  voie,  ledit  sieur  escrivit  aux  esclaves  de  Marroc  en 
rcsponce  de  celle  (ju'il  avoit  receue  de  leur  part  à  son  arrivée,  les 
exhortant  surtout  à  ser\  ir  Dieu  &  avoir  une  très-estroite  confiance 
en  sa  miséricorde,  qui  ne  permettroil  pas  qu'ils  demeurassent  tous- 
jours  en  un  estât  si  misérable  comme  estoit  celuy  oîi  ils  se 
trouvoient  rcduicts  pour  le  présent:  quant  à  luy.  qu'il  n'espargne- 


3l8  .ÏUIN-NOVEMBUE    1  G3o 

roit  rien  de  ce  qu'il  jugeioit  estre  nécessaire  pour  leur  faire  recou- 
vrer la  liberté  tant  désirée.  Il  fist  aussi  responce  par  mesme  moyen 
à  la  lettre  du  sieur  Pallache.  Juif,  que  le  roy  de  Marroc  emploioit 
en  la  conduite  de  ceste  negoliation'. 

Le  samedy  septiesme  dudit  mois  de  septembre,  monsieur  Du 
Cballard  arriva  en  la  rade  d'Azally,  où,  ayant  salué  le  pavillon,  il 
s'en  vint  trouver  le  commandeur  de  Razilly,  auquel  il  fist  rapport 
de  ce  qui  s'estoit  passé  au  traicté  faict  avec  les  habitans  de  Salle,  & 
lui  bailla  les  capitulations  accordées  avec  eux,  ensemble  une  com- 
mission de  consul  des  François  audit  lieu  pour  le  sieur  Mazet,  en 
attendant  que  le  Roy  &  monseigneur  le  Cardinal  y  eussent  autre- 
ment pourvcu.  Voici  la  teneur  des  articles   de  ladite  capitulation  ^ 


La  commission  pour  la  création  d'un  consul  fust  telle 


Commission   de  consul  pour  Pierre  Mazet  ' 


Uadc  de  Salé,  3  septembre  i63o. 

Isaac  de  Razilly,  chevalier  de  l'ordre  de  S.  Jean  de  Hlerusalem, 
premier  capitaine  de  l'admirauté  de  France,  chef  descadre  des 
vaisseaux  du  Roy  en  sa  province  de  Bretagne,  &  admirai  de  la  flotte 
de  Sa  Majesté  en  la  coste  de  Barbarie,  «kc,  au  sieur  Pierre  Mazet, 
marchand  françois,  natif  de  la  ville  de  Marseille. 

1.  Moïse  Pallache.  \.  Introduction  cri-        les  manuscrits.  \.  p.  33o. 

tique,  pp.  39i-3g6.  3.   Tandis  que  Du  Clialard,  agissant  au 

2.  Comme  on  a  publié  ci-dessus  le  pro-  nom  de  Razilly, conférait  par  cetti^Gommis- 
jet  en  espagnol  de  cette  capitulation  (Doc.  sion  le  consulat  de  Salé  à  Pierre  Mazet,  le 
XXWI,  pp.  282-286)  et  la  traduction  secrétaire  d'Etat  Bouthillier  signait  des 
française  oPRcielle  du  texte  définitif  (Doc.  lettres-patentes  attribuant  les  consulats  de 
XXXIX,  pp.  292-296),  on  a  jugé  inutile  d'en  Salé  et  Tétouan  à  un  autre  Marseillais 
reproduire  la  copie  donnée  par  l'éditeur  de  nommé  André  Prat.  V,  pp.  273  et  373.  Lors 
la  Relation  de  Jean  Armand  Mustapha.  Les  de  son  voyage  de  i63i,  Razilly  arrangea, 
variantes  que  l'on  rencontre  dans  les  textes  ou  tout  au  moins  essaya  d'arranger  l'affaire, 
sont  de  pure  forme.  «  Les  paroles  seules  y  en  attribuant  à  Pierre  Mazet  un  autre  poste, 
ont  acquis  tant  soit  peu  de  changement  »,  V.  infra,  p.  434.  En  l635  Pierre  Mazet 
dit  cet  éditeur,  qui,  pour  donner  à  des  était  devenu  fou,  et  un  vice-consul,  Gaspard 
documents  autbcntitpies  «  la  perfection  re-  de  Rastin,se  trouvait  seul  à  Salé  rcprésen- 
quise  »,  a  cru  devoir  «  passer  la  lime  »  sur  tant  .\ndré  Prat.  V.  pp.  5i  I  et  537. 


RELATION    DITE    DE    JEAN    ARMAND    MUSTAPHA  SlQ 

Estant  nécessaire  pour  le  bien  du  service  du  Roy  nosire  maistre, 
asseurance  >k  liberté  de  tous  ik  chacuns  ses  sujets  trafiquans  au  port 
ik  ville  de  Salé,  forteresses  &  lieux  de  sa  jurisdiclion  en  la  coste 
d'Afrique  (en  conséquence  des  articles  de  la  trêve  par  nous  accordée, 
au  nom  de  Sa  Majesté  Très-Clircslicnne,  à  messieurs  les  gouverneurs 
ik  Divan  de  Salé  pour  le  temps  &  espace  do  deux  ans  prochains  & 
consécutifs,  à  commencer  du  premier  jour  du  présent  mois  de  sep- 
tembre) de  nommer  &  laisser  audit  lieu  de  Salle  un  personnage 
lidelle  Os:  capable  d'y  exercer  la  charge  de  consul  de  la  nation  fran- 
coise,  &  d'y  pratiquer  les  fonctions  deues  &  attribuées  audit 
consulat,  attendant  que  par  Sa  Majesté,  et  à  la  nomination  de 
monseigneur  l'illustrissime  cardinal  de  Richelieu,  y  soit  autrement 
pourveu  : 

Nous  deuement  informés  de  vostre  bonne  vie,  probité,  mœurs 
\  religion  catholique,  apostolique  &  romaine,  &  en  outre  acertei- 
nés  de  vostre  preud'homie,  expérience  &  parfaite  intelligence  au 
fait  de  la  negoliation  &  commerce,  en  vertu  du  pouvoir  à  nous 
octroyé  par  Sa  Majesté  &  mondit  seigneur  le  Cardinal,  &  sous  son 
bon  plaisir,  vous  avons  commis  &  député,  commettons  &  députons 
par  ces  présentes  en  ladicte  charge  de  consul  de  la  nation  fran- 
çoise  audit  Salé,  pour  y  avoir  la  direction,  protection,  negotiation 
&  administration  de  la  justice  aux  marchands  françois  qui  trafique- 
ront audit  lieu  &  places  de  sa  juridiction;  ensemble  pour  jouir  & 
user  de  ladicte  charge  de  consul,  honneurs,  privilèges,  préséances, 
franchises,  exemptions,  droits  &  libertés  dont  jouissent  &  ont  deu 
jouir  les  consuls  françois  en  tous  les  autres  ports  &  eschelles  de 
Barbarie  ik  Levant,  suivant  qu'il  est  porté  par  la  Irefve  susdicte. 
A  l'entière  exécution  desquels  droicts  &  prérogatives  vous  tiendrez 
bien  soigneusement  la  main,  en  vous  opposant  à  toutes  les  contre- 
ventions  &  cmpeschcmeiis  qui  pourroient  estre  faits  ou  formés 
doresnavant.  De  quoy  vous  dresserés  bons  &  amples  procès-ver- 
baux sur  les  occurrences  qui  se  présenteront,  lesquels  vous  envoie- 
rés  de  mois  en  mois  (si  faire  se  peut)  à  mondit  seigneur  le  Cardi- 
nal, conformément  aux  adresses  qui  vous  en  ont  esté  données,  afin 
d'y  estre  pourveu  ainsi  qu'il  appartiendra. 

Fait  en  la  rade  de  Salé,  dans  le  vaisseau  du  Roy  «  la  Renom- 
mée »,  ce  3.  de  septembre  i63o. 


SaO  .lUIPi-NOVEMBRE    1  63o 

Signé:    Du   Chaliard,   vS:   au  nom  de  monsieur  le  chevalier  de 
Razillv. 


Le  jeudy  onziesme  de  septembre,  le  conseil  fut  assemblé  dans  le 
vaisseau  de  monsieur  le  commandeur  de  Razilly,  pour  adviser  à  ce 
qu'on  jugeroit  plus  expédient  et  plus  nécessaire,  veu  les  longueurs 
cnnuicuses  \  rctardemens  du  roy  de  Marroc  ;  \  fust  arresté  que 
le  sieur  Palol  relourncroit  en  France  avec  une  partie  des  esclaves 
i|u'on  avoit  délivrés,  ik  ce  pour  la  crainte  du  mauvais  temps  6t 
perte  des  vaisseaux  qui  nestoient  capables  de  soustenir  les  efforts 
de  la  mer.  Ce  sont  les  termes  de  la  délibération  : 


PUOCÈS-VERBAL    DE    LA    DÉLIBÉRATION    A    BORD    DE    «  LA    LiCORNE  ». 


Rade  de  Safi,  il  septembre  i63o. 

Ce  jourd'huy  onziesme  de  septembre  i63o,  après  avoir  assem- 
blé dans  le  vaisseau  du  Roy  nommé  «  la  Licorne  »  tous  les  capi- 
taines ik  officiers  qui  sont  sous  nostre  charge  en  la  coste  d  AlTrique, 
nous  leur  aurions  représenté  que  le  roy  de  Marroc,  nous  ayant 
ja  tenu  longtemps  en  doute  de  ses  volontés,  &  sans  avoir  fait  res- 
ponce  aux  lettres  par  nous  envoyées,  »^  que  d'ailleurs  les  esclaves 
par  nous  racheptés  à  Salé  nous  estans  à  charge,  aussi  bien  cjue  les 
navires  que  nous  avons  pris  (lesquels,  pour  estre  mal  garnis  de  ca- 
bles, ancres  &  cordages  nécessaires,  ne  sçauroient  demeurer  en 
ceste  rade,  la  saison  de  l'hyver  s'approchant,  &  lesdits  vaisseaux  ne 
se  trouvans  pas  en  estât  pour  soustenir  la  furie  de  la  mer),  il  ne 
seroil  pas  hors  de  propos  de  renvoyer  lesdites  navires  pr;s,  avec  les 
esclaves  par  nous  racheptés,  sous  la  conduite  de  sieur  Pâlot.  Sur 
quoy  lesdits  sieurs  capitaines  et  officiers  ont  avec  nous  délibéré  iS; 
arresté  que  ledit  sieur  Pâlot  (incontinent  que  le  vent  le  luy  permet- 
tra) prendra  la  route  à  la  traverse  de  France  avec  lesdits  navires 
pris,  pour  iceux  &  leurs  hommes  meiner  &  conduire  à  La  Ro- 
chelle ou  Brouage,  suivant  Tordre  6c  commandement  à  nous  fait 


RELATION    DITE     DE    JEAN     AllMAND    MUSTAPHA  32  1 

par  monseigneur  le  Cardinal.  Ce  ([uc  nous  luv  avons  enjoint,  >k 
signe  la  présente  avec  lesdits  sieurs  capitaines  à  la  rade  d'AzalTy,  le 
jour  À:  an  que  dessus. 

Le  chevalier  de  Razilly. 

Du  Challard. 

Pâlot.  &c. 


Le  douziesme  dudit  mois,  a[)rès  le  départ  des  vaisseaux  susdits, 
le  vent  d'aval  contraignit  les  autres  de  se  mettre  à  la  voile,  pour 
s'eslogner  de  la  coste,  qui  est  grandement  périlleuse.  Ce  qui  conti- 
nua jusqu'au  mardy  17.  du  mois,  qu'ils  retournèrent  en  la  rade, 
où  ils  estoient  attendus  avec  impatience.  Car  on  fist  courre  le  bruit 
de  l'arrivée  des  esclaves,  sur  ce  que  le  gouverneur  d'AzalTy  avoit  de- 
pesché  un  vaisseau  anglois  pour  en  donner  advis  au  sieur  de  Razilly 
(k  luy  rendre  les  lettres  qui  luy  estoient  envoyées  par  les  François 
détenus  esclaves  dans  Marroc.  Ce  bruit  toutesfois  fust  trouvé  faux  ; 
ce  qui  donna  occasion  audit  sieiu'  (incontinent  après  avoir  mouillé 
l'ancre),  de  détacher  une  chalouppe,  avec  commandement  à  ceux 
qui  estoient  dedans  de  prendre  terre  pour  apprendre  la  vérité.  Es- 
tans  de  retour,  ils  rapportèrent  le  contraire  de  ce  que  desja  on  leur 
avoit  fait  entendre,  de  sorte  que  monsieur  de  Razilly  trouva  bon 
d'escrire  au  gouverneur  la  lettre  suivante  : 

Lettre  de  Razilly  au  gouverneur  de  Safi. 

Il  ii/nore  les  intentions  du  Chcrif  nu  sujet  des  esclaves  français  de  Merra- 
kech.  —  Il  prie  le  Gouverneur  de  lever  son  incertitude. 

Rade  de  Sali,  septembre  i63o. 

Monsieur, 

.J'avois  appris  à  mon  retour  en  ccste  rade  que  les  esclaves  fran- 
çois  estoient  déjà  arrivés  à  AzafTy  ;  mais  les  lettres  qu'eux-mesmes 
m  ont  escrites  ik  que  j'ay  receues  par  vostre  moyen  me  rendent 
tesmoignage  du  contraire.  Je  ne  sçay  quel  jugement  je  dois  fonder 
sur  tant  d'incerlilude,  veu  mesme  que  je  n'apprends  nulles  nou- 

De   Casthies.  111.    2  1 


32  2  JUIN-NOVEMBRE    1  63o 

velles  des  intentions  de  l'Empereur  touchant  la  liberté  desdicts  es- 
claves. C'est  pourquoy  je  vous  supplie  m'esclaircir  de  lestât  de 
nos  affaires,  afin  que  je  puisse  me  disposer  au  retour,  auquel  je 
suis  plus  forcé  par  1  apparence  de  mauvais  temps  que  par  ma  pro- 
pre volonté. 

Sur  ce,  je  vous  baise  les  mains  et  suis,  &c. 


A  grand  peine  le  porteur  de  ceste  lettre  estoit-il  en  chemin,  lors- 
que le  Gouverneur  envoie  de  rechef  un  Juif  nommé  Judas  Levy 
(qui  a  charge  des  affaires  de  la  mer  ^:  et  du  commerce)  avec  com- 
mandement très-exprès  d'asseurer  monsieur  de  Razilly  des  bons 
desseins  du  roy  de  Maroc  son  maistre.  &  par  ainsy  luy  dissuader 
son  retour  en  France,  menaçant  ledit  Juif  de  luy  faire  trancher  la 
teste,  au  cas  que  la  chose  réussist  autrement.  Ce  Juif,  estant  arrivé 
dans  nos  vaisseaux,  exécuta  ponctuellement  sa  commission.  &  ren- 
dit au  sieur  de  Razilly  des  lettres  tant  du  Gouverneur  que  du  Juif 
Pallaclie  ',  principal  entremetteur  de  ceste  negotiation,  duquel  il  a 
esté  parlé  cy-dessus. 

Le  i8.  de  septembre,  monsieur  de  Razilly,  sur  les  asseurances  du 
gouverneur  d'Azaffy  &  les  protestations  de  ce  Juif  qui  luy  avoit  esté 
envoyé,  d'ailleurs  persuadé  par  les  serments  de  ces  Barbares,  qui 
apprehendoient  son  départ,  se  résolut  de  mander  au  roy  de  Mar- 
roc  la  lettre  que  Sa  Majesté  Très-Chreslienne  luy  escrivoit.  A  ces 
fins,  elle  fut  mise  &  enveloppée  dans  des  estoffes  précieuses  (comme 
c'est  la  coustume  du  pays)  \  adressée  au  gouverneur  d'Azaffy,  qui 
fist  partir  en  mesme  temps  six  chevaliers  des  principaux  de  la  ville 
pour  l'apporter  en  Cour  avec  les  cérémonies  requises  ;  tS:  par  la 
mesme  voye  ledit  sieur  de  Razilly  escrivit  pour  la  troisiesme  fois  la 
lettre  suivante  au  mesme  empereur  de  Marroc.  pensant  1  obliger 
par  ce  moyen  à  faire  response. 


Lettre   de   Razilly  a  Moulay  Abd  el-Malek. 

a  fait  partir  pour  la  France  quatre  vaisseaux  et  est  resté  à  Safi  avec 

I.    Moï*c  Pallaclie.  V.  suiiru,  jj.  3lB  et  note  i. 


KF.LATION     niTF     DE     JEAN     AHMANH     MLSTAI'llA  323 

Du  Chalard  pour  attendre  les  décisions  du  Chéri/  au  sujet  de  la  paix  à 
signer  et  du  rachat  des  captifs. 


Railo  de  SaC,  i8  septembre  i63o. 

Sire, 

J'envoye  la  lettre  du  iloy  mon  maistrc  à  Vostre  Majesté,  que 
j'eusse  souhaitté  de  porter  moy-tnesme,  pour  avoir  la  faveur  de  luy 
pouvoir  baiser  les  mains.  Mais  d'autant  que  les  ordres  que  j'ay  me 
défendent  d'abandonner  les  vaisseaux  que  j'ay  l'honneur  de  com- 
mander', je  suis  marri  que  ce  commandement  m  oste  le  moyen  de 
voir  en  ceste  occurrence  l'accomplissement  de  mes  désirs.  J'ay 
desja  renvoyé  en  France  quatre  navires  de  ceux  de  ma  flotte,  aiant 
voulu  demeurer  encore  quelques  jours  en  vostre  rade  d'Azaffy  avec 
monsieur  Du  Cliallard  seulement,  afin  d'y  attendre  la  dernière 
resolution  de  \ostre  Majesté. 

J  espère  qu'elle  aura  procuré  la  délivrance  des  esclaves  françois 
&  donné  ordre  qu'ils  soient  conduits  icy,  où  nous  les  attendons  ; 
&  ne  doute  pas  qu  elle  n  ayt  aussi  donné  pouvoir  à  quelqu'un  de 
ses  alcaïdes  pour  traicter  et  conclurre  les  articles  de  quelque 
bonne  paix,  &  recevoir  le  présent  que  le  Roy  mon  maistre  luy 
envoyé. 

Je  suis  fâché  que  la  saison  de  l'iiyver  qui  approche  me  presse 
de  m'en  retourner  sy  tost  en  France.  Mais  puisque  toutes  les  forces 
umaines  se  trouvent  trop  foibles  pour  résister  a  la  rigueur  du 
temps,  Vostre  Majesté  Impériale  me  tiendra  pour  excusé,  si,  en  la 
priant  (comme  je  fais  très-humblement),  je  la  sollicite  de  faire 
responce  à  la  lettre  du  Roy  mon  maistre.  Je  l'attendray  encore 
quelques  jours,  &  cependant  suplierai  Vostre  Majesté  me  faire  tant 
de  faveur  que  de  me  croire  &c. 


I.  Cette  interdiction  do  descendre  à  Icrrc  jjra.  Doc.  XX,  p.  lO'j).  Ellu  lui  fut  renou- 
avait  été  faite  au  clievalier  de  Razilly  afin d'é-  velée  k  très  e.\pressément  »  à  l'occasion  de  sa 
vitcr  le  retour  du  guel-apens  de  iO.!4(V. su-        mission  de  i63i.  V.  m/ra, Doc.  LUI, p. io^l. 


32 'l  .n  n-NOVEMBlilî    iCJo 

Le  jeudy  3.  d'octobre,  un  vaisseau  appartenant  à  monsieur 
Chariot'  scstant  allé  nettoyer  en  lisle  de  Mongador  (située  es  costes 
de  Hea",  province  du  royaume  de  Marroc)  &  remédier  à  une  voye 
d  eau  qui  le  faisoit  couler  à  fonds,  retourna  en  la  rade  d'Azafly.  Et 
ce  niesme  jour,  à  la  diligence  du  gouverneur  de  la  ville,  furent  ren- 
dues à  monsieur  de  Razilly  deux  lettres  de  la  part  de  Paul  Imbert', 
pilote,  et  Guiton,  tous  deux  esclaves  à  Marroc. 

Ces  lettres  \  qui  cstoient  escrites  pour  esmouvoir  à  compassion 
ledit  sieur  de  Razilly  (k  le  requérir  de  vouloir  moyenner  la  déli- 
vrance des  François  esclaves  à  ^larroc,  firent  cognoistre  clairement 
que  les  afl'aires  estoient  esloignées  de  tout  accommodement,  &  que 
les  voyes  de  la  douceur  ne  serviroient  de  rien  pour  rangera  la  rai- 
son ces  Mahometans  ennemis  de  toute  honncstetc.  Car  elles  con- 
tenoient  en  somme  que  le  Roy  ne  pensoit  rien  moins  qu'à  donner 
la  liberté  aux  esclaves  françois,  veu  memses  qu'il  les  faisoit  garder 
plus  estroilement  que  de  coustume  «S;  traiter  avec  plus  de  cruauté 
que  jamais,  &  particulièrement  ledit  Guiton,  qu'on  importunoit 
tous  les  jours  de  renoncer  au  christianisme.  Que  neantmoins,  pour 
avoir  quelque  spécieux  prétexte  afin  de  les  retenir,  on  faisoit  courir 
le  bruit  que  le  roy  de  Marroc  se  servoit  de  ces  François  comme  de 
ses  domestiques,  &  qu'à  cest  effet  il  leur  avoit  donné  quelque 
charge  ou  maistiise  dans  sa  maison  ;  ce  que  toutesfois  estoit  plein 
de  mensonge  &  de  fausseté.  Que  toutes  ces  procédures  n'estoient 
que  des  inventions  &  des  ruses,  desquelles  les  Barbares  se  ser- 
voient  malicieusement  pour  n'aigrir  pas  entièrement  le  courage  des 
François  &  les  détourner  de  faire  tout  le  mal  qu'ils  pourroient 
bien  procurer  aux  Mores,  tant  dans  leur  pays  propre  que  hors 
d'iceluY.  Que  les  principaux  ministres  et  officiers  du  royaume 
n'avoient  veine  qui  tendist  à  la  paix,  &  que  pour  ceste  considéra- 
tion (quand  bien  il  n'y  en  auroit  point  d'autres  plus  fortes)  on  ne 
se  dcssaisiroit  jamais  des  esclaves  que  par  force,  sur  la  croiance 
qu  on  avoit  que  les  François  n'y  voudroient  point  aussi  entendre 

1.  Monsieur  Chariot,  faute  d'impression  de  longues  années,  V.  supra,  p.  i68  et  no- 
pour  :  monsieur  Du  Chalard.  les  i  et  2  ;  infra,  p.  708. 

2.  Hea.  la  province  de  Halia  au  sud  do  4.  Ceslettressontàrapprochtrdecelleque 
Mogador.  les  captifs  adressèrent  de  SaG  à  Louis  XIII  le 

3.  Sur  ce  caplif  rjui  séjourna  au   Maroc  3onov.  iGSo.  V.  m/;a.  Doc.  XLM,  p.  355. 


RELATION    DITE     DE    JEAN    ARMAND    MUSTAPHA  325 

qu'à  condition  seulement  que  lesdicls  esclaves  seroient  délivrés  & 
rendus.  Que  la  crainte  ncanlmoins  les  obligeoit  à  dissimuler  accor- 
tement  leurs  pensées,  faisans  semblant  de  vouloir  condescendre  à 
quelque  traiclé.  Mais  que  c'estoit  à  dessein  de  traisner  les  aflaires 
en  longueur,  afin  que  le  mauvais  temps  venant  à  surprendre  les 
François  en  ces  costes  de  Barbarie,  ils  se  trouvassent  exposés  à  un 
évident  danger  de  se  perdre  «k  tomber  es  mains  de  leurs  ennemis. 

Le  niesme  jour'  que  ces  lettres  furent  mises  entre  les  mains  de 
monsieur  de  Razilly,  nos  gens  prindrent  un  vaisseau  appartenant  à 
un  marcliand  juif,  du  portde  deux  cens  tonneaux  ou  environ,  chargé 
de  plusieurs  denrées  qu'on  trouva  estre  à  plusieurs  Juifs  associés". 

Le  vendredy  onziesme  d'octobre,  le  mauvais  temps  &  vent  d'aval 
survenant,  la  Hotte  fust  contrainte  de  mettre  à  la  voile  pour 
s'eslever  à  la  mer,  &  ayant  longuement  essayé  de  s'esloigner  de  la 
coste,  fut  contrainte  de  mouiller  l'ancre  pour  se  pouvoir  garantir 
d'un  cap,  où  le  vent  &  le  courant  de  la  marée  l'avoient  fait  presque 
heurter.  Ainsi  les  vaisseaux  endurèrent  le  hazard  du  temps  sur  leurs 
amarres  en  très-grand  danger  de  faire  naufrage'. 

Ce  mesmejour.  ilavoit  esté  résolu  de  gagner  la  route  de  France, 
tant  pour  estie  les  affaires  hors  d'espérance  de  s'accommodei-, 
comme  aussi  pour  le  péril  qu'il  y  avoit  de  se  tenir  à  la  rade.  Mais 
les  Juifs,  désireux  de  recouvrer  le  vaisseau  qu'ils  a  voient  perdu, 
risquèrent  quelques-uns  de  leur  cabale  sur  un  petit  bateau,  lesquels 
asseurerent  effrontément  que  le  roy  de  Marroc  avoit  fait  partir  tous 
les  esclaves  dès  le  9.  du  mois  courant,  &  qu'infailliblement,  sur  leur 
testes,  ils  arriveroient  dans  AzalTy  ce  mesmejour  (qui,  comme  nous 
avons  dit,  estoit  l'onziesme)  ou  le  lendemain  matin  au  plus  tard. 

Voila  pourquoy.  le  i  -i.  du  mois,  le  sieur  commandeur  de  Razilly 
mit  derechef  à  la  voile,  voyant  continuer  le  mauvais  temps,  afin 
de  se  retirer  du  péril  où  estoient  les  vaisseaux  ;  &,  allant  d'un  bord 
sur  l'autre,  mouilla  l'ancre  fort  au  large,  résolu  d  attendre  encoie 

I .   Le  mcsme  jour,  c'cst-à-dirc  le  3  oc-  appartenait  au.\  l'allaclie.    Sur   les    coiisij- 

lobrc.  quences  de  cette  capture,  V.  infra,  liilro- 

3.   Ce  vaisseau  iHait  hollandais  ou  tout  au  duclion  critique,  p.  3qi. 
moins  naviguait  sous   pavillon    hollandais  3.   On  sait  que,   lorsque  la  saison  d'au- 

(V.  p.  342  et/"  .Série,  .\ngleterrc,  Âvisdc  tomnc  arrivait,  les  vaisseaux  ne  pouvaient. 

Paris,  lômai  1031);  maissa cargaison.com-  sans  courir  les  plus  grands  dangers,  tenir 

posée  en  parlic  de  contrebande  (V.  p.  342),  sur  la  côte  inhospitalière  du  -Maroc. 


326  .lUIX-NOVEMBRE    T  63o 

le  succès  des  nouvelles  qu'on  luy  avoit  apportées.  Mais,  nen  voyant 
point  les  efTeis,  ny  la  moindre  apparence  de  pouvoir  rien  conclure  de 
ce  qu  il  desiroil  avec  le  roy  de  Marroc  (l'esprit  duquel  estoit  préoc- 
cupé de  pensées  bien  différentes) ,  il  se  disposa  tout-à-  fait  pour  s'en  re- 
tourner en  France.  Neantmoins,  avant  que  ce  faire,  il  voulut  escrire 
tant  au  gouverneur  d'Azaffy  qu'aux  esclaves  détenus  à  Marroc, 

Par  les  lettres  escrites  au  Gouverneur,  il  se  plaignoit  du  peu  de 
fruit  qu'il  retiroit  de  son  long  &  pénible  voyage,  &  du  peu  de  satis- 
faction qu'il  remportoit  d'un  séjour  de  deux  mois  employés  à  la 
rade  d'Azaffy,  sous  espérance  de  conclurre  une  paix  honorable  au 
roy  de  Marroc  &  avantageuse  à  tous  ses  subjels.  Il  luy  remonstroit 
en  oulre  que  l'alliance  &  confédération  des  roys  de  France  ayant 
esté  tousjours  recherchée  par  les  plus  grands  princes  de  la  terre,  il 
ne  pouvoit  s'estonner  assés  du  sujet  qui  avoit  meu  le  roy  de  Mar- 
roc d'en  tenir  si  peu  de  compte;  qu'il  ne  pouvoit  toutesfois  se  per- 
suader que  ledit  roy  son  maistre  s  oublias!  jusqu'à  ce  point  que  de 
mespriser  les  sincères  intentions  de  Sa  Majesté  Très-Chrestienne, 
ou  qu  il  eust  à  desdain  son  amitié,  de  laquelle  tant  d'autres  po- 
tentats se  sentoient  favorisés  &;  protégés,  avec  non  moins  de  con- 
tentement que  de  profit  pour  leurs  peuples  ;  qu  il  croioit  plustost 
que  les  oreilles  du  Roy  auroienl  esté  prévenues  par  quelque  autre 
mauvais  conseil  totalement  contraire  au  bien  de  son  Estât,  lequel, 
estant  enfin  recognu,  luy  laisseroit  en  l'âme  le  regret  d'avoir  perdu 
une  si  belle  occasion,  qui  meritoit  mieux  d'estre  embrassée  que 
négligée.  Sur  la  fin  de  la  lettre,  il  remercioit  le  Gouverneur  sus- 
dict  de  la  peine  qu'il  avoit  prise  cy-devant  pour  faire  réussir  ceste 
negotiation,  le  priant  au  reste  de  luy  continuer  l'affection  qu'il 
avoit  tesmoignée  jusqu'à  présent,  soit  en  procurant  que  les  esclaves 
fussent  traités  avec  plus  de  douceur  &  courtoisie,  soit  en  donnant 
advis  au  Roy  son  maistre  de  tout  ce  qui  sestoit  passé  en  la  con- 
duite de  ceste  affaire  ' . 

A  ceste  lettre  le  sieur  de  Razilly  voulut  (poui'la  rendre  plus  agréable 

I.   CpUelcUrcde.  Razilh.  dontlecontcmi  Clirvalier,  on  restant  deux  mois  en  rarl(^  de 

dut  être  transmis  par  le  gouverneur  de  SaG  Safi.  Ce  fut  donc  par  duplicité  qu'il  prit  le 

à  Moulay  Abd  el-Malck,  établit  que  le  Ché-  change  dans  la  lettre  qu'il  adressa  à  Louis 

rif  était  parfaitement  au  courant  de  la  très  XIII  le  i   novembre   i63o.  V.  infra.  Doc. 

grande  patience  dont  avait  fait  preuve  le  XLV'"*,  pp.  352-354- 


RELVTION"     DITE    DE    .IKAN     AintWn     "MISTAPH^  .327 

&  persuadante)  joindre  un  présent  de  douze  pièces  fines  de  luile 
de  Cambray,  que  le  Gouverneur  récent  volontiers,  sans  faire  pour- 
tant autre  responce  que  verbale,  ayant  donné  cliarge  à  un  de  ses 
domestiques  de  remercier  en  son  nom  ledit  sieur  chevalier  de 
Ra/illy  6:  lasseurer  de  ses  parts  quil  avoit  beaucoup  de  regret  de 
ne  l'avoir  peu  servir  plus  utilement,  &  qu'en  toutes  occasions  il 
seroit  bien  aise  de  luy  pouvoir  rendre  quelque  tesmoignage  de  sa 
bonne  volonté  ;  enfin  qu'il  auroit  souvenance  de  ce  qu'il  luy 
recommandoit  par  escrit  &  tacheroit  de  faire  entendre  fidèlement 
au  Roy  les  particularités  &  circonstances  de  ceste  negotiation, 
incontinent  que  ledit  roy  son  maistre  auroit  quitté  le  soin  de  ses 
nopces  pour  reprendre  le  train  de  la  police  &  administration  des 
affaires  du  royaume,  lesquelles  il  semljloit  avoir  mis  tout  à  lait  en 
oubli  pour  donner  toute  l'attention  de  son  esprit  aux  dances,  fes- 
tins &  resjouissances  qui  ont  accoustumé  de  suivre  les  solennités 
d'un  royal  mariage'. 

La  lettre  escrite  aux  esclaves  conlenoit  le  motif  du  partement 
des  vaisseaux  françois  des  cosles  d'Affrique  pour  s'en  retourner 
en  France,  avec  le  desplaisir  extrême  que  tesmoignoit  avoir  ledit 
sieur  de  Razilly,  ne  pouvant  ceste  fois  remettre  en  lil)erté  les 
esclaves  susdicls:  qu'il  avoit  désiré  ceste  délivrance  avec  une  très- 
grande  passion,  6[  que  cesie  seule  considération  l'avoit  retenu  à  la 
rade  d'Azaffy  près  de  deux  mois',  non  sans  beaucoup  de  dangers, 
&  contre  toutes  les  raisons  &  expériences  de  la  marine.  Et,  puisque 
le  mauvais  temps  le  conlraignoit  de  desloger  sans  avoir  l'accom- 
plissement de  ses  souhaits,  il  les  exhortoità  la  patience  ik  à  la  cons- 
tance: à  la  patience,  afin  de  souffrir,  sans  murmurer  contre  les 
décrets  du  Ciel,  les  incommodités  de  leuresclavage  ;  à  la  constance, 
afin  (pie.  par  le  moven  de  ceste  vertu,  ils  demeurassent  fermes  & 
résolus  en  la  religion  catholique,  sans  que  la  crainte  des  tourments 
ou  la  douceur  des  promesses  esbranlassent  aucunement  leur  foy  & 
leur  fissent  faire  banqueroute  à  leur  croyance.  Il  les  exhortoit  en 
outre  de  mettre  leui'  [)rincipale  confiance  en  Dieu   &  de  chercher 

I.    Sur   11'   mariage  de   Moulay   .\bcl  cl-  l)or.  I,.  jip,  .'i8'^-388. 
Malckavcc  iino  fillo  de  la  tribu  de*;  ChebAna  a.    Kxactetneiit,  tlopuis  lo  .3i  aoi'it.  flalf  de 

et  sur  les  orgies  et  les  cruautés  auxquelles  l'arrivée  de  lla^illy  devant  SalUV.  ci-dessus. 

leCliérir  se  livra  à  celle  occasion,  V.  infra,  p.  3  iG),  jusqu'au  i  i  ocl..  date  de  son  départ. 


SaS  .iLiN->ovEMBnE  i63n 

le  remède  de  leurs  afflictions  dans  1  assiduité  des  prières,  où  ils  pour- 
roient  trouver  beaucoup  de  consolation  pour  y  destremper  le  fiel 
de  leurs  amertumes.  Pour  toute  conclusion,  il  leur  donnoit  des 
asseurances  de  son  brief  retour  &  leur  promettoit  de  moyenner 
de  gré  ou  par  force  leur  délivrance. 

Cecy  estant  fait,  et  le  parlement  des  vaisseaux  ne  pouvant  estre 
différé  davantage,  le  sieur  de  Razilly  assembla  le  Conseil,  où  d'un 
commun  consentement  fust  délibéré  de  quitter  les  costes  d'Affrique, 
un  plus  long  séjour  ne  pouvant  estre  de  là  en  avant  que  trop  bazar- 
deux  &  préjudiciable.  La  resolution  estant  prise,  on  trouva  bon  de 
la  rédiger  par  escrit,  ce  qui  fust  fait  de  la  sorte  : 

Procès-vehbal  de  la  delibehatiox  a  bord  de  «  LA  Licorne  » 

Rade  do  Safi,   12  octobre  i63o. 

Ccjourd'liuy  12.  jour  du  mois  d'octobre  i63o,  le  cbevalier  de 
Razilly,  premier  capitaine  de  ladmirauté  de  France,  chef  d'escadre 
&c.,  en  présence  des  Révérends  Pères  capucins  à  ce  appelles,  a  fait 
assembler  le  conseil  de  marine,  afin  d'adviser  conjoinctement  avec 
monsieur  Du  Challard,  vice-admiral  de  la  ilolte  susdicte,  ensemble 
les  officiers  d'icelle,  à  ce  qui  seroit  nécessaire  pour  le  service  du 
Roy  ou  accomplissement  des  ordres  prescrits  par  monseigneur  le 
cardinal  de  Richelieu.  Où  il  a  esté  représenté  qu'il  y  avoit  jà  long 
temps  que  la  (lotte  susdicte  estoit  arrivée  es  costes  d'Affrique  & 
rade  de  la  ville  d'Azaffy,  d  où  il  avoit  esté  escrit  plusieurs  fois  au 
roy  de  Marroc,  auquel  mesme  avoit  esté  envoyée  la  depesche  de  Sa 
Majesté  Très-Chres tienne,  sans  toutesfols  avoir  receu  responce 
depuis  deux  mois  &  demy  '  en  ça  qui  s'estoient  inutilement  escoulés. 
Pour  ces  considérations  susdicles  ik  pour  ce  que  d  ailleurs  les  exces- 
sives tourmentes  (causées  par  les  vents  qui  maistrisent  ordinaire- 
ment ces  costes  dès  le  commencement  d'octobre  &  feste  de  sainct 
François)  rendent  la  demeure  que  les  vaisseaux  y  font  pleine  de 
danger  &  de  bazard,  il  a   esté  résolu  d'un  commun  accord  audit 

I.  Il  y  avait  en  réalité  deux  mois  à  Pallot  une  lettre  pour  le  Cliérif  et  une 
peine  (i5  aoùt-iî  octobre)  que  IJazilly  pour  le  gouverneur  de  ce  port.  \.  supra, 
avait   fait   porter   à    Safi   par   le  capitaine        pp.  3io-3i3. 


RELATION"     DITE     DE     JEAN     AHMXNT)     AH'STAPHA  •^9.Çf 

consfil  que,  le  vont  d'avalsiirvciianl.  les  \ aisseaux levoronl  lesancres 
pour  seslever  à  la  mer.  »k,  faisant  la  route  à  la  traverse  de  France, 
tacheront  de  gagner  en  toute  seureté  leur  rendés-Aous,  qui  sera  à 
La  Rochelle  ou  à  Brouage. 

Fait  à  la  rade  d "AzalTy  le  jour  >S:  an  que  dessus. 

Signés  :  le  chevalier  de  Razilly  &  Du  Challard. 

Et  le  mesme  jour  desdits  mois  &  an,  le  \-ent  d'aA'al  estant  sur- 
venu, avons  (suivant  l'advis  &  resolution  ey-dessus  mentionnée) 
mis  les  voiles  au  vent  pour  faire  nostrc  route  en  France  &  afin 
d'éviter  la  [lerte  des  vaisseaux.  Lesquelles  choses  nous  avons  jugé  à 
propos  pour  le  service  du  Roy  &  accomplissement  des  ordres  de 
mondit  seigneur  le  Cardinal  &c. 


Nos  vaisseaux  donc,  ayanslevé  lesancres  le  i  a.  du  mois  d'octobre, 
furent  accompagnés  d'un  vent  si  favorable  que  le  dernier  jour  d'oc- 
tobre monsieur  de  Razilly  se  trouva  à  la  veue  de  Belle-Isle,  située 
es  costes  de  la  Bretagne,  à  six  lieues  du  rivage,  &  esloignée  de 
Ilennebont  ik  de  Kimperlé  environ  dix  lieues. 

Sur  le  soir  du  mesme  jour  survint  une  tempeste  qui  dura  bien 
/l8  heures,  après  lesquelles,  la  mer  s'cstant  rappaisée,  nos  gens 
recogneurent  pleinement  l'isle  susdicte,  près  de  laquelle  ils  décou- 
vrirent une  patacbc  de  S.  Sebastien  armée  en  guerre,  qui  donnoit 
la  chasse  à  (|uelques  navires  marcliands,  lesquels  par  bonheur  se 
sauvèrent  sons  le  pavillon  de  Sa  Majesté. 

Ledit  sieurde  Razillv,  après  s'estre  un  peu  rafraichy  à  Belle-Isle, 
eu  pailit  le  >.■').  (le  no\  ('iid)r('.  \  le  mesme  )()nrallii  mouiller  l'ancre 
en  la  rade  de  l'isle  de  Ré,  d  oii  il  deslogea  h^  20.  du  mesme  mois 
pour  gaigner  lirouage,  suyvanl  le  commandemeul  qu'il  eu  avoit 
de  Sa  Majesté  &  l'ordre;  receu  de  monseigneur  le  Cardinal,  afin  de 
rendre  lidellemeiit  compte  de  sa  navigation,  en  laquelle  il  avoit 
employé  cinc|  mois,  sçavoir  despuis  h-  ao.  de  juui  [usepiau  :>.h. 
de   nnvemhi'c. 

Voila  succinctement,  Amy  Lecteui'.  le  récit  véritable  de  ce 
voyage,  suyvaut  le  meninii-e  de  monsieur  de   Razilly  cpii   m'a  esté 


,Srio  .ujiN-NovKMBRr:    i  6.S0 

mis  en  main,  liien  que  non  pas  avec  l'ordre  que  je  luv  ay  donné 
pour  ta  satisfaction  particulière.  Je  t'asseure  que  la  nature  des 
choses,  la  vérité  des  occurrences,  ny  les  circonstances  des  traictés 
qui  s'en  sont  ensuyvis  n'ont  receu  par  mon  moyen  aucune 
sorte  d'altération.  Les  paroles  seules  y  ont  acquis  tant  soit  peu  de 
changement,  m'estant  elTorcé  de  te  les  présenter  avec  autant  de 
politesse  que  mon  esprit  et  le  subjet  l'ont  peu  permettre.  J'ay 
retranché  de  cette  narration  beaucoup  de  missives,  afin  qu'au  lieu 
d'un  voyage,  tu  n'eusses  point  occasion  de  prendre  ce  livre  pour 
un  recueil  de  lettres.  Tu  ne  le  doibs  estimer  pourtant  moins 
entier,  pour  ce  que,  si  j'ai  osté  aux  lettres  leur-  forme,  je  ne 
t'ay  pas  au  moins  desrobé  leur  matière.  En  un  mot,  tu  y  rencon- 
treras la  mesme  cstolTe  sans  fard  ^;  sans  déguisement,  n'y  ayant 
que  la  phrase  &  la  liaison  de  la  pièce  ijui  soient  un  peu  diffé- 
rentes de  l'original.  A  quoy  je  n'eusse  nullement  touché,  si  je 
n  eusse  creu  en  mesme  temps  le  faiic  plaisir  tS:  contenter  la  curiosité, 
passant  la  lime  par  dessus  un  ouvrage  qui.  pour  avoir  esté  conceu 
au  milieu  des  flots  (s'il  faut  ainsi  parler)  pour  servir  seulement  de 
journal,  n'avoit  peu  atteindre  la  perfection  requise,  celuy  sous  la 
sage  conduite  duquel  ce  voyage  a  esté  entrepris  s'estaul  voulu 
monstrer  plus  soigneux  de  bien  faire  que  de  parler  avec  élégance'. 

Or,  d'autant  que  les  autres  voyages  donnés  au  public  par  les  au- 
theurs  d'iceux,  outre  les  exploits  et  avantures  des  entrepreneurs, 
comprenant  encore  les  descriptions  des  lieux,  tant  en  gênerai  qu'en 
particulier,  les  plus  remarquables  singularités  qu'on  y  découvre, 
les  façons  de  faire  des  habitans  »S:  leur  religion,  les  commodités 
&  incommodités  du  pays,  et  que  neantmoins  il  n'y  a  rien  de  sem- 
blable en  celui-cy,  j'ay  pensé  qu'en  siqîpleant  à  ce  défaut  par  mon 
propre  labeur,  je  pourrois  obliger  les  esprits  curieux  qu'un  louable 
desirdesçavoirce  qu'il  y  a  de  beau  &  de  remarquable  hors  de  leur  pa- 
trie incite  à  mettre  quelque  heure  de  loysir  en  la  lecture  des  livres. 
Geste  raison  seule  ma  donné  la  volonté  de  joindre  à  la  [)recedenlc 
narration  un  traicté  sommaire  »S;  raccourcv  des  roiaumes  de  Fez  iN; 

I.  Celti'  phnisr  inili(|iic  cl.iircmoiit  que  telle  qu'elle  fut  publiée,  a  du  moins  été  com- 
la  licliUlou.  si  elle  n'a  pas  été  rédigée  parle  posée  avec  son  journal  et  ses  documents, 
elievalier  de  Itaïillj- «  au  milieu  des  llots)).  Cf.  supra,  p.  3o^,  note  i. 


RELATION     niTE     DE    JEAN    ARMAND     MUSTAPHA 


33 1 


de  Marroc  (principales  portions  de  1  Afrique)  le  plus  méthodique- 
ment qu'il  me  sera  possible  ;  espérant  qu'il  ne  fournira  pas  peu  de 
lumière,  tant  pour  l'intelligence  de  ce  voyage  dernier  que  les  Fran- 
çois y  ont  fait,  comme  de  ceux  qu'on  prétend  y  faire  à  l'advenir. 
Ceux  qui  sont  sçavans  en  la  géographie,  s'ils  n  y  peuvent  rien  ap- 
prendre de  nouveau,  à  tout  le  moins  y  trouveront-ils  de  quoy  for- 
tifier iS:  affermir  leur  mémoire,  on  relisant  les  noms  des  lieux  des- 
quels ils  ont  dcsja  cognoissance  ;  À:  les  autres  y  rencontreront  par 
avanture  quelque  remarque  pour  leur  instruction  ou  pour  leur 
contentement. 

Geste  pièce  doit  quelque  chose  aux  observations  d'Armand  Mus- 
tapha, Turc  de  nation,  cpii  pour  avoir  veu  &  hanté  longtemps  parmy 
les  Mores,  ik  pour  estre  encore  plein  de  vie,  faisant  profession 
de  la  religion  catholique  ik  enseignant  dans  ceste  ville  de  Paris  les 
langues  estrangeres,  peut,  comme  tesmoing  oculaire,  rendre  raison 
d'une  partie  de  ce  qui  s'y  trouvera  couché  par  esci'it.  Je  ne  nieray 
pas  toutesfois  que  les  liArcs  ».V  les  autheurs,  tant  anciens  que  mo- 
dernes, n'aienl  contribué  d'a\antage  à  ce  mesme  dessein,  ainsi  que 
tout  homme  d'entendement  pourra  voir,  s'il  veut  prendre  la  peine 
de  jetter  les  yeux  sur  ce  petit  ouvrage  \  le  lire  avec  attention.  Ve- 
nons donc  maintenant  au  point,  ik.  sans  nous  amuser  à  faire  de 
longues  préfaces,  commençons  de  traiter  ce  que  nous  avons  entre- 
pris. 


Quittant  La  MaiTiore  (après  avoir  fait  quatre  lieues  de  chemin  le 
long  de  la  cosie),  on  rencontre  la  ville  de  iSalé',  retenant  encore  le 
nom  ancien  Sala,  que  Ptolemée  &   Pline  luy  donnent.   Elle  est  à 

I.   Il  n<^  somblepas  (|ii'.\rman(l  Mustapha  I'.  Dax,  llisl.  de  Barbarie  ettlcses  corsaires, 

ait  connu  (lu  .Maroc  autre  chose  que  la  ville  pp.   I'j8-i8i   de  l'cd.  princeps.   Il   a  paru 

(le  Sal('' ;  c'est  p(jurquoi  on  a  jug(''  itnilile  de  inutile  de  donner  des  extraits  de  ce  dernier 

reproduire  la  description  g(jographiquc  des  ouvrage  rpii,    pour  le  Maroc,  n'est  pas  une 

autres  parties  du  Maroc  que  l'ouvrage  donne  source  originale. 

d'après  les  auteurs  du  temps.  Cette descrip-  2.   Salé-lc- Vieil.  La  distance  r(^elle(le  l'jl- 

tion   de  Salé  se  retrouve  en  partie  dans  \i-  Mamora  à  Sali!-le-\ieil  est  de  v.7  kilomètres. 


332  JUIN-NOVEMBRK    t63o 

l'emboucheure  du  fleuve  Buragrag  (nommé  dans  le  mesme  Ptole- 
mée  Sala),  ayant  à  l'opposite,  de  l'autre  costé  de  la  rivière,  la  cité 
de  Rabat,  de  laquelle  elle  peut  estre  esloignée  d'un  quart  de  lieue. 
Il  Y  a  encore  en  ce  mesme  endroit  sur  la  rivière  de  Buragrag  (que 
Mercator  appelle  Rabata)  une  autre  ville  nommée  Sela  ou  Sella  ', 
mais  elle  est  loin  de  la  mer  environ  demie  lieue. 

Quant  à  la  ville  de  Salé,  de  laquelle  il  a  esté  fait  mention  cy-des- 
sus,  il  faut  quelle  soit  fort  ancienne,  puisque  Ptolemée  &  Pline 
parlent  d'icelle.  jNeantmoins.  ayant  esté  ruinée  par  l'injure  du 
temps  ».V;  longueur  des  années,  Abdelrezzac  ',  fils  d  Abdala,  roy  de 
Fez  et  Marroc,  la  fist  rebastir  et  y  apporta  la  meilleure  partie  de  ses 
trésors,  suivant  la  maxime  des  Mahomctans,  qui  font  magazin  d'or 
&  d'argent  en  ce  monde,  croyans  qu'il  doive  leur  servir  en  l'autre. 
Maintenant  \  ceste  ville  ne  recognoist  les  roys  de  Marroc  que  par 
forme  d'acquit,  depuis  que  les  Andalous  ou  Mores  de  Grenade, 
chassés  il  n'y  a  pas  trop  longtemps  d'Espagne'  s'en  sont  rendus 
maistres.  Le  roy  Abdelrezzac  leur  avoit  permis  de  s'y  habituer, 
mais  eux  ingrats,  après  tant  de  bien  receu,  se  sont  soustraits  peu  à 
peu  de  l'obéissance  qu  ils  dévoient  à  leur  prince  légitime,  &  au  mi- 
lieu de  la  monarchie  ont  jette  les  fondements  d'une  petite  republi- 
que". Pour  cest  effet  ils  ont  establi  leur  Divan,  qui  est  comme  la 
maison  de  ville  destinée  pour  tenir  le  conseil  &  faire  les  assemblées 
toutes  et  quantes  fois  que  l'occasion  le  requiert.  Les  chefs  de  ce  con- 
seil sont  les  personnes  les  plus  qualifiées  de  la  ville,  c'est  à  sçavoir 


I.   Sella,  ChcUa.  Celle  ville  appelée  par  qu'il  soil  possible,   en   l'absence  de  toute 

Marmol  Mcnçala  est  la  plus  ancienne  des  date,   de  rétablir  quel  est  le  souverain  du 

cités  fondées  à  l'embouchure  de  l'oued  Bou  Maroc  qu'il  appelle  Abdelrezzac.  Il  scmbli' 

Hegrag  ;   elle  fut  abandonnée  en  Ii54,  au  d'après  les  faits  rapportés  qu'il  s'agisse  de 

temps  de  la  dynastie  des  Edricidcs,  pour  Moulay  Abd  el-.\lakk  bon  Zidàn.  Cf.  D.vn, 

l'omplucement  de  Salé.  Chella  retrouva  un  éd.   1687,  p.   17.5. 

moment  de  prospérité  sous  la  dynastie  des  3.   L'auteurcorameticiuneerreurdanssa 

Boni  Ml  rin  qui  la  choisiront  comme  le  lieu  description  :  tout  ce  qui  suit  se  rapporte  non 

de  leur  sépulture.    Cf.    Godard,   p.   /i5  ;  à  Salé-le-\  ieil  mais  à  Salé-le-Neuf  (Rbat). 

Castellasos,  Hist.  de  Marruecos,  p.  log  ;  V.  supra,  Inlrod.  crit.,  p.  193,  note  !i. 

BuDGETT  -Meakin,  Thc  Lonil  of  Ihe  Moors.  !i.   L'auteur   fait  allusion  à  la  dernière 

pp.  176-177  ;  Marmol  t.  II,  f.  77  ;  Abd  el-  expulsion  des  Moriscos  qui  avait  eu  lieu  en 

Halim,  Roudh  el-Kartas.  1610. 

1.    I.cs   connaissances   historiques  d'.\r-  5.   Sur    l'origine    de   la   République  de 

m;nid  Mustapha  sont  trop  peu  précises  pour  Salé,  \  .  Introduction  critique,  p.  187. 


RELATION     DITE     DE    JEAN     ARMAND     MUSTAPHA 


333 


le  Marabout,  qui  esl  le  chef  de  leur  loy,  le  Moula,  qui  est  comme 
son  vicaire.  l'Admirai  de  la  ville,  le  Gouverneur  du  fort,  cl  le 
Clieik,  qui  est  comme  le  prestre  de  leur  loy.  Sans  ceux-là  il  ne 
se  peut  conduire  ou  expédier  la  moindre  alfaire  qui  se  présente. 

Ces  rebelles  de  Salé,  craignans  un  jour  d'eslre  chastiés  par  leur 
prince,  ont  fait  fortifier  la  ville  de  telle  sorte  qu'il  sera  bien  mal- 
aise d'ores-en-avant  au  roy  de  Marroc  de  la  remettre  sous  son  obéis- 
sance. Le  havre  d'icelle  a  esté  d'autres  fois  comme  une  esclicUe  de 
marchands  anglois,  flamands,  hollandois  &  autres.  Depuis  que 
les  navires  sont  dans  ledit  havre,  ils  demeurent  sur  le  fer  '  en  loulc 
asseurance  :  mais  l'entrée  d'iceluy.  estant  tout  parsemé  de  sable 
1^;  de  quantité  de  petits  escueils,  elle  ne  peut  estre  que  fort  mal- 
aisée. Aussi  l'orage  y  est  parfois  si  grand  que  les  vaisseaux  sont 
contraints  huict,  voire  quinze  jouis,  avant  (juc  pou^oir  rencontrer 
la  commodité  du  passage. 

Il  y  a  une  forte  tour  pour  défendre  lentrée  du  havre,  nommée 
Felcacre,  que  les  Andalous  ont  fait  bastir,  6c  l'ont  garnie  de  bonnes 
pièces  de  fonte  qu'ils  ont  eues  des  Hollandois. 

La  forteresse  oii  demeure  l'alcaïde  (c'est-à-dire  le  gouverneur) 
est  aussi  très-bien  pourveue.  C  estoit  au  temps  passé  le  serrail,  oîi 
les  rois  de  Marroc  tenoient  huict  cens  concubines,  sous  la  garde  des 
eunuques,  nommés  en  leur  langue  abd  khassi^ 

Ija  chapelle  où  le  marabout  fait  sa  résidence  est  à  un  demy  quart 
de  lieue  de  la  ville,  sur  le  bord  de  la  mer.  Ce  marabout  jouist  du 
territoire  qui  est  tout  à  1  entour.  du  revenu  duquel  il  s'entretient 
avec  quinze  ou  seize  religieux,  qui  ordinairement  luy  tiennent 
compagnie. 

Joignant  la  cha])elle  dudil  marabout,  se  void  un  bastion  nommé 
Haytan,  gardé  par  quelques  soldats  «S:  muiiy  de  quelques  pièces 
d'artillerie. 

Non  loing  de  ces  lieux,  on  trouve  un  beau  parc  entouré  de  mu- 
railles qui  occupent  trois  lieues  de  circuit.  Abdelrezzac  avoit  eu 
dessein  d'en  faire  un  païadis  terrestre  pour  y  finir  le  reste  de  ses 

1.  Sur  le  fer,  c'est-à-dire:  sur  leurs  an-  Iré.  —  Les  eunuques  sont  rares  dans  les  se 
crcs.  V,  Jal,  Glossaire  nautique.  rails  chériCcns  dont  le  service  et  la  garde 

-  -  sont  presque  toujours  assurés  par  des  fcm- 

2.  Abd  kUssi  ^o^  J.C.    Esclave  cl.i-         „^^    y    ,„y^„    ^    ^^^^  „^^^  ^ 


33'|  JUIN-NOVEMBUE    1  63o 

jours  en  lepos  ik  tranquillité  :  mais  aiant  esté  adverti  que  la  sultane 
Hayque  avoit  esté  veue  se  jouant  avec  trop  de  privauté  à  un  eunu- 
que, il  en  conceut  un  tel  dépit  qu'il  commanda  sur  l'heure  qu'on 
discontinuas!  le  travail  commencé,  au  lieu  duquel  il  se  misl  en 
teste  de  l'aire  bastir  une  superbe  mosquée  dans  Marroc.  Ce  qu'il 
exécuta  peu  après. 

On  peut  encore  voir  dans  ladicte  ville  de  Salé  les  ruines  d'un 
très-beau  palais,  qu'on  croit  avoir  esté  le  lieu  de  la  sepullui'c  des 
rois  de  Marroc  &  des  princes  de  leur  sang.  C'a  esté  sans  doute  un 
somptueux  bastiment,  comme  on  le  peut  juger  par  les  colomnes  de 
marbre  qu'on  en  lire  tous  les  jours. 

De  1  autre  costé  de  la  ville  y  a  un  Ajrl  chasteau  qui  la  commande, 
nommé  Caretane',  &  une  lour  appelée  Ladallan^.  Au  pied  d'icelle 
habitent  des  Arabes,  en  un  lien  dit  Raval  ou  Rabat''.  Ces  Arabes 
sont  ordinairement  en  mauvaise  intelligence  avec  leurs  voisins, 
pource  qu'estant  fidèles  à  leur  roy,  ils  refusent  de  prester  obéis- 
sance aux  rebelles  de  Salé.  A  la  vérité  l'empereur  de  Marroc  qui 
règne  à  présent  a  fait  ses  efforts  pour  recouvrer  Salé,  mais  les 
armées  qu  ila  envoyées  pour  cestefPect  n'ont  pas  beaucoup  avancé  ; 
de  sorte  que,  voiant  la  force  inutile,  il  s'est  voulu  servir  des  Ai'a- 
bes  de  Rabat,  lesquels  par  finesse  cuiderent  surprendre  la  ville  ces 
années  passées.  Car,  tandisque  les  Grenadins  esloient  occupés 
dans  les  mosquées  à  célébrer  leur  Kayran  '  en  mémoire  du  sacrifice 
d' Abraham,  les  Arabes,  prenans  l'occasion  au  poil,  entrèrent  en 
troupe  dans  Salé,  cuidans  facilement  s'en  rendre  les  maistres.  Or  il 
faut  remai  quer  que  ny  les  femmes  ny  ceux  qui  ont  quelque  ulcère 
sur  leui-  corps  n'assistent  point  à  ces  solennités  &  ne  vont  point 
au  monsalla"  (qui  est  le  lieu  destiné  pour  les  prières).  Les  femmes 
n'y  vont  point,  pour  ne  servir  aux  hommes  d'un  subjet  de  tenta- 

1.  Carelane.  Mot  défiguré  parunetrans-  4-  Kayran  ;  il  faut  restituer  :  Beiram,  la 
criplion  défectueuse  et  qu'il  est  difficile  de        Pàque  musulmane. 

restituer.  ::  '     > 

2.  Ladaltan.  Probablement:  El  Hassan,  3.  Monsalla.   mosalla  J.^  ,  enclos  gé- 

3.  Les  Espagnols  désignaient  souvent  la  néralement  en  dehors  de  la  ville,  dans  le- 
ville  de  Rbat  parles  noms  de:  flouai,  £rrauaZ.  quel  la  prière  se  fait  en  plein  air,  aux 
De  là  une  tendance  5  regarder  Rbat  comme  jours  de  grandes  solennités  où  la  mosquée 

un  faubourg  (en  espagnol  ;  Arrabal)  de  Salé.      serait    insuffisante   pour    contenir    les    fi- 
I.p  ['.  Dan  reproduit  cette  erreur.  V.  Da.n.       dèles. 


RELATION     DITE    DE    JEAN     ARMAND     MUSTAPHA 


33- 


tion  <5c  n'empesclicr  Icffct  de  leurs  prières  :  d  autant  (|iu'  c'est  une 
maxime  parmy  ceux  de  ccste  nation  que.  si  à  un  tel  jour  un  liomme 
avoit  regardé  le  visage  de  quelle  femme  que  ce  fust  au  temps  de 
l'oraison,  il  screndroitàlinstant  criminel  &  indigne  d'estre  exaucé 
en  ses  demandes.  Quant  aux  autres,  ils  croient  que  la  saleté  »&les 
immondicités  de  leurs  corps  apporteroient  quelque  pollution  aux 
lieux  sacrés.  Voila  pourquoy  ils  aiment  mieux  se  tenir  cliés  eux, 
pour  ne  point  profaner  par  leur  présence  ce  qu'ils  estiment  plein 
de  saincteté. 

Les  Arabes  doncques  de  Habat  estans  deuement  informés  de 
toutes  ces  façons  de  faire  (à  l'iieure  que  ceux  de  Salé  cstoient  dans 
le  monsalla  comme  nous  avons  dit)  se  mirent  en  debvoir  d'entrer 
dans  les  maisons  des  babitans,  jugeans  probablement  que,  n'y  ayant 
alors  que  des  femmes  seules,  ils  n'y  trouveroient  pas  grande  ré- 
sistance. >S:  que.  sans  beaucoup  de  peine,  ils  se  pourroient  saisir 
des  armes  tant  oircnsives  que  défensives,  &  tenir  bon  là  dedans 
jusques  à  l'arrivée  du  secours  tpie  le  roy  de  Marroc  leur  dt'voit 
envoyer.  Toutesfois,  ceste  entreprise  réussit  mal.  Car.  soit  qu'on  se 
doutast  de  quelque  traliison.  ou  bien  que  ce  fust  la  coustuinc  en 
telles  occasions,  on  avoit  fermé  les  maisons.  De  façon  que,  pour 
y  entrer  et  exécuter  leur  dessein,  les  Arabes  furent  contraints  d'user 
de  violence  en  enfonçant  les  portes.  Le  bruit  qu'ils  faisoient  obli- 
gea les  femmes  à  prendre  les  armes  pour  la  defence  de  leurs  vies 
et  de  leurs  biens.  Et,  cependant  qu'elles  faisoient  courageusement 
résistance,  un  Grenadin,  qu'une  fistule  lacbrimale  '  dont  il  estoit 
incommodé  en  1  une  de  ses  jambes  avoit  retenu  dans  son  logis, 
cust  soupçon  de  ce  qui  estoit  arrivé.  Voila  pourquoy,  mettant  la 
teste  à  la  fenestre.  il  se  mit  à  crier  par  trois  fois  :  Alla  lieber".  & 
autres  paroles  accoustumées  en  semblables  accidens,  lesquelles  ont 
parmy  les  Mores  autant  d'efficace  que  le  son  des  cloclies  ou  le  toc- 
sin parmy  les  Cbrestiens.  Ces  paroles  (recueillies  par  les  voisins 
de  celuy  qui  les  profera  le  premier)  ayans  couru  de  main  en  main, 
arrivèrent  jusques  aux  oreilles  de  ceux  qui  estoient  occupés  à  la  de- 


I.   Il  semble  difficile  d'admettre  que  Jean        cette  grossière  erreur. 
.\rmand  Mustapha  qualifié  «  chirurgien  de  ^ 

Mfc-r  le  comte  de  Soisson,»  ait  pu  commettre  ''■   •'*""  ^''^"'  P»'""  '■  ■^""''  "l^''"'' Jp  '  ■Ul 


336  .lUIN-NOVEMBRE     l63() 

volioii,  laquelle  lut  interrompue  pour  ce  coup,  les  Grenadins  sor- 
tant vistcment  du  monsalla,  affin  de  pourvoir  au  desordre  &  à  las- 
seurance  de  leur  république.  Ce  qu'ils  firent  avec  tant  de  diligence 
ik  de  promptitude  qu'en  moins  de  rien  tout  ce  tumulte  Tust  ap- 
paisé  &  les  ennemis  repoussés  avec  perle  &  dommage.  Depuis  ce 
temps,  les  Arabes  de  Rabat  n'ont  point  l'entrée  libre  dans  Salé, 
d'où  vient  la  grande  inimitié  qui  est  entre  ces  deux  villes  voisines, 
lesquelles  ne  s'espai'gnent  nullement,  toutes  et  quantes  fois  que 
l'une  peut  avoir  quelque  avantage  sur  l'autre. 

Pour  conclusion,  ceste  ville  de  Salé  est  bastie  en  un  lieu  fort 
commode  pour  le  tralïic,  de  sorte  que  d'autres  fois  elle  a  servy 
d'esclielle  aux  marcbands  genevois,  vénitiens,  anglois,  llamands, 
qui  abordoient  tous  les  ans  audit  lieu.  Le  terroir  de  ceste  ville 
est  fort  sablonneux,  mais  remply  de  beaux  jardinages  &  peuplé 
d'arbres  portans  quantité  de  collon  '.  duquel  on  fait  des  toiles  bien 
déliées. 


BiblioUiècjue  Nationale. — Imprimés,  0'/ .  —  Voyages  dAfricque...  où 
sont  contenues  les  navigations  des  Français  entreprises  en  1629  &  1630... 
Paris.  Uy.}-2\ 

1.  Ce  détail  inexact  est  emprunté  à  Mar-  pays.  Le  tout  illustré  de  curieuses  obserenlions 
MOL.  Cf.  Lit).  l\  ,  cap.  XIV.  par  Jean  .Armand,   Turc  de  nation,    Cliirur- 

2.  Le  litre  complet  de  l'ouvrage  est  :  yien  de  Monseigneur  le  Comte  de  Soissons. — 
Voyages  d'Afrique  faicts  par  le  commande-  A  Paris,  che:  Nicolas  Traboulliet,  au  Palais, 
ment  du  Roy,  où  sont  contenues  les  navigations  en  la  galerie  des  Libraires.  M.  D  C.  XXXI. 
des  François  entreprises  en  162g  et  i63o  Avec  privilège  du  Roy.  —  Le  privilège  est 
soubz  la  conduite  de  monsieur  le  commandeur  daté  du  5  septembre  i63i.  — On  trouve 
de  Razillyes  castes  occidentales  des  royaumes  d'autres  exemplaires  portant  les  millésimes 
de  Fez  <f-  de  Marroc,  le  traicté  de  paix  faict  de  lôSa  et  de  i633.  Ils  sont  identiques  aux 
avec  les  habitons  de  Salé  ^  la  délivrance  de  premiers;  il  n'y  a  que  la  date  de  changée, 
plusieurs  esclaves  Jrançois.  Ensemble  la  des-  et  la  mention  Chirurgien  de  Monseigneur  le 
criptioiidessusdits  royaumes,  villes,  coustumes.  Comte  </e  Soùsons  est  remplacée  par:  lequel 
religion,  mœurs  ^-  commodité:  de  ceux  dadit  a  eu  employ  auxdits  voyages. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  33"] 


XLIV 

HISTOIRE  DE  LA  MISSION  DES  PP.  CAPUCIINS  AU  MAROC 
(juin-novembre  i63o.) 

Quatrième  voyage  de  RaziHy  au  Maroc. 

Le  troisiesme  voyage  de  Maroque  en  Afrique  '. 

i63o. 


Le  narré  de  cet  embarquement  \  dans  lequel  on  remarque  plu- 
sieurs incidens  qui  en  empêchèrent  l'issue  &  la  rendirent  peu  heu- 
reuse, servent  d'une  conviction  puissante  à  la  foiblesse  humaine  & 
à  la  vérité  de  ma  proposition.  Sitôt  que  monsieur  le  Commandeur 
eut  mouillé  en  Bretagne^,  il  partit  pour  se  rendre  à  la  Cour,  afin  de 
iaire  entendre  au  Roy  &  à  son  Conseil  l'issue  de  son  voyage.  Là  il 
informa  pleinement  le  R.  P.  Joseph  du  décès  des  RR.  PP.  Pierre 
d'Alençon  &  Michel  de  Vezins.  Cette  nouvelle  le  toucha  jusques  au 
vif,  &  luy  tira  des  larmes  très-ameres. 

Et  [il]  résolut,  puisque  ces  deux  bons  Pères  avoient  efectivement 
sacrifié  leur  vie  pour  le  service  des  captifs,  de  n'épargner  aussi  ses 
soins  &  le  peu  de  crédit  qu  il  avoil  pour  les  faire  tirer  d'esclavage. 

1.  Le  troisième  voyage  du  récit  dti  P.        voyage  de  1629. 

François  d'Angers,  mais  en  n'alité  le  qua-  3.  On  se    rappelle   qu'à   son  retour,    le 

trifcme  de  ceux  que  fit  Razilly  au   Maroc.  ïo  novembre  1629,  le  chevalier  de  Razilly 

V.  p.  100  et  note  4-  alla  mouiller  à   Port-Louis.  V.  supra,  pp. 

2.  De  cet  embarquement,  c'est-à-dire  du  io'i,  255  et  272. 

De  CASTKits.  IIL  —  22 


338  JUIX-NOVEMBHE     1  G3o 

11  le  persuada  à  M.  le  Cardinal,  à  qui  sa  charge  donnoit  toute  la 
conduite  de  la  mer,  de  sorte  qu'il  en  parla  à  Sa  Majesté,  &  la 
suplia  de  renvoyer  monsieur  le  commandeur  de  Razilly  au  roy  de 
Maroque  &  aux  rebelles  de  Salé,  pour  ramener  les  esclaves  françois 
&  traiter  de  paix,  veu  qu'on  ne  pouvoit  pas  pour  lors  faire  une 
guerre  ouverte,  &  par  ce  moyen  empêcher  qu  ils  ne  continuassent 
à  prendre  les  François,  &  y  établir  le  commerce.  A  quoy  Sa 
Majesté,  touchée  de  sa  pieté  ordinaire,  consentit  volontiers,  &  fut 
ordonné  que  monsieur  le  Commandeur  monleroit  le  vaisseau  dit 
«  la  Licorne  »  &  que  le  sieur  Du  Ciialard  seroit  son  vice-admiral 
sur  «  la  Renommée  »  &  le  sieur  Pâlot  auroit  une  patache,  ne 
jugeant  pas  à  propos  d'armer  davantage  de  vaisseaux,  puisque  la 
force  ne  pouvoit  mettre  ces  Barbares  à  la  raison,  joint  qu'on  avoit 
besoin  de  vaisseaux  en  France,  étant  en  guerre  indirecte  contre 
l'Empereur,  l'Espagne  &  la  Savoye,  à  cause  de  M.  le  duc  de 
Mantoue',  que  le  Roy  protegeoit  contre  l'invasion  de  ses  Etats, 
commencée  par  Cazal. 

Cette  ilollc  leva  l'anchre  à  la  rade  S.  Martin",  le  28  juin  \  &  mit 
sous  voile  pour  aller  droit  à  Salé.  Il  y  avoit  danger  de  ne  rien  faire 
avec  le  roy  de  Maroque,  si  on  eût  traitté  premier  avec  ceux  de  Salé  : 
sans  doute  il  eût  treuvé  mauvais  que  l'on  luy  eût  préféré  ses  sujets. 
Ils  y  alloient  droit,  non  pour  commencer  leur  traité  par  Salé\  mais 
pour  la  grande  facilité  qu'il  y  avoit  de  là  à  Saphy,  qui  est,  comme 
nous  avons  dit,  le  port  de  Maroque''. 

Le  12.  &  i3.  juillet,  quelques  vaisseaux  marchands  se  joignirent 
à  eux  vers  le  cap  de  Finisterre,  qui  fuyoient  des  corsaires,  dont  ils 
étoient  poursuivis. 

Le  23.  du  môme  mois,  ils  arivcrent  à  la  rade  de  Salé,  où  d'abord 
ils   prirent   un   vaisseau    chargé  de  sel   que  ces  habitans   pyrates 

I.  Louis  XIII   soutenait   les   droits   de  licutcnanl-géncral  du  roi  d'Espagne  dans  le 

Charles  do  Gonzague  duc  de  Nevers,  héntior  Milanais,  d'investir   Casai  (aS  mai  i63o). 

du  duché  de  Mantoue,   à  la  mort  du  duc  2.   S'-Martin  de  Ré. 

Vincent     II     (1637),      contre     l'Empire,  3.   \.suprn,p.  28g  et  note  2. 

l'Espagne   et   la   Savoie.    Le    siège  de   La  !i.   Dans  une  lettre  au Chérif(V. p.  3ii), 

Rochelle  avait  fait  ajourner  l'intervention  Razilly  s'excuse  d'avoir,  contrairement  à  ses 

de  la  France,  qui  ne  put  empêcher  le  comte  désirs,  commencé  par  négocier  avec  Salé, 

de  CoUalto,  général  de  l'armée  impériale,  de  5.   Le  porl  de  Maroque.  c'est-à-dire:  le 

s'emparer  de  Mantoue  (i03o)  et  Spinola,  port  de  la  ville  de  Merrakech. 


HISTOIRE    DE    L.\     MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  SSl) 

avoient  volé.  Ce  qui  empcclia  presque  l'efet  de  ce  voyage,  car  ces 
habitans  mandèrent  à  M.  le  Commandeur  qu'ils  n'entendroient  à 
aucun  traité  que  ce  vaisseau  ne  leur  eût  été  rendu,  que  la  force  ne 
les  obligeroit  jamais  à  leur  donner  contentement,  qu'étant  venus 
pour  traiter  d'alliance,  on  ne  devoit  pas  commencer  par  la  guerre. 
A  quoy  monsieur  l'Admirai  répondit  qu'ils  étoienl  dans  ce  blâme, 
ayant  commencé  par  la  prise  de  plusieurs  vaisseaux  François  ; 
qu'ainsi  ils  n'avoient  sujet  d'ofTense  &  ne  dévoient  non  plus  refuser 
un  traité,  sauf  à  convenir  de  ces  prises  en  le  faisant. 

Cesdificullés  continuèrent  jusques  au  second  d'aoust,  &  pendant 
ce  temps  on  leur  arêta  encor  deux  prises,  l'une  françoise,  oii  il  ne 
restoit  sinon  un  peudemairin,  l'autre  espagnole,  chargée  de  chaux. 
Sur  ces  incidens,  on  tint  conseil  &  on  jugea  que,  n'étant  venus 
que  pour  la  paix,  selon  1  intention  du  Roy,  il  falloit  chercher  les 
moyens  pour  y  arriver.  En  efet,  ce  même  jour,  on  treuva  une  voye 
pour  adoucir  les  choses  «k  préparer  les  esprits  à  un  entier  accom- 
modement'. DuranI  ces  rencontres,  le  sieur  Du  Chalard  fut  à  terre 
demander  le  R.  P.  d'Athis.  religieux  de  l'ordre  de  la  Rédemption 
des  caplifs',  qui  n'avoit  pu  s'embarquer  l'an  passé,  afin  de  s'instruire 
de  l'état  des  choses  &  de  la  volonté  de  ces  messieurs  sur  les  propo- 
sitions qui  avoient  desja  été  avancées. 

Enfin  après  plusieurs  éclaircissemens,  le  second  jour  d'aoust.  on 
commença  de  se  disposer  pour  entendre  tout-à-fait  au  traité.  Les 
otages  furent  en\oyés  des  deux  côtés  pour  la  seureté  de  ceux  qui 
Iraiteroient  ;  monsieur  Du  Chalard  alla  au  chasteau  de  Salé,  où  les 
gouverneurs  &  ceux  du  conseil  du  Douvan  étoient,  s'assirent  sur 
des  quarreaux  de  damas  rouge,  le  pavé  de  la  chambre  couvert  de 
tapis.  Il  y  avoit  une  petite  table  haute  d'une  coudée^,  où  le  secré- 
taire du  Douvan  écrivoit  ce  qui  avoll  été  délibéré.  Ce  fut  là  qu'on 
leur  présenta  la  lettre  de  Sa  Majesté  Très-Chrestienne,  qu'ils 
receurent  avec  grand  honneur. 

Cette  conférence  fut  conduite  avec  tant  d'Iieur  ^V  de  prudence, 
que  le  -j/x.  jour  cK-  Dulhache  '  de  mil  \  trente-neuf  ans,  &  desChres- 

1.  Sur  l'intervoiition  de  John  tl.irrisuii        cet  ordre  ù  l'aris.  V.  p.  873. 

en   ces   circonstances,    \.    suiira,    [>.    3oi),  3.  Cettepetitclablebasse,  trèseniisagoau 

note  I.  Maroc,  s'appelle  :  maïda. 

2.  Il   était  commandeur  du  couvent  de  /i.    Dulliachr,  pour  Dou  el-IIiddja. 


34o  JLIN-NUVEMBRE     1 63o 

tiens  le  3.  aoust'  i63o  fut  fait  une  suspension  d'armes  entre  les 
François  &  ceux  du  chasteau  &  forteresse  de  Salé,  les  Gouverneurs 
&  ceux  du  Conseil  ou  Douvan,  avec  défense  de  rien  entreprendre 
les  uns  contre  les  autres. 

Le  4-  lut  acordé  [que]  pour  le  rachapt  des  esclaves  françois  qui 
se  treuveroienl  audit  lieu  de  Salé  >k  terre  de  sa  jurisdiclion  on 
payeroit  à  leurs  patrons  l'argent  qu'ils  avoient  coûté,  avec  quarante 
pour  cent  de  profit,  en  toille  de  Ilouen  à  prix  raisonnable.  Et  les 
François  promirent  aussi  de  relâcher  seize  prisonniers  mores  ou 
turcs.  De  France,  ils  étoient  cent  cinquante  ik  un,  sans  en  compter 
vingt  que  le  Père  d'Athis  avoit  rachetés,  &  trois  retirés  par  des 
particuliers.  On  délivra  aussi  deux  l'cligieux  hibernois.  Ce  rachapt 
se  monta  jusques  à  la  somme  de  treize  mil  trois  cens  soixante 
ducats.  Ce  commerce  dura  jusques  au  g.  d'aoust. 

Le  i5.  le  sieur  Pâlot  fut  envoyé  à  Saphy  porter  la  lettre  que 
monsieur  le  Commandeur  écrivoit  au  roy  de  Maroque,  donnant 
avis  à  Sa  Majesté  que  dans  peu  de  jours  il  seroit  à  ce  port,  afin 
d'achever  le  traité  qui  fut  commencé  l'année  précédente  ;  que  pour 
cet  efet  il  la  suplioit  luy  envoyer  à  Saphy  un  passeport  pour  les 
François  qu'il  mettroit  à  terre  afin  de  travaillera  cette  affaire. 

Le  20.  d'aoust.  la  pluspart  des  esclaves  estoient  rendus  aux  bords. 
Quatre  des  principaux  de  Salé  furent  complimenter  monsieur  l'Ad- 
mirai ;  &;  pour  leur  rendre  cette  visite,  M.  le  Commandeur  y  en- 
voya le  R.  P.  Isidore  de  Baugé,  capucin,  &  Frère  Rodolphe,  du 
même  Ordre,  avec  le  R.  P.  d'Athis  &  son  secrétaire^.  Et  le  22.  ils 
en  retournèrent  fort  satisfaits  des  honneurs  qu'ils  y  avoient  receus, 
avec  une  douzaine  de  peaux  de  vautour  &  autres  raretés,  desquel- 
les on  les  avoit  régalés. 

Peu  après  '  deux  des  plus  considérables  bourgeois  portèrent  au 
bord  de  monsieur  l'Admirai  les  articles  de  la  paix  dressés  suivant 
les  mémoires  que  leur  avoit  laissé  monsieur  Du  Chalard,  signés 
de  tous  ces  messieurs".  Il  y  avoit  plusieurs  articles  qui  seroienttrop 

1.  Exactement  le  2  août.  clés  de  la  paix  »  présentés  par  les  députés 

2.  Ce  secrétaire  était  vraisemblablement  de  Salé.  V.  supra.  Doc.  XXXVI,  p.  28a. 
Jean  Armand  Mustapha.  \  .  ci-dessus  p.  3o4 ,  4  ■  C'est  le  projet  de  traité  rédigé  en  es- 
note  I .  pagnol  et  publié  ci-dessus.  V.  Doc.  XXXVI, 

3.  Peu  après,  le  2^  août,  date  des  >(  arli-  pp.  282-280. 


HISTOIRE    DE    LA     MISSION     DES    PP.     CAPLCINS    AU    MAROC 


3', 


longs  à  rapporter,  outre  qu'ils  seroient  inutils  ;  c'est  assés  que  la 
trêve  y  étoit  pour  deux  ans.  A  quoy  monsieur  l'Admirai  i^  son 
Conseil  Ireuvaà  redire  qu'au  lieu  où  il  y  uvoit  :  «  Qu'aucun  vaisseau 
de  Salé  ne  pourra  prendre  vaisseaux  ennemis  qui  soient  dans  les 
ports  ou  rades  de  France  »,  au  lieu  de  ces  paroles  dernières  on  vou- 
lut les  changer  &  mettre  :  «  A  dix  lieues  de  terre  de  France.  »  Ceux 
de  Salé  refusèrent  ce  changement.  Sur  ce  refus,  le  traite  fut  rompu 
iSc  les  otages  renvoyés.  Ces  messieurs  disoient  que  cétoit  une  loy 
de  ce  royaume  &  qu'ils  ne  pouvoient  &  ne  dévoient  la  transgresser. 

Dieu,  qui  favorise  toujours  les  bons  desseins  de  ses  lumières,  fit 
rencontrer  un  adoucissement  à  cet  obstacle,  afin  de  renouer  ce 
traité.  Ce  fut  de  signer  les  articles  en  la  forme  que  ceux  de  Salé  les 
proposoient,  mais  pour  un  an  seulement,  &  sous  le  bon  plaisir  du 
roy  de  France;  que,  si  Sa  Majesté  agreoit  ce  traité,  la  trêve  seroit 
continuée  pour  six  ans.  comme  ils  demandoient,  sinon,  l'an  achevé, 
les  choses  demeureroient  aux  termes  qu'elles  étoienl  avant.  Ce  cpii 
fut  receu  des  deux  parties  &  signé. 

Par  cet  accord,  messieurs  de  Salé  consentoient  que  deux  des 
Percs  capucins  demeurassent  en  cette  forteresse  pendant  la  trêve, 
pour  assister  les  Chrestiens  avec  toute  liberté,  qui  étoit  le  dessein 
du  U.  P.  Joseph,  ik  pretendoit  y  établir  une  mission.  Il  y  avoil 
espérance  d'y  profiter  auprès  des  habilans,  la  pluspart  desquels 
étoient  encor  chrestiens  en  leur  âme',  au  rapport  des  marchands 
qui  y  avoient  commerce  &  des  esclaves  qui  de  long  temps  y  de- 
meuroient.  Néanmoins,  cela  ne  se  pouvant  conclure  que  par  lavis 
commun,  tant  de  l'Admirai,  de  son  Conseil,  que  des  quatre  Pères 
capucins,  à  qui  il  touchoit  principalement,  en  ayant  l'ordre,  selon 
les  occurences  raisonnables,  il  s'y  treuva  de  la  dificulté,  tous  les  avis 
ayant  été  ramassés.  Ainsi  tous  ensemble  résolurent  de  n'y  pas  de- 
meurer, quoy  que  le  sieur  Pierre  Mazet,  que  l'on  y  laissoit  consul, 
en  fist  de  grandes  instances,  dont  ils  passèrent  un  acte  à  la  rade  de 
Saphy,  avant  partir  pour  retourner,  comme  nous  dirons,  à  ce  qu'il 
leur  servît  d'une  décharge  de  cecpi'ils  n'étoient  demeurés  ".  La  fiole 
leva  1  anchre  de  cette  rade  pour  la  mouiller  à  celle  de  Saphy. 

I.   V.  siiprti,  p.  97  et  note  i.  après  le  di'part  de   «  la  Renommée  »  qui 

3.   Voir  cet  acte,  pp.  ^(i2-3'i't.  l\  (xd  ri-         avait   mis    à   la    voile   le    I2    octobre.   V. 
digé  le  i6  octobre,  c'est-à-diru  quatre  jours        siifira.  p.  32g. 


3!l2  JUIN-NOVEMBRE     1 63o 

Arivés  à  ce  port,  il  envoyèrent  la  lettre  du  roy  de  France  à  celuy 
de  Maroque  par  un  exprès.  De  laquelle  on  ne  récent  de  réponse, 
non  plus  que  de  celles  que  monsieur  le  Commandeur  luy  avoit  écri- 
tes ;  de  sorte  que,  tout  étonne,  il  ne  sçavoit  quel  jugement  faire 
de  ce  silence.  Il  est  vray  que  le  sieur  Du  Monts'  &  les  autres  escla- 
ves écrivoient  assés  souvent,  donnant  espérance  de  leur  venue  pro- 
chaine à  Sapliy,  &  les  dernières  asseurerent  qu'ils  étoient  sur  leur 
parlement,  que  les  commissaires  du  Roy  avoient  entre  mains  tou- 
tes les  dcpesclies  »Si  la  lettre  que  Sa  Majesté  écrivoit  pour  réponse 
au  roy  de  France,  qu  il  n'avoit  plus  de  manque,  sinon  la  boette 
qui  s'achevoit  pour  la  mettre.  En  cette  attente,  on  receut  lettres 
d  un  certain  Polinbert  "  &  d'autres  esclaves,  portant  que  le  roi  de 
Maroque  vouloit  retenir  vingt  &  trois  esclaves  que  Sa  Majesté  asseu- 
roit  luy  estre  nécessaires,  &  que.  faisant  la  paix  avec  luy,  on  ne  le 
pouvoit  refuser,  en  les  laissant  libres  avec  leur  paye. 

Le  8.  octobre  \  il  fut  areslé  un  vaisseau  flaman  chargé  de  mar- 
chandises pour  des  Juifs,  entre  lesquelles  il  en  fut  Ireuvé  de  con- 
trebande, quantité  d'acier,  armes,  mors  de  bride  &  autres,  ik  fut 
amené  en  France  pour  le  faire  ajuger  ;  la  valeur  en  étoit  de  cent 
mil  francs. 

Tant  de  longueurs  &  de  remises  mirent  la  patience  de  monsieur 
l'Admirai  à  l'épreuve  &  luy  lirent  perdre  l'espérance  de  pouvoir 
conclure  aucun  traité,  ny  même  de  rien  faire  avec  ce  prince,  veu 
qu'il  n'en  recevoit  de  nouvelles.  &  la  saison  commençoit  d'estre 
mauvaise  à  ces  côtes  ;  il  résolut  de  partir  pour  son  retour.  Les 
Pères  capucins,  ayant  sceu  cette  resolution,  s'assemblèrent  au  bord 
du  vice-admiral  monsieur  Du  Clialard,  pour  faire  l'acte  suivant: 

Procès-verbal  de  la  délibération  des  pp.  capucins. 

Raisons  rjui  s'opposent  à  ce  fju'i/s  restent  au  Maroc:  il  est  contraire  à  leur 
conscience  de  restreindre  auxseuls  Français  l'exercice  de  leur  ministère: 
d'ailleurs  il  n'y  a  plus  au  Maroc,  comme  Français,  cjue  le  consul  et  son 

1.  \.     flans    le    Proces-verbal    il'Aitdrc         notes  I  et  3. 

Chemin   une   lettre   de  ce  personnage,    p.  3.   Le  3  octobre,  d'après  la  relation  pré- 

520.  céilcnte  dite  de  Jean  Armand.  V.  p.  3a5, 

2.  PoUnbcri,    Paul    Imbert.  V.  p.   iliS,       notes  i  et  2. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  .3^3 

serviteur,  et  /es  intentions  du  R.  P.  Joseph  ne  sont  pas  qu'ils  restent 
exposés  aux  (lanr/crs  d'un  séjour  au  Maroc  pour  servir  d'aumôniers  à 
deux  personnes.  Une  mission  apostolique  ne  saurait  accepter  dépareilles 
restrictions. 

A  boni  de  «  lu  Rfiiommée  »,    i6  octobre  i63o. 

Ce  jour  d'hiiy  iH.  d'octobre  i()3o,  nous  nous  sommes  assemblés 
au  navire  de  monsieur  Du  Ciialard,  sur  ce  que  nous  avions  à  l'aire, 
touchant  le  dessein  pour  lequel  nous  sommes  venus  au  présent 
embarquement,  selon  lobedience  &  les  ordres  du  l\.  P.  .losepli,  ofi, 
ayant  proposé  à  mondit  sieur  Du  Chalard  la  résolution  que  nous 
avions  prise  tous  enseml)le,  il  y  a  buict  jours,  d'un  commun  con- 
sentement, il  nous  a  témoigné  de  parole  qu'il  eût  bien  désiré  nostre 
eslablissement  en  ce  pays.  Nous  luy  avons  déclaré  les  inconveniens 
qui  nous  en  divertissoient,  qui  sont  entre  autres  les  suivans,  fondés 
sur  l'article  de  paix  qui  porte  que  des  religieux  pourront  venir  en  terre 
avec  le  consul  i'ranyois,  à  condition  que  nous  ne  traiterions,  sinon 
avec  ceux  de  noslre  nation'.  Les  inconvénients  sont  les  suivans  : 

Premièrement  &  principalement,  que  nous  ne  pouvons  y  aller, 
.sans  nous  obliger  sous  l'autorité  de  noslre  bon  roy.  sous  le  seing 
desdits  Messieurs,  i-V  sous  la  i'oy  publique,  à  une  cbose  que  nous  ne 
pouvons  avoir  intention  de  garder,  étant  une  chose  contre  nostre 
conscience  de  refuser  les  très-saincts  sacremens  &  autres  consola- 
tions spirituelles  aux  Chresticns  qui  nous  les  demanderont,  comme 
aux  Espagnols  qui  y  sont  en  grand  nombre  ; 

Secondement,  qu'il  ne  demeure  à  Maroque  sinon  le  Consul  avec 
un  serviteur,  lV  cjuainsi  nous  croyons  que  l'intention  du  H.  P. 
Joseph  n'est  pas  c|ue  nous  nous  abandonnions  à  une  si  grande  ex- 
troversion,  dans  un  logis  où  tout  le  monde  aborde,  ^lour  servir 
d'aumôniers  à  deux  personnes,  sans  espérance  d'aucun  autre  bien, 
joint  que  nos  ordres  portent  de  servir  au  besoin  spirituel  de  tous 
les  Chresticns  de  toutes  les  nations,  soit  libres  ou  esclaves  ; 

I.   (!rtio  interdiction  faite  aux  mission-  probable   ([u'olle   aura    été   stipulée   oralc- 

naires  d'exercer  leur  ministère   auprès  de  meut,   car,  d'autre  part,  on   la   trouve  ex- 

Chréliens  autres  que  les  Français  n'est  pas  primée   dans   la   clause  VIII    du  traité   du 

formulée   explicitement  dans  le   texte  du  i5    septembre    i63i.    V.    infra,    p.    4o(j, 

traité    (V.    supra,    p.    agi).    Mais   il   est  note  i. 


3^4  JUIN-NOVEMBRE     I  63o 

Troisièmement,  d'autant  que  nous  jugeons  cette  restriction  hon- 
teuse à  une  mission  apostolique  ; 

Et  plusieurs  autres  raisons  que  nous  dirons,  lors  que  nous  en  se- 
rons requis. 

Or,  afin  qu'il  paroisse  de  noslredite  mission,  nous  avons  treuvé 
bon  de  la  rédiger  par  écrit  &  la  signer  chacun  en  particulier  de 
nostre  propre  main. 

Faict  au  navire  «  la  Renommée  »,  commandé  par  monsieur  Du 

Chalard,  à  la  rade  de  Saphy',  ce  seizième  d'octobre  mil  six  cens 

trente. 

F.  Isidore  de  Baugé,  C.  I. 

F.  Pacifique  de  Mazé,  C.  I. 

F.  Lazare  deBlois,  C.  I. 


En  ce  temps,  ils  mirent  à  la  voile  &  partirent  pour  France,  & 
le  dernier  d'octobre,  étant  proche  de  Ré,  un  vent  contraire  repoussa 
cette  flotte  jusques  aux  côtes  d'Angleterre  &i  d'Irlande,  avec  grand 
péril,  &  fut  contrainte  de  tenir  la  mer  trois  semaines.  Le  vingt- 
quatrième  novembre,  elle  prit  terre  à  la  rade  en  Ré,  au  même 
jour  que  je  finis  le  narré  de  ce  voyage,  en  vous  faisant  voir  le  mo- 
dèle de  l'obédience  que  le  R.  P.  Joseph  donna  pour  ces  trois  Pères 
capucins  &  F.  Rodolphe  d'Angers,  aussi  capucin.  Les  noms  n'y 
sont  pas,  d'autant  qu  il  1  envoyoit  au  R.  P.  Provincial  pour  y  mettre 
ceux  qu  il  jugeroit  à  propos,  qui  furent  les  susdits. 


Obédience  pour  les  PP.   capucins  envoyés  au  Maroc. 

Le  P.  Joseph  approuve  l'envoi  du  P.  N...  au  Maroc  el  confère  à  ce  religieux 
les  mêmes  pouvoirs  que  le  Saint-Siège  a  accordés  aux  missionnaires 
capucins  en  Orient. 

[Paris,  juin  i63o]. 

Admodum  vcnerandoin  Christo  Patri ordinis  FratrumMino- 

I.   «  La  Renommée  n  ne  se  trouvait  plus  à  Safi  à  cette  date.  V.  p.  SîQ. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  3/i5 

rum  Capucinorum  provinciae  Turonensis.  ego  F.  Joseph  Parisien- 
sis,  praefectus  authoritate  apostolica  missionum  ejusdem  ordinis 
ad  Marochium  &  alias  Africoe  partes,  S.  I.  D. 

Cum  illustris  coinmcndator  Melittensis  militaris  S.  Johannis  D. 
Razilius  Gallus,  ex  mandate  Chrlstianissimi  Régis,  proficiscens 
Marochium  ad  ledimendos  captivos,  atque  in  diversa  loca,  propter 
pias  &  légitimas  causas,  petieiit  a  nobis,  quibus  authoritate  aposto- 
lica cura  superius  exposita  commissa  est,  ut  accedente  consensu 
R.  P.  Provincialis,  aliquem  ex  nostris  idoneum  cum  socio,  vel 
sociis,  prout  exigentia  lei  requireret,  in  ejus  comitatu  remitterem, 
ut  illorum  qui  in  navibus  sub  ejus  gubernio  constitutis  existunt 
utilitati  spirituali,  tum  etiam  populorum  ad  quos  prcefatœ  naves 
accedunt,  deservire  queant;  atque  praesertim  ut  in  civitate  Maro- 
chi,  Sale,  vicinisque  locis  Chiistianos  illic  commorantes  juvare  va- 
leant  ; 

Nos.  qui  plurimiim  de  tua  probitate,  doctrina,  animarum  zelo 
in  Domino  confulimus,  juxta  lacultatem  hac  in  parle  nobis  con- 
cessam  a  Sede  Apostolica  &  a  R.  A.  P.  Generali  ordinis  nostri,  ad 
hoc  munus  dirigimus  atque  dcstinamus,  teque  ad  illud  itcr  elec- 
tum  fuisse  a  R.  P.  Provinciali  tuo  approbamus  &  confirmamus, 
teque  insuper  superiorem  aliorum  Patrum  ordinis  nostri,  qui  in 
civitate  Marochia,  Sale,  vicinisque  locis  morabuntur,  consliluiinus, 
atque  illis  ordinamus  ut  tibi  pareant,  tam  pro  regularis  disciplinae 
observantia  custodienda,  quam  pro  negotiorum  bono  regimine. 
Tibi  etiam  amplum  &  omniniodum  usum  iinpertimur  facultatum 
nobis  a  Scde  Apostolica  concessarum  pro  missionariis  nostris  in 
partibus  Orientis,  quas  eadem  Apostolica  Sedes  extendere  dignata 
est  ad  missiones  nostras  in  regno  Marochiœ,  sive  aliis  Africœ  locis, 
quas  facultates  exerccbunt  etiam  sacerdotes  ordinis  nostri  tecum 
profecti  aut  profecturi,  prout  opportunum  tibi  vidcbitur.  Et  ad 
quoscumque  vcstrae  na\  igalionis  cursus  vos  diriget  in  Africae  par- 
tibus, eos  exemple  vita*  aposlolicîc.  ralhelicse  fidei,  salutari  doc- 
trina  &  pnedictarum  facultatum  bénéficie  adjuvare  curabitis,  quos 
etiam  deprecamur  ut  vos  omnibus  cliaritatis  oITlciis  proscquantur. 
Pro  quorum  majore  fide,  bas  pnesenlcs  litleras  manu  propria  sub- 
scriptas,  ofTicii  nostri  sigillé  firmavimus. 


3^|6  JUIN-NOVKMBKE     l63o 

Reste  à  faire   voir  les  instructions  que   le   R.  P.  Joseph  leur 
donna  : 


Instructions  du  P.  Joseph  aux  PP.  capucins  envoyés  au  Maroc. 

[Vers  juin  i63oJ  '. 

Deux  entreront  dans  le  vaisseau  de  monsieur  de  Razilly  6î  les 
deux  autres  dans  celuy  de  monsieur  Du  Clialard.  Si  le  V.  P.  Isidore 
de  Baugé  y  va,  il  sera  avec  le  premier,  ik  et  si  le  \ .  P.  Pacifique 
de  Mazé  y  va,  il  sera  avec  le  second.  Chacun  essayera  de  maintenir 
la  paix,  non  seulement  entre  eux,  mais  aussi  entre  les  séculiers.  & 
spécialement  entre  les  principaux  de  rembarquement,  en  sorte  que 
l'autorilé  soil  conservée  en  la  perstmne  de  celuy  auquel  le  princi- 
pal commandement  est  donné,  sans  se  partager  pour  les  interests 
particuliers  des  uns  &  des  autres,  &;  leur  donnant  exemple  par  eux- 
mêmes  de  vivre  en  une  bonne  concorde  6c  selon  l'ordre  établi  par 
1  authorité  du  Roy  tSc  par  le  mandement  de  monseigneur  le  Cardi- 
nal. 

S  il  arive  quelque  différent  ou  variété  d'avis  entre  lesdits  Pères, 
le  V.  P.  Isidore,  ou  celuy  qui  seroit  le  premier  en  son  lieu  dans  le 
vaisseau  de  M.  de  Razilly,  aura  la  principale  autorité,  &  les  autres 
luy  céderont. 

Tous  lesdits  Pères  ne  mettront  point  pied  à  terre  &  ne  s'enga- 
geront point  à  demeurer  dans  aucune  ville  ou  port  du  royaume, 
soit  en  la  ville  de  Maroque  ou  de  Salé,  quils  ne  soient  asseurés  de 
l'establissement  d'une  ferme  &  seure  paix  pour  l'heure  présente, 
autant  qu'ils  le  pourront  connoistre,  entre  le  roy  de  France  &  celuy 
de  Maroque,  par  l'avis  commun  de  M.  le  commandeur  de  Razilly 
&  de  M.  Du  Chalard. 

Le  V.  P.  Isidore,  ou  celuy  qui  sera  en  sa  place,  fera  sa  demeure 
dans  la  ville  de  Maroque  près  du  consul  françois,  pour  administrer 
sa  chapelle  &  servir  aux  besoins  spirituels  des  Chrestiens  de  toutes 
les  nations,  libres  ou  captifs,  qui  se  trouveront  audit  lieu,  comme 

I.   Razilly  mit  à  la  voile  le  38  juin  i03o.  V.  ji.  338. 


HISTOIRE    DE    LA     MISSION     DUS    PP.     CAPUCIiSS    AU     MAROC  ïi^'j 

aussi  en  la  Cour  A:  au  camp  du  lioy.  au  port  de  Sapliy  &  autres 
lieux  où  roccasion  s'en  offrira,  horsmis  en  la  ville  de  Salé,  où  les 
deux  Pères  exerceront  leurs  fonctions  &  aux  lieux  proches  ;  ce 
qui  n'empêchera  pas  toutesfois  que  les  uns  &  les  autres  usent  des 
facultés  de  la  Mission,  par  mutuel  consentement,  en  tous  les  lieux 
où  la  nécessité  des  afaires  les  pourroit  porter,  «Si  notamment  s'il 
arrivoit  que,  par  la  mort  ou  1  éloignement  de  quelqu'un  d'eux,  il 
fût  besoin  de  supleer  à  ce  défaut  par  l'assistance  des  autres. 

Ceux  qui  seront  à  Maroque  &  à  Salé  s'entr  aideront  fraternelle- 
ment en  tout  ce  qui  leur  sera  possible.  Et  ceux  de  Salé  demeure- 
ront près  le  sieur  Mazet,  ou  autre  qui  seroit  consul  de  la  nation 
françoise  audit  lieu.  Ce  qui  n  empêche  pas  que  les  uns  &  les  autres 
ne  reçoivent  les  aumônes  qui  pourroient  leur  estre  données  d'ail- 
leurs, sans  toutesfois  recourir  à  pecune  qu'en  cas  de  nécessité. 

Nos  Pères  prendront  garde  de  ne  se  mesler  de  chose  aucune  qui 
concerne  les  affaires  dEtat  et  les  prétentions  qui  peuvent  estre 
entre  le  roy  de  Maroque  »S:  ses  sujets,  spécialement  entre  luy  & 
ceux  de  Salé.  &  entre  la  France  et  l'Espagne  ;  ne  traiteront  &  ne 
parleront  en  ce  pays-là  sur  de  tels  sujets,  sous  quelque  prétexte  ou 
aparence  de  bien  qui  leur  puisse  sembler,  encor  qu'ils  en  fussent 
recherchés  par  ceux  du  pays,  ou  par  quctf|ues  François  ou  autres 
Chrestiens,  &  ne  mettront  rien  dans  leurs  lettres,  en  quelque 
lieu  qu  ds  les  écrivent,  sur  quoy  Ion  puisse  soupçonner  qu'ils 
ayent  quelque  passion  ou  dessein  en  matière  d'afaire  d'Etat,  se  sou- 
venant qu'outre  le  péril  qui  leur  en  pouroit  ariver,  ils  feroient 
en  cela  contre  ma  volonté  expresse,  iN;même  contre  celle  du  S.  Siège 
&  de  nos  Supérieurs  majeurs. 

Ils  s'abstiendront  de  ne  point  offenser  les  Mores  par  des  invecti- 
ves contre  leur  loy.  Et  si  quelqu'un  d'eux  se  présente  pour  pren- 
dre la  nostre,  il  faut  user  de  précaution,  pour  ne  s'y  confier  qu'après 
une  conversion  véritable.  Que  si  l'on  en  vient  jusques  à  l'efet,  il 
faut  que  ce  soit  sans  témoin,  &  ne  le  faire  qu'à  l'extrémité,  pour 
éviter  le  péril  de  leur  ùmc,  les  conliiiiiant  cependant  en  leur  bon 
dessein. 

Le  but  principal  de  nos  Pères  doit  estre  de  Jonnerà  tous  l'exem- 
ple d'une  véritable  vertu  &  vie  cvangelique,  qui  peut  avec  la  béné- 
diction de  Dieu  opérer  des  efets  dignes  de  sa  bonté,  selon   la  dis- 


3!\8  .lUIIV-NOVEMBRE     I  63o 

position  du  temps  ordonne  par  sa  divine  Providence,  consolans  les 
pauvres  Chrestiens  en  leurs  allictions,  &  les  encourageant  à  pâtir 
pour  la  foy  avec  fermeté,  plusieurs  ayans  besoin  d'estre  fortifiés 
contre  les  tentations  des  suplices  &  vaines  promesses  que  Ion  leur 
fait  jjour  les  pervertir. 

Nos  Pères  qui  y  sont  morts  y  ont  laissé  une  grande  odeur  de 
saincteté,  ce  qui  oblige  ceux  qui  y  vont  après  à  les  imiter.  Il  faut 
observer  la  discipline  régulière  autant  qu'il  se  pourra,  selon  qu'elle 
se  pratique  dans  nos  liospices,  faisant  deux  heures  d'oraison,  di- 
sant les  litanies,  y  conviant  les  Chrestiens,  si  on  le  permet.  Il  ne 
se  faut  point  séparer  l'un  de  l'autre  que  le  moins  que  l'on  peut,  & 
ne  se  treuver  jamais  seul  avec  les  femmes. 

Quanta  l'usage  des  facultés,  nos  Pères  peuAcnt  les  exercer  sans 
aucune  restriction,  n'y  ayant  point  d  evesques  ordinaires  sur  les 
lieux,  desquels  il  faille  avoir  licence.  S  ils  peuvent  recouvrer  dans 
quelqu'un  de  nos  couvents  un  livre  qui  a  été  fait  par  un  Père 
carme  déchaussé,  qui  se  nomme,  ce  me  semble,  le  Père  Thomas 
de  Jesus-Maria,  &  s'inMviXe  De  conversione  omnium  gentiuin^ ,  ils 
feront  bien  de  le  porter  avec  eux.  11  y  a  sur  la  fin  une  liste  de  plu- 
sieurs privilèges  concédés  par  les  Papes  pour  les  missionnaires 
entre  les  infidèles,  dont  ils  se  pourront  servir.  Quand  je  sçauré  que 
nosdils  Pères  seront  établis,  je  leur  enverré  les  choses  dont  ils  au- 
ront besoin,  selon  qu  ils  me  le  manderont  &  que  je  le  pourré. 

Ils  feront  bien  de  porter  avec  eux,  s'ils  peuvent,  quelques  gram- 
maires, dictionnaires  &  livres  espagnols.  &  notamment  quelques 
catéchismes.  Je  leur  en  enverré  en  arabe  &  en  espagnol,  aussi 
après  leur  établissement,  s'ils  me  mandent  qu'ils  ont  courage  d'y 
aprendre.  Ils  me  feront  sçavoir  de  leurs  nouvelles  le  plus  souvent 
qu'ils  pouri'ont,  les  adressant  à  Paris.  Et  derechef  sur  toutes  les 
choses  auront  soin  de  conserver  entr'eux  la  charité,  par  paroles  & 
par  efets,  &  d'estre  considérés  en  leurs  lettres,  en  sorte  que  l'on 
ne  puisse  de  deçà  qu'en  tirer  bonne  édification,  sans  communiquer 


I.   Le  lilrc  complet  de  l'ouvrage  est  :  De  auctnre  P.  Thomas  a  Jesii,  carmelila  discal- 

prncuranda  salute  omnium  ijentium,  scismali-  ceato.     Accedit    catechismus    gcneralis    pro 

conim,    hœreticorum,    Judœoriim.  Saraceno-  omnium    sectnrum     catechumenis.     .\nvers, 

rum,  cœtcrorumque  injidelium  libri diiodecim,  U)i3,   in-^". 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.    CAPUCINS    AU    MAROC  3^9 

leurs  mécontentements  &  dégoûts  qu'aux   supérieurs  qui  y  peu- 
vent apliquer  le  remède. 


\oila  comme  cet  excellent  Perc  travailloit  avec  eficace  à  faire  que 
les  religieux,  s'employant  à  l'avancement  du  salulilu  prochain,  le 
leur  propre  n'en  rcceùt  du  dommage... 

Ce  soin  découvre  la  calomnie  des  medisans,  qui  l'ont  publié 
comme  une  personne  qui  avoil  fait  banqueroute  ouverte  à  tous  les 
sentimens  de  la  pieté,  et  monstre  que  1  on  ne  s'éloigne  pas  de  son 
salut  à  la  Cour,  quand  on  y  sert  son  prince,  sans  autre  interest  que 
de  la  "loire  de  Dieu  et  du  bien  de  l'Etat. 

Bibliothèque  Nntionnle.  —  Imprimes,  O'J  (î.'i.  —  L'Iiisloire  de  la  mission 
des  pères  capucins  de  la  province  de  Toureine  au  royaume  de  Marorjne'... 

I.  ^  .  Ir  titre  complet  de  l'ouvrage,  p.   i  il,   note  i. 


35o  2    NOVEMBRE     1 63o 

XLV 

LETTRE  DE  MOULAY  ABD  EL-MALEK  BEN  ZIDÂN 
A  LOUIS  XIII  ' 

Par  suite  du  départ  inopini-  du  chcralwr  de  HiKil/y.   l'eneoyé  du  (Jhe'rif 
n'a  pu  tnntcr  avec  hv. 

Mi'rrakech,  2(1  Rbia  I''''  104O-2  novembre  i63o. 
Cachet  du   Ciiérif. 

^Ul  J'V}\  ^.All  jlj_;i  ç^\  j\>i\  J.I1  ^/Sll  lÀ*  j ju^ 
4^\j:  <£j5o'l  -Cciy  ^\>  iS^\  iS3^'i\  ^^zJI  t^jJI  ^\  ^jc  ^U 

<\J\  fl^b"^  0-.lai-  J  <~>ji\  jliaâVl  lai^\  «C^jS  O^li"!  J  L-^^-Vl 

j^U^JI  ôri  jtjî  ù^-J*  <^"U  oUai-  ,1UI  Â^UI  ^Jl  :i!3;llj 

JrJiLil   4SI    je  ^)\  J   a1\^    ^   <)  jJI    J^asl    Je   ^MJI   j   ôM^I  J 

^UVl  IJI  ^Ul  llA  ^IcjSI  '^>a\j^  3  Ai^  rLiJij  (n-^  ^.  c'irT^. 
Ju^^juj  l' j  JU'VI  ^b  /.Ijjjl  J..ii.^^.  (^^1  j-J-l  (j;^]l  (Jljjll 
4jjjL.  <iJI  li^^is.  ^  <Ii  II*  ljl::S^  JLiiJVl  j  JlLi  ^  Jljdi  -u-Jl 

I.   ^  .  infra   un   l'ac-simiK-   dp  lolle    lettre   PI.    III,  p.  355. 


LETTRE  DE  MOULAY   ABD  EL-MALEK   BEN   ZIDvN   A   LOUIS  XIII        35 1 

jÇji  ^  4!Bi  Jl^i  'i^À\  '^X\  ^1  ;«*li^  j  JliVi  j^i  o^V  à'' 
^\:^^\  3  ^\  a-J>>  ^-^  J'  ^^  ^  i:iJ>  V»  ^i' 

le  4l«  Ljîjî  j^Ji  ^  Ul  4!^^^  bj^"  j*^u  L^J^  ll«l  J1.4-  4j./«  tJ_^S=^l 
JI4.I  X^  Jj^.  SXAS  KS^\  J^JI  j^îS/l  ^)\  bai.  A^  ûj/'j^' 

jJul  ol  j  >!l  ^  A«^  f W"*^'  a!  (J  t  o'  J_/  j.ll  >£-Si-  /«^    ii  ù^  -*-^ 
5Sl_/l  ^  A::)lîc  j  <di^  ^*  ^i.'  't.li*  ^_^i  ^  llçA^  O--»  ttUi  4^lc 

^j::'!^/!    iJUa;    ù/5^  C5-^'    (^-^^  J   aI^-'J    t}^    J>^.    JlJ^^    '^'1    (^J 

Archives  des  Affaires  Élran<jères.  —  Maroc.  —  Correspondance  politique, 
Vol.  I,f.  9.  —  Oriijinal. 


352 


2    NOVEMBRE     I 63o 


XLV"'' 

LETTRE  DE  MOULAY  ABD  EL-MALEK  BEN  ZIDÂN 
A  LOUIS  XIII 

(Traduction  du  xvn"  siècle.) 


Merrakech,  26  Rbia  I'^'  lOi^o-a  novembre  i63o. 

En  tête,  alla  manu  :  Lettre  du  roy  de  Maroc  au  Roy,  rendue  à  Sa 
Majesté  par  David  Pallache  au  mois  de  may  i63i. 

Au  roy  le  plus  auguste  et  qui  tient  la  dignité  la  plus  grande  entre 
les  roys  chrestiens,  le  très-grand  empereur  de  France,  l'empereur 
Louis,  filz  des  grands  empereurs,  dont  la  renommée  est  très-celebre. 


Ces  lettres''  eminentes,   nobles \   illustres  et  vénérables*,  sont 


I.   On   lit   sur   une   ligne   circulaire  en 
bordure  extérieure  ; 

«  Dieu  commande  la  justice,  la  bienfai- 
sance et  la  libéralité  envers  les  parents.  Il 
défend  le  crime,  l'injustice  et  la  calomnie.  » 
Coran,  XVI,  gs.  La  partie  centrale,  très 
effacée,  est  d'une  lecture  difficile.  On  dé- 
cbiffre  avec  peine  : 


«  Le  Fatimien  (descendant  de  Falma)  chéri 
de  Dieu,  fils  du  prophète  Mohammed  ». 

Le  mot  iSx'y"'  (chéri  de  Dieu)  est  dou- 


■1.  Ce  préambule,  conforme  au  formu- 
laire traditionnel  deschérifssaadiens,  n'a  pas 
été  très  fidèlement  traduit  par  l'interprète. 
On  signalera  en  note  les  incorrections  les 
plus  graves.  Cf.  /"  Série,  France,  t.  II, 
p.  600,  une  traduction  littérale  de  ce  pro- 
tocole. 

3.   Nobles.   Il  faut  rétablir:  imamiennes 


Lf 


uvi. 


/i.    Vénérables.  Il  faut  rétablir  «  meroua- 


LETTRE   DE    MÛLL^\    AliD    KI.-MALEK    UKN    ZIDÀN    A    l.OLIS    XIII         353 

escnles  el  t'ii\nvées  par  le  CDiuinaiRlciiiL'iit  du  très-hauU,  très- 
llluslre,  très-eminent  et  glorieux',  à  l'obéissance  duquel  se  sous- 
mettenl  les  royaumes  des  Muslemans,  à  la  redoutable  voix  duquel 
obéissent  tous  les  peuples  de  la  P>aibarie.  et  aux  sublimes  comman- 
demenlz  duquel  sinclinent  aussy  les  pins  puissans  roys  de  la 
Mauritanie,  avec  tous  leurs  contins  proches  et  cslongnez. 

Au  roy  qui  entre  les  roys  clirestiens  ol  peuples  de  la  religion 
chreslienne  tient  la  dignité  la  plus  haute  et  le  rang  le  plus  eminent 
et  relevé,  le  très-grand  empereur  de  France,  l'empereur  Louis,  filz 
des  grands  empereurs  constituez  sur  le  throsne  de  l'Eniinence. 

Après  avoir  rendu  louanges  à  Dieu,  seigneur  digne  d'estre  loué, 
salué  la  plus  excellente  de  ses  créatures,  et  beny  tout  le  peuple  qui 
expose  sa  vye  pour  le  maintien  de  sa  gloire  et  la  delTense  de  sa  i'oy, 
et  après  la  continuation  des  jDrieres  pour  la  conservation  de  ce  lieu 
hault,  eminent,  sublime  et  souverain,  afin  qu'il  soit  assisté  et  main- 
tenu éternellement  dune  stable  assistance  en  félicite  aux  temps 
presens  et  à  venir. 

La  cause  de  ces  lettres  à  vous  escrite  de  nostre  ville  royale  de 
Maroques  (laquelle  Dieu  conserve  et  protège  par  la  laveur  et 
assistance  qu'il  a  coustume  de  départir  siii-  nos  très-illustres  esten- 
dars  et  par  les  très-abondans  et  immenses  bénéfices  de  Dieu,  à 
qui  gloire  et  action  de  grâces  soient  rendues)  est  pour  vous  informer 
comme,  lorsque  le  très-cher  et  aymé  de  Razilly  arriva  au  port 
d'Asaf —  que  Dieu  conserve  !  —  et  eust  consigné  vos  lettres  à  nos 
ministres  dudit  port,  ilz  les  nous  envoyèrent  en  toute  dilligence. 
Après  les  avoir  leues,  nous  avons  considéré  tout  ce  que  vous  nous 
y  proposez  louchant  la  fermeté  de  l'amitié  et  l'establissemcnt  de  la 
bonne  intelligence  entre  nos  deux  couronnes  et  ce  que  vous  nous 
escrivés  concernant  les  esclaves  fran(;ois  que  vous  nous  tesmoignés 
fort  désirer  vous  estre  renvoyés  d  icy.  Nous  avons   dès  lors    très- 


p.    125,  note  6.  —  M.  Silvcstrc  de  Sacy 

niennes  »   ^i' V    «^'«^'-à-dire  :  de   Abou  j^^^  ,j,  traduction  qu'il  a  donnée  de  cette 

Mcrouan,  nom  propre  qui  est  l'équivalent  lettre  (V.  injra,  p.  35i'i,  note   i)  a  rendu 

de  Abd  el-Malek.  V.  p.  298,  noie  3.  Sur  cette  épithète  par  :  «  fils  de  Merouan  ». 
cette  manière  de  désigner  le  chérif  régnant  i .    Tres-éminent  et  glorieux.  Il  faut  réta- 

par  une  épithète  tirée  de  son  nom  ou  de 

son  surnom,  V.   /-■'  Série.  Pa.vs-Ma«.   t.  I,  ''''•"  •  ^^  Chérif  alaoui  ,^_,UI  ^_^l. 

De  Castries.  111.  —  aS 


354  2    NOVEMliRE     l63o 

volontiers  accepté  vostre  proposition,  tenu  la  main  à  I  nccomplisse- 
munl  de  vos  désirs  et  enfin  correspondu  à  tous  les  cliei'z  de  a  os 
dites  lettres.  En  tesmoignage  de  quoy  nous  les  avons  envoyées  avec 
lesdits  Chrestiens  soubs  la  conduitte  de  nostre  noble,  vertueux  et 
honneste  cbevallier  Jean,  filz  de  Mehenet  Genati  '.  à  desseing 
d'aller  trouver  vostre  dit  subjet,  en  cas  (ju'ii  le  peust  joindre 
par  terre  ;  autrement,  qu'il  expediast  envers  le  nostre  quel- 
qu'autie  jiersonne  de  pareille  vertu  et  dignité  pour  traitter  l'exécu- 
tion de  vos  intentions,  recevoir  les  susdits  Cbrestiens  et  par  un 
mesme  moyen  traitter  ensemble  des  desseins  des  deux  partis.  Mais 
lorsque  nostre  dit  subjet  fut  arrivé  au  port  d'Asaf  —  que  Dieu 
garde!  — le  vostre  ne  s'y  trouvaplus.  et  s'estant  informé  qu'il  estoit 
devenu,  il  aprit  qu'il  y  avoil  desja  quatre  jours  qu'il  s'estoit  mis  à 
la  voille '.  Quelqu'un  des  miens  le  suivit  en  mer,  espérant  le  ratein- 
dre,  mais  on  ne  sceut  le  rencontrer.  Vostre  subjet  sçavoit  très-bien 
pourtant  que  le  nostre  le  devoit  bientost  aller  trouver,  voires  mes- 
mes  qu'il  estoit  en  chemin,  et  toutesfois  n'eut  pas  la  patience  d'at- 
tendre son  arrivée,  bien  qu'un  serviteur  ne  doive,  pour  quoy  que 
ce  soit,  laisser  la  poursuitte  des  choses  qui  luy  sont  commandées 
par  son  maistre,  moins  encores  tesmoigncr  de  l'impatience  quand 
il  s'agist  de  l'exécution. 

Nous  avons  bien  voulu  vous  donner  cet  advis,  affîn  que  vous 
soyés  assuré  que  nous  n'avons  point  manqué  de  correspondre  à  vos 
désirs,  ainsy  qu'il  vous  a  pieu  nous  les  faire  sçavoir. 

Escrit  le  vingt-sixiesme  du  mois  Raby  premier,  l'an  io4o. 

Archives  desAjffaires  Étrangères.  —  Correspondance  politique .  —  Maroc, 
Vol.  I,  f.  S.  —  Traduction  originale-' . 

I.  Une  main  étrangère  a  écrit  en  marge  :  2.  On  sait  que  Razilly  avait  mis  à  la 
«  l'alcaïde  Agena».  Il  faut  rétablir  :  Yahia  voile  le  12  octobre  (V.  supra.  Doc.  XLIII, 
ben  Mobammed  el-Djennati.  V.  siipra  texte  p.  829).  On  en  peut  déduire  que  le  caïd 
arabe,  p.  35i  et  j"  Série,  Pa\s-Bas,  à  la  Yabia  avait  à\i  arriver  à  Safi  le  iG  oc- 
date  du   i3  juiUet  i635.  Ce  caïd  doit  être  tobre. 

identifié  avec  celui  (fui  est  appelé  Ayagena  3.   V.     une    autre    traduction    do    cette 

(p.    A29,  note  3),    Hava  Agena  (p.   AilS,  lettre  faite  par   Silvesthe  de  Sacv,  dans 

note   3),  Agena  (p.  26,  note    i)  et  Yahia  sa   Chrestomalhie .    t.    III,    pp.     260- 253, 

.  .     .  ainsi  que  les  notes  dont  il  la  fait  suivre, 
Adjàna  l)i»-l^t)  dansEt-Oui  HÀM,  p.  427.  3ii-3i3 


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LETTRE    DES    CAPTIFS    FHANCAiS    A    LOUIS     MU  355 


XLVI 

LETTRE  DES  CAPTIFS  FRANÇAIS  A  LOUIS  XIII 

Envoyés  à  Safi  par  le  Chérif,  ils  n'ont  pu  cire  rcnns  an  chevalier  de 
Razilly  qui  avait  déjà  ijuitlc  ce  porl.  —  Le  Chérif  a  vainement  fait  re- 
chercher celui-ci.  —  //*■  supplient  le  Roi  de  le  renvoyer  au  Maroc  pour 
procurer  leur  mise  en  li  lier  té. 

Sali,  3o  novembre  lOSo. 

En  télé  :  Lettre  des  esclaves  françoisde  Saflîs  en  Barbarie  au  Roy. 
—  De  Salfis,  le  3o  novembre  iG3o. 

Sire. 

Nous  supplions  très-humblement  Vostre  Majesté  de  nous  par- 
donnei'  de  ce  (jue  l'imbesililé  de  nos  pauvres  esprits  ne  ce  peuvent 
eslandre  à  louer  la  moindre  pcri'ection  de  vos  \ertus,  laissant  cela  à 
personne  plus  capable.  JNcantmoings  nous  dirons  que  la  begninilé 
et  douceur  don  Vostre  Majesté  est  remplie  ravit  tout  le  monde,  re- 
cebvant  les  veux  tant  des  petits  cpie  des  grands.  Entcest  efîect,  vos 
très-humbles  et  très-obcissans  sujets  et  esclaves  ce  sont  enhardie 
d'importuné  Vosti-e  Majesté,  vous  adressant  Iheures  prières,  ce 
prosternant  au\  pieds  de  vostre  boulé  inliuioc.  avec  toute  sorte 
d'humilité,  pour  réclamer  Vostre  Majesté  d'avoir  pityé  des  nos  tra- 
vaulx,  bien  que  depuis  que  Vostre  Majesté  a  escrit  à  l'empereur  de 
Maroc,  ils  ont  esté  alegéc,  nous  ayans  faict  dès  l'heurcs  mesmes 
libres  en  sa  terre  sans  l'aire  ny  chaine  ny  anicun  travail  ;  et  sommes 
à  présent  à  SalTis  ',  poii  de  la  mer,  là  oii  nous  sommes  veneus  avec 
le  gênerai  de  son  armée,  |)ansant  treu\(>r  monsieur  le  commandeur 
de  Razilly  pour  nous  anbarqucr  et   conclure  la   pais  entre    Vostre 

I.   Ils  y  étaient  arrivés  le  lO  octobre.  V.   supra,  p.  353,  note  2. 


356  3o    NOVEMBRE     I 63o 

Magesté  et  l'empereur  de  Maroc  et  remettre  tous  vos  subjels  en 
plaine  liberté.  Mais  le  mauvais  tamps  a  forcé  la  fidellité  dudit  sieur 
de  Razilly  à  mestre  à  la  mer  contre  sa  voUonté.  et  la  crainte  ausv 
qu'il  avoit  de  perdre  les  vaisseaux  de  Vostre  Majesté  à  ceste  coste 
de  Barbarie,  parce  qu'elle  est  fort  dangereuse. 

L  Empereur  feust  estrememant  fâché  Ihors  quy  seu  la  nouvelle 
que  les  vaisseaux  de  Vostre  Majesté  avoienlmis  à  la  voile  sans  avoir 
concleu  la  pais  avec  Vostre  Magesté.  11  envoya  commandemanl  de 
l'heure  mesme  que  l'on  mit  de  barque  pour  coure  la  mer  pour 
tacher  de  rencontrer  les  navires  et  ausy  de  corrieres  le  long  de  la 
coste  pour  le  fere  retourner.  Enfin  ne  saurions  represanté  à  Vostre 
Magesté  l'affection  grande  que  l'Empereur  a  de  faire  amitié  avec 
Vostre  Majesté  qu'il  estime  plus  que  de  monarque  qui  soit  au 
monde. 

Il  est  sucedédans  ces  dernières  afaires  des  troubles  qu'ils  ont  pro- 
longé nostre  liberté'.  Puis  qu'il  a  pieu  à  vostre  bonté  d'avoir  aco- 
mancé  en  cest  afaire  une  si  sainte  heuvre  de  charité  d'avoir  envoyé 
par  divers  fois  de  vos  navires  en  ces  costeset  personne  de  vostre  part 
avec  presant  pour  traiter  la  paix  a\ec  l'empereur  de  Marroc  pourla 
liberté  de  vos  françois  subjets,  et  l'afairc  estant  en  sy  bon  point, 
nous  supplions  derechef  avec  toute  humilité  Vostre  Majesté  qu'il 
luy  plaise  encore  une  autre  fois  avoir  compasion  de  [la]  grande  misère 
de  vos  pauvres  subjets  et  y  mestre  fin,  si  c'est  vostre  bon  plaisir; 
car  à  la  vérité  ayt  une  chose  digne  de  compasion  et  grandement 
déplorable  de  voir  vos  sujets  entre  les  mains  des  Infidelles,  sans 
aulcune  consolation  spirituelle,  où  il  ce  pert  beaucoup  d'àmes  pour 
estre  forcés  à  renier  la  foy  par  mille  travaux  que  l'on  passe  en  ce 
pais.  Vostre  bonté  aura  esgard,  s'il  luy  plaist,  à  nos  misères,  que 
si  Vostre  Majesté,  commande  à  M.  de  Razilly  de  revenir  aultre  fois 
avec  le  moindre  des  vaisseaux  de  Vostre  Majesté,  elle  recevra  sans 
doubte  toute  sorte  de  contantement  de  la  part  de  l'empereur  de 
Maroc. 

Sire,  nous  n'aurions  pas  prins  la  hardiesse  de  mestre  la  main  à 
la  plume,  nous  en  jugeans  indignes  pour  adresser  à  Vostre  Magesté 
nos  requestes,  sans  que  nous  avons  considéré  que  ce  seroit  estres 

I.   Qu'ils  ont  prolongé  nostre  liberté,  c'est-à-dire  :  qui  ont  retarde  notre  liberté. 


LETTRE     DES    CAPTIFS     FRANÇAIS    A     LOUIS    XIII  35*] 

trops  ingrads  de  ne  recoignoistre  pas  par  quelques  preuve  de  nos 
afiections le soing  que  Vostre  Majesté  a  de  nous  retii'er  desclavi- 
tude.  ne  pouvant  davantage  que  de  nous  sacrifier  entièrement  aux 
pieds  de  Vostre  Majesté  et  prier  Xostre  Seigneur  qu'il  luy  donne 
longue  et  heureuse  vie  et  accroisemcnt  de  ces  grandeurs  et  victoire 
sur  ces  ennemys,  cl  à  nous  la  gloire  de  vivre  et  mourir  en  la  qua- 
lité de  &c. 

Archives  Nationales.  —  M/irine,  B  W,  pp.  336-337 .  —  Copie. 


358 


COMMENCEMENT     DE     I  03  I 


XLVII 


MÉMOIRE  SUR  LE  MAROC 


[Commencement  de  l63i]'. 

En  titre  :  Relation  du  royaume  de  Marrocque  et  des  villes  qui  en 
dejîendent. 

Les  roys  de  Maroque,  qui  se  nomment  Muley  ou  Molay",  sont 
descendus  d'un  certain  Muley,  lequel,  estant  un  sancton  de  la  loy  de 
Mahomet,  en  prescha  le  zcle  et  la  reforme  ou  pour  mieux  dire  une 
nouvelle  interprétation  et  fut  si  jjien  accueilli  du  peuple  de  toute 
l'Affrique  que,  soubz  l'aparencede  religion  et  saincleté,  il  usurpa  la 
plus  grande  et  meilleure  partie  des  royaumes  d'icelle,  c'est  à  sçavoir  : 
Maroque,  Fez,  Suze,  Gago,  Alger,  Thunes,  &c.,  partie  desquels 
s'estendent  le  long  de  la  mer  Méditerranée,  depuis  le  Destroict 
jusques  à  Tripoly  de  Barbarie,  et  les  autres  gisent  le  long  de  la 
mer  Oceane,  depuis  ledicl  Destroict  jusques  à  l'embouchure  du 
fleuve  Niger'. 


1.  Ce  mémoire  est  daté  d'après  les  don- 
nées suivantes  :  l'auteur,  parlant  des  deux 
voyages  que  fit  Razilly  en  iGat)  et  i63o, 
emploie  l'expression  :  «  ces  deux  années 
passées  »  (V.  infra,  p.  364).  D'autre  part, 
ce  mémoire  est  antérieur  à  l'époque  indé- 
terminée où  l'on  apprit  en  France  la  mort 
do  Moulay  Abd  el-Malck,  qui  eut  lieu  le  lo 
mars  i63i,  puisque  ce  chérif  est  représenté 
comme  encore  régnant  (\'.  infra,  p.  359). 

2.  Moulay,  on  arabe  i^y*   (Maître),  est 

un  qualificatif  Iionorifique  donné  aux  princes 
des  dynasties  cliérificnncs  du  Maroc,  et  il 
semble   leur  avoir    été   exclusivement   ré- 


servé. Seuls,  depuis  plus  de  trois  siècles, 
ils  ont  pris  ce  litre  qui  est  devenu  un 
signe  distinclif  de  leur  dynastie,  à  ce 
point  que,  dans  le  protocole  initial  de  leurs 
lettres,  ils  sont  souvent  qualifiés  de  Majesté 
moulouyenne.  Par  vénération  pour  le  nom 
du  prophète  arabe,  les  cbérifs  qui  s'ap- 
pellent Mohammed  font  généralement  pré- 
céder ce  nom  du  titre  de  Sidi,  et  l'on  dit 
plutôt  Sidi  Mohammed  que  Moulay  Moham- 
med, mais  cette  règle  comporte  un  grand 
nombre  d'exceptions.  Cf.  E.Doutté,  \otes 
sur  l'Islam  Maghr.,  pp.  30-38. 

3.   Sur  l'avènement  de  la  dynasiic  saa- 
dienne,  V.  /''•'  Série,  France,  t.   1.  p.  .'iJ. 


MÉMOIRE    SUR    LE    MAROC  3Ôg 

Or.  pourlepresant,  le  Roy,  qui  se  nomme  MoleyAbdemelec',  aagé 
d'environ  trente  ans,  n'est  reconneu  pour  roy,  sinon  aux  royaumes 
de  Maroque.  Fez,  Suze,  et  Gage,  et  n'a  en  son  commandement  que 
cinq  ou  six  villes  et  quatre  ou  cinq  cliastcaux,  où  il  lient  des  gou- 
verneurs à  sa  dévotion,  les  autres  s'estans  soustraictes  de  son  obéis- 
sance ou  ayant  esté  usurpées  parles  Espagnols'  ou  par  les  sanctons 
du  païs\  Celles  qui  restent  en  son  nl)eissance  sont:  Maroque,  ville 
plus  grande  que  Paris,  où  il  a  son  palays,  plus  som^îtueux  et  plus 
magnifique  qu  aucun  autre  du  monde'.  Il  y  réside  ordinairement  et 
ne  s'en  esloigne  jamais  de  plus  de  trente  ou  quarante  lieues, 
craincte  que  ses  ennemis  ne  s  en  viennent  saisir.  Ladicte  ville  est 
située  à  sept  lieues  du  mont  Atlas,  vingt-trois  lieues  de  SalTi,  qui  est 
une  autre  ville  sur  le  bord  de  la  mer  Oceane  ;  elle  n'est  forte  ni 
d'assiette  ni  de  murailles,  dont  la  pluspart  sont  ruinées,  n'ayant  ny 
fossez,  ni  rempartz.  Il  peut  y  avoir  d'habitans  cinq  à  six  cent  mil 
àines,  mais  ils  n  ont  de  coustume  et  ne  sçavent  delTendre  leurs 
murailles  iiy  leurs  villes  et  ne  sont  agguerris  comme  les  autres 
Maures  qu  on  nomme  Alarbcs  '  et  babitenl  la  campagne  en  des 
tentes.  Leur  coustume  est  d'aler  combatre  hors  les  villes,  et  les 
victorieux  entrent  dedans  sans  aucun  contredict. 

Saapliy  est  la  seconde  ville  qui  obeist  au  Koy  ;  elle  est  située  sur 
la  mer  Oceanne,  environnée  d'assez  bonnes  murailles  avec  deux 
chasteauN,  liin  c[ui  est  surle  haultde  la  colline  et  n'est  aucunement 
gardé.  1  autre  qui  est  au  bas  sur  le  bord  de  la  mer  et  est  gardé  par 
seize  eunucques.  La  ville  est  entre  deux.  Dans  le  bas  chasteau  sont 
quelque  deux  cents  femmes  du  Roy,  qui  n'en  sortent  jamais,  s'il 
ne  les  envoie  quérir,  et  n  est  permis  à  aucun  homme  ni  mesme 
aux  femmes  d  y  entrer,  sinon  auxdiclz  eunucques  qui  sont  renégats. 
Il  peul  y  avoir  dans  la  ville  (juehjue  huict  centz  hommes,  dont  le 

Sommaire  et. ■V.  Cour,  cliap    ii.pp.  SS-^S.  3.  Ces  «  sanctons  »,  pour  ne  citer  que 

—  11  est  inutile  d'insister  sur  l'erreur  com-  les  trois  principaux,  étaient  Si<li  Ali,  clans 

mise   par   l'auteur   du    mémoire   qui    fait  le  Sous,  Sidi  Mohammed  el-.\^yaclii,  dans 

d^AIger   et  de  Tunis    des    dépendances   de  le  nord  rlu  Maroc,  et  le  chef  de  la  zaouïa  de 

l'empire  chérifien.  IJila,  dans  le  centre  de  l'empire  cliérilien. 

1.  Mutey    Abdemelcc,    Moulay    .Abd  el-  l).  Le  famcu.^  palais  île  Id-liedi.  V.  El- 

Malek  ben  Zidàn.   'V.  p.  358.  note  i.  Oufràni,  pp.  179-195. 

!.   Allusion  à  l'occupation  de  Larache  et  5.  Alarbes.    .■Vrabes,     avec    le    sens    de 

de  Kl-.\lamora  par  les  Espagnols.  nomades. 


3fio  COMMENCEMENT    DE     I 63 I 

ijuaii  esl  de  Juilz  el  le  reste  pauvres  gens,  excepté  quelques  deux 
cents  qui  se  disent  soldats  du  Roy.  C'est  en  celte  ville  où  abordent 
les  niarchandz  hoUandois  et  anglois  et  y  font  un  grand  IrafTicq". 

La  troisiesmc  ville  de  robcissance  du  Roy  se  nomme  Azamorrc, 
située  sur  une  petite  rivière',  quelque  deux  lieues  de  la  mer 
Oceane,  35.  lieues  loing  de  Maroque,  el  i8.  de  SaalTy.  Elle  est 
ceincte  de  foibles  el  basses  murailles,  a  fort  peu  d  babitans.  Il  y  a 
long  temps  que  les  Espagnolz,  qui  ont  une  forte  ville  à  deux  lieues 
près,  dans  lemljoucbeure  de  la  rivière',  lauroient  prise,  n  estoit 
que,  par  son  moyen,  ils  ont  quelque  commerce  avec  les  Maures 
du  païs,  et  mesme  qu'un  Espagnol  est  fermier  des  douannes  que 
le  Roy  y  a  eslablies.  Cette  ville  est  de  peu  de  considération. 

La  quatriesme  ville  de  l'obéissance  du  Roy  esl  Saalé-le-VieiP, 
qui  est  ceincte  de  murailles,  mais  la  plusparl  ruinées,  en  sorte  que 
les  cbarretles  pourroient  y  entrer  par  plusieurs  endroiciz.  Il  y  peut 
avoir  quelque  ^loo  hommes,  entre  lesquels  il  y  a  quelques  mar- 
chandz  fort  riclies  à  cause  du  commerce  du  Nouveau-Salé  % 
qui  est  un  port  de  mer  occupé  par  les  Maurisques  cbassés  d'Es- 
pagne. Il  n'y  a  pas  plus  de  demie  lieue  entre  les  deux  villes  sépa- 
rées par  le  canal  de  mer. 

L'autre  ville  obéissante  au  Roy  est  au  royaume  de  Suze%  bien 
avant  en  terre  ferme,  dont  je  n'ay  autre  connoissance.  sinon  que 
c  est  une  fort  grande  ville  et  mal  peuplée'. 

Le  principal  de  ses  cbasteaux  esl  au  royaume  de  Gago,  vers  la 
Guinée,  d'où  ses  prédécesseurs  ont  lire  une  grande  quantité  d'or  le 
meilleur  du  monde,  mais,  depuis  trois  ou  quatre  ans.  un  sancton*  a 

1 .  On  se  rappelle  que  c'est  dans  le  port  époque  d'autre  autorité  que  celle  de  Sidi 
de  Safi  que  se  faisait  à  cette  époque  tout  le        Mohammed  el-Ayachi. 

trafic    du  royaume  de  Merrakech  avec  les  5.   Nouveau  Salé,  I\bat. 

nations  européennes.  C^.   Sure,  Sous. 

2.  Cette  petite  rivière  est  l'oued  Oumni  7.  L'auteur  du  mémoire  veut  désigner 
er-RI)ia,  le  fleuve  le  plus  imporbrut  du  Taroudant  ;  mais  il  se  contredira  un  peu 
Maroc.  plus  loin  (V.  p.  306,  note  1).  en  rangeant 

3.  Celte  «  forle  ville  «  possédée  par  les  cette  ville  sous  la  domination  du  marabout 
Espagnols  h  deux  lieues  d'.Vzemraour  est  Sidi  Ali.  Cette  seconde  aflirmation  est 
Mazagan.  Cette  place,  ancienne  fronieira  d'ailleurs  plus  conforme  à  l'état  politique 
portugaise,  était  passée  à  l'Espagne  lors  de  du  Sous  à  cette  époque. 

la  ré-uiiion  des  deu\  couroiuies  (iSt^o).  8.    Un  mnclon,  le  santon  de  Massa,  Sidi 

.'i.   Salé-le-Vieil  ne  reconnaissait  ii  cetle         .\.li.  ^'.  infra,  p.  365,  note  4. 


MEMOIRE    SUR    LE    MAROC 


36  1 


occupé  le  chemin  et  y  envoie  ses  gens  qui  portent  du  sel  ;i  ce  peuple 
sauvage  et  en  eschange  rapportent  l'or. 

Le  second  chasteau  se  nomme  S'"-Croix,  situé  sur  le  bord 
de  rOeean.  dans  la  pante  d'une  hautle  coline,  et  par  consecpiaiil 
commandé:  il  a  d'assez  bonnes  murailles,  mais  basses  et  la  pluspart 
de  terre.  11  v  peut  avuir  dedans  cpielques  trois  cents  hommes  bons 
et  mauvais  ;  il  s'y  est  fait  autresfois  quantité  de  sucre  et  il  y  a  encores 
aux  environs  quelques  moulins  et  cannes  de  sucre'.  Le  trafïicqy 
estoil  tort  bim,  il  y  a  sept  ou  huict  ans,  mais  le  sancton  de  Meze', 
n'estant  qu'à  cinq  lieues  de  là,  a  deJTendu  aux  Alarbes  de  la  cam- 
pagne d'y  achapter  ny  vendre  aucunes  denrées  el,  par  ce  moien,  a 
tiré  les  marcliandzde  son  costé,  de  sorte  qu'il  faut  que  le  Uoy  leur 
envoie  des  munitions  par  la  mer  en  quelques  vaisseaux  hoUandois 
qui  serviroient  le  diable  pour  leur  profTict^ 

Le  troisiesme  chasteau  est  Mougadou'.  situé  sur  le  bord  de  la 
mer  en  la  mesme  coste.  Le  chasteau  est  fort  petit  et  Ibible,  habité 
par  quelque  quatre-vingtz  hommes  ;  le  Roy  l'a  faict  reparer  el 
habiter  depuis  trois  ans,  pour  empescher  le  trafTic  des  Chrestiens 
avec  les  Alarbes  et  le  sancton  de  ce  pais  qui  lui  sont  rebelles  '. 
Il  y  a  une  isle  inhabitée  demi  lieue  à  la  mer;  l'isle  commande 
le  chasteau  et  le  pori,  car  elle  est  tellement  située  que  d  un  bout 
elle  commande  audicl  ("orf  et  le  peut  l)attre  en  ruine,  et  de  1  autre 
elle  commande  dans  le  port  qui  est  la  retraicte  ordinaire  des  for- 
bans pendant  1  hyver.  11  y  a  une  rivière  d'eaue  douce  d'où  les 
navires  prennent  de   l'eau  en  despil  de  fous  les  Maures;  lesdicts 

I .   Sur  la  culture  de  la  canuo  à  surrc  au  res([ucs  ne  pourroient  jamais  achever  une 

Maroc    et  spécialement   dans   le   Sous,   V.  galère,  si  ce  n'est  pas  la  faveur  et  intelli- 

/'■'■  Série.  France,  t.   F,  p.  3o3,   note  5,  et  gence  qu'ils  ont  avec  leurs  pensionnaires, 

l.  II,  p.  358,  note  6.  confédérés  et  associés  qui  leur  envoient  le 

■>..  Le  sancton  de  Meze.  Sidi  .\li.  —  Aleze,  bois,  les  charpentiers,  les  mats,  les  avirons. 

Massa,  Mast,  petit  port  à  .'lO  kilomètres  au  les  chaînes  toute   faites  pour   enferrer  les 

sud  d'.Vgadir.  l, ne  légende  d'origine  ineer-  Chrétiens.    »     Foucques,     Mêm.     parlant 

taine   en   faisait   le    lieu    où   avait    échoué        plusieurs  averlissentens  présentés  au  Huy 

la  baleine  du  prophète  .lonas.  p.  6. 

3.   Los  Hollandais  avaient  au  xv!!"  siècle  1.   Mougadou.     Mogador.     V.    ci-dessus 

fort  mauvaise  réputation  et  passaient  povir  pp.  76,  117  et  121. 

favoriser  la  piraterie  harbaresque.  Le  capi-  5.   Ce  santon  rebelle  au  Chérif  dans  la 

taine  P'oucques  appréciant  leur  rôle  écrit  :  région  de   Mogador  devait   être  le   fds  de 

«  Malgré  toutes   leurs  volcries,  les   Harba-  Sidi  Valii.i  ben  Abdallah. 


362  COMME!VCEME>T    DE     1 63 1 

chasteau  et  porl  de  mer  sont  entre  SaafTy  et  S"'-Croix,  i6.  lieues 
de  Saaffy  et  quelque  3o.  de  S'"-Croi\.  Il  faut  aussi  que  le  Roy  y 
envoyé  des  provisions  jiar  mer  dans  quelques  petits  batteaux,  car  les 
Alarbes  sont  maistres  de  la  campagne. 

Or  combien  que  le  Roy  n'ayt  en  son  pouvoir  autres  places,  il  a 
néanmoins  beaucoup  de  païs  à  son  commandement  et  beaucoup 
de  subjectz  qui  lui  font  hommage,  sans  payer  aucun  tribut,  si  lui- 
mesme  ne  le  va  recueillir  dans  leurs  adouars  et  habitations,  ce  qu  il 
faict  tantosi  en  une  province,  tantost  en  une  autre,  menant  avec  soy 
une  armée  de  i5  ou  20000  hommes  à  cheval,  car  ils  n  ont 
point  d'infanterie  en  ce  pays  ;  et,  si  ce  Roy  n  y  aloit  le  plus  fort,  il 
n'auroit  aucun  tribut  qui  consiste  en  bled,  orge  ou  froment, 
chevaux,  moutons,  vaches,  chameaux  et  volailles,  car,  pour  de 
1  argent,  il  nen  tire  point,  sinon  des  susdictcs  places  où  il  a  des 
douannes  et  impost  sur  les  marchandises,  les  Juifs  faisans  tout  ce 
négoce.  Il  entrelient  sa  maison  et  son  armée  par  le  moyen  desdictes 
douanes  et  des  autres  commodités  qu'il  prend  sur  ses  subjectz,  paianl 
ordinairement  sa  gendarmerie  de  bœufz.  moutons,  bledz,  \c.  Il  a 
de  grands  trésors  d'or,  argent  et  pierreries  que  lui  (mt  laissé  ses 
prédécesseurs,  roys  qui  ont  jadis  occupé  et  pillé  toute  l'Espagne 
et  sont  venus  bien  avant  dans  la  France. 

Quant  à  ce  qui  est  des  autres  villes  de  ses  royaumes,  où  il  est 
reconneu  pour  roy.  mais  où  il  n'est  pas  obéi,  sont  les  suivantes  : 

Toutouan  est  au  dedans  du  Desiroict'  dans  1  amboucheure^, 
ville  médiocrement  forte,  tenue  par  les  Maures  qui  se  donnent 
librement  la  dispanse  de  boire  de  bon  vin  qu'ils  recueillent  en  assez 
grande  abondance  :  elle  est  sur  la  mer,  et  s  y  fait  assez  jjon  tralhcq 
pourveu  c[u"on  prenne  ses  assurances^. 

Fessa  ou  Fez  est  située  quelque  25.  lieues  en  terre  ferme,  tant 
du  costé  de  la  mer  Méditerranée  que  de  l'Océan,  grande  ville, 
assez  forte  et  médiocrement  peuplée  de  Maures  qui  obéissent  au 

1.  Il  faut  proljahloment  entendre  :  .3.  La  ville  de  Tétouan.  comme  colle  de 
Télonan  est  au  dedans  de  la  mer  fermée  Salé,  après  avoir  accueilli  les  Moriscos 
par  le  détroit  de  Gibraltar,  c'est-à-dire  :  expulsés  d'Espagne,  avait  fini  par  en  subir 
dans  la  Méditerranée.  l'autorité.  Les  buveurs  «  de  bon  vin  »  dont 

2.  Tétouan  est  à  deux  kdomt'tres  de  la  parle  l'auteur  devaient  être,  non  des  indi- 
côte,  à  l'embouchure  de  l'oued  Martil.  gènes,  mais  de.s  Moriscos. 


MEMOIRE    SLR    LE    MAROC 


363 


cousin  du  roy  de  Marocque  '  révolté  de  son  obéissance.  Le  frère 
cludict  Roy  y  est  maintenant  reffugic  ',  craignant  la  cruauté  et 
barbarie  de  celui  qui  tient,  il  y  a  trois  ans,  un  de  ses  autres  frères 
prisonnier  à  Maroque\  Cette  ville  est  capitalle  du  royaume  qui 
porte  son  nom  ;  elle  a  une  assez  bonne  rivière  qui  desgorge  dans 
1  Océan  *,  mais  ne  lui  sert  de  rien  au  tratricq.  d'autant  rpie  les 
Espagnol/  en  ont  occupé  1  amboucheurc  '  ;  ceux  de  Toutouan  et  de 
Saalé  y  portent  les  marcluuuliscs  qu'ils  acbcpleni  des  Clireslicns. 

Argillc  ou  Arzilleesl  une  petite  ville  située  sur  le  bord  de  la  mer 
Oceane,  quelque  i5.  ou  20.  lieues  dehors  le  Destroit,  au  pied  du 
cap  Spartel  ;  ses  murailles  sont  basses  et  fort  ruinées  et  ne  paroissent 
que  connue  vieilles  niazures  ;  elle  est  néanmoins  assez  peuplée  et 
abondante  en  l)led,  qui  fait  que  les  navires  y  abordent.  Les  liabi- 
tans  sont  aussi  Maures,  ont  quelques  doubles  cbalouppes  pour  la 
pesclie  et  mesme  se  meslent  depuis  peu  de  piralcr  surmei-,  atlac- 
quan  les  vaisseaux  marcbandz  hu-squ'ilz  les  connoissent  foibles. 
C'estcelle  ville  que  Dom  Sebastien,  roy  de  Portugal,  tcnoit assiégée, 
lors  qu'il  donna  la  malheureuse  bataille  oii  il  se  perdit  avec  son 
armée '^. 

La  villede  Saalé,  qu'on  appelle  leNouveau-Saalé,  est  située  sur  le 
bord  de  1  Océan.  quel(|ue  ciricjuante  lieues  du  Destroit.  à  l'entrée 


1.  Cousin  du  roy  de  Marocque,  Moulay 
.Vbd  il-Malck  ben  ech-Choikh  ;  ce  prince 
était  mort  de  la  peste  sans  laisser  d'héritier 
en  1627. 

2.  Ce  frère  de  Moulay  .VI)d  el-Malek  ben 
ZidAn  était  Moulay  \hmed .  Ce  prince,  après 
s'être  réfugié  à  Fez,  tenta  de  se  faire  pro- 
clamer (5  novembre  1627).  Mais  il  se  ren- 
dit odieux  et  fut  emprisonné  le  1 2  août  1 C28. 
Après  une  longue  captivité  il  s'évada  en 
1606,  déguisé  en  femme,  etcberclia  à  pren- 
dre sa  revanche  contre  les  habilanls  de  Fez, 
avec  l'aide  dos  tribus  arabes.  Cf.  Fi.-OtFRÀx  I , 
pp.  3gi-3g7,  !\oi  ;  i"  Série,  .Vngleterre, 
Relation  de  Cholmley,  1671  ;  et  infra.  Doc. 
CI,  p.  58G. 

3.  Il  s'agit  ici  de  Moulay  el-()iialid  (pii 
s'était  enfui,  ;i  l'avènement  do  Moulay  .Vbd 
i;l-Malck,  auprès  de  Fl-.Vyachi.  l'ris  ensuite 


par  le  Chérlf,  il  fut  retenu  prisonnier  jus- 
qu'à la  mort  do  celui-ci  à  qui  il  succéda. 
Cf.  /'"  Série,  Angleterre,  Rapport  de  J . 
Ilarrison,  25  juillet  iG3i  et  El-Oufhàni, 
pp.  /io5-.'i07. 

'1.   L'oued  Sbou. 

ô.  .Mlusion  à  la  prise  d'El-Mamora  en 
i6ii.  On  sait  que  ce  repaire  de  pirates  se 
trouvait   à  l'embouchure    de    l'oued    Sbou 

appelée  par  les  indigènes  :   I\]-lliilk     \\>-\ 

le  goulet. 

6.  Contrairenieul  à  l'assertion  de  l'au- 
teur, la  ville  d' Vrzila  ne  fut  pas  assiégée  par 
D.  Sébastien  ;  celte  place  appartenait  au 
royaume  de  Portugal  ;  elle  fut  évacui'o  en 
i58g.  Cf.  El-Oufràni,  pp.  263-264  et 
Ltiz  DE  Menfzes,  Ilist.  de  Portuy.  restau- 
rado.  t.  I,  p.  37. 


36')  COMMEJJCEMENT     DE     I  63  I 

d'une  rivière  (|iii  va  quelques  liuict  ou  neuf  lieues  en  terre'  et  passe 
le  long  d'une  petite  ville  distante  de  Saalé  deux  petites  lieues:  cette 
petite  ville  est  foiblc  et  a  bien  peu  d'hahitans.  lesquels  obéissent  au 
Roy  et  à  ceux  de  Saalé  à  cause  du  voisinage  et  du  Iraflicq.  Ils  n'y 
veulent  laisser  entrer  aucun  Chrestien  et  sont  Maures  fort  zélés. 
C'est  en  cette  ville  où  est  le  sépulcre  menioiable  du  grand  Jacob 
Almansor  qui  conquist  les  Espagnes,  comme  aussi  de  quelques 
autres  roys  de  Maroques'.  Elle  se  nomme  SchcUes'.  Et  pour  dire 
ce  qui  est  de  Saalé,  c'est,  àmonadvis'ct  au  jugement  de  plusieurs, 
la  plus  belle  et  agréable  demeure  de  toute  la  coste  d'AlTrique, 
l'air  y  estant  tempéré,  la  terre  bonne  par  excellence  et  les  eaues 
douces  à  commodité.  Il  y  a  ville  et  cliasteau  avec  un  port  pour 
tenir  ôo.  vaisseaux  de  deux  ou  trois  cents  tonneaux;  le  cliasteau 
est  fort  d'assiette  et  nouvellement  fortifié  de  fossés  et  ravelins, 
y  ayant  dans  iceluy  un  gouverneur  et  quelque  trois  centz  hommes, 
Maurisques  chassés  d'Espagne  :  la  ville  peut  avoir  mil  ou  douze 
cents  hommes  de  combat  et  est  aussi  peuplée  de  Maurisques 
chassés  d'Espagne,  qui  ont  leur  gouverneur  autre  que  celuy  du 
chasteau',  les  ungs  et  les  autres  reconnoissant  le  Roy  et  disant 
qu'ils  luy  gardent  sa  ville  et  forteresse,  mais  ils  ne  lui  obéissent  en 
rien  et  ne  lui  paient  aucuns  dcbvoirs\  Ils  sont  grandement  enrichis 
du  butin  qu'ils  ont  fait  sur  la  mer,  où  ils  ont  dej)uis  dix  ans  pris 
et  pillé  plus  de  mil  vaisseaux  chrestiens  de  toutes  nations,  faisant 
les  hommes  esclaves  et  les  traictant  comme  chiens,  à  la  honte  et 
confusion  de  la  Chrestienté  dont  le  moindre  prince,  voire  la  moindre 
ville  maritime,  peut  ruisner  ces  forbans  infidelles,  par  le  moien  de 
trois  ou  quatre  bons  vaisseaux  de  guerre  qui  les  tiendroient 
assiégez  dans  leur  port,  comme  monsieur  de  Razilly  a  faict  ces 
deux  années  passées';  en  sorte  qu'après  leur  avoir  pris  et  bruslé 

1.  On  ne  connaissait  alors  que  le   cours        du  mémoire  avait  vu  Salé. 

inférieur  de  l'oued  Bou  Regrag.  Enréalité  3.    Sur  les  gouverneurs  de  Salé-lc-î<euf  et 

ce  cours  d'eau  s'enfonce  au  cœur  du  Maroc,  de  la  Kasha,c(.  Introduction  critique,  p.  ig4. 

et,  sous  le  nom  de  oued  Grou,    il   prend  G.   Cf.  Ibidem. 

naissance   au   Ari  Haïan.  7.   Allusion  aux  deux  voyages  consécutifs 

2.  Allusion  aux  tombes  des  princes  de  la  accomplis  parle   chevalier  de   Razilly   en 
iynastic  des  Béni  Mcrin.  1629  et  i63o.   Ce  passage  est  un  de  ceux 

3.  Schelles,  Cliella.  qui  établissent  que  le  mémoire  est  du  com- 

4.  Cette  expression  établit  t^ue  l'auteur  mencement  de  i63i.  Cf.  p.  358,  note  i. 


MEMOlKi;     Slll     LE     MAltOC 


36c 


dix  na\ires  et  harassé  les  autres  (jui  ne  |)(uiv(iieiil  entrer  dans  leui- 
port,  il  les  a  contraincts  à  demander  la])aix  au  vn\  de  Franec,  rendre 
tous  les  esclaves  françois  et  promettre  n'en  prendre  plus  à  l'advenir, 
avec  quantité  d'autres  articles  de  paix  fuit  advenlageux  pour  le 
trafficq,  y  aiant  mesmeeslabli  un  consul  françois  avec  exercice  libre 
de  la  religion  catholicque,  apostolicque  et  romaine'  en  sa  maison. 

J'oubliois  à  dire  qu'entre  la  ville  et  cliasteau  de  Salé  il  y  a  un 
grand  enclos  de  murailles  qui  contient  deux  lieues  et  enclost  la 
ville  et  le  chasteau,  les  vii^nes.  les  prez.  jardins  et  terres  labourables, 
et  en  outre  une  vieille  mousquée  cpii  a  eneores  (juclques  200.  pilliers 
debout  et  en  avoit  autrefois  4oo.,  avec  une  grande  tour  quarrée 
qui  est  encores  entière,  haute  et  large,  en  sorte  qu'elle  peut  porter 
du  canon  qui  commanderoit  par  tout  l'enclos.  Deux  hommes  à 
cheval  peuvent  monter  de  front  jusqu'au  hault  de  la  tour". 

Meze  ^  est  une  ville  située  proche  la  mer  Oceane.  5.  ou  G. 
lieues  de  S'^-Croix  :  elle  est  ceinctc  de  vieilles  murailles  et  n'est  forte 
que  d'hommes  qui  obéissent  à  un  sancton',  lequel  les  gouverne 
paisiblement,  comme  aussi  tous  les  Alarbes  ou  Maures  des  environs, 
plus  de  Go.  lieues  à  la  ronde.  Le  trafficq  y  est  fort  bon,  d'autant  que 
le  sancton  y  tient  main  forte  ^  de  façon  qu'après  avoir  eu  son  passe- 
port, les  marchand/  peuvent  aller  librement  à  terre  et  y  porter  leurs 
marchandises,  voire  y  estaler  dans  des  tentes,  et  ce  sans  aucun  péril 
d'csclavitude,  car  ledict  sancton  ne  veut  et  ne  permet  qu  on  face 
esclaves  autres  que  les  Espagnolz  et  ceux  qui  en  font  aussi 


6 


1.  L'auteur  fait  allusion  àriindcsarliclos  sur  tout  le  pays  au  sud  du  Deren  (Haut 
de  la  trêve  du  3  septembre  (V.  p.  2g4)  et  .\tlas).  Il  s'était  prononcé  contre  Moulay 
au  consul  P.  Mazel  que  Razilly  institua  en  /idàn  dès  163/1  Çi"  Série,  Pays-Bas,  t.  III, 
vertu  dudit  article  (V.  p.  3ï8).  Journal  de  Ftuyl,  à  la  datedu  29  mars  iGai). 

2.  I.a  tour  do  Hassan,  construite  sous  El  .\yachi  avait  recherché  son  alliance  (/'■'' 
Yakoub  cl-Mansour  (ii84-iigy)  sur  les  Série,  .Angleterre,  A/c'moirs  t/e  J.  //arrison, 
mêmes  plans  que  les  minarets  de  la  Koutou-  iC3o).  Sa  zaouïa  était  à  Iligb  dans  le  Taze- 
bia  et  de  la  Giralda  de  Séville.  rouait.    Cf.  p.  191,  note  3. 

3.  Sur  Meze(Massa),V.  ci-dessus,  p.  30 1 .  5  Surl'extensionducommerceeuropéen 
note  2.  La  distance  indiqué-e  est  un  peu  dans  le  Sous  pendant  la  domination  de  Sidi 
trop  faible.  .\li  et  sur  le  mécontentement  qu'en  éprou- 

4.  Le  marabout  Sidi  Ali  bcn  Mobam-  vait  le  Cbérif,  V.  i'''  Série,  Angleterre, 
med  ben  Ahmed ben  Moussa.  Sur  les  dlffé-  années  i635-i637,  passim. 

rentes  appellations  de  ce  santon,  V.  infra,  6.  Sur  la  sécurité  dont  jouissait  le  com- 

p.  573,  note  3.  —  Son  influence  s'exerçait  mercedansleSous,V. /6iticmetiVi/ra,  p.  5.'|5 


30G  COMMENCEMENT    IJE     1 63 1 

Teroudan  est  une  autre  belle  ville,  quelque  douze  lieues  en 
terre  ferme  '  ;  il  \  a  encores  des  moulins  à  sucre  et  aljondance  de 
cannes  pour  en  faire,  mais  ils  n'en  ont  l'invention^;  elle  est  aussi 
en  l'obéissance  du  sancton  de  Meze  qui  l'a  achaptée  d'un  autre 
sancton  aoo.  ducats  seulement.  Ce  santon  de  Meze  est  si  puissant 
que  luy  seul  pourroit  chasser  le  Roy  de  son  royaume  ;  mais  ses 
parans  et  amys  ne  lui  veulent  permettre  de  s'esloigner  d'eux.  Meze 
est  distante  de  Teroudan  d'environ  douze  lieues. 

Il  y  a  encor  une  autre  ville  à  dix  lieues  de  Mougadou,  tenue  par 
un  autre  sancton. 

Voylà  sommairement  les  places  que  tiennent  les  Maures  en  celte 
coste  de  Barbarie  depuis  le  Destroit  jusques  au  royaume  de  Gago 
ou  au  Cap  Verd. 

Le  roy  d'Espagne  y  en  a  aussi  quelques  unes  qui  sont  : 

Septe^  à  l'emboucheure   du   Destroit. 

Tangel,  procbe  du  Destroit,  ville  forte  et  grandement  munie 
de  canon. 

La  Rascbe  est  à  l'emboucheure  d'une  rivière,  est  fort  bien  bastie 
et  peuplée  de  quelques  3oo.  familles  d'Espagnolz. 

La  Mamore  est  aussi  à  l'entrée  d'une  rivière,  sur  le  haut  d'une 
montaigne  fort  roide  du  coslé  de  la  mer,  mais  presque  égale  du 
costé  delà  terre.  Il  y  a  Soo.  hommes  de  garnison  et  quelque  120. 
pièces  de  canon. 

Mazagan  est  une  autre  ville  sur  le  bord  de  la  mer,  forte  et  bien 
peuplée  d'Espagnolz;  les  navires  vont  anchrer  soubz  la  forteresse  ; 
elle  est  distante  de  Maroques  environ  35.  lieues. 

Je  ne  sçache  qu'il  y  aye  d'autres  villes  habitées  en  toutte  cette  terre 
du  roy  de  Maroque,  combien  qu'il  y  en  aye  grand  nombre  de  rui- 
nées et  désertées,  tant  dans  la  grande  terre  comme  le  lona;  des  costes 
où  j'enay  veu  particulièrement  deux,  dont  lune  s  appelloit  ancien- 
nement Anafée*,  et  maintenant  «  la  Ville  aux  Fourmis  »,  d'aulant 


1.   L'auteur  a  parlé  plus  liaut  de  Tarou-  2.   Mois  ih  n'en   ont  l'invention.    Il  faut 

dant,  sans  désigner  celte  ville  par  son  nom  probablement  entendre  :  ce  ne  sont  pas  les 

(V.  p.  36o  et  note  7).   La  dislance   de   la  indigènes  qui  ont  introduit  les  sucreries  au 

côte,  c'est-à-dire  de  Massa,  comme  on  le  voit  Maroc, 

quelques  lignes  plus  bas,  est  trop  faible.  On  3.   Seple.  Ceala. 

compte  65  kilomètres  de  Taroudant  à  Massa.  It-   Anafée,  Anfa,   ancien  nom  de   Casa 


MÉMOIRE    suit    LE    MAROC  36' 

que  les  fourmis  ont  laiit  molesté  les  habitans  qu'ils  les  ont  con- 
Iraiiicts  de  la  quitter  :  elle  eslencores  la  ])luspart  entière,  avec  grande 
quantité  de  tours,  et  de  loing  fort  s(;inhlable  à  la  ville  de  Tours. 
L'autre  se  nommoit  aneiennemenl  Tite',  et  maintenant  »  la  \'ille 
aux  Lions  »,  qui  en  ont  chassé  les  liabitans. 

Or,  combien  qu'il  y  ave  si  peu  de  villes,  ce  n'est  pas  que  la  terre 
ne  soit  bien  habitée  :  mais  cette  nation  qu'on  appelle  Alarbes,  ou  pour 
tnirux  dire  Arabes,  demeure  dans  des  lentes,  changeant  dhabilalion 
(jiiand  ds  \euleiil.  Va-  sniilgens  qui  vi\enl  de  peu,  faineans.  larrons 
et  perfides,  qui  ont  quantité  de  beslail  et  de  volailles,  mais  principa- 
lement de  chameaux  et  chevaux,  sin'lesijuels  ilz  sont  si  addroielzque 
lonles  peut  dire  les  plus  habdlcs  du  monde  à  courir  et  se  manier  sur 
un  cheval  :  et.  quand  ilz  vont  à  la  guerre,  ilz  portent  sur  cheval 
pour  lô.  jours  de  vivres  pour  euixet  jîour  le  cheval,  n'ayant  autre 
discipline  militaire,  sinon  que  chacun  suit  son  chef  d'adouar,  qui 
est  à  dire  village,  car  leurs  habitations  sont  distinguées  paradouars, 
et  ordinairement  tous  les  Arabes  d'un  adouar  sont  de  mesme  race 
ou  famille. 

Les  villes  qui  restent  pour  le  jourd'huy  en  toute  cette  coste  des 
royaumes  de  Fe/  et  de  Maroqric  sont  celles-cy,  par  ordre  dans  le 
Destroiet  : 

Ouran,  habité  et  gardé  par  les  Espagnolz  qui  }  font  guerre  conti- 
nuelle. 

Septc  ou  Sicutte.  par  les  Espagnolz,  à  sept  lieues  d'Espagne. 

Tanger,  par  les  Espagnols. 

Toutouan,  par  les  Maures  qui  n'obéissent  point  au  roy  de  Ma- 
roque. 

Argile,  par  les  Maures  qui  n'obéissent  au  Roy. 

La  Rasche,  par  les  Espagnolz,  est  à  l\.  lieues  d'Argile. 

La  Mamorc,  par  les  Espagnolz,  est  à  i  g.  lieues  de  La  Rache. 


Blanca;  le  surnom  de  «  Villeaux  Fourmis  M,  y  emiuenle,  de  Mazagan  aunnodos  léguas 

en  arabe  :  Medineten-Nemel,  n'est  plus  con-  y  que  en  los  siglos  arrasados  muestra  aver 

nu  dans  le  pays.  V.  infru,  p.  GOy,  note  2.  sido  populosa,  ya  en  sus  sobervios  edificios, 

I.   Sur  cette  ville,  V. /'■' Série.  l'rancc,  t.  circuito    grande     de    murallas,     bovedas, 

II,  p.  SgS.  Gespedes  la  décrit  ainsi  «  Es  Tite  puertas,  baluartes,  temples,  colunas,  arcos, 

mas  que  gran  vestigio  do  una  anliquissiraa  lermas...  (p.  5o6).  Lesurnomde  «  Villeauit 

ciudad  edificada  en  esta  costa,  en  sitio  llano  Lions  ))  n'est  plus  connu  dans  le  pays. 


368  COMMENCEMENT    DE     lC3l 

Le  Vieil-Saalé  obéist  au  roy  de  Maroqiie  et  est  à  j^.  lieues  de 
Mamore. 

Le  Nouveau-Saalé  à  une  demie  lieue  du  Vieil,  comme  une 
République. 

Anafée  ou  «  ^  illeaux  Fourmis  »  est  déserte,  ù  u).  lieues  de  Sale. 

Azamoie  obéist  au  Roy  et  est  à  lo.  lieues  d'Anafée. 

Mazagan,  au  roy  d'Espagne  et  est  à  2.  lieues  dWzamore. 

Tile,  déserte,  et  est  à  3.  lieues  de  Ma/agan. 

Saphy  obéist  au  Roy  et  esta  i5.  lieues  de  Tile. 

Mongador  obéist  au  Roy  et  est  à  i(i.  lieues  de  Sapliy. 

S'^  Croix  obéist  au  Roy  et  est  à  3o.  lieues  de  Mongador. 

Mezze  obéist  au  Sancton  et  est  à  7.  lieues  de  S'''  Croix. 

Bibliothè(jue  Nationale.  —  T''  Je  Colbeii,  Ms.  ^83,  (f.  ^52-/i58  —  Copie 
du  xvii'  siècle. 

Ibidem.  —  FomU  français .  .W.ç.  Ujl'il.  ff.  i//  v"-290  v°.  —  Copie  du 
wn""  siècle. 

Ibidem.  —  Fond.'!  français.  Ms.  16167 ,  ff.  321-336  r°.  —  Copie  du 
xvn''  siècle. 

Bibliothèque  de  l'.irsenal.  —  Ms.  i767.  t.  I.  ff.  108-111.  —  Copie 
du  xvu'  siècle. 

Ibidem.  —  Ms.  !i7'i2.ff'.  2W  i'°-555.   —  Copie  du  xmi'  siècle. 


LETTRE    DE    P.     MAZET    A    RICHELIEU  869 


XLVIII 


LETTRE  DE  P.  MAZET  A  RICHELIEU 

//  envoie  à  Richelieu,  sous  le  même  pli,  un  résumé  de  ses  précédentes  lettres. 

—  Situation  politique  de  Salé;  sagesse  de  ses  gouvernants  actuels.  — 
Mécontentement  causé  aux  habitants  de  Salé-le-NeuJ  par  un  fossé  creusé 
autour  de  la  Kasba.  —  Procès  intenté  à  un  jeune  homme  de  Calais  ; 
intrigues  de  Ali  Raïs.  —  Mazet  réclame  la  mise  en  liberté  d'un  jeune 
homme  de  Calais  que  Ali  Raïs  veut  faire  musulman.  —  Il  réclame  aussi 
la  libération  d'un  Dieppois  pris  par  les  Barbaresques  et  amené  à  Salé.  — 
SiRazilly  et  Du  Chalard  reviennent  à  Salé  munis  de  pouvoirs  pour  traiter 
avec  le  Gouverneur,  ils  pourront  négocier,  outre  la  relaxation  des  captifs, 
la  liberté  du  trafic  dans  les  ports  marocains.  —  Progrès  du  santon  Sidi 
Ali:  bon  accueil  que  reçoivent  dans  ses  Etats  les  marchands  étrangers. 

—  Nécessité  d'une  expédition  contre  Alger  et  Tunis.  ■ —  Mazet  demande 
à  être  maintenu  dans  la  fonction  de  consul  au  Maroc  malgré  les  pro- 
visions pour  la  même  charge  que  .André  P rat  a  obtenues  du  secrétaire 
Bouthillier . 


Salé,  10  février  i63i. 

Suscriptiou  :  A  monseigneur,  monseigneur  le  cardinal  de  Uiclie- 
lieu,  grand  niaistre,  chef  des  conseillis  de  France,  elc',  par  mains 
de  monsieur  de  Martin,  conseilhier  du  Uoy  en  ses  conseillis  d'Estatz 
et  secrétaire  gênerai  de  la  marine  de  France,  reue  Bourgti- 
bourg,  etc",  à  Paris. 

Monseigneur, 

Salut  et  prosperitté  en  la  bonne  grasse  de  nostre  bon  roy  à  quy 
Dieu  dont  1  unique  lelisitté  et  le  nous  mcintienc  avec  Monsieur 
pour  long  siècle  ! 

Celle  issy  est  la  troiziesme  ou  (juatriesme  que  j'ay  heu  l'oncur 
De  Castkies.  111.  —  24 


870  lO    FÉVRIER     l(),'5l 

d'escripre  en  dacle  du  treziesme,  vingt-deuxiesme  octobre,  et  ma 
presedentc  du  quinziesme  de  dezembre  dernier,  soubz  l'adresse  de 
monsieur  de  Valanse  à  Calais  ou,  à  son  absance,  à  son  lieutenant, 
espérant  qu'ilz  auront  faict  tenir  le  paquet  à  monsieur  de  Martin  à 
Parys.  insin  que  leur  ay  supplié  et  encharger  de  faire,  si  tant  est 
que  leur  soict  esté  randeu.  Et,  pour  sy  a  cas,  va  sy-inclus  l'estretz 
d'icelle  touchant  les  occurances  passées,  à  quy  je  me  remet.  E 
anarant  sullement  se  quy  court  de  nouveau  en  se  carlier,  que  le 
cappitaine  Serron  '  est  reanlrei-  gouverneur  du  Chcteau,dès  le  cin- 
quiesme  du  courant,  et  cappitaine  Alcasery  y  est  encore  pour 
ceulx  du  faubourd",  lesquelz  gouvernent  asés  paiziblement,  que 
samble  y  voir  coman sèment  de  conformitté  de  se  cazy  redreser 
comme  ilz  estoinct  au  passé  (bien  que  en  ceste  Barbarie  toute  chose 
soict  beaucoup  moingz  estable  que  à  tout  aultre  partie  du  monde); 
d'aultant  que  le  ving-slxziesme  de  se  moys  ^  ont  faict  bailhé  paye  à 

tousses  abilans  à   '  livres  tz.  pour  chaqun  houme  hordinere, 

se  que  faizoict  plus  d'un  an  qu  ilz  n'avoincl  rien  heu'^.  Et 
neamoingz  pluzieurs  dudict  bourd  grondent  contre  ceulx  dudict 
château,  à  l'occazion  de  la  continuasion  du  fossé  que  font,  pour 
l'avoir  trasé  à  prandre  jusques  la  plasse  du  Figuier,  où  se  faict  le 
déchargement  des  marchandizes  en  la  rivyere.  alegant  quy  le  font 
pour  se  randre  maistre  obsolut  d'eux  ou  de  se  donner  aux  Espa- 
gnols"; et  deux  jours  apprès,  que  fut  le  vingt-huictiesme  dudict, 
pour  les  appezer,  font  rangé  ledict  fossé  tout  contre  l'antour  de  leur 
petict  château  apjjellé  El-Darmir\  oîi  n'auront  poinct  de  lieu  à  fere 
aulcune  tour  ou  balouart'  pour  mieux  douminé  ledict  faus  bourd 
que  auparavant  ;  n  ont  aultre  advantage  que  de  s'eltre  retranché  pour 


1.  Le  cappitaine  Serron,  Moh^mmedhen  5.  Les  habitants  de  Salé-le-Neuf  devaient 
Abd  el-Kader  Ceron.  Sur  ce  personnage,  recevoir  une  quote-part  dans  le  produit 
V.  supra,  p.  3o8,  note  i.  des  douanes.  V.  Introduction  critique,  p.  ir)3, 

2.  Sur   les   deux  gouverneurs  de    Salé,  n.  2,  et  p.  ig4;  et  infra,  p.  54 1. 

celui  de  la  Kasba  et   celui  de  Salé-le-Neuf  6.   Sur    ce    fossé    que  les    habitants    de 

(Ubat),  V.  supra,  p.  i(j4,  note  5.  Salé-le-Neuf  regardaient  justement  comme 

3.  Le  vinij-sixziesme  (le  se  moys.  La  lettre  une  mesure  de  défense  prise  contre  eus, 
étant  datée  du  10  février,  l'auteurveut  sans  V.  i'''^  Série,  Espagne,  16  septembre  1629. 
doute  dire  le  26  janvier.  —  Le  sujet  de  la  7.  El-Darmir,  transcription  défectueuse 
proposition  n'est  pas  exprimé.  d'un  mot  qui  n'a  pu  être  restitué. 

!).  Le  papier  est  déchiré  en  cet  endroit.  8.  Bafouari,  hispanisme  pour:  boulevard. 


LETTRE    DE    P.     MAZET    A    niC.HELIEU  871 

Icdul   lossé  quy   contourne  la  douniaine    df    leur   dictz  château. 

Le  prossès  du  june  garsoii  de  Calais  n'etpoinct  encore  conclu 
pour  la  contrecare  de  se  maudicl  AUy  Rais,  quy  soutient  sa  niechan- 
cctté  par  de  faux  tesmoingz  quy  a  presanté,  et  moy  d'aullres  quy 
tesmoignent  l'inossencc  et  veritté  dudicl  garson  par  de  mesme 
More  ausy  de  son  hequipage,  puistjue  les  Chrestiens  ne  nous  peu- 
vent servir  à  1  ancontred'eulx',  suivant  les  hordonanse  de  leur  sette 
et  loixs  :  et  mesme  presque  aulcun  n'ozent  point  parler  de  nostre 
juste  defance  pour  n'estre  tansé  de  noz  frères  chrestiens",  quoyque 
hevidantement  connoisent  qu'est  supozé  à  mauvaizo  fins  et  nont  en 
terme  de  leur  dicte  croyance,  que,  cand  ne  seroict  que  la  minu- 
ryté  et  sa  ferme  constante  declarasion  de  n'estre  jamais  aultre  que 
bon  chrestieii.  sufizoict,  sy  la  justice  esloict  entièrement  liczatte  : 
discours  que  jey  propozé  en  familieritlé  avec  le  supérieur  dudicl 
château,  lequel  me  promect  le  moy  fere  délivrer  dans  peu  de  jours, 
samhlahlement  ung  Dieppois,  que  le  navire  et  le  restant  de  l'équi- 
page où  il  estoict  furent  prins  et  amenés  pour  ceulx  mesme  d'Argcrs 
et  1  adjuger  de  bonne  prmze  pour  avoir  faict  rezistance  à  s'être  def- 
fandeu,  suivant  la  malcruze  pays  faicte  audict  Argers^  derogable 
au  service  de  nostre  bon  roy  et  au  destrimant  de  son  Estât,  et  par 
bon  sort  de  sedict  Diepois'  d'estre  pretouché  et  mené  par  un  araïs 
de  cedict  lieu,  pour  quy  je  demande  soict  mis  en  liberté  par  verteu 
de  la  trêve,  espérant  que  sera  en  brief,  où  je  dezire  le  faire  conde- 
teurdes  prezantes  jusques  à  la  consignasion  de  nions'  le  gouverneur 
du  Havre  ou  aultre  pour  luy,  à  quy  supplieray  de  les  achaminer  à 
Votre  Grandeur  souhz  la  mesme  adresse  de  mous"  de  Martin. 

En  oultre  sedict  gouverneur  m  asure  que  sy,  pandant  sont  année 
du  gouvernement,  messieurs  de  Razilly  et  Du  Challart  sa  revyenet 
avec  emple  comission  de  fere  une  enlieic  pays,  sans  doubte  leurs 


1.  Le  témoignage  d'un  chrétien  ne  pou-  .'i.  Celle plirase est  fort embrouiUéo,  mais 
vail  être  invoqué  contre  un   musulman.  le  sens  se  rétablit  facilement.  Il  faut  cntcn- 

2.  La  crainte  de  voir  supprimer  le  trafic  dre:  Le  navire  à  bord  duquel  se  trouvait 
obligeait  à  ces  ménagements.  le  Dieppois  fut  mené  à  .\lger  et  ce  captif 

3.  Cette  maleruze  pays  faicte  aadicl  Ar-  eut  la  chance  d'être  attribué  à  un  raïs  de 
gers  est  celle  du  ig  septembre  1628  conclue  Salé  qui  l'emmena  dans  ce  dernier  port,  ce 
par    Samson   NapoUon.    Sur   ce  traité,  V.  qui  me  permit  de  ra'occuper  de  sa  mise  en 

supra,  p.  226,  note  2.  liberté. 


3/2  lO    FÉVRIER     l63l 

serra  haize  de  retirer  deux  de  bonnes  précautions  grandement 
hutille  et  nessesaire,  afin  qu'elle  soict  deubement  hoservée  ;  et  par 
mesme  concluront  l'aflere  du  royde  Marrocque  pour  la  délivrance 
des  pauvres  alïïigés  esclaves  François,  et  à  suitle  vingt-cinq  à  trante 
quy  sont  à  Toulouan  ;  que  en  seste  mesme  année  et  voyage  pouront. 
Dieu  aydant,  ausy  establir  le  livre  coumerse  presque  en  tous  porlz 
et  hechelles  franque  de  ceste  Barbarye  despandans  dudict  royaulme 
de  Marrocque,  où  ne  resteroit  que  Messe'  qu'est  sept  à  buict  lieux 
plus  bas  de  S"'-Croys  au  reigne  de  Sus.  quy  est  doumyné  par  ung 
grand  marabout  que  beulx  appellent  Sidy  All>  -,  lioume,  àleuroppi- 
nion,  de  saincte  vie  ;  lequel  s'est  rebellé  aulx  defTuntz  roys  dé  Mar- 
rocque, doub  despuys  posede  et  s'engrandy  de  plus  en  plus,  pour 
estre  bon  justisier,  où  s'es  aquery  Touredant  ',  Draque'  et  aultres 
terres,  que  par  se  moyen  a  la  plus  grande  trecte  de  1  or  de  tiber" 
quy  vient  de  Tonbeteu'',  plus  au  delà  de  l'Arabie  dezerte  ;  se  pour- 
quoy  sondict  pays  est  mieux  abondé  d'or  et  infinyfé  d'austriclies  et 
aultres  danrées  d'asés  bon  negosse  pour  les  marclians,  quy  les 
cliery  et  trele  fort  humenement,  de  quele  nations  que  soinct,  y 
sont  là  fort  bien  veneus,  à  se  que  j'ay  entandcu  resilé  à  pluzieurs 
que  y  sont  estes.  Et  l'année  suivante  apprès,  sy  les  affaires  d'Estat 
de  Sa  Mag'"  le  permect  et  que  Vostre  Ilustrisime  Signorie  le  truvyse 
apprepos,  d'envoyer  lesdictz  s"^*  avec  une  forte  flocle  de  vesseaux  aux 
endroitz  d'Arger  et  Tliunys  pour  reiformer  en  bons  termes  la 
pays,  ou  les  faire  foyter  à  bonne  hesian;  se  seroict  tout  à  faict  une 
très-heruze  mémoire  et  singulière  louange  à  Sadicle  Mag'"  que  à  son 
bon  conseil,  que  le  Souverayn  Seigneur  soutiene  en  supériorité  sur 
tout  aultre  monarque  de  la  terre. 

