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LES
SOURCES INÉDITES
DE
L'HISTOIRE DU MAROC
COLLECTION DE LETTRES. DOCUMENTS ET MEMOIRES
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES
DU COMITÉ DU MAROC
ET DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE
LES
SOURCES INÉDITES
L'HISTOIRE DU MAROC
Le Comte HENRY DE CASTRIES
* • • • *
PREMIÈRE SÉRIE — DYNASTIE SAÂDIENNE
v.i
ARCHIVES ET RIBLIOTHÈQUES DE FRANCE
T O iNI E III
liislory c/mnot be wrilten from manuscripts.
Mark Pattisoi».
PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPAUTK, 28
l<|l I
INTRODUCTION
AGENTS ET VOYAGEURS FRANÇAIS AU MAROC
i53o-i66o
Aymoxd de Molon. — Ce genlilhomine, d'une famille de la
Bresse', vint au Maroc avec un compagnon" en i532 ; il arriva à
Fez en mars-avril, se donnant pour un marchand et achetant des
plumes de panache', mais on peut supposer qu'il avait cpielque
autre mission et devait, à tout le moins, rapporter des renseigne-
ments sur le pays. Ayant laissé à Fez son compagnon, il rentra en
France avec une lettre' du souverain mérinide Ahmed ben Moham-
med el-OuattassV' pour François I". A son retour, Ayniond de
Molon fit des richesses du Maroc des descriptions exagérées et excita
si bien les convoitises de la Cour, qu'en i533 le Roi se décida à
envoyer une mission sous les ordres du colonel de Piton dans ce
pays merveilleux. L'expédition, à laquelle avait été adjoint Aymond
de Molon, eut une fin malheureuse et lui-même mourut lors du
voyage de retour'', ainsi que son chel'et la plupart des gentilshommes
qui l'avaient accompagné.
Pierre de Piton. — Colonel de mille hommes de guerre ù pied,
Pierre de Piton avait dû s'éloigner de France à la suite d un homi-
1. \ . I" Série, France, 1. 1, p. i, note i. It. \. Ibidem, p. -.«8.
2. On ne connaît que le prénom de ce ,'). Sur ce souverain, V. Ibidem, p. lo,
compagnon, Louis. V. Ibidem, p. -ili. note 2. Il régna de iDsfl à i348.
3. V. Ibidem, p. 2/), note .3. 6. V. Ibidem, p. 20.
Dt Casthies. 111. — a
II INTRODUCTION
cide involontaire' : il y rentra avec des lettres de rémission.
François I" le mit à la tète de l'ambassade qu'il envoya au Maroc
en i533'. Piton partit le 25 mai de llonlleur avec la galéasse
« le Saint Pierre », commandée par le génois Baptiste Auxylia.
Cinq gentilshommes et le pseudo-marchand Aymond de Molon
faisaient partie de l'expédition: l'ambassade emportait des montres,
des miroirs, des peignes et autres ft merceryes » avec quelques
articles de fauconnerie : le tout devait être oiTert au roi de Fez et à
son beau-frère Moulay Ibrahim.
L'antagonisme du commandant du navire et de l'ambassadeur fut
la cause de conflits sans nombre. Néanmoins Piton put débaripier
à Larache et se faire conduire à la mahalla du Roi, qui était dans
les environs ; il fit la remise des présents, qui fui'ent peu goûtés,
puis il accompagna le Pioi à Fez, où il séjourna un mois. Il obtint du
souverain mérinidc une lettic pour François!'', accordant aux Fran-
çais la libre navigation sur les côtes du Maroc \ Pendant le voyage
de l'ambassade à Fez, le génois Auxylia, mû par quelque sentiment
de basse vengeance, abandonna son navire au mouillage et passa en
Portugal, où il dénonça Pierre de Piton comme ayant importé au
Maroc de la contrebande de guerre'. Les Portugais organisèrent
une croisière pour s'emparer de la galéasse française. Piton, malgré
le danger de tomber entre leurs mains, quitta le Maroc : la tempête
le jeta dans les îles de Rayonne en Galice (septembre i533). au
large desquelles il mourut de maladie. Tous les gentilshommes qui
l'avaient accompagné étaient morts avant lui, à l'exception d'un
seul, Jos-se de La Planque", qui réussit à rentrer en France avec la
galéasse et aborda en Normandie à la fin de septembre io33 °.
Geoffroy de Bu.\de. — Ce gcntilhonmie gascon faisait partie
de l'ambassade envoyée en lôtio par Antoine de Rourbon à Moulay
I. Sur cette afl'aire, \ . Ibidem, note /j. de Piton, sur la dénonciation du capitaine
■i. V. /4((/em. pp. 1 4-2 1, la Relation que Baptiste .\u\ylia.
Piton lui-même a laite de son ambassade. 5. Sur ce personnage, V. Ibidem, p. 4i-
3. V. le te.tte de cotte lettre. Ibidem, note i, et infra, pp. 7^4 et 745.
Doc. IV, pp. 8-1 1. 0. Les animaux amenés du Maroc étaient
4. V. Ibidem, pp. ia-Sg, le teste de arrivés en France des le début d'octobre
l'intormation faite à Évora contre le colonel i533. \. Ibidem, p. 4i.
INTRODUCTION III
Abdallah el-GItalib' . L'objet de celte mission était de négocier la ces-
sion au roi de Navarre de la place de El-Ksar es-Seghir et d'obtenir
un traité de commerce dont le Ijénélice se serait étendu à tous les
Français. Mais larrière-pensée d'Antoine de Bourbon était de faire
de la place marocaine un objet d'échange pour obtenir de Philippe II
la restitution de la partie de la Navarre occupée par lEspagne. Le
i'oi François II avait donné plus ou moins officiellement son assen-
timent à l'expédition, à la tête de laquelle se trouvait un gentil-
homme nommé Montfort, mais dont le véritable chef, en raison de sa
connaissance des clioses marocaines, était le capitaine portugais
Melchior \ aez d'Azevedo", au service d'Antoine de Bourbon. L'am-
bassade s'embarqua sur un navire fourni par Antoine de Noailles,
gouverneur de Bordeaux, et partit de ce port le i" mars i^Go. Elle
arriva à Agadir (Santa-Cruz-du-Cap-de-Guir) le 17 mars et mil
vingt-six jours pour se rendre à Pez. Les négociations terminées et
le traité signé ' par rintcrmédiaire du cai^itaine Melchior Vaez
d'Azevedo, celui-ci et Montfort reprirent le chemin d'Agadir, lais-
sant Geofl'roy de Buade malade à Fez. Ce dernier put en partir à la
fin de juillet sur un navire de Marseille « qui estoit venu audict
Fez en marchandises » ; il arriva ainsi à Cadix. Quand il entra
dans ce port, l'embargo fut mis sur le navire et l'équipage. Grâce
à rintervention de Sébastien de L'Aubespine, ambassadeur de
François II auprès de la cour d'Espagne, cette mesure fut rap-
portée. Toutefois GcoffroY de Buade lui-même demeura long-
temps, les fers aux pieds, dans une dure captivité.
Pkunay. — Deux gentilshommes de ce nom, fils de Louis de
Billy. seigneur de Prunay-le-Gillon (Eure-et-Loir) et de Marie de
Brichanteau, firent partie de l'ambassade envoyée à Fez en 1 56o* par
Antoine de Bourbon.
MoNTFOHT. — Gentilhomme choisi par Antoine de Bourbon
I . Sur le voyage de Geoffroy de Buade tùme. Œuvres complètes, éd. Lalaniie,
au Maroc, cf. sa lettre du 3 septembre t. IV, p. 36^.
i56o, /'■' Série, France, t. I, pp. 20i-2o5. 3. V. le texte de ce traité, /'"« Série.
3. Sur ce personnage, V. /ii'rfem, p. 202, France, t. I, pp. 178-187.
note 3 ; Angleterre, juin-août i5Gi ; Bkan- !i. \ , Ibidem, p. 2o3, note 4-
IV INTROnUCTION
comme chef officiel de l'ambassade qu'il envoyait au Maroc en i56o
et qui fut en réalité dirigée par le capitaine portugais Melchior Vaez
d'Azevedo. Un Anglais, Roger Bodenham, dans un mémoire oiî il
propose à la reine Elisabeth la conclusion d'une alliance avec le
Maroc, invoque comme précédent ia mission de l'agent français
« Monsford' ».
Robert Bordet. — Il fut envoyé au Maroc en i56i par le roi
Charles IX. L'objet de sa mission était d'obtenir du ohérif Moulay
Abdallah el-Glialib le monopole de l'exportation du sucre et du
cuivre'. La qualification de <af//e/' (commerçant), (jui lui est donnée
dans le sauf-conduit que lui accorde le Chérif, ne saurait être
prise à la lettre". On ignore la suite qui fut donnée à la mission
de Robert Bordet ; il est probable que les guerres religieuses qui
éclatèrent au début de i562 empêchèrent le roi de France de pour-
suivre cette affaire.
Louis Cabrette. — Cet agent cosmopolite et protéiforme était
Français*, au dire de M'de .Mévillon, gouverneur de Marseille, qui
le qualifie en ib~!\ «un de nos naturels subjects qui se trouve à
Alger'». Cette nationalité lui est reconnue à deux reprises par
\'argas Mexia, ambassadeur de Philippe II auprès de la cour de
France. Personnage entreprenant et peu scrupuleux % « grand
artisan de projets chimériques^», on le trouve mêlé à toutes les
intrigues qui se trament entre la France, l'Espagne, la Turquie et
le Maroc. 11 faisait passer des avis à toutes ces Cours, «jouant double
I. Cf. /'■' Série. Angleterre, il/i'm(y(>i' Wc désigne parfois sous le nom (le <c Capretto >i.
lioijcr Bodenham. Il signait : « Capilan Cabreta » (V. /'''' Sé-
■2. Sur cette négociation, V. iiifrn la lettre rie, .\nglcterre, Lettres des 1 3 octobre et is
de Moulav Mohammed ben Abdallali, des novembre iHjG') et : « Capitaine Cabretes »
18-27 ""'"■* i5tJi, pp. 7/16-748. (V. Ibidem. Lettre du 18 juillet iSjS).
.3. V. infra. pp. 749-752, le texte du 5. V. 1'' Série. l'rance, t. I, p. 35i,
sauf-conduit. note 2.
/(. Sa nationalité, comme celle de beau- li. V. Ibidem, l'appréciation de Vivonnc
coup d'aventuriers de son espèce, est dilli- sur le caractère de Cabrette.
cile à préciser. Si l'on en juge par son nom, 7. V. la lettre de Vargas Mexia du 16 dé-
il devait être d'origine italienne. On le ceuibre iô-)i, .\rch. .\ut., A. 1Ô4Ô, W 81
INTRODUCTION V
jeu. comme le font toujours les agents de cette espèce' ». La profes-
sion de marin, dans laquelle le titre de capitaine se donne si faci-
lement, dut mettre de bonne heure le capitaine Cabrette en rapport
avec les Turcs et les Barbaresques. Il était en lôyi" à Alger, où il
fit la connaissance de Moulay Abd el-Malek, qui y résidait en atten-
dant le moment de faire valoir ses droits au trône du Maroc. Ce
cliérif très cultivé, parlant litalien et l'espagnol, flaira en cet aven-
turier un homme qui pouvait lui rendre des services dans ses
relations avec les Cours chrétiennes. Devenu souverain du Maroc
en 1076. il lenvoya en France et en Espagne. Cabrette arriva à
Paris à la fin de juin 1576: il remit à Henri III une lettre dans
laquelle le Cliérif notifiait son avènement, puis il se rendit à la
cour d'Espagne, où il avait à remplir une semblable mission. Il
devait en outre sonder Philippe II au sujet d'un projet d'alliance
offensive et défensive contre le Grand Seigneur. Le Roi Catholique
retint à sa Cour' l'envoyé de Moulay Abd el-Malck, pendant qu'il
faisait contrôler sur place par le père Diego Merin les intentions
du Cliérif. Henri III prit ombrage du séjour prolongé de Cabrette
en F]spagne et en écrivit au Cliérif en novembre 1676 '. Le
capitaine Cabrette ne dut pas retourner au Maroc. Philippe II
l'envoya en 1077 auprès de son neveu D. Sébastien, pour éclairer
ce prince sur les forces de Moulay Abd el-Malek et le dissuader de
lexpédilion qu'il projetait contre le Maroc". On sait que le jeune
roi de Portugal ne voulut rien entendre.
En janvier 1078, on retrouve Cabrette en France; il va trouver
Henri III à Ollainville el l'entretient de diverses chimères : d'un
projet d'alliance entre les puissances catholiques contre les Turcs
et les licréfi(pies ; d'un mariage entre le duc d'Alençon et l'une des
infantes, enlin d'un autre mariage entre D. Carlos et la fille de
Charles IX. 11 dul (juitter Paris en juillet 1078 et il y revint en
I. « Porqiic son gente los scmejantos iiolc ?..
qiio hazcn a todas manos. » i" Série, 3. V. i''' Série, France, t. I, p. 35i.
France, t. II, Lettre rie Varrja.t Mexia à [\. V. Ibidem, p. 35o, note 2.
Philippe II. p. 6. — « Y assi se podria 5. V. ccUc lettre, Ibidem, p. 35 1.
(liilxiar <lc que haga a dos manos. » Ibid., 6. V. /'« Série, Espagne, t. I, à la date
p- 19. du 33 juillet 1678. Lettre de Juan de Silm
a. V. 1" Série. France, t. I, p. 35i, à Philippe IL
VI INTRODUCTION
décembre. C'est à cette époque qu'il f^uggéra à Lansac " l'idée
de s'emparer de Larache par surprise et de céder ensuite cette place
à Philippe II, en faisant payer ce service le plus cher possible.
Entre temps, le capitaine Cabrette inventait une canonnière à
double proue, pouvant porter de 35o à 600 hommes et f\ canons.
Son navire fut expérimenté avec succès pour la traversée des Indes
et Philippe II lui accorda pour cette découverte 600 couronnes de
pension '.
Cabrette, dont l'esprit était encombré de plans imaginaires, avait
parfois des vues politiques assez justes. Il en a exposé quelques
unes dans un long mémoire intitulé : Discurso hecho en suinina^...
Dans le chapitre consacré au Turc, il délinit la politique du Grand
Seigneur, qui doit tendre à la conquête du Maroc pour devenir
maître par le détroit de Gibraltar de la seconde porte de la Médi-
terranée.
Guillaume Béraro. — Originaire de Saorge' en Terre-iVeuve',
pays relevant du duc de Savoie, Guillaume Bérard avait exercé à
Nice la profession de chirurgien-barbier, puis il élail venu habiter
Marseille, d'où il était passé dans le Levant. Il se trouvait à
Constantinople ' en 107^, quand y arriva Moulay Abd el-Malek.
On sait que ce chérif, à la mort de son frère Moulay Abdallah el-
1 . La date (lu retour de Cahretle à jicm trnlaiuln jior ria de razon y jiiyzio de
Paris se déduit de la lettre de Vargas Mexia honibre, coma uqucl que ha vistu y diseurridn
n Philippe II du i fi décembre 1D78. V. por las eosas <lel iniindo y conforme al juyzi.o
j" Série, France, t. Il, p. 7. qar de los unos a los otros se puede hazer,
2. V. Ibidem, pp. 1 et 2. romo se oera por lo sirjmenle. — Ce docu-
.3. Cf. /" Série. Angleterre, Leltrc de ment, rédigé vraisemblablement en 1576,
Cabrette du 18 juillet 1578. sera public en extraits dans i''' Série. \n-
li. Voici le titre complet de ce mémoire gletorre.
de Cabrette: Discurso hecho en summa por 5. Saorge. Saorgio (Saourches dans les
Luis Cabreta en quanta toca a lo que comiene documents du temps), petite ville de l'ar-
a algunos reycs. principes y seâorias. asi de rondissement de Nice.
Christianos comn de inJieUs y herejes. tra- 0. « Nice et six-vingts chasteaux compris
tando de coda uno dellos en particular. de lo aujourd'hui sous le nom de Terre Neuve. . . »
que los comiene para se poder ronsercar eon V. de GAVFRiDt, Histoire de la Prooence,
sus estados y leyes, todo fundado sobre buen t. I,p. 255.
consejo (dejando aparté la Prouidencia que 7. D'après Vincent Le Blanc. V. f'
puede en nn instante confundir el unioersaj , Série. France, t. I, p. 867, note i.
INTRODUCTION VII
Ghnlih fax janvier i57'i). quitta Alger et vint trouver le sultan
Selim pour lui demander d'appuyer ses droits à la couronne du
Maroc. Guillaume Bérard. appelé adonner ses soins à ce prince,
atteint de la peste, lut assez heureux pour le sauver. Le Chérif lui
en sarda une grande reconnaissance, et, une fois souverain du
Maroc, l'attacha comme médecin à sa personne. Moulay Abd el-
Malek, à l'esprit large et dont les vues politiques n'étaient pas gênées
par une étroite orthodoxie, chercha à étendre les relations du
Maroc avec les puissances chrétiennes. Dès iS^/i, se trouvant à
Alger et n'étant encore que prétendant, il était entré en rapports
avec Charles IX'. En i5"6, il avait chargé le capitaine Cabrette^
d'une mission auprès de Henri 111, pendant que son ambassadeur
auprès de la Porte, Moussa ben Abd en-Nebi, entrait en pourparlers
avec Gilles de Noailles, le représentant de la France à Constan-
tinople'. Moulay Abd el-Malek, fidèle à sa politique, fit partir en
lô"" pour la cour de France son médecin, porteur d'une lettre
adressée à Henri HI ; il demandait au Roi de vouloir bien accréditer
Guillaume Bérard en qualité de consul « es royaulmes de Marroc et
de Fez S). Henri accueillit favorablement la requête du Chérif et,
comme Guillaume Bérard était sujet du duc de Savoie, il lui octroya
des lettres de naturalité (22 mai 1077)", puis, par lettres patentes
du 10 juin 1^)7-. il le pourvut de l'office de «consul de la nation
françoise» au Maroc, avec les mêmes droits, profits, revenus et
émoluments que les consuls français dans le Levant'.
Le nouveau consul s'embarqua à Marseille en 1578'. Un Mar-
seillais, Vincent Le Blanc, d'humeur très voyageuse, avait demandé
à l'accompagner*. Leur navire fut pris à la hauteur de Gibraltar
(février 1078) par D. Francisco de Vargas Manrique '. Mais peu
1. V. infra. Addenda, Doc. 5, pp. 7.t3- rie, France, t. I, pp. 867-369. En même
755, Lettre de Moulay Abd cl-Mnlck à temps l'rançois Verlia fut nommé facteur
Charles IX, du 26 mai 1074. au Maroc. V. infra, p. is.
2. Cf. /" Série, France, I. I. p. 35o. 7. C'est la date que «tonnent Le.? Voyages
3. Sur celle négociation, \ . Ibidem, de \ incent Le Blanc p. i55. Cf. aussi
pp. 352-366. /'■'' Série. France, t. I, Doc. XCVIII, p.
4. V. Ibidem, p. 368. 37^, et Doc. XCIX, p. 876.
5. Archives Départementales des Bouches- 8. \ . Les Voyages de Vincent Le Blanc...,
du-Bhnne. Série B. registre (iO, f. 3o5. p. i55.
6. V. le texte de ces provisions, 1" Se- ij. Cf. Heurera, Ilistoria gênerai del
VIII iNTRonrcTiox
après, sur les instructions fie Pliilippe II, il fut relâché et autorisé
à continuer sa route en toute liberté, le Roi Catholique voulant
donner à Moulay Abd el-Malek des preuves de son amitié. D. Sébas-
tien, roi de Portugal, qui préparait sa folle expédition contre le
Maroc, se montra très affecté de cette mesure et en fit des reproches
à Juan de Silva le 28 février 1 678 '.
De Gibraltar, Guillaume Bérard et Vincent Le Blanc allèrent à
Larache, où ils débarquèrent '. Le consul français partit aussitôt pour
rejoindre la mahalla cliérifienne, qui de Merxakech se portait à la
rencontre de l'armée de D. Sébastien. Il arriva au camp de Moulay
Abd el-Malek. établi près de Salé, vers le i/i juillet, au moment où
le Cliérif ressentait les premières atteintes du mal auquel il devait
succomber quelques jours plus lard, el il lui donna ses soins'. Le
Cliérif porté dans une malialTa (litière), quand il ne pouvait plus
supporter le cheval, se traîna jusqu'i Ll-ksar el-Kebir, accompagné
de ses médecins, dont le consul français'. On sait que l'opiniâtre
Moulay Abd el-Malek parut un instant à la tête de ses troupes le
li août 1678, revêtu d'un splendide costume et l'épée à la main ;
mais ses forces le trahirent et on le rapporta dans sa mahalla, oii il
expira, avant d'avoir assisté au triomphe de son armée. Guillaume
Bérard revint à Fez avec la mahalla victorieuse et assista à la baïa
(couronnement) de Moulay Ahmed el-Mansour ' . L'année suivante
(1579). ce dernier l'envoya notifier son avènement au roi de France^
Pendant le peu de temps qu'il avait passé au Maroc comme con-
Mnndo. t. II, p. 78 et /'''' Série. Espagne, grave indigestion dont la cause était peut-
Lettre de Juan de Siloa à Philippe IL 28 (Mre le poison, cf. i''' Série, .\nglcterro,
février 1578. Il Y a une légère divergence, Relation de la balaille de El-Ksar el-Kebir,
quant à la date et quant à l'auteur de la et Les Voyarjes de Vinx^ent Le Blanc... pp.
capture de la saïtie française, entre Ilcrrcra i58-i6i.
et .Tuan de Silva. La version de l'ambas- 4. Outre Guillaume Bérard, le Chérlf
sadeur de Philippe II est évidemment plus était soigné par un médecin juif et un ccr-
prcs de la vérité. tain « Gapitan AUey », ainsi qu'il résulte
I. V. i" Série. Eipa.gnc, Lettre de .liinn d'une lettre adressée par ce médecin juif
de Silva à Pliilippe IL 28 février 1578. à son frère. V. i''' Série, Angleterre, no-
a. \ . Les Vnyarjes de Vincent Le Blanc.... vembre 1678.
p- i-'i8. 5. Cf. r''' Série, kngleleTTC, Relation de
.3. Sur la présence de Gnillaunic liérinl la bataille de El-Ksar el-Kebir.
auprès de Moulay .\bd el-Malek el sur les 6. V. i''' Série, France, t. II, Doc. VIII,
soins qu'il donna au Chérif atteint d'une pp. 32-a5.
INTnODfCTION IX
sul, fiuillaume Bérard avait éprouvé les plus grandes difTicultés à
faire acquitter par les marchands français les droits qui lui reve-
naient en raison de son ofTice. Il exposa à Henri III qu'en l'absence
de tout moyen de contrainte vis-à-vis des négociants au Maroc,
les lettres de provision qui lui avaient été octroyées restaient sans
elTet. Le Roi, pour remédier à cette situation et faire droit à la
requête du consul, décida par mandement du ig juillet i5"g qu'à
l'avenir les Français « et tous aultres trafTiquans sur la bannière de
France » qui refuseraient d'acquitter au Maroc les droits de consulat,
y seraient contraints par autorité de justice à leur retour en France'.
Henri III chargea en outre Guillaume Bérard de complimenter
le nouveau chérif sur son avènement et lui donna comme instruc-
tions (i6 juillet 1079) d'obtenir le libre accès des ports du Maroc,
la mise en liberté des captifs français, la permission d exporter
/ioooo quintaux de cuivre et 26 000 quintaux de salpêtre : il devait
de plus négocier un emprunt de i5oooo écus'. On ne sait rien
sur le résultat de cette mission. Guillaume Bérard retourna au Maroc
en 1080^ et y exerça sa charge, exposé à l'hostilité des commer-
çants français, qui allaient jusqu'à lui contester l'authenticité de ses
lettres de provision, parce qu'elles n'étaient pas signées du Roi, mais
seulement scellées du grand sceau delà Chancellerie'. En août i583,
il avait le dessein de rentrer en France, mais il écrit à Villeroy
que Moulay Ahmed le retient au Maroc pour lui faire accompagner
un ambassadeur qu'il avait l'intention d'envoyer à Henri IIP. On
perd de vue Guillaume Bérard jusqu'en l'année 1689, date où
Bernardino de Mendoza signale son arrivée du Maroc à la Cour
qui se trouvait alors à Blois'. Il dut mourir im peu avant le
27 avril 1091 '.
François Vertia. — Il fui nommé « facteur» au Maroc le 1 1 juin
1677. Ses lettres patentes furent signées le lendemain de lexpédi-
1. V. Ir texte dv ce mandement, ;'''■ .Se- Doc. XXXTII, p. 107.
rie. France, t. II, Doc. IX, pp 26-29. /| V. Ihidcni, p. 107. note 6.
2. V. /" .Série. France, t. II, Doc. VIII, 5. \ . Ibidem, pp. 106-107.
pp. 22-25. 6. \. Ibidem. Doc. LXIX, pp. I7.''i-I75.
3. Guillaume Bcrartl écrit, à la date du 7 V cette (laie il était décédé a ces mois
28 août i58.3, qu'il est au Maroc depuis passés ». V. infra. Addenda, Doc. 7,
trois ans. V. /■■' .Séné, France, t. II, p. 738.
X INTRODUCTION
tien de celles qui commettaient Cnillaume Bérard au consulat du
Maroc. Elles portaient que « outre le consul de la nation françoise »,
il était nécessaire d'avoir « es royaumes de Marrot et Fez » un
agent «pour le faturage deppendant dudicl commerce' ». Celte
charge de facteur semble correspondre à celle de vice-consul. On ne
sait si François Vcrtia se rendit au Maroc et y exerça ses fondions.
Vincent Le Bl.vnc. — Il naquit en i5o3' à Marseille, on son
père, Raphaël Le Blanc, était armateur \ Entraîné par la passion
des voyages, Vincent IjC Bhmc. à peine âgé de quatorze ans, partit
en iSG- pour Alexandrie et le Levant : il visita successivement
l'Arabie, la Perse, les Indes, etc., et revint à Marseille (1577)
après une absence de onze ans '. 11 passa six mois dans sa ville
natale et. repris par son irrésistible passion, il saisit l'occasion du
départ de Guillaume Béiard et s'embarqua avec lui pour le Maroc \
Le récit de son voyage '' nous a été conservé, mais il semble si peu
digne de foi que nous n'avons pas jugé utile de le publier. Vincent
Le Blanc passe pour « un charlatan de première grandeur» et l'on
ne voit pas bien sur quelles raisons s appuie le i)ibliograplie Play-
fair pour dire que cette réputation est imméritée ; il est, à tout le
moins, un vrai Marseillais par la place exagérée que tiennent dans
son récit ses aventures personnelles et par les ficlions dont il les
travestit. Il sulfira de donner ici de ce voyage idira-fantaisiste une
brève analyse*.
Le navire qui portait Guillaume Bérard et \ incent Le Blanc est
1. V. j™ Scrif, France, 1. 1, Doc. XCVII, Le Blanc raconte son retour à Marseille,
pp. 871-372. |,. i;f).
2. Vincent Le Blanc dit lui-même dans 7. CL Playi-aih, A BibUiKjraphy of Mo-
la préface de son livre qu'en i63i il est rncco, n" I25, p. ■il\lt. — 11 se peut que le
âgé de 78 ans. mut iiiuloseroed soit une coquille et que
3. V. Les Voya'jes Je Vincent Le Bhinc... Playfair ail écrit well deserued. — L'article
éd. i648, p. 3. hibliographique du n" I25 est d'ailleurs
4. Les renseignements sur Vincent Le erroné, et l'on verra que l'édition princeps
Blanc sont uniquement tirés du récit de ses des Voyages de Vincent Le Blanc... est de
voyages. ,6/,8 et non pas de 1608.
5. V. Les Voyar/esde Vincent Le Blnnc... 8. Comme on a donné plus haut la réfé-
P- '^5. renée du passage où est raconté le voyage
6. Il occupe dans l'ouvrage (édition de au Maroc, il a paru inutile de renvoyer à
1648 et de 1649) ^"s PP- 155-170. Vincent la page où chaque fait est mentionné.
INTRODUCTION XI
assailli par une tempèlc près de Giliraltar: à peine délivré de la
mer, il est rencontré par les galères d'Espagne et saisi, comme étant
chargé de contrebande de guerre '. Guillaume Bérard et dix gentils-
iionunes qui l'accompagnaient sont condamnés à mort, les autres
aux galères à perpétuité. L'envoyé de Henri III appelle de cette
condamnation " à Philippe II, qui confirme la sentence, mais, grâce
à l'intervention de Dona Isahel, l'alTaire s'arrange: tout le monde
est remis en hberté, on lève l'embargo mis sur le navire, qui reprend
sa route pour le Maroc et vient mouiller à Larache. Guillaume
Bérard s'achemine vers la mahalla du Cliérif, pendant que Vincent
Le lUanc reste à Mekuiès. Dans une promenade aux environs de
cette ville avec un de ses compagnons, il s'attire une mauvaise
affaire. « JNous trouvâmes, raconte-t-il, un cimetière de Mahomctans,
«S:, deux que nous estions estant entrciî dedans pour faire de l'eau,
il se rencontra que c'estoil près la sepulluie d'un de leurs marabouts
ou santons. » Ils furent aussitôt appréhendés, traînés devant le cadi
et condamnés à la bastonnade: ils faillirent mourir sous les coups.
Un marchand espagnol nommé Andréa Gasparo Corso' intercéda
pour eux, cl. commeilélait iniluentauprès de Moulay Abd el-Malek,
il obtint la mise en liberté des deux voyageurs. Sans transition,
Vincent Le Blanc fait ensuite un récit fort décousu de l'expédition
de D. Sébastien. Il alla visiter l'armée portugaise peu après son
débarquement, en compagnie d'un Italien, le capitaine Hercule de
Pise* et de Jean de Sasselo, de Marseille. «Tout ce que nous trou-
vions de mal, écrit-il. c'cstoit le grand nombre de femmes &
d'enfans qui y estoient. » Il prétend avoir vu après la bataille le corps
du roi de Portugal « qu'on portoit dans une caisse remplie de chaux
vive pour le conserver». Suit une description de (( l'empire de Fez
T. V. supra, pp. vii-viii. el-Malck alors que colui-ci était prétendant.
2. Juan de Silva mentionne une dé- U fat le principal agent des négociations
marche faite auprès de la cour d'Espagne entre Philippe II et le Chérif. Cf. /"■' SéWe,
par Vivonne, l'ambassadeur do France. \ . Franco, t. I, p. GaS et note 3 ; Angleterre,
;'■' Série, Espagne, à la date du 2S février à la date du i'^'' septembre 1677 ; Espagne
1678. et Portugal entre les années 1677 et 1579
3. Il était originaire de la Corse, mais passiin.
fixé à Valence avec son frt're Francesco. Se 4. Sur ce personnage, V, i'' Série,
trouvant à .\lgcr pour son négoce, il avait France, t. I, p. 55i et note !t ; p. 552 et
autrefois rendu des services à Moulay .Vbd note 5 ; p. 588, p. 601 et p. 64o, note 4-
XII
INTROnUCTION
et Maroc » où Vincent Le Blanc accueille toutes les fables et qui,
pour les détails exacts, est empruntée à Jean Léon'. Il ne semble
pas d'ailleurs que le voyageur ail parcouru le nord et encore moins
le sud du Maroc, quoiqu'il parle des montagnes du Ziz où vivent
les Zanaga, « ces peuples serjDentins qui vivent parmi les serpents ».
Le voyageur dut se rembarquer peu de temps après la bataille de
El-Ksar el-Kebir pour Cadix, d'où il regagna Marseille".
Vincent Le Blanc vivait encore en i63i "* ; sa mort doit se placer
avant 1687, date de celle de ses amis Nicolas de Peiresc' et Pierre
Bergeron ', qui bii survécurent. L'œuvre du voyageur marseillais
ne parut pas de son vivant. Peiresc et Bergeron, qui avaient
eu l'intention de publier ses mémoires, en furent empêchés par la
mort^ Parla suite, un érudit, l'abbé Louis Coulon ', ayant retrouvé
les papiers de Vincent Le Blanc dans « l'une des plus ilorissantcs
bibliothèques et des plus saintes maisons* » de la ville de Paris, les
publia en iG/i8', non sans de nombreuses corrections, car le manus-
I
1. 11 se pi?ul que ces emprunts soient le
fait de Bergeron et Coiilon qui ont beau-
coup ajouté aux « mémoires » de Vincent
Le Blanc, comme le disent les titres des
éditions de i648etde 16^9.
2. V. Les Voyaiins de Vincent Le Blanc...,
P- 179-
3. ^ . supra, p. X. note 2.
4. Nicolas-GIaiidc Fabri do Peiresc (i"'
décembre i58o-24 juin lôSy), conseiller
au parlement de Provence, célèbre par la
protection et l'assistance qu'il prêta à tous
les savants de son temps.
5. Pierre Bergeron, avocat au parlement
de Paris, mourut en 16,^7.