Et,  à  mon  particulier,  faict longtamps  que,  apprès  Dieu,  j'ay  heu 
espoir  à  vous,  mondict  seigneur,  d'estre  prouveu  en  propriété  de 
ceste  charge  de  consolât  de  sedict  heu,   quoyque  modernement 


1.  i\/esse,  Massa,  Mast,  qui  à  celte  époque  Sous. 

était   avec    Agadir  (Sainte-Croix)   le  seul  !i.  Drague,  la  province  de  Draa. 

port  de  la  région  du  Sous.  V.  p.  365.  5.    Tibfr.  or  en  poudre. 

2.  SiA'A//y,  Sidi.\li  bon  Moussa.  Sur  ce  6.  Tonbeteu,  Tombouctou.  Sur  le  com- 
raarabout,\  .  supra,  p.  igi,  note  3  etp.  365,  merce  de  l'or  que  le  Maroc  faisait  avec  le 
note  4.  Soudan,  V.  i''' Série,  France,  t.  II,  p.  35g, 

3.  Touredant,  Taroudant,   la  capitale  du  et  infra,  p.  !i2Q,  note  2. 


LETTHE    DE    V.     "NrAZET     A     RICHELIEU 


37,3 


Andrés  Prat',  de  Marseille,  en  soyt  esté  prouveu  avec  celluyde  Tou- 
touan  par  laistre  ef  patante  que  monsieur  de  Boutilier"  luy  a  livré, 
lesqueles  a  faict  enlerinizé  à  la  courd  d'Aix,  et  à  mesme  tamps  que 
messieurs  de  Razilly  et  Du  Challard  estoinct  occuppé  en  se  oartier 
d'Afrique,  que  peu-estre  creignoict  leurs  informathion  à  mon  avan- 
tage du  resit  qu'ilz  leur  plairoict  faire  en  liequité  à  nostre  bon  roy 
que  à  vous  mondict  seigneur  ';  se  pourquoy  je  supplie  très-hinnble- 
ment  Sa  Mag"  debonere  et  \oslrc  Grandeur  de  faire  entandrc  Ics- 
dietz  s"  de  Razilly  et  Du  Challard  avec  le  R'''  Père  François  Dathia  ', 
commandeur  de  N"  Dame  de  la  Mercy  de  Paris,  aux  fins  que  jen  soict 
honnoré  et  prouveu  à  ladicle  charge,  ein  pryant  intérieurement  l'Eter- 
nel me  fasse  la  grasse  de  procéder  toujour  à  me  dire  houvertement, 

Sirre  et  Monseigneur, 

Vostre  plus  humble  fidelle  sujet  et  très-aff""  serviteur, 
Signé:  Pierre  Mazet. 
De  ceste  forteresse  de  Çallé. 
Ce  1  o  febrier  1 63 1 . 


Archives  des  Affaires  Étrangères, 
taire.   Vol.  I .  —  Original. 

1.  Sur  ro  personnage,  ^".  ïntrorliiction, 
notice  biographique. 

2.  V.  supra.  Doc.  XXXIV,  p.  278,  Pro- 
uvions de  consul  pour  .André  Prat. 

3.  Sur  les  démêlés  entre  Pierre  Mazet  et 
André  Prat  au  sujet  du  consulat  de  Salé, 
V.  p.  3i8,  note  3. 

!i.  Le  P.  d'Athia,  député  par  les  PP.  de 
la  Merci  pour  accompagner  Razillv  et  Du 
Chalard  au  Maroc  en  itijg  et  y  racheter 
des  captifs,  fut  laissé  par  Du  Chalard  ii 
Salé  comme  caution  de  son  retour.  «  Ses 
e.\horlations  irriteront  tellement  les  patrons 
des  captifs  rpi'ils  le  chargèrent  de  mille  coups 
de  hàton,  et  s'apercevanl  que  3i  esclaves, 
lassez  de  leur  servitude,  alloient  aposlasier, 
il  les  racheta  de  l'argent  qu'il  avoit  apporté, 
et,  en  ayant  vu  ig  autres  dans  le  même 
desespoir,  il  voulut  engager  sa  liberté  pour 


Maroc.  —  Correspondance  consu- 


eux.  Mais,  les  patrons  avant  demandé  de 
l'argent  comptant,  il  eut  recours  au  sieur 
Jacques  Haglan,   commissionnaire   anglais 

qui lui   prêta  généreusement  sur  son 

simple  billet  la  somme  de  neuf  mille  quatre- 
vingt-dix  livres  en  marchandises  avec  les- 
quelles il  racheta  ces  19  captifs  ».  Cf.  Hist. 
de  tordre  de  N.  Dame  de  la  Mercy,  Paris, 
i6gi,  pp.  2o4-2o5.  En  i63o,  lors  du  retour 
de  Razilly  et  Du  Chalard,  le  P.  d'Athia  alla 
les  rejoindre  avec  les  5o  esclaves  rachetés 
qui  furent  ramenés  en  grande  pompe  de 
Marseille  b  Paris.  Les  esclaves  une  fois  ren- 
trés dans  liHirs  foyers,  les  PP.  de  la  Merci 
firent  des  quêtes  pour  rembourser  le  «  com- 
missionnaire anglois  »  de  ses  avances.  Ce 
dernier,  pour  plus  de  sûreté,  avait  fait  saisir 
tous  les  biens  appartenant  aux  couvents  de 
l'ordre.   Ibidem,  pp.  206-208. 


374  lO    FÉVRIER     l63l 


XLIX 

EXTRAITS  DES  LETTRES  DE  P.  MAZET  A  RICHELIEU' 

Nouvelles  de  Salé. 

i3  octobre  i63o-io  février  i63i. 

Extraict  de  la  lettre  du  s'  Pierre  Mazet,  consul  de  Salle,  du  10 
febvrier  1 63 1 . 

Qu'il  a  cy-devant  escript  et  envoyé  ses  lettres  au  gouverneur  de 
Calais  ou  son  lieutenant  pour  les  faire  tenir. 

Que  le  capitaine  Serron,  homme  de  respect  et  qui  rend  justice, 
qui  fil  accorder  la  trêve,  est  rentré  capitaine  du  chasteau,  et  le  capi- 
taine Alcaseri  y  est  aussy  pour  ceulx  du  faulxbourg,  qui  gouvernent 
assez  paisiblement.  Qu'ils  avoient  commencé  à  tracer  le  fossé  jus- 
ques  à  la  place  du  Figuier,  où  se  faict  le  chargement  des  vaisseaux 
en  rivière,  mais  les  habilans  l'ont  faict  ranger  tout  contre  l'antour 
du  petit  chasteau,  et  n'y   a  lieu  de    faire   ny   tour  ny   boulevart. 

Ung  vaisseau  de  Calais^  a  esté  pris  par  deux  corsaires,  l'un  d  Alger  s 

I .   Ce  document  est  un  résume  de  celui  dépliée  à  la  reliure  et  placée  de  telle  façon 

(jnl  précède,    auquel  ont  été   ajoutés  quel-  que  les  pages  3  et  3  forment  le  recto  d'un 

qnes  détails  empruntés  vraisemblablement  folio  et  les  pages  i  et  4  le  verso  de  ce  même 

à  des  lettres  antérieures  de  P.  Mazet  datées  folio.  Comme  le  bas  de  la  page  3  et  la  page 

des  i3  cl  22  octobre  et  du   i5   décembre  4  en  entier  sont  blancs,  il  semble  y  avoir 

i63o  (\  .  p.  'i'o).  Il  est  facile  de  justifier  deux  lettres,  et,  lors  do  la  reliure,  on  a  cru 

cette  assertion:   i"  la  date  des  deux  docii-  devoir  ajouter  au  baut  du  recto   du    folio 

ments  est  la  même;  2°  les  matières  traitées  (c'est-à-dire  à  la  deuxième  page  du  docu- 

sont  exactement  les  mêmes  et  se  suivent  dans  mentjla  mention  suivante  :  «  Maroc.  —  Ex- 

le  même  ordre.  —  La  disposition  de  ce  docu-  Irait  de  la  lettre  de  Pierre  Murcl(sir),  consul 

ment  dans  le  volume  oii  il  se  trouve  relié  de  Salé.  » 

est  assez  particulière  et  a  donné  lieu  à  des  2.  Cette  prise  est  racontée  ici  avec  plus 
méprises.  U  avait  été  écrit  sur  une  feuille  de  détails  que  dans  le  document  précè- 
de petit  format  pliéc  en  deux  ;  celle-ci  a  été  dent. 


LETTRES    DE    P.     AIAZET    A    RICHELIEU  3-5 

et  l'autre  de  Salle  ;  il  y  avoit  dedans  i  'i  hommes  et  deux  jeunes  gens 
qui  ont  esté  partagez.  Ledict  de  Salle  a  faict  prendre  par  force  l'habit 
maure  au  jeune  garçon  qui  luy  est  escheu,  l'enfant  s'en  plaint. 
Ledict  consul  le  redemande  et  remonstre  l'afere.  Il  est  receu  à  la 
vérifier  par  autres  que  Crestiens  ;  des  Mahomctans  le  sçavent  qui 
sont  absens:  à  leur  retour  il  espère  que  l'on  le  rendra. 

Ung  vaisseau  de  Dieppe'  a  esté  pris  par  ceulx  d'Algers,  mené  à 
Salle,  jugé  de  bonne  prise,  parce  qu'il  s'estoit  deffendu,  suivant 
l'article  de  la  mauvaise  paix  faicte  par  monsieur  de  Guise  avec 
ceulx  d'Algers  qui  cause  beaucoup  de  mal,  car  ils  font  accroire  à 
tous  vaisseaux  françoys  qu'ils  se  sont  deffendus  pour  les  faire  adju- 
ger de  bonne  prise.  Ung  dudict  vaisseau  de  Dieppe  ayant  esté 
amené  à  Salle,  ledit  consul  l'a  demandé,  suivant  1  article  de  la 
trêve,  et  espère  qu'il  le  fera  rendre. 

Ledit  gouverneur  du  chasteau  assure  que  si,  pendant  cette  année 
de  son  gouvernement,  M"  de  Razilly  et  Du  Chalart  y  retournent, 
(pi'ils  feront  la  paix  et  en  retireront  des  précautions,  afin  qu'elle 
soit  observée,  et  concluront  aussy  la  paix  avec  le  roy  de  Maroc, 
retireront  les  esclaves,  et  establiront  le  libre  commerce,  exepté  à 
Masse,  qui  est  possédé  par  ung  marabout  nommé  Sidi  Ally  qu'ils 
tiennent  eslre  de  saincte  vie  et  s'est  rebellé  contre  le  roy  de  Maroc, 
et  est  abondant  en  or  et  plumes  d'austriche  et  aultres  denrées  qui 
viennent  de  delà  l'Arabie  Deserle. 

Qu'il  seroit  bon  de  préparer  une  Hotte  pour,  l'année  prochaine, 
l'envoyer  aux  costes  d'Alger  et  Tunis  pour  faire  reformer  la  mau- 
vaise paix  qui  a  esté  faicte  avec  eulx. 

Qu'il  y  a  quatre  ans  qu'il  feust  à  Salle'',  y  a  obtenu  commission 
dudict  s'  de  Razilly  pour  y  faire  la  charge  de  consul  soubz  le  bon 
plaisir  de  Monseigneur,  en  laquelle  il  faict  tout  debvoir.  Neant- 
nioins  qu'un  nommé  André  Prat,  de  Marseille,  en  a  obtenu  provi- 
sions de  M'  Routhillier  tant  pour  Salle  c[ue  Toutouan,  et  bien  qu'il 


1 .  Il  y  a  divergence  au  sujet  fie  la  prise  ce  paragraphe  au  texte  du  document  précè- 
de ce  vaisseau  entre  ce  récit  et  celui  ilu  dent.  —  Si  l'on  s'en  rapporte  à  cette  asser- 
document  précédent,  ce  qui  ïomble  établir  lion,  Pierre  Mazet  avait  d\l  arriver  à  Salé 
fpic  ce  résumé  des  lettres  de  Pierre  Mazet  en  ifiaG.  La  Commission  de  consul  délivrée 
n'a  pas  élé  fait  par  lui.  par  le  chevalier  de  Razilly  à  Pierre  Mazet 

2.  Onrcmarqueralcsaddilionsfailcsdans  est  du  3  septembre  i63o.  V.  supra,  p.  3i8. 


3^0  tO    FÉVRIER     ifi.^I 

n'y  soit  allé  ne  envoyé  pour  faire  la  charge,  il  ne  laisse  de  prétendre 
le  droit  du  consul,  ce  qui  ne  seroil  raisonnable,  et  pour  ce  supplie 
monseigneur  le  Cardinal  de  luy  faire  donner  des  provisions  de 
ladicte  charge. 

Archives  desAffaires  Étrangères.  —  Maroc.  —  Mémoii-es  et  Documents, 
Vol.  3,  J.  ^.  —  Original. 


BIOGRAPIIIH     DE     MOrr.AY     ABD    EL-MALEK  3" 


BIOGRAPHIE  DE  MOULAY  ABD  EL-MALEK' 

i63i 


Titre  de  départ  :  Bref  et  fidelle  recil  des  inhumaines  &  barbares 
cruautez  de  Moley  Abdelmelec,  empereur  de  Maroque  dernier  dé- 
cédé, exercées  tant  à  l'endroit  des  pauvres  Chrestiens  que  plusieurs 
de  ses  domestiques  ;  signamment  le  martyre  de  plusieurs  saincts 
personnages  massacrez  par  luy  pour  la  saincte  foy. 

Bref  un  roy  doit  estre  grandement  clément  &  bénin,  tant  pour 
ce  qu'il  n"y  a  rien  de  si  beau  &  gracieux  que  la  douceur,  que  pour 
ce  que  c'est  la  vertu  propre  de  Dieu  qui  est  le  prototype  des  bons 
princes;  joint  aussi  que  c'est  par  elle,  dit  le  Sage,  que  sa  personne 
est  conservée  >k  son  ihrosnc  appuyé  &  affermy,  la  cruauté  n'ap- 
portant que  cela  de  jetter  les  âmes  les  mieux  faites  en  des  extremi- 
tez  dangereuses,  dont  Seneque  tiroit  ce  beau  mot  :  que  ce  prince 
estoit  fol  qui  croyoit  estre  en  asseurance  où  personne  ne  l'estoit  de- 
vant luy.  Et  le  vin,  s'il  y  a  chose  dans  tout  1  univers,  nous  rend 
cruels  &  furieux,  nous  rend  inhumains  &  barbares,  comme  nous 
voyons  es  sainctes  lettres,  tant  en  la  personne  des  frères  de  Joseph 
que  du  mauvais  riche  ;  ce  que  nous  ont  gentiment  exprimé  ces  trois 
icy  :  Diogenes,  qui.  interrogé  quelle  espèce  de  chien  il  estoit  (car 

I.  On  a  cru  devoir  publier  à  cette  placo  du    Maroc.    On    trouve   en   effet   dans   le 

la  Biographie  de  Moulay  Abd  et-Malck  :  ce  présent    document   et  dans    l'ouvrage    du 

chcrif  mourut  le  10  mars  i63i  cl  l'on  sait  P.     François    d'Angers     de     nombreuses 

d'autre  part  que  cette  plaquette  fut  écrite  ressemblances  entre  les  faits  rapportes,  et 

l'année  de  sa  mort.  V.  p.  878,  note  2.  —  la  même  préoccupation  d'édifier  le  lecteur. 

Cette  biographie  semble  avoir  été  composée,  Dans  tous  les  cas,  on  peut   affirmer    que 

sinon   par   le    P.    François    d'Angers,    du  les   deux   auteurs   ont   utilisé    les    mêmes 

moins  par  quelque  capucin  de  la  mission  sources. 


378  i63i 

c'estoit  comme  on  l'appelloit  d'ordinaire),  respondit  qu'il  estoit  de 
ceux  qu'on  appelle  muguets  quand  il  avoit  envie  de  boire,  &  de 
ceux  qu'on  appelle  mastins  &  dogues,  quand  il  estoit  yvre  &  bien 
saoul;  Democrite  disant  que  trois  sortes  de  raisins  naissoient  cous- 
t-umierement  de  la  vygne,  la  première  sorte,  de  volupté,  la  seconde, 
d'yvrognerie,  &  la  troisiesme,  de  rage  &  de  fureur  ;  &  les  Grecs 
qui,  voulant  donner  un  nom  convenableau  récit  des  choses  cruelles 
&  barbares,  l'ont  appelle  tragédie,  mot  qu  ils  ont  tiré  du  nom  de 
vendange',  pour  monstrer  qu'elles  en  procedoient. 

Or,  lecteur,  quant  à  ce  dernier,  c'est  ce  que  je  te  veux  faire  voir 
aujourd'huy  en  la  vie  de  Moley  Abdelmelec,  empereur  de  Mar- 
roque,  decedé  ceste  année",  oîi  tu  en  verras  de  si  illustres  témoi- 
gnages, que  tu  n'auras  plus  que  douter.  Tu  peux  autrefois  avoir 
leu,  ou  du  moins  entendu  plusieurs  actions  inhumaines,  tant  de 
quelques  empereurs  romains  que  des  hérétiques,  signamment  des 
nostres  d'aujourd'huy  ;  mais  si  tu  y  as  trouvé  jamais  rien  de  si  tra- 
gique, je  veux  perdre  crédit  auprès  de  toy. 

Pour  t'en  commencer  le  discours  par  les  premiers  jours  de  sa 
couronne,  qui  fut  le  17.  de  septembre  de  l'année  1627',  n'est-ce 
pas  aussi  tost  que  ce  nourrisson  d'enfer  (aussi  avoit-il  esté  alaitté 
d'une  sorcière)  s'cstant  mis  aux  champs  avec  une  grosse  armée 
après  ses  frères',  afin  de  s'en  délivrer  promptement,  de  rage  qu'il 
eut  de  ne  les  pouvoir  appréhender" ,  tournant  sa  furie  contre  leurs 
domestiques,  en  fit  un  si  cruel  carnage  qu'il  s'en  \  id  un  ruisseau 
de  sang?  iX'esl-ce  pas  au  mesme  instant  que  quelque  habitant  de 
sa  ville  de  Marroque.  ayant  enterré  le  cadavre  d'un  pendu  qui  infec- 
toit  horriblement,  à  cause  de  son  extrême  pourriture,  de  laquelle 
il  estoit  tombé  d'une  porte  où  on  l'avoit  attaché,  cet  ennemy  de 
toute  action  d'humanité,  ayant  mandé  quarante  des  principaux  de 
sadite  ville,  sans  autre  forme  de  procez  ou  enqueste,  qu'ils  eussent 
tort  ou  non,  en  fil  esgorger  sur  l'heure  devant  luy  trente,  sa  tante °, 
qui  accourut  à  ce  massacre,  luy  tirant  les  autres  dix  des  mains.  Ce 
fut  luy  qui,  au  sortir  de  ccstc  action,  s'estant  à  sa  couslume  enyvré 

1.  L'autniir  fait  dériver  à    tori   le   mot  3.   Cf.  p.  107,  note  3. 
«  tragédie  »  du  mot  -yjyr^  (vendange).  4-  Cf.  p.  i59,  note  i. 

2.  Cette  mention  établit  la  date  de  ré-  5.  V.  ci-dessus,  pp.  363,  n.  3  et  384,  n.  3. 
daction.  V.  supra,  p.  377,  note  i.  6.  Lella  Sofia,  sœur  de  Moulay  Zidàn. 


BiOGRAnuF   nr   moilay   abd  el-malek  3-f) 

avec  ses  alcaïdes,  avant  envoyé  appeller  six  de  ses  femmes,  sçavoir 
quatre  blanches  &  deux  noires,  après  les  avoir  fait  dépouiller  toutes 
nues  &  tant  fouetter  qu'elles  fussent  toutes  couvertes  do  sang,  luy- 
mesme  en  ouvrit  deux  de  sa  propre  main,  depuis  la  nature  jusques 
à  la  bouche,  puis  se  mit  à  décoller  les  quatre  autres,  faisant  au  bout 
de  ce  jeu  donner  plusieurs  coups  de  bastons  à  ses  alcaïdes  pour 
payement  de  leur  assistance,  leur  disant  qu'ils  se  dévoient  tenir 
trop  heureux  de  ce  qu'il  les  laissoit  vivre  en  sa  compagnie,  luy  qui 
estoit  le  dieu  de  la  terre,  comme  Dieu  estoit  l'empereur  du  ciel,  du- 
quel comme  il  ne  se  vouloit  mesler,  aussi  ne  vouloit-il  point  qu'il 
prist  part  ou  cognoissance  en  ses  affaires,  ains  qu'il  le  laissast  vivre 
à  sa  fantaisie,  &  se  gouverner  comme  bon  luy  sembloit. 

Luy-mesme,  quelques  jours  après,  s'estant  derechef  coiffé 
d'yvresse,  se  divertissant  dans  ses  jardins,  après  y  avoir  massacré 
cinq  de  ses  plus  belles  femmes,  poursuivant  ses  diaboliques  fureurs, 
s'estant  fait  venir  un  jeune  homme  pour  faire  de  luy  ce  que  la  na- 
ture a  en  liori'cur.  vk  l'ayant  accomply  devant  tous,  ce  chien,  l'ou- 
vrant parle  fondement  un  pied  de  long,  y  fit  mestre  la  teste  à  tous  ces 
alcaïdes,  &  puis  l'ayant  attaché  à  un  arbre,  l'acheva  à  coups  de  javelot, 
à  la  fin  de  quoy .  se  ruant  à  grands  coups  d'espée,  tant  sur  les  pauvres 
esclaves  chresticns,  que  sur  lesdits  alcaïdes,  il  en  estropia  plusieurs. 

Le  jour  suivant,  s'estant  cncores  prins  de  vin  dans  ses  jardins, 
ayant  commandé  (ju Dn  liiv  amenast  trois  de  ses  femmes  &  un  eu- 
nuque, f|unnt  aux  femmes,  il  les  fit  premièrement  enterrer  jusques 
aux  maiiiinelles.  &  puis,  comme  elles  luy  reprochassent  qu'il  ne 
craignoil  point  Dieu,  juste  vengeur  des  méfaits  &  des  crimes,  se 
mettant  en  plus  grande  furie,  leur  creva  par  après  les  yeux  &  fit 
bâcher  le  visage  par  petits  morceaux.  »S:  quant  à  l'eunuque,  il  le  fit 
cscorcher  tout  vif,  ik  par  une  cruauté  non  jamais  ouye,  après  luy 
avoir  fait  manger  sa  peau,  le  fouette  sur  la  chair  vive  jusques  à  ex- 
pirer, l'achevant  en  fin  à  coujis  d'cstramasson. 

C'est  luy  qui,  le  lendemain,  ayant  couppé  les  membres  à  deux 
noirs,  il  les  fit  jetter  aux  chiens,  puis,  se  ruant  sur  sept  pauvres 
femmes,  les  ayant  fait  attacher  à  sept  arbres,  les  massacra  à  coups 
(le  lan(!e,  leur  disant  pour  consolation  que  celle  à  qui  il  donneroit 
pins  droit  au  creur  seroit  samieux  aymée  en  l'autre  monde,  faisant 
enfin  laver  par  trophée  le  visage  de  tous  les  assistans  dans  leur  sang.  Et 


38o 


i63i 


tout  cecy  tn  ec  cent  mille  autres  qu'il  seroit  ennuyeux  de  remarquer 
(estant,  ce  dit-on,  de  pacte  avec  le  diable  de  ne  passer  jour  de  sa  vie 
sans  luy  sacrifier  du  sang  humain)  s'exécuta  en  moins  de  cinq  mois. 

Le  second  de  mars,  jour  de  mardy',  faisant  ses  jjacanales  &  orgyes 
ordinaires,  il  fit  encores  celles  que  je  m'en  vay  te  descrire,  si  tu  as 
la  patience  de  les  voir.  Il  y  avoit  à  Marroque  deux  lieux  fort  hor- 
ribles où  estoient  enfermez  plusieurs  Chrestiens^.  En  l'un  estoient 
entre  les  autres  personnes  de  remarque  trois  saints  personnages 
religieux,  le  plus  vieil  de  tous  nommé  le  Révérend  Pcrc  Jean  Du 
CoraiP  ,  augustin  de  Lisbonne,  aagé  environ  de  soixante  ans,  le  se- 
cond le  Révérend  Père  Cyprien,  de  l'ordre  de  Salnct  François  \  & 
le  trolslesme,  le  plus  jeune,  le  vertueux  Frore  Pierre  Morel  de 
Rouen,  de  l'ordre  de  Salnct  Dominique;  en  l'autre,  le  Révérend 
Père  Pierre  d'Alcnçon,  &  le  Révérend  Pcre  Michel  de  Veslns,  ca- 
pucins, avec  le  nepvcu  de  monsieur  le  chevalier  de  RazlUy",  &  le 
sieur  DLimont\  gentilshommes,  &  plusieurs  autres  qui  furent  prlns 
avec  luy,  quand  ces  Barbares  luy  jouèrent  l'insigne  trahison  dont 
tu  as  ouy  autrefois  parler  ' . 

Or,  commençant  par  ceux  de  la  première  prison,  comme  à 
son  advls  de  moindre  considération,  les  ayant  envoyez  tous 
quérir,  &  cependant,  pour  se  mettre  mieux  en  appétit  de  leur 
mal  faire,  esgorgé  quatre  hommes  tout  d'une  suitte,  d  abord, 
accostant  le  Révérend  Perc  Jean  Du  Corail  (qui  comme  un  fidelle 


1.  D'apri's  les  tables  de  concordance, 
c'est  en  1627  que  le  2  mars  est  tombé  un 
mardi.  Or  cette  date  de  1627  est  inadmissi- 
ble, puisque  Moulay  Abd  el-Malek  ne  régnait 
pas  encore.  D'autreparl,  le  P. François  d'An- 
gers (V.  supra,  p.  167)  place  le  fait  qui  va 
suivre  au  2  mars,  parmi  ceux  de  l'année  1O28. 

2.  Sur  les  deux  prisons  (scdjènes)  où 
étaient  enfermés  les  Chrétiens,  V.  p.  i65, 
note  I. 

3.  Jcnn  Du  Corail,  le  P.  Juan  dcl  Corral. 
Sur  ce  religieux,  V.  p.  167,  note  2. 

i.  Le  R.  P.  Cipriano  de  la  Conccpcion 
était  de  famille  portugaise  et  était  Gardien 
d'un  couvent  de  Franciscains  Décliausscs 
au  Brésil.  Comme  il  revenait  en  Espagne 


il  fui  pris  par  les  pirates  barbaresques  et 
emmené  en  captivité  à  Merrakech.  Il  se 
consacra  au  service  de  l'église  de  Merra- 
kech privée  de  chef  depuis  la  mort  du  R. 
P.  Cristobal  de  Flores.  Cf.  Mémorial  de 
esta  Saiitn  Provincia  de  San  Diego,  f.  45  ; 
Fu.  Fkancisco  de  s.  Juan  DtL  Puerto, 
lib.  II,  cap.  XXI  ;  Castellanos,  pp.  25o- 
201.  11  mourut  de  la  peste  à  Merrakech  en 
ifiîf).  V.  iiifra,p.  385. 


79' 


5.  Sur  ce  neveu  de  Razilly,  V 
iiote  3. 

6.  Sur  ce  personnage,  V.  p.  :i5o,  note  i. 

7.  Sur  cette  violation  du  droit  des  gens, 
\.  la  Rclalion  du  P,  François  d'Angers, 
p.  107. 


BIOGRAPHIE     DE     MOLLAY     AISD     EL-MALEK  .'^8  I 

berger  alloit  au  devant  de  ses  ouailles  pour  les  défendre  de  ce 
loup  carnassier,  et  en  recevoir  sur  luy  les  coups),  luy  tenant 
cpielques  propos  comme  cpi'il  vouloit  c|u'il  luy  servist  de  soldat,  & 
autres  choses  impertinentes,  ce  sainct  homme  s'en  estant  modeste- 
ment excusé  sur  sa  vieillesse,  le  priant  tpi  il  le  mist  plustost  hors 
de  servitude,  ayant  la  rançon  toute  preste  à  Masagan,  quand  il  eut 
ouy  nommer  cestc  forteresse,  que  les  Espagnols  detieiment  de  ses 
terres,  ce  fut  alors  que,  tirant  son  espée  hors  du  fourreau,  il  luy 
donna  premièrement  un  si  grand  coup  sur  la  teste,  que  son  espée 
passant  outre  se  rompit  la  pointe  contre  une  muraille.  Puis,  ce 
Père  se  mettant  à  genoux,  afin  de  recevoir  le  second,  disant  à  haute 
voix  en  son  langage:  «  /  Vive  la  fe  de  my  Redemtor  Jesu  Chrislo! 
Acabe,  leoii  hambriente,  de  despedaçar  mi  qiierpo.  que  es  seniza  para 
que  mi  iilma  vaia  presto  goçar  de  la  bien  advciilareiirii.  Esta  coronna 
a  muclio  tieinpo  que  la  deseo,  mucha  lionnt  me  haze  »,  ne  luy  ayant 
pas  encores  osté  l'usage  de  la  parole  pour  celuy-cy,  ains  continuant 
de  luy  dire  :  «  Perro  ralAoso  endemonado.  lu  no  puedes  que  matar  my 
cuerpo,  mas  my  aima  sera  oy  coronnada  en  el  cielo  »,  il  l'acheva  par 
un  troisiesme.  luy  mettant  toute  la  teste  en  deux.  Et  après  se  ruant 
pesle-mesle  sur  tout  le  gros,  escrimant  de  rage  &  de  fureur,  &  cha- 
maillant de  çà  &  de  là,  s'encourant  de  roidcur  vers  le  susdit  ver- 
tueux religieux  jacobin  '  qu'il  aperceut  parmy  la  brune  (car  la  nuit 
le  print  en  ce  combat)  à  cause  de  la  blancheur  &  forme  de  son  ha- 
bit, &  luy  criant  qu'il  reniast  sa  foy,  il  luy  donna  tant  de  coups 
d'espée,  que,  comme  il  l'eust  laissé  pour  mort  sur  la  place,  il  s'en 
trouva  chargé,  de  ceux  qui  avoient  porté,  de  sept  grands,  sçavoirde 
trois  énormes  sur  les  espaulcs,  luy  pensant  avaler  la  teste,  un  à  la 
main  qui  luy  avoil  tranché  un  doigt,  deux  au  bras  qui  luy  en  avoit 
osté  le  mouvement,  &  un  aux  jambes  dont  il  tomba  par  terre  ne 
pouvant  plusse  soustenir".  Cruautez  qui  furent  suivies  d'un  meurtre 
(|u'il  fit  de  sept  de  ses  femmes,  si  tost  qu'il  fut  arrivé  dans  son 
Abbedée  ',  ceste  tragédie  se  jouant  dans  les  jardins  à  une  grande 
place  proche  de  ses  escuries.  Et  après  son  souper  de  ces  deux  mal- 

1.  Le  P.  Pierre  Morcl  de  Rouen.  V.  p.  2.  Le  P.  Morel  guérit  cependant  de  ses 

38o.  On  sait  que  les  religieux  de  l'ordre  de  blessures.  V.  p.  167. 

Saint-Dominique  étaient  connus  en  France  3.   Abbedée,  El-Bedi.  Sur  ce  palais,  V.  El- 

sous  le  nom  de  Jacobins.  Oufràni,  Index,  au  mot  Bédi'. 


lieureuses  aclioiis.  sortaiil  pour  allci-  l'aire  un  piie  carnage  en  la 
jirison  où  esloienl  les  Pères  capucins,  s'il  n'eust  esté  dissuadé  d'y 
entrer  par  quelqu'un  de  ses  alcaïdes,  pour  lemotion  que  cela  pou- 
voil  causer  à  la  ville,  à  cause  qu'il  esloit  trop  7iuil,  il  fut  heurter  à 
la  maison  d'un  sien  cousin  germain,  »S:  leslrangla  entre  ses  mains, 
comme  il  luy  lut  venu  cjuvrir  la  porle'.  Puis  s'en  revenant  pour 
cuver  son  ^in.  il  fit  jctlcr,  pour  coui'onnement  de  loules  les  actions 
de  oestejournéc,  deux  de  ses  helchcs"  dans  ses  cstangs,  les  ayant  fait 
foueter  cruellement. 

Mais  cecy  sestanl  passé  ce  jour,  que  penscs-lu  qu'il  fist  les 
autres?  Certes  le  jour  ensuivant',  comme  il  reposa  de  son  vin,  pen- 
dant que  de  leur  costé  nos  pauvres  martyrs  françois  s'estans  tous 
assemblez  au  lieu  où  estoient  les  Pères  capucins,  non  tant  pour 
panser  leurs  blessures  que  pour  se  préparer  à  un  plus  cruel  mar- 
tyre, ce  qu  ils  firent  par  une  dévote  confession  &  communion,  avec 
une  protestation  &  serment  solennel  faict  après  la  lin  de  la  saincte 
messe  sur  les  sainctes  Evangiles,  chacun  en  pai'ticulier  y  apposant 
la  main,  que  jamais,  quelque  genre  de  barbarie  qu  on  exerçast  sur 
leurs  personnes,  ils  n'abandonneroienl  la  sainte  foy,  ce  furieux 
energumene,  estant  éveillé,  &  se  souvenant  desdits  Pères  capucins 
&  de  leur  compagnie,  &  que  la  nuit  l'avoit  empesché  de  les  mal- 
trailter,  il  les  envoya  quérir,  pensez  pour  en  faire  sacrifice  &  en 
saouler  son  avide  cruauté,  si  non  que  Dieu,  qui  use,  quand  il  luy 
plaist,  de  sa  puissance  extraordinaire,  le  voulust  adoucir  pour 
cette  fois.  La  chose  estant  ainsi  succédée,  qu'après  avoir  tenu  plu- 
sieurs discours  à  ces  Pères,  qui,  comme  de  généreux  capitaines, 
se  mirent  au  devant  de  la  troupe  pour  combatre  ce  cerbère  infernal, 
comme,  entre  autres,  quelle  estoit  la  meilleure  religion,  de  la  sienne 
ou  de  la  leur,  et  ces  Pères  luy  ayant  constamment  respondu  que, 
si  ce  n'estoit  la  chrestienne,  ils  ne  se  fussent  pas  exposez  à  traverser 
tant  de  mers  pour  la  venir  défendre  dans  ses  royaumes,  &  qu'ils 
estoient  prests  de  la  soustenir  contre  les  plus  doctes  &  versez  qu'il 
choisiroit  en  sa  loy,  &  par  un  feu  qu'il  feroit  faire  exprès,  à  fin  que 


1.  Ci.  supni,  p.  171.  clirétiens. 

3.   Le  jour  cnsuk'aiit.  le  2  avril  1G28.  Cf. 

2.  //e/c/ies.  en  aralje  ^ ,  euldj ,  reiiùgaU        supra,  i^.  i(5S. 


BIOGRAPHIE     l>i:     ■MOLI,\\      AllI)     1  I.-M  VLKk  ,S83 

les  uns  À:  les  autres  lussent  jetiez  dedans,  il  les  envoya  sans  leur 
faire  autre  mal.  sinon  quaprès  les  avoir  fait  passer  devant  liiy.  les 
uns  après  les  autres,  lîv:  donné  à  chacun  son  colil)ct,  i!  leur  dil  (|u  il 
remcttoit  à  les  tourmenter  à  une  aulre  fois. 

Jusques  icy.  ce  monstre  exécrable  n'avoil  exercé  sa  fureur  (jiic 
dans  l'enceinte  de  sa  ville  de  Marroque.  Les  démons  ses  amis 
veulent  maintenant  qu'il  en  sorte,  >k  qu  il  aille  exercer  ses  impié- 
tezau  loin.  C'est  donc  pour  ce  fait  que  le  12  d'avril '.prenant  son  che- 
min vers  la  Duquelle",  accompagné  de  six  à  sept  mil  hommes,  estant 
arrivé  à  la  cabille  des  Ramenas \  qui  est  un  peuple  (pii  vil  sous  les 
tentes  <S:  fait  profession  de  ne  s'allier  qu'à  ceux  de  leur  souche, 
ayant  fait  passer  par  le  fil  de  l'espée  tout  ce  qu'il  en  rencontra, 
horsmis  cent  qu  il  retint  prisonniers,  il  les  fit  le  lendemain  mettre 
par  quartiers  comme  chair  de  la  boucherie.  De  ces  Ramenas  lininl 
vers  la  rivière  de  Tansif,  quelques  peuples  qui  s  estoient  révoltez 
contre  luy  à  cause  de  ses  exécrables  ijaiburios  luy  ayant  depesché 
un  d  entre  eux  pour  luy  offrir  leur  très-humble  service  \  se  pro- 
tester ses  esclaves,  le  suppliant  de  leur  pardonner,  ce  dénaturé, 
contre  le  droict  des  gens,  non  seulement  le  fit  brusier  toul  \'\i\  mais 
encores,  contre  les  loix  de  la  nature,  donnant  jusques  au  chasteau 
où  estoient  retirez  ces  pauvres  gens,  en  fit  esgorger  jusques  à  douze 
cens,  faisant  courir  sa  cavalerie  sur  ce  qui  s'en  esloit  peu  eschapper, 
leur  coupant,  après  qu'il  les  avoit  retrouvez,  les  bras  &  les  jambes, 
etles  laissant,  ainsi  que  des  tronçons  de  bois,  pourrir  parles  champs. 

De  là  voulant  voir  Mongador',  petite  isle  sur  la  mer  Athiantique, 
entourée  de  rochers  excessivement  hauts,  qui  font  des  précipices 
espouvantables,  y  faisant  séjour  de  quinze  jours,  son  exercice  fut 
de  courir  à  la  chasse  des  hommes,  &,  lorsqu'il  en  avoit  rencontré, 
les  monter  en  haut  de  ces  rochers  >!v;  les  précipiter  dans  la  mer,  en 
riant  à  gorge  déployée.  Et  un  jour,  se  promenant  dans  un  bateau 
autour  de  cette  petite  isle,  le  vent  s'estant  si  fort  eslevé  qu'il  estoit 
en  danger  de  périr,  ses  alcaïdes  l'ayant  mis  à  bord  comme  les  plus 
expérimentez  de  ses  pilotes,  pour  salaire  il  les  fil  bien  bastonner, 


1.   Le  13  avril  1628.  Uahamna. 

3.  La  Ou^ue/ff,  le  pays  de  Doukkala.  4-   Surcescjourdu  ClR-rif  à  Mogadorqul 

3.   La  cabille  des  liamenas,    la  tribu  des        cul  lieu  en  aoùl  1628,  Cf.  supra,  p.  176. 


384  i63i 

puis  fouetter.  «S;  après,  les  ayant  fait  boire  avec  luv,  les  prendre' 
pour  compagnons,  pour  luy  ayder  au  massacre  de  vingt-deux 
pauvres  Barbares,  qu'il  tenoit  enchaisnez  auprès  de  luy.  Sortant  de 
ce  lieu  pour  aller  en  Chednia',  où  son  frère  puisné^  luy  fut  livré 
entre  les  mains  par  un  traislre,  après  en  avoir  fait  les  feux  de  joye, 
il  luy  feit  mettre  les  fei's  aux  pieds,  le  conduisant  luy-mesme  jus- 
ques  à  Marroque  pour  Texecuter  en  temps  convenable;  celuy  de  la 
Pasque  du  mouton'  qu  il  devoit  faire  l'en  empescha  pour  lors. 

Revenu  qu'il  fut  en  Chedma,  ayant  envoyé  au  supplice  plusieurs 
esclaves  françois  qui  servoient  à  son  escurie,  comme  il  se  resouvint 
qu'il  en  avoit  besoin,  cliangeant  ceste  peine  en  une  plus  cruelle  (car 
cest  moins  d'estre  estranglé  que  d  estre  ainsi  batu),  il  leur  fit  donner 
à  chacun  cent  coups  de  baston,  tant  sur  le  ventre,  bras,  gras  de 
jambes,  plantes  des  pieds  qu'autres  parties,  tant  ijuun  homme 
fort  les  peut  desserrer. 

De  Chedma  tournant  vers  Safy  pour  y  faire  quelque  demeure, 
pour  estre  l'un  de  ses  plus  beaux  cbasteaux,  en  quatre  mois  qu  il 
y  demeura%  il  n'y  eut  jour  (ju'il  n'y  ilst  quelque  massacre,  s'estant 
nombre  de  compte  fait  huict  cens  personnes  tant  hommes  que 
femmes,  qu'il  fit  sauter  de  son  chasteau  à  la  mer.  Entre  ses  autres 
belles  actions  sont  à  remarquer  qu'à  une  fois  il  fit  trente  eunuques, 
les  ayant  contraint  de  renier  leur  foy  ;  une  autre  qu'il  fit  traisner 
un  des  plus  qualifiez  de  sa  maison  trois  jours  continuels  parmy  la 
ville,  &  après  escorcher  tout  vif,  prenant  plaisir  à  luy  mettre  luy- 
mesme  les  membres  par  morceaux.  Lue  troisième,  qu'estant  sur 
les  murailles  de  son  chasteau,  sentretenant  avec  l'alcaïde  Rodouan, 
se  vantant  à  luy  qu'il  n'avoit  crainte  d'aucun  homme,  ayant  à  sa 
faveur  &  dévotion,  quand  il  luy  plaisoit,  trois  légions  entières  dj 
démons  pour  luy  servir  d'escorte  &  de  defence,  il  fit  venir  un  de 
ses  canonniers  irlandois  ik  luy  fait  mettre  cinquante  livres  de  fer 
aux  pieds,  d'autant,  luy  dit-il,  que,  venant  de  regarder  la  mer,  il 


1.  Les  prendre,  pour:  les  prit.  el-Kebir,   pour  la  célébration    de  laquelle 

2.  CUedma,  la  tribu  des  Chiadma  dont  tout  Arabe  est  tenu  d'égorger  un  mouton, 
le  territoire  s'étend  entre  Mogador  et  Safi.  5.   D'octobre  162S  à  janvier  ou  février 

3.  Son  frère  puisné.  Moulay  el-Oualid.  1629,    date  approximative    du   retour    du 
V.  ci-dessus,  p.  363,  note  3.  (jhérif  à  Merrakecli,  selon  le  P.  François 

!i.   La  Pascjue  du  mouton,  la  fétu  de  l'Aïd  d'Angers.  Y.  supra,  p.  181. 


BIOGHVPHIt:    DE    MOULAY    ABD    EL-MALEK  385 

\  avoit  apperccu  des  matelots  anglois  qui  voguoienl  vers  le  2)oit 
sans  l'avoir  salué,  lesquels  il  n "avoit  sceu  faire  prendre  pour  s'estre 
enfuis  dans  leurs  navires.  Le  soir  il  le  délivra  de  ces  fers,  luy  ayant 
donné  pour  pénitence  de  trancher  la  teste  à  quatre  Mores,  sur  les- 
quels il  essaya  le  premier  le  tranchant  de  son  espée.  Une  quatrlesme, 
(pi  avant  mandé  qu'on  hi\  anienasl  (piehpies  cheeqs,  qui  est  à 
(lire  les  premiers  d'un  village,  (Sl  un  phaquel',  qui  veut  dire  un 
sainct  personnage,  avant  fait  couper  à  ces  cliecqs  premièrement  les 
doigts.  [)uis  les  orteils  des  pieds,  puis  les  gras  des  cuisses  &  des 
jambes,  enfin  il  leur  trancha  la  teste,  (S[  pour  le  phaquel,  le  fit  gril- 
ler avec  des  lames  de  fer  ardeni,  faisant  clouer  leurs  corps  à  ses 
portes. 

Mais,  monstre,  ne  sortiras-tu  jamais  de  ceste  pauvre  ville,  faut-il 
(pie  tu  l'achevés  de  dépeupler  par  tes  barbaries,  &  qu'il  ne  t'y  de- 
meure plus  que  les  maisons.^  Pour  moy,  je  croy  qu'il  en  eût  fait 
ainsi,  n'estoit  que  la  peste,  qui  s'estoit  si  fortjettée  dans  toute  la 
Barbarie,  qu'en  moins  de  trois  mois,  en  la  seule  ville  de  Marroque, 
moururent  bien  trois  cents  mille  personnes,  parmy  lesquelles  fini- 
rent heureusement  leurs  jours,  non  seulement  les  deux  Révérends 
Pères  capucins  dessusdits,  le  Révérend  Père  Cyprien,  &.  le  neveu 
dudit  sieur  chevalier  de  Razilly",  mais  encore  quasi  tous  les  esclaves, 
s'eslaiit  aussi  glissée  sur  le  peu  d  hommes  qui  restoit  à  SafTy  de  la 
cruauté  de  ce  barbare,  il  fut  contraint  d'en  sortir  à  la  haste,  tant  il 
avoit  crainte  de  mourir. 

Sors  donc,  exécrable  avorton  de  la  nature  ;  sors,  tigre  avide  du 
sang  humain  ;  sors  &  t'en  vas  par  les  campagnes  ;  mais  ne  manque, 
comme  tu  fis  à  ta  première  sortie  de  Marroque,  de  les  arrouser  de 
neuves  de  sang.  Car  comment  est-ce  que  par  tous  les  lieux  où  il 
passoit,  desquels  il  changeoit  à  toute  heure,  il  faisoil  cmpaller  les 
uns,  égorger  ou  esloulfer  les  autres,  deschirer  ou  hacher  ceux-cy  ; 
eloù  il  se  renconlroit  par  fortune  des  arbres,  les  y  attacher  &  assom- 
mer, soit  à  coups  de  lleche,  soit  à  coups  de  canon,  une  fois  avec 
des  harquebuses  ou  des  pierres,  bref  en  toutes  les  manières  imagi- 
nables, &  desquelles  il  se  pouvoit  adviseï-.  11  s'est  trouvé  plusieurs 

1.  Pliaqucl,  fekih,  docUnir  do  1.t  T^oi.  Gabriel  de  Razilly,  \.  Histoire  de  la  mission 

2.  Sur  la  mort  des    l'P,   capiuiiis  et  de         des  l'P.  capucins  au  Maroc,  pp.  i^g-iSS. 

De  CiSTinEs.  III.  —  25 


386  i63i 

fois,  attachant  ainsi  un  homme,  pieds  &  mains  à  quatre  arbres,  qu'il 
le  faisoit,  suspendu  qu'il  estoit,  fendre  par  le  milieu  du  ventre,  & 
puis,  l'ayant  emply  de  poudre  à  canon  &  si  bien  recousu  qu'il  ne 
pouvoit  prendre  vent,  il  luy  faisoit  mettre  le  feu  au  fondement,  afin 
qu'il  s'en  allast  en  pièces.  Il  s'est  veu  encores  d'ordinaire  que  ce 
tyran,  en  ayant  attaché  un  autre  à  un  seul  arbre,  luy  donnoil  si  fort 
le  frontal'  qu'il  luy  en  faisoit  sortir  les  yeux  de  la  teste,  &  puis  les 
remplissant  de  poudre,  y  faire"  mettre  le  feu  avec  un  tison. 

C'estoil  tous  les  jours  qu'ayant  un  cheval  très-furieux  qu'il  tenoit 
ordinairement  sellé  &  bridé  à  1  entrée  d'unede  ses  tentes,  ik  quijettoit 
en  l'air  un  homme  de  la  hauteur  de  deux  brasses,  &  le  reprenant 
en  tombant  il  l'esgorgeoit  d'un  coup  de  dents,  il  ne  l'exerçoit  qu'à 
cela,  luy  faisant,  après  qu'd  estoit  las  de  massacrer,  donner  pour 
pasture  du  vin  &  du  laict,  dont  ce  cheval  montroit  par  signes  en 
estre  fort  aise. 

Vous  ne  sçauriez  dire  combien  de  fois  il  jettoit  aux  lions  des 
pauvres  créatures  ;  mais  admirez  comme  un  lion  qu'il  traisnoit  à 
sa  suitte  le  fil  rougir  ;  car,  comme  cette  pauvre  beste,  plus  humaine 
que  luy,  ne  voulut  manger  du  gras  de  la  jambe  d'un  More,  qu  il 
avoit  fait  couper  exprès  pour  luy  donner,  quelque  invention  qu'il  y 
apportast,  comme  de  la  faire  farcir  de  mouton,  ce  tison  d'enfer 
l'ayant  fait  fouetter  &  jeusner  trois  jours  pour  le  contraindre  de 
manger,  si  est-ce  pourtant  que  jamais  il  ne  voulut  le  faire,  quoy 
qu'il  luy  en  fist  servir  une  autre  de  nouveau.  C'estoit  par  tous  les 
lieux  où  il  passoit  qu'il  faisoit  des  estangs  de  sang  &  des  montagnes 
de  cadavres.  Mais  ce  que  j'estime  le  plus  horrible  de  tous,  c'est  que 
de  la  moitié  de  ceux  qu'il  faisoit  mourir,  qui  estoient  tous  ceux 
qu'il  rencontroit,  à  l'autre  moitié  il  faisoit  seulement  couper  les 
bras  &  les  jambes,  les  laissant  languir  sur  la  place  pour  estre  des- 
chirez  par  lesbestes  féroces,  ou  mourir  de  douleur  &  et  de  faim. 

Maison  vérité  je  te  serois  trop  ennuyeux,  lecteur,  si  je  te  vou- 
lois  dire  la  milliesme  partie  des  cruautez  de  ce  démon  incarné.  Prens 
seulement  encores  patience  de  lireceste  douzaine,  &  que  je  finisse  par 
celles  qu'il  finit  ses  maudites  promenades.  Il  voulut  retourner  à  Mar- 


I .   Le  frontal   était  une   torture  consis-        front  du  patient, 
tant  à  étreindre  avec  une  corde  à  nœuds  le  2.    Y  faire,  pour  :  v  faisoit. 


BIOGRAPHIE    DE    MOL  L.W     Alil)     EL-MALEK  38~ 

roque,  «k  la  première  action  qu'il  y  lit  ce  rul(|ue,  voukuil  célébrer  les 
funérailles  de  sa  defuncte  mère  qui  estoit  morlc,il  y  avoit  quelques 
mois,  il  fit  mourirdix  de  ses  plus  belles  femmes,  les  envoyant,  disoit- 
il,  pour  la  servir,  attendant  qu'il  luy  en  fist  présent  de  davantage. 
Desquelles,  comme  il  en  ainioil  uneeperducment,  il  la  fit  desenterrer 
quatre  jours  après.  tV  1  ayant  faite  veslir  somptueusement  &  orner 
bien  pour  cent  mil  escus  de  pierreries,  la  baisant  et  rebaisant  plu- 
sieurs fois  pendant  que  quelques  eunuques  la  luy  soustenoient 
toute  droite,  puis  enterrer  après  avec  toute  cesle  ricbesse,  Iren- 
iliant  la  teste  à  tous  ceux  qui  y  avoient  mis  la  main. 

La  seconde,  qu'un  pauvre  esclave  chrestien  ayant  esté  appréhendé, 
comme  il  se  vouloit  sauver,  l'ayant  fait  venir  à  son  armée,  il  luy 
coupa  en  présence  de  tous  avec  un  rasoir  qu'il  tenoit  en  une  main 
\;  des  tenailles  rouges  en  l'autre,  premièrement  l'une  &  l'autre 
Icvre,  puis  le  nez,  les  joues,  les  oreilles,  les  pieds,  les  mains  & 
enfin  tous  les  membres  du  corps  l'un  après  l'autre,  avec  tant  d'inter- 
valle \  de  poses  entre  deux,  (ju'il  employa  trois  heures  en  ce  mar- 
tyre, s'asseant  &  se  reposant  en  une  chaire  qui  estoit  là  préparée, 
à  mesure  qu'il  les  coupoit  un  à  nn. 

La  troisiesme,  qu'yvrognant  à  une  lieue  de  ses  pavillons,  quel- 
qu'un luy  ayant  dit  qu'il  ne  faisoit  pas  bon  de  demeurer  là,  d'au- 
tant que  1  air  se  troubloit,  leur  ayant  respondu  en  vray  démoniaque  : 
«  Pourquoy  est-ce  (juc  Dieu  veut  faire  pleuvoir,  puis  qu'il  ne  me 
plaisl  pas."*  Sçait-il  pas  bien  que  je  suis  icy.''  »  &  autres  paroles  d'un 
air  semblable,  comme  pour  se  venger  de  luy,  il  se  fit  amener 
quatre  Arabes,  lesquels  il  fit  escorcher  tous  vifs  et  brusla  luy- 
mesme  par  après  à  force  de  tisons  allumez. 

La  quatriesme,  (pi  ayant  apperceu  une  sauterelle  sur  les  toilles 
qui  entoui'oient  ses  tantes,  s'estanl  fait  \enir  ses  emuujues,  pour 
sçavoir  d  eux  qui  avoit  esté  si  liardy  que  de  luy  donner  ceste 
licence  &  se  mettre  en  lieu  qu'elle  peusl  voir  ses  femmes,  ayant  la 
main  à  l'cspée  pour  les  tuer,  «.V  se  ravisanl.  tout  à  l'heure  leur  lit 
donner  à  chacun  buict  cens  coups  de  fouets  sur  le  ventre,  afin  de 
leur  apprendre  une  autre  fois  à  ne  laisser  pas  regarder  ses  femmes. 

La  cincjuiesmc,  que  voulant  faire  les  nopces  d'une  belle  Chabanette  ' 

I .   ChabanetU',  femme  ilc  la  tribu  des  ChcbAna.  V.  supra,  p.  ioi,  note  3,  et  p.  827,  note  i 


388  i63i 

qu'il  espousa,  ayant  pour  cet  efiet  fait  fermer  sept  jours  du- 
rant toutes  les  boutiques,  &  commandé  que  toutes  les  femmes  de 
ces  alcaïdes  &  cheqs  s'assemblassent  dans  ses  jardins  pour  danser, 
où  il  s'en  trouva  plus  de  vingt  mil,  les  allant  voir  pour  baller  &  fo- 
lastrer  avec  elles,  c'estoit,  à  la  fin  du  jeu,  de  jelter  quantité  de  poi- 
gnées de  petites  pièces  d  argent,  qu  il  avoit  fait  battre  toute  exprès, 
parmy  elles,  tant  afin  que  courant  à  qui  en  auroit,  elles  s'entre- 
meurlrissent,  qu'à  fin  qu'elles  estoulTassenl  quantité  d'enfans qu'elles 
avoient  avec  elles,  les  frapant  par  derrière  à  coups  de  plat  d  espée, 
faisant  semblant  de  les  vouloir  séparer. 

La  sixicsme,  que  s'estant  fait  faire  un  cercle  de  fer  par  un  serru- 
rier, qui  se  serroit  &  se  deserroit  à  vis,  il  en  fit  mourir  pour  un 
seul  coup  trente  femmes,  leur  pressant  tellement  le  front  qu'il  fal- 
loit  qu'elles  rendissent  la  cervelle,  laquelle  il  faisoit  manger  à  ses 
eunuques. 

La  septiesme,  que  faisant  pour  une  seconde  fois  de  nouvelles 
nopces,  après  s'estre  lassé  de  danser  autour  d'un  estang  qui  est  dans 
ses  jardins ,  grand  de  douze  mil  pas  en  carré ,  avec  un  mi  Hier  d' hommes 
&  de  femmes,  il  en  fit  tant  jelter  dedans  >k  noyer,  les  uns,  une 
bouteille  pendue  au  col,  les  autres,  pieds  À  mains  attachées,  les 
autres  liez  avec  de  longues  cordes  par  la  nature,  (ju'il  tenoit  entre 
ses  mains,  pour  les  mieux  faire  danser  dans  l'eau,  que  1  eslangs'en 
trouva  tout  remply,  ayant  au  preallable  fait  allumer  deux  mille 
flambeaux  tout  autour  dudit  estang,  afin  de  mieux  voir  ce  spec- 
tacle. En  fin  la  8.  g.  lo.  ii.  &  dernière  furent  la  veille  de  son 
trespas. 

Pour  la  8.  c'est  qu'ayant  trouvé  un  petit  berger,  ik  lui  ayant  de- 
mandé à  qui  estoient  les  moutons  qu  il  paissoit.  comme  il  luy  eust 
respondu  que  c  estoit  à  son  frère,  s'estonnant  de  ce  qu'on  osoit 
dire  que  quelque  chose  ne  fust  pas  à  luy,  il  le  fit  massacrer  par  un 
de  ses  alcaïdes,  qui  voulant  différer  de  l'exécution  pensa  luy- 
mesme  estre  massacré  de  luy. 

La  neufiesme,  qu'à  demye  heure  de  là,  rencontrant  un  autre 
berger,  duquel  il  avoit  acheté  une  chèvre  devant  qu'il  fust  roy,  il 
luy  fendist  la  teste  en  deux,  d'autant,  dit-il,  qu'il  luy  avoit  trop 
vendue.  Et  au  sortir  de  ceste  action,  ayant  fait  venir  un  More 
nommé  Saudal,  il  luy  fil   verser  une  cruche  d'eau-de-vie  dans  le 


BIOGRAPHtE     DE     MOULAY     \BTl     EL-MALEK  38f) 

fondement  avec  un  entonnoir.  tV  puis  l'ayant  lait  coudre  afui  qu  il 
ne  prist  vent.  A  y  mist  le  l'eu  \'  le  fit  crever. 

La  dixiesme  fut  sur  le  soir,  que  s'estant  fait  attacher  ses  espé- 
rons, il  monta  sur  l'eschine  de  quatre  hommes  l'un  après  l'autre, 
les  faisant  maniera  courbettes  comme  un  cheval,  leur  chauffant  ses 
espérons  dans  les  flancs,  après  les  avoir  tous  quatre  lassez  et  rc- 
creus,  si  qu'ils  ne  se  pouvoient  plus  remuer,  il  les  estropia  de  hras 
\  de  jambes. 

L  unziesme,  que  de  là  montant  sur  un  cheval  blanc,  il  le  fit  pas- 
ser plus  de  cent  fois  sur  une  fcinmc  qui  servoit  à  sa  cuisine,  si  qu'il 
luy  froissa  &  moulut  tous  les  os. 

En  fin  pour  la  dernière,  c  est  qu'ayant  un  chien  appelle  Lion, 
(jui  luy  servoit  de  garde  ordinaire,  il  le  fit  emprisonner  ce  jour  là, 
ce  que  je  ne  te  mar(|ue  point  tant  pour  cruauté,  car  je  te  puis  jurer 
en  sincérité  qu  il  a  fait  plus  de  cent  mille  autres  actions  autant  ou 
plus  cruelles  (juc  pas  une  de  celles  que  je  te  descris  icy,  que  pour 
te  dire  que,  par  cet  emprisonnement  de  son  chien,  il  mist  fin  à  sa 
misérable  vie.  Car  tous  les  alcaïdes  &  principaux  capitaines  ayant 
délibère  de  s'en  défaire,  pour  ne  pouvoir  plus  souffrir  ses  iuhuma- 
nitez.  ik  attitré  pour  cela  un  renié  provençal  nommé  Chaban,  cest 
homme,  le  voyant  endormy  sans  sa  garde  ordinaire,  entra  ceste 
nuict  dans  sa  tente,  &  pendant  qu'il  ronfloit  de  son  vin.  luy  lascha 
un  pistolet  chargé  de  balle  ramée  dans  le  petit  ventre,  en  sorte  que 
ce  monstre,  paravant  que  de  s  éveiller  de  son  somme,  se  trouva 
plongé  dans  les  enfers  '. 

\  oila  donc,  lecteur,  ce  que  je  m  estois  proposé  de  te  monstrer, 
sçavoir.  combien  I  excès  de  vin  rend  un  prince  cruel  &  barbare. 
Voila  encore,  si  lu  veux,  comme  il  le  prive  de  loutes  les  vertus  & 
boiuies  rpialile/  (pic  nous  avons  iemar(piécs  en  nostre  commence- 
ment esirc  nécessaires  vV  bien  séantes  à  un  prince,  quoy  que 
ce  ne  soit  que  comme  par  Incident.  Voila  comme  il  est  utile  ou 
pluslost  nécessaire  qu'il  s'en  modères  cslroittemenl;  &  en  fin  com- 
bien sont  grandes  les  obligalions  (pic  tous  ces  pauvres  Chrestiens 
fran(;ois,  qui  ont  esté  tirez  des  pattes  cruelles  tant  de  ce  loup  infer- 


I .   Sur   cotti'   morl  dr    Moulay   Abd  ol-        Série,    Angleterre,  llelaliun  de    J.   llarri- 
Malck  qui  i;ut  lieu  le  lo  mars  i(i3i,  cf.  i'"        son,  i63i. 


3f)o  i63i 

nal  que  de  son  successeur,  ont  de  robligation  îi  nostre  bon  roy  de 
les  avoir  retirez  de  telles  misères  ;  &  par  mesme  moyen  à  monsei- 
gneur le  Cardinal,  comme  à  ccluy  qui  luy  a  non  seulement  inspire 
de  faire  cette  sainctc  action,  mais  encore  la  dressée  &  conduite,  y 
employant  pour  ce  lait  deux  vertueux  &  qualifiez  de  son  affection 
&  connoissance,  sçavoir.  messieurs  le  commandeur  de  Razillv  &  Du 
Clialard,  admirai  cl  xice-admiral  de  la  fiole  qu  il  y  a  envoyée,  en 
l'élection  desquels  son  jugement  divin  \  céleste  ne  la  pas  trompé, 
puis  que  les  choses  ont  réussi  si  heureusement,  comme  tu  as  peu 
voir  par  les  articles  de  la  paix  cy-devant  pul)liez  '.  Elle  sera  doresna- 
vant  parfaite  >k  inviolable  entre  nostre  monarchie  et  cest  empire^. 

Fin. 

Bihiiotitèfjui'  AfilioïKilr.  —  Iniprinuis,  ()' j  S'i. — Bref  cl  fidcllc  rcril  des 
iiilnimnines  cl  barbares  cruaiitez  de  Moley  Abdelmelec,  Empereur  de 
Maroque  dernier  decedé,  exercées  tant  à  l'endroit  des  pauvres  Chresliens 
ijue  plusieurs  de  ses  doniestirjues.  Sirjnainnient  le  martyre  de  plusieurs  per- 
sonnages massacre:  par  luy  pour  la  Saincle  Foy.  A  Paris,  chez  Edme 
Martin.  KVSl. 

I.   Il   s'agit  (lo  la   publication   des  deux  3.   Cf.   /"'  Série,  Angleterre,   à   la  date 

traites  de  ifi.Si   vpii  avait  été  faite  dans  le      de  i6.3i  un    autre    récit    des    cruautés   de 
Mercure  François.  V.  p  434,  note  4-  Aloulay  Abd  cl-Malck. 


RELATIONS  DE  LA  FRANCE  ET  DU  MAROC  DE  l63l  A  1 635    Sg  I 


LES  RELATIONS 

DE  L\  FRANGE  AVEC  LE  MAROC  DE  i63i  A  i635. 

LES  PALLAGHE. 

Introduction  critique. 


Il  n'existe  pas  pour  le  cinquième  voyage  que  Razilly  fit  au  Maroc  en  ifiSi  de 
relations  comme  celles  qui  racontent  les  expéditions  de  162^,  1629,  i63o  el 
i63ô.  Cette  mission  n'est  connue  que  par  des  résumés  très  brefs  parus  dans 
la  «Gazette  de  France'  »,  ou  le  «Mercure  François-»,  et  quelques  rensei- 
gnements qui  figurent,  h  titre  rétrospectif,  dans  des  documents  de  date  posté- 
rieure. Pour  la  reconstituer  et  en  comprendre  les  conséquences,  il  faut  étudier 
les  relations  de  la  France  avec  le  Maroc  pendant  la  période  i63i-i635,  en  com- 
plétant la  documentation  des  dépôts  français  par  celle  de  provenance  étrangère. 

En  aoùl  i63o  Razillv  et  Du  Chalard  avaient  racheté  les  esclaves  français 
détenus  à  Salé  «jusques  à  tant  qu'il  ne  s'y  en  trouva  plus^  ».  Mais  il  restait  à 
Mcrrakech  d'autres  captifs.  Le  chevalier  de  Razilly  avait  écrit  à  leur  sujet  au 
chérif  Moulay  Abd  el-Malek  el  avait  erivové  le  1 5  aoùl  '  trois  vaisseaux  commandés 
par  le  capitaine  Pâlot  pour  le  précéder  à  Safi.  11  les  rejoignit  le  3i  aoùl  ■>.  Les 
esclaves  attendus  de  Merrakecli  n'étaient  pas  encore  arrivés;  bien  au  contraire, 
ils  écrivaient  que  le  Chérif  ne  pensait  nullement  à  leur  rendre  la  liberté,  et 
qu'il  n'avait  d'autre  intention  que  de  traîner  les  alTaires  en  longueur  jusqu'à  ce 
que  le  mauvais  temps  contraignit  les  vaisseaux  français  à  s'éloigner''.  Un 
événement  inattendu  changea  la  face  des  alfalres.  Le  Chevalier  captura  le  3 
octobre  i63o  un  navire  hollandais  frété  par  les  Juifs  Pallaclie  et  sur  lequel  se 
trouvait  de  la  contrebande  de  guerre'. 

La  famille  des  Pallaclie,  si  mêlée  à  l'histoire  des  relations  des  Chérifs  avec 
les  États  chrétiens  *,  était  alors  représentée  dans  les  Province-Unies  par  Joseph, 
frère  de  Samuel,  et  son  fils  David,  agents  plus  ou  moins  attitrés  du  Maroc 
auprès  des  Etats-Généraux.  Un  autre  fils  de  Joseph,  appelé  Moïse,  résidait  à  la 
cour  chérifienne,  où  sa  connaissance  des  langues  étrangères  le  rendait  indis- 
pensable, el  il  profitai!  de  son  crédit  pour  faire  avancer  ses  afi'aires  persoiincllos, 
en  trompant  un  peu  tout  le  monde''. 

Dès  que  Moïse  Pallaclie  eut  appris  la  capture  faite  par  Razilly,  il  n'eut  plus 


1.  V.  Doc.  L\I,  p.  432. 

2.  V.  p.  434,  note  4. 

3.  V.  supra,  p.  3io. 

4.  V.  supra,  pp.  3io-3i3. 

5.  \.  supra,  pp.  2gi  et  3iû. 


6.  V.  supra,  p.  324. 

7.  V.  supra,  p.  325  et  note  2. 

8.  V.  /'"''  Série,  Pays-Bas,  t.  1,  Introduc- 
tion,  pp.  xv-xvn. 

ij.    \.  infra.  pp.  3y4-390. 


Sq2  introduction    critique 

qu'un  but  :  rentrer  en  possession  du  navire  de  la  famille  et  de  sa  riche  cargaison 
estimée  cent  mille  livres  '.  Il  réussit  à  vaincre  les  hésitations  du  Chérifau  sujet 
des  captifs  français  et  obtint  leur  mise  en  liberté  -.  Mais  quand  ce\ix-ci  arrivèrent 
à  Safi  (16  octobre),  Razilly,  qui  avait  perdu  patience  et  qui  craignait  en  outre 
l'approche  de  la  mauvaise  saison,  voguait  déjà  avec  sa  prise  vers  les  côtes  de 
France'.  Avant  son  départ  il  avait  laissé  au  consul  Pierre  Mazet,  avec  charge 
de  les  vendre,  un  lot  de  marchandises  évalué  à  28  886  livres  et  provenant  du 
navire  qu'il  avait  capturé  *. 

Désappointé  de  ce  contre-temps,  Moïse  Pallaclic  résolut  de  faire  agir  auprès 
du  roi  de  France  son  frère  David,  afin  d'obtenir  la  main-levée  du  navire  et  de 
sa  cargaison.  Il  lui  écrivit  donc ',  lui  recommandant  de  faire  valoir  auprès  du 
cardinal  de  Richelieu  le  zèle  qu'il  avait  déployé  pour  le  rachat  des  esclaves  et  le 
chargeant  de  remettre  à  Louis  XIII  deux  lettres,  l'une  du  Chérif  datée  de 
Merrakech  2  novembre  i63o'',  l'autre  des  captifs  français  datée  de  Safi  3o 
novembre  iBSo''. 

David  Pallache  se  rendit  en  France,  venant  de  La  Ilave,  et  arriva  à  Paris 
en  mars  iG.'ii  ;  il  remit,  au  mois  de  mai,  à  Louis  XIII  les  deux  letlres  dont 
il  était  porteur.  On  prit  en  pitié  à  la  cour  de  France  le  sort  de  ces  malheu- 
reux captifs,  que  le  départ  précipité  de  Razilly,  avait  empêché  de  mettre  en 
liberté  et  l'on  décida  l'envoi  au  Maroc  d'une  nouvelle  ambassade  pour  racheter 
les  esclaves  et  négocier  avec  le  Cliérif  un  traité  de  paix '*.  David  Pallache,  qui 
promit  son  concours,  obtint,  à  défaut  de  la  cargaison,  la  restitution  de  son 
navire;  on  le  combla  de  présents  et  on  lui  concéda  quelques  avantages  impor- 
tants '•'.  La  nouvelle  mission  avait  h  sa  tète  Razillv  et  Du  Chalard,  au.xquels  on 
avait  adjoint  un  envové  spécial,  le  sieur  de  Molères,  chargé  des  négociations  avec 
le  Chérif.  Elle  emportait  une  lettre  de  Louis  XIII  pour  Moulav  Abd  el-Malek 
et  des  étoffes  pour  une  valeur  de  cent  mille  livres  qui  devaient  être  offertes  au 
Chérif  en  échange  de  la  libération  des  captifs  français  '". 

La  flotte,  composée  de  trois  navires  et  deux  palaches,  partit  de  La  Rochelle 
au  mois  de  juillet  i63i  et  dut  arriver  à  Safi  en  août,  après  avoir  fait  escale  à 
Salé  pour  remettre  des  lettres  aux  caïds  de  la  Kasba  et  de  Salé-le-Neuf  ".  Entre 
temps  le  Maroc  avait  changé  de  souverain  :  Moulay  Abd  el-Malek  était  mort  le 
10  mars  i63i  et  avait  été  remplacé  par  son  frère  Moulav  el-Oualid. 

1.  V.  supra,  p.  342.  faisant  au  .Maroc  le  trafic  du  cuivre  et  du 

2.  V.  supra,  p.  32.5.  plomb,  elle  fit  présenter  à  la  cour  de  France 

3.  V.  supra,  pp.  353,  3.55,  356.  des  remontrances  par  le  sieur  Augior  son 

4.  V.  infra,  pp.  435-436,  443  et  5io.  ambassadeur    V.     /"'    Série,     Angleterre, 

5.  \.  infra.  Doc.  LI,  p.  3g8.  année  i63i. 

6.  V.  supra.  Doc.  XLV  et  XL^■''i^   pp.  t).   V.  infra.  p.  453  et  note  2. 
35oel352.  10.  V.     infra,     p.    433    et    i"    Série, 

7.  'V.  supra.  Doc.  XLVI,  p.  355.  .\nglelerre,    Lettre  de  Moulay  el-Oualid  à 

8.  L'Angleterre  prit   ombrage  de  celte  Louis  XIII,  6  octobre  i63i. 

mission   et,   croyant  tpie  Razilly  avait  des  11.   V.  infra,  pp.  4o4  et  5oo,  note  2. — 

inslruclions  pour  saisir  les  navires  anglais         Sur  ces  deux  caïds,  V.  supra,  p.  ig4,note5. 


RELATIONS    DE    LA    FRANCE    ET    DU    MAROC   DE    1 63 1    A    1 635         3g3 

Pour  éviter  la  fàclieuse  avcnlnro  de  162/1,  Razillv  pf  Du  Chalnrd  avaient  reçu 
Tordre  de  ne  laisser  personne  descendre  à  terre,  à  l'exception  de  M.  de  Molères; 
les  échancjes  de  signatures  et  autres  formalités  devaient  se  passera  bord  '.  Néan- 
moins les  autorités  de  Safi,  voulant  faire  honneur  à  la  mission,  fucnt  porter  sur 
les  vaisseaux  français  une  magnifique  mouna -. 

M.  de  Molères  se  mil  en  route  pour  Merrakecli  accompagné  de  David  Pallaclie. 
Il  fut  reçu  en  audience  le  lendemain  de  son  arrivée,  il  olTrit  le  présent,  et  le 
(Shérif  lui  fit  remettre  les  captifs  français  au  nombre  de  cent  quatre-vingts.  Les 
pourparlers  en  vue  d'un  traité  ne  furent  pas  longs,  grâce  à  l'intervention  de 
Moïse  Pallaclie  ;  le  17  septembre  i63r,  Moulay  el-Oualid  signait  à  Merrakech 
im  acte  lini/n/éra/ renfermant  «  les  articles  de  la  paix  accordés  par  ledit  roy  de 
Manocq  à  Sa  Magestc-'  ».  Le  24  septembre,  M.  de  Molères  était  de  retour  à 
Safi  avec  les  esclaves;  il  ne  rapportait  pas  l'original  arabe  du  traité',  que  la 
liancellerie  marocaine  n'avait  sans  doute  [)as  eu  le  temps  de  mettre  en  forme, 
mais  seulement  une  traduction  française,  que  signèrent  Razilly  et  Du  Chalard. 
Le  même  jour,  ai  septembre  ifiSi,  pour  plus  de  sûreté,  ils  rédigèrent  de  leur 
coté  un  acte  unilnléral  contenant  «  les  articles  accordés  par  le  Roy  au  roy  de 
Marrocq  '  ». 

Les  vaisseaux  français  restèrent  mouillés  à  Safi,  attendant  l'original  arabe  du 
traité  et  une  lettre  du  (Shérif  pour  Louis  XIII.  Razilly  dut  même  faire  partir  un 
marchand  pour  Merrakech  afin  d'en  bâter  l'envoi.  Enfin  ces  pièces  arrivèrent 
en  octobre,  apportées  par  le  caïd  Mohammed  Saïd,  qu'accompagnait  Moïse 
Paliache.  Elles  fment  portées  à  bord  ".  Razillv  et  Du  Chalard  apposèrent  leurs 
signatures  sur  l'original  arabe  du  traité,  en  les  faisant  précéder  de  la  mention  : 
«  Et  est  escrit  le  présent  traittc  en  arabique;  sera  nul  s'il  n'est  conforme  à  celuy 
que  nous  avons  signé  en  françois  »  ".  Sur  la  traduction  française  précédenmient 
apportée  par  .M.  de  Molères  et  où  une  place  avait  été  réservée  pour  le  sceau  du 
Chérif,  Razillv  et  du  Chalard  exigèrent  que  Moïse  Paliache  signât  à  son  tour 
pour  attester  la  conformité  des  deux  textes".  Outre  l'exemplaire  du  traité,  la 
mission  rapportait  en  France  une  lettre  de  Moulav  el-Oualid,  datée  de  Merrakech 
(')  octobre  i63i ,  dans  la([uelle  le  Chérif  annonçait  l'arrivée  au  Maroc  des  envoyés 
français  et  de  David  Paliache,  la  mise  en  liberté  des  esclaves  et  la  conclusion  de 
la  pai\  '.  Cett(;  dépèche  cbérifienne,  traduite  par  les  soins  de  Moïse  Paliache, 
fut  probablement  remises  à  David  Paliache,  qui  en  emportait  une  autre  de  son 
frère,  datée  de  Sali  \'i  octobre  idoi  et  adressée  au  cardinal  de  Richelieu'". 

1.  V.  inj'ra.  p.  4oii.  XIII.  r'- avril  i(J34. 

2.  Sur  la   mouna   (vivres,    provisions),  -.   \.  inj'ra,  p.  4ii,  note  !\. 

\  .  infra.  p.  133  et  note  i.  8.   V.  infra.  pp.  .'ni  et  455  et  /''  Série. 

3.  V.  infra.  pp.  .'|o6  et  /i46.  .\ngleterrc,   iMlre  de   Moulay  cl-Oualid  à 

4.  V.  infra.  p.  455.  Louis  Mil.  f'  avril  i634. 

5.  V.  infra,  p.  440.  9.    V.  cette  lettre  dans  /'«  Série.  Angle- 

6.  V.  infra,  p.  402  et  z'»  Série,  .\nglc-  terre. 

terre,   Lettre  de  Moulay  el-Oualid  à   Louis  lo.    \  .  infru,  p.  '[io. 


Sqi  INTRODUCTION     CRITIQUE 

Kazilly  et  Du  Chalard  quittèrent  Sati  vers  le  milieu  d'octobre  1 63 1  el  arrivèrent 
dans  la  baie  de  Morbihan  le  7  novembre.  Le  sieur  de  Molères.  porteur  du  traite, 
prit  les  devants  et  rejoignit  le  Roi  à  Château-Thierry  le  16  novembre  ".  Quant  à 
Razilly  et  à  Du  Chalard,  partis  avec  David  Pallache,  ils  n'arrivèrent  à  la  Cour 
qu'en  décembre  i63i -.  David  Pallache  fit  la  remise  des  lettres  à  Louis  XIII 
et  au  Cardinal.  On  lui  lit  une  réception  d'ambassadeur  et  on  lui  donna  de 
riches  présents-'.  Le  12  avril  i632,  le  roi  de  France  ayant  ratifié  le  traité  du 
24  septembre  i63i  ',  David  Pallache  promit  de  porter  cette  ratification  à 
Moula V  el-Oualid.  Nonobstant  cet  engagement,  il  se  dirigea  vers  la  Hollande  et 
demeura  à  La  Ilavc,  gardant  par  devers  lui  la  ratification  et  les  dépèches  qui  lui 
avaient  été  confiées  \ 

Le  Chérif,  après  avoir  vainement  attendu  la  ratification  du  traité  cl  une  lettre 
de  Louis  XIII,  estimant  que  le  roi  de  France,  qui  «  ne  luv  avoit  pas  faicl  un  seul 
mot  de  response  depuis  un  an  et  demi  »  que  les  vaisseaux  français  avaient  quitté 
Safi,  s'était  «  mocqué  de  luv»,  reprit  sa  liberté;  la  course  recommença  contre 
les  navires  français  et  l'on  fit  de  nouveaux  esclaves''. 

Ce  fut  à  l'occasion  du  règlement  de  la  prise  faite  par  Razillv  en  i63o  que  se 
découvrit  l'infidélité  de  David  Pallache.  \  ers  le  milieu  de  i032,  Du  Chalard 
fit  partir  pour  le  Maroc  un  homme  de  confiance  nommé  Julien  Du  Puy,  afin  de 
réclamer  au  consul  Pierre  Mazel  les  sommes  que  ce  dernier  avait  du  réaliser  sur 
la  vente  des  marchandises  que  lui  a\ail  confiées  Razillv.  Du  Puv  dut  aller  jusqu'à 
Merrakech,  où  Pierre  Mazet  s'était  rendu  afin  d'intervenir  auprès  de  ^loulav 
el-Oualid  pour  seize  Provençaux  capturés  sur  deux  tartanes.  Le  Chérif,  très 
irrité  du  silence  du  roi  de  France,  éclata  en  reproches  devant  Du  Puy  et  le 
malheureux  consul  dont  il  accueillit  fort  mal  les  réclamations.  Du  Puy  apprit 
alors  seulement  que  David  Pallache  n'était  pas  revenu  au  Maroc  avec  la  ratifi- 
cation du  traité  et  les  lettres  de  Louis  XIII.  Ce  fut  en  vain  qu'il  fil  retomber 
la  responsabilité  du  malentendu  sur  la  conduite  infidèle  de  David  Pallache. 
Moulay  el-Oualid,  e.xcité  par  les  Juifs,  ne  voulut  rien  entendre;  il  réclama  à 
Pierre  Mazet  une  somme  de  soixante-dix  mille  onces,  évaluation  desdites 
marchandises,  et  finalement  le  fit  jeter  en  prison  ainsi  que  Du  Puv  (janvier- 
février  i633)'. 

La  Cour  de  France,  ayant  appris  les  procédés  du  Chérif  el  les  cause  de  son 
ressentiment,  crut  à  son  tour  avoir  été  mystifiée  par  David  Pallache,  et  elle 
envoya  au  Maroc,  en  décembre  i633,  le  capitaine  Antoine  Cabiron  pour  éclaircir 
l'affaire*.  David  Pallache,  certainement  coupable  d'avoir  manqué  à  sa  promesse 
de  porter  à  ^Moulay  el-Oualid  la  ratification  du  traité,  n'élait-il  pas  en  outre  un 

1.  V.  infra.  p.  i32.  Brasscl,  3o  octobre  i634. 

2.  V.  infra,  p.  ^70,  note  3.  6.   V.  m/ra,  Doc.  hWlll,  Relation d'An- 

3.  V.  infra,  p.  453.  Inine  Cabiron,  p.  44g. 

4.  V.  infra.  Doc.  LXllI,  p.  437.  7.  V.  infru,  pp.  443,  449  ^-^  •^'■■ 

Ti.   ^■.  infra.  pp.  'i43  el  45i,  note,  a,   et  8.  V. /n/ra.Doc.  LXVIll,  Relation  J'An- 

Dcpôts   divers,    lUissio,   Instructions    pour        toine  Cabiron,  {^p.  447-4Go. 


HFLATIONS    m-:    LA    Ftl\>fF    FT    Dt      MADOr    nE     lfi3l     A     lfi35  .>f)n 

iiiiposleur,  s'élant  fait  passer  pour  ambassadeur  du  roi  du  Maroc?  Entre  la 
duplicité  du  Juif  et  celle  du  (Shérif  il  fut  impossible  de  faire  la  pleine  lumière 
sur  celte  question. 

Le  plus  grave  des  reproches  faits  par  Moulav  el-Oualid  à  David  Pallache  est 
d'avoir  remis  à  Louis  XUl  une  dépêche  falsifiée,  une  sorte  de  lettre  de  créance  dans 
laquelle  le  Juif  aurait  été  qualifié  «  son  fidelle  ministre  et  serviteur  »  ou  bien  «  son 
fidelle  député  »,  Or,  si  la  phrase  incriminée  se  trouve  bien  dans  la  traduction  de 
la  icllrc  du  Chérif  à  Louis  XIII  du  lo  Rbia  I"''  lO^i  (0  octobre  i63i),  il  est 
facile  de  constater  que  cette  lettre  n'a  en  aucune  façon  le  caractère  d'une  lettre 
de  créance;  elle  est  d'une  rare  insignifiance  comme  tous  les  messages  chériliens. 
cl  il  n'v  est  question  de  David  l'allache  que  tout-à-fait  incidemment.  «  La 
cause  de  ses  lettres..  ,  écrit  Moulav  el-Oualid  à  Louis  XIII,  est  pour  vous  con- 
firmer comme  voz  nobles  agents  et  minislresle  chevallier  de  Razilly,  Du  Chalard 
et  de  Molleres,  avecq  nostre  fidel  et  honornhle  tlciaiié  David  Pallache.  sont  arri- 
vez en  nostre  glorieuze  cour...  » 

Ceci  posé,  Moulav  el-Oualid,  avant  à  parler  du  Juif  Pallache,  a-t-il  jiu  le 
qualilier  ainsi  ?  Certainement  non.  La  form\ile  de  style,  que  tout  Chéril,  et 
l'on  peut  dire  tout  musulman,  aurait  appliquée  à  David  Pallache  est  celle  de 
dimmi  «3  tributaire.  Cette  épitliète  est  d'un  usage  si  constant  qu'elle  est  deve- 
nue presque  svnonvme  de  .luif,  et  elle  est  cmplovée,  quelle  que  soit  l'importance 
des  fonctions  confiées  à  un  personnage  de  celte  race.  C'est  ainsi  que  Moulay-Zidàn, 
dans  sa  correspondance  avec  les  États-Générau.x  des  Provinces-Unies,  qualifie 
toujours  de  «dimmi»  Samuel  Pallache',  bien  que  ce  dernier  soit  l'un  des 
plénipotentiaires  marocains  de  la  paix  de  ifiio  et  que  sa  signature  se  \he  au  bas 
de  l'acte  du  ai  décembre-.  Cette  épithète,  si  usitée  dans  la  langue  arabe,  n'en 
a  pas  moins  un  sens  péjoratif  très  marquée  qui  la  rend  malsonnante  à  des 
oreilles  juives,  et  c'est  pourquoi  Moïse  Pallache,  ayant  à  l'accoler  au  nom  de 
son  frère  David,  lui  aura  substitué  la  formule  «  nostre  iidel  et  honorable 
député  ».  C'est  très  vraisemblablement  le  seul  passage  de  la  lettre  chcrifienne 
qui  ait  été  altéré  par  Mo'ise  Pallache.  Il  est  d'ailleurs  très  probable  qu'une  fois 
rendu  à  la  cour  de  France,  David  Pallache,  «  à  la  langue  serpentine  »  aura  par 
ses  paroles  et  par  son  attitude  donné  à  entendre  que  Moulav  el-Oualid  l'avait 
choisi  comme  ambassadeur. 

Quand,  au  retour  de  Cabiron  (juillet  i63/i),  la  cour  de  France  eut  été  mieux 

I.   Cf.  i"  Série,  Pays-Bas,  t.  II,  pp.  706  ,         ... 

et  715  (textes  arabes)'.  Dans  la  traduction  ''"'•'""'''  imprécatoiro  Ut  ^\  <C^1.  La  ma- 

(le  ces  deux  lettres  (pp.  708  et  718)  le  mot  lédiction  de  Dieu  sur  lui  1 

«  dimmi»  aétc  rendu  parcelui  dc«  Juif  »,  ^.   Cf.  /''!  .Série,  Pays-Bas,  t.  I,  PI.  VIII, 

lequel,  ainsi  qu'il  est  dit,  est  devenu  abso-  p.  577. 

lumenl   son  équivalent.    Non    contents  de  '^.   Oji    lit     dans     le     Dictionnaire     de 


celte  épithète  dont  ils  font  précéder  tout 
nom  de  Juif  qu'ils  sont  obligés  d'écrire,  les 
musulmans  le  font  suivre  très  souvent  de  la        coioii,  juif 


1     I    -f       ,.,  I     11-    ■     !>•     •        I  Bfaussif.k    au    mot      .^«5 .   couard,    lâche, 

nom  de  Juif  qu  ils  sont  obliges  a  écrire,  les  iji„  , 


3r)fl  INTRODUCTION    CRITIQUE 

informée  de  l'inlidélité  de  David  Pallache  ',  elle  dépêcha  des  instructions  à  son 
représentant  dans  les  Pays-Bas,  le  secrétaire  Brasset  -,  le  chargeant  d'obtenir  des 
États-Généraux  l'arrestation  et  l'extradition  de  ce  Juif  «  plein  d'artifices  et  de 
fourbe^  ».  Les  Etats-Généraux,  avant  pris  connaissance  du  rapport  de  Brasset, 
se  trouvèrent  fort  embarrassés.  Arrêter  David  l'allache  et  le  livrer  au  roi  de 
France,  c'était  méconnaître  l'inviolabilité  d'un  agent  diplomatique,  puisque 
c'était  en  cette  qualité  que  ce  Juif  résidait  en  Hollande  pour  le  roi  du  Maroc. 
Ils  s'excusèrent  donc  auprès  de  Louis  XllI  '•  et  écrivirent  au  Cliérif  pour  lui 
demander  ce  ([u'il  fallait  faire  de  David  Pallache '.  Moulay  el-Oualid  leur  répon- 
dit le  i3  juillet  iGS.j''.  11  chargea  de  sa  lettre  Du  Chalard.  qui  avait  été  de 
nouveau  envoyé  au  Maroc  pour  tirer  au  clair  cette  même  alTaire.  Le  Chérif 
invitait  les  Etals  à  s'emparer  de  la  personne  du  «  juif  maudit  ».  Le  2  janvier 
rfi36,  Louis  XllI  faisait  parvenir  aux  Etats  la  réponse  de  Moulav  el-Oualid.  Il 
espérait,  leur  écrivait  il,  (juils  allaient  sévir  contre  David  Pallache  '.  Ceux-ci 
expédièrent  en  février  dans  les  diverses  provinces  Tordre  d  arrêter  ce  dernier. 
Mais  David  Pallaches  était  prudemment  retiré  en  /('lande,  d'où  il  passa  à  Cologne  ; 
il  V  attendit  tpie  les  intrigues  combinées  de  son  père  Joseph  et  son  frère  Moïse 
eussent  dissipé  l'orage  et  l'eussent  fait  rentrer  en  faveur  auprès  du  Chérif. 

Il  en  arriva  ainsi.  On  doit  d'ailleurs  reconnaitre  que  la  cour  de  France  allait 
trop  loin,  en  accusant  David  Pallache  d'être  un  imposteur.  Le  seul  reproche 
qu'elle  était  ftindée  à  lui  adresser  était  d'avoir  différé  de  remplir  auprès  de 
Moulay  el-Oualid  la  mission  dont  il  s'était  chargé,  ou  plutôt  qu'il  avait  accepté 
de  remplir.  Toujours  est-il  que  le  Chérif,  revenant  sur  les  termes  de  sa  lettre 
du  1.3  juillet  iG3.3,  lit  savoir  aux  États  qu'il  reconnaissait  l'innocence  de  David 
faussement  accusé  par  Du  Chalard,  et  cju'il  l'accréditait  de  nouveau  comme 
agent  du  Maroc  auprès  des  Provinces-Unies". 

1.  Cabiron    rappporlait    une    lettre    de  6.   \  . /6i(/..  la  lettre  de  Moulay  cl-Oualict. 
Mùiilav  cl-Oualid  adressée  à  Lquis  XIII  et  7.   V.  Ibidem,  la  lettre  de  Louis  XIII. 
datée  du  3  Choual  ioi3-r'' avril  i63i.  Cf.  8.   ^.  Ibidem,   aux  dates  des   20  janvier, 
1'' Série.  .Angleterre,  à  la  date  itidiq\iée.  9  février,  i3  février,  18  mars,  'jS  mai,  i4 

2.  Le  secrétaire  d'ambassade  Brasset  fut  novembre  i636.  —  Dans  l'article  Vn  faux 
chargé  des  atîaires  de  France  dans  les  Pro-  f///)/omrt^'aHXvn^'sfèo/e,  publié  parM.  Henr' 
vinces-Unies  entre  le  départ  de  M.  de  Baugy  Steis  (Reoiie  d'Histoire  diplomatique,  année 
et  l'arrivée  du  baron  de  Charnacé.  1888,  pp.  27-/10),  celui-ci  a  pris  trop  catc- 

3.  Cf.  /'■'■  Série.  Dépôts  Divers,  Russie,  goriquement  parti  contre  David  Pallache, 
Inslriirlions  pour  Brasset,  3o  octobre  l63i  sans  tenir  compte  de  la  duplicité  très  pro- 
et  Pays-Bas,  t.  III,  Rapport  de  Brasset  aux  b.iblc  du  Chérif.  Il  a  on  outre,  ignorant  la 
États,  12  novembre  i034.  lettre   de  Moulay  el-Oualid  du   6   octobre 

L).   V.  1''^  Série,    Pays-Bas,  à  la  date  du  i03i   (V.   supra,  p.   3y3,  note  9),  pris  la 

g  février  i635.  lettre  de  ce  souverain,  datée  du  2  novembre 

5.  V.   I"  Série,    Pays-Bas,    Lettre   des  i63o  (V.  supra,  pp.  33o-354),  pour  celle 

États    Généraux    à     Moulay    el-Oualid,    24  cpii  avait  donné  lieu  à  l'accusation  d'impos- 

février  i035.  turc,  formulée  contre  David  Pallache. 


LETTRE    DE    DAVIII    l'ALLACHE    A     RICHELIEU  897 


LI 

LETTRE  DE  DAVID  PALLACHE  A  RICHELIEU 

//  a  mission  de  présenter  à  Louis  XIJI  la  lettre  du  Chéri f  relatire  aux 
conventions  néç/ociécs  par  Razilfy-  —  Il  attend  les  instruelions  de  Riche- 
lieu pour  remettre  cette  lettre  au  Roi.  —  Services  rendus  aux  esclaves 
français  par  son  frère  Moïse  Pallache. 

Paris,  u)  mars  i63i. 

En  tète,  (itia  manu  :  Lettre  du  s'  Palache,  envoyé  de  Maroc.  — 
ig'  mars  i63i . 

Ex'  Prince 

Passé  quelques  jours,  j'av  avizé  à  Vostre  Excellence  corne  javois 
reçue  letres  de  la  magcsté  du  roy  de  Marroco  pour  la  magesté  du 
Roy  Très-Chrestien',  touchent  la  lionne  paix  que  le  sieur  de  Kassily 
avoil  Iraicté  Tanné  passé,  dont  je  suis  grandement  encharjé  et 
comandé  de  les  présenter  entre  les  royalles  mains  de  la  magesté  du 
Roy  Très-Clirestien,  car  ils  concernent  le  service  de  ladicte  magesté 
et  bénéfice  de  ses  soujets  ;  tellenicnt.  monseigneur,  que  je  suis 
venu  yci  à  Paris  "pour  porter  dictes  l'oyalles  letres  et  les  presanter  à 
Sa  Royalle  Magesté  par  le  favour  et  assistence  de  Vostre  Excellence 
el  l'aire  ce  quy  m'a  esté  comandé  de  la  part  de  dicte  magesté  de 
Marroco,  car  jespcre  que  dictes  royalles  letres  devoir  estre  très- 
agreahle  à  la  magesté  du  Roy  Très-Chreslien  et  à  Vostre  Excellence 
pour  le  bien  [)oul)li(|;  dont  je  suplie  Vostre  Excellence  m'ordonner 
sy  je  yray   sivre  la  Court' ou  bien  atendcray  yci  le  retour  de  Sa 

1.    \.  celle   leltre   sii/jni.    Doc.  XLV    el  3.    Louis  XIII  parlil  ilc'  Paris  Ir  3  mars 

\L\   bis,  [>|).  .35o  et  352.  pour  Dijon  où  il  arriva  li'  at)  mars;  il  ren- 

■j.    David   l^allache  venait  des  Pays-Has.  tra  à  Paris  le  12  mai.  V.  Mercure  françuis, 

^  .  supra.  Introduction  critique,  p.  3g2.  t.   17,  pp.   l!t6,   172. 


3q8  19   ^lAns    iG.*?! 

Magesté  et  Vostie  lixcellence,  car  je  ne  voiulniis  pas  perdre  du 
temps  en  ces  afaircs. 

Aucy  j'av  une  letlre  de  mon  frère  Moyssez  Pallache,  Irès-liumble 
serviteur  de  \  ostre  Excellence,  et  seluy  quy  a  heaucouji  travaillé  en 
cest  al"aire\  asistent  les  poures  esclaves  françoisez,  quy  sont  déjà 
mis  en  liberté  et  menés  à  Safy,  come  je  diray  plus  amplement  de 
bouche  à  \  ostre  Excellence. 

Très-heumble,  obéissent  serviteur  de  \oslrc  Excellence, 

Signé:  David  Pallache. 
A  Paris,  le  ig""'  de  mars,  l'an  i(i3i. 

Archives  des  .[(faires  Etrangères.  —  Mdroc.  —  Correspondance  consu- 
laire.  ]'ol.   I.  —  Ori(/in'il. 

I.   Sur  les  circonstances  qui  décidèrenl  \loï«e  Pallache  à  agir,  \  .  supra,  pp.  391-892. 


LETTRES    DE    COMMISSION     EN    FAVEUR     DE    RAZILLY  SOjÇ) 


LJl 

LETTRES  DE  COMMISSION   EN  FA  VELU  DE  HAZILLY 

Fontainebleau',  6  mai  iG3i. 

Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France  et  de  Navarre,  à  tous 
ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront,  salut. 

Nous  avons  tousjours  singullieremcnl  désiré  d'entretenir  la 
liberté  du  commerce  par  mer  de  noz  subjectz,  cz  lieux  où  elle  leur 
estoit  acquise  par  nos  alliances  et  traitiez,  et  de  la  restablir  partout 
où  elle  estoit  troublée  par  les  entreprises  et  déprédations  des  pirates 
et  de  ceux  qui,  pour  n'avoir  pas  cognoissance  de  la  sincérité  de 
nos  intentions,  en  ont  jusques  icy  retardé  ou  einpescbé  l'eirect.  Et, 
comme  il  est  arrivé  que  plusieurs  de  nos  subjects,  trafficquans  de 
hdiine  l'oy  ez  mers  de  Ponant  cl  Levant,  ont  esté  pris  et  faicts  esclaves 
et  menez  en  divers  lieux  de  la  coste  d'AITricque  et  Barbarie,  où  ilz 
sont  détenus  encoi'es  à  présent  en  gi'and  nombre,  nous  n'avons  eu 
rien  plus  à  cœur  que  d'employer  tous  les  moyens  possibles  pour  les 
dellivrer  de  cette  peine  et  misère  qu  ilz  sfnifTrent.  Et,  pour  cet 
eU'ect,  nous  aurions  envoyé,  les  deux  années  dernières,  nos  cliers 
et  bien  amez  le  s'  de  Razilly,  chevallier  de  l'ordre  de  S'  Jean  de 
llierusalem,  chef  et  cap"'  de  l'esquadre  de  nos  vaisseaux  de  nostre 
province  de  Bretaigne,  et  le  s'  Du  Challard,  cap"'  et  gouverneur  de 
nostre  tour  de  Cordouan  et  cap"°  garde-coste  de  nostre  province  de 
(inlcnne,  avec  une  tlolle  de  vaisseaux,  au  royaume  de  Marock  et 
autres  pays  de  ladicte  coste  d'Airric(|ue,  pour  y  traitter  de  nostre 
part  du  rachapt  et  dellivrance  de  nosdicts  subjects  captifs,  et  de  la 
seureté  de  ceux  qui  y  voudroient  trafhcquer  à  l'avenir  ;  en  quoy 
nostre  désir  auroit  esté  si  heureusement  acheminé  par  lesdicts  s"  de 

I .  Louis  XIII,  en  revenant  de  Dijon  à  bleau  pour  y  chasser.  V.  Mercure  français, 
Paris,   s'arrêta  quelques  jours  à   Fontaine-        t.   17,  p.  170. 


/ioO  (l     MAI     ifi.Sl 

Razilly  et  Du  Clialard,  qu  ilz  aiiroient  obtenu  du  tr('s-lianll,  très- 
excellanl  et  très-puissant  prince  noslre  très-cher  et  bon  aniv  l'em- 
pereur de  Marocques,  roy  de  Fez  et  de  Sus,  et  de  ceux  de  la  ville  de 
Salé  la  délivrance  '  de  nosdicts  subjects  détenus  ez  lieux  ;  mais  les 
tempestes  et  injures  du  temps  ne  leur  ayant  pas  permis  de  demeurer 
en  la  coste  pour  recevoir  l'efTect  de  ce  qui  leur  avoit  esté  promis, 
ilz  seroient  revenus  en  nostre  royaume  sans  avoir  rapporté  le  fruict 
que  nous  avions  attendu  de  leur  voiage. 

Et,  daultanl  que  nostre  intention  est  que  ce  bon  œuvre  s'ac- 
complisse, suivant  les  commanceraens  qui  y  ont  desja  esté  donnez, 
à  ces  causes,  nous  avons  commis,  ordonné  etdei^utté,  commettons 
et  députions  et  ordonnons,  parées  présentes  signées  de  nostre  main, 
lesdicts  s"  de  Razilli  et  Du  Clialard  pour  se  transjjorter,  avec  les 
vaisseaux  dont  ilz  ont  commandement,  ensemble  ceux  qui  ont  esté 
ordonnez  par  nostre  très-cher  et  bien  amé  cousin  le  cardinal  de  Riche- 
lieu, grand  inaistre,  chef  et  surintendant  genei'al  de  la  navigation  et 
du  commerce  de  France,  en  la  coste  de  Barbarie,  oîi  estans  arrivez, 
nous  leur  avons  donné  et  donnons  plain  pouvoir  de  traitteret  nego- 
tier  en  nostre  nom,  conjoinctement  ou  séparément,  et  l'un  d'eux  en 
l'absence,  maladie  ou  légitime  empeschement  de  l'autre,  avec  ledict 
empereur  de  Marocques  et  autres  potentaz,  gouverneurs  et  habitans 
des  villes  et  ports  de  merde  ladicte  coste  de  Barbarie  qu'ilz  adviseront 
bon  estre,  ou  avec  ceux  qui  auront  suffisant  pouvoir  de  leur  part,  tant 
pour  establir  une  bonne  paix  et  amityé  avec  eux  et  rendre  le  com- 
merce libre  entre  nos  Estais  et  les  leur  que  pour  délivrer  et  retirer 
tous  nos  subjects  qu'ilz  peuvent  détenir  captifs,  conclure  et  signer 
en  nostre  nom  tous  et  chacuns  les  articles  et  conditions  qu'ilz  juge- 
ront convenable  pour  cet  cffect,  et  les  mettre  ou  faire  mettre  en  ce 
qui  dcppcndra  d'eux  à  deue  et  entière  exécution  ;  promettans  en 
foy  et  parolle  de  roy  d'avoir  pour  agréable,  tenir  ferme  et  stable 
tout  ce  que  par  lesdicts  s"  chev"  de  Razilli  et  Du  Chalard,  conjoincte- 
ment ou  par  l'un  d'eux  en  l'absence  de  l'autre,  aura  esté,  comme 
dict  est,  faict,  géré,  négocié  et  arresté,  et  de  le  faire  garder  et  obser- 

I.  En  note   :   Fault  faire    menlyon    du  tembre  i03o  Qt  ■  supra.  Doc.  XXXIX,  p. 

traiclté  faict  auec  ceux  de  Salé  et  de  la  ratiffi-  292).  Quant  à  la  ratification  dont  il  est  fait 

cation   que  le  lioy  en  faict  présentement.  Il  mention  dans  le  Doc.  LIH,  p.  4o4,  elle  fut 

s'agit  dans  cette  note  du   traite  du   'i  sep-  datée  du  mois  do  mai  1 63 1 .  Cf.  p.  5oo,  n.  2. 


LETTRES     DK     COMMISSION     EN     l'VVEUH     DE     RAZILLV  'lOI 

ver  cxaclciiieiit  de  iioslre  pari,  sans  y  coiitrc\cuii'  iiy  pcnucllre 
qu'il  y  soit  contrevenu  en  aucuiio  niaiiicre. 

Mais  s'il  arrivoit  (ce  que  nous  no  pouvons  croire)  (juc  ledict  roy 
de  Marocqucs  ou  autres,  au  préjudice  de  la  bonne  inicntion  qu'ilz 
nous  ont  donnée,  vinssent  à  nous  desnier  et  refuser  la  juste  satis- 
faction que  nous  desirons  d'eux  en  ladicte  deli\  rance  de  nossubjecls 
qu'il/,  delicnnenl  esclaves,  el  en  1  ae.eeptalion  des  conditions  ecpii- 
tablcs  d'une  bonne  paix  et  amityc  qui  leur  seront  olfertes  de  nostre 
pari,  nous  avons,  en  ce  cas,  permis  et  donné  pouvoir  ausdicts 
s'*  chev''  de  lîazilly  et  Du  (Ibalard  de  leur  déclarer  la  guerre  et 
employer  les  forces  que  nous  leur  avons  mises  en  main  contre  tous 
ceux  cpii  entreroient  dans  un  mespris  si  apparant  de  ce  qui  est  de 
nostre  dignité  et  puissance,  du  droit  el  de  la  raison,  d'allaquer  leurs 
villes,  chasteaux,  forteresses,  porlz  el  havres,  s'emparer  et  y  nictlre 
garnison  de  nostre  part,  les  poursuivre,  combattre  et  assailli)  eu 
mer,  prendre  et  eotiller  à  fondz  leurs  vaisseaux.  prendi-e  prisonniers 
iceux,  changer  ou  garder,  comme  bon  leur  semblera,  et  generalle- 
ment  faire  avec  nostre  dicte  tlotle  tous  exploicts  de  guerre  qu'ils 
jugeront  pouvoir  réussir  à  nostre  adventage  el  au  Ijenefice  de  nos 
siibjoelz,  le  tout  soubz  l'auclorilc  de  nostre  die!  cousin  le  cardinal 
de  Uicbelicu,  et  suivant  les  commissions  et  ordres  plus  particuliers 
qui  leur  seront  par  luy  donnez. 

Mandons  trcs-expressement  à  tous  les  cap"",  lieulenans,  officiers, 
soldats  et  mariniers  desdirls  vaisseaux,  qui  seront  soubz  la  charge 
desdicts  s'*  de  Hazilli  et  Du  Ghalard,  recognoislrc  et  obeyr  ledict  s'' 
de  jlazilli  commecap""  de  ladicte  llolle  el  ledicl  s'^Du  Cbalard  comme 
lieutenant  en  icellc.  en  tout  ce  (jui  leur  [loui-ra  eslre  par  eux  com- 
mandé et  ordonné  pour  l'exécution  des  choses  susdictes,  car  tel  est 
nostre  plaisir.  Prions  el  rec(ucrons  Ions  princes,  potentat/  et  repu- 
blicques,  nos  amis  el  allie/,  de  donner  ausdicls  s"  de  ilazdb  el  Du 
Challard,  allans  (comme  dit  est)  en  la  coste  d'Affricque  et  Barbarie, 
avec  nostre  dicte  flotte,  par  nosirc  commandement  et  pour  nostre 
service,  seur  et  libre  acccz  ez  poi'ls,  havres,  terres  et  rades  de  leur 
obéissance,  ofl'rans  de  faire  le  semblable,  quant  nous  serons  j)ar  eux 
requis. 

En  tesmoing  de  quoy  nous  avons  l'aict  mellrc  nostre  seel  à  ces- 
dicles  présentes. 

IJe  Castiues.  III.   —  aG 


4o2  6  MAI   tG3i 

Donné  à  Fontaincljlcau,  le  vi"  jour  de  may,  1  an  de  grâce  mvi" 
trente-ung  et  de  nostre  reigne  le  vingt-ung". 

Signé  :  Louis 
Et  sur  le  reply  : 

Par  le  Roy,  Bouthillier. 

Et  scellé  du  grand  sceau  de  cire  jaune. 

Arcliiccs  des  Affaires  Etrangères.  —  Maroc.  —  Correspondance  Consa 
laire,  ^  ol.   I.  —  Minute. 


INSTRUCTIONS    POUR    HA/ILLY     KT     m      CHALARl)  ^u3 


LUI 

INSTRUCTIONS  POLIl  r,.\/.II,L^    ET  DU  CIIALARD 

Ils  hàlerunt  les  préparatifs-  du  voyage  au  Maroc.  —  fis  se  rendront  d'ahonl 
à  Salé  et  remetlronl  aux  gouverneurs  la  rali/icalion  du  traité  conclu 
avec  celle  ville.  —  Ils  iront  ensuite  à  Saji  et  le  sieur  de  Molères  se  rendra 
à  Merrcdiech  pour  négocier  la  paix  avec  le  Chéri/.  —  Ils  ne  laisseront 
aucune  personne  de  condition,  sauf  le  sieur  de  Molères,  descendre  à  terre, 
s'ils  n'ont  pas  des  Qta(/es  à  leur  bord.  —  A  leur  retour  en  France  ils 
rendront  compte  de  leur  mission  ci  Richelieu.  —  Conduite  à  tenir  au 
cas  où  le  Chérif  se  refuserait  à  exécuter  ses  engagements.  —  Razilly 
et  Du  Chcdard  donneront  la  chasse  aux  navires  européens  chargés  de 
muni/ions  à  destination  du  Maroc. 

S.  l.  [Avant  le  \i  juin  iG.'ii  ']. 

En  lèle  :  FauU  faire  double  ccste  iristiuction. 

Inslractiou  que  le  Roy  veult  el  ordonne  esire  suivie  par  les  sieurs 
chevalier  de  Kaziliv  et  Du  Clialard  pour  le  voiage  quilz  vont  faire 
par  commandement  de  Sa  Ma"  en  la  cosle  dAlTrique  pour  retirer 
les  Fransois  esclaves  detenuz  par  le  roy  de  Marocq  et  achever  le 
Iraitté  de  paix  entre  les  sujetz  de  Sa  Ma"',  ledict  roy  de  Marocq  et 
ceux  de  Salé. 

Lesdicts  sieurs  chevalier  de  Razilly  el  Du  Clialard  feront  faire  en 
la  plus  grande  dilligencc  qu  d  se  [)ourru  le  radouh  des  vaisseaux  de 
Sa  Ma'"^^  qu'ilz  commandent  et  de  celluy  qui  est  ordonné  pour  les 
accompagner  audict  voiage,  lesquclz  seront  armez  de  louttcs  les 
choses   requises  et  nécessaires,    faut  de  cordages,    câhles.   anci'es. 

I .  Ces  instructions  sont  forc(5mcnl  antt-  l'oissv  (V.  /  '■''  Série,  Angleterre,  îi  celle  date) 
rieures  au  12  juin  i63i,  date  à  laquelle  pour  rejoindre  la  Hotte  de  Razilly  qui  mit  ;i 
Molères  venait  de  prendre  congé  du  Roi  à        la  voile  en  juillet.  \  .  infra,  p.  4 18,  note  3. 


[fO^  AVANT    LE     I  2     JUIN     I  63 1 

qu'armes  el  munitions  de  guerre  dont  il  est  besoing,  lèveront  les 
hommes  mathelotz  et  soldatz  pour  l'esquipage  d'iceux  des  meilleurs 
et  aguerriz  mariniers,  et  y  mettront  les  vituailles  pour  trois  mois, 
suivant  lestât  de  Sa  Ma",  dont  le  fondz  a  esté  ordonne,  desquelz  ilz 
feront  l'aire  les  inventaires  par  les  officiers  à  ce  départis. 

Mettront  soubz  voile  au  plus  tôt  que  faire  ce  pourra,  sy  le  vent 
le  permet,  et  prendront  la  routte  droyt  à  Salé,  où  ilz  feront  rendre 
la  lettre  que  Sa  Ma'"  escryt  aux  gouverneurs  dudict  lieu,  portant 
ratiffication  de  la  trefve  faicle  pour  deux  ans,  suivant  le  traitté  du 
[dix-sept]'  septembre  i63o,  prolonger  ladicte  trefve  pour  le  tempz 
qu  ils  adviseront  bon  estre,  ou  faire  la  paix. 

Ce  faicl,  lesdicts  s"  de  Razilly  et  Du  Chalard  yront  de  Salé  à  la 
rade  de  SafTy,  où.  estant  arryvés,  anssytost  qu'ilz  y  auront  mouillé 
l'ancre,  envoyèrent  au  rov  de  Marrocq  pour  Iny  donner  advis  de 
leur  retour  audict  lieu,  et  avoir  un  passeport  poui-  faire  descendre  k 
terre  le  s'  de  Moleres,  envoyé  pour  porler  la  lollre  du  Uoy  audict 
roy  de  Marocq.  à  ce  que  ledict  roy  de  Maroc(j  ayt  à  envoyer  à  SafTy 
tous  les  Fransois  esclaves,  et  ordre  de  recevoir  de  sa  paît  le  présent 
que  Sa  Ma'"  luy  envoyé,  dont  ledict  s'  Du  Chalard  a  la  particulière 
disposition,  et  prendra  certilhcation  de  la  dellivrance  qu'il  en  fera 
aux  depputtés  dudict  roy  de  Maroq,  signée  d'eux  ensemble,  avec  les 
noms  et  surnoms  des  Fransois  qui  seront  rendus  par  ledict  roy  de 
Marocq.  Avec  lequel  ou  ses  depputtés  lesdicts  s"  de  Razilly  et  Du 
Chalard  pourront  tiaitter  la  paix  et  la  signer  au  nom  de  Sa  Ma'^ 
par  l'entremise  dudict  s''  de  Moleres,  suivant  la  commission  qui 
leur  en  a  esté  expédiée,  sellée  du  grand  seau. 

Et  d'aullan  t  qu'il  importe  de  traitter  seurement  avec  les  dessusdicts, 
ledict  s'  Du  Chalard  aura  esgard  de  ne  poinct  dellivrer  le  présent  de 
Sa  Ma'",  dont  il  conserve  ladiclc  charge,  qu'il  ii'ayt  esté  couA'enu  de 
la  dellivrance  desdicts  François  et  ne  soit  bien  asseuré  qu'ils  seront 
amenés  dans  lesdicts  vaisseaux  pour  estre  amenez  en  France. 

Et  affin  d'cvitter  les  surprises,  Sa  Ma'"  delTend  très-expressement 
ausdicts  s""  de  Razilly  et  Du  Chalard  de  dessendre  à  terre  ausdicts 
lieux  de  Salé  et  Saffy  ny  d'y  envoyer  autre  homme  de  condition 
que  ledict  s'  de  Moleres,  sans  avoir  ostages  de  qualité  requise. 

I.    Le  (juaiitième  a  été  laissé    en   blanc  dans  la  copie. 


INSTRUCTIO>"?     POl'R     nvZILI.Y     ET     DU     CHALARD  ^O.T 

Après  avoir  retiré  lesdicls  Fransois  esclaves  et  faict  la  paix,  pren- 
dront la  routte  pour  retourner  à  Brest,  pour  de  là  venir  rendre 
compte  à  Sa  Ma"  et  à  monsieur  le  cardinal  de  Richelieu,  chef, 
grand  maistrc  et  surmtendanl  gênerai  de  la  naMgation  et  commerce 
de  France,  du  succez  de  leur  voiage,  sur  lequel  ilz  prandront  son 
attache. 

Sy  ceux  de  la  vdle  de  Salé  avoienl  contrevenu  à  ce  qui  a  esté  traité 
et  que  le  roy  de  Marocq  ne  voulusl  executter  ce  quy  a  esté  accordé 
pour  la  dellivrance  desdicis  Fransois,  lesdicls  s"  de  lîazilly  et  Du 
Clialard  leur  declaircront  la  guerre  de  la  pari  de  Sa  Ma'%  combat- 
tront et  prandront  les  navires  quilz  rencontreront  en  mer  leur 
appartenir,  connue  aussy  tous  autres  pirattes,  dont  sera  faict  bon 
procès-verbal  des  prises. 

Et  si  lesdicts  s"  de  Razilly  et  Du  Chalard  rencontrent  des  vais- 
seaux chrestiens  de  quehpie  natyon  que  ce  soit  qui  portent  des 
armes  e(  poudres  aux  Maliomellans  de  ladicle  coste  dAfTrique.  les 
pourionl  prandre  et  amener. 

Lrur  enjoinct  Sa  Ma"  de  garder  et  faire  observer  les  ordonnances 
de  la  Marine  en  leurs  dicts  vaisseaux  et  de  ne  rien  entreprendre  contre 
et  au  préjudice  des  alliez  et  confederez  de  Sa  Ma",  à  |)ene  d'en  res- 
pondre  en  leurs  propres  et  privés  noms. 

Faict  etc. 

AirhiL'fs  (le.1  Affaires  Étraïujères.  —  Maroc.  —  Mémoires  et  documents, 
Vol.  3,  g:  lO-li.  —  Minute. 


4o6  17     SEPTliMUItE      lG3l 

LIV 

TRVITÉ  EXTRK  MOULAY  EL-OUALID  ET  LOUIS  X[I[ 


Merrakech,  18  Sefer  lo^i  —  17  septembre  i63i  '. 

En  tête,  alia  manu  :  Coppie  du  traité  avec  le  Maroc. 

Traduction  de  l'original  arrahique  des  articles  de  la  paix  entre 
l'empereur  de  Barbarye  MuUey  el-Gualid  —  que  Dieu  prospère  !  — 
et  messieurs  les  commandeur  de  Razilly  et  Du  Challard.  au  nom  et 
faisans  poui-  l'empereur  de  France  et  de  Navarre,  suivant  la  com- 
mission à  eux  donnée  par  Sa  Majesté  Très-Chrestienne,  soubz  la 
charge  de  monseigneur  le  cardinal  de  Richelieu,  grand  maistre,  chef 
et  surintendant  gênerai  de  la  navigation  et  commerce  de  France. 

Au  nom  de  Dieu  très-pitovable  et  miséricordieux  auquel  tout  le 
monde  doibt  rendre  compte. 

Par  commandement  du  trcs-hault,  l'empereur  très-puissant  et 
jusle,  le  successeur  de  la  maison  du  prophète  Mahumet,  le  roy 
MuUey  el-Gualid,  el-Fatimi,  el-Hasny,  el-Prophetico.  Dieu  veuille 
favoriser  son  royaulme  et  que  ses  armes  soient  tousjours  fleurissan- 
tes et  qu'il  soi!  heureux  en  sa  vye! 

Nous  ordonnons  avec  la  fabvcur  de  Dieu  et  son  jiouvoir  et  sa 
main  droicte  avec  ses  bénédictions  ce  très-hault  traicté,  l'impérial, 
le  royal.  (|iii  est  pour  le  soullagemcnt  de  tous  les  maux  passez, 
avec  laide  de  Dieu,  et  pour  la  continuation  de  la  paix  contractée 
a\cc  le  très-liault  et  très-puissant,  l'enqjereur  de  France  et  de 
Navarre,  avec  la  confiance  et  seureté  qui  se  doibt  tant  en  gênerai 
qu'en  particuUyer. 

Sçavoir  faisons  à  tous  ceux  qui  liront  et  auront  cognoissance  de 
la   teneur    du  présent  traité,  que  nous  faisons  alliance  de  nostre 

I .    biir  celle  dale,   \  .  inj'ra.  p.   '1 1 1 .  noie  i . 


TRAITE     ENTRE    MOUI.AY    EL-OUALID     ET    LOUIS    XIII  ^07 

très-haulte  couronne  avec  celle  de  l'Empereur  Très-Clirestien  qui 
professe  la  loy  du  Messye,par  l'entremise  de  très-honnorables,  trcs- 
prudens  et  vaillans,  messieurs  de  Razilly  et  Du  Chalard,  admirai 
et  vice-admiral  de  la  flotte  envoyée  par  Sa  Majesté  Très-Chrestienne 
en  ces  costes  d'AlTiique,  avec  pouvoir  de  faire  et  signer  le  présent 
traité  pour  et  au  nom  du  très-liault  et  très-puissant  entre  tous  les 
potentalz  de  la  Chreslienté,  tenant  le  plus  liault  siège  de  valleur  et 
vcriii,  l'invincible,  l'Empereur  de  France  et  de  Navarre,  filz  aisné  de 
l'Eglise,  protecteur  du  Saint-Siège,  alFm  d'entretenir  la  paix  et 
seureté  qui  a  esté  par  cy-devant  entre  nos  prédécesseurs  et  les  siens, 
et  pour  apaiser  la  guerre  laquelle  s'est  du  depuis  ensuyvie,  et  tant 
pour  oster  toutes  les  ocasions  des  maux,  plaintes  et  dommages 
passez,  que  pour  la  seureté  des  esprilz  et  cessations  des  meurtres 
et  captivitez.  La  coiilimiation  de  ceste  (conformité  sera  véritable 
pour  le  commun  droit  des  subjetz  de  l'une  et  l  autre  couronne, 
suivant  les  conditions  qui  seront  cy-aprez  déclarez,  lesquelles  obli- 
gent à  toute  sorte  de  tranquillité,  prolBt  et  assurance  des  biens  et 
personnes  desditz  subjetz.  Et  avec  ces  conditions  avons  accordé  ce 
qui  nous  a  esté  demandé  aux  articles  suivans.  ('-'est  assavoir  : 

I 

Que  tous  les  difl'erens.  pertes  et  dommages  qui  sont  arrivez  par 
cy-devant  entre  les  subjetz  de  l'une  et  de  l'autre  couronne  seront 
pour  nul/  et  non  advenus. 

II 

()uc  tous  les  caplifz  franrois  qui  viendront  à  Salle,  Saffy,  et 
autres  endroitz  de  nos  royaulmes  soient  à  I  instant  donnez  pour 
libres,  et  que  l'on  ne  les  puisse  jamais  captiver  doresnavant. 

III 

Que  les  Mores  ne  pourront  captiver  aucun  François  f[ue  I  on 
amènera  dans  les  navires  de  Tunis  ou  Alger,  et,  s'ils  les  acbaptcnt, 
ne  les  ponri'ont  tenir-  captifz,  ains  au  contraire  seront  obligez  de 
leur  donner  liberté. 


4o8 


l-j     SEPTEMBRE     l63l 


IV 

Que  tous  les  marcliandz  François  qui  viendront  aux  portz  de  nos 
royaulmes  pourront  mettre  en  terre  leurs  marchandises,  vendre  et 
achapter  librement,  sans  payer  autre  droict  que  la  dixme  et  tavalit' 
recogneu,  comme  aussy  de  mesme  seront  obligez  en  France  les 
marchandz  nos  subjetz. 

V 

Que  les  navires  tie  France  pourront  emporter  de  nos  porlz  tout  ce 
qu'il  leur  sera  nécessaire  et  de  vuituailles  et  eau,  la  part  où  le  temps 
leur  olTrira",  et  de  mesme  nos  subjelz  dans  les  porlz  de  France. 

VI 

Que  sy  la  mer.  par  tourmente,  jettoit  quelques  navires  françois 
sur  nos  costes  et  sables,  que  aucuns  de  nos  subjelz  ne  soient  sy 
ozez  de  mettre  la  main  en  aucune  chose  desditz  navires  et  biens 
generallement  quelzconques  ny  sur  les  hommes,  ains  au  contraire 
quilz  puissent  retlirer  leurs  dilz  navires  et  biens  et  les  amener  et 
emporter  ovi  bon  leur  semblera,  et  de  mesme  les  Mores  en  France. 


I .   Tavalit,  cl  dans  d'autres  textes  cavalet. 

tran>cription  du   mot  arabe  taldiva  Aj^  • 
On  lit  dans  le  dictionnaire   Tadj  el-Arnus 

à  ce  mot:  7:1  .Vl  ^'Ji  iS^  «tUall.  «  La 

tabliya,  c'est-à-dire  l'argent  du  kharadj 
(capitation)  ».  Le  même  sens  est  donne 
pour  ce  mot  dans  le  dictionnaire  Lissan 
el-Aruh.   Le  droit  de  tahliya,  appelé   maks 

«-îv.^  avant  les  Béni   Merin,   était   une 

taxe  variable  que  les  souverains  du  Maroc 
faisaient  payer  dans  les  villes  à  l'acheteur 
et  au  vendeur  ou  parfois  à  l'un  des  deux 
seulement.  A  partir  du  règne  de  Moulay 
Abd  er-Rahman  (iSaa-iSSg),  le  droit  de 
tabliya,  réduit  à  5  "/o,  fut  appelé  moslafad 

> 
-Ul_^  .    —    11    est   fait    menlinn    de   cette 

taxe  (lavale)  dans  le  traité  passé  le  g  octobre 
1^33  entre  \isconti,   s(!igneur  de   Gènes, 


e{  le  roi  de  Tunis  Abou  Farès.  «  C'était, 
liil  \las-Latrie,  un  droit  supplémentaire 
<|uc  la  douane  arabe  ou  ses  préposés  obli- 
geaient quelquefois  les  marchands  chrétiens 
à  payer  sur  les  importations,  indépen- 
damment du  droit  fixe  de  lo  pour  loo  et 
du  droit  de  drogmanat  ou  de  mursurnf.  « 
Mas  Lathie,  Relations  et  commerce  de 
l'Afrique  septentrionale  avec  les  nations 
chrétiennes,  p.  /i5g.  Ce  même  auteur  assi- 
mile la  tavale  au  droit  de/pJo  que  Pegolotti 
définit  ainsi  :  «  E  awi  (à  Tunis)  un  diritto 
che  si  chiama  fedo,  c  pagallo  i  Saraceni  ; 
ma  i  Cristiani  il  s'accolano  a  loro  per 
iscontarsi  ne'  loro  debiti  colla  corte,  e  con- 
viene  cbl  mette  m  corte  fuccia  di  potere 
sconlare  ogni  diritto  e  fedo  di  Crisliani  e 
di  Saraceni  ».  Pegolotti  «pu(/MAs  Latrie, 
Relations  et  commerce...  pp.  357,  358. 

2.  La  part  oit  le  temps  leur  offrira.  Il 
faut  entendre  :  partout  où  le  temps  leur 
permettra  d'aborder. 


TRAITÉ     ENTKE     MOULVY     EL-OLALID     ET     LOUIS     XIII  (Op 

Vil 

Que  sy  quelqu  un  des  navires  de  nos  subjelz  prenoit  quelque 
na\iie  des  ennemys  dans  lequel  se  trouvast  des  François  clirestiens, 
seront  libres  avecq  leurs  biens. 

Mil 

Et  leur  permettons  que  ilz  puissent  establir  des  consulz  François 
dans  nos  portz  oii  l)on  leur  semblera.  alFm  que  ilz  soient  interces- 
seurs dans  lesdilz  portz  entre  les  Clirestiens  François  et  les  Mores  et 
autres,  cpielz  qu'ilz  puissent  estre,  soit  en  leurs  \ entes  ou  achaptz, 
et  que  ilz  les  puissent  assister  en  tout  ce  (jui  leur  pourra  arryver  de 
dommages,  et  en  pourroni  faire  les  plaintes  en  nostic  Conseil,  suivant 
les  coustumcs,  el  que  Ion  ne  les  trouble  en  leur  religion,  et  que 
des  relligieux  pourront  estrc;  et  demeurer  en  quelle  part  que  soient 
establis  lesditz  consuls,  exerceani  leur  dite  religion  avecq  Icsditz 
François,  et  non  avecq  d'autre  nalion'. 

IX 

Que  tous  les  diflerens  qui  arryveronl  entre  les  Clirestiens  Fran- 
çois, soit  de  justice  ou  autrement,  que  l'embassadeur  qui  résidera  en 
nosditz  royaulmes  ou  consul  les  pourroni  terminer,  sy  ce  n'est 
(pie  ilz  vouUussent  venir  par  devant  nous  pour  quelque  dommage 
receu. 

X 

Que  s'il  arry\nit  que  lesdilz  consulz  commissent  quelque  délit  en 
leurs  alTaires.  leur  sera  pardonné. 

XI 

Que  s'il  arryvoit  que  quelques  uns  de  nos  subjetz,  de  ceux  qui 
sont  dans  nos  portz,  ne  voullussent  obéir  au  présent  traité  de  paix 
contracté  entre  nos  deux  couronnes,  et  prinsent  queltpies  François 

I.  On  se  ra|)[)cllc  (|iie  c'est  c(.lle  rcsiric-  pi5cha  les  PP.  capucins  de  rester  au  Maroc, 
lion  apportée  à  l'exercice  du  culte  ipù  (-ni-         \  .  p.  'i^3  et  note  1. 


4lO  17     SEPTEMBRE     l63l 

chrestiens  par  mer  et  par  terre,  seront  chastiez,  et  pour  ceste  occa- 
sion ne  ce  pourra  rompre  la  paix  qui  est  entre  nous. 

XII 

Que  sy  des  navires  de  nos  ennemys  estoient  dans  les  portz  de 
France  et  en  leur  protection,  que  nos  navires  ne  pourront  les  en 
sortir,  et  de  mesme  les  navires  des  ennemys  de  France,  s'ilz  estoient 
dans  nos  portz. 

XIII 

Que  lembassadeur  de  1  empereur  de  France  qui  viendra  en  nostre 
cour  aura  la  mesme  faveur  et  respect  (pie  Ton  rendra  à  celuy  f[ui 
résidera  de  nostre  part  en  la  cour  de  France. 

XIV 

Et  sy  le  traite  de  paix  contracté  ei»trc  nous  et  1  empereur  de 
France  venoil  à  ce  rompre  —  ce  que  Dieu  ne  permette  !  —  par  quelque 
différent  cpii  pcjurroit  arryver,  que  tous  les  marchand/  qui  seront 
de  l'un  ruyaulmc  à  l'autre  se  pourront  rettirer  avecq  leurs  biens  oii 
bon  leur  semblera  pendant  le  temps  de  deux  moys. 

XV 

Que  les  navires  des  autres  marchandz  chrestiens,  *]uoy  quilz  ne 
soient  pas  François,  vcnans  en  nos  royaulmes  et  portz  avec  la  ben- 
niere  Françoise  et  passeport  scellé  de  France,  pourront  traiter  comme 
François,  ainsy  qu'il  se  pratique  en  Levant  et  en  Conslantinople. 

XVI 

(}iie  le  présent  traité  de  paix  sera  publyé  dans  l'estendue  des 
empires  de  Marocque  et  de  France,  allhi  (juestant  sceu.  les  subjetz 
de  l'une  el  l'autre  courmine  puissent  traiter  scurement. 

Tous  les  articles  cy-dessus  mentionnez  sont  saize,  lesquelz  sont 
pour  le  bien  gênerai  et  particulyer,  sans  qu'il  y  aye  dommage  ny 
prejuJicc  pour  le  Morisine  ny  pour  les  Mores,  d'autant  que  c'est 


TRAITE     ENTRE    MOULAY     EL-OfALID    ET     LOLI5    Mil 


Il  I 


pour  le  soullagement  et  paix  generalle.  laquelle  estoit  contractée 
par  cy-ilevanl  entre  nos  prédécesseurs  de  Tune  et  l'autre  cou- 
ronne. 

Et  par  ainsy  nous  concluons  avec  la  fabveur  de  Dieu  et  son  coin- 
inaiideinenl  et  promettons  de  les  exécuter  sans  y  contrevenir,  et 
nous  obligeonsà  entretenir  in^iollablement  cette  paix  et  union,  que 
nous  avons  signée  à  Marocque  le  dix-liuilieme  du  mois  de  Safar  i  o  1 1 , 
qui  est  le  dix-septiesme  de  septembre  mil  six  cens  trente-un'. 


Signé:  Le  clievallier  de  Raziliy 


Du  Chalard. 


l'ar  lyntercesioii  et  traduction  du  trucheman 
de  l'ampereur  et  rov  de  Marro(juens  Muley  el- 
Gualid  —  que  Dieu  conserve^  ! 

Signr  :  Mose  Pallacbe. 


Bihliijtfwijiw  \ationale.  —  Fonds  français. 
Traduction  orif/inale. 

Ibidem.  —  V'  de  Colbert,  Ms.  ^83,  ff.  'i77-!i82. 


Ms.  'iS-2r,.ff.  31-33.  — 
Plarjuelle''. 


1 .  Conversion  erronée.  Le  1 8  Sefer  i  oi  i 
coïncide  avec  le  i5  septembre  i63i.  On 
a  conservé  à  ce  traité  dans  l'appareil  cri- 
tique la  date  du  i  -  septembre  qu'il  porte 
dans  tous  les  documents  contemporains, 
sans  vouloir  rechercher  si  cette  erreur  de 
deux  jours  provenait  de  la  date  de  l'hégire 
ou  de  sa  conversion  en  date  de  l'ère  chré- 
tienne. 

2.  Ecu  aui  armes  de  Razillv  (de  gueules 
a  trois  fleurs  de  lis  d'argent,  2  et  i)po5é 
sur  une  croix  de  Malte  avec  chapelet  entre- 
lacé entre  les  pointes  de  la  croix. 

3.  Celte  mention  est  tout  entière  de  la 
main  de  Moïse  Pallache. 

!x.  Celte  plaquette,  qui  était  une  publi- 
cation odicielle  (Cf.  p.  438,  notes  i  et  2), 
a  pour  litre  :  Articles  de  paix  accordez  entre 
Us  roys  de  France  et  de  Marrocq  avec  l'ac- 
ceptation d'iceux  par  les  ijouverneurs  et  habi- 


tons de  Salé.  —  A  Paris,  chez  Sebastien 
Cramoisy.  imprimeur  ordinaire  du  Ror  et  de 
la  Marine,  rue  S'-Jac<fues.  Aux  Cigognes. 
MDCXX.WI.  Avec  privilège  de  Sa  ilajesté. 
—  V  la  fin  du  texte  du  traité  on  lit  :  «  Signé  : 
El-Gualid  ».  Cette  signature,  contraire  au 
protocole  chérifien  et  même  aux  usages  ara- 
bes, a  sans  doute  été  restituée  par  le  copiste. 
Au-de-ssous  de  la  sus<lite  mention  se  trouve 
la  suivante  :  «  El  est  escrit  :  le  présent  traittc 
en  arabique  sera  nul  s'il  n'est  conforme  à 
celuy  que  nous  avons  signé  en  françois.  — 
Signé  :  Le  chevalier  de  Razillv  et  Du  Cha- 
lard ».  Cette  note,  qui  devait  Cgurer  sur 
le  texte  arabe,  aura  été  également  repro- 
duite par  le  copiste.  Ces  deux  mentions  se 
retrouvent  dans  toutes  les  copies,  soit  im- 
primées, soit  manuscrites.  Seule,  la  tra- 
duction originale  publiée  ci-dessus  ne  les 
contient  pas. 


!i\  2 


I  ■;     SEPTIiMBRE 


I(i3l 


Ibidem.  —  Imprimes.  Lc'l.  —  Gazette  de  France.  '20  janvier  t63<], 
pp.  'id'iG' . 

Ibidem.  —  Imprimés,  Lb'35.  —  Mercure  frunçois,  t.  17,  pp.  175-181. 

Ibidem.  —  Fonds  Jrançats.  —  Ms.  ?.?,7-S'V;,  //".  QSO-QSS.  —  Copie  du 
xvn'  siècle. 

Ibidem.  —  Fonds  Jrançais.  —  Nouvelles  acquisitions .  Ms.  70^9,  ff. 
325-328.  —  Copie  du  xvn^  siècle. 

Archives  des  Affaires  Étrançjères.  —  Maroc.  —  Mémoires  et  Documents, 
Vol.  2.  ff.  5^1.  —  Copie  du  xvii"  siècle. 

Ibidem.  —  Turijuie.  —  .Mémoires  et  Documents.  ]'ol.  2.  (f.  253-257  v°. 
—  Copie  du  XMi''  siècle'. 

Bibliothèijue  'le  l'Arsenal.  —  Ms.  'i7'i2,  ff.  292-297.  —  Copie  du 
XVII''  siècle. 

Ibidem.  —  Ms.  !i767 ,  ff.  i^2-iU3.  —  Copie  du  xvu'  siècle  ^ 


I.  Mt^mc  texte  que  lo  préccdc-nt.  Cf. 
infra,  p.  438,  note  2. 

■?..  Cette  copieporte  :  Traduicl  sur  Vofuji- 
nal  arabique  en  français  par  moy  Honnoré 
Snjffin,  interpretle  du  Roy.  —  Honore  Ruf- 
fin,  et  non  SalTin  (erreur  de  copiste), 
appartenait  à  une  famille  où  l'on  était 
secrétaire  interprète  de  père  en  fils.  Ln  des 
plus  célèbres  fut  Thomas-François  Josepli 


RuQin  (17^3-182^).  —  Le  texte  de  la  copie 
conservée  dans  le  fonds  Turquie  étant  con- 
forme à  la  version  authentiquée  par  Moïse 
Pallache,  on  en  jieut  inférer  que  Honoré 
Ruffiii  a  dû  aller  au  Maroc  avec  M.  de  Mo- 
lèrcs. 

3.  En  outre,  ce  traité,  ainsi  que  celui 
du  24  septembre,  a  été  reproduit  par  le 
P.  Dan,  par  Léo.nard  et  par  Du.mont. 


TRAITÉ     ENTRE     I.OVIS     Mil     ET     MOLLAY     EL-OLAI.ID  /l  I  3 


LV 
TRAITÉ  EATRE  LOUIS  XIII  ET  MOI  I. A  Y  EL-OUAUD 

Radi'  lie  Snfi,  2'i  scptcmbrp  ilVîi. 

Autres'  articles  de  la  [)aix,  accordez  par  très-haut,  très-puissant, 
très-chestien  et  très-auguste  Louvs,  euipereurde  France,  fils  aisné 
de  l'Eglise  et  protecteur  du  Sainct-Siege,  et  très-haut,  très-magna- 
iiisme  et  très-puissant  Moley  Elgualid.  empereur  de  Marocque.  rov 
de  Fez,  de  Suz,  ikc,  en  vertu  du  pouvoir  el  de  la  commission  de 
Sa  Majesté  Très-Chrestienne,  donnée  aux  sieurs  commandeur  de 
Razilly  et  Du  Chalard,  admirai  cl  vis-admiral  des  vaisseaux  de 
Saditc  Majesté,  à  présent  en  la  rade  de  SafTy,  sous  la  charge  de 
monseigneur  leminentissime  cardinal  de  Richelieu,  grand  maître, 
chef  et  surintendant  gênerai  de  la  navigation  et  commerce  de  France. 

I 

Premièrement,  que  tous  les  différends  de  l'une  et  1  autre  couronne 
demeurent  pour  nuls  d'oresnavant. 

II 

()u  aucuns  Maures,  ny  autres  suhjets  de  rciiipcicui-  de  Marocque 
ne  pourront  estre  captifs  en  France. 

III 

Que  Sa  Majesté  Très-Chrestienne  employera  sa  faveur  pour  le 

I.  Pour  l'explication  de  ces  «  autres  el-Oualid  dans  ce  second  traité,  V.  supra, 
articles»  arr(?tc's entre  Louis  XIII cl  Moulay         Introduction  critique,  p.  SgS. 


lllli  a'i     SEPTEMBRE     I  03  F 

lacliapl  du  MdiaMt  iioiauié  Sidy  le  Regraiy,  qui  est  à  Malte,  ainsi 
qu'il  est  porté  par  la  lettre  de  1  empereur  de  Marocque'. 

IV 

Que  Sa  Majesté  Très-Chrestienne  n'assistera  ny  aydera  les  Espa- 
gnols contre  les  subjets  dudil  empereur  de  Marocque  ;  et,  en  cas 
qu'ilsles  assistent,  les  François  qui  se  Ireuveronl  pris  dans  les  arme- 
mens  seront  de  bonne  prise  comme  les  Espagnols. 


Que  les  François  ne  traitteront  avec  les  sujets  rebelles  de  l'empe- 
reur de  -Marocque,  tant  pour  vendre  que  pour  achepter,  ny  leur 
fourniront  d'armes  et  munitions  de  guerre,  navires  ny  autres  choses, 
qui  sont,  c'est  à  sçavoir  à  Aly  de  Messe',  et  autres. 

VI 

Que  si  l'empereur  de  Marocque  a  besoin  de  navires  et  munitions 
pour  son  service,  il  en  pourra  avoir  de  France,  mais  que  ce  ne  soit 
pas  contre  les  amis  de  Sa  Majesté  Très-Chrétienne. 

VIT 

Qu'en  France  l'on  ne  forcera  les  Maures  en  ce  qui  sera  de  leur 
religion,  non  plus  que  les  François  ne  le  seront  dans  les  royaumes 
de  l'empereur  de  Marocque,  et  sans  qu'aucune  justice  contraigne 
lesdits  Maures. 

VIII 

Que  Sa  Majesté  Très-Chrestienne  donnera  la  liberté  aux  Maures 

I.   Celle  lettre  n'a  pas  été  retrouvée.  —  famille  —  pcul-(5lre  le  prisonnier  dont   il 

Le  nom  <le  «  le  Rcgrary  »  et  plus  bas  a  le  est    question    —    était    cadi    de    Moulav 

Regragry»  (V.  p.  tifid)  est   un  ethnique.  Zidàn.  V.  EL-OuFRÀsr,  p.  4o3. 

Ce  marabout  devait  apjïartcnir  à  la  puissante  a.   Aly  de  Messe,  le  marabout    Sidi  Ali 

famille  des   Regraga  (jui   délient   encore  bon  Mohammed.  V.  supro  p.  365,  et  notes /i 

aujourd'hui  l'inllucncc  religieuse  et  poli-  et  5.  —  Massa  (.Messe)  et  .\gadir  étaient  les 

iqu('    dans    la    tribu    des  Chiadma   entre  deux  ports  du  Sous  ouverts  par  le  .Marabout 

Mogador   et   Safi.    Ln    membre    de    cette  au  commerce  étranger. 


TRAITÉ     ENTRE     LOIIS     Mil     ET    MOI'LAY     EL-OLALID  '|  I  5 

(jiii  sont  dans  ses  galleres  à  Marscillr  :  coiume  semblablement  l'em- 
pereur de  Marocque  donnera  la  liberté  à  lous  les  François  qui  se 
trouveront  en  ses  royaumes  et  ports. 

IX 

Que  s'il  arrivoit  quelque  difrerend  entre  les  Maures  marchands 
qui  seront  en  France,  l'ambassadeur  de  Marocque  résidant  en 
France  les  terminera  '  :  et  le  mesine  se  fera  par  lambassadeur  ou 
consul  de  France  en  Afrique. 


Que  s'il  arrivoit  quelque  différend  entre  les  subjets  de  Sa  Majesté 
Très-Chreslienne  et  les  subjets  de  l'empereur  de  Marocque,  tant 
par  mer  que  par  terre,  ou  aux  ports  et  rades  de  Barbarie,  les  François 
ne  pourront  faire  aucune  prise  sur  les  subjets  dudit  empereur  :  ains 
s'adresseront  à  ses  juges  et  officiers,  et  restitution  leur  sera  faicte  : 
ce  qui  sera  réciproquement  en  France. 

XI 

Que  les  sujets  de  Sa  Majesté  Très-Chrestienne  pourront  empes- 
cher  et  défendre  qu'aucuns  z\nglois  ou  autres  nations  puissent  traffi- 
quer,  ny  porter  aucunes  armes,  ny  autres  choses,  aux  subjets 
rebelles  de  l'empereur  de  Marocque. 

XII 

Que  tous  les  jugemens  et  sentences  qui  seront  données  par  les 
juges  et  officiers  de  l'empereur  de  Marocque,  entre  les  subjets  de 
Sa  Majesté  Très-Chrestienne  et  les  subjets  dudit  empereur,  seront 
valablement  exécutez,  sans  qu'ils  s'en  puissent  plaindre  au  royaume 
de  France  ;  et  le  mesme  se  pratiquera  entre  les  subjets  de  Marocque 
et  les  François  en  France. 

I.   Cet  article  donnerait  à  supposer  que        diler  k  la  cour  de  Franco  un  ambassadeur 
le  ctiérif  Moulay  el-Oualid  songeait  à  accré-         permanent. 


fllQ  24     SEPTEMBRE     l63l 


XIII 


Que  tous  les  navires  françois  (jin  liaitleiont  aux  royaumes  et 
ports  de  l'empereur  de  Marocquene  pourront  tirer  desdits  royaumes 
de  l'or  monnoyé,  comme  il  estoit  ac(;ouslumé  du  temps  des  prédé- 
cesseurs de  Sadite  Majesté  Impériale,  mais  pourront  transporter 
toute  sorte  d'autre  or  en  tibar'.  lingots  et  autre  oi-  rompu  et  non 
monnoyé;  et  s'ils  en  estoient  trouvez  saisis,  sera  confisqué  en  quel- 
que quantité  que  ce  soit. 

XIV 

Que  si  les  cnaenus  de  [empereur  de  Marocque  portent  ou 
amènent  en  France  de  ses  subjets,  ils  seront  mis  en  liberté,  de 
mesme  qu'il  a  esté  accordé  pour  les  subjets  de  Sa  Majesté  Très- 
Chrestienne. 

XV 

Que  les  François  ne  pouiront  tiaiter  de  la  paix  avec  aucun  des 
subjets  de  l'empereur  de  Marocq,  que  par  son  authorité,  d  autant 
que  cette  paix  sera  publiée  et  exécutée  par  tous  les  royaumes  de  Sa 
Majesté. 


Et  les  presens  articles  seront  signez  et  scellez  de  la  main  et  sceau 
dudit  seigneur  commandeur  de  Razilly,  et  dudit  sieur  Du  Chalard, 
dont  la  ratification  de  Sa  Majesté  Ïrès-Chrestienne  sera  envoyée 
dans  un  an  à  l'empereur  de  Marocque. 

Fait  à  la  rade  de  Safii,  le  a/j  jour  du  mois  de  septembre  ]()3i. 

Signé  :  le  Cbevalier  de  Razilly,  et  Du  Cbalard. 

Bibliothèque  Nationale.  —  V  de  Colbert.  Ms.  //S.V,  //'.  ^^82-^85.  — 
Plaquette-. 

Ibidem.  — •  Imprimés,  Lr  1.  —  Gazette  de  France,  2U  janvier  1636, 
pp.  Iie-li7\ 

I.    Tibar,  or  en  poudre  venu  du  Soudan.         note  V 

a.    Sur  celle  placjueltc,  V.  supra,  p.  4i  I,  3.   Même  texle  que  le  précédent. 


TIIAITK     R\T1Π   LOUIS     Mil     ET    MIKI.AV     KI,-OU  M.ID  '|  1  " 

Jhulciii.  — J/iipniiiés,  Li'    7.  —  Mercure  fraiirois,  l.  17,  jjjj.  ISI-IS^. 

Ibidem.  —  Fonds  français.  —  Ms.  23386,  ff.  '28i-286.  —  Copie. 

Ibidem.  —  Fonds  français.  — •  Nouvelles  acquisitions.  —  Ms.  70^9, 
fj .  328  v''-33l .  —  Copie  du  xvii"  siècle. 

Archives  des  Affaires  Étrangères.  —  Maroc.  — Mémoires  et  documents. 
Vol.  2,  ff.  37-58.  —  Copie  du  \\u'  siècle. 

Ibidem.  —  Turquie.  — Me'moires  et  documents.  Vol.  2,JJ.  25S-260.  — 
Copie  du  xvii''  siècle. 

Bibliothèque  de  l'Arsenal.  —  Ms.  'i7'r2.  //'.  298-301.  —  Copie  du 
xvii"'  siècle. 

Ibidem.  —  Ms.  ^i7G7 .  ff.  I  'i2-l  'i3.  —  Copie  du  \vii«  siècle. 


L)t  Castkiks.  Itl.  — •  27 


^l8  3o    SEPTEMBRE     l63l 


LVI 

LETTRE  DE  LOUIS  XIII  A  BARRALLT 

L'un  des  navires  de  la  flotte  envoyée  au  Maroc  a  élc  saisi  à  Lislionnc  et  le 
capitaine  Découd  a  été  arrêté.  —  Barrault  réclamera  ù  la  cour  d'Espa<jne 
la  restitution  du  dit  navire  et  l'élanjissement  de  l'éijuipage. 


Veiideuvrc',  3o  septembre  i63i. 

Suscription  :  A  nions''  le  comte  de  Barrault.  eonseillcr  en  mon 
conseil  dEstat  et  mon  ambassadeur  en  Espagne. 

Monsieur  le  comie  de  Barrault, 

xAyant  commandé,  il  y  a  ([uelque  temps,  aux  s"  chevalier  de  Razilly 
et  Du  ClialartMarmer  de  mes  vaisseaux  pour  aller  au  Maroc  retirer 
l(îs  esclaves  françois  qui  y  sont,  ilz  équipèrent  au  mois  de  juillet 
dernier^  entre  autres  vaisseaux,  une  patache  armée  de  quatre  canons 
de  fonte  verte,  mousquetz,  pictjues  et  autres  armes  cl  munitions 
de  guerre,  et  de  plus  y  firent  mettre  quelques  marchandises  pour 
eslre  debittées  en  la  coste  de  Barbarie,  et  pour  commander  ladicte 
patache  estailirent  le  capp'"'  Découd,  qui  devoil  aller  de  conserve 
avec  eux.  Mais  estans  en  mer  led.  Découd  tomba  si  griefvement 
malade  qu  il  fut  contraint  de  relasclier  à  Lisbonne  pour  se  faire 
Iraicter,  où  estant,  le  duc  de  Marquere*,  vice-roy  de  Portugal,  feit 
saysir  ladicte  patache  et  tout  ce  qui  estoit  dedans,  et  arester  prisonnier 

1.  \ endeuvre-sur-Barsc  (Aulie).  personnage.   Le  Portugal,  à  cette  époque, 

2.  ^.  Doc.  LUI,  p.  /|o3.  Instructions  était  d'ailleurs  administré  par  deux  gou- 
jjour  Razilly  et  Du  Chalard.  verneurs    et     non    par    un    vice-roi.    Cf. 

3.  Ce  passage  établit  la  date  du  dépari  Rebfllo  ua  Silva,  Hislcria  de  Portugal 
de  lîazilly  et  de  Du  Chalard  pour  le  Maroc.  uns  serulos  XVII  c  XVIII,   t.  III,  pp.  ^og 

!t.   11  n'a  pas  été  possible  d'identifier  ce        et  4iO. 


LETTRE     DE     LOUIS     \111     A     liVHHAlI.T  ^K) 

Icdicl  Découd  sur  la  tin  dudit  mois,  prétendant  (]ue  lesd.  [lieees  de 
canon  et  armes  ne  dévoient  eslrc  portées  au  ro^aunle  de  Maroc,  le 
roy  diid.  pays  estant  ennemy  du  roy  d'Espagne  mon  beau-frere  ;  de 
quoy  led.  Découd  a  pris  une  longue  maladie.  M'ayant  donné  advis, 
jay  bien  voulu  vous  taire  cette  lettre,  par  laquelle  je  vous  ordonne 
de  faire  serieuze  instance  vers  led.  roy  et  ses  ministres,  àccquelad. 
patache,  les  canons,  armes  et  marchandises  qui  estoient  dedans 
soient  rendues  aud.  Découd,  et  luy  mis  en  liberté  avec  ceulx  de 
son  équipage  pour  revenir  en  mon  royaume,  attendu  que  la  saison 
présente  ne  permet  pas  quil  continue  son  voyage  vers  Maroc. 
Je  désire  que  vous  preniez  ung  soing  très  particulier  de  cette  affaire, 
et  que  vous  me  fassiez  sçavoir  par  vos  lettres  ce  qui  sera  réussy  de 
vos  offices  sur  ce  sujet. 

Priant  Dieu,  Monsieur  le  comte  dcBarrault.  qu'il  vous  ayt  en  sa 
saincte  garde. 

Escrit  à  N'andure,  le  dernier  jour  de  septembre  i63i . 

Signé:  Louis. 
/:'/  p/iis  liiis  :   iîoutbillier. 

Blbtiolhbcjiw  Nationale.  —  Fonds  français.  —  .Ms.  '2'2  3'di,  f.  47.  — 
Oriijinal. 


420  l3     OCTOBRK     l63l 


LVII 

LETTRE   DE   MOÏSE   PALLACHE  A   RICHELIEU 

//  est  tombé  malade  à  la  suite  des  falù/ues  que  lui  ont  occasionnées  les 
ne'(/ociations  en  vue  du  traité  entre  la  France  el  le  Maroc.  —  //  se  félicite 
d'avoir  vu  ses  efforts  aboutir  et  demande  à  être  récompense  de  ses  bons 
offices  à  l'éqard  des  Français.  —  Services  rendus  par  son  frère  David  au 
cours  des  né(/ociations  :  recommandation  en  sa  faveur. 

Safi,  i3  octobre  i63i. 

Ex""  s^ 

Pesame  u<j  poder  escrivir  a  \' .  Ex'  de  mi  inaiio  poi'  estar  cniermo 
cil  la  cama  dcl  munclio  Irabaxo  que  he  lomado  por  esta  pas  felice, 
persiguido  de  tanlos  eiiemigos,  conio  le  coiitaran  a  V.  Ex"  cl  S' 
cavallero  de  Regili  y  el  S'  de  Xalaii  y  los  esclavos.  Mas  aiiimado 
cou  la  caria  de  V.  Ex"  que  David  Pallaclie.  mi  hermano,  metruxo', 
me  abro  (pjc  le  \o  pucsc  a  la  defensa  de  tau  jii.'^ta  cauza  coiilra 
lotlos  los  que  se  me  oponian.  j  Bendilu  sea  Dios  que  salimos  cou 
luiestro  desinio  y  deseo  !  Asigurese  ^  .  Ex"  c[uc  ha  de  aver  una  grau 
correspondencia  entre  estas  coroiias.  porque  el  Rcy  Cliristianissimu 
es  mui  justo  y  a  encontrado  con  otro,  que  xamas  en  la  Berberia 
uvo  rey  tan  recto  como  el,  y  de  mi  parle  no  dexare  de  acudir  a 
lo  (pie  fuere  del  benefîiçio  de  los  basallos  del  Rey  Chi'istianissimo. 
Suplico  a  V.  Ex"  haga  con  Su  Mag''  que  reconozca  mis  servicios. 

David,  mi  hermano.  a  hecho  su  dever  en  este  servicio  ;  espero  que 
la  nobleza  de  V.  Ex"  lo  reconosera.  Con  lanlo,  S'  Ex'"",  quedo  rogando 
a  Dios  por  la  salnd  y  prosperidad  de  V.  Ex"  y  que  le  haga  sienpre 

1.    Ce  passage  sembU:  établir   tjuu  David  Palluclie  accumpa-^iia  Molt-ros  à   Merrakecli. 


I.ETTRI-:    nr,   moïse   p.vi.iaciii:    \    lucrii'.Linu  i9.  i 

viclorioso  contra  sus  cncniigos.  como  yo,  el  mas  humildo  (le  sus 
cnados.  lo  desoo. 

j  Guarde  Dios  a  \  '  Ex"  largos  y  felices  aiïos  ! 

Çafy.  y  Octubre  i3  de  i63i. 

Propria  manu:  Très-humblo  et  trcs-afcctionné  et  obisant  servi- 
teur de  V.  Ex", 

Signé:  Mose  Pallache. 

ArchiL'es  des  Affaire.';  Etranrj^res.  —  Maroc.  —  Correspondance  consu- 
laire.  Vol.  I.  —  Original  auioyrajjhc. 


^22  3l     OCTOBRE     l63l 


LVIII 

RELATION  ANONYME 

Razzia  faite  sur  les  Maures  de  l'Andjera  par  D.  Fernando  Mascarcnhas. 

(3l    OCTOBRE    i63i). 


En  tète:  Relacion  do  una  grande  vitoria  y  singular  suceso  que 
Don  Fernando  Mascarcnhas,  capitan  jeneral  y  governador  de  la 
ciudad  de  Tanger,  tubo  en  la  entrada  que  en  Berberia  hizo  a  las 
aldeas  de  Angera.  los  mas  belicozos  Moros  destos  conlornos,  a  los 
3i  del  mes  de  Otubrc  de  i63i  '. 

Despues  que  cl  jeneral  desta  fuerça  tomo.  el  vcrano  pasado,  unas 
cargas  que  con  litulo  de  cafila  el  moi'abito  Ilajax'  mando  con  un 
Moro  confidente  suyo,  a  fin  de  saber  si  era  descubierlo  cl  trato 
secrcto  que  ténia  con  Alaraclie  quando  se  conjuraron  contra  su 
maese  de  campo  para  le  entregar  los  fuertes,  qucdo  cntindiendo 
el  dicho  morabito  queel  governador  de  Tituan  Abdala  Xaciro\  con 
quien  el  jeneral  mucho  corria.  que  le  diera  el  punto  de  las  car- 
gas iren  con  traicion  desencaminadas  y  contra  la  forma  de  la  escri- 
lura  y  asiento  hecho  en  conformidad  entre  Moros  y  Christianos 
avizandole  que  eran  perdidas. 

Y  sabiendo  el  dicho  jeneral  desta  ciudad,  por  lodas  las  vias 
posibles,  coino  tan  exprimentado.  procuro  de  se  aprovechar  de  la 
ocazion  y  fumentar  este  pensamiento  en  forma  (|ue  El-Ayax  lo 
tubiese  por  sierlo  y  se  devirliese  de  la  gucrra  que  liazia  a  las  fucr- 

1.  Sur  cettR  razzia,  \.  Ternanoo  de  3.  Abdala  Naciro,  Abdallah  cn-Neksis, 
Menezes,  pp.  i46-i:ir).                                            le   mokaddotn   de  Tétouaii.   Sur  cette   fa- 

2.  El  morabito   Ilajax,   Sidi    cl-Avachi.         mille.  V.  p.  82,  note  2. 


RELATION    ANONYME  /JaS 

sas  de  Su  Magestad.  y  ([ue  se  enplease  en  la  liazcr  a  Tetuan,  y  se 
rebolviesen  lodos  los  Moros  entre  si.  Y  al  dielio  Abdala  escrivio, 
sienpie  ofresiendole  favor  y  ayuda  contra  el  Morabito,  al  quai  el 
(liclio  Abdala  no  se  queria  sujctar  ni  dar  entrada  en  Tetuan,  coza 
(|iie  el  Morabito  seritia  gravisiinainente,  porque,  estando  senor  de 
la  iiiejor  [)arl('  de  Berberia.  en  (juc  entra  Fes,  Mequenes,  Alcasar  y 
los  mas  destos  limites,  en  que  puzo  alcaydes  de  su  mano,  no  podia 
snfrir  (pie  Tetuan  no  se  le  sujelase  y  que  el  Abdala  corriese  con  el 
governador  desta  ciudad  de  Tanger,  plaza  que  lanto  dezea  infestar 
por  el  descredito  en  que  le  tiene  pucsto  para  con  los  Barbaros,  por 
razon  de  las  giandes  perdidas  que  sienpre  délia  llevo  de  jente  y 
rcputacion,  todas  las  vezes  que  Uego  a  las  manos  con  los  nuestros', 
de  (jue  tomaron  niotivo  los  Andalusis  de  la  alcasaba  de  Sale,  los 
quales  no  le  obedesen,  para  le  deziren  por  modo  de  vetuperio  que 
vinicse  a  Tanger  p()r([U(^  en  aquella  plasa  le  conesia  muy  bien  el 
governador  délia  y  le  ti'ataria  como  quien  el  es. 

Estando  las  cozas  en  este  estado,elMorabito,irrilado  contra  Tetuan. 
ordeno  que  se  scrrascn  los  pucrlos  '  y  bizo  gerra  aquella  ciudad  este 
verano.  y  jinihiin(Milc  a  lus  de  la  Alcasaba,  (|ue  es  el  castillo  fuerte 
de  Sale.  ^  .  porque  Tetuan  esta  niui  fortalesido  con  mucha  jente 
de  fuegcj,  enleiito  el  dicbo  Morabito  para  mas  credito  suyo  hazerse 
senor  de  aquella  ciudad  sin  le  coslar  sangre  ;  y,  para  cxecutar  este 
pensamiento,  niand<i  liamar  a  ella  un  casis  '  principal,  muy  obede- 
sido  de  todos,  llarnado  Sid  Busalatib.  y  con  el  y  cou  todos  los  Moros 
principales  de  Tetuan  couserto  la  traicion  con  que  le  avian  de 
entregar  la  ciudad  :  y  fue  que  le  mandaria  poner  en  una  enboscada 
jnnto  de  los  muros  oclio  para  nueve  mil  liombres  de  pie  y  de  cavallo, 
y  por  cabesa  dellos  Soliman  Cadim,  almocaden  del  Farrobo  ',  y  un 
Amete  13oliali,  grande  enemiguo  del  governador  de  Tetuan,  para 
quedai'  en  su  lugar,  y  que  cl  dicbo  casis  de  Tetuan  Sidi  Busalatib 
a  sierta  ora  le  vernia  abrir  las  puertas,  y  los  principales  de  la  ciudad 
istarlan  en  aima  para  salircn  a  resebir  los  Bohalis  y  almocadem 
Soliman  (ladim  en  lo  to('ante  a  la  gerra  y  los  Bolialis  con  el  govierno 
de  la  ciudad. 

I.   Sur  les  tinlalivcsdcEl-Avaclii  conirc  3.   Casis.  Sur  le  sens  de  ce  mot,  V.  p. 

la  place  de  langer,  V  .  supra,  pp.  275-281.         21,  note  i. 

L!.   Los  puerlos,  les  déùlci.  i.   /'arroôo,  el-Kliarroub. 


En  la  Ibiiiui  (]LU!  se  Irala  se  dispuso  la  inaleria,  y,  sin  resisleiicia 
alguna,  eniraron  a  la  ciuflad.  Y  los  amigos  de  Abdala.  govcrnadnr 
délia,  sojelandose  a  los  nucvos  goveriiadores  puestos  de  la  luaiio 
del  Morabilo.  escondiernn  en  sus  cazas  y  liizieroii  hoydo  al  gover- 
nadoi"  pasado.  Al  cual  el  nuebo  goveriiador  maiido  hiego  arrazar 
las  cazas,  y  las  salaron  eomo  a  Iraydor  al  seivicio  y  ordcncs  del 
Morabilo  en  descobrir  sus  arddes  al  governador  desia  plasa  don 
Fernando  Mascarenlias.  \  porque  escondidamcnle  de  ally  a  eualio 
dias  el  diclio  gjvernador  Abdala  con  sus  amigos  y  erinanos  salyo 
de  la  dicha  eiudad  y  se  reliro  a  Targa',  que  es  un  caslillo  que  esta 
junlo  al  mar  para  la  parle  del  levante,  dia  y  medio  de  jornada 
de  Teluan,  y  eu  el  diclio  caslillo  le  favorese  y  liene  anparado  un 
xeque  su  amiguo.  inando  el  \Ioral)ilo  al  almocaden  Soliman  Cadim 
con  los  Buhalis,  a  cuyo  cargo  esla  el  govierno,  que  fuesen  de 
Teluan  y  levasen  de  la  eiudad  y  de  sus  derredores  siele  para  ocho 
mil  hombres  y  fuesen  pain  doude  eslava  el  dicho  Abdala.  v  que  lo 
matasen  o  prendiesen  o  hiziesen  largar  cl  caslillo. 

Parlio  esla  génie  repartida  en  Iropas  a  los  25  de  olubre  a  execu- 
lar  la  orden  (pie  Uevaban.  A  los  26  liiiyo  un  eaptivo  de  Teluan, 
]ior  nombre  Pedro  de  Ramos.  iialural  de  ÎNoes,  scrca  de  Toledo, 
liombre  Jjien  enteiulido.  que  eaplivo  eu  la  primera  ])erdida  de  Ala- 
raclie'.  y  Uego  a  esta  luersa  a  los  3o,  y  serleticantlo  lu  rel'erido  y  que 
el  Morabilo  eslava  sobre  la  alcasaba  de  Sale,  y  los  de  Teluan  eran 
ydos  en  la  buelta  de  Targa  a  ver  si  podian  matar  Abdala  y  que  no 
avia  junla  de  Moros  en  nueslros  canipns.  110  se  qiso  con  eslo  fiar 
desla  nueva  el  jeneral  desta  ciudatl.  y.  porque  le  paresio  buena  la 
ocazion,  siciido  sierla  la  nueva.  para  casligar  estos  Barbaros  que 
lan  alrevidos  andan  con  las  falsas  promesas  desle  su  Saiilo  de  que 
ningunas  armas  de  Chrislianns  los  poderan  ofender,  despidio  luego 
en  la  misma  noclie  el  dicho  gênerai  scies  alajadores  a  déférentes 
parles  adonde  coslumbran  los  Moros  cpie  vicuen  a  correr  a  este 
canpo  arrayalarse,  y  lanbicn  algunos  hombres  de  a  pie  v  de  con- 
fiansa  acalaren  y  seguraren  el  canpo  de  la  sierra  de  San  Juan.  Y 
miicikIi)  lodos  con  las  mic\as  de  (pic  el  caïqxj  eslava  scgiiro  v  ipic 

I.    Sur  larga,  \.  Massic.min,  |).  ■jJi?,.  garnison  cIc  l.ararlio.  I^cs  Kspapiiols  oprou- 

u.    Prinn*rn  l'u'rdiiJa  'le  A larnrhr.  W  s' i\^'il         vèronl   la   mômo  année  (in  second  échec   à 
tic  la   (lùfaile  inllig(jc  par  El-.Vyaclii   à  la        E l-.M a niora.  V.  supra,  p.  lyD,  note  3. 


RELATION     ANONYMK 


/|25 


en  el  no  cran  entrados  Moros,  con  nuiclia  presle/a  aparlo  duzien- 
tos  y  sincuenta  cavallos  cscujidos.  como  cra  nesesario  para  seme- 
jante  laccion  y  en  tal  tiempo  cntrar  en  Berberia  y  dar  el  casliyo  (jne 
entenlo  dar  a  eslos  Barbalos,  en  que  a  Su  .Mageslad  liizo  grande 
servisio  pur  el  descredilo  con  qu(>  el  Morabito  quedo  :  y,  como  pru- 
dente V  csforsado  capilan,  para  (pic  todo  se  lilzicse  con  nicnos  riesgo, 
mando  de  noche  quati'o  naijios  de  reino  con  cuarenta  y  cuairo  sol- 
dados,  Y  que  se  arrimasen  lo  mas  que  ])udieren  a  aquella  parle 
adoude  las  aldeas  vezinan  mas  con  el  tnar  ;  y  que,  en  ainanesicndo, 
se  hiziesen  senlidos  para  cpie  los  Moros  acudiesen  todos  al  rebate 
a  la  playa  y  desenbarasasen  el  canpo  [)ara  mas  a  su  salvo  se  hazer 
en  efeto  como  consigo  lo  ténia  tralado. 

Lo  que  todo  asi  sucedio,  porque,  en  se  tocando  arma  por  la 
parte  del  mar,  acudio  a  el  Xale  que  go^ierna  aquellas  aldeas,  con 
oclienla  cavallos,  y  pasante  de  seiessientos  infantes,  los  cuatrosien- 
los  arcabuzeros  y  los  mas  ballesteros.  Ya  en  este  tienpo  el  jeneral 
por  la  parte  de  tierra  eslava  enboscado  con  los  duzientos  y  sincuenta 
cavallos,  y  tan  serca  de  las  aldeas  que.  en  sintiendo  el  senal  del 
mar.  ipie  se  dio  con  seies  falconcs.  sallo  de  la  enboscada  y  cor- 
rieron  sus  corredorcs  liasla  las  Iranqueras  de  Anjra.  A  los  cuales 
fue  dando  cuestas  el  adail  Lorcnso  Correa  (la  Franrpia,  y  con  el 
don  Juan  da  Costa  que  a([ui  sierve  de  fronlero,  a  qien  el  jeneral 
encarguo  la  delantera;  Iras  desia  jente  \ba  el  jeneral  con  los  aco- 
bertados  y  mas  espingarderos  de  cavallo,  y  con  el  don  Francisco 
de  Aztivedo.  (pie  es  frontero  y  sierve  con  seies  lanças  a  su  costa. 
Ocupo  el  jeneral  dos  puertos  de  la  libera  de  Ben  Issa,  prenvencion 
muy  nesesaria  para  nueslros  corredores  los  hallar  desenbarasados 
y  los  poderen  pasar  sin  resguo  alguno.  como  despues  se  vido  que 
fue  lance  deexperencia,  porque.  pasante  de  ora  y  média  sustento  el 
jeneral  los  dos  puertos  en  cuanto  nueslros  corredores  se  recojeron 
contra  muclia  cantidad  de  Moros  que  pertendieron  ocupar  los  di- 
clios  puertos  y  ganarlos  al  jeneral  para  inpedir  la  pasaje  a  los  que 
avian  entrado  por  cUos  a  cori'cr  a  las  aldeas,  sobre  lo  que  uvo  grande 
escaraumsa  départe  aparté,  hallandose  el  jeneral  delanlre  de  todos, 
animandolos  con  singular  esl'uci'so.  v  asi  a  el  despues  de  Dios  se 
aIrIbiiM)  lari  liermozo  dia,  poripie  el  ardil  fue  suyo,  y  que  andubo 
masarriscado  a  los  balazos. 


Llegaroii  niioslros  corredores  a  las  tranqueras  de  Anjra.  como 
dixe,  y  por  la  tierra  ser  mui  aspera  y  enbarrancada,  no  se  pudieron 
tomar  las  mujetps  y  imicliachos.  que  cra  el  intcnio  ([ue  llevavan  y 
orden  para  solos  cstos  dar  la  vida.  Toinaron  cl  ganado  lodo  que 
hallaron  vaciino,  que  fuc  huena  canlidad,  y  todos  los  Moros  que  lo 
qizieron  defender  pasaron  a  cspada,  y  entre  cUos  un  cavallero  mu- 
cho  principal,  pariente  del  Xate,  a  qien  corlaron  la  cabesa,  porque 
este  es  el  juego  que  oy  corre,  y  cl  cavallo  1(!  truxeron,  que  es  mui 
bueno.  Llcgando  el  rebate  a  la  playa,  adonde  cl  Xate  tcnia  acudido 
con  la  llor  de  loda  su  jenle.  cnterado  del  engano  de  le  averen  tocado 
arma  falsa  por  un  parle,  y  le  averen  dado  por  la  otra,  acudio  como 
leon  raviozo.  a  la  buclta  ado  los  nueslros  cslavan.  los  quales, 
quando  el  Xate  Uego  a  ellos,  venian  ya  pasando  los  puertos  que  el 
gênerai  eslava  dcfcndiendo  a  lo  mas  de  la  guarnicion  de  los  Moros 
que  el  Xate  a\ia  dexado,  que  no  fueron  a  la  playa.  Llcgando  el 
Xate  al  jeneral.  le  dcfcndio  el  puerlo  como  tcnia  heclio  alosdcmas, 
hasta  que  loda  su  jente  y  todo  el  ganado  que  traian  paso.  \  des- 
pues del  puerto  pasado,  inando  grilar  por  el  Xate  y  dezirle  en  allas 
bozes,  que  el  I)icn  ovo,  que  aora  le  alarga^a  cl  puerlo  por  no  série 
ya  ncsesario.  que  le  pedia  lo  pasase  a  otra  vanda,  lo  que  elXate  liizo 
con  muclia  jenle  de  la  suya  que  le  venia  cresiendo.  Lo  qae  viendo 
el  jeneral  y  (|ue  los  ténia  en  tierra  llana,  aprovechose  de  la  cavalle- 
ria,  y  hizo  una  ijuella  con  los  Moros  anles  que  de  todo  se  reformase. 
\  fue  de  suerte  que  hasta  el  dicho  puerto,  que  qucdava  poco  mas 
(|ne  un  tiro  de  niosqucte,  quedo  el  canpo  cubiertode  Moros  muer- 
los.  los  mas  dcUos  infantes  mui  luzidos.  sin  se  dar  a  ninguno  la 
vida.  |ior  scr  dada  esta  ordcn.  De  los  quales  se  recojeron  todas  las 
espadas  y  las  mas  armas  y  dcspejos.  \  con  esta  buelta  y  mortan- 
dad,  qucdaroii  los  Moros  lan  corlados,  que  luego  se  comensaron  a 
rretirar. 

\  el  jeneral  mando  locar  la  Irompetay  marcliarmui  alcgre  y  con- 
tcnto,  dando  a  Dios  muclias  gracias  por  no  avcrle  muerlo  m  herido 
cavallero  ni  cavallo  alguno,  lo  que  se  tiene  por  milagro  grande, 
visto  los  muchos  balazos  y  saetas  que  sobre  los  nueslros  llovian  y 
notables  balazos  y  saeladas  que  en  las  armas  resebian.  Y  con  ellos 
mm  graciozos  cntraron  fincadas  las  cueslas  y  con  las  lansas  bana- 
das  en  saugre  de  los  Moros.  sin  dafio  ai  en  si  ni  en  los  cavallos.  lo 


FlKLATION     \\0>'YME  '127 

que  se  tul)o  poi'  milagro  v  [lurlicMilar  favor  de  la  ^  irucii  (lel  Hosa- 
rio.  a  qicn  el  gênerai  es  niiii  alicioiiaclo,  y  Ucvava  su  imagen  en  el 
guion,  y  en  nombre  de  la  \  irgcn  se  comelio  esta  empreza. 

Llegando  ya  a  la  visla  de  Tanger  obra  de  légua  y  média  de  la 
ciiidad,  Irayendo  el  jeneral  loda  su  jentcjnnla  en  hatalla  serrada, 
aparesiei'oti  a  niano  Isqnerda  de  nuestra  tropa  dos  de  Mores,  anibas 
de  a  cavallo  nuii  luzidas,  (pi(>  se  leniaii  juntado  delFarrobo,  Oudras' 
V  Béni  Mesugar"  v  mas  aldeas,  ipie  le  vinicron  aguardar  al  eanpo 
afin  de  ver  si  le  podian  (|ilai-  la  preza  de  las  manos  por  venlina 
injinando  sei'cii  nueslros  almogavres\  Como  el  miesiro  jciieral 
les  vido,  mando  iazer  alto  y  ponerles  el  roslro,  haziendo  a  los 
nuestros  un  arrazonado  en  pocas  palabras,  mas  taies  que  a  lodoseon 
ellas  se  animai'on  de  lai  suerle  (pic  cada  uuo  dezia  (pie  baslava  para 
todos  aipiellos  Mdios.  Tcmendo  eslo  asi  ordciiado.  uiaiido  loear 
las  Ironpelas  \  el  guiou  cpie  l'iicsc  aridaudi)  para  ri'i<is.  Poren,  coni- 
siendo  lus  Moros  por  el  gioii  (pie  era  el  jeneral  el  ipie  eslava  cou 
la  jenlc,  se  piizieron  en  liuida.  \o  eousinlm  el  eapifaii  ipie  le  luesen 
eu  alcanse.  por  iio  alailarse  de  la  preza,  (pie  no  le  eoslo  poeo  Ira- 
vaio  aeabar  con  l(3s  eavalleros.  por  los  dczeos  (pie  teniaii  de  los 
seguir  y  los  degollar. 

Puestos  los  Mdi'iis  en  liuida.  se  miki  el  eapilaii  idii  la  preza  y 
loda  su  jenle  para  la  eliidad.  \  enlro  en  ella  a  las  eiiali  u  de  la  larde. 
eoii  los  inavores  bJAas  ipie  |amas  dizeii  los  xiejos  se  dieroii  en 
ella  a  jeneral  ninguno,  por(|ue  en  esle  lienpo  eiilrar  en  lîerberia  y 
Iraer  lai  preza  y  malando  laiilos  Moros.  pouendo  eu  iiiiidu  a  olros 
(pie  para  la  luiiiar  se  lenian  piulos.  no  ay  duda  sino  (pje  es  para  se 
li.izer  grande  esliiiiaeiou  del  suceso. 

^  asi  se  eelebro  en  esia  eiudad  con  grandes  iieslas  mililares  y 
2;uslo  de  todos  nioradores.  por  el  eonlentaunentd  (pie  al  jeneral 
vceii  iior  el  siieeso  de  laii  \enlurozo  y  asenaladn  (lia.  laiilo  en  dis- 
credilo  (lel  Moraliili).  ^  lodos  afirman,  por  las  iiiievas  (pie  lieiien 
aleaiK/ado  de  I5eil)eiia.  (pie  el  Morabito  (liera  grandes  arbieias  si 
Su  Mageslad  de  acpii  lu   lirara.    y  los   Moros  eonliiinan  l(i    misuio, 

1.  Outlras.  BenI  Onedress.  ■'•   -'l'"'"?""'-''-'.  'l''  l'^.al.r  j_,li[|  .■l-.n,.g- 

2.  Béni  Mesugar,  lîriil  Mrsaourr,  frilju  haouir  ;  v-v,  mot  a  le  menu- sens  i|ii('  celui 
du  djobcl  f'I-AI<'iii.  i\c  frontrro.  Ci".  Egi'ilaz,  p.   ■à'^'S. 


/|28  0  1     OCTOBRE     l63l 

para  el  Morabito  conscguir  sus  intentes,  a  los  cuales  el  gênerai,  por 
la  esperencia  que  del  tiene,  le  adevina  y  los  contramina  todos. 

Don  Juan  da  Costa,  cpie  aqui  sierve  con  seies  lanças  a  Su  Mages- 
lad  y  lue  poi' caho  al  socon'o  de  la  seguuda ' 


ArcliiL'cs  espafj noies  du  Gouvernement  général  de  i Algérie.  —  A^"  510 
(anciennement  :  Registre  IGSG,  ff.  3^S).  —  Copie  du  xvii°  siècle'. 

I .    Ln  fin  ilii  (IdcuinuiiL  manque  |.iar  suite  :» .    (_-rlU:  [nècc  a  éti'  raj>porlcc  d'Espagne 

du  la  disparition  du  dtTïiiur  fuiiillL't.  par  M.  Tiran. 


GAZETTE     DE     KKANCE  /|2Q 


LIX 
GAZETTE  DE  FRANCE 

iS(V/(  Ali  bon  Mohammed  hnrrc  lu  roule  du  Smidun  ù  MoiduY  cl-Oualid. 
—  Description  du  palais  de  El-Mescrra.  —  llenseif/neiucnls  sur  le  eoiu- 
merce  entre  la  France  et  le  Maroc. 

Sale,  5  novembre  i63i. 

En  marge:  De  Salé,  duditjour  5  novembre  audit  an  i63i. 

Le  santon  Sidiay  '  est  sur  j)ied  avec  cinquante  mille  hommes  pour 
empeschcr  le  roy  de  Maroc  daller,  comme  il  a  de  cnustume,  à  la 
rivière  Gago^  y  quérir  sur  ses  chameaux  l'or  qui  y  croist  en  abon- 
dance. Le  prétexte  qu'il  prend  est  celuy  de  la  religion,  à  son  ordi- 
naire, ce  qui  fait  que  les  Maroquins  le  suivent  plus  volontiers  souz 
l'espérance  qu'il  leur  demie  d'apporter  quelque  reformation  en  la 
cour  de  leur  roy.  Ce  qui  reveillera  ce  jeune  prince,  cjui  est  à  présent 
avec  son  favori  l'alcayde  Ayagena  '  dans  son  palais  de  plaisance  du 
Monserrat,  '  fort  superbement  basti,  mais  à  un  cstage  seulement,  à  la 
modo  du  pays,  &(dont  vous  sciiez  esbahis)  sans  aucunes  fenestres, 
conlcMs  du  jour  que  leur  donne  une  seule  grand  porte.  Mais  vous 
trouveriez  encore  plus  estrange  de  voir  vingt-cinq  moulons  end)ru- 

1.  Sidiay:    Sidi    Ali   ben   Mohammed.  (J,li-I  (\ .  p.  3-5 1  et  p.  353,  note  i). 
Sur  ce  personnage,  V.  p.  ii/|  et  note  -i.  /,.   Monserrat,  El-Meserra.  Sur  ce  «  pa- 

2.  Rivière  Gaijo.  II  faut  entendre:  le  laisdi^  plaisance  »,  V.  supra,  p.  1 13,  note  i. 
Niger.  —  Une  caravane  marocaine  se  r<ii-  Comme  toutes  les  constriictions  raaures- 
dait  annuellement  au  Soudan.  qucp,  ci^  pavillon   n'avait   pas  de   t'en(5tres 

3.  Ayaycna.  Il  faut  rétablir  Yahia  .1-  >xléricurcs  et  les  appartements  prenaient 
Djenali.  Ce  caïd  s'appelait  en  réalité  Yaliia  ''»  joi"".  "O"  par  la  «  seule  grand'porte  „, 

mais  par  des  ouvertures  donnant   sur   un 
ben  .Mohammed  el-Djenati  JL»j>r^  ij;     »         patio 


'i-lo 


.)     NOM.MBIU; 


i(;:^i 


chez  ik  servis  tous  entiers  sur  sa  table,  ijuoy  (|u"ils  soient  beaucoup 
plus  grands  que  les  vosfres. 

L'un  des  plus  utiles  traffics  de  cette  coste,  &  oiî  il  va  cent  pour 
cent  à  gagner,  est  celuy  des  toiles  de  France  '  pour  de  la  cire  ^c 
autres  marchandises,  mesmes  pour  de  l'or,  qu'on  \ous  laisse 
librement  emporter  en  grenaille  ik  en  lingots,  mais  non  pas  moimoyé. 
Or  vous  sçavez  qu'à  cela  près  on  ne  manc|uepas  de  gens  en  France 
pour  le  mettre  en  ctuvre.  Et  si,  pour  monslrer  que  ces  Mores  ne 
sont  pas  trop  grossiers,  ils  ne  craignent  point  les  banqueroutes,  car 
ils  onl  bannv  le  crédit,  ^;  ne  croyenl  tpi'aux  paroles  de  présent. 


Bibliothèque  i\'nli(jnalc. 
2S  noi'cmbrc  KJ^-ll. 


Imprimés.    Le-   I.   —  Gazette  de  France, 


I .  Les  toiles  ('crues  de  France  dites 
«  bretagnes  »  et  fabriquées  presque  exchi- 
sivement  à  Morlaix  étaient  extrêmement 
en  faveur  au  Maroc  où  elles  étaient  dési- 
gnées par  le  terme  espagnol  créas.  On  en 
donnait  loujours  quelques  ballots  aux  in- 
termédiaires   marocains    qui    étaient   em- 


ployés dans  les  négociations.  Cf.  /'''  Sé- 
rie. Pays-Bas,  t.  III,  Journal  d'Albert 
Riiyl  a  la  date  du  8  mars  i624-  Une  des 
conséq<iences  du  blocus  continental  fut  d'in- 
troduire au  .Maroc  les  toiles  de  coton  de 
provenance  anglaise.  Cf.  3'  Série,  France, 
■2-  janvier  1817. 


GAZETTE     DU     1  HAMIE  /jSl 

lA 

GAZETTE  DE  ElîWCE 

Ih'jirisc  (les  rclalioiis  rominerctales  avec   le   Maroc,    interroiiipues   dejiuis 
(jiiinze  ans  par  le  vol  fies  livres  de  Moiilay  Zidàn. 

Salé.   1 2  novcnibro  i03i. 

En  nifirr/c  :  Do  Salé,  du  la  diidil  mois  de  iinvcinhic  audit  an. 