6. V. l'Avis au lecteur en tête de l'édi-
tion princeps.
7. IjOuis Coulon, érudit né à Poitiers
en i6o5, mort en 1664.
8. Ces expressions doivent désigner la
bibliothèque du cardinal Mazarin qui avait
acheté les livres de Peiresc.
fj. Voici le titre de celte édition : Les
Vnya'ies fameux du sieur Vincent Le Blanc,
marseillois, qu'il a faits, depuis l'aaije de
doii:c ans jnsques à soixante, aux quatre
piirlies du monde ; à sçavoir aux Indes orien-
tales ($• occidentales, en Perse §• Pegu. Aux
royaumes de Fez, de Maroc ^ de Guinée, ^•
dans toute l'Afrique intérieure, depuis le Cap
de Bonne-Esperance jusques en Alexandrie,
par les terres de Monomotapa, du Preslre
Jean §• de l'Egypte. Aux isles de la Médi-
terranée «y- aux principales provinces de l'Eu-
rope, avec les diverses observations qu'il y a
faites.
Le tout recueilly de ses mémoires par le
sieur Coulon. A Paris... M. DC. XLVIIL
L'édition de cet ouvrage qui porte la
date de iG^Q est identique à celle de iG48,
à l'exception du titre dont on a fait dispa-
raître le nom de Coulon, bien que ce nom
ait été conservé dans la Dédicace et qu'on
ait reproduit l'Avis au Lecteur de cet abbé.
Voici la modification apportée au titre :
Les Voyages fameux du sieur Vincent Le
Blanc
^- aux principales provinces de l'Europe, etc.
Rédigez fîdellement sur ses Mémoires §•
Registres, tire; de la Bibliothèque de Mon-
INTRODUCTION
xni
cril original préscntail « une certaine confusion de mots qui nétoit
pas moindre (jue celle des ouvriers de Babel ' ».
Guy Damians. — Ce personnage dont le nom est quelquefois écrit
d'Amians, Damien, etc., semble avoir résidé à Merrakecli en 1678-
lô-y et y avoir fait en lâ-Q l'intérim de Guillaume Bérard. Il était
originaire de Brouage".
Arnoult de Lisle. — Il était né à Paris en i556' dune famille
d'origine allemande*. Se destinant à la médecine, il se fit recevoir
« maître es arts » en i58o, afin de pouvoir suivre les cours de « la
très-salutaire Faculté ». Après quatre années d'études, il obtint le
20 mars i58A le grade de bachelier ', fut reçu licencié le 19 mai 1586"
et docteur au mois de décembre de la même année'. Ce fut M. de
Monantheuil qui lui remit la palme*. Le nouveau docteur, protégé
sieur de Peiresc, Conseiller uu Parlement de
Provence, ^- enrichis de trescurieuses obser-
vations par Pierre Bcrgeron. parisien, A
Paris,,, M.DC.XUX,
Enfin en i658 paraît une nouvelle édi-
tion qui porte en titre: Hcdic/e: Jidcl-
lement sur ses mémoires par Pierre Benjeron,
parisien.
Et nouvellement reoeu, corrigé ^ augmente
par le s'' Coulon,
A Troycs... M.DC.LVIII.
Dans celte édition (i658) la Dédicace et
l'Avis an lecteur de Coulon ont été suppri-
més.
I. V. Les Voyages de \ incent Le Blanc,
éd. iG^S, .\vis aii Lecteur de l'abbé Coulon.
On peut se faire une idée de la rédaction
de Vincent Le Blanc d'après le Ms. 2o33
du fonds français de la Bibliothèque Natio-
nale, qui contient une partie ou plutôt le
brouillon d'une partie de son ouvrage, évi-
demment écrite de sa main et consacrée à
« l'histoire naturelle de l'Inde ». On y
trouve en plus, pp. i46-i52, le récit de
son voyage au Maroc, assez différent de
celui qui fut imprimé ; il porte le titre de
« Succès veneu en l'auteur ».
2, Sur l'identification douteuse de ce
personnage, V. /'''' Série. France, t. II,
p. 76, note 4-
3. 11 mourut à Paris le aS novembre
iGl3, âgé de cinquante-sept ans. Guil-
laume Du Val, Ilist. du Collège Boyal de
France, p. Si.
.'1. Celte origine allemande n'est indi-
quée que par Guilbuimc Du Val (toc. cit.,
p. 3o) qui donne .\rnoult de Lisle comme
originaire de Vezelay (Wcsel) dans le pays
de Clèves, mais on lit : « Arnulpbus de
Lisle diœcesis parisiensis » dans les Com-
mentaires de la Faculté de Médecine. Cf.
Bibl. de la Faculté de Médecine de Paris,
MSS. . vol. .Î2.y. /. 212.
5. V. Ibidem.
0. V. Ibidem, f. 255.
■y. \. Ibidem, f. 269. Les questions qu'il
traita dans ses vespérics furent: i" An ars
exornatoria medico sit tenenda? '2° An ars
comptoria medico sit tenenda ? Sa thèse de
doctorat était : An musica medico sit tenenda?
8. « Donalus autem fuit laurea a do-
mino de .Monantheuil. » Ibidem,
XIV
INTRODUCTION
parle cardinal de Bourbon ' . augmenta encore son crédit en épousant
en i586 damoiselle Catherine Duret^ fille de Louis Duret, premier
médecin de Charles IX et de Henri III.
La Renaissance était loin d'avoir complètement détruit le prestige
d'Avicenne et d'AvcI•rhoès^ et, pour ne plus èiro aussi absolue, la
domination des maîtres arabes s'exerçait encore sur la médecine.
Malheureusement, l'ignorance de leur langue rendait très ardue
l'étude de leurs ouvrages. Ce fut pour contribuer aux progrès de
l'art médical beaucoup plus que pour favoriser la philologie que le
roi Henri III fonda en 1087 une chaire de langue arabe au Collège
de France'. Arnoult de Lisle en fut le premier titulaire avec la
qualité de « lecteur et professeur du Roy à Paris en langue ara-
bique ° ».
Vers cette époque Guillaume Bérard", qui depuis plus de dix ans
résidait à la cour des chérifs soit à litre de médecin, soit à titre de
consul, éprouva le désir bien légitime de quitter le Maroc et de
rentrer en France '. Mais le Chérif Moulay Ahmed el-Mansour tenait
beaucoup à avoir auprès de sa personne un médecin chrétien
«comme gens plus fidèles et plus entendus*». Sur le conseil de
I
1. « Cliens illuslrissimi cardinalis Bor-
bonii. )) Cf. JosEPHi Scaligeri epUtohv,
p. 696.
2. Le mariage de A. de Lisle cul lieu
du vivant de Louis Duret (V. G. Du Val,
p. 06) qui mourut le 22 juin i580. —
K Henri III voulut honorer ces noces de sa
présence, il accompagna la mariée à l'église
et se plaça à sa droite, le père étant à sa
gauche ; il assista ensuite au festin pour
lequel il prêta toute la vaisselle d'argent
qui y fut employée et dont il lui fit présent
après le repas. « Cette anecdote est racon-
tée par l'abbé Golmet (Mém. histor. et lit-
tér. sur le Collège Royal de France, p. i.3)
qui l'a tirée soit de Teissier, Les élorjcs
des hommes saoanls tirés de l'Histoire de
M. de Thou, t. Il, p. 321, soit de Niceron,
Mém. pour servir à l'Iiist. des hommes
illustres..., t. XXIII, p. 3g2.
3. On sait combien avait été grand ce
prestige avant la Renaissance. « Usque ad
renatas litteras, écrit J. Brucker, non
inter Arabes modo, verum etiam inter
Christianos dominatus est Avicenna tantum
non solus ». Hist. critic. philos., t. III, p. 88.
A. La date de la création de celte chaire,
1687, est établie par un article des comptes
de la Rccelle générale de Paris, article
relevé par jAC(.>rES Du Breuil, Théâtre
des Antiquité: de Paris, p. 761. Cf. Colo-
Miiis, Gallia orientatis. article Arnotdus
Insulanus. Guillaume Du Val, op. cit.,
p. 3o, a reproduit le passage de Jacques Du
Breuil.
5. C'est ainsi cpi'il est qualifié dans les
comptes de la Recette générale de Paris. V.
J. Du Breuil, op. cit.. p. 761.
6. V. supra, p. vi, la notice biogra-
phique de Guillaume Bérard.
7. Cf. i" Série, France, t. II, p. 3i^.
8. Cf. Ibidem.
INTRODUCTION
XV
riuillaunio Bérard, il ("crlvit à Henri III' «qu'il recevroit favora-
blement le médecin ([ui voudroil venir ^ers luy et qui auroil permis-
sion de s'en retourner quand il voudroil» '. Arnoull de Lisle, ayant
eu connaissance des propositions du Chérifet désireux d'apprendre
sur place la langue arabique, « sans bupielle, disait-il, on ignorait
bien des clioses en médecine' », s'oH'rit pour faire ce voyage, avec
l'intention de ne passer au Maroc que deux ou trois ans'.
Ala date du ii) nnveuibre 1587, il avait ([uitté Paris, car un de
ses confrères signait pour lui les comptes de recettes et de dépenses
de la Faculté de médecine pour cette même année'. Il arriva au
Maroc en i588 et Guillaume Bérard rentra immédiatement en
France". Tout fait croire que son successeur s'était fait accompagner
au Maroc d'un apothicaire nommé Pierre Treillaull '. Le séjour de
A. de Lisle au Maroc se prolongea bien au delà de ses prévisions,
et il y demeura onze ans, de i.'jSS à 1099. Outre ses fonctions de
« proto medico » de Moulay Ahmed el-Mansour et l'étude de la
langue arabe, ([ui élaient loin de l'absorber, il employait son temps
au mieux des intérêts de son pays, et il est probable que, sans avoir
de mandat officiel, il avait, en fait, remplacé Guillaume Bérard
comme agent de la France au Maroc. Malheureusement ses dépêches,
pourcette période de onze années, n'ont pu être retrouvées. Le « proto
medico » ne négligeait pas non plus sa forlune personnelle et amassait
force « richesses et autres commoditez* ». Les documents du temps
ne font que très rarement mention de lui. Par un récit du voyage
du jeune D. Christophe, le fds du prétendant portugais D. Antonio,
1 . Los loltros de Moulay .Vlimcd el-Man-
sour à Henri III « pscriles en arable cl en
espagnol arrivèrent premièrement à Mar-
seille puis à Paris « (V. Ibidcni) où elles
durent parvenir avant le 2/1 décembre i58G,
car, à cette date, un avis do Sanson fait
allusion au personnage « que ha sido sefia-
lado por consul para Marruecos de los
Kranccses », c*est-ïi-<lire à la désignation
de A. de Lisle pour aller en mission au
Maroc. V. i" Série, France, t. II, p. 129,
noie I.
2. Cf. /" Série. France, l. II, p. 3l4.
3. « Quod arabismi lenerolur deslderio,
sine qiio mulla in mcdicina ignorari dice-
bal. » .T0SF.PHI ScALiGEKi Epistolac, p. 697.
4. V. i''' Série, France, t. II, p. Siij.
5. V. Bibl. de la Faculté de Médecine
de Paris, Mss.. Vol. 3^3, f. 2j.'>.
G. La présence de Guillaume Bérard csl
signalée à Blois en février 1589 (V. i" Sé-
rie, France, t. II, p. 174). Il avait donc
di'ï partir du Maroc à la (in de i588, ce
qui fixe la date de l'arrivée de .\. de Lisle
à la cour cliérificnne.
7. V. infra, j). xxi, la notice consacrée
à ce personnage.
8. Cf. 1'''' Série, France, t. II, p. 4oOi
XVI INTRODUCTION
on sait que A. de Lisle se porta en janvier iSSg au devant de ce
jeune prince, qui, envoyé en otage par son père, fit son entrée en
grande pompe dans la capitale chérifienne'. Ce fut aussi pendant ce
premier séjour au Maroc que l'agent officieux de Henri IV fut
témoin des luttes du Chérif contre le prétendant Moulay en-Nasser,
mais, contrairement à ce que raconte Guillaume Du VaP, il n'as-
sista pas aux batailles de Er-Roken (3 août lôgô) et de Taguate
(i2 mai lôgG). pendant lesquelles il resta à Merrakech avec Moulay
Ahmed el-Mcinsour^. En novembre iSgô, A. de Lisle, avec l'inten-
tion sans doute de rappeler sa présence au Maroc et de se faire bien
voir du nouveau souverain, envoya en présent à Henri IV deux
chevaux sous la conduite de l'apothicaire (voticario) ïreillault'.
Cependant, au Collège Royal, la chaire d'arabe fondée par
Henri III restait vacante par suite de l'absence du titulaire : pro-
fesseurs et étudiants désiraient vivement le retour de A. de Lisle.
Henri de Monantheuil, prononçant le i !i novembre 1 5g5 un discours
solennel % sans doute pour la réouverture des cours du Collège
Royal, allait jusqu'à interpeller Henri IV dans une figure oratoire :
« Rappelez, lui disait-il, rajDpelez de la Mauritanie Tingitane, où il
est actuellement, exerçant la médecine auprès du roy [de ce pays],
et apprenant la langue arabe, le professeur de cette langue, créé
par Henri III, mon Jean de Lisle'' ». Mais il y avait à Paris une
personne qui réclamait, bien plus encore que les professeurs et
étudiants du Collège Royal, le retour de A. de Lisle, c'était sa
I. V. /"' Série, Franco, l. Il, p. igg. — /" Série. Espagne, Lettre de Ballliazar
Les relations de k. de Lisle avec D. Anlo- Polo à Medina-Sidonia, 19 novembre 1696.
nio et SCS fils D. Emmanuel et D. Chris- 5. Oratio qiia ostenditur quale esse debc-
tophe devaient remonter à 1 586. Cf. i6iViem, ret Colteyium profcssoruin regiorum, ut sit
p. 129. iierfectuin at(]ue absolutum. — Habita 18 Cal.
1. L'erreur commisi' par (îuiLLAU.ME Du Der. in audilorio regio ab Henrico Monan-
Val (op. «'(., p. 3o) provient de ce qu'il thotioRemo,medicoetmathematicarumartium
regarde A. de Lisle comme l'auteur des professore rcgio. Paris, 1695, pp. 60-61.
deux relations de ces batailles. 6. « Mcum loannen Insulanum ». C'est
3. Cf. i" Série, France, l. l\, p. 21a. par erreur que Monantheuil donne à de
note 2. Lisle le prénom de Jean. Quant au pro-
.'4. « El medico frances... a enbiado de nom possessif meum, il s'explique par ce
aqui [Merrakech] un voticario suyo con dos fait que Monantheuil, ayant remis à A. de
cavallos de présente y otras cosas quel Lisle la palme du doctorat, considérait
mesmo medico manda al rey de Francia w. celui-ci comme une sorte de filleul.
INTRODUCTION XVII
femme qui latteiKlait depuis six ans. Pour obtenir que le Chérif
laissât partir son « proto medico », il fallait trouver à celui-ci un
remplaçant. Ce ne fut qu'en 1098 ' qu'un médecin de la Faculté
d Orléans, Etienne Hubert ^ sur les instances de son ami le sieur
Duret, beau-frère d'A. deLisle, et désireux d'acquérir une connais-
sance approfondie de la langue arabe « se résolut aisément à ce voiage
pour retirer le sieur de L'Isle et demeurer là quelque tems près la
personne du roy de Maroc, en mesme charge et apointement que
ledit sieur de Llsle ' ».
Arnoult de Lisle rentra en France en iB()() '. Sa présence à Paris
est constatée le 9 mai 1601, date où l'on trouve sa signature sur
une quittance '. Le Collège Royal recouvrait enfin son professeur,
mais ce fut sans grand profit, car il ne semble pas que ce dernier
ait jamais enseigné \ Le rôle que les circonstances l'avaient amené
à jouer, l'expérience qu'il avait acquise des affaires du Maroc
avaient profondément modifié ses idées. Aussi visait-il plus haut
maintenant qu'à une chaire du Collège Royal et son ambition
secrète était de retourner auprès du Chérif, non plus comme méde-
cin, mais comme ambassadeur.
I Celte date est fournie par une men-
tion qui se trouve dans une relation manus-
crite de la bataille de El-Ksarel-Kebir. V.
/" Série, France, t. I, p. 45i, note 4-
Celte note a très certainement été écrite
par le frère d'Etienne Hubert.
2. Sur Etienne Hubert, \.infra, p. xxii.
3. V. /'■' Série, France, t. II, pp. 3i4,
3i5.
4. A. de Lisle ne quitta lo Maroc qu'a-
près l'arrivée d'Etienne Hubert (V. /'■" Sé-
rie, France, t. Il, p. 3i5). Or l'année iSyg
est la date du séjour de Hubert (^Ibideni)
qui ne resta qu'un an au Maroc. Mocqnet,
dans le récit de son voyage, parlant des
deux médecins, dit : « puis tous deux
estoient revenus en France ». Mais ce pas-
sage n'implique pas nécessairement l'idée
d'un retour simultané.
5. Cf. Bibl. N'ai. Pièces oriijmales.
Vol. 172^, cote /^nogG, n° 12. — L'abbé
Goujel rapporte q\ie .\. de Lisle prononça
De Castries.
à son retour un discours (Insulani lingux
arables: professoris rcgii post reditum ex
Afriea oratio)o\\ il donnait de grands détails
sur SCS voyages ("V. Goujet, Mém. hislor.
sur le Collège Royal de France, p. g3). Ce
discours n'a jamais existé et l'alibé Goujet
semble avoir confondu en la circonstance
le retour de Arnoult de Lisle avec celui de
Etienne Hubert, qui, effectivement pro-
nonça un discours où il racontait son
voyage au Maroc, V. infra, p. xxiii.
G. Scaliger essaya d'entrer en relations
avec A. de Lisle, mais ne put y parvenir.
Cf. JOSEPHI SCALIGERI epistolx, |)p. 696-
697, lettre à Etienne Hubert datée
de Leyde, 4 des ides de Mars 1608. On ne
trouve aucune autre mention de lui dans
la correspondance de cet orientaliste qui
par contre se mon(re prodigue d'éloges
pour le mérite d'Etienne Hubert, V. infra,
p. XXIV. — Casaubon paraît ne pas avoir
appréciédavanlagela science de A. de Lisle.
m. — b
XVIII INTRODUCTION
Il semblait d'ailleurs assez qualifié pour tenir cet emploi, étant
« homme meslé et adroit, de robbe et d'espée, de conseil et d'efiect,
voyageur par mer et par terre et un vrai Ulysse chrétien, politique,
vaillant, sage, sçavant et éloquent' ».
C'est dans cette nouvelle voie qu'il dirigea ses efforts pendant
son séjour à Paris. Depuis son départ du Maroc, la situation poli-
tique de ce pays avait bien changé : Moulay Ahmed el-Mansour
était mort le 19 août t6o3 ; des luttes fratricides avaient éclaté entre
les divers prétendants, et Philippe III, exploitant leurs compétitions,
cherchait à reprendre les anciennes négociations entamées entre
son père et Moulay Abd el-Malek en vue d'obtenir la cession de
Larache. Henri IV, sans conférer à A. de Lisle le titre d'ambassa-
deur qu'il sollicitait, jugea utile de l'envoyer au Maroc avec la
mission de traverser les desseins de l'Espagne", en se concertant
avec le représentant des Provinces-Unies auprès du Chérif ^. C'est
pourquoi A. de Lisle fit prévenir de son départies Etats-Généraux
par l'intermédiaire du prince D. Emmanuel*.
« L'Ulysse chrétien » dut quitter Paris en septembre i6o5, mais,
empêché par des vents contraires, il ne put s'embarquer qu'au
commencement de janvier 1606 °. Une traversée favorable de quinze
jours l'amena à Safi le 20 janvier". Le fastueux aventurier Sir
Anthony Sherley ' se trouvait dans cette ville, attendant un convoi
et une escorte pour se rendre h Merrakech. Comme Sherley, envoyé
en ambassade par l'Empereur, avait, à son passage à Cadix, accepté
une mission secrète de PhiHppo III", l'agent de Henri IV s'attacha
à pénétrer les projets de ce magnifique personnage. La chose lui
fut facile, grâce à ses intelligences avec Lella Safia. la sœur de
Moulay Zidân. On voit par une lettre de A. de Lisle à Villeroy
que, dès le 29 janvier 1606, il avait éventé les plans de l'Espagne.
1. V. Guillaume Du Val, op. cil., note 9.
P- 3o. 5. Cf. /'■'• Série, France, t. II, p. 33i et
2. Sur lesinslructions do A. do Lisle, V. note i.
/'•"■ Série, France, t. II, pp. 887 et 338. 6. Cf. /6i</em.
3. Les instructions de P. M. Coy, l'agent 7. Sur ce personnage, A', i" Série.
des Provinces-Unies, étaient identiques à Pays-Bas, t. I, p. 108, note I et France,
celles do A. de Lislo. Cf. /'■' Série. Pays- t. II, p. 33 1, note 2.
Bas, t. I, jip. 70-77. 8. Cf. /'■'' Série. France, t. II, pp. 333
t,. V. i" Série. France, t. II, p. 887 et cl 838.
INTRODUCTION XIX
Le Roi Catholique proposait au Chérif une alliance pour chasser
les Turcs des régences d'Alger et de Tunis : l'Espagne resterait
maîtresse du littoral méditerranéen et la domination du Chérif
s'étendrait sur l'arrière-pays '.
L'envoyé de Henri IV cherche \'isiblement dans sa lettre à
augmenter l'effet produit par son airivée au Maroc : il annonce que
Sherley en a aussitôt informé Philippe III et qu'on ne manquera
pas de se plaindre au Pape des démarches d'un agent français
venant contrecarrer la politique espagnole, si avantageuse pour la
Chrétienté". Il rappelle ses relations personnelles avec le Chérif.
et. après avoir ainsi bien mis en évidence l'importance du rôle qu'il
peut être a^ipelé à jouer au Maroc, il termine sa lettre par cette
phrase : « Il seroit besoing que Sa Majesté m'honorast du tiltre
d'ambassadeur, d'autant que ce prince [le Chérif] m'a faict dire
qu'il ne traitei-a qu'avec ceux de ceste qualité. Je supplie donc Sa
Majesté, si elle a pour agréable que je la serve en ceste negoliation,
de me donner ce tiltre et de croire qu'elle congnoistra le fruict que
je y ferai ^ ». Dans une autre lettre du lo avril 1606, il revient
à la charge : « Je croy, écrit-il à ^ illeroy, que j'aurny eu mon
expédition si ... j'eusse la commission et le pouvoir d'ambassadeur
que j'attens, s'il plaist à Sa Majesté ' ». Le désir de A. de Lisle ne
fut pas réalisé, et il dut se contenter d'un titre plus modeste.
Henri IV dans ses lettres le qualifie : « M. de L Isle, mon conseiller
et médecin ordinaire, résidant pour mon service à Marocq " ».
Quant à sa mission, elle fut traversée par les révolutions poU-
tiques qui se succédèrent à Merrakech, où trois prétendants arii-
vèrent au pouvoir dans l'espace de quelques mois ". Les pourparlers
commencés avec Moulay Abou Farès, repris avec Moulay Zidân,
semblent n'avoir abouti qu'à de vaines promesses d'amitié et à la
faculté donnée aux navires français de se réfugier dans les ports
marocains. A. de Lisle quitta Merrakech en juin i()07'; on le
I. V. i" Série, France, t. II, p. 332. dcm, p. 872.
a. V. Ibidem, p. 334. 6- V. sur ces événements, /''' Série, Pays-
3. \. Ibidem, p. 335. Bas,t.l, pp. 2t3-2i8,Relationde P. M. Coy.
4. V. Ibidem, p. 34o. 7. V. /" Série, Pays-Bas, t. I, p. 234,
5. V. Ibidem, p. 3O7. Moulay ZidAn h: Altesiation d'A. de Lisle en faveur de
qualifie « voire agent et conseiller ». Ibi- P. M. Coy.
XX INTRODUCTION
retrouve à Paris le iC août 1607, chez son ami et voisin Pierre de
LEstoile ' .
Le médecin diplomate revint-il une troisième fois au Maroc,
comme le dit G. Du Val'? Nous ne le pensons pas. Il est vrai qu'il
existe une lettre de lui à Henri IV, datée de Madrid le 16 avril 1608,
qui est conçue dans des termes tels qu'on croirait à première vue
qu'elle a été écrite au retour d'un voyage au Maroc ^ Mais si l'on
examine attentivement cette lettre, on voit qu'en dehors de la bataille
de Ras el-Aïn (8 décembre 1607), dont A. de Lisle avait raconté les
détails à Henri IV avant son « partement » de la Cour et dont par
conséquent il n'avait pu être informé que par une lettre venue du
Maroc, les renseignements qu'il donne dans sa longue missive* du
16 avril proviennent de Gianettino Mortara et de Diego Marin, qui
se trouvaient alors à Madrid. En outre il est impossible de trouver
le temps nécessaire à un voyage et afoiiiori a un séjour au Maroc
dans le délai compris entre la date où dut parvenir à Paris la nou-
velle du combat de Ras el-Aïn (soit, pour fixer les idées, fin janvier
1608) et le retour à Madrid d'A. de Lisle, évidemment antérieur à
sa lettre à Henri IV (16 avril 1608). Il faut donc supposer que la
troisième mission confiée à cet agent se bornait à aller en Espagne
pour s'y enquérir des événements qui se déroulaient dans l'empire
chérifien.
On sait peu de choses sur la fin d'Arnoult de Lisle. Il est men-
tionné dans le journal de P. de L'Esloile le 28 décembre 16 10, date
à laquelle il est appelé à donner ses soins au fils de ce chroniqueur
qui, comme on l'a vu, était son voisin et son ami ^. Il mourut à Paris
1. V. 7" Série. Franco, t. II, p. 872, y a des particularitez remarquables que
note 3. beaucoup appelent pures fadezcs... » P.
2. V. GuillaujME Du Val, op. cit., de LEstoile, Mém. Journ., éd. de la 11b.
p. 3o. des Bibliophiles, t. IX, p. 86. Les soi-
3. V. cotte lettre, /" Séné, France, t. II, disant « fadezes » étaient des flatteries à
pp. /) 26-434. l'adresse de Henri IV par lesquelles A. de
4. P. de L'Estoilo, à qui cette lettre avait Lisle terminait sa lettre. V. /" Série,
été communiquée, en fait mention dans France, t. II, pp. 433-434.
son journal à la date du 8 juin: « il[r] 5. Le talent médical de A. de Lisle, si
D[u] P[uy] père m'a preste une lettre de l'on en juge par L'Estoile, laissait à dési-
M. de Lisle au Roy, escrite de Madrid, en rer. Son intervention auprès du jeune
date ihi 161= avril 1608, par laquelle il lui Claude de L'Estoile fut sans doute insuffi-
donne force advis delà Cour d'Espagne; et santé, car on fit appel au chirurgien Riulanl.
INTROniCTION
le 20 novembre i6i3. ^ oici l'éloge par lequel Guillaume Du \al,
l'historien du Collège Royal de France, termine sa biographie :
« Donc nostre premier Lecteur du Roy en arabe Arnould de Lisle,
pour la grandeur de son esprit et la solidité de son jugement, pour
l'éminence de son sçavoir, piété et vertu chrcstienne, pour la subli-
mité de ses conseils, pour sa magnanimité et haultcs pensées,
employs et actions et pour les grandes recherches de la langue ara-
bique, peut à bon droict, par rapport allégorie, estre estimé comme
ceste montagne de Sinaï en l'Arabie où Dieu donna la loy et les
préceptes du Saint Decalogue pour bien et sagement régler les
hommes et les conduire à salut par l'observation de ses ordon-
nances ' . »
Pierre Treillault. — Cet « officier domestique » de Moulay
Ahmed el-Mansour semble devoir être identifié avec le « facteur »
qui a écrit la relation de la bataille de Er-Rokcn. Pierre Treillault
était en réalité un apothicaire emmené au Maroc par Arnoult de
Lisle. Il dut quitter ce pays à la fin de l'année 1696. Balthazar
Polo annonce en effet à la date du 19 novembre i5g6 que A. de
Lisle fait partir pour la France son apothicaire (voticario) avec deux
chevaux qu'il envoie en présent à Henri IV ^. On doit à Pierre
Treillault la relation des batailles de Er-Rokcn et de Taguate (3 août
1595 et 12 mai logG)^ qu'il composa à Merrakech, d'après des
récits de témoins indigènes, car il ne suivit pas dans le nord les
mahallas allant opérer contre le rebelle Moulay en-JNasser *. A son
retour en France, il fit hommage au connétable de Montmorency
de sa relation sur la bataille de Taguate.
Mais l'tin rnmme l'autre no purent obtenir p. 3o.
une bonne cicatrisalioii d(! la plaie, et L'Es- 3 V. i" Série. France, t. Il, p. 2i4,
toile exprime son chagrin de voir le plus note !x.
beau de ses enfants « auquel il paroistra 3. V. Ibidem ces deux relations pp. 2o5-
toutc sa vie pour l'avoir mis entre les 21201318-227.
mains des médecins et chirurgiens (pii ^. Treillault dit lui-même qu'il était à
n'ont peu faire en six mois ce que beaucoup la cour de Mouhiy .Vhmed el-Mansnur, lors
de femmes, et mcsmcs de village, eussent d(r la bataille de Taguate. Or celui-ci resta
fait en six jours ». Ji Merrakech pendant les opérations contre
I. \ . GuiLLAUMK Du Val, np. rit., le prétendant.
XXU INTRODUCTION
Etienne Hubert. — Il naquit en i568' à Orléans et fit ses
études de médecine à la Faculté de cette ville, dont les docteurs
étaient fort estimés, parce que « de leurs compagnies ont esté
plusieurs appeliez au service de nos roys S). Ce fut aussi, comme
on le verra, la destinée d'Etienne Hubert ^ Cependant son nom
« M. Slephanus Hubert Aurelianensis » figure sur les registres de
la Faculté de médecine de Paris ^ à la date du 6 avril iôqG, mais,
comme il n'en est plus fait mention à partir de cette époque, on
peut en conclure qu'Etienne Flubert prit tous ses grades à Orléans".
« Il sçavoit très bien, écrit G. Du Val. la médecine tant des Grecs
... que des Arabes, desquels il entendait la langue et les idiomes". »
On a vu ^ que les professeurs du Collège Royal s'étaient émus
de l'absence prolongée de Arnoult de Lisle, qui, titulaire de la chaire
d'arabe fondée en 1687 par Henri III, se trouvait encore au Maroc
en 169^ et n'avait pas même inauguré son cours. Monantheuil,
comme nous 1 avons dit, avait attiré l'attention de Henri IV sur
cette situation anormale. On chercha longtemps un médecin qui
consentît à se rendre auprès du Chérif pour relever A. de Lisle.
Enfin Etienne Huljert, poussé par le désir de s'instruire et cédant
aux instances de son confrère et ami Jean Duret*, beau-frère du
« proto medico » du Chérif, s'offrit à aller au Maroc.
Il partit en 1098 ' et passa une année '" à Merrakech, exerçant la
médecine, « et là, suivant son principal dessein qui l'avoit porté à
1. Plus exactement entre le 20 juin 1567 5. François Le Maire, ?oc. ci(., dit po-
et le 20 juin i568. V. infra, p. xxvi, sitivoment qu'E. Hubert était docteur de
son épitaphe. la Faculté d'Orléans. Il a pu commencer
2. Cf. François Le AIaire, Histoire et ses éludes médicales à Paris et les terminer
antiquitez de la ville d'Orléans, i6/i5, t. II, à Orléans.
p. 108. 6. Guillaume Du Val, Le Co/icye /îo^ai
3. Plusieurs médecins du nom de Hu- de France, p. 3l.
bert et parents très probablement de Etienne 7. V. supra la notice sur Arnoult de
Hubert figurent dans la liste des officiers Lisle, pp. xvi-xvii.
domestiques des rois Henri III et Henri IV. 8. V. /'''' Série. France, t. H, p. 3i5.
Cf. Bibl. Nat. Pièces oriijinales. Vol. i543, V. aussi supra, p. xvii.
co(e 25 25.y, n"* C efp : «Noble homme Loys 9. Sur cette date, V. supra, p. xvii,
Hubert, chirurgien ordinaire et juré du note i .
Roy » et Collection Clairambaull. Vol. 10. k Le sieur Hubert demeura environ
837. un an à Marroc ». V. i" Série, France,
4. V. Bibliothèque de la Faculté de Me- t. II, p. 4oo. Son séjour se place en iSgg.
decine de Paris, ms. 333, J" 352 v". V. Ibidem, p. 3i4.
INTRODUCTION
ce voyage, il apprit si bien la langue arabique qu'il s'y rendit fort
sçavant... Il se contenta de sortir de ce pays plus eliargé de science
et de livres arabiques que de richesses et autres commoditez... »
A son départ du Maroc, il serait allé faire un court séjour à Rome ',
avant de rentrer à Paris où il fut nommé : « Lecteur et professeur
du Roy en la Faculté de médecine, en langue arabique, en 1 univer-
sité de Paris ». Il fut en réalité le premier à enseigner cette lan-
gue '. Le discours d'ouverture qu'il prononça, en prenant possession
de sa chaire, était conserA'é, à l'époque où Colomiès écrivait sa
Gallia orientalis, dans les papiers du sieur Hardy, conseiller au
parlement de Paris'.