Un  coiaiiiance  à  l'cnouer  ic\  le  Iralic  discoiiliiuié  depuis  nuiii/o 
ans  qu'il  y  a  (jue  nostre  paix  fut  rompue  avec  la  France  par  le  vol 
de  la  bibliolhequc  du  roy de  Maroc',  où  csloil  le  uianuscril  original 
des  œuvres  de  sainct  Augustin',  estimée,  tant  pour  le  prix  des 
volumes  rpie  notamment  des  pieireries  dont  ils  estoient  enrichis,  à 
(piatrc  millions  de  livres,  qu'avoit  emportée  un  renégat  de  la  Iby 
cathulicpie  et  de  la  nation  françoise  en  Espagne,  qui  les  détient  jus- 
f|ues  à  présent,  quelque  instance  qu'on  ait  fait  pour  les  ravoir.  On 
oust  suivi,  à  faute  de  mieux,  l'expédient  proposé  de  nous  rendre  les 
peaux  cscriles  en  retenant  pour  eux  les  eou\  erlures  ',  si  elles  eussent 
esté  encoies  en  leur  entier.  Mais  les  Espagnols  n'y  gagneroient 
guère  à  présent,  ayants  fait  voir,  par  l'ordie  cpi'ils  y  ont  donné  de 
bonne  heure,  qu'ils  trouvent  les  escrils  des  saincts  l'eres  assez  riches 
d  eux-ruesme,  &  qu'ils  ayment  la  vérité  loulo  nue. 

Ilthliotltèijue  Nationale.  - —  Imprimés,  Le"  I.  —  Gazelle  Je  France, 
ô  décembre  1631. 

1.  Sur  colli,' all'aire,  \  ./■■' Série,  France,  client,  les  lispagnols  aurainiil  ganli'  jjour 
t.  Il,  j).  0/(1,  Soiiiuiaire.  eii\  les  couvertures  eiiricliies  de;  pierreries, 

2.  Sur  la  légende  de  saint  .Vugustin  au  et  auraient  rendu  à  Louis  XIII,  pour  qu'il 
Maroc,  V.  p.  2i3,  note  /|.  les  remit   au    Cliérif,  les  textes  écrits  sur 

3.  C'est-à-dire    que,    d'après    cet   o.\pé-  parchemins. 


'(32  Tf)    NOVEMBHr     l()3l 


LXI 

GAZETTE  DE  FRANCE 

Razilly  est  de  retour  de  son  voyaçje  au  Maroc.  —  Le  sieur  de  Molères, 
qui  était  chargé  des  négociations ,  est  arriré  à  Château-Thierry  le  16 
novembre.  —  Mouna  offerte  en  rade  de  Saji  à  l'escadre  de  Razilly.  — 
Le  sieur  de  Molères  est  allé  i'i  terre  et  on  lui  a  remis  les  180  esclaves 
français  restant  au  Maroc.  —  Le  Chéri  fa  reçu  en  échange  nn  présent 
de  cent  mille  livres  d'étoffes.  —  Un  traité  de  paix  a  été  signé  à  la  date 
du  17  septembre  1631. 

Chètean-Tliierrv,  iç)  novembre  i63i. 

En  marge  :  De  Château-Tlilorrv,  le  iq  diidit  mois  de  novembre, 
audit  an  iG3i . 

Le  1  G.  at  ri\  a  icy  [à  Cliàteau-ThierryJ  du  voyage  de  Maroc  le  sieur 
de  Molères.  que  Sa  Majesté  y  avoit  envoyé  le  i4-  juin  dernier,  afin 
de  traicter  de  la  liberté  des  esclaves  françois  &  de  la  paix  avec  ce 
roy,  qui  prend  la  qualité  d'empereur  de  ces  pays-là',  paix  néces- 
saire pour  le  commerce  que  le  cardinal  duc  de  Richelieu  y  veut 
establir.  &  successivement  es  autres  havres  et  ports  de  la  mer,  dont 
Sa  Majesté  luy  a  commis  la  surintendance,  pour  rendre  le  nom 
des  François  autant  connu  dessus  la  mer  comme  il  l'est  sur  la 
terre. 

Le  commandeur  de  Razilly,  chef  d'escadre  i^  admirai,  &  le  sieur 
Du  Chalart,  vice-admiral  de  la  flotte  que  Sa  Majesté  y  avoit 
envoyée,  il  y  a  six  mois,  avec  commission  à  ceste  mesme  fin,  com- 
posée de  trois  navires  &  deux  pataches,  sont  venus  à  Morbien  '  dès 

I.   Sur  la  mission  diplomatique  du  sieur        pp.  Sgi-Syi^. 
de  Molères,  V.  supra,  Introduction  critique,  i.   .Morbien,  la  baie  du  Morbihan. 


GAZETTE    DE    FRANCE  433 

le  7.  du  jDrcsent,  démentir  en  personne  la  ereance  que  chacun  a\oil 
de  leur  perte.  Ils  nous  diseni  rpic  la  lloUc  estant  ani\cc  à  la  rade 
de  Safv,  &  avant  fait  une  salve,  à  lacjneile  des  Maroquins  respon- 
dirent,  elle  reccut  un  ralVaiscliisscnient  à  la  mode  du  pays'  de  plus 
de  chair  que  de  pain,  car  avec  six  cens  pains  on  leur  donna  douze 
bœufs,  cent  moutons,  six  cens  poules,  trente  douzaines  de  perdrix, 
qui  n'v  valent  <pie  cinq  sols  la  douzaine,  force  raisins,  dattes  & 
grenades.  LAdmiral  obtint  aussi  de  ce  roy  passeport  pour  le  sieur 
de  Molcres.  qui  fut  receu  au  débarquer  par  deux  alcaydes  &  deux 
compagnies,  l  une  de  pupiiers  >k  lautre  de  mousquetaires.  Il  eut,  le 
lendemain  de  son  arrivée,  célèbre  &  favorable  audiance.  Car  on  luy 
amena  les  i8o.  esclaves  françois  qui  restoient  dans  tout  le  pays,  &  qui, 
avec  les  deux  cens  quarante  que  le  inesmc  commandeur  de  Razilly 
avoit  délivrez  l'année  passée  par  l'ordre  de  Sa  Majesté  &  ardente 
sollicitation  du  Révérend  Père  Joseph,  capucin,  font  ensemble  le 
nombre  de  ^|oo.  La  misère  avoit  desja  tellement  abruty  l'un  de  ces 
pauvres  esclaves  qu'il  ne  vouloit  bouger  de  captivité. 

Ce  roy  eut  eneschangepour  cent  mille  livres  d'eslofTes  de  la  part 
de  Sa  Majesté  Trcs-Chrestienne.  l('s(|uellcs  son  proveydour  ne 
receut.  synon  à  la  cbaige  que  Sa  Majesté  ne  refuseroit  pas  les 
chevaux  (jue  le  roy  de  Maroc  luy  \eut  envoyer  pour  cimenter  la 
paix,  qui  fut  lors  conclue  enlr'enx  par  un  li'aicté  contenant  seize 
articles,  dalté  du  i8.  du  mois  Saplia.  l'an  lo'ii,  (pii  se  rapporte  au 
17.  de  septembre  dernier'. 

Signé:  lecommandeuide  lîazilly.  DuCbalard,  Mouley  el-(îualyd. 

Par  le  troisiesme  desquels  articles  ',  tant  les  sujets  de  Sa  Majesté 
(pie  tous  autres  ayants  son  passeport  ne  pourront  phis  estie  faits 
captifs:  ni.  par  le  qualriesme ',  anlic  droil  miposé  en  ses  ports  (pie 
le  taiialy"  ou  dixiesme.  qui  se  paye  de  l<iut  temps. 

Par  le  i3".  se  doivent  envoyer  ambassadeurs  de  part  \  daulie. 

I.   Ce  «  rafraiscliissemcnl  à  la  mode  du  ».  \  .  siiprn.  |i.  'ni,  noie  i. 

pays  ».  appelé  «  motina  »  et  assiz  analogue  3.  \  .  sii/jra,  pp.  4o7-4o8. 

au  droit  de  gîte,  est  une  cliarge,   parfois  /|.  \  .  supra,  p.  4o8. 

tri'S  lourde,   imposée  aux   populations  par  5.  Tuilaly.   Sur  ce  mot  qui  est  pris  iil 

le  Cliérif  au  profit  de  ceu.\  ipii  voyageiit  pour  .synonyme  de  dime.  \.  p.  'lof^,  note  1. 

par  son  ordre  ou  qu'il  veut  particulièrement  (!.  V.  supra,  p.  4'o. 
honorer. 

De  Castkies.  111.  -   28 


48 'l  19    NOVEMBHE     l63l 

Tous  religieux  y  peuvent  demeurer,  mais  ils  ne  doivent  officier, 
sinon  aux  François  seulement.  Selon  le  pouvoii-  réservé  aussi  aux 
François  par  ce  mesme  traicté,  ils  ont  desjà  estably  pour  leurs 
consuls  :  à  Maroc',  le  sieur  Mazet;  à  Salé,  le  sieur  Du  Prat".  tous 
deux  Provençaux;  à  Safy,  le  sieur  de  Bourgaronne^  Car  pour 
Saincte-Croix,  Mazet  y  a  mis  un  correspondant.  Il  ne  se  peut  croire 
combien  ce  traitté  a  donné  d  autliorité  à  ce  roy  vers  ses  sujets,  & 
de  crédit  vers  ses  voisins. 


Bibliothl'gue  Nationale.  —  Imprimés  Lc°  1.  Gazelle  de  France,  21  no- 
vembre 1(131  '. 

Bibliothèque  Nationale.  —  Fonds  J'rançais.  —  Ms.  20977 ,  J.  51^.  — 
Copie  du  XVII''  siècle'\ 


1.  .4  Maroc,  c'est-à-dire:  à  Merrakerli. 
En  l'ait  Pierre  Mazet  resta  à  Safi, 

2.  Du  Prat,  André  l'rat.  Il  l'ut  pourvu 
(lu  consulat  de  Salé  et  de  Télouan  le  3o 
novembre  1O29.  \.  supra.  Doc.  XXXIV, 
p.  278.  Il  résigna  ses  fonctions  en  i6/i8  en 
laveur  de  son  fils.  V.  infru.  Doc.  CXXI, 
p.  643,  Provisions  de  consul  à  Henry  Pral 
et  2'  Série,  France,  t.  I,  année  1669.  —  Sur 
le  conflit  qui  se  produisit  entre  Pierre  Ma- 
zet et  André  Prat  au  sujet  du  consulat  de 
Salé,  V.  supra,  p.  3i8,  note  3. 

3.  Cf.  p.  4^2,  note  2, 


!\.  Le  Mercure  François,  t.  XVII,  2"  par- 
tie, pp.  17/1-185,  donne  une  relation  à  peu 
près  identique  à  celle  de  la  Gazette  de 
France,  et  la  l'ait  suivre  du  texte  des  traités 
des  17  et  2/1  septembre  i63i.  Le  seul  ren- 
seignement qu'ajoute  le  Mercure  François 
concerne  la  provenance  de  celte  relation  qui 
est  annoncée  en  ces  termes  :  «  ^  oicy  l'ex- 
traict  d'une  lettre  qu'un  oHîcier  de  ceste 
flotte  escrivit  de  Morbien  sur  ce  qui  s'est 
passé  en  leur  voyage  ». 

5.  Cette  copie  a  été  faite  d'après  le  nu- 
méro de  la  Gazette  de  France. 


REPAKTITION     DE     I,  V     PKISK     lAlTE    SLH     LA     COTE     DU    MAItOC 


!i3ô 


LXII 


RÉPAUrniUN  DL  L\  l'UlSL]  lAlTK  SLU  L\  COTE  DU  MAROC 


Commcncenirnt  de  iGSa-. 

En  tête,  (ilia  inaïui  :  Estât  de  la  [)risc  faite  en  la  cote  de  Maroc. 

Le  procédé  de  la  prise  faicte  en  la  coste  de  Marocq  monte  soixante- 
quatre  mil  sept  cens  trente-cinq  livres  cinq  solz. 

Sur  quoy,  il  fault  desduire  dix  mil  cinq  cens  vinyt-huict  livres 
tant  pour  l'achapt  des  esclaves  qui  appartenoicnt  à  des  particuliers 
que  des  chevaux  el  iVaiz  dont  le  Roy  est  tenu  suivant  le  mémoire 
particulier  \ 

Parlant  reste  de  bon  cinquante-quatre  mil  deux  cens  sept  livres, 
sçavoir,  xxv"'  iij*"  xxvj  **  en  argent  contant*  et  xxviij"'  viij''  iiij*""  j"  en 


I .  Ce  décompte  a  été  fait  poin-  étalîlir  la 
somme  revenant  à  Richelieu  sur  cette  prise, 
en  qualité  de  grand  maître  et  surintendant 
général  de  la  navigation.  Les  prises  étalent 
une  importante  source  de  revenus  pour  le 
Cardinal.  «  Du  seul  article  de  la  !\Iarine, 
écrit  Gaston  d'Orléans  à  Louis  \IiI  en 
i63i,  il  lire  tous  les  ans  [dusieurs  millions 
a  son  profit.  »  Gh.  Mi:ii\ARn,  (jiirrrrs  de 
I. nuis  .\ III Liv.  i5. 

a.  La  restitution  de  cette  date  est  fondée 
sur  les  raisons  suivantes:  i"  La  prise  dont 
il  est  question  est  celle  qui  fut  faite  par 
Razilly  le  ?>  octobre  i63o  (V.  supra. 
pp.  Sgi-Sgî).  2°  Le  présent  document  est 
postérieur  k  l'expédition  de  Razilly  de 
i63i.  En  effet,  le  passage  «  pour  l'achapt 
des  esclaves  (pii  appartenoicnt  à  des  parti- 
culiers »  semble  iniliquer  (\n(\  parmi  les 
esclaves  remis   en    liberté,   il    v    en    avait 


d'autres  qui  appartenaient,  non  à  des  par- 
ticuliers, mais  au  Cliérif,  et  qui  furent 
rendus  sans  rançon,  eu  vertu  d'un  traité. 
Or,  ce  fait  ne  s'applique  qu'à  l'expédition 
de  i63r.  En  i63o,  tous  les  captifs  remis 
en  liberté  furent  rachetés  à  des  particuliers 
de  Salé.  3"   Le  passage  «  sur  quoy  il  fera 

telle  raison  que  luy  plairra au   s''  Pa- 

laclie  qui  prêtent  avoir  advancé  xvj'^xlj"  » 
lend  à  j)niuver  que  la  rédaction  du  présent 
Document  comcide  avec  un  des  séjours  de 
David  Pallacheen  France, soit  ici  lesecond, 
décembre  i(33l-avril  lG32  (V.  supra.  Intro- 
duction critique,  p.  3(j4). 

3.   (^e  mémoire  n'a  pu  être  retrouvé. 

,'|.  Il  n'a  pas  été  tenu  compte  dans  cette 
iléduclion  des  cinq  sols.  Tous  les  calculs 
qui  suivent  sont  faux  et  les  erreurs  semblent 
devoir  être  attribuées  à  l'incapacité  du 
comptable. 


f\^C)  COMMENCEMENT     DE      |G,32 

une  pi'ouiesse  île  Ma/.et',  cuiisul  à  Sali.  Sur  laciiielle  il  convient 
desduire  le  quart  et  demy  que  Monseigneur  a  adjugé  aux  s"  de 
Razilly  et  Du  Challard  et  à  leur  équipage  pour  leur  droit,  suivant 
l'ordonnance,  qui  monte  vingt  md  quatre  cens  soixante  et  treize 
livres',  tant  en  argent  comptant  que  leur  part  de  ladicle  promesse. 

Partant  reste  au  profiît  de  Monseigneur  pour  ses  deux  quartz  et 
demy  trente-trois  mil  sept  cens  trente-quatre  livres  \  sçavoir  quinze 
mil  huict  cens  trenle  et  quatre  livres  en  argent  et  dix-huict  mil 
cinquante  livres*  sur  la  promesse  de  vingt-huict  mil  huict  censquatre- 
vingtz-quatre  livres  dudict  Mazet. 

Et  ce,  oultre  six  livres  douze  onces  d'or  qui  sont  entre  les  mains 
du  s'  de  La  Traverciere",  qui  valent,  à  raison  de  xxxvij  "  l'once, 
quatre  mil  cent  soixante-seize  livres\  et  sa  part"  de  trois  mil  sept 
cens  soixante  et  dix  livres  en  marchandises  qui  ne  sont  encores 
vendues,  oultre  les  amandes:  sur  quoy  il-  fera  telle  raison  que  luy 
plairra  au  s'  chevallier  de  Razilly,  qui  prêtent  avoir  advancé 
xiiij'  Ixviij  **  et  au  s''  Palache  qui  prêtent  avoir  advancé  xvj"  xlj  ";  et 
sa  part  de  ce  qui  se  recouvrera  du  Roy  des  x'"  v'  xxviij  "  fournis 
pour  les  esclaves  et  les  iraiz  faictz  en  Barbarie. 

Archives  des  A(J'aii'es  Etram/h'es.  —  (Correspondance  consalnire.  — 
Maroc,  vol.  I.  —  Copie. 

1.  Surceltepromesse,  V.p.392  etnole^.  5.   La    Travcrciirc,    cominissairo    ordi- 

2.  Erreur;  la  somniee\acte serait  3i)32-         nairc  de  la  Marine. 

livres  12*°'^, 5.  6.   Celle    conversion     semble    erronée, 

3.  Erreur  ;  la  somme  exacte  serait  comme  les  calculs  précédents.  Si  l'on  ad- 
33  879"  7'*°'*. 5.  met   que  l'once  était   la   il)'"   partie   de   la 

II.  Ces  deux   évaluations  sont  inexactes,         livre,  le  résultat  serait  3  ygG  livres. 
et  leur  total  ne  correspond  pas  à  la  somme  7.   5(i  pari,  la  part  de  Riclielieu. 

à  répartir.  8.    II.  le  cardinal  de  Richelieu. 


RATIFICATION     DU     lUVITE     PU     2.^     SEPTEMBRE     I  63  I  '|.>7 


LXIII 

RATIFICATION  1)1    TKMTÉ  DU  a/i  SEPTEMBRE  i63i 

S'  Gcrrnaiii-fii-Lavc,   i  •.'.  avril  ifij'i. 

Louis,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France  &  de  Navarre. 
A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront. 

Comme  ainsi  soit  que  tiovis  ayons  cy-devant  donné  pouvoir  & 
commission  à  nos  cliers  iS;  bien  amez  les  sieurs  chevalier  de  Razilly 
>S:  Du  Clialard,  capitaine  garde-cosle  de  nostre  province  de  Guyenne 
&  gouverneur  de  la  Tour  de  Cordouan,  pour  Iraitci'  iSc  convenir 
d'une  bonne,  seurc  i\  durable  paix,  entre  nous  >.V  très-haut,  très- 
excellent  &  très-puissant  pi'ince,  nostre  cher  >S:  bon  aniy  l'empereur 
de  Nlaroc(pie.  roy  de  Fez  \  de  Suz,  \  les  subjets  des  deux  cou- 
ronnes :  \  (pi'eri  conséquence  dudit  pouvoir,  lesdits  sieurs  de 
Razilly  iN;  Du  Clialard  ayent  coiiclinl.  arresté  &  signé  avec  ledit 
empereur,  le  2:^.  jour  du  mois  de  septembre  dernier,  le  traitté,  dont 
coppie  est  cy-attachée  sous  le  contre-seel  de  nostre  chancelerie, 
pour  l'eslablissement  de  ladite  paix  : 

Nous,  a^ans  vcii  \  i'\aiiiiii<'  de  mot  à  mot  en  iiosliç  Conseil  tous 
À;  chacuiis  les  articles  dudit  trait  té.  avons  iceux  agréez,  approuvez 
ik  ratifiez,  iS;  par  ces  présentes  les  agréons,  approuvons  »S:  ratifions, 
promettant  en  loy  ik  parole  de  roy  de  les  garder  &  observer  de 
poinci  en  poinct,  selon  leur  l'orme  &  teneur,  en  ce  qui  nous  regar- 
dera, sans  y  contrevenir,  ny  souil'rir  de  nostre  part  qu'il  y  soit  con- 
trevenu en  aucune  manière  (jue  ce  soit.   Car  Ici  est  nostre  plaisir. 

En  lesnioiii  de  quoy  nous  avons  fait  mettre  nostre  seel  à  cesdites 
présentes. 

Donné  à  S.  (iermain-eii-I>a\c.  le  12.  jour  d'aMii,  l'an  de  grâce 
iG32,   \  (le  nosire  règne  le  22. 


[\'SSi  12  AVKiL   iGSa 

Signé  :  Louis,  &  sur  le  reply  : 

Par  le  Roy.  Boutliillier. 

El  sellées  du  grand  sceau  de  cire  jaune  sur  double  queue. 

Bibliothèque  Nalionalc.  —  ¥■=  de  Colhert.  Ms.  'iS3.  jj .  ^85  v'>-i86.  — 
P  laquelle'. 

Ihidcni.  —  Imprimés  Le- 1 .  Gazelle  de  France,  '20  janvier  IG'.iO,  p.  ^7". 

Ibidem.  —  Fond.f  françai.<:.  —  Ms.  23386,  ff.  286  v'>-287.  —  Copie 
du  XVII'  siècle. 

Ibidem.  —  A'ouvelles  acquisitions  françaises.  —  Ms.  70^'J.  jf.  330  v°- 
331 .  —  Copie. 

Archives  des  .Affaires  Elrantjères.  —  Maroc.  ■ —  Correspondance  consu- 
laire. Vol.  1.  —  Copie. 

Ibidem.  ■ —  Turquie.  —  Mémoires  et  Documents.  Vol.  2,  f.  261 .  — 
Copie . 

Bibliothèque  de  l'.Arsenal.  —  Ms.  ^767 .  (f.  135-13G\ 

1.  Sur  lo  tilro  de  nttf  2>lai|iii'tto,  V.  tk'  même  qup  la  plaqucitc  dos  V'  de  Col- 
supra.  p.  iii.  note  4-  Cet  imprimé  doit  Iwrt,  est  consacré  exclusivement  a>i\  traites 
être  considéré  comme  la  publication  offi-  avec  le  Maroc  et  a  comme  elle  le  carac- 
ciellc  des  traités.  Elle  fut  faite  d'après  des  tère  d'une  publication  onîcicllc.  Cf.  infra. 
copies   envoyées  au  cardinal  de   Ricbelieu  p.  bi)~ ,  note  V 

par  Du  Cbalard.  'A.   (>'est    la    même   plarpiellc    rpie    celle 

2.  Ce  numéro  de  la  Gazelle  de  France.         dont  il  est  parlé  tlans  la  note  i. 


MERCLElli     IKANÇOIS  liSg 


LXIV 

MERCURE  FRANÇOIS 

Baptême  d'un  imisulmnn  marocain. 

13  avril  i633. 

En  marge:  Barbare  de  Maroc  baptisé. 

Le  commandeur  de  Razilly,  au  retour  de  son  voyage,  avoit  amené 
en  France  un  Barbare  du  royaume  de  Maroc,  avec  les  prisonniers 
chreslions  racbetez  par  Sa  Majesté,  (ie  Barbare  receut  le  sacrement 
de  liaptcsme  le  lundydouziesmc  d'avril,  en  l'ej^lise  des  Capucins  du 
faubourg  Sainct-Jacques  à  Paris,  par  l'arcbevescjue  de  ladite  ville. 
Le  sieur  de  Gondy,  prestre  de  l'Oratoire,  luy  servit  de  parrin". 

IHhliothèque  \ationalc.  —  Imprimés.  Lb'"'  7.  —  Mercure  François, 
t.  18.  V  partie,  p.  76. 

I.    V.  infra.  Doc.   I^XWIU.  p.  '|8(j,  li'  1'.  l'ranrois  d'Angers.   Il  est  possible  qu'il 

récit  d'une  conversion  absolument  identi-  v  ait  eu  une  confusion  ot  que  ce  soit  lors 

qu<?  d'un    «  Barbare  »   du    Maroc  dans  la  du   voyage    de    l63o   que    fut    ramené    en 

relation  du  vovagc  de  iG,35  donnée  par  le  tVance  ce  «  Barbare  ». 


44o  12    JUIN     l632 

LXV 

COMPTES  DE  LA  MARINE  DU  PONANT' 

(Extrait.) 

12  juin  1032. 

Recepte 

Dudicl  sieur  tie  (jiiencgauil"  C(Mii|)laiil  en  celle  \ille  de  l'ari.-^.  par 
autre  quicfance  dudict  Le  Comte  dudiet  jour  xii'  juin  [632.  la 
somme  de  trois  mil  t|uatrc  cens  qualie-viiiirls  livres  douze  sols  or- 
donnée pour  employer  :  Assavoir  ui^'  iii'^  iiii'^^  wi**  pour  dellivrer 
au  s'  Du  Cliallart,  capp"''  du  navire  nommé  «  La  Uenommce  », 
qui  a  faict  le  voyage  de  Marok  en  l'année  dernière  par  le  comman- 
dement de  Sa  Majesté,  pour  son  rembourceinent  de  la  nourriture 
par  luy  advancée  de  ses  deniers  à  vi^'*  xv  hommes  esclaves  qu  il  a 
retirez  de  Salle  et  dudict  Marok  pendaiil  son  voyage,  seavoir  : 

xiiii'^  nii^'^  xix"  vin  s.  pour  xlii  hommes  depuis  le  premier  aoust 
jusques  au  vin''  novembre  dernier. 

xviii*^  ini"*^  xvii"  un  s.  pour  nii''^  xiii  hommes  depuis  le  xx''  sep- 
tembre jusques  au  XXVII*  novembre,  qu  ils  ont  esté  desembarquez 
à  Auray,  à  raison  de  vi  s.  chascun  par  jour. 

Et  iiu'^-''  m"  VIII  s.  pour  les  frais  dudict  comptable. 
Cv.      ...      : in^'  iiii*^  iiii'^^  11.  XII  s. 


Bibliothèque  Nationale.  —  Fonds  Français.  —  .Ms.  ll3l'J\J.  S  v\  — 
Orirjinal. 

1.  Les  calculs  du  prcscnl  compte  «ont  3.  Ce  manuscrit  est  intitulé:  Estnt  nu 
tous  inexacts  ;  celui-ci  est  raturé  en  entier.  tiray  de   la   recopie  et  despence  faicle  par 

2.  Gabriel  de  Guenegaud,  sieur  dudit  M' François  Le  Conte,  con''' du  Roy.  trésorier 
lieu  et  du  Plessis  Belleville,  conseiller  du  ycneral  de  la  marine  de  Ponant,  pour  Vexer- 
Roy  et  trésorier  de  l'Epargne,  mort  le  0  cice  de  fonction  de  sa  charcjc  durant  l'année 
février  i638.  .1/  IV  trente-deux. 


LETTRE     DE    .ICLIEN     DU    PUY     A     DU    CHALARD  '| 'l  I 


LXVI 

LETTRE  DE  JULIEN  DU  PUV  A  DU  CHALARD 

//  s'est  plaint  à  dwerses  reprises  de  la  mauvaise  gestion  de  Mazet  et  de 
lioiirrjaronne.  —  Arrivée  en  rade  de  S"  Croix  de  deux  tartanes  proven- 
çales à  destination  de  Saji.  —  Les  Maures  les  ont  capturées  sous  pré- 
texte qu'elles  étaient  portugaises.  —  Réciamation  des  matelots.  — 
Moulay  elOiialid  se  prétend  trompé  par  Louis  XIII  ijui  le  lai.'fse  sans 
répon.n'  depuis  la  conclusion  du  traité  de  id.'i / .  —  Du  Puy  n  répliqué  que 
la  paix  avec  le  Maroc  avait  été  publiée  en  France  et  que  primitivement 
l'oli/et  de  sa  mission  était  d'apporter  au  Cliérif  avec  David  Pallache  la 
ratification  du  traité  par  le  Roi.  —  Pallache,  pendant  son  ambassade,  a 
été  traité  avec  de  grands  égards,  mais,  comme  il  n'est  pas  revenu  au 
.Maroc  avec  les  lettres  de  ratification  dont  il  était  porteur.  Du  Puy  <i  demandé 
au  Chêrif  l'autorisation  de  retourner  en  France  pour  ej-pliqiier  la  situa- 
tion. —  Mazet,  qui  se  parlait  qarant  qu  avant  six  mois  le  (Shérif  recevrait 
toutes  les  .•<ati.^factions  qu'il  désire,  a  ccpembint  été  mis  en  prison  et  on 
lui  réclame  /O.  ooo  onces.  —  Du  Puy  appréhende  le  même  .<;orl  :  il  supplie 
Du  Chalard  d'intervenir  en  sa  faveur.  —  Si  Louis  XIII  ne  fait  pas 
porter  la  ratification  du  traité  par  un  envoyé  spécial,  tous  les  avantages 
obtenus  par  trois  ans  de  né(/(icialions  seront  compromis. 


Merrakcch,  a  février  i633. 

En  tclf.  alla  manu:  M  Du  l'uy  à  W  Du  Cluilard. 

Suscriptinii  :   A  Monsieur.   Monsieur   Du  (jlialard.  conseiller  du 
Iloy,   commissaire  provincial  des  guerres  en  Guiennc,  gouverneur 

I.   Ce  pcrsoiiiiagn,  sur  lequel  on  n'a  pu  ci-dessous,  élail  parti  pour  le  Maroc,  envoyé, 

trouver  d'autres  renseignements  que  ceux  par  Du  Chalard,  dans  le  courant  de  i63a. 

qui  sont  contenus  dans  la  présente  lettre  et  II  avait  pour  mission  de  retirer  les  sommes 

dans   quelques    autres   documents    publiés  ducs  par  Pierre  Mazet.  V.  pp.  Jio-5ll. 


4^2  2     FÉVRIER     1 633 

de  la    lour  de  Courdouan  et  cappitaine  du  vaisseau  du  Roy  «  la 
Renommée  »,  à  Paris. 


Monsieur, 

Par  trois  diverses  lettres  je  vous  ay  mandé  le  mauvais  mesnaige- 
ment  du  bien  d'aullruy  par  le  sieur  Mazé  '  et  Bourgaronne",  et 
comme  je  debvois  m'acheminner  à  Vlarrocq^  pour  tascher  de  tirer 
ce  que  je  pourrois  des  sommes  que  j'avois  à  recevoir'.  Pendant  ce 
temps,  il  y  est  arrivé'  deux  tartannes  avec  saize  hommes  dedens, 
lunede  Martegueet  l'aullre  de  La  Ciutat  en  Prouencc,  quivenoient 
de  Cannarie  pour  traitter  à  Saph>  . 

Atterrant  à  S"'  Croix,  le  calme  les  priiil  :  ailandanl  le  vent,  ilz 
mouillent  l'encre  soubz  la  forteresse,  vo\anl  que  nous  avions  la 
paix.  Inconlinanl  i\  \  vient  de  terre  cinq  azabrcs"  plaines  de  Mores 
qui  abordent  Icsdittcs  tartannes  et  prennent  les  liouunes  avec  toules 
leurs  marcbandises,  dizantz  qu'ilz  csloient  Portugaiz.  Les  alcaïdes 
du  heu  en  Ijadbeiit  advis  au  Roy:  ces  pauvres  gens  en  escnpvent 
aussi  au  sieiu- Mazé,  duquel  ilz  esperoient  tirer  du  soulagement,  voyant 
qu  û  estoit  consul.  Le  sieur  Mazé  deniende  leur  hbertéet  maiidevée 
de  leurs  marchandises.  Le  roy  de  Marrocij  faict  response  que  nostre 
roy  c'est  mocqué  deluy.  voyant  qu'après  luy  a\oir  rendu  tous  ses  es- 
claves et  faict  tout  ce  qu'il  avoit  vouleu,  il  ne  luy  avoit  pas  faict  un 
seul  mot  de  response,  despuis  un  an  et  demi  que  nous  estions  par- 
tis de  la  radde  de  Sapiiv,  et  touschant  ce  More  delenuà  Alaltc',  ou 
aultres  dans  les  galleres  de  France.  Je  responds  que  la  paix  a 
esté  publiée  par  toute  la  France  cl  ([ue  je  n'en  estois  party  pour 
aulti  e  suject  que  pour  venir  avec  le  sieur  David  Paillasse  *  porter  la 
ratification  des  articles  de  la  paix  ;  qu'il' avoit  estéreceu,  satisfaict  et 
honnoré  plus  qu'homme  de  sa  condition  n'a  jamais  esté  en  lieu  du 
monde,  que  dans  les  despesches  que  ledict  Paillasse  avoit.  nostre 

1.  Ma;é.  Pierre  Mazet.   Sur  ce  person-  sur  les  côtes  du  Maroc, 
nage,  V.  Inlrodiici'ton,  Notice  biographique.  6.  Azabres,  zabra,  lougrc. 

2.  Bounjarenne.  Bourgaronnc.  Sur  ce  •}.  Ce  Maure  s'appelait  Sitli  cr-Regra- 
personnage,  V.  p.  434,  note  3.  gui.  V.  p.  4iA,  note  i. 

3.  A  Marrocq.  à  Merrakech.  8.   David  Paillasse.  David   Pallache.   V. 

4.  Sur  CCS  sommes,  V.  p.  3i)i,   note  4-  supra.  Introduction  critique,  pp.  Sgi-Sgô. 

5.  Il  y  est  arrivé.  Entendez  :  il  est  arrivé  g.  Qu'il,  c'est-à-dire:  que  David  Pallache. 


LETTRE     DE    .U'I.IKN     lU      PUY     A     DU     CHAL.VRD  f\!\3 

roy  iivoit  bailhé  response  non  sulenicnl  du  More  de  Malle,  mais 
aussi  de  toutes  les  choses  qui  pourroit  louscher  à  la  conservation 
de  cesle  paix,  et  que,  despuis  que'  le  sieur  Paillasse  ne  venoit  porter 
ni  n'envoioit  Li  ralilicalion.  que  le  Roy  me  bailliast  permission  de 
retourner  en  France  pour  le  faire  entendre.  Et  promist  le  sieur 
Mazé  que,  en  cas  que  le  roy  de  Marrocq  dans  six  mois  ne  reçoit 
tout  le  contentement  qu'il  pounoif  espérer  ou  soulieler.  ipi  il  nlTre 
sa  teste  à  sa  mercy. 

FjC  lendemain,  le  sieur  Mazé  retouinanl  |)()ur  avoir  mon  congé, 
(III  luy  redemende  les  choses  susdiltes,  il  redit  ces  raisons  et,  après 
plciisicurs  allées  et  venues,  on  luy  dict  de  la  part  du  l\oy  qu'il  eust 
à  payer  soizaiite-di\  mille  onces  pour  semblable  somme  qu  il  avoil 
receue  de  vous  en  marchandises  prinses  aux  Juifz  de  Handres,  et 
cepandant  prisonnier  piscpics  ,"i  IViitier  pa\('meiit  desdittes  sommes. 
Il  icspont  (pi  il  na  point  de  marcliandises  aux  Juifz.  que  les 
marchandises  receucs  de  \ous  apparlienncnt  au  Ro\ ,  sui\anl  qu  il 
se  \(iil  dans  la  coppie  de  sou  (ibligatioii,  et.  (|uandmesmes  il  \  au- 
roil  des  marchandises  de  la  priiisc.  il  ii  \  a  voit  lieu  de  luy  en  pou- 
voir licn  (ieiiiciider.  \o\aiil  ipi  il  est  dicl  dans  le  premier  article  de 
la  paix  cpie  toutes  les  choses  arriv('es  seroient  ouliliées  et  comme  si 
jamais  elles  n'avoient  esté,  tant  d'une  part  que  d'aultre'.  que  dans 
vostre  commission  il  estoit  porté  (pie,  à  la  supplication  du  ro\  de 
Marrocq.  le  navire  seroil  rendu  avec  tous  ses  apparaux  et  muni- 
tions de  guerre  \ 

Ses  raisons  ni  les  miennes  ne  servirent  à  rien.  Il  est  prisonnier, 
et  moyje  n'atlendz  que  l'heure  qu'on  m'entasse  aultant',  car  on  ne 
me  veult  pas  doiiner  mon  congé;  je  n  ay  personne  qui  fasse  pour 
moy,  et  les  personnes  ausquelles  vous  m'avés  recommandé  me 
causent  ceste  disgrâce.  Vous  considères,  s'il  vous  plaisl,  en  quel 
estât  je  suis,  et,  n'estoit  l'espérance  que  j'ay  en  Dieu,  et  que  ne  me 
laisserés  pas  de  la  fasson,  j'aurois  bien  lost  bailhé  empêchement 
aux  maux  qui  me  menassent  ^  si  Dieu  et  vous  ni  meclés  la  main, 

1.  Despuis  rjue,  mû&quc.  '\.   Los  craintL's  de  I)u  l'iiv  sn  rt'alisrrc^iit. 

2.  V.   ci-dessus,  p.  '107,  art.  I.  V.  injra.  p.  /l'uj,  note  5. 

3.  Il  n'est  pas  question  de  la  restitution  ,î.  Il  faut  sous-entendre  :  en  reniant  ma 
de  ce  navire  aux  Pallache  dans  la  commis-  foi.  C'est  ce  que  lit  Du  l'uy,  \  .  infra, 
sion  publi(;e  ci-dessus,  pp.  3(jç)-io2.  p.  .)u. 


'|^4  2    FÉVRIEK     l633 

car  ce  que  vous  avez  faict  en  trois  ans  est  perdu,  si  le  Roy  n'envoyé 
un  homme  exprès  pour  porter  la  ratification  desdictz  articles.  Le  roy 
de  Marrocq  l'entendent  ainsi,  et,  si  je  l'eusse  portée  ou  aultre,  pour 
moy  tout  alloit  bien  et  les  François  eussent  faict  tout  ce  qu'ilz 
eussent  vouleu  en  ce  pays.  Je  ne  puis  vous  mander,  pour  cause, 
les  traverses  qui  m'ont  esté  faictes  par  ceux  avec  lesquels  je  suis 
venu,  et  causées  par  leur  moyen,  alTin  d'éviter  à  payer  les  droictz, 
au  préjudice  du  Roy,  mesmes  à  noircir  vostre  réputation  parleurs 
calomnies  publiques.  Dieu  me  faira  la  grâce  de  les  vous  reciter  en 
leur  présence  et  qu'en  tirerez  le  cliastiment  deub  à  des  personnes 
qui  preierent  leur  interest  à  celuy  de  nostre  roy  et  de  ses  officiers. 
J'espère  tant  en  vostre  bonté.  Monsieur,  que  vous  me  delivrerés 
de  ce  pays  icy,  ce  qui  est  impossible  de  l'aire  sans  un  homme  ex- 
près de  la  part  du  Roy.  Je  vous  conjure,  par  l'Iionneur  et  obéissance 
que  je  vous  doibz,  que  ce  soilcest  esté  prochain,  aultrement  je  n'en 
sortirai  jamais. 

Je  suis  après  pour  iau'C  sortir  le  sicur  Mazé.  faisant  dire  au  Roy  : 
qu  il  fist  de  luy  tout  ce  qu'il  luy  plairroit,  si  dans  six  mois  il  n  y 
avoit  un  homme  exprès  de  la  pari  de  nostre  roy  pour  apporter  la 
ratification  desdictz  aiiicles  et  response  touschant  ce  More  de 
Malle,  et  cepandant  qu'on  nous  laissast  ces  marchandises  jusques 
audict  terme  de  six  mois  expiré,  et  que  après  il  fist  tout  ce  qui  luy 
plairroit  de  nous,  et  aussi  qu'il  fist  mettre  en  main  assurée  les 
marchandises  et  hommes  de  ces  tartannes  jusques  audict  temps 
de  six  mois.  C'est  pourquoy.  monsieur,  nous  sommes  tous  per- 
dus à  jamais,  si  vous  n'avez  pitié  de  nous  et  si  le  Roy  n'envoyé  un 
homme  exprès  pour  porter  laditte  ratiffication. 

Et,  en  attandant,  je  prierai  Dieu  pour  l'accomplissement  de  vos 
justes  souhelz  de  la  mesme  fasson  que  je  doibz  estre  à  jamais, 

Monsieur, 

Vostre  très-humble  et  très-obeissant  serviteur, 

Sifjné  :  Dupuy. 
De  Marrocq,  ce  deux  febvrier  i63.3. 

Archwes  des  Affaires  Élranij'eres.  —  Muroc.  —  Correspondance  consu- 
laire, \  ol.   I .  —  Oriijinal. 


MEMOIRE    nr.    p.    DU    CIIAIAIU) 


/i45 


lAVlI 


MK.MOIKI::  DK  P.   DL  CIIALAIlL) 


fJste  des  dépèches  à  préparer  en  vue  d'une  ne'gncialion  avec  le  (Shérif. 


[Entre  avril  et  septembre  i(i3.'i'.| 


E/i  le'Ie.  (i/id  iiKinii  :  MciiiDirc  tic  M'  Du  (iliahirl  (oucliaiil 
do  Maroc.  —  it).'i3. 


lia  II  lé 


Les  lettres  |)alleiilps  de  la  ratifTicalioti  do  la  paix  d Ciili'e  le  Roy 
et  le  roy  de  Mairocq,  avec  la  coppie  des  articles  attachés  soubz  le 
contresel. 

Les  depesclies  nccessaii'os  sui-  ce  sujet  du  lîoy  au  roy  de  Mar- 
rocq,  auscpiellos  sera  adjouslc  la  plainte  que  laira  le  Roy  de  David 
Palachc  d'avoir  retenu  ladicte  ratiirication  et  autres  depesches  de  Sa 
Ma'  aiultt  roy  de  Marrocq,  et  de  ce  qu'au  préjudice  de  ladite  paix 
ledit  roy  do  Marrocq  a  faict  emprisonner  Pierre  Mazet.  consul  de  la 
nation  françoyse  estably  de  la  part  de  Sadicte  Ma"  audict  Marrocq 
et  à  SalTy,  et  de  ce  qu'il  a  faict  saisir  et  arrester  aussy  le  s'  Du  Puy  ^ 
envoyay  audict  Marrocq  pour  rctyrer  les  (>ITec(z  laisses  audict  Mazet 
par  les  s"  commandeur  de  Razilly  et  Du  Chalard,  dont  Sa  Ma"'  de- 
mandera la  liberté  ci  main  le\ée,  comme  aussv  de  tous  les  autres 


I .  Le  présent  mémoire  a  été  rédigé  après 
la  réception  de  la  lettre  de  Julien  Du  Piiy 
à  P.  Du  Clialard  à  laquelle  il  répond  point 
par  point(V.  Doc.  précédent,  pp.  l\'-\i-l\l\l\)- 
Or  celte  lettre,  datée  du  2  février,  dut  arri- 
ver en  France  au  plus  tard  eu  avril.  D'autre 
part,  il  vise  une  mission  au  Maroc  qui  fut 
confiée  par  la  suite  au  capitaine  Cabiron. 
Or  celui-ci,  mandé  d'Angleterre  à  cet  effet 


par  Louis  XIII,  rejoignit  le  Uoi  à  Nancy 
dans  le  courant  de  septembre.  V.  iiij'ra. 
Doc.  LXIX.  p.  /|Gi. 

2.  L'arrestation  de  Du  Puy  n'est  pas 
annoncée  dans  la  lettre  de  ce  personnage 
qui  la  présente  seulement  comme  immi- 
nente (V.  p.  /i43).  La  nouvelle  en  dut  par- 
venir en  France  très  peu  de  temps  après 
celle  de  l'emprisonnement  de  Pierre  Mazet. 


!\!\{]  ENTRE     AVRIL    ET    SEPTEMBRE     l633 

iiiarcliaiis  liaiiçois  cl  de  leurs  hieiis  el  uiarcliaiiclises  priiiscs  par 
ledict  roy  de  Marrocq  ou  ses  siigetz  à  Salle,  S'"  Croix,  Tuluan,  Saffy 
et  autres  lieux  de  la  coste  d'AlTrique  despuis  ledicl  Iraitté  de  paix, 
uayanl  esté,  de  la  part  de  Sa  Ma'  ny  de  ses  sugelz,  esté  en  rien 
contrevenu,  ainsy  que  le  s'  Destouches  ',  l'un  des  exemptz  des  gardes 
de  Sa  Ma'",  fera  plus  expressément  entendre  audict  roy  de  Marrocq, 
auquel  sera  donné  créance. 

Une  lettre  du  Roy  à  M"^  le  Grand  Maistrc  de  Malte,  par  laquelle 
Sa  Ma'"  le  priera  très-affectueusemenl  de  donner  la  liberté  au  mo- 
rabit  Sidy  le  Regragry  quy  est  dans  les  galleres  de  la  Relligion. 

Et  une  autre  lettie  à  M''  le  gênerai  des  galleres  de  France,  par 
lesquelles  Sa  Ma'"  luy  ordonnera  de  mettre  en  liberté  les  Mores 
quy  sont  sur  ses  galleres,  dont  le  roy  de  Marrocque  envoyera  les 
noms. 

Sera  prins  garde  qu'il  fault  mettre  soubz  le  contresel  de  la  ratif- 
fication  les  deux  coppies  des  articles  de  la  paix,  tant  de  ceux  acordés 
par  le  Roy  au  roy  de  Marrocq  que  des  autres  acordés  par  ledit  roy 
de  Marrocq  à  Sa  Ma"',  el  (pie  lesdiles  coppies  soient  signées  en 
bonne  forme. 

Arcliii'c.s  lies  Alfdircs  hlni/i'icrca.  — Muror.  — Corrcspomlance  cunsu- 
liilrc.  \'iil.   1.  —  ()ri(/in(il  (iiihii/niphe. 

I.  Cn  pprsonnai^o  aiiijiiul,  (iaprrs  1(^  pri'-  du  Maroc  i'iil  rt'iiiplaci'  par  le  capitaine 
seul  Mcmoirc,  devait  ctrc  coiificc  la  mission         Cahiroii. 


RELATION     D  WTOINF     CABliiON  Ai 


aa7 


LWIJI 
RELATION  D  ANTOINE  CA13IR0N 

Voyage  de  Antoine  dihiron  au  Maroc. 


Paris,  y  juillot  i034. 

Au  dos,  alia  manu  :  Relation  du  voyage  dAnloinc  Cal)iron. 

En  télé  :  Abrégé  de  ce  que  je.  Anthoinc  Cahiron,  laporle  au  Roy 
et  Nosseigneurs  de  son  Conseil  du  \uyage  que  j'ay  lait  à  Marroc 
pour  son  service  depuis  le  6  dec.  i633  jusques  au  dernier  avril 
i634. 

.le  partis  de  La  Rochelle  le  vj''  decembi-e  de  laïuiéc  ni\j'  trente- 
trois,  et  alis  niouillci'  en  la  lade  de  Sailis  en  Barbarie,  le  xij'  du 
mois  de  février  de  l'année  nivj'  trente-quatre,  et  le  mcsnie  jour 
escrivis  au  gouverneur  de  Saflis  (juil  envoyât  au  roy  de  Marroc 
mon  arrivée- aA'ec  lettre  de  Sa  Mag"'  Très-Crestiene,  pour  luy  don- 
ner (;n  mains  propres,  et  qu'il  m'envoyai  lettre  de  surette  j^our 
dessendre  à  terre,  demeurer  en  icelle  et  pouvoir  de  me  rembarquer 
avec  mon  serviteur. 

Le  xxiij'  ladite  lettre  d'asseurance,  interpiettée  par  Jean  Daniel, 
marchant  anglois,  me  l'eust  envoyée  à  bord,  laquelle  fcust  faulce- 
mcnt  inlerprettée,  comme  sera  dit  sur  la  Wn^.  et  le  mesme  jour 
desscndis  à  terre  aud'  Saflîs. 

Premièrement',  que  le  royaume  de  Marroq  est  administré  par  de 

I.   On  remarquera  la  concordance  entre  compte  pour  une  gratification, 
la  présente  relation  elle  Compte  d'Antoine  i.  Mon  arrivée,  pour:  la  nouvelle  de  mon 

Cabiron  publié  ci-dessous,  pp.  4Gi--'i70.  Il  arrivée, 
est  intéressant  de  noter  que  tous  les  per-  3.  V.  p.  ^69. 

sonnagcs,   petits   et  grands,   avec  lesquels  li.  11   faut   supposer   qu'il    v    a   Ici   une 

Cabiron    entre   en    rapport    figurent    à   ce  omission  dans  la  rédaction. 


/(/(S  ()    JUILLET     in.V) 

gens  noiivelernaiil  vt-iius  eu  de  dignités  qui  surpassent  leurs  onten- 
demans.  et  (|ui.  sans  considération  de  prévoir  les  choses,  ne  vizent 
qu'à  lobjet  de  leur  bénéfice  particulier.  Et  que  despuis  quelque 
temps  ils  ont  fait  lumber  en  disgrâce  l'amin  Eudjarq',  qui  avoit 
moyené  le  traitlé  de  paix  d'entre  le  Ftoy  Très-Crestien.  par  l'enler- 
inize  de  messieurs  de  Razilly  et  Du  Challai'd,  et  le  roy  de  Marroq. 
d'autant  qu'il  avoit  pour  lors  l'administralion  des  alTeres.  Et, 
comme  Moyse  Pallaclie,  Juif,  estoit  desja  introduit  de  longue  main 
et  pryvoit  envers  ledit  roy  de  Marroc^,  lesdits  nouveaux  venus  se 
servirent  de  luy,  (jui.  par  ses  artiffices,  sintroduisoit  effrontément  à 
touttes  heures  devant  iceluy  roy,  duquel  il  fezoit  jouet  à  sa  volonté. 
Les  propositions  duquel,  bonnes  ou  mauvaises,  ils  fezoient  pas- 
ser, et,  faizans  ainsy  leurs  bénéfices  particuliers,  ruynoient  d  hon- 
neur ledit  roi  de  Marroq  et  le  rendoient  odieux  envers  son  peuple, 
et  par  ce  moien  tous  les  jours  Testât  dudit  pays  aloit  en  décadence. 
Ne  voyans  aulcun  remède  pour  esviter  tel  desordre  et  remettre 
les  afferes  en  bon  estât,  qu'en  faizant  ciioir  ledit  Pallaclie  en  don- 
nant à  entendre  au  Roy  (piil  estoit  grandemant  par  lui  abbuzc,  et 
que  l  alcaïde  llaya  Agena^  et  autres  antiens  servitouis  de  la  maison 
pi'endroient  l'occasion  au  poil  pour  le  mettre  bas,  et,  pour  parvenir 
à  tel  effect,  ils"  me  conseilloient  de  mettre  mes  afferes  ez  mains 
dudit  alcaïde,  à  qui  ledit  roy  defferoit  plus  qu'à  tous  ;  que  je 
pouvois  entreprendre  cela  sans  crainte,  et  que  j  aurois  Dieu  et  le 
peuple  pour  moy,  lesquels  n  attendoient  que  mon  acheminemant  à 
Marroc  pour  prendre  chescun  un  loj)pin  dudict  Juif  et  le  manger, 
tant  estoient-ils  acharnés  et  vrrités  contre  luv  :  et  que  cela  seroit  le 

t/  vie 

vray  acheminemant  pour  restablir  le  négoce  et  continuation  de  la 
paix  qui  avoit  esté  traitlée  ;  que  le  roy  de  Marroq  estoit  fort  repen- 
tant d'avoir  si  laschemant  rompu  ledit  traitté.  et  en  fezoit  de 
reproches  tous  les  jours  audit  Pallaclie,  et  que  sans  faute  ils 
croyoient  qu'il  restitueroit  tant  les  François  qui  estoient  détenus 
en  ses  mains  que  leurs  biens,  et  que  tout  ce  qui  estoit  arrivé  contre 

1.  L'amin  Einbart],    On   donne    le    titre        c'est-à-dire  ;    ut   était    dans   l'intimité    du 
d'aniin  à   un   grand   nombre  de  fonction-         roi  du  Maroc. 

naircs  et  à  tout  personnage  chargé  d'une  3.    ffnya  Atjena.  Sur  ce  caïd,  V.  p.  353, 

mission  oITieiolle.  note  i . 

2.  i'(  pryuoil  ciii'crs  ledit  roy  Je  Marroc,  !i.   Ils.  Ce  sujet  reste  indéterminé. 


RELATION     DANTOINE    CABIKON  /j^Q 

les  François  audit  pays  estoil  par  lindustrieuze  malice  des  Palla- 
ches,  qui  pensoienl  avoir  truvé  une  douce  saignée  envers  les  Fran- 
çois, comme  avoient  envers  messieurs  les  Estas  d'IIolande,  lesquels 
ils  avoient  sy  longtemps  abuzés  et  fczoient  encores'.  Tout  ce  des- 
sus' recuUis,  avec  beaucoup  plus,  de  diverces  personnes,  et  l'injuste 
emprisonnemant  et  mauvais  traittemant  qu'avoit  receu  Pierre 
Mazet,  consul  des  François  audit  pays  %  et  de  plusieurs'  qui  sestoient 
renyés  par  force  de  lourmens.  Leur  demandai  s'ils  savoient  le 
nombre  des  François  qui  estoient  captifvés  despuis  ledit  traitté  de 
paix  audit  pays,  dirent  que  audit  Marroc  estoient  environ  vingt 
personnes,  et  à  Salles  plus  de  trois  cens,  et  tous  les  jours  en  adve- 
noient  beaucoup. 

Le  iij'  jour  de  mars,  partis  de  Saiïis  pour  Marroq  acompaigné 
des  principaux  alcaïdcs  du  Roy,  et  arrivâmes  le  vj"  dudit  audit 
Marroc,  où,  estant  arrivé,  feuz  vizité  par  les  alcaïdes,  oii  y  eust 
plusieurs  demandes  et  responces  touchant  ledit  voyage. 

Lesdites  demandes  et  responces  ayans  esté  laites  et  partie  diecux 
retirés,  s"  Anthoine  Mariât  et  Robert  Picfort,  marchans  anglois, 
dirent  que  sans  doubte  le  roy  de  Marroq  seroit  fort  comptant 
de  sçavoir  la  vérité  de  l'aficre  pour  lequel  ledit  Cabiron  ■\enoit,  et 
estoit  fort  fâché  que  les  alTeres  se  feussent  ainsy  altérées  par  la  lan- 
gue serpentine  dudit  Pallache,  qui  l'avoit  porté  à  cela.  Et  le 
dépeignirent  pour  un  très-mcschant  homme,  cnnemy  juré  des 
Crestiens  et  particulieremant  de  la  nation  françoise,  et,  pour  mons- 
trer  la  malice  pernicieuze  qu'il  a  dans  l'àme,  quelques  jours  après 
l'emprisonnement  de  Julien  Du  Puy  '  et  Pierre  Mazet,  ledit  Pallache 
vint  disner  avec  eulx,  et.  parlant  de  ce  qui  estoit  advenu  aux 
François,  dit  que  cela  estoit  procédé  de  sa  teste,  et  qu'il  pre- 
noit  vengence  de  l'ofTence  que  tant  luy  que  son  frère  avoient 
receu  des  François,  et  particulieremant  de  messieurs  de  Kazilly  et 
Du  Chalard  ',  en  la  personne  de  ses  serviteurs,  et  que,  s'il  tenoit  les 

1.  Sur  la  (liiplicitc  ilrs  Pallache  clans  les  Mazet,  V.  supra  p.  Sgi  et  note  7. 
n<5gociations   des   Étals-Généraux    avec    le  ti.  Et  de  plusieurs...  Entendez:  et  l'om- 
Chérif,  V.  /'■' S^rie,  Pays-Bas,  passi'm et spc-  prisonnemcnt...  de  plusieurs... 
cialcmcntt.  III,  Journal  de  liuyl  1622-1626.  5.   Cf.  la  lettre  de  Du  Puy  à  Du  Clialard, 

2.  Hccutlis  pour:  je  rccuUis.  pp.  ^f{i-t\lifi. 

.3.   Sur  l'arrestation    du    consul    Pierre  (i.   Allusion  à  la  j)ris(!  faite  par   lla/illj 

De  Castries.  111.  —  2g 


!^bo  9  JUILLET   i63/i 

mestres,  il  en  feroit  bien  pix  et  à  tons,  tant  de  François  qni  tumbe- 
roient  en  ses  mains  ;  que,  quand  il  eust  advis  de  la  venue  dudit 
Cabiron,  il  feist  jouer  touttes  sortes  de  ressortz  pour  garder  qu'il 
ne  dessendit  en  terre,  prenant  prétexte  que  c'estoit  fere  mespris  du 
Roy  de  luy  envoyer  un  cuysinier  et  qu'on  luy  devoit  avoir  envoyé 
quelque  seigneur  qualifBé,  conforme  à  son  mérite,  que  allors  luy 
feust  respondu  par  l'un  des  alcaïdes  qu'ils  cognoissoienl  ledit 
Cabiron  de  sy  long  temps,  venu  capitaine  dans  un  navire,  et  avoit 
rezidé  et  traitté  en  la  terre  plusieurs  années,  et  prioient  au  Roy  de 
l'envoyer  quérir,  et  que  ce  n'estoit  pas  peu  de  recebvoir  une  lettre 
du  roy  de  France  ;  et  que  le  Roy  avoit  commandé  qu'on  envoyât 
quérir  ledit  Cabiron  avec  une  escorte  de  gens  de  clieval,  pour  le 
conduire  à  Marroq. 

Le  xij'  jour  de  mars,  après  avoir  balancé  touttes  les  raizons  que 
j'avois  recully  de  tant  de  personnes,  et  mis  en  considération  les 
mémoires  que  j'avois  de  Sa  Ma"",  et  entre  autres  l'article  par  lequel 
m'ordonne  de  fere  entendre  au  roy  de  Marroc  la  vérité  de  l'aflere  et 
mescliancetté  desdits  Pallaclies,  prins  resolution  de  recuzer  tous 
les  Juifs,  et,  pour  avoir  plus  de  jour  en  l'aCTaire,  présenter  la  lettre 
qui  fait  mention  du  duplicata  du  traitté  de  paix^  pour  en  cas  que 
le  roy  de  Marroq  feust  en  volonté  de  demeurer  aux  termes  desdits 
articles,  et,  ne  les  voulant  acepter,  les  raporter. 

Le  xiij"  jour  du  mois  de  mars,  environ  trois  heures  après  midy, 
le  roy  de  Marroq  m'envoya  appeller  par  un  de  ses  huissiers,  qui  me 
conduit  à  l'iVlcassave',  au  Grand  Mechouard'*,  où  résident  les  gardes 
du  corps  du  Roy  et  oii  l'alcaïde  Ileya  Agena  me  vint  prendre  par 
la  main,  à  qui  ayant  fait  les  submissions  requises,  luy  dis  que 
le  Roy,  mon  seigneur,  m'avoit  envoyé  vers  luy  pour  luy  porter  la 
lettre  que  luy  presentois,  lequel  le  saluoit  avec  toutte  affection. 
Il    respondit    que  j'estois   le    bien    venu  et  qu'il  estoit  bien  aise 

et  Du  Chalard  d'un  navire  appartenant  aux  3.  L'Alcassave,  la  Kasba. 

Pallache.  V.  supra,    pp.  3qi-3ç^2. 

1.  Ces  mémoires,  ou  plutôt  ces  instruc-  ^-  '^I^chouarJ,  mechouar  jl^^t,  cour 
lions,  n'ont  pu  être  retrouves.  ouverte  où  le  Clurif  tenait  son  conseil  et 

2.  Du  duplicata  du  traitté  de  paix.  Il  faut  donnaitses  audiences.  Ily avaitdeuxempla- 
cnlendre  :  du  duplicata  de  la  ratification  du  céments  affectés  à  ces  séances,  et  on  les 
traité  de  i63i.  V. supra,  Doc.  LXIII.  p.  !t3~,  appelait  le  Grand  et  le  Petit  Mechouar.  V. 
et  infra,  p.  454,  note  i.  infra,  p.  45i,  et  p.  465,  note  i. 


RELATION    d' ANTOINE    CABIRON  45  I 

d'entendre  de  nouveles  du  roy  de  France.  Et  ordonna  à  l'alcaïde 
Heya  de  prendre  ladite  lettre,  que  je  luy  donnis  dans  une  bource 
de  satin  incarnat  brodée  d'or,  et,  ayant  fait  un  peu  de  silence,  luy 
dis  que  j'avois  ordre  du  Roy,  mon  seigneur,  de  prier  Sa  Mag'° 
Imperialle  de  ne  souffrir  que  aulcun  Juif  feust  interprette  de  sa 
lettre  ny  s'entermisscnt  en  ses  affaires,  sinon  de  Mores.  Ce  que 
luy  feust  refferé  par  Moyse  Pallache,  qui  servoit  de  trucheman, 
lequel  vint  blesme  et  pensa  mourir  de  honte,  car  il  ne  s'attendoit 
pas  cela.  A  quoy  le  Roy  rcspondit  qu'il  seroit  fait  ainsy  que  je 
requerois.  Et  ainsy  bailla  les  lettres  ez  mains  dudit  alcaïde  Heya, 
avec  ordre  de  les  fere  interpréter  par  Talbe  Hemed  Belcassem  et 
l'alcaïde  Morat  François',  lesquels  après  je  fcuz  viziter  et  les  priay 
de  ponctuellement  traduire  ladite  lettre,  et  (pie  je  les  gralifficrois. 
Le  x\'  dudit  mois  de  mars,  le  Roy  m'envoya  derechef  apeller  à 
une  gallerie  qui  est  entre  le  Grand  et  le  Petit  Mechouard,  servant 
de  parloir.  Là  vindrent  ledit  alcaïde  Heya,  en  compagnie  de  l'al- 
caïde Morat  et  Talbe  Hemed  Becassem.  Lequel  caïde  Heya  dit 
audit  Cabiron  que  le  roy  de  Marroq  avoit  fait  interpretter  la 
lettre  que  le  roy  de  France  luy  avoit  envoyé,  par  laquelle  avoit  veu 
qu'il  fezoit  de  grandes  plaintes,  particulièrement  sur  ce  que  David 
Pallache.  juif,  n'avoit  pourté  les  despechcs  que  luy  avoient  esté 
baillées  en  France",  ny  la  ratifflcation  de  la  paix,  le  double  de  la- 
quelle il  m'avoit  baillé  pour  fere  voir  au  roy  de  Marroc  ;  et  que 
ledit  roy  de  Marroq  disoit  que  le  roy  de  France  avoit  grand  tort 
d'avoir  conflé  à  un  Juif  une  chose  de  sy  grande  importance  ;  que, 

I.  Ce   caïd    était   un   renijgat   français,  l'agent  anglais  Robert  Blakc  qui  l'engageait 

«  hombre  de  muy  buenas  prendas  »  dit  le  à  livrer  la  place  à  l'Angleterre  (V.  Ibidem  et 

P.  Fb.  DEL  Puerto  (p.  462).  Jean  Marges  z"  Série,  Angleterre,  3i  décembre  i638). 

qui  le  qualifie  de  «  grand  bascha  et  gcnc-  Il  ne  faut  pas  confondre  Morat  Françoisaveo 

rai  de  l'armée  du  Clierif  »  dit  qu'il   était  Murât  Raïs  le  renégat  hollandais  qui  était 

originaire  de  Marseille  et  «  affectionné  au  amiral  de  Salé  (V.  p.  Sog,  note  3),  ni  avec 

scr\ice  du  roi  de  France  ».  V.  p.  S^Q-  —  Morat  Genevois  (V.  p.  538  et  notes  i  et  a). 

n  signe  5  Sali  au  bas  de  la  rédaction  fran-  2.   Les  «  dépêches  baillées  à  Pallache  » 

çaise  du  trailé  du  18  juillet  i635  pour  en  étaient  la  lettre  pour  le  général  des  galères 

certifier    la    conformité     au    teste    arabe  do   Marseille  (V.    p.    .'|54),  celle  qui  était 

(p.  .'igi).  C'est  lui  qui  commande  le  ren-  adressée  au  Grand  Maître  de  Malle  pour  la 

fort  envoyé  par  le  Chérif  (i637-i638)  dans  mise  en  liberté  du  marabout  Sidi  er-Regra- 

la  kasba  de  Salé  (V.  Introduction  critique,  gui  (V.  p.  407)  et  très  probablement  une 

p.    197).  Il  aurait  repoussé  les  avances  de  lettre  pour  le  Chérif. 


Il02  9    JUILLET     l634 

le   roy  de  Marroq  n'avolt  point  envoyé  ledit  Juif  vers  le  roy  de 
France,    ny  ne  l'avoit  jamais   qualiffié   son  fidelle  ministre  ;  que, 
quand  l'embassadeur  de  France'  vint,  luy  feist  donner  sa  lettre  con- 
tenant response  à  celé  qu'il  avoit  porté  en  mains  propres,  et  que,  si 
ledit  Juif  en  avoit  porté  aulcune   autre,    elle    estoit    donc    faulce. 
Je   luy   respondis    que,    quand    monsieur    de    Moleres    feust  à 
Marroq,  il  ne  raporta  aulcune  l'esponce,  ains  partit  de  Marroq  et  feust  à 
SafTy  et  se  rembarqua,  attendant  que  Moyse  Pallache  la  raportast; 
et  que  messieurs  de  Ilazilly  et  Du  Challard  avoient  esté  conslraintz 
d'envoyer  un  marchand  expi'ès  à  Marroq  pour  fere  atter"  d'envoyer 
lesdites  despeches,   lesquelles  ledit  Moyse  Pallache  porta  à   bord 
ausdits  sieurs  ;  ne  sachant  '  sy  son  frère  en  avoit  pourté  autre  pour 
l'introduire  en  cour  de  France'*,   d'autant  que  je  ne  m'estois  point 
truvé  en  telle  action,  de  sorte  que  n'en  pouvois  [parler]  que  comme 
incertain  et  par  presupposition,  et  que  ce  qui  me  donnoit  telle  croyance 
estoit  que  ledit  Pallache,   estant  arrivé  en  France,  feust  mené  à  la 
Cour  par  lesdits  sieurs  de  Razilly  et  Du  Challard,  de  quoy  n'au- 
roient  heu  nécessité,  n  eust  esté  que  sans  doubte  il  avoit  quelque 
lettre  à  rendre  ;  mais  que  l'importance  de  l'affere  estoit  qu'il  faloit 
croire  pour  chose   infalible  que  le   Roy,   mon  seigneur,  n'auroit 
point  escrit  telle  chose,  s'il  n'estoit  véritable,  n'y  ayant  prince  au 
monde  qui  n'adjoustat  foy  à  ses  escris,  et  que  ses  lettres  ne  feus- 
sent  receues  avec  autant  de  vérité  et  d  honneur  qu'on  sauroit  dési- 
rer ;  et  partant  qu'il  ne  faloit  point  mettre  en  doubte  la  parolle  d'un 
roy  sur  les  calompnies  d'un  effronté  couquin  de  Juif,  lequel,  ayant 
trompé  deux  roys,  vouloit  eschaper  sa  meschanceté  par  ses  mante- 
ries  et  rendre  les  lettres  d'un  prince  tel  qu'est  le   roy  de   France 
faulces  ;  que,  quand  à  moy,  en  lestatque  jeprocedois.jedemandois 
justice  au  roy  de  Marroc  contre  ledit  Juif,  et  que,  si  le  roy  de  Mar- 
roq ne  me  la  rendoit,  le  roy  de  France  avoit  les  bras  assés  longs 
pour  se  valoir  de  ceulx  qui  lui  fesoient  du  tort. 

Ledit  alcaïde  Haya  rentra  vers  le  Roy  et  aussytost  ressortit,  di- 

1.  L'embassadeur    de     France:   M.     de  l^.  En  réalitc  David  Pallache  était  porteur 
Molères.  V.  supra,  pp.  Sga-SgS.  d'une  lettre  de  son  frère  Moïse  à  l'adresse 

2.  Aller,  pour:  hâter.  du  cardinal  de   Richelieu.  V.  supra   Doc. 

3.  Ne  saclianl...  pour;  que  je  [Cahiron]  LVII,    p.    430,  et    Introduction   critique, 
ne  savais...  pp.  SgS-Sg^. 


RELATION    DANTOINE    CABIRON  453 

sant  que  le  Roy  demandoit  de  savoir  sy  j'avois  porté  ladite  lettre,  que 
David  Pallache  disolt  avoir  porté  de  sa  part.  A  qui  je  dis  que  n'estoit 
pas  la  coustume  de  raporter  une  lettre  qui  avoit  esté  envoyée,  mais 
qu'elles  ne  se  perdoient  point  et  qu'on  la  pourroit  raporter  auec  le 
temps.  Ledit  caïde  Ileya  rentra,  et,  pendant  c[u'il  estoil  avec  le 
Hoy.  les  alcaïdes  Mofletta  et  Sayd  vindrent  dire  les  mesmes  raizons 
que  le  susdit  Heya  :  ausquels  feust  répliqué  comme  à  l'autre.  Ils 
entrèrent  ot  ressortirent  derechef,  disant  que  Moyse  Pallaclie  nyoit 
que  David,  son  frère,  eust  receu  aulcune  despeclie  en  France,  ains 
au  contrere,  qu'il  avoit  esté  fort  maltraitté  en  cour  de  France. 

Je  leur  dy  derechef  que  la  lettre  du  Roy  devoit  prévaloir  par 
dessus  les  menteries  d'un  Juif,  et  que  c'estoit  fere  tort  au  Roy, 
mon  seigneur,  de  tenir  tel  discours  et  soulTrir  qu'un  meschant 
homme  ouvrit  la  bouche  pour  parler  contre  un  monarque,  que 
la  langue  luy  dcbvoit  estre  arrachée,  et  que,  pour  fere  voir  au  roy 
de  Marroq  la  meschancetté  de  l'un  et  de  l'autre  frères,  ils  ne  pou- 
voient  nyer  d'avoir  receu,  sçavoir  :  au  premier  voyage  qu'avoitfait 
ledit  David',  une  cliesne  d'or  valant  deux  mil  onces,  six  mil  onces 
en  argent  comptant,  un  navue  qui  avoit  esté  déclaré  bonne  prinse, 
qui  valoit  plus  de  quarante  mil  onces,  une  licence  d'embarquer 
trois  mil  muidz  de  sel  qu'il  vendit  à  La  Rochelle  six  mil  quatre 
cens  onces,  et  ceux  qui  lachapterent  de  luy  gaignerent  plus 
de  vingt-quatre  mil  onces;  ce  feust  pour  le  premier  voyage. 
Et  le  second,  en  deux  fois,  luy  feust  baillé  six  mil  deux  cens  onces, 
qui  est  en  tout  soixante  mil  six  cens  onces,  oultre  et  par  dessus 
tous  les  fraix  qu'il  avoit  fait  en  ses  allées  et  venues  et  pendant 
qu'il  avoit  suyvi  la  Cour".  De  quoy  quelque  honeste  homme  de 
More  seroit  esté  grandemant  satisfait.  Que,  quand  même  l'alcaïde 
Heya  seroit  esté  en  propre,  on  ne  le  pouvoit  traitter  plus  courtoi- 
semant,  luy  ayant  esté  fait  touttes  ces  honneurs  à  considération  du 
roy  de  Marroques,  son  mestre,  car,  pour  luy  ni  toutte  leur  race,  on 
ne  les  auroit  traittés  que  comme  Juifs  perfides,  traittrcs  et  meschans, 

I.   Ce   «  premier  voyage  »    était   celui  2.   Onluiavaitremis  en  outreunesommc 

qu'avait  fait  Daviil  Pallache  pour  venir  de  d'argent  iraur  les  frais  de   son   retour  au 

Hollande  à  Paris.  CJ.  Introduction  critique,  Maroc. \  .  /'''•■  Série,  Dépôts  divers,  Russie,  à 

p.  392  et  1"'  Série,  Angleterre,  à  la  date  du  la  date  du  3o  octobre  i034,  Instructions  pour 

i5  mai  i63i.  Brasset. 


/15^  9    JUILLET     ifiS.'l 

recogneuz  ainsi  par  tout  le  monde.  C'est  pourquoy  antiennemant 
feui'cnt  bannis  de  France,  où  ils  ne  peuvent  habiter,  à  peine  d'estre 
bruslés. 

Ils  demandèrent  les  articles  de  la  paix  de  la  part  du  roy  de  Mar- 
roq,  suyvant  la  lettre  de  Sa  Mag'"  Très-Crestiene.  Je  leur  dis  qu'il 
estoit  véritable  que  lesdits  articles  et  la  confirmation  '  m'avoient 
esté  bailles,  conforme  à  ceux  qui  avoient  estes  deslivrés  à  David 
Pallachc,  à  condition  que,  si  le  roy  de  Marroq  vouloit  demeurer 
aux  termes  du  contenu  en  iceux,  je  les  baillasse,  ou  sinon  que  je  les 
raportisse  au  Roy,  mon  seigneur  ;  et  que  par  iceux  il  paroissoit 
comme  le  Roy,  mondit  seigneur,  avoit  comply  de  sa  part.  —  Ils  me 
dirent  que  leur  roy  les  vouloit  voir  et  que  raporleroient  la 
responce,  me  requérant  de  les  leur  bailler.  —  Je  les  leur  l)aillis 
donc,  mis  en  une  bource  de  satin  incarnat  brodée  d'or.  Ils  pour- 
tarent  lesdites  despecbes  au  Roy,  et  peu  après  les  alcaïdes  Heya  et 
Aguadet  vindrent  me  dire  que  le  Roy  avoit  receu  par  leurs 
mains  lesdites  despecbes,  lesquelles  il  feroit  traduire,  et  qu'il  estoit 
en  volonté  d'entretenir  la  paix,  corres2Dondance  et  bonne  amitié 
que  ses  prédécesseurs  avoient  lieue  avec  le  roy  de  France,  ainsi 
qu'estoit  porté  par  lesdits  articles  ;  mais  qu'il  truvoit  une  difficulté 
qui  procedoit  du  costé  du  roy  de  France,  c'est  qu'il  n'avoit  point 
envoyé  les  cajitifs  ses  subjetz  qui  sont  ez  galleres  de  France,  et 
partant  qu'il  estoit  raisonnable';  et  incontinant  qu'ils  seroient  ve- 
nus, ils  restitueroient  tous  les  François  et  leurs  biens  qui  estoient 
en  son  pouvoir.  —  Je  leur  dis  encores  que  Sa  Mag'"  Très-Crestiene 
avoit  satisfait  de  sa  part  et  fait  deslivrer  lettre  audit  Pallacbe 
contenant  ordre  à  monsieur  le  gênerai  des  galleres  de  Marceille 
pour  la  deslivrance  des  Mores  subjets  du  roy  de  Marroq,  et  argent 
pour  fere  les  fraix  du  voyage,  et  que,  si  ledit  David  Pallacbe  avoit 
comis  la  faute,  qu'il  en  devoit  souffrir  la  peine,  non  pas  de  pauvres 
François,  qu'on  detenoit  en  tourmens  pour  la  coulpe  des  susdits. 
—  Ils  dirent  alors  que  le  roy  de  Marroq  desadvouoit  lesdits 
Pallaches  et  que  le  roy  de  France  feist  cbastier  en  Crestienté,  et 

1.  La  con/irma/ion  :  Entendez  le  duplicata  la  rédaction  ;  il  faut  entendre:  Et  partant 
dont  il  est  (picstion  ci-dessus.  V.  p.  45o  qu'il  était  raisonnable  d'attendre  l'arrivée 
et  note  2 .  des  captifs  maures  qui  se  trouvaient  dans 

2.  Il  doit  V  avoir  ici  une  omission  dans  les  galères  de  I>"rancc. 


RELATION    d'a>TOI\E    CABIRON'  /j55 

qu'il  chastieroit  de  sa  part  celuy  qu'il  tenoit.  —  Je  supliay  lesdits 
alcaïdes  de  dire  au  Roy  de  me  donner  une  lettre  tle  desadveu  et 
que  le  Roy,  mon  seigneur,  envoyeroit  pour  le  ferc  chasticr  ;  et  que, 
puisque  le  roy  de  Marroq  estoit  en  volonté  d'entretenir  la  paix  et 
qu'il  desiroit  d'avoir  les  Mores  ses  subjetz,  je  le  supliois  de  resti- 
tuer lesdits  François  et  leurs  biens,  et  me  donnut  un  More  tel  qu'il 
luy  plairroit  pour  venir  avec  moy,  ez  mains  duquel  lesdits  Mores 
seroient  deslivrés,  pour  les  conduire  à  Marroq,  et  que  aussy  feust 
envoyé  à  Salle  lesdits  articles  de  paix  et  ez  autres  lieux  dudit 
royaume,  affin  quelle  feust  publiée. 

Quelcpie  peu  apprès,  sortit  ledit  alcaïde  Ileya,  qui  dit  que  le  roy 
de  Marroq  iruvoit  cstrange  que  messieurs  de  Razilly  et  Du  Cliallard 
eussent  souffert  qu'un  Juif  eust  mis  la  main  pour  le  roy  de  Marroq 
et  signé  pour  luy  lesdits  articles  de  paix  '.  — A  quoy  je  respondis 
que,  comme  lesdits  sieurs  de  Razilly  et  Du  Cliallard  avoient  veu 
que  ledit  Pallache  avoit  esté  acreditté  pour  pourter  lesdits  articles 
présentés  de  la  part  du  roy  de  Marroc  en  arable  et  les  leur  fere 
signer,  et  que  monsieur  de  Moleres  leur  avoit  certiffié  qu'il  estoit 
tant  favory  du  Roy  et  que  sans  doubte  son  seing  ne  seroit  desad- 
voué,  et  ainsi,  il  avoit  signé  en  présence  de  Juda  Levy  et  Jacob 
Beuros,  renteros  du  port  de  Saffi  ',  illec  presens.  —  Sur  quoy  ils  re- 
partirent ([ue  ledit  Juif  disoit  y  avoir  esté  forcé  par  lesdits  sieurs 
de  Razilly  et  Du  Cliallard.  —  Je  leur  dis  que  telle  menterie  sedes- 
truisoit  d'ellc-mcsme,  d  aultant  que  jamais  il  ne  s'estoit  plaint 
d'avoir  receu  aulcune  discourtoisie  desdits  sieurs,  jusques  à  ce  qu'il 
avoit  esté  convaincu  de  ses  meschancettés,  et  que  en  France  avoit 
esté  truvé  fort  estrange  qu'un  Juif  eust  signé  pour  le  Roy,  disant 
que  de  Mores  de  qualité  pouvoient  bien  avoir  estes  employés  à  telle 
action.  De  plus  leur  dis  que  je  m'esbahissois  que  de  person- 
nes rcslevées  comme  eulx  souffrissent  qu'un  Juif  privast,  mit  le 
pied  et  prevaleust  comme  il  fezoit  près  de  Sa  Mag"',  et  que,  par  un 
discours  affecté,  se  produisit  devant  eulx.  Ledit  alcaïde  Heya  se 
soubzrit  et  avec  ce  dit  que  le  roy   de  Marioq  dcmeuroit  cstonné 

I .  Sur  celle  signalure  de  Moïse  Pallache,  L'agent  anglais  Roberl  Blake  devait  réussir 

V.  Introduction  critique,  p.  3g3  et  note  8.  un  peu  plus  lard  à  se  substituer  aux  ren- 

ï.   On   sait    que    les    droits   de   douane  leros  jviifs.  V.  ci-dessous.  Relation  de  Jean 

«Slaienl  ordinairement  anermûs  à  des  Juifs.  Marcjes.  p.  543,  et  note  2. 


^56  9  JUILLET  l()3f^ 

qu'il  ne  vint  point  en  raddo  de  navires  marchans  traitter  en  ses 
ports,  comme  ils  avoient  acoustumé  au  passé.  —  A  quoy  feust  re- 
party  :  qu'il  ne  faloit  pas  qu'il  en  demeurast  esbay,  d'aultant 
qu'il  n'y  avoit  aulcun  prince  qui  ne  se  ressentit  du  mauvais  traite- 
mant  qu'avoit  receu  le  roy  de  France  en  la  personne  de  ses  subjelz, 
et  que  cela  estoit  cause  que  aulcun  navire  marchant  ne  vouloit 
venir  traitter  en  la  radde  de  SaÊfy,  ains  alloit  traitter  ez  porlz  des 
ennemis  du  roy  de  Marroq,  là  où  ils  estoit  bien  receuz,  leur  tenoit 
paroUe,  payoit  bien  les  marchans',  s'ils  alloient  à  terre,  leurs  per- 
sonnes et  biens  estoient  conservés,  et  partant  cela  les  obligoit  à 
bonne  correspondance  ;  et  que,  si  le  roy  de  Marroq  fezoit  le  mesme, 
il  rendroit  bons  ses  portz  et  ses  rentes  luy  seroient  conservées,  et, 
vivant autremant,  non  seulemant  il  perdoitsesdites  rentes,  mais  aussy 
renforçoit  ses  ennemis  du  sien  propre,  car  touttes  les  marchendizes 
que  convenoit  achepter  aux  marchans  de  Marroques  et  autres  dudit 
royaume  se  souloient  amonceller  audit  Marroq  où  ils  paioient  les 
droilz,  et  après  estoient  reparties  en  divers  royaumes  et  provinces 
de  l'AlTrique.  et  que  maintenant  le  comerce  de  Marroq  estant  perdu 
par  les  manquemens  susditz,  ce  qui  obligoit  maintenant  les  mar- 
chans desdits  royaumes  et  provinces  de  se  pourvoir  ez  terres  de  ses 
ennemis.  Adjoustant  encores  que,  sy  l'affere  continue  de  la 
sorte,  les  navires  de  guerre  et  autres  qui  pourroient  estre  envoyés 
sur  la  coste  garderont  que  aulcungs  navires  marchans  ne  traitteront 
ez  portz  et  rades  dudit  roy  de  Marroq,  et  que,  puis  qu'il  avoit  la 
comodilé  en  main,  ne  la  devoit  laisser  perdre,  ains  inclyner  à  l'es- 
tablissemant  d'une  bonne  jiaix  et  fere  bien  chastier  ledit  Juif  pour 
example  et  restituer  à  autruy,  et  ainsi  il  demeureroit  en  bonne 
odeur  envers  son  peuple. 

Ledit  alcaïde  Heya  reentra  et  peu  d'espace  apprès  ressortit,  di- 
sant pourquoy  on  n'avoit  point  envoyé  le  Morabite  qui  estoit 
captif  à  Malte.  —  A  quoy  luy  feust  respondu  qu'on  n'estoit  point 
obligé  à  telle  chose,  mais  que,  par  un  article  dudit  traitté^,  avoit 
esté  dit  que  le  roy  de  France  fa voriseroit  le  rachapt  de  Hamed  el-Re- 

I.   L'auteur  fait  ici  allusion  au  commerce  dessus  p.    igi,  note  3;  p.   365  et  notes  4, 

très  actif  qui  s'était  établi  entre  les  Euro-  Set  0. 

péens  etles  sujets  rebelles  du  Sous,  que  gou-  2.    V.     supra    cet    article    pp.    ^i3    et 

vernait    Sidi    Ali  ben  Mohammed.  V.   ci-  ^il). 


UELATIOX    d'aNTOINE    CABIUON  457 

gregui,  qui  est  captif  à  Malle,  ce  qui  avoit  esté  fait,  ayant  pour  cest 
cfTect  esté  donné  la  lettre  favorable  dudit  roy,  mon  seigneur,  audit 
Pallaclie.  — •  Ledit  alcaïde  dit  qu'il  n'aparoissoit  point  de  ladite 
lettre.  —  Je  luy  dis  qu'il  n'y  avoit  personne  qui  le  seut  mieux 
que  ledit  Pallache,  qui  l'avoit  reccuc,  les  priant  au  surplus  nie 
vouloir  donner  rezolution  sur  la  restitution  et  sur  l'envoy  d'un 
More  pour  aller  en  France  delà  part  du  roy  de  Marroq.  — •  Lesquels 
dirent  qu'ils  l'aloient  dire  au  Roy,  et  que  incontinant  sortiroient 
avec  responce.  Et  environ  demy  heure  après  les  alcaïdes  Heya  et 
MolTeta  dirent  que  le  Roy  leur  avoit  commandé  de  dire  qu'il  ne 
pouvoit  rien  restituer  sans  par  un  préalable  avoir  les  Mores 
des  gallcres  de  Marceille,  et  ([u'il  cscriroit  à  ceux  de  Salles  de 
fere  cessation  d'armes  pour  six  mois,  et  qu'il  n'envoyeroient 
point  de  Mores,  car  il  sufTiroit  ce  que  lesdits  Mores  diroient  à  leur 
venue,  que,  quand  la  moitié  en  mourroit.  les  autres  certifileroit  leur 
deccez,  et  que  avec  cela  leur  roy  seroit  comptant,  et  qu'il  escriroil 
une  lettre  au  roy  de  France  pourtant  desadveu  dudit  Pallache  et 
responce  à  celle  qu'il  luy  avoit  envoyé  ;  et  que,  avec  cella,  me  devois 
contanter. 

Le  mesme  jour  xv"  mars,  sortant  du  Michuard.  un  eunucquc  fran- 
çois  natifd'Orleaus  me  dit  avoir  [esté]  tousjours  présent,  pendant  que 
le  Roy  fezoit  fere  les  allées  et  venues  ausdits  alcaïdes,  etqueMoyse 
Pallache  estoit  aussy  devant  le  Roy,  lequel  l'avoit  grandement  re- 
primé, luy  reprochant  à  tout  moment  qu'il  estoitcauzedetoutle  mal 
qui  estoit  arrivé  et  qu'il  esloit  un  menteur.  Et  que  ledit  Pallache 
avoit  impudemmant  soubstenu  que  le  roy  de  Marroq  avoit,  avec 
juste  reson,  rompeu  la  paix  et  captifvé  les  François,  qu'ils  estoient 
tous  de  traittres,  et  que  tout  ce  que  ledit  Gabiron  avait  dit  estoit 
faux.  Et  que  le  Roy,  en  sortant  pour  aller  en  son  jardin  pour- 
mener  avec  ses  alcaïdes,  l'un  d'iceux,  nommé  Adoub  Tahila,  an- 
tien  serviteur  de  sa  maison,  dit  au  Roy  que,  si  telle  chose  feust 
arrivée  du  vivant  des  roys  ses  père  et  frère,  ils  auroient  fait 
couper  le  poing  audit  Pallache,  trayné  par  la  ville  et  arracher  la 
langue,  mandé  sa  teste  au  roy  de  France  et  fait  brusler  le  corps, 
ce  qu'il  devoit  fere.  Les  autres  alcaïdes  conclurent  mesme 
chose,  sauf  l'alcaïde  MoulTeta,  qui  se  jctta  aux  pieds  du  Roy,  le  pria 
de  ne  le  faire  pas  mourir,  qu'il  prendroit  peu  à  peu  ce  qu'il  avoit,  et 


1^58  9    JUILLET     l63/| 

après  en  feroit  justice,  ce  que  le  Roy  luy  avoit  acordé  avec  beau- 
coup de  desjilesir. 

Ledit  jour,  comme  le  Roy  sortit  de  tenir  l'audience,  commanda 
qu'on  fist  emprisonner  Moyse  Pallache,  ce  qui  feusl  fait. 

Le  xvij'  dudit  mois  de  mars,  Ijaillis  un  billetescrit  de  ma  main  en 
espaignol  à  l'alcaide  Heya  jjour  donner  au  Roy,  dont  la  teneur  s'en- 
suit : 

«El  capilan  Cabiron  tiene  orden  de  auzar'  a  Su  Mag''  que  los 
Pillachos  son  fau tores  d'Espagna.  » 

Et  incontinant  ledit  Roy  manda  apellcr  le  talbe  Hemed  Bencas- 
sem  pour  traduire  ledit  Ijillet  et  luy  esj)liquer  le  mot  de  fauteur, 
qui  luy  dit  que  cestoit  à  dire  :  salariés  d  Espaigne. 

Despuis  ledit  jour  xvij'  de  mars  jusques  au  cinquiesme  d'avril, 
presentis  plusieurs  requestes,  tant  au  Roy  que  aux  alcaïdes,  mémo- 
riaux et  factomcs,  consernans  lesdits  afferes  et  lendans  à  prompte 
expédition,  restitution  et  justice,  que,  pour  esviter  prolixité,  ne  les 
ay  incerés. 

Le  vj'jour  d'avril  i63/i,  le  Roy  me  manda  apeller  environ  trois 
heures  après  midy  à  l'entrée  du  Petit  Micliouard,  l'alcaide  Ileya  me 
prenant  par  la  main,  me  menant  au  devant  du  Roy,  oîi,  après 
avoir  lait  les  complimens  acousiumés.  je  dis  que  j'eslois  là  venu 
pour  recc\oir  ses  commandemans,  le  remercyant  très-humble- 
ment du  bon  traitemant  que  j'avois  receu  en  ses  terres,  ce  que  je 
refiererois  au  roy,  mon  seigneur,  le  supliant  de  me  donner  res- 
ponce  el  me  rendre  justice  et  restitution  des  personnes  et  biens 
des  François  qui  avoient  esté  pris  depuis  le  traitté  de  paix,  comme 
plus  amplement  esloit  contenu  en  la  lettre  que  luy  avois  baillé  de 
la  part  dudit  roy,  mon  seigneur. 

Lequel  dit  qu'il  avoit  receu  et  veu  ladite  lettre  du  roy 
de  France,  qu'il  desadvouait  David  Pallache,  lequel  le  roy  de 
France  debvoit  fere  chastier;  avoit  aussy  bien  receu  les  articles 
de  la  paix  par  mes  mains,  avec  la  confirmation,  laquelle  il  vouloit 
entretenir  en  tous  ses  pointz,  comme  avoient  fait  ses  prédécesseurs, 
et  que  le  roy  de  France  luy  devoit  avoir  envoyé  les  Mores  qui  sont 
en  ses  galleres,  ce  que  n'ayant  esté  comjily  de  sa  part,  il  ne  pouvoit 

I.  Au:ar,  pour:  avizar. 


RELATION    d'aNTOINE    CABIRON  ^Bg 

rendre  les  François  nv  les  biens  quiestoienl  en  sonpouAoir,  et  par- 
tant que,  envoyant  lesdits  Mores,  sans  faute  il  rendroit  lesdits  Fran- 
çois et  leurs  biens  ;  et  cependant  quilenvoyeroil  à  ceux  de  Salle  de 
fere  cesser  leurs  armes  pour  six  mois,  et  que  l'alcaïde  Heya  me  bail- 
leroit  le  lendemain  la  rcsponce  ipiil  feioit  au  l'oy,  mon  seigneur. 
Ainsi  me  feust  rciïeré  par  la  boucbe  de  l'alcaïde  Morat  François, 
qui  servoit  d'interprelte.  — Je  luy  dis  que  ferois  toulte  la  dilligence 
requise  pour  donner  advis  à  mondit  seigneur  de  tout,  et  cependant 
le  supliois  d'entretenir  ccstc  bonne  volonté.  El,  après  avoir  rendu 
le  debvoir  acoustumé,  soi-lis. 

Ledit  jour  vij°  avril,  environ  Iroisbeures  après  midy,  ledit  alcaïde 
Heya  mapcla  à  la  porte  du  Grand  Micliouard  et  dit  que  le  roy 
de  Marroq  luy  avoit  baillé  une  lettre,  laquelle  me  bailla,  pliée 
en  un  sac  de  satin  vermissau,  cachetée,  et  au-dessus  du  caciiet 
un    demy  rond   d'or  et   un   ruban    bleu    couvrant  ledit  cachet '. 

Le  xiiij'  dudit.  en  companie  de  l'alcaïde  Morat,  feuz  voir  les 
alcaïdes  pour  savoir  s'ils  avoienl  ordre  de  me  laisser  embarquer 
quand  le  navire  seroit  venu  de  Mougodor.  où  il  estoit.  Lesquels 
dirent  qu'ils  n  avoient  point  d  ordre.  Et,  ayant  monstre  la  lettre 
que  le  Roy  m'avoit  envoyé  à  bord,  l'auroienl  leue  et  dirent 
qu'elle  portoit  de  dessendie  et  demeurer  à  terre,  mais  nom  pas 
de  m'embarquer.  Je  leur  dis  (]uc  Jean  Daniel,  marchant  anglois, 
l'avoit  interprettée  de  sa  main,  et  asseuré  qu'elle  portoit  pou- 
voir de  m'cmbar(|uer,  (juand  bon  me  sembleroit,  avec  mon  ser- 
viteur. Ils  dirent  quil  m'avoit  donc  abbuzé.  Et,  ayans  apellc 
ledit  Daniel,  dit  que  ladite  lettre  avoit  [cstéj  ainsi  envoyée,  et  que 
celuy  qui  la  luy  avoit  expliquée  l'avoll  trompé,  toutesfois  qu'il  cn- 
voyeroit  à  son  compagnon  à  Marroques,  pour  en  avoir  une  autre 
pour  me  fere  embarquer".  Aussi  tost  je  despechis  un  courrier  au- 
dit Marroq  et,  dans  cinq  jours,  l'alcaïde  Heya  Agena  envoya  une 
lettre  du  Roy  aux  alcaïdes  pour  pormeltre  de  m'embarquer  avec  mon 
serviteur.  Pendant  ledit  tenqis,  je  ne  feuz  pas  sans  de  grandes  aprc- 
hcntions.  d'aulaut  que  sieur  (iuerin,   marchant  françois,   dit  qu'il 


I.  V.  /"  Série,  Angleterre,  la  trailuclion  2.   Toutes  Ici  dillicullés  suscitées  à  Cabi- 

Origlnalc  de  cette  lettre  en  français  datée        ron    pour    son    embarquement    n'avaient 
du  3  Cboual  io43  (i"""  avril  i63i).  d'autre  but  c[ue  de  lui  extonpier  de  l'argent. 


46o  9    JUILLET    iG3/l 

avoit  esté  présent  lorsqu'il  arriva  ladite  première  carte ',  que  ledit 
Daniel  avoit  lait  lire  à  un  tallje  et  ne  pouvoit  ygnorer  le  contenu 
en  icelle,  mais  qu'il  avoit  fait  cela  pour  quelque  meschant  dessein 
pour  l'intelligence  qu'il  a  avec  ledit  Pallaclie,  mais  qu'ils  n'estoient 
peuz  venir  à  leur  but. 

Le  dernier  avril,  je  m'embarquis  sur  les  trois  heures  après  midy, 
ne  l'ayant  peu  par  avant  pour  lèvent  d'aval,  et  le  xxvj' jour  de  juin 
vinsmes  à  La  Roclielle,  comme  plus  à  plain  est  contenu  au  journal 
tenu  dudit  voyage,  qu'il  remettra,  s'il  luy  est  comandé'. 

Faict  à  Paris  le  ix'jour  de  juillet  i63^. 

Signe:  Antboine  Cabiron. 

Archives  des  Araires  Etrangères.  —  Maroc.  Mémoires  et  documents. 
Vol.  2,  jff.  59-(lû.  — -  Original  autographe . 

I.    Carie,  hispanisme,  pour  lettre.  2.   Ce   «  journal  »  est  le  Doc.  qui  suit. 


COMPTE    d'aNTOINE    CABIKON  ^fil 


LXIX 
COMPTE  D'ANTOINE  CABIRON- 


[Juill<-t  i63i]2. 

En  tête,  alla  manu  :  Dépense  du  s'  Gabiron  pour  son  voyage  de 
Maroc —  i633-iC3i4. 

Estât  de  la  dcspcnce  qui  a  esté  faite  par  le  capitaine  Antlioine 
Cabiron  en  son  voyage  de  Marroques,  envoyé  par  le  Roy. 

Premièrement,  pour  la  course  dudit  Cabiron,  de 
son  homme  et  du  courrier  de  Exeter  à  Londres, 
compris    sa  despence,    deux  cens  vingt-cinq  livres, 

cy ij'^xxv  Ltz 

De  Londres  à  Douvre  paie  pour  les  courses..  .  xlv  Ltz 
Le  passaige  de  Douvres  à  Calais  exprès,  xxx  Ltz.  xxx  Ltz 
De  Calais  à  Paris  quatre-vingts-cinq  livres.  .  iHj^^^v  Ltz 
Séjour  de  trois  jours  à  Paris,  neuf  livres,  cy.  .      .         ix  Ltz 

Le ^  jour  de  septembre,  party  de  Paris  pour 

aller  truver  le  Roy  à  Nancy",  despendu.  ...        c  xxx  Ltz 
Pour  le  séjour  dudit  Cabiron  et  de  son  homme  à 

Nancy,  iiij'"'j  Ltz i''j''j  f-'^^ 

Pour    postes    de    Nancy    à    Paris,    cent    trente 

livres cxxx  Ltz 

Pour  postes  de  Paris  à  La  Rochelle,  cent  quatre- 
vingts-dix  livres c  iiij'^^x  Ltz 

Pouracheptdedrap  noiri't  fournitures  d'un  habit 

I.    Cf.  p.  i't7,  note  I.  3.    Le  qiiantic'mn  a  été  laisse' on  blanc. 

3.   La  dernière  dépense  inscrite  sur  ce  4.  Louis  XIII  était  arrivé  à  Nancy  le  3i 

compte  est  du  6  juillet  163/4.  août  i633. 


463  JUILLET     1634 

pour  porter  à  Marroq  à  l'apoticaire  du  Roy'  qui 
réside  audit  lieu,  afflu  d'avoir  accez  envers  le  roy 
dudit  pays,  employé  cent  livres c  Ltz 

Le  xix*"  octobre,  ay  fait  achept  d'un  pair  de  pis- 
tolctz  enrichis  avec  les  fourreaux  couverts  de  velours 
bleu  en  broderie  d'or  et  d'argent  pour  présenter  au 
principal  alcaïde  du  roy  de  Marroq",  pour  lesquels 
av  paie  cent  cinquante  livres cl  Ltz 

Deux  grandes  caves  à  mettre  de  l'cau-de-vye  pour 
présenter  aux  alcaïdes  dudil  roy  de  Marroq.  contenant 
trente-six  bouteilles \  a  esté  paie  septante-cinqlivres.     Ixxv  Ltz 

A  esté  aussy  achepté  à  La  Rochelle,  pour  faire  des 
habits  à  des  alcaïdes  et  des  rcuAés  qui  pryvent  près 
dudit  roy  de  Marroq,  vingt  aulnes  de  drap  de  diver- 
ses couleurs  à  reson  de  xiij  livres  l'aune,  monte 
ij^lxLtz,  cy ij'lx  Ltz 

Pour  un  voyage  de  La  Rochelle  à  Nantes,  affîn  de 
parler  au  bourgeois  du  navire  qui  devoit  pourter 
ledit  Cabiron  en  Barbarie,  et  luy  donner  advis  d'un 
naufraige  qu'avoit  fait  ledit  navire  à  Chef-de-Boys\ 
pour  y  remédier,  j'ay  despendu  à  aller  ou  retourner 
cinquante-six  livres Ivj  Ltz 

Pour  des  actes  que  jay  recouvré  à  La  Rochelle 
contre  David  Pallache,  Juif,  ay  paie  aux  noteres 
doutze  livres  dix  solz xij  Ltz  x  s 

La  despence  par  moy  faitte  à  La  Rochelle  despuis 
le  xiiij'  octobre  mvj'  xxxiij  jusques  au  v"  décembre 
de  ladite  année  avec  mon  serviteur,  que  sont 
cinc]uante-un  jours,  à  trois  livres  par  jour.  .      .        C  liij  Ltz 

Pour  provisions  acheptées  pour  porter  au  navire, 
soixante-cinq  livres Ixv  Ltz 

Le  xxij' janvier  ay  achepté  à  l'ille  de  Madère  de 

1.  Cet  apothicaire  s'appelait  Bodier.  V.  trente-six  bouteilles  d'eau-tle-vie  devaient 
p.  406.  être  de  ces  «  renyés  qui  pryvent  près  dudit 

2.  Le  caïd  \ahia  ben   Molianimed   cl-  rov  de  Marroq  )i.   V.  l'article   suivant  du 
Djenati.  V.  infra,  p.  k'àh-  compte. 

.'5.   Ces   caïds    auxquels    (^iibirun   oll'rait  4-   Sur  ce  lieu,  V.  supra  p.  aô^,  note  i. 


XXXV 

Ltz 

XV 

Ltz 

x\ 

Llz 

Ix 

Ltz 

COMPTE     DANTOINE    C.VBIRON  l\(]'S 

confitures  et  de  sucre  pour  porter  de  présent  aux 
alcaïdcs  du  roy  de  Marroq,  pour  lesquelles  ay  paie 
cent  quarante-cinq  livres C  xlv  Ltz 

Pour  ma  despence  et  de  mon  serviteur  audit 
Madère,  pendant  un  mois  que  le  navire  a  séjourné, 
iiij'"^x  Llz iiij'^'x  Ltz 

Le  xij"  février  j'arrivis  à  Saffy  et  payé  à  un  bar- 
que qui  vint  de  terre  à  bord  xv  Ltz xv  Ltz 

Aux  barquiers  qui  me  portèrent  à  terre  avec  mes 

bardes  et  mon  serviteur  le jour  dudit  mois,  et  aux 

portefais  portiers  dudit  Saffy  et  portiers  de  la  douane, 
trante-cinq  livres 

Au  porteur  qui  avoit  esté  à  Marroq  pour  aller 
quérir  ma  lettre  d'asseurance,  quinze  livres. 

A  des  pauvres  captifs  et  des  eunucques  françois 
leur  ay  baillé  pour  aumosne  quinze  livres.     . 

Aux  escrivainsduRoy  et  aux  alcaïdcs  dudit  SalFis, 
en  argent  comptant,  soixante  livres 

Pour  ma  despence  faite  tani  à  la  rade  que  audit 
Sally  despuis  le  xij'^fevrierjusques  au  xiij"  mars',  payé     xlvj  Ltz  x  s 

Provisions  acheptées  pour  le  chemin  de  Saffys  à 
xMarroq,  xxv  Ltz xxv  Ltz 

Aux  portiers  de  Saffy,  trucheman,  serviteurs  des 
alcaïdcs  et  autres  noirs  de  la  maison  du  Roy,  paie 
xxv  Ltz xxv  Ltz 

A  un  cunucque  françois  grandement  nécessiteux, 
cinq  livres v  Llz 

Aux  serviteurs  de  l'alcaïde  Moffeta.  qui  me  feist 
admener  de  chevaux  pour  monter  à  Marroq,  doulze 
livres xij  Ltz 

Pour  de  l'orge  pour  la  nourriture  des  chevaux  en 
chemin,  vingt  livres xx  Ltz 

I.  Cette  da le  du  1 3  mars  est  manifeste-  ffcm)  et  un  article  du  présent  compte  de  dé- 
ment erronée.  En  effet,  .Vntoine  Cabiron,  penses  (V.  p.  /iG.'i),  il  était  arrivé  à  Morra- 
d'après  sa  propre  relation,  avait  quitté  Safi  kecli  le  6  mars.  Le  copiste  de  Cabiron 
le  3  mars  (V.  ci  dessus  p.  44o)-  D'autre  aura  par  erreur  ajouté  un  x  devant  le 
part,  d'après  cette  même  relation  (V.  lOi-  clnlFre  iij. 


liOli  JUILLET     l63/4 

Le  vj'  mars  arrivâmes  à  Marroq  et  paie  à  un  renyé 
de  l'alcaïde  Mofieta  qui  nous  conduit  en  chemin.    .        xv  Ltz 

Pour  le  louaige  d'un  cheval  pour  mon  serviteur, 
jjayé  quinze  livres xv  Ltz 

Aux  noirs  de  l'alcaïde  MofTeta,  qui  ont  servy  en 
chemin  et  dressé  la  lentte,  penssé  les  chevaux  et 
gardé  iceulx,  vingt  livres xx  Ltz 

Aux  portiers,  huissiers,  eunuques  et  autres  servi- 
teurs de  la  meson  du  Roy,  pour  la  Jjienvenue, 
cinquante  livres 1  Ijtz 

A  plusieurs  renyés  françois,  partie  malades  et 
autres  giandemant  nécessiteux  et  à  des  captifs  cres- 
tiens  de  la  sezene',  leur  ay  haillé  neuf  ducatz.    .      .      xlv  Ltz 

A  Talbe  Hemed  Bencassen,  inlerprette  du  roy  de 
Marroq,  deux  ducats  d'or  valans  dix  livres  pour  avoir 
interpretté  la  lettre  du  Roy x  Ltz 

Et  le  mesme  jour  baillé  à  l'alcaïde  Ileya  Agena  "^ 
les  susdits  pistoUctz,  et  aux  trois  autres  alcaïdes  qui 
vindrent  avec  ledit  alcaïdo  Heya  de  Saffy  et  m'ac- 
compagnèrent, quinze  ducatz  d'or  à  checun,  sy.      .  ij'^xxv  Ltz 

Au  médecin  du  roy  de  Marroq.  quipryve  fort  prcz 
dudit,  pour  présent,  une  pièce  de  toille  disgante  Me 
XV  aulnes,  qui  couste xlv  Ltz 

Aux  eunuques  françois  qui  sont  pryvés  prez  le  roy 
de  Marroq.  allin  qu'ils  me  tinssent  adverty  de  ce  qui 
se  passoit,  leur  ay  donné  trois  ducatz xv  Ltz 

A  un  renyé  françois  qui  ayda  à  l'emprisonnement 
de  Moyse  Pallache  et  me  porta  premier  la  nouvelle, 
un  ducat v  Ltz 

A  l'alcaïde  Morat  François*,  comis  pour  estre  tru- 
cheman,  ayder  à  l'interprettation  de  la  lettre  et  qui 
a  lousjours  servy,  treize  ducatz Ixv  Ltz 

Pour  l'interprétation  tant  de  la  confirmation  de  la 


1.  Sc:ene,  prison.  V.  ci-dcssiis  p.  ii3,  .3.    Toi7/e  (/(V;an(e:  peut-être  faut-il  réla- 
note  2.                                                                        blir  :  toille  de  gant  (Gand). 

2.  Sur  ce  caïd,  V  .  siiy/;-«  p.  353,  note  I.  4.  Sur  ce  caïd,  V.  siipra.  p.  45  i ,  note  i. 


COMPTE    DANTOINE    CABIRON  465 

paix  que  des  articles  et  pour  une  requeste  donnée 
conlre  Pallache,  payé  à  Talbe  Ilenicd,  iiiterpretle  du 
Roy.  XXV  Ltz XXV  [ifz 

A  Chec  Aly,  portier  de  la  maison  du  Uoy,  un  ducat, 
et  à  trois  huissiers  apellés  michauris  ',  à  checun  un 
ducat  pour  la  bien  venue,  en  tout  (piaire  ducatz.    .        \x  \A/. 

Pour  la  traduction  d  un  mémorial  baillé  au\ 
alcaïdes,   paie  à  iintcrprette  deux  ducatz.      ...  x  Ltz 

A  l'alcaïde  lleya  Airena,  le  xxiiij'  mars,  ay  baillé 
pour  liratilïïcations.  affin  qu  il  s"em[)loy;U  avec  plus 
desoing,  trente  ducatz cl  Ltz 

Pour  une  requeste  présentée  au  Roy  ledit  jour, 
paie,  pour  la  lere  traduire,  un  ducat v  Ltz 

Le  xxv"  mars,  pour  autre  requeste  présentée  au 
Roy,  paie,  pour  la  liadLiclion,  v  Llz v  Ltz 

Le  xxvj'"  dudit,  |)oui-  autre  requeste  présentée  au 
Roy,  un  ducat v  Ltz 

Le  xxvij"  dudit,  autre  requeste  présentée  à  lalcaïde 
Heya  Agena,  paie v  Ltz 

Le  vj"  d'avril,  après  la  dernière  audience  du  Roy, 
sortant  du  Michouard,  pour  me  desangaiger  des 
rcnyés  et  noirs  de  la  maison  du  Roy,  feuz  obligé  de 
leur  bailler  vingt  ducatz c  Ltz 

Le  vi]"  dudit,  lorsque  me  feust  baillée  ladespeche 
du  Roy,  payis  aux  portiers,  alniichauris,  gardes  des 
portes  et  à  divers  alcaïdes,  trente  ducatz,  cy.  ...         cl  Ltz 

A  Lortairy  ",  escrivain  du  Roy,  pour  ladite 
despeche,  six  ducatz xxx  Ltz 


I.   Michauris  et  plus  exactement  meclia-  ralemeiit  dans  les  familles  de  caïds.  Etre  me- 

chaouri  est  la  carrière  de  début  de  tout  per- 
ouria  (pluriel  de  mechaourit^Jji^).  L<s  ,„„„^g^  important.  Les  raecl.aouria  sont 
mechaouria  sont  les  gens  de  la  Cour,  du  sous  leconuiiandementducaïd  cl-mechouar 
Palais,  le  mot  mechouar  étant  presque  ton-  et  accomplissent  sous  ses  ordres  des  opéra- 
jours  employé  au  Maroc  avec  ce  sens.  Placés  tions  délicates,  telles  que  l'arrestation  d'un 
auprès  de  la  personne  du  Chérif,  qu'ils  ne  caïd,  sur  un  signe  du  sultan, 
quittent  jamais,  il  sont  de  véritables  gardes  2.  On  ne  voit  pas  de  quel  nom  arabe  (si 
du  corps,  et  leur  situation  est  très  enviée.  On  c'est  im  nom  arabe)  ce  mot  peut  être  la 
les  choisit  dans  les  tribus  makbzen,  et  gcné-  transcription 

Dk  Castriks.  111.  —  3o 


46C 


JUILLET     l()3'| 


A  Talbe  Henied  Bencassein,  inlcrpretle,  pour 
m  avoir  assisté  tant  à  mes  solicitations  que  servy  de 
conseil  et  d'interprettc.  outre  ce  quoluy  avois  baillé, 
dix  ducatz 

A  un  alcaïde  du  Roy  demeurant  à  la  première  porte, 
jjour  acliepter  du  tabac,  cinq  livres 

A  lalcaïde  Morat  François,  outre  ce  que  luy  avois 
baillé  cy-devant  pour  le  travail  qu  il  o  prins,  dix 
ducatz 


1  Ltz 
v  Ltz 

1  Ltz 


A  mon  despart  de  Mar roques,  payé  aux  cy-après  nommés,  sçavoir  : 


j  ducat 


d' 
d' 
d- 
d'* 
d* 


A  l'almichaury  de  ralcaïde  Agena 

A  Chaban,  eunucque  du  Roy 

A  Chec  Aly,  premier  portier 

Au  portier  de  la  sezene.     . 

A  autres  deux  eunucques. 

Aux  huissiers  de  la  porte. 

A  lalcaïde  Saffer  qui  ma  baillé 
son  cheval,  du  mandement  du 
Roy,  1  d'i/2 

Aux  noirs  de  lalcaïde  Heya  Agena . 

Aux  noirs  des  autres  alcaïdes. 

A  deux  renyés  françois  malades. 

Aux  captifs  de  lalcaïde  Heya. 

Aux  captifs  de  la  sezene.    . 

A  1  apoticaire  Bodier  pour  acliep- 
ter des  medicamans  pour  pur- 
ger sieur  Pierre  Mazet. 

A  des  captifs  qui  mont  servy  pen- 
dant mon  séjour  à  Marroq. 

A  un  More  qui  mavoit  aussy 
servy 

Ducatz  xxvij. 


Pour  de  provisions  qu  ay  achepté  pour  servir  en 
chemin,   paie  vingt-cinq  livres xxv  Ltz 


.i 

d' 

ï.  2 

j 

d' 

"1 

d" 

ij 

d" 

j 

d' 

ij 

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V 

d" 

ij 

d" 

[JJ 

d' 

1/2 

cxxxv  Ltz 

t:0'MPTE     DANTOINE    CABIRON  ^()7 

Pour  Je  1  orge  puur  donner  aux  chevaux  en  che- 
min, lieux  ducatz X  Ltz 

Le  vij'  avril,  partys  de  Marroq  pour  aller  à  SafTy, 
et  en  chemin  acheplé  un  mouton  et  de  poules  pour 
donner  aux  suldatz,   et  paie xij  Ltz 

Le  xiij'  suis  arrivé  àSatTy,  ayans  paie  aux  portiers 
et  au  trucheman  cinq  livres v  Ltz 

Le  xsj''  baillé  à  lalcaïde  Moral,  pour  la  penne 
qu'il  a  prins  de  mavoir  conduit  de  Marroq  à  SalFis, 
vingt-trois  ducatz cxv  Ltz 

A  ses  soldatz  cpii  ont  aussy  aidé,  quinze  livres.    .        xv  Ltz 

A  lalcaïde  Sayd,  lyvré  à  lalcaïde  Morat  pour  luy 
porter  une  pièce  de  Cambrais  achcpté  à  SafTy  pour 
cinquante  livres 1  Ltz 

A  lalcaïde  Hemed  Agadet,  pour  tant  baillé  audit 
Morat  pour  luy  pourter  à  Marroq  une  pièce  de  Cam- 
brais valant  cinquante  livres 1  Ltz 

Au  lieutenant  dudit  Morat,  à  son  sergent  et  à  trois 
alcaïdes  qui  esloient  venus  avec  eulx.  pour  partager 
entr'eulx.  vintrois  ducatz cxv  Ltz 

A\idit  Morat.  pour  provisions  en  s'en  retournant, 
deux  ducatz x  Ltz 

Cinq  ducatz  envoyés  à  Marro(|  par  ledit  Alorat 
pour  pourter  à  un  euMUC(|uc  et  deux  almichauris  qui 
nravoicrit  servy  pour  me  tenii-  adverly  de  ce  qui  se 
passoil  près  du  Roy,  lesipiels  je  n  avois  |)oinl  veuz  à 
mon  despart,  cy xxv  Ltz 

Aux  Mores  qui  en  chemin  ont  aydé  à  la  lente  et 
heu  soin  des  chevaux,  cinq  livres \   Liz 

La  despcncc  que  les  chevaux  ont  l'ait  à  SalTî  pen- 
dant le  séjour  dcsdils  alcaïdes,  deux  ducalz.  ...  x  Ltz 

A  un  pourtour  envoyé  à  AIarro(|,   pour  avoir  uu(! 

lettre  pour  mon  embarquement,  enxoyé  le avril. 

revenuelc  xix'dudil xv  Liz 

.\  /Vnthoinc  Mariai  cl  Jean  Danlid,  pour  tant  à 
eulx  rembourcé,  la  somme  de  trente-cinq  ducatz 
qu  ils  ont  baillée  de  mou  oi'dreà  I  alcaïde  lieya  Agena 


/JGS  JLILLKT     iCl.'î'l 

pour    avoir    procure    la   lettre  de   mon   embaïque- 

menl clxxv  Ltz 

A  lalcaïde  Abilclierin  '.  gouverneur  de  SafTy,  et  à 
Sidy  Messahut ''^,  agent  du  Roy  à  SafTy,  xxiiij  coudes 
de  Rouen  à  cliecun,  acliepté  à  ij  once  et  demy  le 
coubde xxxix  Ltz 

A  sieur  Guerin,  pour  un  (piintal  de  hiscuyl 
envoyé  de  mon  ordre  aux  captils  IVançois  à  la 
Goladie\  sept  livres  cinq  solz vij  Ltz  vs 

Plus  six  ducalz  et  demy  d'or  que  j'ay  laissé  auflit 
Guerin,  marchant  de  Rouen,  pour  envoyer  en  pain 
ausdits  captifs xxxij  Liz  x  s 

Pour  porter  de  lettres  venues  de  Salles  à  SalTy  et 
de  Salîy  à  Mairoq,  en  diverses  fois.  pour.      ...  \  Ltz 

A  un  jeune  eunuque  de  Renés  en  Bretaigne  grande- 
ment nécessiteux,  donné  un  ducat \  Ltz 

A  d'autres  eunucques  malades,  leur  ay  donné  deux 
ducatz x  Ltz 

Aux  porteurs  de  la  douane  et  de  la  mer,  truche- 
man,  noirs  de  la  maison  du  Roy,  portefaix,  matelotz 
et  rays  des  barques  de  Saffi  pour  les  fere  sortir  à  la 
mer  :  aux  escrivains  de  la  mer'  et  Sydy  Messehuf. 
paie  entre  tous  trente-liuict  livres  quinze  solz.  xxwiij  Ltz  xv  s 

Le  dernier  jour  d  avril  mvj"  xxxiiij,  suis  party  de 
Saffi  avec  un  bateau  de  Mores,  et  me  suis  allé  embar- 
quer à  la  rade  sur  le  navire  et  envoyé  de  provisions 
pour  vingt-cinq  livres xxv  Ltz 

Payé  pour  ma  despence  et  de  mon  serviteur  avec 
plusieurs  autres  Crestiens  estans  à  Safiïs  pendant 
dix-sept  jours,  cinquante-cinq  livres Iv  Ltz 

Le  xij'  may  sommes  venus  à  1  ille  de  Madère  et 
séjourné  jusques  au  xxiiij'  dudit  et  paie  pour  ma 
despence  et  de  mon  serviteur  pendant  doutze  jours,     xxxvj  Ltz 

1.  Abilclierin,  Abd  el-Kcrim.  employas  les  captifs clinlicns  à  El-Oualidia, 

2.  Sidy  Messahut,  Sidi  Messaoud.  Cf.  F.  del  Puerto,  p.  365. 

3.  La    Goladie,    El-Oualidia    V.   p.   55,  li.  Aux  escrivains  de  la  mer,  c'est-k-dire  : 
note  2.    Sur  lus   travaux  auxquels   étaient  aux  Ouma/ia,  les  préposùs  aux  douanes. 


COMPTE     d'aNTOINT    CvniHON  /|6f) 

Pour  tant  donné  au\  matelot/  du  navire  pour 
hoire  à  terre v  Ltz 

Pour  provisions  avons  aehepté  pour  le  vovagc 
vingt-cinq   livres xxv  Ltz 

Le  xir""  jour  de  juin,  sommes  venus  à  La  Rochelle, 
et  à  la  dessente  ay  donné  aux  matelotz  pour  boire,  iij 
Ltz iij  Ltz 

A  Jean  Blanchard,  mon  serviteur,  pour  ses  gaigcs 
de  dix  mois,  à  trois  escus  par  mois,  paie.  .      .      .         iiij^'^x  Ltz 

Pour  despenses  à  mon  séjour  à  La  Rochelle,  trente 
livres xxx  Ltz 

Le  xxviij"  juUiel  '  suis  party  avec  mon  homme  de 
La  Rochelle  et  arrivé  à  Paris  le  jeudi  vj'' juUiet,  ayant 
paie  au  messager,  tant  pour  moy  que  pour  mes  hardes, 
soixante  livres Ix  Ltz 

Pour  ma  despence  et  de  mon  serviteur  à  Paris 
despuis  le  vj' julliet  mvj'  xxxiiij  jusque". 

Sur  quoy  j'ay  receu,  en  vertu  dune  ordonnance  de 

Sa  Mag",  la  somme  de  trois  mil  livres iij"'  Ltz 

Partant  me  reste  deub  la  somme  de 


A  lia  manu  :  La  despence"^  faitte  par  le  capitene 
Cabiron.  comprins  ce  qu'il  a  esté  obligé  de  donner  à 
Marroques  pour  tacillitcr  son  espedition,  que  autres 
fraix  dont  il  a  baillé  Testât  au  Révérend  Père  Joseph, 
ce  monte  à  la  somme  de iiij""  vj'  Ixviij  Ltz  x  s 

Et  il  a  recen  par  une  ordonnance  du  Roy,  à  valoir 
sur  sondil  voxa^e.  la  somme  de  trois  mil  livres.  .      .       ni'"  Ltz 

Partant  luy  est  deub  la  somme  de  mil  six  cens 
soixante-huit  livres dys  solz invj' Ixviij  Ltz  x  s 


I .   l'.rrour  <lc  copie  pour  juin.  n'avait  pas  pu  clôturer  son  compte  à  cotte 

a.   On  voit  par  cet  article  inachevé  que  date, 

les     dépenses    dWntoine    Cabiron    conti-  3.   Cette  balance  du  compte  de  Cabiron 

nuaicnt  à  courir  apn's  le  t)  juillet  et  qu'il  se  trouve  sur  une  feuille  séparée. 


470  JUILLET     l63,4 

Et  ce  qu  il  plairra  à  Sa  Mag'"  le  gratifTicr  pour  le  temps  et  risque 
et  peynes  qu'il  a  employés  en  sondit  voyage  pendent  huit  mois. 

De  plus,  il  est  raysoiinable  de  desdomaiger  le  s'  Blackal,  mar- 
chant, comme  il  luy  a  esté  promis,  pour  le  fret  de  son  navire,  qui 
a  porté  à  Saffy  et  ramené  ledit  Cabiron  à  La  Rochelle,  ce  quil  juge 
en  sa  conscience  doit  estre  accordé  à  la  somme  de  trois  mil  livres. 

Archives  des  Affaires  Elranfjbres  —  Maroc.  —  (Correspondance  consu- 
laire. Vol.  I .  —  Ori(/inal. 


MEMOIRE    DE     P.     DU     CHALARD 


A7I 


LXX 


MÉMOIRE  DE  P.  DU  CHALARD" 

Liste  des  dépêches  à  préparer  cl  des  dispositions  à  prendre  en  vue  d'une 
prochaine  mission  au  Maroc. 


Avant  lo  l'i  août  i634] -. 


En  tète,  a/1 


(I  manu 


Diverses  (iepesches  pour  Maroc.  —   i  633 


Une  lettre  du  lloy  à  messieurs  les  Eslalz  d'IIolande*  et  une  à 
M'  le  prince  dOi-enge  pour  faire  arrester  prisonnier  David  Pala- 
che,  saisir  les  biens  tant  de  luy  que  de  son  père  et  frère  en  Amster- 
dani.  pour  estre  ledit  David  Paluche  mené  et  conduit  soubz  bonne 
et  sûre  garde  en  la  Bastille  à  Paris,  inventaire  faict  desdits  biens  et 
papiers,  avec  créance  au  s'  Lopez,  à  qui  la  conduitte  de  cest  affaire 


1.  Ce  Document,  du  mémo  que  les  Doc. 
LXXI,  p.  il75  ;  LXXII,  p.  !f]8  et  LXXIII, 
p.  '179,  est  relatif  à  la  mission  de  P.  Du 
Chalard  (i635).  Cet  officier,  dont  la  com- 
mission et  les  instructions  non  retrouvées 
(V.  un  extrait,  p.  47/1,  note  1)  portent  le? 
dates  des  2^  octobre  i63/|,  ,Si  décembre 
i63i  et  17  février  tfiSo  (V.  pp.  /^q'j,  doo 
et  534),  eut  à  établir  avant  son  départ 
plusieurs  mémoires  en  vue  de  l'expédition 
projetée.  Ces  mémoires  et  les  comptes  aux- 
quels ils  donnèrent  lieu  no  sont  pas  datés;  ils 
portent,  nlia  miinii.  la  date  erronée  de  i633 
(V.  plus  loin,  notes  3  et  3)  ;  ils  témoign<'ntdcs 
hésitations  et  des  marchandages  auxquels 
donna  lieu  l'envoi  de  P.  du  Chalard  au  Maroc. 

2.  La  date  «  .\vanl  le  12  août  »  a  été 
restituée  d'après  la  donnée  suivante:  il  est 


prévu  au  nombre  des  dépêches  à  rédiger 
une  lettre  de  Louis  Xlll  au  général  des 
galères,  laquelle  futécrite  le  12  août  ltï34. 
V.p.  482. 

3.  Date  manifestement  erronée.  L'auteur 
de  cette  annotation  a  vu  d'une  part  que  co 
mémoire  était  de  la  main  de  P.  du  Chalard, 
comme  celui  qui  fut  rédigé  avant  le  départ 
du  capitaine  Cabiron  (V.  Doc.  LXVII, 
p.  445)  et  qu'il  datait  avec  raison  de  l'année 
itj33.  Jugeant  d'autre  part,  après  un  examen 
superficiel,  que  l'objet  des  deux  mémoires, 
et  des  Doc.  LXXI,  LXXII,  LXXIlf  était  à 
peu  près  semblable,  il  les  a  datés  tous  de  la 
même  année. 

4.  Cette  lettre  fut  écrite  le  25  octobre 
1C34.V.  I'''  SScrie.  Pays-Bas,  t.  III,  à  cette 
date. 


/(■y  2  AVANT     LE      12     AOUT      I  6,'V| 

sera  commise,  suivant  la  parliculiere  inslruclion  qui  luy  en  sera 
baillée. 

Vue  lettre  du  Uoy  à  nions''  le  gênerai  des  galleres.  afin  que  les 
Mores  sujetz  du  roy  de  .Marrocque  quy  ont  esté  sortis  des  gal- 
leres pour  estre  envoyés  à  Argers  ne  le  soient  pas,  Sa  Ma''  ayant 
resoleu  de  les  rendre  audit  roy  de  Marrocque  ;  et,  s'd  y  avoit  en- 
cores  d'autres  Mores  sujetz  dudit  roy  de  Marrocque  sur  Icsdites 
galleres,  qu'ilz  soient  mis  en  liberté.  De  tous  lesquelz  sera  faict  un 
roolle  des  noms  et  snrnoms,  de  leurs  aages  et  du  lieu  d'oii  ilz  sont', 
pour  estre  conduilz  à  La  Rochelle  et  portés  à  Saffy  ^. 

Un  passeport  du  Uoy  pour  lesdits  Mores  pour  venir  par  terre  de 
Marseille  à  La  Rochelle. 

l  ne  lettre  du  Roy  à  monsieur  le  Grand  Maître  de  Malte, 
Sa  Ma''  le  priant  d'affection  de  donner  la  liberté  au  morabitte  Sayd 
el-Regregry,  captif  à  Malte,  et  lenvoicr  le  plus  promptement  qu'il 
ce  pourra  en  France,  Sa  Ma'"  avani  promis  au  roy  de  Marrocque 
d  cmploier  sa  laveur  envers  Son  Altesse  pour  la  liberté  dudit  mo- 
rabitte ' . 

Une  lettre  à  nions'  le  commandeur  de  La  Porte  '  qu'il  corres- 
ponde par  des  siennes  à  Son  Altesse  et  à  ses  amis  particuliers  à 
Malte  à  l'effect  que  dessus  ". 

Pourvoir  au  paiement  et  recompense  de  ce  qui  est  deub  au 
cappilaine  Gabii'on  pour  son  voiage  à  Marroc,  et  pour  le  fret  du 
navire  du  s''  Blackal,  marchant,  quy  l'a  porté  à  Saffy  et  retourné 
en  France  :  quy  est,  audit  Cabiron  :  .xAyiiij'"'''  d'une  part  pour  les 
Irais,  et  vii"^"  pour  son  appointemcnt,  à  raison  de  cl**  par  mois. 
Va  audit  Blachart  pour  ledit  fret  :  ij"'". 

Faire  ordonner  par  monseigneur  le  Cardinal  un  navire  du  Roy 
du  port  de  trois  cens  thonneaux,  pour  faire  le  a  oiage  en  la  coste  de 
Barbarie,  d'où  il  y  aura  à  retirer  plus  de  (juatrecens  François  quy 


1.  ('croie  fut rlrissi' le  ■_!  septpmbrr  ifi.'î^.  ifiSi.p.   'ii''. 

\  .  infra,  Doc.  LWIV,  p.  i8i.  /|.   Sur  ce  personnage,  V.  p.  3oi  elnole  i. 

2.  D.ivifl  l'allarhe  avait  été  chargé  en  .').  On  se  rappelle  qu'en  i032,  David 
16S3  tlopérer  ce  transfert  et  avait  même  Pallache  avait  également  reçu  une  lettre  de 
reçu  l'argent  pour  les  frais  du  vovagc.  V.  F^ouis  XIII  pour  le  Craiid  Maître  de  Malte 
suprn,  p.  /i.î'i.  concernant  la   mise  en   liberté  de   Sidi  er- 

3.  Cf.  arlicleIIKIulrail>'ilii2'|srplu[ii|jn^  Regragui.   \'.  p.  ^07.    • 


MÉMOIRE     DE     I'.     DU     CHALARD  ^73 

ont  esté  captifvés  despuis  deux  ans,  et  y  porter  les  Mores  retirés 
des  galleres  de  sa  Ma'" ,  ce  qui  ne  se  pourroit  faire  par  un  navire 
marchant,  qui  coustroit  un  jjrand  fret  et  ne  scroitpas  assuic.  C'est 
pourquoy  il  plairra  à  iiioiulil  seigneur  y  aporicr  les  considérations 
de  sa  prudance  accoustumée. 

Faire  ordonner  le  Ibndz  en  deniers  comptans  pour  les  vituailles 
et  solde  de  1  esquipage  dudit  navire,  comme  aussy  pour  le  voiage, 
presens  et  autres  frais  qu'il  conviendra  faire,  quy  ce  trouvent  mon- 
ter à  plus  de  douze  mille  escuz. 

Les  depeschcs  du  Roy  au  roy  de  Marrocq  en  responce  de  la  der- 
nière receuc  de  lu\  '.  et  au  sujet  de  l'intention  que  Sa  Ma'"  a  que  la 
paix  soit  entretenuée  ;  et  à  ces  fins  demander  la  restitution  de  tous 
les  Fransois  et  leurs  biens  pi-ins  et  retenus  tant  par  ledit  roy  de 
Marroc  queceux  de  Salle,  (piy  |)i  irlera  créance',  comme  à  la  personne 
de  Sa   Ma'",  pour  traitter  cl  rcsouldre  lesditcs  alTaircs  de  sa  part. 

Une  lettre  à  ceux  de  Salle  par  laquelle  Sa  Ma  '  leur  tesmoingnera 
le  grand  ressentiment  qu  elle  a  de  leur  contravention  à  la  paix  et 
leur  demandera  la  restitution  de  ses  sujctz  et  de  leurs  hiens  qu'ilz 
ont  prins  et  captifvés  des[)uis  deu\  ans  en  sa  :  (piautrcmeni  il  leur 
faira  connoistre  la  puissance  ilc  ses  armes. 

Un  passeport  pour  sortyr,  libies  et  (|uiltes  des  dioitz  de  douane 
et  de  tous  autres,  les  marchandises  qui  seront  chargées  et  achap- 
tées  pour  le  présent  du  roy  de  Marroeque. 

L'instruction  à  l'envoyé,  qu'il  fault  soit  capable  et  bien  advcrty 
de  ce  (ju'il  aura  à  dire  et  faiie  près  dudit  roy  de  Marroc  et  les 
gouverneurs  de  Salle. 

Uctirer  de  monsieur  Houtbillier'  la  lettre  du  vo\  de  Marrocq 
(pie  David  Pallaclie  a  porté  au  iloy,  en  iacpiellc  il  se  qualiKie  «  son 
lidelle  ministre  et  serviteur'  »,  pourla  baillerau  cappitaincCabiron, 
quy  la   faira  voir  audit  roy  de  Marroc;  laquelle  il  a  desailvouée  et 


1.  Il    s'agit  tin    la    Icllrn   Ai-   Moiilav    il-  voyé  pour  Irai  1er. 

Oualid  du  !'"■  avril  i(i3'i  qui   fui  rapportée  3.   Sur  co  personnage,  \  .  supra  p.  .373, 

par   le    capitaine    Caliiron.    \.    /'''   Série,  note  2. 

Angleterre,  à  cette  date.  !t.   ICn  réalité  la  lettre  dvi  Cliérif.  ou  plu- 

2.  Quy  portera  rreancc.  Ces  mots  se  rap-  tôt  sa  traduction,  portait  :  «  fîdel  et  hono- 
portent  aux  dépêches  du  Roi,  parlcsquelles  rable  député  )i.  V.  supra.  Introduction  cri- 
celui'ci  donnera  pleins  pouvoirs  à  son  en-  tique,  p.  3y5. 


o 


^'it^ 


AVANT     LE     I 2     AOUT 


i634 


dit  estre  supossée  par  ledit  Pallaclie.  Ce  quy  a  causé  tous  les 
maux  quy  se  sont  ensuivis,  à  faute  d'avoir  rendu  la  ratiffication 
de  la  paix  et  les  despesches  du  Roy  audit  roy   de  Marrocq  dont  il 


c'estoit  chargé' 


Archives  des  Affaires  Étrangères.  —  Maroc.  —  Correspondance  consu- 
laire, Vol.  1 .  — •  Original  autotjraphe. 


I.  On  peut  rétablir  la  teneur  des  ins- 
tructions données  à  Du  Chalard,  le  2^  oc- 
tobre i634  (V.  supra,  p.  h~/i,  note  i), 
d'après  un  extrait,  probablement  littéral, 
qui  figure  dans  le  Factum  rédigé  pour 
Jean  Du  Bouexic,  procureur  général  syn- 
dic des  Etats  de  Bretagne  (V.  Bibl.  Nat. 
Impr.  f"  F3,  ij53i.  p.  /).  Du  Chalard 
était  chargé  «  de  mener  et  de  conduire  au 
roy  de  Marocq  les  Mores  ses  subjets  qui 
avoient  esté  mis  sur  les  gallcres  de  France, 
et  retirer  par  forme  de  change  les  François 
retenus  esclaves  par  ledit  roy  do  Marocq  et 
mesmes  par  les  habitans  de  Salé,  et  que. 
si  Icsdits  habitans  dudit  Salé  en  faisoicnt 
refus,  en  traitler  et  compos(^r  avec  eux 
le  plus  modérément  qu'il  pourroil,  afin 
que  les  marchandises  qui  seroicnt  ache- 
tées des  deniers  que  Sa  Majesté  luy  avoit 


fait  mettre  entre  les  mains  y  peussent 
suffire  ;  et  néant  moins  que,  si  le  prix 
du  rachat  montoit  à  plus  grande  somme. 
Sa  Majesté  luy  donnoit  pouvoir  d'emprun- 
ter, au  nom  de  Sadite  Majesté  et  par  son 
crédit  particulier,  des  marchands  qu'il  trou- 
veroit  audit  Salé,  ce  qui  scroit  nécessaire 
pour  faire  ledit  rachapt,  jusqucsàlasomme 
de  cent  livres  par  homme,  que  Sa  Majesté 
promit  de  faire  rendre  et  paver  trois  mois 
après  son  retour,  en  rapportant  un  rooUe 
des  noms  et  surnoms  de  ceux  qu'il  auroit 
racheptez,  et  pour  quelles  sommes,  certifié 
et  signé  parles  gouverneurs  cl  officiers  dudit 
Salé  ».  Ce  rôle,  ou  plutôt  cette  quittance, 
fut  signé  par  les  deux  gouverneiirs  de  Sale 
en  présence  du  vice-consul  Gaspard  de  Ras- 
tin  et  de  Cabiron  (V.  BM.  Aal.  Faclum 
du  Chalard.  Impr.  /"  F3.  i/ô3o,  p.  s). 


MEMOIRE    DE     P.     DU     CHALARD 


/I75 


LXXI 

MÉMOIRE  DE  P.  DL    CIIALAHD 

Liste  (les  dépêches  à  préparer  et  des  dispositions  à  prendre  en  vue  d'une 
prochaine  mission  au  Maroc. 


[aoùt-octobro    iti34]  '. 


En  le'te.  alia  manu  :  i  fi33  ' 


Pour  faire  faire  le  \oiafi;ede  Maroc(j  iitiUeineiil.  il  failli  [xdii'xoir 
en  dilligciice  à  ce  qui  s'ensuit  : 

Retirer  de  monseigneur  le  siiiiiileiidant  Bouthillier  la  leltie  du 
roy  de  Marrocq  au  Roy,  quy  luy  fu^l  raiidue  au  niois  de  deceudjre 
iG3o\  pour  justiffîerla  mesclianseltéde  laquelle  David  Palaehe  c'est 
servy,  quy  a  causé  la  rupture  de  la  paix  et  des  maux  ensuivis. 

F^a  depesche  du  Roy  au  roy  de  Marrocq  en  responce  de  la  lettre 
(ju'il  a  eseril  à  Sa  Ma"  par  le  cappilaiiie  Cabirou.  avec  créance  à 
celluy  que  Sadite  Ma"'  envoyera  pour  Iraitter  et  negotlier  de  ladite 
paix  comme  à  sa  propre  personne  :  et  bailler  quelque  cpialitté  lion- 
noiable  à  l'envoyé  pour  le  rendre  plus  recomaiidalde  près  dudit 
roy  de  Marrocq. 


I .  Le  présent  Mémoire  est  vraisembla- 
blement postérieur  au  13  août,  puisqu'il  ne 
mentionne  pas  la  lettre  relative  aux  Maures 
sortis  (les  galères,  i[ui  fut  envoyée  à  cette 
date.  V.  p.  471,  note  2.  D'autre  part,  on 
avait  dik  rédiger  les  dépêches  et  prendre  les 
mesures  énumérées  dans  ce  Document  avant 
la  fin  du  mois  d'octobre,  car  nous  savons  que 


Du  (Jbalard  avait  reçu  l'ordre,  dès  le  com- 
mencement de  ce  mois,  de  se  tenir  prêt  à 
partir  en  novembre.  V.  infra,  p.  5ii. 

2.  Sur  cette  date  erronée,  V.  supra  p. 
.'17 1,  note  3.  —  La  mention  alia  manu  a 
disparu  lors  de  la  reliure  de  ce  document. 

'^.   Date  manifestement  erronée.  Il  s'agit 


dr  la  lettre  du  (1  octobre  i63l 


p.  090. 


/[■jG  AOUT-OCTOBllE     ifi^'l 

Une  IcKic  (lu  Roy  à  ceux  de  Salé  sur  lesujcl  de  le\n-  conlnivcu- 
liou  à  la  paix,  à  ce  qu'ilz  aient  à  rendre  tous  les  Fransois  et  leurs 
biens  pris  despuis  ladite  paix,  autrement  que  Sa  Ma"  leur  faira  sen- 
tir la  puissance  de  ses  armes. 

La  commission  et  instruction  pour  l'envoyé'  pour  faire  ledit 
voiage,  aiusy  quelle  a  esté  donnée  aux  Irois  voiages  faictz  en 
la  coste  dAirriquc  ". 

Un  passeport  pour  charger  franc  les  marchandises  qui  seront 
achaptées  pour  faire  des  presens  au  roy  de  Marrocq,  à  ses  alcaydes 
et  à  ceux  de  Salé  ;  les  Mores  demandans  tous  les  jours,  et  ne  font 
rien,  sy  on  ne  leur  donne. 

Commander  à  M'  Mai'lin'  de  faire  les  ordonnances  et  estât  pour 
faire  promptement  radouber,  esquiper  de  cordages,  cables,  ancres 
et  toilles,  artiller,  armer  et  munitionner  le  vaisseau  «  La  Renom- 
mée »  pour  fayre  ledit  voiage. 

Ordonner  le  fondz  pour  les  vituailles  et  solde  de  l'équipage  dudit 
navire  pour  six  mois,  quy  ce  monte  pour  six  vmgtz-cinq  liommes. 
dont  il  a  tousjours  esté  composé,  à  iij"'ij''xlviij''  par  mois,  et  pour 
six  mois  xix'"iiij'iiii'"'xij'*,  qu'il  fault  advancer. 

Ordonner  aussy  le  fondz  comptant  de  vingt-cinq  mille  livres 
pour  fayre  l'achapt  des  marchandises  propres  pour  fayre  les  pre- 
sens audit  roy  de  Marrocq,  à  ses  alcaydes  et  à  ceux  de  Salé,  quy  est 
peu  de  chose  à  l'esgard  de  leur  cupiditté. 

Fayre  payer  comptant  le  cappitaine  Cahiron  de  xvi'iiij''^''  quy  luy 
sont  deues  par  le  compte  qu'il  a  baillé  au  révérend  Père  Joseph  \ 
et  ce  qu'il  plairra  à  Monseigneur  pour  le  recompanser  de  dix 
mois  (le  tempz  qu'il  a  employés  en  cest  aH'ayre.  ayant  (juitté  tout 
son  negose  pour  obeyr  à  l'honneur  de  ses  commandemens  ;  cl  le 
fret  deub  au  sieur  Blacart.  montant  iij'"'*- 

Il  seroit  aussy  nécessaire,  en  cas  que  ceux  de  Salé  ne  \  uillent 
pas  randre  les  esclaves  fransois  par  l'ordre  et  commandement  du 


I.   L'envoyé.    C'est   Priam    Du    Chalard  un  caractère  impersonnel,  en    ne  se  nom- 

qui  fut  chargé  comme  plénipotentiaire  des  mant  pas. 

négociations  de  i635.  Il  faut  admettre  ou  a.   Les  voyages  de  1(329,    it'i.'io  cl  iG.Si. 

que  sa  désignation  n'était  pas  encore  faite  3.   Il  était  secrétaire  général  de  la  marine 

à  la  date  où  i!  rédigea  le  présent  mémoire,  de  France.  \  .  supra,  p.  869,  suscriplion. 
ou  qu'il  aiM'a  préféré  laisser  à  ce  document  4-    \  •  supra,  p.  '16g. 


MÉMOinF,   iJE   P.    m:  chai.aho  ^77 

roy  de  Marrocq  (comme  il  |iourrii  arrvver,  eslaiis  les  l'uiclullois 
(l'AiTriquc).  de  mettre  JTis(jues  à  ein(|iiaiite  mille  livres  en  mareliaii- 
dises  propres  au  débit  en  ladite  cosle,  [)<)ur  en  layre  le  raeliapt  au 
meilleur  marché  quy  se  pourra  uegolyer,  dont  le  prolTil  rendra 
trante  pour  cent,  et  par  ce  moien  Sa  Ma'"  gaigncroit  une  paitie  de 
sa  despance,  et  ledit  voiage  sera  <à  sa  gloire  par  toutte  la  Chré- 
tienté. Du  moins  fault  bailler  pouvoyr  à  l'envoyé  d'emprunter  des 
marchans,  de  quelque  natyonqu'ilz  soient,  quy  ce  trouvcroient  audit 
Salé,  les  sommes  ou  marchandises  quy  faironl  besoing  pour  payer 
le  rachapt  desdits  François  ;  autrement  il  seroyt  plus  à  propos  de 
n'enlreprandre  pas  ledit  voiage.  quy  tourneroyt  au  mesprix  de  la 
réputation  des  affaires  de  Sa  Ma'  ,  (piy  est  tenu  pour  le  plus  grand, 
riche  et  charitable  de  tous  les  roys  chrestiens.  Ce  que  Monseigneur 
est  très-humblement  supplié  de  bien  considérer. 

Donner  de  quoy  à  l  en\  oyé.  pour  fayre  avec  honneur  et  contan- 
tement  ledit  voiage. 

Archives  des  Affaires  Etrawjcres.  —  Muroc.  —  Correspondance  consu- 
laire. Vol.   I. — Orifjinal  autof/raplic. 


li-S 


AOUT-OCTOBRE     l(J3'| 


LXXII 

ÉTAT  ESTIMATIF  DE  DÉPENSES' 

Élut  csL'unalifdes  dépenses  à  faire  en  eue  il'une  prochaine  niission  au  Maroc. 


[aoilt-oclobrc  i634]^. 

En  léte.  alia  muna  :  AlTnires  de  Marocq.  —  ir)33'\ 

Pour  le  vaisseau xix'"  iiij'' iiij'"' xij  " 

Presens vingt-cinq  mil  livres 

Cabiron,  Blacart.    .      .        quatre  m\\  six  cent  quatre-vingt  livres. 
Cinquante  mil  livres  pour  marchandises  ou  pouvoir  d'emprunter 
pour  Salé. 

PoHi'  le  radoub  du  vaisseau trois  mil  livres 

cent  deux  mil  ' 
Quairr-viitfji  di.e-neuf  mil  cent  soixante  et  douze  livres. 


Pour  le  vaisseau 

Cabiron,  Blacarl 

Presens  et  voiages.. 

Arcltiees  des  Affaires  Etranijèrcs. 
laire.   Vol.   l.  —  Ori(jinal. 

1.  Cet  état  n'est  qu'un  brouillon.  Les 
sommes  prévues  avant  par  la  suite  été 
estimées  trop  fortes,  elles  furent  diminuées. 
Les  mots  biffés  ont  été  mis  en  italiques. 
Ln  second  compte  sur  lequel  ne  figurent 
plus  que  les  sommes  réduites  a  été  écrit  au 
dessous  du  premier. 

2.  Le  présent  compte  et  le  suivant  (V. 
p.  479)  sont  en  corrélation  évidente  avec  le 
précédent  Mémoire  de  P.  Du  Cbalard  dont 
ils  réduisent  les  propositions  de  crédits. 
C'est  pourquoi  on  leur  a  attribué  la  même 


XIX      111)     111)       XIJ 

quatre  mil  livres 
douze  mil  cuuj  cens  liuict  livres 

Maroc.  —  Correspondance  consu- 


date  approximative. 

3.  Sur  cette  daté  erronée.  V.  p.  4^1, 
note  3. 

4 .  Le  total  était  primitivement  de  quatre- 
vingt  dix-neuf  mil  cent  soixante  et  douze 
livres,  parce  que  sans  doute  on  avait  omis 
d'y  comprendre  les  trois  mille  livres  pour 
le  radoub  du  vaisseau.  Cette  somme  ayant 
été  ajoutée,  on  a  raturé  «  Q\iatre-vingt-dix- 
neuf  mil  «  et  on  a  écrit  au  dessus  :  «  Cent 
deux  mil  »  ce  qui  forme  au  total  cent  deux 
mille  cent  soixante-douze  livres. 


ÉTAT    ESTTMATll'    Dl:    mîPKNSES  '(-() 


LXXIII 

ÉTAT  ESTIMATIF  DE  DÉPENSES 

Etat  esli/nalif  des  dépenses 
à  faire  en  vue  d'une  prochaine  mission  au  Maroc. 

[aoiH-oclobre  i634'-] 
En  tête,  alla  manu:  iMaroc.  —  iG33 '. 
Mémoire  de  ce  qui  feroit  besoingpour  envoyer  à  Marroc. 

L  un  des  vaisseaux  du  Roy  qui  sont  en  Scudre'  bien 
radoubbé.  armé  et  equippé  pour  aller  en  mer. 

Pour  siv  mois  de  solde  et  nourriture  des  bommes  qui 
seront  sur  le  vaisseau,  à  raison  de  iij"'ij''xl\iii**  [)ar  mois, 
conunc  il  a  tousjours  esté,  suivant  lestât  du  Uoy.     .   .\i.v"'iiii'iiii'"'.\ii'' 

Pour  seize  cens  tant  de  livres  qui  sont  deubz  au  sieur 
Cabiron,  [)ar  lu\  advancez  pendant  son  voyage,  et  le  sal- 
laire  qui  luy  a  esté  promis  pom-  dix  mois  qu'il  y  a  em- 
ployez, et  aussy  pour  conduire  les  esclaves  .Mores  depuis 
Marseille  jusqucs  à  La  liocbelle iii^v'viii" 

Pour  Georges  Blacart,  maistre  du  vaisseau  (pu  a  pass(' 
et  repassé  ledit  Cabiron  et  séjourné  plus  de  trois  mois 
exprès  pour  les  alTuircs  du  Roy  le  long  de  la  coste  de 
Barbarie ii'"" 

Pour  l'aire  les  presens,  tant  au  roy  de  Marroc  (|u'à  ses 
alcaycs.  domestiques  et  autres  officiers  et  à  ceux  (|ui  coni- 

1.  Sur  cette  date,  V.  p.  /c^S,  note  2.  3.   Scudre  :   pclitc  rivière  se  jetant  ilan« 

2.  Sur    cette   date    ciTOilée,   \  .    [).  '171,         l'Atlantique  vis-à-vis  de  l'Ile  d'Oléron,  au 
note  3.  [)ort  du  Brouage. 


480  AOUT-OCTOBHE     l634 

mandent  dans  les  villes  el  forleresses  de  Saffi  et  Salle,  et 
encores  pour  les  escortes  qu'il  faull  avoir  pour  aller  par 
terre  à  Marroc,  à  cause  de  la  guerre  que  Sidy  Aly  '  iaict 
audit  Roy,  cy xij 

Pour  celuy  qui  sera  envoyé  et  ledit  sieur  Cabiron". 

Et  d'aultant  que  ceux  de  Salle  sont  eu  rébellion  et 
n'obéissent  à  leur  roy,  il  y  a  apparence  quilz  ne  voul- 
dront  rendre  gratuitement  plus  de  (pialrc  cens  esclaves 
François  qui  y  sont  esclaves,  ce  qui  rendroit  le  voyage 
sans  en  rapporter  le  fruict  que  Ion  en  espère  ;  et  pour  ce 
il  est  nécessaire  de  porter  argent  ou  marchandises  pour 
les  racliepter.  dont  l'on  tiendra  fidel  compte,  ce  qui  ne 
peult  estre  moings  de  quatorze  mil  livres,  qui  pourront 
estre  retenuz  sur  leurs  sallaires,  estans  emploicz  sur  les 
vaisseaux  du  Roy,  cy xiiii""" 

Somme  toute cinquante  six  mil  livres. 

Archives  des  Affaires  Etrari'/cres.  —  Maroc.  —  Correspondance  consu- 
laire. —  Original. 

I.   Sidy  Aly.  Sidi  Ali   ben   Mohammed,         noie  .'(. 
le  marabout  du  Sous.  \  .  supra,  p.  3G5  et  2.   \  .  infra,  p.  48(3.  note  3. 


RÔLE    DES    MALRES    DÉTENUS    A    MARSEILLE  48 1 

LXXIV 

RÔLE  DES  MAURES  DÉTENUS  A  MARSEILLE 

Marseille,  a  septembre  i634. 

Entête,  (dm  manu:  2'' sept.  iG34. 

Mémoire    des  Mores  deu   rouyaume  de   Maroc  qui   sont  en  la 
Tour  S'-Jan. 

Caral y  ' i 

Agia  iNLihamet" 2 

Agia  Braliin^ 3 

Aly  le  Tagarin' k 

Abdala 5 

Chaban  Jerif' 6 

Faict  à  Marsaille,  se  a""  septambre  i634. 

Signé:  La  Tousche  Barbin. 

A rrliii'Ci  (les  {(faire;  Etrangères.  —  Maroc.  —  C(jrresprin(Jancc  consu- 
laire,   \'iil.  I.  —  Ori'/i(ial. 

I.    (^(trnly,  jirobahK'mcnt  :  Kara  Ali.  juj.    froiifirre.    confins;    ce   mot  désignait 

•j..   .A'jia    .Malwmct,    probaliliMiiciit  :    El-  autri^fo.'s  les  Maures  du  pays  d'Ara(,'oii  et 

lladj  Malinintni'i,.  était  opposé  au  terme  de  Andalous  appliqué 

3.  A'jiu  Briih'm.   probablcmr-iit  Kl-lladj  à  ceux  dos  provinces  méridionales  de  l'Es- 
Brahim.  pagne.    Dans    l'Afrique    barbaresque    les 

,  .i  mots  Tagarin  et  Andalous   furent  donnés 

4.  /l(y  ie  Tw/a;  in.  TaparinjV  )l»j  est  le  ,.       .  m      • 

■'  -^  '^         ^'-^  un  peu   arbitrairement   aux    iMoriscos  e\- 

j^  puisés  d'Espagne, 

pluriel    de    lnf:l,ri  j^i.  qui  vient  .lu    mot  5     Chabon  Jcrif  :  ChnW.yn  CAWnf. 


Ut  Castiiies.  IiI.   —  3i 


482  6    SEPTEMBRE     l634 

LXXV 

LETTRE  DE  NICOLAS  DE  LHOPITAL  '  A  LOUIS  XIII 

//  a  mis  à  part  les  prisonniers  maures  sujets  du  roi  du  Maroc. 

Ail,  6  septembre  i634. 

En  Icle,  alla  manu  :  Lettre  de  M' le  M"'  de  Vitry.  —  G  sejjtembre 
i63/i. 

Sire, 

J'ay  rcceu  la  depeschc  de  Vostre  Majesté  en  date  du  xij'  d'aoust, 
par  laquelle  j'ay  veu  le  comandement  qu'elle  me  fait  de  séparer  les 
Mores,  sujets  du  roy  de  Maroc,  des  Turcs  que  le  capitaine  Sanson 
doit  délivrer  en  Algers  et  que  j'ay  fait  mettre,  à  sa  prière  et  pour 
leur  seureté,  dans  la  Tour  S'  Jehan  de  Marseille. 

Sur  quoy  j'envoyeà  Vostre  Majesté  le  nom  desdits  sujets  du  roy 
de  Maroc,  que  je  me  suis  fait  donner  par  un  soldat  nommé  Latouche 
qui  a  soin  de  tous  lesdils  Turcs  qui  sont  demeurez  à  Marseille,  en 
atendant  les  nouvelles  dudit  Sanson,  et  après  avoir  fait  examiner 
par  un  homme  de  ma  part  tous  ceux  qui  esloient  dudit  royaume  de 
Maroc,  qui  sont  six  en  tout,  que  je  feray  reserver  dans  cette  déli- 
vrance générale  pour  les  envoyer  où  et  quand  Vostre  Majesté  le  co- 
mandera,  selon  ses  ordres,  ausquels  je  seray  tousjours  obéissant  et 
ponctuel  comme  je  dois,  estant  continuellement. 

Sire, 

Vostre  très-humble,  très-obeissant  et  très-fidele  sujet  et  serviteur. 

Signé  :  Vitry. 
A  Aix,  ce  6'  septembre  i63/i". 

Archives  des  Affaires  Étrangères.  — Maroc.  —  Correspondance  consu- 
laire.  Vol.  1.  —  Original. 

i.  Nicolas  de  L'Hôpital,  marquis,  puis  tal  écrivait  à  Bouthillier  le  chargeant  de 

duc  de  Vitry,  maréchal  de  France  en  1617,  transmettre  la  dépèche  (ju'il   adressait  au 

gouverneur  de  Provence  en  remplacement  Roi  ;   il  l'assurait  du  soin    qu'il  prendrait 

du  duc  de  Guise  en  1682,  arrêté  et  mis  à  la  «  de  faire  rcsener  ces  Mores  sujets  du  roy 

Bastille  (1637),  où  il  resta  jusqu'en   i643.  de  Maroc,  pour  en  user  ainsy  que  Sa  Majesté 

Mort  en  164/1.  me    l'ordonnera.    »    Arch.    des  Aff.    Etr., 

1.  A  cette  même  date  Nicolas  de  L'Hopi-  France,  Mém.  et  Doc,  vol.  IJ02,  f.  24?. 


LETTRES    PATENTES    DE    LOUIS    XIII 


483 


LXXVI 

LETTRES  PATE^TES  DE  LOUIS  XIII 

Interdiction  de  porter  aucune  marchandise  au  Maroc  pendant  liuit  mois. 

S'  Germain-en-Laye,  20  octobre  l634. 

Enregistralion  des  lettres  patantes  du  Roy  portant  deflence  à  toutes 
personnes  de  trafïicjuer  ni  negotier  au  royaume  de  Marroc  et  coste 
d'Affrique  durant  huit  mois. 

De  par  le  Roy, 

Sur  l'advisquy  a  esté  donné  à  Sa  Magesté  que  quelques  merchans 
François  et  cstrangcrs  ayant  seu  qu'elle  avoit  resolcu  d'envoyer  le 
s''  Du  Challard,  contrôleur  entretenu  par  Sa  Magesté  pour  le  fait  de 
la  marine,  et  gouverneur  de  la  Tour  de  Courdoan,  vers  le  roy  de 
Maroc,  pour  y  confirmer  la  paix  si-devant  tiaitéc  entre  lesdites 
Magestés,  y  conduire  les  forçatz  et  Mores,  subjectz  dudit  roy  de 
Maroc,  et  retirer  les  esclaves  François  debtenus  en  terres  de  son 
obéissance,  le  tout  pour  satisfaire  audit  traitté  de  paix,  et  font  estât, 
pour  prévenir  ladite  embassade,  de  faiie  charger  des  veisseaux  des 
merchandises  de  France  pour  porter  en  ladite  coste  d'Affrique,  ce 
quy  ne  peut  estre  sans  le  grandprejudice  des  affaires  de  Sa  Magesté  et 
notable  intherest  de  ses  subjectz,  à  quoy  elle  désire  pourvoyr  ; 

Sadite  Magesté  a  fait  et  fait  très-cspresses  inhibitions  et  defiencesà 
tous  ses  subjectz,  de  quelque  qualité  et  condition  qu'ils  soyent,  et 
à  tous  merchans  estrangcrs  qui  tralliquent  en  France,  de  fere  char- 
ger aulcune[s]  merchandises  dans  le  port  et  havre  de  son  royaulme, 
pour  les  fere  porter  aux  portz  et  rades  du  royaume  de  Marroc  et 
coste  d'Airritiuc  pendant  iiuit  mois,  à  compter  du  jour  que  ceste 
ordonnance  sera  publiée  ez  portz  et  havres  de  Sadite  Magesté,  et 
que,  par  le  retour  dudit  sieur  Du  Challard,  il  soit  assuré  que  la 
paix  sera  entièrement  confirmée,  ou  qu'autremant  par  Sadite 
Magesté  en  soit  ordonné,  à  pcyne  de  confiscation  des  veisseaux  et 
merchandises  quy  seront  dedans,  que  Sa  Magesté  dcclaire  dez  à 
présent  de  bonne  prinse  en  cas  de  contrevention,  et  de  dix  mil  livres 
d'amande  contre  les  merchans  à  quy  elles  appartiendront. 


m 


20    OCTOBRE     l634 


Et  sera  la  présente  leue,  publiée  et  affichée  en  tous  les  havres  et 
portz  des  villes  esquelles  il  y  a  siège  de  l'Admirauté  ;  et  à  cesl  effait 
veult  Sadite  Magesté  qu'aux  coppies  d'icelles,  deubement  collation- 
nées,  foy  soit  adjoustée  comme  au  présent  original,  enjoignant  aux 
officiers  desdits  sièges  de  l'Admirauté  de  tenir  la  main  à  l'exécution 
de  ceste  sienne  voUonté,  sur  peyne  d'en  respondre  en  leurs  propre 
et  privé  noms'. 

Donné  à  S'  Germain-en-Laye,  le  vingtiesme  jour  d'ottobre  mil 
six  cens  trente-quatre. 

Signé  :  Loys 

Et  plus  bas  : 

Boulilhier. 
Et  scellées  du  cachet  de  ses  armes. 

CoUationné  à  l'original  par  moy,  conseiller,  notaire  et  secrétaire 
du  Roy  et  de  ses  finances.  Targer  ",  ainsi  signé. 

L'an  md  six  cens  trente-quatre  et  le  sixiesme  jour  de  novembre, 
cerliffie  je,  Pierre  Lion,  trompette  juré  de  la  maison  commune 
de  ceste  ville  de  Marseille,  Claude  Robaud  et  Honnoré  Fauchier, 
aussi  trompettes,  que,  en  vertu  de  l'arresl  si-joint,  nous  sommes 
acheminés  en  tous  les  lieux  et  carreffours  de  ceste  ville  et,  illec 
estant,  avoir  donné  et  bailhé  entendre  à  toute  personne  le  contenu  y 
porté,  et  nous  sommes  soubzsigné. 

Archives  départementales  des  Bouchrs-da-Rhône.  —  Série  B.  Amirauté 
de  Marseille,  Insinuations,  Registre  2,  ff.  356  v''-358  v'\ 


I.  Cette  défense  fut  prorogée  par  nne 
ordonnance  de  Richelieu  du  2g  juillet 
i635  :  «  Sa  Magesté,  y  était-il  dit,  considé- 
rant qu'elle  n'avoit  encore  nulles  nouvelles 
de  ce  que  le  sieur  Du  Cliaslard  a  negotié 
avec  le  roy  de  Marrocq...  et  craignant  que, 
sy  les  subjects  de  Sadicte  Magesté  alloient 
en  ses  costes  avant  la  resoUution  dudict 
Iraicté,  ilz  y  pourroient  estre  arrestés  avec 
leurs  marchandizcs,  au  grand  advantaige 
de  ceulx  dudict  pays  qui  ont  besoing  de 
nos  comoditez,  ce  quy  les  pourroit  rendre 
plus  difficiles  aux   conditions  dudict  traic- 


té...  nous  deflendons  très-expressément  à 
toutes  personnes...  d'envoyer  aulcuns  vais- 
seaux ne  barques  durant  la  présente  année 
à  Saffy,  Salle,  Maroq,  ne  autres  cndroictz 
des  estatz  dudict  roy  do  Marroq,  sur 
peine  de  confiscation...  w  (^Arch.  départ, 
des  Bouches-du-Rliône.  —  -  .Série  D.  Ami- 
rauté de  Marseille.  Insinuations,  Reg.  3, 
ff.  3j5-377). 

3.  Nicolas  Targer,  reçu  conseiller  du  Roi 
le  4  mai  i6i3,  remplacé  sur  sa  résignation 
en  i64o.  Tessere,\u,  Hist.  de  la  Chan- 
cellerie. 


LETTRE    DE    PIERRE    DE    fUINDY     A     BOUTHll.LIER  ^85 

LXXVII 

LETTRE  DE  PIERRE  DE  GONDY'  A  BOLTHILLIER 

En  exécution  des  ordres  du  Roi,  il  a  fait  remettre  nu  sieur  de  La  Touche- 
Barbin  les  esclaves  maures  de  Salé. 

Toulon.  i3  novembre  i634. 

Au  clos,  alla  manu  :  M''  le  General  des  Galères,  du  iS"  novembre 
i63'4. 

Suscriplion  :  A  monsieur,  monsieur  Bouthillier,  conseiller  du 
Roy  en  ses  conseilz  et  secrétaire  de  ses  commandemens.  — ■  A  la 
Cour. 

Monsieur, 

Ayant  receu  un  commandement  du  Roy  par  vous  de  faire  déli- 
vrer au  sieur  de  La  Touche-Barbin  les  Turcs  de  Salé  qui  estoientsur 
les  gualleres,  j'ay  vouUu  vous  donner  advis  comme  aussy  tost 
j'ay  satisfaict  à  Tordre  de  Sa  Majesté,  remettant  audict  La  Touche- 
Barbin  tous  ceux  qu'il  m'a  demandés,  et  me  sert  de  cette  occasion 
pour  vous  supplier  très-humblement  de  me  conserver  tousjours  la 
part  que  vous  m'avés  promise  dans  vos  bonnes  grâces  et  dont  j'ay 
eu  de  sy  bonnes  preuves  qui  m'obligent  à  estre  jusques  à  la  mort. 

Monsieur, 
Vostre  très-humble  cl  très-alTeclionné  serviteur, 

Signé  :  Joigny  Retz. 
AToulloii,  ce  I.'}.  novembre  ifiSI. 

Archives  des  Affaires  Etrangères.  —  France.  —  Mémoires  et  Docu- 
ments. Vol.  1702,  ff.  -WI-W-2.  —  Original. 

I.  Pierre  de  Gondy,  comte  de  Joigny,  son  pire,  se  démit  en  lOST)  en  faveur  du 
depuis  duc  do  Retz  (1602-1076),  général  manpiis  de  l'ont-Courlay,  neveu  de 
des  galères  en   1626,  en  remplacement  de         Iticlicliou. 


486  i635 

LXXYIII 

HISTOIRE  DE  LA  MISSION  DES  PP.  CAPUCINS  AU  MAROC 

(i635) 
(P.   François  d'Angers.) 

Voyage  de  P.  Du  Chalard  au  Maroc. 
Titre  :  Le  quatriesme  voyage  de  Maroque  en  Afrique. 

i635* 

L'afliction  des  captifs  de  Maroque  iN:  le  péril  de  leur  salut  dans 
les  suplices  avoient  fait  une  si  forte  impression  dans  l'esprit  pi- 
toyable du  R.  P.  Joseph,  qu'il  pensoit  continuollcmenl  aux  moyens 
efectifs  pour  les  soulager  &  les  garentir  de  ce  naufrage. 

C'est  ce  mouvement  de  compassion  qui  luy  fit  redoubler  ses 
très-humbles  prières  à  M.  le  Cardinal,  pour  obtenir  du  Roy  que  Sa 
Majesté  envoyât  retirer  ces  pauvres  captifs,  ou  déclarer  la  guerre  à 
ces  Barbares,  envoyant  des  vaisseaux  vers  Alger,  Tripoly,  Bizerte 
«Se  vers  le  Détroit,  aux  côtes  de  Maroque. 

Il  réitéra  tant  de  fois  sa  demande,  qu'enfin  on  se  résolut  encor 
une  fois  à  l'exécution,  pour  renvoyer  au  dernier^  en  Afrique. 

Ce  fut  monsieur  Du  Chalard  qui  en  eut  seul  la  commission^  ;  M. 
le  commandeur  de  Razilly  cloit  absent,  qui  avoit  entrepris  de  faire 
des  establissemens  dans  Canadas,  ou  Nouvelle  France,  où  il  étoit 
allé*.  Le  sieur  Du  Chalard  rcceut  les  ordres  du  Roy'^  pour  achever 

1.  Cette  date  est  placée  en  marge  dans  l^.  Isaac  de  Razilly  mourut  à  La  Hève 
l'édition  princeps.  (Acadie)  en  i636. 

2.  Au  dernier.  Il  faut  entendre:  pour  5.  Ces  «  ordres  du  Roy  »  comprenant 
la  dernière  fois.  les  instructions  du   2i   octobre    i634  (V. 

3.  Antoine  Cabiron  accompagna  P.  Du  p.  ^gi  et  p.  5oo),  un  état  du  3i  décem- 
Chalard  à  litre  de  «  marchand  envoyé  par  lire  i634  (V.  p.  53^)  et  une  ordonnance 
Sa  Majesté  pour  le  débit  des  marchandises  ilu  cardinal  de  Richelieu  en  date  du  17 
h  faire  valloir  «.  V.  Faclam  Du  Clialard,  février  i()35  (V.  Ibidem)  n'ont  pu  être 
bibl.  Nat.,  Impr.  l'3,  ij5:io.  retrouvés. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  ^87 

de  conclure  le  trait  té  de  paix  avec  le  roy  de  Maroque  &  le  rachapt 
des  esclaves.  Il  partit'  le  dernier  avril  de  cette  année  i635.  de  l'isle 
de  Ré,  &  ariva  à  la  rade  de  Sapliy  le  12.  may,  d'où  il  écrivit  à 
Sa  Majesté  pour  accompagner  celle  du  roy  de  France,  qui  portoit 
que  l'on  l'envoyoit  pour  confirmer  la  paix  entre  les  deux  couronnes, 
&  demandoit  un  sauf-conduit,  afin  de  descendre  à  terre  &  exécuter 
sa  commission,  en  luy  rendant  ses  respects  &  ses  devoirs,  avec 
deux  Pères  capucins  qu'il  avoit  menés,  dont  le  R.  P.  Pacifique  de 
Baugency  étoit  le  premier,  &  le  Père  Jaques  de  Sainct-Agnan  le 
second  ;  ou  bien  qu'il  plust  envoyer  quelques-uns  de  ses  plénipo- 
tentiaires, afin  de  traitter  avec  luy  de  ce  négoce,  &:  le  finir. 

Le  28.  de  may,  le  Roy  ariva  à  Saphy  &  envoya  à  M.  Du  Clia- 
lard  un  passe-port  pour  aller  le  treuver  avec  vingt  des  siens,  & 
qu'étant  pressé,  il  s'en  devoit  retourner  dès  le  lendemain  à  son 
armée,  qu'asseurement  il  l'expediroit  promptement.  Mais  le  sieur 
Du  Chalard  ne  treuva  pas  ce  passe-port  assés  seur  ;  aussi  il  récrivit 
au  Roy,  donnant  avis  à  Sa  Majesté  des  dificultés,  &  que,  pour 
traiter  avec  une  entière  asseurance,  il  supplioit  Sa  Majesté  d'en- 
voyer quelques  personnes  à  son  bord  pour  otages,  tandis  qu'il  se 
rendi-oil  prés  d'elle. 

Le  Roy  s'en  retourna  le  26.  à  son  armée,  où  le  sieur  Du  Clialard 
envoya  pour  soliciter  d'avoir  un  moyen  raisonnable  pour  l'accom- 
modement. Il  se  rencontroit  toujours  quelque  clause  qui  avoit  be- 
soin d'explication.  Enfin,  après  plusieurs  conférences  par  écrit,  & 
plusieurs  remises,  les  articles  de  paix  furent  conclues  le  18.  juil- 
let i635^,  dont  le  principal  est  un  renouvellement  d'amitié  entre 
les  deux  roys,  leurs  sujets  et  leurs  couronnes  ;  que  tous  les  esclaves 
françois  seront  délivrés,  &  aussi  les  .Mores  que  l'on  tenoit:  qu'il 
demeurera  des  consuls  françois  aux  ports  de  l'obéissance  du  roy 
de  Maroque,  en  toute  seureté  &  liberté  de  leur  religion. 

Le  sieur  Du  Clialard  envoya  au  roy  de  Maroque  les  présents  du 
Roy,  et  reccut  aussi  ceux  de  ce  roy  barbare. 

Quand  il  fut  temps  de  faire  embarquer  les  esclaves,  le  sieur  Du 


I.   Outre  son  vaisseau  «  la  Renommée  »         Poincy  et  «  l'Isabelle  »  qiii  servait  de  pala- 
P.  Du  Clialard  emmenait  avec  lui  «  l'Espé-        che.  V.  p.  5i6. 
raiico  en  Dieu  »  commandée  par  le  sieur  de  2.  V.  ci-aprùs(p.  licjï)  le  textodc  ce  traité. 


m  i635 

Chalard  pria  le  R.  P.  Pacifique  de  Baugency  de  descendre  à  Sa- 
phy,  afin  d"y  mettre  les  ordres  quil  jugeroit  nécessaires  pour  les 
faire  avancer.  Ce  bon  Père  asseure  que  ce  fut  une  merveille  de  voir 
comme  ces  Barbares  le  suivoient  par  la  rue,  \  ne  s'arestoit  pas  un 
moment  qu'aussi  lût  il  éloit  investi  dune  grande  multitude  de  ce 
peuple,  cliacun  le  considérant  ik  comme  le  mesurant  avec  les  yeux. 
Quelques-uns  d'eux,  plus  liardis  que  les  autres,  luy  firent  plusieurs 
questions,  par  lesquelles  il  reconnut  qu'ils  étoient  dans  une  igno- 
rance aprochant  de  la  beste,  aussi  bien  au  faict  de  leur  religion  que 
de  la  nostre  ;  car,  leur  ayant  proposé  quelques-uns  des  plus  com- 
muns poincts  de  l'Alcoran,  ils  luy  témoignèrent  n'en  avoir  jamais 
entendu  parler. 

L'un  d'eux  prit  la  croix  qui  pendoit  au  bas  du  chajselet  de  ce  bon 
Père,  à  laquelle  étoit  attachée  l'image  du  Sauveur  crucifié.  11  luy 
demanda  si  c'étoit  le  Dieu  que  les  Chrcstiens  adoroient.  A  quoy  ce 
Père  repartit  en  l'interrogeant  s'il  croyoit  qu'ils  lussent  privés  de 
jugement  jusques  là  que  d'adorer  une  pièce  de  cuivre  ;  ajoutant 
que  le  jJi'emier  article  de  la  créance  chrestienne  étoit  qu  il  n'y  avoit 
sinon  un  seul  Dieu.  —  «Un  1  «répéta  ce  pauvre  homme  avec  grand 
etonnement,  comme  le  furent  tous  les  auditeurs,  réitérant  plusieurs 
fois  :  «  Est-il  vray  ?  »  Ce  bon  Père  réitéra  ces  asseurances  avec  des 
protestations  ferventes  qu  il  donneroit  volontiers  jusques  à  la  der- 
nière goûte  de  son  sang  pour  le  maintien  de  cette  vérité. 

Reconnoissant  à  voir  ce  peuple  qu'il  prenoit  plaisir  de  l'enten- 
dre, il  continua  son  discours,  ajoutant  que  Jesus-Clirist,  dont  ils 
voyoient  l'image  sur  la  croix,  éloit  le  vray  &  unie  fils  de  Dieu,  non 
qu'il  l'ait  engendré  d'une  femme,  comme  ils  s'imaginoient  (tous 
les  Chrcstiens  étans  bien  informés  de  cette  vérité),  mais  il  produit 
et  engendre  son  Fils,  qu  auliement  on  apcllc  \crbc  divin,  non  par 
l'aide  dune  femme,  comme  font  les  hommes  leurs  enfans,  mais 
par  la  voye  de  son  divin  entendement,  de  luy  seul  &  de  sa  propre 
substance  &  nature.  C  est  pourquoy  ce  Fils  étoit  Dieu,  ainsi  que 
Celuy  qui  l'a  engendré,  &  même  Dieu  avec  Luy,  non  deux  Dieux, 
ains  un  seul  Dieu,  comme  le  rayon  qui  procède  du  soleil  est  une 
même  lumière  avec  le  soleil,  quoy  qu'ils  soient  distincts  l'un  de 
l'autre. 

il  leur  donna  encor  des  comparaisons  plus  grossières,  pour  sac- 


HISTOIRE     DE    LA     MISSION     DES    PI».     CAPUCINS    AU    MAROC  ^89 

commoder  à  la  stupidité  de  leur  esprit,  &  aussi  afin  qu'ils  eussent 
plus  de  moyen  de  comprendre  quelque  cliose  d'un  si  haut  mystère, 
ce  peuple  étant  extrêmement  grossier  d'entendement,  sans  instruc- 
tion pour  leur  créance,  sans  politesse  pour  la  vie  civile,  &  très- 
charnels  de  leur  nature,  étant  chose  asseurée  qu'il  est  de  ceux  des- 
quels parle  l'Apostre,  qui  ne  vivent  (|ue  d'une  vie  animale  &  n'ont 
point  d'autre  lumière  que  celle  de  la  nature,  &  prennent  les  mystè- 
res divins  pour  des  imaginations  extravagantes,  ne  les  examinant 
quavec  un  esprit  grossier,  terrestre  &  enseveli  dans  la  matière. 

Néanmoins  étant  facile,  &  s'engageant  ainsi  de  soy-mesme  dans 
le  discours  en  matière  de  religion,  cela  donneroit  espérance 
«S;  une  belle  ouverture  d'y  faire  du  profit.  Et  par  cet  ongle  ce  bon 
Pcre  jugeoit  la  grandeur  du  lion  ;  car  il  fut  toujours  retenu  dans 
les  vaisseaux,  aussi  bien  que  les  autres  Pères,  &  on  ne  les  mit  à 
terre  que  pour  un  peu  de  temps,  aussi  que  l'on  n'en  étoit  pas  dans 
le  pouvoir,  comme  on  la  pu  remarquer,  ik  moins  en  ce  voyage 
qu'aux  deux  autres'. 

Dieu  pourtant  ne  voulut  pas  rendre  cetuy-cy  tout-à-fait  inutile 
pour  ce  regard.  L  un  de  ces  Barbares  demanda  de  venir  en  France 
pour  (piiller  la  loy  de  .Mahomet,  avec  son  pays  &  le  reste  ;  il  fut 
baptisé  à  Paris  avec  une  pompe".  Cette  conversion,  comme asseure 
le  W.  P.  Pacifique  de  Baugeucy,  doit  estre  rapportée  aux  prières  & 
mérites  des  RR.  PP.  Pierre  d'Alençon  &  Michel  de  A  ezins,  par  la 
communication  descjuels  il  avoit  receu  les  premières  impressions 
du  christianisme,  marque  de  sa  conversion  véritable  &  de  la  bonne 
instruction  qu'il  avoit  receue,  ayant  conservé  les  principes  si  long 
temps  à  couvert,  comme  du  feu  sous  de  la  cendre. 

Quelques  renégats  se  réfugièrent  aussi  sous  les  drapeaux  lleuris- 
sans  du  Roy  Trcs-Chreslien,  comme  à  l'azyle  de  la  religion  catho- 
li([ue  au.ssi  bien  qu'à  celuy  des  opprimés.  C'étoient  de  pauvres 
misérables,  qui  avoienttrop  lâchement  abandonné  leur  créance,  par 
le  mauvais  ti'ailement  &  la  force  des  suplices,  &  non  par  mépris  ou 

1.  Allusion  aux  voyages  de  ifi2g  et  de  Doc.  lAIV,  ]).  .'|3fj),  à  moins  qu'il  ne  s'a- 
i63o.  gisso  du  miîme  événtMnent  que  le  P.  Fran- 

2.  Avec  une  pompe.  Entendez;  «  avec  çois  d'.Vngers  aurait  placé  par  erreur  dans 
pompe  >i  ou  «  avec  une  grande  pompe  ».  le  récit  du  voyage  de  Priam  du  Clialard 
—  On  a  vu  plus  haut  un  cas  analogue  (V.  en  i635. 


490  i63o 

haine  de  la  religion.  Honteux,  ils  disoient,  comme  ces  malheureux 
dans  la  Sapience,  quoy  qu'en  autre  sens  :  Nous  nous  sommes  écartés 
du  chemin  de  la  vérité,  ^  la  lumière  de  justice  n'a  point  paru  sur 
nous,  ny  le  soleil  d'intelligence  ne  s'est  point  levé  sur  nous  jusques  à 
présent.  Nous  nous  sommes  lassés  dans  la  voye  d'iniquité  &  de  perdi- 
tion &  avons  cheminé  par  des  voyes  trcs-dijlciles^ . 

Je  ne  dois  pas  oublier  une  chose  digne  de  très-spcciale  considé- 
ration, que  le  R.  P.  Pacifique  a  mis  dans  ses  mémoires',  qui  fait 
beaucoup  à  la  gloire  de  Sa  Majesté  Tres-Chrestienne,  que  ces  Bar- 
bares conceurent  une  haute  opinion  de  sa  bonté,  en  la  considéra- 
tion du  grand  amour  que  Sa  Majesté  avoit  pour  ses  sujets,  envoyant 
tant  de  fois  de  grosses  flotes  pour  les  retirer  de  cajîtivilé,  ce  qui  ne 
pouvoit  estre  fait  sans  de  grandes  dépenses,  protestant  à  haute 
voix  que  leur  prince  ne  le  feroit  pas.  Et  ce  bon  Père  ajoute  que  les 
Espagnols  esclaves,  qui  y  estoient  en  grand  nombre,  temoignoient 
un  même  sentiment  i^  en  disoient  autant. 

Ces  Pères  asseurent  que  ce  n'a  été  sans  regret  extrême,  s'ils 
n'ont  pas  fait  le  bien  qu'ils  pretendoient  entre  les  Barbares,  par 
faute  d'ocasion,  et  qu'au  moins  leurs  voyages  n'ont  pas  été  inu- 
tils dans  les  vaisseaux  avec  ceux  des  équipages.  Quelques-uns  qui 
étoient  hérétiques  se  convertirent  à  la  foy  catholique,  outre  un 
règlement  &  façon  de  vivre  qui  ne  s'étoit  point  encore  veue  dans  les 
vaisseaux  de  guerre.  Les  juremens,  si  ordinaires  aux  soldats  »& 
matelots,  en  étoient  bannis  ;  les  prières  publiques  y  étoient  faites  le 
matin  ik  le  soir:  les  dimanches  &  les  festes  on  chantoit  vespres,  on 
y  donnoit  l'eau  bénite  &  le  pain  bénit  comme  dans  les  parroisses  ; 
les  confessions  y  étoient  fréquentes,  sans  attendre  le  péril.  On  y 
vivoit  comme  dans  une  maison  régulière,  jusques  à  faire  lecture 
pendant  le  repas.  Dejjuis,  ceux  qui  ont  été  en  de  pareils  emplois  y 
ont  ajouté  la  messe  &  les  communions.  Ce  qui  a  été  de  grand 
exemple  à  tous  les  peuples,  &  qui  augmentoit  la  fidélité  &  le  cou- 
rage des  soldats.  Une  âme  qui  n'est  point  chargée  de  crimes  laisse 
le  corps  avec  moins  de  peine  &  s'expose  plus  hardiment  dans  les 
périls. 


l.   Sagesse,  V,  6  et,  ss.  utilisée  par  le  P.  François  d'Angers  pour 

a.   Ces  mémoires  doivent  être  la  source        le  récit  du  voyage  de  i635. 


HISTOIRE    DE    LA    MISSION    DES    PP.     CAPUCINS    AU    MAROC  ^QI 

En  conséquence  de  ce  traité  fait  avec  le  roy  de  Maroque  &  ceux 
de  Salé  par  le  s'  Du  Clialard.  il  ramena  en  France,  au  mois  de 
novembre  i635',  3o4.  François  qui  éloicnt  esclaves',  ik  fit  ùler  des 
chaines  &  du  travail  333  \  mis  en  liberté  par  le  crédit  du  Roy  & 
ses  largesses,  joint  le  soin  particulier  de  ce  brave  gentilhomme,  qui 
s'obligea  à  la  rançon  payable  au  gouverneur  de  Salé  à  la  fin  du 
mois  d'avril  i636'. 

Outre  que  cela  met  en  évidence  un  grand  efet  de  la  miséricorde 
&  compassion  du  Roy  pour  ses  sujets,  cela  découvre  le  zèle  du 
R.  P.  Joseph,  le  soin  vigilant  qu'il  prenoit  pour  negotier  &  obte- 
nir le  moyen  de  faire  ces  grandes  &  extraordinaires  dépenses,  & 
si  peu  j^ratiquccs.  Reliquum  aulein  verhorum  ejus.  &  omnia  qiiie 
fecit,  &  sapientia  ejus  :  ecce  universa  scripla  sunl  in  libro  verboruin 
dierurn  ejus. 

Bibliothèque  Nationale.  — Iniprimés  0  j^  63.  —  L'histoire  de  la  mission 
des  Pères  capucins...  au  royaume  de  Maroque"',  pp.  32S-3^'2. 