Malgré la brièveté de son séjour au Maroc, Etienne Hubert avait
su acquérir une sérieuse connaissance de la langue arabe, et sa
réputation comme orientaliste surpassa de beaucoup celle d'Arnoult
de Lisle, plus occupé de négociations que de philologie. Casaubon
fait le plus grand éloge de sa science. « Parmi les arabisants, écrit-
il à Scahger le 8 août 1607, le premier rang est tenu chez nous
par Etienne Hubert, d'Orléans, médecin du Roi, homme très
savant'. » Déjà en 1601 il reconnaissait comme un maître cet éru-
dit « qui avait appris en Afrique les principes de la langue arabe ° ».
C'était là, en effet, la grande supériorité de E. Hubert sur les
orientalistes de son temps : il avait, comme Cleynaerts (Clénard),
pratiqué l'idiome qu'il enseignait. Le savant Erpenius, dans
son Oralio de lingua arabica, proclamait le mérite de ceux qui
« n'avaient pas craint pour apprendre cette langue d'entreprendre
1. .\uciiii document autre que son épi- ccsseur dans la chaire d'arabe, ne semble
taphe (V. infra. p. xxvi) ne fait mention pas avoir professé cette langue (V. supra.
du séjour d'Etienne Hubert à Rome. Son p. xvii).
retour à Paris eut lieu en 1600, car Je;in- 3. Ce discours fut prononcé au Collège
Baptiste Duval (qu'il ne faut pas con- de Cambrai en 1601 (V. /'■' Série, France,
fondre avec G. Du Val) dit dans la préface t. II, p. 3i5, note 3). Cette date de 1601
de son Dicliimarium latino-arabicum, 1682. ne concorde pas avec celle (1600) donnée
qu'Etienne Hubert commença ses cours en par Jean-Baptiste Duval et Casaubon pour
1600. Casaubon (Epistnlx. 170g, p. i32) l'ouverture du cours de K. Hubert (V.
dit qu'en décembre 1601, E. Hubert était supra, note i).
dans la deuxième année de son cours. V. 4. V. Casauuon. Epistolœ, 170g, t. II,
cependant ci-après la note 3. p. ag/i.
2. On a vu que A. de Lisle, son prédé- 5. V. Ibidem, t. I, j). iSa.
XXIV INTRODUCTION
des voyages lointains, périlleux et coûteux' ». Il eut recours pour
sa grammaire arabe, la première qui ait été publiée par un Chré-
tien, à (( des traités grammaticaux des Arabes eux-mêmes » qui
lui avaient été procurés en partie jiar E. Hubert ^ Le savoir de
l'orientaliste français était, comme on le voit, très apprécié de ses
confrères de l'université de Leyde. Scaliger, en particulier, tout
dérouté par les protocoles en prose rythmique de la chancellerie
chérifienne, et chargé de traduire les lettres arabes adressées soit
au prince Maurice de Nassau, soit aux Etats-Généraux', devait s ai-
der des conseils de son ami français, plus familiarisé que lui avec
le cursus des fekih marocains*.
Mais Etienne Hubert n'avait jjas, ainsi qu'Arnoult de Lisle, fait
fortune au Maroc. Il en était revenu plus chargé de science que
de richesses. Il vivait de sa charge. Le Trésor réglait alors très
irrégulièrement les fonctionnaires. Ne pouvant se faire payer ses
émoluments, Hubert fut obligé en iGoi de renoncer à la fois à sa
chaire et à Paris % et alla habiter Orléans \ La retraite du savant
orientaliste fit émoi à Leyde. « Utinam ille Hul^erlus, écrit Scaliger
à Casaubon, hue se recepisset ! Impetrassem a curatoribus Academiae
ut ad professionem admittcretur Invideo illis qui illo
Huberto hodie fruuntur ubi ille sit. Ego illius congressu multum
profecissem ' » Mais Casaubon fit davantage; il intervint
auprès de personnes inlluentes, cherchant à obtenir la réparation
des mauvais procédés qu'on avait eus pour Etienne Hubert. Il lui
raconte dans une lettre non datée les démarches qu'il a faites
auprès de « l'illustrissime recteur », lequel, écrit-il, « m'a assuré
1. V. Th. Erpenius, Oratio de linijua 5. « Cum a qiiaesloribus nvimmum adhiic
arabica, 1621, p. 78. milliim potucrit cxtorqucrc, et scholae et
2. V. Th. Erpemus, dédicace de sa urbi coaclus est valediccrc ». Lettre do
Grammatica arabica, i6i3. Casaubon à Scaliger du 6 des ides de
3. V. /''' Série, Pays-Bas, t. I, p. i55, décembre 1601. Casaubhni Episiolse, t. I,
Lettre de Scaliger à Cornelis d'Aersens, 7 p. 182.
juillet 1606. 6. Le fait qu'Etienne Hubert se retira à
i. V. la lettre de Scaliger à Et. Hubert, Orléans est établi par la suscription d'une
datée des ides d'octobre 1607, dans Scali- lettre de Casaubon, sans date, mais qui
GERi Epistolx, 1627, p. 6g/i. V. aussi la doit être de décembre 1601. V. Ibidem,
lettre de Scaliger à Casaubon, du i5 des t. I, p. 683.
calendes de mars 160O, Ibidem, p. 3o8. 7. V, Scaligeri Epislola;, p. 208.
INTRODUCTION XXV
qu'il allait tout-à-fait régler votre affaire avec le trésorier' ». Et en
effet Etienne Hubert put rentrer à Paris, ayant obtenu satisfac-
tion.
La situation du professeur allait encore s'améliorer : en 1602
Henri IV le nommait son médecin ordinaire aux appointements de
I 200 livres en remplacement du sieur Jean de Suberville". L étude
de la langue arabe faisait sans doute négliger un peu à Etienne
Hubert ses nouvelles fonctions, car le 22 mai i6o5 le Roi dut le dis-
penser par brevet de ses services du quartier de janvier 1606, pour
qu'il put « aller en Espagne et de là rechercher les meilleurs livres
en langue arabique et les faire apporter en France, et aussy pour
conférer et discourir avec les Arabes qui estoient au royaume de
Valence' ».
Il continua de professer l'arabe au Collège Royal jusqu'à ce qu'il
se démit de ses fonctions *, ce qui eut lieu au plus tard en iGiS".
II se retira à Orléans et y mourut peu de temps après, le 20 juin
i6i4'', à l'âge de k~ ans. On l'enterra dans sa ville natale en
l'église et monastère de Saint Samson « au cloislre des moines d où
monsieur son oncle estoit prieur' ». Son épitaphe en hébreu, en
arabe, en grec et en latin " fut composée par ses élèves. L'église de
Saint Samson a été détruite, mais l'inscription latine avait été
1. « Niidius quartus affirmabat mihi decin ordinaire du Roy et lecteur pour Sa
clarissimus prœsul, quem nosti, se omnino Majesté en langue arabitjue » (Ibidem,
apud To'v f otÇoçj) axa tuum negotium esse f. 98).
confecturum. » Casauboni epislolse, t. II, 0. Cette date est fournie par l'épilaphc
p. 633. d'E. Hubert. V. infra, p. xxvi. La date de
2. V. Bibliothèque Nationale, Coll. Clai- i6i6donnéeparG. Du VALCstdoncerronée.
rambmilt, vol. 887, pp. 3333 et 332/(. D'aillour.s l'historien du Collège Royal écrit
3. V. Guillaume Du Val, op. cit., que Gabriel Slonita « obtint la chaire
p. 3i. royalle en Arabe, vacante par le décès dudit
/|. « De laquelle royale profession |pro- Hubert, le sixiesme jour de février i6i5,
fesseur en langue arabique] il se dcmist outre la démission dudit Hubert, cy-dcssus
volontiers... n G. Du Val, p. 3i. alléguée... » G. Du Val, op. cit.. p. 32. En
5. Cela résulte d'un acte do la paroisse outre Maussac, dans un ouvrage paru en
SainUMaclou d'Orléans du i8 novembre i6i5, parle d'Etienne Hubert comme
i6i3, dans lequel Etienne Hubert est qua- décédé. Maussac, !\ot. in Plularchiim de
lifié seulement de « médecin ordinaire du fluviis, p. 276.
Roy » {Arch. départ, du Loiret GG y.'tO), 7. V. G. Du Val, op. cit.. p. 3i.
alors que dans un acte de la paroisse Sainte- 8. Cf. Dom Gi^uou, Bibliothèque des
Catherine du 20 avril 1G02, il est dit u mé- auteurs Orléanais, t. I, p. 238.
XXVI INTRODUCTION
relevée par l'érudit Gaignières' et nous la donnons d'après lui' :
Stephano Hueerto Aurelio consilliario medico regio arabica lingue primo
professori et likguarum orienta
lium secretario interpreti qui ab
Henrico magno Franc, et Navar.
rece chbistianiss. ad mauritanie
imperatorem missus suam legatio
nem honorificè perfunctus linguam
arabicam didicit rome excoluit
REVERSUS SEPULTAM IN GalLIA EX
CITAVIT ET IN VICINAS REGIONES
PROPAGAVIT OBIITQ. ANNO ilTATIS SUE 47 REPARAT.E SALUTIS 1614.
JUNII DIE 20.
FrANCISCUS HuBERTUS FRATER REGIS
CONSILIARIUS ET RATIONUM REGIARUM AUDITOR PABENTABAT ■*.
Ce ne fut que le 6 lévrier i6i5 qu'Etienne Hubert fut remplacé
dans la chaire d'arabe du Collège de France par un Syrien du
Mont Liban nommé Gabriel Sionita'.
Outre sa science philologique et ses connaissances médicales,
E. Hubert avait étudié la théologie, ce qui n'était pas sans étonner
Pierre de L'Estoile, qui écrit dans son journal à la date du i5 sep-
tembre 1609 : « Ce jour, à la prière d'un ami, je monstrai mon
estude à trois honnestes hommes qui la vinrent voir et y furent
trois iieures, dont il m'ennuioit bien... le tiers, ung médecin nommé
Hubert, catholique, fort sçavant es langues orientales et qu'on dit
1. Cf. Bibl. Nat. Ms. fr. S22g, f. 55, lamcdrcincd'Avicenncct d'Avcrroèsamcna
n" 102. — Ce Ms. fait partie d'une collée- peu à peu l'abandon de l'étude de la langue
tlon de vingt-cinq volumes (8216-8240) arabe, et l'on ne vit plus de médecins
qui sont catalogués sous le titre général : enseigner cette langue au Collège Royal.
Recueil d'épUap)ies Joriné par Pierre Clai- L'usage s'établit, à défaut d'orientalistes
rambaidt en partie ai)ec des débris du cabinet français, de rccniter pour les fonctions de
de Gaignières, secrétaire-interprète des Arméniens ou des
2. Onlitentête; «Orléans — Jesuitles» Syriens. Mais les conséquences fâcheuses
et plus bas : « Epit. de marbre noir à droite résultant de l'emploi d'étrangers pour les
dans le fond de l'église, en entrant par la négociations y fit renoncer vers le milieu
grande porte ». du xviic siècle. Cf. De Guignes, Essai his-
3. On lit au dessous, de la main du co- torique sur l'origine des caractères orientaux
piste : c< Le reste est en hébreu ou grec », de l'Imprimerie royale; Dugat, Histoire des
/). Cf. G. Du Val, loc. cit., pp. 3i-32. orientalistes de l'Europe du wi" au xix" sih-
— .\prùs Etienne Hubert, le discrédit de de, t. 1, p. xxiv.
INTRODUCTION
estre assez bon théologien pour ung médecin, duquel la profession
ne s'accorde t^uèrcs bien avec l'autre ' ».
o"-
Georges Fornier. — Au mois d'avril iSgi , le poste de consul au
Maroc se trouvait vacant par suite de la mort do Guillaume Bérard ".
Le sieur Georges Fornier, « marchand natif et originaire de Mar-
seille », qui avait séjourné au Maroc et y avait fait l'intérim du titu-
laire, rentré en France en février i589\ adressa une requête aux
magistrats municipaux' de cette ville à l'efifct d'être pourvu du dit
office de consul. Pour donner plus de poids à sa demande, il lu lit
appuyer par les « marchands dudict Marseille, trafficquants et nego-
lians ausdicts royaulmes de Fez et Marroc ». Ceux-ci, « considé-
rant la nécessité importante de la conservation du négoce » ainsi
que le préjudice qui résultait non seulement pour leurs intérêts,
mais encore pour les « droits et grandeurs de Sa Majesté » de voir
le Maroc « destitué de consul », donnèrent un avis favorable à la no-
mination de G. Fornier. Nous « déclarons, disaient-ils, que nen-
thandons empescher, ains plustot dezirons — et la grandeur de ceste
nation, bien, repos et tranquilité de tous les negossians ausdittcs
parties — que ledit Fornier soit receu, nommé et promeu en ladite
charge et estât consullaire ausdiltes parties. . . .'».
Les magistrats municipaux de Marseille n'étaient pas compétents
pour conférer cette charge, mais, en raison des troubles de la
Ligue, ils crurent pouvoir donner à Georges Fornier le 27 avril
iSgi des lettres patentes le nommant « consul, protecteur et dcITan-
ceur desdits manans et habitans dudit Marseille et de tous autres de la
nation française navigant, tiafficjuant et negocians auxdits royaumes
de Fez et Marroques et aultres lieux despandant dcsdittes contrées ».
I. P. DE. L'EsTOiv^, Mémoires-journaux. 3. « Et mosmns ayant exerce ladite
édit. de la Lib. des Bibliophiles, t. X, charge par quelques années, du vivant du-
p. 16. dit lîcrard et en son absence d'iccUc ». V.
3. Guillaume Bérard était mort « ces infra. Addenda, p. 768.
mois passés ». V. infra. p. 768, le certifî- 4. Leur titre était « les consijs de la ville
cat des marchands de Marseille daté d'avril de Marseille » ; on a préféré ne pas em-
iSgi. Les lettres de nomination octroyées ployer cette désignation pour éviter toute
à Fornier par les magistrats municipaux de confusion entre leur fonction et celle des
Marseille et datées du 37 avril iSgi portent consuls à l'étranger.
« que Guilheaume Bcrard... seroit naguière 5. V. infra. p. 75g, Certificat des mar-
dexedé ». V. injra, p. 760. ckands de Marseille.
XXVm INTRODUCTION
Ils demandaient à Sa Majesté Très-Chrétienne et à monseigneur le
duc de Mayenne de vouloir bien confirmer cette a nomination, eslec-
tion et érection de consuUat au profiit dudit Fournier clluy en fere
expédier lettres à ce opportunes' ».
Cinq mois se passèrent sans que cette confirmation, par suite des
troubles de la Ligue, pût être obtenue. C'est pourquoi, le 9 sep-
tembre iBqi , Georges Fornier s'adressa au parlement de Provence,
demandant à être commis au dit office de consul (( et ce par provision
et jusques à ce qu il ayt moien d'obtenir lettres de provision de ladite
charge du Roy Très-Chrestien ou s' duc de Mayenne, lieutenant
gênerai de l'Estat royal et coronne de France et conseil gênerai de
l'Union des Catholiques" ». Sur le vu de cette requête, du certificat
des marchands et des lettres de nomination des magistrats muni-
cipaux, le Parlement rendit un arrêt, le 19 septembre 1691 . ordon-
nant à Fornier de se pourvoir dans un délai de six mois auprès du
Roi ou de Mayenne, afin d'obtenir un titre régulier. Mais l'arrêt
ordonnait en outre que l'impétrant serait autorisé à exercer la charge
de consul «jusques à ce que aultrement en soit ordonné^ ».
En conséquence de cet arrêt, le même jour, il fut délivré à Georges
Fornier, au nom du roi ligueur' Charles de Bourbon, des lettres paten-
tes le nommant consul au Maroc, sous la réserve indiquée ci-dessus.
Pourvu de ce titre d'une validité conditionnelle, Georges Fornier
partitpour le Maroc, mais il évita de s'établira Merrakech,oii Moulay
Ahmed el-Mansour, sous l'influence de Arnoult de Lisle, lui aurait
sans doute fait un médiocre accueil, et il alla résider auprès de Moulay
ech-Cheikh, à Fez, qui était alors le foyer des intrigues espagnoles.
Le parti de la Ligue eut ainsi au Maroc un consul officiel, en même
temps qu 'Arnoult de Lisle représentait à Merrakcch le parti de
Henri IV.
On manque de détails sur le séjour de Georges Fornier au Maroc.
1. \. infra, ces lettres de nomination, g mai de la même année. Dans la néces-
Addenda, p. 760. site de trouver un roi au nom duquel l'acte
2. V. j" Série, France, t. II, p. ig4. fût rendu, le parlement de Provence adopta
3. \. le texte de cet arrêt /" Série, celui de Charles, cardinal de Vendôme,
France, t. II, pp. 194-195. puis de Bourbon (iSGa-iSgi), neveu du
4. Ce roi ne pouvait être le vieux car- précédent. Los Ligueurs avaient agité la
dinal de Bourbon proclamé roi sous le nom question de le reconnaître pour Roi. La
de Charles X le 3 mars i5go, mais mort le conversion deHenriIVrendit vain ce projet.
INTRODUCTION XXIX
Bien que le roi Henri IV n'ait jamais confirmé les lettres de provi-
sion de cet agent, celui-ci passa de longues années au royaume de
Fez, car sa présence y est encore constatée au mois d'octobre 1608
par l'envoyé des Etats-Généraux des Provinces-Unies, P. M. Coy '.
L'agent hollandais, pour le distinguer de A. de Lisle, le qualifie
de « consul de Marseille ». Si Georges Fornicr n'obtint jamais la
régularisation de sa nomination à l'ofiice de consul, il géra du
moins fructueusement ses afiaircs personnelles, car, à son retour
en France, il établit richement ses filles, qui épousèrent des gen-
tilshommes de la Provence "'.
Robert de Marseilles. — Gentilhomme normand au service de
Henri de Bourbon, duc de Montpensier'. Il est mentionné comme
résidant à Merrakech dans un acte successoral du 28 juin lagS'.
Il accompagna Arnoult de Lisle à Merrakech en iGoG etfutchaigé
parluid'entrer en relations avec Sir Anthony Sherley. afin d'arriver
à connaître l'objet de la mission de cet ambassadeur °. On le voit
encore à Merrakech le 7 juillet 1609, date oii il signe une attes-
tation en faveur de P. M. Coy, l'agent des Provinces-Unies °.
Jean Mocquet. — Il naquit vers i5"6. Le lieu de sa naissance
n'est pas certain. Eyriès indique Vienne, mais nedonne pas la source
de ce renseignement, qui semble erroné. Il est plus probable que le
voyageur vint au monde à Meaux ou dans les environs. «J'estois
encore à la mamelle en i5~6, écrit-il, lorsque mon père fut mis en
prison à Meaux*. » En outre, les villes auxquelles il compare les loca-
lités qu'il décrit au cours de ses voyages, sont presque toutes
situées dans la Brie.
1. V. /■■' Série. Pays-Bas, t. I, p. 298 cl F, Registre des plaids de Roncheville, années
noie I. i5g8-i5gg.
2. V. Bi!)l. Nat. Pièces originales, vol. 5. Sur Anlony Sherley, V. 1" Série,
1303. eoteayoS/f. France, t. II, p. 33i.
3. V. /■•' Série. France, l. II, Lelire de 6. V. /™ Série. Pays-Bas, l. I, p. 3/i8.
A. de Lisle à Villeroy du 29 janvier 1606, 7. Biographie Michaud. Celle asserlion
p. 33 1, et noie 5. — Son frère Pierre esl reproduite par Lalanne, Dictionnaire
de Marseilles, sieur d'Aploraonl, élait con- Historique de la France.
sciller cl procureur du roi au Havre. 8. V. Voyages de Jeun Mocquet, {Ait.
4. V. Arciiives dép. du Calmdos. Série 1617, p. 4^1.
INTRODUCTION
Mocquet fit de sérieuses études de botanique et de pharmacie,
qui devaient lui faire obtenir un jour la charge d'apothicaire ordi-
naire du Roi'. On voit d'ailleurs qu'il mettait les connaissances
pratiques fort au-dessus de la science de certains chirurgiens, experts
en langue latine, mais manquant « de la cognoissance des medi-
camens et d'expérience " ». Ses pérégrinations « en terres eslranges
et esloignécs » commencèrent en 1601 ' : il n'avait d'autre but que
de parcourir le monde. Dans la suite, la plupart de ses voyages
furent entrepris à la demande du roi Henri IV'', à la cour duquel
on constate sa présence en i6o5: Mocquet, à cette date, revenant
d'Amérique, explique devant le Roi à Fontainebleau comment les
Indiens se procurent du feu en frottant de petits bâtons ^
Dans la série de ses voyages'', ceux qu il accomplit au Maroc sont
chronologiquement le premier (1G01-1602) et le troisième, qui eut
lieu en 1606- 1607.
Il s'embarqua la première fois à S'-Malo. le 9 octobre 1601. sur
un navire appelé « la Sirène ». chargé de sel et qui allait faire la pèche
au banc d'Arguin. Après avoir repoussé une attaque de pirates, le
navire mouilla près du Cap Blanc. Mocquet, étant descendu à terre
pour se procurer quelcpies œufs d'autruche, faillit être pris par les
Maures. « La Sirène » alla pêcher au large du fort d'Arguin occupé
par les Portugais, mais les Espagnols survinrent avec cinq navires,
s'emparèrent du bâtiment et le ramenèrent à San Lucar de Barrameda
1. C'est ainsi que Mocquet est qualifié compte de son voyage au Roi. V. t" Série,
dans le « privili'ge » de son livre en date France, t. II, p. 417. Il mentionne assez
du 12 août 16 16. Il semble avoir exercé fréquemment ses entretiens avec Henri IV
celte fonction au moins depuis i6o5, date et Louis XIII.
de son départ pour un deuxième voyage 5. y AaVoyaijes de JeanMocquel.^.81.
au Maroc, dont il rendit compte au Roi à 6. Mocquet fit 6 voyages : i" sur la côte
son retour. d'Afrique et au Maroc (1601-1602); 2° sur
2. V. /" Série, France, t. II, p. 388. le Maragnon, avec La Ravardière (i6o4);
3. Ce premier voyage conduisit Jean 3° au Maroc (1G05-1607); 4° à Mozam-
Mocquct précisément au banc d'Arguin et bique et Goa (1607-1610); 5" en Syrie et
sur la côte du Maroc. Terre Sainte(i6i 1-1612); 6°, en ce voyage
Ix. Dans la dédicace de son ouvrage à Mocquet voulait faire le tour du monde;
Louis XIII, Mocquet dit que Henri IV lui mais il ne put aller plus loin que Cadix
avait fait l'honneur de lui commander une (i6i/i-ifii5). Le récit de ces voyages est
bonne partie de ses voyages. A son retour d'un grand intérêt, car Mocquet est un au-
du Maroc, en 1607, Mocquet était allé rendre leur véridique et précis.
INTRODUCTION XXIX
(février 1602). Fort heureusement, l'adelanlado ne maintint pas
l'embargo et le capitaine de « la Sirène » se hâta d'aller à Lisbonne
afin de vendre son poisson «pour le caresme » ; mais il s'en trouva
beaucoup d'avarié qu'on dut jeter à la mer. « La Sirène» ayant été
affrétée à Lisbonne pour porter un chargement de blé à Mazagan,
dont la garnison portugaise se mourait de faim, Moccpiet repartit
pour la côte africaine le 28 avril 1602. L arrivée du navire sauva
une fois de plus Mazagan de la famine. Mocquet, très bon observateur,
fait bien connaître la vie misérable des soldats portugais dans les
«fronteras ». Il rentra à S'-Malo le i" août ir)02 '.
Le second voyage de Jean Mocquet au Maroc avait priiuilivemenl
pour but les Indes Orientales, mais à Lisbonne, n'ayant pu réa-
liser ce projet, il s'embarqua le 3 août 1606 sur un navire de
La Rochelle allant en Barbarie. Ce navire ayant fait escale à Safi
(8 août 1 606) et la présence de l'apothicaire français ayant été connue,
on demanda à ce dernier de donner des soins au secrétaire de Moulay
Abou Farès, venu récemment avec une caravane. Mocquet admi-
nistra au malade une telle purgation qu il lui fit « jetter par bas
comme de petits serpenteaux. . . . tels qu'on ne pourroit presque
s'imaginer que si vilaine et horrible chose peut cstre dans le corps
d'un homme"». Cette cure fit sa réputation et on lui proposa d'accom-
pagner la caravane, qui retournait à Merrakech. Il quitta Safi le
28 août et arriva le 2 septembre dans la capitale chérifienne. où il
alla rendre visite au sieur A. de Lisle, logé dans le Mellah. Mocquet
fait de la ville et des habitants une description très fidèle et donne
sur la situation troublée du Maroc des renseignements intéressants.
Il quitta Merrakech le 22 octobre et revint à Safi trois jours après.
La chute de Moulay Abou Farès et la nécessité d'obtenir un nouveau
passeport de son successeur le retinrent deux mois sur la côte, pen-
dant lesquels il alla herboriser, recueillant « des plantes et de très
belles fleurs pour en rapporter au Roy ».Ilput s'embarquer le 2 4 jan-
vier 1607 et arriva au Havre le 17 mars'.
A la veille de son cinquième voyage, accompli en Syrie et en
I. V. /" Série. France, t. II, |>p. 383- 2. V. ["Série, France, t. II, p. Sgi.
3g I, le récit du |)rcmicr voyage de Jean 3. V. le récit de ce voyage, /" Série.
Mocquet au Maroc. France, t. Il, pp. 391-^17.
XXXII INTRODUCTION
Terre Sainte de 1611 à 1612, Mocquet, suivant son habitude, vint
à Paris faire sa révérence au jeune roi Louis XIII et à la reine
régente. « Leurs Majestés, raconte-t-iL furent bien aises de voir mes
singularitez et commandèrent de me faire bailllcr lieu propre en
leur palais des Thuilleries pour y dresser un cabinet de toutes
sortes de raretez et choses curieuses que j'avois pu ramasser en tous
mes voyages par le monde' ». Ainsi fut créé, en 16 12. le premier
musée royal. Jean Mocquet, déjà apothicaire ordinaire du Roi, en
fut nommé conservateur. On voit en efTet que, le 8 octobre 1616,
le Roi ordonna au trésorier de 1 Epargne de payer la somme de
quatre cent cinquante livres à u Jehan Mocquet, l'un de noz appo-
thicaires et garde de nostre Cabinet des singularitez en nostre
pallais des Thuilleries..., de laquelle nous lui avons faict et faisons
don par ces présentes signées de nostre main en considération de
ses services^. »
La relation imprimée des voyages de Jean Mocquet porte la date
de 161 7, et l'absence de toute mention du voyageur à partir de
cette époque dans les mémoires et journaux du temps donne lieu
de croire qu'il a survécu de peu à la publication de son ouvrage.
Guillaume Curiol. — Lorsque les relations diplomatiques avec le
Maroc eurent été renouées par la deuxième mission de A. de Lisle,
Henri IV, qui ne reconnaissait pas la nomination faite par les
Ligueurs de Georges Fornier comme consul en ce pays et qui con-
sidérait que cet office était vacant depuis la mort de Guillaume
Bérard, y nomma par lettres patentes du iG septembre 1(307' '^
sieur Guillaume Curiol, marchand et citoyen de la ville de Marseille*.
11 accordait en môme temps la survivance de la charge à Jean Phi-
lippe Castelane. Guillaume Curiol éprouva sans doute, comme ses
prédécesseurs, de grandes difficultés à faire acquitter par les négo-
ciants français les droits qui lui revenaient en raison de sa charge.
1. V. Voyages en Afrique, Asie.... faits 878, les provisions de G. Curiol.
par Jean Morijuel. Ed. princeps, p. 4i8. l\. On trouve un Jean Curiol deuxième
2. MWÀ.'^Ai. Pièces orhfmales. vol. ig/5. échevin de la ville de Marseille en i664.
cote 45.35y, n" 2. Cf. O. Teissier, Les anciennes familles
3. V. i" Série, France, t. Il, pj). 37O- marseillaises.
INTRODUCTION XXXIII
Aussi, après la mort de Henri IV, dans les lettres de coiifirmalion '
qui lui furent données par Louis XllI, le 22 septembre iGio, il
est recommandé au duc de Guise, gouverneur de la Provence, de
faire cesser « tous troubles et empêchements apportés à l'exercice
de ladite charge ».
Guillaume Curiol dut mourir ou résigner ses fonctions avant
décembre t6ii, année où la présence de Jean Philippe Castelane,
qui avait la survivance de son consulat, est constatée au Maroc'.
Je.^n Philippe Castelane. — Il appartenait à une famille de
marchands marseillais, dont on retrouve plusieurs membres à Tunis
et à Smyine durant le cours du xvn" siècle ^ La première mcnlion
que nous ayons de lui remonte à juillet 160A. A cette époque il
était patron d'un navire à bord iluipiel se trouvait un chaouch
envové par le Grand Seigneur auprès de Henri l\ pour lui remettre
une lettre du 28 août iGo3 rinformant des mesures qu'il avait
prises pour assurer la protection du commerce dans le Levant *. Ce
chaouch, après avoir été reçu à Paris par le Roi, alla sur le bâti-
ment de Castelane pour porter au pacha d'Alger les ordres du sultan.
Castelane devait s'employer à obtenir la libération des captifs du
Bastion de France et la reconstruction de cet établissement. Cette
mission n'eut pas de succès ' et le Divan d'Alger devenu le seul
maître déclara que a celui qui proposerait de rétablir le Bastion
serait puni de mort». Primitivement le chaouch du Grand Seigneur
1. V. CCS lettres de confirmation, 1" Hé- On voit que le nom di- l'liili|>{i<' ou I'licli]>fi
rie. Franco, l. II, pp. 5o8-5io. n'est pas un pronom, mais un nom <lc
2. V. /" Série. Pays-Bas. t. II, pp. 22- famillp. Les provisions de 1C107 cH lOio ne
23, et infra, p. xxxiv. mentionnent que Jean l'iR-lipt. sans ajoiUcr
3. On trouve en 1C70 un François ilc Caslrlaru^
Castelane, marchand français àTunis(Arcli. !i. V. /" Série, France, t. II, p. Sai.
de la Chambre de commerce de Marseille Lettre de Mahomet III à Henri IV, j3
ce i55). Ln autre marchand ,leau Philippe août i6o3.
Castelane mourut à Smyrne en 1G88. En 5. \. le récit qu'en l'ait Castelane dans
outre il existe un volumineux dossier rela- sa lettre au duc do Guise du 1 1 juillet lOoi-
lif à un procès que son père Henry Phi- Bihl. Nal., Ms. fr. aS 198, f. 238. Cf.
lippe Castelane intenta à Jean-Baptiste également la lettre de P. Vias, consul
Fabre, marchand français établi à Constan- de France à Alger au duc de Guise du 3
tinople, pour délournement de sa succès- août iGo-^, Ibidem, ff. 23C-237, et Gkam-
sion (Bibl. Nat., /mprimés, T/iois)', uoi. /o5). mont, Hist. d'Alger, p. i.'iO-
Dt C.tSTKIES. 111. — c
XXXIV INTRODUCTION
devait aussi se rendre au Maroc auprès du cliérif Moulay Ahmed
el-Mansour. Mais, celui-ci étant mort le 2 4 août iGo3, il y a lieu de
croire que la lettre du sultan au Chérif ' ne fui jamais portée au
Maroc.
Jean Philippe Castelane avait donc déjà à cette époque été em-
ployé par la cour de France. Aussi, lorsque Arnoult de Lisle eut
rétabli les relations diplomatiques avec le Maroc, le capitaine mar-
seillais obtint-il aisément la survivance de la charge de consul en
ce pays, charge qui avait été conférée à Guillaume Curiol par lettres
patentes de Henri I\ du 16 septembre 1607. Ces lettres portent
que la nomination de Curiol est faite « à condition toutesfois de
survivance de luy [G. Curiol] et de Jean Phelipe, aussy citoyen de
nostre ville de Marseille' ». Ces lettres patentes furent confirmées
avec la même clause par Louis XIII le 22 septembre 1610'.
On ne trouve pas trace de la venue de Castelane au Maroc avant
161 1. Curiol dut probablement mourir ou du moins resigner sa
charge cette année-là, car en décembre iGii on constate l'arrivée
à Safi ' de Castelane, sur son vaisseau « le iVotre Dame de la
Garde ». Aux termes de ses lettres de provision, il ne semble pas
que le capitaine marseillais ait été investi d'autres pouvoirs que de
ceux de consul ° ; ses attributions étaient celles de Guillaume Bérard
auquel il succédait en Aiit. puisqu'on ne trouve aucune preuve du
séjour de Curiol au Maroc. Mais Castelane paraît avoir eu de sa
mission une conception beaucoup jîIus grande : il montra au Chérif
le texte d'une alliance entre le roi de France et le Grand Seigneur'
1. V. cette lettre, datée comme celle
adressée à Henri IV, du ii aoilt i6o3. /"'
Série, France, t. II, p. oai.