1.  P.  Du  Chalard  arriva  à  la  rade  de  La  la  somme  d'argent  mise  à  sa  disposition.  Cet 
Prée  dans  l'île  de  Ré  le  2.3  novembre  i(J35.  acte  de  générosité  eut  pour  lui  les  consé- 
A  .  p.  5o6.  quences  plus  fâcheuses.  \  .  Factum  de  P.  Du 

2.  Ce   nombre  de  3oA    est  égal,  à  une  Clmlard,  Bibl.  Nat.,  Impr.  F3,  17580. 
unité  prrs,  à  celui  (3o3)que  donne  P.  Du  3.   Ce  nombre  est  celui  que  donne  P.  Du 
Clialard  dans  sa  lettre  du  i3  octobre  i635  Chalard.  V.  p.  ôo5. 

(V.  Duc.  LXXXII,  p.  5o3.)  Sur  ce  nombre,  !i.   Sur  le  chiffre  de  cette  rançon  qui  ne 

deux  cent  quinze  furen  t  rachetés  aux  Salétins  fut  jamais  payée  et  sur  le  sort  des  captifs 

qui  en  donnèrent  quittance  le   1"  octobre  français  laissés  à  Salé,  Y.   infra,   pp.  5o5, 

i635   (V.   infra.  Doc.   CXXIV,  p.   665);  Sog,   5i2,  523;   Relation  de  Jean  Marges, 

quarante  autres  furent  remis,  sous  promesse  pp.    536-539;   Introduction   critique,    pp. 

solidaire  de  P.   Du  Chalard  et  de  Gaspard  557-55g;   Doc.    CI,  p.    58g;   et   3'  Série. 

de  Rastin  de  payer  pour  eux  la  somme  de  France,  t.  I,  Relation  de  Henri  Prat  (iG6g). 

55o3ducats,soit  27,  5i51ivres  (V.  infra,  p.  —  Le  P.  François  d'Angers,  dans  sa  rela- 

58g).  Comme  d'autre  part  le  Chérif  mit  en  tion   très  écourtée,   passe  sous  silence  un 

liberté  par  voie  d'échange  28  esclaves  qui  événement  important:  le  combat  dans  les 

étaient  sa  propriété  personnelle  (V.  p.  5 10),  eaux  de  Sali  de  P.  Du  Chalard    contre  le 

il  reste  vingt  captifs.   Dix  d'entre  eux  qui  vaisseau  anglais  «  la  Perle  »  dont  il  s'em- 

étaient  bretons  se  rachetèrent  eux-mêmes  |>ara.  V.  p.  5o2  et  pp.  5i6-522. 
(V.  Arch.  Ille-ct-Vilaine,  C.  265.3, pp.  1 12-  5.   Pour  le  titre  complet  de  cet  ouvrage, 

ji3y  P.  Du  Chalard  dépassa  de  beaucoup  \  .  p.   11 1,  noie  i. 


4  92  l8    JUILLET     lG35 


LXXIX 

TRAITÉ  ENTRE  LOUIS  XIII  ET  MOULAY  EL-OLALID 

Safî,  i8  juillet  i635. 

En  tète  :  Articles  accordez  enlie  très-auguste,  très-grand,  très- 
victorieux  et  très-clireslieu  Louis,  empereur,  roy  de  France  & 
de  Navarre,  fils  aisné  de  l'Eglise,  protecteur  du  Sainct-Siege,  et 
très-haut,  très-magnanime  et  très-puissant  prince  Moley  Elgualid, 
cmjiereur  de  Marocque,  roy  de  Fez,  de  Suz,  de  Souden,  etc. 

I 

Que  Leurs  Majestez,  désirant  relier  leur  amitié  en  bonne  corres- 
pondance, avec  sincère  &  réciproque  affection,  ayant  esté  interrom- 
pue parla  faute  de  certains  mal-intentionnez,  dont  la  punition  sera 
faite',  promettent  que  le  traitté  de  la  paix  cy-devant  faite  entre 
Leurs  dites  ALijestez,  au  mois  de  septembre  ifiSi,  est  &  demeurera 
valablement  confirmée  en  tous  ses  points  &  articles,  sans  qu'à  l'ad- 
venir  il  y  puisse  estre  contrevenu  en  quelque  sorte  ik  manière  que 
ce  soit. 

II 

Et  s'il  arrivoit,  par  l'entreprise  d'aucuns  des  subjets  de  Leurs 
Majestez,  de  contrevenir  audit  traitté  de  paix,  que  sur  la  plainte 
qui  leur  en  sera  faite,  les  coulpables  seront  cliastiez  comme  crimi- 
nels, rebelles  &  perturbateurs  du  repos  public,  &  seront  tenus  du 
dommage  des  parties. 

III 

Que  tous  les  François  détenus  esclaves,  pris  &  retenus  depuis 
le  traitté  de  paix,  seront  présentement  rendus  au  sieur  Du  Clialard, 

1.   Alhision  à  la  conduite  de  David  Palladio  en  i03j.  V.  siipra,  pp.   Sgi-Sgfi. 


TRAITÉ     ENTRE     LOVIS     XIII     ET    MOULAY     EL-OUALID  ^qS 

pour  Sadite  Majesté  Très-Chreslienne  ;  &  de  mesme  les  subjets  du 
roy  de  Marocque,  qui  liiy  sont  envoyez  par  Sa  Majesté  Très-Chres- 
tienne  '. 

IV 

Que  les  gouverneurs  &  habitans  des  villes  &  forteresses  de  Salé, 
&  autres  subjets  du  roy  de  Marocque,  rendront  tous  les  François  pris 
(5s;  retenus  depuis  la  paix,  sans  payer  aucun  rachapt  ;  ce  que  ledit  roy 
de  Marocque  leur  commandera  très-expressementpar  de  très-royales 
lettres,  &,  en  cas  de  refus.  Sa  Majesté  Très-Chrestienne  se  servira 
de  ses  moyens,  sans  que  la  paix  d'entre  Leurs  Majestez  se  puisse 
rompre. 

V 

Que  les  raïz  &  capitaines  de  vaisseau  des  subjets  du  rov  de  Maroc- 
que qui  trafiqueront  en  France  porteront  passe-port  de  Sa  Majesté, 
ou  des  gouverneurs  des  villes  &  jiorts  où  ils  seront  équipez  ;  &  de 
mesme  tous  les  capitaines  ou  maistres  de  navires  qui  arboreront  la 
bannière  françoise  seront  obligez  de  porter  un  congé  de  Sa  Majesté 
Trcs-Cbrcslienne,  ou  de  Son  Eminence  le  seigneur  cardinal  duc 
de  Ricbelieu,  pair,  grand-maistre,  chef  &  surintendant  gênerai  de  la 
navigation  &  commerce  de  France. 

M 

Ne  se  fera  ny  pourra  estre  rien  attenté  sur  les  personnes  &  biens 
des  consuls  de  la  nation  françoise,  qui  seront  pourveus  desdits 
offices  par  Sa  Majesté  Très-Chrestienne  &  establis  en  chacune  des 
villes  &  ports  des  roiaumes  &  empire  de  Marocque,  ains  enjouyront 
avec  les  privilèges,  frari(;liiscs,  prééminences,  droits  &  libertez 
appartenans  &  attribuez  ausdils  consuls,  lesquels  seront  assistez, 
pour  l'exercice  de  leur  religion,  les  François  &  autres  Chresliens, 
des  gens  d'église  françois  qui  seront  envoyez  pour  demeurer  avec 
lesdits  consuls  en  tous  lieux  d'A\frique. 

I.   En  vertu  (1b  cet  article,  P.  D\i  Clialard  captifs,  sctrouvaionten  France.  Enécliangc, 

remit   au   Chérif    vingt-sept  Maures   reti-  le  Gliérif  remit  vingt-huit  esclaves  français 

rés    des  galères  du   Roi,  plus  un    certain  qui   étaient    sa   propriété   personnelle.    V. 

nombre    d'autres    Maures   qui,    sans  être  iiifra.  p.  5io. 


49^  i8  JUILLET  i635 

VII 

Et  seront  Icsdits  articles  de  paix  du  mois  de  septembre  i63i. 
publiez  dans  toutes  les  villes,  jDorts  &  rades  des  royaumes  de  Leurs 
Majestez. 

Lesquels  dits  presens  articles  seront  signez,  au  nom  de  Sadile 
Majesté  Très-Chreslicnne,  par  le  sieur  Du  Chalard,  conseiller  en 
son  Conseil  d'Estat  &  gouverneur  delà  Tour  de  Cordouan,  en  vertu 
du  pouvoir  &  commission  qu'il  en  a  du  2/1.  jour  du  mois  d'octobre 
1634.  signée:  Louis,  et  plus  bas,  par  le  Roy,  Boutiiillier,  scellée 
du  grand  sceau  de  cire  jaune,  sur  double  queue  pendante. 

Fait  à  SafTy,  le  18.  jour  du  mois  de  juillet  i635. 

Je  certifie  que  les  articles  de  la  ])aix,  dont  copie  est  cy-dessus 
transcrite,  sont  conformes  &  de  mesme  teneur  que  ceux  que  le  roy 
de  Marocque  a  signez,  escrits  en  langue  arabe,  baillez  à  monsieur 
Du  Clialard,  qui  a  signé  ceux  escrits  en  i'rançois,  au  nom  du  Roy 
Très-Chrestien,  envoyez  audit  roy  de  Marocque. 

Fait  à  Saffy,  le  ig.  juillet  i635. 

Signé  :  Morat'. 

Bibliothèque  Nationale.  —  V  de  Colbert.  —  Ms.  'tS3.  Jjf.  ^186  v^-^SO. 
—  Plaquette-. 

Ibidem.  —  Imprimes.  Lrl.  Gazette  de  France,  du  '20  janvier  1636, 
(f.  U7  y^-^S. 

Ibidem.  —  Fonds  français.  —  Ms.  23386,  ff.  287  v'-289.  —  Copie 
du  XVII'  siècle. 

Ibidem.  — ■  \ouvcllcs  acquisitions  françaises.  —  Ms.  70^9,  ff.  331 
v'>-333.  —  Copie  du  XVII'  siècle. 

Archives  des  Affaires  Etrangères.  — Maroc.  — Correspondance  consu- 
laire,  Vol.  1 .  —  Copie  du  X\'II'  siècle. 

Ibidem.  —  Turquie.  —  Mémoires  et  Documents,  Vol.  2,ff.  262-26^.  — 
Copie  du  XVII'  siècle''. 

1.  Sur  ce  renOgat.  V.  p.  45i,  noie  i.  438,  notes  i  et  2. 

2.  Sur  le  litre  de  celle  plaquette,  V.  3.  Ce  traité  est  en  outre  reproduit  par 
supra,  p.  !m,  note  4.  Ce  texte,  ainsi  que  le  P.  Dax,  Hist.  de  la  Barbarie  et  de  ses 
celui  de  la  Gazette  de  France  (V.  la  ré-  corsaires,  ainsi  que  par  Léonard  et  Du.mot 
férence  suivante),  est  officiel.  V,  supra,  p.  dans  leurs  recueils  de  traites. 


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ORDONNANCE    DE    MOULAY    EL-OUALID  ^QB 


LXXX 

ORDONNANCE  DE  MOULAY  EL-OUALID' 

Proclamation  du  truite  du  I S  juillet  1633. 

S.  1.,  3  ScftT  10:^5  —  ig  juillet  it)35. 
En  tête  :   ^  (Jljl  Aobl  J^J<\  jaj_j!l  :i-  JlLUl  ^Vl  \lfi>  jA« 


Sig:<e  de  validation. 


I.   \.  un  fac-similo  de  celto  ordonnance,  PI.   IV, 


tl  ,•».« 


liCfÇl  II)    JLILLET     l635 

j  >oA)  j  ii-  l*jo-  ij^^\  j^J^   <-?  /«-^  Âjjifr  ^_^L)  dA-b    i^lâ  (jls 
-«■    ijl  J-*L*  ^^^  J"^'  'C'^-  -5  ^*  (W^  ^-'•^  J*^  '^-'^"-**  ^'1^  c5jLI 

,_j:5oI  «•  'liislaic. -s-  j,rt::xJuil  (j^Lj  j  -i-  j^jli-^  olj^ ^lâi—^  ù^  j 

jL-     J^   ô:>UI  diJÀ,   O^^  ^->  x;>'i«^^  l_^i^l:^'(  "^^  tS-^*  iT'^'^^J 

Bibliothkjue  \alionatc.  —  Munnscrllf:.  —  Lettres  arabes,  (JlUO.  n"  3. 
—  Oriijindl. 


nnnowANCE   nE   moui.ay   kl-ouamo  !h)- 


LXXX'"' 

ORDONNANCE  DE  MOILAY  EL-OUALID 
(Traduction) 

S.  1.,  3  Sefer  io'i.J  —   19  juillet  i635. 

En  lele :  Emane  cette  ordonnance  impériale  de  El-Oualid'.  l'as- 
sisté de  1  assistance  divmc 


SiGN 


E    DE    VAUDATIOÎi. 


Puisse-t-ellc  être  exécutée  sans  interrnjilion  avec  l'aide  de  Dieu 
qui  facilite  l'acconiplissemcnt  des  actes  nécessaires  !  Puisse-t-elle 
être  obéie,  grâce  à  Lui,  dans  tout  le  territoire  du  Maghreb! 

Connu  soit  à  (]uicon(|ue  verra  cette  ordonnance,  exécutoire  dans 
toute  1  (''tendue  de  1  enipirc.  ipie  le  traité  conclu  entre  les  deux 
pays,  aux  obligations  bilatérales,  traité  conclu  autrefois'  à  la  suite 
de  fâclieux  événements,  nous  en  renouvelons  la  publication  ofli- 
cielle,  ces  renouvellement  cl  exécution  ne  devant,  avec  l'aide  de 
la  puissance  de  Dieu,  sidjir  ni  altération  ni  inlerrupliou  (pielcon- 
(jues. 

1.    I.r  tfixlc  porte  ijjjj\,ceciu\  donne  ^.^.^^j,,   n'giUMit   n'est   rappelé  ipie  par  une 

pour  la  traduction  liltérale  :«  Emane  cette  épitlu'te  i    forme  etlini([uc.   Y.   /'''  Série, 

ordonnance  impériale,  oualidiciine...  ».  On  Pays-lias,  t.  I,  p.  120,  note  G. 

se  rappelle  que,  suivant  un  usage  généra-  2.   Le  traité  du  17-2/1  septembre  i63i, 

lement  adopté  i>ar  les  chérifs  saadiens  dans  lequel  était  confirmé  par  l'art  i'^''  du  traité 

leur  protocole  épislolaire,  le  nom  du  sou-  du  18  juillet   iGSô.  V.  p.  4i)2. 

De  Casthies.  III.  —  Sa 


4q8  19     JUILLET     ifi.S.") 

Que  si,  par  l'eiTet  de  la  volonté  de  Dieu,  de  ses  décrets,  de  sa 
prescience,  de  1  exécution  de  ses  ordres,  cjuelques  fautes  venaient  à 
être  commises  par  les  agents  des  deux  pays,  fautes  comportant  une 
dérogation  à  la  lettre  ou  u  l'esprit  des  conditions  du  traité,  elles 
enti'aîneraient  pour  l'agent  coupable  un  cliàtuneut  public  dont  le 
bruil  se  répandrait  par  toute  la  terre. 

Nos  agents  et  représentants  sur  les  côtes  de  la  mer  devront  mettre 
en  liberté  tous  les  captifs  français  actuellement  cm  leur  possession, 
selon  l'exemple  de  Notre  Haute  Seigneurie  et  suivant  les  traditions 
établies  par  nos  généreux  et  nobles  procédés. 

Les  capitaines  et  les  raïs  des  deux  nations  ou  ceux  qui  les  repré- 
sentent dans  l'exjîédition  des  affaires  devront,  cbacjue  fois  qu'ils  se 
rencontreront,  exliiber  les  écrits  ou  ordres  impériaux  dont  ils  sont 
porteurs,  afin  d'éviter  la  confusion  et  la  suspicion  dont  ils  pour- 
raient être  l'objet.  Ce  sera  là  une  garantie  à  la  disposition  de  qui- 
conque voudra  se  réclamer  de  l'une  ou  de  l'autre  des  deux  nations. 
Et  tous  malentendus  ou  inconvénients  seront  ainsi  évités,  avec  la 
grâce  de  Dieu. 

Le  consul  français  résidant  près  de  Notre  Seigneui'ie  à  Merrakech 
el-Hamra  —  la  bien  gardée  —  n'éprouvera  de  dommages  ni  en 
ce  qui  concerne  sa  personne  ni  en  ce  qui  concerne  ses  biens  ou  ses 
repiesentanls  en  toutes  circonstances.  Sa  personne  et  celle  du  prêtre 
qui  l'accompagne  devront  être  respectées  partout,  ainsi  qu  il  est 
d'usage  de  le  faire  dans  tous  les  pays'. 

Ecrit  à  la  date  du  trois  de  Sefer  de  l'année  mil  quarante-cinq. 

I.  On  verra  ci-dessous  (jj.  ,ïii)  qu'à  la  prévoyait  l'établissement  d'un  consul  fran- 
date  du  présent  Document  le  consul  Pierre  çais  à  Merrakecli  ne  fut  donc  pas  suivie 
Mazel   était  devenu   ton.    Cette  clause   (|ui         d'oiécution. 


ACCEPTATION     DES    ARTICLES    DE    LA     PA1\     PAK     LES    SALÉTINS      '|()<| 


LXXXI 

ACCEPTATION  DES  AllTICLES  DE  LA  PAIX 
PAR  LES  SALÉTINS 


Salé,   1'-''  soplcmbre  i635. 

En  lèlc  :  Acceptation  faicte  pur  les  gouverneurs  ik  habilans  de 
Salé  des  articles  de  la  j)aix. 

Messire  Priam-Picrre  Du  Chalard.  conseiller  du  Roy  Très-Clires- 
tien,  gouverneur  de  la  Tour  de  Cordouan.  chef  descadre  des  vais- 
seaux de  Sadite  Majesté  en  la  coste  d'Afrique  &  son  ambassadeur 
au  roy  de  Marocque,  sous  la  charge  à;  authorité  de  monseigneur 
l'cminenlissime  cardinal  duc  de  Uichelieu  «.V  de  Fronsac,  pair, 
grand  maistre,  chef  >S:  surintendant  ijeneral  de  la  naviçratiou  & 
commerce  de  France,  dune  part. 

Et  les  illustres  seigneurs  El-Haech  Abdala  ben  Aly  el-Cazery'  & 
Mehamed  Ben  Amer,  gouverneurs  de  la  ville  ^;  chasleau  de  Salé  & 
sa  jurisdiction.  d'autre  part. 

Lesdits  seigneurs  gouvei'neurs  certifionl  avoir  receu  dudit  sei- 
gneur Du  Chalanl  une  lellrc  royale  de  Moley  El-Gualid,  emjie- 
reurde  Marocque.  leur  seigneur,  sigiiié  de  sa  propre  main,  par 
laquelh'  Sadile  Majesté  les  advisc  avoir  fait  &  accordé  la  paix  avec 
le  Très-Chrestien  Louis,  roy  de  P'rance  à:  de  Mavarre  ;  »k  des  arti- 
cles d'icelle  leur  a  esté  délivré  un  Iranslat  escrit  en  lettre  &  langue 
arabique,  &  au  pied  d'iceluy  signé  par  ledit  sieur  Du  Chalard.  La- 
(|uelle  dite  lettre  royale  dudit  em|)ereur  de  Marocque,  leur  seigneur, 
lesdits  sieurs  gouverneurs  ont  baisée  ik  mis  sur  leurs  testes,  comme 

I,   Sur  ce  personnage,  V.  supra,  p.   iy/|,  note  y  et  p.  282,  note  3. 


5oO  i"    SEPTEMBRE     I  635 

à  lettre  de  leur  royel  seigneur  naturel'  ;  \,  en  leur  compliment,  disent 
qu'ils  obéissent  à  ee  que  leur  commande  Sa  Majesté,  &  qu'ils  sont  et 
seront  compris  ausdites  paix,  faites  &  accordées  entre  les  Majeslez  des- 
dits hauts  &puissans  roys,  &  que  par  eux  ne  sera  contrevenu  à  icelles, 
ains  seront  conservées  »S;  gardées,  comme  il  est  contenu  dans  Icsdits 
articles.  Connue  mesme  seront  aux  articles  de  trêves  de  l'an  passé 
de  i63o.,  qui  furent  accordez  entre  les  sieur  commandeur  de  Razilly 
&  le  susdit  sieur  Du  Chalard  &  le  gouvernement  de  la  ville  &  chas- 
teau  de  Salé,  lesquelles  ont  esté  confirmées  par  Sa  Majesté  le  susdit 
Très-Chrestien  Roy  de  France,  duquel  il  y  a  un  original  attaché  au 
dessous  du  contre-sceau  des  lettres  patentes  royales  de  Sa  Majesté 
Très-Chrestienne  dattées  du...  jour  du  mois  de  may  de  l'an  iG3i'': 
lesquelles  demeurent  et  demeureront  en  leur  force  6i  vigueur. 

Et  ledit  sieur  Du  Chalard,  au  nom  du  Très-Chrestien  Roy  de 
France,  &en  vertu  delà  particuhere  commission  que  Sa  Majesté  a 
signée  de  sa  main  royale  &  scellée  avec  ses  seaux  royaux,  faite  à 
S.  Germain-en-Laye  le  a/i.  d'octobre  de  l'an  i63/|%  promet  que, 
lesdits  sieurs  gouverneurs,  &  déplus  citoyens  &  habitans  desdites 
ville  de  Salé  &  leur  jurisdiction.  leur  sera  gardée  la  paix  faicte 
&  accordée  entre  Leurs  Majestcz  desdits  très-puissans  roys,  sans 
faillir  en  ehose  quelconque  de  tout  ce  que  Leurs  dites  Alajestez  ont 
articulé  ;  et  que  les  articles  de  trêves  cy-devant  référées,  faits  avec 
lesdits  sieurs  commandeur  de  Razilly  *k  Du  Chalard  avec  le  gou- 
vernement de  ladite  ville  de  Salé,  sont  &  demeureront  en  leur 
force  &  vigueur,  comme  elles  ont  esté  confirmées  par  Sa  Majesté 
le  Très-Chrestien  Roy  de  France,  iSc  signées  de  sa  main  royale. 

Et  que,  si  lesdits  sieurs  gouverneurs  desiroient  envoyer  en 
France  cpiclquc  personne  pour  demander  à  Sa  Majesté  Très-Chres- 
tienne la  liberté  des  arraïz  &  de  leurs  gens  qui  sont  détenus  dans 
les  galères  de  Sa  Majesté,  ledit  sieur  Du  Chalard  donne  sa  parole 
qu'il  luy   sera  fait  bon  passage  &  le  favorisera  de  ses  bons  offices, 


I.   Cet  usage  s'est  conservé  jusqu'à  nos  3.   Ces    «   lettres    patentes    »  étaient  la 

jours;  tout  caïd  recevant   une   lettre  ché-  ratification  du  traité  de   i63o  que  Razilly 

rifienne  la  presse  sur  son  cœur,  la  porte  à  l't  Du    Chalard   durent  porter   à   Salé    en 

SCS  lèvres  pour  en  baiser   le  cachet   et  la  i63i   suivant  leurs  instructions.  V.  supra. 

met  ensuite  sur  sa  tête,  avant  d'en  prendre  p.  ;io^. 

connaissance.  3.  Cette  commisson  n'a  pu  être  retrouvée 


ACCEPTATION    DES    ARTICLES    DE     LA     PAIX     PAR    LES    SALETINS      OOl 

pour  satisfaire  aux  prières  &  recommandations  desdits  sieurs  gou- 
verneurs. 

Et  pour  foy  &  asseurance  de  tout  cy-dessus  dit,  lesdits  sieurs 
Du  Chalard  &  sieurs  gouverneurs  signeront  la  présente  de  leurs 
mains  ;  de  laquelle  a  esté  fait  doux  originaux,  un  desquels  a  este 
mis  en  main  dudit  sieur  Du  Chalard,  ik  l'autre  est  demeurée  es 
mains  desdits  sieurs  gouverneurs. 

Fait  &  octroyé  en  la  ville  de  Salé  &  de  sa  rade,  le  premier  jour 
de  septembre  iG35. 

Signé  :  Du  Chalard.  El-Haech  Abdala  ben  Aly  el-Cazery  &  Meha- 
med  ben  Amer  ;  &  plus  bas  :  Ben  Sayd. 


En  conséquence  du  présent  traitté  de  paix,  ledit  sieur  Du  Chalard 
a  ramené  en  France,  au  mois  de  novembre  dernier  i635.,  trois  cens 
quatre  François  des  provinces  maritimes,  &  fait  oster  des  chaisnes 
&  du  travail  trois  cens  trente-trois  autres,  mis  en  liberté  sur  le 
crédit  du  Roy  &  de  l'obligation  particulière  dudit  sieur  Du  Chalard, 
payables  aux  gouverneurs  de  Salé,  à  la  fin  du  mois  d'avril  prochain. 

Blhnothk/ue  \atiunalc.  —  V  de  Colhcrt.  —  Ms.  ^SS,]).  ^^89-^91.  — 
PlaijLiette'. 

IlnJeiu.  —  Imprimes.  Le"  I.  —  Gazette  de  France,  du  20 janvier  1636, 
f"  'iSv". 

Ihidem.  —  Fonds  français.  —  Ms.  23386,  ff.  289  v«-29l.  —  Copie 
du  xvii"  sii-rle. 

Ihidem.  —  Nourelles  arrjuisitinns  françaises.  —  Ms.  70^9,  //".  333-335. 

—  Copie  du  xvii''  sii'cie. 

Archives  des  A/Jaires  Etrangères.  —  Maroc.  —  Correspontlancc  consu- 
laire,  ]'ot.   I.  — Copie  du  \\n"  siècle. 

Ibidem.  —  Maroc.  —  Mémoires  et  Documents,  Vol.  3,JJ.  1^1-15.  — 
C.opie  du  XV II"  siècle. 

Ibidem.  —  Turquie.  —  Mémoires  et  Documents,  Vol.  2,  (f.  26^  v''-266. 

—  Copie  du  wif  siècle-. 

I.  Sur  ccltp  pIa'(iielto  tenant  lieu  de  pu-  Léonard  et  rie  Di'mont.  Le  P.  Dan  ne 
blication  ofTiciille,  \  .  p.  /|ii.  note  /|.  fait  île  cet  accord  qu'une  mention   d'une 

■i.   Cf.  en  OLitre  les  recueils  de  traités  de         ligne. 


0O2  I  O    OCTOBRE 


l635 


LXXXII 


LETTRE  DE  P.   Dl    CII\L\UI)   \   LOUIS  Mil 

//  n  rnpinré  un  navire  onr/lnis.  —  //  '/  siijné  avec  le  Chéri f  un  Iniilé  amfir- 
ni'inl  In  pui.r  conclue  en  IG^H.  —  Trois  ceni  trois  niale/ols  français  ont 
été  mis  en  liherlé.  —  Les  Snlétins  ont  fait  payer  fort  cher  le  rachat 
de  leurs  captifs  :  ils  auraient  voulu  un  traité  spécial  passé  avec  eux  ; 
ils  ont  fini  par  accepter  les  conditions  de  paix  sit/nces  avec  le  Che'rif.  — 
Les  matelots,  entièrement  dévoues  cui  Roi  qui  les  a  délivrés,  seraient  un 
précieux  appoint  dans  une  (juerre  contre  l' r.sfiafjne.  —  Les  Salétins  ont 
fait  sortir  vinrjl-deux  navires:  les  uns  vont  infester  les  côtes  d'Espaijne  ; 
les  autres  se  portent  vers  les  Canaries  jiour  attendre  la  flotte  des  Indes.  — 
Cin'j  prises  faites  par  ces  navires  sont  entrées  à  Salé.  —  Du  Chalard  se 
rendu  Sa  fi  à  la  demande  du  Chérif  >jui  désire  envoyer  un  ambassadeur 
en  France.  —  //  prie  le  Roi  de  lui  faire  adresser  à  La  Rochelle  et  à  Brest 
des  ordres  relatifs  à  ses  éijuipages  et  à  l'amhas.fadeur  marocain  et  d'in- 
viter le  tré.wrier  de  la  Marine  à  lui  payer  ce  qui  lui  est  du.  —  Engaç/c- 
ments  souscrits  par  lui  pour  la  délivrance  de  trois  cent  trente-trois 
Français  captifs  qui  restent  à  Salé. 


En  rade  de  Salé,    l3  octobre  iG.iô. 

En  fête,  (ilia  manu  :  M.  Du  Chalard.  —  Rade  de  Salé.  i3  octobre 
i635. 

Susrriplion  :  Au  lloy. 

Sire, 

Je  crois  ([ijc  Nnslre  Ma''  aura  sceu  par  monseicr'  reinincnlissime 
Cardinal  Duc  le  combalet  prinse  ciuej'é  l'aictlejourde  la  Penlecosle' 
dung  navire  anglois  du  port  de   quatre  cens    llionneaux  artillé    de 

I.   Le  jour  dr  la  P<'iiUxostc.  le  2"  mai   lf)3.). 


LETTRE    DE     P.     DL"     CHALARD     A    LOUIS    XIII 


oo3 


vingl-six  pièces  de  canons,  pour  n'avoir  pas  vouUeu  randre  l'hon- 
neur et  debvoir  qu'il  estoit  teneu  à  vostre  estandar  et  à  ma  com- 
mission'. Ce  qui  m'empeschera  d'importuner  V'^"'  Ma"'  de  ce  faict, 
ccste  lettre  aiant  à  estre  trop  longue  pour  luy  rendre  compte  seul- 
lement  des  principaux  poinctz  de  mon  voiage,  duquel  je  remetz 
touttes  les  particidariltés  lorsque  Dieu  me  taira  la  grâce  de  me 
trouver  à  baiser  les  piedz  de  Vostre  Ma'"',  qui  verra,  s'il  luy  plaist,  le 
bon  succez  que  j'é  heu  par  les  articles  de  la  confirmation  de  la  paix 
qu'a  signé  le  roy  de  Marocque".  A  quoy  je  servy  le  mieux  qu'il  m'a 
esté  possible  à  1  honneur  de  vos  commcndemens.  Et  j'ay  retiré  trois 
cens  trois  liommes  mathelos.  encores  que  V'"Ma'^ne  m'ayt  pas  faict 
bailler  que  vingt  mille  livres  ^  pour  le  présent  du  roy  de  Marocque  et  les 
autres  despanccs  nécessaires  et  inévitables  de  faire  en  la  negotiation 
des  Maures,  qui  ne  font  et  n'entendent  jamés  à  rien  que  première- 
ment on  ne  leur  ayt  donné. 

Ceux  de  Calé  ont  aussy  accepté  la  paix  '  avec  bien  de  la  penne, 
qui  voulloient  faire  ung  traitté  à  part  et  m'ont  faict  payer  le  rachapt 
desdits  captifz  au  prix  qu'ilz  les  avoient  achaptés  et  quarante  pour 
cent  de  profFict,  qui  ce  montent  à  la  somme  de  cent  six  mil  deux  cens 
livres  '  :  autrement  il/,  n'en  ussent  rendeu  aucun,  disansque  leur  roy 
ne  peut  pas  donner  leur  biens.  Et  j'ay  pancé,  sur  les  advis  que  je 
receu  en  cesie  rade,  que,  sy  la  guerre  estoit  contre  Espagne,  que  ce 
seroit  un  grand  secours  à  \  ostre  Ma'    d'avoir  de  sy  bons  hommes  de 


1.  Sur  cet  épisode,  V.  infra.  Doc.  infra.  Doc.  CWIV,  p.  066,  et  Bibl.  Nat., 
LXWVir,  pp.  Dl6-522.  Impr.,  l'actmn  UuCkalard,  FH,  lyâSn. 

2.  V.  ci-dessus  le  traité  signé  le  i8  4-  \.  cette  acceptation  Doc.  L\\\l, 
juillet  i635  (p.  492),  et  conGrmant  la  paix  p.  ligij. 

conclue  les  17  et  24  septembre  i63i.  5.   Cette  somme  d(^    106300'*   est  celle 

3.  Le  roi  avait  ordonnancé  une  .somme  qui  est  portée  sur  la  quittance  donnée  par 
de  dix  mille  livres  pour  le  rachat  des  es-  les  Salétins  le  i'-'"'  octobre  i635  (V.  infra, 
claves  (V.  infra,  p.  .îog)  et  une  autre  égale  Doc.  CXXIV,  p.  66,ï)  et  elle  doit  par  con- 
pour  les  présents  à  offrir  au  Chérif  (V.  scquent  être  admise  comme  exacte.  Ce- 
infra,  p.  5o8).  En  dehors  de  ces  sommes,  pendant  P.  Du  Chalard,  dans  son  mémoire 
les  États  de  Hrelagne  s'étaient  engagés  à  justilicalif  (V.  Doc.  LXWIV,  p.  5ot)), 
verser  dix  mille  livres  pour  le  rachat  des  parle  d'une  somme  de  i3i  SOi**  16  s., 
captifs  bretons,  mais  comme  ils  n'avaient  soit  aS  SOi"  de  plus.  Cette  dernière  somme 
pu  faire  l'avance  de  celte  somme.  Du  Clia-  représentait    peut-être    des     frais    acces- 

anl   se    l'était  procurée  par  emprunt.   V.  soires. 


5o4  l3    OCTOBRE     l635 

marine  particulicremenl  obliges  à  einploier  leurs  vye?  en  caste  occa- 
sion, la  charillé  et  pieltc  de  V'"  Ma'"  les  ayans  dellivrés  des  tour- 
mens,  des  chaisnes,  des  coupz.  du  Iravall  de  bettes  et  de  lesclavi- 
tude  plus  cruelle  et  insuportahlc  qu'il  ne  ce  peut  reprcsanter. 
Plusieurs  y  sont  mors  soubz  le  balon,  comme  ilz  en  ont  faict  tous 
serement.  lorsque  je  les  ay  lieus  à  bord  de  ce  vaisseau.  Et  c'esloit 
une  chose  hideuse  de  les  voir,  la  plus  grand  part  desfigurés  et  des- 
charnés,  tousneus,  mourans  de  faim,  dont  il  en  reste  encores  à  Calé 
trois  cens  trente-trois,  par  faute  de  fons,  bien  que  j  ayt  emprunté  de 
tous  ceux  qui  ont  eu  de  quoy  me  prester.  ausquelz  sera  de  la  bonté 
et  justice  de  \ostre  Ma"'  de  faire  pourvoir. 

Lesd.  de  Calé  firent  sortir  à  ma  veue,  le  premier  et  deuxiesme  du 
mois  de  septembre,  vingt  et  deux  de  leurs  navires  en  deux  flottes 
qui  saluèrent  vostrc  pavillon,  ausquelz  je  baillé  des  certifiîcatz  de  la 
paix.  Une  est  allée  infester  la  coste  d'Espaigne  et  l'autre  au  cours 
des  illes  Canaries  et  à  la  hauteur  pour  rencontrer  la  flotte  des  Indes', 
qui  ne  sera  pas  ung  petit  li'ouble  et  divertissement  aux  Espagnolz  ; 
et  despuis  leur  départ  il  est  venu  cinq  prinses  :  quatre  chargées  de 
sucre  et  drogueries  et  une  de  bled,  dont  il  \  a  "rande  dissettc  en  ces 

pays- 

A  ccst  bure  je  va  retourner  à  Safy  pour  satisfaire  à  la  prière  du 
roy  de  Marocque  ([ui  m'a  escrit  et  faict  dire  avec  grande  instance 
par  de  ses  alcaïdes  venus  exprès  me  porter  de  ses  leltres  qu'il  a  re- 
soleu  d'envoyer  ung  ambassadeur  et  des  presens  à  A  oslre  Ma" ,  ce 
que  je  n'é  peu  refuser  pour  des  considérations  importantes  au  bien 
de  vostre  service  que  je  ne  puis  escrire'  ;  qui  me  foict  très-humble- 
ment la  supplier  que  je  trouve  à  Brest  et  à  La  Uochelle.  par  dupU- 
catta,  l'honneur  de  vos  commendemens  de  ce  que  j'auré  à  faire, 
soit  de  retenir  ou  hssentier  ces  grands  équipages  qui  font 
ensemble  près  de  six  cens  hommes,  entre  lesquelz  il  y  a  quatre 
viugtz-cinq  soldatz  des  plus  aguerris  et  bien  exercittés  qui  ce  pour- 
roient  choisir,  comme  aussy  vostre  intention  jiour  faire   recevoir, 


I.   Sur  les  entreprises  des  pirates  de  la  3.   Du  Clialard  devait  aller  prendre  cet 

côte  du  iMaroc  contre  la  flotte  des  Indes,  la  ambassadeur  à  Safi,  mais  il  en  fut  empêché 

(lotte  d'argent.  \ .  i'''  Série.  Pays-Bas,  t.  I,  par  le  mauvais  temps.   V.  infra.  p.  Do6  et 

Introduction,  p.  viii.  note  2. 


LETTRE     DK     P.     DV    CHALARD     A     LOUIS    XIII 


5o5 


Iraittcr  cl  acheminer  jusqiies  à  Paris  ledit  ambassadeur,  et  que  le 
trésorier  de  la  Marine  ayt  ordre  de  me  payer  à  Brest  et  à  La  Ro- 
chelle les  quatre  mois  ([ui  me  seront  deubs  à  la  fin  du  courant,  com- 
mancés  le  premier  de  juillet',  sans  (]uoy  je  ne  pourré  faire  ledit  lis- 
sentiement  ny  subsister  de  villuailles  que  le  mois  prochain  au  plus, 
■lomct  (jiio  je  né  rien  touche  pour  ma  patache  de  son  entretien  de 
dix  mois  qu'elle  est  en  mer,  tant  je  désiré  tesmoingner  à  vostre 
-Ma"  lobeissance,  la  fldellittéau  service  que  je  luy  doibz,  qui  me  sera 
tousjours  plus  cher  et  recommandé  que  ma  proprie'  ny  mon  bien. 
Sur  ce,  je  prie  Dieu  pour  ibomiMiscprosperitté  et  santé  de  Vostre 
Mag"' avec  la  sincère  affection, 

Sire, 

De  vostre  très-humble,  très-obeissant  et  Irès-fidelle  serviteur  et 
sujet. 

De  la  rade  de  Calé,  le  xiij'  octobre  1 6.3.5. 

Si(pir  :  Du  Chalard. 

Sire,  pour  ne  laisserpas  au  tlesespoir  les  François  qui  sont  demu- 
rés  à  Calé,  je  les  ay  tous  fiés  et  en  ay  passé  obligation  pour  trois  cens 
trente-trois  hommes',  qui  ce  montent  à  la  somme  de  deux  cens  dix 
mil  cin(j"-ncur  livres  ',  paiable  dans  la  fin  du  mois  d'avril  mvj'"xxxvj  ; 
auti'emenl  plusieurs  ce  seroient  reniés.  Ung  de  S'  Malo  et  ungd'Au- 
lonne  ont  laict  le  sault. 

Archives  des  Affaires  Étrangères. —  Maroc. —  Correspondance  consulaire, 
\'()l.  I.  —  Original. 


I .  I'.  Dii  Clialard  s'clait  rmbarqué  le  3n 
avril  16S.5  (V.  p.  4^7).  Avant  son  (Irpart, 
le  a/i  avril  i635  (V.  p.  5,'?l'i),  il  reçut  six 
mois  do  solde  ainsi  que  son  éqiiipage. 
Dans  la  pensée  de  P.  Du  Chalard,  ces  six 
mois  devaient  compter  du  i'^'' janvier  ifiS,^ 
(V.  p.  5li);  c'est  pourrpioi  il  réclama  la 
«  monstre  «  à  partir  de  cette  date,  mais 
on  no  voulut  lui  accorder  que  celle  du  i""" 
avril  au  i"'  décembre,  soit  8  mois  (\' .  pp. 
.5 II  et  53',). 


2.  Mn  pntiirif,  lapsvl^pou^:  ma  propre  vie. 

S.  Les  noms  de  ces  trois  cent  trente- 
trois  captifs,  avec  l'indication  de  leur  pays 
d'origine,  se  trouvaient  inscrits  dans  im 
rôle  figurant  comme  pièce  à  l'appui  dans 
un  procès  intenlé  par  les  Trinitaires  aux 
Mercédaires  (V.  Doc.  XCVIIl,  p.  506). 

/|.  Il  Y  a  divergence  entre  les  docu- 
ments au  sujet  du  montant  de  cette 
somme.  V.  sH/)rn.  p.  'igi,  note  i;  infra,  p. 
5i)rj,  note  3  et  p.  5i3,  note  i . 


5ofi  aS     NOVEMBKE     7  035 

LXXXIII 

LETTRE  DE  P.   Dl'  CIIALARD  \  RICHELIEU 

U  II  II  pu  embarquer  l' ambassadeur  daChérif  à  cause  du  mauvais  temps. 

—  //  est  sans  nouvelles  de  trois  vaisseaux  de  son  escadre  ijui  l'ont  quitté. 

—  Le  Che'rif  a  envoyé  au  Roi  des  chevaux  et  des  faucons.  —  Du  Chalard 
demande  des  ordres  relatifs  à  ses  équipages  et  aux  esclaves  rachetés  ainsi 
que  le  payement  des  fonds  qui  lui  sont  dus.  —  Les  articles  du  traité 
franco-marocain  doivent  être  publiés  dans  les  ports  de  France. 

HaJo  ili'  La  l'rcc,  sS  novembre  i635. 
Enléte,  alinmnnu:  .Maioc.  —  M.  Du  Chalard.  —  2  3no\embrc  i635. 

Monsei2;neur. 

Je  vous  envoyé  le  duplicalta  de  ma  lettre  du  xiij''  octobre',  aftîii 
que,  sy  vous  ne  lavés  pas  receue,  vous  voyés  et  faictes.  s  il  vous 
plaist,  entendre  au  Roy  comme  j'é  bien  servy,  ayant  mis  cesl  affaire 
à  ce  poin  que  le  roy  de  Marocque  envoyoyt  ung  ambassadeur  à  Sa 
Ma"  pour  le  satizfaire  et  dautres  raisons  que  le  tempz  produyra. 
puis  que  je  n  é  peu  lenibarqucr ',  Ibrcé  du  mauvais  tcnqDZ  de  mettre 
ca  mer.  oii  je  esté  sy  furieusement  batteu  des  ventz  de  tormante 
sud-ouest  et  nord-ouest  que,  sans  la  particulière  assistance  de  Dieu, 
je  serois  perdu. 

Trois  des  vaisseaux  de  ma  compagnie  m'ont  f|uitté.  assavoir:  la 
prinse  angloise  ' ,  mon  patache  '.  ci  le  phelibot  °  dans  lequel  les  chevaux 
pour  le  Roy  sont,  celluy  que  le  roy  de  Marocque  m  a  donné  et  deux 
quejay  achaptés  par  sa  permission",  ce  qui  me  mest  en  une  extrême 
penne,  crainte  qu'il  leur  soit  arrivé  naul'rage,  cec[ue  Dieu  ne  vuillc, 

1.  11  s'agit  fie  la  IcUre  précédente  adn^?-        Perle  »  tie  Londres.  V.  pp.  ôiG  et  scj. 

sée  à  Louis  XIII,  ou  d'une  lettre  de  même  4.   La  patache    k    Isabelle    ».    V.    infra, 

date  à  Ricbelieu.  Doc.  LXWA  II,  p.  5i6. 

2.  David  Pallache  lit  un  grief  h  Du  5.  Le  flibot  «  Hercule  «  d  .\msterdam, 
Chalard  de  n'avoir  pas  embarqué  l'ambas-  appartenant  à  des  Juifs,  les  frères  Dcpairs. 
sadeur  marocain.  V.  i"  Série,  Pavs-Bas,  Y.  Faclum  Du  ClialarJ]i.'S.,f°  F3,  ijSSo. 
aux  dates  des  i8  mars  et  28  mai  i636.  6.   L'exportation  des  chevaux  a  toujours 

û.   La  [jriiue  amjluisc,   le  vaisseau  «  la        été  rigoureusciuent  interdite  au  Maroc. 


LETTHK     Dlî     P.     DV     CHALARn     A     RICHULIEV  OO7 

et,  s'il  les  a  gardés,  ilz  ont  prins  port  en  Bretaigne  ',  où  je  depesche 
exprès  pour  en  avoir  des  nouvelles.  Il  y  a  neuf  pièces  d'oyseaulx  de 
poin'.  dont  le  roy  de  Marocquc  en  a  baillé  sept  pour  le  Roy.  et  deux 
qui  mnnt  esté  portés  à  cachettes',  qui  sont  deux  tiercelet/.  S'ilz 
viennent  à  l)on  port,  le  Roy  en  aura  du  plesir.  et  ces  chevaux  sont 
tort  hcaiix.  (allu\   que  je  vous  ay  dcsliné  n'est  pas  nioindrc. 

Je  vous  supplie  cpie  j  ayt  commandement  de  ce  que  j'é  à  l'aire 
pour  desarmer  mes  vaisseaux,  congédier  ou  retenir  les  esquipages 
et  les  esclaves  rachaptés,  avec  fondz  pour  me  payer  de  cincj  mois 
([ui  me  sont  deubz  à  la  lin  du  courant  (pic  je  les  feray  subsister, 
m'estanl  impossible  de  les  pouvoir  tenir  davantage,  ny  les  payer, 
sy  je  ne  rc^çois. 

Les  articles  de  la  confirmation  de  la  paix  (h)ibvent  estre  publiés 
par  tons  les  portz  de  ce  royaulme.  Vous  y  l'airés.  s'il  vous  plaist, 
j)ourvoyr  ;  je  vous  en  envoyé  les  coppies  pour  les  faire  imprimer  '. 

Je  ne  scé  sy.  en  mon  absence,  vous  m'aurés  faict  l'iionneur  de 
vous  souvenyr  de  ce  que  vous  m'avés  promis,  comme  j'é  faict  de  voz 
allaircs,  dont  je  \ous  reiulré  compte  et  faire  voyr  l'ulilitté  asseui'ée 
quy  vous  en  viendra. 

Je  depesche  exprès  ce  courier  pour  avoir  promptement  vostre 
responce.  Six  cens  tant  d'hommes  mengent  et  sont  de  grande 
charge.  Vuillés  s'il  vous  plaist  me  descharger,  et  je  vous  rendre  le 
très-humble  service  de, 

Monsieur, 

Vostre  très-luimble  et  très-obeissanl  ser\ilcur. 
Sirjiic  :  Du  Chahii'd. 
De  la  railc  de  La  Prée  '.  le  xxiij'' iinveinl)i('  i().'i5. 

Archives  des  Affaires  Elramjèrcs .  —  Maroc. —  (Atrrcftpdndunci'Cdnsuliiirc, 
Vol.   I.  —  OrujinaL 

I.    La  prlsn,  la  palachfol  Ifdibot  allfrenl  cire,  comme    celle  des  chevaux,   l'olijet  de 

mouiller  cITectivomenl  à    lîenodel  dans  la  prohibilions  sévères, 

rivière  de  Quimper.  V.  p.  fiCjG.  '4.    I.a  pid)Iicalion  oITiciollo  de  cel  accord, 

:<,.   Les  oiseaux  de  poing  étaient  alors  un  comme  celle  des  précédents  traités,  fut  faite 

des  présents  habituels  des  chérifs  aux  sou-  à  la  fois   dans  une   plaquette   et    dans   un 

vcrains  chrétiens.  V.  /■■'■  Série.  France,  t.  I,  numéro  spécial  de  la  Gazelle  de  Franre.  V. 

p.  6,  note  3.  supra,  pp.  l'ii  1 ,  note  !i.  4i2,  note  [,  /kj^.  Soi- 

3.   L'exportation  des  oiscaui  de  vol  devait  ô.  Le  fort  de  La  Prée  situé  dans  l'ilc  de  Ré. 


5o8  FIN     DK      l63.ï 


LXXXIV 

MEMOIKE  DE  P.  DL   CHALAUD 

//  se  jastific  (l'arnir  dépassé  les  cre'dils  qui  lui  avaienl   été  attribués  pour 

sa  mission  au  Maroc. 

Fin  de  i635  '. 

Au  dos,  nlia  manu  :  Mémoire  de  M.  Du  Chalard. 
En  tête:  Salé.  —  itj35. 

Objections  faieles  au  sieur  Du  Chalard.  —  Responces'. 


D.  —  Pour  les  presens  faictz  au  Roy.  ses  alcayes  et  autres  ofli- 

ciers.  et  à  Safy.  il  a  employé xviij"'  viij'  Ixiij". 

L  on  dict  ([u  \\  n  esloit  chargé  que  de  jiayer  v™**  en  dons. 

\\.  —  Respond  (piil  n"a  donné  au  Roy  et  à  ses  alcayes  que 
xj'"  iij'  xlvj"  xvi|\ 

Mais  qu'il  a  esté  contrainctde  donner  aux  alcayes  et  gouverneurs 
de  Salé  et  autres  olTiciers.  sans  lesquelzl'on  ne  faict  rien  en  Barba- 
rie, et  pour  des  fraiz  aussy  qu  il  justithe  par  actes  :  vij"'  viij''  Ixvij* 
xj  s. 


D.  — ■  Pour  les  racliaptz  des  esclaves,  (ju  il  n  avoit  esté  ordonné 

I.   Du  Chalard  arrivais  33  novembre  lôS."!  a.   Dans  l'original  les  objections  et  les 

à  La  Prée  ;  il  fit  le  26  novembre  i635  son  réponses  sont  disposées  sur  deux  colonnes, 

rapport  au  lieulenant  do  l'Amirauté  à  La  Pour  remplacer  ce  dispositif  on  a  introduit 

Rochelle  (p.  5i());   il  ne  dut  se  rendre  à  les  lettres  D.   et   R.  en  regard  de  chaque 

la  Cour  qu'en  décembre  i635.  demande  et  de  chaque  réponse. 


MEMOIRE    DE    P.     Dl'    CIIALARD  OOf) 

que  x"""  pour  lesdils  racliaplz.  ii'ayans  esté  estimés  que  cent  livres 
chacun,  l'un  portant  l'aultrc,  et  neantmoings  que  l'on  on  compte 
cxxxj""  v'  Ixj"  xvj'sans  les  interestz'. 

l\.  —  Il  responJ  cpi  il  avoil  ordre  exprès  de  racheplcr  les  escla- 
ves ;  que  pour  x"",  à  raison  de  cent  livres  chacun,  il  n'en  eust  ra- 
chepté  que  cent,  ce  qui  n  estoit  considérable  sur  les  vj"  xxxvij  qui 
y  cstoienl  :  de  plus,  qu'il  n'y  en  avoit  pas  un  seul  qui  peult  estre 
rachepté  pour  cent  livres,  et  que  ceux  de  Salé  faisoient  difiiculté  de 
recevoir  la  paix  accordée  par  le  roy  de  Marroc,  estans  rebelles.  Et 
d'aultant  que  ce  sont  eulx  seulz'  qui  courent  la  mer,  prennent  les 
hommes  dont  ilz  font  trafTic,  et  les  marchandises  des  François,  ilz 
ont  voulu  avoir  le  prix  pour  lequel  ilz  avoient  achepté  leurs  esclaves, 
et  quarante  pour  cent  de  proffîct  ;  et  que  tous  '  sont  obligez  de 
servir  le  Roy  pour  leur  vie,  tant  qu'ilz  aycnl  acquitté  leur  rachapt 
de  leurs  appoinctemens  ordinaires,  comme  il  luv  avoit  esté  dict. 


D.  —  Qu'il  n  avoit  ordre  d'obliger  le  Roy  ne  luy  aussy  de  ra- 
chepter  les  esclaves  qu  il  laiseroit,  pour  lesquelz  il  a  promis  que 
1  on  enverroit  c  iiij""  v"  ci)"  dans  la  fin  du  mois  d'avril  prochain',  et 
à  laulte  de  payer,  leur  paix  sera  rompue. 

ir.  —  Respondqu'il  a  esté  contrainctde  faire  cette  promesse  telle 
qu'il  a  pieu  uusdits  de  Salé,  pour  retirer  ceux  qu'il  a  ramenez  et 
donner  soulagement  aux  pauvres  esclaves  qui  ont  moien  de  se  ra- 
chepter,  qui  desiroient  siiitnut  que  l'on  arrestast  le  prix  de  leur 
rançon,  et  pour  ce  l'on  a  apporté  le  roolle  de  leurs  pays  et  demeu- 
res^: et  où  Sa  Ma"  ne  vouldroit  tenir  la  paix  à  leur  esgard,  qu'il  leur 
peust  faire  la  guerre,  sans  rompre  avecq  le  roy  de  Marroc,  auquel 
ilz  n'obeisseiît. 


D.  —  Qu'il  employé  en  tlespence  xviij'"  iij'  j**  xiiij'  pour  la  des- 

I.    Sur  ce  chiffre,  V.  plus  haut,  ]>.  5o3,  ![.    Il  y  a  ilivcrgcnco  cuire  les  (lociimonls 

note  5.  sur  le  montant  de  cette  somme  (V.  p.  ^g/), 

■2.  Eux  seulz.  les  Salétins.  note  4  ;  p  5o5,  note  .^i  et  p.  5i3,  note    i). 

3.    Tous,  entendez:  les  esclaves  chrétiens  5.   Sur  ce  «  roole  »  des  captifs,  V.  su}>ra, 

libérés.  p.  5o5,  note  3. 


;)io 


ir,3r 


ijf'iice  do  la  nom  iiliiic,  liabil/.  rt  iiiilii's  menuz  IVaiz  des  Maures 
alfi-iciuaiiis  qii  il  a  retirez  des  galleres  ol  autres  qui  les  ont  joinclz 
pour  les  conduire  et  rendre  au  roy  de  Marroc  et  la  nouriiture  des 
esclaves  qu'il  a  ramenez  en  France  et  autres  fraiz  qu'il  a  esté  con- 
tiaincl  de  faire,  estant  aux  raddcs  pour  traitter.  et  qu'il  a  plus  rendu 
de  Maures  quil  n'a  receu  de  François  du  roy  de  Marroc. 

R.  —  Ilespond  que  ceste  despense  est  véritable  et  juslifïîée  tant 
par  acquit/  que  laicte  en  conséquence  de  son  instruction,  que  cette 
restitulion  a  esté  faicte  suivant  ce  qui  avoit  esté  résolu  parles  ai- 
ticles  de  la  paix,  et  neantmoings  que  Ion  n'en  a  tiré  des  galleresdu 
Roy  que  xxvij,  les  autres  s'y  estans  joinctz  de  divers  lieux,  et  que 
ledit  roy  de  Marroc  en  a  rendu  xxviij.  ipii  cstoit  tout  c*^  qu'il  avoit 
à  luv. 


D.  —  Qud  a  employé  xxviij™  ix''  xlvij"  x'  pour  les  interestz 
des  deniers  empruntez  et  de  ceux  quil  a  advancez,  ce  qui  est 
excessif. 

R.  —  Respond  quil  les  a  employez,  selon  l'usage  du  pays,  à  xxij 
pour  cent,  qui  est  le  proIFit  des  marcliandz  qui  ont  preste,  qui  aul- 
trement  eussent  employé  leur  argent  en  marchandises,  qui  leur  eust 
esté  plus  ulille  ;  et  de  plus  que  l'on  pourra  réduire  lesdits  interestz 
à  moins,  en  comptant  avecq  ceux  qui  seront  commis  pour  en  prendre 


D.  —  Qu'il  ne  debvoit  relâcher  la  restitution  des  xxviij™  viij" 
iiij'"'  vj"  qui  estoient  deubz  pour  les  marchandises  laissées  à  Mazet, 
consul  de  SaiTy,  pour  les  vendre,  faulle  de  l'avou-  peu  faire  faire 
en  son  voyage  de  l'année  ifi.Si,  de  laquelle  d  en  apparteiioit  \\ii|'" 
1"  à  Monseigneur. 

R.  —  Respond  que,  pour  retirer  cette  partye,  en  l'année  i632,  il 
envoya  exprès  à  SalTy  un  nommé  Du  Vu^  ',  qui  fut   ictcnu  par  le 

I.  Sur  ce  personnage  et  la  mission  rem-  cl  la  littro  qu'il  écrit  tlf  Merrakecli  à  Du 
plie  par  lui  au  Maroc,  V.  ci-dessus,  p.  otjA,         Clialar<-1,  pp.  fi!i  i-ît^^. 


MKMOinE     IW.    p.     DU    CHALARn  OII 


ro\  de  Marroc  soubz  jji-cU'xlc  qu'il  na\uil  j)uiié  la  ralilTlcation  de 
la  paix,  fut  bastu  et  souflt'ii  aullres  maux,  pour  se  libcroi  desquclz 
il  se  i-cndil  renégat.  Que  ledit  Mazet.  eslant  aussy  mal  traitfé  et  mis 
prisonnier  pour  la  mesme  laison.  (Ic\inl  nisensé,  et  lont  ce  quil 
avoit  fut  pris  et  dissipé,  de  quoy  ayant  laict  demande  audit  roy 
en  ce  dernier  voyage,  il  n'en  a  voulu  faire  aulcune  raison,  comme 
il  est  juslinié  par  ces  lettres  qu'il  en  rapporte  avecq  l'original  de 
ladite  promesse',  tellemcnl  qvi'il  a  esté  contrainct  de  Iraitter  sans 
pouvoir  avoir  raison  de  ceste  partye.  en  quoy  faisant  ledit  sieur 
Du  (îiialarda  perdu  la  pari  qu'il  avoit  en  ladite  ])romesse,  qui  monte 
à  x'"  viij'  xxxvj".  et  oultre  cela  deux  mil  quatre-vingtz-dix-ncuf 
livres  dont  ledit  Mazet  luy  avoit  faici  sa  [)romesse  particulière,  ce 
(pii  juslillie  assez  qu'il  a  faict  tout  debxoir  de  retirer  celte  somme, 
et  (pi  il  lie  luy  en  doibl  eslre  rien  imputé,  sy  il  ne  l'a  pas  faicI, 
joiiict  que,  cette  remise  n'ayant  esté  faicte  que  pour  faciliter  ledit 
trailté,  il  est  bien  l'aisonnable  que  le  Roy  la  paye. 


D.  —  Ueste  que  l'on  dici  (juil  ne  doibt  demander  pour  luy  et 
requi|)age  de  ses  vaisseaux  que  les  monstres  de  liuicl  mois,  qui  est 
à  proportion  du  temps  qu'il  a  servy,  cl  non  pas  du  commencement 
du  mois  de  janxiei'  \C)3b  ' . 

\\.  — A  quoy  il  respond  (ju  il  eust  ordre,  dès  le  commencement 
du  mois  d'octobre  \  de  ce  mellre  en  estât  de  partir  au  mois  de  no- 
\eiiibrc.  ce  ipii  lu\  lit  faire  son  équipage  ;  que  depuis,  son  voyage 
ayant  esté  remis  au  commencement  de  janvier,  il  pourveut  à  l'aire 
son  équipage  le  meilleur  ([u'il  pourroit.  et  tonsjours  depuis  a  retenu 
ses  olïiciers  et  bonne  partye  de  ses  matelotz  jusc|ues  à  son  parle- 
ment, ce  qui  ne  doibl  estre  à  ses  despens. 

A  rchiucs  des  A  patres  Etrantjères .  —  Maroc .  —  Corrcsponilunce  consulaire, 
Vol.  l.  —  Oriyinal. 

1.    La    prom*^ssc   do   Ma/(rt,   \.    p.    /|.'ili,  3.   On  a  vu  (juf  les  in^lriictiuii.s  ilc    l)ii 

note  I.  Clialard    soul    du    2!^    uctuljrt*    iG^i^.     \. 

■j.   Sur  celle  question,  V,  [>.  5o5,  note  1.         p.  486,  noie  ô. 


5 12  iC)3') 


LXXXV 

MÉMOIRES  DE   lUCHELIEU 

(Extrait.) 

(i035) 

P.  Du  Chalard,  envoyé  au  Maroc  pour  renouveler  le  traité  de  paix  fait 
avec  le  Chérifen  1631 ,  a  oulrepa.sxé  ses  instructions  et  contracté  un  emja- 
(jemcnt  aux  termes  dwjucl  le  Roi  devrait  payer  au  Clicrif  une  somme  de 
1 ,10  0(10  livres,  faute  de  (juoi  le  traité  serait  nul.  —  P.  Du  Chalard 
a  été  mis  à  la  Bastille,  puis  condamné  à  un  an  de  bannissement  de  la 
ville  de  Paris. 


En  cesle  année,  le  Koy  renouvela  la  [)aix  tjuil  avoil  ialcle  avec 
le  roy  de  Maroc  en  l'an  mil  six  cens  trente  un,  laquelle  avoit  esté 
mal  observée  par  la  difficulté  que  ceu\  de  Salé  firent  de  rendre  tous 
les  esclaves  qu'ilz  tenoient. 

Il  envo>a  pour  ce  sujet  vers  le  roY  de  Maroc  le  s'  Du  Chalard. 
qui  ramena  une  partie  des  esclaves  l'rançois  ;  mais  ledit  Chalard 
outrepassa  excessivement  les  ordres  de  Sa  Majesté,  car,  au  lieu  qu'on 
luy  a\oit  donné  trente  mil  livres  pour  subvenir,  tant  pour  la  nour- 
riture et  passage  desdicts  esclaves  qu  il  avoit  ramenez,  que  pour 
(juclques  petits  presens  qu'on  presupposoit  qu  il  Taudroit  donner  à 
leurs  maistres  pour  les  rendre  librement  ',  il  mil  en  avant,  à  son  re- 
tour, qu'il  en  avoit  despensé  beaucoup  d'avantage,  et  obligea  par 
traictéle  Roy  à  payer  encore,  dans  un  temps  prefix,  cent  cinquante 

I.   Du  Chalard  avait  reçu  10  ooo  livres  du  20  ooo  livres  pour  le  rachat  des  esclaves. 

Roi  (\  .  pp.  5o8-5or))  ;  il  emprunta  10  000  Mais  il  lui  avait  été   remis  eu   outre  une 

livres  dont  il  fit  l'avance  auï  Etats  de  Bre-  somme  de  loooo  livres  pour  les  présents  à 

tagne  (V.  Doc.  LXXXIl,  p.  5o3,  n.  3)  ;  il  faire   au  Chérif  et  aux   fonctionnaires  du 

avait  donc  à  sa  disposition  une  somme  de  makhzen.  V.  p.  5o8. 


MEMOIRES    DE    RICHELIEU 


5i3 


mil  livres'  pour  les  esclaves  restans,  à  faute  de  quoy  la  paix  faicte 
entre  Sa  Majesté  et  le  roy  de  Maroc  seroit  nulle,  ce  dont  Sa  Majesté 
fut  si  justement  indignée,  qu'elle  le  fit  mettre  en  la  Bastille^,  où, 
après  avoir  demeuré  quelque  temps,  enfin,  par  jugement,  il  fut 
banny  pour  un  an  de  la  ville  et  banlieue  de  Paris. 

Ledit  s'  Du  Chalard,  ayant  rencontré  à  la  rade  de  Sapliy  un 
vaisseau  de  guerre  anglois  du  port  de  quatre  cens  tonneaux,  qui 
reffusa  d'abaisser  son  pavillon,  le  mit  en  si  mauvais  estât,  qu'ayant 
tué  le  capitaine  qui  le  commandoit  et  la  plus  part  des  officiers  et 
soldats,  il  contraignit  ceux  qui  restoient  dedans  de  se  rendre  la  vie 


sauve 


Archives  des  Affaires  Étrangères.  —  France.  —  Mémoires  et  Documents, 
Vol.  55,  f.316\ 


1 .  Il  y  a  divergence  entre  les  documents 
au  sujet  de  la  somme  promise.  \  .  p.  5o5, 
note  4  et  p.  âog,  note  4- 

2.  David  Pallache  exploita  habilement 
à  son  profit  cette  incarcération  de  Priam 
Du  Chalard.  Il  déclara  aux  Etats-Généraux 
des  Provinces-Unies  que  le  roi  de  France 
avait  fait  enfermer  Du  Chalard  pour  le  pu- 
nir de  sa  «  mechanssité  »  et  de  ses  «  fauls- 
sités  »  à  l'égard  des  Pallache.  V.  ci-dessus 


p.  3g0  et  I'''  Série,  Pa)s-Bas,  à  la  date  du 
i8  mars  i636. 

3.  Sur  cette  capture,  V.  Doc.  LXXXVII, 
pp.  5i6-52-i. 

II.  Ce  volume  forme  le  tome  7  du  ma- 
nuscrit des  Mémoires  du  cardinal  de  Riche- 
lieu et  comprend  les  années  1 634-1 636.— 
L'extrait  donné  ici  a  été  publié  par  Mi- 
chaud  et  PoujouLAT  dans  leur  édition  de 
ces  Mémoires,  l.  2,  p.  6-3. 


De  Castkies. 


III. 


33 


5l/l  20    AVRIL     l636 


LXXXVI 

INSTRUCTIONS  POUR  SOURDIS  ' 
(Extrait) 

Il  demandera  au  Cher  if  de  rappeler  à  l'exécution  du  traite  du  18  juillet 
i635  les  Salétins  qui  ont  fait  payer  le  rachat  de  3oo  esclaves 
français  et  en  ont  retenu  3oo  autres  dont  ils  demandent  un  prix  excessif. 
—  //  enverra  un  ultimatum  aux  Salétins  exigeant  la  remise  de  tous  les 
captifs  Jrançais . 

Chantilly,  20  avril  i636. 

En  tête,  alla  manu  :  20  avril  i636.  — Instruction  donnée  par  le 
Roy  à  M''  l'archevesque  de  Bourdeaux  commandant  son  armée 
navalle  et  la  passant  de  Ponant  en  Levant. 

L'armée  aiant  repassé  le  Destl•oict^  s  en  ira,  si  la  saison  et  le 
temps  le  permettent,  mouiller  devant  Salé  au  royaume  de 
Maroque. 

Fera  sçavoir  au  roy  de  Maroque  que  le  Roy  désire  absolument 
tenir  le  traicté  de  paix  faict  avec  luy  ',  le  priant  de  le  faire  entretenir 
par  tous  ses  sujectz,  et  particulièrement  par  ceux  de  Salé,  qui  ont, 
au  préjudice  du  traicté   gênerai  passé  avec  led.  roy  de  Maroque', 

1.  Henri  d'Escoubleau  de  Sourdis(i5g3-  Sourdis  devait  ramener  ses  vaisseaux  sur 
1645).  Prêtre  et  guerrier  comme  Richelieu  Cagliari  (Sardaigne),  après  quoi  la  plus 
dont  il  était  l'ami,  il  fut  nommé  évéqae  de  grande  partie  de  H  flotte  devait  repasser  le 
Maillezais  en  1628,  puis  archevêque  de  Détroit  et  se  porter  sur  Salé.  Pour  la  suite 
Bordeaux  en  162g,  à  la  mort  de  son  frère  qui  fut  donnée  à  ces  opérations,  V.  infra 
le  cardinal  de  Sourdis.  Doc.  XCI,  p.  529  et  p.  532,  note  2. 

2.  La  flotte  devait  franchir  le  détroit  de  3.  V.  ci-dessus,  p.  ^92,  le  Traité  entre 
Gibraltar  et  tenter  de  reprendre  les  îles  de  Louis  XIII  et  Moulay  el-Oualid  dn  18  juillet 
S"  Marguerite  et  de  S'  Honorât.  Si  la  po-  i635. 

sition  des  Espagnols  était  jugée  trop  forte,  l).   V.  l'article  IV  du  traité,  p.  ^93. 


INSTRUCTIONS    POUR    SOURDIS  5l5 

faict  payer  le  rachapt  de  trois  cents  esclaves,  qu'ilz  dévoient  rendre 
gratuitement,  ainsy  qu'on  a  rendu  les  leur,  et  qu'ilz  en  re- 
tiennent encore  trois  cens',  que  non  seulement  ilz  ne  veulent  pas 
rendre  sans  argent,  mais  dont  ilz  demandent  un  prix  excessif  sans 
fondement  ny  apparence  quelconque,  puisque  celuy  avec  qui  ilz  ont 
traicté'  sur  ce  sujet  n'a  voit  aucun  pouvoir  du  Roy  de  ce  faire,  mais 
seulement  de  porter  la  ratiffication  de  la  paix  faicte  en  1 63 1  et  en 
demander  l'exécution  '.  qui  oblige  à  la  restitution  des  esclaves  gra- 
tuitement, quainsy  Sa  Majesté  a  faict  rendre  ceux  qui  estoient  en 
France. 

Et  après  cet  envoy  vers  le  roy  de  Maroque,  dont  on  obtiendra 
réponse,  s'il  se  peut,  on  cnvoyera  sommer  lad.  ville  de  Salé  d'exé- 
cuter et  entretenir  les  traictez  de  paix  faitz  entre  Sad.  Majesté  et 
led.  roy  de  Maroque,  et,  en  conséquence,  rendre  tous  les  esclaves 
françois  qui  y  sont  détenus  :  e1.  en  cas  de  refus,  la  guerre  leur  sera 
déclarée  de  la  part  du  Roy.  et  tous  actes  d'iiostilité  exercez  contre 
eux,  prenant  et  bruslant  leurs  vaisseaux  partout  où  ils  seront  trou- 
vez, prolestant  tousjours,  quoy  qu'il  arrive,  que  Sa  Majesté  ne 
veut  point  rompre  la  paix  et  traicté  faict  avec  led.  roy  de 
Maroque. 

Faict  à  Chantilly,  le  xx'^  avril  i636. 

Signé  :  Louis. 
Et  plus  bas  :  Bouthillier. 

Bibliothèque  Nationale.  — Fonds  français .  — Ms.  UiUO  (anciennement: 
933^-2),  Jf.  125-127.  —  Original -. 

1.  Sur  le  rachat  fait  par  Du  Clialard  en  dessus  Mémoire  de  Du  Chalard,  p.  âog,  et 
l635  des  esclaves  français  à   Salé,   \.  ci-        Mémoires  de  Rirhelieu,  p.  5i3. 

dessus,  p.  iigi,  notes  ■).,  .3  et  /j.  tx.   Ce  Document   a  Hâ  publié  par  M. 

2.  P.  Du  Clialard.  Eugène    Sue    dans    la    Correspondance   de 

3.  P.  Du  Chalard  fut  mis  à  la  Bastille  Sourdis.  t.  I,  pp.  aS-Sa  (Coll.  de  Doc. 
pour  avoir  dépassé  .ses  instructions.  V.  ci-  inéd.  pour  servir  à  l'Hist.  de  France). 


5l6  AVANT    JUIN     l636 


LXXXVII 

JUGEMENT  DE  LAMIRAUTÉ  DE  FRANCE  ' 

Le  vaisseau  anr/lais    «  la  Perle  »,    capture'  dans  les  eaux  de  Saji 
le  2 y  mai  iGo.'j,  est  déclaré  de  bonne  prise. 


[Avant  JUIN  i636  -.] 

En  fête,  alla  manu  :  Jugement  de  radmiraulté  de  France  contre 
le  vaisseau  anglois  «  la  Perle  »,  pris  par  le  capitaine  Du  Clialart. 

Armand,  cardinal,  duc  de  Richelieu  et  de  Fronsac,  pair  et 
grand  maistre,  chef  et  surintendant  de  la  navigation  et  commerce 
de  France,  à  tous  ceulx  qui  ces  présentes  lettres  verront,  salut. 

Sçavoir  faisons  que,  veu  par  nous  le  rapport  faict  le  xwi' 
novembre  m  vi'  xxxv  par  devant  nostre  lieutenant  et  juge  ordinaii'e 
de  l'admiraulté  de  Guyenne  à  La  Rochelle  par  le  s'  Du  Chalard, 
capitaine  de  la  marine,  envoyé  par  Sa  Majesté  pour  traicter  de  paix 
avec  le  roy  de  Maroc,  contenant  qu'estant  à  la  rade  de  Safly  pour 
les  affaires  de  Sa  Majesté,  le  xxvi"  jour  de  may  m  m"  xxxv,  dans  le 
vaisseau  de  Sa  Majesté  nommé  «  la  Renommée  »,  accompagné  de 
deux  autres  nommez  «  lEsperance  en  Dieu  »  commandé  par  le  s"^ 
de  Poincy,  et  «  l'Isabelle  »  qui  servoit  de  patache,  il  arriva  en  lad. 
rade  un  vaisseau  anglois  nommé  «  la  Perle  »  de  Londres,  du  port 
de  quatre  cens  tlionneaux  ou  environ,  armé  de  vingt-cinq  pièces  de 
canon,  commandé  par  lecappitaine  Lucas  Waston,  Anglois,  lequel, 

1.  \  .  le  factura  présente  par  l'avocat  de  ment  la  Dépêche  de  Louis  XIII  à  Belliè\Te 
P.  Du  Chalard  Bi6/.iVai.,  Imprimés,  4''Lb^^  du  lo  novembre  1687  où  il  est  dit:  «  le 
35g8  et  i"  Série,  Angleterre,  à  la  date  du  navire  anglois  nommé  «  la  Perle  »  qui  fut 
12  jum  i635.  pris  il  y  a  desja  quelque  temps...  lequel  na- 

2.  Sur  cette  date  restituée,  \  .  infra,  p.  vire  fut  pour  lors  jugé  de  bonne  prise  ». 
5i8,  note  5  et  p.  Sig,  note  i.  Cf.  égale-  Bibl.  Nul..  Ms.fr.  i5gi5,f.  02. 


JUGEMENT     DE     LAMlUWTl':     nE     FIIANCE  5l7 

au  lieu  de  venir  mouiller  ji:uiny  les  vaisseaux  IVançois  et  rendre  à 
la  bannière  de  France  1  honneur  qui  luy  est  deu,  s  esloigna  le  plus 
qu'il  peut  et  fit  refus  de  venir  trouver  led.  Du  Clialard  et  faire 
veoir  sa  charte-partie,  luy  en  ayant  esté  faict  commandement  par 
le  cappitaine  Brignault'.  Son  lieutenant  auroit  seulement  faict 
semblant  d'oster  son  pavillon  du  grand  matz,  sur  un  coup 
de  canon  qui  luy  auroit  esté  tiré  du  vaisseau  «  l'Espérance  » 
pour  signal  de  l'aliatre,  et  le  jour  suivant  l'auroit  encores  mis  au 
grand  matz,  ce  qui  l'obligea  de  commander  au  maistre  et  équipage 
de  sa  chaloupe  d'aller  au  bord  du  cappitaine  anglois  lui  réitérer  le 
commandement  pour  sçavoir  s'il  cstoit  marchand  ou  pirate,  à  quoy 
led.  cappitaine  refusa  dobéyr.  disant  qu'il  n'avoit  poinct  de  charte- 
partie,  qu'il  n'avoit  que  faire  de  rendre  compte  de  son  voyage  aud. 
lieu  de  Saffy  à  personne,  que  sy  led.  s'  Du  Chalard  estoit  ambas- 
sadeur du  roy  de  France,  qu'il  l'alast  trouver  et  luy  fist  veoir  sa 
commission  et  le  seing  de  Sa  Majesté.  Ce  qu'ayant  esté  raporté  aud. 
s'  Du  Chalard,  il  prist  ceste  responce  pour  oDTense  faicte  à  Sa 
Majesté,  assembla  son  conseil  de  guerre,  qui  fut  d'advis  de  com- 
battre le  cappitaine  anglois,  ce  que  toutesfois  led.  Du  Chalard 
n'auroit  voulu  exécuter  qu'il  neust  observé  toutes  les  formalitez 
requises  par  les  ordonnances  pour  la  marine,  ayant  pour  la  trois'"" 
fois  envoyé  sa  chaloupe  avec  un  trompette  sommer  le  cappitaine 
anglois  d'obéyr  aux  commandemcns  qui  luy  avoient  été  faictz, 
aultrement  cpi'il  estoit  résolu  de  le  faire  obéyr  par  force,  s'il  refusoit 
de  le  faire  de  bonne  Aolunté.  A  quoy  le  capitaine  anglois  fit  responce 
qu'il  estoit  prest  de  le  recepvoir  et  l'attendoit  avec  bon  potage, 
qu'on  verroil  cpii  seroit  le  plus  fort  ;  ce  qui  l'obligea  de  se  préparer 
au  combat  et  mettre  à  la  voile  ;  et,  estant  assez  proche  du  vaisseau 
anglois  pour  en  estre  entendu,  cria  à  liaulte  voix  du  chasteau  delà 
pouppe,  oîi  il  estoit  monté  l'espée  nue  à  la  main,  au  capitaine 
anglois  qu'il  eust  à  amener  de  la  pari  du  roy  de  France,  et  luy  fit 
réitérer  led.  commandemeni  par  le  cappitaine  Bragnault,  qui  estoit 
au  devant  dud.  navire.  A  <pioy  n  ayant  esté  respondu  ny  satisfaict, 
il  commenda  à  ses  gens  d'abordci'  et  lisl  lascher  sa  bordée  de 
canons.  Le  cappitaine  anglois  respondit  de  la  sienne  et,  après  un 

I.  Brignault,  et  plus  loin  :  Bragnault. 


5l8  AVANT    JUIN     l636 

combat  oppiniastré  plus  de  trois  heures,  tant  des  canons  que 
de  la  mousqueterie,  le  navire  anglois  fut  rcduict  à  tel  poinct  (le 
cappitaine  estant  mort  et  la  pluspart  des  officiers  et  les  autres  blessez) 
que  Robert  Waston,  fdz  du  cappitaine,  et  quelques  mariniers 
crièrent  miséricorde,  un  mouchoir  blanc  en  main  et  des  mesches 
en  l'autre,  demandèrent  quartier  ou  qu'ilz  se  brusleroient  et  feroient 
sauter  le  vaisseau.  Ce  qu'ayant  apperceu  led.  s''  Du  Chalard,  et 
préférant  le  service  de  Sa  Majesté  à  son  juste  ressentiment  d'avoir 
perdu  aud.  combat  son  frère,  les  cappitaines  Bragnault,  son  Heute- 
nant,  etLa  Rocque,  neuf  soldatz  et  un  mathelot,  commenda  de  faire 
signal  qu'il  accordoit  quartier,  et  leur  manda  par  sa  chaloupe  qu'il 
leur  accordoit  la  vie,  lit  amener  à  son  bord  le  fdz  du  cappitaine 
anglois  et  les  principaux  de  l'équipage,  et  envoya  faire  inventaire 
des  marchandises'  qui  estoient  dans  le  vaisseau  anglois,  partie  des- 
quelles marchandises  il  fit  vendre  à  SalTy  et  à  Salle  ^  pour  sub- 
venir aux  nécessitez  de  ses  gens  et  par  forme  d'emprunt ',  jusques 
à  ce  qu'aultrement  en  eust  esté  ordonné  par  Sa  Majesté  et  par  nous, 
comme  estant  led.  vaisseau  de  bonne  prise. 

Appert  en  oultre  par  led.  raport  quand,  voyage  led.  s"^  Du  Cha- 
lard a  trouvé  à  lad.  coste  de  SaCTy  et  Salé  deux  navires  anglois 
appartenant  au  s"^  Courtins',  marchand  de  Londres,  ausquelz  il  a 
faict  toutte  courtoisie  et  bon  traictement,  et  quatre  autres  vaisseaux 
en  mer,  deux  anglois  et  deux  hambourgeois  retournantz  d'Espagne, 
ausquelz  il  n'a  faict  aucun  tort  ou  incommodité,  ayant  rendu 
honneur  au  pavillon  de  France  ; 

Verifficalion  dud.  raport  par  devant  nostre  lieutenant  en  l'admi- 
rauté  de  Guyenne  des  xxvii  novembre,  ni,  iiii,  v  et  vi''  décembre 
M  vi"  trente-cinq  ; 

Aultre  vcriffication  dud.  raport  par  devant  nostre  lieutenant  gêne- 
rai de  la  Table  de  marbre  du  Palais,  à  Paris,  des  xvii,  xviii,  xxix  et 
dernier  décembre  aud.  an,  et  quatre"  janvier  de  la  présente  année  °; 

1.  Du  Chalard  fut  accusé  de  n'avoir  pas  marchandises  de  «  la  Perle  »  fut  affectée 
fait  procéder  à  cet  inventaire.  V.  infra.  p.  au  rachat  des  prisonniers.  V.  p.  522,  note  i. 
5 1  g,  note  3.  4-  William  Courteen.  Sur  ce  personnage 

2.  Cette  vente  produisit  ai  000  livres.  qui  faisait  un  important  trafic  au  Maroc, 
V.  infru.  p.  522,  note  i.  Y.  ;"■  Série.  .Angleterre,  i635  et  i636. 

3.  La  somme  provenant  de  la  vente  des  5.  El  dernier  décembre  aud.  an  [l'année 


JUGEMENT    DE    l" AMIRAUTÉ    DE    FRANCE  Big 

Aultre  verifEcation  dud.  raport  par  devant  nostre  lieutenant  à 
Brest  et  S'  Renan  des  xiii  et  wini'  dud.  mois  de  janvier  de  la 
présente  année  ; 

Acte  des  xxvi  et  xxvii'  may  dernier',  signé  du  capitaine  Brignault 
à  présent  decedé  et  autres,  de  ce  qui  s'est  passé  es  commandemens 
faictz  au  cappitaine  anglois  de  venir  à  bord  et  faire  veoir  sa  charte- 
partie,  avec  le  refus  et  mespris  dud.  cappitaine  anglois,  qui  auroit 
dict,  la  première  fois,  qu'il  y  adviseroit  et,  la  seconde  fois,  auroit 
respondu  qu'il  n'estoit  pas  résolu  d'y  aller,  qu'on  verroit  qui 
seroit  le  plus  fort,  d'autant  qu'il  estoit  aussy  ambassadeur  du  roy 
d'Angleterre  à  SafTy,  ayant  mis  son  pavillon  au  grand  matz  ; 

Inventaire  des  marchandises  dud.  vaisseau  anglois  vendues  à 
Saffy  et  à  Salle  ; 

Pouvoir  donné  par  Sa  Majesté  aud.  s'  Du  Chalard"  pour  se  trans- 
porter en  la  coste  de  Saffy  et  autres  lieux  pour  traicter  de  paix  avec 
le  roy  de  Maroc  ; 

Nostre  attache  sur  led.  pouvoir  ; 

Requeste^  présentée  par  Roger  Weslon,  Jean  Gibbions,  Jonatan 
Tutchen,  tant  pour  eulx  que  pour  les  autres  propriétaires  et  intéres- 
sez aud.  navire  anglois  nomme  «  la  Perle»,  par  laquelle,  pour  les 
causes  y  contenues,  ilz  demandent  que  le  procez  soit  faict  et  parfaict 
au  s' Du  Chalard  pour  la  mort  de  LucWastonet  autres  du  navire  «  la 
Perle  »,  et  pour  les  contraventions  par  luy  commises  aux  ordon- 
nances et  traiclé  fait  entre  Sa  Majesté  et  le  roy  de  la  Grande  Bre- 
tagne en  M  vi"  xxxii*,  et  qu'il  soit  condempné  restituer  le  vaisseau 
nommé  «  la  Perle  »,  l'équipage,  munitions,  apparaux,  vituailles, 
ornons,  marchandises  et  meubles  en  telle  valeur  que  le  tout  estoit 


i635  qui  est  énoncée  plus  haut],  cl  quatre  de  «  la  Perle  »  avait  abaissé  son  pavillon  le 

janvier  de  la  présente  année  [c'cst-à-dirc  :  soir  et  le  matin  ;  ils  accusaient  Du  Chalard 

i636].  «  d'avoir  porté  aux  Maures  et  aux  Barbares 

1.  Le  mois  do  mai  i635  est  appelé  le  80  tonneaux  de  fer,  qui  est  marchandise  de 
mois  de  mai  dernier.  On  en  peut  inférer  contrebande,  pour  lequel  il  mérite  punition 
que  la  date  du  jugement  est  antérieure  au  corirorelln  par  vos  ordonnances  »  et  d'avoir 
l^' juin  i036.  vendu  ft  vil  prix  à  Safi  les  marchandises  de 

2.  Sur  ce  pouvoir  daté  du  a4  octobre  «  la  Perle  »,  sans  en  avoir  fait  l'inventaire 
l634,  V.  supra,  p.  ^86,  note  5.  en  présence  des  marchands,  etc.  Cf.  Bibl. 

3.  Dans  cette  requête  a  les  intéressez  aud.  Nat.,  Imprimés.  4°  Fm.  3i  811. 

na%-ire  anglois  »  afErmaicnt  que  le  capitaine  4-  Le  traitédc  S' Germain,  29  mars  iG3a. 


520  AVANT    JUIN     lfi36 

lors  de  la  prise  qu'il  en  a  faicte,  et  les  libvres  de  comptes,  papiers, 
congez,  charte-parties,  cognoissemens,  despens,  dommages  et 
interestz  soulTertz  et  à  souffrir  jusques  à  l'entière  restitution  ; 

Attestation  "faicte  à  Amsterdam  le  ini"  septembre  m  vi"  xxxv,  à  la 
requeste  des  intéressez  au  vaisseau  nommé  «  la  Perle  » ,  par  laquelle 
entre  autre  chose  il  paroist  que  le  s'  Du  Chalard,  estant  à  la  rade  de 
SafTy,  envoya  par  trois  diverses  fois  une  chaloupe  au  vaisseau 
anglois  nommé  «  la  Perle  »  pour  faire  venir  le  capitaine  de  «  la 
Perle  »  à  son  bord,  et  qu'un  marchand  du  vaisseau  «  la  Perle  » 
demenda  à  lequipage  d'un  navire  hoUandois  nommé  «  l'Arche  de 
Noël',  »  qui  estoit  en  lad.  rade,  quelz  vaisseaux  estoient  en  lad. 
rade,  à  quoy  il  fut  respondu  par  lesd.  Holandois  que  c'estoient  les 
navires  du  Roy  Très-Chrestien  ; 

Coppie  de  l'information  faicte  en  l'admirauté  d'Angleterre  sur  le 
subjcct  de  la  prise  do  «  la  Perle  »,  le  xnn'' janvier  m  vi"  trente-cinq ^ 
traduicte  en  françois  par  le  sieur  de  Vie,  secrétaire  du  roy  de  la 
Grande  Bretagne  et  son  agent  en  France,  par  laquelle,  entre  autres 
choses,  il  paroist  que,  les'  Du  Chalard,  ayant  envoyé  sa  chaloupe 
au  cappitaine  de  «  la  Perle  »  pour  sçavoir  d'où  estoit  le  navire,  et 
qu'il  eust  à  le  venir  trouver  à  son  bord  et  luy  faire  veoir  sa  charte- 
partie,  led.  capitaine  fit  rcspondre  par  son  filz  qu'il  estoit  desja 
nuict,  et  qu'il  n'ausoit  sortir  denuict  hors  de  son  vaisseau,  estant  sur 
la  coste  des  Barbares,  mais  qu'il  iroit  à  bord  le  lendemain  matin, 
ce  qui  ne  fut  pas  exécuté,  pour  avoir  veu  deux  clialoupes  plaines 
d'hommes  entre  «  la  Perle  »  et  la  terre;  et  qu'ayant  led.  s' Du 
Chalard  renvoyé  le  matin  deux  fois  sa  chaloupe  à  «  la  Perle  »,  le 
cappitaine  auroit  refusé  de  satisfaire  à  la  demande  dud.  Du  Chalard 
jusqucs  à  ce  qu'il  eust  sceu  certainement  que  se  fussent  François, 
quoi  qu'il  leur  eust  esté  dict  par  un  vaisseau  llamend^  qui  estoit  en 
rade,  lequel  aussy  ne  leur  voulut  permettre  d'ajirocher  ; 

Coppie,  signée  dud.  s'  de  Vie,  d'un  acte  signifTié  le  vu' janvier 
M  vi"  XXXV  '  à  l'ambassadeur  de  Sa  Majesté  résident  en  Angleterre, 


1.  L'Arche  de  Noël,    évidemment    pour  du  i'' janvier. 

K  l'Arche  de  Noé  )i.  3.    Un   vaisseau  Jlainend.   u   l'Arche    de 

2.  Le  XIllI janvier MVI'^  trenlc-cinq.  Date  Noé  »,  V.  supra,  note  i. 

exprimée  en  style  anglais  (style  de  l'Annon-  k-   V.   supra,    note  2.   Il   faut  donc  en- 

ciation),  soit  MVI'^  trente-six,  dans  le  style  tendre;  MVI"=  XXXVI. 


JUGEMENT    DE    l'aMIRAUTÉ    DE    FRANCE  521 

que  les  intéressez  au  vaisseau  nommé  «  la  Perle  »  ont  faict  assigner 
des  tesmoings  par  devant  la  liaulte  cour  de  l'atlmiraulé  dAnglc- 
terre,  à  ce  que  led.  s' ambassadeur  ayt  à  les  faire  interroger  sur  ce 
que  bon  leur  semblera  ; 

Coppie,  signée  dud.  s'  de  \ic,  de  l'interrogatoire  faict  en  Angle- 
terre le  xxvni'"  janvier  m  vi'  trente-cinq  '  à  Guillaume  Fenuard,  du 
Havre  de  Grâce  ; 

Coppie,  signée  dud.  s'  de  Vie,  de  la  lettre  cscripte  par  Roger 
V\  estonet  autres,  demeurez  après  le  combat  et  prise  de  «  la  Perle  », 
de  la  rade  de  SafTy  le  xvni  septembre  m  vi"  xxxv  ; 

Coppie,  signée  dud.  s'  de  Vie,  des  ai'ticles  accordez  entre  les 
depullez  du  Roy  et  du  roy  de  la  Grande  Bretagne  en  m  vi"  xxxii, 
par  l'article  m  desquclz  entre  autre  ciiose  est  dict  que,  les  navires 
de  guerre  rencontrans  en  mer  les  vaissseaux  marchand/,  ilz  les 
pourront  semondre  d'amener  leurs  voiles,  à  quoy  lesd.  navires 
marchands  seront  tenus  d  obéir  et  présenter  leurs  congez,  charte- 
parties  et  cognoissemens  auxcappitaincs  ou  à  ceulx  c|u'ilz  vouldront 
envoyer  au  bord  desd.  vaisseaux  ; 

Aultre  requeste  desd.  Weston,  Gibbions  et  Tutchcn,  à  ce  qu'ilz 
fussent  examinez  par  l'un  des  s'"  conseillers  au  Conseil  d  Estât  de 
Sa  Majesté  sur  la  vérité  de  ce  qui  s'est  passé  en  la  prise  de  «  la 
Perle  »  ; 

Ouy  led.  s'  de  Vie,  agent  du  roy  de  la  Grande  Bretagne,  envoyé 
exprès  par  le  s'  ambassadeur  ordinaire  d'Angleterre  pour  estre  pré- 
sent au  raport  et  examen  de  lad.  affaire  et  pour  y  desduire  les 
moyens  des  intéressez  en  lad.  prise,  ce  qui  luy  a  esté  accordé  par 
Sa  Majesté  à  l'instante  prière  qu'en  a  faict  led.  s'  ambassadeur,  qui 
a  dict  avoir  charge  expresse  de  ce  du  roy  de  la  Grande  Bretagne  ; 

Tout  considéré, 

INous,  en  vertu  du  pouvoir  à  nous  donné  par  Sad.  Majesté,  sans 
qu'il  soit  besoin  de  procéder  à  nouvelles  auditions,  avons  déclaré 
led.  vaisseau  anglois  nommé  «  la  Perle  »,  armes,  agrez  et  apparaulx 
et  les  marchandises  ti'ouvées  en  iceluy  de  bonne  prise,  et  ordonné 
que  le  tout  sera  vendu  en  la  manière  accoustumée  et  que  le  prix 

I.   V.  supra,  p.  520,  note  3. 


522 


AVANT    JUIN     I 


636 


qui  en  proviendra,  ensemble  celuy  qui  est  provenu  des  marchan- 
dises qui  ont  esté  vendues  à  Safly  et  Salle,  nostre  dix'  préalable- 
ment pris  et  les  frais  faictz  et  à  faire  pour  lad.  vente,  demeurera  au 
proffîct  de  Sa  Majesté.  Mandons  au  juge  de  la  marine  de  Brouage 
on  autre  sur  ce  requis  de  mettre  ces  présentes  à  exécution  selon 
leur  forme  et  teneur  '. 


Bibliothèque  Nationale. 
Expédition  officielle-. 


Fonds  français.  —  Ms.  15915,  ffiS-Sl.- 


I.  Ce  jugement  ne  mit  pas  fin  à  l'affaire. 
Les  Anglais,  en  représailles  de  la  prise  <lu 
vaisseau  «  la  Perle  »,  capturèrent  en  itiS^ 
deux  navires  français  «  la  Cassandre  »  et 
«  la  Fortune  >>.  A  la  suite  de  cette  mesure, 
on  mit  l'embargo  en  France  sur  les  vais- 
seaux anglais  qui  se  trouvaient  dans  les 
ports,  et  le  commerce  entre  les  sujets  des 
deux  couronnes  fut  gravement  trouble. 
Louis  XIII  dut  nommer  des  commissaires 
pour  examiner  avec  l'ambassadeur  d'Angle- 
terre en  France  le  moyen  de  terminer  ce 
eonllit.  L  n  accord  fut  signé  à  Paris  le  2.3 
février  i638.  Le  roi  de  France  accorda  la 
main-levée  de  «  la  Perle  »  ;  il  donna 
2 1  ooo  livres  pour  les  marcbandises  vendues 


qui  avaient  été  employées  par  Du  Chalard 
au  rachat  des  captifs  et  42  000  livres  à 
titre  de  dommages-intérêts.  Par  un  arrêt, 
il  ordonnait  la  main-levée  des  vaisseaux 
anglais  saisis  en  France.  L'Angleterre  s'en- 
gagea de  son  côté  à  rendre  «  la  Cassandre  » 
et  «  la  Fortune  »,  si  ces  vaisseaux  «  sont  en 
nature  »,  si  non  à  verser  la  somme  de  872 
livres  sterling.  V.  le  texte  des  articles  Bibl. 
Nat.,  Ms.  fr.  iôgi5.  Jf.  87-88  et  une 
lettre  de  Chavigny  à  BeJlièvTe,  datée  de 
Ruel  25  févTÎcr  iCSS,  Ibidem,  ff.  85  vo-86. 
2.  Cette  expédition  du  jugement  fut 
transmise  le  28  décembre  1637  à  M''  de 
Bellièvre,  ambassadeur  du  Roi  à  Londres. 
Bibl.  Sat.,  Ms.  fr.  i5gr5,  ff.  45  v°-46. 


INSTRUCTIONS    POUR    SUBLET    DES    NOYERS 


523 


LXXXYIII 

IINSTRUCTIONS  POUR  SUBLET  DES  NOYERS' 

Mesures  à  prendre  pour  le  rapatriement  du  capitaine  salétin  Hassan 
y  Brahend  et  de  son  éijuipaijc. 

[Avant  le  i a  juillet   i636 -.] 

Le  Révèrent  Père  Joseph  m'a  chargé  de  prier  monsieur  de  Noyers 
de  faire  expédier,  s'il  luy  plaist  : 

Une  lettre  du  Roy  adressante  aux  consuls  de  la  ville  de  Tholon, 
par  laquelle  il  luy  mandera  que,  pour  le  bien  de  ses  affaires  et  la 
conservation  de  ses  sujets,  il  auroit  faict  la  paix  avec  le  roy  de  Maroc 
et  les  gouverneurs  de  Salé^,  et  faict  rachepter  les  esclaves  françoys 
qui  y  sont  detenuz.  Que,  le  temps  dans  lequel  l'ambassadeur  de  Sa 
Majesté  avoit  promis  d'envoyer  retirer  les  captifs  qui  sont  demeurez 
à  Salé  estant  trop  court*.  Sa  Majesté  y  auroit  envoyé  pour  le  faire 
prolonger  et  cependant  conserver  la  paix,  ce  que  cesdits  gouverneurs 
ont  accordé  suivant  l'intention  de  Sa  Majesté".  C'est  pourquoy  le 
capitaine  Hassan  y  Brahemi',  habitué  audit  Salé,  estant  eschoué 

I.  François  Sublel  Des  Noyers  né  en  3.  Sur  cette  paix  signée  par  Du  Chalard 
i588,  trésorier  de  France  à  Rouen  en  i6i^,  les  i8  juillet  et  i""' septembre  i635,  V.  su- 
intendant  et  contrôleur  général  des  finances  pra.  Doc.  LXXIX,  p.  igs,  et  Doc.  LXXXI, 
en  i033,  intendant  de  l'armée  en  Allemagne  p.  Vj(). 

et  en  Lorraine,  secrétaire  d'Etat  au  mois  /j.   Sur  le  délai  convenu  entre  Du  Chalard 

de  février  i636,  capitaine  et  concierge  du  et  les  gouverneurs  de  Salé,  V.pp.^Qi,  5o5 

chitcau  de  Fontainebleau,  secrétaire  du  Roi  et  Sog  et  la  Relation  de  Jean  Marges,  p.  537. 
par  provisions  du  i5  février   1637,  surin-  5.   Cf.  infraXs.  Relation  de  Jean  Marges, 

tendant  des  b.^timents  en   i638.  Il  mourut  p.  537  "'  "°''^  ^■ 

à  Dangulc  2oocto])rc  1O45.  Cf.  Tesskreau,  6.   Hassan  y  lirahemi,  pcul-èlre:  Hassan 

passim  ;  et  Dossiers  bleus  fi2l,  cote  it')/igi,  Ibrahim.  A  hauteur  de  ce  nom  on  lit  dans 

f.  22.  la  marge  la  mention  suivante  se  rapportant 

3.   I.es  présentes   instructions   ont  pour  au  capitaine  Hassan  y  Brahemi  :«  Habitué 

objet   l'expédition  des    d(tux   mandements  à  Sale  où  il  a  sa  femme  et  ses  cnfans,  et 

suivants  (pp.  ôaS  et  527)  qui  sont  datés  du  est   sorty    dudit   Salé    avec    passeport    du 

12  juillet  i636.  s'  Du  Chalard». 


52^  AVVNT     LE     12     JUILLET     1  630 

en  France,  Sa  Majesté  a  désiré  le  renvoyer  avec  les  gens  de  son 
esqulpage  en  toute  seureté  audit  Salé.  Elle  luy  auroit  faict  donner 
son  passeport  avec  lettres  adressantes  aux  consuls  de  Marceillc  pour 
faciliter  leur  passage.  Mais,  àl'arrixéeduditesquipageaudit  Marceille, 
quelques  ungs  du  menu  peuple,  les  ayans  recongneus  pour  corsaires, 
exiterent  une  sédition  dans  ladite  ville  et  le  voulurent  ofiencer,  à  quoy 
il  fut  prompteinent  pourvcu  par  lesdits  consuls,  qui  ont  envoyé  les 
gens  dudit  escjuipage  à  Tliolon  et  mis  en  seureté  ledit  capitaine  dans 
la  tour  de  S'  Jehan  pour  sa  seureté.  Lequel  est  venu  à  Paris  pour  en 
faire  sa  plainte,  ne  désirant  plus  aller  s'embarquer  à  Marceille,  de 
crainte  qu'ils  n'y  reçoivent  mauvais  traitlemcnt  du  peuple. 

C'est  pourquoy  Sa  Majesté,  désirant  gratifier  ledit  capitaine  Bra- 
hemi  avec  les  siens,  pour  le  bien  et  conservation  de  la  paix,  et  don- 
ner sujet  de  faire  lîon  traillement  à  ses  sujets  captifs  audit  Salé, 
afin  de  le  renvoyer  seurement  sans  passer  par  Marceille.  ordonne 
ausdits  consuls  de  Tliolon  de  pourvoir  le  plus  promptement  que  faire 
se  pourra  au  passage  dudit  cajiitaine  et  de  tous  cculx  de  son  esquipage 
pour  le  renvoyer  à  Salé  ou  aultre  port  de  Barbarie  qu'ils  désireront  ; 
et,  pour  ce  faire,  les  faire  mettre  dans  ung  vaisseau  marchant,  ouplus- 
tost  leur  faire  bailler  une  petite  barque  esquippée  pour  se  deffendre 
des  Espagnols,  avec  les  vivres  qui  leur  seront  nécessaires.  De  quoy 
il'  s'obligera  de  leur  en  renvoyer  le  pris  si  tost  qu'il  sera  arrivé,  et, 
si  il  ne  le  faict,  Sa  Majesté  y  pourvoira  pour  leur"  en  faire  recevoir 
contantenient.  Et  feront  en  cela  chose  qui  leur  sera  très- agréable. 

Plus  une  lettre  adressante  aux  consuls  de  Marceille  par  laquelle 
Sa  Ma''  leur  tesmoignera  de  leur  sçavoir  bon  gré  du  soin  qu'ils  ont 
pris  de  la  conservation  dudit  capitaine  Brahemi,  et,  pour  seureté 
plus  grande,  elle  le  renvoyé  avec  ses  gens  par  Tholon,  ayant  escript 
aux  consuls  de  ladite  ville  de  luy  faciliter  son  passage  :  et  partant 
qu'ils  luy  facent  renvoyer  ses  hardes  audit  Tholon. 

Plus  passeport  pour  ledit  capitaine  et  ses  gens. 

Archives  historiques  du  Ministère  de  la  Guerre.  —  To/.  ?<9,  f.  258. 
—  Orifjinal. 

l.   Il.lc  capilaine  I5raliemi.  2.   Leur,  pour  lui. 


MANDEMENT    DE    LOUIS    XIII    AVX    CONSULS    DE    TOULON 


LXXXIX 

MANDEMENT  DE  LOUIS  XIII  AUX  CONSULS  DE  TOULON 

Fonlaiiioblcaii,   l'i  jiiillel  iGSG. 

En  marge  :  Lettre  du  Roy  pour  faire  passer  en  Barbarie  ung 
corsaire  turc. 

De  par  le  Roy,  comte  de  Provence. 

Chers  et  bien  amez, 

Ayant  faict  ung  traitlé  de  paix  avec  le  roy  de  Marroc  et  les  gou- 
vcPTieiirs  de  Salle  pour  le  bien  de  la  Ghrestienté  et  pour  retirer  les 
esclaves  françois  qui  y  sont  dehlennz,  lecpiel  nous  desirons  entre- 
tenir, et  le  cappitaine  Hassan  y  Brahcmy  dudit  Salé  estant  eschoué 
en  nostre  coste  de  Guyanne  ',  nous  luy  avions  en  conséquence  de 
ladite  paix  faict  donner  passeport,  tant  pour  luy  que  pour  les  gens 
de  son  esquipalge,  avec  lettres  adressantes  aux  consuls  de 
Marseille  pour  son  retour  :  mais,  en  arrivant  audit  Marseille, 
quelques  ungs  du  menu  peuple,  ayant  recongnu  ledit  capitaine  et 
ses  compaignons  pour  corssaires  et  le  croyant  estre  d'Alger,  exci- 
tèrent une  esmotion  contre  luy,  laquelle,  par  le  bon  ordre  des 
consuls,  fut  apaisée,  ledit  Brahcmy  estant  mis  en  lieu  de  seuretté 
et  ceux  de  son  esquipalge  envoyez  en  nostre  ville  de  Tolon,  en 
attandant  noz  vollontez.  Ensuitte  de  quoy,  ledit  cappitaine  estant 
venu  nous  trouver  pour  se  plaindre  de  ce  traictement,  et  nous 
supplier  de  luy  donner  moyen  de  s'embarquer  en  ung  autre  port 
de  nostre  royaume,  et  ayans  veriifié  non  seulement  qu'il  est  habitué 
audit  Salé  et  y  a  femme   et  enfans,   mais  qu'il    en    est  party  avec 

I .   Guyanne,  pour  Gujenne. 


526  12    JUILLET     l636 

passeport  du  s'  Du  Chalard,  alors  nostre  ambassadeur  au  pays  de 
Maroc,  nous  avons  estimé  à  propos,  pour  le  gratiffier  et  conserver 
ladite  paix,  très-nécessaire  afin  que  la  délivrance  des  Fi'ançois  qui 
sont  detenuz  esclaves  en  grand  nombre  audit  Salle  soit  effectuée 
sans  aulcun  empeschement,  de  faire  que  ledit  Brahemy  se  puisse 
embarquer  avec  ses  gens  de  nostre  dite  ville  de  Thoullon. 

C'est  pourquoy  nous  vous  faisons  cesle  lettre,  par  laquelle  nous 
vous  mandons  et  très-expressement  enjoignons  que  vous  ayez  à 
renvoier  ledit  cappitaine  de  nostre  ville  de  Tolon  sans  aulcune  diffi- 
culté, et  qu'aussitôt  vous  pourvoiez  à  le  renvoyer  avec  ceux  de  son 
esquipage  audit  Salé  ou  autre  port  de  Barbarie  oîi  ils  désirent 
aborder,  les  faisant  pour  cet  office  mettre  dans  quelque  vaisseau 
niarcband,  ou  plustost  leur  faisant  donner  une  petite  barque  esqui- 
pée  en  guerre  pour  se  défendre  contre  les  Espagnols  ou  autres  qui 
les  voudroyent  attaquer,  avec  les  vivres  qui  leur  seront  nécessaires 
pour  leur  passage  audit  pays  de  Barbarie,  De  quoy  il  s'obligera  de 
leur  renvoyer  le  prix  aussytost  qu'il  sera  arrivé  ;  vous  asseurant  que, 
s'il  y  a  manquement  à  ce  qu'il  v(jus  promettra,  nous  pourvoirons  à 
ce  que  vous  n'y  souffriez  aucidne  perte,  et  que  vous  ferez  en  cela 
chose  qui  nous  sera  très-agreable.  Sy  n'y  faictes  donc  faulte,  car 
tel  est  notre  bon  plaisir. 

Donné  à  Fontainebleau,  ce  douze  juillet  mil  six  cens  trante-six. 
Signé  Louys,  et  plus  bas  :  Sublet.  Et  au  dessus  de  ladite  lettre  :  A 
nos  cbers  et  bien  amez  les  consuls  et  habitans  de  nostre  ville  de 
Tolon. 

Enregistrée  sur  son  original  par  moy  archivaire  de  la  maison 
comune  de  ceste  ville  de  Tolon  soubsigné,  ce  un  aoust  i636, 
ayant  remis  ladite  lettre  en  liasse. 

Signé  :  Couchon,  arcli". 

Archipes  communales  de  Toulon.  — -  Rcrjistre  EE  5,  1'"  partie,  f.  iU5. 

—  Copie  enreijislrée. 

Archives  historiques   du  Ministère  de  la  Guerre.  —  Vol.  2S,    f.   256. 

—  Minute. 


MANDEMENT    DE    LOUIS    XIII    AUX    CONSULS    DE    MARSEILLE  52" 


XG 
MANDEMENT  DE  LOUIS  XIII  AUX  CONSULS  DE  MARSEILLE 

l'onlaincblrau,  i:!  juillet  l630. 

De  par  le  Roy. 

Très-cherset  bien  amez, 

Ayant  esté  informez  comme,  sur  l'esmotion  arrivée  en  nostre 
ville  de  ^larseille  contre  le  cappitaine  Hassan  y  Brahemy  et  les 
gens  de  son  esquipage,  quelques  uns  de  nostre  dite  ville  l'ayans 
recongnu  pour  corsaire  et  jugé  cstrc  d'Alger,  vous  avez  empcsché 
qu'il  n'y  soit  arrivé  aulcune  mauvaise  suitle,  nous  avons  bien 
voullu  vous  tesmoigner  le  gré  que  nous  vous  sçavons  du  bon  ordre 
que  vous  y  avez  aporté.  Et,  parceque  ledit  cappitaine  est  venu 
nous  supplier  de  luy  donner  moyen  de  s'embarquer  en  autre  port 
de  nostre  royaume,  et  qu  il  nous  est  suffisammant  aparu  qu'il  est 
hcdjitué  audit  Salé,  y  a  femme  et  enfans,  et  de  plus  qu'il  en  a  party 
avec  passeport  du  s"^  Du  Clialard,  alors  nostre  ambassadeur  au  pays 
de  Maroc,  et  que  nous  voulons  entretenir  la  paix  que  nous  avons 
faicte  avec  le  roy  de  Maroc  et  les  gouverneurs  dudit  Salé  pour  le 
bien  de  la  Clirestienté  et  la  délivrance  des  esclaves  françois,  dont  il 
reste  encores  un  grand  nombre  audit  Salé,  qui  pourroyent  estre 
maltraitlés  ou  detenuz,  au  préjudice  de  ce  qui  nous  a  esté  promis, 
si  ledit  lîraliemy  conlinuoità  recevoir  quelque  mauvais  trailloment. 
nous  ordonnons  à  nos  chers  et  bien  amez  les  consuls  de  TouUon 
qu'ils  ayent  à  le  faire  embarquer  et  passer  audit  Salé,  et  nous  vous 
mandons  de  ne  luy  donner  en  cela  aulcun  empeschement,  ains  toutte 
la  faveur  et  assistance  dont  vous  pourrez  estre  requis,  mesme  nous 
vous  enjoignons  très-exprcsscment  de  luy  renvoyer  audit  ïoullon 


028  12    JUILLET     1 636 

les  hardes  qu'il  peut  avoir  laissées  à  Marseille,  sans  que,  soubz 
quelque  pretexe  ny  par  quelques  personnes  que  puisse  estre,  il  y 
soit  apporté  aulcun  empeschement  ny  difficulté.  Sy  n'y  faictes 
faulle.  car  tel  est  nostre  bon  plaisir. 

Alla  manu  :  A  Fontoinebleau  le  xii  juillet  i63G. 

Sifjné  :  Louis. 

Contresigné  :  Sublet. 

Archives  communales  de  Marseille. 

Archives  historiques  du  Ministère  de  la  Guerre.    —    Vol.  28./.  257. — 
Minute. 


RELATION    DE    SOURDIS  629 


XCI 

RELATION  DE  SOURDIS  ' 

(Extrait) 

Capture  'l'un  navire  sa/e'tin.  —  Soardis  aiirnit  désire'  faire  mile  vers  Salé, 
mais  ses  instructions  ne  le  lui  permettent  qu'au  retour.  —  La  répression 
des  corsaires  de  Salé  s^impose  et  serait  aisée.  —  Nouvelle  capture  d'un 
de  leurs  navires.  —  Ordres  à  donner  pour  la  répartition  des  prisonniers 
sur  les  fjalèrei  et  la  vente  des  prises. 

Détroit  de  Gilbraltar,  17  juillet  i636. 

En  tête  :  Du  deslroit  de  Gibraltar,  ce  17"  juillet  i636. 

Je  joigny  l'armée  souhz  licUe-lsle  a^cc  le  reste  des  vaisseaux  de 
guerre,  l'infanterye  et  lartillerye,  le  16  de  juin,  sur  les  deux  heures 
après  midy,  où  je  croyois  trouver  l'armée  en  estât  de  partir  ;  mais 
plusieurs  capitaines,  coustumiers  de  voir  les  ports,  avoient  surpris 
M' le  comte  d'IIarcourt"  en  ce  faisant  donner  congé  sous  prétexte 
de  nouvelles  nécessités,  pour  aller  en  divers  ports,  si  bien  qu'il 
faillut  du  temps  pour  les  mander,  ce  qui  passa  jusques  au  20"  dud. 
mois  de  juin,  que  1  (jn  fit  voille  ;  mais,  estant  chargé  du  nord-ouest 
assez  fascheux.  on  fut  contraincl  de  retourner  à  la  rade  dont  on 
estoit  jiarti. 

I.   Cette  relation,  d'une  part,  a  été  rédi-  à  ce  dernier, 

géc  par  le  commandant  de  l'armée  navale  2.   Henri  de  Lorraine,  comte  d'IIarcourt 

auquel   sont  adressées  les   instructions  du  (20  mars  i6oi-25  juillet  1666),  comman- 

30  avril  i636  (V.  supra.  Doc.   LXXXVI,  danl  l'armée  navale  en  i636.  conjointement 

pp.    5i4-5i5),  et,    d'autre    part,    elle   est  avec   Sourdis,   gouverneur  de  Guyenne  en 

conser\'éeà  la  I5il)liotlii'qiieNationalc  parmi  i6'i2,  grand  écuyer  en  iG.'iS,   vicc-rol    de 

les  papiers  de  Sourdis.  C'est  pour  ces  deux  Catalogne  en  l(3^5,  gouvcîrneur  d'Alsace  en 

raisons  qu'il  a  semblé  logique  de  l'attribuer  16/59,  P"'*  d'Anjou. 


De  Castkies.  III    —  3 


a 


53o  17    JUILLET     l636 

Enfin,  ce  A'ent  continuant,  je  pressé  le  28  de  mettre  à  la  mer, 
quoy  que  le  vent  fut  contraire,  pour  ce  mettre  en  estât  de  l'attendre 
dehors  et  se  délivrer  de  l'accablement  des  capitaines  qui  deman- 
doist  tousjours  chose  nouvelle  et  que  l'on  ne  pouvoit  empescher  de 
ce  tenir  à  terre,  ce  qui  fut  cxecutté  deux  heures  après;  mais  les 
vents  norouest  et  surouest  nous  tourmentant,  nous  ne  pusmes  gai- 
gncr  en  cinq  jours  de  navigation  que  le  cap  d'Ortiguicres  '  (entre 
S' Andcretla  Courongnc).  où  nous  fusmes  sept  jours,  bord  sur  bord, 
sans  pouvoir  doubler  le  cap  de  Finisterre,  durant  quelque  temps. 

Un  forban  de  Salé,  qui  ce  nomme  Memirays  ^,  qui  avoit  un 
vaisseau  de  deux  cens,  armé  de  cent  hommes  et  treize  canons,  qui 
avoit  fait  un  prise  d'une  flustc  flamande  de  trois  cens,  où  il  y  avoit 
cinquante  Anglois  et  cent  baies  de  laine  et  foi'ce  fert  et  du  sel,  qu'il 
avoit  tiré  d'un  vaisseau  anglois,  qu'il  avoit  coulé  bas  après  l'avoir 
pillei  [et]  battu  du  mesme  temps,  fut  rencontré  par  nos  vaisseaux 
qui  batt oient  la  mer  devant  nous,  et  après  quelques  coups  de 
canon  de  part  et  d'autres,  il  fut  pris  et  amené  au  bord  de  l'ad- 
mirai, où  il  est  encore.  L'on  a  fait  la  procédure  que  je  vous  envoyé 
et  donné  le  jugement  qui  y  est  attaché. 

J'estimois  que  nous  devions  aller  à  Salé,  où  le  capitaine  que  nous 
tenons  nous  faisoit  espérer  que  l'on  nous  rendroit  nos  chrestiens^, 
en  donnant  les  cent  dix  Turcs  et  les  vaisseaux  que  nous  tenons  ; 
mais,  comme  dans  l'instruction  '  on  a  mis  ce  traicté  qu'au  retour, 
on  ne  la  pas  voulu  faire,  de  sorte  que  je  voy  ce  traicté  hors  d'estat 
d'estre  fait,  d'autant  que,  quand  on  reviendroit  par  là,  les  captifs 
et  les  vaisseaux  ne  seront  peut-estre  plus  en  estât  destre  rendus, 
les  uns  estant  aux  galleres,  et  les  vaisseaux  peut-estre  péris. 

Ce  que  je  puis  voir  qu'il  y  a  affaire  en  cette  mer,  consiste  en  trois 
choses  :  la  première,  à   mettre  ceux  de   Salé  à  la  raison,   lesquels 

1.  Orliguieres  :  le  cap  Ortegal.  «  renégat  hoUandois  de  nation,  habitué  a 

2.  Memirays:  Mami  Raïs.  La  capture  de         Salé  ». 

ce  pirate  et  celles  que  mentionne  ensuite  3.   Nos  chresliens  ;  c'est-à-dire  ceux  des 

la  présente   Relation   figurent   également,  esclaves  français  que  Du    Clialard  n'avait 

avec  quelques  variantes  de  détails,  dans  le  pas  pu  ramener  l'année  précédente.  A  .  ci- 

récit  de  l'expédition  de  Sourdis  fait  par  le  dessus,  p.  ^9^ ,  notes  3  et  4- 

Mercure  François,    t.    XXI,   pp.    197-200  4-  V.   ces  Instructions,  Doc.  LXXXVI, 

(année  i636).  Mami  Raïs  y  est  qualifié  de  p.  5iii. 


RELATION    DE    SOURDIS  53 1 

vont  avec  de  si  meschans  vaisseaux  et  avec  de  telle  canaille,  que 
deux  vaisseaux  du  Roy  sont  capable  d'en  battre  dix  des  leurs,  et 
quatre  de  faire  la  loy  comme  l'on  voudra  à  toute  cette  canaille, 
qui  croit  que  la  paix  que  l'on  a  faicle  '  est  de  peur  que  l'on  a  d'eux  ; 
et  déplus,  quekfue  paix  qu'ils  ayent  avec  nous, ils  ne  laissent  pas  de 
prendre  nos  vaisseaux,  comme  ils  ont  fait  cette  année,  et  pillenttout 
ce  qui  est  dedans.  Si  le  vaisseau  ne  vaut  pas  la  peine,  il  le  laissent; 
s'il  est  bon,  ils  jettent  les  hommes  à  la  mer,  les  dégradent  en 
la   première    isle,   ou,  s'il  y    en    a  beaucoup,  les   vont   vendre    h 

^.   comm'  ils  ont  fait   celle   année   aux    Holandois, 

avec  qui  ils  ont  paix,  n'ayant  pas  trouvé  un  Holandois  entre  leurs 
mains,  quoy  qu'ils  en  ayent  le  vaisseau,  et  ayant  sceu  que  l'année 
passée  ils  en  avoient  dégradé  plusieurs  en  une  isle,  le  travers  de  la 
Courognc,  et  leurs  ayant  pris  huit  ou  dix  flamens  renégats  [qu'jils 
avoient  pris  au  voyage  précèdent. 

Depuis  avoir  fait  ceste  despesche,  que  j'atendois  à  envoyer  du 
Destroict,  nous  avons  encorre  trouvé  vingt  vaisseaux  de  Salé,  dont 
l'un  c'est  battu  avec  un  des  dragons  du  Havre,  commandé  par  Poi- 
trincourt,  mais,  ce  trouvant  plus  fort  de  monde  et  celuy  du  Havre 
de  canon,  ils  se  sont  battus  sans  s'aboucher. 

Le  mesme  soir,  La  Chesnaye,  de  S'  Malo,  a  pris  une  grande 
caravelle  de  Turcs  de  Salé,  où  il  y  en  avoit  trente-six  et  quatre 
esclaves  espagnols,  qu'on  a  résolu  de  mettre  en  terre  à  Gibraltar, 
aflin  qu'ils  publient  le  soin  que  le  Roy  a  de  faire  la  guerre  aux 
ennemis  de  la  foy  et  sa  bonté  de  donner  la  liberté  aux  esclaves  quoy 
que  subjects  de  ceux  qui  luy  font  la  guerre. 

J'estime  que  l'on  doibt  envoyer  un  ordre  du  Roy  à  M'  le  gênerai 
des  galleres,  pour  recepvoir  les  Turcs  qui  ont  esté  pris  de  Salé, 
affîn  de  les  départir  pour  servir  sur  les  galleres  de  monseigneur 
le  CardinaP,  ausquels  les  eappitaines  fournirait  semblables  vivres 

1.  V.  ci-dessus.  Doc.  LXXXI,  p.  499,  partissaiit  sur  plusieurs  galères  pour  ('vitcr 
l'adlu'sion  dosSalétius  au  traite  entre  Louis  toute  mutinerie  de  leur  part.  Cf.  Bibl,  Mat., 
XIIIetMoulayel-Oualiddu  1 8  juillet  iliS.').  Ms.fr. //i/io.  f.  121  v".  Letlri' de  Loiik  XII! 

2.  Mot  laissé  en  lilanc  dans  le  manuscrit.  «  Sourijis  du  3o  avril  i636  et  ibident,  f.  iUl', 

3.  Sourdis  avait  pour  instruction  démet-  Lettre  de  Richelieu  à  Sourdis  du  21  août 
Ire  les  Salélins  à  la  chaîne,  mais  en  les  ré-  i636. 


532 


17    JUILLET     l636 


qu'aux  forçastz  qu'on  leur  envoie  de  Paris,  comm"  aussy  un  autre 
ordre  pour  faire  vendre  les  prises  on  cas  que  l'on  le  désire,  puisque 
ceux  de  Salle  ont  faict  publier  au  mois  d'avril'  quon  pouroit  faire 
prise  sur  les  François,  ainsy  que  nous  avons  apris  par  lesEspagnolz 
que  nous  avons  pris  dans  la  ravelle^. 
Du  17"  juillet  mil  six  cens  trente-six. 


Bibliothèque  Nationale.  —  Fonds  français. 
-  Minute  '. 


Ms.  6381  \jff.  15-17. 


1.  D'après  Jean  Marges,  les  difficultés 
avec  les  Salctins  ne  recommencèrent  qu'à 
la  suite  d'une  capture  de  corsaires  faite  par 
Sourdis.  V.  infra,  Doc.  XCIV,  pp.  537-538. 

2.  Laflottearriva  àToulon  le  3  ao^^t  i636 
(E.  Sue,  1. 1,  p.  5i);  elle  resta  dans  la  Mé- 
diterranée jusqu'à  la  fin  de  1637  ;  les  îles 
de  S'"  Marguerite  et  de  S'  Honorât  furent 
reprises.  Sourdis  avait  alors  l'intention  de 
se  rendre  à  Salé.  «  De  là  je  me  propose  de... 
m'en  aller  à  Salle,  si  la  saison  me  le  per- 
mettoyt».  (Lettre  de  Sourdis  à  Sublet  des 
Noyers  du  aS  juin  1637.  Bibl.  Nat. ,  Ms.  fr. 
638 1,  f.  gi).  Mais  il  reçut  contre- ordre  : 
«  Quant  à  l'affaire  de  Salé dont  vous 


eustes  aussy  mémoire  lors  de  vostre  parte-- 
ment,  Monseigneur  le  Cardinal  trouve  à 
propos  de  la  différer  jusques  à  vostre  retour 
dans  l'Océan  avec  les  vaisseaux  du  Roy  ». 
(Biljl.  Nat.,  Ms.  fr.  0382,  f.  483.  Lettre  de 
Chavùjny  à  Sourdis  du  6  août  i63g).  Le  pro- 
jet d'expédition  sur  Salé  fut  en  réalité  ahan- 
donné. 

3.  Ce  manuscrit  faisait  partie  autrefois 
de  la  Suite  de  la  Collection  Diipuy.  V.  ci- 
dessous,  p.  535,  note  I. 

4.  Ce  Document  a  été  publié  par  M. 
Eugène  Sue  dans  la  Correspondance  de 
Sourdis,  t.  I,  pp.  Iti-tfj  (Collection  de 
Documents  inédits). 


COMPTE  DE  LA  MARINE  DE  PONANT 


533 


XCII 


COMPTE  DE  LA  MARINE  DE  POXANT 


i636. 


En  tète  :  Estât  au  vray  de  la  recepte  et  despence  faicte  par  le  Tré- 
sorier gênerai  de  la  marine  de  Ponant,  M'  Louis  Picart,  à  cause  du 
maniement  de  sad.  charge  durant  l'année  mil  six  cens  trente-six. 

A  Ceir  Rays,  cajjitainc  turq  pour  remener  des 
Turcs  à  Maroq  À;  Salle,  cy' ii"  l" 

A  Morat  Rays  '  de  Salle  pour  son  retour  à  La 
Rochelle xxxvi" 

Au  s"^  Logerot  la  somme  de  ix*^  xxxii",  tant  pour 
les  habits  des  Mores  eschouez  en  Normandie  que  pour 
les  mener  à  La  Rochelle,  suivant  l'ordonnance  de 
Monseigneur  le  cardinal,  cy ix"  xxxn** 

Bibliotlthjuc  Xationale.  —  Fonds  français.  —  Ms.  G^iOS,  f.  J7S.  — 
Original. 

I .  En  marcc  de  cet  article  et  de  chacun  2.  Ce  raïs  était  un  renégat  originaire  de 

des  deux  suivants  on  lit,  (j/iVi  manu;  «  Bon  ».        Gênes.  V.  iiij'ra,  p.  538  et  note  2. 


53^  l5     SEPTEMBRE     1687 


XCIII 

COMPTE  DE  LA  MARINE  DE  PONANT 

(Extrait) 

Rueil,  i5  septembre  1637. 

En  tête  :  Estât  au  vray  de  la  recepte  et  despence  faicte  par  M' 
François  Le  Conte,  conseiller  du  Roy,  trésorier  gênerai  de  la  marine 
de  Ponant,  pour  l'exercice  et  fonction  de  sa  charge  de  l'année  mil 
six  cens  trente  cinq. 

A  cinquante  homme  de  guerre,  tant  chefs,  officiers  mariniers 
que  soldatz  et  mathelotz,  qui  ont  servy  sur  le  vaisseau  nommé 
((  l'Espérance  »  commandé  par  le  sieur  de  Poincy,  l'un  des  lieute- 
nans  du  sieur  Du  Chalard,  sa  personne  comprise,  la  somme  de  sept 
mil  trois  cens  vingt  livres  pour  leurs  appoinctements,  solde  et 
nourriture  durant  six  mois,  commancez  le  premier  avril  i635  et 
finis  le  dernier  septembre  ensuivant,  pendant  lesquels  ils  ont  servy 
avecq  le  vaisseau  «la  Renommée»,  commandé  par  led.  sieur  Du 
Challard,  à  faire  le  voyage  du  Marroc,  suivant  Testât  du  Roy  du 
dernier  décembre  i63/i  et  ordonnance  dud.  seigneur  Cardinal  du 
xvn"  febvrier  et  les  rolles  de  la  monstre  et  reveue  qui  en  a  esté 
faicte  par  Jean  Taray.  commissaire  ordinaire  de  lad.  marine,  et 
Pierre  d'Auvilliers,  commis  du  contrôleur  gênerai  d  icellcs,  le 
xxini'  d'avril  et jour  de ensuivant,  cy  vu"' in"  xx". 

Faicl  à  Ruel,  le  quinziesme  jour  de  septembre  mvi'  trente  sept. 
Signé:  Le  cardinal  de  Richelieu. 


COMPTE    DE    LA    MARINE    DE    PON'ANT  535 

Je  soubzsigné  certiffie  que  monseigneur  l'archevesque  de  Bor- 
deaux m'a  mis  l'original  du  pi-esent  estât  entre  les  mains,  ce  jour 
d'huy  vingt  sixiesme  avril  mvi*^  trente-huict. 

Signé  :  Le  Comte. 


Biblicjlht'que  Nationale.  —  Fonds  Jrançais.  — Ms.  6^09',  />  185.  — 
Copie  -. 

I.  Ce  manuscrit  fait  partie  d'une  série  composée   de    documents  provenant  de  la 

de  cinquante  volumes  anciennement  con-  famille  de  Sourdis. 

nue  sous  le  nom  de   Suite  de  la  Collection  2.  Ce  Document  a  été  publié  par  Sue  dans 

Dupuy  et  formant  aujourd'hui  les  n"*  6867-  la  Correspondance  de  Sourdis,  t.  III,  pp.  35g 

64 1 6  du  fonds  français.  Elle  est  entièrement  et  Sa  7  (Collection  de  Doc.  inédits). 


536  FIN  1687 


XCIV 

RELATION  DE  JEAN  MARGES' 

(septembre  i635-jlillet  iGSy)" 

//  a  été  laissé  à  Salé  par  Du  Chalard  pour  donner  des  soins  aux  3oo  captifs 
qui  devaient  être  rachetés  avant  avril  i636.  —  Une  prolonr/ation  de  délai 
est  accordée  par  les  Salétins  reportant  le  rachat  à  la  fin  de  l'année  1 636.  — 
L'évasion  de  20  des  captifs  dont  le  vice-consul  Bastin  s'était  porté  caution 
et  la  capture  par  les  Français  de  deux  vaisseaux  de  Salé  indisposent  les 
Salétins.  —  Bastin,  dont  la  situation  devient  critique,  favorise  le  départ 
sur  un  vaisseau  anglais  de  Marges,  auquel  il  remet  des  lettres  pour 
Louis  XIII  et  Bichelieu.  —  Nouvelle  évasion  de  35  captifs.  —  On  remet 
les  autres  à  la  chaîne.  —  Evénements  de  Salé  de  i63.'j  à  i63/.  - — • 
Voyage  de  retour  de  Marges:  renseignements  sur  Sidi  AU  et  le  Sous.  — 
Marges,  arrêté  à  Madère  puis  relâché,  débarque  à  Londres.  Il  assiste  à  la 
réception  d'un  ambassadeur  chérifien. 

Fin   1637'. 

T'itre  :  Relation  de  ce  qui  s'est  passé  au  royaume  de  Marrocq  en 
Barbarie  despuis  l'année  1 635  jusques  au  mois  de  juUiet  de 
l'année  1637,  faite  à  Sa  Majesté  et  à  Son  Esminence,  par  Jean 
Marges,  natif  de  Marseille,  où'  ledit  Marges  a  séjourné  pendant 
ledit  temps,  et  ce  qu'il  a  apprins  ez  terres  où  il  a  passé,  retournant 
dudit  voyage. 

L'esquadre  que  le  Roy  envoya  en  la  coste  dAffricque  l'année 
i635  partit  de  la  radde  de  Salles  en  Barbarie,  au  mois  de  septembre 

I.   Sur  ce  personnage,  V.  Introduction,  bre  1637,  date  de  l'audience  donnée  parle 

notice  biographique.  roi  d'Angleterre  à  l'ambassadeur  du  Maroc. 

a.  Ce  sont  les  dates  extrêmes  en  ce  qui  V.  infra,  p.  540,  note  !\. 

concerne  les  événements  du  Maroc,  mais  la  3.   Sur  cette  date,  V.  note  ci-dessus. 

relation  a  été  composée  après  le  i5  novem-  4.   Où,  c'esl-à-dire  :  en  Barbarie. 


RELATIO^    DE    JEAN    MARGES  53" 

de  ladite  année',  et  le  sieur  Du  Challard,  commendant  en  icelle, 
n'ayant  pas  de  quoy  paier  le  rachapt  de  tous  les  captifs,  en  laissa 
de  reste  environ  trois  cens,  pour  le  rachapt  desquelz  il  s'obligeât, 
au  nom  de  Sa  Majesté  Très-Crestienne,  qu'ils  seroient  retirés  dans 
six  mois  après",  et  que,  en  cas  qu'ils  se  sauveroient  ou  qu'ils  mour- 
roient,  seroient  paies  à  leurs  patrons;  et,  pour  asseurance  de  ce, 
laissa  pour  caution  le  sieur  Gaspard  de  Rastin'  qui  exerçoit  la 
charge  de  vice-consul  audit  lieu.  ^loyenant  quoy,  les  Mores  hos- 
terent  les  chesnes  ausdits  captifs  et  les  laissèrent  en  liberté  dans 
leur  ville,  travaillans  neantmoings  au  bénéfice  de  leurs  patrons. 
Et  ledit  sieur  Du  Chalard  donna  ordre  par  sa  lettre  audit  Marges 
de  subvenir  aux  nécessités  de  maladie  ausdits  captifs,  ce  qu'il  a 
tousjours  fait  jusques  à  son  despart. 

Les  six  mois  portés  par  ladite  obligation  estans  expirés,  ne 
feust  point  envoyé  aucune  satisfaction  ;  mais,  au  mois  de  juin  de 
l'année  iG36,  arriva  audit  Salles  une  barque  de  ^larseille  envoyée 
par  Sadite  Majesté  avec  lettres  dressantes  tant  audit  gouverneur  que 
audit  consul  :  estoit  porté  de  faire  prolonger  le  temps  de  ladite 
obligation  jusques  à  la  fin  de  l'annéeiGSG  susdite,  laquelle  prolon- 
gation feust  accordée'. 

Pendant  ledit  temps,  se  sauvèrent  à  La  Mamoure  par  terre,  dis- 
tant de  cinq  petittes  lieues,  vingt-cinq  captifs  desdits  François 
cautionnés  par  ledit  de  Rastin,  ce  qui  cnaigrit  fort  le  peuple 
contre  luy  et  contre  ledit  Marges  et  autres  François  restans.  Neant- 
moings lalcaïde  Abdala  ',  gouverneur  dudit  Salles,  appaiza  les  Mores 
des  plaintes  qu'ils  en  faizoient. 

Quelque  temps  après,  lesdifs  Mores  heurent  advis  que  l'armée 
navalle  de  Sa  Majesté  leur  avoit  pris  un  navire  commendé  par 
Mamy  Rays",  renié  llamcnd,  et  une  caravelle,  et  mis  les  gens  en 
gallere,   auquel  temps  ladite    Communaulté  '   feisl  de  grandz  vac- 


1.  Marges  commet  une  erreur.  Du  Cha-  !\.  CÂ.c\-Acf,syis\esInslruclionspourSublel 
lard  était  encore  à  Salé  le  i3  octobre.  V.  des  Aoreri,  p.  523,  et  l'n/rd.  p.  .'iâSet  note  5. 
Doc.  lAWll,  p.  Sou.  5.   L'«icai'</e  yl6(/a/(i,  Al)(l;illali  ben  Âliel- 

2.  Sur  cet  engagement  souscrit  par  Du  Caceri.  Surce  personnage, V.  p.  ;^gt),  note  i . 
Chalard,  V.  ci-dessus  p.  /Igi  etnotesS  et  .'i.  6.   Surce  personnage,  V.ci-dessusp.  53o, 

3.  Sur  ce  personnage   V.   Introduction,  note  2. 
nolicebiographique,etin/raDoc.  CI,p.58i.  7.   Ladite  Communaulté,  le  Divan. 


538  FIN  1687 

carmes,  se  pleignans  contre  ledit  consul  de  la  rupture  de  la  paix, 
disans  qu'ils  a  voient  de  leur  costé  observé  le  trailté  et  que 
les  François  lavoient  rompeu,  ce  que  ledit  gouverneur  aussy 
paciffia. 

Mais  quelque  temps  apprès,  vint  encores  advis  qu'on  avoit 
arreslé  à  La  Rochelle  un  navire  dudit  Salle  commendé  par  un 
renié  nommé  Morat'  Genevois",  occazion  qui  obligea  ce  peuple  à  se 
soubslever  contre  ledit  consul,  qu'ils  vouloient  pour  lors  emprison- 
ner, et  luy  prindrent  tout  ce  qu'il  avoit  de  marchandises,  et,  moye- 
nant  ce,  ledit  gouverneur  appaisa  le  peuple,  en  leur  donnant 
espérance  de  restitution  de  tout  ce  qui  leur  avoit  esté  prins,  et,  tant 
que  ledit  gouverneur  feust  en  charge,  ledit  consul  et  les  François 
captifs  heurcnt  assés  bon  traittemant.  Mais  ajjprès  qu'il  feust 
demis,  comme  sera  dit  cy-après',  touttes  choses  furent  ren- 
versées. 

Et  pour  lors  ledit  Marges  chercha  opportunité  pour  eschapper 
le  danger  de  demeurer  captif,  et  fist  sy  bien  que,  moyenant  cent 
ducats  qu  il  donna  à  ceux  qui  administroient  le  gouvernemant,  il 
obtint  licence  de  s'embarquer,  ce  qu'il  n'auroit  peu,  si  ledit  gou- 
verneur feust  esté  en  autliorité  et  ne  feust  esté  exillé,  tant  à  cause 
du  soin  qu'il  avoit  desdits  captifs,  que  pour  ce  qu'ils  en  avoient 
besoing  pour  pensser  leurs  blessés.  Ledit  consul,  qui  voyoit  aussy 
qu'il  n'avoit  aucunes  nouvelles  de  France,  facillita  audit  Marges 
ladite  licence  et  le  solicita  d'embrasser  l'occasion,  le  priant  de 
venir  en  Cour  donner  advis  à  Sa  Majesté  et  à  Son  Esminence  des 
travaux  qu'il  passe  et  en  la  pauvrette  et  misère  qu'il  est  réduit,  et 
les  supplier  très-humblemant,  comme  il  fait,  d'avoir  pitié  et  com- 
misération de  luy  et  considérer  avec  combien  de  zèle  il  s'est  porté 
au  service  de  Sa  Majesté  de  s'estre  ainsi  engaigé,  sans  espoir 
d'en  pouvoir  sortir  que  par  la  seuUe  assistance  de  Vostre  dite 
Majesté. 

Ayant  donc  ledit  Marges  treuvé  un  navire  marchand  anglois  qui 
estoit  à  la  ratlc  dudit  Salé,  le  sixiesme  jour  de  juillet  année  cou- 
rante', il  s'embarqua  sur  iceluy,   ayant  receu  les  lettres  qui  luy 


1.  Cf.  p.  533  et  note  2.  3.  V.  infra,  pp.  54o-542. 

2.  Gencuois.  pour  Génois.  4-   /Innée  courante,  c'est-à-dire  :  1687. 


RELATION     DE    JEAN    MARGES  53g 

furent  baillées  par  ledit  consul,  dressantes  à  Sadite  ^Majesté  et  à  Son 
Eminence,  qu'il  a  rendues. 

Le  lendemain,  septicsnie  dudit  mois,  après  que  ledit  Marges 
feust  embarqué,  se  sauvèrent  trente-cinq  captifs  françois  au  bord 
de  la  flotte  angloize'  avec  deux  chalouppes  qu'ils  emmenèrent  des 
Mores.  En  conséquence  dequov,  les  depputés  qui  estoient  com- 
mis au  gouvernemant  dudit  Salles  firent  remettre  tous  les  captifs  à 
la  chesne,  emprisonnèrent  et  chargèrent  de  fers  ledit  consul  et  luy 
prindrent  tout  ce  que  luy  restoit,  le  tenant  telement  à  l'estroit  qu'il 
n'eust  moien  d'escrire  audit  Marges. 

Il  est  à  sçavoir'  quil  cstoit  arrivé,  environ  six  mois  auparavant 
l'embarquement  dudit  Marges,  que  le  gouverneur  dudit  Sallés-le- 
Neufavoit  assiégé  le  Yieux-Sallés,  oîi  il  demeura  campé  environ  deux 
mois,  fist  un  pont  de  batleaux,  passe  son  canon  delà  la  rivière. 
Mais  son  siège  feust  sans  fruit,  car  un  morabite  nommé  Hamed 
Layache',  commendant  ledit  Vieux-Sallés,  qui  pour  lors  estoit  loin 
de  là,  aNant  ramassé  des  forces,  vint  faire  descamper  ledit  gouver- 
neur de  devant  ladite  ville  de  Sallé-le- Vieux  et,  l'ayant  fait  retirer, 
l'assiégea  dans  ledit  Sallé-le-iNeuf.  Ledit  Morabite,  ayant  heu  advis 
que  le  roy  de  ^larroq  venoit  au  secours  dudit  Sallé-le-JNcuf,  joignit 
ses  armes  avec  autre  morabile  noninié  Hamed  Benbouquer\  et 
opposent  au  passaige  dudit  roy  une  cabilde  d'Alarbes  qu'ils  renfor- 
cèrent de  leurs  trouppes,  brullent  tous  les  bleds  et  herbaiges  à  dix 


1.  La  flotte  de  l'amiral  \A  illiam  Rainsbo-  rnliborté  des  captif  anglais,  cf.  supra,  Intro- 
rough.V. /'■«Série,  Angleterre,  année  1687,  dnction  criticfue,  pp.  196-197  et /''' iénc, 
passirn.  Angleterre,  année  1687. 

2.  Ici  commence  la  relation  proprement  3.  Hamed  Layache,  Sidi  Mohamed  el- 
dite,  celle  des  événements  survenus  a>i  Avachi.  Sur  ce  personnage,  V.  s»p™,  Intro- 
Maroc  de  iG.S.T  à  1637.  C'est  pourquoi  on  dnction  critique,  pp.  187-198. 

a  cru  devoir  la  détaclier  de  ce  qui  précède,  !i.  Venoil  au  secours  dudit  Sallê-lc-NeuJ . 
sorte  de  préambule  où  l'auteur  raconte  son  Expression  impropre,  car  Salé  était  alors  en 
voyage  et  son  séjour  à  Salé.  Sur  tous  les  état  d'insubordination.  En  réalité  le  Chéri f 
événements  qui  suivent  :  guerre  entre  Salé-  voulait  empèclier  Salé-lc-]Veuf  de  tomber 
le-Neuf  et  Salé-le-Vieil,  expédition  d'une  au  pouvoir  de  El-.\yachi. 
flotte  anglaise  commandée  par  William  5.  Ilanied  Benbouquer,  Mohammed  ben 
Rainsborough  contre  Salé-le-Neuf,  luttes  Bou  lieker,  lechef  de  la  zaouia  du  Dila.  Sur 
intestines  entre  les  habitants  de  cette  der-  ce  personnage,  V.  infra,  Introduction  cri- 
nière ville,  incidents  divers  du  blocus,  mise  tique,  p.  57G  et  suivantes. 


54o  FIN  iGS" 

lieues  dudit  Salle  et  font  courir  bruit  qu'un  autre  ennemy  dudit 
roy  alloit  avec  une  autre  armée  à  Marroq  ;  ce  qui  fist  que  ledit 
roy  ne  peult  passer  plus  advant  que  Fadalle',  qui  n'est  quà  dix 
lieues  dudit  Salles. 

Pendant  ledit  siège  dudit  Sallé-le-Neuf,  arriAoient  à  la  rade  dudit 
Salé,  au  mois  de  mars  de  la  présente  année  S  une  esquadre  de 
navires  anglois  :  le  gênerai  desquels  traitta  avec  ledit  Layache  et 
fist  dessendre  quelques  canonniers  audit  Sallé-le-Vieux,  oîi 
y  a  quelques  pièces  de  canon,  avec  lesquels  tirent  contre 
les  navires  qui  estoient  mouillés  dans  la  rivière  du  costé  dudit 
Nouveau-Salles,  et,  de  nuit,  vouleurenl  entreprendre  de  bruUer 
lesdils  navires,  mais  leurs  travaux  lurent  sans  fruit,  car,  à  mesure 
que  une  canonade  donnoit  ausdits  navires,  elle  estoit  remédiée  en 
marée  basse,  car  les  navires  demeuroient  à  secq.  Et,  quand  au 
bruslemant  d'iceux,  ils  ne  les  seurent  jamais  accoster,  tellemanlque 
le  gênerai  de  ladite  flotte,  voyant  que  ce  qu'il  fezoit  estoit  ynutille, 
retira  ses  gens. 

Ce  siège  engendra  grande  divizion  entre  ledit  gouverneur' 
dudit  Nouveau-Sallé  et  le  peuple,  le  subjet  naissant  de  ce  qu'ils 
soubstenoient  ledit  siège  despuis  cincj  mois,  lesquels  par  ce  moien 
esloient  leduitz  à  grande  nécessité  de  vivres,  que  ledit  Morabite 
leur  coupoit  par  terre  et  les  Anglois  par  la  mer.  Geste  divizion 
fomenta  deux  partis  parmy  eux  :  l'un  tenoit  le  party  dudit  Mora- 
bite, et  l'autre  celuy  dudit  gouverneur.  Sur  ceste  divizion,  le  peu- 
ple se  mutina  et  assiégea  ledit  gouverneur  dans  sa  maison,  sans 
toutesfois  la  forcer,  et  esleurent  trois  chefs  pour  administrer  ledit 
gouvernement  :  1  un  nommé  Caya  Vacher  Ournachero,  beau-frere 
dudit  gouverneur  Abdala,  qui  avoit  autresfois  commendé,  et  les 
rays  El-llaach  Abbez  '  et  El-Herrado  ;  et  ledit  Abbez,  l'un  desdits 
chefs  qui  avoit  esté  esleu,  se  rendit  dépositaire  de  la  personne  du- 
dit gouverneur  jusques  à  ce  que  feust  deccidé  ce  que  feroient  de  luy 
et  à  qui  ils  determineroient  de  se  donner.  Ils  furent  durant  vingt 
jours  à  litiger  entr'eux  en  la  forme  suyvant. 

1.  Fadalle;  Fedala,  V.  p.  208,  note  3.  Rainsborough.  1687. 

2.  La  flotte  anglaise  jeta  l'ancre  dans  la  3.   /.et/if  jouuerncur :  Abdallah  ben  Ali  el- 
rade  de   Salé   le   34    mars/3    avril   1637.        Caceri. 

Cf.   /"  Série,  Angleterre,  Journal  de   \V.  (\.  El  Haacli  Abbez,  El  Hadj  Abbas. 


RELATION     DE    JEAX    MARGES  5^1 

Le  premier  party  estoit  celuy  du  Morabite,  soubsfenu  par  ceux 
qui  avoient  estes  chassés  du  chasloau,  appelles  Ournaclieros",  les- 
quels, ayant  esté  exillés,  estoient,  une  partie  au  camp  avec  ledit  mo- 
rabite, et  lautre  partie,  qui  n'avoit  point  esté  exillée,  estoit  encores 
dans  ladite  ville  de  Sallés-Ie-Neuf,  et  entre  autres  les  nommés  Aly  Ga- 
lan,  Muza  Saintyago  et  Soliman  ben  Daliar,  gendre  dudit  Galan, 
chefs  dudit  party,  qui  demandoicnt  que  ledit  gouverneur  Abdala 
feust  jette  à  la  mer  ou  qu'on  luy  couppat  la  teste.  Et  de  la  part  du- 
dit morabite  ofTroient  qu'il  les  laisseroil  en  leur  liberté  dans  leur 
ville  neufve  et  chasteau,  à  la  charge  qu'ils  restitueroicnt  tous  les 
doinmaigcs  que  avoient  receu  ceux  dudit  Sallé-le- Vieux,  et  que 
dorcsnavant  il  leur"  seroit  baillé  la  moitié  des  dismes  qu'ils  receb- 
voient  de  la  douane,  et  des  bénéfices  des  prinses  que  faisoient  leurs 
navires,  et  que  les  Ournacheros,  qui  estoient  tirés  du  chasteau,  se- 
roient  rcstablis  dans  le  gouverncmant  du  chasteau  et  en  leurs  biens  ; 
moyenant  quoy  ledit  .Morabite  offroit  de  lever  le  siège  et  de  faire 
que  ceux  du  Vieux-Sallés  vuivroient  à  l'advenir  en  paix  avec  eulx. 

Les  deux  premiers  articles,  de  desdomager  et  fere  participer  aux 
prinses  et  dismes,  furent  accordés.  Mais  celui  du  restablissement 
desdils  Ournaclieros  audit  chasteau  feust  entièrement  desnié  et 
ainsy  lesdites  offres  ne  furent  point  reccues. 

Le  second  party  estoit  celuy  du  roy  de  Marroq,  de  la  part  duquel 
estoit  représenté  :  que  la  ville  estoit  au  roy  et  qu'ils  estoient  esta- 
blis  il  la  garde  de  ladite  place  pour  luy,  leur  ayans  donné  les  droits 
de  la  douane  pour  leur  paie  et  solde,  et  que  n'estoit  pas  juste  de  se 
laisser  persuader  de  se  rendre  audit  Morabite,  leur  ennemy  capital, 
qui  se  vengeroit  d'eulx,  et  aussi  les  Ournacheros  et  ceux  du  Vieux- 
Sallés;  qu'ils  avoient  heu  tant  de  travaux  à  la  conservation  de  ladite 
place,  que,  faisant  telle  laschetté  envers  le  Roy  leur  meslre,  ils 
seroient  blasmables  touttes  leurs  vyes,  et  qu'enfin  il  valoit  mieux 


I.  Sur  Ips  Ilorriacheros  et  les  divers  élé-  Kasba  i-n  ri'rouraiit  à  la  ruse,  car  ils  no  pou- 

mcnts  qui  composaient  alors  la  population  valent  y  parvenir  par  la  force;  les  Ilorna- 

de  la  kasba  et  de  Salé-le-Neuf,  V.  ci-dessus,  clieros  ont  été  bannis  et  les  principaux  d'en- 

Introduction  critique,  pp.  187-198,  pussim.  trc  eux  ont  passé  ii  Alger  età  ïunisM.V.  /"■' 

Giles   Penn  écrivait  dans  un   mémoire  en  Série,  Angleterre,  décembre  i636. 
décembre    i63(i  :    «Il   y   a  trois   mois  les  2.   Leur.  Entendez:   à  ceux  de  Salé-le- 

Andalous  ont  cbassé  les  llornacberos  de  la  Vieux. 


5^2  FIN    i63- 

mourir  que  se  rendre;  et  quil  n'estoit  possible  que  leur  roy  ne  les 
secourut,  comme  il  estoit  en  vove  de  faire,  estant  en  cliemin  et  à 
dix  lieues  près  d'eulx.  et  qu'ils  esperoient  qu'il  vaincroit  les  Alar- 
bes  qui  s'estoient  opposés  à  son  passaige,  ou,  en  tout  cas,  s'il  ne 
pouvoit  venir,  leur  envoyeroit  des  vivres  par  la  mer;  et  que,  de 
remettre  ledit  gouverneur  en  son  administration,  il  se  rendroit  un 
tiran.  ayant  exillé  plusieurs  leurs  concitoyens  pour  avoir  leurs 
biens,  et,  bien  qu'il  dit  reslever  duditroy  de  Marroq.  il  n'avoit  cest 
objet  qu'au  bout  de  la  langue,  son  ambition  le  pourtant  à  se  rendre 
absoleu  sur  culx,  et.  quand  il  auroit  amassé  quantitté  de  gens  de  sa 
faction,  se  rendroit  roy  dudit  pays  ;  et  partant  concluoient  qu'il 
faloit  l'envoyer  audit  roy  de  Marroq,  qui  en  disposeroità  sa  volonté. 

Le  troisiesme  party  estoit  celuy  dudit  gouverneur  Abdala,  lequel 
representoit  qu'il  leur  avoit  esté  fort  utille  en  son  administration  ; 
que,  despuis  qu'il  l'avoit  prise,  il  avoit  augmenté  leur  ville  de  trois 
quarts,  et  que  ce  qu'il  avoit  administré  n'estoit  que  pour  le  service 
de  leur  roy,  et  partant  devoit  estre  restably.  puisque  le  Roy  le 
commendoit. 

Ces  trois  propositions  demeurèrent  vingt  jours  à  se  resouldre, 
balançant  tantost  d'un  costé.  tantost  d'autre  ;  et  finallcment  la  se- 
conde, qui  estoit  celé  du  party  du  roy  deMarrocq,  l'emporta  sur  les 
autres,  et  feust  conclud  qu  ils  luy  envoyeroient  ledit  gouverneur 
dans  une  chalouppe. 

En  exécution  de  quoy,  celuy  qui  avoit  prins  en  charge  ledit 
gouverneur  le  sortit  de  nuit  de  sa  maison',  accompalgnédequelques- 
ungs  de  ses  amis,  qui  le  suy voient  de  luin,  de  peur  de  l'esmotion 
populaire,  et  ainsy  feust  embarqué  sur  une  chaloupe  et  mené  à 
Asamour.  où  arrivé,  le  gouverneur  du  lieu  luy  fist  mettre  les  fers 
auxpiedzet  l'envoya  lié  et  attaché  au  rov  de  Marroq,  qui  estoit 
campé  avec  son  armée  entre  Azamour  et  Salle,  en  la  prouvince  de 
Tamesna,  lequel  luy  ayant  fait  hoster  les  chesnes,  luy  donna 
audience  et,  l'ayant  ouy,  le  restitua  audit  gouvernement  et  ordonna 
qu'il  seroit  renvoyé  audit  Salle  avec  un  navire  chargé  de  bled  pour 
appaiser  ce  peuple  mutiné. 


I.   L'événement  que   rapporte   Ici  Jean        Cf.    /'''  Série.    Angleterre,  Journal  de  W. 
Marges  eut  lieu  le  22  juin,'3  juillet  iGS^.         Rainsboroufjli .  1687. 


RELATION     DE    JEAN     MARGES 


5/53 


Il  Y  avoit,  résident  près  ledit  roy  de  Marroq  pour  lors,  un  agent 
du  rov  d'Angleterre  nommé  Blecq'  —  qui  a  prins  aveq  des  marchans 
anglois  residens  audit  pays  touttes  les  fermes  dudil  roy  de  Marroq", 
alTiii  (pie  les  mareluuis  Iraf'ficquans  audit  pays  ne  puissent  negossier 
que  par  leurs  mains,  et  en  ont  tiré  hors  les  Payaches^  et  autres  Juifs 
qu'ils  ont  fait  disgrassier — lequel  Blecq  prive  par  ce  moien  près  dudit 
roy,  lequel  avoit  desja,  avant  l'arrivée  dudil  gouverneur  de  Salle, 
traitlé  avec  ledit  roy  pour  les  captifs  anglois  qui  esloient  audit  Salles. 

Ledit  roy  de  Marroeq  commanda  donc  audit  Bleq  d'aller  à 
Saffis  fera  charger  un  navire  de  bled  et  s'embarquast  avec  ledit 
gouverneur  et  allast  audit  Salles  pour  recebvoir  lesdils  captifs  an- 
glois et  ayder  à  pacilTier  ledit  trouble". 

Ledit  Blecq  avoit  pour  lors  à  la  rade  dudil  Saffis  un  navire  qui 


I.  Blecq.  Robert  Blake.  Ce  personnage, 
à  la  fois  commerçant  et  diplomate,  a  joué, 
de  i636  à  i64o,  un  rôle  très  important 
au  Maroc.  \enu  en  ce  pays,  au  début  de 
l'année  i030,  comme  représentant  de 
plusieurs  marcbands  de  Londres,  il  con- 
quiert vite  la  faveur  de  Moulav  Mohamed 
ech-Chcikh  el-Aseghir,  qai  lui  concède  à 
ferme  les  douanes  du  port  de  Safî.  Après 
avoir  ramené  à  Salé  le  gouverneur  de 
celte  place  (V.  la  suite  du  récit  de  Jean 
Marges),  il  accompagne  en  Angleterre,  sur 
le  navire  de  W.  Rainsborougb,  l'ambassa- 
deur envoyé  par  le  Chcrif  (octobre  1687). 
Deretour  ii  Merrakech  avec  cet  ambassadeur 
(juillet  i638)  il  échange  avec  le  Cliérif  les 
ratifications  du  traité  anglo-marocain  qui 
vient  d'être  conclu  à  Londres.  Il  négocie 
également  un  contrat  au  nom  d'une  nouvelle 
compagnie  de  marchands  du  Maroc,  dont  il 
a  activement  pressé  la  fondation  pendant  son 
séjour  en  Angleterre.  Sa  présence  au  Maroc 
inquiète  les  Espagnols  qui  le  soupçonnent 
de  vouloir  faire  livrer  au  roi  d'Angleterre 
la  kasba  de  Sale  par  la  garnison  (V.  swpra, 
p.  197).  .Vu  mois  d'octobre  i638,  il  suit 
'armée  du  Chérif  dans  sa  marche  contre 
les  troupes  de  la  zaouïa  de  IJila  et  dans  sa 
fuite  précipitée  (V.  infra.  Doc.  CI,  Lettre  de 


GaspanWf?  fîns/i'n,  p.  58()).  En  janvier  itjjg  il 
rentre  en  Angleterre  avec  les  fonctions  do 
représentant  du  Chérif  auprès  de  Charles 
!'='■.  Il  songe  un  instant  à  passer  un  marché 
avec  l'Espagne  pour  l'approvisionnement 
des  f routeras  du  Maroc.  Puis,  après  un  nou- 
veau séjour  en  ce  pays,  on  le  trouve  à  Madrid 
(novembre  i64o),  oij  il  s'efforce  d'inté- 
resser le  roi  d'Espagne  à  un  nouveau  pro- 
jet :  l'étpiipement  d'une  flotte  de  dix  navires 
pour  la  destruction  des  pirates.  .\  partir  de 
ce  moment  (i6;io-i64i)  il  semble  disparaî- 
tre de  l'histoire  du  Maroc.  V.  /"  Série, 
Angleterre,  années  i636-i64i,  passim. 

2.  Le  marchand  anglais  W.  Cloberry 
et  SOS  associés  annoncent  dans  une  requête 
en  date  du  3i  janvier  1G37  que  leur 
agent  Robert  Ulakc  a  affermé  les  droits  de 
douane  des  ports  de  Safi  et  d'Aïer.  Ils  espè- 
rent attirer  en  .Vnglelerre  tout  le  com- 
merce antérieurement  fait  au  Maroc  par 
les  Hollandais  et  les  Français.  Cf.  /"  Série, 
Angleterre. 

3.  Les  Payaches,  les  Pallache. 

4.  Il  y  a  un  changement  de  construction 
dans  la  phrase.  Il  faut  rétablir  :  le  roi  de 
Maroc  commanda  à  Blake  d'aller  à  Safi..., 
de  s'embarquer  avec  ledit  gouverneur  et 
d'aller  audit  Salé... 


5A4  FIN  1^37 

servit  taiil  à  pourter  ledit  bled  que  à  faire  ledit  trajet,  et  ainsy  s'en 
allèrent  audit  Salles,  et,  ayant  mouillé  l'ancre  à  la  rade,  treuverent 
là  Icsquadre  angloise;  et  le  gênerai  d  icelle  fist  desscndre  ledit  Blecq 
en  terre  et  garda  ledit  gouverneur  à  son  bord.  Et  ledit  Blecq  ayant 
rendu  les  lettres  quil  portoit  diidlt  roy  de  Marroq  à  ceux  qui  ad- 
ministroient  ledit  gouvernemant,  ils  receurent  derechef  ledit  gou- 
verneur' avec(|  tonttc  sorte  daplaudisscmant  ctvindrent  au  devant 
de  luy,  les  enseignes  desployées,  tambours  Ijattans.  Et  ainsy  il  de- 
meura derechef  en  possession  dudit  gouvernement,  à  la  charge  qu'il 
ne  possederoit  point  le  chasteau,  ains  le  nomrné  Caya  Vacher,  desja 
esleu  par  le  peuple,  beau-frere  dudit  gouverneur  Al)dala,  qui.  eslans 
de  bonne  inlelligence,  despartirent  au  peuple  ledit  bled.  Et,  aiissy 
tost  que  ledit  gouverneur  feust  restably,  fist  trancher  la  teste  à  Aly 
Galan,  à  Soliman  ben  Dahar,  son  gendre,  et  à  quelques  autres  au- 
thcurs  de  ladite  sédition.  Plusieurs  autres  de  ladite  cabale  s'enfui- 
rent et  autres  fui-ent  exillés,  et  ainsy  il  demeura  paisible.  Et  les 
captifs  anglois,  en  nombre  d'environ  deux  cens  trente,  furent  bail- 
les audit  agent,  qui  les  iist  emijarquer  dans  l'esquadre  desdils  na- 
vires anglois,  qui  avec  cela  s'en  passa  derechef  en  Angleterre. 

Pendant  ledit  temps ^,  ledit  Marges  partit  de  ladite  rade  sur  ledit 
navire  anglois^  qui  alla  parachever  sa  traitte,  comme  est  coustume 
aux  marchans,  à  Cap-de-Guer,  et  ala  mouiller  l'ancre  à  la  rade  de 
Sainte-Croix. 

La  forteresse  de  Sainte-Croix'  avoit  esté  prinse  par  un  autre  mo- 
rabite  nommé  Sidy  Aly  sur  le  roy  de  Marroq,  quelque  temps  au- 
paravant. Ledit  Aly  est  maintenant  dominateur  de  toutfe  la  Numi- 
die,  auquel  ledit  Marges,  par  l'entremise  d'un  capitaine  more  qui 

1.  L'arrivéedugouverneur  Abdallah  bon  (p  538)  qu'il  s'était  embarqué  le  6  juillet. 
Ali  el-Caccri  dans  la  rade  de  Salé  et  sa  ren-  4.  On  sait  que  ce  nom  de  Sainte-Croix 
tréedanslavilleeurontlieulcsaSet  2g  juillet  était  alors  donné  par  les  Européens  à  une 
(7et8aoûtn.st.)i637.  Cf.  /'■"Série.  Angle-  ville  haute  (kasba)  et  à  une  ville  basse  située 
terre,  Journal  de  W.  Rainsborough  1687.  sur  la  côte  (Founti).  I^a  kasba  était  restée 

2.  Ici  cesse  la  relation  des  événements  longtemps  ."iousTaulorité  du  Cbérif,  impuis- 
de  Salé.  Marges  passe  au  récit  des  péri-  saut  à  empêcher  le  commerce  que  faisaient 
pélies  de  son  retour.  les  Chrétiens  avec  la  ville  basse,  sujette  au 

3.  Ledit  navire  anglais,  c'est-à-dire  le  marabout.  On  voit  que  c'est  en  1687  que 
navire  sur  lequel  Jean  Marges  aditplusiiaut  cette  kasba  à  son  tour  fut  prise  par  Sidi  Ali. 


UEI.  \T10N     DE    .IKW     MMtCKS 


5/15 


est  agent  dudit  Sidy  Aly,  nommé  capitaine  Oualy,  t'eusl  inlrodinl 
andit  morabite  audit  chastoau  de  Sainte-Croix.  Lequel,  l'ayant 
courtoisement  receu,  luy  fist  dire  par  ledit  introducteur,  qui  parle 
un  peu  la  langue  IVançoise,  i|u'il  désire  fort  l'amitié  du  roy  de 
Fi'ance,  lequel  il  estime  beaucoup,  el  que  anlresfois  les  sujets  de 
Sadite  Majesté  avoient  fait  de  grands  traillé.s  pour  le  négoce  en  ses 
terres',  diujuel  il  avoit  receu  plusde  prolfitsel  de  contentemant  que 
de  toultes  autres  nations,  el  cpi  il  luy  jirioit  faire  entendre  à  Sadite 
Majesté  que  ses  subjets  pouvoient  avec  toutle  asseurance  venir 
traitleren  ses  terres,  où  il  leur  promeltoit  mesme  protection,  comme 
s'ils  eslolent  au  l'oyaume  de  F'rance  ;  et,  pour  plus  d'asseurance  de 
s;i  parolle,  (ist  donner  un  passeport  audit  .Marges. 

Il  est  à  notter  que  (sy)'  ledit  Sidy  Aly  est  en  estât  de  faire  une 
puissante  armée  de  terre  pour  allrr  prendre  Marrocj  et  croit-on 
pour  certain  que,  s'il  y  va,  sans  faute  il  s'en  rendra  mestre  et  par 
conséquent  de  toute  la  Mauritanie,  pour  esire  ledit  Aly  en  réputa- 
tion audit  pais  destre  fort  intègre  en  sa  justice  ;  et  a  tellement 
rengé  ledit  pays  en  paix  ([uc  le  négoce  est  aussy  facille  et  avec  au- 
tant de  seuretté  qu'en  France,  estant,  outre  ce,  grandement  riche  el 
ayant  très-grand  négoce  en  Guinée,  au  royaume  deGagor ',  duquel 
il  est  maintenant  posscssein-,  le  roy  de  Marroq  n'y  ayant  plus  rien. 
Kl  outre  ce.  ledit  Sidy  Aly  luy  a  prins  les  prouvinces  de  Dara,  Taf- 
fdel  et  Tegaze',  passaiges  desdils  Marro(|  el  Fe/  pour  la  Guinée. 

Ledit  navire  avant  parachevé  ladite  trailte  audit  Sainte-Croix,  le 
quinziesme  jour  d  aoust  partit,  faisant  sa  routtc  du  costé  de 
Madère. 

Le  vingt-sixiesme  dudit  mois,  ayant  mouillé  l'anere  au  devant 
de   Foiichal.  ville   (aiiilalle   de   ladite   ille   de   Madère,    le  marcluuil 


1.  Ce«  «  grands  traités  pour  le  négoce  «  3.    Gayor.  I\;>glio,  siirlo  Niger,  au  non! 
auxquels  fait  allusion  le  marabout  Siili  Ali  de  Say. 

se  réduisent  vraisemblablement  aux   rel:i-  /|.    Tc(jaze.  Tigbazi,  Tegbazza,  Toghazzet 

lions    commerciales     ([ue    les    marchands  el-Gliozlàn,   grande  mine   de    sel    gemme 

français  avaient  avec  cette  région,  relations  située  à  deux  jours  de  marclie  au  nord  de 

((u'on  trouve  déjà  établies  en  T.J70.  \.  /''  Taodcni.   Sur  ce  nom,  V.  Bulletin  du  Co- 

Scric,  France,  t.  I,  Doc.  LX\I,  p.  3o3.  mile  de  iAJ'rii/uc  Française,  juillet  1897; 

2.  On  a  placé  entre  parenthèses  ce  mot  Ei.-Oufkàm,   p.   ID'Ô;    Es-S\di,  p.  i63  et 
(juc  le  copiste  adù  ajouter  par  inadvertance.  Index. 

De  Castkiks.  111.  —  ,^5 


b^6  FIN   1(187 

anglois  dudil  navire  dcssendit  à  terre.  Ledit  Marges  demeura  à 
bord  d'ieelluy,  et,  deux  jours  après,  le  gouverneur  envoya  fere  la 
vizile  audit  navire,  comme  est  coustume,  et  firent  jurer  le  mestre 
dudit  iiaviiT  pour  sçavoir  s  il  y  avoit  aucun  François'  dans  son  l)ord 
et  des  marchandises".  Lequel  mestre  déclara  tjii  il  y  en  avoil  un  (|ii  d 
ramenoit  de  Barbarie  où  il  avoit  esté  captif,  parlant  dudit  Marges, 
lequel,  pour  n'estre  descouvert,  avoil  pris  lliabit  d  un  matelot,  et, 
quand  aux  marchandises,  qu  il  n'avoit  que  trois  cens  de  plumes 
d'austruche  fines  à  luy  aparfenans.  Alors  lesdits  viziteurs  dirent 
qu'il  falloit  que  vint  avec  eulx  à  terre  et  que,  puisqu'il  avoit  esté 
esclave  en  Barbarie,  il  le  pouvoit  bien  estre  autre  fois  à  Madère,  di- 
sant qu'il  estoit  venu  espier  le  pays.  Lesquelles  plumes  ils  luy 
prindrent.  et  ainsy  il  feust  mené  à  terre  et  mis  en  prison,  et  cepen- 
dant ledit  navire  s'en  ala.  dans  le([uel  restèrent  les  lettres  que  le 
consul  de  Salle  luy  avoit  baillées  pour  Sa  Majesté  et  Son  Esmi- 
nence.  Et  pendant  le  temps  de  sa  prison,  il  feust  Aizité  parcpielques 
marchans,  qui  luy  dirent  qu'ils  feroient  ce  que  pourioient  pour  luy 
soubz  main,  et  qu'il  se  feignit  pauvre  et  nécessiteux,  que.  sy  on  des- 
couvroit  qu'il  feust  homme  de  comodités,  on  le  detiendroit  pour  en 
avoir  rençon,  autremant  (juon  le  laisseroit  aller.  Or.  a\aiit  crouppy 
dans  ceste  mizere  deux  mois  ou  environ,  le  quinziesme  jour  d  oc- 
tobre feust  reslaché,  voyant  que  personne  non  lenoit  compte. 

Et  le  mesmc  jour  il  s'embarqua  sur  un  autre  navire  anglois.  luy 
ayant  esté  détenues  lesdites  jilumes  de  valeur  de  plus  de  trois  cens 
escus,  et  passa  à  Londres,  où  il  Iruva  navire,  retu'a  du  précédant 
navire  les  lettres  de  Sadite  Majesté  '.  cpi'il  avoit  donnés  en  garde  à 
un  canonnier  dudit  navire. 

Ledit  Marges  dit  que,  en  attendant  son  passaige  audit  Londres 
|)our  France,  il  vist  recebvoir  un  ambassadeur*  que  le  roy  de  Mar- 

1.  La  guerre  existait  entre  la  l'rance  et  Abdallali.  Portugais  d'origine,  il  fut  enlevé 
l'Espagne  depuis  i635.  à  l'âge  de  huit  ans  et  vendu  comme  esclave 

2.  Des  marchandises.  Entendez:  des  mar-  au  Maroc.  Il  devint  l'un  des  favoris  et  con- 
cliandises  françaises.  seillers  les  plus   écoutés  du  Chérif.  11  vint 

3.  11  s'agit  des  lettres  adressées  à  Louis  en  Angleterre  comme  ambassadeur,  à  bord 
XIII  par  le  vice-consul  de  Salé,  dont  il  a  du  navire  commandé  par  ^\  .  Rainsborough 
été  dit  plus  haut  qu'elles  restèrent  dans  le  cl  en  compagnie  de  Robert  lilakc.  Il  fut  reçu 
navire  anglais.  en  audience  solennelle  par  le  Roi  le  1 5  novem- 

4.  bn  ambassadeur:  le  caid  Djoudor  ben  bre  1637.  Il  repartit,  ainsi  que  Robert  Blake, 


liEI.ATION     IIE    JKAN    MARGES  5^7 

r(i([  (inoNuil  au  roy  il  Aiigictcnc,  cl  csloil  lorsijue  luy  leust  dduuc 
audience.  Ledit  ambassadeur,  ayaiil  salué  le  roy  d'Angleterre,  luy  dit 
qu'il  le  prioit  de  la  part  de  sou  incslrc  de  luy  envoyer  six  navires 
pour  avec(|  iccux  aller  ri>prendre  le  cliasteau  de  Sainte-Croix  à  Sidv 
Aly.  et  le  suplioit  de  dellendre  à  ses  subjelz  daller  traitler  aucun 
négoce  avec  ledit  Aly',  afliu  (juils  ny  poilcnl.  ((nniiie  ils  ont 
acoustumé,  de  mutntions  de  guci're.  A  (piov  leust  respondu  par 
ledit  rioy  qu'il  y  advizeroit  et  luy  donneroil  responcc. 

De  plusdit  qu'il  a  apprins  de  la  bouche  du  viz-admiral"  de  ladite 
esquadre  angloise  et  de  quelques  gens  de  la  suilte  diiilil  ambassa- 
deur, que  le  roy  de  Marroq  avoil  commendé  audit  gouverneur  de 
Salle  d'armer  eu  guerre  contre  les  Fi'ançois,  et  qu'ils  avoient  desja 
six  navires  prests  à  mettre  en  mer,  loi's  de  leur  despart. 

Dit  aussy  ledit  Marges  estre  très-verilablc  (pic  les  Auglois  Ji'oul 
pi'ins  aidcun  navire  de  Alores  pendant  que  leur  llotlc  a  demeure  en 
rade,  ny  biiislc  aucun  dans  leur  port,  d'aulanl  ([ue  les  navires  es- 
toicnl  trop  pesents  pour  garder  (pie  les  navires  n'entrassent  et  sor- 
tissent, quand  bon  leur  sembloil.  dans  la  rivière;  tous  leurs  pro- 
grès ayant  esté  d'avoir  fait  eschouer  un  navin;  de  vingt-deux  pièces 
de  canon  dudit  Salles  à  Fadalle.  lec[uel  cscbou('  leur  fist  leste,  avant 
mis  quatre  pièces  de  canon  sur  la  penissulc  dudit  Fadalle ',  d'oîi  ils 
gardèrent  l'abord  des  Anglois.  Ledit  navire,  s'esehouant,  s'ouvrit  et 
perdit,  mais  lesdits  Anglois  ne  s'en  prevalcuicnl  point,  mesmes  le 
canon  demeura  nié  et  y  est  encores.  Et  ainsy,  après  avoir  demeuré 
plus  de  six  mois  à  la  cosle  et  fait  de  grandz  fraix  pour  rentrelien 
de  deux  remberges  de   tranle-huil  pièces  de   fonte  verte  chacune, 


le  3i  mai  1 038,  avec  la  flotte  de  Cartercl. 
Charles  I'^''  autorisait  le  Cliéril"  à  requérir 
l'assistance  de  celte  flotte  contre  ses  sujets 
rebelles.  Cf.  i'''  Série.  Angleterre,  le  récit 
de  la  réception  de  l'ambassadeur  marocain 
à  Londres,  ifi,')^;  \t!  Journal dr  Hobcrl lilnlcc, 
3i  juillet  i638-5  janvier  i63y. 

I.  Le  commerce  des  .Vnglais  avec  les 
habitants  du  Sous  provoquait  le  mécon- 
tentement des  Chérifs.  Robert  Blake,  en 
itj38,  encourut  pour  un  temps  la  dis- 
grâce de  Moulav  Miili;nnrned  (rch-Cbeikh  fl- 


/l.sTf^/i/r.  à  ipii  l'on  avait  signalé  la  présence 
dans  les  eaux  d'Agadir  d'un  navire  mar- 
chand anglais.  Cf.  /'''  Série,  .\nglelerre. 
Journal  de  li.  lilake.  1C39.  V.  également, 
ci-dessus,  p.  .'ii/i,  l'article  V  du  traité  du 
2I1  septembre  i63i,  interdisant  aux  Fran(;ais 
tout  commerce  avec  Sidi  ,\li. 

À.  Du  viz-admiral  :  le  capitaine  George 
Carteret,  vice-amiral  de  la  Hotte  comman- 
dée par  W.  Rainsborough. 

3.  Sur  la  péninsule  de  [""cdala,  V.  i'''Sé- 
rif.  Pavs-Pas,  t.  Il,  p.  28a,  note  3. 


548  FIN  1687 

et  do  dL'ii.v  iiaviics  iiiarcliaiis  de  liriile  pièces  de  l'er  chacun,  et 
de  deux  pinasses  de  quatorze  pièces,  ipii  Icui-  apdilc  une  despense 
fort  grande,  ils  s'en  sont  retournés  avec  Icursdits  caplils'.  Toutes- 
lois,  on  tient  (jue  c'est  une  compagnie  formée  pour  ce  pais-là  qiu  a 
paie  ladite  despense ^. 


Ce  que  semble  audit  Marges  se  pouvoir  laiic  pour 
retirei'  ledil  consul  cl  les  caplds. 

Qu'il  plaise  à  Sa  .Majesté  d  cnvoirr  cpialre  navires  cl  deux  pa- 
laches  légers  armés  en  gueire  au  devant  tludit  Salles  somiuer  le 
gomerneur  dudil  lieu  de  rendre  les  caplifs  et,  au  cas  ne  les  veuille 
point  rendre  de  gré,  se  joindre  à  ilamcl  Layache,  morabite  rezi- 
danl  audit  Sallés-le-Vieux,  qui  les  tient  cucores  assiégés  el  (pii  a  juré 
sur  sa  loy  (ju'il  ne  quitera  point  ledit  siège  qu'il  n'axe  prins  ledit 
Sallé-le-Neuf  et  le  chasteau.  Et,  pour  parvenir  à  la  prise  dudit  Salles, 
se  faire  bailler  des  hostaiges,  moyenant  quoy  sera  mis  des  gens  à 
terre  intelligens.  tant  poui'bruUer  lesdits  navires  dans  la  rivière  que 
pour  prendre  ladite  ville  et  chasteau  de  Sallésde-iNeuf,  qui  sont  de 
fort  facille  accès,  ce  que  les  Anglois  nont  hosé  entreprendre,  pour  ne 
desplaire  au  roy  de  Marroq,  près  duquel  ils  avoieut  un  agent  qui  est 
marchant^  et  autres  marchans  residens  audit  païs  et  qui  ont  touttes 
les  fermes  dudit  roy  de  Marroq,  qui  en  auroit  pourté  la  folle  en- 
chère. Et  aussy  ledit  gouverneur  estant  pressé,  infaliblemant  il  ren- 
droit  lesdits  captifs.  Et,  sy  Sa  Majesté  vouloit  avoir  recours  au  roy 
de  Marrocq,  il  y  a  deux  reniés  françois  affectionnes  au  service  du 

1.  Ces  rcfleïions  de  J.  Marges  sur  le  peu  pany.  s'était  formcc  en  .Angleterre  an 
de  dommages  inQigé  aux  pirates  par  la  flotte  commencement  de  i038  et  avait  ctioisi  pour 
anglaise  sont  confirmées,  dans  l'ensemble,  agent  principal  Robert  Blake  dont  elle 
tout  en  paraissant  e.vagérées,  par  les  lettres  escomptait  l'innucnco  auprès  du  Chérif. 
de  W.  Rainsborough  et  de  G.  Carteret  qui  V.  ;'<■  Série.  .Angleterre,  année  i638, 
attribuent,  eux  au.ssi,  leur  impuissance,  au  piissim.  11  ne  parait  pas  que  cette  com- 
manque  de  navires  légers.  Cf.  /'''  Série,  pagnie  ait  existé  en  lù'S-j  ni  que  par  consé- 
Angleterre,  avril-aovit  lOS'y.  quent  elle  ait  pu  prendre  part  aux  dépenses 

2.  Une  nouvelle  compagnie  pour  le  com-  de  l'expédition  de  Uainsborougb. 

inercc  du  Maroc,  Tlie  i\'ci.ve  liarbnry  Coin-  3.  Lnai/en/i/ui  cf/macc/ion/.  RobertBlake. 


UELATION      DR     .lEW     M\K';K,S  Ô  Ic) 

l!(iv  Tirs-l  lliri'sliiMi.  I  1111  iininmé  Moral  Fiaiii^-ois  ' ,  natif  de  Marceillc, 
i|iil  c^t  maiiilt'iiaiil  j^raiid  l)asclia  et  gênerai  de  son  année,  cl  l'aulre 
iioniiiu'-ralcaïdc  lloltnaii.  nalifdAgdo  en  Languedoc,  gouverneur  de 
Sallls.  les(|uelz  peusenl  l)eaiic()ii|)  près  dudit  lov,  despuis  qu'il  est  en 
règne,  qui  |)ourroienl  beaucoup  aidera  1  aeoiiiodeniant  dudil  affaire. 

Iceluy  Marges  supplie  Irès-liumbletnent  Sadite  Majesté  et  Son 
Esminence  qu'en  eonsideraiion  des  sei'vices  ipiil  a  iciiilus  aux 
pauvres  captifs  siii)jets  de  Sadite  Majesié,  à  cause  tics  maladies  et 
blesseres  doiil  ils  ont  estes  atteints  pendant  son  séjour  audit  lieu  de 
Salle,  oi'i  il  a  employé,  tant  en  leur  nourriture  que  medicamans, 
outre  ses  soiugs,  presque  loul  son  bien,  d'autant  (pie.  lors  qu'ils 
estoient  malades,  les  patrons  desdits  cajitifs  se  desebar-geoieiit  sur 
luy  de  leur  nourriture,  disans  que,  encorcs  qu'ils  mourussent,  ne 
s'en  soucyoient  pas,  parcequ'ils  avoient  bonne  caution,  etparainsin 
ne  perdroiciil  rien,  ce  cpie  luv  relouriie  à  un  Irès-graiid  domaige 
etinterest;  el  non  seuleniant  cela,  mais  aussy  les  autres  pertes  qu'il 
a  reeeu,  venant  lru\ei'  Sadite  Majesté,  les  prisons  qu'il  a  souffert 
et  perte  qu  il  a  l'ait  à  ladite  ille  de  Madère,  et  la  despence  qu'il  laira 
à  se  conduire  à  Marceillc  et  qu  il  l'ail  encores.  attendant  la  responce 
fpi'il  plairra  à  Sadite  Majesté  de  faire  audit  consul',  laquelle  il  a  pro- 
mis luy  faire  l(>nir  par  la  correspondance  C|ue  ledit  Marges  a  en 
Angleterre,  il  plaise^  à  Sadite  .Majesté  luy  octroyer  lellrcs  de  mes- 
trise  pour  pou\oir  [iraticquer  sa  vaccation  de  cliirurgien  dans  ladite 
ville  de  Marceillc.  lieu  de  sa  naissance,  sans  estre  subjet  à  passer 
])ar  les  formes  ordinaires  (jui  se  f)bservent  en  ladite  ville,  qui  se  font 
avec  de  grand/,  fraix,  lesquels  il  ik-  pourroit  supporter  pour  avoir  tout 
consommé  audit  voyage.  Et  il  priera  Dieu  pour  la  prospérité  et  heu- 
reux progrès  des  armes  de  Sadite  Majesié.  continuation  de  la  bonne 
conduite  de  Son  Esminence. 

Très-liumble  et  obligé  subjel. 

Signé  :  Marges. 

Archives  des  .[(/aires  Elran'jh'es.  — Maroc.  —  Mémoires  et  Documents. 
Vol.  •:,//.  6.'j-lj:t.  —  Orir/inal. 

I.   Sur    eu    jK-r-^umingc.    cf.     ci-dessus,  3.   Kntendrz  :  Iccluv  Marges  supplie  trt's 

p.  ^5ï,    note    !.  liumhlement   Sadite  Majesté  et   Son  Esmi- 

'(.     \ii  flil  ron.'iiif  :  Gaspard  de  lîat<liti.  vice-  nence  rpi'en   consi<!(Talion  des  services 

consul  h  Salé,  tioiumé  par  André  l'rat.  il  plaise  à  Sadite  Majesté 


55o  !i  MAI  i638 


xcv 


LETTRE  DE  LOUIS  XIII  A  BELLIÈVRE' 

Le  Cher  if  ferait  demander  à  Charles  I"  des  vaisseaux  pour  courir  sus  aux 
navires  français  et  hollandais  qui  font  du  trafic  au  Maroc.  —  Bellièvre 
fera  à  ce  sujet  des  représentations  au  roi  d'Anf/leterre. 


Compiègne,  4  mai  i638. 

Suscriptiun  :  A  Monsieur  de  Bellievie,  conseiller  en  mon  conseil 
d'Estat  el  mon  ambassadeur  en  Angleterre. 

Monsieur  de  Bellièvre, 

Aucuns  de  mes  sujecls,  ncgotianls  vers  la  cosle  de  Barbarie,  m  ont 
fait  entendre  qu'ils  ont  eu  avis  que  le  roy  de  Maroc  a  envoyé  vers 
mon  frère  le  roy  de  la  Grande  Bretaigne'  pour  luy  demander  des 
vaisseaux  armés  et  fournis  dbommes  qui,  soubs  lestendart  dud. 
roy  de  Maroc,  facent  la  guerre  aux  vaisseaux  françois  et  boUandois 
qui  trafïîquent  en  lad.  coste.  Sur  quoy  vous  ferés  entendre  à  mond. 
frère  le  roy  de  la  Grande  Bretaigne  que  je  ne  croy  pas  qu  il  voulust 
se  laisser  porter  à  faire  cliose  contraire  à  la  bonne  amitié  et  intelli- 
gence qui  est  entre  les  deux  couronnes,  comme  scroitune  telle  hos- 
tilité contre  mes  sujects,  Ijien  (|ue  soubs  le  nom  dud.  rov  de  Maroc, 
les    mauvais  desseins   duquel,   s  il  se  trouve  qu'il  en  ait  à  lesgard 


1.  I^ompone  de  Bellièvre,  seignour  de  Bellièvre,  premier  président  au  parlement 
Grignon,  conseiller  au  parlement  le  22  de  Paris  en  i66i.  Louis  XIII  lui  confia  suc- 
février  162g,  maître  des  requêtes  le  iC  août  ccssivement  les  ambassades  d'Italie,  des 
1 63 1,  président  à  mortier  en  novembre  1(3^2  Provinces-l  nies  et  d'Angleterre. 

par  la   démission  de   son   pire  Mcolas  de  2.  Sur  cette  ambassade,  V.  p.  54(5.  note  4- 


LETTRE     DE     LOUIS    \III     A    BELLIÈVRE  55 1 

de  mesd.  sujects,  j'estime  que  mond.  frère  ne  voudroit  pas  favoriser, 
ny  de  cette  façon,  ny  d'aucune  autre. 

Sur  ce,  je  prie  Dieu  qu'il  veut  ayt,  Monsieur  de  Bellievre,  en  sa 
saincte  garde. 

Escrit  à  Compiegne,  le  ni"'  may  i638. 

Signé:  Louis. 

El  plus  bas:  Bouthillier. 

Bihliothbqae  Nationale.  —  Fonds  Jrançais.  —  Ms.    15  915,  J.    113. 
—  Oriijinal. 


552 


q    JUILLET     I 


638 


XCVl 

EXTIlAlï  DLM'    LKTTIii;  A  MM.  UOZI-:;!:;,  LK  GENDRE  ET  C"'. 

Arrivée  à  Sale  du  navire  de  Rozée,  Le  Gendre  el  (]".  envoyé  de  Sa/i  par 
le  Chéri f  jxxir  ravitailler  la  Kasba.  —  La  lettre  de  Louis  XIIl  a  été  Javo- 
rablement  arcueillie  par  le  Chérif,  qui  a  mis  en  liberté  plusieurs  esclaves 
français. 

lîado  de  Salé,  ()  juillet   il)38. 


En  tête:  De    la   rade  de  Calé,  le  ix' juillet  16,38. 
Rouen  par  M"  Rozée,  Legendre  et  Compagnie. 


En 


vovee 


JNous  sommes  arrivés  icy  avec  nostre  navire"  que  commande  le  capi- 
taine Esmery,  deCaen,  parordre  du  roy  de  Marrocquc.  apporter  des 
bledz  à  ungalcaïde' qui  est  assiégé  par  le  Saint 'qui  a  pris  le  Vieil- Calé  ', 
dont  il  reussist  ung  grand  bien ,  car  par  cette  guerre  civdle  ils  ont  couUé 
à  fondz  et  bruslé  tous  leurs  vaisseaux  de  course,  et  ne  leur  restoit  plus 


I.  Sur  Ira  aulnurs  tle  la  prcsento  lettre 
et  tic  la  suivante,  qui.  dans  tous  les  cas, 
n'ont  pu  être  écrites  par  les  mêmes  per- 
sonnes, voici  l'hypothèse  qui  semble  s'adap- 
ter le  mieux  aux  deux  textes.  Jean-Baptiste 
Le  Gendre,  venu  au  Maroc  sur  le  navire 
commandé  par  le  capitaine  Esmery,  est 
demeuré  à  Safi,  tandis  que  le  navire 
s'est  rendu  à  Salé,  sur  l'ordre  du  Chérif. 
Il  a  écrit,  par  ce  môme  navire,  à  dos  mar- 
chands français  qui  se  trouvent  à  Salé. 
Ceux-ci  envoient  en  France  une  lettre  dans 
laquelle  ils  font  part  des  nouvelles  que 
leur  a  données  Le  Gendre  et  qui  n'est  autre 
que  le  Document  suivant  (p.  554).  Do  leur 
côté,  dos  agents  de  la  maison  Le  Gendre, 
qui   sont   à  bord    du   navire  du  capitaine 


Esmcrv,  adressent  à  la  dite  maison  une 
lettre  qui  est  le  présent  Document. 

a.  Robert  Blake  mentionne,  à  la  date  du 
12/22  juin,  l'arrivée  d'un  navire  français 
envoyé  par  le  Chérif  pour  approvisionner 
la  Kasba.  Cf.  /"  Série,  .\ngletcrre.  Jour- 
nal de  Bl'lce  (.3i  mai  i638-5 janvier  1689). 

3.  hng  alcoïde,  Morat  François.  Sur  ce 
caïd,  V.  p.  liât,  note  i. 

4.  Le  Snint  :  Sidi  Mohammed  el-Ayachi. 
j.   Le  Marabout  avait  toujours  été  maître 

de  Salé  le-\icil.  L'auteur  de  la  lettre  se 
sert  d'une  expression  impropre.  G'étaitSalé- 
le-Aeuf  qui  venait  de  tomber  au  pouvoir 
des  Hornacheros  et  par  conséquent  du 
Marabout.  V.  supra.  Introduction  critique, 


EXTUAIT    DUNE     I.ETTKl:     A     MM.    H07.EE.     LE    GENDRE     ET    C 


553 


que  trois  barques  de  peu  de  dcfience.  Dans  ce  renconlie,  les  navires 
du  roy  d'Angleterre  sont  arrivez  icy,  qui  ont  ramené  les  ambassa- 
deurs du  roy  de  Marrocque',  et,  d'autant  que  s'ostoit  vaisseaux  de 
roy",  nous  avons  mis  le  pavillon  bas,  dont  ils  ont  este  contcns. 

Les  lettres  que  nous  avons  portées  du  Roy  audit  roy  de  Mar- 
roque  ont  esté  bien  receues^,  et  a  iesmoingné  qu'il desiroit  continuer 
la  paix,  et  a  commandé  de  rendre  en  liberté  les  esclaves  françois. 
Neantmoins  ils  ne  nous  en  ont  rlcslivré  que  neuf'.  Nous  croyons 
que  le  navire  rochelois  avoit  lacliapté  le  surplus  au  précédant";  et 
espérons  estre  en  France  vers  la  Toussainclz.  n  axans  encorcs  que 
lamoictié  de  nostre  carguaison"^. 

Archives  des  Affaires  Etranr/ères.  ■ — Maroc.  —  Correspondance  consii- 
aire.  Vol.    I.  —  Copie  du  XV II'' siècle' . 

1.  Les  ambassadeurs  du  roy  de  Marrocque:  4.  11  s'afilt  ili^  ca|itifs  a[i[iaili'naiil  au 
e  caKlDjouderbciiAlKlallah  ctRobcrlBlakc        Cliûrif  ctiion  aux  Salclins.  V.  m/r«,p.  Ô5(| 

(\  .SH/ini,  p.  .T^G,  note  i).  La  llottecomman-  et  note  ii. 

dco  par  G.  Carleret  jeta  l'ancre  dans  la  rade  ô.  Au  précédant  :    il   faut  prohaljlomont 

de  Sale  le  g/ig  juin  i638.   Cf.    i''"  Série,  entendre:  au  prédécesseur  du  Clicrif  actuel. 

Angleterre,  Journal  de  Robert  Blake.  6.    II  faut  rétablir  :  n'ayans  encore  i'c/k/h 

2.  Vaisseaux  de  roy,  par  opposition  aux  que  la  molctié  de  nostre  carguaisou. 
vaisseaux  appartenant  à  des  partie  dicrs.  7.   Cette  copie  et  celle  de  l'exlniil   ■•iii- 

3.  Ces  dépèches  de  Louis  \1II  au  Cbérif.  vant  sont  delà  main  de  P.  Du  Clialard 
qui  a\'aient  été  remises  aux  bons  soins  de  Le  qui  les  transmit  au  comte  de  (^liavi^nv. 
Gendre,  n'ont  pu  être  retrouvées  ni  en  secrétaire  d'iitat.  ^.  infrn.  Doc.  \CI\, 
originaux  ni  en   minutes.  p.  568. 


554  lO    JUILLET     l638 

XCVIT 

EXTRAIT  D'UNE  LETTRE  DE  SALÉ' 

Un  navire  de  Le  Gendre  arrivé  à  Salé  venant  de  Safi  a  apporté  des  nnuvellex. 
—  Le  Gendre  J ait  savoir  qu'il  a  été  bien  accueilli  par  le  Chéri/.  —  Celui- 
ci  a  donné  des  ordres  pour  que  les  Français  trafiquassent  au  Maroc  sur 
le  même  pied  que  les  Anr/lais.  ■ —  //  a  fuit  mettre  en  liberté  neuf  esclaves 
français. 

[Salé],  10  juillet  i638. 

En  tète:  Du  \'  juillet  iG38.  —  Receue  le  premier  septembre  à 
Koiien. 

Nous  avons  receu  lettres  du  s'  Le  Gendre^  escriptes  de  la  rade 
de  Saiy,  qui  a  faict  le  voiaffe  avec  le  capitaine  Esmery,  de  Caen,  par 
lesquelles  il  mande  que  le  roy  de  Marrocque  leur  a  faict  fort  bonne 
réception,  et  a  iaict  dire  par  ses  alcaïdes  qu'il  veult  entretenir  la 
paix  faicte  avec  Sa  Majesté. 

Et,  sur  ce  que  les  An  glois  nous' ont  voulu  empesclicr  de  trait  ter  des 
maicbandises  aud.  lieu  de  Sal'y,  à  cause  qu'ils  tiennent  les  douanes 
dud.  Hoy',  il  leur  a  faict  dire  qu'il  vouloit  que  les  Français  trafB- 
quassent  comme  eulx  et  qu'ilz  y  fussent  les  bien  venus.  Et  de  plus 
a  faict  donner  neuf  esclaves  françois,  et  faict  promettre  que,  s'il 
reprent  Calé,  il  donnera  encores  tous  ceux  qui  y  sont.  Si  bien  que, 
si  Dieu  luy  faict  cette  grâce,  ce  sera  un  bon  affaire  de  retirer  tous 
ces  pauvres  esclaves  gratis.  Nous  esperonsqu'avant  six  semaines  que 
nous  serons  de  retour,  et  nous  raporterons  plus  amples  nouvelles 
de  tout  ce  qui  sera  passé. 

Archives  des  Afaires  Etranqbres.  —  Maroc.  —  Correspondance  consu- 
laire, Vol.  I .  —  Copie  du  xvu"  siècle'. 

I.    Sur  les  autours  et  la  date  de  lieu  de  français  en  général, 
cette  li'ttre,  V.  p.  55a,  note  i.  4.   On  se  rappelle  que  Robert  Blake  avait 

2  Jean   Baptiste  Le    Gendre.   V.    hij'rn.  supplanté  les  Pallache  dans  la   ferme  des 

p.  588.  douanes.  V.  p.  543,  notes  2  et  3. 

3.   Aoui",    c'est-à-dire  ;    les     marcliands  5.   V.  p.  553,  note  6. 


LES  ORDRES  REDEMPTEURS   ET   LE?   CAPTIFS  CHRETIENS   AL"  MAROC 


.00 


LES  ORDRES  RÉDEMPTEURS'   ET  LES  CAPTIFS  CHRÉTIENS 

AU  MAROC 

I>Tni)ni  r.TioN   ciiitique. 


Le  Maroc,  réfrartairc  à  toiilc  ('vangi'lisation  comme  tous  les  pays  islamiques, 
resta  néanmoins  pendant  quelque  temps  le  seul  évèclié  de  l'Afrique  du  Nord-. 
L'avènement  des  chérifs  vint  détruire  l'organisation  hiérarchique  de  celte  église. 
A  défaut  d'apostolat  chez  les  pcujjles  musulmans,  deux  ordres  se  créèrent  pour 
y  opérer  la  rédemption  des  captifs  cliréliens  :  celui  de  la  S"  Trinité,  institué 
en  1 198  par  S'  Jean  de  Matha,  a\cc  le  concours  de  S'  Félix  de  Valois,  et  celui 
de  Notre  Dame  de  la  Merci,  qui  eut  pour  fondateur  en  iai8  S'  Pierre  de  No- 
lasque.  aidé  de  S'  Ravmond  de  l'enalorl.  Les  religieux  des  deux  ordres  furent 
appelés  abréviafivemenl  Trinitaires-*  et  Mercédaires '. 

Aux  termes  de  leurs  statuts,  les  Trinitaires  devaient  consacrer  le  tiers  de 
leurs  revenus  au  rachat  des  captifs.  Un  de  leurs  premiers  voyages  de  rédemp- 
tion fut  celui  qu'ils  (Irent  au  Maroc  en  1  199,  sous  le  règne  de  l'émir  almohade 
\akoub  el-M(in$our  (i  i84-i  'i.)9)-  où  ils  rachetèrent  cent  quatre-vingt-six  cap- 
tifs". Mais  la  stricte  observance  de  la  règle  alla  en  se  relâchant  avec  le  temps  ; 
des  staluts  de  plus  en  plus  adoucis  la  rempl.u'irent  cl  le  prélèvement  du  «  tiers 


1 .  Cf.  !^.  Dksl.v.ndres,  L'nnlredes  Trini- 
taires ;  Lato.mt,  Ilist.  de  In  fondation  de 
l'Ordre  de  N.  D.  de  In  Mercy  ;  Hist.  de. 
l'Ordre  de  la  Mercy  (1691)  ;  Bernardin  dl 
S'  .\ntoixf.,  ICpilome  generuliiim  rcdempiui- 

niim ;  Le  Miroir  di;  la  charité  citrclienne 

(i663).  —  En  dehors  des  ordres  rédemp- 
teurs proprement  dits,  les  divers  rdigicux 
qvii  vinrent  au  Maroc  :  Franciscains,  Augus- 
lîns,  Dominicains,  Lazaristes,  elc.  s'occu- 
pèrent, i  l'occasion,  de  racheter  des  captifs. 

2.  Cf.  supra.  Introduction  critique,  Les 
Chrétiens  au  Maroc,  pp.  98-98.  —  En  12/1O 
Innocent  IV  l'crivait  :  «  Sane  Marrochi- 
tana  ecclesia  sola  et  unica  in  parlibus  ipsis 
(illa  Iloniana;  Ecclesiaî  ».  (Apud  Mas- 
LATiuh,  Hclations  et  commerce  de  l'Afrique 


septentrionale  ...  avec  les  nations  clirétiennes 
(1886),  p.  32C.  On  considérait  alors  l'évo- 
que de  Merrakech  comme  le  chef  unique 
du  christianisme  dans  le  Maghreb.  Ibidem, 
p.  227. 

S.  (}n  les  appelai!  en  1,-ilin  u  Eralres 
ordinls  Sancla^  'l'rinitatis  et  redempllonls 
captlvorum  ».  On  trouve  aussi  les  expres- 
sions :  «  fratres  de  asinis,  ordo  asinorum  », 
et  en  français:  «  frères  aux  Anes  »,  qui  leur 
étaient  données  à  cause  de  leur  monture. 

4.  On  les  appelait  en  latin  «  raercenarli  » 
et,  pour  éviter  un  trop  facile  jeu  de  mots, 
on  avait  adopté  en  français  la  forme  «  mer- 
cédaires ». 

5.  Cf  Mas-Latrie,  pp.  i3o-i3i  ;   Des- 

LANDHES,   p.    331. 


556  INinoDlTTroN     CIUTIOUK 

des  captifs  «  cessa  d'être  opéré  régulièremenl  dans  un  ciand  nombre  de  cou- 
venls.  L'ordre  qui.  selon  le  but  principal  de  son  institution,  aurait  dû  nor- 
malement se  développer  dans  le  midi  de  la  France,  sur  les  rivages  de  la  Médi- 
terranée où  sévissail  la  piraterie  turipie  et  barbaresque,  prit  sa  plus  grande 
extension  vers  le  nord  où  ne  pouvait  sollrir  à  lui  aucune  occasion  de  racliat. 
Lccouventde  S'  Malhurin  de  Paris  finit  même  par  prendre  l'importance  d'une 
maison-mère,  et  le  nom  de  Malhurins  en  resta  à  tous  les  religieux  de  l'ordre. 
Aussi  les  rédemptions  de  captifs  opérées  par  les  Trinitaires  furent-elles  très  peu 
nombreuses  ;  c'est  a  peine  si  l'on  en  relève  quinze  avant  l'année  1600,  et, 
sur  ces  quinze,  cinq  au  moins  furent  opérées  dans  le  rovaumc  maure  de  Gre- 
nade. 

Les  Mercédaircs,  bien  f[ue  leur  fondateur  fût  français,  avaient  pris  nais- 
sance dans  le  royaume  d'Aragon,  et  ce  fut  en  Espagne  que  l'ordre  eut  son 
développement  initial.  Mais  la  péninsule  devint  bientôt  trop  étroite  pour  leur 
zèle  et  ils  franchirent  les  Pyrénées,  s'établissant  dans  le  midi  de  la  France,  où 
l'insouciance  des  Trinitaires  leur  laissait  le  champ  libre.  Au  xnT  siècle,  ils 
avaient  fondé  une  maison  à  Toulouse.  Des  rivalités  qui  s'étaient  déjà  produites 
en  Espagne  ne  tardèrent  pas  à  s'élever  en  France  entre  les  deux  ordres  à  l'oc- 
casion des  quêtes.  Ralentie  pendant  le  cours  du  xvi''  siècle  par  la  guerre  entre 
l'Espagne  et  la  France,  l'expansloii  des  Mercédaires  reprit  avec  la  paix  de  \  er- 
vins  (iSgS).  Ce  conilit  devint  alors  aigu  et  les  Trinitaires  en  appelèrent  à  la 
justice.  Ils  faisaient  aux  Mercédaircs  un  grief  capital  de  leur  origine  espagnole 
et  réclamaient  pour  eux  seuls  le  droit  de  quêter  en  France.  Les  Pères  de  la 
Merci  rap[ielaien(  ((ue  les  Trinitaires  s'étaient  désintéressés  presque  partout  du 
rachat  des  captifs,  cjui  n'était  pas  d'ailleurs  l'unique  but  de  leur  institution'. 
Eux,  au  contraire,  ils  avaient  été  fondés  pour  ce  seul  objet  et  un  vœu  spécial 
les  obligeait  même  à  rester  en  otages  pour  faciliter  les  rédemptions.  Un  arrêt 
du  Conseil  rendu  le  1  i  septembre  lOio  régla  la  contestation  :  le  droit  de  quê- 
ter dans  toute  la  France  pour  les  captifs  fut  reconnu  aux  seuls  Trinitaires,  mais 
on  accorda  aux  Mercédaires  l'autorisation  de  quêter  «  dans  les  endroits  de 
France  »  où  ils  auraient  des  couvents,  à  la  condition  de  ne  «  divertir  ni  mê- 
ler >)  l'argent  provenant  de  ces  quêtes  avec  celui  destiné  aux  rachats  qu'ils  fai- 
saient pour  l'Espagne'. 

Cet  arrêt,  favorable  en  apparence  aux  Trmitaires,  puisque  les  Mercédaircs 
n'avaient  en  France  que  la  seule  maison  de  Toulouse,  devint  cependant  le 
point  de  départ  de  la  fortune  de  ceux-ci.  Protégés  par  la  régente  Marie  de 
Médicis,  ils  s'installent  à  Paris  en  i6i3  dans  l'hôtel  de  Braque  et  acquièrent 
par  là  le  droit  de  quêter  dans  cette  ville.  Les  expéditions  du  Maroc  viennent 
leur  fournir  une  occasion   de    déployer  leur  zèle   et    de  justifier    le    patronage 


I.    La  rpglc  des  Trinitaires  prescrivait  fin        et  vin  tiers  aux  hôpitaux, 
consacrer  un  tiers  des  revenus  à  l'entretien  2.    Cf.   Bibl.   Nat.    Faclum    Ld^-',  n"'  (j. 

des  religieux,  un  tiers  au  radial  des  captifs         12  et  i3. 


I.FS    oliOUFS    UKnFMPiriHS    F.T    LE?   CAPTIFS    CHRKTIENS    Al     MAItOC  ,1.)- 

royal  clonl  ils  lUiIoèiI  l'oljjot.  En  1G29,  le  P.  Dntliia  '  accom[)ai,'ne  l\a/ill\  et 
Du  ClialarJ  et  reste  au  Maroc  après  leur  départ  ;  il  iic  rciilic  en  l''raiur  i|uVn 
l()3o  a\cr  cinquante  caplil's  qu'il  ramène  en  trionqiiie. 

Le  retour  des  captifs  raclietés  était  toujours,  en  cU'et,  l'occasion  d'une  l'été 
éminemment  populaire.  Les  religieux  rédempteurs  faisaient  déliler  les  captifs 
processionneilement  avec  une  mise  en  scène  des  plus  suggestives  ;  exhibition 
de  chaînes,  d'instruments  de  supplice,  figuration  d'anges,  etc.  Le  convoi  se 
rendait  par  étapes  à  Paris  et  même  au  delà  dans  les  provinces  dont  les  captifs 
étaient  originaires.  Les  processions  se  renouvelaient  au  passage  dans  cluuiuc 
grande  ville.  Cet  appareil  et  celle  pompe  avaient  un  but  pratique,  celui  d'exci- 
ter la  charité  des  populations  en  fa\eur  des  captifs  c  rcsiés  sous  le  faix  d'une 
persécution  cruelle  cl  luiquesquc.  »  La  (été  se  terminait  d'ailleurs  par  un  scimon 
de  rédemption  fait  par  un  [>rédical('iir  choisi  qui  se  chargeait  d'exploiter  l'émo- 
tion de  son  auditoire-. 

Pifpiés  au  \if  par  le  succès  des  Mercédaires,  1rs  Trinilaiii's.  ([ui  u'avalenl  pas 
l'ait  un  rachat  di'puis  iGo-l  ■',  prennent  la  résolulioii  d'agir.  Le  chapilre  géné- 
lal  tenu  à  CcrIVoid  le  K)  mai  il)3i  décide  l'envoi  en  iîarharie  des  PP.  Dan  '■  et 
Escollié.  Ceux-ci  rachètent  à  Tunis  en  id^îô  qnaranli-ilcux  eschnes  Iranvais, 
qui,  ramenés  avec  la  pompe  habituelle  de  Marseille  à  Paiis.  l'onl  Icui-  euirée 
solciuiellc  par  la  porte  S'-Antoine  le  20  mai  i(i3.")  '. 

Mais  les  événements  qui  eurent  lieu  au  Maroc  celle  même  a'iinée  iG3ô  précipi- 
tèrent la  crise  entre  les  deux  ordres  rivaux.  Le  chef  d'escadre  Du  Chalard,  envové 
à  Salé  pour  négocier  la  confirmation  de  la  paix  de  lO.'ii,  se  laissa  apitover  par 
les  soulTrances  des  malheureux  captifs.  Il  ne  disposail  |)our  effectuer  leur  rachat 
(|ue  d'une  somme  de  vingt  mille  livres,  dont  dix  mille  avaient  été  fournies  par 
le  Roi  ',  et  dix  mille  avaient  été  avancées  par  lui-nièirie,  de  ses  deniers,  sur 
une  promesse  des  Etats  de  Bretagne  ^  .Néanmoins  Du  Chalard  prit  sur  lui  de 
raclieter  deux  cent  quinze  captifs  pour  le  prix  de  cent  six  mille  deux  cents  livn^s*, 


1.  Sur  lo  P.  cJ'Alliia,  \  .  siipni.  p.  873, 
nol(!  4. 

2.  Sur  les  processions  des  captifs,  V.  P. 
Dksla.ndkks,  Op.  cit.,  pp.  3y,'i-4oo  ;  on 
trouve  de  nombreuses  plaquettes  donnant 
«  l'ordre  et  la  marche  »  de  ces  processions. 
Cf.  Ilibl.  .\iU..  à  la  cote  I.d". 

3.  (j'est  du  moins  ce  que  prétendaient 
les  religieux  de  la  Merci.  Cf.  Bibt.  Mut. 
Ld"  9,  p.  9. 

/i.  C'est  à  la  suite  de  ce  voyage  que  le 
I'.  Dan  écrivit  son  ouvrage  Histoire  de 
liarbarie  et  de  ses  corsaires,  dont  lapremiire 
édition  est  de  1687  et  qui  fut  publié  pour 
soutenir  les  prétentions  des  Trinitaires  ;  il 
figure  parmi   les  pièces  justificatives  pro- 


duites à  l'appui  (le  leur  licuiainle.  \\  itij'ni, 
p  .  at'ii,  note  3. 

.").  Cf.  Dan,  pp.  6,'i-68. 

(i.    V,  siiprn,  p.  509. 

7.  :\rch.  d'Ille-el-Viiaine.  —  (]  viGâi, 
rieg.  des  délibérations  des  Etats  itjsfi-id.'i^, 
pp.  Ojo-Cyi.  —  La  délibération  fut  prise 
le  1^  décembre  lt)34  et  il  fut  décidé  que 
celle  somme  de  dix  mille  livres  serait  déli- 
vrée «  à  celui  qui  sera  envoie  par  Sa 
Majesté  en  l'année  prochaine».  Cf.  infnt. 
Doc.  CXXIV,  Arrêt  du  l'nrlemenl  de  l'tiris, 
du  7  juin  if)53,  p.  f'iGC). 

8.  Sur  le  nombre  des  captil^  rni>  in 
librté  et  sur  leur  rançon,  V.  ivi/jni.  p.  '|i|i, 
note  i  et  p.  ôo3,  uule  5. 


558  IMIiDlUCTlON     cmiKlUK 

se  procurant  la  soin  me  qui  lui  niaïujiiail  par  la  vente  des  marchandises  du  vaisseau 
«  la  l'crle  '  ii  et  par  un  emprunt  contracté  aux  marchands  -.  11  ht  plus,  il  s'engagea 
à  racheter  les  trois  cent  trente-quatre  esclaves  français  qui  restaient  encore  à  Salé 
pour  la  somme  globale  de  cent  quatre-vingt-cinq  mille  cent  deux  livres,  payable 
à  la  lin  d'aviil  iG3G.  Moyennant  cet  engagement,  ces  esclaves  lurent  mis  en 
liberté  sur  place,  continuant  de   travailler  au  bénéfice  de  leurs  patrons  '. 

On  fut  l'ort  irrité  en  France  en  apprenant  la  conduite  de  P.  Du  Chalard.  La 
guerre  venait  d'éclater  avec  la  maison  d'Autriche  et  absorbai!  toutes  les  res- 
sources. Du  Chalard  l'ortenieut  i)làmé  l'ut  mis  à  la  Bastille  pendant  quelque 
temps.  El  non  seulement  ou  ne  voulut  pas  paver  la  somme  de  cent  quatre-vingt- 
cinq  mille  cent  deux  livres  cju  il  s'était  engagé  .'i  acquitter  h  la  lin  d  avril  i63(î, 
inais  encore  on  relusa  de  rembourser  les  fonds  qu  il  s'étail  [irociirés  par  emprunt 
pour  la  rançon  des  captifs  qu  il  avait  rachetés  aux  Salétins  et  ramenés  en  France  ; 
il  lut  plus  tard  condamné  à  rembourser  cet  le  avance  de  ses  propres  deniers'. 

Cejiendant  la  cour  de  France  ne  |)OUNait  honorablement  exposer  les  mal- 
heureux Français  captifs  à  Salé  aux  cousé(|ueiices  de  l'inexécution  de  l'engage- 
ment souscrit  par  Du  Chalard  ;  cette  inexécution  devait  d'ailleurs  entrahier  la 
reprise  des  hostililis  par  les  pirates  salétins.  On  résolut  de  faire  appel  à  la 
charité  publique  et  on  lit  choix,  comme  intermédiaire,  de  l'ordre  de  la  Merci, 
alors  très  en  faveur  à  la  Cour,  et  qui  venait  d'effecluer  sous  la  direction  du 
père  d'Athia  sou  premier  rachat  d'esclaves  fait  au  Maroc  à  litre  français. 

Mais,  comme  les  quêtes  des  Mercédaires  à  travers  la  France  étaient  une  opé- 
ration de  longue  durée  qui  ne  pouvait  être  terminée  pour  la  fin  d'avril  i(J3(J, 
date  où  expirait  le  délai  imparti  à  Du  Chalard,  le  cardinal  de  Richelieu  s'em- 
ploya tout  d'abord  à  gagner  du  temps.  11  écrivit  à  son  représentant  en  Pro- 
vence le  commissaire  delà  marine  Claude  Luguet"  de  faire  partir  un  émissaire 
pour  Salé.  Ce  dernier  était  porteur  de  lettres  de  Louis  XIH  pour  le  gouverneur 
de  Salé,  Abdallah  ben  Ali  el-Caceri,  et  le  vice-consul  de  France,  Gaspard  de 
Rastin,  demandant  que  le  délai  pour  le  versement  du  prix  des  captifs  fût  pro- 
rogé à  la  fin  de  l'année  i6,S(3.  La  barque  envoyée  par  Luguel  arriva  à  Salé  à  la 
fin  de  juin  1636°;  les  Salétins  accordèrent  ce  cjui  leur  était  demandé. 

1.  V.  supra.  Duc.  LWWII,  p.  5i8.  'GUq),  était  «  Conseiller  du  Roi  et  Commis- 

2.  V.  supra,  p.  5i0,  et  infra,  p.  571.  sairc  général  de  la  Marine,  mortes  payes, 

3.  V.  supra,  p.  537.  réparations  et  fortifications  de  Provence  ». 
!\.  Du    Chalard    réclama    aux    États    de  Richelieu  lui  avait  donné  le  1 5  octobre  1637 

Bretagne  en   i65i   une  somme  de  43  48i  une  procuration  très  étendue  pour  le  repré- 

llvres   2   sols,    prix   payé  par  lui   pour  le  senier  en  Vroyencu.  Arch.  Dép.  des  Bouclies- 

rachat  de  97  captifs  originaires  de  la  Bre-  du-Rhône.    Amirauté,    ftcg.dcs   Insinuations 

tagne.   Les   Etats  ne  voulurent  rien  rem-  ( i(i32-i6y4).  /■   4o(j.    Claude   Luguet   fut 

bourser,  en  surplus  des  loooo  livres  votées  assassiné  le  It  octobre  i63()  ;  son  lils  François 

précédemment  et  d'une  nouvelle  somme  de  lui  succéda  dans  sa  charge.  Ibid..  f.  4'^4  »"■ 

3 000  livres.  V.  infra.  p.  6G/i.  6.  V.  supra,  pp.  àaS,  note  5  et  537,  Il  n'a 

5.   Claude   Luguet,  bourgeois  de  Mai-  pas  été  possible  de  trouver  dans  les  .Irr/iiucs 

seille   (\  .  2'  Série.  France,  lidaliou  Prat.  Dépnrlemenlales  des    Bouches-du-Blnhie    la 


ES   OUDRKS    HI'mMPTia  US    ET    I.PS    CAI'TIFS    CIlUl.  Il  F.NS     M      MAHOC  .).>() 

Le  a8  mars  lO^G  avaient  (Hé  rendues  les  lettres  palenles  du  Koi  (■li;ii;;('anl 
li's  MiTcédaires  de  «  se  transporter  en  tous  lieux  pour  (|uester  »  pour  le  raelial 
des  esclaves  restés  à  Salé'.  Le  -2^  juillet  ce  privilège  leur  l'ut  conliriné  par  un 
arrêt  du  Conseil  portant  que  «  tous  les  deniers  qui  sont  en  nature  donnez  clia- 
rilablemenl  pour  le  raeliapt  des  esclaves»  seroienl  remis  aux  .Mereédaires,  pour 
être  employés  «  au  raeliapt  et  payement  des  rançons  des  esclaves  (pii  sont  à 
Salé...  par  préférence  à  tous  autres  ».  Mais  les  ïrinltaires  l'uiieux  avaient  pris 
les  devants  et  organisé  des  quêtes  dans  toute  la  France.  Quand  les  Mereédaires 
(irent  leur  tournée,  ils  ne  Irouvèrent  plus  rien  à  glaner'-.  Kn outre  le  P.  Louis 
Petit,  général  de  l'ordre  de  la  Trinité,  s'appuvaiit  sur  l'arrêt  du  i  i  septembre 
itiio'',  poursuivit  les  Pi*,  de  la  .Merci  devant  le  (joiiseil  privé.  L'arrêt  (ut  rendu 
le  0  août  i(j.3S'*:  il  partageait  la  France  en  deux  régions  où  le  droit  exclusif  de 
quête  était  concédé  respectivement  aux  Trinitaires  et  aux  Mereédaires.  (^et 
arrêt,  confirmé  par  ceux  du  5  août  [G:^^  et  de  juin  iG.'»),  régla  la  situation 
des  deux  ordres,  qui  vécurent  par  la  suite  en  assez  bonne  intelligence  '.  Ils  n'ef- 
fcctuêrentd'ailleurs  qu'un  petit  nombre  de  rédem|)tions  au  NLiroc,  où  l'on  voit 
surtout  leurs  confrères  espagnols  occupés   du    rachat  de  leurs  seuls  nationaux. 

Quant  aux  trois  cent  tn'ule-(|ualre  captifs  français  laissés  à  Salé  l'u  iG.'iô.  il 
appartenait  aux  Trinitaires,  qui  en  i  G3G  avaient  recueilli  l'argent  des  quêtes 
organisées  pour  ce  radial,  de  se  charger  de  cette  opération.  Le  nombre  de  ces 
captifs  avait  considérablement  diminué:  vingt -cinq  s'étaient  évadésen  iG36''; 
trente-cinq  s'échappèrent  en  iG.'^-j  ■  ;  en  juillet  iG.'iii,  pour  diverses  raisons,  il 
n'y  en  avait  plus  à  Salé  que  cent  cinquante"  cl  ce  iioiiibrc  dut  diminuer 
encore  par  suite  des  décès  et  des  évasions.  En  iG/|;!  le  V.  IJscollié  cnvové  à 
Salé  par  les  Trinitaires  réussit  à  en  racheter  quarante  et  un".  En  iG.")'!  les 
PP.  Nazare  .\nroux  et  Jean  Héron  en  délivrèrent  quarante-trois'".  II  ne  resta 
plus  à  ce  nioiuent  de  caplils  français  à  Salé". 

Les  conllits  entre  Trinitaires  et  Mereédaires  portés  devant  le  Con.'ieil  du  Iloi 
en  raison  de  ses  attributions  judiciaires  obligeaient  la  Cour  à  intervenir  dans 
les  questions  de  rédemption  des  captifs.  Mais  cette  intervention  ne  se  bornait 
pas  là.  Les  religieux,  qui  avaient  besoin   de  l'aulorisalion    du    Roi   pour   cm- 

tracc   de  cette  mission  secrète  confiée   par        pj).  35(i-373. 

Claude   Luguel  à  un  de  ses  agents.  fi.   V.  ci-dessus, //c/uii'un  i/c  Jean  Manjcs. 

1.  Les  lettres  patentes  du  28  mars  lù'Si'i.         p.  007. 

non  plus  que  l'arrêt  du  2ii  jiiillcl,  n'ont  pu  7.    V.  ihiilcm.   p.  TjSij. 

être  retrouvés,  mais  l'arrêt  du  0  août  i038  S.  V.  iiifra,  p.  ,589. 

en  reproduit  la  partie  essentielle.  V.  inj'ra.  9.   V.  inj'ra.  Doc.  (dL  p.  ûqj. 

pp.  5(j3-â64.  10.  V.  inj'ra.  Doc.  (A\V.  p.  608. 

2.  Cf.  Bibl.  Nat.  l'aclum  Lit'"'  ij.  p.  :>.  11.   Il  en  restait  en  assez  grand  nomlire  .'i 

3.  \  .  supni.  p.  5j().  Tétouan,  \  .  inj'ra,  pp.  (175  et  (177.  Quant 

4.  \.  inj'rii.  des  extraits  de  cet  arrêt,  à  ceux  a])|iartenanl  au  Cliérif,  ils  devaient 
Doc.  XCVllI,  pp.  5(i3-5()7.  être    peu    nombreux  ;    les    neuf  derniers 

5.  Sur  la  querelle  entre  les  Trinitaires  furent  mis  en  liberté  en  juillet  l638.  V. 
et  les  Mereédaires,  V.  P    Dksla.nukes,  t.  I,  Doc.  XCVI,  p.  553. 


'){]()  iNTiioni  CTiON    cnrnoi  r 

porter  au  delior.s  l'aryen  tel  les  mai  cliaiidises  nécessaires  au  railiat,  (levaient  égale- 
ment s'adresser  à  la  Cour  pour  obtenir  la  délivrance  des  Maures  détenus  sur  les 
galèresde  France,  une  rédemption  comportant  presque  toujours  au  Maroc  comme 
opération  préalable  un  échange  de  cap  tifs  ' .  C'était  même  le  seul  mode  de  libération 
admis  par  la  France  dans  les  négociations  diplomatiques,  car  le  lioi  estimait 
qu'il  n'était  pas  de  sa  dignité  de  discuter  avec  le  Cliérif  un  prix  de  rançon  '. 

Si  les  ordres  rédempteurs  avaient  besoin  delà  Cour,  celle-ci,  de  son  côte, 
était  parfois  heureuse  de  recourir  à  leurs  services  pour  faire  des  rachats  de 
captifs  en  sauvant  la  face.  Le  Roi  allacbait  une  grande  importance  à  ne  pas 
laisser  en  captivité  les  gens  de  mer,  voiliers,  callals,  pilotes,  etc.  qui,  néces- 
saires à  notre  marine,  pouvaient  être  utilisés  contre  elle  par  les  pirates.  On 
espérait  en  outre  que  les  matelots,  voyant  le  souci  que  prenait  le  Roi  de  les 
faire  racheter,  iraient  à  la  mer  avec  plus  de  confiance  et  de  hardiesse  et  embar- 
cjueraient  à  meilleur  compte '.  La  Cour,  en  pareil  cas,  remettait  aux  religieux 
rédempteurs  des  fonds  qui  complétaient  les  aumônes  que  ces  derniers  avaient 
recueillies  dans  leurs  quêtes. 

La  condition  des  captifs  chrétiens,  fort  dilTéreiile  au  Maroc  de  ce  qu'elle 
était  dans  les  régences  barbaresques,  rendait  fort  dillicile  la  rédemption  dans 
le  premier  de  ces  pays.  Les  Chrétiens  pris  par  les  pirates  et  amenés  dans 
les  régences  étaient  vendus  sur  les  marchés,  ils  devenaient  la  propriété  pri- 
vative de  leur  maître  et  étaient   dans   1  acception   du    mot    arabe    des   esclaves 

«  abd  »  Juc  ou  «  niamelnuk  »  IJ.liT.  Ils  résidaient  prescpie  exclusivement  dans 

les  villes  de  la  cote  et  n'étaient  transportés  qu'exceptionnellement  dans  l'inté- 
rieur des  terres.  Us  faisaient  le  service  personnel  de  leur  propriétaire,  travail- 
laient dans  sa  maison  ou  à  son  jardin  :  leur  condition  était  plutôt  dégradée  cpie 
malheureuse.  .Vu  Maroc,  au  contraire,  les  prisonniers  chrétiens  appartenaient 

de  droit  au  souverain  comme  tout  butin  (ghenima  Â_Jc-)  fait  à  la  guerre;    ilj. 

n'étaient  pas  vendus  sur  les  marchés  comme  esclaves  et  on    ne    leur    donnait 

pas  ce  nom  ;  on  les  appelait  el-.\ssara  (_gjL-Vl  (captifs,  prisonniers  de  guerre). 

Légalement,  ils  n'auraient  dû  être  employés  cju'au  service  de  l'Etat  ou  au  ser- 
vice privé  du  souverain,  qui  pouvait  les  donner  ou  les  échanger  contre  d'autres 
captifs.  En  réalité  ils  étaient  chargés  de  toutes  sortes  de  travaux  :  ils  fabri- 
quaient la  chaux,  faisaient  des  terrassements,  mais  leur  occupation  la  plus 
habituelle  et  la  plus  fastidieuse  consistait  à  fouler  en  cadence  l'argile   dans   les 

constructions  en  pisé  (toub  i_j  J»)'.  La  condition  de  ces  captifs,  plus  dure  que 

celle  des  esclaves  chrétiens  dans  les  régences  barbaresques,    n'était   pas  cepen- 

1.  C'est  ce  qui  so  passa  avant  l'oxpédi-  3.  V.  Doc.  LXWII,  pp.  5o3  cl  5o4. 
lion  (le  Du  Chalard  <;n   \6'iô.  V.  pp.  iSi,  !i.C(.3.)iloRGXs,Hist  desEtalsBarbares- 
482,  i8.")  cl  310.  lyues...  Traduction  L.vuGiER  DE  Tassy,  t.  Il, 

2.  V.  p.  1 '|(,)  ft  nolo  3.  pp.  25ii-255el278;D.  BusNoT,pp.i55-i56. 


LES    ORDRRS    nKnEMPTKUtîS    ET    LES    CAPTIFS    C1IHÉT1E>S    Al     MAIiOC  ."iHl 

(lanl  aussi  lamentable  quon  pourrait  le  supposer,  d'après  les  récils  de  plusieurs 
auteurs  trop  crédules  qui  ont  généralisé  des  cas  exceptionnels  de  supplices', 
ou  ont  enregistré  comme  des  injures  intolérables  tel  propos  peu  clioisi  dont  se 
servaient  les  surveillants  maures.  Le  langage  des  gardes  cliiournie  n'est  policé 
dans  aucun  pays,  et  celui  qu'on  employait  parfois  au  Maroc  pour  appeler  les 
captifs  à  l'ouvrage  «  j  Vamos  a  Irabajo,  cornutos  !  Au  tnnMil,  cncus!  -  »  devait 
avoir  son  équivalent  sur  les  galères  du  roi  de  France. 

Les  religieux  rédempteuis  ne  pouvaient  opérer  au  .Maroc  ([u'eu  tenant 
compte  de  cette  condition  particulière  des  captifs  clirétiens.  Alors  que,  dans 
les  régences  barbaresques,  il  leur  sullisail  (l'aller  dans  les  villes  de  la  cote  où 
ils  traitaient  de  gré  à  gré  avec  les  maîtres  des  esclaves,  au  Maroc,  ils  élaien 
obligés  de  s'aventarer  dans  l'intérieur  des  terres  pour  rejoindre  le  Chérif  à  sa 
mahalla  ou  dans  la  ville  de  sa  résidence.  Une  fois  là,  ils  devaient  entamer  une 
interminable  négociation  avec  la  cour  chériflenne.  La  rançon,  après  avoir  été 
débattue  par  tête,  était  fixée  à  une  somme  globale  pour  un  nombre  donné  de 
captifs  ;  ce  prix  était  dû  intégralement  et  ne  subissait  aucune  défalcation  pour 
les  décès  et  les  évasions  qui  pouvaient  survenir  entre  la  signature  du  contrat 
do  racliat  et  le  payement  définitif,  lequel,  en  raison  de  l'élévation  de  la  somme, 
était  parfois  à  échéance  de  plusieurs  années.  Telle  était  au  Maroc  la  manière 
d'opérer  pour  les  rachats  des  captifs.  Dans  la  république  de  Salé,  par  contre, 
les  choses  se  passaient  à  peu  près  comme  à  .\lger  et  à  Tunis;  la  condition  des 
Chrétiens  capturés  par  les  raïs  et  qui  n'étaient  pas  envoyés  au  Cbéi'if  y  était 
la  même  et  leur  rachat  s'effectuait  par  des  procédés  analogues^. 

En  dehors  des  ordres  religieux,  quelques  rachats  de  captifs  se  faisaient  au 
Maroc  par  l'entremise  des  négociants  chrétiens  élal)lis  sur  la  cole*^.  Mais  ces 
intermédiaires  auxquels  les  Pères  rédempteurs  étaient  parfois  obligés  de  recourir 
étaient  très  onéreux  par  suite  des  commissions  élevées  qu'ils  prélevaient".  En 
outre  leur  probité  laissait  quelquefois  à  désirer  :  certains  d'entre  eux  employaient 
les  sommes  qui  leur  étaient  confiées  pour  des  rançons  à  leurs  opérations  com- 
merciales; d'autres,  en  compte  courant  avec  le  Chérif  auquel  ils  fournissaient 
des  articles  européens,   retenaient  l'argent  des  rançons  et  le  portaient  au  crédit 

I.   C'est  cet  état  d'esprit  qui  a  inspire  les  re.wyije.f. . .  Trathictioii   I-*l'gii:k   dk  Tassy, 

gravures  liorriliques  qui  illustrent  l'édition  t.  Il,  pp.  279-280. 

hollandaise  de  l'ouvrage  du  P.  Dan  publiée  3.   Cependant,   môme  à  Salé,   le  racliat 

en  1684.  —   Le   1'.  Du  Tertre,  l'Iiislorien  s'opérait   souvent  aussi    pour   une   somme 

des  .■Vntilles,  raconter  que  des  «  engagés   »  globale  et  le  prix  était  fixé  sous  «  pleige- 

qui  avaient  été  autrefois  captifs  en  IJarbaric  ment  de  la  mort  et  fuite  «.  V.  infra.  Doc. 

(c    maudissaient  l'heure  qu'ils    en    estoient  CI,  p.  .")8(). 

sortis   »,   se   trouvant  beaucoup   plus  mal-  /|.   V.  supra,  Doc.  \1X,  pp.  go-92,  C'on- 

lieureu.t    dans    leur     nouvelle     situation.  trat  de    rachat  de    captifs,  et   Doc.  XGVI, 

Du  Terthe,  Histoire  Générale  des  Antilles,  p.  .")").). 

t.  I.  p.  81.  5.  Cf.    Bibl.    Nat.,  Ms  fr..  A'""  Acqui- 

x.   V.  .1.  MoBGAN,  Hist.  des  Etats  fiarba-  silinns,  I!s3/i. 

De  Casthies.  111.  —  36 


562  INTnODUCTION    cniTiguE 

de  leur  roval  débitour.  sans  se  préoccuper  des  captifs  qu'ils  étaient  chamés  de 
racheter.  Les  Juifs  eux-mêmes  faisaient,  pour  leur  plus  trrand  prolil,  de  la 
«  rédemption  ».  En  1637,  Isaac  Pallache  passe  un  contrat  avec  les  parents  de 
captifs  marseillais  qui  promettent  17000  florins  pour  la  délivrance  de  leurs 
enfants,  en  plus  du  remboursement  des  frais  divers'. 

Quant  au  prix  des  rançons,  il  variait  à  l'infini,  suivant  la  nationalité-,  l'âge, 
la  santé,  les  aptitudes,  les  ressources  présumées  des  prisonniers.  Le  prix  d'a- 
chat était  aussi  un  élément  dont  il  était  parfois  tenu  compte  dans  la  fixation 
de  la  rançon.  On  a  vu  que  les  patrons  salélins  prétendaient  réaliser  sur 
la  vente  de  leurs  esclaves  un  bénéfice  de  4o  pour  100^.  Le  prix  de  200  à  3oo 
livres  parait  avoir  été  une  moyenne,  au  cours  du  xvii"  siècle. 

Parmi  les  captifs  français  détenus  au  Maroc  il  s'en  trouvait  qui  appartenaient 
à  la  religion  réformée;  ils  étaient  pour  la  plupart  originaires  de  l'Aunis  et  de 
la  Sainlongc,  dont  la  population  maritime  fournissait  un  grand  nombre  de 
matelots.  Catholiques  et  protestants  ne  faisaient  pas  toujours  bon  ménage  dans 
la  «  ségène  »,  et,  à  l'occasion  de  l'exercice  de  leur  culte,  éclataient  des  rixes 
violentes  qui  parfois  obligeaient  le  Chérif  à  intervenir.  Le  Gendre  raconte  que 
Moulav  Zidàn,  témoin  d'un  semblable  conflit,  lit  bailler  à  chacune  des  deux 
parties  «  cinq  cens  coups  de  baslon  sur  les  fesses  et  leur  lit  défenses  de  se  plus 
quereller  sur  peine  de  la  vie*.  » 

Les  Eglises  protestantes  ne  se  désintéressaient  pas  du  sort  de  leurs  captifs  et 
des  quêtes  étaient  prescrites  pour  les  racheter.  Les  sommes  recueillies  étaient 
remises  soit  à  des  marchands,  soit  même  à  des  Trinitaires,  quoique  ces  der- 
niers, comme  on  peut  le  penser,  n'apportassent  pas  grand  zèle  à  cette  mission. 
En  1643,  «  les  religionnaires  de  La  Rochelle,  écrit  le  P.  Dan,  avant  advis  du 
voyage  en  Barbarie  du  Père  Lucien,  firent  quelques  poursuites  pour  trouver 
de  l'argent  pour  faire  rachepter  les  captifs  de  leur  créance,  6;  le  sieur  Mestrezat-" 
escrivit  à  ce  Père  qu'il  feroit  quester  dans  toutes  les  églises  de  France  à  ce  sujet. 
Mais  ce  Père  ne  voyant  pas  cet  argent  bien  prest  pour  l'attendre,  il  se  mit  en 
chemin  pour  Marseille''.  » 

I.   Cf.  Rijksarchief.  — Hof  van  Holand.  Godard  a   interprété   d'une   façon  un  peu 

n°  J2I.  —  Senlentien,  n"  44'  —  i63j.  tendancieuse    en    écrivant  :    «    Les   ordres 

2.  Les  esclaves   espagnols,  dont  beau-  rédempteurs  seront  toujours  une  des  gloires 

coup  étaient  des  forçats  éctiappés  des  presi-  de  l'Eglise Ln  pasteur  de  La  Rochelle 

dios,  étaient  estimés  au  plus  bas  prix.  Maitrezal   tenta   une  contrefaçon  de  cette 

3.  V.  supra,  ce  que  dit  à  ce  sujet  Du         œuvre   d'absolu    dévoùment.    »    Godard, 
Clialard,  pp.  5o3  et  5og.  Ilist.  du  Maroc,  t.  II,  p.  50". 

4.  \.  infra.  Doc.  CXXIX,  p.  781.  6.   Cf.  P.  Da.n,  Histoire  de  Barbarie  et 

5.  C'est  sans  doute  ce  passage  que  l'abbé        ses  Corsaires...  Éd.   i64g,  p.  iA4- 


aurèï   nu  CONSEIL  privé  563 


XCVIII 

AURÈT  DU  CONSEIL  PRIVÉ 

La  France  est  partagée  en  deux  régions  on  les  Trinitaires  et  les  Mercé- 
daircs  auront  respectirenient  le  droit  de  (jucter  pour  le  rachat  des 
captifs.  —  Les  deux  ordres  pourront  tjucter  conjointement  à   Paris. 

Paris,  6  auiM  i638. 

Entre  fiere  Louis  Petit,  ministre  gênerai  de  l'ordre  de  la  Sainte 
Trinilé.  demandeur  en  requeste  du  xwii'' janvier  1607  et  défen- 
deur, d'une  part. 

Et  les  provincial,  commandeur  el  religieux  de  l'ordre  M"  Dame 
de  la  Merci  et  Rédemption  des  captifs  fondez  en  ce  royaume,  défen- 
deurs en  lad.  recpieste  du  27  janvier  el  demandeur  en  requeste  ver- 
l)idle  lonteiiuc  en  l'appoiiietemeMl  de  rcglemcnl  du  m"  juin  1637, 
d'aiilie. 

\  eu  par  le  Roy  en  son  Conseil  : 

Ladicte  re([neste  dudil  demandeur  dudit  jour  27  janvier  1637, 
alFin  destre  receu  opposant  à  l'exécution  de  1  arrcsl  du  Conseil  du 
2/1  juillet  i636 

Ledit  arrêt  du  Conseil  dud.  jour  2/1  juillet  i()3Gsur  la  requeste 
desd.  defTendeurs.  par  lequel  est  ordonné  <pie  tous  les  deniers  qui 
sont  en  natures  donnez  eliaritablemenl  pour  le  iacha])t  des  esclaves, 
non  compris  ceux  (jui  ont  esté  mis  en  deposl  pour  la  rançon  d'au- 
cuns esclaves  nommez  et  désignez  parlieulierement  par  ceux  (pai 
les  ont  fournis,  seront  délivrez  par  ceux  qui  les  ont  receuz  audit 
dellandeur  comme  à  ceux  qui  ont  charge  et  pouvoir  de  les  recep- 
voir  par  monsieur  le  cardinal   duc  de  Richelieu,  pair,   grand  m°, 


56/i  6  AOUT  1 638 

clierclsunalenJant  général  de  la  naviyalion  cl  comineroe  de  France, 
en  cliac'unes  des  provinces  de  ce  royaume  pour  les  l'aire  poiter  au 
lieu  nécessaire,  afin  de  les  employer  au  racliapl  el  payenienl  des 
rançons  des  esclaves  qui  sont  à  Salle.  ^ilIequi  dépend  du  royaume 
de  Maroc,  par  préférence  à  tous  autres,  suivant  les  Iraiclez  qui  ont 
estéfaicts'  par  le  commandement  de  Sa  Majesté,  et  à  ce  faire  les 
refusans  seront  contrainctz  comme  (l('[)0sitaires  de  biens  de  justice. 

Lettres  pattantes  de  Sa  Majesté  du  xxvm''  mars  i63(i,  par  les- 
quelles Sad.  Majesté  a  commis  lesd.  deffendeurs  pour  se  tianspor- 
ter  en  tous  lieux  pour  (juesler  et  recuedlirles  aulmosncs  etcliuritc/ 
qui  seront  faicles  pour  le  racliapt  des  esclaves  d  icelle'. 

Mémoire  des  noms  de  ceux  entre  les  mains  desquelz  les  deniers 
du  racliapt  des  esclaves  de  Salle,  qui  sciont  inuinis  à  la  diligence 
desd.  dellendeurs,  seront  déposez. 

Livre  intitulé  :  Histoire  de  Barliarieet  de  ses  C-orsaires^  ; 

Coppie  des  articles  du  traicté  faict  entre  le  sieui-  de  Hozilly  et  les 
habittans  de  la  ville  de  Salle,  sur  le  racliapt  de  cent  seize  esclaves 
françois  du  3"  septembre  1 03o  '  : 

Livre  intitulé  :  Epitome  gênerai  de  la  rédemption  des  captifs, 
faict  par  les  religieux  de  l'ordre  de  la  S'"  Trinité"  : 

Mémoire  contenant  les  noms  et  surnoms  des  Chresticns  esclaves 
raclieptez  par  les  religieux  dudit  ordre  depuis  Tannée  i6io  ; 

liooUe  des  esclaves  raclieptez  en  l'an  1635"  par  les  religieux  dud. 
ordre  ; 

Certifficat  du  procureur  gênerai  de  la  rédemption  des  captifs  des 
religieux  dud' ordre  de  la  S"  Trinité  du  21  janvier  i638,  portant 
que  depuis  lamiée    i633   jusques  au    21'  dud.  mois  de  janvier  a 


1.  Les   traités  do  septembre    iG3i    (V.  '4.  V.   supra.    Doc.   XXXIX,    pp.    292- 
supra.  Doc.  LIV,  p.  4o6  elDoc.  LVp.  iiS)  296. 

confirmés  par  celui  du   18  juillet  i63.^.  A.  b.   Epilomcijcnernliumredi'mplmnnmcnjili- 

supra.  Doc.  LXXIX,  p.  ^92.  vo'-um  par  le  P.  Bernanlin  de  S'  Antoine. 

2.  D'icellc,  c'est-à-dire  de  Salé.  Il  s'agit  Lisbonne,  1624. 

des  esclaves  laissés  à  Salé  par  Du  Cbalard.  G.   Ce  rachat   fait  par   les   l'P.    Dan   et 

3.  Sur  cet  ouvrage  et  son  caractère  ten-  Escoffié  eut  lieu  à  Tunis.  \  .  supra.  Intro- 
dancieux,  V.  p.  Ô57,  note  4-  duclion  critique,  p.  557. 


ARRET    nu    CONSEIL    PRIVE 


565 


este  envoyé  en  la  ville  de  Marseille  la  somme  de  cinquante-huit 
mil  sept  cens  vingt-huit  livres  pour  le  rachapt  des  captifs  :   . 

Livre  intitulé  :  l'histoire  de  ^"  Dame  de  la  Mercy'  : 

Autre  livre  en  lalm  intitulé  :  la  règle  et  constitution  des  ireres  du 

sacré  ordre  i\"  Dame  de  la  Mercy  et  Rédemption  des  captifs  '^  : 
Autre  livre  en  latin  intitulé  :   Statuts  des  frères  du  sainct  ordre 

de  la  Trinité^  ; 

Lettres  missives  escriptes  par  le  sieur  Du  Chaslard  au  père 
d'Athia'.  commandeur  de  l'ordre  de  la  Mercy,  des  premier  octobre, 
2/4  septembre  1629  et  autres  jours  suivans: 

Certiflicat  du  s'^  de  Hallary",  capitaine  de  la  marine,  du  nii"  juin 
ifiSa.  par  lequel  il  appert  que  ledit  pcre  d'Athia  fust  retenu  pri- 
sonnier et  les  esclaves  par  liiy  racheptcz  dans  la  ville  de  Salle, 
mesmes  que  ledit  père  d'Alliia  s'est  obligé  envers  tics  marchans 
angloys  pour  la  somme  de  ix"  un'"'  x",  laquelle  fust  employée  au 
rachapt  de  dix-neuf  esclaves  françois**  : 

CertifTîcat  dudif  sieur  de  Chaslard  (pie  lesd.  deiïendeurs  ont 
faict  plusieurs  voyages  dans  l'Affrique  pour  le  rachapt  des  esclaves, 
du  1 1  juillet  1637  ; 

Arrcst  du  Parlement  de  Paris  rendu  entre  lesd.  defPcndeurs, 
appelaiis  d'une  sentence  du  prevost  de  Paris  du  xxn  octobre  i63G, 
d'une  part,  et  Gilbeit  Suja  et  Georges  Blacard,  d'autre,  et  frère 
l'^rançois  Dathia,  religieux  de  la  Mercy,  intervenant,  par  lequel  lad. 
(lour  a  mis  l'appellation  et  ce  dont  a  esté  appelle  au  néant,  et 
ordonné  (pie  ce  dont  a  esté  appelle  sortira  son  plain  et  entier 
effert  : 

Transaction  du  8  mars  1 638,  passée  entre  Georges  Blaikal  ' ,  d'une 


1.  Histoire  de  In  foiitialion  de  l'ordre  de  note  4. 

A.  0. ''<■'«  l/crcvpar.lKA\  dkLatomy.  lOiS.  5.   S''  de  Ihllnry,  a  iilentificr  avec  le  s"' 

2.  rte<nila  et   Cnnstilutiones  ordinis  beiiUr  Dm   Pré  llilary  rlont  il  est  parle  p.   agS. 
Mari.T  de  Mercede  redemplionis  captimrum.  (i.   Le   P.  il'.Vtliia  avait  racheté  d'autres 
Madrid,  i632.  esclaves;  le  nombre  total  des  captifs  rachetés 

3.  Régula etstniiitri ordinis SS.  Trinitnlis...  par  ses  soins  s'élevait  à  cinquante.  V,  snpra 
Paris.  iS'O.  Introduction  critique,  p.  557. 

'l.   Sur  ce  religieux.   \  .   supra,    p.    i~/i,  7.   liUiiknl,  pour  Blacard. 


566  6  AOUT  i638 

part,  cl  ledit  deirendeur.  d'autre,  sur  leurs  procez  et  dilTerendz  pour 
raison  de  la  promesse  par  ledit  Datia  de  la  somme  de  ix"  iiii'"'  x"  : 

Articles  de  paix  accordez  entre  Sa  Majesté  et  le  roy  de  Maroc  du 
IX'  juillet  i635'  ; 

Roolle  des  noms  et  surnoms  des  captifs  françois  qui  sont  restez 
à  Salle  en  Barbarie  et  des  provinces  et  lieux  de  leursdemeures  ;. 

Le  Roy  en  son  Conseil,  faisant  droit  sur  lad.  instance,  sans 
sarrester  à  l'opposition  des  demandeurs  et  arrest  du  xi''  septembre 
mil  six  cent  dix,  a  ordonné  et  ordonne  que  lesd.  lettres  patentes 
du  28"  mars  i636  et  arrest  dud.  conseil  du  2^' juillet  aud.  an  seront 
exécutées  selon  leur  forme  et  teneur.  Et  pour  oster  à  l'advenir 
toutte  difficulté  et  contestation  entre  les  parties,  Sa  Majesté  a 
permis  et  permet,  tant  ausd.  relligieux  de  la  Trinité  diclz  Mathurins 
que  religieux  de  Xostrc  Dame  de  la  Mcrcy,  de  faire  conjointement 
leuis  questes  dans  l'estendue  de  la  ville  et  fauxbouigs  de  Paris,  et 
à  cest  effcct  seront  tenuz  tous  les  curez  et  margudliers  desd.  par- 
roisses  de  deslivrer  à  chacun  d'eux  par  moictié    ce    qui   aura   esté 

aulmosné  par  les  particuliers  pour  le  racliapt   desd.  captifz Et 

pour  les  autres  provinces  de  son  royaume,  Sad.  Majesté  a  ordonné 
qu'es  provinces  de  l'Isle  de  France.  Gastinois.  Orleanois,  Beauce. 
Perche,  le  Mayne,  Anjou,  Picardie,  ^îormandic,  Champagne,  Dau- 
phiné,  Bourgogne,  Nyvernois,  Lyounois.  Foretz,  Beaujollois, 
Poitou,  Touraine,  Berry.  Bourbonnois,  Auvergne,  Limousin,  la 
Marche,  Perigort  etAgenois,  lesd.  religieux  de  la  Trinité  feront 
seulz  les  questes  à  l'exclusion  des  l'eligieux  de  la  Mercy  ;  comme 
pareillement  es  provinces  de  Bretagne,  Languedoc,  Guyenne, 
Angoumois.  pais  d'Aunix  et  Saintonge,  Quercy,  Bearn  et  Pro- 
vence, lesd.  religieux  de  la  Mercy  feront  seules  lesd.  questes  à 
l'exclusion  desd.  religieux  de  la  Trinité  ;  et  sei'ont  lesd.  deniers 
emploiez  par  lesd.  religieux  à  l'effect  de  la  rédemption  des  captifz 
seulement,  sans  que  les  ungs  ou  les  autres  en  puissent  divertir 
aucune  chose,  soulz  quelque  prétexte  ou  occasion  que  ce  soit,  et 
que  lesd.  deniers  seront  emploiez  au  rachapt  des  Crestiens  captifz 
françois  par  preferan ce  à  tous  autres Et  seront  tenuz  lesd.  reli- 

I.   La  paix  est  du  it>  juillet  et  non  du  9.   V.  supra.  Doc.  LXXIX,  p.  492. 


ARRÊT    Df    CONSEIL     PRIVÉ  667 

gieux,  tant  de  la  Trinité  que  de  laMercy,  rendre  compte  au  conseil 
de  Sa  Majesté  de  trois  ans  en  trois  ans  de  la  recepte  et  cniploy 
dcsditz  deniers 

Seguier',  De  Mesmes. 

Seguier\  E.  de  Meaux. 
Le  Fevre  dOrniesson.  —  Barrillon. 

Du  \i'  aoust  i638,  à  Paris. 

Archives  Nationales.  —  V'  /.'//.  —  Arrél-i  <la  Conseil priré,  août  1638, 
n"  ?iS'.  —  Minute. 

I.   Le  chancplier  Pierre  Séguier  (i588-  2.   Dominique  Scguicr,  évèque  de  Meaux 

1672)  de  1607  à  1639. 


)68  4  SEPTEMBRE  1 638 


XCIX 

LETTRE  DE  P.  DU  CHALARD  A  CHAVIGNY' 

Envoi  fie  deux  lettres  érritcs  du   Maroc.  —  Résume'  de  leur  contenu. 
L'occasion  est  favorable  pour  rétablissement  de  consulats  au  Maroc. 


S'  Mandé,  4  sfptcmbre  i638. 

En  tête,  alla  manu:  M'  du  Chalard.  —  Salé,  royaume  de 
Maroc.  —  h  sept.  i038. 

Suscriplion  :  A  monseigneur,  monseigneur  de  Chavigny,  con- 
seiller du  Roy  en  ses  Conseilz  et  son  secrétaire  d  Estât. 

Monseigneur, 

Je  vous  envoyé  Textraict  des  lettres  qui  sont  escriptes  de  Safy  et 
de  Calé  ^,  par  lesquelles  vous  verres  comme  le  roy  de  Marroque  a 
bien  receu  les  François,  qu'il  veut  entretenir  la  paix,  a  rendu  à 
celuy  qui  a  aporté  ladepesche  du  Roy  quelques  esclaves,  et  que  les 
Anglois,  pour  proflîter  seulz  de  ce  grand  et  utille  commerce,  ont 
prins  à  ferme  les  douanes  de  Safy,  croians  par  cest  advantage  l'em- 
pesclier  aux  François.  Mais  le  roy  de  Marrocquelcur  afaict  entendre 
qu'il  vouloil  quilz  y  fussent  les  bien  venus  et  y  tralTicquenl  comme 
eulx,  ce  qui  vous  donne  l'occasion  d'y  faire  l'establissement  de  vos 
consulatz'',  de  quoy  jay  une  joye  indisible. 

I.    Léon  Hunlhillier,  comte  lie  Chavignv  3.   ^.    stipra.    pp.    .j.5"-i-55/t.    Les    doux 

cl  de  Buzançois,  fils  de  Claude  Bouthillier  lettres  sont  écrites  de  Salé,  mais  dans  celle 

(V.  supra,  p.  373,notc2),  né  on  i6o8,  mort  du    lo  juillet  il   est  rendu  compte   d'une 

le  II  octocre  i652  ;  conseiller  d'Etat,  puis  lettre  venant  de  Safi. 

secrétaire  d'Etat  en  survivance  de  son  père  3.   On  se  rappelle  que  Bouthillier  avait 

qu'il  remplaça  au  département  des  Affaires  nommé  André  Prat  au  consulat  de  Salé  et 

étrangères.  du  Tétouan.  \  .  pp.  27^  et  873. 


LETTRE    DE     P.     nu     CHALARD     A     CIIAVIGNY  069 

Vous  VOUS  souviendrés,  s'il  vous  plaist,  de  l'allection  que  je  y  ay 
tousjours  eu,  que  je  continueré  toutte  ma  vye  à  l'honneur  de  vos 
commendemens.  Ce  que  je  vous  supplie  croire  en  la  veritté  que  je 
suis, 

Monseigneur, 

Vostre  très-humble  et  très-obeissant  serviteur, 

Signé  :  Du  Chalard. 

De  S'  Mandé,  ce  /i'  septembre  i638. 

Arrliirfis  des  .[[fuircs  Etranrjcrrs.  —  Maroc.  —  Corrcspn?nlnnre  con- 
sulaire. Vol.  l.  — '  Original. 


570  i638 


LKTTRE  DE  LOLIS  XIII  AUX  ÉTATS  DE  BRETAGNE 

Les  fonds  que  les  Étals  ont  votés  pour  la  rédemption  des  captifs  devront 
l'Ire  affectés  au  remboursement  des  sommes  qui  furent  empruntées  à 
des  particuliers  ])Our  le  rachat  fait  en  i635  des  esclaves  de  Salé,  dont 
gj  étaient  lirelons. 

i638. 
En   te'te  :  Rachapt  des  captifs  à  Salé.  —   i638. 

La  letlie  du  Roy  à  messieurs  les  gens  des  trois  Eslatz  de  Bretai- 
gne. 

Que  Sa  Ma"  estadvertie  qu  on  leur  dernière  assemblée  de  163', 
il/  nul  ordonné  la  somme  de  douze  mil  livres  '  pour  estre  emploiée 
au  racliapl  des  pauvres  captifs  originaires  de  ladite  province  dete- 
nuz  en  Affricjue,  et  que  ladite  somme  est  encores  entre  les  mains  du 
trésorier  d'Estal,  n'ayant  [x'u  estre  emploiée  audict  effecl  à  cause  du 
dilTerenddentre  les  religieux  de  la  Très-Sainte  Trinilé  et  les  reli- 
gieux de  iX"  Dame  de  la  Rédemption  des  captifs  sur  la  contesta- 
tion qui  feroit  lesdits  racliapiz.  ce  qui  a  esté  depuis  peu  réglé  par 
arrest  du  Conseil  du  vj''  aousl  dernier.  Et  Sadite  Ma''  ayant  cy-de- 
vant  ordonné  par  ses  lettres  patientes  et  autres  arrestz  de  sondit 
conseil  des  \iiij'  et  xxiiij"  juillet  i636  que  tous  les  deniers  donnez 
et  des  questcs  faittes  et  à  faire  pour  la  dite  rédemption  des  captifs 
seroient  emploies,  par  préférence  à  tous  autres,  à  ceux  qui  estoient 
detenuz  ?i  Salé,  mais  jugeant  à  presentqu'il  est  aussi  bien  raisonna- 
ble de  faire  paier  les  parliculHcrs  de  qui  les  marchandises  et  deniers 

I.  L3  délibération  des  Etats,  datée  du  captifs  bretons  «  en  .\lger  et  ailleurs  »  et 
26  janvier  1637,  portait  que  la  somme  de  ne  pourrait  «être  divertie  ailleurs»  (Arc/i. 
12000  livres  était  destinée  au  rachat  des        dép.  d'Ille-et-Vllaine.  —  C.  2653,  p.  122). 


LFTTRE     DE     LOllS     XIII     AU\     K.TATP     DE     BRETAGNE  O"  1 

provcmis  d'icelles  ont  esté  prins  par  emprunt  pour  laclicpler  trois 
cens  sept  hommes  françois  retirez  de  Salé  en  l'année  i63ô',  entre 
Icsquelz  il  s'est  trouvé  quatre-vingts!  dix-sept  originaires  dudit  pais 
(le  hretaigne,  qui  ont  esté  renduz  libres  et  ramenés  elTective- 
nienl  en  ladite  province,  ainsy  (|u  il  a  esté  justifEé  par  la  cerliirica- 
tion  de  nions"'  le  baron  de  Ponlcliasteau",  gouverneur  de  Brest,  du 
dernier  décembre  i635  ;  et,  aflcndu  (pic  les  deniers  des  ausmosnes 
et  (picsles  faictes  depuis  1  année  iC).'?,")  et  qui  ce  tairont  jusques  au 
Ifuips  de  la  prochaine  (ju'il/  pDinonl  estre  envoyez,  il  se  recevra 
une  assez  notable  somme  pour  rctiicr  les  pauvres  esclaves  qui  sont 
denicinczaiiilict  Salé.  SadileMa  désire  (pi  "en  la  prochaine  assemblée 
desdils  i>lalz,  ilz  ordonnentque  lesdilesdouzc  mil  livres  par  euxae- 
cordez  ladite  année  dernière  soient  baillez  et  paiez  pour  partie  du  rem- 
boursement de  ce  qui  est  deub  pouilc  rachapt  desdits  quatre- vingtz 
dix-sept  originaires  Bretons,  et  que  pour  le  surplus  lesdits  Estatz 
y  fassent  pourvoir  de  leur  lil)eralilé  et  benefisense,  comme  intéres- 
sez et  proiïilantz  en  la  libération  de  tant  de  patriottes.  Sa  Ma''  n'y 
ayant  peu  et  ne  pouvant  y  pourveoir  à  cause  des  grandes  despences 
de  la  guerre  et  de  l'urgente  nécessité  de  ses  affaires,  ce  que  faisant 
par  lesdits  Estatz,  Sadilc  Ma"  le  recevra  à  service  bien  agréable  et 
les  en  reconiinoistra  de  sa  irialitiule  en  toulles  occasions. 

l  ne  autre  lettre  à  monsieur  de  La  .Meilleraye^  de   tenir   la  main 
et  s'eiiij)loi('r  à  1  intension  de  Sa  Ma''   ey-dessus. 

Et  une  autre  au  s'  de  Bcrnugat,  procureui-  scindicq  gênerai  des- 
dits Estatz,  à  mesmelin*. 

Archives  des  Affaires  Étranrjères.  —  Correspondance  consulaire.  Vol.  i . 
—  Minute. 

I.   Sur  le  radial  (le  ces  caplils  par  Du  lOfi^  ;   lieutenant  g(;ni'ral  de  la  Haute   et 

Clialard,  V.  ri-dessus,  pp.  /igi  et  30.3.  Basse  Bretagne  en    1682,  gouverneur  des 

■A.    (Miarles    de    Cambout,     marquis    de  villes  et  cliàleau  de  Nantes  et  de  Porl-l.ouis, 

(loislin,  baron  de  l'onlchi'iteau,  cousiu  ger-  maréchal  de  France  en  iGSiJ. 

main  de  Richelieu,   gouverneur  des  ville  '1.   Ces  lettres  furent  écrites  à  la  demande 

et  forteresse  de  Brest,  mort  en  i648.  de   I'.  Du   Chalard.   V.   Bibl.   Nat.  f°  F3, 

.3.  Charles  de  La  Porte,  soigneur,  puis  \-â'i{,  Facliim poiirescuierjcan  DuBouexic. 

duc  d''  la  Meilleraye,  né  en  ifioî,  mort  en        sieur  de  Lu  Drianimys p.  3. 


5-2 


INTRODUCTIO>    CRITIQUE 


LA  ZAOUÏA  DE  DILA' 
ET  LA  CHUTE  DE  LA  DYNASTIE  SAADIENNE'- 

Introduction   critique. 


Moulav  Ahmed  rl-Mnnsour,  cro>ant  assurer  la  paix  de  son  empire,  avait 
procédé  de  son  vivant  au  partage  de  ses  vastes  Etats.  Cotte  mesure  impolitique, 
en  brisant  l'unité  du  Maroc,  devait  amener,  après  un  demi-siècle  de  luttes  fra- 
tricides et  d'anarchie,  la  chute  définitive  de  la  dynastie  saadienne'.  Si,  à  la 
faveur  de  ces  désordres,  un  royaume  de  Fez  ne  parvint  pas  à  se  constituer  du- 
rant cette  période,  c  est  que  les  habitants  de  cette  ville  mutine  «  ne  courbèrent 
la  tète  devant  aucun  prince'  »  ;  mais  la  capitale  du  Nord  et  .son  territoire 
échappèrent  do  plus  en  plus   à   l'autorité   du   cliérif  installé   à   Merrakech  '   et 


r.  Sur  la  zaouïado  Dila,  cf.  El-Oufr.ïm. 
pp.  l'ioS-iaSet  !ibo-!i-jô  ;  EN-XAssiRi,Trad. 
E.  Fumey,.\rch.  ^faroc.  t  IX,  pp.  ar-sfj 
et  46-/49  ;  Ez-Z.\iAM,  pp.  3-3  et  ia-i3; 
El-Kadiri,  t.  I,  pp.  173-262,  passiin  ; 
G.  Moi'ETTE,  Hist.  (les  conquestes  de  Mou- 
leyArchy.pp.  -j,  4i  cl  4g  ;  Chémek.  pp.  344. 
349  et  35o;  A.  Cour,  pp.  162-17 1,  P"**""! 
/"  Série,  Angleterre,  Relation  de  H.  Cholm- 
Icy  à  la  date  de  1671  et  infra.  Doc.  CI, 
p.  584,  Lettre  de  G.  de  Rastin  à  R  chelieu  et 
Doc.CXXIX.p.  -^02,  Relation  de  Le  Gendre. 
V.  aussi,  p.  608, la  carte  :  LeMaroceniGGo. 

2.  Outre  les  références  de  la  note  précé- 
dente, cf.  El-Oufbàm,  pp.  423-429.  — 
En  ce  qui  concerne  l'avènement  de  la  dynas- 
tie filalienne,  lequel  n'est  lié  ni  logique- 
ment ni  chronologiquement  à  la  chute  de 
la  dynastie  saadienne,  on  ne  trouvera  dans 
cette  Introduction  que  l'exposé  des  faits 
indispensables  à  connaître  pour  l'intelli- 
gence des  documents  suivants.  Sur  l'éta- 
blissement de  la  dynastie  filalienne,  V. 
a'  .Série,  Erancc,  1. 1.  Introduction  critique-, 


L'avènement  de  la  dynastie  filalienne. 

3.  «  Les  liens  qui  unissaient  la  dynastie 
des  chérifs  zidaniens  [zidanien  est  mis  ici 
pour  saadien]  se  rompirent  à  la  suite  de  la 
mort  du  souverain  de  cette  famille  El- 
Mansour.  »  Ez-Zaïani,  p.  2. 

4.  Ei.-Olfràm,  p.  3g7. 

5.  L'histoire  de  Fez  depuis  la  fin  du 
règne  de  Moulay  Zidàn  jusqu'à  l'avènement 
de  la  dynastie  filalienne  est  assez  obscure. 
II  faudrait  une  chronologie  très  serrée  pour 
suivTe  les  revirements  politiques  ainsi  que 
les  luttes  intestines  de  la  turbulente  cité, 
et  toutes  les  dates  manquent.  On  peut  dis- 
tinguer approximativement  dans  les  qua- 
rante années  qui  s'étendent  de  1626  à  1666 
les  trois  périodes  suivantes  : 

1°  1626-1637.  Compétitions  des  descen- 
dants de  Moulay  Abdallah  bcn  cch-Chcikh. 

2"  1637-1641.  Prépondérance  à  Fez  de 
Sidi  el-Ayachi. 

3'^  i64i-i66(i.  Prépondérance  à  Fez  rie 
Sidi  Mohammed  el-Hadj,  le  chef  de  la 
confrérie  do  Dila  (\  .  infra,  pp    58o-58i). 


LA    ZAOUIA    DE   DIL\    ET   TA    niHJTl 


.V    n^NVSTIE    SAADIENNE      b~:3 


reconnu  comme  sultan  au  moins  par  les  ualions  cliivlieiincs.  Seul  parmi  les 
descendanls  de  Moulav  Ahmed  el-Maiisour,  le  cliéiil  Moulay  Zidàn,  avec  de 
rares  qualités  de  constance  et  d'énergie,  arriva  à  exercer  un  certain  pouvoir  ;  il 
est  le  dernier  prince  de  la  dynastie  saadiennc  faisant  figure  de  souverain.  A  sa 
mort  le  Maroc  presque  tout  entier  obéit  aux  chcls  des  ronlVéries  religieuses  et 
aux  marabouts'  ;  ils  sont  les  véritables  maîtres  du  pays. 

On  a  vu  Sidi  el-Ayachi  prêcher  la  guerre  sainte  depui.s  Geuta  jusqu'à  Maza- 
gan  et,  à  la  faveur  de  ses  succès  contre  les  Espagnols,  se  faire  agréer  conunc 
chef  par  les  tribus  berbères  et  arabes-.  Au  Sud  du  Deren  l'aulorilé  de  Sidi 
Ali  ben  Mohammed^,  le  cheikh  de  la  zaouia  d'Iligh,  s'étend  depuis  la  cote 
atlantique  jusqu'au  Tafilelt  inclusivement.  Dans  cette  dernière  région  les 
ancêtres  de  la  dynastie  hlalienne  développent  leur  iniluence  depuis  le  Sahara 
jusqu'aux  sommets  de  l'.Vri  .\\acli,  et,  «  semblables  à  des  aigles  perches  sur 
les  cimes  »,  ils  guettent  le  moment  de  fondre  sur  leur  proie  et  de  se  substituer 
aux  chérifssaadiens.  Enfin  une  autre  puLssance,  ayant  également  le  caractère 
religieux  et  réformateur,  .se  dresse  contre  les  faibles  représenlauls  de  la  dvnas- 
tie  régnante,  c'est  la  zaouia  de  Dila. 

Le  mouvement  dilaïte  qui  fadlil  réiin])]anler  au  Maroc  une  d\  iiaslie  ualion.ile 


1.  On  sait  ([lie  le  nom  de  marabout, 
opposé  ici  à  cehii  de  chef  de  confrérie,  s'ap- 
plique, lato  sensu,  à  tout  personnage  ayant 
une  iniluence  religieuse,  qu'il  soit  ou  non 
fondateur  d'ordre. 

2.  V.  supra,  pp.  187-igS,  InlroiliK'lioii 
cnli(\uc ,  Les  Moriscos ù  Salé  et  Sidu'l-Ayarlii . 

3.  Sidi  .\Ii  bcu  Mohammed  bun  .\limed 
ben  Moussa.  Pour  faciliter  les  recherches 
relatives  à  ce  personnago,  il  est  nécessaire 
de  faire  connaître  les  différents  noms  ou 
appellations  que  lui  donnent  les  historiens 
arabes  et  chrétiens,  car  ces  appellations 
varient  souvent  dans  le  même  auteur  et 
font  supposer  parfois  qu'elles  s'appliquent 
à  des  personnages  différents.  On  trouve 
dans  El -OuFK.vNr  :  «  .\bou  elUassen  -\li 
[on  sait  que  .\bou  el-Hassen  est  le  nom  cor- 
roboratif  de  celui  d'AU],  petit-fils  du  bien- 
heureux Sidi  .\hmed  ben  Moussa  e.s-Scm- 
lali...  »  (p.  34fi)  et:  «  Ali  ben  Mohammed 
était  le  fils  [il  faut  rétablir:  le  petit-fils]  du 
bienbeureu.x  et  vertueux  Abou  el-.Vbbas 
Sidi  .\bmed  ben  Mou.ssa  es-Soussi  es-Sem- 
lali...  »  (p.  ^73).  Ce  même  historien  l'ap- 
pelle parfois  .\bou  el-llassen(pp.  476,  ^96 
cl    '|i|<'^)     Ez-Z.ii.i.M    le    nomme    Ali    liou 


na>soun  ou  simplcMienl  liou  Ilassoun 
(pp.  3,  5  et  23).  Nous  croyons,  malgré  l'opi- 
nion de  son  savant  Iradiicteur  M.  IIoidas 
(\  .  p.  3.  note  2),  qu'il  ne  l'aul  voir  dans 
cette  appellation  de  Boa  llassoun  qu'une 
forme  de  .\bou  el-IIassen.  On  donne  encore 
à  c(*  marabout  le  surnom   de   Bou  Denieïa 

<Oi..«^    ^    (\  .    l'i.N-NAssnii.   [)p.  i(3  et   ss). 

l^niin  dans  les  relations  ou  les  correspon- 
dances de  provenance  cbrélienne,  il  est 
appelé  :  le  marabout  du  Sous,  le  saint 
de  Massa,  le  marabout  du  Sahel  [le  Sabel 
est  le  littoral  depuis  Agadir  jusqu'il  l'oued 
NounJ,  le  prince  de  Sous,  le  chef  de  la 
confrérie  d'Iligh,  et  le  plus  souvent  Sidi 
.Mi  ou  bien  Sidi  .Vli  ben  Moussa.  Lui- 
même,  dans  le  protocole  de  ses  lettres,  est 
appelé  .Vbou  el-lIasscn  cs-Sid  .VU  bon  Mo- 
liammcd  (V.  ;'''  Série,  .\ngleterre,  Lettre 
Je  Sidi  Ali  à  Cliarles  I"'  à  la  date  du 
lO  septembre  i()3o).  —  Après  avoir  été  long- 
temps en  compétition  avec  ^  ahia  ben  .\b- 
dallah  (Sur  ce  personnage,  V.  supra,  p.  18, 
note  3),  il  devint  en  itiïd  maître  absolu  du 
Sous,  à  la  mort  de  ce  dernier  (El-Oufràm, 
p.  350). 


074 


I^THOnl'CTIO^    cuitioi  r 


doit  ctie  considcrL'  coiiune  une  Iciitalivo  de  la  niasse  berbère  pour  reconqm'rir 
son  indépendance.  Il  en  a  élé  ainsi  de  loutes  les  grandes  insurrections  du 
Maghreb,  et  l'on  peut  dire  que  la  question  berbère  domine  toute  l'histoire  de 
l'Afrique  septentrionale  depuis  Carlhagc  jusqu  à  nos  jours.  Les  peuples  de  cette 
race,  animés  d'un  très  vif  sentiment  de  nationalité',  aposlasièrent  jusqu'à 
douze  fois  axant  de  se  convertir  définitivement  à  l'islam,  soutenant  chaque  fois 
des  luttes  opiniâtres'-.  Cependant  le  (^.orau  ne  les  prit  jamais  tout  entiers.  S'ils 
finirent  par  en  adopter  la  loi  religieuse,  ils  furent  plus  ou  moins  récalcitrants 
à  la  loi  civile  fondée  sur  «  le  Livre  »,  et  les  vieux  «  kanoun  '  »  subsistèrent 
comme  bases  de  leurs  institutions  civiles  et  de  leur  organisation  politique.  La 
théocratie  islamique  devait  en  particulier  être  odieuse  à  ce  monde  berbère  qui 
nous  olTre  «  le  spectacle  singulier  d'un  ordre  social  très  réel  maintenu  sans  une 
ombre  de  gouvcrnemenl  distinct  du  peuple  lui-même,  véritable  idéal  de  la 
démocratie  '  ». 

Dans  leur  lutte  contre  le  pouvoir  chérilien,  les  tribus  berbères  du  Maroc  ne 
pouvaient  rencontrer  de  meilleurs  alliés  que  lesZaouïas  et  les  marabouts  tenus  à 
l'écart,  depuis  que  des  descendants  du  Prophète  détenaient  l'autorité  souveraine. 
C'est  cette  alliance  qui  fit  la  puissance  des  Dilaïtes'. 

La     ville     de     Dila  ",       située     dans     la    haute    vallée    île    1  oued    Oumm 


I.  r.f.  Ib.n  K»Ai.i){H-N,  Proli'-ijnmcncs, 
Traduction  du  baron  de  Sla.ne,  t.  1,  p.  C3. 

■1.     Ib.N  \bI    \ezID,   npurfiBN    KllALDOL'.N  ; 

Hist.  des  Berbères.    Traduction   du   baron 
DE  Sl.^xe,  t.  L  p.  198. 

3.  h'anouii.  ij_«lj  (du  grec  /.avwv).  druil 
coutumicr. 

.'i.  \.  K.  lÎENAN,  La  Sneiclé  berbère. 
Revue  lies  fleur  mondes.  lei"  septembre  1873. 

ij.  il  SI-  poiirrail  que  le  soidt"'\cmcnl  de 
Sidi  El-.\yachi  Wt,  comme  celui  de  Dila, 
un  mouvement  de  réaction  berbtre.  Le 
célèbre  ic  Moudjaliid  »,  bien  qu'originaire 
de  la  tribu  des  Heni  Malek  (Ei.-Oitk.»ni, 
p.  i3i),  devait  avoir  des  ascendants  ber- 
iières,  comme  l'indiquent  les  deux  etliniques 
accolés  à  son  nom:  liz-Zaïani  et  El-;V)'aclii. 
Celte  origine  berbère  ne  le  dist|ualitiail 
nullement  pour  le  rôle  de  chef  de  la  Guerre 
Sainte,  car  le  «  djiliad  »,  la  razzia  contre 
le  non-musulman,  l'ut,  de  toutes  les  pres- 
criptions de  l'islam,  celle  cfue  les  Berbères 
pratiquèrent  toujours  avec  le  plus  de  zèle. 
.\  l'appui  de  l'Iivpollièse  qui  fait  d'El- 
Avaclii  un  dl'■tVn^.l'ur  de  la  cause  berbère  et 


un  précurseur  des  Dilaïtes,  on  peut  citer  ce 
passage  d'une  lettre  de  Moulav  Mobammed 
ecli-Cboikb  el-Asefjltir  aux  marabouts  de 
Dila  :  «  Vous  étiez,  leur  dit  le  Gbérif, 
pareils  à  des  botes  de  somme,  n'ayant  dans 
les  forteresses  de  vos  montagnes  d'autre 
frein  que  la  sottise  et  la  terreur...  quand 
l'imposteur  Mobammed  el-Avachi  vous  a 
entraînés  à  sa  suite  pour  fouler  le  sol  du 
Gharb...  »  (El-Olfraxi,  p.  iii).  M.  Bud- 
CETT  Meakin,  inconscient  sans  doute  du 
problème  auquel  il  apporte  ainsi  une  solu- 
tion, écrit  :  The  Dilaï  Zauia  or  Sanctuary 
which  bad  becn  .\Yashi'shead  quarters...  » 
The  iloorisli  Empire,  p.  i38. 

(3.  L'emplacement  de  la  zaou'ia  de  Dila 
n'avait  jamais  été  déterminé  d'une  façon 
précise.  L'intention  de  Moulav  er-Recliid 
qui,  après  avoir  détruit  de  fond  en  comble 
la  célèbre  zaouïa,  en  laissa  le  sol  «  comme 
un  champ  moissonné  »  (V.  infra.  p.  583), 
n'a  été  que  trop  réalisée,  et  son  nom  comme 
sa  position  ont  presque  complètement  dis- 
paru du  souvenir  des  indigènes.  Il  est  à 
noter  que,  dans  les  relations  et  correspon- 
dances  de   provenance   chrétienne,  il  n*e^t 


LA    7.AOI  lA    DE    DILA    ET    l.\    CIII  TE    111 

I 


or-Rbia,     eu      plein 
le      jour  -       où      un 


pays      beilHTO  ' ,        n  avait      aiiruiie      iioloriélé      avant 
saint       personnage      appartenant      à      la      tiiljii     des 


fait  aucune  mention  du  nom  de  Dila.  On 
en  peut  inférer  qu'au  temps  des  marabouts 
de  Dila  le  prestige  acquis  par  le  puissant 
monastère  l'avait  fait  communément  dési- 
gner par  le  seul  mot  de  zaouïa,  la  Zaoïiia. 
Ce  terme,  par  ime  destinée  analogue  à  celle 
de  notre  mot  «  .Movitier  »,  était  devenu 
l'équivalent  d'un  nom  do  lieu.  On  lit 
sur  la  carte  de  M.  ue  Flottk  dk  Roqie- 
VAIRE,  placé  entre  parenthèses,  le  nom  de 
Dllaïa  il  oôté  de  celui  de  Zaouia  Aliaiisal  (à 
la  tète  de  l'oued  Ait  Messat,  alllueiit  de 
l'oued  el-.Vbid).  Cette  identification,  dont 
Nf.  de  Flotte  n'a  pas  fait  connaître  la  pro- 
venance et  la  valeur,  semble  acceptable  à 
M.  Micliavix  Bellairo  qui  la  corrobore  d'un 
passage  de  ICl-Bi/udour  cd-Daouïa  (Ms.  appar- 
tenant aux  Archives  Marocaines).  L'auteur 
de  cet  ouvrage,  Sidi  Sliman  el-llout,  s'ex- 
prime ainsi  :  «  Dila  est  une  ville  agréable  à 
trois  jours  de  marche  de  Fez  entre  Bedja- 
nata,  llaskoura  et  Tadla  ».  Le  nom  de 
«  Hedjaiiala  ».  peut-être  mal  copié,  est 
inconnu.  Mais  la  position  de  Dila  entre  le 
l'adla  à  l'est  et  le  llaskoura  an  sud  corres- 
pondrait sensiblement  il  l'emplacement  ac- 
tuel de  la  zaouïa  de  Ahansal.  Nous  croyons 
néanmoins  devoir  rejeter  cette  identifica- 
tion à  cause  de  la  distance  (380  kilomètres 
en  ligne  droite)  qui  sépare  Fez  de  .\hansal. 
Cette  distance  qui  représente  au  minimum, 
dans  un  pays  très  difificile,  huit  jours  de 
marche  est  inconciliable  avec  toute  l'his- 
toire de  la  zaouïa  de  Dila  ;  elle  est  en  outre 
en  contradiction  avec  les  dires  de  Sidi  Sli- 
man el-llout  qui  place  Dila  à  trois  journées 
de  marche  de  Fez.  Cette  dernière  distance 
paraît  seule  devoir  être  retenue,  car  elle 
concorde  avec  les  dires  des  quelques  lettrés 
indigènes  qui  ont  pu  être  interrogés  à  ce 
sujet,  et  elle  est  donnée  en  outrtr  par  un 
document  cartographique  du  temps,  la 
«  Carie  générale  des  Eslats  du  roy  de  Fe:  rii 
règne  au-jourd'huy,  composée  par  Talbe  Bou- 
ijiinan.  Docteurde  /'.4/corun(V.  G.  Mol'ette, 


llisl.  des  (■  n'/ucs/i's  de  Mouley  Arehy.  p.  i). 
Dans  ce  cro([uis  dessiné  sur  les  lieux 
vers  l6"0,  c^n  voit  à  trente  lieu(;s  de  Fez 
une  ville  appelée  «  Zaouias  i>  laquelle,  il  n'en 
pasdoiiliT.  d'après  le  texte  de  Mouette,  est 
bien  la  ville  de  Dila.  Un  autre  texte  sus- 
ceptible d'éclairer  cette  discussion  est  le 
passage  de  Et-Houdour  ed-Daoïiïa  où  il 
estdit  :  «  LorsqucSidi  .Vboii  Biîker  ed-Dilaï, 
pour  se  rendre  à  .Merrakech  chez  le  cheikh 
.\bou  Amcrcl-Kasteli,  passait  auprès  de  la 
demeure  de  Sidi  .Mohammed  ech-Chergui 
[le  marabout  de  Uedjad],  il  sentait  que  sa 
propre  valeur  était  diminuée  ;  il  s'écartait 
de  cette  route  et  passait  par  la  montagne  ». 
Enfin  il  faut  mentionner  comme  élément 
du  problème  cpie  \c  chef  de  la  zaouïa 
de   Dila    l'st  appelé    parfois  «   seigneur  du 

djebel    D.Tiia,    J;ji   J^    _^L5    »   (Ez- 

/.AÏA.M,  p.  3).  On  sait  que  le  djebel  Deriia 
se  trouve  .sur  le  llauc  gauche  de  la  haute 
vallée  de  l'Ounim  er-Ubia  entre  ce  fleuve 
et  l'oued  Ouaoui/ert,  allhient  ou  prolon- 
gement de  l'oued  el-.\hid. 

Plus  précis  cpie  tout  ce  qui  précède,  un 
renseignement  provenant  d'une  source  in- 
digène très  autorisée  (El-lladj  Driss  ech- 
Cherkaoui,  neveu  du  marabout  de  Bedjad) 
permet  d'identifier  la  zaouïa  de  Dila 
(Zaouïet  ed-Dilaïa)  avec  Zaouïct  Aïl  Ishak, 
située  à  io  kil.  environ  à  l'est  de  Bedjad, 
sur  le  cours  supérieur  de  l'oued  Oumm  er- 
Kbia,  en  aval  et  à  proximité  d(î  Kasbet  el- 
Ivhenifra.  Les  Aït  Ishak  qui  l'habitent  sont 
une  fraction  (5oo  feux)  de  la  tribu  des  Ickern . 
On  voit  encore  dans  le  village  le  minaret 
ainsi  que  le  mur  lézardé  de  la  mosquée  de 
Dila. 

I .  Les  principales  tribus  de  la  région 
étaient  les  Zaïan,  les  Béni  Mguild,  les  Aït 
Voiissi,  les  Iclikern,  etc. 

'j.  La  date  do  l'établissement  de  Sidi 
Abou  Bcker  hcn  Mohammed  à  Dila  n'est 
pas  miMitionnée  par  El-Oufràiii.  Il  est  pro- 


nyt)  INTRODUCTION     CRITlnUE 

Ak'jjal',  Sidi  Aboii  Beker  ben  Moliainmed  -  (i536-i6i2)  vint  y  habiter  et 
y  établir  une  zaouïa.  «  C'était,  dit  un  biographe^,  un  des  plus  illustres  doc- 
teurs de  l'islam  et  un  des  grands  saints  qui  approcheront  de  Dieu...  Remar- 
quable par  la  pratique  de  la  Loi  qu'il  connaissait  à  fond,  il  était  encore  une 
nier  de  générosité,  car  il  donnait  comme  quoiqu'un  qui  ne  redoute  pas  la  pau- 
vreté. »  Cette  dernière  (jnalité  lit  beaucoup  pour  la  réputation  de  la  zaouïa 
naissante  :  l'hospitalité  pratiquée  largement  et  sans  compter  a  toujours  été  et 
est  encore  dans  le  Maghreb  un  grand  élément  de  popularité  et  d'inlluence  reli- 
gieuse. Les  immenses  plats  de  «  assida  ''  »  se  succédaient  à  Dila  devant  des 
botes  toujours  nouveaux.  Tenir  table  ouverte  ',  plus  encore  qu'accomplir  cer- 
taines pratiques  de  dévotion,  est  le  devoir  de  tout  fondateur  de  zaouïa.  «  Bien- 
tôt les  caravanes  portèrent  aux  quatre  coins  du  monde  la  renommée  de  Dila 
et  de  tous  les  côtés  on  vit  accourir  la  foule.  »  Ces  pieux  pèlerins  apportaient 
chaque  fois  comme  ziaras  (olfrandes  religieuses)  de  nombreuses  charges  de  blé 
et  d'orge,  et  Sidi  Abou  Beker  renouvelait  le  facile  miracle,  que  l'on  constate 
aux  débuts  de  toute  zaouïa,  de  défrayer  libéralement  les  uns  avec  ce  qu'il 
recevait  copieusement  des  autres.  Le  signe  le  plus  certain  de  l'inqiorlance  ac- 
quise par  la  nouvelle  confrérie  était  que  l'on  ne  jurait  plus  au  Maroc  que  par 
les  vertus  de  son  chef,  «  qu'il  s'agît  de  pacte  ou  de  mariage  ou  de  remise  faite 
par  un  créancier  avare'  ». 


babil',  étant  donnée  la  ilate  de  la  naissance 
du  marabout  (i5S6),  que  la  fondation  de 
la  zaouïa  doit  être  placée  chronologique- 
ment entre  i56o  et  i58o.  D'autre  part,  on 
sait  par  le  passage  du  Boudour  cd-Daouia 
cité  plus  haut  (\  .  p.  Syii  note  6)  que  Sidi 
Abou  Beker  était  contemporain  de  Sidi  el- 
Kasteli  et  de  Sidi  ech-Chergui.  Or  ces  pieux 
persoimages  vivaient  sous  le  règne  de  Moulay 
Abdallah  el-Ghalib  bi  AUnh  (1557-107^). 
^  .  Ei  -OuiRÀNI,  p.  87. 

1 .  Les  Mejjat  étaient  une  tribu  de  la 
montagne  dans  la  haute  vallée  de  la  Mou- 
louïa  ;  son  territoire  avoisinait  celui  des 
Aïl  Ayacli,  des  .Vit  Amalou  et  des  Aït 
S  cri. 

2.  Il  s'appelait  Sidi  Abou  Beker  ben 
Mohammed  Hammi  ben  Saïd  ben  Ahmed 
ben  Amer.  El-Oufr.îni,  p.  tiôb.  On  lui 
donnait  aussi  les  noms  de  El-Oujjari  et  de 
Ez-Zemmouri  (En-Xassir[,  p.  2'j). 

3.  L'auteur  du  Mirât  el-Mnhassen  cité 
par  El-Olkrà.ni,  p.  458. 

tl .  «  On  ne  vous  connaît  dans  le  Maghreb 
que  par  les  immenses  plats  de  assida  que 


vous  oITroz  à  vos  hùlcs  »  (Lettre  de  Moulay 
Mohammed  ben  cch-Cberif  au  chef  de  la 
zaouïa  de  Dila  apud  El-Ocfr.ïni,  p.  /|68). 

—  L'assida  SJL.,ac   est  le  mets  national  des 

Berbères  du  Maroc  ;  c'est  une  sorte  de 
bouillie  fort  épaisse  assaisonnée  de  beurre 
fondu. 

3.  K  Dès  que  vous  avez  été  libre  de  vos 
mouvements  et  que  les  populations  ont 
commencé  à  venir  s'adresser  à  vous,  vous 

avez  dressé   des   tables   pour  les  hôtes 

Comme  nous  vous  avions  laissé  faire...  en 
vous  laissant  accomplir  vos  pratiques  de 
dévotion  et  tenir  table  ouverte,  la  foule  a 
pu  croire  que  nous  vous  considérions  comme 
de  très  grands  personnages  ».  —  Lettre  de 
Moulay  Mohammed  ech-Cheikh  el-Aseghir 
aux  chefs  de  la  confrérie  de  Dila  apud  El- 
OuFRÀsr,  p.  1)11  et  p.  4i3. 

6.  Cf.  El-Olfr.vm,  p.  lii'd.  —  Dans 
l'immuable  Maghreb  les  choses  se  passent 
encore  ainsi  :  un  marabout  se  lève,  une 
zaouïa  se  fonde  aujourd'hui  comme  il  y  a 
trois   cents   ans.   Il    m'a   été   donné   d'être 


LA   ZAOUIA   DE    DILA    ET    LA   CHUTE   DE   LA   DYNASTIE   SAADIENNE      O 


I  I 


Miiulav  AlimeJ  el-Mansour  n'avait  pas  dû  voir  d'un  très  bon  œil  grandir  à 
ses  côtés  cette  influence  religieuse',  mais  il  avait  cru  sage  de  temporiser  en 
dissimulant  son  véritable  sentiment  sous  des  apparences  bienveillantes.  Les 
guerres  civiles  et  les  famines  qui,  après  sa  mort,  désolèrent  le  Maroc  contri- 
buèrent au  développement  de  la  zaouia,  car,  en  ces  temps  troublés,  elle  ac- 
cueillit tous  ceux  qui  avaient  besoin  de  sécurité  et  de  paix.  Moulay  Zidàn, 
mal  alFcrmi  sur  le  trône,  jugea  prudent  de  vivre  en  bonne  intelligence  avec  les 
Dilaïtcs,  à  la  tête  desquels  Sidi  Mobammed  ben  Abou  Beker  (loGo-iCiSy)  avait 
remplacé  son  père  en  1612.  Ce  dernier,  nommé  par  les  auteurs  chrétiens  Ben 
Bucar^,  «  réunit  en  religion  et  en  politique  l'autorité  suprême...  et  son  pou- 
voir spirituel  arriva  à  un  degré  qu'aucun  de  ses  contemporains  n'avait  pu  at- 


teindr 


Mais  ce  fut  surtout  sous  la  direction  de  son  fils  Sidi  Mobammed 


el-Hadj*  (1589-1671)  que  la  zaouia  dilaïte  devint  une  grande  puissance  tem- 


témoin  des  débuts  de  Sidi  Bou  Amama  à 
Mograr  Tahtani  en  1880.  J'arrivais  dans 
cette  chétive  oasis  le  •i[\  février  i88o  avec 
un  fort  goum  de  Hamyan.  Mes  cavaliers 
élaient  très  surexcités  à  la  pensée  de  voir 
celui  dont  on  commençait  à  parler  avec 
mystère  sous  les  tentes.  Sidi  Bou  Amama 
me  reçut  avec  toute  mon  escorte.  Le  soir, 
d'immenses  plats  de  kouskous  furent  appor- 
tés à  mes  cavaliers  qui  ne  manquèrent  pas 
de  s'extasier  et  de  crier  au  miracle,  sans 
songer  qu'une  caravane  de  Rezaina  avait, 
quelques  jours  auparavant,  apporté  à  la 
zaouia,  à  titre  d'olfrande  religieuse  (ziara), 
de  nombreux  tellis  d'orge  et  de  blé.  Dans 
la  nuit  mes  Hamyan  se  firent  initier  et 
ainiicr  à  la  confrérie  naissante,  ils  passèrent 
leur  temps  à  psalmodier  le  Coran  sur  les 
terrasses.  Le  lendemain,  quand  je  quittai 
Mograr  Talitani,  tout  mon  monde  était 
changé  :  une  ferveur  religieuse  exaltait  ceux 
que  je  connaissais  pour  les  moins  dévots  ; 
les  fumeurs  ne  fumaient  plus,  et,  quand  je 
les  interrogeais,  ils  me  répondaient:  «  bot- 
tel   alina   ed-doukhaii    Sidi    Bou    .Vmama 

tabac  nous  a  été  défendu  par  Sidi  Bou 
Amama  ».  Enfin,  poussés  par  un  besoin 
irrésistible  de  proférer  le  nom  de  leur  saint, 
ils  j\iraient  à  tout  propos  par  Sidi  Bou 
.Vmama.  L'imagination  s'en  mêlant,  on 
prétendait  dans  mon  goum  qu'il  m'arrivait 
Dk  Castkies. 


à  moi-même  de  jurer  ainsi.  Un  jour  le  caïd 
des  Sendan,  voulant,  dans  luio  afTaire  grave, 
donner  plus  de  solennité  à  son  affirmation, 
s'écria  devant   moi  :   «   Ou   hak   Sidi   Bou 

Amama    elladi    rak    tehalef   bih.    \>-    J 

<i  ,_ji!Uy    illj  t^JI   Ztif-  y  (^.l— .   J'en 

jure  par  Sidi  Bou  Amama  par  le  nom 
duquel  tu  jures  toi-même  ». 

1.  La  méfiance  des  chérifs  régnants  à 
l'égard  de  ces  inlluencos  religieuses  et  soi- 
disant  réformatrices  est  non  moins  grande 
que  celle  que  conçoivent  aujourd'bui  à  leur 
endroit  des  souverains  chrétiens.  Moulay 
Mohammed  ech-Cheikh  el-Aseghir.  écrivant 
aux  chefs  de  la  confrérie  de  Dila,  s'expri- 
mait ainsi  :  c<  Les  mines  qui  fournissent  la 
calomnie,  la  trahison  et  la  médisance,  l'hy- 
pocrisie et  l'elfronterie,  ce  sont  les  zaouias, 
les  ribat...  »  El-Oufràm,  p,  /iiS. 

2.  Ben  Bucar,  Benbucar,  Ben  Buker, 
Boukar.  Ces  noms  ont  été  appliqués  par  les 
Chrétiens  à  Sidi  Mohammed  ben  .Vbou 
lieker  et  à  son  fils  Sidi  Mohammed  el-lladj 
(V.  infra,  note  4).  Les  deux  marabouts 
désignés  par  cette  même  appellation  ne 
doivent  pas  être  identifiés  avec  cheikh  Bck- 
kar  dont  la  fille  épousa  en  1678  le  chérif 
Moulay  Ismaïl.  V.  Ez-Zaïani,  p.  3a  et 
note  I . 

,S.  Cf    El-Oufkàni,  p.  .lôg. 

f).    L'aîné  des  enfants  de  Sidi  Mohanum-d 

m.  —  37 


h~S  INTRODUCTION    CIÎITIOUE 

porelle,  après  avoir  c'té   sous  les  chefs  prôcédents  une   grande  puissance  reli- 
gieuse et  morale. 

Sidi  Mohammed  el-lladj  lit  recoimaitre  son  autorité  par  les  villes  de  Fez  et 
de  Mekinès  avec  tout  leur  territoire  ainsi  que  par  le  Tadla.  Les  Berbères  du 
Moyen-Atlas,  Zaïan,  Béni  Mguild,  Ait  Youssi,  etc.,  lui  étaient  aveuglément 
soumis  et  venaient  se  grouper  autour  de  la  zaouïa  au  moindre  appel.  Sollicités 
par  Sidi  El-Ayachi,  les  Dilaïtcs  apportèrent  leur  concours  au  zélé  «  moudja- 
hid  »  dans  ses  expéditions  contre  les  Espagnols  des  IVonteras  et  dans  ses  entre- 
prises contre  les  Andalous  de  Salé.  En  iGS",  ce  furent  eux  qui  saccagèrent  le 
pays  à  dix  lieues  au  sud  de  Salé,  brûlant  les  blés  et  les  fourrages,  pour  em- 
pêcher Moulay  Mohammed  ech  Cheikh  el-Aseghir  de  s'approcher  de  cette  place 
qu'il  voulait  replacer  sous  son  autorité'.  Ce  débonnaire  souverain,  sans  pou- 
voir et  presque  sans  territoire,  n'inspirait  aucune  crainte  aux  chefs  de  Dila, 
qui  lui  reprochaient  «  de  n'agir  que  d'après  les  conseils  des  renégats-  ».  Ils 
rompirent  ouvertement  avec  lui  et  secouèrent  son  autorité,  «  comme  on  .secoue 
un  vêtement  pour  le  débarrasser  du  sable  ou  de  la  cendre  qui  l'ont  sali'  ». 
Quelque  temps  après  (lo  décembre  1637),  comme  il  se  portait  de  nouveau  sur 
Salé  pour  débloquer  cette  place,  ils  lui  signifièrent,  dans  une  lettre  commi- 
natoire', de  ne  pas  franchir  l'Oumm  er-Rbia,  sous  peine  d'être  attaqué 
par  les  forces  de  la  zaouia.  Le  faible  chérif,  ayant  marché  sur  l'oued  el 
Abid,  fut  attaqué   par  les  troupes  dilaïtes   au  gué   de   Bou  Akba^  (3  G  octobre 


ben  Aboii  Beker  fui  appelé  comme  son 
père  Sidi  Mohammed;  «  il  fut  surnomme 
El-Hadj,  parce  qu'il  avait  fait  plusieurs  fois 
le  pèlerinage  en  compagnie  de  son  père  el 
de  son  grand-père.  »  El-Oufràni,  p.  464. 
Ce  surnom  de  El-Hadj  que  des  copistes 
arabes  ont  fautivement  fait  précéder  du 
mot  «  ben  »  ou  du  mot  «  ould  »  a  été  la 
cause  de  confusion  dans  la  traduction  de 
Ez-Zaïani.  Le  grand  marabout  de  Dila  est 
appelé  tantôt  Mohammed  oïdd  el-lIadj 
(p.  2),  tantôt  Mohammed  ben  el-IIadj 
(p.  3).  .\  la  page  i3,  on  lit  :  «  Mohammed 
el-Hadj  mourut  en  1072  (1661-1662)  ». 
Or  il  faut  rétablir  cette  fois  :  Mohammed 
ben  Mohammed  el-Hadj,  car  il  s'agit  du 
fils  du  chef  dilaïlc,  qui  avait  été  nommé  par 
son  père  gouverneur  de  Fez  (V.  infra. 
p.  58i).  Le  marabout  vécut  jusqu'à  un  âge 
très  avancé  et  mourut  à  Tlemcen  en  1671. 
Le  traducteur  de  Ez-Zaïami  s'étonne  à  bon 
droit  de  voir  reparaître  en  1 667  )\Iohammcd 
el-Hadj  que  l'on  avait  fait  mourir  en  1661- 


1663.  Cette  même  confusion  entre  Sid 
Mohammed  el-Hadj  et  son  fils  Mohammed 
se  retrouve  dans  .Y.  Cour,  p.  180. 

1.  Pour  les  relations  des  chefs  de  Dila 
avec  Sidi  el-Ayachi,  V.  Introduction  cri- 
tique. Les  Moriscos  à  Salé  et  Sidi  el-Ayachi, 
pp.  196-198.  On  a  jugé  utile  de  revenir 
ici  sur  certains  événements  déjà  exposés, 
afin  de  présenter  d'ensemble  l'histoire  de 
la  zaouïa  de  Dila. 

2.  Cf.  El-Olfkàni, 

3.  Ibidem,  p.  4i5. 

4.  V.    cette    lettre 
pp.  416-428. 

5.  C'est  au  gué  de  Bou  .\kba  que  se 
sont  presque  toujours  rencontrées  les  ma- 
halla  venues  de  Fez  et  de  Merrakech,  et 
c'est  sur  l'oued  el-.\bid  que  se  sont  livrés 
les  combats  qui  ont  décidé  du  sort  du  Ma- 
roc. En  i536  l'armée  des  Bcni  Mcrin  y  fut 
complètement  battue  par  la  mahalla  chéri- 
ficnne,  et,  à  la  suite  de  cet  échec,  les  Saa- 
dieiis  arrivèrent  au  pouvoir. 


p.  4i9- 

dans    El-Oufràm, 


LA    ZAOLÏA    DE    niLA    ET   LA    CHUTE   DE   LA    DYNASTIE   SAADIENNE      SyQ 

l638).  Complèlemoiit  battu,  il  s'enfuit  d'une  traite  jusqu'à  Menakech.  A 
partir  de  ce  moment,  il  cessa  d'exercer  son  autorité  au  delà  de  l'oued  el-Abid, 
et,  loin  de  continuer  la  lutte  contre  la  puissante  zaouia,  il  ne  chercha  plus 
qu'à  vivre  en  paix  avec  elle  :  l'empire  saadien  se  voyait  réduit  à  la  ban- 
lieue de  Merrakecii.  Moulay  Mohannned  ech-Cheikh  el-Aseghir  mourut  le  oi 
janvier  lOôâ'.  Son  fils  Moulay  Vhmed  surnommé  El-Abbas  ne  put  défendre 
son  trône  contre  les  attaques  incessantes  des  Chebàna,  puissante  tribu  unie 
par  plusieurs  mariages  aux  chérifs  saadiens-.  Les  Chebàna,  aprèsl'avoir  faitpérir 
traîtreusement,  élevèrent  au  pouvoir  leur  caïd  Ahd  el-Kcrim,  auquel  le  peu- 
ple avait  donné  le  surnom  de  Keroum  el-IIadj  (9.4  novembre  1609^).  «  L'as- 
sassinat de  Moulay  el-Abbas  mit  fin  à  la  dynastie  des  Saadiens  ;  leur  pouvoir 
s'éteignit  alors  et  leur  soui'ce  cessa  de  couler*.  » 

L'influence  des  Dilaïtes  s'était  également  étendue  au  sud  du  Haut  Atlas  et 
en  i632  les  Béni  Zoubir  de  ïabouassamt  (Tafilclt)  avaient  sollicité  l'appui  de 
la  zaouïa  pour  résister  aux  entreprises  combinées  du  chérif  filalien  Moulay 
ech-Chérif  et  du  marabout  Sidi  Ali  ben  ^lohammed.  Les  deux  armées  s'étaient 
rencontrées  près  de  Sidjilmassa  et  s'étaient  séparées  sans  combattre".  Il  ne 
manquait  à  Sidi  Mohammed  el-IIadj,  maître  de  la  plus  grande  partie  du  Ma- 
roc, que  d'avoir  sur  l'Atlantique  un  port  ouvert  au  commerce,  pour  en  tirer 
des  approvisionnements*,  en  même  temps  que  pour  augmenter  son  prestige 
par  des  relations  avec  les  princes  chrétiens'^.  Salé  était  le  complément  néces- 
saire du  nouvel  empire.  Depuis  quelque  temps  déjà  de  nombreux  Andalous, 
mis  hors  la  loi  par  les  ulémas,  à  l'instigation  de  Sidi  el-Ayachi,  et  en  bulle 
aux  attaques  continuelles  des  moudjahidin,  étaient  venus  se  réfugier  à  Dila. 
Lorsque  Sidi  el- Avachi,  après  le  guet-apens  ([ui  coula  la  vie  au  jeune  comte  de 

1.  Cf.  Del  Puekto,  p.  ôffî.  p.  Iig  ;  Mouette, //(.s/,  des  Conquestes 

2.  Moulay  AhmedcJ-.Wansouravaitépousé  pp.  63,  6^  et  6.").  L'opinion  de  Mouette,  qui 
une  CUe  de  celle  tribu  nommée  Aïcha  bent  n'est  sans  doute  que  la  reproduction  de  dires 
Abou  Bcker  (V.   E.s-Sadi,  p.  3io),   appe-  indigènes,  est  adoptée  par  Chémer,  fiecli. 
léc  souvent  par  les  clironiqueurs  arabes  à  hist.  sur  les  Maures,  t.  III,  pp.  352-353. 
cause  de  son  origine  Lella  Chebania  (V.  3.  Cf.  Del  Puerto,  p.  5'i4. 

i"  Série,  France,  t.  l,  Généaloijie  ties princes  4-   Cf.  El-Oufràm,  p.  /128. 

de   la   dynastie  saadicnne.   PI.   V,   p.   Sgâ,  5.  Cf.  En-Nassiri,  p.  17. 

note  10,  et  Pays-Bas,  t.  I,  p.   gg,  note  i).  0.   Un  autre  avantage,  qui  n'était  pas  à 

Cette    femme    était    la    mère   de    Moulay  négliger,  était  celui  que  l'on  retirait   des 

ZidÂn.  On  a  vu  également  que  Moulay  Abd  droits  établis  à  l'entrée  et  i,  la  sortie  des 

el-VIalek   ben   Zidin    s'était   marié    à   une  marchandises.  Sur  le  grand  intérêt  que  des 

femme   de   cette   même    tribu   (V.   supra.  souverains     musulmans    attachaient     aux 

p.  387,  note  i).  Les  Chebàna  établis  dans  douanes,  cf.  Depping,  t.  2,  p.  28g,  cl  Mas 

le  Ilaouz (la  banlieue)  de  Merrakech avaient  Latrie,  op.  cit.,  p.   rg5. 

des  lieux  de  refuge  dans  le  massif  du  De-  7.  On  trouvera  dans  /■■'  Série,  Pays-Bas, 

rcn.   Sur  l'origine  de  cette  tribu  appelée  aux  années  i643-i65g  des  documents  éla- 

généralemcnt  «  Cbavancts  »  par  les  chré-  blissant  les   relations   des   Etals-Généraux 

liens,  V.  Iun  Kmaldoi.n,  TraJ.  Siank.I.I.  avec  le  chef  de  Dil.i. 


58o  INTRODUCTION'    CRITIQUE 

Castello-Novo  et  h  tous  les  cavaliers  portugais  de  la  garnison  de  Mazagan  (ii 
avril  i64o),  remonta  vers  le  nord  et  voulut  recommencer  l'offensive  contre 
Salé,  les  Andalous  se  tournèrent  vers  le  chef  de  la  confrérie  de  Dila  et  le 
supplièrent  d'intercéder  en  leur  faveur.  Sidi  Mohammed  el-Hadj  défendit  leur 
cause  auprès  du  fanatique  moudjahid.  mais  il  rencontra  une  résistance  si  opi- 
niâtre qu'il  se  décida  à  marcher  contre  lui.  Sidi  El-Ayachi,  victorieux  d'ahord 
dans  plusieurs  engagements,  fut  attaqué  dans  la  plaine  d'Azgar  par  les  contin- 
gents dilaïtes  unis  aux  Kerarda  et  mis  en  déroute;  il  se  réfu^iia  chez  les  Khe- 
louth  et  fut  assassiné  à  Ain  el-Ksob  le  3o  avril  1641.  La  mort  d'El-Avachi  as- 
surait aux  Dilaïtes  la  possession  du  port  de  Salé  et  de  la  plus  grande  partie  du 
Gharh;  Sidi  Mohammed  el-Hadj,  à  la  tète  d'une  innombrable  mahalla  ',  par- 
courut ses  nouvelles  possessions,  installant  ses  créatures  à  Arzila,  à  Tétouan  et 
à  El-Ksar  el-Rebir  ;  il  laissa  à  Salé  une  puissante  armée,  tant  pour  contenir 
les  Andalous  que  pour  iiarceler  El-Mamora-,  et  en  confia  le  commandement  à 
son  fils  xVbdallah  ben  Mohammed  el-Hadj. 

Cependant,  un  pouvoir  portail  encore  ombrage  à  la  zaouia  de  Dila,  celui 
des  chérifs  filaliens,  qui  commençaient  à  étendre  leur  influence  dans  la  haute 
vallée  de  la  Moulouïa.  Ceux-ci,  après  de  longues  luttes  avec  Sidi  Ali  ben  Mo- 
hammed, venaient  de  refouler  dans  le  Sous  leur  puissant  adversaire  (i64o- 
1641);  ils  restaient  maîtres  incontestés  du  Tafilelt,  du  Draa  et  de  la  région 
saharienne.  Sidi  Mohammed  el-Hadj  résolut  d'arrêter  leurs  progrès  sur  la 
Moulouïa  et,  avec  les  contingents  berbères,  il  les  attaqua  à  El  Gara  ^  (28 
avril  1646).  Moulay  Mohammed  ben  ech-Chérlf,  qui  avait  été  élu  souverain, 
après  l'abdication  de  son  père  Moulay  ech-Chérif  (1640),  fut  complètement 
battu.  L'armée  dilaïte  envahit  le  Tafilelt  et  arriva  jusqu'à  Sidjilmassa,  où  les 
Berbères  se  livrèrent  à  tous  les  excès.  Le  chérif  filalien,  pour  les  éloigner, 
proposa  à  Sidi  Mohammed  el-Hadj  de  régler  par  un  pacte  leur  situation  terri- 
toriale respective.  Aux  termes  de  l'accord  conclu  par  les  deux  parties,  les  som- 
mets du  Haut  Atlas  formèrent  la  démarcation  entre  les  possessions  du  chérif 
filalien  et  les  territoires  de  la  zaouïa.  Toutefois,  les  Dilaïtes  maintinrent  leurs 
droits  sur  cinq  districts  enclavés  dans  la  région  dévolue  au  Cliérif.  Cette  der- 
nière clause  amena  une  rupture,  car  les  Filaliens,  aussitôt  après  le  départ  des 
troupes  dilaïtes,  attaquèrent  des  ksours  relevant  de  la  zaouïa  de  Dila.  Ce  fut 
en  vain  que  Sidi  Mohammed  el-Hadj  protesta,  accusant  le  Chérif  de  perfidie  ; 
celui-ci  lui  répondit  en  termes  non  moins  violents,  l'appelant  «  l'antechrist  du 
Maghreb'  ».  Les  deux  adversaires  devaient  bientôt  se  mesurer  sous  les  murs  de  Fez. 

1.  Elle  était  forte  de  cent  mille  hommes,  Misour  (liaule  vallée  de  la  Moulouïa)  à 
d'après  Cholmley.  V.  z™  Série.  Angle-  quelques  kilomètres  à  l'est  de  Ksabi  ech- 
terre,  h  la  date  de  1671.  Cheurfa.   Cf.    El-Oufràni,  p.    4O7  ;   En- 

2.  C'est  cette  armée  qui,  en  août  1647,  Nassiri,  p.  23.  Cet  historien  donne  à  cette 
vint   mettre  le  siège    devant   El-Mamora.  bataille  le  nom  de  El-Qaa. 

V.  infra.  Doc.  CXIII,  p.  618.  4-   Ce   nom  injurieux  avait  été  donné  à 

3.  El- Gara,    village  ilans  le    district    de         Sidi   Mohammed  t'1-Iladj  par  le  poète  Ed- 


LA    ZAOIIA    DE    DILA    KT    LA    CHUTE    DE    LA    DYNASTIE    SAADIENNE      OO  I 

Los  liabilants  de  Fez  el-Bali,  mécontents  du  gouverneur  dilaïle  Abou  Beker 
et-Tameli,  qui,  après  maintes  vexations,  venait  de  leur  couper  l'eau,  firent  dos 
ouvertures  au  chéri f  filalien,  dont  la  renommée  était  depuis  longtemps  parvenue 
dans  la  ville.  Mouluv  Mohanuned  bon  ech-Chéril'  se  rendit  à  leur  ajipel  (lO 
juillet  1649)  ^t  chassa  le  caïd  Et-Tameli.  Les  deux  Fez  l'acclamèrent  comme 
leur  souverain  (Sojuin  i65o)  ;  la  bcïa  (acte  de  reconnaissance)  l'ut  lue  I06  juil- 
let i65o.  \  cette  nouvelle,  Sidi  Mohammed  el-Hadj  accourut  à  Fez  avec  les 
forces  do  Dila  ;  il  rencontra  le  Chérii'dans  le  voisinage  de  la  ville,  à  Dhar 
er-Remka  (8  août  iGôo),  et  le  mit  en  complète  déroute.  Les  Dilaites  réoccu- 
pèrenl  Fez,  qui  de  i65o  à  1660  resta  dans  une  pais  relative,  sous  les  gouver- 
nements successifs  de  Ahmed  bon  Mohammed  el-IIadj  et  do  Mobammod  bon 
Mohammed  el-Hadj,  les  deux  tils  du  Marabout.  L'aîné  de  ses  enfants  .Vbdallah 
ben  Mohammed  el-Hadj  avait  été  nommé  gouverneur  de  Salé. 

Quant  à  Moulav  Mohanimod  ben  ech-Chérif,  i!  reprit  le  chemin  du  Sahara 
et  se  contenta  de  régner  dans  ses  possessions  du  Draa  et  du  Taiileit,  où  allait 
surgir  un  compétiteur  de  sa  propre  famille.  En  effet,  lorsque  le  vieux  chérif 
filalien  Monlav  och-Chérif  mourut  à  Sidjilmassa  le  3  juin  i65g,  son  fils  Mou- 
lav or-Rochid  ben  ech-Chérif.  mû  sans  doute  par  un  sentiment  de  défiance  à 
l'égard  do  son  aine,  prit  la  fuite  et,  après  s'être  réfugié  quelque  temps  dans  la 
zaouïade  Dila.  passa  chez  li>s  Vngad,  où  il  se  posa  en  prétendant  contre  son  frère. 

Cependant  l'éloiio  de  Dila  pâlissait.  Un  «  moudjahid  »  ancien  compagnon 
d'El-Ayachi,  noniiné  El-Khider  Ghaïlan,  qui  commandait  dans  le  Hibl,  s'était 
révolté  ;  des  mécontents  de  Fez  étaient  venus  se  grouper  autour  de  lui.  En  i6."i2, 
le  rebelle  était  entré  de  vive  force  dans  El-Ksar  el-Kebir,  dont  il  avait  fait  sa 
capitale.  Toutes  les  tribus  du  Gharb  qui,  à  la  mort  d'El-.Vvachi,  avaient  reconnu 
Sidi  Mohammed  el-Hadj  comme  «  leur  protecteur  général  '  »  se  détachèrent 
successivement  de  lui.  Ce  soulèvement  devait  avoir  sa  répercussion  dans  la 
remuante  cité  de  Fez,  déjà  fatiguée  de  ses  dix  années  de  tranquillité.  En  1661- 
i6(')2,  à  la  mort  du  gouverneur  de  la  ville  Sidi  Mohainmeil  bon  Mohammed 
el-Hadj'^,  un  chef  de  mahalla,  le  caïd  Ed-Deridi,  profilant  du  désarroi,  se 
déclara  indépendant  à  Fez  el-Djodid.  .Vppuyé  aux  déi)uts  par  les  habitants  de 
Fez  ol-Bali,  il  proclama  la  déchéance  dos  Dilaites.  Ce  fut  en  vain  que  Sidi 
Abdallah  ben  Mohammed  ol-Hadj,  «  le  prince  de  Salé  »,  accompagné  de  nom- 
breux contingents  berbères,  tenta  d'entrer  dans  la  ville  ;  il  campa  pendant  dix 
jours  sous  ses  murs,  brûlant  et  saccageant  les  environs,  puis  il  dut  se  retirer. 

Deghoughi  dans  des  vers  satiriques  qu'il  «  un  antcchrist  concret  avant  une  person- 
avait  composes  sur  le  chef  de  Dila.  Ces  vers  nalité  réelle  )i,  V.  H.  de  C*stries,  Moulay 
rommcnçaicnt  ainsi  :  Isinaït  et  Jacques  II.  p.  80,  note  i. 


l»-l>-3    •,.•  »_Jjl  ,vlc 


I.  Cf.  i"  Série,  .\nglelerre,  Relation  île 


^J^  à^  ^^  ù*  ^  ^.  ^i  cholmley  à  la  date  de  167. 
«S.ichcque  tu  es  lin  lies  .intcchrislsilu  Maghreb».  j.    g^r  Ja   confusion   qui   s'est    produite 

El-Oifkàn;,   p.    {fjo.  —  Sur  la   croyance  entre  la  mort  de  ce  personnage  et  celle  de 

des  musulmans  au   Deddjal,  c'csl^à-dire  à  son  père,  V.  supra,  p.  5^7,  note  4- 


582  iM'HODi  rnoN   rRiTinTE 

L'anarchie  la  phis  complète  régnait  dans  les  deux  cités.  A  Fez  el-Djedid,  le 
caïd  Ed-Deridi  dont  plusieurs  razzias  sur  les  tribus  berbères  restées  fidèles  à  la 
zaouïa  avaient  complété  la  fortune,  tranchait  du  souverain.  A  Fez  el-Bali  les 
inimitiés  séculaires  des  Deux-Quartiers  (El-Adouatin  ')  s'étaient  réveillées  :  celui 
des  Andalous  avant  à  sa  tète  Ahmed  ben  Salah  tenait  pour  le  caïd  Ed-Deridi 
tandis  que  celui  des  Lemtouna  ne  reconnaissait  d'autre  chef  que  Ibn  es-Seghir. 

Moulay  er-Rechld  ben  ech-Chérif,  que  nous  avons  laissé  chez  les  Angad, 
avait  groupé  autour  de  lui  les  tribus  de  la  basse  Moulouya  ;  les  Makil  et  les 
Béni  Snassen  lui  avaient  prêté  serment  de  fidélité  et  l'avaient  conduit  à  Oudjda. 
Du  fond  du  Talilell  Moulay  Mohammed  ben  ech-Chérif  finit  par  s'émouvoir 
des  progrès  de  son  frère  et  marcha  contre  lui.  Les  deux  adversaires  se  rencon- 
trèrent dans  la  plaine  des  Angad.  Au  début  de  l'action,  Moulay  Mohammed 
ayant  été  lue  (2  août  i6(ii),  ses  troupes  allèrent  grossir  les  rangs  de  l'armée 
de  Moulay  cr-Rechid,  qui  se  trouva  ainsi  à  la  tète  de  forces  considérables.  Il 
s'établit  à  Oudjda,  puis  à  Taza.  Fez  s'apprêtait  à  lui  résister,  mais  Sidjilmassa 
ayant  proclamé  un  fils  de  Moulay  Mohammed,  il  jugea  prudent,  avant  d'é- 
tendre son  autorité  dans  le  nord,  de  pacifier  ses  états  du  sud  ;  il  se  porta  sur 
Sidjilmassa,  où  il  entra  après  un  siège  de  neuf  mois.  Reconnu  par  le  Taûlelt 
et  le  Draa,  Moulay  er-Rechid  revint  s'installera  Taza,  d'où  il  fit  plusieurs  dé- 
monstrations sur  Fez  (aoùt-oclobre  i665).  Enfin  en  mai  1666,  avec  un  maté- 
riel et  des  approvisionnements  fournis  par  les  négociants  français^,  il  vint 
mettre  le  siège  devant  Fez  el-Bali,  qui  lui  ouvrit  ses  portes  et  prêta  le  serment 
de  fidélité  (()  juin  i5(')6).  Le  caïd  Ed-Deridi  s'était  enfui  de  Fez  el-Djedid. 
Après  une  expédition  dans  le  Gharb  où  il  vainquit  la  résistance  de  Ghadan 
(août  166C))  et  une  autre  dans  les  environs  de  Mekinès  contre  la  tribu  des  Aïl 
Oullal  qui  tenait  encore  pour  la  zaouïa  de  Dila,  le  Cliérif  rentra  dans  Fez.  Le 
vieux  marabout  Sidi  Mohammed  el-Hadj  vint  avec  une  armée  de  Berbères 
camper  à  Bou  Mzoura  près  de  l'oued  Fez  pour  le  combattre  ;  la  bataille  dura 
trois  jours  ;  Sidi  Mohammed  el-Hadj  dut  battre  en  retraite  sur  Dila. 

Moulay  er-Rechid  fit  ensuite  une  nouvelle  expédition  dans  le  Gharb  qu'il 
acheva  de  pacifier  ^  ;  il  replaça  ïétouan  sous  l'autorité  chérifienne  cl  fit  empri- 


coiiru  à  l'c'tabhssfnn'iil  de  l.i  clynastic  almo- 
I .  El-Adomlin  of  JjJl,  les  Deux  Quar-  ^^^.jj^  „  Les  habitants  de  ces  deux  quar- 
tiers. La  vieille  ville  de  Fez  était  divisée  on  tiers,  écrit  Edrici,  sont  en  luttes  conti- 
deux  quartiers  celui  des  .\ndalo\is  et  celui  nuelles  les  uns  avec  les  autres  et  se  livrent 
des  Lemtouna.  Le  premier  tirait  son  nom  souvent  des  combats  sanglants  ».  Edrici, 
de  ces  Arabes  établis  en  Espagne  qui  étaient  Géographie,  t.  L  ?•  222. 
venus  vers  806  offrir  leurs  services  à  Edris  II  2.  Cf.  Roland  Fréjcs,  Relation  d'un 
et  avaient  mérité  toute  la  confiance  de  ce  voyage  fait  en  t666  aux  royaumes  de  Maroc 

prince,    à    l'exclusion    des    Berbères   (In.\-        et  de  Fez pp.  8-9 

Khaldol.v,  t.  II,  p.  56o).  Le  second  avait  3.  On  rappelle  que  l'histoire  de  la  sou- 
été  appelé  Adouat  el-Lemtouna  du  nom  mission  de  Fez  comme  celle  de  la  chute  de 
d'une   tribu   qui   avait   puissamment   con-  Ghaïlan    seront  exposées  dans  le  premier 


I  \    ZVOIÏV    DE   niLA    KT   LA    CIHTE    DE    LA    DYNASTIE    SAADIENNE      583 

sonner  le  mokaddem  Mohammed  ben  Aissa  en-Neksis'.  Pour  être  maître  du 
Maroc,  il  ne  lui  restait  plus  qu'à  renverser  le  pouvoir  de  la  confrérie  de  Dila, 
à  supprimer  les  Chebàna  rebelles  qui,  depuis  i6jg,  avaient  détrôné  le  dernier 
des  chérifs  saadiens,  et  à  faire  reconnaître  son  autorité  dans  le  Sous,  où  Sidi 
Ali  exerçait  encore  son  influence.  Le  ^4  avril  iCtOH  Moulay  er-Rechid  quitta 
Fez  à  la  tète  d'une  mahalla,  marchanf  contre  la  puissante  zaouïa.  Les  Dilaïtcs, 
commandés  par  un  fils  du  vieux  marabout,  se  portèrent  au-dc\ant  de  lui,  mais, 
vaincus  à  Bothen  er-Roumman-,  ils  se  retirèrent  à  la  zaouia,  qui  elle- 
même  ouvrit  ses  portes  au  chériF  vainqueur  le  i8  juin  1668^.  Moulay  er-Re- 
cliid  ne  lit  périr  personne,  mais  il  transféra  les  marabouts  à  Fez,  d'où  ils  furent 
ensuite  exilés  à  Tlemcen  '.  Il  détruisit  les  bâtiments  de  fond  en  comble  et 
«  laissa  l'emplacement  comme  un  clianqj  moissonné  sur  lequel  on  ne  trouve 
plus  trace  des  richesses  de  la  veille  ''  ».  La  nouvelle  de  la  destruction  de  Dila 
plongea  dans  la  fraveur  les  Cliebàna  rebelles.  Ils  quittèrent  Merrakwh  en  grand 
nombre  et  se  réfugièrent  dans  le  Deren.  Il  sullil  à  Moulav  er-Rechid  de  se 
présenter  devant  la  ville  pour  s'en  emparer  (3i  juillet  1668).  Il  fit  périr  tous 
les  Chebàna  qu'il  y  rencontra  et  leur  chef  Abou  Beker  ben  Abd  el-Kerim  ". 
Deux  ans  après  le  Chérif  s'emparait  de  Taroudant  (23  juin  1670);  les  tribus 
du  Sous  et  du  Sahel  faisaient  leur  soumission  et  le  marabout  Sidi  Mohammed 
ben  .\li,  qui  en  16Ô9  avait  succédé  à  son  père  Sidi  Ali,  se  retirait  dans  la 
zaouïa  d'iligh,  où  il  était  rejoint  par  le  Chérif  qui  l'obligeait  à  reconnaître 
son  autorité.  Cette  dernière  expédition  rendait  Moulay  er-Rechid  maître  de 
tout  le  Maroc  depuis  Oudjda  jusqu'à  l'oued  Noun. 

volume  de  la  2'  Série  consacre  à  l'avè-  emparé  de  la  zaouia  par  surprise.  V.  /'"' 
nemenl  de  la  dynastie  Clalienne.  Série,  Angleterre,  Relation  de  Cholmley,  à 

1.  Tétouan,  après  avoir  eu  comme  gou-        la  date  de  167  t. 

verneurs  des  créatures  de  El-Ayaclii,  avait  4.   Sidi  Moliammed  el-lladj  y  mouruten 

repris  son  indt'pcndancect  rappelé  la  famille  167  r.  Son  fils  Abdallah,  qui  avait  été  gou- 

des  En-Neksis.    Ghaïlan    avait   vainement  verneur  de  Salé,  se  relira  en  Egypte  avec 

cherché  à  s'emparer  de  cette  ville.  En  ifi^g  sa  femme  et  ses  enfants.  Cf.  /''"'  Série,  S.n- 

le   mokaddem    s'appelait   Mohammed  ben  gleterre.  Relation  de  Cholmley,  à  la  date  de 

Aissa   cn-Neksis.   V.    i'''   Série,    Espagne,  1(171.  En  1677  un  fils  de  ce  dernier  nommé 

i5  août    16^9   et  Angleterre,  Relation   de  Ahmed  ben  Abdallah  ed-Dilaî  reparut  au 

Cholmley,  à  la  date  de  1671.  milieu  des  Berbères  delà  Haute-Moulouïa  du 

2.  Dans  le  Fazaz,  d'après  En-Nassiri  Fazai  et  les  entraîna  à  la  révolte.  V.  2'  Série, 
(p.  ti8).  Le  Fazaz  est  un  plateau  monlueux  France,  .\nglcterre,  etc.  à  la  date  1677. 
séparant  le  haut  bassin  du  Sbou  de  celui  5.  Cf.  El-Oufràni,  p.  !i'2. 
del'Oummer-Rbiaet  la  tribu  des  Ait  Youssi  6.  Son  père  Abd  el-Kerim  (Kcroiim 
de  celle  des  Boni  Mguild.  Cf.  Foucauld,  el  Hadj)  était  mort  en  l'année  de  l'hégire 
pp.  32,  Soi.  D'autre  part,  il  existe  à  !t  ki-  1079  (i  1  juin  ifiGS-l""'  juin  1669).  On  voit 
lomètres  environ  à  l'ouest  d'Azrou  une  que  Abou  Beker  ben  .\bd  el-Kerim  ne  fit 
koubba  (mausolée)  de  Sidi  Bou  Iloumman.  que  paraître  sur  le  trône  de  Merrakech, 
Cf.  Seco.nzac,  p.  I2D.  puisque  Moulay  er-Rechid  entra  dans  la 

3.  D'après  Cholmley,  le  Chérif  se  serait  ville  le  3i  juillet  1G68. 


58d  iG  JUILLET   iHSq 


CI 

LETTRE  DE  GASPARD  DE  RASTIN  '  A  RICHELIEU 

La  ville  de  Sale'-le-!\'euJ  est  retombée  sous  l'influence  d'El-Ayachi,  qui  a 
mis  te  sihje  devant  la  Kasba.  —  Celle-ci  est  ravitaillée  par  les  Espa- 
gnols. —  Défaite  infligée  par  les  Dilaïles  au  Chéri f  qui  s'avançait  sur 
Salé.  —  El- Avachi  d'abord  vaincu  par  Mcnday  Ahmed  l>cn  Abdallah 
le  réduit  ensuite  en  son  pouvoir.  —  Le  sièrje  de  la  Kasba  continue.  — 
Les  soldats  du  Chérif  qui  la  défendent  la  rendront  plutôt  à  El-Ayachi 
qu'aux  Espagnols.  —  Rastin  préconise  une  entente  avec  El-Ayachi  pour 
préserver  les  Français  des  pirates  et  leur  faire  obtenir  la  concession 
d'une  mine  d'étain  découverte  prts  de  Salé.  —  J.-B.  Le  Gendre  et  lui 
s'emploieraient  aux  néqociations.  — Rastin  rappelle  qu'il  a  dû  s'engager 
solidairement  avec  Du  Chalard  pour  le  rachat  des  captifs.  —  Les  délais 
convenus  pour  le  paiement  des  sommes  souscrites  sont  expirés.  —  Rastin 
prie  Richelieu  d'ordonner  ce  paiement  d'où  dépendent  sa  libération  et  son 
retour  en  France. 

Salé,  i6  juillet  itJ3g. 

En  marge  :  Estât  de  la  ville  et  port  de  Salé  au  royaume  de  Maroc 
en  i638  et  iG.Sg.  —  Original".  —  Traite  de  lestain.  qui  se  trouve 
là  en  abondance. 


Monseigneur, 

Par  faute  d'occasions  je   nay  pu  escrire  à  V.  E.  depuis  un  an 
que  j'en  eu  l'honneur  par  un  navire  de  La  Rochelle,  par  laquelle^ 

1.  Sur  ce  personnage,  V.  Introduction,  3.  Les  lettres  de  Gaspard  de  Rastin,  à 
notice  biograpliique.  l'exception  de  celle  publiée   ici,   n'ont  pu 

2.  Cette  mention  qui  figurait  cvidem-  être  retrouvées.  On  a  vu  que  Marges  fait 
ment  sur  l'original  a  été  reproduite  telle  allusion  à  celles  que  ce  vice-consul  lui  avait 
quelle  par  le  copiste.  confiées  en  juillet  iG37(V.  supra,  pp.  538- 


LETTRE     DE    GASPAnU     DE    RASTIV     A     RICHELIEC  585 

je  VOUS  donnay  advis  de  ce  qui  avoit  succédé  en  cette  ville,  et  de  la 
façon  que  les  Andaloux  qui  la  gouvernoient  esloient  tombez  en  la 
sujettion  de  Morabito  Cidi  Mohamet  Lavassi,  hors  quelques-uns 
qui  sestoient  réfugiez  dans  le  Chasteau  ou  Alcasabé  de  celte  dicte 
ville,  où  ledict  Cidi  Mohamet  les  avoit  assiégez.  Et,  dautant  qu'ay 
appris  que  le  susdict  navire  est  bien  arrivé  en  France,  ne  vous 
useray  de  redite,  et  reciteray  seulement  à  V.  E.  ce  qui  s'est  passé 
depuis,  tant  en  ces  deux  villes  de  Salé,  vieille  et  nouvelle,  comme 
au  reste  du  pais. 

Qu'est  que,  ledict  Layassi  continuant  ledict  siège  du  susdict 
chasteau.  le  roy  d'Espagne  y  envoya,  au  mois  de  juillet  de  l'année 
dernière,  un  secours  de  quelques  munitions  de  bouche  et  de  guerre 
pai'  deux  navires,  une  tartane  et  liuict  grands  batteaux  avec  cinq 
cens  soldats  ',  sur  l'espérance  qu'il  avoit  que  les  Andaloux  qui  sont 
audlct  chasteau  luy  remissent  la  place  entre  les  mains,  ce  qui  n'eut 
point  d'eU'ect".  Pas  moins  ne  laissèrent  les  Espagnols  de  leur  don- 
ner cinq  ou  six  cens  quintaux  de  biscuit,  dix  milliers  de  poudre,  et 
quelfjues  baies  et  autres  munitions,  secours  (|ui  leur  fut  de  grande 
considération. 

Quehjues  temps  après,  le  roy  de  Maroc  se  résolut  de  venir  en 
personne  pour  faire  lever  ledict  siège,  et  pour  cet  effect  dressa  une 
armée  d'environ  vingt  mil  hommes  et  quatorze  pièces  de  canon, 
et  le  voulant  passer  par  les  terres  d'un  saint  ou  morabito  nommé 
Benbouquer'  qui  estoit  et  est  encor  en  ligue  offensive  et  défensive 
avec  ledict  Mohamet  Layassy,  tenant  entre  les  deux  plus  de  deux 

539).   Celle   dont   Rastin   fait  ici  mention  l'objet   de    la    part    dos    différentes    puis- 

étail   de  juillet    i638    et   relatait   l'accord  sances,    V.    supra.    Introduction   criticpie, 

intervenu  à  la  fin  de  1687  entre  le  Chérif  p.   197. 

et  El-.\yachi  (V.  supra  Introduction  cri-  3.  Benbouijuer,  pour  Ben  Bou  Bcker  et 

tique,  p.  197),  la  rentrée  des  Hornachcros  mieux    Ben    Abou    Bcker.    Ce    marabout 

dans  Salé-le-Neuf  et  leur  tentative  contre  dilaïte,  dont  le  nom  complet  était  Moham- 

la  kasba  avec  l'appui  de  El-.Vyachi.  mcd    ben    Abou  Bcker,  mourut  en    1637. 

I.   Sur  ce  secours,  V.  i''' Série,  Angle-  Mais  ce  nom  de  Bcnbouqucr  a  été  applique 

lerre,  Journal  de  Robert  Blake,   i638-i639  à  tort  par  les  Chrétiens  à  son  fils  qui  s'appo- 

ct  Espagne,    i638  paxsi-n.  —  L'envoi  de  lait  en  réalité  Mohammed  cl-Hadj,  nom  que 

cinq  cents  hommes  n'est  mentionné  ni  par  lui  donnent  tous  les  chroniqueurs  arabes. 

Robert  I51ake   ni  par  les  documents  cspa-  V.    suprn.    Introduction    critique   p.    "177, 

gnols.  note  2.  C'est  de  ce  dernier  que  veut  parler 

a.   Sur  les  compLtitions  dont  Salé  était  ici  Gaspard  de  KaAtin. 


586  i6  JUILLET   iR.Sq 

cens  lieues  de  pais  à  leur  sujetlion,  ledict  Benboucjuer  liiv  fut  au 
rencontre  avec  partie  de  ses  gens,  et  le  vingt-sixiesnie  du  mesme 
mois'  se  rencontrèrent  à  un  lieu  nommé  Iluet  ol-IIabil  "  ou  Rivière 
des  Noirs,  là  oîi  le  Roy  fut  entièrement  défait  et  perdit  la  pluspart 
de  ses  hommes,  toute  son  artillerie  et  bagage,  là  oii  il  y  avoit  de 
grandes  richesses,  tant  en  meubles  que  joyaux,  que  argent  contant, 
et  eut  de  la  peine  de  se  sauver  avec  quatre  cens  ou  cinq  cens  hommes 
des  siens  à  Maroc. 

Depuis  la  perle  île  hidicte  ijataille  le  roy  de  Maroc  ne  s'est  pu 
refaire  pour  dresser  une  autre  armée,  et  s  est  contenté  de  se  tenir 
aux  environs  de  Maroc  avec  une  petite  armée  volante  pour  empes- 
cher  la  couche  '  des  Alarbes.  Pendant  ce  temps,  le  susdict  Mohamel 
Layassy,  ayant  pourveu  au  siège  du  chasteau  de  celle  ville,  fut 
contre  Muley  Amel,  frère  aisné  du  roy  de  Maroc  '.  qui  estoit  aux 
environs  de  Fex  avec  une  grande  compagnie  d  Alarbes  appeliez 
Agaanez  "  et  Charaques  °  (estans  tous  les  Alarbes  de  ce  païs  départis 
en  générations  ou  familles  qui  ont  chacune  leur  nom  particulier) 
qui  l'avoient  recueilly  pariny  eux  (après  qu  il  fui  défait  et  chassé  par 
le  roy  de  Maroc  son  frère),  et  qui  lenoient  ladicte  ville  de  Fez  de 
fort  près.  Et,  au  premier  rencontre,  ledict  Layassi  fut  défait  '  :  mais 
il  se  remit  sus  dans  huict  jours  avec  plus  de  force  qu'auparavant, 
et  alla  de  rechef  contre  ledict  Muley  Amet,  e*  le  poursuivit 
deux  ou  trois  journées  de  païs,  et,  l'ayant  serré  entre  des  mon- 
tagnes, il  le  contraignit  de  se  remettre  entre  ses  mains  avec  partie 
desdicts  Alarbes,  sous  quelques  conditions  qu'ils  firent  ensemble, 
là  où  il  est  encor,  ledict  Layassy  se  voulant  servir  de  luy  pour  l'op- 

I.   Du  mesfti-;  mofe.  Si  l'on  s'en  rapportait  2.   //ii('(  er//a6i7.  Oued  el-Abid. 

au  texte,  ce  «  mesme   mois  »   serait  celui  3.   La  couche,  erreur  de  copiste;  il  faut 

de  juillet,  le  seul  désigné  plus  haut,  mais  rétablir  :  la  course. 

il  y  a  tout  lieu    de   supposer  que   Rastin  4.   Ce  prince,  fils  d'une  négresse,   avait 

croit  avoir  déjà  parlé  d'un  mois  postérieur  été  écarté  du  trône  à  cause  de  ses  vices  et  de 

à  juillet.  En  réalité,  d'après  Robert  Blake  sa  mauvaise  conformation.  V.  /'"'Série,  .\n- 

qui  était  présent  à  la  bataille,  celle-ci  eut  gleterre,  27  mai  itiSfi;  etsupra,  p.  363  n  2. 

lieu  le  16/26  octobre  1 638.  On  remarquera  5.   Agaane:.     coquille    anagrammalique 

que  le  quantième  donné  par  Robert  Blak*^  pour  Zenaga. 

est  identique   à  celui   de    Rastin.   Sur  les  6.    Charaques,  Chcraga. 

détails  très  intéressants  de  cette  bataille,  7.   Sur  cette  défaite   de    El-Ayachi,  cl. 

Cf.  i"  Série,  .Angleterre,  Journal  de  Robert  /"  Série.    Angleterre,     Lettre    de   Robert 

Blake.    leSS-iôSg.  Blakc.  3  août  i63S. 


LETTRE     HK    r.ASPAHII     DI"     H  ASTIN     A     niCHELIEU  087 

poser,  en  cas  de  besoin,  contre  le  roy  de  Maroc  son  frère  ;  mais  il 
est   plustosl  tenu    en   qualité  de  piisonnier  que  de  prince   libre. 

Après  ce,  ledict  Layassy  revint  en  cette  ville,  oii  il  est  depuis 
(|iialre  ou  cinq  mois,  faisant  continuer  le  siège  du  Cbasteau  ;  et  a 
fait  baniiH-  le  reste  des  Andaloux  (jui  estoient  restez  en  cette  ville 
et  à  celle  de  Çalé-le-Vieux,  hors  quelques  peu  dartisans.  desquels 
ces  deux  villes  ne  peuvent  se  passer.  Mais,  quoyquc  ledict  cbasteau 
ri'ayt  point  eu  de  secours  du  roy  dEspagne  depuis  le  susdict,  le 
roy  de  Maroc  ne  luy  a  faiet  faute  d'aucune  chose,  ayant  eu  lentrée 
de  la  nier  libre,  se  servant  pour  cet  cITect  de  (jnelques  navires  mar- 
chands (jui  vont  à  Sally  et  des  caravelles  et  saities  que  le  roy  d'Es- 
pagne tient  à  Ma/agan,  colonie  des  Portugais  entre  Safv  et  cette 
ville.  Mais  à  présent  il  y  a  quelque  temps  qu'il  n'y  est  entré  aucun 
secours,  et  dans  peu  de  temps  on  verra  ce  qu  on  fera,  car  ils  ne 
peuvcnl  plus  eslre  avitadlez  cjue  par  de  grands  navires,  à  cause  que 
ledict  Lavassi  a  faict  venir  de  Toutouan  une  saitie  et  une  caravelle 
et  quatre  frégates,  qui  se  tiennent  au  devant  la  bari'e  dudict 
cbasteau  et  empeschent  (|ue  leurs  vesseaux  '  n'en  peuvent  sortir. 
Et  tant  qu'ils  seront  avitaillez,  asseurement  ne  se  rendront 
point. 

El,  pour  ce  (|ue  j'avois  escrlt  à  \.  E.  (pi'il  y  avoit  apparence 
(|u'ils  se  rendroient  plustost  au  roy  d'Espagne  qu'audict  Layassi, 
l'opinion  s'en  est  passée,  pour  avoir  esté  les  deux  reniés  françois, 
desfpicls  je  vous  avois  escrit,  et  cpielques-uns  des  Andaloux  rap- 
peliez par  le  roy  de  Maroc",  les  soldats  duquel  n'ont  voulu  con- 
descendre aux  propositions  que  faisoient  les  Andaloux.  et  y  a  pensé 
avoir  de  la  rumeur  audict  cbasteau  à  ce  sujet,  [à  ce]  qu'en  disent 
rpielcpies  captifs  qui  se  sont  sauvez  d'iceluy  en  celte  ville,  lesdicts 
soldats,  (pai  sont  originaires  de  c'C  pais  et  de  la  province  de  Sus,  disant 
(pi'ils  aiment  mieux  rendi'c  la  place  à  l'extrémité  audict  Layassy 
cpii'  non  pas  au\  cbrestiens.  qui  sont  ennemis  de  leur  religion.  Si 
ledict  cbasteau  vient  au  pouvoir  dudici  Layassi,  il  sera  le  plus 
puissant  seigneur  qui   soit  en   ce   pais  de   liarbane,  à   cause  de   la 


[.    Vesseaux.  le  texte  porte  :  bestiaux.  (Sur  ce  persoiuiajrc  \.    p.    /i5i,    note    i). 

2.   Il  faut  entendre  que  les  deux  reniés        favorisaient    la    cause    espagnole,    ce    qui 
français,    dont   l'un  était    Moral    l'Vançois        avait  motivé  leur  rappel. 


588  i6  JUILLET  1689 

jouissance  de  ce  port,  qui  se  remplira  aussitost  de  pirates,  comme 
autresfois  a  esté',  qui  faisoienl  une  infinilé  de  maux  aux  marchands 
et  autres  navigans.  au  grand  détriment  du  commerce. 

Et  si  V.  E.  trouvoit  à  propos  de  faire  quelque  ouverture  de  paix 
avec  ledict  Cidey  Mohamet  Layassi,  afin  qu'estant  une  fois  maistre 
de  ce  port,  les  François  n'en  receussent  point  de  dommage,  il  seroit 
aysé  d'en  faire  l'ouverture,  et  ledict  s'  Layassy  y  eutendroit  volon- 
tiers, car  il  a  quelque  inclination  pour  les  François;  laquelle  paix 
seroit  beaucoup  mieux  observée  qu'elle  n'estoit  avec  les  Andaloux, 
puisc[u  on  nauroit  à  faire  qu'avec  un  homme  seul,  et  non  avec  une 
multitude  de  peuple  qui  commande  absolument.  Et  quand  ce  ne 
seroit  que  pour  le  respect  du  mal  que  peuvent  faire  ces  corsaires  qui 
à  1  advenir  pourroienl  esfredans  ce  port,  ladicte  paix  seroit  utde  pour 
le  négoce  qui  se  pourroit  dresser  en  ce  pais.  Car  il  s  y  peut  faire  une 
gi'ande  traite  pour  s'estre  descouverte  depuis  liuict  mois  une  mine 
de  très  fin  estain  en  cedict  païs  à  une  lieue  de  celle  ville  au  dedans 
la  terre,  qu'on  estime  meilleur  que  celuy  d'Angleterre  ^  laquelle 
est  si  abondante  en  ce  mestail  qu'elle  donne  plus  de  cinquante 
pour  cent  et  contient  plus  de  huict  lieues  de  contour,  enclavant  en 
soy  quatre  ou  cinq  montagnes  en  toutes  les  parts  desquelles  se 
trouve  ledict  mestail,  et  au  fond  dicelles  se  faict  un  torrent  qui 
demeure  à  sec  tout  l'esté,  tout  le  gravier  duquel  n  est  autre  qu'es- 
tain.  Le  s'  Jean-Baptiste  Le  Gendre',  marchant  de  Houen.  por- 
teur de  cette  lettre,  qui  est  venu  en  traite  en  cette  ville,  emporte 
une  partie  de  mil  quintaux  et  quelque  peu  de  la  terre  duquel  on 
le  tire  pour  monstrer  en  France,  tellement  que,  par  le  moien  de 
celte  traite,  la  France  se  pourroit  passer  de  l'Angleterre  et  se  pour- 
voir dudicl  estain  à  beaucoup  meilleur  compte,  et  en  troque  des 
marchandises  de  la  France,  lesquelles  sont  de  bonne  débite  en  ce 
païs. 

Ledict    traité  de  paix  se   pourroit    ouvrir  par  quelque  honneste 


1.  Si  l'on  s'en  rapporte  à  celle  phrase  3.  Sur  la  famille  Le  (icnilre.  V.  Inlro- 
de  G.  de  Rastin,  il  faut  supposer  tjuc  la  duction,  nolice  biographique.  On  a  vu 
piraterie  avait  cessé  à  Salé  pendant  quel-  ci-dessus,  p.  554,  que  .Jean  Baptiste  Le 
ques  années.  Gendre     se    trouvait    en    juillet     i638    à 

2.  On  sait  que  le  minerai  d'étain  se  Safi,  occupé  à  des  opérations  commer- 
lirait  presque  exclusivement  de  Cornouaille.  ciales. 


LETTRK     DE    GASPARD    DE    RASTIN    A     lUfllEl.lFl-  o8q 

marchanl  qui  fusl  i'X|)cil  aux  affaires  de  ce  pais,  couiuic  est  le  sus- 
(lict  s'  Le  Geudre,  lequel,  avec  un  adveu  de  Sa  Majesté  et  de  ^  ostre 
Eminence,  pourroit  liailer  ladicte  paix,  sans  que  Sa  Majesté  fust 
obligée  à  faire  les  frais  (|ui  se  soni  faits  autresfois  aux  e(|uipages  des 
navires  que  Sadicte  Majesté  y  a  envoyées  ;  à  (|uoy  je  m'eiuployeiay, 
si  Sa  Majesté  et  vous,  Monseigneur,  me  fassiez  l'honneur  dem'em- 
ployer,  avec  l'affection  que  je  doy  au  service  de  Sa  Majesté  et  de 
^  .  E.  Toute  la  difficulté  (jui  s'offriroit  en  cette  affaire  seroit  la  re- 
laxation des  captifs  françois  qui  sont  encor  icy',  qui  peuvent  estre 
environ  cent  cinquante',  lesquelzledict  Layassy  feroit  donner  pour 
le  prix  qu  ilz  ont  esté  vendus  ;  et.  quand  on  ne  pourroit  s'accorder 
en  ce  chef  et  que  Sa  Majesté  n'eust  agréable  d'en  donner  le  paie- 
ment, on  en  pourroit  convenir  par  un  escliange  des  Mores  de  ce 
pais  qui  sont  en  France. 

Jay  advisé  par  toutes  mes  précédentes  de  la  façon  que  j  estois 
demeuré  engagé  de  deçà  pour  les  captifs  (.\ue  M'  Du  Cliialard  em- 
mena en  France  en  son  dernier  voyage  en  ces  costes,  à  condition 
de  les  payer  dans  six  mois  avec  les  autres  qui  demeurèrent  icy  sous 
sa  caution  et  pleigenient  de  la  mort  et  fuite,  et  pour  lesquelz  il  me 
lit  obliger  solidairement  avec  luy '.  Je  réitère  à  présent  mes  très- 
humbles  supplications  à  \.  E.,  vous  sii|)plianl  très-humblement. 
Monseigneur,  de  vouloir  avoir,  s'il  vous  plaist,  compassion  de 
inoy  et  conunander  que  je  sois  retiré  de  ce  pais,  car  il  n'est  pas 
raisonnable  qu'ayant  donné  liberté  par  1  obligation  que  je  passay 
solidairement  avec  ledict  s'  Du  Chalard  à  quarente  François  captifs, 
que  ledict  sieur  emmena,  je  perde  la  mienne. 

Lesquelles  debles  se  montent  à  huict  mil  sept  cens  quarente  du- 
cats, monnoye  de  ce  pays  de  Barbarie,  sçavoir  cinq  mil  cinq  cens  et 
trois  ducats  pour  les  captifs  ([ue  ledict  s'  emmena  fiez  ' ,  commej'ay  dit 
cy-dessus,  et  trois  mil  deux  cens  li'enlc-se[)t  ducats  pour  la  fuite  ou 

I.    Il  s'agit  de  ceux    des   captifs  que  Du  <li'l  litre  en  rcalité   de  278  au   lieu  de  iSo. 

Clialard  n'avait  pu  raclieter  en  i635  faute  11  faut  admettre  que  la  différence  provient 

de  fonds.  V.  supra,  p.  ^91  et  notes  3  et  4.  soit  de  nouvelles  évasions,   soit  de  morts, 

j..   On   a  vu  que   Du   Clialard  en    i635  soit  de  rachats  particuliers, 
avait  laissé  à  Salé  333  captifs  (Doc.  LXWII,  3.   Sur  les  conventions  dont  parle  ici  Gas- 

p.  5o.^).  et  que  soi.vanto  s'étaient  évadés  au  pard  de  Rastin,    Cf.   ci-dessus  Relation  de 

cours  des  années  iGSCi  et  i63- (Doc.  .\CIV',  Jean  Marycs,  pp.  537-538. 
pp.  53"  et  539)  ;   le  nombre  restant  aurait  '1.   Fie:  c'est-à-dire  :  remis  sur  parole. 


5qO  16     .UMILFT      iH^CJ 

mort  de  ceux  qui  csloicnt  demeurez  icy  sous  ladicle  liauce',  pour 
lesquelz  Sa  Majesté  promit,  par  ses  royalles  lettres  qu'elle  envoya 
par  un  exprès  par  voye  de  Marseille^  d'accomplir  le  paiement  con- 
forme à  l'accord  fait  à  son  nom  avec  ledict  s'  Du  Chalard.  et 
moyennant  qu'on  luy  aceordast  le  delay  qu'elle  demandoit.  me 
commandant  d  en  faire  instance  en  son  nom,  ce  que  je  fis  avec 
l'aflection  que  je  doibs  à  S.  E.,  qui  fut  en  cela  satisfaicte  comme 
elle  de  si  roi  t  ^ 

Mais  ledict  terme  estant  expiré,  sans  avoir  1  efTect  de  ce  que  Sadicte 
Majesté  avoil  promis.  Dieu  sçayl  la  peine  en  quoy  je  me  trouve, 
laquelle  seroit  esté  encor  plus  grande,  si  la  guerre  ne  fust  survenue 
en  cette  ville,  qui,  à  la  fin,  a  ruiné  les  Andaloux  et  les  a  assujetti 
audict  Cidy  Mohamct  Layassy,  ainsi  que  particulièrement  et  de 
temps  en  temps  j'ay  ad  visé  \.  E.  A  présent,  je  ne  me  trouve  pas 
moins  pressé  par  ceux  à  qui  il  est  deub,  qui  sont  presque  tous  Or- 
nacheros  et  par  conséquent  fort  amis  de  Layassy. 

Que  si  vous.  Monseigneur,  n'avez  compassion  de  moy,  je  suis 
pour  périr  misérablement  en  ce  pais ',  pour  n'avoir  moien  de  payer 
si  erande  somme. 

J'envoye  au  R.  P.  Léonard  de  Paris"  un  caycr  où  sont  coppies 
de  quelques  lettres  que  ledict  s'  Du  Clialard  mescrivit,  lors  qu'il 
estoit  en  cette  rade^,  par  lesquelles  il  appert  que  je  m'obligeay  à  sa 


1.  On  voit  que  G.  de  Rastiii,  dans  la 
négociation  relative  au  rachat  des  captifs, 
avait  contracté  une  obligation  solidaire 
avec  Du  Chalard,  mais  cette  obligation  ne 
portait  pas  sur  la  totalité  de  la  somme.  Le 
vice-consul  s'était  engagé  pour  5  5o3  ducats 
de  Barbarie  représentant  la  rançon  de  qua- 
rante captifs  français,  et  il  paraît  en  outre 
avoir  cautionné  les  333  esclaves  laissés  en 
liberté  sur  place  à  Salé.  Or,  par  suite  des 
morts  et  des  évasions,  cette  caution  s'élevait 
en  iGSg  à  3  23^  ducats,  qui,  avec  les  5  5o3 
ducats,  montant  de  sa  première  obligation, 
faisaient  un  total  de  87^0  ducats.  Cette 
charge  était  écrasante  pour  Rastin  et  il 
mourut  avant  de  s'être  acquitté.  Henri 
Prat  en  l0i3  dut  payer  tout  ou  partie  de 


la  dette  pour  pouvoir  jouir  des  droits  de 
son  consulat. 

2.  Sur  la  mission  confiée  à  cet  «  exprès  » 
par  le  commissaire  Claude  Luguet,  d'après 
les  instructions  de  Kichelieu,  V.  supra. 
Introduction  critique,  p.  558. 

3.  Cf.  ci-dessus  Relation  de  Jean  Marges, 
p.  537. 

!l.  Ce  fut  en  effet  le  sort  de  Gaspard  de 
Rastin  qui  mourut  à  Salé  en  i6'i3. 

5.  Le  P.  Joseph  était  mort  le  18  décem- 
bre i638  et  le  P.  Léonard  de  Paris  l'avait 
remplacé  comme  gardien  du  couvent  de 
Saint-ÏIonoré. 

6.  On  peut  déduire  de  ce  passage  et  de 
celui  ci-dessous  dans  lequel  Rastin  parle  de 
In   lettre  qu'il  eut  r<  l'honneur  de  recevoir 


LETTRE    DE     GA?PARr>     DE     RASTIN      \     RICHELIEC  5()  1 

prière  et  réquisition,  de  laquelle  obligation  il  nie  prunat  me  relever 
et  indemniser  en  son  propre  ;  et,  avec  icelles,  coppie  de  la  lettre  que 
j'eus  l'honneur  de  recevoir  de  Sa  Majesté  et  partie  des  obligations 
signées  par  le  susdict  s''  Du  Cliaillard.  Que  si  V.  E.  daignoit  jeller 
les  yeux  sur  ledict  cayer,  je  ne  doute  point  qu'elle  ne  cominandast 
que  lesdictes  debtes  fussent  acquittées  et  moy  délivré,  en  faisant 
donner  cette  partie  de  rargcni  des  auiviosnes  qui  se  sont  r(>cueillies 
par  la  France  pour  la  rédemption  des  captifs  à  quelque  marchand 
(}ui  s'obligeast  de  le  faire  tenir  par  deçà  et  me  retirer,  pour  m'aller 
jetter  aux  pieds  de  V.  E.  et  prier  tous  les  jours  de  ma  vie  pour  la 
continuation  de  sa  grandeur  et  [)r()sperilé,  de  la  mesme  all'erlion 
que  je  suis, 

Monseigneui-, 
Nosfre  ti'ès-afTectionné.  très-lnnnhlc  el   Irès-obéissant   servilciir. 

Signé:  De  Uastin. 
A  Calé,  ce  i  G  juillet  iG3() 

Bibliolhèqae  Nationale.  —  Fonds  français.  —    V'^  de  (lolberl,  vol.  ^i7). 
(!'.    ^iU9  v"-^.')^.  —  Copie  du  xvn"  siècle. 

de  S.  -M.  »  que  G.  de  Rasliii  ii'élait  pas  Vy  avait  précédé.  11  dut  y  arriver  en  i034 
venu  y  Salé  avec  Du  Chalard  en  i635  niais         après  le  départ  de  (^abiron. 


592  l642 


cil 


RELATION   D  UNE  RÉDEMl'TlUN  DE  CAPTIFS  A  SALÉ 


(1642') 


Titre  de  départ  :  La  célèbre  rédemption  de  quarante-un  chres- 
liens  caplil's,  faicle  en  la  ville  de  Salé,  au  royaume  de  Mauritanie. 

Arrivez  »k  receus  au  couvent  des  Mathuriiis  de  Paris,  le  22  dé- 
cembre 1G42. 

Le  27.  donc  de  juin  de  la  mesme  année  ili^i.  il"  renouvella, 
ou  pluslost  confirma  la  commission  qu'il  avoit  auparavant  donnée, 
avec  association  d'un  des  Pères  de  l'Ordre,  au  R.  P.  Frère  Jean 
EscoIRé',  ministre  de  la  maison  de  riionneur  de  Dieu,  près  Cbel- 
les,  &  le  renvoya  aussi  tost  à  Marseille  pour  négocier  celle  quatrième 
rédemption. 

Combien  que  ce  R.  Père  Escoffié  ait  une  grande  expérience  jointe 
à  la  connoissance  nécessaire  en  telles  alTaires,  À:  que  sa  prévoyance 
ait  tousjours  mis  en  asseurance,  mesme  dans  le  plus  grand  fort  des 
hazards,  ik  ses  desseins  &  les  deniers  dont  il  estoit  chargé  pour  une 
telle  affaire,  il  ne  luy  a  pourtant  pas  manqué  nouvel  exercice,  en 
cette  rechaige  de  commission. 

C'est  pourquoy  ce  R.  Père  a  esté  contrainct  de  manier  sa  négo- 
ciation, par  l'accommodement  forcé  de  ses  intentions  au  rencontre 

I.   Ce  documenl(Y.  in/ra,  p.  094,  note  2)  l'ordre  de  la  Trinité. 
a  ("te  publié  on  i6/i3,  mais  tous  les  événe-  3.  Ce  père  avait  accompagné  le  P.   Dan, 

nients  qu'il  relate  ont  ou  lieu  en  iG^ï-  lors  d'un  voyage  de  rédemption  failà  Alger 

a.    //.    le  P.    Louis    Petit,    supérieur  de  et  h  Tunis  en  i634-l635.  V.  Dax,  p    l\\ . 


RELATION     DUNE    REDEMPTION     DE    CAPTIFS    A     SALÉ  b()3 

des  personnes,  qui  n'y  avoient  autre  condescendance  que  pour 
grossir  la  masse  de  leurs  interests  par  quelque  tromperie  couverte, 
ayant  plus  de  saloure  de  mer  dans  le  corps,  que  d'humanité  dans 
le  cœur.  Tous  accords  sont  suspects  avec  gens  de  mer,  de  bois  & 
de  montagnes,  et  à  cause  <iu  soupçon  fondé  en  expérience,  l'on 
passe  les  mois  ik  les  ans  sans  rien  arrester  avec  eux  qu'une  pro- 
vision d'irnpalience.  Joint  ([ue  1  infidélité  naturelle  des  Fiarljares, 
trop  l)ien  reconnue,  donne  la  torture  à  mil  pensées  qui,  du  parterre 
de  l'imagination,  regardent  les  traittez  que  l'on  veut  faire  aA'ec 
eux. 

Enfin  pourtant  le  grand  Dieu,  satisfait  de  la  constance  que  l'on 
apporte  ez  œuvres  qui  le  regardent,  iS:  laisé  '  delà  mauvaise  foy  de 
telles  gens,  manie  des  ressorts  inconneusà  tous  dans  sa  divine  Pro- 
vidence, qui  nous  nécessitent  à  croire  par  les  effects  que  c'est  luy 
seul,  lV  non  un  autre,  qui  fait  réussir  les  affaires,  quand  on  y  espère 
le  moins,  «k  nous  monstre  ensuite  que  les  hommes  ne  sont  que  des 
tourbillons  de  témérité,  des  bancs  d'inconstance  &  des  idoles  de 
vanité. 

C'est  toujours  beaucoup  gaigné,  quand  le  long  temps  n'est  pas 
tout  à  faict  perdu.  &  que  l'on  relire  l'interest  de  son  cours  par 
(|uel(jue  salisl'action  d'all'aires.  Le  H.  Père  Escoffié  ayant  traitté 
pour  faire  le  rachact  en  la  ville  de  Salé  au  royaume  de  Mauritanie, 
la  barque  à  la  voile  passe  heureusement  le  dcstroit  de  Gibraltar,  & 
arrive  à  Salé  sans  mauvaise  rencontre.  Le  rachapt  s'y  faict  de  qua- 
rante-un Chrestiens  captifs,  qui  servoicnt  en  ce  lieux-là  une  misé- 
rable servitude  (S:  peut-estre  la  plus  dure  de  toute  la  Barbarie. 

La  barque  estant  chargée  de  ces  sainctes  despouilles,  reprend  la 
route  de  son  retour  pour  Marseille.  La  joye  de  cette  liberté  ne  dura 
pas  beaucoup,  mais  c'est  la  condition  des  choses  humaines,  la 
crainte  accompagne  toujours  l'espérance,'  &  la  tristesse  suit  la  ré- 
jouissance de  plus  près  que  l'ombre  le  corps.  Ayant  rejjassé  le  des- 
Iroit  &  estant  rentrez  dans  la  mer  Méditerranée,  elle  ne  singla  pas 
longtem|)s   f[u'cllc  se  trouve  attaquée  des   corsaires  d  Alger".  &  la 

1.  Laisé.  Il  faut  rétablir:  lassé.  portent  presque  toujours,   soit  à  aller,  soit 

2.  Les  récits  do  rédemption,  ayant  sur-  au  retour,  une  tempête  et  une  attaque  de 
tout  pour  objet  l'édification  du  lecteur,  sont  corsaires,  périls  auxquels  le  navire  échappe, 
composés  sur  un  modèle  uniforme  et  com-  grâce  à  de  miraculeuses  interventions. 

De  Castkies.  III.   —  38 


charge  presque  engagée  à  une  nouvelle  captivité,  si  Dieu,  auquel 
tout  le  recours,  &  la  Saincte  Vierge  sous  le  titre  du  Remède,  pro- 
tectrice des  captifs,  n'eussent  rendu  cette  attaque  nulle,  par  la  géné- 
reuse résistance  qu'ils  inspirent  à  ces  nobles  athlètes  du  théâtre  de 
Jésus-Christ,  qui  se  trouvèrent,  sans  armes,  capables  de  captiver 
ces  corsaires  armez.  Mais,  estant  destinez  à  la  plaine  jouissance  de 
la  liberté,  qui  leur  estoit  acquise  au  nom  de  la  Très-adorable  Tri- 
nité, ils  se  trouvèrent  avoir  relasché  à  Barcelone  en  Catalogne  ;  & 
de  là  les  vens  conspirans  à  leur  bon  sauvement,  de  l'authorité  de 
celuy  qui  les  retient  &  les  lâche  à  son  obéissance  quand  il  veut,  ils 
arrivèrent  tous  joyeux  au  port  de  Marseille  le  22  du  mois  de  novem- 
bre 16/Î2  '. 

Bibliothèque  Nationale.  —  Imprimés.  Ld  ^3,  n°  18.  pp.  11-16-. 

1.  La  relation  s'achève  par  le  récit  du  rédemption  des  XLl  clirestiens  captifs,  f aide 
voyage  de  Marseille  à  Paris  où  les  captifs  de  l'authorité  du  reverendissime  P.  General 
arrivèrent  le  22  décembre  et  de  la  procès-  de  tout  l'ordre  de  la  Saincte  Trinité  ^  Re- 
sion  solennelle  qui  eut  lieu  dans  la  ville  à  demption  des  captifs,  en  la  ville  de  Salé,  au 
cette  occasion.  A  la  fin  se  trouve  la  liste  des  royaume  de  Mauritanie,  arrivez  ^  receus  au 
quarante  et  un  esclaves  rachetés,  avec  l'in-  couvent  des  Mathurins  de  Paris  le  vincjt- 
dication  de  leur  âge  et  de  leur  pays  d'ori-  deuxi'eme  décembre  1642.  —  A  Paris  cliez 
gine.  Julian  Jacquin,  rue  des  Massons,  pr'es  Sor- 

2.  Le  titre  de  la  plaquette  est  :  La  célèbre  bonne  M  DC.XLUI. 


AVIS    DE    LANIEU 


5f)5 


cm 


AVIS  DE  LANIER' 


Lisbonne,  i<''juin  i6i3. 


En  tête  :  A  Lisbonne,  ce  i"  juin  i643. 


On  a  eu  nouvelles  aussy  de  Mazagan  en  Afrique,  d'où  le  senor 
Ruy  de  Moura  Telles  est  gouverneur",  où  il  y  a  eu  grand  combat 
contre  les  Maures  infidelles,  dont  grand  nombre  est  demeuré  sur 
la  place,  sans  que,  des  Portugais  chrestiens,  il  y  soit  demeuré  que 
ih  personnes. 


Archives  des  Affaires  Etranr/ères .  - 
litique.   Vol.  2./.  12!).  —  Orit/imit. 


Portai/al.   —  Correspondance  po- 


I.  François  Lanitr,  sieur  de  S'''-Gem- 
mes-sur-Loire,  conseiller  du  Roi  en  ses  con- 
seils d'Etat  et  privé  en  1629,  maître  des 
requêtes,  envoyé  comme  ambassadeur  aux 
Grisons  (3o  décembre  1635),  rappelé  sur 
sa  demande  en  ifiSG,  obtient  en  i6'iO  la 
cbarge  d'intendant  de  justice,  police  et 
finances  dans  les  provinces  de  Bretagne  et 
d'Anjou.  Lanicr  alla  en  Portugal  en  i6/(i 
et  y  resta  jusqu'en  i643,  sans  caractère 
officiel.  De  i64<)  à  1648  il  retourna  dans 
ce  pays  comme  «  envoyé   pour  le  service 


de  Sa  Majesté  vers  le  roy  de  Portugal.  » 
Par  lettre  d'avril  lôiJG  sa  terre  de  S'"- 
Gemmes-sur-Loire  fut  érigée  en  baronnie 
en  considération  de  ses  services.  Fran- 
çois l.anier  mourut  à  Angers  le  10  février 
1O76.  Cf.  AJf.  Elr.  —  l'nrtiiijal,  Corrcsp. 
pol.  Vol.  i.f.  Hgs.  Vol.  2,  ff.  8g.  3o0  el 
Vnl.  .?.  /.   0,8.  — 

2.  11  avait  succédé  à  Vlartim  Correa  da 
Silva,  le  22  novembre  iGl'i2.  11  fui  remplacé 
comme  gouverneur  par  U.  JoàoLuiz  de  Vas- 
concellos  c  Menezes,  le  10  novembre  lO^S. 


696  2  A    AOUT    i6/î3 


CIV 
RELATION  ANONYME  DU  SOULÈVEMENT  DE  TANGER 

2li    AOUT     l6/i3' 

Le  I"  décembre  i64o,  profilant  des  embarras  où  se  trouvait  la  cour  d'Es- 
pagne en  guerre  avec  la  France  et  aux  prises  avec  la  Catalogne  révoltée,  les 
Portugais  s'étaient  déclarés  indépendants  et  avaient  élu  pour  roi  le  duc  de 
Bragance  sous  le  nom  de  Jean  \\ .  Les  colonies  suivirent  presque  toutes 
l'exemple  de  la  métropole.  Ce  fut  le  cas  de  la  fronteira  de  Mazagan  -  qui  ac- 
clama avec  enthousiasme  le  souverain  national  monté  sur  le  trône  de  D.  Ma- 
nuel. Les  villes  de  Tanger  et  de  Ceuta,  dont  les  sentiments  pour  le  nouveau 
pouvoir  ne  faisaient  aucun  doute,  se  trouvaient  dans  une  situation  plus  difficile 
pour  les  manifester  à  cause  du  voisinage  de  l'Espagne.  Cependant  le  2^ 
août  iti43  les  Portugais  de  Tanger  se  soulevèrent  contre  leur  gouverneur  D. 
Rodrigo  da  Silveyra  et  proclamèrent  le  roi  Jean  IV.  Seule  des  anciennes  fron- 
teiras  portugaises,  la  place  de  Ceuta  fut  conservée  à  l'Espagne  par  son  gouver- 
neur D.  Joào  Soarez '.  Une  fois  soustraite  à  la  domination  de  Philippe  IV,  la 
ville  de  Tanger  éprouva  de  grandes  difficultés  à  se  ravitailler  :  non  seulement 
la  Hotte  espagnole  croisait  dans  le  Détroit  pour  intercepter  toute  communication 
entre  le  Portugal  et  la  place  alfamée,  mais  on  y  voyait  encore  les  vaisseaux  de 
l'Angleterre  et  de  la  Hollande  qui,  au  courant  de  la  situation  précaire  de  Tanger, 
avaient  aussi  des  visées  sur  cette  place.  Les  Maures  d'autre  part  occupaient  la 
campagne  et,  sous  la  conduite  de  El-Gliaïlan,  harcelaient  la  garnison  par 
d'incessantes  attaques. 

En  tête,  alla  manu  :  Rebelion  de  Tanjar.  —  Agosto  2/1,  t643. 