2. V. ces provisions, i''' Série, Iraiicc,
t. II, p. 376.
3. Y. cette confirmation. Ibidem, p. 5o8.
!\. V. la lettre de Moulay Zidàn à Sa-
muel Pallachc du i3 février 1612, /'''■ Sé-
rie, Pays-Bas, t. II, pp. 22 et 23.
5. Castelane fit d'ailleurs une déclara-
tion dans ce sens, lorsqu'après la capture
de son navire il fut interrogé par Juan de
Lara. « Un Frances que dize avia salido
por horden del rey de Francia a Iralur de
poncr un consul en Marruecos para el res-
cate de los Franceses ». V. i" Série, Es-
jiagnc. Lettre de Juan de Lara à Medina-
Sidonia. à la date du i3 juillet l6i2.
L'amiral Fajardo, confirmant le renseigne-
ment donné par son lieutenant, écrivait à
Ciriça : « El consul de aquella nacion que
fue dcsde Marsclla con cartas suyas a pedir
unos cautivos franceses ». V. Ibidem, Lettre
de Fajardo à Ciriça, à la date du 0 octobre
1612.
Ij. 11 s'agit du traité conclu entre la
France et la Porte par M. de Brèves le 20
mai iGo4. On sait que Achmel 1=''
INTRODUCTION XXXV
et lui oITrit. au nom de Louis XIII. de conclure un accord analogue.
Moulav Zidàn accueillit cettrc olVrc avec empressement et rendit la
liberté aux captifs français '. Castelane s'en retourna avec un projet
de traité et « deux lettres closes de parchemin enfermées dans deux
sachets, liin do soie verte, l'anlre de damas" ». 11 emmenait en
outre deuxciievaux oU'erls j)ar le Chérif, l'un à liouis XIII, l'autre
au duc de Guise, gouverneui- de Provence, de qui le consul marseil-
lais tenait peut-être des instructions diplomatiques. Il laissait au
Maroc son fils et son neveu, porsoiuiages svn- lesquels nous ne pos-
sédons aucune autre indication.
A peine était-il de retour à Sali que Moulay Zidàn y arrivait lui-
même précipitamment, avec ses femmes, ses biens et quelques caïds
fidèles : le marabout Abou Maiialli venait d'infliger à sa mahalla une
sanglante défaite. Le chérif, voulant se rendre dans le Sous pour y
organiser la résistance, affréta à cet effet le « Notre-Dame de
la Garde » ainsi qu'un ihniic hollandais mouillé à Safi pour
transporter à Agadir une cargaison de peaux \ Au retour les deux
bâtiments, qui faisaient voile de conserve, rencontrèrent un navire
hollandais qu ils canonnèrent. Après 1 avoir abordé et s'être emparé
de ses vivres et de sa cargaison, ils le laissèrent continuer sa route*
et rentrèrent à Safi, d'où Moulay Zidàn les fit repartir pour Agadir.
assurait par ce traité de grands avantages (z" Série, Espagne, Lcltre de Juan de Lara
à la France et accordait la liberté aux cap- à Mcdina-Sidonia, à la date du i3 juillet
tifs français détenus aux pays Barbaresques. 1612); 2" Par la déclaration de Moulay
Cette dernière clause n'avait reçu son appli- Zidàn qui écrit : « Nous nous sommes ser-
cation qu'à Tunis. vis de son navire [le navire de Castelane]
I. V. /" Série. Pays-Bas, t. II, Lettre pour quelques nostres ajferes et y avons
de Moulay Ziddn à Samuel Pallache, i3 chargé quelques biens nostres »(/" Série,
février 1612, p. 32, note 7 et p. 33, note i ; Pays-Bas, Lettre de Moulay Zidàn aux Élats-
Ibidem. p. 108, Lettre de Moulay Zidàn aux Généraux, à la date du 27 juin 1612, V.
Élats-Généraux, 27 juin 1O12. i" Série, Pays-Bas, t. H, p. 108); 3" Par
3. « Dos cartas cerradas de pargamino une lettre de Vaucelas écrivant à Louis XIII
celladas en dos fundas, la una de raso Aerdc qu'il a vu les pièces du procès de Castelane
y la otra en un damasquillo ». V. /'''' Se- et de ses compagnons « qui tous ont con-
rie, Espagne, Lettre de Lara à Fajardo à la fessé avoir pris un certain vaysseau de mar-
date du 18 juillet 1612. cbandz en ce voyage de Barbarie et que,
3. Le fait de ce premier voyage du par conséquent, ilz [les juges espagnols] ne
« Notre-Dame de la Garde » de Safi à Aga- leur ont point fait de tort de les condamner
dir est établi : 1° Par la déposition de comme pirates ». V. France, t. II, p. Sgi.
l'équipage interrogé par Juan de Lara 4- V. /'•'.Série. Espagne, i3 juillet 1612.
XXXVI
I\TTinDL"CTIO>"
11 embarqua ses femmes et sa suite sur le navire hollandais ' et
confia au « Notre-Dame de la Garde » le reste de ses biens : c'é-
taient ses « bardes » et surtout sa bibliothèque « septante-troys far-
dous ou balles grandes de livres mahometans" ». Le prix convenu
avec Caslelane pour raffrétement était de trois mille ducats'.
Le i6 juin 1612, le navire hollandais et le « le iVolre-Dame de
la Garde » arrivèrent pour la seconde fois dans le port dAgadir.
Mais, tandis que le premier mettait à terre Moulay Zidân et sa suite.
Castelane refusait de débarquer la bibliothèque et les caisses du
Chérif. avant d'avoir reçu le prix convenu pour l'alTrétement de son
navire. Comme le payement se faisait attendre et que d'autre part
les vivres du « Notre-Dame de la Garde » commençaient à s'épui-
ser % Caslelane, d'accord avec son équipage °, prit un parti radical:
il mit à la voile dans la nuit du 22 juin, emportant à son bord la
bibliothèque et les bagages chérifiens. Son intention manifeste"^ —
qui a été travestie par tous les historiens — était de ramener son
navire à Marseille et de remettre le précieux dépôt entre les mains
du duc de Guise, en demandant qu'on le désintéressât.
Il fut, pour son malheur, retardé par les vents contraires et se
trouvait encore à hauteur de Salé le 5 juillet 1612, quand il fut
rencontré par quatre vaisseaux espagnols détachés de la Hotte de
l'amiral Fajardo et commandés par Juan de Lara ; ces vaisseaux
donnèrent la chasse au « JNotre-Dame de la Garde » et s'en empa-
rèrent. A cette époque les Espagnols se considéraient comme ayant
le droit de capturer tout navire français se trouvant dans les parages
du Mai'oc. Un interrogatoire sommaire de l'équipage, fait pour la
1. V. /'■'Série, Espagne, i3 juillet i6i3.
2. V. /'■'■ Série, France, t. II, p. 5^2,
Élat des biens enlevés « Mnalay Ziiiân,
pp. 54i-5i3.
3. V. i" Série, Espagne, loe. cit.
u'|. « Hallandosc sin bastimento con que
potier espcrar ». j" Série, Espagne, Rela-
tion Sicolas André, à la date du 20 juillet
1G12,
5. « Hizieron acuerdo », Ibidem.
6. Cela résulte de la déclaration fpie fit
par lettre le maître du vaisseau à M. de
Vaucelas. Il affirma que l'on avait retenu
les liardes de Moulay Zidàn pour se payer
des services qu'on avait rendus à ce chérif.
V. /" Série, France, t. II, Lettre de Vauce-
las à Puisieux, 10 septembre i6i2, p. 54^.
« Ces Marseillais disent qu'ilz eussent le
tout depo.se es mains de monsieur de
Guise ». Ibidem, p. 55 1.
7. Juan de Lara ne voidut pas soumettre
l'éijuipage à la torture pour obtenir des
aveux plus complets, à cause de la paix
cpii existait alors entre Philippe III et
Louis XIII. « No he querido mas apre-
miarlos ni darlos tormento por aclarar mas
INTnnDfCTION XXVVII
forme, donna à Lara le pn'texfo quil rliercliait. Il fil transporter la
cargaison sur un de ses vaisseaux le « San Lorenzo », ne laissant
à bord du Notre Dame de la Garde que la bihliolhèque chérifienne',
puis il attendit les ordres de Fajardo. L'amiral fit amener le navire
capturé à Cadix ", où le tribunal maritime saisi de l'alTaire le déclara
de bonne prise, soit que les juges aient considéré « le Notre-Dame
de la Garde » comme enlevé à un belligérant, le roi du Maroc, soit
qu'on ait simplement regardé Castelanc comme un pirate'. En
conséquence, une sentence rendue le 23 octobre 1612 condamna
le maître et le contre-maître à la peine capitale, les autres, y
compris Castelane, aux galères*.
On peut juger, d'après les Ici très ' de Moulay Zidàn au roi de
France et aux Etats-Généraux des Provinces-Unies, de la colère du
Cliérifà la suite de la fuite de Castelane, et de la perturbation que
cet incident jeta pendant de longues années dans nos relations avec
le Maroc. Louis XIII paraît avoir été uniquement préoccupé de
dégager la responsabilité de la cour de France en cette affaire, en
désavouant son agent. Répondant, le 5 juin i6i5, aux Etals-
Généraux des Provinces-Unies, qui s'étaient entremis pour le règle-
ment de ce conllil. il qualifie Castelane d' « homme sans adveu qui
ne fut oncques nostre ambassadeur ny recommandé d'autre titre
que de marchand, duquel ayant abusé comme de son debvoir en-
vers nous et de la fidélité qu'il debvoit à la fiance que ledict roy
[du Maroc] avoit prise de ses actions et effeclz..., perfide personne
que nous ferions chastier, selon son démérite, à la rigueur de nos
esta vprdatl. pnr scr Franccscs y ver las avec un navire hollandais, avait capturé un
paces que ay entre Niiestro Rey y el suyo ». navire des Provinces-Unies. V. supra, p.
V. /'■'■ Série, Espagne, Lettre fie Juan de xxxv et note 3.
Lara à Medina-Sidonla. Ji la date du i3 'i. V. i''' Série. Espagne, à In date du
juillet 1612. |8 novembre i6ia.
1. « Todos los farilos y cofres de ha- 5. V. /" Série. France, t. II, p. 5<)7,
zienda qui^ se hallaron ser de Muley Cidan Lettre de Moulay Zidàn à Louis XIH, i!x
y mcterlo on uno de los navios de guerra mars 1616; Ibidem. Pays-Bas, t. II, p. io8,
que es « San Lorenzo », exepto... una Lettre de Moulay /Àdàn aux Etals-Généraux .
gran llbreria del Rey ». Ibidem 37 juin 1613; p. 787, Lettre de Moulay
2. V. i" Série. Espagne, à la date du Zidàn à Samuel Pallachc. i3 décembre
18 novembre 1612. 1612; p. 6o3, Lettre de Moulay Zidàn aux
3. On a vu que Castelane, de concert Etats-Généraux, 3l octobre i6l5.
WXVIII INTKOnUCTION
loix, si nous avions peu le tiicr du lieu où il a pris lefuge en son
crime d '.
Ainsi le roi de France, outre qu il imputait à un dessein malhon-
nête le brusque départ de Castelane, déniait à cet agent son carac-
tère officiel. Que Castelane ail cherché à jouci- de l'ambassadeur
pour faire accepter au Chérif un projet d'alliance, la chose est assez
vraisemblable, mais elle n'aurait pas tiré à grande conséquence, si
les événements avaient pris une autre tournure. Il n'en est pas
moins certain que Louis XIII faisait, pour les besoins de la cause,
bon marché du titre officiel dont jouissait Castelane, aux termes
très précis de sa provision de consul. Aussi bien le loi de France,
malgré cette indignation de circonstance, recommandait à l'ambas-
sadeur de France à Madrid, M. de Vaucelas, de réitérer ses
instances auprès de Philippe III pour obtenir l'élargissement de
Castelane et de ses compagnons, toujours retenus dans les prisons
de Cadix, en attendant la décision du tribunal d'appel".
La question s'était posée de savoir si le procès devait être jugé
par le Conseil d'Etat, en l'envisageant comme une afiaire diploma-
tique, ou évoqué au Conseil de guerre, en le considérant comme
une affaire de prise. Les deux Conseils rendirent en août i6t3 un
arrêt en commun, arrêt assez incohérent: le navire était déclaré de
bonne prise et d'autre part on ordonnait la mise en liberté des
inculpés '. Il ne semble jias que cet arrêt ait été suivi d'exécution,
car, en juin i6i5, iafTaire. sur les instances de Vaucelas, ambassa-
deur de France à Madrid, fut examinée à nouveau et tranchée dans
un sens encore plus défavorable, puisque Castelane et ses compa-
gnons étaient condamnés aux galères '.
Castelane ne paraît pas être rentré en France. Il mourut au plus
tard en 1619 '.
1. V. /'■'' Série. Pays-Bas, t. II, p. .Ï73, Vaucelas à Puisieux, 20 août il5i3, j). 556
Lettre de Louis XIII aux États-Généraux, 5 cl note 1.
juin i6i5. 4- ^ ■ Ibidem, Lettre de Vaucelas à Pui-
2. V. i" Série, Franco, I. Il, Lettre de sicux. 2G juin i6i5, p. 584.
Vaucelas à Marie de Médicis. i5 octobre 5. Un état des consuls français dans le
i6i3, p. 559; Lettre de Vaucelas à Pui- Levant en date d'août 1619 porte que le
sieiLX, 26 juin i6i5, p. 583 ; Lettre de Vau- consulat du Maroc est « vacant par la mort
celas à Louis XIII, 9 juillet i6i5, p. 590. do Castclarme [Jean Philippe Castelane] ».
3. V. /'■'' Série, France, t. II, Lettre de V. infrn. Doc. XII, p. 53.
INTKODUCTION XXXIX
Antoine de Sallf.ttes. siriK oe Saint-Mandiuer. — Ce .gen-
tilhomme provençal, dont le nom défiguré par les Espagnols se
rencontre sous les formes : Salvaleta, Samandris, San Manrique,
Suma Andréa, etc. avait dû naître à Toulon dans le dernier quart
du xvf siècle'. Les détails manquenl sur ses débuts: on sait seu-
lement quil était « extrêmement addroit en toute sorte d'exercice
militaire et très-sçavant aux sciences mathématiques'^ », ainsi que
fort expert dans 1 art de l'ingénieur'. Saint-Mandrier servit probable-
ment avec ardeur en l'rovence la cause de Henri 1\ « auquel,
écrit-il à Louis XIII, je m'estoys norry »*. En i6o/i, il a des démê-
lés avec les consuls et les habitants de Toulon au sujet de l'établis-
sement de salines '. Son existence paraît avoir été déjà celle d'un
aventurier, car en i6ii, à la tête de dix partisans, il commet un
meurtre « en personne de l'enseigne et sergent de la compagnie
(jue avoyt le syeur de Saint-Pierre en la guarnison à paye mort de la
ville de Tollon en Provence »". Obligé de sortir de France avec
ses complices à la suite de cette afl'aire, il alla olTrir ses services à
Charles Emmanuel I", duc de Savoie, qui intriguait alors avec les
mécontents de Provence. Devenu bientôt capitaine d'une compa-
gnie de loo à I au hommes « presque tous retirez du royaume [de
France] pour mesfaits' » comme lui-même, il servit ce prince dans
la guerre de Alontferral (i6i2-i6i3). Vers la fin de i6i3 il
revint clandestinement à Toulon. Les consuls sont avisés le 3o
novembre « que le duc de Savoye a intelligences sur ceste ville
par le moyen du s' de Sainct-Mandrier et de ses complices... et
que ledict s' de Sainct-Mandrier et Cliahert sont estes souvent en
I. Il fit SOS picmitros armes après iSgil, 2. Cf. Honoré Boiche, Hisl. chron. de
date où la Provence revint à Henri IV. — Provence, l. II, p. 869.