Relaçâo  do  que  succdeo  iiesta  cidade  de  Tangere  da  aclamaçâo 
que  se  lez  nella  em  2/1  de  Agoslo.  —  Inviadu  daquella  cidade  por 

I.   Bien  que   le  dernier  fait  mentionné  2.   Le  gouverneur  do  Mazagan  était  alors 

dans  cette  relation   soit  du    i4   décembre  D.  Martim  Correa  da  Silva  ;  il  avait  succédé 

1643  (V.  infra,  p.  601),  il  a  paru  préférable  dans  ce  commandement  à  l'Infortuné  comte 

de  publier  à  cette  place  ce  document  non  de  Gastello  Novo. 

daté   et  consacré   presque  entièrement  au  3.   Sur    ce  personnage,    V,    infra.    Doc. 

récit  du  soulèvement  de  Tanger.  CXXllI,  p.  (347. 


RELATION    ANONYME    DU     SOULÈVEMENT    DE    TANGER  Sq^ 

Teluâo  a  esta  ao  beneficiado  Ignacio  da  Costa,  criado  do  bispo  que 
nesta  praça  esta  ' ,  vinda  ao  Marques  de  Miranda  no  masso  das  cartas. 

Dous  meses  anles  desia  aclamaçiîo,  se  traloii  entre  muitos  mora- 
dorcsdcsta  cidade.  pessoas  nobres  c  principaes,  com  effeito  se  resol- 
verâo  a  ganhar  a  fortaleza  do  castello  e  prenderem  ao  Conde  das 
Sarcedas^  gênerai  que  foi  desin  força  por  el  Rey  Dom  Pheb'ppe, 
lendose  por  couza  milagroza  que,  em  tempo  de  dous  annos^,  se 
nâo  soubese  do  determinado,  estando  este  segredo  entre  cento  e 
oitenta  homens,  sem  aver  aviso  nenhum  ao  gênerai  :  e  sospeitan- 
doseque  sesaberia,  sendo  que,  conforme  se  diz,  estava  este  segredo 
a  entre  muitas  molheres  divulgado  e  meninos,  receosos  de  tan 
grande  crime,  se  resolverâo  vespera  de  Sâo  Bertolameo  très  horas 
antes  da  menliâ.  sendo  que  desde  prima  noite  se  avisarâo  huns  aos 
outros  para  o  ta!  effeito.  e  se  hiâo  liindo  ao  Convento  recolherse 
para  de  alli  sahirem  ao  effeito  a  que  biâo  apolidados  por  Dios,  pois 
era  o  resgatar  esta  cidade  de  tantas  incomodidades  e  trabalhos  a 
que  estava  sogeita  com  tantos  casiigos  e  oprobrios,  que  se  forào 
inda  os  melhores  délia,  tomando  tanto  os  poderes  aos  homes,  que 
ja  se  nâo  podia  com  tanta  dilaçào. 

E  foi  o  caso  que.  recolliidos  todos  ao  Convento,  tendo  de  antes 
concertado  com  o  capilào  da  guarda  a  entrada  do  Castello,  ende 
elle  era  de  guarda  aquella  noite.  mandou  logo  guardas  a  prima  a 
porta  do  Castello.  para  que  pessoa  alguma  fosse  para  riba,  nem 
desese  para  baixo,  e  as  que  viesem  as  levasem  ao  Convento,  onde 
cstavâo  os  mais  adjuntos.  Estando  ja  tudo  posto  a  ordem,  se  sahi- 
râo  1res  boras  ante  menlià.  e  forào  pclla  praça  e  calsada  asima,  por 
nâo  sereni  vislos  das  vigias  do  Cliounso.  e  trepando  ao  Castello, 
cerrarâo  a  porta  délie,  |)or  (pianln  o  porleiro  délie,  (jui  era  Manoel 


1.  Col  pviîqiin  pst  nommi'  plus  loin  Sarzodas,  avait  succédé  à  Fernando 
i<  Dom  Gonçalo  »  ;  il  s'appelait  D.  (îon-  Mascarenhas  comme  gouverneur  de  Tanger 
çalo  da  Silva  ;  il  fut  évêque  de  Ccula  (i5  avril  1637).  l'our  l'attactier  à  la  cause 
de  i635  à  i6^f).  V.  Gams.  Séries  e.piscopo-  cliancelanle  de  l'I'îspagne,  Philippe  IV  le 
rum.  Cette  indication  permet  d'établir  que  nomma  en  i6io  marquis  de  Sovereira 
la  présente  relation  fut  adressée  de  Tanger  F(Tmoza. 

à  Ceuta  par  la  voie  de  Tétouan.  3.   Il  )•  a  plus  haut  :  dous  meses,  ce  qui  est 

2.  Rodrigo     da     Sylveira,    comte     das  beaucoup  plus  vraisemblable. 


BgS  2  4  AOUT   1643 

Diaz  de  Villalobos,  tinha  as  chaves,  era  tambem  da  junta,  serrarâo 
a  porta  délie,  e  dali  mandarâo  logo  que  trocasem  alva',  e  mandou 
o  capitâo  Francisco  Lopez  seu  filho  Afonso  d'Aranjo  com  doze  sol- 
dados,  os  mais  délies  estudantes,  que  se  pusessem  no  posto  das  Cone- 
jas,  e  outres  sobre  a  granja  do  Chouriso,  e  outros  a  porta  da  Fer- 
raria,  e  trepando  ao  Paço  com  os  dous  religiosos  e  arcediago  de 
Arzila',  sendo  que  eu  fui  o  quarto,  que  cheguei  per  me  avisarem  de 
noite,  trepando  pella  escada  do  Passo,  cliamarâo  pella  guarda  de 
dentro,  sendo  que  sem  acudir,  como  lodo  vinha  ordenado  pello 
ceo,  as  portas  da  sala  se  Ihe  abrierâo,  e  logo  forâo  ao  aposento, 
onde  estava  deitado  \  e  o  cliamarâo.  Abrioe  a  porta,  asigurandoo 
que  nâo  o  matariûo  ;  que  estava  alli  o  povo,  que  aclamava  el  Rey 
nosso  senhor  Dom  Joâo  por  su  rey  e  senhor. 

Elle,  tâo  terneroso  que  o  matassem,  logo  de  denlro  o  aclamou 
por  su  roy,  que  elle  sempre  no  seu  coraçâo  o  tivcrapor  seu  senhor, 
e,  abrindo  a  porta,  se  abraçarâo  com  elle,  e  o  prenderâo,  sendo 
que  levavâo  macliados  para  Ihe  abrirem  a  porta.  E  sayndo  fora  a 
marquesa  desmayada,  pedindo  a  matassem  antes  a  ella  que  o  Conde, 
Ihe  pedirâo  as  chaves  da  cidade  c  de  toda  a  sua  secretaria  ;  e  as 
entregou.  E  levandoo  a  galaria,  disserâo  que  nâo  queriâo  que  se 
prendese  alli  ;  e  levandoo  a  Torre  do  Sono,  o  trouxerâo  ao  corpo 
da  guarda,  onde  esteve. 

E  logo  todo  o  povo  se  sogeitou  sem  baver  perigo  algum,  e,  antes 
das  horas  de  matines,  tudo  estava  quieto,  aclamando  ao  nosso  Rey 
e  senhor.  Tratando  de  fazer  governador,  o  fizerâo  e  seus  adiuntos 
im  a  hermida  de  Jésus,  assistindo  o  cabido  e  mais  povo.  Elegerâo 
André  Dias  da  França,  e  seus  adjuntos  :  o  contador',  ojuis  dos 
orfâos\  Diogo  da  Sylveira,  Francisco  Lopez  Tavares,  o  provisor% 
que  o  nâo  quis  ser,  por  respeito  da  niuita  ocupacâo  que  tinha  e 
estar  enferme,   e  o  chantre,  e  do  mesmo  modo  se  escusou,  e  em 

1 .  Trocasem  alva,  pour  :    tocasera  alva,         Sarzedas  gouverneur  de  la  place,  bien  qu'il 
u'ils  sonnassent  la  diane.  ne  soit  pas  nommé. 

2.  La  ville  d'Arzila  avait  été  reprise  par  4.  Le  contador  s'appelait  Ruy  Dias  da 
Moulay  Ahmed  cl-Mansour\e  i3  septembre        Franca.  V.  Mene7.es,  p.  169. 

i58(|,   mais  des  religieux  portugais  y  rési-  5.   Baltesar  Martins  de  Lordello.  Ibidem. 

daicnt  encore  comme  missionnaires.  6.   O  Provisor.  magistrat    ecclésiastique 

3.  Onde  estauarfeiïado,  membrcde phrase  auquel  les  évèques  délèguent  leur  juridic- 
sc  rapportant  manifestement  au  comte  das  tion  contentieuse.  Moraes. 


RELATION    ANONYME    DU    SOLI.ÈVEMENT    DE    TANGER  OQg 

SU  lugar  elegerâo  Francisco  Banha  ;  isto  tudo  por  votos  do  povo, 
tendo  pessoas  para  tomarem  os  votos,  que  era  o  provisor,  e  o 
chantre,  e  o  vigairo.  o  juis  dos  orfâos,  Diogo  da  Sylveira.  Isto 
tudo  antes  das  sais  do  dia  ya  estava  concluido  e  quieto  tudo,  sem 
haver  adverses  alguns,  se  bem  alguns  fizerâo  mao  rostro  ;  contudo, 
hoje  estâo  Portuguescs  :  e  sobre  isto  Ibe  tirarâoas  ginetas',  como  a 
Jacinto  Correa  e  Alvaro  Machado,  digo  :  Lobo,  e  as  derâo  huma  a 
Diogo  Banha,  outra  a  Simâo  da  Fonseca. 

Estando  tudo  isto  leito,  aquclle  dia  a  tarde  levarâo  ao  Conde 
pera  baixo  as  casas  do  Senhor  Bispo  com  toda  a  sua  casa,  onde 
esta  com  muitas  guardas,  sem  falarem  com  elle,  senâo  com  licença 
dos  adjuntos  ;  estando  hum  coitado  feito  sem  falar.  Sobre  a  secreta- 
ria  se  acharâo  muitas  cartas  de  frades.  que  falâo  contra  o  nosso 
Rey  Santo  Dom  Joâo.  que  assi  Ihe  chamâo  por  ser  dado  por  Dios, 
e  outras  cousas  muitas  que  se  virâo  de  traiçôes  que  nos  tinha  arma- 
do  assi  o  frade  como  elle  ;  mas  o  fr.  Antonio  ficou  la  ;  e  tambem 
se  acharâo  cartas  do  conego  Pinto,  que  tambem  falava.  Tudo 
isto  junto  para  irem  a  el  Rey  que  Deos  guarde. 

Logo  a  25,  despedirâo  Antonio  Soares  esquipado  com  osembaixa- 
dores  a  el  Rey,  com  cartas  deste  povo  e  do  cabido  e  a  juraçao 
que  fizerâo.  Neste  mesmo  dia  entrarâo  très  gabarras  de  Castella, 
huma  com  setecentas  fanegas  de  trigo,  e  outra  com  600  de  favas, 
e  outra  com  vinho,  aseite  e  louça,  que  tudo  mostrou  ser  milagre 
de  Deos.  E  chegando  ao  Algarvc  a  fragata  a  29  de  Agosto  ao  saba- 
do  a  noite  com  os  embaixadores  Francisco  Banha  e  Diogo  Vaz 
Machado,  e  Manoel  de  Sousa  por  capitâo  do  navio.  tanto  que  che- 
garâo  Ihe  sairâo  dous  barcos.  Os  muy  valentes  Porlugueses,  como 
liôes  desatados,  os  nào  quizerâo  consentir  desembarcar  por  cuida- 
rem  erâo  Castelhanos,  tanto  que  deitarâo  hum  homem  em  terra,  e 
logo  que  conliecerâo  os  nossos.  vcyo  o  go\ernador  de  Tavira,  que 
o  Capitâo  inor  estava  em  Lagos,  Dom  Francisco  de  Mello  por 
governador  daquelle  exercito  ;  levandoos  todos  nas  palmas  das 
mâos,  os  mandou  prcndcr  cm  huma  hermida.  e  os  embaixadores 


I .  Lhe  tirarùo  as  rjinetas,  on  leur  rôtira        des   capitainos    d'infantoric    portufraisc    et 
leur  grade.  La  ijineta  était  la  lance  courte        était  considérée  comme  l'insigne  du  grade. 


fiOO  *? 'l     AOUT      ifi'l.S 

em  sua  casa  niuy  regalados  os  deteve  1res  dias,  aie  que  por  detras 
avisou  a  el  Rey,  que  estava  em  Evora  alistando  os  exercitos  para 
entrar  em  Badajoz,  que  dia  de  Nossa  Senhora  da  Luz  ficava'  para 
envestir.  elRey  deu  aos  dous  correos  très  mil  cruzadosdealviçaras, 
e  teve  a  nova  em  si  très  dias  sem  a  comunicar  ao  povo,  alegre  e 
contente,  e  vindo  os  seus  adjunlos  a  sua  alegria,  llie  preguntai'âo 
que  linha,  respondendolhe  que  Tangere  era  seu,  onde  celebrarâo 
muilos  lorneos  e  festivas,  e  chegou  a  dizer  que  mais  fesiejava  Tan- 
gere que  hum  fdho  que  Ihe  havia  nacido,  per  nome  Dom  Duarte, 
que  o  primeiro  se  chamava  Sebastiâo,  por  quei'er  o  povo  llie  mu- 
dasse  o  nome^  E  chegando  os  embaixadores,  logo  em  o  mesmo 
dia  respondeo,  que  forâo  seis  de  Setembro. 

E  tornando  atras,  a  29  de  Agosto  chegarâo  a  estacidade  as  fazcn- 
das  que  estavào  em  Xerez  em  huma  nao  com  Manoel  da  Sylveira, 
que  se  tuve  por  cousa  milagrosa,  pois  se  nos  imposibililavâo  tanlo 
por  l'espeilo  de  quem  nos  governava  ',  que  foi  causa  por  onde  esta- 
vào detidos.  Elias  se  desembarcarâo  com  muita  cautela,  sem  sabe- 
rem  os  da  nao  que  estavamos  por  el  rey  Dom  Joâo  que  Deos 
guarde,  e  logo  no  mesmo  dia  se  deu  aviso  que  se  descarrega- 
sem,  e  se  foi  a  nao  sem  saber  do  caso.  Nella  vierâo  muitas  caiias 
do  frade  escritas  com  cifras  que  se  nâo  entendiâo,  muitas  velha- 
carias  e  embustcs  contra  esta  nobre  patria  portuguesa,  e  aclamada 
por  seu  rey  e  senhor*. 

E  a  tudo  isto  0  Conde,  sem  saber  cousa  alguma  do  que  passava, 
que  para  mandar  o  seu  comprador  '  foi'a  a  ncgoccar  alguma  cousa 
do  que  passava,  aviâo  de  si  dous  liomens  de  guarda  com  elle  :  digo 
isto  pello  limite  a  que  chegou.  E  anles  que  va  mais  avante,  despois 
desla  aclamaçào,  que  foi  a  2/1,  e  a  26,  se  armou  hum  motim  na  asa- 
caya,  que  foi  necessario  sair  0  santo  crucifixo  cm  procisâo  para  se 

I.  Nossa  Senhora  da  Luz.    Nolre-Damc  3.   Por  respeito  de  quem  nos  governava. 

de  la  Nativité  dont  la   fôte  se  célèbre  le  8  L'auteur  fait  allusion  à  la  façon   vexatoirc 

septembre.  dont  les  Espagnols  faisaient  senlirleurauto- 

a.   Lhe  mudasse    o    nome.     Le   nom    de  rite.  V.  supra]>.  697. 
Sébastien,  qui  rappelait  le  fameux  désastre  ^.   Por  seu  Rey  e  senhor.  Il  s'agit  du  roi 

de  El-Ksar  e'  Kebir  (/l  août  1578)  pouvait,  du  frade,  c'est-à-dire  de  Philippe  1\'. 
d'après  la  croyance  populaire,  porter  mal-  5.   Comprador,  factotum,  mot  à  mot  :  le 

heur  au  nouveau-né.  Cet   enfant  d'ailleurs  domestique  chargé  d'aller  en  ville  faire  les 

ne  vécut  pas.  acquisition». 


RELATION  ANONYME  ni   SOILÈVEMENT  DE  TANCER         Go  I 

aquictar  o  povo,  com  a  inquietaçâo  que  ouve  a  respeito  de  hum 
dos  cumplices  que  queriâo  trepar  pella  escada  da  sala  a  niatar  o 
Conde  Marques',  que  foi  ;  quis  o  ceo  que  entre  tantos  pistoletes, 
espingardadas  e  lanças,  nâo  ouve  risco  algum.  Elle  sahio  a  janela 
danfe  camara  donde  dormia  o  Scnhor  Bispo,  e  disse  a  vozes  altas  : 
«  Filhos  meus:  j  vive  el  Rey  Dom.Ioào  meu  Senhor!  Se  me  quereis 
malar,  aqui  estou,  mataïme,  que  eu  sou  vassallo  del  Rey  Dom  Joâo  !  » 

Ouve  este  dia  mais  confusâo  de  cpic  ao  dia  de  antes,  que  foi 
necessario  saliir  hum  sacerdole  tpie  estava  celebrando  despois  de 
consagrado  com  o  Senhor  na  palcua  a  porta.  Foi  hum  dia  de  jui- 
zo'.  Nâo  ha  hoje  homem  que  nâo  traga  consigo  dous  pistoletes  e 
espingardas  e  couras,  dormindo  todos  no  muro  e  asacaya  e  mais 
lerços  da  cidade.  aguardando  cheguc  capitâo  de  Lishoa  ;  isto  nâo 
poi-  tcinor  de  pessoa  alguma,  senâo  tpie  o  governo  o  mandou. 

I']  lornando  com  o  conlo  e  socedido  ])or  dianle,  digo  que,  a  i/| 
de  Dizimijro  ao  incyo  (ha,  chegou  aviso  del  Rey  nosso  senhor  c  so- 
corro  com  huma  caravela  com  cincoenta  moyos  de  trigo  da  renda  do 
senhor  hispo  Dom  Gonçalo  de  seu  deposilo,  que  Ihe  comprarào  la 
com  o  dinheiro  na  mâo,  que  logo  que  chcgou  a  nova  a  el  Rey, 
maridiiii  lium  liomem  de  sua  eslri\eira  com  mil  dobrôes  dobrados 
de  qualro  milreis  para  se  fazer  socorro  ;  e  ficavâo  carregando  duas 
caravelas  com  huma  da...  de  trigo  em  o  Algarve  mesmo,  que  lé  a 
présente  nâo  han  ciiegado,  a  respeito  dos  levantes.  Mas  a  estos  valc- 
rosos  animos  somente  o  gosto  e  valor  de  tâo  catholico  Rey  nos  sus- 
tenta :  que  ja  nâo  ha  pessoa  que.  com  laiilos  imporlunos  dantes,  hoje 
andâo  com  o  animo  muy  prompto  jicllo  seu  Rey  et  Senhor,  que  s6  issi 
nos  alcnta.  Trouxc  mais  esta  caravela  lousinho  que  el  Rey  mandou 
dar  a  todos  sem  paga  alguma.  Tudo  se  lem  dado  muilo  a  contento 
(la  cidade,  (pae  o  governador  nâo  la/  iiada  sem  oi'dem  deste  povo. 

Muitas  cousas  me  ficâo  aqui  sucedidas  do  governo,  mas  hindo  a 
diante  escreveo  Sua  Alteza  aos  governadores,  a  cada  hum  de  poi- 
si,  e  ao  povo  todo. 

Arrhives  cspacjnoles  du  (Jonvcrnement  (jcnértU  de  l'Alf/érie.  —  A'"  ôl'i 
(anciennement:  refjislre  1686,  ff.  35^-357).  —  Copie  du  xxii'  siècle''. 

1.  Sur  ce  double  titre  V.  p.  5ç)7,  note  a.         nier. 

2.  Oia  de  Juizo,  jour  du  jugement  der-  o.   Pièce  ra[)()ortce  par  M.    liron. 


6o2  2  2    \OVEMBRE     l6^3 


cv 

LETTRE  DU  COMTE  DE  ASSENTAR'  A  D.  LITS  DE  OYANGUREN 

DeiLC  personnes  de  Tc'louan  le  renseiynenl  sur  la  sitiialion  de  Tnntjer.  — 
Les  habitants  de  cette  ville  sont  très  inquiets  de  la  présence  de  la  flotte 
espagnole,  parce  ijii'ils  attendent  des  ravitaillements.  —  S'ils  ne  sont  pas 
secourus  avant  quinze  jours,  ils  se  prêteront  à  des  pourparlers.  —  Il  est 
urcjent  de  faire  venir  la  flotte  le  plus  tôt  possible  pour  profiter  de  leurs 
dispositions. 

Ceiita,  22  novembre  i6^3. 

En  télé,  alla  manu  :  [Copia]  de  carta  del  conde  de  Asantar  escrita 
a  Don  Luis  de  Oyanguren.  —  En  Zeuta.  a  22  de  9''"  6^3. 

Acavo  de  recevir  su  carta  de  ^  m.  de  16  deste  con  particular 
estimacion  de  los  favores  que  por  ella  Vm.  me  hace,  de  que  le 
doy  ynfinitas  gracias,  asegurando  a  Vm.  que  le  merece  mi  volunlad 
todas  estas  fineças,  y  que,  si  se  ofrece  en  que  yo  le  sirva,  exsperi- 
mentara  Vm.  mi  aCecto. 

Tengo  en  Tetuan  dos  pcrsonas  para  darme  nolicias  de  lo  que 
passa  en  Tanjer,  y  ayer  tube  avisso  de  que  la  persona  que  embia- 
ron  a  aquella  ciudad  les  dio  por  nueva  que  los  de  aquella  plaça 
estan  muy  amedrcntados  de  ver  andar  en  aquellos  paraxes  nuestra 
armada,  porqueesperanbastimentos,  y  que,  si  se  los  quitan,  quedan 
perdidos  Otras  muchas  raçones  avisan  que  me  an  alegrado,  en 
decir  que  si  dentrode  i5  dias  no  les  entra  socorro.  lesparecedaran 
lugar  algun  tratado. 

Estando  con  este  gusto,  me  ha  Uegado  nueva  de  que  nuestra  ar- 

I .  Gouverneur  de  Ceuta.  Il  avait  clé  fait  fidèle  à  l'Espagne  au  moment  de  la  révolu- 
comte   par   l'Iiilippe    1\  ,    pour   être   resté         lion  de  16^0. 


LETTRE    DU    COMTE    DE    ASSENTAli     A     D.     LL'IS    DE    OYANCUBEN     6o3 

mada  a  enlrado  en  csa  bahia  '.  que  a  sido  para  mi  de  grande  atli- 
cion,  pues  parece  sera  caussa  de  que  se  malogren  nueslros  deseos 
y  desbelos.  pues  es  cierto  que  los  animos  de  los  de  Tanxer,  que 
desean  el  tratado  por  miedo  de  la  armada,  se  an  de  desbanecer.  y 
mas  si  les  entra  socorro,  de  modo  que  quanto  se  a  gastado  sea  sin 
fruto  alguno,  y  pareco  desgracia  mia  l'allar  de  aquellas  partes  la 
armada  vu  la  mayor  ocasion  de  su  aprielo.  \m.  por  amor  de  mi. 
demas  de  su  iimclio  cuvdado  en  el  servicio  de  Su  Masestad,  consi- 
derc  cslo,  y  ayude  a  (]ue  luego  luego  salgan,  si  no  pudieren  los 
scis  navios.  a  lo  menos  (piatro.  como  escrivo  al  Senor  Don  Anto- 
nio. Bien  veo  por  la  de  ^  m.  lo  muclio  (pje  de  su  parle  se  estava  exe- 
culando  para  que  no  huviesen  eclio  este  yerro  ;  pero  aora  ymporta 
desacerle,  sino  daremos  lugar  a  que  Su  Magestad  tenga  muclia 
quexa  de  los  que  le  servimos  en  este  negocio.  \  con  la  merced  que 
\  m.  me  hace,  espero  saïga  lucido  mi  travnjo,  pues  yo,  con  haverlo 
represenlado  a  licnpo,  y  \m.  con  averlo  prevenido  y  executado  lo 
que  esta  a  su  cargo,  me  parece  abremos  cunplido. 

Este  correo  despacho  denlro  de  una  ora  como  llego  ;  quiera  Dios 
me  buelva  con  respuesta  de  que  se  an  écho  ya  a  la  mar  los  navios, 
pues  consiste  en  la  brcvedad  el  logro  de  las  esperanças  que  tengo. 

i  Guarde  Dios  a   \  m .  muchos  anos  ! 

Zeuta.  22  de  iNoviembre  de  i6.'|3. 

Arrliircs  espcif/nolcs  ilu  (joureriieincnl  tjénenil  de  l'Alfjérie.  —  A"  ,')13 
(anciennement  :  Herjistre  IGS(>.  f.  .'l.'iitj.  —  (jipie  fhi  xvn''  siècle'. 

I.   Esa  b/ihin.  la  baie  de  Cadix.  2.    Pif'ce  ra|i|)orlée  par  M.  Tiran. 


6o4  i643 


CVI 
AMS  [)K  MAZAGAN  ET   DK  TANCER 

(EXTUVIT.) 

Mazt-U/dn  csl  Ion  jours  assicf/é  par  les  Maures.  —  La  place  de  TaïKjer  s  est 
soulevée  contre  la  domina/ion  cspai/nolc. 


16:^3. 


En  Ir'te  :  Mcmoria  dos  successos  das  armas  de  S.  iVIag''"  na 
campanlia  dcslc  aimo  piezente  de  ifi'|.3. 

Africa. 

A  praça  de  Mazagâo  padeceo  esta  canipaiilia  Ici  rlliel  giierra  dos 
Moiiros.  Puzeranlhe  sitio  que  durou  mais  de  hum  mez  :  porem 
rebalidos  de  liuy  de  Mourra  Tellez,  governador,  cappitâo  gérai,  le- 
vantarâo  o  silio,  et,  posto  que  conlinuarâo  as  carrerias,  que  he  a 
guerra  mais  communa  naquellas  partes,  sempre  se  recolherâo  com 
perda. 

A  cidade  de  Tangere  que,  sindo  desla  coroa,  esteve  le  gora  na 
obediemcia  del  rey  de  Castella,  e  o  conde  das  Sarzedas,  seu  cappi 
tâo  gérai,  se  resolveo  a  acudir  a  suo  obrigaçâo,  e  de  dou  a  Sua 
Mageslade,  comoa  su  legitimo  e  verdadeiro  rey.  a  obediemcia  que 
Ihe  dévia,  e,  estando  o  Conde  acressemtado  em  titiilo  e  em  caza 
por  el  rey  de  Castella,  los  moradores  beneficiados  e  providos  lar- 
gamenle  pello  mesmo  rey,  reconhessendo  sua  obrigaçâo,  e  enten- 
dindo  que  nem  a  suas  conciencias  estava  bem  seguir  aos  de  el  rey 
de  Castella,  aclamaiào  em  a^  de  Agosto  a  SuaMagestade  ;  e  a  pezar 


AVIS    DE    MAZAG.W    ET    OE    TANGER  6o5 

de  todas  as  diligencias  de  Castella.  de  (jiiem  ficain  inuito  ve/inhos, 
mostraram  a  antiga  fidelidade  de  sua  naçâo.  Mandou  Sua  Mages- 
tade  vir  o  Conde,  para  llie  fazer  as  honras  que  inerece  e  hir  a  quella 
praça  novo  goveinadoi'. 


Archives  des  Affaires  Etran(jères.  —  PorLinjul.  —  Correspondance  po- 
liti(liie.   Vol.  '3,  f.   I(!2  v".  —  Oriyinal. 


6o6  2  2    MARS     l644 

CVII 
AVIS  DE  LAMER 


[Paris'],  22  mars  iftlitt. 

En  tête  :  Relation  des  affaires  de  Portugal.  —  Ce  22  mars  i644- 

Le  7'  du  mois  passé,  M.  le  marquis  de  Cascays.  ambassadeur  ex- 
traordinaire du  roy  de  Portugal,  s'embarqua  à  Belem  prez  Lisbonne, 
et  misi  à  la  voyle  le  11"  suyvant,  d'où,  après  quatre  semaines  de 
passage  assez  fascheux,  il  arriva  devant  le  forl  de  La  Prée... 

Il"  avoil  fretté  quelques  auttres  vaisseaux  pour  porter  des  vivres 
à  Tanger  au  Dcstroict,  où  les  ennemis  avoient  quelques  vaisseaux 
et  freliates  pour  empescher  les  secours  qui  y  pourroient  entrer  et 
le  liansport  du  comte  de  Salinas,  Portugais  (gendre  du  comte  de 
Lignares),  lequel  y  estoit  gouverneur  au  moys  d'aoust  dernier', 
qu'il  fui  contraint  par  le  peuple  de  recognoistre  D.  Jean  !^  pour 
roy  de  Portugal,  ne  restant  à  présent  au  Roy  Catliolique,  de  toute 
la  couronne  de  Portugal,  en  quelque  lieu  que  ce  soit,  que  la  place 
et  forteresse  de  Ceula  en  Afrique  au  Destroict,  dont  il  a  grand 
soupçon  qu'elle  ne  suyve  l'exemple  de  Tanger,  et  pour  cest  efl'ect  a 
changé  toute  la  garnison  et  esloigné  les  Portugais  principaux  qui 
y  esloienl. 

Archives  des  Affaires  Etrangères .  —  PorUujal.  —  Correspondance  po- 
litique, Vol.  2,  f.  172  v".  —  Oriijinal. 

1.  Cette  relation  fut  rédigée  à  la  Cour  3.  Le  gouverneur  de  Tanger,  lors  du  sou- 
par  Lanier,  d'après  des  nouvelles  qu'il  avait  lèvement  du  2^  août  lôiiS,  étaitD.  Rodrigo 
reçues  de  Portugal.  da  Sylveira,  comte  das  Sarzedas.  V.  supra 

2.  Le  roi  de  Portugal.  p.  5gy,  note  2. 


LETTRE    DE    JEAN    IV    A    D.     LUIS    VASCO    DE    GAMA  6o~ 


CVIII 

LETTRE  DE  JEAN  IV  A  D.  LUIS  VASCO  DE  GAMA' 

Complot  formé  par  quelcjnex  habitants  de  Tanger  pour  livrer  la  place  aux 

Espagnols. 


Alcantara,  i='"  juin  i644- 

En  tête  :  Copia  de  una  carta  que  Su  Magestad  escrivlo  al  Conde 
Almirante. 

Conde  Almirante,  Embaxador  amigo. 

Yo  El-Rey. 

Os  envio  mucho  a  saludar,  como  aquel  a  quien  amo.  Estando  par- 
ticular  la  asistencia  con  que  Dios  nuestio  Senor  faborece  la  con- 
cervacion  deste  reino,  corne  se  ha  vislo,  demas  de  las  ocasiones 
pasadas,  en  la  traicion  conque  agora  algunos  moradores  de  la  ciu- 
dad  de  Tanjar  procuravan  bolverla  a  enlregar  al  rey  de  Caslilla, 
dia  de  la  Assunipcion  de  Nuestro  Sefior.  Y  fue  que,  despues  de 
aquel  rei  mandar  inquietar  por  la  niar  los  moradores  de  aquella 
plaça  con  algunos  navios  y  galeras,  que  todo  alli  lue  deseclio,  se 
recogio  Don  Lope  de  Acufia  que  los  venia  governando  a  la  ciudad 
de  Ceufa,  y,  ayudado  de  algunos  Portugueses  que  quedaron  en 
Castilla,  tuvo  medios  para  pervirlir  los  animos  de  algunos  vasallos 
mios,  con  inleiito  de  que,  aiudados  de  muclios  Castellanos  que  se 
metieron  en  ella  despues  de  mi  restituicion,  y  quedaron  y  se  fueron 
deleniendo  de  dia  en  dia  dosdc  el  en  que  por  aquel  pucblo  fui  acla- 
mado,  para  unirse  en  la  ciudad  en  un  cuerpo  cl  dia  rclcrido,  en  el 

I.  D.  Luis  Vasco  de  Gama,  comte  do  l'Inde,  ambassadeur  extraordinaire  de  Por- 
Vldigueira,   marquis    de   Niza,    amiral   de        tugal  on  l'rance  en  ii)!it). 


6o8  i"  jui>-  i6/i4 

(jual.  aviendo  hecho  antecedentemenle  pacto  con  los  Moros,  avian 
ellos  de  venir  por  tierra  a  enveslir  la  ciudad  y  el  rei  de  Gastilla  con 
una  armada  por  la  mar,  y  liizicron  coiisierlos  que,  toniada  la  ciudad, 
quedaria  el  cosco  y  artillaria  délia  a  el  rey  de  CaslIUa,  y  el  despojo 
y  toda  la  gentc  a  los  Mores.  Mas  permilio  Dios  que  esta  abomina- 
cion  se  descobriele  pocos  dias  anles  del  sefialado  para  que  fuesen 
presos,  como  lo  fueron  los  culpados  para  esso  quedaron  los  Moros 
desanimados.  \  fue  tal  la  fineza  de  algumos  vasallos  que,  gover- 
nando  la  ciudad  Andres  Diaz  de  França,  por  liallar  culpado  en  la 
pesquisa  que  setiro  un  hijo  suio,  lo  prendio  y  me  lo  embio  aqui  en 
hierros.  \  Jeronimo  de  Freitas  de  Siquera,  cavallero  de  grandes 
servicios  (que  fue  el  que  descobrio  la  traicionj  prendio  por  si  mismo 
un  hermano  suio,  que  aqui  truxo  preso  personalmenle,  y  el  capitan 
Francisco  Lopez  Tavares  prendio  otro  bijo  que  tambien  personal- 
menle me  truxo  aqui.  De  lo  que  vos  mando  avisar  para  que  hagais 
notorio  el  terinino  con  que  el  rei  de  Gastilla  querio  ocupar  aquella 
ciudad,  y  la  merced  que  Dios  nucslro  Seùor  me  hahecbo  en  conser- 
varmela. 

Escrila  en  Alcantara.  el  primcro  de  Juiiio  do   iCi'l 

Archives  des  Affaires  Etrangères .  —  Purliu/iil.  —  Cnrrcspomlance  po- 
li/i>iuc.  Vu/.  ■?,  //.   f7Sv"-l7D.  —  Copie. 


CARTE     POLITIQUE 

MAROC    EN     1660 

parle  C^?  Henry  de  Caslries 

1  Territoire  rela/a/tt  de-  la^  Zacuia-  de  DUa- 

1        I    deKeroiuïtel-Ifadj'" 

\  I     de  Sidi'  AU  ben  AfohaniJiieti 

I         I    dit  Chérif  JÏIaJten 

de-  Et  -kliider-  Ohai/an 


I 


du  C/iei/dt  Arass 


N.3.  -Les  t-cintes  correapondefU   à  de.f  sphères  d'i/t/Ttience 
phttot  tfw  'à  dcif  te/rt/oires  neile-ntenl.  de/i/ni/és . 

Echelle  de  5.000.000 


■i^ 


100  130 

/l'dornèlres 


'"La  di/nasÙ£  sfuu/ienrw  at'aii prijfin  le  i"*  novembre  Jû59. 


S.  LiuYw  deSan 

Pturtod 


<i> 


v^ 


£1 


^ 


I-.  Icrr.ux     V.A 


Pl.   V. 


//.   Ikmuut'tn.  .SV 


LETTRE    DE    SAINT-I'É    A    MAZARIX  CoC) 


CIX 

LETTRE  DE  SAIINT-PÉ'  A  MAZARIN 

En  écha/Kje  d'un  secours,  le  PorUujal  aurait  cédé  Tanijcr  au  roi  de  France. 
—  Avantaçjes  que  l'on  retirerait  de  l'occupation  de  cette  place. 

Lisbonne,  St  juillet  iG^^. 

Monseigneur. 

J'ay  eu  sy  grand  peur  que  mes  lettres  ne  fussent  toujours  bien 
receues  à  cause  des  grandes  occupations  de  \  ostre  Eminence  que 
je  n'ayj  ozé  vous  escrire  sy  souvent  comme  j  eusse  laict  sans  cela... 

On  s'esloil  promis  d'avoir  un  secours  de  France  entretenu  tant 
que  la  guerre  dureroit  ;  mesmes  quelques  ministres  disoyent  qu'à 
cette  condition  on  mettroit  la  ville  de  Tanger  en  Afrique  entre  les 
mains  du  Roy.  Sy  cclla  eût  eu  lieu,  Monseigneur,  on  auroit  de  ce 
costé  faict  une  grande  diverlion,  et  larmée  navalle  de  Sa  Majesté 
auroit  eu  une  assurée  retraicte  aud.  Tanger,  et  de  là  auroit  tenu 
subjeUe  toute  la  coste  d'Espagne  depuis  l'entrée  de  la  rivière  de 
Siville  jusques  à  Barcelone,  einpesché  aux  Caslillaiis  la  communi- 
cation des  deux  mers  et  le  Iraiïîc  des  Indes,  parce  que  dud.  Tanger, 
on  auroit  tenu  en  eschec  les  flottes  el  armementz  de  Cadix,  oîi  rien 
ne  fùl  entré  ni  sorty  qu'à  la  morcy  des  armes  du  Roy  et  de  ses 
alliez.  Et  après  la  paix,  sy  l'on  eût  voulu  donner  de  l'exercice  aux 

I.  Jean  de  Saint-1'o,  pourvu  du  consulat  il  reprit  ses  fonctions  (V.   ses  instructions 

de  Franco  à   Lisbonne  le  2  janvier   iCii,"),  datées  du  6  mars  iG^i, /l^/".  Ëir.,  i'or/iijai, 

resta  consul  jusqu'à  la  déclaration  de  guerre  Correspondance  politique  y  Vol  3,  ff.  12-13')^ 

entre  la  l'rancc  et  l'Espagne.  Après  la  pro-  et  fut  confirmé  dans  sa  cliargc  par  arrêt  du 

clamation  de  l'indépendance  du  Portugal,  Conseil  du   ro  aoOlt  ifi'ifi. 

l-)h  Casikihs.  III.   —  3y 


6lO  3l     JUILLET     1644 

gens  de  guerre  dans  l'Afrique  pour  les  tenir  en  alainc  et  empcscher 
qu'ilz  ne  s'adonnent  au  brigandage  et  à  guetter  les  chemins,  ce 
port-là  auroil  servy  de  dessente  et  cette  belle  ville  de  place  d'armes. 

Vostrc  Eminence  faira  en  cella  une  œuvre  qui  vous  sera  méri- 
toire devant  Dieu  et  (rès-louable  devant  les  hommes,  et  obhgerés 
toute  la  famille  de  celuy  qui  n'aspire  qu'à  la  gloire  d'estre  à  jamais, 

Monseigneur, 
Le  plus  humble  et  le  plus  obéissant  de  vos  serviteurs. 

Signé  :  De  Sainct-Pé. 

De  Lisbonne,  ce  Si' juillet  i6/td- 

^lonseigneui' l'Eminentissime  Cardinal  Ma/arin. 

Archives  des  Affaires  Etranc/èrcs.  —  Porliujnl.  —  Correspondance  po- 
liliijiie.  Vol.  '2,  Ij:  1S9-19'2.  —  Orltjinal. 


LETTRE    DE     LANIER     A     MAZAKIN  Gll 


ex 

LETTRE  DE  LAMEli  A  MAZARIN 

//  a  cxjMst'  à  un  ininixtre  fjoiiiif/ais  /c?  raisons  ijui  empêchent  le  roi  de  France 
d'accepter  la  cession  de  Tam/er. 


Lisbonne,  4  octobre  iC^O. 


Monseigneur, 


Je  donné  advis  à  V.  E.  de  la  sortie  de  l'armée  de  l'ortiigal  par 
ma  depesche  du  20'  du  mois  passé,  qui  attaqua  le  fort  de  Tillena 
à  une  lieue  de  Badajos. 

Sa  Majesté me  confirma  qu'en   tout  il   ne   manqueroil  à   ce 

qu'il  m'avoit  promis  pour  faire  une  diversion  Irès-puissanlc,  qui 
auroit  de  plus  gi'ands  elfects  s  il  avoit  des  généraux  comme  en 
France,  et  do  la  cavaloi  ic  qui  luy  est  très-ncccssaire.  ayant  tenté 
toutes  voyes  pour  en  avoir,  mesme  du  costéde  Barbarie,  ce  qui  m'a 
esté  confirmé  par  un  capitaine  françois'  qui  faict  grand  trafic  tant  à 
Maroc  f|u'à  Salé,  mais  je  no  pense  pas  cpiil  en  puisse  tirer  de  là. 

Et  à  ce  propos,  un  des  principaux  ministi'es  flu  Uoy  m'a  pai'lé 
pourquoy  l'on  avoit  pas  vouUu  entendre  par  delà  à  la  proposition  de 
remeltre  la  ville  et  forteresse  de  Tanger  entre  les  mains  du  Hov 
pour  se  rendre  maistre  du  passage  du  Destroietet  avoir  entrée  dans 
l'Afrique.  Sur  quoyje  luy  respondi  que,  dans  cette  proposition,  le 
Portugal  y  Irouveroit  plus  son  compte  que  la  l"'rarice,  à  la(juelle 
celte  garnison  consommeroit  des  gens  et  de  l'argent,  (pji  esloienl 
plus  nécessaires  ailleurs,  aussy  que  les  premières  propositions  ne 

I.   Le  capitaine  Martel.  Cf.  p.  Oaij,  note  i. 


6l2  il     OCTOBRE     l64fi 

s'acceploienl  pas  d"al)Orcl,  ce  que  je  fis  pour  attendre  l'ordie  de  Sa 
Majesté,  selon  que  A  .  E.  le  jugera  à  propos '. 

Estant, 

Monseigneur. 

De  V.  E. 

Le  très-humble,  très-obéissant  el  Irès-obligé  serviteur, 

Signé  :  Lanier. 
A  Lisbonne,  ce  li"  octobre  i6/|6. 

Archives  des  Affaires  Etranyi-res .  —  PorUi(/al.  —  (Correspondance po- 
litiijue,   Vol.  3,f.  3^2.  —  Original. 

I.   Cependant  ce  projet  devait  être  repris  Entre  temps,  en  novembre  iGijS,  Duquesne 

en  1667  et  une  proposition  plus  précise  fut  était  allé  reconnaître  la  place  de  Tanger, 

faiteparlacourde Portugal, sous lacondition  Cf.  une  lettre  de  Lanier  à  Alazann  du  28 

du    mariage    de   l'infante   Catherine   avec  novembre   16A8  (Aff.  Elr.,  Portugal,  Cor- 

Louis  .\IV  (V.  Infra,  pp.  O85-690).  resp.  poL.    \  ot.  j.  /.  2 1  >>  c"). 


PROVISIONS    DE    CONSUL    POUR     FRANÇOIS    DE    BOYER  fi  I  3 


CXI 

PROVISIONS  DE  CONSLL  POUR  FRANÇOIS  DE  BOYER' 

François  de  Boyer  est  nommé  consul  à   Sajî,  Mo<jador  et  Sainte-Croix. 

Paris,  39  mars  l6!^■J. 
En  te'le  :  Enrcsistration    des  lettres   de  provision  de  l'office  de 


'D 


pr 


consul  pour  la  nation  française  à  Saffîe,  Mogador  el  Sainte-Croix 
en  faveur  de  François  de  Boyer,  sieur  de  Bendol,  suivant  la  sen- 
tence du  ^  juin  16/17. 

Louis,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France  et  de  Navarre,  à  noslre 
cher  et  bien  aimé  François  de  Boyer,  salut. 

Estant  nécessaire,  tan!  pour  le  bien  de  nostre  service  que  pour 
radvantage  de  nos  subjects  Irafficquans  sur  la  coste  dAfTrique  et 
eslats  qui  arborent  la  baniere  de  France,  d'establir  un  consul  de  la 
nation  françoise  à  Saffî,  Mogador,  Sainte-Croix  et  la  coste  tirant 
du  costé  de  midy  à  la  coste  de  Fciz  ; 

A  ces  causes  et  autres  à  ce  nous  mouvanlz,  bien  informés  que 
vous  avez  toutes  les  qualités  qui  sont  nécessaires  pour  vous  acquiter 
dignement  de  ceste  charge,  nous  vous  avons,  de  l'advis  di^  la  reyne 
régente  nostre  bien  honorée  dame  et  mère,  commis,  ordonné  et 
establi.  et  par  ces  présentes  signées  de  nostre  main,  commettons, 
ordonnons  et  establissons  consul  de  la  nation  françoise  esdits  lieux 
de  Salîie,  Mogador,  Sainte-Croix  et  la  coste  tirant  du  coté  de  midy 
à  la  coste  de  Feiz,  pour  ladite  charge  avoir,   tenir  el  doresnavanl 

I.  François  (le  l'over,  seigneur  de  Bandol  à  laquelle  il  fut  nommé  président  de  la 
(arrondissement  de  Toulon),  conseiller  au  (Chambre  des  comptes  d'Aix.  Cf.  Bibl.  Nal., 
Parlement  de  Provence  de  i6G5  à  iti'^â.date        Dossiers  bleus,  vol.  I2/.  cote,3i60. 


6l/i  29     MARS     16^7 

exercer  et  jouir  et  uzer  par  vous  aux  mesmes  honneurs,  authorités, 
prérogatives,  droitz,  fruitz,  proffitz',  revenus  et  esmolumens  que 
ceux  qui  font  pareille  fonction  :  voulans  que  nos  subjects  negotians 
esditz  lieux,  et  autres  qui  arborent  la  bannière  de  France,  vous  re- 
cognoissenl  et  obéissent  ou  à  celluy  que  vous  commettrez  en  vostre 
place,  ainsi  qu'il  est  de  couslume  aux  autres  consuls  et  vice-consuls. 
De  ce  faire,  nous  avons  donné  et  donnons  pouvoir,  authorité,  com- 
mission et  mandement  spécial  par  lesdites  présentes,  car  tel  est 
nostre  plaisir. 

Donné  à  Paris,  le  vingt-neufviesme  jour  de  mars,  l'an  de  grâce 
mil  six  cens  quarante-sept  et  de  notre  reigne  le  quatriesme. 

Signé  :  Louis.  Et  plus  bas  :  par  le  Roy,  la  reyne  régente,  sa  mère 
présente  :  de  Lomenie. 

Et  scellé  du  grand  sceau  de  cire  jaulne. 

Archives  départementales  dex  Bouches-dii-Rhône.  — Série  C.  Amirauté. 
Insinuations.  Befjislre  II,  f.  555  v". 

I.  Par  brevet  en  <late  du  8  avril  iGi",  consullat  ».  Arch.  des  Bouches-du-Rhône. 
François  de  Boyer  obtint  l'autorisation  «  de  Série  C.  Amiraiiié.  Insinuations,  Reg.  II,  f. 
faire  charger  dans  tel  port  de  Catalogne  58o  v". — Cette  tentative  d'établir  un  con- 
que bon  luy  semblera  autant  de  fer  qu'il  sulat  à  Safi,  Mogador  et  Agadir  (Sainte- 
en  aura  besoing  pour  l'establisscment  dudit  Crois)  ne  parait  pas  avoir  eu  d'autre  suite. 


LETTRE    DE    D.     JUAN    DE    DUERO    A.    MEDINA-CELI 


615 


CXII 

LETTRE  DE  JUAN  DE  DLERO  A    MEDINA-CELI 

Jl  rend  compte  de  ses  opérations  à    El-Mtnutrn.    —  //  n  fait  pénétrer  un 
secours  dans  In  pince  et  a  délofjé  les  Maures  (jui  l'investissaienl. 

El-Mamora,  'j  septembre  16/17. 

Excelentissimo  Senor, 

En  execucion  dv  las  ordcnes  de  ^  .  E\',  Uegue  a  dar  visla  a  la 
j)laza  de  Alarache  a  26  del  pasado,  siii  iiinguno  de  los  barcos  ;  y  con 
la  laiiclia  despachc  al  ayudante  Zendrera.  y  pedi  al  maese  de  campo 
de  la  plaza  las  nolicias  que  tcnia  de  la  plaza  y  silio.  (|ue  fueron  nin- 
guiios.  Y  esta  misma  larde  llegaron  8  barcos  ;  y  con  cUos,  y  con  el 
del  Araclie.  llegue  sobre  esta  barra  a  38,  aviendo  el  dia  antes  despa- 
cliado  uno  a  esta  plaza  ;  y  no  se  resolvio  a  entrar,  o  no  se  atrebio. 
que  es  lo  mas  cierto.  Hioe  segunda  diligencia,  embiando  dos  juntos. 
que  tampoco  entraron.  La  3'  vez,  aviendo  precedido  ruegos  y  ame- 
nazas,  me  aseguraron  enlrarian.  No  lo  Incieron,  antes  el  uno  dellos 
scamotino.  y  quisieron  malar  al  arracz,  y  cl  se  arrojoen  olro  barco. 
Deste  cuidado  me  saco  la  barqucta  desta  plaza.  y  dio  aviso  de  lo 
que  pasava.  ("on  que,  sal)ado3i,  a  la  una  (Ici  dia,  entrâmes  por  la 
barra,  siguiendome  la  zabra  y  7  barcos  lucngos,  porque  la  nao 
inglcsa  no  pude  rcducir  a  que  entrasse,  que  tambicn  se  aniotino. 
Desto  y  lo  que  me  costo  entrar  la  fiagala,  darc  cuenta  a  Vuestra 
Excelencia  despues. 

Mataronnos  al  entrar  ,5  hombrcs,  y  liirieron  a  algunos.  Sintio  cl 
enemigo  mucho  tan  impcn.sado  caso,  porque  no  crcyo  entraramos, 
que  assi  lo  decian  desde  las  trincheras.  Lunes  2  deste  a  las  7  de  la 
inanana,  se  ecliuron  de  la  plaza  5n  hoiuhres  con  un  capilan  para  dar 


6lfi  4     SEI'TRMniiE     16 '17 

sol)iP  la  iniriii  (jiie  lonian  heclia  a  la  |ilataforma  de  Zale'.  Y  pni-  la 
parle  de  la  marina  l'iier'on,  con  estoques,  broqueles  y  chuzos, 
/(O  hombres  arraezes  y  marineros  con  mas  6  arcabuzeros,  que  dio  la 
plaza  para  guia.  Y  dando  cl  Santiago,  se  embistio  a  la  mina.  Y  los 
Moros  se  turbaron  ;  mataronse  algunos,  y  vivos  solos  dos  se  reliia- 
ron.  y  quedai'on  en  la  mina  enterrados  vivos  otros  10  o  mas.  por 
lo  que  dicen  los  vivos.  Y  en  este  tlempo  de  la  lorre  y  paredon  nos 
liacian  mucho  dafio,  porque  estavamos  a  10  pasos  dellos  descubier- 
tos.  Y  viendo  este  dafio.  y  que  no  se  lograva  nueslro  intenlo  en 
todo.  Iiice  a  los  marineros  embistiessen  a  la  lorre.  lo  quai  hicieron 
con  tanto  valor  que  se  gano.  y  paso  la  estacada.  Desaloge  al  ene- 
migo,  y  matai'on  algunos  Moros  en  esta  2°  embestida,  y  liuyendo 
los  demas,  se  le  gano  la  trinchera  y  guarnecio  de  mosqueteria. 
Ganaronsele  3  piezas  de  bronce,  que  avia  lomado  en  latorre;  cla- 
belas  luego  al  punto,  por  si  cargasse  de  manera  que  no  se  pudiessen 
retirar:  pero,  con  el  ayuda  de  Dios,  ya  se  retiraron.  Y  de  los 
cetones  que  lenia  puse  en  defensa  la  torre,  que  estava  muy  mal  tra- 
tada  de  la  artilleria  de  la  plaza. 

Con  que  ayer  3  se  reliro  el  enemigo,  y  Ucvo  un  canon  que  ténia 
en  una  plata  forma  de  26  libras,  con  que  liizo  mucho  dano  a  uues- 
Ira  fragata.  y  mato  y  hirio  10  hombres.  A  todo  lo  referido  eslubo 
conmigo  el  capitan  Don  Gonzalo  de  la  Esquina.  procediendo  como 
siempre,  y  siendo  exemplo  a  todos. 

Buelbo  a  decir  a  V.  Ex"  que,  en  la  embestida  de  la  torre  y  trinche- 
ras,  fue  sola  la  gente  de  la  mar,  el  alferez  Diego  de  Arroyo,  el 
ayudanle  Fran'"  Zendrera,  y  otros  soldados  de  la  compania  del 
dicho  capitan  Don  Gonzalo. 

El  dano  que  se  recibio  en  esta  ocasion  fue  poco  :  un  hombre 
muerlo,  y  i4  heridos. 

En  la  mina  en  la  primera  ocasion  alrabesaron  un  brazo  y  los 
rinones  al  capitan  Antonio  Garrido. 

Manana  5  se  saldra  a  reconocer  la  campana,  con  que.  con  loda 
brevedad,  dandome  cl  tiempo  y  barra  lugar,  bcsare  a  V.  Ex'  su 
mano  muy  presto,  y  dare  cuenta  a  V.  Ex'  por  menor  de  todo  lo  que 
ha  pasado. 

I.   Ln plataformu  de  Znlc.  c'cst-à-i-lircla  platc-formc  iln  El-Mamora  située  du  cnlé  de  Sale. 


LETTRE     riE     D.     .TUAN     DE    DUERO     A    ^MEDINA-CELI  Cl  \  ~ 

;  Guardeme  Dios  a  V.  Ex'  muchos  anos! 


El  veedor  nos  ha  hecho  niuy  huoiia  acogida,  y  ha  arndidn  no 
solo  a  su  oficio,  sino  tambien  al  de  soldado,  cuidandode  la  arlillcna 
como  feiiiente  que  es  délia. 

Esta  niaMana  vinieron  Moros  de  yin/  '  para  saber  de  los  cautivos, 
y  Uevar  los  muertos  :  iio  se  les  dio  entrada,  diciendo  teiiian  peste. 

El  socorro  esta  denlro  de  la  plaza,  y  assi  mismo  lo  que  ténia  la 
nao  inijlesa.  que  lo  he  entrado  con  los  barcos  lueiigos. 

Elgovcrnador  me  ha  hcchi)  iniiclias  hourras,  las  que  yo  merezco, 
como  V.  Ex"  cntendera  de  todos  los  que  vienen  conmigo. 

Con  este  barco  va  el  capilan  Don  Lorenzo  de  Médina  a  dar  este 
aviso,  aunque  yo  ténia  resuello  embiar  al  ayudanle  Fran'"  Fernandez 
de  Zendrera,  que  ha  trabajado  mucho  :  y  por  lo  bien  que  ha  proce- 
dido  en  todas  ocasiones,  merece  cpie  V.  Ex'  le  honrre  con  una 
compania  :  y  si  por  alguna  razon  a  mi  me  pudo  locar  nomhrar 
quien  vaya,  son  suyas  las  albricias. 

;  Guardeme  Dios  a  V.   Ex"  muchos  anos  como  dcseo  ! 

San  Miguel  "  en  la  Mamora.  y  Setiembre  l\  de  i647- 

Post-data.  —  Doy  a  V.  Ex"  muchos  parabienes  de  tan  feliz  y 
brève  snceso,  y  suplico  se  sirva  de  mandar  se  den  las  gracias  a 
jNuestra  Seiïora  de  la  Charidad,  por  la  devocion  que  tube  el  dia  que 
entre,  y  el  dia  que  se  gano  la  torrc,  artilleria  y  trincheras. 

Don  Juan  de  Duero  y  Ayala. 

Archives  exparjnnlcs  du  (louvernemcnt  'jrnéral  de  l'Al/jérie.  —  A"  516 
(anciennemenl  :  Registre  16SG,  ff.  365-366).  —  Copie  du  wif  siècle^. 

1.  Moros  de  poz.  On  appelait  ainsi  dos  ce  saint  qun  los  Espagnols  avaient  placé 
Maures  qui  prêtaient  serment  de  fidélité  El-Mamora.  Cotte  fronlera  dans  les  docn- 
au  roi  d'Espagne  et  qu'on  employait  dans  ments  du  temps  est  souvent  appelée  S. 
les  négociations  avec  les  Maures.  Miguel  de  Ultramar. 

2.  Snn  Miguel.  C'est  sous  lo  vocable  do  3.   Piocc  rapportée  par  M.  Tiran. 


6i8 


10    AOUT-IO    SEPTEMBRE     16^7 


CVUI 


RELATION   ANONYME   DU    SIEGE   DE   EL-MAjMORA 


(• 


O    AOUT- 1(1    SFPTEMlinE     1 


«'■7) 


(Traduction) 


Titre  :  Relation  de  rarmemcnt  et  du  voyage  des  vaisseaux  que 
rcxcclIcMlissiine  seigneur  Don  Anloiiio.luan  F.uvs  de  LaCerda,  duc 
de  Médina  et  Alcala,  marquis el  comte,  etc..  capitaine  général  de  la 
mer  océane,  côtes  et  armées  d'Andalousie,  a  envoyés  pour  le  secours 
de  la  place  de  Sainl-Mlclicl  d'(_)ulremer '.  qu'on  appelait  El-Ma- 
mora.  l'^t  d(^  Tnèmc  les  succès  qu'a  remportés  ledit  secours,  com- 
mandé par  le  capitaine  et  sergent  major  don  .luan  de  Duero  y 
Avala,  clieT  nommé  par  Son  Excellence,  depuis  le  jour  c[u"il  mit  à 
la  voile,  jusqu'à  celui  de  son  entrée  dans  la  place  et  de  la  défaite  des 
armes  du  marabout  Mahamet  Bembucar',  l'an  1G47. 

Cachet  aux  urines  d.e  Medina-Ccli. 

Huit  ludle  Berbères  des  monlairncs  du  Sous,  cbacun  d  ru\  avec 
alfarige\  escopetleet  hache  à  deux  tranchants,  erraiciil  depèlcrmage 
en  pèlerinage ',  en  visitant  toutes  les  mos(piées  et  maisons  de  vainc 


1.  Sur  ce  nom,  W  siiitrti.  p.  '"'i^,  noif  2. 

2.  Malinnwl  Uembucar,  Sidi  Moliamincd 
cl  Hadj  ed-Dilaï.  Sur  ce  personnage,  \  . 
suprn,  Intrttcluclion  critu[uc,  p.  -^77,  note  '\. 

3.  Alfnivjr.      Av      l'arahr      rl-kliandjar 

j^l^K  Poignard  à  lame:   recourbi'c,  arme 
habiluelle  des  montagnards  du  Deren. 


4.   Ces    bandes  de   Uerbcres   sortie 


du 


Sabara  ou  do  la  montagne,  allant  de  sanc- 
tuaire en  sanctuaire  exciter  leur  fanatisme 
et  s'abattant  ensuile  dans  la  plaine  subat- 
lantique, se  vou'iil  de  loin  en  loin  au  Ma- 
roc. On  se  souvient  de  celle  qui  accom- 
pagnait en  1909  le  uhérif  Ma  el-.Vinin,  le 
marabout  de  Chenguit,  et  qui  prodiguait 
les  menaces  aussi  bien  aux  indigènes  qu'aux 
cliréliens. 


RELATION     DU    SIÈGE     DE    EL-MAMORA  6 1  f) 

superstition  cju'il  y  a  dans  le  district  de  Barbarie  ;  ils  arrivèrent 
ainsi  jusqu'à  la  ville  de  Salé,  où  ils  firent  halle  près  des  lagunes, 
dans  le  dessein  d'attaquer  la  place  de  Saint-Michel  d'Outremer. 

Ils  envoyèrent  à  cet  elTet  reconnaître  l'endroit,  et,  bien  qu'ils 
eussent   été    aperçus  dans   le   fossé,  les    samedi  lo   et    dimanche 

11  août,  la  vigilance  des  nôtres  fut  si  faible,  que,  le  lundi  suivant 

12  du  même  mois,  beaucoup  d'entre  eux  arrivèrent  à  quatre  heures 
du  matin  enivres  Je  hachich  ' .  qui  est  une  drogue  qu'ils  prennent  pour 
se  donner  du  (courage  ;  ils  s'élancèrent  dans  le  fossé  de  la  porte  de  Salé 
et  commencèrent  à  rompre  le  poiit-lcvis,  sans  être  vus  ni  entendus 
des  nôtres,  jusqu'à  ce  que  le  capitaine  Antonio  de  Padilla  fut 
réveillé  par  les  coups  ;  et  à  peine  eut-il  crié  :  «  Aux  armes  !  aux 
armes.  Espagnols  !  »  qu'il  tomba  mort,  traversé  par  une  balle  d'es- 
copette.  Mais,  dès  le  premier  coup  tiré  sur  le  fossé  par  lune  des 
deux  pièces,  les  Berbères  tournèrent  le  dos,  retirant  tous  les  morts 
et  blessés  qu'ils  purent,  et  ils  s'avancèrent  avec  beaucoup  de  rapi- 
dité vers  la  marine  et  escaladèrent  facilement  la  tour  de  Saint- 
Joseph,  en  montant  par  un  contrefort  (|ui  arrivait  presque  à  la 
moitié  de  celle-ci,  sans  avoir  été  repoussés  par  les  soldats  de  garde, 
(|ui  payèrent  leur  négligence  de  la  vie  de  six  d'eiilif  euv,  deux  autres 
se  retirant  blessés. 

Ce  jour-là  au  matin,  deux  Maures  lurent  trouvés  vivants  dans  le 
fossé,  et  nous  sûmes  d'eux  avec  certitude  de  quel  pays  étaient 
ces  Berbères  ainsi  que  leur  nombre  et  leur  intention.  Deux  fois, 
avec  une  grande  opiniâtreté,  ils  attaquèrent  la  plate-forme  des 
magasins  de  la  marine,  distante  d'environ  200  pas  de  ladite  tour, 
dans  le  dessein  de  gagner  l'eau  des  puits  qui  étaient  demeurés 
aux  assiégés  ;  mais  trente  des  nôtres,  (jui  défendaient  la  plate- 
forme avec  un  grand  courage,  les  repoussèrent  durant  deux  nuits, 
en  combattant  trois  ou  quatre  heures. 

Comme  les  gens  du  Sous  étaient  désireux  de  retourner  dans 
leur  pays,  ils  donnèrent  avis  qu'ils  étaieni  niaîlres  de  la  tour  et  du 
pont  au  marabout  Mahamet  Bembucar",  prince  héréditaire  qui  rési- 

I.    Le    texte  espagnol   porte:    nfwnndns.         ]j1iis  commiinémoiit  kif  »_j5  ,  se  fume  Haiis 
qiip  es  preparados  nm  iinn  flroti'i.  On  sait  que         TViVique  du  Non!, 
le  chanvre  indien  (caïuiabis  indica),  appelé  2.   Maliamcl    Hcmbucur.     Sidi    Abdallah 


GaO  lO     AOUT-IO     SEPTEMBRE     16^7 

dait  à  Salé  et  qui  commandait  les  armées  de  son  père,  le  marabout 
Mahamet  Bembucar',  souverain  de  Fez.  d'El-Ksar  et  de  Salé.  Ils 
lui  demandèrent  de  venir  avec  son  armée  continuer  le  siège  de  la 
place,  l'assurant  qu  elle  était  à  lui,  et  que  le  plus  difficile  était  fait, 
puisque  la  tour  et  le  pont  étaient  pris.  Le  prince,  rempli  de  joie  à 
cette  nouvelle,  ordonna  de  faire  une  proclamation  dans  tous  ses  Etats 
pour  que  tous  ses  sujets,  sous  peine  de  la  vie,  se  rendissent  dans 
trois  jours  à  la  ville  de  Salé  pour  assiéger  El-Mamora.  Il  fut  obéi 
ponctuellement  par  tous  ceux  qui  pouvaient  porter  les  armes  et 
réunit  plus  de  Soooo  Maures  et  loooo  chevaux,  outre  beaucoup 
de  vivandiers. 

Le  Marabout  distribua  beaucoup  de  formules  en  caractères  arabes 
revêtues  de  signes  superstitieux,  par  lesquelles  il  assurait  et  pro- 
mellait  aux  uns  la  vie  et  aux  autres  le  Paradis,  au  lieu  de  paie  et 
de  solde'.  Larmée  se  mit  en  marche,  emmenant  avec  elle  trois 
pièces  dartilleric  de  la  Kasija,  deux  de  fer  fondu  et  un  demi- 
canon  de  bronze  de  20  livres  ;  elle  vint  se  retrancher  depuis  les 
lagunes  jusqu'au  gros  mur  el  à  la  fausse  porte,  et,  lorsqu'elle  eut 
pris  possession  de  la  (onr  de  Saint-Joseph,  ceux  du  Sous  partirent; 
quelques-uns  d'entre  eux  restèrent  au  service  du  Marabout,  parce  que 
cela  leur  plut.  Cet  avis  nous  fut  donné  par  un  Maure  affidé  qui 
pénétia  dans  la  place,  venant  de  l'autre  côté  de  la  livière. 

La  première  tranchée  et  le  fossé  des  Maures  se  trouvaient  à  moins 
de  3o  pas  des  murailles,  vis-à-vis  du  pont  de  Fez  et  de  Salé,  et 
arrivaient  de  ce  côté  jusqu'à  la  fausse  porte.  Ils  forcèrent  le  gros 
mur  vers  son  commencement,  et  par  ce  moyen  ils  s'emparèrent 
de  la  source,  et.  à  huit  pas  en  deçà  de  celle-ci,  à  travers  la  vigne, 
ils  commencèrent  à  miner  la  plate-forme  de  Santiago,  dans  l'inten- 
tion de  faire  sauter  la  place  :  ils  ne  purent  être  repoussés  par  les 
nôtres,  parce  que  la  plupart  d'entre  ceux-ci  étaient  malades  de  la 

bcn   Mohammed  el-Hadj.  On  sait  que  les  i.   Muhnmet  Bembucar,  Sidi  Mohammed 

auteurs   chrétiens  n'ont   pas  distingué  les  el-Hadj,  [jcre  du  précédent.  V.  supra,  pp. 

divers  chefs  de  la  zaouïa  de  Dila  et  les  ont  077-583. 

tous  appelés  Bucar,  Bembucar  ou  Mahamet  i 

Bembucar,  défigurant    plus    ou    moins    le  ^-   Surlcsdjcdoul  J^a>.  frmulcsécritcso 

nom  du  fondateur  des  Dilaïtes  qui  s'appe-  avant  une   vertu    magique,    Cf.    Doutté, 

lait  Sidi  .\bou  Beker  ben  Mohammed.  V.  Magie  et  religion  dans  l'Afrique  du   Nord. 

supra,  Introduction  critique,  p.  577,  note  i.  pp.  i5o  et  ss. 


RELATION     DU    SIÈGE    DE     EL-M A:\I0RA  62  I 

fièvre  tierce.  A  ce  moment-l;i.  le  ca|)ilaiiio  et  sergent  major  Don 
Francisco  Banos  de  Ilcrrera.  (|ui  commandait  en  l'absence  du 
maitre-de-camp  Don  Antonio  de  Médina,  dépêcha  une  barque 
longue  à  rexcellentissime  seigneur  duc  de  Médina  et  Alcala,  avec 
deux  lettres,  une  pour  Sa  Majesté  et  l'autre  pour  Son  Excellence, 
cette  dernière  de  la  teneur  suivante. 


LETTRE     DE    D.     FRANCISCO    liANOS    DE    IIEHUEHA    A    MEDINA-CELI 


Saint  Aliciiel  (rUiitrcmor  |EI-Mamora],   i3  août  iG'i7. 

Excellentissime  Seigneur. 

A  cause  du  peu  de  temps  cpi'il  y  a  [joui-  adresser  un  compte- 
rendu  détaillé  à  Votre  Excellence,  je  m'en  remets  à  la  lettre  qui 
part  avec  celle-ci  pour  Sa  Majesté,  par  laquelle  elle  verra  notre 
état  :  et,  si  Votre  Excellence,  dans  sa  grandeur,  n'intervient  pas, 
la  situation  deviendra  bien  pire,  car  il  ne  me  [)aiaîl  pas  qu'il  y  ait 
lieu  d'attendre  le  salut  de  Sa  Majesté. 

Les  Maures,  comme  Votre  Excellence  le  verra,  sont  postés  à  la 
marine,  sans  que  nous  ayons  le  moyen  de  nous  opposer  à  leur  des- 
sein, ce  qui  nous  mènera,  s'ils  persévèrent,  à  mourir  de  soif,  comme 
autrefois  de  faim.  Nous  supplions  Votre  Excellence  de  daigner, 
comme  cela  a  toujours  été  sa  coutume,  envoyer,  avec  la  plus  grande 
célérité,  des  vaisseaux  pour  les  en  déloger,  et,  comme  dans  la  lettre  à 
Sa  Majesté  ce  cpii  nous  manque  est  indiqué,  dans  la  présente  nous 
supplions  seulement  qu'on  nous  secoure  promptement.  Dans  cette 
espérance,  nous  envoyons  la  barcpie,  et,  conmie  nous  n'en  avons  pas 
d'autre,  cela  permet  de  voir  dans  quel  état  nous  allons  nous  trouver. 

Que  Dieu  y  porte  remède  et  conserve  Votre  Excellence  de 
nombreuses  armées,  aiin  (pie,  par-  sa  grandeur,  nous  soyons 
délivrés!  ÎNous  la  supplions  en  même  temps,  après  avoir  jeté  les 
veux  sur  la  lettre  ci-incluse,  de  1  envoyer  à  Sa  Majesté  avec  la  rapi- 
dité que  le  cas  recpiicrt.  Nous  avons  besoin  d'hommes,  Excellen- 
tissime Seigneur,  car  il  n'y  en  a  pas  trente  qui  puissent  prendre 
les  armes,  ce  qui  dispense  d'cMi  diic  davantage. 


(52  3  lO    AOUT-IO    SIÎPTKMIilUÎ     1  () '|  7 

Saint  Michel  d'Outremer,   i."{  août  \()\~,  à  ()  heures  du  soir. 

Don  l'iiuicisco  I3afi()s  de  llcricra. 
Juan  de  ArcllatKi  (Juiiilaiia. 

Le  duc,  aussilùl  qu'il  recul  cet  avis,  s'oinploya,  avec  son  alTcclion 
et  son  zèle  accoutumés  pour  le  serx  ice  de  Sa  Majesté,  à  préparer  et 
à  faire  parlii-  le  secours  avec  une  grande  célérité  ;  il  s'appli(|ua  de 
sou  mieux  à  ces  ijrépai'atifs,  risquant  manifestement  sa  santé,  car 
il  était  en  convalescence  d'une  fièvre  tierce  maligTie.  dont  il  fut 
repris  par  suite  du  travail  qu'il  s'imposa  lui-même  à  cet  cfl'et. 
Les  préparatifs,  cormnencés  le  i()  août,  jour  de  l'arrivée  de  l'avis, 
furent,  terminés  dans  les  (juatre  jouis  suivants,  et  les  vaisseaux  se 
plaçant  à  la  file,  en  aval  de  la  barre  de  San  Lucar,  y  restèrent  deux 
jours,  attendant  le  vimU  favorable.  On  mit  à  la  voile  le  samedi 
2/j  août.  Il  Y  avait  la  fi'égale  de  l)unker(pic,  ap|)eléc  San  Pedro, 
une  hourcpic  anglaise,  et  di\  bartpips  longues,  dont  le  chef  et 
coiumandaiil  fui  le  capitaine  et  sergent-major  de  la  ville  de  San 
Lucar,  Don  .luau  de  Duero  y  A\ala,  (pu  avait  ser\i  dans  cette  place 
de  Saint  Michel  d'Outremer  en  qualité  de  capitamc,  quelques  aimées 
auparavant. 

Le  samedi  au  soir,  la  frégalc  cl  la  liouripic  arrnèrcnl  ;i  la  hau- 
teur de  la  crique  de  Santa  (Jialidina  de  Cadix,  oii  ils  furent  ri'|(jinls 
par  la  zabra  de  |)rovisions  et  de  munitions,  qui  arriva  de  Puerto 
de  Sanla  Maria,  et  don!  le  chef  était  le  capilaine  Alonso  de  Villafuerlc, 
coinmandaiil  de  la  dile  place  ;  dans  la  frégalc  s'cinbaripia  le  capitaine 
Don  Gonçalo  de  La  Es(juina  y  Ordonez,  avec  ciiupiaiite  soldats  du 
régiment  des  (îalions^  et  dans  la  lioui'que  moula  le  capilaine  Don 
Lorenvo  (lomez  de  Médina,  avec  ceni  aulrcs  h(jiumes  de  nouvelle 
levée;  et  de  là.  Ion  mil  à  la  \(n\c  le  dimanche  20  août,  parce 
(pi  il  y  cul  ordre  de  ne  pas  allcndre  la  galère,  (|ui  n  élaii  |ias  encore 
é(pii|)éc  :  celle-ci  partit  ensuite  av(H'  deux  aulrcs  nii\ircs  de  ren- 
fort, le  7  septembre,  comme  l'on  dira  plus  loin. 

Cette  nuit-là,  en  raison  du  fort  vent  d  esl  (pii  soulllail,  les 
baripies  relâchèrent  à  Santi  Pétri,  sans  poinoir  traverser  le  Déiroil. 

I.  Le  texte  espagnol  porte:  solilnda.'!  partie  du  régiment  îles  (ialioiis  {Irrcio  de 
tic    Gnlconea    c'est-à-dire  :    soldats    faisant         Cinlrùiirs). 


RELATION    DU    SIÈGE    DE    EL-MAMOR.V  62.3 

Le  lundi  2G  à  3  heures  du  soir,  les  trois  bateaux  jetèrent  l'ancre  à 
la  barre  de  Larache,  où  il  y  avait  ordre  de  prendre  des  nouvelles 
sur  la  situation  de  la  dite  place  de  San  Mitruel.  Le  gouverneur  et 
maître  de  camp  Don  Diego  de  Moreda  répondit  cpj  il  navait  pas  de 
nouvelle  dudit  siège,  parce  qu'aucun  Maure  de  paix'  n'était  encore 
entré  dans  la  place.  Il  envoya  avec  beaucoup  de  plaisir  une  Ijarque 
longue  (ju'on  lui  demanda,  pour  sonder  la  barre  et  recomiaitre  la 
place  ;  cette  barque  était  montée  par  le  capitaine  Miguel  Llorente, 
qui  avait  ordre  de  prêter  son  aide  just|u'à  ce  que  le  secours  lut 
introduit.  Peu  après,  à  la  tombée  de  la  miit.  arrivèrent  huit  des 
barques  qui  avaient  relâché  à  Santi  Pétri,  Son  Excellence"  avait 
donné  entre  autres  au  sergent  major  Don  Juan  de  Duero  y  Avala 
un  ordre  dans  lequel  il  lui  indiquait  la  voie  que  celui-ci  devait 
suivre  pour  se  procurer  des  nouvelles  de  la  place  et  se  renseigner 
sur  1  état  où  elle  se  trouvait.  Juan  de  Duero  devait  envoyer  en 
reconnaissance  une  de  ses  barques  longues,  montée  par  une  per- 
sonne de  son  choix:  cette  barque  ne  pénétrerait  dans  la  ri^^ère 
qu  autant  que  le  secours  ne  pourrait  pas  être  vu  de  la  place,  et.  si 
possible,  à  une  heure  où  elle-même  aurait  des  chances  de  ne  pas 
être  découverte.  Son  Excellence  redoutait  en  effet  que,  si  les  Maures 
avaient  pris  la  place  (ce  qu  à  Dieu  ne  plût!)  ils  n'usassent  du  stra- 
taijème  suivant  :  ceux  du  dedans  auraient  feint  de  combattre  ceux 
du  dehors,  faisant  ainsi  supposer  (ju  ils  étau^nt  Espagnols  ;  les 
nôtres  trompés  par  cette  ruse  auraient  alors  fait  entrer  le  secours 
dans  la  barre,  ce  qui  aurait  amené  en  plus  la  perte  des  troupes 
qu  il  avait  sous  ses  ordres.  Pour  éviter  cela,  S.  E.  ordonnait  au 
contraire  à  Juan  de  Duero  de  prendre  les  précautions  susindiquées 
et  telles  autres  qui  lui  paraîtraient  opportunes  pour  reconnaître 
l'état  de  la  place  et  de  se  préparer  à  combattre  et  à  déloger  les 
Maures  pour  faire  son  entrée  et  introduire  dans  la  place  le  secours 
qu'il  amenait. 

Et,  conformément  à  ces  instructions.  .Iu;iii  de  Duero  fît  avancer, 
des  parages  où  il  se  trouvait,  des  barques  qui  devaient  entrer  dans 
l'oued  Sebou  et  débarquer  cette  imit-Ui.  sur  la  marine  et  dans  les 

I.   M'jro  de  paz.    Sur  celle  eipression,  a.   Son  Excellence,    le   duc   de    Mcdiua- 

\.  supra,  p.  G 17.  note  i.  Celi. 


GaA  lO    AOUT-IO    SEPTEMBRE     16^7 

magasins,  un  soldat  pour  reconnaître  la  place.  Ces  barques  n'osèrent 
pas  entrer,  à  cause  de  rarlillerie  et  des  nombreux  coups  d'escopette 
que  tiraient  les  Maures,  et  le  mardi  27  août  nous  les  rencontrâmes 
de  retour  dans  les  lagunes  de  Larache. 

Le  mercredi  28  dudit  mois,  deux  autres  barques  partirent  avec 
le  même  ordre  d'entrer  cette  nuit-là  avec  la  marée  :  elles  revinrent 
sans  aucun  résultat,  disant  qu'elles  avaient  vu  un  combat  dartille- 
rie  engagé  enti'e  la  plate-forme  des  magasins  et  de  la  Juiverie  et 
la  tour  occupée  par  les  Maures,  ce  qui  pouvait  faire  soupçonner  un 
stratagème  dangereux.  Ce  même  jour  à  lolieures,  le  secours  arriva 
en  vue  de  la  place  et  des  tentes  de  l'ennemi.  Le  jeudi  29  furent  dési- 
gnées par  le  sort  des  dés  deux  autres  barques  montées  chacune  par 
deux  sergents  et  quatre  soldats  des  Galions  '.  qui  devaient  les  faire 
entrer  par  force;  cette  tentative  neut  pas  de  succès,  à  cause  de  la 
grande  violence  de  la  barre  et  du  manque  de  décision  des  gens.  On 
le  constata  bien,  car  ceux  de  la  barque  de  Juan  .Martin  se  muti- 
nèrent, dès  que  les  cinq  soldats  furent  revenus  à  bord  de  la  frégate  : 
ils  voulurent  tuer  le  dit  patron,  lobligeant  à  se  jeter  dans  une 
autre,  et,  ayant  fait  voile,  ils  répandirent  à  San  Lucar  de  fausses 
nouvelles  pour  excuser  leur  peur  :  mais  ces  nouvelles  furent  remises 
au  point  par  le  seigneur  duc  de  Médina,  qui,  sétant  assuré  de  la 
personne  de  ceux  qui  avaient  fui,  leur  fit  faire  une  relation  pré- 
cise et  une  déclaration  de  ce  qui  était  arrivé. 

Le  vendredi  3o,  deux  autres  barfjues  revinrent,  sans  aucun 
résultat.  C'est  pourquoi  le  dit  Don  Juan  de  Duero,  après  avoir  au 
préalable  fait  sonder  la  barre  et  constaté  qu'il  y  avait  assez  d'eau 
pour  les  vaisseaux,  se  résolut  à  entrer  lui-même  dans  la  rivière,  à 
cause  du  danger  qu'il  y  a\  ait  à  attendre  plus  longtemps.  Le  samedi 
3i  à  /j  heures  du  matin,  la  chaloupe  de  la  place  arriva  à  la  frégate 
n'ayant  eu  aucune  avarie,  parce  quelle  n'avait  pas  été  aperçue  de 
l'ennemi  ;  elle  apportait  une  lettre  du  gouverneur  dans  laquelle  il 
demandait  avec  grandes  instances  au  dit  don  Juan  de  Duero  d'en- 
trer au  plus  tôt,  parce  que  la  place,  investie  de  très  près,  était  expo- 
sée à  une  attaque  et  qu'elle  manquait  de  monde,  à  cause  des  nom- 
breux malades  et  blessés  qu'il  y  avait. 

1 .   Sur  celte  expression,  V.  supra,  p.  G32,  noie  i. 


BELATIO>     DU     SIÈGE     DE     EL-MAMOHA  GaT) 

Le  dit  don  Juan  résolut  d'entrer  ce  même  jour  dans  la  ])lace  ;  il 
ordonna  au  navire  anglais  d'appareiller  et  de  rost<M-  sur  une  seule 
ancre,  afin  d  être  prêt  à  entrer.  Le  capitaine  de  mer  répondit  qu  il 
n'était  pas  possible  à  son  navire  d'entrer,  parce  qu'il  calait  plus 
d'eau  qu'il  n'y  en  avait  dans  la  barre  (ce  qui  n'était  pas  exact). 
Le  (lit  don  Juan  le  prit  à  bord  de  la  frégate,  le  menaçant  de  le  pendre. 
Mais,  pendant  ce  temps-là,  ses  Anglais  se  mutinèrent,  ils  se  retran- 
chèrent dans  la  sainte-barbe,  braquant  l'artillerie  vers  la  proue, 
où  étaient  les  soldats,  et  alfu-mant  qu'ils  feraient  sauter  le  navire 
si  on  les  obligeait  à  entrer.  Le  dit  don  Juan  de  Duero,  voyant  cela, 
jugea  bon  de  laisser  ce  navire  près  de  la  barre,  et  d'entrer  avec  la 
frégate,  la  zabra  et  les  barques  longues.  11  réunit  les  capitaines  espa- 
gnols de  mer  et  de  guerre  qu'il  avait  avec  lui,  et  ceu.v-ci  résolurent 
que  le  secours  entrerait  (car  le  cas  prévu  par  les  ordres  que  Son 
Excellence  avait  donnés  était  arrivé),  et  que,  les  deux  grands  vais- 
seaux abritant  les  barques  longues,  on  s'approcherait  de  la  barre. 
Ils  entrèrent  dans  cet  ordi'e  et  se  déployèrent  dans  la  rivièi'e. 

La  nuit  précédente,  les  Maures  blasphémaient  à  haute  voix  de 
leurs  tranchées  etdisaient  :  «  Où  sont  donc  votre  Chris  t  etMarie,  qu'ils 
ne  vous  favorisent  pas  et  n'introduisent  pas  le  secours?  »  Lorsque 
les  vaisseaux  entrèrent,  l'ennemi  les  reçut  avec  l'artillerie  de  deux 
batteries  qu'il  avait  sur  la  marine  et  avec  un  grand  nombre  de 
coups  descopette  tirés  de  ses  tranchées,  établies  des  deux  côtés  de  la 
rivière  ;  le  feu  dura  jusqu'à  ce  que  les  vaisseaux  eurent  jeté 
l'ancre  dans  un  détour  c[ue  fait  la  rivière  près  des  magasins  ;  la  fré- 
gate faisait  feu  de  son  arldlene,  et  il  y  eut  plus  de  200  coups  de 
canon  et  de  nondjreuses  décharges  de  mousqueterie  faites  par  les 
soldais  des  Galions,  si  habiles  et  si  exercés:  ce  feu  produisait 
beaucoup  de  fracas  et  causait  bien  du  mal  aux  Maures,  qui  suivaient 
la  frégate  à  corps  découvert,  alors  que  des  nôtres  il  n'y  eut  pas  plus 
de  trois  hommes  tués  et  peu  de  blessés.  Par  suite,  quelques  Maures 
commencèrent  à  se  retirer  et  nos  gens  sautèrent  à  terre  ;  le  dit  Don 
Juan  de  Ducro  et  les  capitaines  Don  Gonçalo  de  La  Esquina  et  Don 
Lorenço  Gomcz  donnèrent  l'exemple  ;  alors,  sans  grande  opposi- 
tion des  iMaures,  le  secours  fut  introduit  dans  la  place,  avec  laquelle 
la  communication  fut  établie. 

Le  lundi  2  septembre,  la  muraille  fut  garnie  de  quel([ue  infante- 

Dt  Castkiks.  111.    —   4o 


626  lO    AOCT-IO     SEPTEMBRE     ifi'l" 

rip  (m'on  lira  des  nouvelles  troupes  et  de  celles  du  gouverneur,  ren- 
forcées de  quelques  gens  de  la  place;  on  jeta  cinquante  soldais 
commandés  par  le  capitaine  Antonio  Garrido  le  long  du  fossé  de 
Salé,  à  la  vigne  de  Pedro  Coloma,  et  4o  hommes  de  mer  sur  la 
marine  ;  puis  le  sergent-major  Don  Juan  de  Duero  y  Ayala  et  le 
capitaine  Don  Gonçalo  de  La  Esquina  s'approchèrent  pour  recon- 
naître la  mine.  Mais  ils  étaient  très  exposés  aux  coups  descopette 
que  les  ennemis  tiraient  de  la  tour  et  du  gros  mur  ;  le  capitaine 
Garrido  fat  dangereusement  blessé,  un  soldat  de  la  place  tué, 
d'autres  blessés,  et  don  Gonçalo  de  La  Esquina  reçut  une  petite 
blessure  au  sourcil.  Le  dit  Don  Juan  de  Duero  avec  le  capitaine  Don 
Gonçalo  de  La  Esquina,  les  quarante  hommes  de  San  Lucar  et 
quelques  soldats  de  la  place  et  des  galions,  n'ayant,  ce  qui  ne  s'est 
jamais  vu,  que  l'épée  à  la  main,  attaquèrent  la  tour  et  la  prirent, 
avec  une  valeur  incroyable.  Parmi  les  premiers  qui  montèrent  à 
l'assaut  furent  l'alferez  Arroyo,  des  troupes  de  la  place,  et  Juan 
Martin,  maître  de  la  barque,  qui,  pour  prendre  part  à  l'affaire,  s'en- 
fuit de  celle-ci  et  se  sau^a  sur  une  autre.  Et,  en  conséquence, 
ils  recouvrèrent  les  trois  pièces  de  bronze  que  les  Maures  avaient 
enlevées  de  la  tour  et  qui  étaient  auprès  de  cette  tour  sur  une  plate- 
forme :  ils  les  enclouèrent,  pour  le  cas  oîi  lennemi  se  rallierait  ; 
toutefois,  nous  les  retirâmes  ensuite.  Ils  chargèrent  aussitôt  tous 
ensemble  sur  1  entrée  de  la  mine  et  y  jetèrent  deux  bombes  de  feu; 
il  en  sortit  quelques  Maures,  dont  deux  furent  faits  prisonniers;  il 
y  en  eut  onze  enterrés  vivants  dans  la  mine. 

Les  nôtres  aveuglèrent  la  mine  et  la  source,  et  ils  barricadèrent 
la  fausse  porte  du  gros  mur  avec  des  gabions  remplis  de  terre,  puis 
de  là  ils  poussèrent  les  Maures  jusqu'à  les  rejeter  de  la  tranchée, 
tandis  que  la  place  nous  couvrait  du  feu  de  ses  mousquets  et  de 
son  artillerie.  Les  Maures  clierchèrent  opiniâtrement  à  recouvrer 
la  tranchée,  mais  ils  furent  repoussés  et,  serrés  de  près,  ils  tour- 
nèrent le  dos.  Don  Juan  de  Duero  mit  aussi  en  défense  la  tour, 
remplaçant  par  des  gabions  ce  qui  avait  été  détruit  par  le  feu  de  la 
place,  et  il  la  garnit  d  infanterie  tirée  do  celle-ci,  de  munitions  et  de 
ce  qui  était  nécessaire  pour  la  défendre  :  il  y  mit  pour  chef  l'adjudant 
Castejana  et  y  arbora  un  étendard  avec  les  armes  de  Sa  Majesté. 

Le   mardi  3   septembre,  les    Maures  retirèrent  le  demi-canon, 


RELATION    DU    SIÈGE    DE    EL-MAMORA  62" 

laissant  brisées  les  deux  pièces  de  fer  fondu,  et  ils  levèrent  le  siège, 
ayant  iui>  k-  feu  aux  plate-formes,  la  iiuil.  dans  leur  retraite. 

Le  mercredi  suivant,  à  huit  heures  du  matin,  quatre  Maures  de 
paix  vinrent  à  cheval  devant  la  porte  de  Merrakcch,  demandant  le 
corps  de  ceux  qui  étaient  morts  dans  la  mine,  dans  la  tranchée  et 
dans  la  tour,  parce  qu'ils  vénèrent  comme  des  saints  ceux  qui  meu- 
rent dans  la  guerre  contre  les  Chrétiens.  Le  gouverneur  leur  refusa 
l'entrée,  afin  qu'ils  ne  remarquassent  pas  la  faiblesse  de  la  place, 
s'excusant  sur  la  peste  qui  régnait  à  Salé  :  il  ne  leur  livra  pas  les 
corps,  parce  qu'ils  étaient  ensevelis,  leur  promettant  plus  tard  les  os. 

Le  jeudi  5  septembre,  cinquante  mousquetaires  et  un  alferez  à 
cheval  (car  il  n'y  avait  pas  alors  plus  d'un  cheval  en  la  place)  par- 
tirent pour  reconnaître  la  campagne  et  n'y  découvrirent  aucun 
Maure.  Le  gouverneur  retint  cinq  jours  la  frégate  et  les  barques 
longues  ;  il  ordonna  à  la  zabra  de  rester  et  acheta  une  des  barques 
longues,  dont  ce  préside  avait  besoin. 

Le  mardi  lo  septembre,  Don  Juan  ayant  rassemblé  ses  gens  de 
mer  et  de  guerre  pour  revenir  en  Espagne,  on  hala  la  frégate  avec 
des  touées,  au  risque  manifeste  de  la  perdre.  A  ce  moment, 
arriva  le  second  secours,  composé  de  deux  vaisseaux,  que  Son  Ex- 
cellence avait  équipés  en  trois  jours  ;  ils  amenaient  deux  cents 
autres  hommes  de  guerre  du  régiment  des  Cialions,  sous  les  capi- 
taines Don  Diego  de  Ibarra  et  Pedro  Julian  Lorcnço.  L'un  des  vais- 
seaux avait  pour  chef  le  capitaine  Chaves,  et  l'autre,  1  amiral  Ver- 
gara,  qui  dirigeait  le  second  secours  et  qui  commande  la  Holtille  de 
barloveiito.  Ces  vaisseaux  n'étaient  pas  accom[)agriés  de  la  galère 
Santa  Clara  :  la  nouvelle  ([ue  la  place  était  secourue  élaiil  arrivée 
alors  que  ladite  galère  se  trouvait  dans  la  haie,  cette  galère  reçut 
l'ordre  de  revenir  au  j)orl,  ce  qu'elle  (il.  Ce  second  secours  ne  fît 
autre  chose  que  de  décharger  quantité  de  provisions  et  quelques 
munitions  de  guerre  qu'il  appoitait,  et  il  les  laissa  dans  la  place, 
d'après  l'ordre  qu'avait  donné  Son  Excellence,  (jui  avait  également 
prévu  ce  cas.  Quant  à  nous,  nous  revînmes  1res  heureusemeni 
avec  le  premier  détachement,  ayant  débloqué  El-Mamora  assiégée 
par  3oooo  Maures  et  loooo  cavaliers  ',  qui  la  tenaient  dans  un  dan- 
ger qu'(jn  n'avait  jamais  vu. 

I.   Evaluation  nianift'stemcnt  exagérée. 


628  lO    AOUT-IO    SEPTEMBRE     I  6/)" 

Tout  ce  qu'il  y  a  d'invraisemblable  dans  ce  succès  est  dû  à  la 
Providence  divine  ;  pour  les  dispositions,  œuvre  de  la  sagesse  hu- 
maine, qui  ont  préparé  celte  victoire,  on  en  est  redevable  à  l'excel- 
lentissime  seigneur  duc  de  Mcdina.  comme  on  le  verra  [)ar  la  lettre 
de  Sa  Majesté,  qui  sera  donnée  textuellement  en  dernier  lieu.  Sa 
Majesté  l'écrivit  à  Son  Excellence  avant  de  savoir  l'heureux  succès. 
Quant  à  l'exécution  des  résolutions  si  promptes  et  si  bien  prises, 
elle  revient  à  la  valeur  du  dit  capitaine  et  sergent  major  Don  Juan 
de  Duero  y  Ayala  et  des  capitames  et  soldats  qu'il  conduisit  à  cette 
action. 

LETTRE    DE    PHILIPPE    IV    A    5IEDINA-CELI 

Madrid,  S  septembre  i6'47- 

Le  Roi. 

Duc  de  Medina-Ccli,  mon  cousin,  cajîitaine  général  de  la  mer 
Océane  et  des  côtes  d'Andalousie,  j'ai  vu  votre  lettre  du  22  août, 
m'avisant  du  secours  que  vous  avez  préparé  pour  la  place  de  Saint- 
Michel  d'Outremer  et  qui  a  mis  à  la  voile  le  même  jour.  Je  vous 
remercie  beaucoup  pour  le  zèle  et  pour  le  soin  que  vous  avez  mis  à 
son  équipement  et  à  son  envoi,  et  j'en  éprouve  une  juste  gratitude, 
vu  surtout  A'otre  célérité  et  les  circonstances  dans  lesquelles  vous 
avez  agi,  me  promettant  par  ce  moyen  la  conservation  de  la  place, 
et  bon  succès  dans  les  effets  que  1  on  désire,  et  confiant  que,  dans 
toutes  les  autres  choses  qui  passeront  par  vos  mains,  vous  répon- 
drez aux  grandes  obligations  de  votre  sang. 

Madrid,  8  septembre   l(j^']. 

Moi  le  Roi. 

Par  ordre  du  Roi,  notre  sire, 
Juan  de  Otalora  Guevara. 


Archives  espagnoles  du  Goiwernemenl  fjénéral  de  l' Abjérie. 
(anciennenienl:  Registre  1GS6,  ff.  368-371).  —  Imprimée 

1.    Pièce  raji|jorléc  par  M.  Tiran. 


LETTRE    DE    LA  MER    \    MAZARIN 


6t>9 


CXIV 


LETTRE  DE  LAMER  A  MAZARIN 


//  ojljre  SCS  services  pour  te  nichât  des  esclaves  français  détenus  à  Salé.  — 
Une  sailie  de  Gènes  portant  du  marbre  destiné  au  mausolée  du  cardinal 
de  Richelieu  a  relâché  à  Lisbonne. 


Lisbonne,  6  septembre  loi". 


Monseigneur, 


J  envoyé  à  \.  E.  un  duplicata  de  la  lettre  que  je  luy  ay  escrilte 
par  les  S  vaisseaux  qui  vont  en  Levant... 

Un  capitaine  (jui  trafique  à  Sale  '  m'a  dict  que  le  Morabite  (jui 
commande  là  '  se  montre  très-alTectionné  au  service  du  Roy,  et 
qu'il  se  pouvoit  traiter  quelque  chose  en  faveur  des  esclaves  Fran- 
çois qui  sontlà,  ce  que  je  peux  tenter,  si  V.  E.  l'a  agréable.  J'ap- 
prens  qu'il  est  à  cet  heure  en  paix  avec  le  roy  de  Faix  et  de  Maroc  \ 

N'ayant  plus  forte  passion  que  de   luy    tesmoigner  qu'il   n'y   a 


I .  Le  capitaine  français  Martel.  Son  nom 
est  donné  ci-après.  \ ,  p.  689. 

3.  Le  mornbile.  qui  commande  li'i.  Sidi 
.\bdallah  filsde  Sidi  Mohammed cl-IIadj  ed- 
D(7ai',  appelé  quelquefois  par  les  auteurs  chré- 
tiens K  le  prince  de  Salé  ».  V.  supra,  p.  58t. 

3.  Le  roy  de  l'nix  et  de  Maroc.  En  iG'i^, 
on  ne  voit  pas  bien  à  qui  pouvait  s'appliquer 
un  pareil  titre,  et  ce  qualificatif  est  évidem- 
ment erroné.  Laniervcut  sans  doute  parler 
des  relations  pacifiques  qui  s'étaient  établies 


entre  la  zaoïiia  de  Dila  et  Moulay  Moham- 
med ecli-Cheikh  el-Ase<jlùr. !\.yiTrs  la  défaite 
de  Hou  \kba(a6  octobre  iC38)oùil  avait  été 
mis  en  déroule  par  les  Dilaïlcs,  le  Gliérif 
«  qui  sentait  qu'il  ne  pouvait  leur  tenir  léte. 
ni  briser  leur  puissance,  cessa  de  lutter 
contre  ces  rebelles  ;  il  ne  les  inquiéta 
plus  et  parut  désirer  vivre  en  paix  avec 
eux,  sans  s'occuper  davantage  de  la  situa- 
lion  qu'ils  s'étaient  créée  ».  El-Oufhàxi, 
p.  !i2'i. 


63o  fi     SEPTEMBRE     lf\!i~ 

personne  au  monde  qui  luy  soit  plus   fidellement   aquis    et    avec 
plus  de  vérité. 

Monseigneur, 

Son  très-humble,  très-obeissant  et  très-obligé  serviteur, 

Signe  :  Lanier. 
A  Lisbonne,  ce  6'  "j^"  16^7. 

Il  a  relasclié  icy  une  cetye  de  Gennes  qui  porte  le  marbre  pour 
la  sépulture  de  deilunct  monsieur  le  Cardinal  Duc'.  (]ui  partira  la 
semaine  prochaine,  par  laquelle  je  manderay  à  V.  E.  ce  qui  se 
passera. 

Archives  des  Affaires  Étrangères.  ■ —  Portugal.  —  Correspondance  po- 
litique.  Vol.  3  ff.  12  v"  et  13  v".  —  Original. 

I.   Unn  partie  de  ce  marbre  était  destinée  au  mausolée  de  Louis  XIII.  V.  infra,  p.  635. 


LETTRE     DE     MED!\A-CELI     A     PHILIPPE     IV 


63 1 


CXV 

LETTRE  DE  MEDINA-CELI  A  PHILIPPE  lY 

//  transmet  une  lettre  ouverte  de  D.  Juan  de  Duero  rendant  compte  du 
secours  que  celui-ci  a  fait  entrer  dans  la  place  de  El-Mamora  investie 
par  les  Maures.  —  //  demande  des  crédits  pour  réparer  celte  place.  — 
Propositions  en  faveur  des  officiers  qui  se  sont  distingués. 

Puerto  dn  Santa  Maria.  8  septembre  16(47. 

En  Irte.  (ilia  manu:  Sitio  y  socorio  de  Mamora.  —  16/47. 

Sefior, 

Aver.  con  cstraordiiiario,  di  a  \'uestra  Magestad  aviso  que  estava 
socoirida  la  Mamora  con  la  brevedad  que  me  permitieron  las  pri- 
meras noticias  del  buen  suceso,  en  que  solo  tome  tiempo  para  ase- 
gurarme  délias.  Aora,  aviendo  reconocido  la  carta  que  el  sargento 
mayor  Don  Juan  de  Duero  (cabo  que  nombre  para  el  primer 
socorro.  que  lue  el  introducido  en  la  plaza)  me  escrive',  repito  a 
Vuestra  Magestad  la  norabuena  desle  bien  suceso  de  sus  armas. 

Que,  al  paso  que  los  Moros  en  tanlo  numéro  no  solo  avian  tomado 
entiambas  riberas,  la  una  que  esta  de  la  parte  de  Alarache  y  la  otra 
delà  Mamora.  avicndi)  ganado  la  torrc  de  San  Josepli,  que  esta  en 
las  murallas  de  la  plaza,  y  l'orlilicadose  entre  ella  y  la  marina,  no 
parece  que  se  podian  desalojar  sin  fuerza  de  arlillcria,  ni  abrir  la 
comunicacion  el  dia  que  dcsde  sus  fortificaciones  defcndian  el  desem- 
barco  de  la  g(Mitc  que  iva  a  socorrer.  Esto  (piiso  Nucstro  Senorfaci- 
litarlo  con  sola  la  artillcria  de  una  fragata  de  Dunquerquc,  que  fuc 
la  que  entro  primero  la  barra  por  orden  y  disposicion  de  Don  Juan 

I.  V.  Doc.  CXIl,  p.  61 5. 


632  S     SFPTEMBBr:      (6^7 

de  Duero,  que  fue  en  ella,  a  quien  obedecia  tamblen  su  capitan  de 
mar',  que  disparo  en  menos  de  una  hora  200  caiïonazos.  \  con  la 
infanleria  que  iva  de  guainicion,  que  es  la  compania  de  Don  Gon- 
zalo  de  La  Esquina  del  tercio  de  galeones,  se  le  dieron  a  los  Moros 
taies  cargas  de  mosqueleria.  que  empezaron  a  desamparar  unos  me- 
dios  trinclierones  que  tenian  hechos,  a  que  ayudaion,  haciendoles 
mucho  dano,  la  artilleria  de  la  plazay  gente  délia.  Con  esto,  resol- 
vio  Don  Juan  de  Duero  saltar  en  tierra,  y  Aaliendose  entonces  de 
la  genlc  de  los  barcos  luengos,  que  unos  ivan  flelados,  yolros  ase- 
gurados  por  mi  (como  a  \  uestra  Magestad  tengo  escrito),  embistio 
con  la  infanleria  y  esta  gente  de  los  barcos  con  los  Moros  que  toda- 
via  permanecian,  y  a  cuchilladas  hicieron  levantar  de  todo  punto 
el  sitio,  y'  los  Moros  desanipararon  la  marina,  dexando  en  ella 
3  piezas  de  artilleria  de  bronce,  que  ganaron  quando  la  torre. 
Queda  en  la  plaza  de  San  MigueP  el  bastimento.  armas  y  muni- 
ciones  que  el  socorro  Uevava,  y  los  i35  hombres  de  la  compania 
de  Don  Lorenzo  Gomez  de  Médina.  \  para  el  reparo  de  los  danos 
que  lia  recivido  la  plaza,  es  para  lo  que  empiezo  a  pcdir  a  Vuestra 
Magestad  algunas  asistencias  de  dinero,  liaciendole  memoria  que, 
durante  el  sitio  y  los  2  socorros  que  lie  embiado  no  lo  lie  hecho, 
antes  ofrecido  cmpcfiarme  para  cstos  gastos  esiraordinarios,  como 
lo  quedo.  Hasta  aqui  es,  Scnor,  relacion  de  todo  lo  sucedido,  reco- 
pilando  lo  que  algunas  carias  de  la  plaza  rcfieren. 

Las  personas  a  quien  Yuestra  Magestad  debe  liacer  merced,  por 
averse  senalado  en  este  socorro,  son  el  capitan  y  sargento  mayor  Don 
Juan  de  Duero,  cabo  del,  que  cumplio  con  toda  su  obligacion  y  a 
la  letra  las  ordenes  de  pelear  que  le  di. 

El  capitan  Don  Gonzalo  de  La  Esquina,  que  viene  berido  de  un 
escopetazo  en  el  rostro,  y  los  cabos  minores  lieridos,  de  que,  por 
no  tener  nolicia,  no  hago  a  Vuestra  Magestad  relacion. 

El  capitan  Don  Diego  de  Ibarra  fue  el  primero  del  tercio  de 
galeones  que  se  ofrecio  por  si,  y  por  Don  Gonzalo;  y,  respeto  de 
ser  Don  Gonzalo  mas  antiguo,  se  embarco  en  la  fragala,  \  Don 
Diego  quedo  para  la  galera;  y  aunque  no  se  liallo  en  la  ocasion, 


I.   Capitnn  dii   mnr.    Ir   capitaine   de    la  i.   Sur  le  nom  de  cctic /ro«(t'ra.  V.  .w/îra. 

frugale  de  Dunkerque.  p.  (J17,  note  2. 


LETTRE     nF.     >'FnlNA-rFI,I     A     PIMMPrr.     IV  f)33 

aventiiro  cl  no  embarcarse  a  las  Tndias,  y  fuc  en  ci  ofrecerse  el  pri- 
me ro. 

El  capilan  Don  Lorenzo  Cornez  de  Médina,  sargento  mayor  de  la 
armada  de  Ijarlohento,  lue  a  qtiicn  di  esta  compania  de  gente  suelta, 
porque  lambien  se  ofrecio  voluntario  a  hacer  este  servicio  ;  ha 
peleado  conio  debia  a  recien  beneficiado,  y  le  despacho  Don  Juan 
de  Duero  cou  la  iuie\a.  y  por  quedar  achacoso,  no  ha  ido  anle 
Vuestra  Magcslad.  y  assi  la  onibic  con  un  correo,  y  no  con  gentil- 
hoiubrc,  cpie  le  pudiesse  diviilir  cl  merilo. 

El  ayndanle  de  sargento  mayor  Cendrcras  (ipie  lo  es  en  San 
Lucar  y  Uevo  Don  Juan  de  Duero  consigo),  nie  dice  Don  Juan  que 
se  senalo  en  la  ocasion,  y  que  merece  una  compania  :  yo  no  la 
tengo  vaca,  pcro  ofrecercle  la  primera,  si  Vuestra  Magcslad  no  se 
sirve  de  anticiparlc  por  olia  parie  el  prcmio. 

Los  que  avian  ayudado  a  todas  las  assistencias  destos  dias  son 
el  Conde  de;  Frigiliana,  govcrnador  de  Cadiz,  que  en  lo  que  le  lie 
encargado  ha  obrado  muy  conforme  a  sus  muchas  obligaciones. 

El  maese  de  campo  Don  Fran"  Enrriquez  de  Sylva  lo  ha  liecho 
tambien,  y  puedo  asegurar  a  ^  ucslra  Magcslad  cpic  cl  socorro  pri- 
mero  que  embie  y  el  que  bizo  la  faccion  no  salieron  de  San  Lucar 
con  mas  de  dos  dias  de  diferencia,  si  no  fucra  por  lo  que  Don  Fran'° 
de  Sylva  frabajo  en  la  mar  con  la  génie  de  los  barcos,  assi  en  hacer 
subir  a  bordo  los  [)ertrechos  y  bastimentos  como  en  sacar  las  naos 
con  remolcos  de  barcos  longos,  desayudandonos  mucho  el  tiempo, 
y  facililando  cl  (pie  los  barcos  ru(>sscn  a  este  socori'o.  dondc  lanto 
inq)orto  su  gcnic. 

El  provçcdoi-  (l(^  las  galcras  Pedro  Cadena  Villasanll  me  ha  assis- 
lido  con  gian  Irabajo  y  puntualidad  eslos  dias;  y  puede  Vuestra 
Magcslad  créer  (pic  en  me)oiallc  de  empleo  no  solo  preniiara  sus 
rnuchos  servicios,  mas  se  adclantaj-a  el  mismo  servicio  de  \  ueslra 
Magcslad  en  (|ii:ili|un'i-a  cosa  (pie  h;  (jcupar(!. 

El  veediir  de  las  piox  isioncs  générales  dcl  Aiidahnia  v  lucrzas  de 
Africa  Don  Juan  del  Solar,  secrctario  de  \  ucslra  Magcslad  y  ofi- 
cial  2"  de  la  secrelaria  de  guerra.  ha  empezado  a  lomar  la  possesion 
de  su  oficio  en  medio  deslos  cmbarazos,  y  me  ha  ayudado  en  ellos 
de  manera  y  facilitado  el  servi(^io  de  Vuestra  Magcslad  con  tanbuen 
expidicntc  para   las   parles,   cucnta  y   razoïi   en  cl   j)aradero  de  la 


fi.Vl  8     SEPTEMBRE     J  6  fl~ 

real  hacienda,  que  no  siendo  yo  el  de  mas  facil  contente,  lo  he 
ddmirado  tante  que,  en  scia  esta  2:)retension  de  que  Vuestra  Mages- 
tad  me  de  buen  ministre  y  prepietario  en  estes  papeles,  puede  con- 
fesar  que  estey  satisieche. 

i  Nuestre  Sener  guarde  la  real  persena  de  ^  uestra  Magestad  les 
muchos  ânes  que  la  Christiandad  ha  menesler! 
Puerto  de  Santa  Maria,  a  8  de  Setiembre  i6A7- 
Copia  de  la  carta  que  el  sargento  mayor  Don  Juan  de  Duere  me 
escribe,  y  el  plicgo  del  sargento  mayor  que  govierna  la  plaza,  que 
mêle  embia  abierto  para  \  uestra  Magestad,  y  el  que  tambien  me 
embia  el  veeder  de  la  dicha  plaza,  rernite  a  \  uestra  Magestad,  y 
suplice  a  Vuestra  Magestad  se  sirva  de  hacer  alguna  merced  al  capi- 
tan  Garrido,  pues  le  hirieron  en  tan  henrrada  ocasiou  cemo  la  de 
restaurar  la  terre. 

Signé:  El  duquc  de  Médina. 

Archives  cspaijnolcs  du  Ciouverncincnl   tjeiicral  fie  /'Al'/c'ric.  —  A™  515 
(anciennement  :  licfjistre  1686,  ff.  362-36^).  —  Copie  du  xvii'  siècle\ 

I.   Pièce  rapportée  pnr  M.  Tiran. 


LETTHE     DE    LAMER     A     MAZARIN  635 


CXVI 

LETTRE  DE  LAMER  A  MAZARIN 

La  saitie  chargée  de  marbre  a  été  capturée  par  (es  pirates  de  Salé.  —  //  va 
écrire  ù  Sidi  Abdallah  pour  le  rnrhnt  de  cette  saitie. 

[Lisbonne,  23  octobre  1647'.] 

Monseigneur, 

Le  partemcnt  d'un  Aaisscau  préparé  à  Porto  ayant  esté  différé, 
me  donne  temps  d  informer  V.  E.  des  nouvelles  de  deçà... 

J'en  hier  advis  de  Salé,  par  lettres  du  8"  de  ce  mois,  comme  la 
cetye  génoise  par  laquelle  j'avois  amplement  escript  à  V.  E.,  qui 
portoit  le  marbre  pour  la  sépulture  du  feu  Roy  et  de  leu  monsei- 
gneur le  Cardinal  Duc,  partie  d'icy  le  21"  septembre,  avoit  esté 
prise  parles  corsaiies  de  là,  dont  j'attends  nouvelles  plus  certaines 
par  le  capitaine  Martel,  françois,  qui  y  alla  en  mesme  temps,  par 
lequel  j'escrivi  au  Morabite,  gouverneur  de  là  ",  luy  recommandant 
les  pauvres  esclaves  françois  et  pour  taschci-  d  avoir  quelques  che- 
vaux, suyvant  mon  instruction.  On  m'a  asseurré  qu'il  avoit  par- 
faittemeiit  bien  reçu  ma  lettre,  arrivée  heureusement  pour  addoucir 
son  esprit  du  ressentiment  qu'il  avoit  par  le  manquement  d'une 
sienne  entreprise  sur  la  place  de  La  Mamora  \  que  les  armes  du  Roy 

i.   La    présente  lettre   est   un   duplicata  (^WllI,  p.  638),   relative  au    même  fait, 

placé  en  tête  d'une  dépêche  du  8  novembre  Lanicr   rappelle  ces  deux  dépêches   «   des 

16/17  ''^    ''"   '"""   façon  que  les   deux  do-  32"  octobre  el   8  novembre  dernier  ». 
cuments    ont   l'air   de    n'en    faire    qu'un  2.   Sidi    .\bdallah    bon    Mohammed    cl- 

dalédu  8  novemlirc  1O/17.  Mais  la  date  du  lladj.  V  .  supra,  p.  62g,  noie  2. 
premier  se   rétablit    facilement,   car,  dans  3.   Sur  ce  siège  de  El  Mamora.  V.  supra, 

une  dépèche  du  3o  décembre  i647(V.  Doc.  Doc.  C.\I1I,  pp.  618-638. 


636  2  2     OCTOBRE     I  6 '|  7 

Catholique  avoient  secourue,  aydées  de  quelques  vaisseaux  fran- 
çois  et  anglois.  Après  le  retour  dudict  Martel,  je  continueray  mes 
soins  pour  le  rachapf  de  ladictc  cetye  et  du  marbre  destiné  pour 
lesdicles  sépultures',  sur  quoy  j'escris  audict  sieur  de  Prat",  qui  y 
est  consul  \ 


Arcltivet!  des  Affaires  litran(/èrcs.  —  Portugal, 
liliqne.  Vol.  3,  ff.  2ô-'..'(j.  —  Duplicata. 


Correspondance  po- 


I .  Celle  saitie  achetée  par  ilcs  Juifs  hol- 
landais (V.  infra.  Doc.  CXVII,  p.  O37) 
partit pourÂmsterclam  le  28  novembre  i647 
(V.  ire  Série,  Pays-Bas  à  la  date  â  mai  1 648), 
Surpris  par  la  tempête,  ce  navire  dut  se 
réfugier  dans  le  port  de  Malaga  oii  il  se 
perdit  (V.   Ibidem,    à    la   tlate   du   37    mai 


ili^.j). 

3 .  Sur  André  Prat,  nommé  consul  à  Salé 
et  Télouan  le  3o  novembre  162g,  V.  supra. 
Doc.  XXXIV,  p.  373. 

3.  L'absencode  formulefinalcetdesigna- 
ture  s'explique  parce  fait  que  ce  document 
est  un  d\ipUcala.  \.  supra,  p.  635,  note  i. 


LETTRE     d'aNDRÉ    PRAT    A     LANIER  63" 


CXMl 

LKTTHI-:   DANDhK  l'RAT  A  LAMKIl 

Le  char(jcmcnt  de  marbre  pris  pur  le.s  pirates  de  Salé  a  été  acheté  par  des 
Juifs  hollandais  de  concert  arec  le  (jourernciir  de  cette  ville  et  envoyé  à 
Amsterdam. 


Salé,  II  décembre  i6'i7. 

En  léte  :  Extraict  cl  une  Icllrc  esi-iillc  à  monsieur  Lanier  à  Lis- 
bonne par  le  s'  André  de  Prat.  consul  de  la  nation  françoiseà  Salé, 
xj"'  x''"'  iG,'47. 

Ayant  faict  responce  aux  vostres  par  le  capitaine  françois  Mar- 
tel, party  de  cette  ville  le  29''  9'""  dernier,  depuis  il  n'est  arrivé  au- 
cune chose  qui  meritle  vous  estie  dicte,  sinon  la  réception  de  la 
\ostredu  i9''novembre  et  du  duplicata  d'icelle  par  voye  de  Tetuan, 
et  vous  remercie  du  soin  tjue  vous  avez  eu  d'escrire  en  cour  la 
prize  du  marbre,  sur  quoy  je  vous  diray  que  le  Gouverneur',  en 
compagnie  des  marcliands  juifs  de  Hollande,  l'ont  envoyé  depuis 
8  jours  à  Amslredam  pour  leurs  comjjtes,  l'ayant  lesd.  Juifs  payé 
pour  leui's  portions  à  raison  de  cmq  mil  ducats,  outre  le  profict 
qu'ilz  en  font  espérer  aud.  Gouverneur.  De  mon  costé,  j'y  ay  en 
vérité  faict  tout  mon  possible  et  leur  ay  protesté  verballement  et 
de  faict  que  sur  ce  j'en  ay  escrit  à  monseigneui'  le  cardinal  Maz- 
zarin . 

En  attendant  l'yssuc,  je  me  diray  à  jamais — 

Archives  des  Affaires  Etrangères.  —  Portiiij(d.  —  Correspondance  po- 
litique. Vol.  il,  f.  /!).  —  Copie  contemporaine  'le  l'ori'jinal'. 

I.    Sur  ce   (joiivcrneur  et  les  dlDerentes         p.  63g,  noti'  i. 
formes  de  son  iiom.V.  infra.  Doc.  CXMll,  2.    \.  inj'ru,  Uoc.  CXVIK,  p.  038. 


638  3o    DÉCEMBRE     ifi^" 


ex  Mil 

LETTRE  DE  LAMER  A  MAZARIN 

//  a  prévenu  l' ambassadeur  de  France  à  La  Haye  de  l'arrivée  éventuelle  à 
Amsterdam  de  la  saitie  charcjce  de  marbre.  —  Possibilité  de  sirjner  un 
accord  avec  les  Salélins.  —  Sidi  Abdallah  s'est  excusé  de  n'avoir  pu 
autoriser  l'embarcjucment  de  chevaux  pour  le  Portugal. 


Lisbonne,  3o  décembre  1647. 

En  télé,  propria  manu  :  A  Lisbonne,  ce  3o'  décembre  16^7. 
Monseigneur, 

Depuis  avoir  escrit  à  V.  E.  le  10''  de  ce  mois  au  soir,  et  donné 
ma  depesche,  je  reçu  un  billet  de  M'  le  Secrétaire  d'Etat... 

Jay  receu  lettre  du  s'  André  Prat,  consul  à  Salé,  dont  j'eiivoye 
coppie  à  Votre  Excellence  cy-joincte',  qui  est  en  responce  à  une 
que  je  luy  avois  escritte  le  19"  novembre  par  voie  de  Tetouan, 
touchant  le  vaisseau  de  Gennes  chargé  de  marbre  pour  les  sépul- 
tures du  feu  Roy  et  de  mons'  le  Cardinal  Duc,  qui  avoit  esté  pris 
par  ces  corsaires  au  mois  de  septembre  dernier,  comme  plus  am- 
plement j'ai  donné  compte  à  Votre  Excellence  par  mes  depesches  des 
22'  octobre  et  8'  novembre.  Dès  à  présent,  par  une  flotte  chargée  de 
sel  qui  retourne  en  Hollande,  jescris  à  JM'  de  La  Thuillerie.  ambassa- 
deur, et  M' Brasset,  résident,  aflîn  quilz  fassent  prendre  garde  à  Ams- 
tredam  si  ledict  vaisseau  y  auroit  esté  mené  et  le  faire  sçavoir  à  V.  E. 

J'apprends  que  lesdicts  corsaires  de  Salé  auront  au  mois  de 
mars  vingt  vaisseaux  prests  pour  aller  en  course,  ce  qui  m'a  esté 

I.  V.  supra.  Doc.  CXVH,  p.  687. 


LETTRE    DE    LAMEU     A    MAZARIX  6.Sg 

confirmé  par  5  esclaves  françois  qui  se  sont  racheptez  et  ont  re- 
passé sur  le  vaisseau  du  capitaine  françois  Martel  demeurant  en 
cette  ville,  et  que.  si  quatre  vaisseaux  du  Roy  se  presentoient  de- 
vant ledit  port  de  Salé  après  la  sortie  des  leui',  volontiers  il/,  donne- 
roient  [non  seulement]  tous  les  esclaves  françois,  mais  tous  les 
Chresliens  qui  y  sont  en  captivité,  et  que  Zaetachinuy  ',  gouver- 
neur de  lad.  ville  de  Salé  ",  qui  y  a  toute  aulliorité  près  du  morabide 
Abdala  ben  Bucar,  se  reposant  sur  luy  du  gouvernement  et  de  la 
disposition  de  toutes  les  affaires,  voudroit  là  establir  un  commerce 
honorable,  au  lieu  de  toutes  ces  courses  et  larcins.  Led.  gouver- 
neur est  liomme  fort  raisonnable  et  aflectionné  à  nostre  nation, 
pour  le  bon  traitement  qu'il  a  reçu  en  France,  estant  captif  dans 
les  galères  de  Marseille. 

Outres  les  lettres  qu'ilz  m'ont  escrittes  !  un  et  l'autre,  ilz  mont 
faict  faire  force  excuses  s'ilz  ne  pouvoient  laisser  passer  des  chevaux  ^ 
ny  du  bled  par  deçà  pour  le  service  de  ce  royaume,  cela  estant 
expressément  delTendu  par  leur  loy. 

En  ma  considération,  le  Gouverneur  a  achepté  le  capitaine  Jean 
Coucourela,  de  Barcelonne,  pris  avec  son  vaisseau  au  commence- 
ment d'octobre  dernier. 

Archives  des  Affaires  Étrangères.  —  Portnijal.  —  Correspondance  po- 
litique.  Vol.  3,  ff.  63  v"-GU.  —  Duplicata. 

1 .    I.e  nom  de  ce  personnage  se  retrouve  riantes,   de  rétalilir  la  transcription  o\acle 

av<rc"  diirérentes  formes.  Il  est  appelé  «  liaiz  de  ce   nom.  Le  mol  Clienoui,  Genoui  est 

Aclii  Clienui  >>  (Raïs  el-lladj  Chenui)  dans  peut-être  un  ctlinique  signifiant:  le  Génois 

le  Doc.  suivant  (p.  6io).  Deux   lettres  en  ou  le  Guinéen  (el-Djennaoui). 
espagnol  adressées  par  lui   aui   Etals-Gé-  2.   C'était   en   réalité   de   Sidi  .Vbdallah 

néraux  des  Provinces-Unies  sont  signées  :  hen  Mohammed  cl-IIadj,  appelé  à  la  ligne 

Zaetachinuy  (V.  i'^'  Série,  Pays-Bas,  5  mai  suivante  «  .\bdala  ben  Bucar  »,  que  relevait 

i(i48  et  .27  mai  l'J^g).  Cette  même  forme  la   ville   de   Salé  (V.    supra.    Introduction 

se  retrouve  dans  un  certificat  de  rachat  de  critique,  p.  58l).  Le  raïs   el-IIadj   Genoui 

captifs    du    i3   aoilt    i6J3  (V.    /'"'  Série,  n'était   que    gouverneur    de    Salé-le-Vieil 

Angleterre,  à  cette  date).  Dans    la    lieta-  (V.    infra,    p.    671),   mais  il  paraît  avoir 

tion  (l'une  rédemplion  de  captifs  (V .  infra,  en    fait    exercé  li^    pouvoir   dans   les   deux 

Doc.  ex  XV,  p.  671),  il  est  appelé  :  Cidizay  villes  par  suite  de  la  faveur  dont  il  jouis- 

Genoui.  —  Il  serait  téméraire,  étant  donné  sait  auprès  de  Sidi  Abdallah. 
les  agglutinations  qui  ont  produit  ces  va-  3.   Cf.  supra.  Doc.  CX,  p.  Oi  [. 


6^0  iS    JANVIER     l648 


CXIX 

LETTRE  UE  LAMER  A  MAZARIN 

Désir  exprimé  pur  Sidi  Abdallah  de  vivre  en  bon  accord  avec  le  roi  de  France 
pour  courir  contre  les  Espagnols.  —  Les  esclaves  français  seraient  mieux 
traités  à  Salé  qu'auparavant. 


Lisbonne,  i8  janvier  i648. 

En  lèle  :  A  Lisbomio,  ce  i8'' janvier  iTp'iS. 

\  .  E.  aura  ample  information  des  afTaires  deçà  et  de  ce  qui  s'y 
est  passé  jusques  à  la  fin  do  l'année  dernière  par  la  depesche  cy- 
dessus'. 

Un  capitaine  françois  nommé  Martel,  retourné  depuis  peu  de 
Salé,  m'a  dict  que  le  morabite  Abdala  Benbucar  et  son  favory,  gou- 
verneur de  lad.  ville,  Raiz  Achi  Chenuy^  luy  avoient  tesmoigné  le 
désir  qu'ilz  avoient  d'estre  dans  les  bonnes  grâces  du  Roy  et  le 
servir  de  leurs  vaisseaux  contre  les  Castillans,  contre  lesquels  ledict 
gouverneur  est  animé,  ayant  esté  leur  esclave  et  mal  traitté,  au 
contraire  de  France,  ofi  il  a  esté  aussy.  L'un  et  l'autre  alTectionne 
particulièrement  ledit  Martel,  qui  espère  retourner  promptement 
là,  et  m'a  asseuré  que  les  esclaves  françois  estoicnt  mieux  traitez 
qu'auparavant,  ce  qui  m'a  esté  confirmé  par  les  lettres  du  Consul. 

Je  prie  Dieu  qu'il  conserve  V.  E.  en  parfaite  santé  et  liiy  donne 


1.   Lu  depesche  cy-dessus,  celle  du  Sodé-        V.  supra,  p.  G38. 
cembre    16/I7,    dont  le   duplicata   précède  2,   Sur  ce  personnage  V.  supra,  p.  63ij 

immédiatement  celle  du  18  janvier  ifi^S.         et  note  i. 


LETTRE    DE    LANIER     A     MAZ.VRIN  6 /|  I 

heureux  accomplissement  de   tous   ses  généreux  dessains  ;  ce  sont 
les  vu'ux  de  celluv  qui  est, 

Monseigneur, 

De  V.  E. 

Le  très-humble,  très-obéissant  et  très-obligé  serviteur, 

Signé  :  Lanier. 

Archives  des  A JJ aires  Etrangères.  —  Portugal.  —  Correspondance po- 
iili(jue.   Vol.  3,  f.  71  v".  —  Original. 


Df.  Castkies.  III.   —  il 


6^2  6  ica  i648 

CXX 

LETTRE  DE  LAMER  A  MAZARIN 

Pirates  d'Alger  et  de  Salé  pris  sur  la  côte  porlagaise  par  Jes  Hollandais.  — 
Conspiration  contre  le  roi  da  Maroc. 

\jAioaDe,  6  jinn  i6^8. 
Monseigneur, 

Depuis  mes  dernières  depesches  des  17,  18,  19  et  28'  may,  que 
j'ay  confiées  à  M'  de  L'Isle  L'Escot,  qui  s'est  embarqué  sur  un 
vaisseau  hollandois  allant  à  Bordeaux,  j'en  receu  le  20'  ensuyvant 
deux  amples  des  7  et  26'  avril  dont  il  a  plu  à  ^  .  E.  mlionnorer. 

Quatre  vaisseaux  de  guerre  hollandois.  qui  ont  escorté  une  flotte 
venue  chaîner  de  sel  à  Setuval  et  courru  cette  coste,  ont  pris 
quelques  va:  les  corsaires  d'Alger  et  de  Salé,   avec  nombre 

d'esclaves  4  j  jÎs  faict  achepter  à  bon  prix,  si  j'avoiseu  1  ordre 
de  \  .  E.  sur  ce  suject,  touchant  ceux  que  je  fis  achepter  l'an  passé 
et  ■  ■  s'  de  L'Isle  m'a  faict  la  faveur  de  payer. 

'  1*  par  lettres   de  Salé  qu'au  mois    d  avril  dernier   on 

.  ^^.. .,  ■:  :  le  roy  de  Maroq.  ôo  des  complices  avoient  desja  esté 
pris  et  tranché  la  leste  à  onze  d'entre  eux. 

Je  prie  Dieu  qu  il  conserve  A  .  E.,  estant. 

Monseigneur, 
Son  très-humble,  très-obeissant  et  très-obligé  serviteur. 

Signé:  Lanier. 
Lisbonne,  et  ^i48. 

,  — ■  Portxujol.  —  Correspondance  po- 
■  oi.  3,  J.  122  v^.  —  Original. 


PROVISIONS  DE  COSSCL  A  HEXRV  PRAT  6^3 

CXXI 

PROVISIONS  DE  CONSLL  POLR  HENRY  PRAT 

S'  Gern-a...  .  ..-1. . .. .  j„  v^  w£,re  idiS. 

En  léte  :  Lettres  patentes  du  Roy  obtenues  par  Henr)"  Prat.  bour- 
geois de  Marseille,  portant  pro^^5ion  en  sa  faveur  de  1  estât  et 
charge  de  consul  de  la  nation  Irançoise  à  Totoan  et  Salles,  pays  de 
Mauritanie'. 

Louis,  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France  et  de  Navarre,  comte 
de  Provence,  Forcalquier  et  terres  adjacentes,  à  tous  ceux  qui  ces 
présentes  lettres  verront,  salut. 

Sçavoir  faisons  que  nostre  cher  et  bien  amé  André  Prat.  bour- 
geois de  nostre  ville  de  Marseille  et  consul  de  la  nation  françoise  ez 
villes  de  Totoan  et  ScJlés,  pays  de  Mauritanie,  au  royaume  de  lez 
et  Marroc,  s  estant  volontairement  demis  de  ladite  charge  par  sa 
démission  cy-attachée  soubz  le  contrescel  de  nostre  chancellerie, 
en  faveur  de  nostre  cher  et  bien  aimé  Henry  Prat.  son  fils,  à  icel- 
luy .  pour  ces  causes  et  autres  bonnes  considérations  à  ce  nous  mou- 
vans,  de  ^ad^^5  de  la  Reyne  régente,  nostre  très-honorée  dame  et 
mère,  avons  donné  et  octroyé,  donnons  et  octroyons  par  ces  pré- 
sentes signées  de  nostre  main  ladite  charge  [de  consulj  de  la  nation 
françoise  ez  ^^lles  de  Totoan  et  Salles,  pays  de  Mauritanie,  au 
royaume  de  Fez  et  Marroc.  pour  en  jouir  aux  honneurs,  aucto- 
rités,  prérogatives,  prééminences,  privilèges,  exemptions,  fi-an- 
chises,  Ubertés.  droiclz.  pouvoirs  et  fonctions,  fruiclz,  profBtz, 
revenus  et  emolumens  y  appartenans,  tels  et  semblables  et  tout  ainsi 
qu'en  a  jouy  ou  deub  jouir  ledit  .\ndré  Prat  père,  avec  pouvoir  et 
faculté  que  nous  luy  donnons  de  comraetlre  et  subdeleguer  pour 
>'ice  consul  en  son  lieu  et  place  ez  dites  villes  de  Totoan  et  Salles 
à  tel   personnage  qu'il   advisera,   duquel  il  nous  demeuiera   res- 

I.  Ces  lettres  furent  enregistrées  par  le        Prat  fit  exercer  sa        :.    ,    :  .,u- 

Parlement  d'.Vii  le  lojanYier  16^9.  H.  suls.V.  oi/ra,  p.  678,  note  i  cl  p.  67I,  note  i . 


6/14  20    OCTOBRE     1 6/18 

poiisable,  au(|uel  seront  expédiées  nos  lettres  patentes  de  commis- 
sion à  cet  eflet.  Sy  donnons  en  mandemant  à  noslre  amé  et  féal 
conseiller  en  nos  conseils  et  nostre  ambassadeur  en  Levant,  le 
sieur  de  La  Haye  Ventelaye,  et  ses  successeurs  en  ladite  ambas- 
sade et  à  tous  nos  autres  officiers  qu  il  appartiendra  que,  pris  et 
receu  le  sermant  dudil  sieur  Henry  Prat,  ils  le  fassent  mettre  et 
sesditz  viceconsuls  de  par  nous  en  possession  de  ladite  charge,  les 
faisant  jouir  et  user  aux  honneurs,  authorités,  prérogatives,  pree- 
minances,  fonctions,  fiuictz.  proffîtz.  revenus  et  emolumans  susditz 
plainemant  et  paisiblemant,  et  à  luy  obéir  et  entendre  et  à  sesditz 
viceconsuls  ez  choses  touchans  et  concernans  ladite  charge. 

Mandons  et  conmiandons  à  tous  nos  subjetz  et  autres  traffiquans 
soubz  nostre  bannière  qu'ils  ayent  à  recognoislre  ledit  sieur  Henry 
Prat  pour  consul  de  la  nation  françoise  ez  villes  de  Totoan  et  Salés, 
pays  de  Mauritanie,  au  royaume  de  Fez  et  Marroc,  avec  ses  vice- 
consuls,  ayant  commission  de  nous,  et  de  payer  les  droicts  ordi- 
naires et  accoustumés.  selon  et  ainsi  qu'en  a  jouy  ou  deub  jouir  ledit 
André  Prat.  Car  tel  est  notre  plaisir. 

Prions  très-haut,  très-excellent  et  très-puissant  prince  nostre 
très-cher  et  bon  amy  l'empereur  de  Maroc,  roy  de  Fez  et  de  Suz, 
de  laisser  jouir  ledit  sieur  Henry  Prat  de  ladite  charge  de  consul 
et  ses  viceconsuls,  et  des  droictz  qui  leur  appartiennent  et  qui  sont 
accoustumés,  sans  leur  faire  ny  soulTrir  estre  faict,  mis  ou  donné 
aucun  empêchement  au  contraire,  ains  leur  prester  toute  fiance  et 
adsistance,  comme  nous  fairions  en  pareil  cas  si  nous  en  estions 
requis  de  sa  part. 

En  tesmoins  de  quoy  nous  avons  faict  mettre  noslre  scel  à  ces- 
dites  presantes. 

Donné  à  Saint-Germain-en-Laye.  le  vingtiesmejour  d'octobre  l'an 
de  grâce  mil  six  cens  quarante-huictetde  nostre  reignele  sixiesme. 

Signé  :  Louis.  Et  sur  le  reply  :  Par  le  Roy,  comte  de  Provence, 
la  Reyne  régente  sa  mère  presanle,  signé  :  de  Lomenie.  Deuemant 
scelées  du  grand  scel  de  cire  jaune  à  double  queue. 

Archives  dcparteineiitales  des  Bouches-dn-Rhône,  Seclion  d'Aix.  — 
,SV/-(e  /),  re(jisLre  n"  335G,ff.  595-597. 


OnnRE     DE     LOUIS     MV     A     HENRY    PUAT 


6/1 5 


CWII 

OHDHE   DV.  I.OI  IS  \l\    A   IIEMIY  PR\T 

Le  rrmsul  Henry   Prnt  devra    fournir  aux  reliqieiLx   récollets  à    Salé 
et  à  Télouan  un  local  qui  leur  permette  d'exercer  leur  minialère. 


Poitiers,  28  janvier  i652. 

Au  dos.  alla  manu  :  Ordri'  du  Hoy  au  s''  Prat,  consul  de  la 
nation  françoise  en  Barbai'ie,  en  faveur  des  marchandz  [et] 
esclaves. 

En  tc'le  :  Au  consul  de  Salé,  le  s'  Prat. 

De  par  le  Roy. 

Sa  Majesté,  aiant  esté  informée  par  les  niarchans  et  esclaves,  ses 
sujectz,  qui  sont  en  Barbarie,  qu'ilz  sont  privez  de  toute  consola- 
tion spirituelle'  et  despoir  d'estie  rachaptez,  parce  que  le  s'  Prat, 
consul  de  cette  nation  à  Salé  etToutouan,  refuse  de  faire  desservir 


I .  On  se  rappelle  qu'une  clause  de  la  trêve 
de  i63o  conclue  entre  Louis  XIII  elles  Salé- 
lins  stipulait  expressément  la  faculté  pour 
le  consul  de  France  cl  les  Français  de  prati- 
quer librement  leur  religion  (V.  supra. 
Doc.  XXXIX,  p.  sg'i).  Pierre  Ma/.et,  pre- 
mier titulaire  du  consulat  de  Salé,  avait 
insisté  auprès  des  capucins  envoyés  en  mission 
au  Maroc  par  le  P  Joseph  pour  les  conser- 
ver en  quelque  sorte  comme  chapelains. 
Ceux-ci,  f|ui  voyaient  un  a[>ostolat  h  exer- 
cer auprès  des  Chrétiens  de  tous  pavs  et 
même  auprès  des  Moriscos,  s'y  refusèrent, 
jugeant  qu'une  «  si  grande  eitroversion  » 


pour  être  simplement  aumimier  du  consul 
et  de  son  serviteur  n'était  pas  justifiée  (V. 
supra,  p.  3?i3).  L'article  VI  du  traité  passé 
le  18  juillet  i635  entre  Louis  XIII  et 
Moulav  el-Oualid  étendit  le  ministère  «  des 
gens  d'église  françois  ii  à  tous  les  Chrétiens 
(y.  supra.  Doc.  LXXIX  p.  498).  Malgré 
les  dispositions  libérales  de  cet  article,  les 
capucins  ne  consentirent  pas  à  rester  au 
Maroc,  et  les  Chrétiens,  marchands  ou 
captifs,  n'eurent  qu'occasionnellement  les 
secours  religieux,  Inrs  du  passage  de  Trini- 
taires  et  de  Morcédaires  allant  en  rédemp- 
tion. V.  infra,  p.  ("172,  note  3. 


fi'ifi  28    JANVIER     t652 

sa  chappelle  consulaire'  par  les  religieux  recolectz,  missionnaires 
apostoliques",  que  leur  zèle  et  leur  charité  envers  ces  pauvres 
esclaves  portent  à  s'en  aller  en  ces  quartiers-là  pour  les  enseigner, 
catechizer  et  procurer  leur  rédemption,  Sa  Majesté,  compatissant 
à  leurs  souffrances,  et  voulant  les  souslager  autant  qu'il  se  pourra, 
elle  mande  et  ordonne  très-expressement  audit  consul,  ou  à  celuy 
ciui  exercera  sa  charge  en  son  absenee,  de  donner  à  deux  desd. 
relie;ieux  recolectz,  missionnaires,  un  lieu  propre  et  commode  pour 
faire  leurs  fonctions  spirituelles,  comme  chappelains  de  Salé  et  de 
Toutouan,  en  sorte  qu'ilz  puissent  y  recevoir  en  toute  liberté  qui 
bon  leur  semblera,  et  que  leur  maison,  particulièrement  le  lieu  on 
ilz  célébreront  le  divin  service,  soit  honoré  et  respecté  comme  il  se 
doit  :  l'intention  de  Sa  Majesté  estant  que  led.  consul  donne  auxd. 
deux  religieux  les  choses  qui  seront  nécessaires  pour  leur  subsis- 
tance jusques  à  la  somme  de  quatre  cens  livres,  et  qu'il  les  protège 
auprès  des  principaux  du  païs.  Le  P.  Félix  Chevalier  et  son  compa- 
gnon seront  porteurs  du  présent,  auquel  Sa  Majesté  enjoinct  très- 
expressement  à  son  consul  de  se  conformer,  sur  peine  d'estre  desti- 
tué de  sa  charge'. 

Donné  à  Poictiers,  le  xwui' janvier  i652. 

Archives  des  Affaires  Etrangères.  —  Maroc.  —  Correspondance  consu- 
laire. Vol.  1.  —  Minute. 

1.  Dans  les  traités  qu'ils  passèrent  avec  nairc  de  Barbarie  »,  fut  envoyé  en  mis- 
la  Porte  et  les  Régences  Barbaresques,  les  sion  «  aux  royaumes  de  Fez  et  de  Maroc  » 
rois  de  Franco  se  firent  toujours  un  devoir  (Ibidem  éd""  de  i60i,  p.  2!i~).  I^es  détails 
de  stipuler  qu'une  cbapelle  serait  annexée  à  qu'il  donne  sur  le  Maroc  sont  d'ailleurs  insi- 
cbaque  consulat  et  que  les  consuls  seraient  unifiants. 

autorisés   à   avoir  chez  eux   un  prêtre  au  3.   En  exécution  de  cet  ordre  formel,  le 

moins  pour  la  desservir.  V.   Mas   Latrie,  consul  Henrv  Pral  fit  consiruiro  une  cha- 

pp.  169,  igi-iga.  prlle  ;  celle-ci  était  achevée,  quand  les  PP. 

2.  Depuis  qu'ils  avaient  fondé  une  mai-  Trinitaircs  Anroux  et  Héron  arrivèrent  à 
son  à  Jérusalem  (1628),  les  récollets  fran-  Salé  en  avril  i65/l.  V.  infra.  p.  672.  — 
çais  s'étaient  fait  une  spécialité  de  desser-  Les  navires  français  qui  abordaient  à  Salé 
vir  les  chapelles  des  consulats  en  pays  devaient  acquitter  un  droit  pour  la  subsis- 
rausulman.  Cf.  F.  Eugè.ne  Roger,  La  tance  du  desservant  de  la  chapelle  consu- 
Terre  Saincie.  id°"  de  i646,  pp.  383  et  laire.  Cf.  2^^  Série,  France,  Z,c((re(/ePenW(i' 
l\o8.     L'auteur,    «    recollcct     et     mission-  «  Scicjnelay  du  1 5  janvier  1686. 


MÉMOIRE    JUSTIFICATIF    DK     n.     JOÂO    SOAHES  6^" 


GWIU 

MÉMOIRE  ,11  STIFICATIF  DE  1).  JOAO  SOARES' 

Les  Anglais  ayant  capturé  en  octobre  iliai  un  na\irc  cli.iryr  de  blé  envoyé 
du  Portugal  pour  ravitailler  Tanger-',  celle  |)lace  se  trouva  dans  une  grande 
détresse.  Leduc  de  Mediiia-Celi  voulut  proiilcr  de  cette  occasion  pour  négocier 
la  soumission  de  la  «  frontera  »  rebelle  :  il  lit  accepter  .son  projet  par  le 
roi  Pbilippe  IV  et  l'on  écrivit  à  ce  sujet  à  1).  Joâo  Soares,  gouverneur  de 
Ceuta.  Celui-ci  démontra  le  peu  de  succès  à  attendre  des  négociations  et 
|)roposa  au  roi  d'agir  par  la  force.  Pbilippe  l\  ,  aux  prises  avec  de  grandes 
dillicultés.  se  montra  bésitant.  Sur  ces  entrefaites,  leaa  janvier  1602,  les  Anglais 
ayant  capturi'  un  autre  navire  de  ravitaillement  destiné  à  Tanger.  D.  Joào 
Soares  crut  pouvoir  renouveler  sa  proposition  cl  exposa  ses  raisons  et  son  plan, 
mais  celui-ci  échoua  par  suite  du  mauvais  vouloir  et  des  lenteurs  calculées  du 
duc  de  Medina-C.eli.  inspiré  par  la  jalousie. 


[1602. 


En  Ic'Ie.  (ilia  manu  :  Expedicion  de  Tanger'.  —  i65i. 

Con  la  perdida  del  primer  riavio  de  trigo  con  que  de  Porlugal  se 
socorria  la  plaça  de  Tanjar  por  cl  mes  passado  de  Uelubre  de  i65i , 
occasioiiada  por  las  fragalas  del  Parlamenlo"  que  asisliau  en  guar- 
dia  del  estroelio,  diocuenla  a  Su  Magestad  en  los  priiiieros  de  aquel 
mes  el  duque  de  .Medin,i-(Jeli,  capitan  gênerai  del  mai-  Oeceaiio  y 
costas  y  reyno  del  Andalusia,  de  la  oportunidad  (pie  se  ofrecia 
para  introdusir  j)lalira  eonel  governador  de  acpieila  plaça''  sobre  su 

I .    I).    .loao    Soares,    comio     rlc    'l'orres  un  projet  (rc\[)('(lition  aii([ii('l  il  ne  fui  pas 

\  cdras,  gouverneur  de  Ceuta.  donne  suite. 

3.  V.  p.  SgC),  Sommaire.  ■').   Parlamento,  Le  Long  l'arlcment  (pii 
.3.  Coite  date  est  celle  des  derniers  docu-  avait  alors  en  .Vnglelerre  le  pouvoir  absolu. 

ments  publiés  dans  ce  mémoire.  0.   11.  Luiz  Lobo,  baron  de  .Vlvito,  avait 

4.  Cette  mention  est  inexacte,  car  le  succédé  dans  le  gouvernement  de  Tanger  le 
Document  relate  non  une  e.vpédition,  mais         io  novembre   '04<)  à  D.  Gastao  Coutinlio. 


fi/iS  1602 

reducion  a  la  real  obediencla,  oifreciendole  socorro  para  facilitar 
con  el  este  intenlo. 

Su  Magestad  ;  Dios  la  guarde  !  por  carta  de  3o  de  Octubre  dio  las 
gracias  al  Duque  de  la  atencion  y  celo  con  que  se  desbelava  en  su 
sirvicio,  a^irovandole  el  intenlo.  \  cntendiendo  Su  Magestad  que 
cl  Conde  de  Torres  Vedras  podriu  introdusir  con  mas  facilidad  esta 
plalica,  le  dise  en  diclio  despacho  las  rasones  siguicntes  :  «  \  por- 
que,  en  despacho  de  22  de  Sepliembre  del  ano  passado,  se  os 
remetio  copia  de  lo  que  cerca  deste  punto  se  escrivio  al  conde 
de  Torres-Vedras,  sera  bien  se  lo  coniuniqueis,  para  que  de  con- 
formidad  y  acuerdo  se  camine  en  ella  con  el  acierto  y  logro  que 
se  espéra.  »  En  la  misma  forma,  tuvo  el  Conde  despacho  del  mis- 
mo  dia  3o  de  Octubre,  que  el  Duque  le  remitiocon  carta  suya  de  16 
de  Noviembre.  para  que  por  Ceuta  se  dièse  principio  a  la  negociacion. 

Y  aviendo  conciderado  el  Conde  la  dlficultad  de  lograrse  esta 
materia  por  inteligencias  solamente,  aviendosc  experimentado  el 
poco  fruilo  que  en  otras  muchas  vezes  que  se  avia  intentadosecon- 
siguio,  l'cspondio  on  caria  de  21  de  ^oviembre  que,  sin  précéder 
primero  el  inbiar  a  la  bahia  de  Tanjar  algunas  naos  de  guerra  que 
impidiesen  el  socorro  de  aquella  plaça,  no  avian  de  obrar  en  esta 
occasion  las  promesas  y  pcrsuasiones.  A  que  Su  Magestad  respon- 
dio  al  Conde,  en  despacho  de  3 1  de  Disienbre,  lo  siguienteen  orden 
a  este  :  «  Y  aunque  las  prudentes  concideraciones  con  que  discurris 
en  esta  materia  no  puedan  mejorarse,  y  yo  me  hallo  tan  satisfe- 
cho  de  vuestro  celo  y  amor  a  my  servicio,  de  que  podeis  estar  cierto 
y  os  doy  muchas  gracias,  todavia,  como  el  emjîeno  en  que  aora 
cstan  mis  armas  sobre  Barcelona'  es  de  la  calidad  y  estimacion  que 
se  vee,  parece  que  no  conbendriadevirtirlas  fuerças  a  otra  empresa. 
Y  assy  sera  bien  que,  por  los  medios  que  hallaredes  mas  abiles,  vais 
continuando  y  cntretcnicndo  la  materia,  por  si  se  pudicre  lograr 
algun  buen  sucesso  sin  empenarse  declaradamente.  » 

En  el  eslado  referido  se  hallava  esta  materia.  quando  la  esquadra 
del  Parlamento   de    Inglaterra  en    22   de  Ilenero  dcsle  ano  rindio 

Il  conserva  le  commandement  de  celle  place  i .    La    Catalogne    s'était    soulevée    en 

jusqu'en  janvier  i653,  date  où  il  fut  rem-  i64o  et  Barcelone  était  entre  les  mains  des 

placé  par  D.  Rodrigo  de  Lencaslre.  Mf.se-  Français    qui   occupèrent    cette   place  de 

ZEs,  pp.  186  et  192.  i6io  à  i652. 


MÉMOIRE    JISTIFICATIF    DE    D.     JOÂO    FOARES  6/ig 

otro  niiovo  socorro  que  de  Portugal  se  remetia  a  la  plaça  de  Tanjar. 
Con  que.  reconociendo  el  Conde  el  grande  aprielo  en  que  se  hall- 
ava  y  que  conbenia  no  pcrder  occasion  tan  opurtuna,  y  que  se  asi- 
guraria  la  empresa  contra  acjuella  plaça,  si  con  diligcncia  se  armasen 
algiinas  naos  cpjc  occupaseii  aquella  l)aliia,  acompafiadas  dealgunos 
varcos  luengos,  dospaclio  con  este  aviso  al  capitan  Melchior  Fer- 
nandes  l'ita  con  carta  de  7  de  Febrero  para  que,  poniendola  en 
manos  del  Duque  de  ÎNIedina  Celi,  anadiese  a  las  considcraciones  y 
moti\os  que  en  ella  rej)rescnlava  la  nolicia  y  eslado  en  que  le  cons- 
tava  quedava  la  dicha  plaça,  y  dixese  la  diligencia  con  que  el 
Conde  avia  dado  principio  a  esta  negociacion,  Inbiando  a  Tetuan 
pci'sona  de  confidcncia  con  carias  para  el  govei'nador  de  Tanjar  y 
algunos  vicinos.  \  entre  otros  capitulos  de  dicha  carta  en  que  dis- 
curria  sobre  la  materia,  se  contenian  las  rasones  seguientes  :  «  Pero, 
conciderando  el  estado  de  larijar  por  la  perdida  passada  y  la  deses- 
peracion  que  les  causara  la  (pie  de  nuevo  liisieron  en  el  navio  que 
aora  les  apresaron  y  el  recclo  que  suceda  lo  mismo  a  qualquier 
socorro  que  de  nuevo  se  le  remita  (aunque  por  lo  que  an  experi- 
mentado  se  veran  por  el  présente  destiluydos  de  esta  esperança), 
me  a  parecido  representar  a  \  .  E.  (|ue  Tanjar  se  piérde  indubita- 
blemenlc,  si  de  nuestra  part("  se  bisicre  la  diligencia  que  conbienc. 
\  es  clai'oque,  [)ara  lumultiiar  a([uel  piicblo  con  este  aviso,  avicndo 
de  llegar  ptinieio  a  inanos  de  su  governadoi-,  podria  prévenir  este 
riesKO,  daiido  nolicia  al  Alffarbe.  v.  con  deseos  de  conser\ar  el, 
facilifar  la  esperança  d(!  (juahpiier  socorro;  y  110  es  dnbilable  que, 
conciderado  por  los  rebeldes,  se  lo  procuraran  introdncir  con 
carabelas  con  brevedado.  sicndo  la  necessidad  tan  urgente  que  no 
pueda  conservarse  mas  1icmi[)o,  en  odio  de  Espana  u  por  conbe- 
nicncias  del  rebelde,  no  es  dificil  de  créer  se  ajuste  con  los  mismos 
Olarideses  y  Inglcses  que  asisten  en  estos  mares,  pues  no  ignoran 
el  cuydado  que  daran  a  Espana,  si  se  hisiese  Tanjar  plaça  importan- 
tissima  y  de  grandes  consequencias.  no  por  la  concideracion  de  lo 
que  es,  sino  por  el  enbaraço  y  oposicion  que  haria  siendo  do  uiia 
destas  nacioncs.  »  ' 


I.   lia  crainte  (io  voir  ia  villp  <!(»  Tantjer        prenne  était  fonfléc.  Tes  Portugais  s'eflbr- 
tombcr  entre  les  maiiiï  d'une  nation  euro-        cèrent  à  différentes    reprises   d'amener  la 


65o  i652 

En  el  terser  capilulo  de  la  caria  rcffirida.  insla  cl  Conde  quanlo 
conbiene  no  perder  punto  en  esta  negociacion,  afiidiendo  nuebas 
concideraciones,  y  discurriendo  sobre  los  medios  de  que  se  podra 
usar  para  ella,  como  lo  expreça  en  las  raçones  siguientes  : 

«  Conciderado  todo,  propongo  a  \  .  E.  que,  en  tan  aprelada  occa- 
sion y  cou  tantascircunstancias,  conbiene  no  perder  la,  puespodria 
resultar  de  lo  contrario  notable  dano  contra  el  sirvicio  de  Su  Mages- 
tad,  y  no  lograrse  la  occasion,  esperando  \  .  E.  respuestasuya,  quando 
Y.  E.  vee  se  halla  dueiio  desta  materia,  aviendola  Su  Magestad 
remetido  a  V.  E.  enteramente  por  despaclio  de  3o  de  Octubrc.  de 
que  V.  E.  se  sirvio  inbiarme  copia.  El  reinedio  ha  de  ser  (pie  luego 
promptamente  se  sirva  \  .  E.  de  resolverse.  detreminando  fletar  un 
navio  de  gucrra  de  ioo  hasta  5oo  toneladas,  y  remitirmelo  V. 
E.  a  esta  plaça  niarinado.  para  que.  cou  mas  ([iialro  varcos  luengos 
que  tengo  prevenidos  para  esta  occasion  en  su  compaTiia,  bayan  a 
occupar  la  costa  de  Tanjar,  y,  a  visla  de  aquella  plaça,  en  lugar 
donde  puedan  cstar  con  segundad  de  los  temporales,  den  fondo  y 
estorven  qualesquier  socorros,  pues  en  esta  plaça  se  liallan  pilotos 
platicos  para  este  intento.  En  el  navio  metcre  la  garnicion  bastante, 
de  80  liasta  100  soldados,  con  cabo  de  toda  inteligcncia,  con  que, 
con  esta  prevencion,  se  podra  apellidar  el  nonbre  de  Espana,  y 
tomara  fuerça  esta  voz  en  la  plaça  por  el  aprieto  que  padece  y  por 
la  desesperacion  de!  socorro,  y  quando  a  ello  obligue.  sera  la  entriega 
a  Su  Magestad  y  no  a  otras  naciones.  Impediransele  con  el  navio  los 
socorros  de  carabelas,  y  con  los  varcos  luengos  las  pesquerias  que  se 
su  mayor  sustento.  y  a  qualesquiera  otras  asistencias  que  se  le 
procuraren  inlroducir  en  embarcaciones  pequenas  (ques  la  forma  con 
que  pueden  venir  de  Portugal),  se  les  hara  oposicion. 

«  Las  dilTicultades  que  a  niy  sentir  se  pueden  olTrecer.  la  pri- 
mera y  mas  forçosa  la  expresa  Su  Magestad  en  despaclio  de  .3i  de 
Dicienbre,  y  es  el  empeno  con  que  al  présente  se  asiste  en  cl  silio 
de  Barcelona,  y  que  no  conbiene  devirtir  las  fuerças,  no  hallandoce 
gente  ny  dinero  para  esta  oposicion'.  »  —  Aqui  dice  el  Conde  la 

France  à  occuper  cette  place  (V.  supra,  Doc.  Catlierine  de  Bragance. 
CIX,  p.  G09  et  infra.  Doc.  CXXVI,  p.  685).  i .   Esta  oposicion.  Il  s'agit  des  entraves  à 

Finalement  Tanger  échut  au  roi  Charles  II  apporter  au  débarquement  d'un  secours  à 

en  1661,  comme  dot  de  sa  femme  l'infante  Tanger. 


MÉMOIHK    .irSTIFIC\TIF     DE     D .     .lOÂO    SOARES  6  T)  I 

scgunda  (liillcullad.  (jiic  so  oinilc.  —  La  torcera  :  «  ser  poco  cl 
pocler  y  qiiedar  expuesto  a  quelquiera  oposicion  de  los  enemigos, 
assi  PVanccses,  Portuguescs,  coino  Turcos. 

«  En  (pianlo  a  la  primera  difficultad,  a  Su  Magcstad  le  fueron 
présentes  dos  concideracioncs  en  ai|uclla  occasion,  la  una  que 
entrava  en  nucva  cnipresa,  sicndo  mas  conbenientc  dilatarlo  hasta 
salir  del  enbaraço  y  cmpeno  de  Barcelona  ;  la  otra  conciderando 
diversion  de  sus  armas,  avicndo  de  aplicar  a  esta  faccion  navios, 
sente  v  diiiero.  Pcro.  con  cl  nucxo  sucesso  del  segundo  navio  de 
trigo  apresado,  cstado  de  a(iu('lla  [)laça  v  su  perdicion  infalible,  es 
visto  non  buscamos  nosotros  la  occasion,  sino  que  ella  misma 
nos  busca  :  y  pareciendo  imprudeneia  buscar  nuevoempeno  a  las 
armas,  quando  estan  cmpefiadas  en  tanlos  de  tal  calidad  e  impor- 
tancia,  séria  discredilo  conciderar  todo  tan  apurado  que  se  dexaes 
de  gosar  la  occasion  de  una  plaça  perdida  sin  genero  de  remedio 
y  que  tanto  cuydado  puede  dar  a  llespana  entrcgandocc  a  olra 
naicon,  como  es  tan  contingente,  assi  porlo  preciso  del  apricto 
como  por  el  odio  de  la  nacion  y  conbeniencias  del  rebelde.  Y  assi 
es  diferente  el  caso.  y  no  obsta  esta  dilTicultad,  pues  queda  en  pic 
la  primera  orden  de  Su  Magestad  de  ,'>o  de  Octubre.  en  que  remite 
a    \  .   E.   entera  mente    esta  faccion. 

((  Y  en  quanlo  a  la  impossil)ilidad  de  navios,  gente  y  dinero, 
yo  me  oU'resco  a  todo.  y  solo  quicro  de  ^.  E.  la  licencia  y  inter- 
\(Miçi()ii  |iaia  ci  n<i(' de!  iiaxio,  |)()r(pi('  cl  dinero  para  cl  y  para  todo 
lo  dcmas  <pic  lucre  nicneslcr  para  la  compra  de  l)aslmicnlos,  el 
capilan  Mclcbior  Fernandcs  Pita.  que  es  la  pcrsona  (jue  dara  a  V. 
E.  estas  carias,  lleva  credilo  y  borden  para  asistir  a  todo  lo  que  se 
gaslare,  con  (juc  se  sale  del  cuydado  que  csto  podria  occasionar, 
jjues  para  prcvcncion  de  tan  pro  inoiiiento.  no  es  mcnester  que  Su 
Magestad,  si  lucre  possible,  supiese  quien  le  hase  este  servicio.  La 
gente  para  las  enbarcaciones  tendre  prevenida  y  salisfecha.  Y  en 
lo  tocante  a  estas  [)revenciones,  me  remito  a  la  instrucion  que  lleva 
este  capilan,  que,  siendo  necessario.  comunicara  con  ^  .  E.  Y  con 
lo  relerido,  rcspondo  a  la  primera  dillicultad.  » 

.No  se  allana  la  scgunda  dilbc-ultad,  por  averla  omilido. 

«  En  quanlo  a  la  lercera  difficultad,  de  ser  poco  cl  poder  y 
quedar  cxjiuesto  a  difercnles   l'iesgos,  en   la   occasion   présente  se 


652  i652 

han  de  concidorar  estos  mcnores  que  en  otra  qualquiera,  porque 
las  esquadras  de  Olanda  y  de  Inglaterrah  an  ahuyentado  los  navios 
enemigos  destos  mares,  con  que  andan  estas  costas  niuy  limpias. 
Y  en  caso  que  paresca  a  \ .  E.  que  el  navio  que  pido  no  es  bastante 
para  el  yntento  y  que,  siendo  dos,  queda  mas  facil  yconsequible, 
en  la  misma  forma  me  obligo  a  dar  todo  el  gasto  para  ello  ». 

Proponia  el  Conde  en  el  discureo  deste  capitulo  las  disposi- 
ciones  con  que  se  hallava  para  la  faccion,  inslando  para  que  se 
abraçase  como  conbenia,  y  passava  a  otro  capilulo,  que  es  del  thenor 
siguiente  : 

«  A  Su  Magestad  escrivo  la  carta  cuya  copia  l'emito  a  V.  E. 
Suplico  a  V.  E.  se  sirva  remitir  la  original  en  su  pliego.  Y  ballando 
sustancia  y  conbeniencia  en  este  négocie,  sera  muy  acertado  remitir 
el  pliego  por  la  posta  a  toda  diligencia,  preveniendo  en  el  intérim 
lo  necessario  para  que  no  se  pierda  tiempo,  pues  es  lo  que  unica- 
mente  podra  disbaratar  la  materia.  » 

Llego  este  capitan  al  Puerto  de  Sancta  Maria  con  el  aviso  antécé- 
dente, y  puso  en  manos  del  Duque  la  carta  relTerida  que  el  Conde  le 
escrivia  fomentando  la  materia,  como  délia  parece.  Abraço  el 
Duque  la  propuesla,  pareciendole  oportuna  la  occasion,  y  en  carta 
de  9  de  Fcbrero  lo  insinua  assi  al  Conde,  dandole  las  gracias  por 
el  fervor  y  celo  con  que  disponiaesta  faccion,  assi  por  ser  de  tantas 
consequencias.  como  por  las  circumslancias  con  que  discurria  en 
este  caso,  y  que,  respeto  de  aver  de  enpeûar  navios  y  artelleria 
gruesa,  que  tcnia  prevenidos.  y  aver  de  Icbantar  estandarte  para  esta 
empresa.  le  avia  parecido  dar  cuenta  a  Su  Magestad,  acompanando 
la  carta  del  Conde  y  haziendo  los  esfuerços  que  pedia  la  materia, 
dando  a  entender  que.  para  que  se  lograce,  despacliava  correo  a 
toda  diligencia.  y  que.  luego  que  Ilegace  la  liorden  de  Su  Magestad. 
no  avria  dilacion.  pues  al  capilaii  Melcliior  Fcrnandes  Pila  le  havia 
hordenado  corriese  con  las  disposiciones.  como  si  huviese  ya  la 
liorden  que  se  esperava  de  Su  Magestad.  aùiniendo  (|ue  conbendria 
que  luogo  luego  el  Conde  enbiase  vergantines  o  varcos  luengos  a  la 
baliia  de  Tanjar  para  la  oposicion  de  las  enbarcaciones  pequenas 
quepodrian  socorrerlas.  pues  dentro  de  ocho  diaslas  acompanarian 
los  bageles  prevenidos. 

Ricivio  el  Conde  esta  carta,  y,  con  el  fervor  que  entendia  pedia 


MÉMOIRE    JUSTIFICATIF    DE    D.    JOÂO    SOARES  653 

la  occasion,  asinliendo  a  que  conbenia  saliesen  las  enbarcaciones  de 
rc'ino,  e  visto  la  lucvcdad  coti  (juc  disia  cl  Diuiiic  saldriaii  las 
luayores,  dispiiso  (luo  lucgo  se  enbarcastMi  los  sokbulos  que  [)ara 
esle  elTecto  Icnia  separados.  \,  por  carta  de  18  de  Fcbioro.  dio- 
cucnta  al  Diupje  de  averse  cveculado  assi,  enibiando  juiitamente 
relacioii  dcl  nuiaeio  de  gcnic  (|ue  IKïvavan  las  sois  enbarcaciones 
de  lemo.  cjue  en  el  mismo  dia  18  de  Febrero  partieron  de  esta  plaça 
a  la  diclia  faccion,  con  los  nonbres  de  todos  los  cavos  délias,  y  de 
coino  lodas  il)aii  a  la  ordcii  de  Simon  de  Mcndoça  de  («ovea,  a 
quieu  avia  dado  las  ordenes  nccessarias  para  lo  que  avia  de  obrar, 
caitas  para  el  governador  de  aquella  plaça  y  otras  personas  princi- 
pales, con  algunas  copias  de  un  perdon  que  avia  parecido  concéder 
a  los  vecinos  de  ïaiijar.  con  que  facilitar  mas  la  mateiia.  Tanbicn 
avisava  el  Conde  en  diclia  carta  de  18  el  estado  en  cpie  ténia  noti- 
cia  |)or  Tetuan  se  liallaxa  la  plaça,  reineticndo  la  respuesla  cjue 
luvo  del  Baron  su  governador,  y  como  por  la  Berveria  dava  calor 
esta  negociacion  con  otras  disposiciones.  y  que,  respccto  de  qual- 
quier  bagel  era  superior  a  las  enbarcaciones  de  remo,  conbenia 
para  su  seguridad  se  sirviese  dar  prieça  a  la  salida  de  los  bageles, 
que  podian  ser  dos,  y  que  esto  se  dispusiese  aun  en  el  mes  de  Febrero, 
adverliendo  que,  para  el  logro  y  bucn  sucesso  del  enpeno,  detre- 
minava  que  Don  Vntonio  y  Don  Francisco  de  Alarcoii  sus  bijos  se 
enbarcasen  en  los  bageles  grandes,  y  propiiso  paia  prcveiur  cl  riesgo 
de  (jualquiera  dilacion,  que  conbenia  cpic  el  l)ii(|iie  encargace, 
sieiido  lactible.  a  dos  o  très  bageles  de  las  esqiiadias  d(!  Inglalerra 
y  Olanda,  que  andavan  en  estos  mares,  dieseii  i'undo  en  la  ])alua 
de  Tanjar,  aunque  fuese  por  flete  de  dias,  en  el  intérim  que  salian 
los  bageles  que  se  prevenian  para  este  caso,  o  con  noticia  y  pretexto 
de  alguna  buena  presa,  pues  se  asegurava  lo  inlalible  del  buen 
sucesso  y  el  riesgo  en  que  se  ballavan  nuestra  enbarcaciones  sin 
el  anq^aro  de  bageles  mayorcs. 

Y  csla  nialeria  la  esforçava  el  Conde,  como  se  reconoce  de  las 
palabras  siguientes  (juc  contenia  diclia  carta  :  «  FI  desseo  de  ver 
lograda  esta  faccion  me  base  repetir  la  iiiiportaiicia,  saviendo  cl 
coiiocimiento  con  que  \.  E.  esta  de  todo.  Senor,  prieça  y  mas 
prieça,  salgan  lucgo  los  bageles  ;  no  se  reparc  en  la  cosla,  que  yo  me 
oflresco  de  nuebo  a   lodo.   y  logre  ^  .  E.  l'accioii  (pic  lanto  puede 


65A  i652 

importai"  para  lo  de  Portugal  y  para  la  seguridad  del  estrecho 
y  para  otras  muclias  consequencias.  » 

Respondio  el  Ducpic  a  esta  caria  aprovando  la  salida  de  los  navios 
de  remo  y  la  forma  eu  que  se  a\iau  prevciiido,  como  relicre  en 
carta  de  2 1  de  Febrero,  dando  a  entender  no  se  perdeiia  tiempo  en 
la  salida  de  los  bageles,  luego  que  Uegace  la  horden  que  esperava 
de  Su  Magestad.  En  carta  de  2/1  de  Febrero,  en  que  se  respondia  a  la 
de  21  del  Duque,  le  participava  el  Conde  como  el  cavo  de  las 
embarcaciones  de  remo  que  se  hallavan  en  la  bahia  de  Tanjar, 
aviendose  embarcado  en  una  var(|uilhi  con  otros  seis  honbres,  avia 
hecho  Uamada  a  la  plaça  para  que  délia  saliesen  a  reci^ir  los 
despachos  que  llevava,  y  como,  despues  de  averlos  Uevado  y  des- 
viado  de  nuestras  enbarcaciones,  parece  que,  Uevado  del  celo  del 
servicio  de  Su  Magestad,  y  alentado  con  algunas  scûas  de  ser  Ua- 
niado  de  la  plaça,  le  avian  detenido  los  rebeldes  ',  sucediendo  a  esse 
caso  el  no  poder  Tuiestras  embarcaciones  aguantar  el  riesgo  de  los 
mares,  por  no  poder  con  las  tormentas  conservarse  en  los  puestos 
conbenlentes  para  la  oposicion  de  los  socorros,  con  ([ue,  por  los 
riesgos.  qucdava  incierlo  el  sucesso.  advertiendo  que  en  todo  caso 
conbenia  que  los  bageles  fuesen  dos  y  saliesen  luego,  pues  podrian 
en  su  conserba,  dando  cavos  a  las  enbarcaciones  de  remo,  ser  de 
grande  ulilidad  :  jiediendo  juutamente  al  Duque  que,  en  caso  que 
Su  Magestad  hordenase  se  disistiese  de  la  empresa  por  entonccs, 
conbenia  tuviese  el  Conde  aviso,  por  el  peligro  en  que  se  hallavan 
las  enbarcaciones  pequenas.  Para  tripulacion  de  las  grandes,  en  caso 
que  no  buviese  en  Gadis  gente  con  que  guarneccr  alguna,  otTrecio 
el  Coude  la  infanteria  necessaria,  ponderando  quanto  conbenia 
para  seguridad  de  la  faccion  quedace  uno  de  los  bageles  en  la  baliia 
de  Tanjar  en  guarda  de  las  enbarcaciones  pequenas,  lomando 
alguna  infanteria  de  la  que  estas  Uevavan,  y  que  el  otro  pasase  a 
esta  plaça  a  buscar  la  infanteria  para  la  tripulacion  de  los  dos 
bageles,  pues  con  este  medio  se  asigurava  la  faccion,  no  perdiendo 
nuestras  enbarcaciones  aquella  baliia. 

En  el  mismo  dia  2/^  de  Febrero,  soçiun  la  fecba  de  una  carta  del 
Duque,  parece  rccivio  la  orden  de  Su  Magestad  sobre  esta  faccion, 

r.   Sur  co  clL-tall,  Cf.  Ml.niîzes,  pp.   i8y-iyo. 


MÉMOIRE    JUSTIFICATIF    DE    D.    JOÀO    SOARES  655 

y  la  remetio  al  Conde,  asigurandole  del  animo  con  que  procuraria 
disponer  con  la  bievedad  possible  las  luerçascom  que  avia  de  asistir 
a  esta  enipresa.  La  copia  de  la  hordcii  de  Su  Magestad  es  la  que  se 


LETTRE     1>E     IMllIJI'PE     IV     A     D.     JOÂO     SOAUES 

//  approuve  les  proposiliuns  de  D.  Joào  Soares  pour  la  réduction  des 
rebelles  de  Tanyer  et  le  remercie  de  son  zèle.  —  D.  Joào  Soares  devra 
entrer  en  pourparlers  avec  le  baron  d'Alvito,  afin  que  l'affaire  soit  menée 
à  la  fois  par  la  persuasion  et  par  la  force.  —  Le  duc  de  McdinaCeli  a 
ordre  de  lui  prêter  assistance. 


MadruI,  ao  février  iGâa. 

((El  Uev. 

((Conde  de  Torres-^  edras.  de  my  consejo  de  yueria,  capitau 
gênerai  de  Ceula. 

((  Hecevido  lie  vuestras  carias  de  siefe  deste.  con  los  demaspapeles 
cjue  les  acoinpaâan,  sobre  la  roducion  de  Tanjar  y  proposicion 
que  baseis  para  conscguirla.  \  despues  de  daros  muchas  gracias 
por  el  desvelo  y  aplicacion  con  cpie  os  ampleais  en  lodo  lo  que 
pucde  ser  de  niy  servicio,  de  que  yo  me  ballo  lan  satisl'ecbo  y 
obligado,  auncjue  se  concidera  (jue  los  lances  ban  de  ser  cortos  y 
los  inconbi[ni|enles  (pie  puedan  resullar  de  ser  socorrida  la  plaça 
por  el  rebelde,  pareco  (jiie  pues  vos  enprendeis  inaleria  tan  ardua, 
se  deve  liar  de  vueslra  vigilancia  ;  y  ajirovando  como  apruevo  la 
armason  de  la  nao,  su  forma  y  la  disposicion  que  para  ello  dais, 
es  my  volumplad  que  Irateis  desta  enpresa  con  el  baron  de  Alvito 
y  demas  personas  por  lodos  los  medios  que  se  os  oITreciercn,  tanto 
de  negociacion  como  de  fuerça,  en  la  manera  que  diseis  y  con  los 
resguardos  que  apu niais.  » 

Aquy  passa  Su  Mageslad  algunas  cosas  consernientes  a  la  dispo- 
sicion desta  materia,  y  prosigue  la  horden  : 

((  ^  al  Duipic  doMcdiiia-Celi  escrivo  os  asi.->ta  y  a\u[daj  mucbo  en 


656  i652 

estas  disposiciones,  sin  omilir  diligencia  humana,  fiando  de  vues- 
tro  celo  el  buen  sucesso  délia,  en  que  yo  os  devere  lanto.  Avisareis 
de   lo   que  se  fuere  obrando,   sin   perdonar  una  liora  de  tiempo, 
por  el  cuydado  con  que  se  esta  del  lin  dcsle  négocie. 
«  Madrid,  20  de  Fehrero  de  i65a. 

Yo  el  Rev. 

«  Por  mandado  del  Uey  nuesf  ro  Senor  : 

Francisco  de  Galarreta.  » 


De  las  palabras  y  ponderacion  que  se  muestra  en  la  orden  referida, 
se  hecha  bien  de  ver  la  estimacion  y  aprecio  que  Su  Magestad  hase 
desta  enpresa,  como  tanbien  lo  muestra  la  horden  que  tuvo  el 
Duquc,  cuyas  palabras  son  las  siguientes  : 


LETTRE    DE    PHILIPPE    IV    A     MEDINA-CELI 

L'exécution  du  projet  sur  Tanger  ne  devant  compromettre  ni  la  réputa- 
tion ni  les  finances  de  l'Espagne,  el  sa  réussite  étant  d'autre  part  du  plus 
haut  intérêt,  D.  Joào  Soares  a  été  encouragé  à  réaliser  son  dessein.  — 
Medina-Ccli  devra  lui  prêter  toute  l'assistance  possible. 

«  El  Rey. 

«  Duque  de  Médina  Celi,  my  Capitan  General  del  Mar  Occeano 
y  costas  del  Andalusia. 

«  He  visto  vuestra  carta  de  9  deste,  con  las  del  conde  de  Torres 
Vedras  sobre  la  reducion  de  Tanjar  y  medios  que  olîrcce  para  con- 
seguirla.  \ ,  despucs  de  aprovar  la  cordura  con  que  le  respondistes, 
oniitiendo  la  resolucion  hasta  participarmela,  que  fue  accion  pro- 
pria de  vuestro  celo  y  prudencia,  pasare  a  disiros  que,  siendo  este 
negocio  uno  de  los  mas  graves  que  oy  se  tratan,  no  solo  por  su 


MÉMOIRE    JUSTIFICATIF    DE    D.     JOÂO    SOARES  (15 ~ 

importancia,  sino  por  las  consequencias  que  puedcii  re.sullar  al 
resto  de  la  monarchia,  preieiieiidose  el  Conde  executarlo  siu  grande 
eiipeno  de  la  reputacion  y  de  los  intereces,  se  a  conciderado  que 
conbendria  abrasarlo  y  alentarle  para  que  lo  consiga,  conio  lo 
vereis  por  el  despacho  que  por  esta  se  os  remile.  Enbiareis  se  le  con 
diligencia  y  seguridad,  y  le  asistireis  en  quanto  humanamente  se 
pudiere,  pues  lo  merece  la  calidad  de  lu  maleria.  Yporquea  vuestras 
obligaciones  y  amor  que  professais  a  iny  servicio  es  escusada  qual- 
quiera  ponderacion  para  el  encargo,  os  lo  remito  todo  csperando 
deveros  el  buen  logro  y  aciertos.  Que  en  lo  demas  que  corre  por 
Yuestra  cuenta,  avisareis  del  recivo  y  quanto  se  os  offreciere. 
«  De  Madrid,  a  20  de  Febrero  de  iGôa.  » 


Con  aver  entendido  el  Conde  el  tlienor  de  este  despacho,  se  pro- 
melio  que  los  aprestos  y  mas  diligencias  iiecessarias  quecorrian  por 
cuenta  del  Duque  no  huviescn  dilacion  niiiguna.  Pero  lucse  reco- 
nociendo  que  el  mismo  aprecio  que  se  hiso  de  la  materia  retardava 
las  cxecuciones,  o  fuese  por  la  mala  inteligencia  de  la  ordcn  come- 
lida  al  Duque,  o  occasionado  del  aviso  que  el  Conde  le  avia  dado 
por  carta  de  2G  de  Febrero  de  lo  que  avia  entendido  en  raçon  de  la 
prision  de  Simon  de  Mendoça  Govca  y  de  uiia  urca  que  nuestras 
cnbarcaciones  liallaron  en  la  bahia  de  Tanjar,  porignorarse  lo  que 
avia  traydo  a  aquella  plaça.  Pero  la  solucion  desta  dificultad  es  cla- 
rissima,  que,  siendo  la  carta  del  Conde  la  leclia  de  26,  cscrive  el 
Du(jue  en  carta  de  27  dificultando  el  tletc  de  los  dos  bageles,  y 
remitiendo  una  simple  relacion  de  lo  que  entend  ia  por  la  declara- 
cion  de  un  soldado,  en  raçon  de  persuudli-  se  hallava  Tanjar  con 
bastimento,  con  ([ue  se  recouoce  que  la  dillcullad  de  las  disposicio- 
nes  no  nacio  de  la  carta  de  aG  del  Conde,  pues  no  havia  llegado  a 
sus  manos,  y  en  ella  instava  el  Conde  en  cl  apreslo  y  salida  de  los 
bageles  en  que  se  previniese  mayor  poder.  \  discurriendo  sobre 
algunos  fundamentos,  passa  el  Coude  en  diclia  carta  a  referir  las 
palabras  siguientes  : 

«  Y  assy  soy  de  pareccr  que  V.  E.  disponga  todo  y  salgan  los 
bageles,  sin  olra  dilacion,  que  algo  se  a  de  aventurar,  quando  se  va 

Uk    CvSTRlf-.  m       —     !\i 


658  t652 

a  ganar  tanto,  y  el  primer  navio  se  ponga  luego  sobre  Tanjar,  y  de 
fondo  dentro  en  su  bahia,  y  procure  \ .  E.  que  por  lo  menos  saïga 
con  alguna  guarnicion,  que  de  aqui  se  llevara  lo  que  fuere  menester 
para  el  otro.  \  sy  a  \.  E.  le  pareciere  se  excède  en  le  prevencion 
de  los  quatro  bageles.  V.  E.  se  ajuste  a  lo  que  se  puede,  y  no  por 
eso  se  pierda  la  ocasion.  » 

Passa  el  Conde  mas  abajo  a  decir  : 

«  Gane  V.  E.  el  liempo  que  pudiere,  que  en  csso  ha  de  consislir 
el  buen  sucesso,  sin  que  V.  E.  para  eso  espère  olro  aviso  mio.  Y 
si,  para  la  mejor  disposicion  y  brève  execucion  le  pareciere  a  V.  E. 
otra  cosa,  dispongalo  \.  E.  sin  que  précéda  comunicarmelo,  pues 
con  el  parecer  de  V.  E.  queda  seguro  el  asierto.  » 

Con  que  queda  claro  que,  reconociendo  el  Conde  las  dudas  que 
ocurrian  en  négocie  en  que  senecesitava  de  tan  prompla  resolucion, 
serrava  el  paso  a  todas  con  las  palabras  referidas  :  y  si  la  inteligen- 
cia  siniestra  delà  horden  de  Su  Magestad  cometida  al  Duque  pudiera 
entenderce  las  occasionava,  conciderado  que  Su  Magestad —  Diosle 
guarde  —  nunca  podia  dar  mas  mano  al  Conde  que  la  que  le  tocava 
dexando  en  toda  ampliacion  el  poder  de  la  Ca^îitania  gênerai  del 
Andalusia,  era  facil  de  desvanecer  qualquer  recelo,  pues  su  real 
intencion  avia  mirado,  segun  lo  insinua  en  dicha  horden,  a  lo  ipie 
refiere  en  la  del  Duque  :  «  Preirerindose  el  Conde  a  executarlo  sin 
grande  enpefio  de  la  reputacion  y  de  los  intereces  »,  por  escusar 
el  que  podia  baser  enpenando  en  esta  faccion  sus  reaies  armas,  y  a 
esto  solamente  se  atendia  en  el  poder  que  se  concedio  al  Conde, 
pues  como  enpeno  de  vassallo,  no  podia  padecer  en  la  desistencia 
descredito  de  la  reputacion. 

Continua  el  Duque  con  las  dudas  en  carta  de  28  de  Febiero  para 
el  Conde,  repitando  se  esperava  su  resolucion  del  Conde  para  el 
flete  de  los  bageles,  en  que  havia  hecho  el  Conde  instancias  conti- 
nuadas  sin  haverse  escusado  en  la  continuacion  deste  gasto,  a  que 
tan  tas  veses  se  avia  offrecido,  y  que  conbendria  tomar  nolicias  cier- 
tas  del  estado  de  la  plaça,  por  si  conformasen  con  las  dudas  que 
nacieron  de  las  noticias  que  comunico  al  Conde  avcr  dado  clerto 
soldado.  Hespondio  el  Conde  a  esta  con  carta  de  3  de  Marco,  alla- 
nando  las  dudas  que  se  le  offrecian,  dando  al  Duque  aviso  cierto  de 
no  estar  socorridala  plaça  y  con  brevedad  espenivan  algunas  cara- 


MÉ.MOIllE    JUSTIFICATIF    DE    D.     JOÂO    SOARES  65(1 

bêlas  de  Lisboa  y  del  Algarbc.  E  inslandoen  la  salida  de  los  bageles, 
dice  :  «  Gon  lo  que  vera  \  .  R.  que  consiste  ganarsc  Tanjar  eu  que 
Uegueu  priuiero  nuestras  enbarcaciones  de  guerra  que  las  del 
socorio,  y  cada  ora  de  dilaciou  pucde  desliuir  cl  sucesso.  » 

Y  eu  otro  capilulo  de  la  caria  relerida,  apricla  el  Coude  mas  este 
aprest(j,  disiendo  :  «  La  occasiou  es  la  que  \  .  E.  puede  cuteuder. 
Peidetse  un  dia  sera  perderla  ;  y  la  puedeu  aver  perdido  las  dila- 
cioues  de  estes  dias.  Dos  naos  conbienc  salgan  luego.  » 

Duva  el  Conde  aviso  como,  por  gauai'  el  tiempo,  couccrtava  en 
esta  plaça  el  llcte  de  una  uao,  por  nombre  Faina  dovada,  en  que 
aviau  de  ir  sus  liijos  a  esta  facciou,  y  que  de  Cadis.  para  que  se 
gaiiasen  los  dos  liempos  de  Lobante  y  Ponientc,  po(b  la  salir  la  ofra 
a  la  baliia  de  Tanjar.  donde  se  le  remetiria  la  inrautcria  uecessaria 
pai'a  su  tripulaciou,  pues  se  reconocio  que  el  aver  arribado  uuestras 
enbarcaciones  de  reino,  ademas  de  los  grandes  temporales  que  lo 
causaron,  ayudo  a  cllo  luillarse  siu  abrigo  de  los  bageles  grandes  y 
expuestas  a  qualquier  peHgro,  sin  poder  conserbarse  en  los  puertos 
conbenienlcs. 

Conliuuaronse  las  dudas  del  Duquc,  y  da  aenlendei-  en  caria  de 
[\  de  Marco  no  se  lialla  con  forma  de  poder  iletar  los  dos  bageles, 
por  no  toucr  para  ello  las  asistenclas  necessarias.  Inslole  el  Coude 
en  res|)uesla  de  la  suya  el  cuydado  con  que  (juedava  de  que  por 
parte  del  Duque  l'altaçen  las  asistenclas  necessarias  para  la  facciou, 
pues  sclo  avia  asigurado  por  lantas  veses,  dandole  aviso  como  el 
Conde  avia  iletado  el  ijagel  nombrado  Fainadoradu  de  porte  de  '|00 
loneladas,  y  que  quedava  en  la  baliia  de  (jcuta.  y  en  ella  embarca- 
cados  Don  Antonio  y  Don  Francisco  de  Alarcon  sus  liijos  para 
partir  a  la  facciou  de  Tanjar,  y  que,  respecto  de  ir  desprevenidos 
de  bastimenlo,  conbenia  que  cl  capilan  Melcliior  Ecruandez  Pila 
aliese  luego  en  el  bagelque  luviesc  flelado  cou  los  baslimenlos  (pie 
avian  de  sirvir  para  los  dos  bageles. 

Ilavieudo  el  Conde  recivido  la  caria  (Ici  Duque  de  (i  de  .Marco, 
en  ([ue  dava  a  cnlender  baver  bordenado  se  fletace  algun  bagel, 
ecliandose  de  fucra  eu  este  particular,  disiendo  que,  como  las  dis 
posicioncs  eran  todas  del  Conde,  consegiiiendo  el  bueii  sucesso  (jue 
se  piomctia,  séria  unico  en  la  gloria  ;  y  cspcraudo  el  Conde  que 
conforme  cl  aviso  que  dio  al  Duque  en  3  de  Marco,  de  que  cjuedava 


66()  i652 

en  plalica  el  flete  de  la  nao  Fama  doradn,  y  que  conbenia  le  despa- 
cliase  jDroprio  con  aviso  de  las  preveiiciones  liechas  en  Cadis,  se 
falto  a  esta  diligencla  hasta  que,  en  17  de  Marco,  llego  a  esta  bahia 
el  capitan  Melcliior  Fernandez  Pitta  en  el  patache  por  nonbre 
Nuesira  Senora  del  Rosario,  sin  que  el  Duque  le  quisiese  dar  iior- 
den  de  lo  que  avia  de  baser,  siendo  que  precedicron  las  instancias 
del  Conde  en  que  esta  enbarcacion  quedase  ocupando  la  bahia  de 
Tanjar,  por  donde  forçosamente  avia  de  passar,  y  se  asigurava  el 
buen  sucesso. 

Llego  a  la  plaça  de  Ceuta,  y,  con  los  ponientes  que  se  continua- 
ron,  no  pudieron  salir  estas  dos  naos,  sino  a  los  20  de  Marco,  y 
aun  con  liempos  contrarios  de  bendabales  quedando  sotaventados, 
hallandose  por  esta  ocasion  barloventeando  en  el  estrecho.  En  este 
estado  sehallava  esta  empresa,  consistiendo  el  buen  sucesso  délia  en 
que  llegaçen  primero  nuestras  enbarcaciones  a  la  bahia  de  Tanjar 
que  el  socorio  que  esperavan  de  Portugal,  quando  se  entendio  por 
la  Berveria  aver  entrado  en  Tanjar  en  el  mismo  dia  20  de  Marco 
con  los  faborables  liempos  très  carabelas  de  Lisboade  socorro  y  dos 
barcos  luengos  obligados  de  su  codicia  o  de  su  traicion. 

Sintio  el  Conde  tan  recelado  sucesso,  pues  exprimentava  los 
danos  originados  de  tanta  dilacion,  tan  prevenidos  de  sus  fervores, 
Y  tan  encontrados  con  la  continuacion  de  tantas  dudas,  como  con- 
currieron  en  esta  materia.  Pues  aviendo  en  ella  por  su  parte  pre- 
A'encion  de  todo,  se  reconoce  que  todo  le  falto,  ny  sus  instancias 
ni  sus  desseos  y  celo  fueron  bastantes  a  dar  calor  a  negocio  tan  grave, 
y  en  que  se  logravan  tantas  consequencias  de  la  monarchia;  sin 
perder  punto  se  resolvio  lo  que  en  su  mano  estuvo  :  sin  dilacion 
previno  los  sucessos  futures  :  no  fue  posible  que  las  enbarcaciones 
deCeutta  se  conserbasen  en  los  mares  de  Tanjar  tan  destituydos  de 
quien  los  socorriera,  pues  no  solo  faltaron  para  su  amparo  la  dili- 
gencia  de  que  saliesen  nuestros  bageles.  pero  ny  aun  se  logro  el 
ilete  a  dias  de  algunas  fregatas  de  guerra  de  las  esquadras  de  Ingla- 
terra  y  Olanda  que  pidio  el  Conde  seenbiasen  a  la  bahia  de  Tanjar, 
para  abrigo  de  los  navios  pequenos  y  para  que,  en  el  intérim  que 
Uegavan  los  bageles  que  se  aprestavan  de  nuestra  parte,  se  hisiese 
oposicion  a  los  socorros  del  enemigo. 

Dio  el  Conde  cuenta  a  Su  Magestad  del  socorro  inlrodusido  por 


MKMOinE  .nsTiFirxTiF   DE   n.   joÂo  soares  66 i 

los  rebeldes.  y  de  como  se  conservavan  nuestras  enbarcaciones  en 
la  bahia  de  Tanjar.  hasta  ordcn  de  Su  \Iageslad.  Y  fue  con  el  sen- 
limiento  y  resulucion  que  se  vera  de  sus  palabras,  aunquc  no  es 
ygual  al  que  pudiera  moslrar  en  la  intencion  conoscida  con  que  se 
tiro  a  destruirle,  empenandolc  en  los  excesivos  gastos,  y  procu- 
rando  al  mismo  tiompn  las  dilaciones  jiara  cl  des\io  del  bucn 
succeso  desla  faccion,  coino  lo  dixo  el  Duque  y  ullimaniente  lo 
insinuo  en  carta  de  sois  de  Marco,  de  que  el  Conde  se  previno  con 
Su  Mageslad  desde  prtncq)i().  ^  excusandopai'lirulançar  csto  mas, 
dice  assi  el  Conde  en  la  (|uc  escrivio  a  Su  Magestad. 

LETTRE     DE     D.     .lOÂO    SOARES    A    PHILIPPE    IV 

La  pince  de  Taïujer  a  été  ravitaillée:  elle  ne  tardera  pas  à  retomber  dans 
une  situation  précaire,  et  D.  Joào  Soares  est  persuadé  que  son  entre- 
prise restera  réalisable,  si  elle  est  appuyée  plus  efficacement.  —  L'in- 
succès n'est  pas  attribuable  à  un  fâcheux  accident  mais  à  la  mauvaise 
volonté.  —  //  ne  demande  aucune  indemnité  pour  les  emprunts  qu'il  a 
dû  contracter:  .<!a  misère  l'honore.  —  //  ne  saurait  conserver  le  comman- 
dement de  Ceuta,  exposé  à  l'hostilité  du  duc  de  Medina-Celi  dont  d  ne 
veut  pas  d'ailleurs  que  ce  différend  affaiblisse  la  situation.  —  //  demande, 
en  récompense  de  ses  .services,  à  être  relevé  de  son  poste  et  e.ipère  que  sa 
défaveur  n'empcrhera  pas  ses  fils  de  continuer  à  servir  S.  M.  —  Quant 
à  lui,  il .wrvira  dans  les  armées  comme  simple  .soldat,  ce  qui  est  le  meil- 
leur parti  à  prendre,  quand  on  est  en  conflit  avec  un  pu'issant  ministre 
et  qu'on  veut  éviter  à  S.  M.  les  dé.safjréments  d'une  telle  situation. 

Ceuta,  23  mars  i65a. 
Senor. 

Ha  me  Uegado  aviso  de  cpiedar  socorrida  Tanjar.  como  V.  M. 
mandara  ver  por  las  carias  que  remilo  del  govcrnador  de  Tetuan, 
su  secretario  y  un  Judio.  Y  en  la  forma  y  desafuero  con  que  habla 
el  Haioii'.  en  la  caria  que  cita  Hali  Hamirez,  se  déjà  de  vci-  se  halla 
con  mayores  aliciilos,  Los  dos  naos  en  (jue  ban  embarcados  mis 
hijos  lodavia  andan  de  un  bordo  y   otro  en  el  Estreclio,  por  ser  el 

I .   El  Baron.  \  .  sii[)ra,  p.  (3^7,  note  G, 


fi62  i652 

tiempo  contrario  :  siendo  ravoral)le.  llogaran  a  ];>  bahia  de  Tanjar, 
y  asistiran  en  ella  liasla  que  lenga  liorden  de  Vuesira  Mages*tad 
para  retirarlos.  El  socori'o  de  aquella  plaza  se  compuso  de  très 
carabelas  de  Lisboa  y  de  dos  Aarcos  luengos  de  Cadiz,  que  es  corres- 
pondencia  ordinaria,  de  que  he  advertido  al  Duquc.  \  dicen  espéra 
mayor  socorro,  con  las  nolicias  del  intenlo  de  quererselo  inipedir. 

Bien  considero  que  el  socorro  es  tenue  y  que  brevemcnte  bol  va- 
ran a  la  miseria  pasada,  porque  averles  el  Moro  inij)edido  los  cam- 
pos  los  tiene  en  summo  aprieto,  necessitando  cada  ocbo  dias  de 
nuevo  socorro.  Pero,  aunque  no  fucse  difficnltnoso  conseguirse  el 
buen  succeso  continuandose  esta  empresa,  no  es  dudable  necesita 
de  mayores  fuerças  y  de  calor  mas  vivo  que  el  que  lie  experimen- 
lado  en  esta  ocasion.  \uestra  Magestad,  en  quanto  a  esto.  dispon- 
dra lo  que  mas  fuere  servido,  rnandando  se  me  de  avisso  de  l'oima 
cpie  pueda  llegar  a  mis  manos  antes  de  12  de  Abril,  para  que  no 
corra  el  llctte  del  segundo  mes,  como  he  representado  en  la  de  21. 
\  por  ella  y  por  las  demas  que  heescrito  ^  .  M.  sobre  esta  laccion, 
y  por  las  copias  del  duque  de  Medina-Celi  y  mis  respuestas,  avra 
Vuestra  Magestad  entendido  no  huvo  desgracia  en  este  succeso, 
sino  que,  desde  luego  que  Vuestra  Magestadse  empeno  en  que  se 
intentase,  se  procuro  que  no  se  consiguiese.  Faltome  lo  que  el 
Duque  me  escrivio  a  9  de  Febrero,  faltose  en  la  execucion  de  la  dis- 
posiciones,  como  lo  di  a  entender  siempre  en  mis  cartas.  y  ulli- 
mamente,  previniendo  yo  al  Du(jue  de  todo  y  que  el  navio  se  fle- 
tase.  viniese  luego  a  ocupar  la  baliia  de  Tanjar.  como  Vuestra 
Magestad  avra  visto  de  la  copia  de  mi  carta  escrita  al  Duque  en  3 
de  Marco  y  de  la  de  i3,  quejandome  de  la  suspension  de  la  res- 
puesta,  liasta  que  Ucgo  aqui  cl  navi(j.  sm  que  scie  dièse  horden  de 
que  (|uedase  en  la  bahia  de  Tanjar. 

Ile  procurado,  Seiior,  en  esta  empresa,  servir  a  Vuestra  Mages- 
tad en  la  forma  que  lo  hice,  y  el  aprecio  que  Vuestra  Magestad 
hiço  de  esta  materia  la  desbarato,  teniendose  por  particular  combe- 
niencia  destruyrme.  Esto  se  ha  seguido.  Y  no  lo  sintiera,  si  no 
fuera  tan  a  costa  del  servicio  de  Vuestra  Magestad,  perdandose 
ocasion  tan  cierta  y  segura  de  cjue  se  ganase  plaça  de  tantas  conse- 
quencias. 

No  inten[to]  que  Vuesira  Magestad  atienda   a  mi  justa  quexa, 


MÉMOIRE    JUSTIFICATIF    DE    D.     JOÂO    SOAIVES  663 

ni  a  ([lie  se  me  satisfagan  tantos  empciïos.  porque.  (|uaii<lo  mas 
pobre  y  perdido,  hiccn  mas  mis  fineças  ;  la  miscria  en  que  estoy 
por  empefios  desta  calidad  es  la  mayor.  Y  veiigo  a  sentir  masque 
lodo  (jue,  no  pudiendo  nadie  deslucir  mis  merilos,  seau  lan  |)ode- 
rosos  mis  emulos  que  consigan,  sino  el  discrcdilo,  por  lo  mènes  cl 
desprecio.  Mis  hijos  eslan  todos  cmpefiados  en  el  servycio  de 
Vuestra  Magestad. 

Yo  me  hallo  con  grandes  impedimientos  para  continuai'  esie 
go^•iel•no.  adonde  ha  que  asisto  espacio  de  0  afios.  Mis  empenos 
son  grandes,  y  lo  son  lambien  los  embaraços.  Sin  corrcsponden- 
cia  de  la  capitania  gênerai  del  Andalucia  no  se  puede  governar  esta 
plaça,  y  yo  no  estoy  capaz  para  continuar  con  el  duque  de  Médina 
Celi,  quando  experimento  (|ue  el  gusto  de  desiruyrme  puede  mas 
que  el  grande  celo  que  siempre  he  moslrado  del  mayor  servycio  de 
Vuestra  Magestad.  No  permita  Vuestra  Magestad  que  esta  oposicion 
pueda  venir  a  deslucir  un  fan  grande  ministre  comoel  Duque,  ni  que 
mis  meritos  y  deseosde  servir  a  Vuestra  Magestad  lengan  semejante 
parade[ro].  Suplico  aN  ucstra  Magestad,  en  consideracionde  todo  y 
en  satisfacion  de  tantos  servycios,  me  haga  merced  de  averme  por 
escusado  desta  oeupacidii.  i-epreseniando  a  Vuestra  Magestad,  postra- 
do  a  sus  reaies  [)ics,  no  permita  se  me  niegue  ni  quite  motivo  mi 
unica  perdicion.  Mis  liijos  continuaran  en  el  servycio  de  \  uestra 
Magestad  y  mereceran  por  si  las  mercedes  que  se  pueden  prometer  de 
su  real  grandeza.  Yo  liare  lo  niismo  con  una  pica  '  en  los  exercitos  de 
Vuestra  Vlageslad,  que  puestos  con  oposiciones  de  tan  grandes 
minislros.  no  se  puede  csperar  mejores  eflectos  que  v\  que  aora  se 
ex[)erim(MilM.  tanto  contra  el  servycio  de  Vuestra  Magestad,  que  es 
lo  i|iic  iinicamente  se  ha  de  attende)'. 

Guarde  Dios  la  catholica  real  persona  de  Vuestra  Magestad  como 
la  Christiandad  ha  menester. 

Ceuta.  -a'S  de  Marco  i652. 

El  Conde  de  Tories- Vedras. 

ArrluL'cs  c'.s[HUjnolcs  ilu  (joiwcrncmcnt  rjcncral  fie  l'.Mijcric.  —  l\"  518 
(anciennement  :  Registre  1686,  ff.  372  377).  —  Copie  du  xvii''  siècle-. 

I.   '.'on    uitii    pica.    c'cst-à-diro  :   comme  u.  Piicc  rapportée  d'Espagne  par  M.  Ti- 

siinple  soldai.  ran. 


66/1 


7  JUIN-  i653 


CXXIV 


ARRÊT  DU  PARLEMENT  DE  PARIS  ' 

Le  Parlement  déboute  Du  Clialard  de  sa  prétention  au  remboursement  par 
les  États  de  Bretagne  d'une  somme  de  33  ^8 1  livres  deux  sous  par  lui 
avancée  pour  le  rachat  de  captifs  bretons  et  reconnaît  ses  droits  à  la 
somme  de  3  ooo  livres  cjue  lui  ont  allouée  les  Etats  le  22  Janvier  i63y. 

Paris,  -/  juin   i653. 

En  marge  :  Arrêt  du  Parlement  qui  déboute  le  s'  Du  Chalard 
de  sa  prétention  de  3348i  ""  par  lui  payée  pour  le  rachat  de  plu- 
sieurs esclaves  bretons,  et  fait  droit  sur  le  surplus  de  ses  demandes. 

En  tête  :  Extrait  des  registres  de  Parlement. 

Entre  Jean  Du  Bouexic,  écuyer.  sieur  de  la  Driennaye,  procu- 


1.  Cf.  supra.  Introduction  critique, 
p.  55/  et  note  7.  —  Le  règlement  de 
compte  de  P.  Du  Chalard  avec  la  cour  de 
France  avait  été  difficile  et  avait  même 
amené  l'internement  passager  à  la  Bastille 
dece  chef  d'escadre  coupable  d'avoir  «  outre- 
passé excessivement  les  ordres  de  Sa  Ma- 
gesté  »  (V.  supra,  p.  5 12).  Ses  démêlés 
avec  les  Etats  de  Bretagne  furent  également 
très  pénibles  et  aboutirent  à  un  intermi- 
nable procès.  Sur  cette  affaire,  cf.  Bibl. 
Nat.  Impr.,    Factum  pour  escuier  Jean  du 

Bouexic /"  F.y  ijS.'ii  ;  Factum  pour  mcs- 

sire  Priam  Pierre  Du    Chalard /"  F,3 

//S.ïo;  Areh.  départ.  lUe-et-Vilaine  C  Re- 
gistre des  délibérations  des  États,  n""  2662. 
pp.  6^0,  6^1;  2653,  pp.  85,  112,  ri.l; 
2654,  pp.  ii2,  35o-35i  ;  1655.  p.  .?/. 

2.  Les  députés  des  Etals  de  Bretagne  à 


la  Cour,  par  ordonnance  du  6  février  i636, 
avaient  décidé  que  la  somme  de  10  000 
livres  serait  payée  à  Du  Chalard.  Leur 
quittance  portait  que  cette  somme  lui  serait 
remise  «  pour  partie  de  son  remboursement 
de  ladite  somme  de  43  48i  livres  3  sous  ». 
Ce  fut  sur  cette  dernière  phrase  que  s'en- 
gagea le  procès.  En  fait,  les  Etats  n'avaient 
contracté  d'engagement  vis-à-vis  de  P.  Du 
Chalard  que  pour  une  somme  de  10  000 
livres  et  il  n'v  avait  pour  eux  qu'une  obli- 
gation morale  de  rembourser  la  somme 
supplémentaire  de  33  48 1  livres  a  sous  que 
Du  Chalard  avait  pris  sur  lui  d'avancer.  Ils 
se  dérobèrent  à  cette  obligation,  objectant 
que  leurs  députés  n'avaient  pas  le  droit 
de  faire  chose  quelconque  à  leur  préjudice 
sans  leur  pouvoir  et  mandement  exprès. 
V.  Factum  Du  Bouexic,  op.  cit.,  p.  7. 


ARRÊT     DU     PARLEMENT    DE     PARIS  665 

reur  sindic  gênerai  des  Etats  de  Bretagne,  appcllants  dune  sen- 
tence donnée  par  les  M"'  des  Requêtes  ordinaires  de  l'hôtel  du  Roy 
le  27' juillet  i6!i6,  dune  part. 

Et  Priani-Pierre  Du  Chalart,  conseiller  du  Roy  en  ses  conseils  et 
gouverneur  pour  Sa  Majesté  de  la  Tour  de  Cordouan,  intimé, 
d'autre. 

Vu  par  la  Cour  ladite  sentence  du  9,7'' juillet  ifi/iG,  par  laquelle 
par  défaut  ledit  appellanl  auroit,  en  ladite  qualité  de  procureur  sin- 
dic desdits  Etats  de  Bretagne,  été  condamné  de  payer  ou  faire  payer 
audit  intimé  dans  trois  mois  pour  toutes  préfixions  et  délais  par  le 
trésorier  desdits  Etats  de  Bretagne  la  somme  de  trente-trois  mille 
quatre  cent  quatre-vingt-une  livres  deux  sols,  avec  les  intérêts  à 
compter  depuis  le  huitième  7'"^''  i635  jusques  à  l'actuel  payement, 
et,  à  faute  de  ce  faire  dans  ledit  tems  et  iceluy  passé,  condamné  en 
son  nom  à  payer  ladite  somme  et  intérêts,  à  quoy  faire  il  sera  con- 
traint par  toutes  voycs,  sauf  son  recours  contre  qui  et  ainsi  qu'il 
verroit  bon  être,  et  es  dépens  ; 

Arrêt  d'appointé  au  conseil  du  /|  a\ril  t6/i8,  causes  d'appel, 
réponses,  productions  desdites  parties,  même  la  commission  du  Roy 
dudit  Du  Chalard  pour  traiter  de  la  paix  avec  le  roy  de  Maroc  et 
du  rachat  et  délivrance  des  Français  qui  étoient  cajîtifs  de  la  côte 
d'Afrique,  en  date  du  2^  octobre  i63/|  '  : 

La  quittance  des  gouverneurs  cl  lial)itans  de  Salé  en  ladite  côte 
d  Afrique  de  la  somme  de  cent  six  mille  deux  cents  livres  payée  par 
ledit  du  Challard  pour  le  rachat  de  deux  cent  quinze  captifs  dénom- 
més dans  le  rollo  de  ladite  quittance  du  1"  octobre  i635,  signée 
desdits  gouverneurs,  grelFier  et  notaire  public  de  la  communauté 
de  Salle,  du  consul  de  la  nation  française^  et  d'Antoine  Cabiron, 
préposé  par  le  Roy  sous  ledit  Du  Challard  pour  ledit  rachat  ; 
entre  lesquels  Français  captifs  rachetés  il  y  en  avoil  c|uatre-vingt 
dix-sept  originaires  Bretons,  dont  le  prix  du  rachat  montait  à  qua- 
rante-trois mille  quatre  cciil  ([ualre-vingl-iuie  livres  deux  sols: 

Les  certificats  des  sieurs  (-oiumaudeurs  de  La  Porte  et  baron  de 
Pontcbateau,  gouverneurs  de  Brouage  et  de  Brest,  et  procès-verbaux 


I.   V.  supra,  p.  ^171.  note  i,  et  p.  !x']!i,  2.  Gaspard  do  Rastin,  vice-consul  à  Salé 

note  I.  pour  Viulrc-  Prat. 


66fi  7  JUIN  i653 

des  officiers  de  la  marine  audit  Brest  et  à  Benodet  du  desembarque- 
ment et  représentation  desdits  esclaves  au  retour  du  voyage  dudit 
Du  Challard,  en  date  du  27  novembre,  12  et  dernier  décembre  au- 
dit an  i635,  et  la  copie  collationnée  du  rolle  desdits  quatre-vingt- 
dix-sept  Bretons  raclietés  audit  Salé  en  Barbarie  par  ledit  Du  Cbal- 
lard  jjour  ladite  somme  de  quarante-trois  mille  quatre  cent 
quaire-vingt-une  livres  deux  sols,  ledit  rolle  cerldlé  [)ar  ledit  Du 
Challard  le  26'  janvier  i636  ;  ensuite  duquel  étoit  1  ordonnance 
des  sieurs  Achille  de  Harlay  de  Sainsy,  evèque  de  S'-Malo,  et  Tan- 
guy de  Rosmadec,  baron  de  La  Ilunaudaye.  députés  desdits  Etats 
de  Bretagne  étant  lors  en  cour,  en  dalte  du  5  février  audit  an  i636, 
par  laquelle  étoit  porté  que,  vu  ledit  état  cl  liste  de  97  hommes  du 
pays  de  Bretagne  rachetés  par  ledit  Du  Chalard  à  Salé  en  Barbarie, 
où  ils  étoient  détenus  captifs,  et  par  ledit  Du  Chalard  certifié  l'or- 
donnance desdits  Etats  du  t^  décembre  i63'i,  portant  quil  seroit 
payé  et  délivré  par  \P  Michel  Poulain,  lors  trésorier  desdits  Etats, 
la  somme  de  dix  mille  livres  pour  être  employée  au  rachat  et 
rédemption  des  captifs  de  la  province  de  Bretagne  retenus  en  Tur- 
quie, Alger  et  ailleurs,  lesdits  evèque  de  S'  Malo  et  de  La  Hunau- 
daye.  députés  desdils  Etats,  avoient  ordonné  que  ledit  Poulain 
payerait  audit  Du  Challard,  sous  sa  simple  quittance,  ladite  somme 
de  dix  mille  livres  pour  partie  de  son  remboursement  du  rachat  des- 
dits captifs  de  Bretagne  ;  au  pied  de  laquelle  ordonnance  étoit  aussi 
la  copie  de  la  cpiittance  baillée  par  ledit  Du  Chalard  audit  Poulain, 
le  sept  du  même  mois  de  février,  de  ladite  somme  de  dix  mille 
livres. 

Contredit  desdites  parties  suivant  I  arrêt  du  16  may  i65o. 

Requête  dudit  Du  Chalard  employée  pour  salvations,  huit  pro- 
ductions nouvelles,  dont  sept  dudit  Du  Chalard,  une  dudit  Du 
Bouexic,  requête  respectivement  employée  pour  contredits,  autre 
requête  dudit  Du  Challard  employée  pour  salvations  ; 

Et  tout  considéré: 

Dit  a  été  que  ladite  Cour  a  mis  et  met  l'appellation  et  ce  dont  a 
été  appelle  au  néant  ;  émandant  sur  la  demande  dudit  Du  Chalard 
contre  ledit  Du  Bouexic,  sindic  desdits  Etats  de  Bretagne,  et  de 
ladite  somme  de  trente-trois  mille  quatre  cent  vingt-une  livres  deux 


ARRÊT    Df     PARLEMENT     DE     PARIS  66" 

sols,  loslaiit  de  quarante-trois  nulle  quatre  rent  vingl-uuelivresdeux 
sols  par  luy  payée  pour  le  rachat  desdils  quatre-vingt-dix-sept  Bretons 
captifs,  faisant  partie  du  nombre  de  deux  cent  quinze  français  cap- 
tifs rachetés  par  lecht  Du  Chalard  pour  la  somme  de  ci'ut  six  mille 
deux  cents  livres  en  la  ville  de  Salé,  suivant  ladite  quittance  des 
gouverneurs  et  liahitans  de  Salé  et  du  consul  des  Français  en  ladite 
ville,  produite  au  procès,  a  mis  et  met  les  parties  hors  de  cour  et  de 
procès  ;  sans  préjudice  néanmoins  à  la  somme  de  trois  mille  livres 
portée  par  autre  ordonnance  desdits  Etats  de  Bretagne  du  22  jan- 
vier i6,'57',  intérêts  dicelle  somme  et  dépens  adjugés  audit  Du 
Chalard,  esquels  défunt  M'  A  incent  Bernugat,  précèdent  procureur 
sindic  desdits  Etats  de  Bretagne,  a  été  condamné  par  autre  sentence 
desdites  requêtes  de  l'Hôtel  du  i5''  octobre  1642  ;  et  sauf  audit 
Du  Chalard  à  se  pourvoir  par  devers  le  Roy  autrement  et  ainsi 
qu'il  verra  bon  être  pour  ladilo  somme  de  trente-trois  mille  quatre 
cent  quatre-vingt- une  livres  2  s.  Sans  dépens. 

Prononcé  le  7'  juin  i653'. 

CoUationné,  signé  :    Guyol. 

Archii^es   départementales   (VlUe-el-V Haine.    —  C   '3655.    Re'/istre   des 
detiherations  1651-1(155,  p.  37. 

I.   IjCS  Etats  de  Brctagiif.  sur  unorrqiuMe  2.   Les  choses  n'en  demeurèrent  pas  là, 

à  eux   adressée   par   Du   Chalard  exposant  et  cette  longue  affaire  ne  se  termina  que  le 

«  qu'il  ne  pouvoit  obtenir  remboursement  lâ    septembre    i063,    date   à   laquelle   les 

qui^  de  la  libéralité  de  cette  province  )>,  lui  lîtats  de   Bretagne   approuvèrent   la  tran- 

avaient  alloué,  par  délibération  du  22  jan-  saction  intervenue  entre  P.  Du  Chalard  et 

vicr  1637,  une  somme  d(^  trois  mille  livres  .lean  Fourché,  si"  do  Quehillac,  leur  pro- 

(I   pour  le  convier  de  continuer  ses  soins  cureur   syndic    pour   la    somme   de  tiooo 

pour  la  rédemption  des  captifs  ».  Cf.  .\rch.  livres.  Cf.  Arch.  rlép.  Ille-et-Vilaine.  —   G 

départ.  llle-el-V Haine .  —  C  a  053  fiey.  des  ■jy82  (mimile)  et  C  2  055  Reg.  des  délibér. 

délibérations  des  États,  pp.  ii3-ii,3.  des  litats,  p.  5it)  (copie). 


668  APRÈS    LE     12     SEPTEMBRE     l65;i 


cxxv 

RELATION  D'UNE  RÉDEMPTION  DE  CAPTIFS  A  SALÉ 

Paris,  après  le  1 2  septembre  '   i654. 

Titre  de  départ  :  La  miraculeuse  rédemption  des  captifs. 

C'est  une  remarque  vrayment  digne  d'un  empereur,  (jue  celle 
de  Marc-Aurelle.  lequel  vouloit  dire  à  ses  domestiques  que  le 
propre  de  l'homme  vertueux  est  de  demeurer  tousjours  en  l'acti- 
vité de  la  vertu  &  consommer  sa  vie  &  ses  jours  aux  actions  recom- 
mandables  au  ciel  &  à  la  terre.  Telle  a  esté  cV  telle  est  la  pratique 
du  Revendissitne  Perc  Claude  Ralle^,  lequel,  s'estant  signalé  dans 
son  Ordre  par  des  actions  de  vertus  héroïques  depuis  cinquante 
ans  de  religion,  par  sa  rare  doctrine  dans  la  florissante  université 
de  Paris  &  maison  de  Sorhonne,  par  ses  doctes  escrils  iS:  les  hono- 
rables charges  de  secrétaire,  receveur  ik  procureur  gênerai  de  la 
Rédemption,  enfin  élevé  au  generalat  de  tout  l'ordre  de  la  Trinité 
divinemeni  institué  (Innocent  III.  tenant  le  Siège  Apostolique,  l'an 
1198.).  ne  voulant  en  rien  céder  au  zèle  de  ses  prédécesseurs  en 
ce  sacré  commerce,  ses  premiers  soins  furent,  dès  l'instant  de  son 
élection,  sur-chargé  d'ans  et  de  mérites,  de  députer  avec  les  Peres 
du  Chapitre  General  des  personnes  dignes  de  cet  employ. 

En  1653.  au  mois  d'aoust,  il  envoya  l'un  des  Peres  Ministres 
Députez  en  la  ville  de  La  Rochelle,  pour  connoistre  s'il  y  auroit 
lieu  &  asseurance  de  traitter  pour  un  emharcjuement  à  Salé  ik  Tc- 
touan,  qu'il  avoit  sceu  de  science  certaine  estre  la  plus  déplorable 
captivité  de  toutes  celles  de  Rarbarie  et  de  Turquie.  Le  traitté  se  fit 

1.  I. es  captifs  rachetés  arrivèrent  à  l'aris  des  Trinitaires  le  i5  décembre  1602  après 
le  12  septembre  i654.  V.  p.  676,  note  i.         la  mort  du  P.  Louis  Petit.  Il  mourut  le  ili 

2.  Le  P.  Claude  [\alle,  nommé  général         novembre  i65i. 


RELATION    d'une    RÉDEMPTION    DE    CAPTIFS    A     SALÉ  66q 

avec  marchands,  pour  partir  an  plus  tard  dans  le  mois  de  février 
ensuivant.  Auquel  temps  les  Révérends  Pères  Nazare  Anroux,  mi- 
nistre d'Estampes,  6:  Jean  Héron,  ministre  de  Chasteau-Briand, 
députez  commissaires  et  vicaires  généraux  pour  ladite  rédemp- 
tion, se  trouvèrent  en  ladite  ville  de  La  llochelle,  »S;  ne  s'embar- 
quèrent toutesfois  avec  Frère  François  de  Mailly  (qu'ils  s'asso- 
cièrent pour  leur  soulagement  ^;  service  de  ceux  qu'ils  alloient 
rachcpter)  qu'au  vingt-cinquième  mars,  jour  heureux  auquel  le 
^  erbe  Divin  fist  voile  sur  l'océan  de  notre  mortalité,  doimant  par 
son  incarnation  commencement  au  souverain  mvstere  de  nostre 
rédemption. 

Lesdits  Pères,  prémunis  du  secours  divin,  ayans  célébré  en  la 
chapelle  >k  hospital  des  Daines  Keligieuses  Hospitalières  de  la 
Vierge,  &  de  la  bénédiction  de  monseigneur  l'illustrissime  et  reven- 
dissime  Evesque',  firent  voile,  s'estans  embarquez  à  Chef-de-Bois, 
éloigné  de  la  digue  environ  demie  lieue,  «^  prirent  le  large  de  la 
mer,  en  compagnie  de  deux  autres  vaisseaux,  au  dessus  des  caps 
d'Ortiguaire,  Finistère  &:  de  La  Roque,  pays  de  Galice  &  de  Por- 
tugal. 

Outre  le  devoir  chrestien  en  ce  jour  de  Pasques,  la  peur  (dont 
on  ne  peut  garentir  personne)  pressa  un  chacun  de  penser  sérieu- 
sement à  son  salut.  Les  religieux  donnèrent  l'exemple  et  attirèrent 
les  autres  à  une  spéciale  dévotion,  (|ui  dura  autant  de  temps  que 
l'enneiny  demeura  en  chasse,  ipii  fut  juscpi'à  nuict  clause.  S'estant 
veus  (humainement  parlant)  hors  de  puissance  d'éviter  la  captivité 
\  la  fureur  de  ces  barbares,  ils  se  vouèrent  à  Nostre  Dame  du 
Remède,  autrement  de  Délivrance,  avec  promesse  de  lu  y  rendre 
leurs  hommages  en  action  de  grâces,  au  j)remier  lieu  consacré  à  sa 
dévotion.  Dès  lors,  par  un  signalé  miracle,  ils  se  virent  secourus. 
Le  vaisseau  cstoit  hors  de  sa  route,  costoyant  l'islc  de  Fcdale,  la 
ville  d' Anafée  (désertée  par  les  fourmis  &  sauterelles"),  tirant 
droit  à  Azamor,  un  nuage  espais  se  forma  &  couvrit  si  fortement  le 
vaisseau,  que  le  corsaire,  à  la  jioitée  du  fuzil  ou  mousquet,   ne  le 


I.  Jacques  Raoul,  évèque  de  Maillezais  a.   Anafée.  Casa  Blaiica.  Sur  cotli'  parll- 

(Poitou)  en  i6iG.  cularilé,  V.  sui>ra,  [).  .300  et  noie  4. 


fi-O  APRÈS    LE     12     SEPTEMBRE     l65^ 

peut  appercevoir,  tirant  en  pleine  mer,  &  se  perdant  à  la  route  de 
Mazagan.  Les  autres,  relournans  en  droite  ligne,  prirent  leur  che- 
min avec  joye  vers  Salé,  où  ils  arrivèrent  en  rade  le  mardy  7. 
davril  sur  les  quatre  heures  après  midy,  où  ils  apprirent  que  le 
vaisseau  corsaire  estoit  une  pinque  de  vingt  pièces  de  canon  &  cent 
cinquante  hommes  d'armes.  Arriva  avec  eux  en  ladite  rade  autre 
corsaire  avec  une  prise  d  Anglois,  qu'il  fit  passer-  la  barre,  pour  la 
mettre  sous  le  Chasteau  en  azile  de  toute  seureté.  Le  Chasteau 
estant  salué  de  cinq  coups  de  canon,  le  commis  des  marchands  de 
La  Rochelle  venu  avec  lesdits  rédempteurs  alla  en  terre  avec  la 
chalouppe,  se  mettant  en  très-grand  liazard  (la  barre  estant  très- 
fascheuse  pour  l'entrée  de  la  rivière  en  la  mer)  ;  &  le  vaisseau  res- 
tant trop  long-temps  sans  recevoir  de  luy  aucune  nouvelle,  lesdits 
Pères  se  firent  conduire  par  un  autre  endroit,  non  moins  périlleux, 
&  prirent  terre  l'unzième  pour  ne  jjcrdre  l'occasion  de  célébrer  le 
lendemain  jour  de  Quasimodo. 

Ils  ont  aussi  observé  que  les  Turcs  *k  les  Mores  ne  sont  pas  les 
seuls  tyrans  des  pauvres  Chrestiens  esclaves,  mais  qu'il  y  a  des 
anthropophages  chrestiens  qui,  sous  couleur  du  trafic,  sçavent  dé- 
guiser leurs  saulces  pour  mieux  savourer  la  substance  <k  boire  le 
sang  de  ces  pauvres  crucifiez 

Il  ne  s'agit  pas,  au  fait  de  la  rédemption,  de  rompre  des  chaisnes 
simplement.  iS:  faire  ouverture  des  prisons,  il  faut  captiver  le  sou- 
verain dominant,  et  le  faire  consentir  qu'on  négocie  le  lachapt  en 
l'estendue  de  ses  terres,  autrement  ce  seroit  avoir  travaillé  inutile- 
ment, que  d'avoir  traversé  les  mers.  Ainsi  nos  rédempteurs,  accom- 
pagnez de  plusieurs  marchands  i'rançois,  furent  faire  la  révérence 
&  leurs  présents  à  l'illuslrissime  Cidi  Abdala',  fils  aisné  de  Moha- 
mad  Hach  Bembobuquer',  souverain  aujourd'huy  (sous  le  nom  de 
Sainct)  du  royaume  de  Fez,  dans  l'empire  de  Maroque,  duquel  ils 
receurent   un   favorable  accueil.   Ce  prince   leur  donna   audiance 

I.   Cidi  Abdala.   —   Sidi    Abdallah    ben  2.   Moliamad  Hach  Bembobtiquer.  Il   faut 

Sidi  Mohammed  el-IIadj.  Sur  ce  prince  qui  rétablirMohammedel-Hadj  bon  Mohammed 

avait  l'tc  placé  par  son  père  à  la  lèle  du  bon   Abou   BekiT.   \  .  supra.  Introduction 

gouvernement   de    Salé,  V.   supra,    Intro-  crhique,  La  zaouïa  de  Dila  et  la  chute  de  la 

duclion  critiquo,  pp.  58o,  58i.  dynastie  saadienne.  p.  677  et  note  2. 


RELATION     d'une    rédemption     DE    CAPTIFS    A     SALÉ  67 1 

(assis  sur  une  peau  de  mouton  t-ntre  deux  tréteaux,  couvert  d'un 
auvant  de  planche  de  sapin,  qui  faisoient  son  trosnc  «S;  son  daix) 
avec  la  faculté  de  négocier  au  terme  de  leur  mission,  les  asseurant 
de  sa  protection. 

Cidizay  Genoûy',  gouveiiicur  de  Salé-le-\  icil.  (|u'ils  appellent 
de  l'autre  bande,  à  cause  de  la  séparation  que  fait  la  ri\ieir  d'avec 
ledit  Salé-le-Cliasteau,  honora  lesdits  redempleurs  de  sa  visite  le 
18.  du  mesme  mois,  leur  rcïtcra  les  asseurances  de  toute  protec- 
tion, \  laissa  un  garde  more  pour  les  accompagner  en  tous  lieux. 
Le  lendemain,  en  compagnie  des  oiïiciersdu  Prince,  ils  conclurent 
du  prix  des  esclaves  pauvres  (S;  sans  office  à  certaine  somme,  lais- 
sant ausdits  Pères  d'avoir  ceux  qui  auroienl  offices  servans  aux 
vaisseaux,  comme  ils  pounoient,  de  leurs  patrons:  >^:  dès  lors  ils 
asseurerent  avec  ledit  sieur  gouverneur  la  liberté  de  ceux  qu'il 
possedoit  ou  estoient  en  course  dans  ses  frégates,  dont  deux  sont 
décédez  du  depuis,  estans  au  compte  des  rédempteurs'  :  sçavoir 
Gilles  de  La  I\ui',  maistre  tonnelier,  >S:  payé  cent  cinquante  ducats, 
du  lieu  de  Grandville,  evesché  de  Coutance  ;  &  Pierre  Le  Prince, 
de  Cancal,  evesché  de  Sainct-Malo,  après  sa  liberté  acquise,  avant 
que  la  frégate'  mouillast  l'ancre  à  la  rade  dudit  Salé. 

L'esprit  cnnemy  des  bons  succez  de  nos  rédempteurs  leur  donna 
sur  la  teste  un  estrange  coup  de  massue,  faisant  trophée  de  ses 
victoires  par  le  moyen  des  prises  chrestiennes  (£ui  vcrioient  fré- 
quemment surgir  à  ce  havre  de  malédiction,  ayant  ainsi  butiné  dix 
personnes  pour  une  qu'avec  peine  et  sueur  ils  rachoptoient  sur  la 
terre.  La  ferveur  de  leurs  charitables  afleclions  esloit  comme  un 
glaive  trenchant  qui  outroit  leurs  pauvres  âmes,  se  voyant  témoins 
oculaires  des  tourmens  et  cruautez  qu'on  exerçoit  sur  ces  inno- 
centes victimes,  (pii  ne  furent  pas  si-tost  sortis  des  vaisseaux,  qu'on 
ne  leur  ht  respirer  lair  infect  des  cachots  d'une  massemore ',  lieu 
obscur  et  souterrain,  ([ui  est  un  cloaque  de  fous  genres  d'infec- 
tions.  Ils  y  entrent  chargez   de   fers,  de  chaisnes   et  de  cniips,  y 

1.  Sur  ce  personnage  et  les  diverses  Iran-  3.    La/n>yn(c.  Il  faut  enlcndrc:  la  Irégale 
scriplions  de  son  nom,  V.  supra,  p.   O39,  des  Salétins  sur  laquelle  il  se  trouvait, 
notes  I  el  i.  'i-  iUossi'morf.  faute  d'impression  ;  il  faut 

2.  V.  supra,  introduction  critii[uc,  p.  rétablir  ;  maltemore,  malmor.  Sur  ce  mot 
56i  it  note  3.  \  •  ''"  Série,  Krance,  t.  II,  p.  3cj'i.  note  i 


672  APRÈS    LE     12     SEPTEMBRE     l65/l 

vivent  d'un  pain  plus  noir  i^i  insipide  que  la  suie  de  cheminée.  A 
qiK^kjui's  jours  de  là,  on  les  tue  pour  les  produire  en  vanle  au 
fondae',  lieu  public  qu'on  appelloit  autresfois  amphithéâtre,  mais 
qui  a  la  forme  carrée,  comme  un  cloistre  à  la  monachale.  Là  sont 
assis  par  terre  les  principaux  en  couronne.  »S:  autour  d'eux  sont  les 
Juifs  &  la  populace.  Chaque  esclave  en  particulier  est  pourmené 
&  crié  au  plus  offrant  &  dernier  enchérisseur.  Sans  distinction  de 
sexe,  on  manie  à  nud.  on  regarde  aux  dents,  on  reconnoisl  1  âge  &; 
la  vigueur  d  un  chacun,  A:  celuy  à  qui  l'esclave  est  adjugé  acquirit 
jus  vitœ  ^  necis  super  eurn  :  il  obtient  une  telle  propriété  sur  luy 
qu'il  le  peut  forcer  à  ses  infâmes  prostitutions,  ou  bien  le  faire 
mourir.  Nos  rédempteurs  ont  vu  senddables  vantes,  les  i4.  d'avril 
&  25.  de  may,  avec  une  douleur  telle  que  leur  profession  peut 
faire  juger.  Mais  elle  leur  fut  beaucoup  plus  cuisante  le  17.  de  juin 
par  une  prise,  de  trente  mille  ducats,  faite  sur  les  Portugais,  ovi 
estoient  trente-cinq  personnes,  &  entr'autres  un  jeune  religieux 
recolet  venu  des  Indes,  pour  prendre  les  ordres  sacrez  à  Lisbonne. 
Les  Juifs,  à  cette  vente,  réveillèrent  leur  vieille  passion  conceue 
contre  le  corps  mystique  du  Chef  qu'ils  ont  crucifié,  tk,  mettant 
l'enchère  sur  ce  pauvre  religieux,  enfin  un  de  leurs  rabbins  nommé 
Mayor  Coing  l'emporta  à  deux  cens  cinquante  ducats,  dont  il  con- 
ceut  une  joye  si  extraordinaire  que,  ne  la  pouvant  contenir,  il 
s'écria  que  cet  esclave  ne  sortiroit  de  ses  mains  pour  mille  ducats 
à  l'argent  comptant;  desja  il  projettoit  d'en  faire  la  curée  de  sa 
passion,  si  une  fièvre  chaude  n'eust  saisi  le  corps  >k  donné  la  peur 
au  Juif  de  perdre  son  argent. 

Par  un  contre-coup  d'adresse,  nos  rédempteurs  s'efforcèrent  de 
fléchir  le  ciel  par  toutes  sortes  de  bonnes  œuvres  &  actes  d'une 
vertu  héroïque,  qui  les  faisoit  l'odeur  suave  &  doux  flairant  de 
nostre  christianisme  aux  Payens,  aux  Juifs  »S[  à  toutes  autres  na- 
tions qui  trafiquent  avec  les  Mores.  Les  festes  et  les  dimanches, 
tous  les  Chrestiens,  tant  libres  qu'esclaves,  avoient  prédications  et 
exhortations  en  la  chapelle  consulaire';  à  l'issue  de  la  messe  prin- 


I  sidaient  les  chrétiens  dans  les  échelles  de  la 

I.  Fo,uU,c.    fondok   fJjX»   On  appelait        Barbarie  orientale.  V.  Mas  L-^trie,  p   lOfi 
aussi  de  ce  nom  les  quartiers  J'ra/ics  où  rc-  i.    V.  supra,  p.  645,  note  i. 


RELATION     DLNE     HKDEMPTUIN     1)K     CAPTIFS    A     SALÉ  G'.S 

cipale,  on  faisoit  prières  publiques  pour  la  prospcrilé  du  l\oy  Très- 
Chrestien,  que  les  Mores  &  les  Turcs  eslimenl,  selon  leurs  vieilles 
prophéties  ik  eoiiiniunes  traditions,  devoir  clorrc  les  croissans  des 
Othomans,  extirper  la  fausse  religion  de  Mahomet  &  arborer  par 
toutes  leurs  terres  l'estendart  de  la  Croix. 

Les  Saincts  Pères  qui  ont  dit  que  les  inspirations  secretles 
estoient  ces  estoilles  mystiques,  appeliez  anciennement  les  yeux  de 
la  Divinité,  (jui  manifcstenl  aux  hommes  les  choses  les  plus 
secrettes  »Sc  occultes,  semblenl  avoii-  eu  juste  raison.  Car,  hors  ce 
moyen  dune  divine  irradiation,  nos  rédempteurs  ne  pouvoient 
sçavoirdeterminement  l'heure  et  le  temps  auquel  le  Roy  fut  sacré  en 
France,  «^  mettre,  comme  ils  ont  mis  par  une  mutuelle  correspon- 
dance du  temps,  les  armes  de  Fi  ance  en  haut  relief  au  logis  du  sieur 
Parasol',  exerçant  le  consulat,  en  la  chapelle  nouvelhunent  érigée 
audit  lieu  de  Salé  en  Barbarie,  au  mois  de  juin  après  la  Feste-Dieu', 
qui  estendra  nos  fleurs  de  lys  plus  loin  que  la  France,  pour  faire  porter 
à  juste  tiltre  le  nom  auguste  d'empereur  à  celuy  que  nous  pouvons 
dire  vray  Dieu-Donné,  entre  tous  les  Césars  de  la  terre  habitable. 

Avec  ces  marques  de  piété  à  Dieu  &  d'une  zélée  fidélité  au  Roy  et 
à  son  Estât,  ils  pratiquèrent  envers  le  prochain  toute  la  charité  ima- 
ginable, ay'ant  dressé  une  forme  d'hospital  ou  maison  de  charité,  où 
les  pauvres  Chrestiens  estoient  subvenus,  <^  les  esclaves  racheptez. 
nourris t^  hébergez  spirituellement  \  corporclleinenl .  Journellement, 
ils  estoient  à  la  messe  &  aux  exercices  spirituels.  Le  surplus  se  peut 
concevoir  de  la  missive  d'un  Père  Minime,  dont  la  teneur  suit^  : 

«  Aux  Révérends  Percs  Rédempteurs  de  France,  en  la  maison  du 
consul  des  François  à  Salé. 

«  Mes  Très-Reverends  Pères,  la  grâce  du  S.  Esprit  nous  illumine 
tout  !  Je  vous  asseure  que  vostre  arrivée  en  parfaite  santé  m  a  iort 


I.  Jullicn  Parasol  avait  été  commis,  à  la  barre  de  janvier-féDrier  t(i53. 

requête  de  Henry  Prat,  «  pour  fere  la  charge  j.   Louis  XIV  lut  sacré  à  Reims  le  7  juin 

de  vice-consul  »  à  Salé  et  à  Tétouan  en  son  i65/i. 

lieu   et  place,    par  arrêt  du  Parlement  de  3.   Suit  le  texte  de  celte  lettre  en  latin. 

Provence  en  date  du  i3  janvier  i653.  Cf.  On  a  jugé  inutile  de  le  donner;  la  traduc- 

Arch.    dép.   des  Bouches-du-Rhône .    Section  tioii  française  qui  l'accompagne  a  seule  été 

d'Aix.  —  Parlement.  lieij.  des  urn'ls  à  lu  publiée. 

De  Casthies.  III.   —  ^3 


6"^  APUÈS    LE     12     SEPTEMBRE     l65^ 

rcsjouy,  &  prie  Dieu  par  sa  divine  miséricorde  vous  la  daigner 
conserver,  afin  qu'à  souhait  vous  puissiez  vacquer  >k  agir  en  un 
œuvre  si  j^enible  &;  de  si  eminente  pieté,  donnant  jo\e  aux  affligez, 
visitant  les  infirmes  &  malades,  corroborant  les  foibles  (S;  débiles, 
subvenant  aux  misérables,  &  racheptant  les  captifs.  Si  un  long  che- 
min cause  de  grands  travaux,  vous  en  inferez  vostre  consolation, 
parce  que  Dieu,  qui  donne  ses  recompenses  au  prix  des  fatigues,  vous 
concédera  par  droit  ik  équité  de  sa  justice  son  éternité  bienheureuse, 
pour  mener  vos  triomphes  joints  à  ceux  du  Souverain  Rédempteur 
Jesus-Christ.  Au  nom  de  qui  je  vous  conjure  &  prie  très-humblement 
de  jetterles  yeux  de  vostre  religieuse  commisération  sur  l'abondance 
des  maux  que  je  souffre  depuis  douze  ans  dans  cette  malheureuse 
captivité,  sous  les  oppressions  de  la  faim,  de  la  nudité,  du  travail 
&  d'un  continuel  mépris,  surchargé  de  fers  &  de  chaisne. 

Cette  extrémité  me  fait  recourir  à  vous,  comme  fit  Elisée  au  pro- 
phète Elie,  sans  prétendre  toutesfois  le  chariot  triomphant  de  vostre 
rédemption,  parce  que  je  ne  suis  nay  subjet  de  la  couronne  de 
France,  mais  requérant  l'ombre  simplement  du  manteau  de  vos 
charitables  assistances,  puisque  je  suis  pauvre  ;  &  encores  je  ne 
demande  pas  cette  piété  telle  que  pour  moy  les  vostres  manquent 
au  besoin,  mais  pour  me  subvenir  à  avoir  un  peu  de  pain,  qui  me 
défaut  dans  la  commune  stérilité  du  pays.  Vostre  aumosne  me 
pourra  estre  délivrée  par  M'  Pierre  Citrany',  me  confiant  que 
nostre  mutuelle  profession  religieuse  vous  donnera  cœur  de  penser 
à  moy  &  me  subvenir.  Faites-le  de  grâce,  ik  espérez  de  Dieu  les  in- 
faillihles  recompenses.  Adieu,  mes  Révérends  Pères  ! 

Je  suis  de  Vos  Paternitez  le  très-humble  fils,  qui  vous  baise  les 

mains. 

F.  Biaise  de  Pinna, 

de  Tordre  des  Minimes  de  Saint-François  de  Paule. 
De  la  prison  de  Tetouan,  le  unziéme  may  i654- 

La  plus  puissante  infortune  de  ce  pauvre  religieux  consiste  en 

I.    Pierre  Citrany. marcliand  de  Marseille  9  mars  i65o   >>   par  Henry  Prat.  V.  ArcU. 

avait  été  «   nommé   et  commis  pour  vice-  dép.  des  Bouches  du-Rhùne,    Section  d'Aix. 

consul  aux   parties  de  Salles  et  ses  dépen-  Parlement,    fieij.  des    arrêts  à    la  barre  du 

dances  pendant  le  temps  de  trois  années  du  23  au  3o  juin  1O60. 


RELATION    D  UNE     UKDEMI'TION     DE     CA1>TIES    A     SALÉ  6~0 


O 


ce  que  le  roy  d'Espagne  détient  un  More  natif"  de  Salé,  en  ses  ga- 
lères, quon  veut  avoir  auparavant  que  de  traitter  de  son  élargisse- 
ment, pour  lequel,  avec  ledit  More  galérien,  on  demande  encore 
huict  cens  ducats,  qui  furent  ofTcrts  par  les  religieux  de  la  Trinité 
des  provinces  d'Espague,  qui  tirent  rédemption  audit  Tetouan,  sur 
la  fin  de  l'an  i653.  De  là  se  void  la  dilTiculté  de  negotier  avec  le 
gouverneur  de  rc  lieu  '  pour  la  rédemption  des  Chrestiens,  se  rendant 
très-difficile,  pour  ne  pas  dire  du  tout  inflexible  aux  clameurs  de  ces 
pauvres  victimes.  Ccluy  qui  est  aujourd'hui  se  pare  d'une  spécieuse 
raison,  que  les  esclaves  appartiennent  aux  femmes  A:  enfans  de  feu 
son  oncle  &  prédécesseur  en  ladite  charge  ;  mais  le  mal  procède  de 
son  avarice  &  de  ce  qu'il  veut  butiner  sur  le  sang  des  Chrestiens'. 

Quoy  que  lesdits  rédempteurs  eussent  fait  accompagner  leurs 
ordres  des  lettres  de  puissantes  recommandations,  il  n'a  voulu  flé- 
chir [)our  aucun,  si  on  ne  les  prenoit  tous,  qui  sont  au  nombre  de 
trente-cinq,  la  plupart  du  Havre-de-Grace,  comme  on  verra  par  le 
catalogue  cy-après.  On  ne  put  rien  faire,  comme  pourra  témoigner 
Thomas  Rebut  du  Ila^re-de-Grace,  rachepté  après  estre  vendu  de 
Tetouan  à  Fez,  &  envoyé  finalement  à  Salé,  pour  estre  revendu. 
Noël  Masselin  estoit  aussi  rachepté  par  secrette  intelligence  &  partie 
de  sa  rançon  payée,  mais  Dieu  la  délivré  de  captivité  du  corps  & 
de  l'ame,  le  retirant  à  soy,  après  le  traitté  fait  avec  le  nommé  Pa- 
riente',  Juif,  résidant  audit  Tetouan. 

Enfin,  après  avoir  beaucoup  peiné  iS:  travaillé  à  acquérir  la  li- 
berté de  (|uarante-trois  captifs,  ils  prirent  résolution  de  faire  voile 
le  vingtième  de  juillet,  jour  de  Saincle  Marguerite  ;  &  en  ce  mesme 
jour,  ils  virent  vendre  un  vénérable  vieillard,  sa  femme,  un  jeune 


1.  Le  gouvorncur,  ou  pliilùt  le  mo-  3.  Les  Pariente «liaient  une  famille  juive 
kaildcm,  de  Tetouan  était  alors  Mohammed  qui,  dans  le  nord  du  Maroc,  semhle  avoir  joué 
bcn  .Vissa  en-Neksis.  V.  supra.  Introduction  un  rôle  analogue  i  celui  des  l'allachc.  En 
critique,  p.  583  et  note  i.  —  Sur  la  famille  1662  un  Salomon  Pariente  passait  pour  le 
des  En-N'eksis,   V.  supru.  p.  82,  note  2.  chef  des  Juifs  à  Tanger  (Budgett  Meakin, 

2.  D.  Diego  de  Moreda,  gouverneur  de  The  Land  of  the  Moors,  p.  I2t).  En  1666 
Larache,  pensait  tout  autrement  du  mokad-  un  «Jacob  Pariente»  se  trouvait  à  Melilla 
dem  de  Tetouan  et  vantait  5  Philippe  IV  et  était  embarqué  par  Roland  l'Véjus  auquel 
«  cl  apoyo  y  amparo  que  los  pobrcs  Chris-  il  servit  d'intermédiaire  dans  ses  relations 
tianos  allan  en  el».  V.  r"  Série,  Espagne,  avec  Moulay  er-liechid.  V.  RolakdFkéjus. 
à  la  date  du  23  août  iB^g-  lielat.  d'un  voyaye...  pp.  20,  27  et  passim. 


676  APRÈS    LE     12     SEPTEMBRE     lC5^ 

garçon,  deux  petites  filles.  &  une  jeune  femme  mariée  depuis  trois 
mois,  qui  estoit  toute  une  famille  &  mesme  maison,  qu'un  brigan- 
tin  de  Tetouan  avoit  surpris  es  costes  de  Portugal.  Ce  spectacle 
&  cette  dure  séparation  de  femme  d'avec  son  mary,  d'enfans  d'avec 
leur  père  &  mère,  déchirèrent  leurs  entrailles  de  commisération,  & 
leur  fit  trouver  extrêmement  doux  de  se  livrer  aux  ondes  pour  fuir 
les  abominations  de  ce  centre  de  toutes  cruautez.  Entre  les  rachep- 
tez,  aucuns  venoient  fraischement  d'Alger,  qui  donnèrent  advis  que 
quatorze  vaisseaux  estoient  sortis  la  bouche  du  Destroit,  &  tenoient 
les  costes,  ce  qui  obligea  le  vaisseau  faisant  voile  de  s'écarter  en 
pleine  mer  aux  hauteurs  des  isles  de  Madère  et  des  Essors'. 

Comme  tous  ceux  qui  ont  esté  mis  en  liberté  par  le  moyen 
desdits  Pères  descendus  à  Salé  ne  sont  pas  venus  jusques  à  Paris, 
ils  ont  jugé  à  propos  d'en  insérer  icy  le  catalogue,  &  des  autres  qui 
implorent  la  miséricorde  des  Chrestiens,  du  milieu  des  cruautez 
qu'on  exerce  sur  eux  en  l'enfer  de  Tetouan,  qui  est  une  autre  ville 
du  royaume  de  Fez,  ausquels  lesdits  Rédempteurs  ont  fait  espérer 
un  prompt  secours. 


Captifs  racheptez  et  mis  en  liberté  hors  de 
Salé  au  vaisseau  «  le  Neptune  »,  par  les  Pères  de 
LA  Trinité,  arrivez  a  La  Rochelle  les  12.  &i 
i/j.  DAOUST,  &  A  Paris  LE  12.  septembre  i654- 

Archevesché  de  Rouen,   Dieppe  &  Havre  de  Grâce.  Pierre 

Lantin.  —  Robert  Croisé.  —  Nicolas  Rouget.  ■ —  Joseph  Castelly. 
—  Simon  Heleine.  —  Antoine  Conseil.  —  Thomas  Rebut,  du 
Havre.  —  Noël  Masselin,  du  Havre,  mort  depuis  sa  liberté.  — 
Michel  le  Moyne,  de  Quilbœuf.  —  Jean  du  Moustier,  de  S.  ^  alery 
en  Caux. 


I .   Suit  le  récit  du  voyage  de  retour  avec  eut  lieu  la  procession  solennelle  des  captifs 

l'inévitable  attaque  du  navire  par  les  pirates.  rachetés.   De   La  Rochelle  ils  se  rendirent 

Les  ïrinitaires  arrivèrent  le  12  aoiU  11)54  à  par  Luçon,  Nantes,  Angers  et  Mortagne  à 

l'îled'OléronetlemèmejouràlaRochelleoù  Paris  où  ils  arrivèrent  le  la  septembre. 


RELATION    d'une    RÉDEMPTION    DE    CAPTIFS    A     SALÉ  fi^" 

EvEscHÉ  DE  CousTANCE. Gilles  de  La  Rue,  achepté  le  seiziesme 

may,  mort  le  jour  de  la  Pentecoste,  estoit  du  lieu  de  Grandville. 
—  François  Trotin.  de  Grandville.  —  Julien  Devaux,  de  Blain- 
ville. 

EvESCHÉ  DE  Bayeux.  Pierre  Moteux,  du  village  de   Saincte 

Honorine. 

EvESCHÉ  DE  Nantes.  Charles  Picher,  de  S.  Nazaire.  — •  Nico- 
las Billau.  de  S.  Nazaire.  —  Pierre  Durand,  du  Croisis. 

EvEscuÉ  DE  S.  Malo.  Pierre  Le  Prince,  de  Cancale,   mort 

avant  qu'arriver  en  rade.  —  François  Sauvage.  —  Nicolas 
Quesnel. 

EvEscHÉ  DE  Qlimper.   PieiTc  Ergoix,  bas  Breton.  —  Riou 

Prieur,  bas  Breton. 

EvESCHK  DE  LuçoN,    Sables  d'Ollone  &  S.  GiLLES.  Martin 

Chabot.  —  Pierre  Boivin,  des  Sables.  —  Pierre  Baimin  de  La 
Cliaune.  — •  Jean  Masson.  —  Simon  Peliot.  —  Jacques  Jannet.  — 
Claude  Mosnereau.  —  André  Brossard.  —  Pierre  Stevin,  de 
S.  Gilles.  —  Jacques  Chemineau. 

Bordeaux.  Pierre  Belot.  —  Giron  de  LaPalate. 

EvEscHÉ  DE  Rhodez.  Bertrand  Second. 

EvEsciiÉ  &  VILLE  DE  Bayonne.  Bei'uard  d'Espaignet.  —  Jean 

Petit.  —  Laurens  Debalda,  de  S.  Jean  de  Luz. 

Provence.  Jean  Berthelot,  de  Marseilles.  —  Jean  Veneau,  de 

Martigues.  —  Ballhasar  Barthélémy,  de  Marligues.  —  Estienne 
Porquier,  de  Sixfours.  —  François  Marlin.  du  pays-bas. 

Nombre  :  43. 


ESCLAVES    QUI    SONT    A    TETOUAN. 

Havre  de  Grâce.  Nicolas  Dedez.  —  Jean  Lequesne.  —  Sa- 

lomon  Haillon.  — Jacques  Le  Gendre.  —  Daniel  Debrcy.  — Jac- 
f[nes 'l'essoM.  —  Louys  Maillard.  —  Paul  Bevin.  —  Jean  Baufré. 

—  (iuillauine  Froger.  —  Nicolas  Saunier.  —  Eslienne  La  Plasse. 

—  Maistie   Michel  Saillie.  —  Antoine  Feigray.  —  Girard  de  La 
Parade. 

Honfleur  &  Rouen. Charles  Le  Vilain.  —  Dcnys  Baroche. 


6-8  APRÈS    LE     12     SEPTEMBRE     ifio'l 

—  Nicolas  Le  Febvre,  de  Rouen.  —  Pierre  Du  Pileur  de  La  Forest 
de  Léon,  pauvre  gentilhomme. 

Nantes.  Jacques  BouUel.  — André  de  La  Rivière.  — Olivier 

Ralou. 

Sables  d'Ollone  &  S.    Gilles.   Gilles  Achar.  —  Jacques 

David,  huguenot.  —  Vincent  Potras.  —  Pierre  Sandillau.  —  An- 
dré David.  Imguenot.  —  Pierre  Girard.  —  Noël  Pitia.  —  Estienne 
Matée. 

Outre  ce  nombre,  des  dernières  prises  on  a  conduit  plusieurs 
jeunes  enfans  »k  autres  hommes  de  Rayonne  audit  Tetouan,  qui  est 
la  plus  cruelle  et  abominable  captivité  de  toute  la  Barbarie  '  ;  À;,  si 
on  ne  donne  secours  promptement  à  ces  pauvres  Chrestiens,  ils 
renieront  infailliblement  Jesus-Christ,  dont  ceux  qui  en  sont  adver- 
tis  respondront  au  jour  du  jugement,  s'ils  ne  font  ce  à  quoy  la  loy 
divine  les  oblige  indispensabicment. 


Obs 


ERVATION     CLIUELSE. 


C'est  un  trait  de  la  Providence  de  Dieu  d'avoir  sceu  disposer  en 
sorte  les  choses  de  ce  monde,  que  chaque  province  ou  chaque 
royaume  a  je  ne  sçay  quoy  de  particulier  qui  le  rend  recomman- 
dable.  Celuy-cy  a  ses  beaux  bastimens,  cet  autre,  ses  mines  d'or, 
ccluy-là,  ses  maisons  de  plaisance,  &  l'autre,  ses  provisions  de  vin 
et  de  bled.  Dans  cette  inégalité,  ils  se  rencontrent  en  ce  poinctque 
tous  ont  de  grands  jiersonnages,  de  façon  que  je  puis  dire  que, 
sans  Mahomet,  les  habitans  du  rovaume  de  Fez  &  de  Salé  avoient 
toutes  les  dispositions  à  une  cminenle  perfection  de  vie,  réglée  par 
des  maximes  recommandables  au  ciel  &  à  la  terre. 

Ce  royaume  commence  entre  Masaqueby"  \'  Luteon',  dure 
trente-six  degrez  au  long  de  la  cosle  de  la  mer  Occeane.  qui  sont 
trois  cens  lieues  françoises  ou  environ,  &  va  en  terre  jusques  à 
quatre-vingt  lieues.  Il  est  fertile  et  fécond  en  toutes  sortes  de  bleds, 
en  xignes,  fruicts,  bestiaux  ik  mines  de  poudre  d  or.  Un  empereur 

I.   Sur  )a  sollicitude  du  mokaddem  de  2.  Masaqueby,  Mers  el-Kebir. 

Télouan    pour   les   esclaves   chrétiens.    V.  3.   Luteon,    nom   dilEcile    à    identifier  ; 

supra,  p.  675,  note  2.  peut-être  Tétouan. 


RELATION     DINE    RÉDEMPTION     DE    CAPTIFS    A     PALE  679 

de  Marocques.  nommé  Moulcy  Mahomet  \arifr,  ayant  conquis 
toute  la  Barbarie,  avoit  reuny  ce  royaume  à  son  empire,  mais, 
après  sa  mort,  son  fils  aisné.  refusant  à  ses  frères  leur  légitime 
ordoimée  par  le  testament  de  leur  perc,  causa  une  guerre  civile 
dans  ses  Estais,  qui  y  a  duré  si  long-temps,  que  le  roy  de  Maroques 
aujourd'huy  est  despouillé  de  ses  royaumes,  &  n"a  plus  que  trois  à 
quatre  mal-heureuses  places  sous  sa  domination'.  Pendant  les 
troubles,  un  alchaie  ou  gouverneur  nommé  Obayes,  après  le 
deceds  de  Muley  Maluco  Xarife,  sapropria  la  régence  de  Fez,  sur 
lequel  un  nmlTety  l'emporta  &  se  qualifia  Sainct  :  de  sorte  que,  joi- 
gnant l'intcrest  de  la  Religion  avec  celuy  de  l'Estat,  il  resta  le 
maistre.  Et  depuis  vingt  ans  ou  peu  plus,  autie  Sainct  descendu 
des  Barbes',  nation  qui  habile  les  montagnes  sans  maisons,  se  par- 
tagea les  ports  de  mer  »k  plus  belles  places  de  ce  royaume  de  Fez, 
qui  s'appelloit  Lahiachée\  qui  est  celuy  sur  lequel  Cidi  Mohamad 
Benhobuquier '.  aujourd'huy  régnant,  a  conquis  tout  le  royaume, 
qu  il  ne  se  peut  conserver,  estant  vieil,  «k  la  jalousie  contre  ses 
cnfans  trop  grande  dans  le  pays,  qui  sera  aysé  à  conquérir  quand 
on  voudra  y  penser  sérieusement. 

En  ce  rovaume  de  Salé  est  un  fort  bon  jjort  de  mer  où  d'ordi- 
naire trafiquent  nos  François  du  Levaiit  i-V  du  Ponant,  les  Espa- 
gnols, les  Portugais,  les  Holandois  &  les  Anglois,  quoy  qu'ils 
courent  risques  d'estre  pris  &  faits  esclaves  en  la  pluspart  des  navi- 
gations. F.e  roy  de  France,  les  Estais  de  Holande  &  les  Anglois  ont 
des  consuls  en  ce  lieu,  chez  lesquels  chaque  nation  exerce  sa  reli- 
gion à  portes  clauses"  par  la  permission  du  Prince.  Ce  port  com- 
prend deux  villes:  l'une  est  du  costé  de  l'isle  de  Fedalc.  ik  lautre  de 
La  Mamore,  qui  est  au  roy  d'Espagne,  toutesdeux  fermées  de  murailles 
(k  séparées  par  la  rivière  cpii  se  joint  à  la  mer  au  pied  du  Chasteau. 

1.  Moulav  Mohammed  ech-Clioikh  et-  /i.  Sidi  Moliammed  cl  ll.iilj  ed-Dilaï. 
/Isciy/iirn'avaitcommeplacfs  maritimcsquo        V.  supra,  p.  577  et  noie  2. 

Safi  el  Oualidya.  —  Il  est  dilTicile  d'iden-  ô.   Il  n'y  avait  pas  à    Salé   de   (|u;irtier 

lifier    les    personnages    et    les   événements  franc,  de  fondoiik  pour  les  marchands  cliré- 

auxcpiels   fait   allusion    l'auteur    dans    son  liens  de  chaque  nation,  comme  oclascvoyait 

rapide  expose  de  l'histoire  du  Maroc  avant  dans  les  érhelles  des  régences  barharosques 

El-Avachi.  (\  •  Mas   Latkif,  p.    170).   Les  Chrétiens 

2.  Barbes.  Berbères.  vivaient  mélangés  sans  distinction  de  na- 

3.  ï,a/iiac/ii(',  El-.Vyachi.  tionalilé. 


68o  APRÈS    LE     12     SEPTEMBRE     l65'l 

Les  personnes  de  ce  lieu  sont  exacts  observateurs  de  leur 
loy  de  Mahomet.  Jl  y  a  es  deux  villes  grand  nombre  de 
mosquites,  comme  qui  diroit  petites  églises  ou  chapelles,  &  deux 
grandes  mosquées,  aux  pieds  desquelles  sont  tours  carrées,  au  plus 
haut  desquelles  montent  des  hommes  qui  font  le  signal  des  prières 
et  retraites,  comme  font  nos  cloches  en  France.  Le  mouden^  est  le 
signal  de  deux  heures  avant  jour  ;  louly  est  le  midy  ;  le  dehors, 
c'est  deux  heures  après  midy  (il  faut  remarquer  qu'un  drapeau  ou 
enseigne  se  tire  à  midy  au  haut  de  la  tour,  pour  montrer  à  ceux  de 
la  campagne  que  c'est  l'heure  de  faire  le  «  sala  »  indispensable- 
ment,  &  s'abaisse  à  deux  heures)"  ;  à  quatre  heures  autre  signal  s'ap- 
pelle lazer',  auquel  toutes  boutiques  se  ferment,  &  les  ouvriers 
quittent  besongne,  mesme  les  esclaves  retournent  pour  eslre  renfer- 
mez en  leurs  massemores  ou  basse-fosses,  avant  la  nuict;  le  dernier 
signal  des  prières  s'appelle  magret''  ;  &  sont  tous  si  religieux  qu'ils 
ne  manquent,  en  quelque  lieu  ou  compagnie  qu'ils  soient,  d'esten- 
dre  leurs  mains  au  ciel  »k  s'éci'ier  :  «  Alha  Hochhec" ,  Disseni'da  : 
Grand  Dieu  tout  soit  en  ton  nom!  »  Puis,  se  mettans  à  genoux, 
plians  tout  le  corps  par  trois  fois,  ils  donnent  du  front  contre  terre 
et  disent  :  w  Délivre-nous  de  tentation  »  ;  &,  se  relevans  de  derrière 
sur  leurs  talons,  ils  regardent  le  ciel,  disans  :  «  Délivre-nous  du 
Diable  ».  Finalement,  relevez  et  les  mains  estendues  vers  le  ciel 
qu'ils  regardent,  ils  s'escrient  :  «  AUahemdrulha''  :  grâces  te  soient 
rendues!  »  Jamais  ils  ne  boivent  ou  mangent,  qu'ils  ne  mettent  la 
main  à  la  bouche,  puis  au  front,  disans  :  «  Alla  Hocbech,  Bissemilha  » 
&,  ayans  heu   &  mangé  réciproquement,  ils  disent  :  «  Allhahem 


1.  Le   Moaden.    L'auteur    commet    une  tion  usuelle  «  Louli   »  l'heure  de  midi  un 

erreur.  «  Le  mouden»  moucddin  (d'où  par  quart.  C'est  le  moment  où  le  drapeau  est 

.  '          ,  hissé   au  sommet  de  la   mosquée  pour  la 

corruption  muezzin)  Ô3v«  n  est  pas  lo  nom  .,       ,      ,   ,        .,  ,       ■.     ,         „ 

'^                       '       -^              '  prière  au  dohor  (dehors),   laquelle  peut  se 

d'une  prière  mais  le  nom  de  celui  qui,  du  <■  •      ■          ..          i             .  i       •      i    „        i 

<:                                                      »  iairejusqu  aune  heure  et  demie;  le  moucd- 

haut  du  minaret,  fait  l'appel  à   la   prière.  ,.           ■         i        i      i 

f^i                 '  din  amené  alors  le  drapeau. 

Celle  qui  se  fait  deux  heures  avant  le  jour 

,         11      1  r  j-               Il  3.  Lazer.  El-.\s5cr   -aJ'. 

s  appelle  el-ledjeur  jSuîJi.  -^ 

.'..  'i.   Mnijret.  El-Maghrch. 

2.  On  appelle  El-Dohor  cl-aouli    ,^la'l  .        .,      ,,    , ,        . ,,  ,      , , 

"                                             J*^  5.   -W/ia  Hoc/.èec.  .\llah  akhcr! 

(3jVl   (le  premier  dohor)  et  par  abrévia-  6.   AUahemdrulha,  El-Hamdou  lillah. 


RELATION     n'u>"E     RÉDEMPTION    DE    CAPTIFS    A     SALÉ  68 1 

driilha  ».  Leur  profession  de  foy  csl  en  leurs  termes,  «  La  ilha,  lia 
Alllm,  Mehemel  rasoul  Alha  »,  cesl-à-dire  :  «  11  n'y  a  qu'un  seul 
Dieu,  Mahomet  est  son  prophète  &  son  apostre  ».  Ils  oroyent 
1  unilé  personnelle  ik  non  la  Tiinité  en  Dieu,  ijuc  Jesus-Chrisl  est 
venu  du  ciel  prescher  l'Evangile  comme  Messie,  qu'il  a  esté  ravy 
ik  retournera,  (jii'il  avoit  promis  qu'un  grand  prophète  viendroit 
après  iiiy  (pii  aniioiicei'oit  au  monde  toute  vérité,  ».V  que  ce  [)ro[)hete 
est  Mahomet.  Ils  disent  que  les  Chrestiens  font  injure  èi  Dieu,  de 
cioire  que  Jésus  soit  Dieu,  &  font  injure  à  Jesus-Christ  de  le  croire 
mort  d'une  mort  infâme  comme  celle  de  la  croix,  &  ce  sont  les  deux 
motifs  de  leurs  persécutions  contre  les  Chrestiens,  en  cpioy  ils  sont 
très-dignes  de  compassion.  Leur  dernier  signal  est  celuy  de  retraite, 
qu'on  appelle  lâcha' ,  auquel  toutes  les  rues  se  ferment  par  cantons, 
tant  ils  appréhendent  d'estie  surpris  des  Chrestiens. 

Outre  les  mosquées,  les  campagnes  sont  pleines  de  petits  domcs 
ou  sepulchres  de  leurs  Saincts,  oii  l'on  \a  en  pèlerinage  ;  &,  si  un 
Chreslien  y  estoit  entré,  ils  I  estimeroient  tellement  poilu,  qu'ils  le 
condamneroienf  au  feu,  ou  à  se  faire  Moi'e  de  leur  religion.  Leur 
cimetière  est  tout  autour  des  murailles,  oii  ils  enterrent  avec 
mesmes  cérémonies  que  les  Chrestiens,  c'est-à-dire  disans  des 
prières  ik  des  pseaumes,  »k  difTerenl  en  ce  que  le  corps  est  mis  sur 
le  (;osté  au  sepulchre,  la  teste  accostée  sur  la  main  droite,  &  regar- 
dant le  soleil  levant.  Ils  ont  grand  soin  d'inhumer  avec  honneur; 
les  fosses  sont  pavées  tV  de  toutes  parts  ornées,  en  sorte  que  le 
corps  ne  touche  à  terre.  Deux  personnes  ne  sont  jamais  mises  en 
mesme  sepulchre.  Ils  ensevelissent  comme  nous,  &,  la  fosse  cou- 
verte, chacun  se  retire,  à  la  reserve  de  leur  prestre  qui  se  met  à  ge- 
noux, &,  la  teste  courbée  contre  terre,  parle  à  ce  pauvre  deffunt, 
dont  il  croit  que  lame  demeure  suspendue  jusqu'au  jour  du  Juge- 
ment ik  de  la  résurrection.  Puis,  s'estanl  retiré,  nombre  de  fem- 
mes viennent  prier,  crier  ^:  pleurer,  comme  elles  font  ordinaire- 
ment les  vendredys,  qui  est  le  jour  de  leur  dimanche. 

Leur  Ramadan,  autrement  Caresme,  s'observe  inviolablcmenl, 
sur  peine  du  feu,  dont  le  prince  mesme  ne  seroit  exempt,  s'il  estoit 
contrevenu  sans  cause  jugée  légitime  en  la  mosquée.   Toutes  les 

I.    Lnchrt.  El-.\cha  Lljill. 


fiSa  APHÈS    LE     12     SEPTEMBRK     lfi5/| 

lunes  alternativement  portent  ce  temps  ;  celle  année,  il  a 
commencé  à  la  lune  de  juin';  6:  dure  trente  jours  qu'il  faut 
exactement  accomplir,  en  telle  sorte  que  qui  ne  le  peut  consé- 
cutivement doit  reparer  autre  temps,  au  veu  et  sceu  de  l'assemblée 
en  la  mosquée,  c'est  à  dire  qu'on  apporte  fidel  tesmoignage  du 
suppléement. 

Depuis  que  la  lune  paroist  comme  un  petit  filet,  les  Maraboux 
crient  au  haut  des  mosquées  :  Ramadan  !  Dès  lors  on  tire  fuzils 
ik  canons,  &  depuis  ce  jour-là  jusques  à  leur  Pasque,  ils  jeusnent 
le  jour  jusqu'au  soir,  sans  boire  ny  manger,  quelque  chaud  &  fa- 
tigue qu'ils  ayenl.  La  nuict,  ils  boivent  &  mangent,  mais  avec 
police.  Un  Maraboux  en  chaque  quartier  monte  sur  une  des  tours 
avec  un  cornet  &  fait  signal,  lors  qu'ils  peuvent  boire  &  manger  ; 
A:  autre  signal  quand  ils  peuvent  sans  pécher  contre  la  loy,  ny  en- 
fraindre  le  Ramadan,  connoistre  leurs  femmes,  qu'ilsont  pour  légi- 
times jusques  à  neuf'.  Pendant  le  Ramadan,  ils  ne  peuvent  jouyr 
des  femmes  &  fdles  qu'ils  ont  pour  esclaves,  comme  en  autre 
temps.  Après  ce  jeune,  ils  font  leur  Pasque  parle  sacrifice  d'Abra- 
ham, immolant  un  mouton  au  Meiisald',  qui  est  un  autel  dressé 
hors  les  murs  vers  la  rivière  au  bout  de  leur  grand  cimetière.  Ils 
croyent  que,  si  Abraham  eut  immolé  son  Isaac,  ils  seroient  tenus 
de  sacrifier  leurs  premiers  naiz.  A;  font  grandes  cérémonies,  con- 
duisans  la  victime  au  sacrifice,  qui  est  lavée  par  les  prestres  huit 
jours  durant,  &  conduite  par  les  rues  tapissées  de  beaux  linges  & 
jonchées  de  ileurs.  allans  tous  chantans  avec  instruments  vS;  signais 
de  particulières  allégresses  à  la  mode  du  pays.  Sur  tous  les  sepul- 
chres,  au  lieu  que  nous  mettons  des  croix,  il  y  a  des  pierres  car- 
rées &  gravées  de  lettres  ou  chiffres. 

En  l'une  À;  l'autre  ville  sont  les  Juifs,  qui  ont  commerce  avec  les 
Mores,  &  gardent  leur  loy  à  la  mosaïque.  Entr'autres  festes  ils  ont 
celle  des  Tabernacles,  en  laquelle  ils  dressent  petites  cabanes  de 
verdures  &  de  fleurs,  sous  lesquelles  reposent  leurs  filles  pendant  la 
nuict  (esperans  tousjours  le  Messie). 

1.  En  i65i,  Ifi  ramadan  a  commencé  le 

i6  juillet  ''■    ^^'""sa'".    Messalla     ,U«a^-    Kmpla- 

2.  On  sait  que  les  musulmans  ne  peuvent  cément  en  plein  air  destiné  à  la  prière,  les 
avoir  plus  de  quatre  épouses  légitimes.  jours  de  fêtes  solennelles. 


RELATION    DCNE    RÉDEMPTION    DE    CAPTIFS    A    gALÉ  683 

Il  S  est  trouvé  à  Tunis  (ju'un  gaillard  espionna  si  adroitement 
qu'un  Turc  engrossa  la  Juifve,  &  esperoient  que  d'elle  viendroit 
riionneur  de  leur  nation'  ;  mais,  ne  donnant  qu'une  fille  au 
monde  ■,  elle  montra  l'insolence  de  cette  canaille,  qui  est  l'abo- 
mination du  ciel,  de  la  terre  &  des  enfers  mesme.  Ils  payent  grand 
tribut  pour  avoir  la  l'acultc  d'achepter  les  Chrestiens  :  c'est 
pourquoy  il  y  a  grande  peine  à  les  avoir  d'entre  leurs  mains.  Les 
Juifs  tS:  les  Mores  du  pays  ne  sont  pas  vestus  de  la  mesme  façon  ; 
car  les  premiers  sont  tous  violets  >k  tiennent  fort  de  la  façon  des 
religieux  ;  les  autres  ont  un  caleçon,  une  chemise  par  dessus  en 
femme,  dont  les  manches  ressemblent  à  celles  des  surplis  fermés, 
au  dessus  leur  calfetan  en  forme  de  justaucorps  non  boulonnez, 
À:  un  heque  '  de  fine  laine  comme  un  drap,  dont  ils  s'environnent 
tout  le  corps  depuis  les  pieds  jusques  à  la  teste.  Les  uns  \  les 
autres  sont  nuds  jambes,  avec  des  escarpins  aux  pieds  «S:  des 
bonnets  en  leste,  les  Juifs  les  portent  violets  »k  les  Maures 
rouges. 

Ces  gens  paissent  tous  comme  des  bestes  &  en  vraye  posture  de 
guenons,  assis  sur  le  cul,  ils  tiennent  les  herbes  qu'ils  mangent  plus 
ordinairement  (|ue  toute  autre  chose. 

Si  un  Chrcslicn  s  arresle  tant  soit  peu  de\aiil  les  maisons 
des  Moufletis,  Maraboux  *S;  Docteurs  de  la  Loy,  ils  sont  lapi- 
de/, avec  zèle,  car  ces  aveuglez  estiment  faire  grand  service  à  Dieu 
de  soulever  les  peuples  contre  les  Chrestiens.  De  manière  que  la 
plus  grande  persécution  procède  de  ce  zèle  indiscret,  qui  fait  cnii- 
clurre  aux  esclaves  ce  qu'un  particulier  escrivilà  nos  rédempteurs, 
de  Tetouan  en  la  ville  de  Sale  : 

«  Nous  sommes  tombez  entre  les  mains  de  monstres  composez 
de  plusieurs  natures,  brutaux  comme  des  bestes,  malins  connue 
des  diables.  \  d'hommes,  je  n'y  en  ay  encores  remarque  (jue  la 
figure  corporelle.  C'est  pourquoy  je  vous  piie  me  tirer  des  mains 
de  ces  tygres  ;  car  je  vous  asseure  cpie  je;  ne  suis  |)as  dans  un  escla- 
plustost  dans  un  eni'er  |)l('ni  de  nuseres  ;  car  il  n  y 


I.   Phrase  mal  conslruile,   mais  dont  le;        auraient    tcntO  de  le  faire  croiro  par  loiir- 
sens  se  rétablit  facilement.  beric. 

i.  .Vu  lieu  d'un  Messie,  comme  les  Juifs  3.   Ileque,  liaïk. 


684  APRÈS    LE     12    SEPTEMBRE     165/1 

a  peines  ny  rigueurs  qu'ils  n'ayent  exercé  en  mon  endroit  ^[  sur  ma 
personne  &c.  « 

De  ïetouan,  le  premier  juin  mil  six  cents  cinquante-quatre. 

Vostre  très-obéyssant  serviteur,  Nicolas  Saunier.  » 

Il  est  un  de  ceux  que  le  Gouverneur  n'a  voulu  donner  que  tous 
ne  fussent  racheptez.  On  espère  du  zèle  et  de  la  piété  de  Leurs 
Majestez  que  liientost  leurs  liens  seront  brisez  »k  leur  liberté  sera 
acquise  par  la  coopération  des  fidels. 

IncUnate  aurein  vestnim  in  verba  oris  mei.  Ps.  yj. 

Bibliothèque  Nalinnale.  —  Imprimés.  Ld'\30.  —  La  miraculeuse 
Rédemption'...  A  Paris...  M  DC  LIV. 

I.   Le  tllre  complet  est:  La  miraculeuse  la  Tris-Saincle  Trinité,  vulgaircmant  appelez 

rédemption  des  captif  s  faite  à  Salé,  caste  de  Maturins.  A  Paris,  de  l'imprimerie  dejulian 

Barbarie,  sous  les  heureux  auspices  du  sacre  Jacrjuin,  rue  des  Massons,  vis-à-vis  l'église  de 

du  Roy  Très-Clirestien.  Par  les  reliijieux  de  Sorbonne.  MDC.  LIV. 


INSTRUCTION    SECRÈTE    POUR    COMMINGES  685 


CXXVI 

INSTRUCTION  SECRÈTE  POLK  CUMMINGES' 
(Extrait.) 

La  cour  de  Fiance  avait  écarté  la  proposition  que  lui  avait  faite  en  1648  le 
roi  Jean  IV  de  lui  céder  Tanger-,  en  retour  d'un  secours  eilcctil '.  Cette  négo- 
ciation fut  reprise  en  i65G  par  la  Heine'  qui  envoya  à  cet  ellet  en  France  son 
confesseur  Frav  Domingo  del  Uosario  '.  Les  principales  clauses  du  futur  traité 
dalliance  étaient  les  suivantes:  mariage  de  Louis  XIV'  avec  l'infanle  Catherine 
de  Bragance  ;  cession  de  Tanger  à  la  France.  Les  pourparlers  n'aboutirent  pas''. 
Toutefois  on  alTecta  de  considérer  en  France  la  proposition  relative  à  Tanger 
comme  indépendante  de  la  question  du  mariage,  et  M.  de  Comminges,  am- 
bassadeur extraordinaire  en  Portugal,  en  1657,  eut  ordre  de  demander  la 
cession  de  cette  ville  afin  d'en  faire  une  place  d'armes  pour  la  sûreté  des  troupes 
de  secours. 

//  demandera  la  cession  de  Tanijer  suivant  la  iiroposition  faite  par  Frère 
Domingo  del  Rosario,  mais  ne  s'engagera  pas  à  fond  sur  cette  question. 


Compiègne,   i3  mai  1(^57. 

En  tète  :  Mémoire  que  Sa  Majesté  a  voulu  eslre  adjousté  à  l'ins- 

l.   Charles  Joan-liaptislc  do  Comminges-  l\.    Le  roi  Jean  IV  était  mort  le  G  novembre 

Guitaut,  né  en  itii3,  mort  en  1G70.  Capi-  itiâG.  La  reine  D.  Luiza  do  Gusmào,  fille 

laine    des   gardes    de   la   Heine   en    l64^,  des    ducs    de    Medina-Sidonia,    était   une 

maréchal  de  camp  en  iG^q.  lieutenant  génc-  femme  ambitieuse  et  de  grande  énergie, 

rai  en  i052.  Aprns  son  retour  de  Portugal,  5.   Fraj  Domingo  del  Rosario,  rcligieuï 

il  fut  nommé  gouverneur  de  Saumur  et  du  d'origine  irlandaise,  dont  le  nom  de  famille 

Haut-I'ays  d'Anjou;  il  fut  ambassadeur  à  était   O'    Ualljr,   confesseur   de   la    Reine, 

Londres  de  i663  b  i665.  nomme  archevêque  de  Goa.    Il   avait  été 

■i.  V.  supra.  Doc.  CIX,  p.  609  et  CX  p.  chargé  d'une  première  mission  en  i635. 

Oii.  6.   La  reine  Anne  d'.Vutriche  était  déjà 

3.   Ln  premier  traité  d'alliance  entre  les  résolue  de  faire  la  paix  avec  l'Espagne  en 

cours  de  France  et  de  Portugal  avait  été  concluant  le   mariage  de  Louis  \IV  avec 

signé  le   r  ■■  juin   iG.'ii.  l'infante  Marie-Thérèse. 


686  i3  MAI   iC^o- 

truction  du  s'  de  Comminges  ' ,  conseiller  du  Roy  en  son  Conseil 
d'Estat,  lieutenant  gênerai  en  ses  armées  et  capitaine  des  gardes  du 
corps  de  la  Reyne  mère  de  Sa  Majesté,  qu'il  envoyé  en  Portugal 
en  la  qualité  de  son  ambassadeur  extraordinaire. 

La  seule  considération  de  n'apporter  pas  un  nouvel  obstacle  à  la 
paix  a  jusques  à  présent  empesclié  le  Uoy  de  se  randie  aux  pres- 
santes et  continuelles  sollicitations  qui  depuis  dix  ans  luy  ont  esté 
faites  de  la  part  du  roy  de  Portugal,  par  diverses  personnes  en- 
voyées exprez,  de  faire  un  nouveau  traillé  par  lequel  Sa  Majesté 
s'engageroit  à  ne  point  faire  la  paix  que  led.  Roy  n'y  fut  compris. 

Le  père  fray  Domingo  avoit  proposé  de  remettre  au  Roy  la  place 
de  Tanger  en  Affrique,  et  mesme  de  donner  une  somme  pour  la 
mettre  en  bon  estât.  Le  s'  de  Comminges  insistera  aussv  pour  cela, 
et  neantmoins,  s'il  y  trouvoit  des  obstacles  qu'il  ne  peut  surmonter, 
il  s'en  relascliera  en  ce  cas. 


Fait  à  Compiegne,  le  i3°  may  1657. 

Archives   des  AJfaires  étniixjèi-es.    —    PorUijjal.   —   Currespondiinre 
politique.   Vol.  4,  /.  i'S  v".  —  Minute-. 
Ibidem,  /.  58  r".  —  Autre  minute. 

I.  Cette  première  instruction  prescrivait  princesse..  ».  V.  Arcli.  des  Aff.  étr..  Porlu- 

à  Comminges  de  ne  pas  ôter  à  la  reine  de  (jnl,  Corresp.  pot..   Vol.  4,  /■  J'- 
Portugal  «  les  espérances  desquelles  elle  se  2.   Ce  Doc    a  été  publiépar  le  ViedcCaii 

nourrit  pour  l'infante».  Il  devait  pour  cela  do    S'  Aymour,   dans   Recueil  Jes  Instruc- 

s'enquérir,  «  en  sorte  que  la  Reyne  le  puisse  lions  données  aux  ambassadeurs  et   ministres 

sçavoir,    des   qualilez    eminentes   de   cette  de  France  en  Portugal,  pp.  /|i  et  ss. 


PROPOSITIONS    DE    COMMINGES    AUX    PLÉMPOTENTIAIRES    PORTUGAIS      68" 


CXXYII 

PROPOSITIONS  DE  COMMINGKS  AUX  PLÉNIPOTENTIAIRES 

PORTUGAIS 

(Extrait.) 
Le  roi  de  France  demande  la  cession  de  Tan(jer. 

(Lisbomic,  ^e5  juillet  1OÔ7.I 

En  tête  :  Propositions  faictes  par  le  comte  de  Comenge  de  la 
pari  (lu  Roy  Très-Chreslieii,  en  qualité  de  son  ambassadeur  extraor- 
dinaire, à  Messieurs  les  députez  de  la  Fioync  Régente  de  Portugal. 

On  a  offert  diverses  choses  au  Roy  Très-Chrestien,  mon  maistre, 
de  la  part  du  l'eu  roy  de  Portugal,  de  très-glorieuse  mémoire,  et 
depuis  peu  aussy  de  la  part  de  la  Royne  Régente  pour  l'obliger  à 
la  conclusion  d'un  nouveau  traiclé,  et  enir  autres  que  l'on  donne- 
roit  deux  millions  d'or,  mais  payables  en  termes  fort  esloignez. 

Le  Roy  mon  maistre  a  toujours  estimé  que  le  roi  de  Portugal 
tireroit  un  grand  avantage  de  l'ortilTler  son  armée  d'un  corps  es- 
tranger  tant  de  cavalciie  que  d'infanterie,  et,  pour  en  faciliter  les 
moyens,  il  offre  la  pcîrmission  des  levées  en  France  et  touttes  les 
assistances  qui  pourront  despendre  de  luy.  Bien  entendu  que  la 
levée,  le  passage  et  l'entretenemcnt  dcsd.  troupes  se  feront  aux 
despens  du  roy  de  Portugal  et,  pour  cet  elfet,  j'ay  ordre  de  faire  un 
traicté  particulier. 

Et,  comme  il  fault  une  place  d'armes  pour  la  seureté  des  troupes, 
le  roy  mon  maître  demande  une  place,  et  la  proposition  luy  en  a 


688  25  JUILLET   i65- 

desja  esté  faicte  par  les  ministres  de  Portugal,  et  nommemenl  de 
Tanger,  avec  quelque  somme  dargenl  pour  la  mettre  en  estât  de 
résister  et  de  pouvoir  eslre  utillc  et  advantageuse  aux  deux  cou- 
ronnes. 

Voilà,  Messieurs,  la  proposition  que  je  vous  av  faict  de  la  part 
du  Roy  mon  maistrc,  et  que  vous  avez  souhaitté  que  je  vous  don- 
nasse par  escript.  Vous  en  sçavez  mieux  que  moy  la  conséquence. 
Je  ne  doubte  pas  qu'aprez  les  avoir  examinées  vous  ne  les  trouviez 
très-justes.  Je  vous  proteste  que  je  parle  aveq  sincérité  et  que  je 
contribueray  tout  autant  qu  il  me  sera  possible  à  la  perfection  d'un 
ouvrage  commencé  depuis  sy  longtemps,  et  qui  auroit  de  la  peine 
à  se  renouer  une  autre  fois,  s'il  venoil  à  se  rompre. 

Arrhires  des  Affaires  élnimières.  —  Portiuial.  — Correspondance  poli- 
tique. Vol.  I4,  f.  Ul  r".  —  Copie. 


LETTRE    DE    COMMINGES    A    BRIENNE  689 


CXXYtlI 

LETTRE  DE  COMMINGES  A  BKIENNE' 
Il  rend  compte  de  sa  conférence  avec  les  plénipotentiaires  portugais. 

[Lisbonne,  a"»  juillet    lOÔ^.J 

Monsieur, 

Par  ma  depesclie  du  i8"  du  courant,  qui  est  la  seule  que  je  vous 
ay  faicle  depuis  mon  arrivée  en  Portugal,  el  que  j  ay  remis  entre 
les  mains  du  capitaine  Jamin.  de  La  Rochelle,  pour  estre  remise  en 
celle  de  mon  correspondant,  pour  estre  envoyée  en  diligence  à  la 
Cour,  je  vous  rcudois  compte  de  ma  réception  et  de  ma  première 
audience,  qui  se  passa  en  condoléance  sur  la  mort  du  feu  roy  de 
Portugal  et  en   lesinoignage  de  joyc  pour  l'acclamation  de  celuy 


Le  23"  du  courant,  le  Secrétaire  d'Estat  me  vint  rendre  visite, 
el,  après  d(;s  civilité/,  ordinaires,  il  me  demanda  (|uel  jour  je  vou- 
lois  prendre  pour  la  conférence;  je  luy  dis  que  le  plus  tosl  ne  seroit 
que  le  meilleur,  et  que,  s'il  le  jugeoit  à  propos,  ce  seroit  le  lende- 
main à  |)arcille  hciiic.  Il  me  proposa  le  couvent  ou  un  palais,  mais 
je  creus  qu'il  estoil  à  propos  (|u'elle  se  list  chez  moy.  Je  luy  insi- 
nuay  de  manière  ([ue  la  chose  fust  arrestée. 

Sur  les  quatie  heures  du  soir,  M"  les  députiez  se  rendirent  chez 
moy,  sçavoir  M"  les  comte  (h;  Mire,  gouverneur  du  Hoy,  le  mar- 
quis (le  Nice,  le  comte  de  Cantagncde,  le  père  Dominicpie  du  Uo- 

I.  Iloiiri-Auguslo  (le  Loniénie,  comte  aux  affaires  étrangères,  après  la  disgrâce  de 
de  Brienne  (i5g.ï-i6li6),  secrétaire  d'État        Chavigny,  de  if)/|3  à  i663. 

De  Castries.  m.   — •  44 


6qO  20    Jl'ILLIîT     1657 

zaire  et  Povleira  da  Silva,  secrétaire  d'Estat.  Après  quelques  com- 
plimentz,  nous  nous  enfermâmes  dans  une  chambre,  où  je  leur  fis 
les  propositions  du  Roy  mon  maistre,  lesquelles  j'appuyay  de  touttes 
les  raisons  et  exemples  que  mon  esprit  et  ma  mémoire  me  purent 
fournir.  Hz  furent  fort  estonnez  des  demandes  et  principallement 
lorsque  je  leur  parlay  du  Tanger,  que  je  leur  dis  avoir  desja  esté 
offert  au  Roy  par  les  ministres  de  Portugal.  Sur  cette  proposition, 
le  père  Dominique  dict  qu'il  estoit  vray  que  monsieur  1  evesque  de 
Frejus'  et  luy  en  avoient  parlé,  mais  que  ce  n'estoil  pas  sur  le 
sujet  de  la  Ligue,  mais  bien  sur  celuy  du  mariage  du  Roy.  Je  ne 
laissay  pas  pourtant  d'insister  sur  cet  article  comme  sur  tous  les 
autres.  Hz  tombèrent  tous  d'accord  de  la  nécessité  de  la  Ligue  et  des 
grands  avantages  qu'en  tireroit  le  royaume  de  Portugal,  mais  qu'ilz 
me  piioient  de  faire  reflexion  sur  leur  impuissance,  qu'ils  estoient 
résolus  de  tout  faire  pour  conclurre  le  traicté,  mais  qu'il  n'estoit 
pas  raisonnable  d'exiger  ce  qu'ilz  ne  pourroient  exécuter.  Cette 
conférence  se  passa  de  la  sorte,  et  ces  Messieurs  me  demandèrent 
de  mettre  les  propositions  par  escript,  ce  que  je  leur  ay  promis.  Je 
les  ay  envoyé  ce  matin  au  Secrétaire  d'Estat.  Je  vous  en  envoyé  la 
coppie  '" 

Je  les  incite  tous  les  jours  à  faire  quelque  chose.  Mais,  pour  vous 
dire  le  vray,  ilz  ne  sont  ny  assez  forts  ny  assez  capables  pour  atta- 
quer ou  maintenir  aucune  place  considérable.  Hz  se  resjouissent  de 
la  prise  de  vingt  cavaliers  comme  s'ilz  avoient  gaigné  un  combat. 
Enfin  la  guerre  de  ce  pays-cy  est  assez  comparable  à  celle  des  petitz 
enfans  quy  sont  dans  les  rues  et  fuyent  chacun  à  leur  tour. 

Archives  des  Affaires  élriinqbres.  —  Porlur/al.  —  Correspondance  poli- 
tique, Vol.  4',  f.  87.  —  Copie. 

I.  Joseph   Zongo   Ondedei,    évêque   de  2.  V.  supra,  p.  687,  Doc.  CXXVII,  un 

Fréjus,  i654-23  juillet  1674.  extrait  de  ce  document. 


RELATION  DE  THOMAS  LE  GENDRE  69  I 


LA  RELATLON  DE  THOMAS  LE  GENDRE. 


Note  bibliographique 

La  relation  écrite  sous  forme  de  lettre,  qui  est  publiée  ci-après  sous  le 
numéro  cxxix,  nous  a  été  conservée  par  une  plaquette  éditée  en  1670,  et  qui  a 
été  traduite  en  plusieurs  langues.  L'édition  française,  qui  sera  désignée  par  la 
lettre  C  dans  la  discussion  qui  va  suivre',  est  intitulée  : 

C.  Lettre  escritte  en  réponse  de  diverses  questions  curieuses  sur  les  parties  de 
l'Affrique  où  règne  aujourd'huy  Muley  Arxid,  roy  de  Tafiletc.  Par  Mon- 
sieur ****,  qui  a  demeuré  2.'i.  ans  dans  la  Mauritanie. 

A  Paris,  chez  Gerrais  Clouzier,  au  Palais,  sur  les  degrez,  en  montant  pour 
aller  à  la  Sainte  Chapelle,  à  la  seconde  boutique,  à  l'enseigne  du  I  oyageur. 
M.DC.LXX.  Avec  privilège  du  Roy-. 

Celte  plaquette  se  rencontre  soit  seule,  soit  à  la  suite  de  deux  autres  et  for- 
mant avec  elles  un  «  Recueil  factice.  »  Les  deux  plaquettes  précédant  la  Lettre 
escritte  dans  le  recueil  factice  seront  désignées  par  les  lettres  A  et  B.  Voici 
leurs  titres  : 

A.  Histoire  de  Muley  Arxid,  roy  de  Tajîlete,  de  Fez,  Maroc  i^-  Tarudant^ . 

B.  Relation  d'un  voyage  fait  dans  la  Mauritanie,  en  Affrique,  par  le  sieur 
Roland  Frejus  de  la  ville  de  Marseille,  par  ordre  de  Sa  Majesté  en  l'année  1666. 
vers  le  roy  de  Tafilete,  Muley  Arxid,  pour  l'establissement  du  commerce  dans 
toute  l'étendue  du  royaume  de  Fez,  çj-  dans  toutes  ses  autres  conquestes^. 

i.  On  a  adopté  pour  celle  plaquette  la  de  S.  A/.  Bri/unnii^uc.  Le  titre  de  départ  est  : 

troisiime  lettre  de  l'alpliabct,  parce  qu'elle  llbtuirc  du  prince  Tajilele,  qui  règne  presen- 

occupe,  ainsi  qu'on  le  dira  plus  loin,  la  troi-  lemcnl  en    Barbarie.   On   ne  rencontre  pas 

sii'me  place  dans  le  Recueil  factice  où  on  la  celte  plaquette  en  tirage  à  part,  mais  tou- 

renconlre  souvent.  jours  réunie  aux  plaquettes  Bel  C.  L'ori- 

2.  Le  privilège  daté  du  21  mai  1(570  ginal  anglais,  dont  la  plaquette  .\  est  la 
s'applique  aussi  bien  à  la  plaquette  C  qu'aux  Iraduclion,  est  intitulé  ;  A  sltorl  and  stranrje 
plaquettes  .\  et  H  dont  il  va  être  parlé  relation  of  some  paris  of  Itie  tife  ofToJiletla, 
ci-apri  s.  Ihe  greal  conqueror  and  emperur  oj  Barbary, 

3.  Le  titre  de  la  plaquette  A  est  donné  by  one  who  lialli  talely  becn  in  llis  Mojislies 
comme  suit  dans  le  Privilège:  Histoire  de  seroice  in  tlial  country,  Londres,  i6t)i),  4°. 
Muley  Arxid,  roy  de  Tafilete.  de  Fez  et  de  !{.  La  plaquette  Use  rencontre  en  tirage 
Maroc,   traduite  de   t'angtais.  par  '"  agent  i  part. 


6<)2  INOTE     RIBLIOGRAPHIQUE 

Il  n'existe  pas  d'autre  édition  française  de  la  Lettre  escritte  que  celle  qui  a  été 
nieulioniiée  plus  haut,  soit  celle  de  iG"o.  Cette  date  est  celle  où  ont  paru  les 
deux  autres  plaquettes  A  et  B  du  Recueil  factice,  qui  n'ont  également  pas  été 
rééditées  depuis.  Toutefois  plusieurs  bibliographes,  reproduisant  la  même 
erreur,  indiquent  pour  les  plaquettes  B  et  C  une  seconde  édition  de  1682'.  11 
s'impose  donc  tout  d'abord  de  faire  justice  de  cette  seconde  édition  et,  pour 
fournir  une  base  à  la  discussion,  de  passer  en  revue  dans  l'ordre  chronologi- 
que, malgré  l'aridité  de  cette  nomenclature,  les  différents  «  numéros  »  sous  les- 
quels les  bibliographes  ont  catalogué  tant  la  Lettre  escritte  (C)  que  la  Relation 
de  Roland  Fréjus(B),  car  ces  deux  ouvrages  sont  souvent  confondus  par  eux, 
et  les  erreurs  qu'ils  ont  commises  en  les  décrivant  ont  eu  une  mutuelle  réper- 
cussion. 

I.  —   Bibliographie  de  Leyde.n  ^. 

(.8.7) 

Fréjus  (Roland).  —  Relation  irait  voyage  fait  en  lOOO  aux  royaumes  de 
Maroc  el  de  Fez;  12  mo.  Paris,  1670.  — On  lit  à  la  suite  :  An  enlarged  édition, 
12  mo.  Paris,  1682.  — An  english  translation  S'^London  lOji'. 

II.  —  Bibliographie  Guilbert'. 

(.839) 

N°  /|6.  —  Lettre  écrite  en  réponse  de  diverses  questions  sur  les  parties  de 
l'Afrique  où  règne  aujourdlmy  Muley  Arxid,  roi  de  Tajilele,  par  M.  ***',  qui  a 
demeuré  vingt-cinq  ans  dans  la  Mauritanie.  Paris,  i6jo,  chez  Gervais  Clouzier, 
in-i2. 

N"  5l.  —  Relation  curieuse  des  Etals  du  roi  de  Fez  et  de  Maroc  qui  règne 
aujourd'hui,  avec  une  description  des  poris  et  places  fortes  des  Espagnols,  des 
Anglais,  des  Portugais  et  du  roi  de  Maroc  aux  côtes  de  Barbarie.  Paris,  1682, 
in-i2. 

N°  53.  —  Relation  d'un  vo\'a(fe  fait  en  iG66  aux  royaumes  de  Maroc  et  de  Fez 
pour  rétablissement  du  commerce  avec  la  France,  avec  une  description  des  Etats 
du  roi  de  Tafilete,  par  Roland  Frejus.  ln-12,  Paris  1682,  chez  la  veuve  Clouzier. 

i.   C'est  M.  Jacqueton  qui,   le  premier,  Edimbourg,  1817,  I.  II,  p.  âSa.  —  La  pre- 

a  signalé  le  problème  bibliographique  qui  mii-re  édition,  que  nous  n'avons  pu  consul- 

se  posait  au  sujet  de  cette  édition  de  1682.  ter,  est  de  1799. 

V.  Jacqueton,  Doc.  Maroc,  tirage  à  part  3.   V.  infra.  p.  6g(i  le  titre  de  celle  tra- 

deVcrratiim.  duction. 

2.   Leïden  and  Murray,  Hislorical  ac-  l\.   .\ristide  Guilbekt,  Z.*i.' /«  rofo«/s«iion 

conhl  0/  cliscoveries  and  Iruvcls   in   Africa.  du  nord  de  l'Afrique,  Paris,  i83ij. 


RELATION  DE  THOMAS  LE  GENDRE  698 

III.  —  Bibliographie  Tebnaux-Compans'. 
(i84i) 

N°  2l4ô-  —  Roland   Fréjis.   Voyage  dans  la  Mauritanie.  Paris.  In-S.  i6yo. 

N°  2! 46.  —  Histoire  de  Muley  Arxid,  roy  de  Tajilet,  Fez,  Maroc  et  Tarudent, 
avec  la  relation  d'un  voyage  fait  en  1666  vers  ce  prince.  Paris,  2  vol. 
in-18.  lôyo. 

N°  2i47-  ~  Lettres  sur  1rs  parties  de  l'Afrique  où  règne  aujourd'hui  Muley 
A  rxid,  roi  de  Tajilele,  par  M.  ***  (A .  Charrant)  qui  a  demeuré  25  ans  dans  la 
Mauritanie.  Paris,  in-12.  i6yo. 

N°  2197.  —  Roland  Fréjus.  Travels  into  Mauritania  translated  by  Charant. 
London,  in-8.  lôyi. 

.\°  2421.  —  Relation  d'un  voyage  fait  en  i66(i  aux  royaumes  de  .Maroc  et  de 
Fez  pour  l'établissement  du  commerce  avec  la  France,  avec  une  description  des 
Etats  du  roi  de  Tajilete,  par  Roland  Fréjus.  Paris,  Veuve  Rouzier.  1682. 

\\ .    HiBLIOGKAPIIIK    DITE    DU    GOUVERNEMENT    GÉNÉRAL    DE    l'AlGÉRIE '. 

(r84i) 

Roland  I'hê.iis  (de  la  ville  de  Marseille).  —  Relation  d'an  voyage  fait  dans  ta 
Mauritanie  en  Afrique  par  ordre  de  .S.  .1/.,  en  l'année  ifHlti.  —  in- 12,  Paris, 
i6y(i. 

V.  —  Bibliographie  Re.xou'. 

(i846) 

M»  93.  —  Relation  d'un  voyage  fait  en  1666  aux  royaumes  de  Maroc  et  de  Fez 
pour  l'établissement  du  commerce,  etc.,  par  Roland  Fréjus.  iGjo. 

N"  1 16.  —  Relation  des  états  du  roy  de  Fez  et  de  Maroc  qui  règne  anjuard'tiui; 
de  la  religion,  du  commerce,  des  mœurs  et  des  coutumes  du  pays  :  par  Roland 
Fréjus.  Paris,  1682.  Renou  ajoute  :  (Réimpression  de  l'ouvrage  n"  (/3).  On 
trouve  de  plus,  à  la  suite  de  cette  édition  la  relation  d'un  inconnu  (Charant),  qui 
a  fait  un  séjour  de  vingt-cinq  ans  dans  le  pays,  et  une  Lettre  écrite  en  réponse  à 
diverses  questions. 

1.  TE»!iAU\-Coiip/i.KS,  Bibliolh'eque  (isia-        p.  /|3i. 

tique  et  africaine,  Paris.   i84i.  3.   Emm.ien   Renou.  Description  géogra- 

2.  Tableaude  la  situaliondes établissements  plùque  de  l'empire  du  Maroc,  Paris,  18^6, 
JrançaisdansVAlgériecniSio.S.\^cT,i9iÂi,        pp.  i3A-435. 


6qâ  NOTE    BIBLIOGRAPHIQUE 

N"  117.  —  Relation  curieuse  des  étals  du  roi  de  Fez  et  de  Maroc  qui  règne 
aujourd'hui,  avec  une  description  des  ports  et  places-fortes  des  Espagnols,  des 
Anglais,  des  Portugais  et  du  roi  de  Maroc,  aux  côtes  de  Barbarie,  in-12, 
Paris,  1682. 

VI.   —  Bibliographie  Brlnet'. 
(i86o-i865) 

Relation  d'un  voyage  en  i66(j  aux  royaumes  de  Maroc  et  île  Fez,  fait  par 
Roland  Fréjus  pour  rélahlissement  du  commerce  dans  toute  l'étendue  de  ces  deux 
royaumes,  avec  une  lettre  en  réponse  à  diverses  questions  sur  la  religion,  mœurs  et 
coutumes  (par  C.  Charans).  —  Ibidem,  lOyo,  pet.  in-12.  —  Reproduit  avec  des 

augmentations  sous  le  titre  de  «  Relation  des  Etats  du  roi  de  Fez  et  de  Maroc 

Pans,  Clouzier,  1682,  in-12. 

VII.   —    Bibliographie  Playfair  -'. 
(1892) 

N°  293.  1682.  «  M.  Le  G.  »  —  Relation  curieuse  des  états  du  roi  de  Fez  et  de 
Maroc  qui  règne  aujourd'hui,  avec  une  description  des  ports  et  places  fortes  des 
Espagnols,  des  Anglais,  des  Portugais  et  du  roi  de  Maroc,  aux  cotes  de  Barbarie, 
par  M.  Le  G.  qui  y  a  fait  un  séjour  de  vingt-cinq  ans.  Paris,  12  mo. 

On  remarque  à  premier  examen  que  les  titres  de  ces  opuscules  sont  repro- 
duits avec  une  très  grande  infidélité,  les  uns  sont  rajeunis,  d'autres  sont  com- 
mentés, d'autres  s'enchevêtrent,  et  avec  un  pareil  désordre,  c'était  une  tâche 
fort  ardue  d'identifier  rigoureusement  chacune  des  plaquettes. 

L'erreur  initiale  semble  avoir  été  commise  par  Leyden  (i-()(|).  Ce  biblio- 
graphe signale  la  relation  de  Roland  Fréjus.  édition  de  1670  (plaquette  B), 
dont  il  donne  le  titre  inexactement,  puis  il  indique  une  autre  édition  de  1GS2 
«  an  enlarged  édition  ».  Il  ne  lait  d'ailleurs  aucune  mention  de  la  Lettre 
escritte.  Cette  «  enlarged  édition  »  de  1(182  doit  résulter  d'une  contusion  faite 
par  Levden  qui  aura  pris  pour  une  réédition  amplifiée  de  la  Relation  Fréjus 
le  récit  d'un  autre  voyage  au  Maroc  paru  en  1682,  et  dont  le  titre,  reproduit 
ci-dessous,  débute  par  les  mots  «  Relation  nouvelle...  » 

Relation  nouvelle  et  particulière  du  voyage  des  RR.  P.P.  de  la  Mercy  aux 
royaumes  de  Fez  cf-  de  Maroc  paur  la  rédemption  des  captifs  chrétiens  négociée  en 
l'année  1681,  avec  Moulé  Ismael,  roy  de  Fez  df-  de  Maroc...  par  L.  Desmay. 

A  Paris  chez  la  Veuve  Gervais  Clousier...  M  DC  LXXXII. 

I.  Brunet,  Manuel  du  libraire,  t.  M,  liROV^x,.-{BililiographyoJ.MoroccodaiisIio)'al 
p.   i6og.  Geographical Society .  Supplementary Papers. 

a.   Lambert     Playfair     and     Robert        vol.  3,  part.  3,  London,  1892,  p.  267. 


RELATION    DE    THOMAS    LE    GE>'DRE  6f)5 

Dans  la  bibliographie  Guilbcrt,  le  litre  de  la  Lettre  escritte  (plaquette  C)  est 
donné  assez  exactement  sous  le  numéro  46,  et  l'édition  est  bien  indiquée 
comme  étant  de  16-0.  Mais  ce  bibliographe  ne  mentionne  pas  à  cette  date  la 
Relation  Fréjus  (plaquette  B)  qu'il  fait  paraître  en  1682,  et  à  laquelle  il  con- 
sacre un  article  sous  la  numéro  53.  11  lorgc  pour  cet  opuscule  un  titre  compo- 
site où  l'on  retrouve  en  partie  le  litre  de  Leyden,  et  en  partie  le  titre  réel  de  la 
plaquette  B  ;  le  tout  est  suivi  de  la  phrase  «  avec  une  description  des  Etats  du 
roi  de  Tafilete  »  qu'il  est  le  premier  à  employer.  L'adresse  de  l'imprimeur 
a  Paris,  1682,  chez  la  veuve  Clouzier  »  rend  très  vraisemblable  la  supposition 
que  Guilbert  a  dû  commettre  la  même  confusion  que  Leyden. 

Quant  au  numéro  5i  de  la  bijjliograpliie  Guilbert,  portant  la  date  de  1682, 
il  se  rapporte  évidemment  à  la  Lettre  escritte  (plaquette  C),  malgré  son  titre 
fabriqué  de  pièces  et  de  morceaux.  La  seconde  partie  de  ce  titre  «...  avec  une 

description  des  ports »  analogue  à  la  fin  du  numéro  53  parait  être  une  glose 

de  Guilbert  lui-même. 

Les  trois  plaquettes  A,  B  et  C  du  Recueil  factice  sont  cataloguées  à  leur  vraie 
date  de  1670  par  Ternaux-Compans  sous  les  numéros  2i45,  2i46  et  2147, 
mais  avec  des  titres  modernisés  et  abrégés.  Dans  la  seconde  partie  du  titre  du 
numéro  2[4C>,  ce  bibliographe  a  en  outre  reproduit  par  inadvertance  le  titre 
du  numéro  2145.  Le  n"  2147  présente  cette  particularité  que,  pour  la  pre- 
mière fois,  la  Lettre  escri^/e  (plaquette  C)  est  attribuée  à  A.  Cbarrant'.  Ter- 
naux-Compans a  évidemment  tiré  ce  nom  de  l'édition  anglaise  de  cette  pla- 
quette qu'il  catalogue  plus  loin  sous  le  n°  2197  et  où  le  pseudo  Charant  est 
donné  par  lui  comme  le  traducteur  de  l'opuscule. 

Quant  au  2421,  il  est  la  copie  exacte  du  n"  53  de  Guilbert  avec  l'erreur  «  Rou- 
zier  »  au  lieu  de  «  Clouzier  ». 

Il  n'v  a  aucune  remarque  à  faire  sur  la  bibliographie  dite  du  Gouvernement 
Général  de  l'Algérie,  qui  ne  mentionne  pas  l'édition  de  1682  de  la  Relation 
Fréjus. 

Les  erreurs  de  E.  Renou  sont  tellement  nombreuses  et  tellement  manifestes 
qu'il  est  superflu  de  les  relever  en  détails.  Sous  le  n"  iiG,  il  catalogue  deux 
fois,  sans  s'en  apercevoir,  la  plaquette  C,  à  la  date  de  1682  et  avec  des  titres 
différents,  puis,  sous  le  n"  117,  il  l'indique  une  troisième  fois,  à  cette  même 
date  de  1G82,  et  avec  un  nouveau  litre. 

11  n'y  a  rien  de  particulier  à  signaler  dans  les  articles  que  Brunet  consacre 
aux  plaquettes  en  question  et  qui  sont  inspirés  du  n°  53  de  Guilbert  et  des 
n"*  ()3  et  I  iti  de  Renou. 

Enfin  Playfair,  le  dernier  bibliographe  du  Maroc,  mentionne  à  son  tour, 
sous  le  n"  293,  l'édition  de  1G82  de  la  Lettre  escritte,  d'après  le  n°  5i  de  Guil- 
bert et  le  n°  117  de  Renou,  formant  ainsi  un  litre  composite  dont  la  graphie 
moderne  décèle  la  fabrication  récente.  Une  particularité  importante  du  n°  393 

I.   Sur  l'origine  de  ce  nom,   V.   infra,  p.  697. 


fif)fi  NOTE     BIBLTOr.RAPHinUE 

de  Plavl'air  est  la  désignation  de  l'auteur  de  la  Lettre  eseritte  par  les  initiales 
Le  G.  Ce  renseignement  avait  été  puisé  dans  une  référence  donnée  par  l'abbé 
Godard  dans  son  Histoire  du  Maroc'. 

Si  l'on  ajoute  à  l'exposé  de  tous  les  titres  erronés  qui  ont  été  donnés  à  la 
prétendue  édition  de  1OS2  ce  fait  qu'il  est  impossible  de  la  découvrir  dans 
les  bibliothèques,  alors  que  l'édition  de  1670  y  est  représentée  par  un  ou 
plusieurs  exemplaires,  on  est  en  droit  de  conclure  que  la  Lettre  eseritte 
n'a  pas  été  rééditée  en  1682.  On  a  expliqué  comment  Leyden  avait,  par 
suite  d'une  confusion,  indiqué  une  réédition  en  idSa  de  la  Relation  Fréjus. 
Par  répercussion  cette  erreur  a  atteint  la  Lettre  eseritte,  qui  était  ordinairement 
publiée  avec  cette  Relation. 

Il  paraît  dilllcile  après  celte  étude  analytique  que  les  bibliographes  ne  passent 
pas  condamnation  sur  l'édition  introuvable  de  16S2.  Il  reste  à  obtenir  d'eux  le 
même  aveu  en  ce  qui  concerne  le  nom  de  A.  Charant  donné  comme  auteur  de 
la  Lettre  eseritte.  Disons  en  commençant  que  ce  personnage,  qui  aurait  séjourné 
au  Maroc  pendant  vingt-cinq  ans,  n'est  mentionné  dans  aucune  relation,  aucun 
document,  aucune  correspondance  de  l'époque,  et  ajoutons  que  nous  savons 
avec  la  plus  absolue  certitude,  comme  il  sera  établi  par  ailleurs,  que  l'auteur 
de  la  Lettre  eseritte  est  un  marchand  de  Rouen  appelé  Thomas  Le  Gendre. 

Le  nom  de  A.  Charant  ne  se  trouve  imprimé  que  dans  le  titre  d'une  partie 
des  exemplaires  de  la  traduction  anglaise  des  plaquettes  B  et  C,  dont  le  titre 
exact  est  reproduit  ci-dessous  : 

The  relation  of  a  voyage  made  into  Monritanin  in  Africk,  By  the  sieur  Roland 
Frejus  of  Marseilles,  by  the  French  Kinrjs  order  in  the  year  1666,  to  Muley 
Arxid,  King  of  Tajiletta  «Jt,  For  the  establishment  of  a  commerce  in  ail  the  kinçj- 
dom  of  Fez,  (Sj-  ail  his  olher  conquests.  With  a  lelter  in  answer  to  divers  curious 
questions  roncerning  the  religion,  manners  and  ruatoms  of  his  countreys,  also  their 
trading  to  Tombutum  for  gold,  tÇ-  divers  olher  remarkable  partieulnrs.  By  Mons. 
A.  Charant  who  lived  20  years  in  the  kingdom  of  Sus  and  Morocco. 

Englished  ou/  of  French.  London,  printed  by  W.  Godhid  and  are  to  be  sold  by 
Moses  Pitt  at  the  White  Hnrt  in  little  Britlain.  lôyi-. 

Chacune  de  ces  deux   pièces  a  une   pagination  séparée.    Il    n'existe   qu'une 

I.   L.  Godard,  Description  el  histoire  du  distinct?.  Une   question   reste  à   éclaircir: 

Maroc.  Paris,  1860,  t.  II,  p.  Si",  note  i.  où  Godard  a-t-il  découvert  les  initiales  Le 

Voici  la  référence  telle  qii'elle  est  donnée  G.  qu'il   a  fait  connaître  le   premier?  S'il 

par  Godard  dans  celle  noie  :  Relation  eu-  avait  consulté  Bayle  et  Colomiés  (V.  injra. 

rieuse  des  Etats  du  roi  de  Fe;  et  de  Maroc  p.  697  et  note  5),  il  est  plus  que  probable 

par  M.  Le  G.  qui  y  a  fait  un  séjour  de  vinijt-  qu'il  aurait  donné  le   nom  de  Le   Gendre. 

cinq  ans.    Le  titre   est  inexact.    D'ailleurs  2.   On  remarquera  que  l'édition  anglaise 

Godard   cite  deux  autres  fois  en  référence  de  1(171  ne  contient  pas  la  plaquette  A;  ce 

(t.  II,  p.  ^83,  note  I  et  p.  ^92,  note  i)  la  qui  se  comprend  puisque  celle-ci  est  la  tra- 

plaquette  C  avec  des  titres  différents,  sem-  duction  française  d'un  ouvrage  anglais  pré- 

blant  croire  à  l'existence  de  trois  ouvrages  cédemmcnt  paru.  V.  supra,  p.  6f)i,  note  3 


REI.  VTION-     nK     TMDM  \S     I.E     r.F,NnHE 


seule  édition  de  cette  traduction  anglaise.  Mais,  tandis  que  certains  exemplaires 
portent  la  mention  By  Mons.  A.  ChnrnnI,  d'autres  la  remplacent  par  By  Mons. 
A  ****.  Ces  indications  proviennent  à  notre  avis  d'une  erreur  de  lecture  ou 
d'une  coquille  de  l'imprimeur  anglais.  Le  traducteur  aura  jugé  bon  d'allonger 
la  mention  :  Par  Monsieur  ****  qui  a  demeuré  20.  ans  dans  la  Mauritanie  et  de 
lui  substituer  celle-ci  :  By  Mons.  ****,  a  marchant  who  lived  20  years  in  the 
kingdom  0/  Sus  and  Morocco.  Les  mots  a  marchant,  par  suite  d'une  interver- 
sion de  caractères,  auront  donné  A.  Charanl.  Puis,  en  cours  d'impression,  il  se 
sera  aperçu  de  l'erreur  et  aura  remplacé  Mons.  A.  Charant  par  Mons.  A****. 
Toutelbis  les  feuilles  déjà  tirées  auront  été  utilisées  telles  quelles  '.  On  a  vu 
comment  de  l'édition  anglaise  ce  nom  était  venu  dans  les  bibliographies  fran- 
çaises. .Vujourd'hui  l'édition  française  est  couramment  attribuée  à  ce  per- 
sonnage fictif  et  c'est  à  son  nom  que  la  Lettre  escritte  est  mentionnée  dans  les 
catalogues  des  bibliothèques'. 

Il  appartient  à  la  critique  de  restituer  cette  plaquette  à  son  véritable  auteur. 
Celui-ci  n'est  autre  que  Thomas  Le  (iendre  qui  appartenait  à  une  famille  de 
riches  armateurs  de  Rouen  en  relations  suivies  avec  le  Maroc  ■'.  Ce  nom  est 
donné  de  la  manière  la  plus  explicite  par  Colomiès  '  f[ui,  dans  un  article  sur 
Golius  (van  Gool),  cite  presque  litt(  ralemcnt  un  passage  de  la  Lettre  escritte 
relatif  à  cet  orientaliste  hollandais  venu  au  Maroc  avec  Albert  Ruyl  en  162a- 
162A.  Puis  il  ajoute  :  «  Je  dois  toutes  ces  particularitez  à  la  Relation  de  feu  ° 
M.  Le  Gendre,  marchand  de  Rouen,  qui  se  trouva  alors  au  Maroc.  M.  Brioten 
garde  une  copie  qu'il  me  fit  la  faveur  de  me  communiquer  à  Paris.  » 

D'autre  part,  l'auteur  de  la  Lettre  escritte,  rappelant  un  voyage  aller  et  retour 
qu'il  a  fait  de  Saû  à  Merrakech,  écrit  :  v  J'ay  esté  à  Maroc  par  cafde '^  et  j'en 
revins  avec  un  marabout  "  ».  Or,  dans  le  journal  d'Albert  Ruyl,  on  lit  à  la 
date  du  6  février  1624  :  «  Le  sieur  Thomas  Le  Gendre  est  arrive  de  Safi,  venant 
de  Merrakech,  sous  la  simple  escorte  d'un  marabout  nommé  Sidi  el  Hayts*  ». 
Cette  mention  qui  vient  corroborer  l'attribution  de  la  Lettre  escritte  à  Le 
Gendre  permet  en  outre  de  préciser  lequel  des  membres  de  celte  famille  est 
l'auteur  de  la  susdite  relation. 

Quant  à  la  date  de  rédaction  de  celle-ci,  elle  est  nettement  délerminéi'  par  ce 


I.    Le  fait  (le  la  suppression  du  nom  de  cité  par  Iîati.k,  Dictionnaire  ltislori<iue,  ar- 

«  A.  Charant  »  dans  une  partie  des  exem-  licle  :  Golius. 

plaircs  de  la   traduction  anglaise  constitue  5.   Colomiès,    qui  écrivait   en    1G75    ses 

une  sorte  de  désaveu.  Mclantjes  txisloriqiies,   commet  une  erreur, 

:!.  Notamment  dans  le  Catnlorjne  cjénéral  car  Thomas  Le  Gendre  ne  mourut   qu'en 

(les  livres  imprimés  de  la  Bibliothèque  ,^'^Ui,^-  ifi82.   V.  Introduction,   notice   biographi- 

nale.  Paris,  1897  et  ss.  t"'-- 

3.   Sur  les  Le  Gendre,  ^  .  Introduction,  •>■   Ciifile,  caravane,  de  t'aralie  calla  Z^. 

notice  biographique.  7.   V.  infra,  p.  718. 

!i.   PavlColom\ès,  Mélanges  historiques.  S.   V.  i"  série,  Pays-Bas,  t.  111,  Joiirmi 

(Jrangc,  1675,  pp.  73  etss.  Ce  passage  est  tle  .1.  Ruyl.  à  la  date  du  (i  février  162^. 


6g8  NOTE    BIBLIOGRAPHIQUE 

passage  où  Thomas  Legondre  écrit  :  «  Monsieur  le  chevalier  Cholnielev  ' ,  pre- 
mier escuver  de  la  reyne  d'Angleterre,  ingénieur  à  Tanger  et  qui  y  est 
retourné,  me  dit  dernièrement...  ».  Ces  mots  indiquent  que  le  retour  de 
Cholmley  à  Tanger  était  tout  récent  au  moment  où  l'auteur  mettait  par  écrit 
ses  souvenirs.  Or  Cholmley,  qui  était  revenu  en  Angleterre  en  janvier  i6(M, 
repartit  pour  Tanger  à  la  fin  de  janvier  i665-. 

On  sait  en  outre  par  une  note  marginale  de  l'éditeur  que  l'ouvrage  fut  écrit 
avant  16G6,  date  de  la  fuite  à  Alger  du  cheikh  Ghadan'. 

Thomas  Le  Gendre,  d'après  plusieurs  passages  de  son  récit*,  semble  n'avoir 
séjourné  au  Maroc  que  de  1618  à  1625,  et  c'est  sans  doute  l'éditeur  qui,  pour 
faire  une  réclamé  à  l'opuscule,  étant  d'ailleurs  couvert  par  l'anonvmie  de  l'au- 
teur, aura  donné  ce  dernier  comme  ayant  «  demeuré  25.  ans  dans  la  Mauri- 
tanie ».  D'ailleurs  Thomas  Le  Gendre  ne  dut  pas  perdre  de  vue  les  alTaires  du 
Maroc,  où  son  frère  Jean-Baptiste  '  fit  depuis  plusieurs  séjours  et  où  la  maison 
de  commerce  de  la  famille  avait  d'importants  intérêts. 

La  forme  épistolaire  donnée  à  la  plaquette  ne  parait  pas  conventionnelle  ;  elle 
correspond  à  une  réalité.  Il  ressort  de  plusieurs  passages^  que  l'auteur  a  bien  été 
sollicité  d'écrire  sa  Lettre  pour  répondre  à  plusieurs  questions  qui  lui  étaient 
posées  par  une  personne  ne  connaissant  pas  le  Maroc,  mais  ayant  des  motifs  de 
se  documenter  sur  ce  pays.  Comme  cette  époque  est  celle  où  se  fonde  la  Com- 
pagnie d'Albouzème  ",  il  est  permis  de  supposer  que  la  Lettre  de  Thomas  Le 
Gendre  était  destinée  à  l'un  des  «  intéressés  »  de  cette  société. 

1.  Sir  Hugh  Cliolmlev, ingénieur  anglais,  date  de  l'envoi  du  caïd  Ammar  au  Maroc 
dirigea  do  i665  à  lôliS  la  rofcction  des  for-  (V.  infra.  p.  708  et  note  i)  ;  en  iliicj  (^  . 
tifications  de  Tanger  ainsi  que  la  construc-  infra,  p.  7.3g)  ;  en  1622  (V.  infra,  p.  781  ;) 
tion  du  môle.  le  6  février  162^  (V.  supra,   p.  697)  ;  en 

2.  Cf.  i"Hérie,  Angleterre,  Mémoires  de  octobre  1624,  date  de  l'arrivée  du  chevalier 
Chulmley.  à  la  date  de  167 1.  de  Razilly  à  Sali  (V.  infra,  pp.  72^  et  732). 

3.  Sur  ce  cheikh,  V.  supra,  pp.  58 1  et  ss.  Thomas  Le  Gendre  dut  quitter  le  Maroc  un 
Pour  la  note  marginale  de  l'éditeur,  V.  an  après  le  départ  de  Razilly  (V.  in /Va.  p. 
infra,  p.  702,  note  3.  734).  c'est-à-dire  vers  novembre  1G2.5  (Cf. 

'a.  L'auteur  dit  lui-même  que  son  séjour  supra,  p.   i3o,  note  i). 
au  Maroc  se  place  tout  entier  sous  le  règne  5-   ^  •  supra.  Doc.  CI,  p.  588,  note  3. 

de  Moulay  Zidàn  (V.  infra.  p.  708)  et  que  6.  V.  in/ra.pp.  699,  71^,  716,  717,  718. 

ce  séjour  dura  sept  ans  (V.  infra,  p.  71^).  7.   Sur    cette  compagnie,  V.    2     Série. 

On  constate  sa  présence  au  Maroc  en  1618,  France,  années  iB64  et  suivants. 


RELATION     DE     THOMAS     LE    GENDRE  6()r) 


CXXIX 

RELATION  DE  THOMAS  LE  GENDRE' 


iG65. 


Lettre  escritte  en  response  de  diverses  questions  curieuses  sur 
les  parties  de  1  AlTrique  où  règne  aujourd'huy  Muley  Arxid\  roy 
de  Tafilete. 

Monsieur, 

Il  faut  confesser  qu  il  y  a  grand  contentement  à  vous  faire  plai- 
sir, puisque  pour  un  rien  vous  faites  des  remerciemens  les  plus 
obligeans  du  monde.  Je  vous  asseure,  Monsieur,  que  je  suis  tout 
disposé  à  vous  rendre  tous  les  services  dont  je  pourray  estre 
capable  ;  &  pour  commencer,  je  m'en  vay  tascher  de  vous  satis- 
faire sur  les  choses  que  vous  me  demandez,  en  vous  asseurant  au- 
paravant que  je  vous  diray  les  choses  comme  je  les  sçay  en  vérité, 
ou  comme  je  les  ay  entendues  de  gens  sincères  &  ausquels  j  ay  cru 
qu'il  falloit  ajouter  foy. 

La  partie  d'AITrique  qui  est  depuis  le  détroit  de  Gibraltar  jusques 
au  Cap  Blanc,  dans  la  mer  Occane,  est  une  coste  qu'on  appelle  vul- 
gairement, iS;  par  mauvais  usage,  Barbarie,  mais  qui  ne  l'est  pas 
pourtant,  car  la  vrayc  Barbarie  est  dans  la  luer  Méditerranée,  & 
c'est  la  coste  qui  commence  à  Tripoly  et  qui  vient  à  Tunis,  à 
Alger  &  jusques  au   Détroit.  Mais  cette  coste-là  qui  vient  dans  la 

1.   Sur   l'attribution  de   cotlf  relation  à  3.    Muley     Arxid.     Moulay    cr-Rechid, 

Thomas  Le  Gendre,  V.  supra.  Note  biblio-  second  souverain  de  la  dynastie  filalicnne. 

praphique,  p.   697.  V.  supra.   Introduction  critique,  pp.  58i- 

■i.   Sur  cette  date,  V.  supra.  Note  biblio-  583,   et  2'  Série,    l'Vance,   t.   I,  entre   les 

graphique,  pp.  697-698.  aimées  i6f>i  et  167a. 


700 


iBfir 


mer  Oceane  depuis  le  Déiroil  jusquesau  Cap  Blanc,  est  verilable- 
menl  la  coste  de  Mauritanie,  >.^:  se  doit  appeller  ainsi,  estant  le  pais 
des  Mores. 

Cette  coste  &  pais  de  Mauritanie  contient  trois  royaumes,  Fez, 
Maroc  (k  Sus. 

Ce  royaume  de  Fez  a  une  ville  capitale  qui  s'appelle  Fez,  &  pour 
ports  de  mer.  Toutouan,  qui  est  un  peu  dans  le  Détroit,  Tanger, 
Arquile',  Seuta,  L'Arrache,  La  Mamorra",  Salé  &  Tudelle^ 

Tanger  est  aujourd'huy  aux  Anglois  '  ;  Seuta,  La  Mainorra  ik 
L'Arrache  sont  au  roy  d'Espagne,  &  les  autres  places  restent  aux 
Mores.  La  Mamorre  est  seure  &  capable  d'assez  grands  navires, 
bien  que  le  roy  d'Espagne  ne  s'en  serve  pas  pour  le  négoce. 

Le  royaume  de  Maroc  a  pour  ville  principale  celle  de  ce  nom  de 
Marocques,  ^k  pour  ports  de  mer:  Vzamor.  Masagan.  La  Houladilla° 
&  SalTy. 

Masagan  est  au  roy  de  Portugal,  le  surplus  aux  Mores. 

Le  royaume  de  Sus  a  plusieurs  villes  dans  ses  terres,  ce  que  les 
autres  n'ont  point,  1  un  n'ayant  ([uc  Fez  &  l'autre  que  Marocq,  à 
trente  ou  quarante  lieues  dans  les  terres  ;  mais  cettuy-cy  a  la  ville 
principale,  à  sçavoir  Therudent,  »k  en  outre  Tagausl',  OulTrey'  et 
Illecq*,  &  pour  ports  de  mer:  Mongador'',  Sainte-Croix  >k  Messa. 


1.  Arquile.  Arzila. 

2.  On  lit  en  note  :  «  La  Mamorra.  qui 
appartient  au  rov  d'Espagne,  est  scituée  à 
l'embouchure  du  fleuve  Seubu,  Cebu  on 
Subo,  le  plus  grand  de  toute  la  Mauritanie. 
11  Y  avoit  quinze  ou  seize  cens  hommes  de 
garnison  espagnole  en  iti63,  que  monsieur 
de  Razilly  fut  par  ordre  du  Roy  en  cette 
coste».  —  La  date  de  i663  est  manifeste- 
ment erronée.  On  sait  que  le  dernier 
voyage  d'Isaac  de  Razilly  au  Maroc  eut 
lieu  en  i63i.  Le  Gendre  veut  faire  allusion 
à  la  campagne  de  1629  dans  laquelle  Razilly 
avait  pris  El-Mamora  pour  base  d'épuration 
contre  Salé.  V.  supra.  Doc.  XXXI,  pp. 
206-255. 

3.  Tudelle,  faute  d'impression  pour 
Fudelle,  transcription  de  Fedala. 

4.  La  ville  de  Tanger  avait  été  cédée  par 
le  Portugal  à  r.\ngleterre,  le  21  mai  1602, 


comme    dot    de     l'infante    Catherine    de 
Bragance  mariée  au  roi  Charles  II. 

5.  La  Hoaladilla,  El-Oualidya.  Sur  celte 
ville,  V.  p.  55. 

6.  Sur  la  ville  de  Tagaoust,  V.  z"  Série, 
France,  t.  II,  p.  271  et  note  1 . 

7.  Oujjrey,  El-Oufran. 

8.  niecq,  Iligh. 

9.  Le  port  de  Mogador  par  lequel 
s'évacuent  encore  aujourd'hui  les  produits 
du  Sous  fait  géographiquement  partie  du 
royaume  de  Merrakecb,  mais  il  se  peut 
qu'il  ait  élé  momentanément  sous  la  domi- 
nation du  marabout  du  Sous.  On  se  rappelle 
que  la  ville  actuelle  de  Mogador  est  de 
construction  récente,  ayant  été  fondée  en 
1760  par  le  chérif  Sidi  Mohammed  ben 
Abdallah  (  1 707-1 790)  pour  détruire  le  com- 
merce du  port  d'Agadir.  V.  2'  Série, 
France,  1760-1770,  passim. 


KELATION    nF    THOAt\S    IK    C.KNnnE  "JOI 

Les  Mores  appellent  toutes  ces  places  des  mesmes  noms 
cy-dessus,  excepté  SalTv.  quils  appellent  AçalTy,  &  Sainte-Croix, 
qu'ils  appellent  Agader. 

Ces  trois  royaumes  avoient  anciennement  oluK-nn  leur  roy  :  \  il 
y  en  avoil  deux,  sçavoir  celii\  de  Fe/,  dont  je  ne  sçay  le  nom,  \ 
celuy  de  Maroc,  ^louley  Ilamet ',  en  la  hataille  qu'ils  gagnèrent 
contre  le  roy  de  Portugal.  Dom  Sebastien,  vers  les  parties  de 
Seuta  >S;  L'Arrache,  environ  en  lôqo^. 

Ces  rois  ont  régné,  tant  qu'ils  ont  eu  la  vertu  de  dompter  les 
gens  de  la  campagne,  qui  sont  Arabes  ou  Alarbes  qui  tiennent  la 
campagne.  &  qui  sont  divisez  &  séparez  par  races  ^,  le  chef  ou  l'an- 
cien de  la  race  estant  le  commandant,  &  a  pour  qualité  le  nom  de 
cheq  ou  capitaine,  &  habitent  sous  des  tentes  et  par  adouars,  un 
adouar  estant  un  assemblage  de  quarante  ou  cinquante  tentes  en 
un  rond,  leurs  troupeaux  estant  au  milieu  :  &  une  race  aura  trente 
ou  quarante,  mesme  cinquante  adonars.  plus  ou  moins,  selon  que 
la  race  est  nombreuse. 

Ces  rois  estoient  obligez  de  sortir  souvent  en  campagne  avec 
armée,  s'ils  vouloient  estre  payez  de  la  garama  ou  de  la  taille  à 
laquelle  chaque  race  étoit  imposée  :  et  encore  cestoit  avec  bien  de 
la  peine  quils  se  faisoient  payer,  parce  que  ces  Alarbes  plioyent 
bagage  et  se  retiroient  en  une  autre  contrée,  »S:  mesme  resistoient 
selon  leurs  forces,  telle  race  estant  venue  à  mettre  jusques  à  dix  ou 
quinze  mille  chevaux  sur  pied  :  ik  plusic^urs  races  s  étant  jointes 
ensemble  en  sont  venues  aux  armes  oll'ensives  et  aux  attaques, 
principalement  vers  Fez  &  Sus.  où  depuis  plus  de  cinquante  ans  il 
n'y  a  plus  eu  de  rois',  ces  royaumes  estant  possédez  par  des  chefs 

I.   I^'aiih'ur  fait  une  confusion,  A  l'épo-  le  sens  de  tribus, 

que  dont  il  veut  parler,  le  Maroc  tout  entier,  4.   La  relation  ayant  été  écrite  en  i665 

V  compris  le  Sous,  avait  à  peu  près  reconnu  (V.  supra,  INote  bibliographique,  pp.  697- 

l'autoritc    de    Moulay   Abd    el-Malek.    Ce  698),  l'époque  à  laquelle  se  reporte  l'auteur 

chérir  marcha  avecson  frère  MouIayAhme.l  doit  être  quelque  peu  antérieure  à  l'année 

contre  l'armée  portugaise.  if)r.'5.0nsera]ipellequeMoulayech-Chcikh, 

3.    La  bataille  eut  lieu  près  du  conMuent  (pi'on  pouvait  regarder  commelc  souverain 

de  l'oued  el-Mckhàzen  et  de  l'oned   Louk-  du  royaume  de  l'ez,  avait  été  assassiné  le  2  1 

kos,  à  i5  kilomètres  à  l'ouest  de   El-Ksar  août  lOiS  et  que  son  llls  Moulay  Abdallah 

el-Kebir,   le   4  août   1678.    Cf.    /"  Série,  no   parvintjamais    à    établir   son  autorité 

France,  t.  l,  pp.  393-676.  dans  les  états  de  son  père.  Le  pays  et  sa  tur- 

3.   riaces.  L'auteur  emploie  ce  mot  avec  hulenle  capitale  restèrent  livrés  à  l'anarchie 


■^03  i665 

de  races  d'Alarbes  qui  ont  souvent  eu  demeslé  avec  les  Mores  des 
ports  de  mer'. 

Et  présentement  ce  royaume  de  Fez  est  subjugué  par  plusieurs 
chefs  de  race  dAIarbes,  &i  notamment  par  Glieq  Benbouquer^  &: 
par  Cheq  Gaillan  ' .  Celuy-là  se  tient  vers  les  parties  de  Mamora, 
Salé  &  Tudelle  ou  Tedala  :  &  celuy-cy  se  tient  vers  les  parties  de 
Toutouan,  Tanger  et  Arquile,  dont  il  a  fait  son  château. 

Les  Mores  de  Salé,  estant  fortifiez  des  Morisques  qui  furent 
chassez  d'Espagne  en  l'année  i56o  '  &  qui  se  retirèrent  le  long  de  la 
mesme  coste  de  Mauritanie,  surtout  à  Salé,  en  grand  nombre,  tant 
Andalouz.  Granadins,  quellornateheros",  s'érigèrent  enRepublique. 
ou  en  Divan  ou  Conseil,  les  Mores  demeurant  dans  la  grande 
ville,  qu'on  appelle  le  \ieux-Salé,  les  Morisques  dans  la  nouvelle 
ville,  qu'on  appelle  AravaP,  les  uns  &  les  autres  ayant  garnison 
dans  le  Chasteau  entre  les  deux  villes  :  &  ainsi  unis  en  Divan,  & 
instruits  à  la  piraterie  par  les  mesmes  Morisques.  irritez  d'avoir 
esté  cruellement  chassez  de  leur  pais  d'Espagne,  ont  fait  pendant 
trente  ou  quarante  années  de  grandes  pirateries,  ayant  mis  hors 
jusques  à  vingt  ou  trente  vaisseaux  de  corsaires.  Mais  cela  a  cessé 
depuis  la  mésintelligence  &  la  guerre  qu'ils  ont  eue  depuis  trois  ou 
quatre  ans  avec  le  mesme  cheq  Ben  Souquer,  le  fils  duquel  ayant 
surpris  le  Chasteau,  les  deux  villes  l'ont  tenu  assiégé  ou  bloqué 
depuis  deux  ou  trois  ans  ;  &  finalement,  on  a  nouvelles  depuis 
deux  mois  qu'ils  se  sont  accordez  &  qu'ils  ont  fait  paix,  en  sorte 
qu'il   pourroit  bien    arriver  que  les   mesmes  Morisques  et  Mores 


et  ne   reconnurent  entre  temps  que  deux  Salé,  où  Muley  Arxid  le  lenoitassigé,  il  se 

chefs,  Sidi  El-.\yachi  et  Sidi   Mohammed  réfugia  à  .\rger,   où  il  équipa  une  petite 

el  Hadj    ed-DHaï.    Quant   à   la   région   du  frégate  qu'il  commande  encore  à  présent. 

Sous  les  marabouts  Yahia  ben  Abdallah  et  qui  &fait  toute  sa  subsistance.  »  Le  cheikh 

Ali  bon  Mohammed  ben  .Vhmed  ben  .Moussa  Ghaïlan  se  réfugia  à  ,\lger  en  1O66. 

s'y  disputaient  le  pouvoir.  V.  supra.  Intro-  Z|.    Il    y  eut    plusieurs     expulsions   des 

duction  critique,  p.  578,  note  3.  Moriscos    d'Espagne,  dont  une  en    l56o; 

1.  Allusion  aux  démêlés  de  Sidi  El-  mais  celle  qui  donna  naissance  à  la  répu- 
Ayachi  et  de  Sidi  Mohammed  el-Hadj  avec  blique  de  pirates  de  Salé  eut  lieu  en  1610. 
les  Moriscos  de  Salé.  5.     Hornateheros    pour  :    Hornalcheros, 

2.  Surcepersonnage,  V.  p.  5-7  et  note  4.  Hornacheros.    V.   supra.   Introduction  cri- 

3.  On  lit  en  marge  :  «  Depuis  ces  lettres  tique,  pp.   187-198. 
écrites,  le  cheq   Gaylan   s'estant  sauvé   de  6.   Araval,  Rbal. 


RELATION    DE    THOMAS    LE    GENDRE  ~o3 

recommenceroient  leurs  pirateries,  ce  qui  seroit  fâcheux.  Voilà  leur 
estât  présent'. 

Pour  ce  qui  est  du  costé  de  Toutouan  iS;  Tanger,  on  sçait  comme 
clieq  Gaillan,  ou  cidy  Gaillan,  car  quelquefois  on  l'appelle  choq, 
qui  est  capitaine,  &  quelquefois  cidy,  qui  est  autant  que  monsieur, 
est  souvent  aux  mains  avec  les  Anglois  de  Tanger  \  &  et  qu  il  en  a 
surpris  &  défait  quatre  ou  cinq  cens,  avec  le  Gouverneur  à  leur 
teste,  qui  fut  tué  dans  le  combat'. 

Revenant  au  royaume  de  Maroc,  le  roy  Mouley  Hamet,  après  le 
gain  de  la  bataille  contre  Dom  Sebastien,  roi  de  Portugal,  s'en 
retourna  en  sa  ville  de  Maroc,  où  il  régna  jusques  à  l'année  1606  ', 
en  grande  paix  &  tranquillité,  ayant  réduit  les  Alarbes  à  luy 
apporter  leur  garama  ou  taille  dans  Maroc  ;  &  en  ce  temps-là,  les 
marchands  chrestiens,  françois,  anglois,  hullandois  ik  espagnols, 
qui  demeuroicnt  dans  la  mismc  ville  en  assez  bon  nombre,  y  fai- 
soient  bon  négoce. 

Mais  après  la  mort  du  mesmc  Mouley  Hamot,  les  aflaires  se 
brouillèrent  grandement  :  plusieurs  de  ses  parens  pretendans  le 
royaume  se  firent  la  guene,  tui  sorte  qu'en  six  semaines  de  temps, 
on  vit  trois  rois  dans  Maroc,  l'un  chassant  l'autre,  à  sçavoir  Mouley 
Yacob  el-Mansor%  Mouley   Boliesson   &  Mouley  Bouffers".  Après 

1.  Sur  les  relations  des  Moriscos  de  Salé  de  Tcviot  qui  commandait  la  place  (V. 
avec  les  marabouts  de  la  Zaouïa  de  Dila,  iiij'ra,  p.  787,  note  3),  était  sorti  avec  sa 
V.  Introduction  critique,  pp.  579-080.  —  troupe  qu'il  avait  divisée  t-n  trois  détache- 
En  mars  1IJ60,  Mohammed  el-lladj,  qui  monts.  Celui  avec  lequel  il  marchait  et  qui 
s'était  mis  en  campagne  contre  le  cheikh  comptait  5oo  hommes,  attiré  dans  une 
Ghaïlan,  fut  complètement  battu  sur  les  embuscade,  fut  attaqué  par  un  parti  de 
bords  de  l'oued  Sbou.  .\.  la  suite  de  cet  cavaliers  et  de  fantassins  au  nombre  de 
échec,  les  .\ndalous  et  les  Ilornacberos  de  plusieurs  milliers.  Toute  la  troupe  fut 
Salé  se  déclarèrent  pour  le  vainqueur  et  massacrée  avec  son  chef  et  neuf  hommes 
allèrent  mettre  le  siège  devant  la  Kasba  où  .seulement  réussirent  à  s'échapper.  V. 
tenait  .\bdallah  ben  Mohammed  el-lladj.  i''' Série.  Angleterre,  Lettre  de  Sir  Tobias 
Cf.    I"  Série.    Espagne,    Mémoire    de    Fr.  Bridge  à  Charles  II.  msx  1664. 

Julian  Pastor,  1G61.  4.   Moulav  .\hmcd  rî-.Unnsour  mourut  le 

2.  Sur  les  attaques  incessantes  du  cheikh         2/j  aoiU  iCo3. 

Ghaïlan    contre    la    garnison   anglaise   de  5.   Mouler  Y'ucob  el-Mansor.    Il   n'y   eut 

Tanger,   V.   s'  Série,    France,  Angleterre,  pas    de    prétendants    de  ce    nom   après  la 

Espagne  et   Portugal  entre  les  dates  1662  mort  de  Moulay  Ahmed  el-Mansour.  L'au- 

et  1666.  teur  veut  désigner   Moulav   .Vbdallah   ben 

3.  Ce  combat  eut  lieu  le  13  mai  i664,  ech-Chcikh. 

i  deux  milles  environ  de  Tanger.  Le  comte  (i.   Sur  les  luttes  des  prétendants  autour 


■yoA  i665 

lesquels  il  on  vint  un  autre  nommé  Mouley  Zidant,  lequel  s'étant 
emparé  de  la  mesme  ville  &  du  royaume,  y  a  régné  jusques  à  sa 
mort,  arrivée  environ  en  i63o'  ;  &  pendant  son  règne  il  a  eu  beau- 
coup de  peine  à  réduire  les  Alarbes  de  la  campagne,  &  souvent 
n'étoit  pas  le  plus  fort,  et  fut  une  fois  contraint  par  un  Cidy  Haia  " 
de  fuir  de  Maroc  à  Saffy,  &  mesme  de  s'embarquer  &  se  retirer 
ailleurs.  Mais  enfin,  estant  revenu  à  Maroc,  il  acheva  d'y  régner 
assez  doucement  jusques  à  sa  mort,  qui  fut,  comme  j'ay  dit,  envi- 
ron en  i63o. 

Après  luy,  Mouley  Abdemelecq,  son  fils  aîné,  fut  roy  ;  mais  il 
ne  régna  que  trois  ou  quatre  ans.  Il  estoit  fort  cruel  &  hay  d'un 
chacun,  en  sorte  qu'un  de  ses  elches  ou  reniés,  surnommé  Chaban, 
renégat  françols,  le  tua  dans  sa  tente  à  la  campagne,  dun  coup  de 
mousqueton,  comme  il  estoit  couché  et  outré  de  boisson,  à  laquelle 
il  estoit  fort  adonné  \ 

Après  luy  régna  son  frère  Mouley  el-AA'aly\  qui  estoit  blanc,  sorty 
d'une  morisque  espagnolle.  Il  estoit  fort  affable  &  aymé,  &  ne 
régna  pourtant  que  dix  ou  douze  ans. 

Après  luy  a  régné  son  jeune  frère  Mouley  Hamet  Cheq'',  lequel 
s'estant  plus  arresté  dans  son  serrail  avec  ses  femmes  qu'à  faire  la 
guerre  aux  Alarbes  de  la  campagne,  une  race  des  mêmes  Alarbes, 
&  la  plus  grande  qu'il  y  ait,  appellée  la  race  ou  la  casta  des  Chiba- 
nettes",  s'est  cslevée  contre  luy,  s'est  emparée  de  Maroc  &  de 
la  belle  maison  ou  serrail  appellée  le  Bedhé  ',  &  y  a  assassiné  le 
mesme  roy  Muley  Hamet  Cheq',  dernier  fils  du  mesme   Muley 

de  Merrakecli  et  dans  la  ville  elle-même  de  Gendre.  Il  faut  restituer  ici  :  MoulayMoham- 

1606  à  1608,  V.   /«  Série,  Pays-lias,  t.  I,  med   ech-Cheikh  el-Aseijhir  qui   régna  du 

à  ces  dates,  passim.  22  février  i636  au  3i  janvier  i655. 

1.  Moulav  Zidàn  mourut  le  21  septem-  6.  La  casta  des  Chibanelles,  la  tribu  des 
bre  1627.  _       - 

2.  Sidi  Yahia  ben  Abdallah  ben  Said.  Chebinn  iiL.111. 

Sur  ce  personnage,  \.  /"  Série,  France,  t.  „,  „    ,.  1, 

jr       ^o       .        !  c  ■  -j.  Le  Bedhé.  El-Bedi  n.,jJ\. 

n,  p.  070,  notes  etsupra,  p.  20,  sommaire.  '  (^    • 

3.  Sur  la  mort  de  .Moulay  .\bd  el-Malek  8.  Muley  Hamet  Cheq.  .\Ioulay  Ahmed 
qui  eut  lieu  le  10  mars  i63i,  cf.  supra,  p.  surnommé  El-Abbas.  Le  Gendre  commet 
389,  note  I.  une  erreur  en  regardant  ce  chérif  comme 

4.  Mouley  el-Waly,  Moulay  el-Oualid  le  k  dernier  fils  du  mesme  Muley  Zidant  ». 
(it  mars  i63i-2i  février  i63G)  Ce  prince  était  fils  de  Moulay  Mohammed 

5.  Mouley    Hamet    CUcq.   Erreur    de    Le  ech-Cheik    el-Aseghir    et    par   conséquent 


RELATION    DE    THOMAS    I.E    CENDUE  "TOS 

Zidant.  Et  le  chef  de  la  mesmo  race  des  Chibanettes,  nommé  Crom- 
melliaich',  sVst  emparé  de  la  royauté  depuis  deux  ou  trois  ans 
seulement  ;  &  c'est  luy  qui  roi,>-ne  aujourd'Iuiy  "  dans  Maroc,  en 
qualité  de  tyran  ;  >Sc  il  s'est  enq)aré  aussi  du  port  de  La  llouladilla, 
&  a  bloqué  SalFy,  mais  n'a  pu  s'en  emparer  jusques  à  présent  ;  au 
moins  on  n'a  pas  encore  de  nouvelles  qu'il  s'en  soit  rendu  maistre. 
Voilà  1  estai  présent  de  ce  royaume  de  Maroc. 

Celuy  de  Sus  n'est  pas  moins  en  desordre  :  car  depuis  quarante 
ou  cinquante  ans  qu'il  n'y  a  point  eu  de  roy  dans  Therudent,  c'a 
esté  une  continuelle  guerre  civile.  Neantmoins.  im  pritu'e  du 
mesme  pais,  nonuné  Cidy  Ally  ',  ayant  eu  le  dessus,  a  gouverné  ce 
païs-là  pins  de  trente  années,  faisant  sa  résidence  à  lUecq,  cV  n'est 
mort  que  depuis  huit  ou  dix  ans'.  Il  a  laissé  vingt-deux  hls  & 
quelques  frères,  qui  se  font  la  guerre,  chacun  s'emparant  de 
quelque  place,  l'un  à  Therudent,  l'autre  à  OufTrey,  l'autre  à  Ta- 
gaust,  l'autre  à  Illecq  ;  et  l'un  des  frères  du  delTunt  s'est  emparé 
du  chasteau  d'Agader  ou  de  Sainte-Croix,  &  les  autres  batleni  la 
campagne.  C'est  là  Testât  présent  de  ce  royaume  de  Sus. 

Quant  à  ce  qu'on  désire  sçavoir,  s'il  y  a  des  consids  l'rançois  en 
ce  païs-là,  jamais  ces  rois-là  n'y  en  ont  voulu  permettre  '  ;  (k 
jusques  à  présent  il  n'y  en  a  point  dans  ces  royaumes  de  Maroc  & 
de  Sus  ;  &  pour  ce  qui  est  du  royaume  de  Fez,  il  en  a  esté  estably 
seulement  à  Salé  «k  à  Toutouan,  depuis  que  Salé  a  esté  érigé  en 
République  ou  en  Divan  ;  &  à  la  faveur  de  Salé,  Toutouan  en  a 
aussi  receu  un",  les  Alarbes,  cheq  (iaillan  &  cheq  Ben  BoM(|ucr 
ne  s'y  estans  pas  opposez. 

petit-fils  de  Moulav  Zi<IAii.  11  n'giia  du  i"'"  bon  Moussa.  V.  supru.  [i.  578,  iioto  3. 

février  i655  au  a.'i  novemlire  il')."»).  l'i     Sidi  .\li  bcii  Moliamined  mourut  en 

1.  Cromrnelhairh.  Keroum  cl-ll.adj,  sur-  l'année  de  l'Iiégin;    1070  (iiS   sept.    iti.5u 
nom   donné   par   le   penphî   au   prétendant  —   6  sept.   1660). 

Abd  el-Kerim  ben  .Vbou  Bekcr  de  la  tribu  5.    Il  suffit  de  rappeler  les  nnms  de  (îuil- 

des  Cliebina,   fraction   des  llarir.   Ei.-ÛiJ-  launie    Bérard,    Ârnoult  de  Liste,    Picler 

FRÀM,  pp.  476,  '477.  Le  peuple  lui   prêta  iMartens    Coj,    etc.    pour    convaincre    Le 

serment  le  2/1  novembre  i('),5q.Dei.  Puiîrto,  Gendre  d'inexactitude.    L'auteur  veut  sans 

p.  f)i'|.  doute  parler  île  l'époque  (pii  suivit  l'all'aire 

2.  .\bd  el-Kerim   resta  dix  ans  «  fii-re-  Castelane. 

ment  assis  sur  le   trône   de  Merrakech  »  6.   .\llusion  aux  consuls  .\ndré  et  Henry 

(iCrKj-1668).  Eu-Oli-ràni,  p.  477.  Prat  (V.  Hoc.  XXXIV,  p.  278  et  CXXI, 

3.  Sidi  Ali  bon  Mobamnied  ben  .'Vbmed         p.  (ii'iS)  qui  furent  successivement  titulaires 

De  Casïhii;s.  111.   —    'i5 


7o6  i665 

Ce  n'est  pas  pourtant  que  plusieurs  François  ne  se  soient  pré- 
sentez au  roy  de  Maroc,  iMouley  Zidant.  pour  exercer  cette  charge 
en  son  païs  :  entr'autres  un  nommé  Daumas'  en  i6i~.  &  un 
nommé  Fabre"  en  1619,  eV  un  nommé  Mazet^  en  1622,  tous  Pro- 
vençaux. Mais  le  roy  Mouley  Zidant  les  rebuta  très-fort,  &  fit 
mesme  maltraiter  ce  dernier  nommé  Mazet.  Sa  raison  estoit  qu'il 
ne  vouloit  point  permettre  ny  soullVir  dans  son  royaume  qu'aucun 
exigeast  ou  levast  des  droits  que  luy  ;  &  c'est  ce  qu'il  déclara 
encore  à  monsieur  de  Razilly  en  1628*,  &  ce  que  ses  successeurs, 
Mouley  Abdemelec  &  Mouley  el-A\aly  déclarèrent  aussi  à  monsieur 
Du  Ghalard.  Ainsi  il  n'y  a  jamais  eu  de  consuls,  de  quelque  nation 
que  ce  soit,  establis  au  royaume  de  Maroc  ;  &  jamais  aucun  ne  s'est 
présenté  au  royaume  de  Sus  pour  pareil  sujet,  sçachant  bien  qu'il  y 
auroit  encore  moins  à  espérer  en  ce  royaume-là  qu'en  celuy  de  Maroc  '^ . 

Les  guerres  &  desordres  de  ces  païs-là  sont  causes  que  l'on  y  va 
très-peu  à  présent.  Quelques  barques  ou  tartanes  vont  de  Provence 
négocier  à  Toutouan  &  à  Salé,  où  il  y  a  peu  ou  point  de  mar- 
chands françois.  A  La  llouladilla"  et  à  SalTy,  il  n'y  a  aucun  mar- 
chand  françois   y   demeurant  :    s'il  y   va  (juelque    vaisseau,  c'est 

du  consulat  de  Salé  et  Tétouan  de   1629  à  (V.  /"■«  Série,  l'ays-Bas,  t.  III,  aux  années 

1682.  Ils  paraissent  avoir  résidé  à  Salé  de  ci-dessus). 

1O43    à    1O/18,    mais  ils   se  firent  ordinal-  3.   Sur  ce  personnage,  \  .  suprn,  pp.  2'i'i, 

rement    remplacer    par    des    vice-consuls  2^3,   268,   3i8  et   noie  3,   369-37G.   442, 

nommés  par  eux,  comme  Gaspard  de  Ras-  443-5 1 1. 

tin  (V.   siipra.    p.   584   note   1   et   p.    5go  4.   Date  inexacte,  pour    1624.  V.  infra. 

notes  4  et  G),   Pierre    Citrany   (V.    infra,  p.  724  et  note  3. 

p.  G74  note   1),  Parasol  (\'.   infra,  p.  678  5.   Le  marabout  du   Sous  Sidi   .\Ii  ben 

note  i),  etc.  Moliammed,  contrairement  à  l'assertion  de 

1 .  Daumas,  c'est-à-dire  :  Claude  Du  Mas.  Le  Gendre,  se  montra  très  accueillant  pour 
Sur  ce  personnage,  \.  supra,  pp.  5i,  54-55  les  commerçants  européens,  à  ce  point  que 
et  loi,  note  4.  le   Chérif  en  prit  ombrage   et  fit  inscrire 

2.  Le  provençal  Jacques  Fabre,  dont  le  dansle  traité  de  i63i  une  clause  interdisant 
nom  ne  s'est  pas  rencontré  jusqu'ici,  ne  aux  négociants  français  de  trafiquer  avec 
paraît  pas  avoir  exercé  la  charge  de  consul  le  Sous.  \  .  supra.  Doc.  LV,  p.  4i4'  Il  J 
au  Maroc.  Il  devait  résider  à  Merrakecb  eut  même  en  i63i  un  agent  français  que 
pour  son  trafic  et  sans  caractère  officiel.  Mazet  établit  à  Sainte-Croix  (.\gadir)  sous 
Moulay  Zidàn  l'envoya  en  mission  aux  le  nom  de  «  corresiiondant  n.  V.  supra, 
Pays-Bas  en   1619  et  il   en  revint  avec  le  Doc.  LXI,  p.  434. 

peintre  hollandais  Juslus  Stuling.  La  pré-  6.   Lu  HouladiUa.   El-Oualidia,    la    ville 

sence  de  Jacques  Fabre  au  Maroc  est  cons-        bàlie   par   Moulay    el-Oualid.    \.    supra, 
talée  en  1O19.   1620,  if)22,  i()23  et  1I124.         p-  55,  Sommaire. 


RELATION  DE  THOMAS  LE  GENDRE  'JO7 

pour  traiter  à  bord,  comme  l'on  dil.  la  picque  à  la  main  :  &  de 
mesme  à  Mongador  et  Sainte-Croix,  auquel  lieu  de  Sainte-Croix  il 
y  a  pourtant  une  maison  de  François,  mais  seuU-. 

Je  n'ay  point  esté  à  Cornet',  mais  j'ay  appris  (|ue  le  tombeau  que 
les  Mores  disent  estre  de  saint  Augustin,  qu  ils  appellent  Cidy 
Belabecb,  est  en  raze  campagne,  eslevé  seulement  de  trois  ou 
quatre  pieds.  Mais  je  sçay  de  certain  quils  n'y  vont  point  en  pèle- 
rinage, ny  à  aucuns  de  leurs  prétendus  saints,  ne  faisant  cet  hon- 
neur qu'à  leur  Cidy  Mahamet,  à  cause  qu'ils  prétendent  que  c'est 
luy  qui  est  le  Saint  et  le  Prophète  que  Dieu  leur  a  envoyé  pour 
apporter  la  Loy.  lV  en  faisant  signes  et  miracles. 

Il  y  a  beaucoup  d'or  dans  les  trois  royaumes  de  la  Mauritanie, 
mais  ce  n'est  pas  de  leur  cru  ;  cet  or  y  a  esté  apporté  de  Cago, 
qui  est  un  royaume  scitué  au  haut  païs  de  la  Guinée'  ;  &  on  dit 
que  la  source  du  fleuve  Niger,  qui  compose  les  deux  rivières 
qu'on  appelle  du  Sénégal  de  Gambie,  passe  par  ce  royaume-là  de 
Gago.  dont  la  ville  capitale  s'appelle  Tambouctou.  C'est  donc 
de  là  d'oîi  l'or  est  apporté  en  Mauritanie,  &  d'où  on  le  porte 
aussi  à  la  coste  de  Guinée  :  >k  je  ne  sçay  si  ce  sont  les  nègres 
de  Guinée  qui  le  vont  quérir  en  ce  païs-là  de  Gago,  ou  si  ce  sont 
les  Mores  de  Gago  qui  l'y  portent,  mais  je  croyrois  plustost  le 
premier  (jue  le  dernier  :  car,  quant  à  l'or  qui  vient  de  ces  païs-là 
dans  la  Mauritanie,  je  suis  très-asseuré  que  ce  ne  sont  point 
ceux  de  Gago  qui  l'apportent,  mais  que  ce  sont  les  Mores  de  Mau- 
ritanie, nolaminenl  ceux  de  Maroc  et  de  Sus  qui  1  y  vont  quérir. 
Car  (piand  les  rois  de  Maroc  \  les  princes  de  Sus  ont  esté  pai- 
sibles dans  leur  pays,  et  curieux  d'\  faire  lleurii-  le  commerce, 
ils  ont  envoyé  annuellement,  ou  au  moins  de  trois  ans  en  trois 
ans,    des  caiîlles  à  Tambouctou,  principale   ville    du   royaume  de 

I.   Gitmcl,  Aghnial.  CVst  an  sud  de  celte  porte  son  nom.   Sur  l:i  légcnilc  id^'ntiliani 

ville,  à  Tinmal,  que  sont  enterrés  les  émirs  S'   Augustin  à   SiJi   Bel   Abbis,   \  .  sujinj, 

almohades  appelés  pour  cette  raison  «   les  p.  2i3,  note  It. 

saints  d'Aghmat  >i  (EL-Oui  KÀNr,  pp.  3o4-  2.  I-,e  royaume  do  Gago  (Kaglio,  aujour- 

2o5).    Leurs    mausolées,    contrairement   à  d'hui  :    Gao)   avait,   au   temps  de  Moulay 

l'opinion  de  Le  Gendre,  sont  un   lieu   de  .\limed  rl-Mansour.  reconnu  la  suzeraineté 

pilorinage    Sidi  Bel  Abbés   cs-Sebli  (Cidy  du  .Maroc. —  Sur  l'or  que  les  caravanes  rap- 

Uelabecb)    n'est    pas    enterré    à    Agbniat,  portaient  du   Soudan,  V.  supra,   p.   /129  et 

mais   à    Mi-iralvc-'cii    dans    la    mosquée    qui  /''•'  Série,  France-,  t.  II,  p.  ^5y  et  note  2. 


7o8  i665 

Gago.  Mouley  Hamet  et  Mouley  Zidant  entr'autres  y  en  envoyoient 
souvent  ;  el  du  lenips  que  j'estois  en  res  jiaïs-là,  jNIouley  Zidant  y 
envoya  pour  la  seconde  l'ois  un  de  ses  principaux  alcaydes,  nommé 
l'alcayde  Hamar',  qui  avoit  un  esclave  François,  des  Sables  d'Ol- 
lonne,  nommé  Paul  Imbert'^,  lequel  nous  laisoit  souvent  récit  de 
son  voyage  de  Tambouctou,  comme  dun  voyage  de  grande  fatigue 
&  de  grande  conséquence. 

La  cafille,  qui  est  ce  quon  appelle  en  Turquie  et  au  Levant  : 
caravane,  est(3it  en  effet  nombreuse  en  hommes,  en  chevaux  &  en 
chameaux.  Le  chemin  de  Maroc  à  Tambouctou  est  du  moins  de 
quatre  cens  lieues,  sçavoir  environ  cent  lieues  jusques  au  désert, 
ou  à  la  mer  de  sable,  qui  contient  deux  cens  lieues,  tk  environ  cent 
lieues  depuis  la  mer  de  sable  jusques  à  Tambouctou. 

On  appelle  ce  désert  mer  de  sable,  parce  qu'on  n'y  voit  rien 
que  lOrizon  ;  &  pour  en  bien  faire  la  routte,  on  se  gouverne  par  les 
remarques  du  lever  &  du  coucher  du  soleil,  ou  par  la  considération 
des  estoilles,  ou  par  la  boussole  ou  cadren,  y  ayant  toujours  dans 
la  cafdle  quel([u  un  qui  le  connoist,  comme  estoit  ce  captif  Paul 
Imbert',  qui  estoit  navigateur  &  qui  estoit  aymé  »Si  chery  de  son 
maistre  l'alcayde  Hamar.  eunuque  blanc,  de  nation  portugaise, 
fort  bon  &  honneste  homme.  La  routte  est  au  reste  aisée  à  tenir, 
car  de  Maroc  à  Tambouctou  elle  est  droit  au  sud  ou  au  midy.  Ce 
voyage  ne  se  fait  que  de  nuit,  &  à  petites  journées  par  conséquent, 
à  cause  des  grandes  chaleurs  du  jour,  qui  obligent  de  se  retirer 
sous  des  tentes  une  heure  ou  deux  après  le  soleil  levé,  jusques  à 
une  heure  ou  deux  avant  le  soleil  couché. 

Il  faut,  pour  passer  cette  mer  de  sable,  porter  toutes  les  provi- 
sions nécessaires  pour  le  manger  tk  le  boire  des  hommes  et  des 
bestes  ;    mais  comme    les  uns  &  les  autres  sont  fort  sobres,  &  no- 

I.  Le  jeune  pacha  Amraar  fut  envoyé  2.   Sur  Paul  Imbert,  V.  supra,  p.  168, 

au  Soudan  en  16 18  par  Moulay  Zidàn  pour  notes  i  et  2.  Ce  fut  en  16 18  qu'il  accomplit 

remplacer  le  pacha  Ali  ben   Abdallah  el-  ce  voyage  à  Tombouctou  (\  .   note  précé- 

Tlemsani  qui  avait  été  déposé  le   i3  mars  dente).  Il  est  le  premier  Européen  qui  ait 

1617.  Ammar  fit  son  entrée  à  Tombouctou  visité   cette  ville   et  en   soit  revenu.   Paul 

le  28  mars   1618,  il  reçut  les  hommages  Imbert  était  encore  captif  à  Merrakech  en 

des  notables  et  repartit  pour  Merrakech  en  i63o.  V.  supra.  Doc.   XLIII,  p.  32^. 
mai-juin   1618.   Cf.   Es-Sadi,    Tarikh  es-  3.  Paul  Imbert  était   pilote.  V.  supra, 

Soudan,  pp.  33()-3'(0.  Doc.  XLIII,  p.  32^,  note  3. 


RELATION     DE     THOMAS    LE     GENDRE  HOQ 

tammcnl  k-s  chamoaux.  qui  portent  beaucoup  et  ne  mangent 
gueres,  «S:  boivent  encore  moins,  estant  un  animal  ruminant  &  re- 
mâchant ce  cpi'il  a  mange  il  y  a  huit  jours,  [cela]  fait  que  cela  n'est 
pas  bien  difllcile.  \canl moins  il  ne  seroit  pas  possible  de  passer 
tout  ce  désert  ou  cette  mer  de  sable,  si  ce  n'esloil  une  rencontre 
admirable  qu'au  milieu  de  cette  mer  il  y  a  un  (-ndroiloù  il  y  a  des 
puits  de  belle  ik  bonne  eau  :  >îv:  à  un  autre  endroit  proche,  il  y  a 
une  basse  terre  de  salines,'  :  de  sorle  qu'à  cet  endroit-là,  les  cafiles 
font  alte  6»;  station,  non  seulement  pour  se  rafiaischir,  mais  aussi 
pour  charger  du  sel  pour  le  compte  du  Roy,  comme  estant  une 
excellente  marchandise  pour  Tambouctou. 

Après  ce  rafraîchissement,  la  cafile  continue  son  voyage,  &  enfin 
parvient  à  Tambouctou,  au  bout  de  deux  mois,  du  jour  de  son  départ 
de  Maroc  ;  c^  là  on  fait  grande  réception  aux  cafiles,  notamment  à 
celles  venant  de  la  part  des  rois  de  Maroc,  que  celuy  de  Gago  a  en 
grande  vénération,  jusques-là  (ju'on  nous  asseuroit  que  le  roy  de 
Gago  envoyoit  tribut  au  roy  de  Maroc".  Mais  je  ne  le  croy  pas  ;  seu- 
lement il  est  certain  (pi'il  luy  envoyoit  des  presens,  «k  que  les  gens 
de  la  cafile  faisoienl  hoa  négoce,  vcndans  toutes  leurs  marchan- 
dises, comme  les  commis  du  Roi  le  sel  pris  à  moitié  chemin,  pour 
de  latibar,  ou  de  1  or  en  poudre,  que  nous  appelions  tibre^:  & 
après  avoir  séjourne  un  tenqis  convenable  à  Tambouctou.  s'en  rc- 
venoient  à  Maroc,  rebioussant  lamesme  routte,  &,  comme  l'on  dit, 
nvenant  sur  leurs  [)as,  apportant  grand  nombre  de  cet  or.  Les 
miucliands  faisant  ce  voyage  gagnoient  constamment  le  double,  le 
trqjle,  voire  le  quadruple  ;  outre  que  le  roy,  pour  ses  droits,  pour 
son  sel  &  pour  les  presens  qu'on  lui  envoyoit,  avoit  bonne  part  en 
cet  or. 

Cidy  Ally,  prince  de  Sus,  envoyoit  aussi  assez  souvent  de  sa  ville 
d'IUecq  des  cafiles  à  Tambouctou.  Mais  pour  le  roy  de  Fez',  je  nay 


f .   Sur  celle  mine  de  sel  gemme  appelée  Moulaj  /idàii  cl  ne  lui  firent  défeclion  en 

Tigliaiïa.  V.  supra,  p.  5^5,  note  4.  aucune  manière  ».  Es-Sadi,  p.  336. 

2.   Les  gens  de  Gago  (Kagho),  contrai-  3.  Tibre,  tibar.  V.  p.  372,  notes  5  et  6. 

rcment  aux  habitants  de  Tombouctou  qui  4-   Ce  «  roy  de  Fez   »,  à  lYpoquc  dont 

suivirent  la  cause  du  rebelle  Abou  Mahalli  parle  Thomas  Le  Gendre,  était  Mohammeil 

(\  .   /'■'■  Hérie.  Pavs-lias.  t.  11,    Doc.   Ll\  ,  el-lladj  etl-Oilaï,   le  «   Ben  13oukar  m  des 

p.    117J,    «    ne   cessèrent   d'être    fidèles   à  relations  européennes. 


7IO  i665 

jamais  ouy  dire  quil  en  ait  envoyé.  &,  comme  je  crov,  pour 
deux  raisons  :  la  première,  parce  qu'il  en  est  esloigné  de  cent 
lieues  plus  que  Maroc  ;  6î  l'autre  raison,  parce  qu'il  auroit  fallu 
que  la  cafille  de  Fez  eust  passé  par  le  royaume  de  Maroc,  ce  qui 
sans  doute  nauroit  pas  esté  soufTert.  Que  si  le  royaume  de  Fez  se 
rencontre  avoir  de  1  or,  c'est  par  la  communication  qu  il  peut  avoir 
avec  les  autres  royaumes  ses  voisins,  qui  l'ont  ik  qui  le  tirent, 
comme  il  est  dit,  de  Gago  A:  Tambouctou  '. 

C'est  donc  ce  qui  fait  cpi  il  se  rencontre  beaucoup  d'or  dans  la 
Mauritanie  ;  mais  il  s'y  en  verroit  bien  davantage,  si  ce  n'cstoit  la 
mallieureuse  méthode  de  ces  gens-là,'  d'enterrer  leur  or,  n'ayant 
point  d  autres  coffres  que  la  terre,  se  défiant  de  tout  le  monde,  & 
notamment  de  leurs  héritiers  :  de  manière  que,  quand  la  pluspart 
de  ces  gens-là  meurent,  leur  or  demeure  enfoui  &  perdu  en  terre  ; 
en  sorte  qu'il  est  certain  que  le  fonds  de  la  terre  est  bien  plus 
riclie  que  le  dessus. 

Il  nous  faut  dire  encore  quelque  chose  du  royaume  de  Gago.  On 
croit,  comme  j'ay  dit,  que  le  fleuve  Niger  passe  par  ce  royaume, 
sa  source  venant  de  devers  le  Nil,  qui  prend  un  cours  tout  à  l'oppo- 
site  ;  &  ce  fleuve  Niger,  ayant  fait  cent  ou  deux  cens  lieues  de  che- 
min par  deçà  Gago.  se  sépare  en  deux  rivières,  «k  que  l'une  est  celle 
du  Sénégal  &  l'autre  celle  de  Gambie'';  à  cause  de  quoy  plusieurs 
ont  eu  la  pensée  que  l'on  pourroit,  en  montant  ces  rivieres-là,  par- 
venir jusques  à  leur  jonction,  <k  finalement  jusques  à  ce  royaume 
d'Or. 

Les  Anglois  ont  eu  plus  qu'aucuns  autres  cette  pensée  ;  ik  il  ne 
faut  pas  s'imaginer  qu'ils  se  soient  emparez  du  bas  de  la  rivière  de 
Gambie '\  *k  pris  de  force  ou  par  traité  les  forteresses  que  le  duc  de 

I.   Ce  renseignement  de  Le  Gendre  est  Fez,    du    coslé    du    midy.    Les    Mores    & 

ineiact.  De  tout  temps.  Fez  a  été  en  rela-  Barbares   s'assemblent  en  la   ville   de   Fez 

tions  directes  avec  le  Soudan  par  le  Tafilelt.  d'où   ils   sortent    à    la    fin    de    l'esté...    » 

«  .l'ay  veu,  écrit  le   F.  Eugène  Roger  en  F.    EuGif;^•E    Rogik,    La    Terre    Sainte... 

mission  à  Fez,  aller  &  venir  des  Mores  6^  Paris,  éd""  iGOi,  p.  2^7. 

des  Barbares  [Berbères]  en  trafic,  une  fois  2.   Opinion   conforme   à    celle   des   géo- 

l'an,   au  pays  des  IVoirs  dans  la  Numidie,  graphes  du  xvii'   et  môme  du  xvm=  siècle, 

contrée     de    Zeneziga,    que    les    Barbares  3.    Les    établissements    anglais    de     la 

appellent       Tanboutou,    qui     est     distant  Gambie  remontent  à  l'année  1618  où    se 

d'environ    trois   cent  lieues   de  la  ville  de  fonda  à   Londres  une  Compagnie  pour  le 


RELATION     DE     THOMAS    LE     GENDRE 


Ciulandt  el  les  HoUandois  y  avoicnl'.  pour  seulement  jouir  dune 
chetive  trailte  qu'y  s'y  fail  de  quelque  nombre  de  cuirs,  cire  & 
moiTd.  Ce  nestoil  pas  là  le  but  des  Anglois,  ny  du  prince  Robert, 
qui  a  l'ail  ces  exploits-là  il  y  a  pou  d'années  ;  leur  but  principal 
estoit  de  monter  la  rivière  ius(|ues  à  son  fleuve  Niger,  voire  jusques 
à  sa  source,  tk  par  conséquent  jusques  à  l'or  de  Gago  ;  &  pour  cet 
eflet,  outre  leurs  grandes  l'regattes,  par  le  moyen  desquelles  ils  se 
sont  emparez  du  bas  6:  des  l'orteresses  de  cette  riviere-là  de  Gambie, 
ils  avoient  de  petites  fregatillcs  armées,  pour  monter  cette  rivière 
«^  à  la  voile  tV  à  la  rame.  Mais  cela  ne  leur  a  pas  réussi,  vk  japprens 
qu  ds  renoncent  de  plus  l'entreprendre,  pour  trois  grands  ojjstacles 
qu'ils  y  ont  rencontrez  :  le  premier,  par  les  grandes  clialeurs  & 
calme  de  ce  païs-ià,  qui  ont  l'ail  mourir  la  pluspart  de  leurs  liommes  ; 
le  second,  par  la  guerre  que  Unir  ont  lait  les  Nègres,  meslez  de  Por- 
tugais, natil's  (lu  pais  ;  ik  le  troisième,  par  le  nombre  de  saulx  qu'ils 
ont  rencontrez  dans  la  rivicrc  qui  la  rendent  très-mal  navigable. 
En  sorte  que  les  Anglois  ont  quitté  ce  grand  dessein. 

Et  j'ay  souvent  demandé  à  nos  Senegallois"  si  leur  rivière  n'étoit 
point  plus  navigable  que  celle  de  Gambie,  tV  s'ils  ne  pourroient 
poini  par  celle  du  Sénégal  aller  [ilus  haut  qu'ils  ne  l'ont  :  car  ils  ne 
vont  tout  au  plus  qu  à  deux  cens  ou  deux  cens  cinquante  lieues 
haut:  mais  ils  m'ont  asseuré  que  non,  &  que  c'est  tout  ce  qu'ils 
peuvent  faire  :  \  (|u'oulreles  maladies  de  la  rivière,  il  se  rencontre 
plus  haut,  non  des  Nègres,  mais  des  Mores,  qui  font  la  guerre  aux 
Nègres  du  Sénégal  ik  qui  empeschent  qu'on  ne  peut  pas  avancer 
davantage,  outre  qu'il  y  a  pareillement  des  saulx  de  rivière  qui  la 
rendent  dilïi<"ile.  Ainsi  il  ne  faut  point  espérer  d  or  de  (iago  pai- 


commerce  de  l'or.  dans  les  Antilles. 

I.   Le    duc    de    (loiirlande,     Guillaume  i.  .\os  Senagallois,  c'al-'u  dire:  les  com- 

Kelller  (1610-1683),  avait  acquis  d'un  roi  merçants  normands  qui  font  du  trafic  au 

nègre  des  possessions  en  Gambie.  Les  IIol-  Sénégal.   11    n'y  avait  qu'une   factorerie  à 

landais  s'en  emparèrent  en  lOSf),  mais  les  l'embouchure  du  Sénégal,   lorqu'en    i633 

rendirent  à   la   Courlandc  en    itifio.   Celte  liosée   et    Uobin    fondèrent  à   Dieppe  et  à 

occupation  temporaire  des  Hollandais  servit  Houen  une   compagnie  commerciale   à  la- 

de  prétexte  au.\  Anglais  pour  s'en  empanr  quelle  les  lettres  patentes  du  .l'i  juin    i("i33 

en  ifiCi,  et,  le   17  novembre  166/1,  1"  'lue  accordèrent  le  privilège  du  trafic  et  de  la 

de  Courlande  dut  les  céder  définitivement  traite  au  Cap  Vert,  dans  la  Gambie  et  le 

à  ceux-ci,   en   échange  de  l'ile  de  Tabago  Sénégal. 


fI2 


ifi65 


ces  rivieres-là,  car,  comme  vous  avez  veu,  ce  ne  sont  point  les 
Mores  de  Gago  qui  transportent  leur  or  ;  autrement,  s'ils  en  por- 
taient à  Maroc,  ils  pourraient  bien  aussi  en  porter  en  Gambie  & 
au  Sénégal,  par  la  commodité  de  ces  rivières  ;  mais  ils  ne  le  font 
point.  &  c'est  ce  qui  me  fait  dire  que  ce  ne  sont  pas  eux  qui  le  por- 
tent en  Guinée,  mais  que  ce  sont  les  roytelets  nègres  de  Guinée 
qui  vont  ou  qui  l'envoyent  quérir  au  pais  de  Gago,  &  qui  l'appor- 
tent en  Guinée,  où  ils  le  baillent  aux  Chrestiens  qui  vont  en  traittc 
le  long  de  la  coste. 

Vous  voyez  bien  par  ce  que  dessus  que  les  Mores  de  Gago,  ou 
du  haut  pais  de  Guinée,  ne  voyagent  point,  &  qu'ils  ne  sont  pas 
gens  à  passer  cette  mer  de  sable,  pour  venir  joindre  les  Mores  de 
Mauritanie,  pour  ensemble  aller  en  pèlerinage  à  La  Mecque  ;  c'est 
bien  asseuremenl  ce  qu'ils  ne  font  point. 

Mais,  pour  ce  qui  est  des  Mores  des  royaumes  de  Sus,  Maroc  & 
Fez,  il  est  vray  qu'il  s'attroupent  souvent,  non  pas  par  grandes 
caravanes  ou  cafdes,  mais,  quand  ils  sont  quarante  ou  cinquante 
de  compagnie,  ils  prennent  la  routte  de  la  mer  ;  et  ordinairement 
leur  rendez-vous  est  à  Toutouan,  oîi  des  navires  turcs  les  embar- 
quent pour  les  porter  en  Egypte,  au  port  d'Alexandrie,  où  se  fait 
leur  débarquement,  &  au  Caire  ;  &  de  là  ils  s'en  vont  par  terre 
vers  la  mer  Rouge,  où  est  La  Mecque  ik  le  tombeau  de  Mahomet. 
Et  j'ay  ouy  dire  à  des  personnes  qui  estoient  à  l'armée  navale  du 
Roy,  lorsque  monsieur  de  Brezé  la  commandoit',  &  peu  de  tenqjs 
avant  sa  mort,  qu'ayant  esté  à  la  baye  de  Toutouan,  il  y  avoit  trouvé 
1^  Y>ris  un  grand  navire  turc,  prest  à  partir  pour  Alexandrie,  dans 
lequel  il  y  avoit  plus  de  deux  cens  de  ces  pèlerins,  lesquels  ils  ren- 
voya à  terre  avec  civilité,  croyant  que  ceux  de  la  terre  luy  ren- 
voyeroient  réciproquement  les  esclaves  chrestiens,  mais  c'est  ce 
qu'ils  ne  firent  point,  ces  gens-là  ne  payant  point  de  cette  monnoye. 


I.  Jean  Armand  de  Maillé,  marquis,  puis  i646  des  opérations  contre  les  présides  de 

duc   de  Brézé  (i6ig-i6i6),    surintendant  Toscane.  On  ne  trouve  pas  dans  les  diverses 

général  de  la  navigation  en  i636,  en  survi-  relations  des  campagnes  de   Brézé  (Arch. 

vancc  du  cardinal  de  Richelieu,  son  oncle,  Nat.  Marine.  B^   i  et  C  s)  une  allusion  à 

grand-maitre  des  galères  en  i63g.  11  com-  cette  capture  dans  les  eaux  de  Tétouan  d'un 

manda  la  flotte  du  Ponant  en  r64o,  celle  vaisseau  chargé  de  Mores  allant  en  pèleri- 

de  la  Méditerranée  en  i642,  fut  chargé  en  nage  à  La  Mecque. 


RELATION    nE    THOMAS    LE    GENDRE  "l3 


Il  peut  bien  e?tre  que  le?  [lelerins  de  la  coste  de  Barbarie, 
d'Alger,  de  Tunis  &  de  Tripoly  vont  par  terre  &  en  grande  com- 
pagnie à  La  Mecque  ;  mais  pour  ceux  de  Mauritanie,  ils  vont, 
comme  j'ay  dit  cy-dcssus,  par  petites  Irouppes  jusqu'au  port  de 
mer,  leur  qualité  de  pèlerin  leur  servant  de  passe-port  ;  car  les 
Alarbcs  les  respectent  &  favorisent  &  leur  donnent  l'aumosne,  car 
ces  pelerins-là.  ny  plus  ny  moins  que  les  pèlerins  europiens,  vont 
avec  le  bourdon,  chantans  &  gueusans. 

Je  n 'ay  pas  remarqué  le  temps  de  leur  départ,  mais  il  me  semble 
que  c'est  immédiatement  après  que  leur  Ramedan  est  passé  '. 

Le  sieur***,  au  retour  de  son  esclavage,  me  vint  voir  &  remer- 
cier de  ce  que  je  m'étois  beaucoup  employé  par  le  moyen  de  mes 
amis  de  Marseille",  pour  tasclier  d'obtenir  sa  délivrance,  sans  que 
cela  réussit  pourtant,  parce  cpie  son  premier  patron  le  tciioit  à  trop 
haut.  Il  me  conta  bien  son  infortune,  ik  comme  quoy  il  avoit  esté 
amené  d'Alger  à  Toutouan,  où  son  patron  le  tint  enfermé  plusieurs 
années,  le  maltraitant  pour  l'obliger  ù  payer  grosse  rançon  ;  mais 
qu'il  mourut,  &  que  sa  patrone  s'estant  remariée  à  un  autre,  luy 
fit  rencontrer  plus  de  facilité  à  son  rachapt,  qui  se  fit  par  la  voye 
de  Cadis.  A  tout  cela,  je  ne  voyois  rien  ([ui  ne  peut  estre  ; 
mais  je  ne  sçache  point  qu'il  m'aye  jamais  parlé  d'avoir  esté 
avec  sa  patrone  à  Fez,  à  Maroc,  &  à  ce  prétendu  royaume  de 
Jove  :  et  je  vous  asseure  que  je  ne  l'aurois  pas  cru.  Car  je  sçay  bien 
que  les  femmes,  en  ce  païs-là,  ne  voyagent  point  :  il  n'y  auroit 
aucune  seureté  pour  elles,  moins  encore  pour  leurs  esclaves,  notam- 
ment dans  le  royaume  de  Maroc,  où  tous  les  esclaves  chrétiens 
sont  au  Roy  ',  sauf  qu'il  permet  quelquefois  au\  [)rincipaux  alcaies, 
qui  sont  les  plus  proches  de  sa  personne,  d'en  avoir  quelqu'un, 
comme  il  permit  à  cet  alcaide  llamar  d'avoir  le  captif  Paul 
Imbert. 


I.   Le    pèlerinage    s'accomplit    dans    le  et  de  La  UocIk^Hc!  avec  ce  pays  devieinient 

douzième  mois  de  l'année  musulmane  qui  de  plus  en  pins  rares.  C'est  toujours  à  Mar- 

est  appelé  à  cause   de  celte  solennité   Dou  seille   tpie  s'adressera  '1  liomas  Lo  ('i<Midr<', 

fl-ljiddia.  rpiand   il  voudra   obtenir  quelques   rcnsei- 

:>..   .V  partir  de  iti^o,  tout  le  commerce  gnements   sur   le   Maroc  ou    y   faire   faire 

français  avec  le  Maroc  semble  se  réduire  à  quelques  démarches.  Cf.  p.  iMi.  note  i 
celui  de  Marseille;  les  relations  de   Uouen  3.   V.sup/n.  lntroduclioncriti(pie,  p.  JOo. 


J'ay  veu  plusieurs  cafiles,  sans  une  seule  femme.  &;  les  cafiles 
vont  bien  de  Toutouan  à  Fez  »S;  de  Fez  à  Toutouan  ;  ou  de  SalTy  à 
Maroc  &  de  Maroc  à  Saffy  :  mais  qu'une  cafillc  aille  de  Fez  à  Maroc 
ou  de  Maroc  à  Fez,  d'un  de  ces  royaumes  à  l'autre,  c'est  ce  que  je 
n'ay  point  veu  en  sept  ans  de  temps',  ik  n'ay  jamais  ouy  dire  à  per- 
sonne d'avoir  esté  de  Fez  à  Maroc,  ou  de  Maroc  à  Fez.  sinon  en  la 
compagnie  d'un  maiaiiout,  qui.  connoissant  loutes  les  races  d'Alar- 
bes,  >k  qui  estant  réputé  d'eux  estre  un  saint,  passe  partout.  Encore 
moins  peut-on  aller  au  royaume  de  Sus,  que  les  Nègres  tk  Alarbes 
appellent  de  ce  nom-là  de  Sus,  ou  du  nom  du  ro^aume  de  Theru- 
dent,  sa  principale  ville.  Mais  je  n'avois  jamais  ouy  parler  de  ce 
nom  de  Joye",  «S;  moins  encore  de  cette  estcndue  de  six  cens  lieues 
pour  y  aller  ;  il  f'audroit  donc  y  comprendre  celte  mer  de  sable  dont 
j'ay  parlé,  car  de  Toutouan  à  Fez  il  n'y  a  qu'environ  quarante 
lieues,  de  Fez  à  Maroc  environ  cent  lieues,  &  de  Maroc 
à  Sus,  ou  à  Tlicrudent,  cent  autres  lieues';  ainsi  je  crois  que 
ce  royaume  de  Jove  n'est  qu'une  cliimere.  comme  aussi  ces 
malelats  de  vent,  les  Mores  ne  couclianl  ordinairement  que  sur 
des  esteras'  ou  nattes  de  jonc,  ou  sur  des  tapis  de  Turquie. 

Pour  ce  qui  est  des  lions,  il  est  vray  qu'il  y  en  a  beaucoup  dans 
la  Mauritanie  ;  mais  que  les  Alarbes  s'amusent  à  les  eslever  »S; 
nourrir  parmy  leurs  troupeaux,  c'est  mocquerie.  S'il  arrive,  comme 
quelquefois,  à  un  Alarbe  de  rencontrer  quelque  tanière  de  lions, 
oîi  il  y  en  ait  de  nouveaux-nez,  il  les  apporte  aussy  tost  vendre  aux 
Cbrestiens.  Il  m'en  fut  ainsi  apporté  deux,  masle  &  femelle,  que 
j'eslevay  pendant  deux  ou  trois  ans,  en  sorte  qu'ils  estoient  dans 
notre  Douane,  ou  maison  des  Cbrestiens,  en  grande  privauté.  tk 
mesme  parmy  des  gazelles,  ou  petites  biclies,  &  autres  animaux  ;  ôc 
le  lion  métoit  si  familier,  quoy  que  grand,  qu'il  venoit  souvent 
couclier  avec  moy  ;  &  bien  m'en  prit,  car  une  nuit,  durant  le  clair 


I.   Cotlo  indication   permet  de  fixer   les  tioii  curieuse  »  qui  lui  avait  l'Ié   posée  sur 

dates  (i6i8-ir)25)  entre  lesquelles  se  place  l'imaginaire  royaume  de  Joye. 

le  séjour  de  Thomas  Le  Gendre  au  Maroc.  .'i.   Voici   les   distances  appro.\iniatives  : 

—  .actuellement  encore  les  caravanes   ne  Telonan-Fez.  r66  kilomètres;   Fez-Maroc, 

vont  pas  de  Fez  à  Merrakech  par  l'iliné-  ^oo  kilomètres;  Mcrrakech-Taroudant.  IJ.") 

raire  direct,  elles  passent  toujours  par  Rbat.  kilomètres. 

a.   Le  Gendre  répond   ici  à  une  «  cjucs-  4-   £i!e/us,  mot  espagnol  :  natte. 


RELATION     DE     THOMAS     LE     GENDRE  "I.l 

de  lune,  quelques  Alai'bes  d'une  cafilc.  qui  estoient  demeurez  dans 
lenclos  de  la  Douane,  montèrent  vS:  entrèrent  je  ne  sçay  comment 
dans  ma  chambre  h  dessein  de  me  piller  :  mais  ayant  veu  im  lion 
auprès  de  moy,  ils  s'enfuirent,  disant  l'un  à  l'autre  :  «  Endou  sehu, 
(il  a  un  lion)  w.  Cela  me  fut  rapporté  par  nostre  hôte  le  sieur 
Amahricq.  (jiii.  estant  par  hazard  sorty  de  sa  chambre,  \  voyant 
la  mienne  ouverte  i5c  des  Alarhcs  en  sortir  tenant  ce  langage,  il 
entra,  m'éveilla  &  me  conta  lliistoire.  (jC  lion  estoil  foil  allable, 
mais  la  lionne  estoit  maligne  ;  >S;  luy  estant  arrivé  de  faire  quel- 
que mal  à  nii  petit  More,  ik  plaintes  en  avant  esté  faites  au  (iou- 
verneur,  il  me  les  osta  >S;  les  fil  mettre  entre  quatre  murailles  ;  (S: 
peu  après,  les  grandes  pluyes  t'staiil  venues  renversèrent  les  quatre 
murailles,  qui  n'estoient  que  de  blocq',  les  lions  sortirent  la  nuit  >N: 
se  jetterent  sur  une  roue',  ou  escurie  en  gallerie  ouverte,  de  che- 
vaux \  mulets,  qui  estoient  d(;vanl  la  maison  du  Uny.  où  ds  firent 
grand  carnage,  car  ils  estoient  affamez  ;  cela  lit  grand  bruit  dans  la 
ville.  1^  chacun  courut  aux  armes,  en  sorte  que  mes  pauvres  lions 
furent  tuez. 

Un  jour,  comme  nous  estions  à  la  chasse  du  sanglier,  à  quatre 
ou  cinq  lieues  de  Saffy,  nous  fumes  tousestonnezcjue  nos  ohevaux 
cessèrent  de  marcher,  6c  que  nos  chiens  se  vcnoienl  mettre  entre 
les  jambes  de  nos  chevaux.  Nous  nous  dismes  aussitost  l'un  à 
l'autre  :  n  11  v  a  icv  un  lion  »  :  <\;  de  fait  nous  fusmes  estonncz  (ju  \\ 
en  passa  un  grand  à  costé,  (k  à  quinze  ou  vingt  pas  de  nous,  qui 
s'arresta  pour  nous  regarder,  &.  voyant  que  nous  ne  branlions 
point,  passa  son  chemin  avec  une  gravité  nompai  cille.  Il  estoit  plus 
haut  qu'aucun  de  nos  chevaux,  tk  marchait  gravement,  jouant  de 
sa  (jueue  à  gros  bout  noir,  d'une  façon  effroyable. 

Nous  sçavions  que  le  lion  ne  veut  point  (ju'on  fuye,  ny  qu'on 
l'attaque,  autrement  en  trois  sauts  il  est  sur  vous  ;  c'est  pourcjuoy 
nous  n'avions  garde  de  le  tirer  ;  &  pour  fuir,  c'estoit  l'impossible, 
car  les  meilleurs  chevaux  trembloieiil  comme  la  feuille. 

Les  Alarbes  nous  contoient  qu'ils  en  rcnconlroicnt  souvent  par 
la  campagne,  qui  mesme  \enoient  à  eux,  mais  (pi  aussitost  ils  pre- 


I.   Blocij,  pour  blocage.  Il  faut  entendre        scelles, 
que  les  murs  étaient  construits  en  pierres  2.   Houe,   pour:   roua  •'JJ,  écurie. 


7i6  iCfiô 

noient  leur  turban,  qui  psI  une  bande  de  toille  de  collon  nu  de  laine, 
qui  a  trois  ou  quatre  aulnes  de  long,  lequel  ils  prenoient  par  le  bout 
ik  le  branloieul  en  l'air  en  tournoyant  en  forme  de  couleuvre,  ik 
qu'aussitost  le  lion  s'enfuyoit,  estant  le  seul  animal  ou  la  seule 
vipère  dont  il  a  peur. 

Les  sieurs  Antoine  Cabirori',  de  Montpellier,  &  Abraham  Van 
Llbergen",  de  Rouen,  grands  chasseurs,  estans  avertis  qu'il  y  avoit 
un  estang  à  demy  lieue  de  la  coste  de  la  mer,  où  les  lions  &  les 
sangliers,  qui  reperoient  de  jour  dans  cette  coste  de  la  mer,  en  sor- 
toient  la  nuit  \  alloienl  boire  à  cet  estang.  s'avisèrent  d'aller  de 
jour  faire  des  cabanes  de  pierre  sur  le  bord  de  cet  estang,  &  d'y 
passer  la  nuit,  pour  tuer  de  ces  animaux  ?\  mesure  qu'ils  viendroient 
boire.  Cela  leur  réussit  tellement  (juiis  en  tuèrent  quatorze,  tant 
lions  que  sangliers,  «Se  firent  écorcher  le  plus  grand  des  lions.  \  la 
peau  en  fut  apportée  en  cette  ville. 

Je  ne  puis  quitter  les  lions,  que  je  ne  vous  fasse  le  coule  (|ui  m'a 
esté  fait  en  ce  païs-là  par  des  personnes  très-sinceres  ik  ausquelles 
i'ay  par  consequcnl  ajnuté  foy,  n'en  doutant  nullement. 

C'est  qu'en  l'année  iGi/|  ou  iGi5  deux  esclaves  chrestiens 
estant  à  Maroc  prirent  resolution  de  se  sauver,  ik  s'accordèrent  de 
le  faire  de  nuit,  &  de  ne  marcher  que  de  nuit,  »S;  de  jour  se  retirer 
au  haut  des  arbres,  pour  éviter  la  veue  \  la  rencontre  des  Alarbes, 
qui  n'auroient  pas  manqué  de  les  remener  en  esclavage.  Ils  sça- 
voient  que  la  coste  de  la  mer  où  est  Masagan  gisoit  au  nord,  &  que, 
cheminant  toujours  au  nord,  ils  y  pourroient  parvenir  en  huict  ou 
dix  nuits.  »S;  qu'il  ne  leur  seroit  pas  difficile  de  porter  »k  de  trouver 
des  vivres  pour  faire  ce  chemin.  Ils  sortirent  donc  de  nuit,  &  ayant 
marché  jusques  au  point  du  jour,  se  relirer(Mit  au  haut  d'un  arbre 
iN;  y  passèrent  la  journée,  mais  avec  bien  de  l'ennuy,  de  la  peine  & 
de  la  crainte,  voyant  de  ces  païsans  d'Alarbes  aller  et  venir  ;  outre 
que  deux  esclaves  s'estant  trouvez  manquer  à  Maroc,  on  envoya 
force  cavaliers  à  la  recherche.  La  nuit  venue,  les  deux  esclaves  re- 
prirent leur  routte,  jusques  au  lendemain  matin,  que  voulant  cher- 
cher un  arbre  pour  y  monter,  ils   furent   estonnez  de  voir  à  leur 


I.   Sur  ce  personnage,  A  .  supra,  i)|>.  og^-  3-    Sur  ce  personnage,  V.  su/jcn,  p.  1 12. 

3y6  ;  ii7-/)70.  note  4  et  182,  note  i. 


UELATION     nE    THOMAS     LE    GENDRE  ~l~ 

costé  un  grand  licin.  )cqiicl  niarchoil  (jiiand  ils  tnai'clioioiit.  *S:  sar- 
restoit  quand  ils  s'arrestoicnl.  Ils  iccoiiiiuniit  hienlost  que  cétoit 
un  bon  convoy  que  Dieu  leur  cnvovdit  :  ils  s'cnliardirciil  donc  de 
niaicher  de  jom- (Ml  la  compagnie  du  lion.  Des  cavaliers  ularbes  \ 
mores  survinrent  à  dessein  d'enlever  ces  deux  [)auvres  fugitifs, 
mais  le  lion  se  mellanl  eiilre  deux,  ce  fut  aux  cavaliers  à  sarrester. 
à  admirer  \  à  les  laisser  passer  ;  ce  (ju'aussi  firent  d'aulres,  car 
tous  les  jours  il  s'en  rencontroit,  jusqucs  ù  ce  que  finalement  ces 
deux  pauvres  esclaves  estant  arrivez  sous  la  ville  de  Masagan,  le 
lion  s'en  lelouriia,  \  les  deux  pauvres  esclaves  entrèrent  dans  la 
ville,  racontant  ce  miracle,  dont  aussi  les  Alarbes  vinrent  faire 
l'ecit  à  Maroc,  iN;  dont  la  nouvelle  fut  répandue  par  tout  comme 
très-veritable  «k  très-constante. 

Je  vous  ay  dit  que  le  royaume  de  ^[aroc  na  pour  toutes  villes 
dans  ses  terres  que  la  ville  de  Maroc,  ik  pour  places  maritimes: 
SafTy,  La  Houladilla  \  Azamor.  De  Sall'v  à  Maroc  il  y  a  trente  ou 
quarante  lieues,  «N:  des  antres  villes  maritimes  il  y  a  davantage;  ainsi 
la  campagne  d'entre  Maroc  i.V  la  mer  n'a  aucunes  villes,  villages  ny 
bourgades,  mais  seulement  des  adouars  ambulans,  comme  je  vous 
l'ay  remarcjué. 

Jay  veu  quelques  autruches  à  Maroc,  mais  elles  y  estoient  ap- 
portées de  la  province  de  Dara  &  du  pays  qui  est  au  sud  de  Maroc, 
tirant  vers  la  merde  sable.  &  elles  sont  en  quantité  entre  Maroc  & 
cette  mer  de  sable  ;  vk  les  Mores  et  les  Alarbes  qui  les  prennent  en 
apportent  les  plumes  à  Maroc,  à  Therudent  &  autres  villes  de  Sus. 

Pour  ce  qui  est  des  elepbans,  il  n'y  en  a  point  du  tout  dans  cette 
eslendue  de  païs,  ny  en  deçà  de  cette  mer  de  sable;  il  n'v  en  a 
seulement  que  par  delà  :  c'est-à-dire  (ju'il  commence  à  y  en  avoir 
dans  le  royaume  de  Gago,  qui  borne  l'Ethiopie,  là  où  il  y  en  a 
grand  nombre  ;  tV  cela  se  remarque  en  ce  cpi'à  la  rivière  du  Sénégal 
il  se  traite  très-peu  de  dents  d'clephant,  à  la  rivière  de  (îambie,  il 
s'en  traitte  un  peu  davantage,  à  Cachos  &  à  Tagrin  ou  Serrelione 
encore  davantage,  6c  à  la  coste  de  Guinée  beaucoup  encore  davan- 
tage, cette  traitte  augmentant  à  mesure  {|u'on  va  au  sud;  »k  c'est 
chose  asseurée  que  la  Guinée  tire  le  moriil,  <in  l'v  voire,  ou  les  dents 
d'clephant.  qui  (^st  une  mesmc  chose,  non  seulement  de  Gago, 
mais  aussi  d'l''thiopie. 


7r8  iG65 

Les  femmes  des  Mores  de  Mauritanie  ne  sortent  point,  ou  peu,  &: 
se  tiennent  closes  &  couverlcs,  on  soi  le  quon  ne  leur  voit  qu'un 
œil,  qu'elles  ont  découvert  pour  se  conduire  ;  si  elles  sortent  de  la 
ville,  elles  ne  s'éloignent  guère  des  murailles  :  6c  quand  elles  ren- 
contrent des  cliresliens,  ne  voyant  point  de  Maures  auprès  d'elles, 
elles  prennent  plaisir  à  se  faire  voir,  se  découvrant  tout  le  visage 
&  les  bras. 

Leurs  fruits  sont  :  dattes,  amandes,  resins,  grenades,  olives, 
fiçues  &  meures. 

Leurs  lea;umes  :  fèves,  pois,  melons,  valencées  ou  melons  d'eau, 
forcours'  ou  petits  concombres. 

Le  plus  grand  hyver,  en  ce  païs-là,  ne  nous  obligeoit point  d'ap- 
procher du  feu  :  c'est  comme  le  climat  d'Espagne  ik  d'Italie,  de 
trente-deux  degrez  à  vingt-sept  ou  vingt-huit  du  sud". 

Ils  n'ont  en  ce  païs-là  ny  médecins  ny  apoticaires.  si  ce  nest 
qu'il  V  en  aille  de  la  Chrétienté.  Il  y  a  quelques  chirurgiens  mores 
\  juifs,  qui  sçavent  lourdement  saigner,  &  c'est  tout. 

Cette  demande  me  fait  souvenir  d'une  chose  dont  il  faut  que 
je  vous  fasse  récita  On  voyage  en  ce  païs-là  ou  par  cafde,  ou 
avec  un  marabout,  quand  on  est  pressé  A:  qu'on  ne  peut  pas  atten- 
dre l'apprest  d'une  cafde,  (jui  est  chose  de  longue  haleine.  Ainsi 
j'ay  esté  à  Maroc  par  caflle,  \  j  en  revins  avec  un  marabout',  lequel 
vous  prenant  fe  rass  ou  c'est-à-dire  sur  sa  teste,  ou  à  sa  horma. 
ou  sauvegarde,  vous  estes  en  asseurance,  ce  marabout  estant  connu 
&  respecté  des  Alarbes.  Ce  qui  est  importun,  c'est  que  tous  les 
Alarbes  qu'on  rencontre  viennent  demander  au  marabout  :  «  Ascon 
liadouc  sarany?  (quel  est  ce  chrétien  .►•)  »  &  le  marabout  est  souvent 
obligé  de  mentir,  de  peur  que  disant  que  c'est  un  tager.  ou  mar- 
chand, ils  n'eussent  trop  d'envie  de  le  piller.  Ainsi  arriva-t-il  à  un 

;  hc  Gendro  arriva  à  Safi  venant  de  Morra- 

1.  i-orcours.  Fcqqous  ^j^ji»,  melon.  ^.^,^^^^   ^.^^^^j^.   seulement   par  le  marabout 

2.  Impropriété  d'expression  ;  il  faut  Sidi  el-Havts.  V.  /'«Série.  Pays-Bas,  t.  III, 
entendre  :  en  se  dirigeant  vers  le  sud.  Le  Journal  de  Albert  Ruyl  à  la  date  du  6  fé- 
Maroc,  en  réalité,  est  compris  entre  le  35"=  vricr  1624.  On  se  rappelle  que  ce  passage 
et  le  28"  degré  de  latitude.  de  la  Lettre  escrite  rapproché  de   celui  du 

3.  On  voit  que  Le  Gendre  répond  à  un  Journal  d'Albert  Ruyl  fournit  l'un  des 
questionnaire.  meilleurs  arguments   pour   l'attribution    à 

4.  Ce  fut  le  G  février  i024  que  Thomas  Thomas  Le  Gendre  de  la  plaquette. 


RELATION    DE    THOMAS    LE    GENDRE  -  I  () 

marabout,  qui,  un  jour,  menant  à  Maroc  cet  Abraham  Van  Liber- 
gen,  dont  il  est  parle-  cy-cle\aiil.  ce  marabout  crut  que,  pour  mieux 
passer,  il  lalloil.  à  ceux  qui  luy  deinaiidoieul  :  «  Ascon  liadouc 
sarnny  »,  répondre  :  «  Tabih  Sultnn  (médecin  du  Roy)  »  ;  mais  à  ce 
mot,  un  chefd'adouar  s'écria  (ju  il  l'iisl  le  bien  venu,  car  il  avoit 
une  fdle  ([ui  s'éloit  rompu  la  jambe,  i^c  cpi'il  lalloil  que  Tiihih  Sul- 
tan la  guerist.  Le  marabout  et  le  marchaïul  chrcslien  se  trouvèrent 
bien  surpris,  mais  il  fallut  lairc  bonne  mine  &  mauvais  jeu.  Ce 
médecin  fit  semblant  d'aller  cberclier  de  bonnes  herbes,  »S;  prcnoil 
des  premières  trouvées,  il  fit  une  espèce  donguent,  chaud  ou  froid, 
il  nimporte,  fit  tirer  la  jambe  de  la  fille,  mil  de  son  onguent  inco- 
gnito dessus,  avec  force  petits  bâtons  de  rozeau  à  l'cnlour  de  la 
jambe.  >.V  la  fit  lier  sur  une  petite  plan(;lie,  i\:  leur  dit  rju'il  ne  falloit 
pas  y  toucher  de  plus  de  quatre  jours  ;  c  étoit  aiin  qu'il  eust  loisir 
d'achever  son  voyage,  sans  estre  obligé  de  lever  son  premier  appa- 
reil. 

Il  n'y  a  aucunes  foires  ny  franchises  en  ce  pa'is-là  ;  mais  quand 
les  marchandises  sont  dîmées  à  l'entrée,  elles  sont  libres  d'aller  par 
tout  le  royaume  sans  passe-ports,  iN:  pour  celles  du  pais,  ne  payent 
(pi'à  la  sortie  du  royaume. 

Toutes  religions  y  sont  [)ermises  ;  les  Juifs  ont  une  Juderie  fer- 
mée à  Maroc,  assez  grande,  à;  il  y  a  deux  synagogues,  &  estoient 
de  mon  temps  quatre  ou  cinc[  cens  personnes  juifves  dans  cette 
Juderie, 

A  Saffy,  il  n  V  a  point  de  juderie  qui  ferme,  mais  il  y  a 
pourtant  une  synagogue,  les  Mahometans  permettant  par  tous 
leurs  pa'is  le  libre  exercice  de  religion,  quelle  qu'elle  soil  :  \ 
j'apprens  que  le  grand  Mogol,  qui  se  dit  chef  des  Circoncis  \  qui 
est  mahometan,  >^  dont  le  langage  de  son  pa'is  (qui  est  entre  la 
Perse  et  la  Chine)  est  arabe,  permet  aussi  toutes  sortes  de  reli- 
gions. 

Les  Juifs  s'entremettent  fort  dans  le  commerce  &.  dans  les  fer- 
mes, prenant  ordinairement  à  ferme  ou  à  rente  les  droits  du  roy 
des  entrées  &  sorties,  à  cause  de  quoy  on  appelle  ce Mi\-là  rentiers': 
\  ainsi  il  fuil  en  effet  souvent  passer  par  leurs  mains, 

I .   Rentiers,  en  espagnol  :  reniera. 


720  i665 

Pour  ce  qui  est  d'Argile  &  de  La  Rache,  je  croy  que  ce  ne 
sont  que  rades  *S;  petits  ports  à  barques,  ou  havres  de  barre,  n'en 
ayant  pas  ouy  parler  autrement.  C'est  pourtant  là  où  l'armée  de 
Dom  Sebastien,  roy  de  Portugal,  fit  sa  descente.  Je  vous  ai  parlé 
de  la  bataille  des  Trois  Rois',  mais  jay  oublié  une  particularité  qui 
mérite  d'être  récitée.  C'est  que  le  roy  Dom  Sebastien  avoil  cons- 
tamment gagné  la  bataille",  les  deux  rois  de  Maroc  &  de  Fez  ayant 
fait  retraitte  &  en  quelque  confusion  :  mais,  par  malheur,  quelques 
Mores  restez  dans  l'armée  portugaise  ayant  entendu  crier  :  Mdia 
mefcha  (tue  mèche),  ils  furent  le  dire  aux  deux  rois,  qui  se  rallièrent 
et  revinrent  à  grands  cris  de  joye  donner  sur  les  pauvres  Portu- 
gais, qui,  dépourveus  de  mèches  allumées,  furent  entiei'ement  dé- 
faits. 

La  Mamorre  estoit  en  i6i5  ou  1616  à  tout  le  monde^  &  il  se 
refugioit  là  dedans  qui  vouloit,  &  c'estoit  principalement  le  nid  ou 
le  repaire  des  pirates,  dont  en  ce  temps  là  il  y  en  avoit  beaucoup, 
&  plus  de  Chrestiens  de  toutes  nations  que  de  Turcs.  De  quoy  le 
roy  d'Espagne  ayant  esté  adverty,  &  que  ses  sujets  en  recevoient 
de  l'incommodité,  il  envoya  une  armée  en  ce  temps-là  se  saisir  de 
ce  port,  dans  lequel  elle  trouva  plusieurs  pirates  chrestiens  ;  &  en 
suite  il  fut  fortifié  1^  gardé  par  le  roy  d'Espagne,  comme  il  est  à 
présent,  >k  est  un  très-bon  port. 

Le  roy  d'Espagne  ne  tire  pas  d'avantage  de  ce  port,  jjarce  que, 
quant  à  la  trailte,  ou  commerce,  Salé,  qui  est  tout  proche,  le  fait  ; 
&  quant  à  la  guerre  dans  le  pais,  il  n'y  a  rien  à  faire,  à  cause  du 
grand  nombre  de  Mores  &  d'Alarbes,  forts  en  cavalerie,  adroits  en 
rase  campagne,  &  hal^illes  en  embuscades.  Tout  l'avantage  qu'il  en 
tire,  c'est  quil  a  délivré  son  pais  &  ses  sujets  du  mal  qu'ils  en  re- 
cevoient, quand  les  pirates  chrétiens  s'y  retiroient. 

Les  Juifs  ne  possèdent  aucune  terre  en  propre,  mais  ils  ont  quel- 
ques jardinages  &  vignes  dans  leur  Juderie,  &:  font  quelque  vin  de 
raisin,  mais   très-peu,  ik  pas  assez   pour  leur  provision  :  en  sorte 

1.  L'aulcur  n'a  fait  précédemment  constantqiie  le  roy...  avait  gagné  la  bataille, 
qu'une  brève  allusion  à  cette  bataille.  V.  3.  Le  port  de  El-Mamora  fut  occupé  par 
p.  701  et  note  2.  les  Espagnols  on  ifii^.  V. /'''' SenV.  France, 

2.  C'est  que  le  roy...  avait  constamment  t.  Il,  Doc.  CXGVI,  p.  5(16,  et  l'ays-Bas. 
(jarjnë  la  bataille.  Entendez:  C'est  qu'il  est  l.  II.  Doc.  CXXXVI,  p.  334. 


RELATION    DE    THOMAS    LE    GENDRE  'y  2  1 

qu'ils  ont.  comme  les  Chrétiens  qui  vivent  en  ce  pays-là,  recours 
au  vin  de  passe.  On  appelle  passe  le  raisin  séché  au  soleil,  duquel 
on  met  environ  deu.v  cent  pesant  dans  une  barique  qu  on  emplit 
d'eau,  &  puis  on  le  laisse  bouillir  de  so\-mesmc,  &  au  bout  de 
cinq  ou  six  jours  que  cette  eau  &  ce  raisin  ont  bouillv  ensemble, 
on  le  tire  par  la  chantc-pleure,  &  c'est  du  vin  blanc  tSi  trouble,  & 
quoy  (jue  fait  d'eau,  ne  laisse  d'estre  très-fort  &  d'enyvrer  ceux 
qui  en  prennent  trop.  C'est  donc  de  ce  vin  de  passe  dont  nous 
hi'uvions  ordinairement. 

Les  Mores  mesme  n'ont  pas  de  possessions  ny  de  jardinages  au 
delà  de  la  portée  du  mousquet  des  murailles  de  leurs  villes,  parce 
qu  ils  n'en  jouyrolent  pas,  les  Alarbesdéroberoient  tout  de  nuit;  ce 
qui  est  cause  que  ces  gens-là  ne  cultivent  point,  &  ne  se  servent 
point  de  la  bonté  de  leur  pays.  Les  Alarbes  mesme  cultivent  peu,  à 
cause  qu'ils  sont  ambulans  sur  la  moindre  guerre  qu'on  leur  veut 
faire.  Ils  sont  seulement  curieux,  aux  environs  de  leurs  adouai's, 
de  faire  des  bleds  &  des  orges  dont  ils  emplissent  leurs  matamores'  ; 
ce  sont  des  puits  sans  eau,  très-profonds,  qu'ils  emplissent  de  grain, 
jusques  à  fleur  de  terre,  &  y  font  dessus  quel(|ues  remarques  pour 
retrouver  ces  magazins  profonds,  notamment  quand  ils  sont  con- 
traints de  se  retirer  en  (juelque  autre  contrée. 

Les  Mores  ne  font  point  de  vin  &  se  contentent  de  manger  leur 
raisin,  soit  verd,  soit  sec;  mais  les  Mores  les  moins  religieux  ne 
laissent,  à  la  dérobée,  de  boire  du  vin  «k  de  l'eau-de-vie,  chez  les 
esclaves  chrestiens  qui  en  vendent  &  chez  les  Juifs.  Mais  pour  ce 
qui  est  de  ces  boissons  de  caffé,  de  thé  &  de  cha",  on  ne  sçail  ce  que 
c'est  en  ce  pays-là,  ce  sont  des  boissons  (|ul  sont  en  usage  aux  Indes 
»^  au  Levant.  &  dont  l'usage  est  vemi  aussi  en  ce  païs  icy,  &  surtout 
en  Angleterre,  où  ce  cafle  a  beaucoup  de  débit,  parce  (|u'il  a  la 
vertu  d'empescher  de  dormir  ;  en  sorte  que,  quand  une  personne 
veut  passer  la  nuit  à  travailler,  il  n'a  (|ii'à  prendre  un  doigt  de  ce 
cafTi',  cclaluy  oste  l'envie  de  dormir;  iS:  (juant  au  thé  &  au  cha,  on 
dit  (piils  débrouillent  la  teste  à:  délassent  l'esprit,  quand  on  a  beau- 
coup estudié. 

I.   Matamores.  Sur  ce  mot,  V.  /'''  Série,  mol  cha  est  le  nom  du  thé  en  langue  portu- 

France,  t.  II,  p.  Sgi,  note  2.  gaise.  —  Le  café  et  le  thi  étaient  en  i665 

u.   De  thé  ^   de  cha.  Battologic,  car  le  d'importation  toute  récente  en  Europe. 
De  Casîries.  111.   —  /lO 


722  i665 


Ils  n'ont  point  du  tout  l'usage  du  verre,  &  ne  se  servent  point  de 
vitres  dans  la  Mauritanie,  &  je  n'en  ay  point  veu  où  j'ay  esté  ;  & 
j'apprens  de  ceux  qui  ont  esté  à  la  petite  ville  de  Salé,  appellée  Ra- 
val',  habitée  par  les  Morisques  chassez  d'Espagne,  qu'ils  ont  en 
leurs  baslimens  imité  ceux  d'Espagne,  mais  sans  vitres,  n'en  ayant 
aucunement. 

Ce  Raval  est.  comme  je  vous  ay  dit,  une  petite  ville  que  les  Mo- 
risques ont  bastie,  close  de  murailles  ;  mais  à  l'entour,  &  environ 
à  cent  pas  d'icelle,  il  y  a  une  autre  muraille,  ou  des  vestiges  dune 
autre  très-antique,  faisant  un  grand  circuit,  qui  est  un  témoignage 
qu'il  y  avoit  là  jadis  une  grandissime  ville,  sans  qu'on  puisse  sça- 
voir  quelle  ce  doit  estre"  :  c'est  un  débat  entre  les  sçavans  en  l'an- 
tiquité. 

La  Mauritanie  est  le  pays  du  monde  qui  produiroit  le  plus  d'huile 
d'olive,  s'il  estoit  cultivé  :  mais  je  vous  ay  dit  la  raison  pourquoy 
il  ne  l'est  point.  Ils  ne  font  de  l'huile  que  pour  leur  provision  ik 
n'ont  point  l'usage  de  faire  du  savon,  si  ce  n'est  quelque  peu  de  mé- 
chant savon  noir,  pour  blanchir  le  peu  de  linge  que  portent  les  plus 
aisez.  Cai-  pour  le  commun,  il  n'en  porte  point,  &  se  passe  d'avoir 
sur  leur  corps  un  juste-au-corps  d  une  estoffe  de  laine,  tk  par  des- 
sus cela  un  manteau  qu'ils  appellent  alhaique,  qui  est  une  longueur 
de  quatre  ou  cinq  aulnes  de  la  mesme  estoITe,  large  d'une  aulne  & 
demie,  qu  ils  entourent  autour  d'eux  fort  adroitement. 

Du  costé  de  SalTy.  Maroc,  Sainte-Croix  &  Therudent,  se  fait  fort 
peu  de  poudre,  quoy  qu'ils  ayent  du  salpestre  chez  eux  quils  ven- 
dent mal  rafïiné,  &  quoy  qu'on  leur  porte  du  souifre  :  mais  du  costé 
de  Salé,  les  Morisques  en  font  beaucoup,  &  néanmoins  les  Chres- 
tiens  ne  laissent  de  leur  en  porter  encore,  notamment  les  Anglois 
&  les  HoUandois,  &  des  escopettes  >k  pistolets. 

Quant  aux  habits  des  Mores,  les  aysez  portent  chemises  et  cal- 
leçons,  la  chemise  par  dessus  le  calleçon.  puis  un  juste-au-corps 
de  drap  du  Seau'  ou  d'Angleterre,  de  diverses  couleurs,  ou  d'écar- 

1.  Sur  ce  nom  donné  parfois  à  Salé-Ie-  3.  Drap  du  Seau,  pour  drap  d'Usseau, 
Neuf,  V.  supra,  p.  i()2,  note  4  e'  p-  334,  drap  fabriqué  à  Lsseau,  près  de  Carcas- 
note  3.  sonne.    Flretières.    On    écrit   à    tort    du 

2.  Allusion  à  l'enceinte  de  l'ancienne  sceau.  Littré,  art.  Usseau.  On  fabriquait 
ville  de  Rbat.  \  .  supra,  p.   i88,  note  5.  du  drap  façon  d'Usseau  à  Rouen,  à  Muns- 


HELATION    DE    THOMAS    LE    GENDRE  72.S 

late.  &  par  dessus  tout  cela,  pour  mantejui,  une  alliai(|iie  délolTc 
de  laine  blanche  et  frisée,  lesquelles  alhaiques  ils  lontdansle  pays. 
Mais  pour  les  draperies  6c  toiles,  il  les  achètent  des  Chresliens,  & 
il  n'y  a  que  ceux  de  la  maison  du  Roy  qui  portent  des  étoffes  de 
soye  et  très-p  eu,  &  leur  leste  ont  un  bonnet  rouge,  >k  autour  un 
turban  de  toille  de  cotton  fine,  aussi  une  ceinture  de  fine  toille  de 
cotton  sur  leur  just'au-corps,  lequel  ils  appellent  calTetan  '.  Ils  ont 
les  jambes  nues,  &  aux  pieds  des  escarpins  dans  des  mulles.  le 
tout  de  cuir  rouge  ■  ;  tS:  quand  ils  vont  à  cheval,  ils  ont  des  bottines 
aussi  de  cuir  rouge. 

Les  Juifs  sont  vestus  de  chemise,  calleçon.  just'au-corps  ou 
caffetan  noir,  ik  par  dessus  un  manteau  ou  albernous,  noir  ou 
brun,  fait  avec  un  capuchon,  comme  la  roijc  ou  le  froc  d'un  cor- 
delier,  sauf  qu'au  bout  du  capuchon,  &  en  bas,  il  v  a  des  cordil- 
lons  pendans.  Ils  ont  un  bonnet  noir,  iS:  des  escarpins  &  mulles  noires. 

Ils  n'ont  point  de  cottonniers  en  ce  pays-là,  au  contraire,  c'est 
une  marchandise  qu'on  leur  porte.  (|ue  des  collons. 

Ils  font  (|uelques  teintures,  mais  [)eu,  &  on  leur  porte  j)our  cela 
(lelallun.  du  tartre  \  quelque  cochenille:  mais  pour  de  l'indigo, 
ils  en  Iroiivi'iil  (juehpu-  peu  dans  leur  pays,  qu'ils   appellent   anil. 

La  monnoye  ipii  a  cours  en  Mauritanii;,  ce  sont  des  ducats  d'or, 
qu'ils  appellent  mctccal  ;  les  vieux  labriquez  sont  cxcellens,  mais 
les  nouveaux  sont  de  diverses  boutez,  parce  que,  comme  il  n'y  a 
point  de  luoimoye  en  litie  d'oflice,  chaque  co(jum  de  Juif  orfèvre 
fabri(pie  des  ducats  à  sa  mode,  tV  mesme  en  fait  effrontément  dans 
sa  boutique,  il  n  y  a  point  d'ordre  pour  cela  ;  tellement  cpi'il  y  a 
de  plusieurs  sortes  de  ducats,  &  chaque  sorte  vaut  son  piix.  l'our 
l'or  en  poudre  et  d Orfèvrerie,  il  vaiil  licnlc-lrois  Inres  six  sols 
huit  deniers  l'once  :  (k  s  il  y  en  a  de  bas  or,  ou  que  le  tibre  se 
trouve  meslé  de  latlon  ou  de  limaille,  on  le  rebute  A:  on  fait 
nouveau  prix  :  ainsi  il  faut  s'y  connoistre.  La  menue  monnoye  du 
pays  sont  des  blatupullrs  d  argenl,  de  deux   sols   six  deniers    pièce, 

1er.  etc.  Dictionnaire  unioersel  ilii  Commerce,  .^taures. 

17D9,  t    2,  art.  Drap.  2.   Détail   inexact,  car  la  mule  (belgha) 

I.   Le  bornous  qui  était  et  est  encore  peu  portée     par     les     hommes    est    de     cuir 

porté  au   Maroc   ne  figure   pas  dans  cette  jaune  ;  les  femmes  seules  portent  la  bclgha 

description    assez  exacte  du    costume  des  rouge. 


724 


i665 


&  des  felours  '  de  cuivre  cjui  sonl  comme  de  gros  douldes.  dont  les 
liuit  sont  la  blanquille.  Les  reailes"  de  liiiil.  de  quatre  \  de  deux 
y  ont  grand  cours,  comme  par  tout  le  mcjnde.  Mais  pour  l'or  & 
l'argent  de  France,  d  Angleterre  &  de  Hollande,  ik  mesnie  les  pis- 
tolles  d'Espagne,  n'y  ont  pas  de  cours,  parce  qu'ils  ne  les  connois- 
sent  pas  bien,  &  on  n'y  en  porte  jamais:  car  on  va  là  pour  en  tirer 
&  apporter  de  l'or  pour  des  marchandises  ;  (k  pourquoy  donc  y  en 
ajiporteroit-on? 

On  y  porte  toute  soites  de  marchandises,  comme  je  vous  ay  dit, 
notamment  toiles,  draperies.  Ter.  acier,  drogues,  teintures,  épice- 
ries &  merceries. 

Les  Juifs  sont  grands  trompeurs.  &  aussi  les  Morisques  :  mais 
les  naturels  mores  sont  meilleurs. 

Je  vis  monsieur  de  lîazillyen  iG23.' i5^:  jestois  un  de  ses  cautions* 
pour  le  relour  du  Perc  Rodolphe,  capucin  :  iSc  je  sc;a\  bien  qu  il  y 
fil  encore  un  voyage  en  28.  ou  29.',  mais  ce  ne  fui  pas  pour  mettre 
pied  à  terre;  il  navoit  garde,  veu  ce  qui  luy  estoit  arrivé  en  1G2/I. 
&  il  eust  été  mal  receu,  quoy  que  Mouley  Zidant  &  Mouley  Abde- 
melecq,  son  fds  aisné,  esloicnt  morts.  &  que  Mouley  el-Waly  (|ui 
regnoil^  estoit  assez  débonnaire.  Mais  il  y  fut  pour  faire  la  guerre 
aux  corsaires  de  Salé,  &  il  y  réussit  ;  car  il  prit  plusieuis  de  leurs 
navires  &  retira  plusieurs  esclaves  chrestiens\  &  entre  iceux  quel- 
ques-uns de  ses  gens  qui  étoient  demeurez  esclaves  en  i()23.%  soit 
par  échange  de  Mores  contre  Chrestiens,  ou  qu'il  imitast  les  Hol- 
landois,  lesquels,  quand  ils  font  la  guerre  à  ces  coquins-là.  s'ils  ne 


I.   Felours.  Felous^j- jlj . 

■.t.  En  marge  el  eu  note  :  »  c'est-à-tlire  les 
pièces  de  58.  s.,  do  ay.  s.  &  de  i^.  s.  6 
dcn.  » 

3.  C'est  en  iBa/i  cju'eul  lien  la  seconde 
mission  de  Razilly  au  Maroc.  \ .  supra. 
pp.  io5-i  1 1. 

/[.  Thomas  Le  Gendre  reviendra  un  peu 
plus  loin  (p.  784)  sur  l'histoire  de  ce  cau- 
tionnement qu'il  racontera  avec  plus  de 
détails. 

5.  V.  ci-dessus  (pp.  199-2O3)  les  Doc. 
relatifs  à  ce  troisième  voyage  rpii  fut  accom- 


pli en  1O29. 

6.  L'avènement  de  Moulav  el-Oualid  eut 
lieu  le  1 1  mars  i63i. 

7.  Une  convention  fut  signée  pour  le 
rachat  des  captifs  de  Salé,  mais  le  mauvais 
temps  contraignit  l'escadre  à  rentrer  en 
France,  sans  avoir  pu  les  embarquer.  Ils  ne 
furent  ramenés  qu'en  i63o.  V.  supra, 
pp.  297,  3io,  34o  et  433. 

8.  Ra2illy  n'alla  pas  à  Salé  en  i6a4, 
durant  son  voyage  au  Maroc;  d'autre  part, 
ceux  de  ses  compagnons  qui  demeurèrent 
esclaves  furent  tous  détenus  à  Merrakech. 
^'.  supra,  p.  i3o,  note  1. 


RELATION     DF,    THOMAS    LE    Oli.NDRE 


;3,) 


les  trouvciil  [)oiiil  en  liuincm  d  échanger  Clucsticns  contre  Mores, 
les  Ilollamlois  xoni  rendre  les  Mores  en  Espagne,  &  de  l'argent  en 
provenant,  ils  vont  racheter  leurs  HoUandois,  ce  qui  est  le  droit 
du  jeu.  car  de  cette  façon,  les  Mores  deinein-enl  esclaves,  &  les 
Chrestiens  sont  délivrez. 

Quant  au  voyage  de  i(i,'io..  jay  ciu  que  eetoit  monsieur  Clia- 
lard  ([ui  1  a  lait,  toutefois  il  peut  estrc  que  i^'a  esté  encore  depuis'. 
Quoi  ([u'il  en  soit,  il  alla  à  la  inesme  fin  pour  faire  la  guerre  aux 
Mores,  «k  tascher  de  retirer  les  (Jhrcsiiens  ;  mais  il  en  fut  diverty 
parce  qu  étant  à  la  rade  de  Sally,  il  y  tiouva  un  navire  anglois 
nommé  a  la  Perle  ».  dont  le  ea[)itame  ne  voulut  jamais  fane  hon- 
neur au  pavillon  royal,  quelque  semonce  >S;  quelque  menace  que 
luy  fit  le  sieur  Du  Clialard,  qui  enfin  se  trouva  obligé  de  le  com- 
battre &  de  le  prendre  :  car.  après  que  le  capitaine  anglois  eut  esté 
tué  au  comhal.  son  fils  lit  melire  \c  pavdlmi  l)lane,  \  demanda 
quartier,  qui  luy  fut  donné,  <S;  le  navire  amené  en  France  ;  mais 
les  Anglois  en  ont  tellement  poursuivy  la  restitution,  qu'elle  leur 
fut  accordée". 

Cest  en  ce  port  là,  ou  rade  de  Safly,  que  le  roy  Mouley  Zidant 
conila  ses  menhles  A:  sa  bihlioteque  à  ce  Provençal,  qui  s'appel- 
loit.  si  bien  m'en  souvient,  patron  Charles';  toutefois  je  nen  suis 
pas  certain,  mais  je  pourray  écrire  à  Marseille'  pour  I(î  sçavoir.  Ce 
que  je  sçay,  c'est  que  Mouley  Zidant  en  fut  tellement  indigné  qu'il 
en  mist  à  la  chaisnc  tous  les  François  qui  se  rencontrèrent  dans  son 
pays.  A:  le  négoce  avec  les  François  en  demeura  deux  ans  inter- 
rompu'. Mais  enfin,  cet  alcaidc  llamar",  dont  il  est  parlé,  écrivit  à 


I .  P.  Du  Chalaril  prit  part  à  l'expédi- 
tion de  itj.3o  (V.  xupra.  pp.  282-3.Î7  les 
Doc.  relatifs  à  cette  espédition),  mais  sous 
les  ordres  de  Razilly.  Celle  que  commanda 
Du  Clialard  et  à  laquelle  Le  Gendre  fait 
allusion  eut  lieu  en  it').3.î  (V.  supra,  pp.  f|8f')- 
.TI.3).  Il  est  inexact  que  le  combat  contre  le 
navire  anglais  «  la  Perle  »  ait  empêché  Du 
Clialard  de  retirer  les  esclaves.  Sur  ce  com- 
bat, V.  supra,  Doc.  LXXXVII,  pp.  5i()- 
5i8. 

a.  Sur  la  restitution  aux  Vnglais  du 
navire  «  la  Perle  »,  \  .  supra,  p.  522,  note  i . 


,3.  Le  Provençal  dont  veut  parler  Le 
Gendre  était  le  capitaine  Castelane.  V. 
sur  cette  affaire  /''''  Série,  i'"rance,  t.  II. 
p.  "1/1 1.  Sommaire.  Le  Gendre  expose 
lui-même  un  peu  plus  loin  les  faits 
(p.  73,3). 

4.  V.  supra,  p.  713,  note  3. 

5.  L'affaire Castclancélantdc  1612,  c'est 
donc  de  1  f")  1 2  à  i  fi  1 4  que  les  relations  com- 
merciales de  la  France  avec  le  Maroc  furent 
interrompues. 

fi.  Sur  ce  caïd,  V.  supra,  j).  708,  note  i 
et  p.  i55. 


726  i665 

Rouen  au  sieur  Paul  Le  Bel',  qu'il  appelloit  Tar/er  Panh.  marchand 
Paul,  quil  eust  à  revenir  traittcr.  &  que  la  colère  du  Roy  estoit 
appaisée.  Ce  qu'il  fit. 

J'ay  obmis  au  chapitre  des  lions  une  histoire  que  ma  faite  Ta- 
ger  Paulo,  mon  intime  amy.  &  en  la  place  duquel  je  demcuray  en 
cepaïs-là,  quand  il  fit  retraite.  C'est  qu'environ  l'année  i6i5,  tout 
Maroc  sortit  par  la  porte  dite  du  Camis  '.  pour  aller  voir  dans  une 
grande  touffe  de  canes  ou  roseaux,  qui  en  est  proche,  un  lion  iS; 
un  sanglier,  tous  deux  effroyables,  qui  estoicnl  morts  l'un  auprès 
de  l'autre,  le  lion  tout  détaillé  des  dents  &  deffenses  du  sanglier.  & 
le  sanglier  tout  déchiré  des  griffes  et  des  dénis  du  lion,  s'eslans 
battus  toute  la  nuit  dans  cette  grande  touffe  de  rozeaux,  qui  en  es- 
toit  toute  abatue  &  renversée  ;  ce  que  tous  les  Chrétiens,  Mores  & 
Juifs  furent  voir,  les  sangliers  en  ce  païs-là  estant  très-furieux,  no- 
tamment au  mois  de  mars  qu'ils  sont  en  rut. 

J'ay  oublié  an  chapitre  du  désert  ou  de  la  mer  de  sable,  qu'elle 
est  agitée  de  grand  vent  ;  car  non  seulement  elle  poudre  beaucoup, 
mais  aussi  il  s'y  lait  de  hauts  muions  de  sable,  qui  après,  par  un 
autre  vent  contraire,  sont  aplanis. 

La  ville  de  Maroc  '  est  pour  le  moins  aussi  giande  que  Paris,  n'y 
com2:)renant  point  les  faux-bourgs:  mais  elle  est  fort  vaste  '.  y  ayant 
bien  des  places  vuides.  Elle  est  scituée  en  une  plaine  à  sept  ou  huit 
lieues  en  deçà  des  montagnes  qu'on  appelle  d'Atlas,  desquelles, 
quand  on  est  dans  Maroc,  on  croit  estre  fort  proche,  parce  qu'elles 
se  voyent  aisément,  &  leurs  cimes  sont  couvertes  déneige  en  quel- 
que saison  que  ce  soit  :  cependant  il  y  a  du  moins  sept  ou  huit 
lieues  du  pied  de  ces  montagnes  jusques  à  Maroc.  De  ces  monta- 
gnes descendent  plusieurs  petites  rivières  de  belle  &  bonne  eau, 
qui  viennent  premièrement  arroser  un  jardin  qu'on  appelle  le  pe- 
tit Meserra,  >k  y  font  un  grand  eslang  parfaitement  beau,  qui  a 

I.   Ce  commerçant  français  avait  résidé  et  y  resta  jusqu'en  i6i8. 
autrefois  au  Maroc.  Il  signa  le  7  juillet  1 60g  2.   Lu  porte  dite  du  Camis.  ïiah  c\-Khv- 

une   attestation  en  faveur  de  P.    M.  Coy.  mis. 

agent  dos  Provinces-Unies   au   Maroc   (V.  3.  Pour  cette  description  dc.Mrrrakech. 

/      Série,  Pays-Bas,  t.   I.  p.  o^S).  D'après  Le  Gendre  s'est  visiblement  inspiré  de  la 

ce  qui  est  dit  ici,  il  dut  quitter  le   Maroc  relation   de  Jean   Mocquet.   Cf.   /"  Série. 

vers  juin  1612,  date  de  la  capture  de  Cas-  l'rance,  t.  II,  pp.  397-609. 
telane  par  les  Espagnols;  il  vreviulcn  ilii4  4-   Fyr(  uas^c.  avccle  sensde  :  fort  déserte. 


RELATION    DE    THOMAS    LE    GENDRE  -7'] 

bien  mille  pas  en  quarré.  Cet  eau  passe  après  dans  un  grandis- 
sime jardin,  qu'on  appelle  El-\Ieserra  ' ,  lequel  esl  plein  de  rangées 
d'orangers,  de  citroniers.  palmiers  ou  dattiers,  oliviers,  aman- 
diers, figuiers  «S:  grenadiers,  entremêlez  d'arbrisseaux  de  jasmin  & 
autres  fleurs  odorilcranlcs. 

De  ces  deux  jardins  qui  sont  publics  &  communs,  cet  eau  passe 
dans  la  belle  maison  du  Roy,  laquelle  on  appelle  El  Bedeh",  où 
l'on  dit  ^^car  je  n'y  ay  pas  entré)  qu'elle  fait  quatre  estangs,  au  bas 
desquels  il  y  a  quatre  jardins,  dont  le  haut  des  arbres  vient  à 
fleur  iSc  à  1  uny  des  estangs  ;  en  sorte  que  les  jardins  sont  en  bas 
&  les  estangs  en  haut,  &  fort  bien  compassez,  y  ayant  un  jardin 
entre  deux  estangs,  &  un  estang  entre  deux  jardins.  Les  rois  de 
Maroc  donnent  ordinairement  leurs  audianccs  sous  le  grand  portail 
de  cette  maison  ;  tk  ainsi,  c'est  aller  à  la  Porte',  aussi  bien  qu'à 
Constantinople.  Mais  quelquefois  il  y  a  eu  des  rois,  lesquels,  après 
avoir  fait  retirer  les  femmes  dans  un  serrail,  par  le  soin  de  la  dame 
leur  gouvernante,  qui  s'appelle  LarilTe  Ramona',  ont  donné  au- 
dience dans  leur  maison  à  quelques  ambassadeurs,  mais  bien  rare- 
ment ;    »k  ils  ont  donné   cette   audience   dans   une  longue  salle 


1.  Sur  El-Mescrra,  V.  supra,  p.  Ii3, 
noie  I . 

2.  Sur  le  palais  de  El  Beili.  \  .  El- 
OuFRÀxi,  ch.  XL,  p.   179. 

3.  L'expression  «  Sublime  Porte  »  ,  avec 
son  double  sens  symbolique  et  réel,  devait 
plaire  à  la  cbancellerie  marocaine  ;  elle  fut 
employée  quelquefois  pour  (iésigner  la  cour 
chérifienne.   Moulay    Ismaïi   écrit  au   caïd 

Hadji  Merin  :   •  ■   ■  j\s^\  j,j^^  '>^^ 

Ai)l  *Ati\  lilj;'     U-  b^JJ    "    No"s   vous 

faisons  savoir  que  les  commerçants  chré- 
tiens... se  sont  rendus  à  notre  Sublime 
Porte  (mot  à  mot  ;  à  notre  Porte  élevée  en 
Dieu).  »  V.  2'  Série,  France,  t.  I,  à  la  date 
du  9  novembre  1706. 

4.  I.arijje  Ramena,  la  narifa  Ramena, 
l'inspectrice  Uamena.  La  aarifa  est  une 
matrone  ayant  la  direction  du  liarem  impé- 
rial ;  elle  accompagne  le  harem  volant  ou 


petit  liarcm  ,;ViUaII  JUl  qiii  suit  le  sultan 

dans  tous  ses  déplacements.  Elle  a  à  com- 
mander tout  un  personnel  féminin,  les  eu- 
nuques étant  une  exception  dans  le  sérail 
marocain.  La  aarifa  introduit  chaque  soir, 
après  l'avoir  parée,  la  femme  désignée  pour 
partager  la  couche  du  souverain  ;  cotte  der- 
nière réintègre  après  la  nuit  le  harem  loin 
des  yeux  et  plus  encore  du  cœur  du  sultan, 
et  la  aarifa  lui  fait  déposer  les  bijoux  qu'on 
lui  avait  doiniés  pour  la  circonstance.  Cepen- 
dant l'importante  matrone  a  noté  soigneuse- 
ment .sur  un  registre  ad  hoc  appelé  kounnech 

IJo  ,  le  nom  de  la  favorite  et  la  date  de  la 

nuit  où  elle  a  ri'çu  les  faveurs  du  sultnn,  ce 
qui  permet  d'établir  la  filiation  chérifienne 
et  est  une  garantie  contre  les  aventures 
auxquelles  n'échappe  pas  le  gvnécée  impé- 
rial. —  Le  mot  Uamena,  qui  doit  être  mal 
transcrit,  est  peut-être  un  nom  propre. 


728  i665 

voûtée,  dont  la  voûte  &  les  parois  sont  de  fin  or.  à  l'épaisseur  d'un 
ducat,  outre  laquelle  il  y  a  encore  tout  plein  de  beaux  corps  de 
logis,  à  ce  que  nous  contoient  les  eunuques,  gardiens  de  cette 
maison,  &  les  femmes  juifves  qui  y  entroient  pour  porter  des 
provisions. 

Joignant  cette  maison,  il  y  en  a  encore  une  autre  qu'on  appelle 
le  Michouar,  où  demeurent  les  elches  ou  renégats  qui  accom- 
pagnent le  Roy  quand  il  sort'.  Il  y  a  aussi  une  autre  maison  qu'on 
appelle  Dar  lachor',  c'est-à-dire  :  Maison  de  la  disme  ;  c'est  une 
maison  où  les  marchands  chrestiens  étoient  obligez  de  faire  porter 
toutes  leurs  marchandises  arrivantes  ;  &  puis  le  Lumina  Sultan^, 
ou  Trésorier  du  Roy,  alloit  prendre  le  droit  lelielel  ',  c'est-à-dire 
le  droit  légitime,  de  dix  ballots  égaux  un,  &  ainsi  du  reste.  Il  y 
a  encore  d'autres  maisons  joignantes  où  demeurent  les  alcaides, 
eunuques  &  autres  officiers,  &  mesme  un  jardin  commun,  dans 
lequel  il  y  a  une  fosse  à  lions'  ;  &  tout  cela  dans  un  grand  enclos  de 
murailles,  lequel  enclos  on  appelle  Alcaseba,  c'est  comme  à  Paris 
le  Louvre. 

Joignant  cet  enclos,  il  y  a  une  grande  mosquée  longue  de  cent 
pas,  &  sur  celte  mosquée  une  tour  quarrée.  de  laquelle  sort  par 
haut  une  grosse  verge  de  fer,  dans  laquelle  sont  passées  trois  pom- 
mes d'or,  la  première  fort  grosse,  celle  de  dessus  momdre,  &:  celle 
de  dessus  encore  moindre  \  Lesquelles  pommes  d'or,  notamment 
la  plus  grosse,  qui  est  celle  de  dessous,  sont  bossues  de  plusieurs 
coups  de  mousquet  qu'on  leur  a  tirez,  &  mesme  en  plusieurs  en- 
droits percées  à  jour:  car  elles  ne  sont  pas  massives,  mais  seule- 
ment de  l'épaisseur  du  doigt.  De  quoy  m  estant  estonné  &  ayant 
demandé  à  de  vieux  Mores  d'où  venoient  ces  coups  de  mousquet, 
me  firent  réponse  que  c'cstoit  les  soldats  de  Aacob  el-Mansor',  lors- 

1.  On  les  appelait   «  mecliaoïiris  ».  V.         rie,  France,  t.  II,  pp.  .'ioô-4o6. 

supra,  p.  ^65,  note  1.  li     Sur  cet   ornement   composé  de  trois 

2.  Dar  lachor.  dar  el-achour  J^lxll  jb        PO">na«s  superposées,  V.  fc  Série,  France, 

9,01,  1      •  u  t.  II,  p.  4o8,  note  I. 

0.   Lumina  aultan  pour  :  .\min  es-soltan.  ?  r    -^      ' 

-.    Yacob    el-Mansor.    Il    faut    rétablir  : 

4.  Lehelel,  el-hallal  J>Ai-l,  ce  qui  est  .Moulav  .\bdallah  bon  ech-Cbeikh.  On  se 
licite.  rappelle  que  ce  prince  mécontenta  les  habi- 

5.  V.  la  description  de  cette  «  fosse  à  tants  do  Merrakech  par  ses  excès,  quand  il 
lions  »  dans  la  relation  de  Mocquet,  /'''  .Se-        entra  victorieux  dans  cette  ville  en  déccm- 


BELATins     DE     THOMAS     LE     CENDRE 


rprils  prirent  la  ville,  qui  les  avoienl  ainsi  canardées.  Mais  ayant 
répliqué:  «  D'où  vient  qu'ils  ne  les  ont  pas  enlevées?»  —  «  O 
qu'ils  n'avoient  irarde  de  le  faire!  me  repartit-on.  car  elles  sont  sa- 
crées. »  Au  bout  de  cette  mosquée,  il  y  a  une  salle  en  forme  de 
chapelle,  qui  est  la  sépulture  des  rois  de  Maroc,  où  les  Chrestiens 
entroient  librement  accompagnez  du  concierge,  où  j'ay  vcu  plu- 
sieurs monuinenls  eslevez  de  deux  ou  trois  pieds  seulement  ;  & 
cette  salle  est  en  voûte,  &  la  voûte  et  les  parois  concavées  à  la  mo- 
saïque, 6:  ces  fosses  ou  concavitez  dorées  de  fin  or  à  l'épaisseur 
d'un  ducat.  A  cinq  cens  pas  de  ce  lieu,  il  y  a  un  grand  enclos  de 
hautes  murailles,  aussi  grand  que  Magny  ',  lequel  enclos  est  la  Ju- 
derie,  les  Juifs  y  estans  en  assez  bon  nombre,  avec  sinagogue  & 
bien  logez,  &  celte  Juderie  n'a  qu'une  porte  qui  ferme  le  soir  & 
ouvre  le  inalm  par  le  soin  de  ccluy  qui  en  a  la  charge. 

A  cinc[uante  pas  de  la  Juderie,  il  y  a  une  grande  maison,  ou  pour 
mieux  dire,  prison,  qu'on  appelle  segena  qui  est  la  maison  des 
pauvres  captifs  chi'esliens,  d'où  on  les  sort  le  matin  pour  aller  au 
travail,  &  où  on  les  renferme  le  soir. 

A  mille  pas  de  là,  il  y  a  un  grand  enclos  de  maison,  qu'on  ap- 
pelle la  Douane  :  c'est  la  demeure  des  marchands  chrestiens,  en 
laquelle  chaque  nation  avoit  son  appartement,  (juand  il  yen  avoit, 
&  cette  maison  estoit  aussi  sujette  à  estre  fermée  le  soir  &  ouverte 
le  malin  parle  soin  du  portier  à  ce  commis. 

Il  y  a  encore  vers  ce  (juarticr-là  une  grande  moscpiéc'  qui  a  une 
fort  grosse  tour,  que  l'on  dit  estre  semblable  à  une  qui  est  à  Se- 
ville,  en  Espagne,  &  bastie  par  un  mesme  architecte.  Je  n'y  ay  pas 
entré,  mais  on  m'a  asseuré  que  quatre  cavaliers  de  front  peuvent 
monter  jusques  au  haut,  iS:  que  mesme  un  carosse  le  pourroit  faire. 

Proche  de  là,  est  un  grand  enclos  où  est  la  prison  des  Mores; 
&  proche  de  là,  plusieurs  petites  prisons  où  on  metloit  les  mar- 
chands chrestiens  &  juifs,  quand  ils  l'avoient  mérité. 

Dans  toute  celte  grande  ville,  il  n'y  a  pourlanl  cpie  deux  juges. 


l)rc  iCio".  V.  /'■<•  Série.  Pavs-Has,  l.  I,  Doc.  ces  deux  villes. 

LVIII,  pp.  2  1 1-2 12.  3-  Ij»  Keloubia.  C'est cctlc  même  raos- 

I.   Magny,  petite  ville  <lu  \ixin,  sur  la  i|uée  qu'a  déjà  décrite  Le  Gendre  quelques 

roule  de  Paris  à  Houeii  et  à  mi-di»lancc  de  lignes  plus  liant. 


•jSo  1  fifin 

un  cady.  qui  est  le  juge  civil,  &  un  hacquim'.  qui  est  le  juge  crimi- 
nel. Ce  cady  se  sied  sous  la  porte  de  sa  maison,  ou  dans  sa  cour, 
où  il  donne  audience  aux  plaidans  par  leur  bouche,  lesquels  il  juge 
aussitost  :  et  pour  l'exécution  de  sa  sentence  verbale,  car  il  n'y  a 
point  de  greffier,  il  a  autour  de  lui  des  citairis",  qui  sont  des  espè- 
ces de  sergens,  qui  vont  faire  exécuter  l'ordonnance,  ou  mettre  en 
prison  le  condamné.  Et  parce  qu'on  pourroit  s'estonner  de  ce  qu  une 
personne  fait  aysement  cheminer  sa  partie  devant  le  cady,  sans 
aucun  exploit  d'assignation,  il  faut  sçavoir  que  quand  une  personne 
a  crié  à  sa  partie  par  la  rue  :  «  Agy  fel  chera,  (Venez  en  justice)  », 
il  faut  que  sa  partie  y  courre  ;  autrement  il  courroit  risque  d  estre 
lapidé  par  le  peuple,  qui  ne  trouve  rien  de  plus  raisonnable  que 
daller  en  justice. 

Quant  au  hacquim,  ou  juge  criminel,  il  a  devant  sa  maison  une 
grande  place,  où  il  y  a  des  ganches^  plantées.  Ce  sont  des  pieux,  au 
haut  desquels  il  y  a  des  ganclies,  ou  grands  crocs  dacier,  sur  les- 
quels on  jette  les  condamnez  à  ce  supplice.  On  prend  un  homme 
par  les  pieds  *S:  par  les  épaules,  »k  on  le  jette  sur  un  de  ces  crocs,  >k 
par  quelque  endroit  qu'il  soit  attrapé,  on  le  laisse  là  jusques  à  ce 
qu  il  meure;  tellement  que  c'est  le  meilleur  pour  luy  destre  pris 
par  l'endroit  le  plus  mortel.  Ce  hacquim  a  aussi  devant  sa  maison, 
en  des  râteliers,  des  sabres  pour  couper  les  testes,  >S:  des  bastons 
pour  bâtonner  les  moins  criminels:  6i  comme  ce  hacquim  a  ordi- 
nairement beaucoup  de  pratique  &  que  la  ville  est  grande,  il  a  un 
lieutenant  qui  est  dans  un  pavillon  vers  l'al-Caseba,  qui  travaille  de 
son  costé. 

Cette  ville  de  Maroc  est,  comme  j'ay  dit,  fort  grande,  mais  les 
rues  &  les  façades  des  maisons  ne  sont  gueres  plus  belles  que  celles 
de  nos  villages  ;  il  ne  laisse  pas  pourtant  d'y  avoir  de  (ort  belles 
maisons  en  dedans,  néanmoins  la  pluspart  n'ont  qu'un  ou  deux 
étages  tout  au  plus.  Les  rues  ne  sont  point  pavées,  tellement  qu'el- 
les sont  boueuses  en  hvver,  quand  il  pleut,  ou  poudreuses  en  esté. 
Car  durant  1  esté,  c'est-à-dire  depuis  avril  jusqu  en  octobre,  il  n'y 

1.  Hacijiiim.  Cf.  I'''  Série.  France,  t.  II,  p.  4oi.  note  6),  a  été  également  défiguré 
la  relation  de  Mocquel,  p.  4oi.  par  Le  Gendre. 

2.  Citairis.  Ce  mot,  déjà  mal  transcrit  3.  Ganches.  de  l'espagnol  yanclto.  croc 
par  Mocquet  (V.    i''  Série,    France,    l,  H.  de  fer. 


RELATION     DK    THO^I  AS     I.K     r.F.NDRE  ".'^T 

a  point  de  pluyes,  mais  grand  cliaud  le  jour,  &  grande  rosée  la 
nuit. 

Les  ^[ores  sont  fort  jaloux,  ne  siinaginant  pas  qu'il  puisse  y 
avoir  une  femme  de  bien,  à  cause  de  quoy  ils  ne  vont  point  dans 
les  maisons  les  uns  des  autres  que  le  maistro  de  la  maison  n'y  soit 
et  qu'il  n'aye  fait  retirer  ses  femmes. 

Nous  avons  laissé  les  eaux  des  montagnes  dans  la  maison  du  Roy 
appelée  Bedeli  ;  de  là  ces  eaux  viennent  arroser  «k  fournir  la  ville 
en  plusieurs  endroits,  puis  sortent  entre  les  deux  portes  appellées 
du  Garnis  «Se  de  Duquclla,  là  oii  elles  se  irjoigiieni  \  font  une  ri- 
vière, mais  gueable,  (jiii  s'en  va  du  costé  d'occident  clicrclier  la  mer 
entre  Mongador  «S:  Sally  :  et  celte  riviere-là  s'appelle  Tansif. 

Avant  que  nous  sortions  de  Maroc,  il  n'y  a  pas  de  mal  de  faire 
récit  de  quelques  actions  de  Mouley  Zidant,  (jiii  en  estoit  roy  lors 
que  j'estois  en  ce  païs-là. 

11  y  eut  un  jour  de  dimanclic  grande!  (juerelle  dans  la  Segena 
entre  les  esclaves  françois,  parmy  lesquels  il  y  avoit  nombre  de 
Provençaux  et  de  Rochelois.  (leux-là  faisoient  leurs  dévotions  en 
un  bout  de  la  Segena,  où  ils  avoient  une  chapelle,  *S:  mesme  quel- 
ques prestres  aussi  esclaves  qui  disoient  la  messe  :  &  ceux-cy  es- 
toient  à  l'autre  bout  à  faire  letns  dévotions  dans  leurs  chambrettes. 
Les  Provençaux  mutins  eslans  venus  troubler  les  llochelois  chauds 
iS;  bouillans,  ils  se  gourmercnt  si  bien,  cpie  l'alcaide  de  la  Segena  se 
trouva  obligé  d'en  avertir  Mouley  Zident,  qui  conunanda  cpion  luy 
amenas!  deux  de  chaque  costé,  ce  qui  fut  fait  ;  tk  aussitosl  les 
marchands  françois  y  coururent,  pour  intercéder  chacun  pour  son 
party.  Mais  apiès  que  le  Roy  eut  entendu  les  parties,  &  qu'ils  s'es- 
toient  querellez  sur  le  fait  de  la  religion,  il  leur  fit  bailler  à  chacun 
cinq  cens  coups  de  baston  sur  les  fesses,  et  leur  fit  défenses  de  se 
plus  quereller,  sur  peine  de  la  vie,  voulant  que  chacun  exerçasl  sa 
religion,  puisqu'il  en  donnoil  la  permission. 

En  l'année  1622.  vint  à  Maroc  un  ambassadeur  de  Messieurs  les 
Estais',  un  escuyer  du  prince  d'Orange,  &  un  disciple  de  Harpi- 
nius',  professeur  es  langues  orientales  &  étrangères  à  Leyden,  tous 


I.  Sur  la  mission  de  .\lbert  Ru vl,  V.  z''  2.  Jlarpinius.  Tliomas  d'Erpo,  dit  Erpe- 

Séric,  l'avs-Bas.  l.  III  à  l'auiKe  i(ia2.  nius,  orienlalisU^   liollaiiilais  (i58i-i62i). 


732  i665 

deux  avec  des  presens  qui  furenl  bien  agréables  au  roi  Mouley  Zi- 
dant,  mais  principalement  celuy  d'IIarpinius,  qui  estoit  un  atlas 
&  un  Nouveau  Testament  en  arabe;  &  il  nous  fut  rapporté  par  les 
eunuques  que  le  Roy  ne  cessoit  de  lire  dans  le  Nouveau  Testa- 
ment. Or  comme  l'Ambassadeur  s'ennuyoit  de  ce  qu'on  ne  luy  don- 
noit  point  son  expédition,  il  fut  conseillé  de  présenter  au  Roy  une 
peticion  ou  requesle,  laquelle  fut  faite  par  ce  disciple  dllarpinius, 
nommé  Golius,  en  écriture  &  langue  arabesque,  &  en  stile  chres- 
tien.  Ce  roy  demeura  estonné  de  la  bcanté  de  cette  requesle,  tant 
pour  l'écriture,  pour  le  langage  que  pour  le  stile  extraordinaire  en 
ce  païs-là.  11  manda  aussitost  ses  talips  ou  écrivains,  leur  montra 
cette  requesle  qu'ils  admirèrent.  Il  fit  venir  l'Ambassadeur,  auquel 
il  demanda  qui  l'avoit  faite.  Il  luy  répondit  que  c'éloit  Golius,  dis- 
ciple et  envoyé  dllarpinius.  Le  Roy  le  voulut  voir,  luy  parla  en 
arabe.  Ce  disciple  répondit  en  espagnol  qu'il  entendoit  fort  bien 
tout  ce  que  Sa  Majesté  luy  disoit,  mais  qu'il  ne  pouvoit  luy  répon- 
dre en  la  mcsme  langue,  parce  que  la  gorge  ne  luy  aidoit  point 
(car  il  faut  autant  parler  de  la  gorge  que  de  la  langue)  ;  ce  que  le 
Roy,  qui  entendoit  bien  l'espagnol,  trouva  fort  bon;  &  accordant 
les  fins  de  la  requesle,  fil  donner  à  l'Ambassadeur  les  expéditions 
pour  son  retour.  El  aujourd'huy,  ce  Golius  esl  à  Leyden.  profes- 
seur es  langues  orientales  &;  étrangères,  au  lieu  &  place  dlFarpi- 
nius,  qui  est  morl. 

Peu  de  temps  après  arriva  en  la  rade  de  SalTy,  sçavoir  en  i(i23', 
monsieur  le  chevalier  de  Razilly,  avec  trois  vaisseaux  du  Roy,  fai- 
sant sçavoir  qu'il  venoit  de  la  part  de  Sa  Majesté  en  qualité  d'am- 
bassadeur. Mouley  Zidant  luy  envoya  un  nommé  Cidy  Fers  luy 
presenicr  une  lettre  de  sa  part,  &  luy  dire  qu'il  estoit  bien  venu,  & 
qu'il  pouvoit  descendre  à  terre,  luy  vingt-cinquième,  en  toute  asscu- 
rance.  Le  sieur  de  Razilly  le  croyant  &  que  la  lettre  qu  il  ne  pou- 
voit lire,  par  ce  qu'elle  estoit  en  arabe,  cliantoit  la  mesme  cbose, 
descendit  à  terre  à  Saffy.  non  avec  vingt-cinq  persomies,  mais  avec 
quarante  ou  cinquante  gentilshommes,  trois  capucins,  Ironipeltes. 


Le  disciple  d'Krpenius  dont  i!  csl  parlé  Ici  i.    Dnte  crrontM?  (pour  i6j^)  di'-jii  don- 

est  Jacob  van  Gool  dit  Golius(i396-i667).         née  plus  haut  par  l'auteur.  Pour  tous  les  dé- 
Sur  le  séjour  de  Golius  au  Maroc,  cf.  Ibiilem.         tails  qui  suivent,  cf.  Doc.  W,  pp.  lotj-i  lo. 


RELATION    DE    THOMAS    LK    r.ENDRE  "^33 

violons  &  autre  suite.  Mais  deux  jours  après  le  Ro\  les  fit  tous 
arrester  &  mettre  à  la  chaisne,  hormis  le  sieur  de  Razilly  &  les  trois 
Pères  capucins,  nommez  Pierre  d'AIençnn.  Michel  de  Vezins  >S: 
Rodolphe,  iS;  manda  le  sieur  de  RazilK  de  le  venir  Ironvcr  à  son 
almahala  ou  armée,  en  laquelle  il  estoit,  sur  le  chemin  de  Maroc  à 
SallV.  Le  sieur  de  Razillv  v  fui.  à:  se  |)liii:;iiaiit  de  ce  que  hiy  \ 
son  monde  aAoit  esté  arresté,  contre  l'asseurance  que  Sa  Majesté 
luy  avoit  envoyée  par  Cidy  Fers,  &  par  la  lettre  qu  il  luy  avoit 
apportée  de  sa  part,  Mouley  Zidant  luy  fit  réponse  qu'il  n'avoit 
qu'à  lire  ses  lettres,  ^:  ipiil  n'y  trouveroil  [)as  telle  asseurance,  & 
que  si  Cidy  Fers  luy  avoit  parlé  en  ces  termes,  qu  il  le  desavouoit  ; 
qu'au  fonds  il  vouloit  ravoir  ses  meuhles,  \:  princi})alement  sa  hi- 
hlioteque,  qu  il  avoit  confiée  à  un  capitaine  de  navire,  provcnc^-al, 
il  y  avoit  sejil  ou  huit  ans  '  ;  lequel  Provençal,  au  lieu  de  la  délivrer 
fideliement  au  port  d  Agader  ou  d(;  Sainte-Croix,  où  il  l'envoyolt. 
lors(|u  il  fut  luy-mesme  ohligé  de  s'y  retirei-,  ce  Provençal,  au  lieu 
de  décharger  &  délivrer  ces  meuhles  et  hihiioleque  au  lieu  de 
Sainte-Croix,  avoit  mis  à  la  vnllc^  pour  \eiiir  en  France  ;  mais 
qu  ayant  esté  rencontré  ik  pris  [)ar  Dom  .liuui  Faxanlo,  comman- 
dant un  gallinn  d'Espagne,  ses  meuhles  avoicnl  esté  en\oyezà  Ma- 
drid, \  la  jjiblioteque  à  l'Escurial,  laquelle  il  souiiailloit  grande- 
ment de  ravoir,  y  ayant  en  icelle  des  manuscrits  de  samt  Augustin, 
qu'ils  ap[)elleiit  Cidy  Belahech,  cpi'ils  prcicudciil  cslre  mori  vers 
.Maroc.  >!^;  que  c'est  sa  sépulture  qui  est  à  (jomet,  entre  les  mon- 
tagnes d'Atlas  >k  Maroc  ",  lesquels  manuscrits  il  estimoit  plus  que 
tous  ses  meuhles,  quelque  précieux  qu'ils  fussent,  souhaitant  que  le 
sieur  de  Razilly  retournast  en  France  pour  ohliger  le  Roy  son  mais- 
tre  de  faire  en  sorte  que  le  roy  d'Espagne  rendist  la  bihlioleque. 

Le  sieur  de  Razilly  promit  d'y  faire  ce  qu'il  pourroil  :  mais  ipi'il 
estoit  nécessaire,  afin  qu'on  adjoutât  foy  à  ce  qu'il  diroit,  qu'il  plut 
au  Rov  luy  redonner  les  Pères  capucins,  ou  quehpi'ini  d'eux,  pour 
venir'  avec  luy.  Mouley  Zidant  luy  dit  qu'il  luy  en  hailleroit  un, 
pourNCuque  les  marchands  françois  de  Sall'y  demeurassent  caution 
qu'il  rcvieiidroit  dans  six  mois.  Puis  il  luy  demanda  lequel  des  ca- 


I.   V.  ci-dessus,  p.  725  et  note  3.  Aiiyustin  avec   Sidi-tiel-Abbrs,   V.   supra. 

1.    Sur  cette  légende,  qui  confond  Saint         \>.   ■x\'.\.  note  l\. 


']3^  i665 

pucins  il  pretendoit  avoir.  Le  sieur  de  Razilly  lny  demanda  le  Père 
Pierre  d'Aleiiçoii,  mais  il  l'eu  rclusa.  Il  luy  demanda  le  Père  Mi- 
chel de  Vezins,  il  l'en  refusa  encore,  mais  il  luy  accorda  le  Père 
Rodolpiie  qu'il  eslimoit  le  moindre. 

En  suite  le  sieur  de  Ilazilly  vint  à  SafTy  prier  les  marchands 
françois  destre  caution  du  retour  du  Père  Rodolphe  dans  les  six 
mois.  Les  marchands  s  y  accordèrent',  moyennant  l'alternative 
que,  s'il  ne  revenoit  dans  les  six  mois,  qu'ils  en  seroient  quittes 
en  payant  une  somme  d  argent.  Le  sieur  de  Razilly  retourna  dire 
cela  à  Mouley  Zidaut.  qui  réjjondit  que  les  marchands  avoient 
raison,  &  qu'il  accordoit  cette  condition,  sur  le  pied  de  six  cens 
ducats  d  (ir.  Cet  accord  fut  fait  de  la  sorte.  Le  sieur  de  Razilly 
&  le  Père  Rodolphe  revinrent  en  France,  mais  depuis  ne  sont 
point  retournez  au  roy  de  Maroc  ^.  De  sorte  que  les  six  mois 
étant  passez,  iSi  encore  six  mois  avec,  les  marchands  présentèrent 
requeste  à  ce  qu'il  plût  au  Roy  prendre  les  six  cens  ducats  d'or, 
&  leur  accorder  congé,  parce  qu  ils  vouloient  revenir  en  France 
rendre  compte  à  leurs  marchands  ik  commettans  de  leurs  négo- 
ciations. Cela  leur  fut  accordé,  le  Roy  prit  leur  argent  &  leur 
donna  quittance,  laquelle  ayant  esté  depuis  présentée  au  Père  Jo- 
seph dans  le  couvent  de  Saint-Honoré,  il  leur  fit  rendre  leur  argent 
par  monsieur  Du  Trembley,  gouverneur  de  la  Bastille,  son 
frère  ^ 

Le  chevalier  de  Razilly  y  retourna  en  1629  avec  six  navires  com- 
mandez par  luy,  La  Touche-La  Ravardiere  '  son  vice-admiral,  Tril- 
lebois,  les  chevaliers  de  Tallesme,  de  Guitaud  &  Des  Roches".  Mais, 
comme  ils  commençoient  de  traiter  de  paix  &  du  rachapt  des  escla- 
ves françois  avec  un  député  du  roy  de  Maroc,  qui  les  vint  trouver 

1.  Le  Gendre,  ainsi  qu'il  le  dit  luimême  'i.  L'officier  de  vaisseau  qui  alla  en  162g 
(p.  724),  était  un  des  marchands  qui  se  avec  Razilly  au  Maroc  s'appelait  M.  de  La 
portèrent  caution  du  retour  du  I^.  Hodol-  Touche  de  Non  (V.  p.  264,  note  5)  et  n'avait 
phe.  rien   de   commun   avec  le   fameux   Daniel 

2.  Il  faut  entendre:  ne  sont  point  retour-  de   La  Touche  de   La   Ravardière,  lieute- 
nés  au  Maroc  dans  le  délai  fixé.  Le  Gendre  nant  général  en  Guyane  (i6o5),  fondateur 
parlera  plus  bas  des  missions  de  Razilly  au  de  la  colonie  du   Maragnon  (1613-1616). 
Maroc  en  1629  et  en  i63o.  5.   Sur  ces  noms  dont  quelques-uns  sont 

3.  Charles  Leclerc,  seigneur  du  Trem-  légèrement  défigurés,  V.  pp.  206-207, 
blay,  né  en  i58/i,  gouverneur  de  la  Bastille.  notes  2,  3  et  4. 


RELATION    DE    THOMAS    LE    OENDRE  ^35 

à  la  rade  de  Salé,  oîi  esloit  l'armée,  une  tempcsle  furieuse  les 
obligea  de  remettre  le  traité  à  une  autre  ibis  *S:  de  lever  lancre. 

Il  y  retourna  en  i(33o  au  mois  de  juin,  avec  trois  navires  com- 
mandez par  luy,  monsieur  Du  Cliallanl.  i.V  l'alol,  pour  mesme 
sujet,  mais  avec  aussi  peu  de  succès,  le  roy  de  Maroc  avant  laiil 
temporisé  que  les  mauvais  temps  arrivèrent,  pendant  lesquels  il  est 
impossible  de  demeurer  à  leurs  rades  ;  >.V  le  cbevalier  de  Razilly 
partit  de  la  rade  d'Asally  pour  France  le  la  d'octobre,  &  arriva  le 
dernier  du  mesme  mois  à  la  rade  de  lîelle-lsle,  après  avoir  pris 
deux  ou  trois  navires  sur  les  Mores  de  Salé  ' . 

INous  avons  parlé  de  deux  portes  de  Maroc,  l'une  appelléc  du 
Camis,  \  l'autre  de  Duquella.  Ce  mot  de  Garnis  veut  dire  :  du 
Marclié,  ou  du  Marché  à  chevaux"  ;  car  hors  de  cette  porte  est  une 
grande  place  où  on  tient  le  marché  aux  chevaux,  «k  où  les  cavahers 
mores  »k  alaibes  s'assemblent  pour  s'exercer  en  la  course  des  che- 
vaux. Cette  autre  porte,  appellée  de  Duquella,  est  la  porte  qui 
regarde  la  province  de  Duquella,  comme  qui  appelleroit  la  porte 
de  Saint-Honoré  :  la  porte  de  .Normandie,  ou  la  porte  de  Saint- 
Denys  :  la  porte  de  Picardie.  Duquella  est  donc  une  des  provinces 
qui  appartiennent  au  royaume  de  Maroc,  laquelle  tire  vers  le  nord, 
comme  une  autre  qui  tire  vers  l'est,  qui  s'appelle  Dara.  Pour  ce 
qui  est  de  TalTiletle,  dont  on  appelle  les  habilans  Ta^ilely^  j'en  ay 
ouï  parler  comme  dune  province  qui  appartient  au  royaume  de  Fez, 
laquelle  est  entre  Fez  tk  la  mer  Méditerranée',  mais  je  nay  pas 
appris  qu'elle  s'appelât  royaume;  néanmoins  il  peut  eslre  qu'on 
l'appelle  ainsi,  à  l'imitation  &  exemple  d'Alger  &  de  Bougie,  qu  on 
a  appellées  aussi  royaumes.  Ce  peut  estre  un  usage  à  la  mer  Medi- 
tei'ranée  d'appeler  les  provinces  :  royaumes,  mais  non  pas  en  la 
coste  de  Mauritanie  de  la  mer  Oceane. 


1.  Pour  le  récit  des  campagnes  de  Razilly  ils  se  lieiiiieiil. 

en  l'Jiy  et  i03o,  Le  Gendre  a  dû  consulter  .'i.   Les  habitants  du  Jadleil  sont  appelés 

la    relation    imprimée    de   Jean    Armand  Filali  au  singulier  et  Filaliin  au  pluriel. 

Mustapha.    (V.     supra.    Doc.    \LIII     pp.  It.   Laquelle  est  entre  Fez  et  la  mer  Mcdi- 

3o4-lHt'().  Icrrance.  Faute  d'impression  ;  il  faut  corri- 

2.  L'auteur  commet  une  erreur  ;  le  mot  ger  ;  lequel  est...  Il  est  impossible  de 
Camis  (Kliemis)  veut  dire  jeudi.  On  se  supposer  à  Le  Gendre  qui  avait  résidé  sept 
rappelle  qu'au  Maroc  les  marchés  sont  dé-  ans  au  Maroc  une  pareille  ignorance  de  la 
nommés  d'apn's  le  jour  de  la  semaine  ou  situation  du  Talilcll. 


-36  ifififi 

Je  n'ay  point  esté  à  la  ville  de  Fez,  mais  jay  entendu  des  per- 
sonnes qui  avoient  esté  &  à  Maroc  &  à  Fez  disputer  de  la  beauté  & 
grandeur  de  l'une  &  de  l'autre,  &  ils  convenoicnt  que  Maroc  estoit 
la  plus  grande,  mais  (|ue  Fez  estoit  mieux  bastie,  ses  maisons  res- 
semblans  à  celles  d'Espagne. 

Je  ne  sçay  point  quel  territoire  possède  cbeq  Gaillan,  mais  je 
sçay  bien  qu'il  possède  celuy  qui  est  depuis  Toutouan  jusques  à  son 
chasteau  d'Arguile',  tS:  il  n'y-  a  que  deux  ou  trois  ans  quil  s'est 
emparé  de  Toutouan,  qu  il  prist  d'emblée^,  lorsqu'il  y  avoit  sur  la 
rivière  deux  barques  de  Marseille,  (jui  voyant  venir  une  armée  de 
quinze  ou  de  vingt  mille  bommes,  croyoient  cslre  perdues;  mais  elles 
furent  bien  étonnées  cpiand  Gaillan  leur  envoya  dire  qu'elles  n'eus- 
sent point  de  peur,  *^:  qu  il  vouloit  conserver  le  négoce  à  Tou- 
touan ;  &  de  l'ait,  la  ville  prise,  les  barques  y  montèrent  &  y  iirent 
leurs  affaires,  la  ville  estant  trois  lieues  loin  de  la  mer,  ou  de  la 
rade,  &  ay^ant  une  petite  rivière  où  les  barques  qui  tirent  peu  d'eau 
montent,  »S;  avec  peine. 

Il  est  vray  que  L'Arraclie^  appartient  au  roy  d'Espagne,  &  que 
Ceuta  luy  appartient  aussi  depuis  la  dernière  révolution  du  royaume 
de  Portugal,  auquel  cette  place  apparlcnoit,  mais  le  gouverneur 
qui  y  estoit  lors  de  la  révolution*  n'a  pas  fait  comme  les  autres, 
car  il  a  tenu  bon  pour  le  roy  d'Espagne  ;  \;  c'est  la  seule  de  toutes 
les  places  que  les  Espagnols  tenoient  aux  Portugais  dans  toutes  les 
quatre  parties  du  monde  qui  en  ait  usé  ainsi. 

Tanger  ne  vaudrait  rien,  si  ce  n'esloit  le  port  que  les  Anglois  y 
font  par  le  moven  d'un  molle  qui  leur  coustera  bonne  somme".  Les 

1.  Arcjuile.  Arzila.  —  I.e  terriloire  sur  outre  Cmita  sur  laMediterranéc.  I^ignon 
lequel  s'étendait  l'aulorilé  de  Ghaïlan  est  de  \elez,  Melilla,  Marzalquivir  &  Oran.  » 
aproximativement  compris  entre  celui  des  !x.  La  révolution  de  i6/io  qui  fit  arriver 
Djebala  et  l'Océan  ;  il   correspond  à   l'an-  au    trùiie   de    Portugal     le    duc    Jean    de 

.  Bragance   —  Le  gouverneur  de  Ceuta  était 

cienne  province  de  llibl(Habat)ia.*.  ^j^^.^  p    Prancisco   de   Almeyda.    Sa   con- 

2.  Erreur:  le  clicikli  Ghaïlan  ne  s'empara  duile  fut  équivoque  et  il  fut  remplacé  le 
pas  de  Tétouan  où  la  famille  des  En-Neksis  5  février  i64i  par  D.  Juan  Fcrnandez  de 
avait  repris  le  pouvoir  après  la  mort  d'El-  Cordoba.  V.  i''-' Série,  Espagne,  i6/|0-i6i5i. 
Avachi.  Cf.  r''"  Série,  Angleterre,  Belation  5.  La  première  pierre  du  môle  de  Tan- 
de  Cholinley  h  la  date  de  lô-ji.  ger  fut  posée  par  Sir  llugh  Cholmley  en 

3.  Enmargeclen  note:  <(L'.\rraclie&La  août  i6G3.  Cf.  s'  Série,  Angleterre, 
Mamorre  est  au  rov  d'Espagne,  sur  rOcean,  liclation  de  Cholmley,  à  la  date  de  1671 


RELATION    DE    THOMAS    LE    GENDRE  'jS'] 

Anglois  ne  se  fieront  point  à  cheq  Gaillan.  car,  quand  il  voudra 
les  tromper,  il  fera  commander  ses  troupes  par  un  autre  clieq,  & 
dira  que  ce  n'est  point  sa  race,  mais  une  autre  race  d  Alarbes  qui 
aura  fait  le  mal. 

Monsieur  le  chevalier  Cliolmeley,  premier  escuyer  de  la  reyne 
d'Angleterre,  ingénieur  à  Tanger,  &  qui  y  est  retourné',  me  dit 
dernièrement  que  le  vice-amiral  Lasson",  le  gouverneur  de  Tanger  ', 
\  luy  ingénieur,  avoient  une  fois  conféré  avec  cheq  (iaillan  dans 
une  tente  au  milieu  des  deux  armées,  celle  de  Gaillan  estant  de  vingt- 
mille  chevaux,  &  la  leur  n'estant  que  de  mille  hommes  ;  &  sur  ce 
que  je  luy  dis  qu'ils  avoient  fait  grande  folie,  il  en  demeura 
d'accord,  »k  dit  qu'ils  l'avoienl  bien  reconnu  dej)uis,  &  que  Gaillan 
les  avoit  obligez  de  luy  promettre  de  l'aller  voir  en  son  château 
d'Arguille,  mais  qu'il  n'y  eut  que  luy  ingénieur,  qui  y  fut  porter 
les  excuses  des  autres,  &  que,  s'ils  y  avoient  esté  tous  trois,  qu'ils 
n'en  seroient  pas  revenus'. 

A  Ceuta  &  à  L'Arrache,  il  n'y  a  point  de  port  que  pour  les  bar- 
ques, mais  le  port  de  La  Mamorra  est  très-bon ,  &  néanmoins  le  roy 
d'Espagne  ne  s'en  sert  point  &  n'en  tire  aucune  utilité. 

Salé  est  un  havre  de  barre,  oii  des  vaisseaux  de  deux  cens  ton- 
neaux peuvent  entrer,  pourveu  qu'on  prenne  bien  son  temps,  &  à 
l'aide  de  pilotes  ou  lamaneurs^ 

A  Fudella  se  pourroit  faire,  à  ce  qu'on  dit,  un  port,  y  ayant 
une  langue  de  terre  qui  avance  en  mer  ;  mais  il  n'y  a  là  ny  ville  ny 
chasteau,  &  ce  lieu  n'est  (ju'à  trois  lieues  au  dessus  de  Salé. 

Azamor  est  un  méchant  petit  port  à  barques,  &  il  n'y  a  là  que 
des  pescheurs  d'alozes  ^ 


I .   Cholmley  revint  à  Tanger  en  janvier  fut  lue  dans  une  sortie  contre  les  Maures. 

lG65.     V.    supra,     Note     bibliograpliicjue,  V.  supra,  p.  708,  note  3. 
p.   698.  4.    Les  Anglais,  mal   renseignés,  se  m(5- 

■1.   Sir  John  Lavvson  commanda  de  i(J6a  prirent,  au  début  de  l'occupation  de  Tanger, 

à  i664   l'escadre  chargée  de  réprimer  les  sur  l'importance  du  cheikh  Ghaïlan,  qu'ils 

Barbaresques.  Il  mourut  le  29  juin  t665.  considérèrent  presque  comme  le  souverain 

3.  .Vndrcw  Ruthcrford,  comte  de  Tcviot.  du  Maroc. 
Après    avoir  servi  dans  l'armée  française,  5.   Lanianeurs.   nom  donné    aux   pilotes 

où  il  devint  lieutenant-général,  il  rentra  en  qu'on  loue  pour  entrer  dans  les  havres  et 

Angleterre  à  la  restauration   des   Stuarts.  rivières.  Cf.  Jal,  au  mot  «  laman  ». 
Nommé  gouverneur  de  Tanger  en  i663,  il  6.   Sur  l'abondance  de   ce  poisson   dans 

De  Castries.  111.   —  ^7 


738  i665 

Masagan,  qui  est  au  dessus  &  à  dix  ou  douze  lieues  du  cap  de 
Cantin,  est  une  petite  ville  muraillée,  qui  a  du  canon,  dans 
laquelle  place  il  n'y  a  ordinairement  que  deux  ou  trois  cens  pau- 
vres misérables  Portugais  en  garnison,  qui  bien  souvent  n'ont  pas 
de  pain'  ;  &  néanmoins  cette  petite  place  n'a  pas  laissé  de  résister  à 
plusieurs  milliers  de  Mores  &  Alarbes,  qui,  n'ayans  pas  l'usage  des 
pièces  de  campagne,  des  escalades  &  des  pétards,  sont  incapables 
de  prendre  des  villes  muraillées,  surtout  quand  elles  ont  du  canon. 
Mais  en  échange,  ce  n'est  point  à  la  garnison  à  sortir  en  campagne, 
caries  Mores  &  les  Alarbes,  grands  cavalliers  &  en  grand  nombre, 
sont  adroits  en  embuscades  &  à  empêcher  la  retraitte. 

Au  dessus  de  Masagan  est  La  Houladilla,  petit  port  à  barques  ou 
moyens  navires,  y  ayant  à  l'entrée  une  roche  qui  la  rend  difficile,  & 
n'y  a  là  qu'un  chasleau  &  petite  villette. 

Je  n'ay  point  esté  en  toute  cette  coste-là.  depuis  le  Détroit  jus- 
ques  au  lieu  de  La  Houladilla  ;  ce  que  j'en  dis  n'est  que  par  ce  que 
j'en  ay  retenu  de  la  conversation  que  j'ay  eue  avec  ceux  qui  y  ont 
esté,  &  par  les  cartes.  Quand  j'ay  esté  à  Saffy.  j'ay  terry  au  cap  de 
Cantin,  &  de  là  à  Saffy. 

Saffy  est  une  ville  sur  une  hauteur  bien  muraillée  &  fournie  de 
canon,  bastie  en  lo^o  par  les  Portugais",  à  ce  qu'on  remarque  par 
l'écriture  &  par  le  chiffre  qui  est  sur  la  grosse  tour  du  chasteau  de 
haut^.  11  n'y  a  point  de  port,  mais  seulement  une  rade  bonne  en 
esté,  &  mauvaise  en  hyver. 

Mongador  est  un  petit  port  abrité  d'un  islet,  où  des  vaisseaux  de 
deux  &  trois  cens  tonneaux  peuvent  entrer. 

Agader,  ou  Sainte-Croix,  est  une  baye  ou  rade  raisonnablement 
bonne  ;  le  chasteau  est  sur  une  pointe  de  terre  fort  haute,  &  les 
maisons  de  si  peu  de  Chresliens  qu'il  y  a  là  sont  au  pied  du  chasteau. 

Messa  est  une  rade  qui  ne  vaut  rien,  &  où  l'on  ne  va  que  quand 
Agader  &  Messa  sont  en  guerre  l'un  contre  l'autre  ;  autrement 
tout  le  négoce  se  fait  à  la  rade  de  Sainte-Croix,  dit  Agader. 

l'oued  Oumm  er-Rbia,  dont  l'estuaire  esta  2.   Le  Gendre  commet  une  erreur.  Les 

Azemmour,    V.  /'"'  Série,    France,   t.    II.  Portugais  occupèrent  en    i3o8  la  viUe   de 

p.  2^8,  note  9.  Safi  qu'ils  évacuèrent  au  mois  de  décembre 

I.   Sur  la  situation  précaire  de  Mazagan,  i54i.  V.  /"  Série,    France,    t.  I,   p.   i4i, 

\.  1"  Série,  France,  l.  I.  p.   1^5,   note  i.  noie  3. 


HELATION     DE    THOMAS    LE    CENDRE  •J,S() 

Revenant  à  SalTy,  j'y  ay  quelquefois  demandé  à  des  vieillards 
qui  avoient  esté  à  la  bataille  dite  des  Trois  Rois,  dont  j'ay  parlé  au 
commencement  de  ce  mémoire',  ce  qu'ils  croyoient  qu'esloit  devenu 
le  roy  Dom  Sebastien  de  Portugal,  &  ils  me  dirent  que,  n'ayant 
point  esté  trouvé  entre  les  morts,  on  croyoit  reiinemenl  (ju'il  csloil 
incognito  parmi  les  esclaves.  En  l'année  1O19,  il  vint  un  bruit  que 
Dom  Sebastien,  après  plusieurs  années  d'esclavage  vers  Alger  & 
Tunis,  où  la  pluspart  des  esclaves  avoicnl  esté  menez,  s'estoit  sauvé 
&  estoit  revenu  en  Espagne.  Mais  les  marcbands  espagnols  disoient 
que  c'estoit  un  imposteur,  qui  se  disoit  estre  Dom  Sebastien,  & 
qu'il  ne  l'estoit  point,  «k  qu'il  avoit  esté  traité  comme  tel  ;  ce  qui 
faisoit  grand  débat  entre  nos  marcbands  de  diverses  nations  qui 
estoientà  SalTy  &  à  Maroc,  les  uns  voulant  que  ce  fustle  vray  Dom 
Sebastien,  &  les  autres  que  non". 

Quant  au  négoce  de  ce  païs-là,  il  est  presque  semblable  depuis 
Toutouan  jusques  à  Sainte-Croix  &  Messa,  sinon  que  la  traite  est 
plus  abondante  en  un  lieu  qu'en  l'autre.  Ce  qu'on  y  porte,  c'est  du 
fer,  des  toiles  de  toutes  sortes,  des  draperies,  du  papier,  des  quin- 
quailleries  &  merceries,  des  épiceries  &  des  teintureries  ;  &  ce  qu'on 
en  rapporte,  c'est  de  l'or,  de  la  cire,  des  cuirs,  des  plumes  d'au- 
truche, des  amandes,  des  gommes,  des  câpres.  &  autres  marchan- 
dises. 

Reste  à  dire  quelque  chose  de  la  religion  des  Mores,  &  de  leur 
méthode  en  leurs  prières. 

Ils  sont,  comme  chacun  sçait.  mahometans.  mais  ils  ont  pour 
le  moins  une  douzaine  de  saints  qu'ils  invoquent,  à  la  teste  des- 
quels ils  mettent  Mahamet  ;  ainsi  appellent-ils  leur  Prophète,  &  non 
Mahomet. 

Quand  ils  veulent  faire  leur  sala,  ou  leurs  prières,  ils  se  lavent 
les  pieds  &  les  jambes  jusques  au  gcnouil,  &  les  mains  &  les  bras 
jusques  au  coude  ;  &  puis  il  s'assoient  à  terre  la  face  vers  le  soleil 
levant,  un  chapelet  à  la  main  ;  après  quoy  ils  invoquent  leur  Cidy 
Mahamet,  en  le  priant  de  prier  pour  eux  ;  puis  Cidy  Bellabech, 
qu'ils  disent  estre  saint  Augustin  ^   tS;  ainsi  plusieurs  autres;   (k  à 


1.  V. supra.  |). 701  clnole'j;  ttp.  7.iO.  Sébastien. 

2.  Cf.    M.     d'A.mas,    Les    faux    Dom  3.   \ .  supra,  p.  iiS,  notf  /|. 


-j/Jo  i665 

chacun,  ils  se  jettent  contre  terre,  touchant  la  terre  de  leur  front 
autant  de  fois  qu'ils  invoquent  de  saints,  &  durant  le  tour  du  cha- 
pelet. Ils  meslcnt  mesme  parmy  leurs  saints  Nostre  Seigneur,  sous 
le  nom  de  Cidy  ÎNaissa',  qu'ils  avouent  estre  un  grand  saint;  & 
quand  nous  leur  demandions  de  qui  il  estoit  né,  ils  nous  répon- 
doient:  «  de  Lela  Mariera,  de  la  Vierge  Marie  »  ;  &  quand  nous  leur 
demandions  encore  comment  il  avoil  esté  conceu  au  ventre  de  la 
Vierge,  ils  nous  répondoient  :  «  du  souffle  de  Dieu  »  ;  à  quoy  leur 
répliquant  que,  par  le  souffle  de  Dieu,  il  falloit  entendre  l'Esprit  de 
Dieu,  &  que,  par  conséquent,  Nostre  Seigneur  estant  né  de  la 
Vierge  &.  conceu  par  le  Saint  Esprit,  il  estoit  constant  que  Nostre 
Seigneur  estoit,  avec  le  Père  &  le  Saint  Esprit,  Dieu  &  un  seul 
Dieu  bénit  éternellement  ;  mais  c'est  ce  qu'ils  ne  pouvoient  &  ne 
vouloient  comprendre,  &  nous  rebutoient  avec  injures. 

Bibliotlûqae  Nationale.  —  Imprimés  Oy  2.  —  Lettre  escritte par 

Monsieur  ****  qui  a  demeuré  25  ans  dans  la  Mauritanie.  Paris, 
M.DC.LXX. 

I.  Cidy  Naissa,  pour  Sidna  .Vissa,  Notre-Seigneur  Jésus. 


7'fi 


ADDENDA 


AUX 


DOCUMEXTS  DE  LA  PREMIÈRE  SÉRIE  FRANCE 

(Tomes  I,  II  et  III) 


LETTRE    DE    CHARLES    DE    MOUY     A    l'HILII'PE    DE    CHABOT  7  43 


LETTRE  DE  CHARLES  DE  MOUY'   A  PHILIPPE   DE   CHABOT - 

La  mission  fin  rnlonel  Piton  a  rapporté  du  Maroc  un  coffre  rempli  de 
présents  destinés  au  roi  de  France;  le  nommé  Le  formant  qui  en  avait 
la  garde  a  été  arrêté  à  Amiens. 


La  Mailleraye',  10  décembre  [i533]. 

Suscription  :  A  monseigneur,  monseigneur  l'AclmyraL 
.lu  dos,  alla  manu:  M.  de  La  Meilleraye,  du  voyaige  de  Piton'. 
—  Riches  presentz  du  roy  de  Fées. 

Monseigneur,  j'ay  receu  les  lettres  qu'il  vous  a  pieu  m'escripre 
par  messire  Iheronyme  Fer°,  lesquelles  il  ma  envoyez  au  Havre  de 
Grâce,  cependant  qu'il  pourchassoit  son  argent  à  Rouen,  où  il  avoit 
trouvé  le  trésorier. 

Monseigneur,  depuis  que  mon  nepveu  de  llotot  parlist,  il  s'est 
trouve  ung  colTre  plain  de  quelques  acoustremens  et  aultres  petitz 
menutez  que  on  a  apporté  du  royaulme  de  Fées,  lequel  coftre  ay 
entendu  par  inconvénient"  qu'il  estoit  au  Roy,  dont  le  cappitaine 
Michel  vous  donnera  plus  amj)lemcnt  à  entendre.  Je  vous  envoyé 
la  coppie  de  l'inventaire  de  ce  qui  est  dedens.  Aussi,  Monseigneur, 

1 .  Cliarles  de  Moy   (ou   de   Mouy)  sci-        rieure). 

gneur  de  La  NLiillerayc,   gentilhomme  de  /|.   Sur  la  mission  du  colonel   Pierre  de 

la  Chambre,  vice-amiral  de  France.  Piton  au  Maroc,  V.  1''  Série.  France,  t.  l, 

2.  Philippe    de    Chabot,     seigneur     de        pp.   i-^a. 

Brion,   amiral   de  France.   V.    /'''■    Série,  5.  Gentilhomme  de  Savone,  chargé  plu- 

France,  1. 1,  p.  2,  noie  3.  sieurs  fois  do  missions  maritimes.  V.  Cata- 

3.  La    .Mailleraye-sur-Seine,    commune        togue  des  actes  de  François  r"'. 

de  Guerbaviile-La-Mailleraye  (Seine-Infé-  0.  Par  inconucnient,  par  hasard. 


■y/j^  lO    DÉCEMBRE     l533 

Ion  m'a  dit  qu'il  y  a  plusieurs  aulties  choses  lesquelles  ne  sont 
venues  à  ma  congnoissance.  Si  La  Planche  '  est  allé  devers  vous, 
comme  il  m'avoit  dict,  il  vous  pourra  advertir  du  tout.  Le  serviteur 
de  Pyton,  qui  avoit  en  garde  toutes  ces  besongnes,  se  appelle  Le 
Norraant,  et  m'a  l'on  dit  qu'il  est  arresté  prisonnyer  à  Amyens. 
Entre  aultres  choses,  il  y  a  des  espérons  dont  les  garnytures  sont 
d'or,  et  dict-on  qu'ilz  vallent  deux  ou  trois  cens  escus.  Il  y  a  aussi 
ung  astrallabe  que  l'on  envoyoit  au  Roy,  une  orlogc,  une  pièce  de 
toille  d'or  et,  à  ce  qu'on  m'a  dit,  plusieurs  aultres  choses  dont  n'ay 
rens  sceu.  Vous  pourveoirez  à  tout,  Monseigneur,  ainsi  qu'il  vous 
plaira. 

Monseigneur,  je  prie  Dieu  vous  donner  en  santé  très-bonne  et 
longue  vie. 

De  La  Mailleraye,  ce  dixiesme  de  décembre. 
Vostre  très-humble  et  obéissant  serviteur. 

Signé  :  De  Moy. 

Bibliothèque  Nationale.  —  Collection  Moreau.  —  Vol.  77i,  J.  312.  — 
Original. 

I.  La  Planche.  Josse  de  La  Plancquc.  Cf.  i"  Série,  France,  t.  I,  p.  4i.  noie  i. 


COMPTE    DE     L  ÉPARGNE  l  ^^ 


COMPTE  DE  L'ÉPARGNE' 

Payement  à  Jnsse  de  La  Plancrjuc  d'une  somme  qui  lai  e'tait  due  pour  l'en- 
tretien des  sept  hommes  préposés  à  lu  garde  des  animaux  ramenés  du 
Maroc. 


27  mars  i533  —  n.  st.   i534. 

En  marge  :  Josse  de  La  Plancque. 

A  Josse  de  La  Plancque  la  somme  de  troys  cens  soixante-treize 
livres,  auquel,  faisant  le  parfaict  de  iiij'xiij  i.,  led.  s'  l'a  ordonnée 
des  deniers  de  Tannée  fynie  le  dernier  jour  de  décembre  dernier 
passé,  par  le  Roy  et  ses  lettres  patentes  données  [à]  Paris  le 
xvij"  jour  de  mars  mv'xxiij,  signez  Françoys,  Rochetel,  et  scellées 
du  seel  dud.  s',  pour  son  remboursement  de  pareille  somme  qu'il 
a  payée  pour  le  vivre,  nouriture  et  entretenement  de  sept  hommes 
qui  ont  soubz  luy  eu  la  charge  de  nourrir  et  penser  les  bestes  que 
led.  s'  a  nagueres  faict  venir  du  royaume  de  Fez.  depuis  le  premier 
jour  de  janvyer  dernier  passé,  jusques  et  comprins  le  dernier  jour 
de  février  ensuyvant.  Laquelle  somme  luy  a  esté  payée  comptant 
par  led.  preudommedes  deniers  pris  et  tirez  de  ses  coflres  de  ceulx 
de  lad.  année  dernière,  es  présences  de  mess''  les  presidens,  en 
monnoye  de  xi)"'"'  et  x"°%  comme  il  appert  par  sa  quictance  signée 
Rohart  et  Pichon,  notaires  au  Chastellet  de  Paris,  le  xxvij  jour  de 
mars  avant  Pasques  mv'^xxxiij .  Enregistrée  par  moy  le  iij'  jour  de 
juillet  mv'xxxiij.  Pour  ce,  cy iijixxiij  £. 

Bibliothèque  Nationale.  —  Fonds  français.  —  Ms.  15629,  n"  508, 
f.  2U2  v°.  —  Original. 

1.   Cf.  CiMBER  et  Danjov,  Archives  curieuses,  t.  111,  pp.  87-88. 


-^6  18-27     MARS     lÔfil 


LETTRE  DE  MOULAY  MOHAMMED  BEN  ABDALLAH' 
A  CHARLES  IX 

//  a  transmis  à  Merrakcch  la  lettre  (jae  le  roi  de  France  adressait  à  son 
père.  —  Celui-ci  a  fait  la  réponse  suivante  :  Il  veut  bien  accorder  à 
Charles  IX  le  monopole  de  l'achat  du  sucre,  si  cette  marchandise  est 
payée  au  prix  du  cours  actuel  au  Maroc  plus  un  tant  pour  cent  à  déter- 
miner. Pour  le  cuivre,  il  accepte  la  proposition  du  roi  de  France,  à  la 
condition  que  le  métal  exporté  soit  payé  en  armes  et  munitions.  La  con- 
cession du  monopole  du  sucre  entraînera  pour  la  France  l'obligation 
d'importer  au  Maroc  toutes  les  marchandises  nécessaires  à  ce  pays.  — 
Éloge  de  l'agent  français  Robert  Bordet  tjui  a  rempli  sa  mission  avec 
zèle  et  discrétion. 


Palais  de  Dar  el-Beida-,  i"=  décade  de  Redjeb  968.  —  18-27  mars  i56i. 

En  tête  :  Traslado  de  una  carta  enviada  por  el  senor  Muley 
Mahamed  vi  [sorrey^]  del  rreyno  de  Fez  para  el  muy  poderoso  y 
sacra  Magestad  del  r[rey  de  Francia]. 

i  Gracias  a  Dios  solo! 

Del  sierbo  de  Dios  alto,  el  que  se  zufre  sobrEl,   el  que[acrecj 

I.   Le  traducteur  espagnol  a  mal  déchif-  loukh  (l'Ecorché). 
fré  le  nom  de  ce  chérif  sur  le  cachet  et  a  lu  :  2.   Dar  cl-Be'uIa,  la  grande  Kasba  de  Fez 

Mohammed  bon   Ahd  el-Kadcr.   V.    infrn  el-Djedid,  appelée  aussi  Medinet  el-Beida. 

p.  7^8,  note  4. 11  faut  restituer  Mohammed  Lkox  l'Africain  la  nomme  «  Palazzo  realc 

ben  Abdallah  el-Ghalib.    Ce   prince  com-  délia  CittàBianca  «.Elle  avait  clé  fondée  en 

mandait  à   Fez,   comme  lieutenant  de  son  1376.    C'est   aujourd'hui   la  résidence    du 

père.  Cf.  El-Oufrà.m,  p.  8g.  U  monta  sur  makhzen. 

le  trône  en  janvier  1674  et  périt  noyé  dans  3.   Les  mots  restitués  entre  crochets  ont 

l'oued  ul-Mekhàzen  le  4  août  1578.  C'est  ce  disparu  sur  le   document  par  suite  d'une 

prince  que  les  historiens  appellent  El-Mes-  déchirure  du  papier. 


LETTRE    DE    MOULAY    MOHAMMED    BEN    ABDALLAH    A   CHARLES    IX      ~  !\~ 

ienta  sus  merced[es  secrejtas  y  publicas,  el  visorrey,  el  soberano, 
hijo  de  Su  Alteza,  nieto  de  Su  Alteza,  senor  de  los  Moros,  el  guer- 
rero  en  caminos  del  Senor  de  los  mundos,  nuestro  senor  Mahamet, 
hijo  de  nuestros  senores  los  Jariles  eclesiasticos,  los  nobles,  vir- 
tuosos  Hazenis.  —  j  Conline  Dios  con  ellos  su  alteza  y  su  ensalza- 
mento,  y  escojale  en  lo  que  descare  por  su  merced! 

Para  el  mayor  de  su  gente  y  prinzipe  de  su  monarqula,  el  rrey 
a  quien  se  rrepresentan  los  négocies  del  rreyno  de  Francia  y  sus 
hechos,  el  espejo  de  su  comarca.  [Paz  sobre  quien  signe  la  verdad 
y  camina  senderos  de  bien  y  terne  al  mal  ! 

Escrevimosla  de  la  Corte  alla  y  catreda  '  de  nuestro  rrey  y 
guarda  de  nuestra  le,  nuestro  senor,  principe  de  los  fieles —  [  Contine 
Dios  sus  vias  y  aderece  a  propiedades  del  rreyno  sus  actos  ! 

De  la  Casablanca  j  Guarde  Dios  sus  parles  y  sosiege  sus  alas  y  sus 
cabos ! 

Sin  ynobacion.  con  gracias  de  Dios  alto,  ecebto  lo  que  acostun- 
bra  en  sus  mercedes  y  esticnde  de  sus  glorias  y  sus  piadades. 

Y  es  porque  aporto  a  esta  corte  enaltecida  y  poderosa  vuestra 
carta  la  mandada  a  nuestro  Senor,  que  Dios  soaze^.  y  hallole 
absente  en  la  corte  de  Marruecos,  laquai  le  mandamos.  Y  por  ella 
vista,  y  rremirolo  yntrinsico  de  vuestra  platica  y  entendio  [vuestra] 
voluntad  —  j  Esfuercele  Dios  !  —  Y  nos  hizo  saber  lo  que  cumple 
rresponder  en  eso,  segun  beres  rreglado  en  [esta]  carta. 

A  lo  que  haces  memoria  en  caso  del  azucar',  que  quereis  que  no 
lo  conpre  otro  sin[o  vos],  y  que  sea  estancado  a  vos,  rrespondio 
que  alira  poi'  bien  eso.  con  condicion  que  vos  cerliliqnes  [pagar]  su 
precio  de  aqui,  por  quel  prccio  de  la  conpra  arreslo  de  la  gente  entre 
los  arrcndadores  dello,  ansi  Judioscomo  otros,  corrientc  entre  ellos 
esta  rremitido  su  caso  a  ellos  ;  y  nos  no  concederemos  a  vos  la  con- 
pra segun  haces  memoria,  ecebto  sino  nos  asenalais  enrriba  del 
precio  corriente  al  présente  un  lanto  senalado,  el  cpial  nos  hares 
saber,  y  estonces  '  le  mandaremos  la  rrespuesta,  —  ;  Dios  le  soalzc  ! 
y  si  acetare  en  la  contia  que  dijeredes  estonces  os  lo  mandaremos, 
con  ayuda  de  Dios. 

I.   Catreda,  pour:  cateHra.  et  le  commerce  du  sucre  au  Maroc.  V.   ;'' 

■ji.  Soaze,  pour:  soalzc.  Série,  France,  t.  I,  p.  3o3,  note  5. 

3.  Sur  les  plantations  do  cannes  à  sucre  4-  Estonces,  pour:  cntonccs, 


■y48  18-27      !^'A.RS      1061 

Y  a  quanto  el  cobre',  acetamos  a  vuestra  voluntad  sin  litubacion 
ni  dilacion.  con  estas  condiciones  siguientes  :  y  es  dardes  licencia 
para  armas,  ansi  de  lonbardas  como  escopetas  y  lanças  y  polbora 
y  pelotas  y  rremos  y  estano.  Y  estas  cosas  susodichas,  las  dares  por 
su  balor  del  cobre  a  segun  fuere  el  concierto  entre  nos  cada  y  quando 
ubieremos  necesidad  délias. 

Lo  quai  el  açucar,  si  lo  estancamos  y  cortamos  su  benta,  por 
vuestra  parte  nos  dares  de  las  mercaderias  necesarias  lo  que  rre- 
quiriere  la  necesidad  contino. 

Vuestro  criado  el  aportador  de  vuestra  carta,  Rroberlo  Bordel', 
es  de  los  mas  dilijentes  de  vuestros  criados  y  de  los  mas  discrètes, 
despierto  ;  non  sosego  con  su  diligencia  de  procurar  de  aver 
rrespuesta  que  vos  volber  presto,  hasta  que  alcanço  de  Su  Alteza 
su  deseo  y  boluntad,  porque  conoceres  su  servicio  y  estimares  sus 
portes,  porque  el,  si  Dios  quisiere,  sera  porlador  entre  nosotros  y 
senalado  para  portar  alla^  lo  que  se  negociare  con  mi  senor  el  Rrey 
a  la  buelta,  si  Dios  quisiere. 

Fecha  a  principio  del  mes  de  Dios  el  apaciguado  Rregeb  el  uno, 
afio  de  nobecientos  y  sesenla  y  ocho. 

El  sello  de  cera  colorada  dize  ansi  '  :  Por  mando  del  sirbo  de 
Dios,  qu'espéra  la  piadad  de  su  Dios,  Mahamed,  hijo  de  Abd  el- 
Kader  el-Hazeni.  j  que  Dios  tenga  en  su  gloria  ! 

Bibliothèque  Nationale.  —  Fonds  français.  Ms.  15872,  f"  227  recto. 
—  Traduction  officielle. 

1.  Sur  l'intérêt  que  les  rois  de  France  3.  Alla,  là-bas,  c'est-à-dire;  en  France, 
attachaient  à  l'exportation  du  cuivre,  V.  ^.  Cette  lecture,  ainsi  qu'il  a  été  dit  plus 
/'""  Série,  France,  t.  II,  Doc.  VIII,  p.  24.  haut  (V.   p.    746,  note  i)  est  inexacte  en 

2.  Il  n'a  pas  été  possible  d'identifier  cet  ce  qui  concerne  le  nom  patronymique  de 
agent  de  Charles  IX.  l'auteur  de  la  lettre. 


SAUF-CONDUIT  DONNÉ   PAR  MOULAY  lîL-CII AI.IH  A  nOBERT  BOKDET        ~ f\() 


SAUF-CONDUIT  DONNÉ  PAR  MOULAY  ABDAUIAIl  KLGIIALIB' 
A  ROBERT  BORDET^ 


S.  1.  3»  décade  de  Redjeb  [968].  —  6-16  avril  [i56i  »]. 


En  tête 


: .  L-j  <.3t^j  ^\  '    Icj  -U^  tVj^    ie  A.\i\    V^i  oJi>.j  <US  JuLl 


JUI  J— Li  ^^1     Stg:<e  de  validation \  |     \^  4\|  j^  jV,|  ^ 
Je  AlSl  Jy?  jil  Isj!!  ;lci  ^  ^^^1  ^jlSll  IJ^  JîLJ  »^I  ^\ 


I.  Bien  que  le  nom  du  chéri  f  régnant 
nr  soit  pas  mentionné  dans  ce  sauf-conduit, 
le:  ton  général  semble  indiquer  qu'il  émane 
plutôt  de  Moulay  Abdallah  el-Ghalib  que 
de  son  fils  Moulay  Mohammed  el-Mesloukh, 
le  vice-roi  de  Fez. 

u.  V.  un  fac-similé  de  ce  Document, 
p.  751. 


3.   La  date  a  été  restituée  d'apn's  le  do- 
cument précédent. 

/).   Sur  ce  signe,  toghra  «jils  qui  a  une 

grande  analogie  avec  celui  qui  figure  en  tête 
des  lettres  de  plusieurs  chérifs  saadiens,  V. 
les  fac-similé  1"  Série,  Pa)s-Bas,  t.  I,  pp. 
lai,  35i,  359,  6i3  et  t.  II,  pp.  3g4  et  7111. 


^5o  G-t6  Avnii.  i5Gi 

^lâJVi   ôlibVj   Jt-Vl  jr;i;   "^li^^S   A^lc   ^9J    j^  (_c^*^'   o'^-J'j 

JîCj  JL)  Vj  Jb  Vj  i^l  «À*  ^j)  ^_   ^'j^-i  ^^«-îl  Ol-O  ^  ^A  li* 
^Ij^lj  <^_^  0^5^  ^-^^  ij*  '^jJs^  <^.  ^  ^P  ^^  j/jdl  ijubi 

'.  • .  ^Ic  ^_^î-j  ^^1  ^^  3  J'^y^'  r:f=r  o--?  ^ 

Bibliothèque  Nationale.  —  Fonds  français.  —  Ms.  15872.  ff.  227-228. 
—  Or  i  (final. 

I.   La  date  n'a  pu  être  déchiffrée. 


PI.    VI. 


SAII -(.ONDl  I  T    nONNi:    l'Ali    MOII.AY    ABDALLAH  .\    MOHIliT    liOliDi:  I'  j-) 

.\vril  iniii  '" 

D'après  l'oriiiinal  conserve  à  In   Hibliolhèque  Nalicmiile 
Dcmoulin.  Se-  '-•  l-ci'i'ix.  K.1 


SAUF-CONDUIT  UONNK  PAU  MOILV Y    MÎHMIMI     \    IlOUKUT    BOUDKT       ".H 


/Jl'i» 


S.\UF-CO!\DUIT  DONNÉ  PAR  MOLIA^    \i;l)\l.l.\l 
V   ROBERT  RORDKT 


(  Tkaduction.) 


s.  I..  Fin  Ucdjeb  (968].  —  6-it)  avril  [i56ij. 

Louange  au  Dieu  unique  !  —  Que  la  bénédiction  et  les  grâces 
de  Dieu  soient  répandues  sur  notre  seigneur  Mohammed,  sa  famille 
et  ses  compagnons  ! 

De  la  part  du  ser\ileur  du  Dieu  Très  Haut  ISime  de  vaudatio»  » .  1 
le  chérif  Hasseni  (Que  Dieu  fortifie  son  autorité!). 

Ce  sauf-conduit,  élevé  sur  les  piliers  de  la  fidélité  et  construit, 
avec  la  puissance  de  Dieu,  sur  les  colonnes  de  la  sincérité,  sera 
entre  les  mains  du  négociant'  français  Robert  Bordet  comme  une 
solide  garantie. 

Grâce  à  lui,  il  s'abreuvera  aux  meilleures  sources  de  notre  pro- 
tection et  s'abritera  dans  les  ombres  les  plus  larges  de  notre  con- 
fiance. Cet  écrit  fera  disparaître  sa  rnénancc  et  dissipera  ses  craintes 
en  toutes  circonstances.  Il  sera  pour  lui  comme  un  guide  le  con- 
duisant dans  les  diverses  régions  de  notre  gouvernement  et  comme 
une  lumière  dont  les  rayons  éclaireront  ses  pas.  il  lui  facilitera  l'ac- 
cès des  ports  tels  que  Larache,  Salé,  Safi  et  ceux  du  Sous  el-Aksa. 

Quiconque  prendra  connaissance  de  la  présente  sera  tenu  de  se 

1.  Sur  ce  signe, V.  supra,  p.  "^liQ,  note  .'|.         car  il  csl  cmplo^i5  au  Maroc  pour  désigner 

2.  Le  leitc  arabe  porte  tadjer,  mais  ce  courtoisement  un  clirélien,  au  lieu  de  iias- 
i|ualiricalif  ne  doit  pas  être  pris  à  la  lettre,        sarani.  nazaréen. 


■ySa  6-16  AVRIL  i56i 

conformer  à  nos  ordres  et  devra  traiter  le  porteur  de  la  façon  la 
plus  convenable.  Ces  prescriptions  s'adressent  jjlus  particulière- 
ment aux  amels,  aux  caïds  et  aux  commandants  de  troupes.  Cha- 
cun d'eux  devra  exécuter  les  mesures  qui  y  sont  indiquées.  C'est 
un  ordre  formel. 

Ces  mêmes  mesures  seront  appliquées  à  tous  ceux  qui  accompa- 
gnent le  susdit  et  qui  sont  comme  lui  sujets  du  roi  de  France  ; 
elles  s'étendront  à  leurs  biens  et  à  leurs  affaires. 

Écrit  dans  les  derniers  jours  du  mois  de  Redjeb  de  l'an- 
née  


LETTRE    DE    MOUL.VY    ABD    EL-MALEK    A    CHARLES    I\  7^^ 


LETTRE  DE  MOULAY  ABD  EL-MALEK'  A  CHARLES  IX 

Moulay  Abd  el-Malek  remercie  Charles  L\  de  ses  offres  amicales  et  de  la 
lettre  qu'il  a  écrite  en  sa  faveur  au  Grand  Seigneur.  —  //  espère  pouvoir 
témoigner  sa  reconnaissance  autrement  que  par  des  paroles.  —  Il  annonce 
la  mort  de  son  frère  qui  l'avait  exilé;  avec  le  plus  faible  secours  il  pour- 
rait maintenant  rentrer  facilement  au  Maroc.  —  //  demande  à  C/i'/c/cv  lÀ 
d'écrire  de  nouveau  au  Grand  Seigneur  pour  le  recomniiinder  et  de  don- 
ner des  instructions  en  ce  sens  à  l'amba.'isadeur  de  France.  —  Il  va  partir 
pour  rejoindre  l'expédition  de  Euldj  AU  contre  Tunis,  après  quoi  il  ira 
à  Constantinople.  —  .Si  ses  projets  sur  le  Maroc  réussissent,  sa  personne 
et  ses  forces  seront  au  service  du  roi  de  France. 


Alger,  2Ô  mai  iS'^V 

Suscription  :  Al  Clir[islianissiJmo  lie. 
Au  dos.  aim  manu  :  Lettre  do  Fes  du  xxv"  may  \i)~j!i. 
En  léte.  alla  innim  (wii'  siècle)  :    Lettre  du  roy  de  Fes   au  roy 
Henry  IH'.  à  Alger  le  au  may  107/1. 

Sire, 
La  lettera  '  che  è  praciuto  a  \  .   M.  mandarme  in   risposta  délia 

I.   Lors  de    la   morl   du    clicrif   Moiilav  2.   Charles IX  (5lanl  mort  le  3o  mai  i.T-^, 

Mohammed  eclt-ClieiUh  (^3  octobre   1Ô57)  c'est  par  erreur  que,  dans  la  mention  alla 

el  de  l'avèncmont  de  Moulay  Abdallah  et-  manu  du  xviii^  siîcle,  on  a  (5crit  Henri  111. 

G/ia/i6,  le  chérif  Moulay  .\bd-el-Malek  avait  3.  Cette  lettre  de  Charhis  IX  à  Moulay 

jugé  prudent  de  se  réfugier  à  Tlemcen,  [luis  .\bd-cl-Malek  n'a  pu  être  retrouvée,  mais 

h  Alger  et  à  Constantinople.   Sur  Moulay  sa  teneur  peut  élre  rétablie  facilement.  Il 

Abd-el-MaIck,  Y.  France,  t.  I,pp.  4^9-458.  est  probable  que  le  roi  de  Franco  encoura- 

De  C.vsthies.  III.     -     '|f< 


-B'i  25  MAI   157/1 

relacion  faltali  dal  cap[itan]o  Antonio  Rlzzo  '  in  nome  mio  me  ha 
date  speranza  de  adempir  il  giusto  mio  desiderio  che  di  lei  havea 
conceputo  et  ha  demostro  la  generosita  e  grandezza  che  li  magna- 
nimi  Principi  in  casi  de  si  grande  importanza  sogliono  demostrare, 
perche  è  opra  degna  e  caritevole  soccorersi  l'un  co[n]  l'altro  contra 
i  colpi  delà  aversa  fortuna.  Rengraciola  donque  infinitamente,  non 
solo  délie  amorevolissime  sue  ofierte,  ma  che  in  favor  mio  ne  habia 
scritto  allô  imperator  de  Turchi  mio  sig[no]re,  che  me  ha  obligalo 
non  solo  perseverar  nella  bona  volonta  et  affetlione  che  alla  Maesta 
vostra  porto,  ma  augumentar  di  bene  in  meglio,  sperando  in  Dio 
fargline  chiaro  piu  con  elTetti  che  con  parole. 

Or,  p[er]che  p[erj  il  dette  Rizo  feci  consapevole  la  Maesta  Vostra 
che,  contra  ogni  debito  di  raggione,  mi  trovo  discacciato  del  mio 
natural  regno  dal  tiranno  mio  fr[ate]llo,  le  dico  adesso  che  sono 
pochi  giorni  che  il  detlo  mio  fr[atc]llo  è  morto',  lai  che  con  ogni 
minimo  agiulo  io  entrarei  in  casa  mia;  et  queslo  facilmente  averra, 
se  V.  M.  se  dcgnara  scriverne  di  novo  al  detto  Gran  Sig[nolre  et 
incargarne  il  suo  ambasiatore^  che  ne  faccia  il  bono  officio  verso 
Sua  Altezza.  El  io  pronlamente  mi  parto,  essendo  stato  richieslo 
dal  detto  Sig[no]rc  de  andar  trovar  la  sua  armata  che  viene  ad 
espugnar  La  Golelta  '  ;  e  di  la  penso  andarminc  in  Constantinopoli. 
Et  quando  queslo  de  che  io  sup[pli]co  V.  M.  venga  ad  elTetto  p[er] 
mezzo  suo,  le  offro  me  stcsso  e  lutte  le  foize  mie  p[erj  spenderle  in 
suo  servigio,  (|uanilo  da  quella  mi  verra  coniantlalo.  E  confidan- 
donie  nella  sua  solila  clemenza  et  magnanimita,  faro  fine  alla  p[re- 


geait  les  projets  de  Moulay  Abd-el-Malek  et  par  son  frère  Gilles,  abbé  de  L'Isle. 

lui  donnait  de  vagues  assurances  de  con-  4.  La  flotte  commandée  par  le  capitan 

cours.  pacha   Euldj  .\li  partit  de  Constantinople 

1.  Le  capitaine  .\ntonio  Itizzo  était  au  mois  de  mai  1 674  à  destination  de  Tunis. 
«  ambassiatore  »  de  Franco  à  .\lgcr.  V.  Les  troupes  de  terre  débarquèrent  le  12 
Lettre  de  «  Hamal  Baxa  [.\hmed  Pacha],  juillet  sous  la  conduite  de  Sinan  Pacha  ;  les 
re  d'.Vlgieri,  »  à  du  ik  mars  1578.  galères  d'Alger,  sur  lescpjelles  se  trouvait 
Bibl.  ISal..  Ms.  fr.,  I\J'"  Acq.  5i/S,  f.  5t.  Moulay  Abd  el-Malek,  arrivèrent  quelques 

2.  Moulay  .\bdallah  e^G/ia/i6  mourut  le  jours  après.  Le  28  juillet,  la  Goulette  était 
21  janvier  157/1.  V.  El-Oufkà.ni,  p.  100.  prise;  Tunis  fut  emporté  d'assaut  le  i3  sep- 

3.  François  de  Noailles,  évèque  d'Acqs,  tembre.  Cf.  El-Oufràni,  p.  108;  Gra.m- 
ambassadeur  auprès  du  Grand  Seigneur  de  Moxr,  pp.    Ii5-ii6;    Ham.mek,    t.    II,    p. 


1571  à  1574,  date  à  laquelle  il  fut  remplacé         192. 


LETTRE    DE    MOUI-AY    ABD    EL-MALEK    A    CHARLES    IX 


755 


sen]te,  pregando  Dio  per  la  félicita  et  augumento  del  suo  potenlis- 


Da  Alger  a  xxv  di  Magio  MDLXXIIII. 


Di  V.  M"  hiiniillimo  servitore. 
Il  Re  de  Fes. 

Siffnalure  autographe'  :  Abdclmelec. 


Bibliothèque  Nationale.  —  Fonds  français. 
Ms.  5178-,  f.  57.  —  Original. 


Nouvelles    acquisitions. 


I.  Il  a  paru  intéressant  de  donner  ci- 
dessous  un  fac-similé  de  la  signature  auto- 
graphe de  Moulay  Abd  el-Malek  ;  il  est  très 
probablement  le  seul  souverain  de  toutes 
les  dynasties  marocaines  qui  ait  su  se  servir 
de  notre  alphabet  pour  signer  son  nom. 
Ce  chérif,  qui  avait  vécu  à  Alger  et  à 
Conslantinople  avant  de  monter  sur  le  trij- 


ne,  était  très  cultivé  et  connaissait  l'italien 
et  l'espagnol. 

2 .  Les  pièces  dont  est  composé  ce  manus- 
crit proviennent  de  la  collection  Godefroy, 
qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  île  l'Institut. 
Dérobées  i)ar  Libri  à  cette  bibliothèque, 
elles  ont  été  rachetées  en  1S87  par  la  Bi- 
bliothèque Nationale. 


KaC-SIMILÉ     I>E     la     SICNATL'KE    ALTOGBAI'IIF     I>F     MoiLAÏ    AbI)     EL-MaLEK. 


■756  21     FÉVRIER     l588 


LETTRE  DE  HENRI  III  A  MOULAY  AHMED  EL-MA>SOUR 

//  demande  à  Moulay  Ahmed  la  relaxation  de  neuf  matelots  français  du 
navire  «  la  Louve  »  rjui,  contre  la  foi  des  traités,  ont  été  capturés  près 
d'Arzila  et  envoyés  en  esclavaqe  à  Merrakech. 


Paris,  21  février  i588. 

En  tête  :  Lettre  du  roy  Henry  IV  au  roy  de  Fez. 

Très-illustre  prince  et  bon  amy. 

Tout  ainsi  que  nos  sujets  nous  doivent  naturellement  tout  devoir, 
obéissance  et  service,  aussi  sommes  nous  tenus  de  les  garentir  de 
fouUe  et  oppression,  lorsque  nous  savons  quils  ont  besoin  de 
nostre  assistance.  C'est  pourquoy,  aians  esté  avertis  que  patron 
Peiron  Perrier,  Monet  Giraud  et  Estienne  Taxistre,  du  lieu  de 
Cannes,  Jaumé  Amcreton,  Baptiste  Pipin,  Jean  Callafat,  Jean 
Maurellon,  Anihoine  Léon,  et  M"  Jean  Le  Barbier,  de  la  ville  d'An- 
tibes,  et  Jean  Beranguier,  du  lieu  de  S'  Tropez,  tous,  nos  sujets 
natifs  de  Provence,  allans  tralTiquer  cz  mers  de  Levant,  sous  la 
protection  des  traitez  de  bonne  amitié  et  intelligence  qui  sont  entre 
le  Grand  Seigneur  et  nous,  furent  rencontrez,  il  y  a  quelque 
temps,  à  l'endroit  d'Argille  '  en  Barbarie  près  le  détroit  de  Gibeltar, 
dans  un  vaisseau  nommé  «  la  Louve  »,  et  de  là  menez  à  Marroc, 
et  faits  vos  esclaves  et  prisonniers  ;  où  ils  sont  encore  misérable- 
ment détenus,  au  préjudice  desdits  traitez,  lesquels  nous  nous  som- 
mes toujours  efTorcez  d'entretenir  et  faire  observer  par  nos  minis- 
tres et  sujets   de  point  en  point,  espérant  de   vostre  part  en   cet 

I .   Aryilli',  Arzila. 


LETTRE     DE     HENRI     III     A     MOLLAY     AHMED     EL-MANSOl  R  ^57 

endroit  toute  bonne  correspondance,  pour  l'utilité  des  communs 
sujets  de  Sa  Hautesse  et  des  nostres;  nous  vous  en  avons  bien  voulu 
écrire  cette  lettre,  par  laquelle  nous  vous  prions  et  requérons, 
autant  et  si  affectueusement  que  faire  pouvons.  Très-illustre  Prince 
et  bon  amy,  de  faire  mettre  en  pleine  et  entière  liberté  lesdits 
Peirier,  Giraud,  Taxistre,  Amoreton,  Pipin,  Callafat,  Maurellon. 
Léon,  Le  Barbier  et  Beranguier;  tant  en  considération  de  la  recom- 
mandation que  nous  vous  en  faisons,  que  parce  qu'ils  sont  nos 
sujets,  lesquels  se  sont  seulement  mis  en  cliemin  sur  l'asscurance 
qu'ils  avoient  de  pouvoir  librement  traiUqucr  sous  la  protection 
desdits  traitez,  par  lesquels  le  commerce  est  librement  permis  entre 
nosdits  sujets,  vous  asseurant  que,  s'ils  sont  gratifiez  de  vous  en 
chose  si  raisonnable,  nous  en  receverons  tout  contentement,  et 
témoignerons  à  Sadite  Hautesse  que  nous  vous  en  sçavons  bon  gré, 
priant  Dieu,  Très-illustre  Prince  et  bon  amy,  qu'il  vous  ait  en  sa 
sainte  et  digne  garde. 

Escril  à  Paris,  le  21"  jour  de  février  i588.  Signé  :  Henry,  et  plus 
bas  :  De  Neufville. 

Et  la  suscription  etoit  :  Au  Très-illustre  Prince  et  bon  amy,  le 
roy  de  Fez  et  empereur  des  Marroques. 

Archives  des  Affaires  élranijères.  —  Maroc.  —  Correspondance  consu- 
laire. Vol.  I .  —  Copie. 


t58  avant  le  27  AVRIL  1091 


CERTIFICAT  DES  NÉGOCIANTS  DE  MARSEILLE 
TRAFIQUANT  AU  MAROC 

fis  donnent  un  avis  Jaz^orable  à  la  nomination  de  Georges  Former  comme 
consul  au  Maroc,  en  remplacement  de  Guillaume  Bérard  décédé. 


[Marseille,  avant  le  27  avril  lôgij^. 

Nous  marchands  soubzignés  deceste  ville,  marchand,  traffîquans 
et  negocians  aux  royaumes  de  Fez  et  Marroques  et  autres  lieux 
deppandent  desdites  contrées,  considérant  la  nécessité  importante 
de  la  conservation  du  négoce,  lequel  est  principallemant  maintenu 
par  le  moyen  de  l'érection  et  entrelenemant  des  charges  et  estât  de 
consuls  qu'y  sont,  par  nos  louables  coustumes  de  tout  temps  obser- 
vées, establis  et  institués  aux  lieux  plus  commodes  de  la  négocia- 
tion en  pais  et  royaumes  estrangers  pour  conserver  et  entretenir  les 
grandeurs  et  perrogatives  de  la  nation  françoise,  tenir  les  subjects 
de  Sa  Majesté  soubs  leur  protection  et  sauvegarde  et  iceulx  garan- 
tir de  touttes  fouUes,  opressions  qu'ils  pourroyent  recepvoir  ; 

En  conséquence  de  quoy,  ayant  esté  feu  Guilheaume  Berard  en 
son  vivant  pourveu  de  l'estact  et  charge  de  consul  pour  Sa  Majesté 
Très-Chrestienne  aux  royaulmes  de  Fez  et  Marroques  et  contrées 
en  deppandantes,  seroit  ses  mois  passés  dexedé,  laissant  par  sa 
mort  et  dexès  led'  pais  destitué  de  consul  et  les  marchands  et  traf- 
fiquans  despourveus  de  celluy  quy  leur  doit  fere  randre  et  admi- 
nistrer justice  et  emparer  leur  cauze  et  deffance  en  touttes  occasions 
et  occurances,  au  très-grand  desadvantage,   inlherès  et  presjudice 

I.  Cf.    i"   Série.   Franco,   t.    II,   Doc.  2.  Cette  date  a  été  restilucc  d'après  celle 

LXXIX,  p.  194.  du  Document  suivant. 


PÉTITION   DES    NÉGOCIANTS    DE    MARSEILLE    TRAFIQUANT   AU    MAROC     "Bq 

des  droits  et  grandeurs  de  Sa  Majesté  et  dos  commodittés  des  ma- 
nans  et  liabilans  de  ccste  ville  tralFiqnaiil  auxditlcs  parties  ;  à  loc- 
casion  de  quoy,  tant  pour  la  conservation  des  authorités  de  ceste 
nation,  protection  des  marchands  et  negossians  ausditz  loyaulme. 
et  attandu  que  ledit  estât  et  ofTice  de  consul  est  vacquant  par  le 
dexets  dudil  Berard,  et  qu'il  est  nécessaire  y  estrc  prompteincnt 
prouveu  dun  qui  aye  les  qualliltés  requises  à  l'exercice  dudit 
estact,  deubement  inl'ormés  et  à  plaiu  assurés  de  la  prudliommie, 
intégrité,  bonnes  meurs,  exprriance  et  capaciltc  de  George  Four- 
nier,  marchand  de  ceste  d"  ville,  aquize  par  une  longue  conversa- 
tion et  uzaige  ausdittes  parties,  et  mesnies  ayant  exercé  la  d"  charge 
par  quelques  années  du  vivant  dudil  Berard  et  en  son  absance 
d'icelle,  déclarons  que  n'cnlhandons  empcscher,  ains  plustot  dezi- 
rons  et  la  grandeur  de  ceste  nation,  bien,  repos  et  tranquililé  de 
tous  les  negossians  ausdittes  parties  que  led'  Fornier  soit  receu, 
nommé  et  promcu  en  lad''  charge  et  estact  consuUaire  ausdittes 
parties,  aux  mesmes  droits,  quallittés,  honneurs,  perrogatives,  prof- 
fîts,  commodittés  et  esmollumens  que  de  tout  temps  ont  apartenu 
à  ses  devansiers  et  à  1  estact  et  forme  de  ceux  de  Surie  et  Egypte, 
suppliant  humblement  Sa  Majesté  et  requcMuuls  les  s'*  consuls,  ma- 
nans  et  habitans  de  ceste  d'  ville,  suivant  les  privilleges,  conven- 
tions et  chapp'"  de  paix,  luy  voulloir  donner  et  expédier  lettres  et 
provissions  à  ce  propres,  nécessaires  et  convenables,  nous  estant  à 
foy  de  ce  que  dessus  soubs"" 

Suivent  les  signatures. 

Archives  communales  de  Marseille.  —  Registre  des  Délibérations   de 
1501,  f.  137. 


760  2~     AVRIL     IÔ9I 


LETTRES  DE  NOMINATION  DU  CONSUL  FORNIER 


Nomination  de  Geortjes  Former  à  l'office  de  consul  aa  Maroc.  —  Le 
Magistrat  de  Marseille  demande  au  Roi  de  ratifier  cette  nomination. 
—  //  prie  le  Chérif  de  reconnaître  G.  Former  en  qualité  de  consul. 


Marseille,  37  avril  iSgi. 

En  te'le  :  Teneur  de  lettres  octroyées  audit  Fornier  par  les 
s"  consuls  de  cesle  ville  de  Marseille. 

Nous  Melchion  Maumès  et  Anthoine  Germain,  bourgeois,  con- 
suls, gouverneurs,  protecteurs  et  defTanceurs  des  convantions, 
chappitres  de  paix,  statuts,  privilleges,  franchises  et  libertés  de  la 
présente  ville  et  citté  de  Marseille,  à  tous  ceulx  qui  les  présentes 
verront,  sallut. 

Comme  à  cauze  du  commerce  que  les  manans  et  habitans  de 
cette  ville  et  autres  de  ce  rovaume  de  France  font  et  ne^ossent  aux 
royaumes  de  Fez  et  Marroques  et  autres  lieux  deppandent  desdittes 
contrées,  il  seroit  très-nécessaires  y  establir  un  consul  pour  leurs 
protection,  manutention  et  deflance,  ainsy  que  de  toutte  anciennetté 
y  a  esté  gardé  et  observé,  ayant  nous  en  nottice  que  Guilheaume 
Berard,  dernier  promeu  en  lad"  charge  et  iccUe  exerceant,  seroit 
naguiere  dexedé,  et  par  ce  moyen  les  negossians  et  trafïiquans  aus- 
dits  royaumes  de  F'ez  et  Marroques,  tant  de  ceste  d''  ville  que 
autres  de  la  nation  françoise,  destituez  de  personnes  à  les  pouvoir 
protéger.  delTandre  et  conserver  leurs  franchizes  et  libertés  : 

A  quoy  voullans  pourvoir,  sçavoir  faisons  que  nous,  à  plain  con- 
fians  de  la  personne  du  s'  George  Fornier,  marchand  natif  et  origi- 


LETTRES  DE  NOMINATION  DV    CONSUI,  FORNIER  "fil 

naire  dudit  Marseille,  et  de  ses  bonne  vie.  meurs  et  relligion 
calhollique,  sens,  sufTizance,  piudliommie.  vertus,  dilligences  et 
experiance,  et  ses  cauzes  et  autres  à  ce  nous  mouvans  et  en  tant  que 
nous  est  permis  parnos  diltes  convantions,  statuts,  privilleges,  fran- 
chises et  libertés,  de  l'advis  et  consantemant  do  plusieurs  marchands 
et  notables  personnes  de  ceste  d"  ville  de  Marseille,  avons,  par 
vertu  des  présentes,  nommé,  esleu,  créé,  constitué  et  ordonné  le- 
d'  s'  George  Fornier  pour  consul,  protecteur  et  deffanceur  desdits 
manans  et  habitans  dudit  Marseille  et  de  tous  autres  de  la  nation 
Françoise  navigant.  fra(ru|uant  et  ncgocians  auxdits  royaumes  de 
Fez  et  Marroques  et  aultres  lieux  despandant  desdittes  contrées, 
pour  d'horesnavant  en  jouir  et  uzer  parled'  Fornier  avec  ses  droits, 
honneurs,  authorités,  pcrroguatives.  preéminanccs.  franchises, 
libertés,  proffîct,  esmoUumans  et  jurisdiction  y  apartenants  et  que 
solloit  tenir  et  exercer  ledit  feu  Guilheaume  Berard  dernier  dexedé 
et  paissible  possesseur  dud"  oITice,  avec  pouvoir  de  subroger  et 
substituer  en  lad''  charge  et  ofTice  en  son  absence  un  ou  plusieurs, 
tels  que  luy  plairra,  à  ce  cappables  et  sullizans; 

Supplians  très-humblement  Sa  Majesté  Très-Chrestiennc,  mon- 
seigneur le  duc  de  Mayenne,  lieutenant  gênerai  de  lestât  royal 
et  couronne  de  France  et  conseil  dudit  estât,  voulloir  conlir- 
mer  notre  présente  nomination,  eslection  et  érection  de  consullat 
au  prolTit  dudit  Fournier  et  luy  en  fere  expédier  lettres  à  ce  oppor- 
tunes ; 

Prions  en  outre  et  requérons  au  serenissime  roy,  magistrats, 
juges,  officiers  et  tous  autres  qu'il  apartiendra  desdits  royaumes 
de  Fez  et  Marroques  et  un  chasctm  dicculx  en  droict  soy  et  comme 
leur  touche,  ledit  George  Fornier  mettre  ou  fere  mettre  en  posses- 
sion réelle,  actuelle  et  corporelle  dudit  estât  et  office  de  consul  pour 
lesdils  manans  et  habitans  dudit  Marseille  et  nation  françoise  aux- 
dits royaumes  de  Fez  cl  Marroques  et  tous  les  roignes,  le  mainte- 
nir, protéger  et  deffandre  en  icclle  envers  et  conire  Ions,  et  l'en  fere 
jouir  (lu  fruit  et  bencffice  dudit  cstacl  plainement  et  paisiblement, 
sans  permettre  luy  estre  donné  à  ce  aucun  empcschement.  nous 
ofirant,  en  samblable  et  plus  grand  cas,  l'cre  de  mesmes,  quand 
par  vous  en  seronts  requis. 

En  tesmoings  de  ce,  avons  signé  les  présentes,  fait  signer  le  se- 


762  2  7   AVRIL   i5r)i 

cretaire  de  la  maison  commune  de  caste  d'  ville  et  tait  mettre  et 
apozer  le  cachet  des  armoiries  d'icelle. 

Donné  à  Marseille,  ce  vingt-septiesme  jour  du  mois  d'apvril  mil 
cinq  cens  quatre-vingt  et  onze. 

Melchion  Maumès,  consul  —  Anthoine  Germain,  consul. 

Par  mesd'  s'^  consuls,  Bodier;  ainsy  signé  et  deubement  scellé  de 
sel  de  lad^  ville. 

Archives  communales  de  Marseille.  —  Rerjistre  des  Délibérations  de 
1591,  f.  138. 


I 


TABLE   CHRONOLOGIQUE 


NUMEROS 

des 

PIÈCES 


I 

II 

III 

IV 

V 

VI 

VII 

VIII 

IX 


DATES 


1617,  a5  mars 
»       i3  mai 


» 
16.7 


»  » 
27  mai 

»  » 
l5  juin 


1618,  i^'  janvier 

1619,  6-27  janvier 


\ 

1619,     4  février 

XI 

»       20  février 

XII 

»       août 

xni 

1619 

TITRES 


Lettre  de  Harlay  de  Sancy  à  Richelieu 

Lettre  de  Ilarlav  de  Sancy  à  V'illerov 

Lettre  de  Harlay  de  Sancv  à  Léon  Foureau 

Lettre  de  Harlay  de  Sancy  à  Louis  XIII 

Lettre  de  Harlay  de  Sancv  à  Richelieu 

Lettre  de  Sainl-Mandrier  h  Louis  XIII 

État  des  consuls  de  France  à  l'étranger 

Lettre  de  Sainl-Mandrier  h  Louis  XIII 

Proccs-vcrbaux   des   conseils   tenus   à   Mazagan   par   D.   Jor^ 
Mascarenhas  : 

Procis-verbal  de  la  séance  du  6  janvier  1619 

Lettre  de  Moulay  Zidàn  à  D.  Jorge  Mascarenhas 

Rapport  do  Francisco  Diaz  Faleiro  sur  son  voyage  à  Safi.- 

Procès-verbal  de  la  séance  du  12  janvier  1619 

Note  de  Joào  Gomez  et  de  Salvador  Roiz 

Instructions  données  à  F.  Diaz  Faleiro  se  rendant  à  Safi.  . 

Instructions  données  à  F.  Mascarenhas  se  rendant  à  Safi.  . 

Lettre  de  Philippe  III  à  Jorge  Mascarenhas.     .... 

Lettre  de  Jorge  Mascarenhas  à  Moulay  Zidàn 

Rapport  de  Francisco  Mascarenhas 

Lettre  de  Moulay  Zidàn  à  Francisco  Mascarenhas. 

Lettre  de  Jorge  Mascarenhas  à  Philippe  III 

Lettre  de  Saiiil-Mandrier  h  Puisiciix 

Ktal  des  consuls  français  dans  le  Lcvanl 

Instructions  pour  La  Molle 


/ 
10 
12 
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16 


20 
20 

2.3 

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42 


5i 
53 


04 


7fi'. 


TABLK    CHRON'OLOr.inUE 


NUMEROS 

des 

PIÈCES 


XIV 

XV 

XVI 

XVII 

XVIII 

XIX 

XX 

XXI 

XXI! 

XXIII 

XXIV 

XXV 

XXVI 

XX  VU 


DATES 


1621 ,  10  juillet 
1621-1622 
i()32,    9  avril 

»       i4  niai 

»         i  clL'cembre 
162^,     2  novembre 

[623-1624 

1626,  août 

»       26  novembre 
fin  1626 
fin  1626 

1627.  20  mars 

»       1 5  septembre 
1625-1629 


XXVIII 

1629, 

iS  février 

XXIX 

» 

18  juin 

XXX 

» 

23  novembre 

XXXI 

1629 

TITRES 


Lettre  de  G.  de  Benemerin  à  Charles  de  Gonzague 

Mémoire  sur  la  défense  des  presidios  d'Afrique 

Lettre  de  Jorge  Mascarenhas  à  Medina-Sidonia 

Consulte  du  Conseil  d'État 

Requête  des  captifs  français  à  Louis  XIU 

Contrat  de  rachat  de  captifs 

Les  chrétiens  au  Maroc  —  Introduclion  critique 

Histoire  de  la  mission  des  PP.  capucins  au  Maroc 

Lettre  de  Dutiez  à  Isaac  de  Razilly 

Mémoire  de  Razilly  à  Richelieu 

Mémoire  de  Razilly  à  Richelieu 

Mémoire  de  Razilly  à  Richelieu 

Lettre  de  Razilly  à  Richelieu 

Lettre  de  Langerack  aux  États-Généraux 

Histoire  de  la  mission  des  PP.  capucins  au  Maroc  : 

Lettre  des  capucins  captifs  au  Maroc  au  P.  Joseph 

Lettre  du  P.  Joseph  aux  capucins  captifs  au  Maroc 

Lettre  du  P.  Joseph  auï  capucins  captifs  au  Maroc 

Lettre  du  P.  Pierre  d'Alençon  au  P.  Joseph  de  Vitré. 

Lettre  du  cardinal  Ludovisi  au  P.  Joseph 

Lettre  du  P.  Joseph  aux  capucins  captifs  au  Maroc 

Lettre  du  P.  Joseph   aux  capucins  captifs  au  Maroc 

Lettre  des  PP.  Pierre  d'Alençon  et  Michel  de  Vezins  au  P.  Joseph. 

Instructions  pour  Razilly 

Lettre  de  Richelieu  à  Razilly 

Les  Moriscos  à  Salé  et  Sidi  El-Ayachi.  Introduction  critique. 

Lettre  de  Razilly  à  Richelieu 

Procès-verbal  d'André  Chemin  : 

Lettre  de  Razilly  à  Mohammed  ben  Abd  el-Kader  Ceron.. 

Lettre  de  Mohammed  ben  .\bd  cl- Kader  Ceron  à  Razilly.. 

Lettre  de  Razilly  à  Moulay  Abd  ol-Malek 

Lettre  de  Razilly  à  Toribio  de  Herrera 

Lettre  de  Toribio  de  Herrera  à  Razilly 

Lettre  de  P.  Du  Chalard  à  Mohammed  ben  Abd  el-Kader  Ceron. 


TABLE    CHRONOLOGIQUE 


7GÛ 


NUMEROS 
des 

PIÈCES 


DATES 


XXXII 

1629 

XXX  m 

1629 

xxxiv 

i(')29,  3o  novembre 

XXXV 

i63o,  lo-i  I  janvier 

XWVI 

» 

2/1  août 

WWII 

» 

25  août 

XXXV  m 

» 

i2Juil.-i"sept. 

XXXIX 

» 

3  septembre 

XL 

» 

23-28    » 

XLI 

» 

27 

XLII 

» 

3o          » 

XLIIl 

» 

juin-nov. 

TITRES 


Lettre  do  Medina-Sidoniaà  Razilly 

Lettre  de  Medina-Sidonia  .\  Razilly 

Lettre  do  Razilly  à  Medina-Sidonia 

Lettre  des  esclaves  français  à  Razilly 

Lettre  des  esclaves  français  à  Razilly 

Lettre  de  Razilly  à  Mohammed  ben  Abd  el-Kader  Ceron. 

Lettre  de  Razilly  à  Jïégrille 

Lettre  do  Razilly  aux  esclaves  français 

Trêve  entre  Louis  XIII  et  la  >nlle  de  Salé 

Lettre  de  Moulay  Abd  el-Malek  à  Razilly 

Lettre  de  Dumont   à  Razilly 

Lettre  de  Moulay  Abd  el-Malek  à  Razilly 

Lettre  de  Razilly  à  Moulay  Abd  el-Malek 

Mémoire  adressé  au  Conseil  du  Roi 

Histoire  de  la  mission  des  PP.  capucins  au  Maroc  : 

Lettre  du  P.  Joseph  à  Razilly 

Provisions  de  consul  pour  André  Prat 

Relation  d'une  sortie  des  Iroupes  di-  Tanger 

Lettre  de  Sidi  el-Ayachi  à  F.  Mascarenbas 

Réponse  de   F.  Mascarenbas  à  Sidi  el-Ayachl 

Projet  de  Irèvc  entre  Louis  XIII  et  Salé 

Lettre  de  Ahmed  ben   ali    Hexer  et  de  Abdallah   ben    Vil   el- 

Caceri  au  P.  d'Athia 

Relation  du  capitaine  Pallot 

Trêve  entre  Louis  XIII  et  Salé 

Procès-verbal  de  Gaspard  Coignet 

Lettre  de  A.  de  La  Porte  à  Richelieu 

Lettre  de  Gaspard  Coignet  h  Richelieu 

Relation  dite  de  Jean  Armand  Muslapiia  : 

Lettre  de  Razilly  à  Moulay  Abd  el-Malek 

Lettre  de  Razilly  au  gouverneur  de  Safi 

Lettre  de  Razilly  J>  Moulay  Abd  el-Malek 

Commission  de   consul  pour  Pierre  Mazet 

Procès-verbal  de  la  délibération  à  bord  de  «  la  Licorne  ».  . 


229 

23o 

23l 

a33 
235 

238 
239 

2W 

25o 

25  1 

253 
256 
263 
265 
273 
275 

279 
280 

282 

287 
289 
292 

■'97 
3oi 

3o2 

3o4 
3ii 
3ia 

3i6 
3i8 

320 


766 


TABLE    CHRONOLOfUOUE 


NUMEROS 

des 

piki:es 


XLIV 


XLV 


LI 

LU 

LUI 

LIV 

LV 

LVl 

LVII 

LVIII 

LIX 

LX 

LXI 

LXII 

LXIII 

LXIV 

LXV 

LXVI 


DATES 


i()3o,  juin-nov. 


lC3o,     2  novembre 


XLV  i-'' 

» 

1)         » 

XLVI 

» 

3o  novembre 

XLVU 

i63i 

XLVIII 

rG3i, 

10  février 

XLIX 

» 

»        » 

L 

i63i 

i63i 


'9 

mars 

6 

mai 

av. 

le  1 4  juin 

i- 

septembre 

2k 

» 

3o 

» 

i3  octobre 

3i 

» 

5 

novembre 

12 

» 

'9 

» 

i633 


12  avril 


»       12  juin 
i633,    2  février 


TITRES 


Lettre  de  Razilly  au  gouverneur  de  Sali 

Lettre  de  Razilly  à  Moulay  Abd  el-Malek 

Procès-verbal  de  la  délibération  à  bord  de  «la  Licorne  ». 

Description  de  Salé 

Histoire  de  la  mission  des  PP.  capucins  au  Maroc  : 

Procès-verbal  delà  délibération  des  PP.  capucins 

Obédience  pour  les  PP.  capucins  envoyés  au  Maroc 

Instructions  du  P.  Joseph  aux  PP.  capucins  envoyés  au  Maroc.  . 
Lettre  de  Moulay  .\bd  el-MaU'k  ben  Zidân  à  Louis  XIII  {Texte 

(irabe^ 

Même  lettre  {Traduction  française) 

Lettre  des  captifs  français  à  Louis  XIII 

Mémoire  sur  le  Maroc 

Lettre  de  P.  Mazet  à  Richelieu 

Extraits  des  lettres  de  P.  Mazet  à  Richelieu 

Biographie  de  Moulay  Abd  el-Malek 

Les  relations  de  la  France  avec  le  Maroc  de  i63i  à   i635.  Les 

Pallache.  —  Introduction  critique 

Lettre  de  David  Pallache  à  Richelieu 

Lettre  de  commission  en  faveur  de  Razilly 

Instructions  pour  Razillv  et  Du  Chalard 

Traité  entre  Moulav  el-Oualid  et  Louis  XIII 

Traité  entre  Louis  XIII  rt  Moulay  el-Oualid 

Lettre  de  Louis  XIII  à  Barrault 

Lettre  de  Moïse  Pallache  à  Richelieu 

Relation  anonyme 

Gazette  de  France 

Gazette  de  France 

Gazette  de  France 

Répartition  de  la  prise  faite  sur  la  côte  du  Maroc 

Ratification  du  traité  du  24  septembre  i63i 

Mercure  François 

Compte  de  la  marine  du  Ponant 

Lettre  de  Julien  Du  Puy  à  Du  Chalard 


TABLE    CHRONOLOGIQUE 


7C7 


-NUMEROS 

des 

PIKCFS 


LXVII 

LWIII 

LXIX 

LXX 

LXXI 

LXXII 

L\XIII 

LXX[V 

LXXV 

L\X\  I 

LWVII 

LWVIII 

L\XI\ 

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LXXXIV 

lAXXV 

LXXXVI 

LXXXVII 

LXXXVIII 

LXXXIX 

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DATES 


» 


if.3.3 
y  juillet 
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I  a  août 

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septembre 

6 

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novembre 

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18 

juillet 

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|er 

septembre 

i3  octobre 

23 

novembre 

i635 

» 

20 

avril 

i636 

i636, 


i63G,  I  a  juillet 


1637, 

i638, 
» 


i636 
i5  septembre 
1637 
.'(  mai 
9  juillet 
lu  juillet 


TITRES 


Mémoire  de  P.  Du  CbalarcI 

Relation  d'Antoine  Cabiron 

Compte  d'Antoine  Cabiron 

Mémoire  de  P.  Du  Cbalard 

Mémoire  de  P.  Du  Clialard 

Etat  estimatif  de  dépenses 

Etat  estimatif  de  dépenses 

Rôle  des  Maures  détenus  à  Marseille 

Lettre  de  Xicolas  de  L'Hôpital  à  Louis  XIIL    .      . 

Lettres  patentes  de  Louis  XIII 

Lettre  de  Pierre  de  Gondy  à  Boutliillier 

Histoire  de  la  mission  des   PP.  capucins  au  Maroc.  . 

Traité  entre  Louis  .\HI  et  Moulay  el-Oualid 

Ordonnance  de  Moulay  el-Oualid  (Texte  arabe') 

Même  Document  (Traduciion  française) 

Acceptation  des  articles  de  la  paix  par  les  Salctins.    . 

Lettre  de  P.  Du  Cbalard  à  Louis  XIH 

Lettre  de  P.  Du  Cbalard  à  Ricbelieu 

Mémoire  de  P.  Du  Cbalard 

Mémoire  de  Ricbelieu 

Instructions  pour  Sourdis 

Jugement  de  l'amirauté  de  France 

Instructions  pour  Sublet  des  Noyers 

Mandement  de  Louis  XHI  aux  consuls  de  Toulon. 
Mandement  de  Louis  XIII  aux  consuls  de  Marseille.  . 

Relation  de  Sourdis 

Compte  de  la  marine  de  Ponant 

Compte  de  la  marine  de  Ponant 

Relation  de  Jean  Marges 

Lettre  de  Louis  XIII  à  Bellièvre 

Extrait  d'une  lettre  à  MM.  Rozéc,  Le  Gcndn?  et  C"'. . 

Extrait  d'une  lettre  de  Salé 

Les  ordres  rédempteurs  et  les  captifs  cbrétiens  au  Maroc. 
Introduction  critique 


C/3 


445 

44- 
4G1 

47- 
475 

478 

471) 
48 1 

482 

483 


^8.-. 
486 

4'J2 

49Ô 

497 
499 
5o2 
5o6 
5o8 

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5i6 

D23 
025 
527 

533 

534 
536 

55o 
55» 
554 
555 


768 


TABLE    CHRONOLOGIQUE 


NUMEROS 

des 

PIÈCES 


XCVIII 

XCIX 

G 


CXXIV 

cxxv 
cxxvi 


DATES 


i638,    6  août 
»        4  septembre 
i638 


CI 

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iC  juillet 

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24  août 

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22  novembre 

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22  mars 

CVIII 

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i"juin 

CIX 

» 

3i  juillet 

ex 

iC/,(i, 

4  octobre 

CXI 

1047, 

29  mars 

CXII 

» 

4  septembre 

CXIII 

» 

ioaoùl-4sept. 

CXIV 

» 

6  septembre 

CXV 

» 

8         » 

CXVI 

» 

22  octobre 

CXVII 

» 

1 1  décembre 

CXVIII 

» 

3o  décembre 

CXIX 

iC48, 

18  janvier 

cxx 

» 

(j  juin 

CXXI 

» 

20  octobre 

C\XII 

iG52. 

28  janvier 

CXXI  II 

)652 

1653,  "juin 

1654,  ap.  12  sept. 
i65-,  i3  mai 


TITRES 


Arrêt  du  Conseil  privé 

Lettre  de  P.  Du  Chalard  à  Chavignv 

Lettre  de  Louis  XIII  aux  Etals  de  Bretagne 

La  zaouïa    de  Dila  et  la  chute  de  la  dynastie  saadienne. 

Iniroduction  critique 

Lettre  de  Gaspard  de  Rastin  à  Richelieu 

Relaliori  d'une  rédemption  de  captifs  à  Salé 

Avis  de  Lanier 

Relation  anonyme  du  soulèvement  de  Tanger 


Lettre  du  comte  de  Assentar  à  Luis  de  Ovanguren. 

Avis  de  Mazagan  et  de  Tanger 

Avis  de  Tanger 

Lettre  de  Jean  W  à  D.  Luis  Vasco  de  Gama.  . 

Lettre  de  Saint-Pé  à  Mazarin 

Lettre  de  Lanier  à  Mazarin 

Provisions  de  consul  pour  François  de  Boyer.  . 
Lettre  de  D.  Juan  de  Duero  à  Medina-Celi.    . 

Relation  du  siège  de  El-Mamora 

Lettre  de  Lanier  à  Mazarin 

Lettre  de  Medina-Celi  à  Philippe  IV' 

Lettre  dî  Lanier  à  Mazarin 

Lettre  d'André  Prat  à  Lanier 

Lettre  de  Lanier  à  Mazarin 

Lettre  de  Lanier  à  Mazarin 

Lettre  de  Lanier  à  Mazarin 

Provisions  de  consul  à  Henry  Prat 

Ordre  de  Louis  XIV  à  Henry  Prat 

Mémoire  justificatif  pour  D.  Joào  Soares.   . 

Lettre  de  Pliilippe  IV  à  D.  Joâo  Soares. 

Lettre  de  Philippe  IV  à  Medina-Celi 

Lettre  de  D.  Joâo  Soares  à  Pliilippe  H  .     . 

Arrêt  du  Parlement  de  Paris 

Relation  d'une  rédemption  de  captifs  à  Salé.  . 
Instruction  secrète  pour  Comminges 


TABLE    CHRONOLOGIQUE 


'S^9 


NUMEROS 

des 

PIÈCES 


CXWII 
(AWIII 

CXXIX 


DATES 


i65-,  20  juillet 


i665 


I 

i533, 

10  décembre 

2 

i534, 

27  mars 

'.\ 

i56i, 

18-27  ma'"* 

\ 

i56r, 

6-16  avril 

f.  bis 

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.574, 

25  mai 

6 

i588. 

2 1  février 

y 

1091, 

av.  27  avril 

S     • 

1Ô91, 

27  avril 

TITRES 


Propositions  de  Comminges  aux  plénipotentiaires  portugais. 

Lettre  de  Comminges  à  Brieniic 

r'iote  bibliographique  sur  la  relation  de  Thomas  Le  Gendre. 
Relation  de  Thomas  Le  Gendre 


ADDENDA 

Lettre  de  Charles  de  Mouv  à  Philippe  do  Cliabot 

Compte  de  l'épargne 

Lettre  de  Moulav  Mohammed  ben  Abdallah  à  Charles  I\.  . 
Sauf-conduit  donné  par  Moulav  .Vbdallah  el-Glialib  à   liohert 

Bordel  {Texte  arabe') 

Même  Document  {Traduction  française) 

Lettre  de  Moulav  Ahd  el-Malek  à  Charles  IX 

Lettre  de  Henri  111  à  Moulav  Ahmed  el-.Mansour 

Certificat  des  négociants  de  ALirseille  trafiquant  au  Maroc. . 
Lettre  de  nomination  du  consul   Fornier 


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687 
689 
691 

699 


7A3 

745 
746 
7^9 

75. 

753 
756 
758 
760 


De  Castries. 


m.  -  49 


?7/ 


TABLE   DES   PLAiNCHES 


HORS  TEXTE 

P>gra 

I.  —  Vue  de  la  rade,  du  port  et  de  la  ville  de  Salé 187 

II.   —  Vue  générale  de  Salé 191 

III     —  Lettre  de  Moulay  Abd  el-Malek  bon  Zidàn  (2  novembre  i63o).  355 

IV.   —  Ordonnance  de  Moulav  el-Oualid  (iS  juillet  i635) ^gf" 

V,   —  Carte  politique  du  Maroc  en  1660 (îo8 

VI.   —  Sauf-conduit  donné  par  Moulay  Abdallah   el-Ghalih  à    Robert 

Bordet -jbi 


DANS   LE  TEXTE 


Signature  autographe  de  Moulay  ,\bd  el-Malek 755 


r.nARTRE'i.     IMPRIMERIE    DURAND.     RI'E     FULBERT. 


T, 


0' 


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UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


DT  Castries,   Henri  Marie  de  La 

302  Croix,   comte  de      ^ 
C3  Les  sources  inédites  de 

sér.l  l'histoire  du  Maroc 


t. 3