Sa naissance à Toulon est établie par un 3. Cf. Ckspedks, Primera parte de la
grand nombre de documents. Citons entre Ilhinria de D. Felipe IV, p. 'MiS.
autres l'état des gentilshommes et soldats !t. V. infra, p. i5.
français se trouvant à Turin en juin 161. '5. 5. Cf. .Vrcli. Nat. Arrêts du Conseil d'Etat
Dans cet étal on lit : « Le S'' de S' Mandri, K 0'', f. 120 ; E 8\ f. 28 ; E 8^, f. 2^6 ;
provençal de la ville de Tolon... ». \. E 10^, f. 77; Bibl. ÎVat., Ms. fr. 18168,
Bibl. Nat., Ms. fr. jGgii. f. .tzi v>. Cette ff. 11 et 228; 18170. f. 37.
liste avec renseignements biographiques 6. V. 7" Série. Dépôts divers, Flcinncc,
avait été dressée par M. Gueffier, agent de Lettre de J.-B. de lirémoy à Orso d'l£lci. 28
France à Turin, et jointe à une dépêche décembre 1617.
cpj'il adressait il Puisieux, le 29 juin iGi3. 7. V. liibl. i\at. Ms.fr. i(}iij.j.f. ,''12.') 0".
XL
INTRODUCTION
ceste ville' ». L'assemblée, après en avoir délibéi'é, décide « que
les gardes de la ville seront renforcées, et sera faicle patrouille par
les capitaines des quartiers de ladicle vdle ; ... que lesdicls s"
viguier, conseil et assaniblée se transporteront aux maisons desdicts
sieurs de Sainct-Mandrier, Chabert et aultrcs. sy besoing est, pour
fere telles visites et perquisitions que seront requises et naisses-
saires...^ »
L'entreprise du duc de Savoie sur Toulon ne fut pas sans doute
poussée plus avant. Aussi bien Sainl-Mandrier n'était pas homme à se
prêter à des machinations contre sa patrie. Tout son désir était d'y
rentrer et il répondait à M'" Gueffîer, agent de Louis XIII en Savoie
« que s'il pouvoit retourner en France, il ne manqueroil tout
aussy tosl de le l'aire et d'y ramener ses compagnons pour obéir
aux volontés de Leurs Majestez', que la seule nécessité lavoit luy
et eux porté icy pour ne scavoir on se retirer ; que s'ilz pouvoient
avoir abolition de ce qu'ilz ont fait, ils aymeroient beaucoup mieux
estre emploiez au service du Roy qu'à nul autre prince ». S' Man-
drier ajoutait que présentement en Savoie « il se faisoit un apprest
sur mer auquel Son x41lesse [Charles-Emmanuel I"] le vouloit
employer* ».
Une des idées politiques des durs de Savoie à la fin du xvi'
siècle avait été de donner une marine à leur pays, afin de lui
faire jouer un rôle parmi les étals maritimes de l'Italie. C'est
pour cette raison que le duc Emmanuel-Philibert entretenait des
1. V. Arch. com. de Toulon, BB53, [f.
6g2 vo-GgS.
2. V. Ibidem. — A la suite de cette déli-
bcralion le parlement d'.\iï reçut l'ordre
d'ouvrir une information contre le s** de
Saint-Mandrier.
3. Puisicux avait écrit à Gueffier d'avoir
à signifier aux gentilshommes et soldats
français engagés au scn'ice du duc de Sa-
voie « le commandement de Leurs Majcstez
de se retirer de sond' service ». Gueflier ne
pouvant pas publier ouvertement à Turin
l'ordonnance royale, s'arrangea pour en
faire « veoir le contenu en particulier à
chacvm des d'^ François ». C'est à cette
communication que répond S'-Mandrier. ^ .
Bibl. >'at. Ms. fr. i6gi4. }'■ 532.
4. V. Ibidem, f. ôa^- — S'-Mandrier
avait même pour la famille royale un culte
chevaleresque. Le s'' de Mareuil ayant dit
dans une « compagnie de plus de vingt
personnes et Ircs-haiilt que lo marquis
d'Ancre couchoit avec la Reyne, S'-Mandry
qui estoit là prist la parole et dict que cela
estoit faulx. » Une querelle survint, et le
duc de Savoie eut beaucoup de peine à
mettre d'accord les deux gentilshommes
français. V. Lettre de Gueffier à Puisieux,
5 juillet i6i3, Bibl. >'at. Ms. fr. i6gi4.
/. 536 v°.
INTRODUCTION XLI
galères dans le pori île Yillofranche'. Son fils Charles-Emmanuel,
poursuivant cette politique et ayant en outre des représailles à
exercer contre l'Espagne, qui l'avait oblige à restituer le Montferral,
conçut tout un plan maritime dont l'exéculion fut confiée en partie
à Saint-Mandrier ". Celui-ci devint pour la circonstance homme de
mer, et. muni de lellres di' marque du Duc, il courut sus aux navires
de l'Espagne. Mais il reçut en même temps une mission plus impor-
tante relative à El-Mamora.
Rendez-\ous des pirates de toutes les nations, ce port marocain
échappait complètement à l'autorité de Moulay Zidàn et jouait alors
sur la côte atlantique le rôle d'Alger sur la côte méditerranéenne.
Le capitaine anglais Henry Mainwaring ' y avait fait reconnaître son
autorité et recevait des propositions de toutes les puissances qui
convoitaient cette position. Les Pays-Bas avaient obtenu du Chérif
l'autorisation de chasser les pirates de El-Mamora et d élever pour
son compte un fort sur la côte ', dont ils espéraient bien rester
les seuls maîtres. Mais l'Espagne était plus intéressée qu'aucune autre
nation à enlever;! ses ennemis présents el futurs celte base d'opération
contre sa Hotte des Indes. Charles-Emmanuel I", au courant de
ces compétitions, chargea Saint-Mandrier d'entrer en pourparlers
avec Mainwaring ', afin de faire accepter à la pseudo-république,
qui se sentait menacée à la fois par l'Espagne, par les Pays-Bas
et par le Chérif, l'autorité (,'t la protection de la Savoie.
Saint-Mandrier dut mettre à la voile au printemps de i6i4; il
capturait le 3o mai dans le port de Carthagènc" un navire hollan-
dais « le Paon Doré » et se dirigeait ensuite sur El-Mamora où il
entrait avec sa prise. Un mois après, le 2~j juin, trois vaisseaux
envoyés par les Etats-Généraux et placés sous le commandement
1. Sur les flnsscins marilimos du duc pirates de II. Mainwaring.
Emmanuel Philibert el do son amiral ,\ndré .1. En fait, c'était Samuel Pallaclie qui
do Provana, Cf. Costa de IBeaurecahd, avait pri.s sur lui de faire cette proposition
Mémoires hislorit/iies xiir h maison royale de au nom du Chérif. Cf. r" Série, Pays-Bas,
Savoie, t. Il, p. 6(i. t. II, p. 287 et note 4. V. aussi Ibidem,
2. Cf. Cespedes, Inc. cil. pp. aSa, 204 et 377.
3. Ci. CoRRKir, Enoland in the Méditer- 5. Cf. i" Série. Angleterre, aux dates
ranean, t. I, pp. 56-.')9 ; /" Série, Angle- indicpiées ci-dessus, note 3.
terre, aux dates 4 juillet 161 1, année 161 2 6. Cf. 1''' Série, Pays-Bas, t. II, pp. StV'i-
passim, 2 juin 1618 et le Discourse on 367.
INTRODUCTION
de l'amiral Jan Evertsen venaient bloquer le pnrt'. Tandis que les
Hollandais attendaient les instructions de Moulay Zidân pour
descendre à terre ", l'amiral Fajardo parut le 3 août devant El-Ma-
mora avec une flotte de quatre-vingt-dix-neuf voiles et une troupe
de sept mille hommes. Evertsen salua le pavillon espagnol, et, fai-
sant contre mauvaise fortune bon cœur, il communiqua à Fajardo
tous les renseignements qu'il avait sur les pirates, bloqués par lui
depuis un mois. Les Espagnols débarquèrent sans résistance au
nord de El-Mamora et s'emparèrent des batteries dont ils bra-
quèrent les canons sur les vaisseaux des pirates. Ceux-ci mirent le
feu à quelques prises, mais n'eurent pas le temps de détruire leurs
navires qui restèrent entre les mains des Espagnols ; ils se réfu-
gièrent en hâte à Salé. Nous n'avons aucun détail sur le rôle que
joua Saint-Mandrier pendant ces opérations. H tenta sans doute de
forcer le blocus et de gagner la pleine mer. mais « il fut si rudement
accueilly par quelques vaisseaux espagnols qu'il fut contraint d'en-
trer et de remonter le long d'une rivière [l'oued Sbou], aimant
mieux se rendre à la mercy des infidelles que de se laisser prendre
aux Espagnols. Entrant dans les terres de Fez, il fut fait prisonnier
et présenté au Roy [Moulay Zidàn] qui, voyant sa i)onnc mine et
celle de ses gens, l'employa en ses guerres tant pour l'infanterie
que pour la cavalerie, en quoy il réussit merveilleusement bien^ ».
Les connaissances techniques de Saint-Mandrier lui concilièrent
bientôt la faveur de Moulay Zidàn, qui en fit son ingénieur; grâce
à lui on vit au Maroc des fonderies de canons et des raffineries de
salpêtre*. Consulté sur tous les projets, il devint l'homme le plus
en vue du inakhzen, « faisant donner les charges de l'Etat à qui
bon luy sembloit" », exposé par contre à tous les risques que com-
porte une pareille fortune. Au milieu des satisfactions de l'ambi-
tion, il semble que le gentilhomme loulonnais ail toujours eu la
1 . Cf. /'■' .Série, Pays-Bas, t. Il, pp. 807,
335 ot 35i, cl Franco, I. Il, p. Sfi" vl notes
4 et à,
2. Evertsen nedevail occuper El-Maiiiora
qu'après en avoir reçu l'orrlre tlu Chérit'.
Cf. z" Série. Pays-Bas. t. II, p. 33r| et
note 2. Mais Samuel Pallaclie, qui s'était
évidemment trop avancé, ne put obtenir
cet ordre. Cf. Ib'ulem, pp. 3o5, 3i2 et note
I ; 323 cl 339.
3. V. Honoré Bouche, liist. chron. de
Provence, t. II, p. 869.
/i. Cf. Cespedes, loc. cit. et infra, p. 82.
5. V. HoNOUÉ Bouche, loc. cil.
INTROnrCTION M.III
hantise du pays natal : « cette demeure dans les terres infidellcs ne
liiy agréoit jins, et il desiroit de retourner à son pays, en la Chré-
tienté ' ». Aussi saisit-il avec empressement roccasion des diffé-
rentes missions françaises qui furent envoyées au Maroc à la suite
de laffaire Castelane, pour entrer en rapj)orls avec le Uoi et lui
rendre tous les services en son pouvoir. Déjà, au commence-
ment de l'année lOiy, il correspond avec Ilarlay de Sancy ambas-
sadeur de France à Constanlinople et lui donne avis « que tous
les François sont à la chaisne » ". Le i a juin de cette même année, en
réponse à une lettre qui lui a été remise par Boniface de Cabanes,
croyant que Louis XIII lui a accordé des lettres d'abolition, il écrit;
« J'ey veu ([u il a pieu à ^ ostre Majesté me donner mou abollssion
pour le fet de l'omycide. Sertes je ne m'étois moins promis de la
clemance d'un sy granl Rov ' ». (]ette nouvelle était prématurée,
car nous voyons Saint-Maudricr revenir à la charge dans une lettre
adressée au Roi le ("janvier i6i8 : « Mes pleut à Dieu, écri\ait-il,
que Votre Magesté degnat ce servir de moi, et me voUul donner une
abolission, qui vès mor'ant de désir de morir en son servisse' ».
Et de même, dans toutes les intrigues du capitaine provençal avec
les autres puissances chrétiennes, on le voit toujours subordonner
son concours à cette condition d'obtenir des lettres d'abolition du
roi de France.
Ce n'est pas seulement en ellet avec la France que Saint-
Mandrier chercha à entrer en relations. Dès l'année 1617 il aurait
fait des ouvertures à l'Espagne'. En 1619 on retrouve l'aventurier
provençal à Sali auprès de Moulay ZidAn, qui. pressé par les
rebelles, songeait à demander protection aux Espagnols. D. Jorge
Mascarenhas, qui espérait avoir l'honneur de recueillir le Chérii",
suivait avec anxiété les événements. Voulant profiter des oUVes de
Saint-Mandrier, il fit partir pour Sali F'^" Diaz Faleiro avec la
mission de s abouchei- avec lui et de lui faire entcndie que, s'il
1. V. Ho.NOKÉ Bouche, Inc. nit. Sainl-Maiidi ier lui avait adressé de Mcrra-
2. Cf. infra, p. 7, Lettre de Ilarlay de Iccchune loi Ire dans laquelle il proposait ses
Sancy à Léon Foureau, i3 mai 1617. services au roi d'I'^spaptie et demandait un
3. V, infra, p. i5. sauf-conduit pour se rendre soit à Maza-
/i. V. infra. p. uj. gan, soit à Larache. Ce sauf-conduit fut
5. D. Jorge Mascarenhas, en janvier accordé par Philippe IIF. mais ne fut pas
1619, écrit qu'un an et demi auparavant, utilisé.
INTROniTTION
parvenait à décider ^^oulny Zidân à se réfugier en Espagne, la
reconnaissance de Philippe 111 lui serait acquise et que ce serait
pour l'expatrié « le meilleur moyen d'obtenir la liberté qu'il dési-
rait tant' ». Mais Saint-Mandrier, sollicité par les Hollandais,
détourna le Chérif de demander asile aux Espagnols. « Il lui démon-
tra, dit Cespedes, tous les avantages qu'il pourrait retirer des
Hollandais et le décida à ouvrir un port sur la côte atlantique,
destiné à inquiéter nos flottes" ».
La création de ce port fit de 1619 à 162.4 1 objet des négociations
des puissances chrétiennes avec Moulay Zidàn. Safi était alors sur
la côte atlantique le seul port chérifien ; Mazagan, El-Mamora,
Larache étaient aux mains des Chrétiens; quant à Agadir, il rele-
vait le plus souvent des rebelles du Sous. Un nouveau mouillage
avait été reconnu dans la lagune d'Aïer. située dans le pays des
Doukkala, à 20 kilomètres au nord-est du cap Cantin. Saint-Mandrier,
qui avait visité les lieux avec sa compétence d'ingénieur, estimait
qu'en faisant sauter un banc de rochers, la lagune pourrait, à peu
de frais, être mise en communication avec la mer et former un
excellent mouillage. L'Espagne prit ombrage de ce projet du Ché-
rif, et de savoir que l'exécution en serait probablement confiée
aux Hollandais n'était pas fait pour diminuer ses inquiétudes. Les
États-Généraux, empressés de satisfaire les désirs de Moulay Zidân,
s'offraient à faire les travaux, moyennant une promesse de conces-
sion \
Cependant, contrairement à ce qu'écrit Cespedes, ce ne fut pas
aux Hollandais que Saint-Mandrier crut devoir soumettre ce projet. Il
voulut en faire bénéficier la France. Précisément à l'époque dont
il s'agit, au commencement de janvier 1619, il était arrivé à Safi
un vaisseau commandé par le chevalier de Razilly, à bord duquel
se trouvait un « ambassadeur » ou plutôt un simple envoyé du roi
de France, le s' Claude Du Mas. C'est à eux c|ue Saint-Mandrier
exposa les intentions de ^loulay Zidàn concernant la création d'un
port à Aïer. Il fit ressortir les grands avantages qu'on pourroit tirer
de ce port pour la pèche du corail, pour la récolte du sel et d'autres
1. V. infra, p. ."îî. 3. Cf. /" .Série. Pays-Bas. t. III, à la
2. Cf. Cespedes, loc. cit. date du 2 juillet 1621.
INTRODUCTION XLV
produits, prétendant qu'avec une légère somme d'argent il serait
facile d'obtenir de « Sa Majesté du Maroc » la concession de cet
endroit pour quelqurs années'. Razillv et Du Mas repartirent le 20
février 1619 pour la France", cmmenani à bord un « gcntilbomme
maure ' » nommé Sidi Farès, que Moulay Zidàn envoyait à
Louis XIII avec charge de réclamer la restitution des livres enle-
vés par les Espagnols à Castelane, condition sine qiia non de toute
autre négociation. Le Chérif demandait également qu'on lui envoyât
comme ambassadeur François de Razillv*. frère aîné du Chevalier,
dont la réputafiou d ennemi de l'Espagne était parvenue jusqu'à lui.
Le projet de Saint-Mandrier fut accueilli en France avec faveur,
et une société ayant à sa tète un grand financier de l'époque, le
s"^ de Montmort, se fonda pour l'exploitation du port d'Aïer ". Tou-
tefois le « chevalier more » ne fut pas reçu à la Cour et resta au
port oii il était débarqué', soit que son titre d'ambassadeur ne fut
pas suffisamment officiel, soit que Louis XIII préférât ne pas s'expli-
quer sur l'affaire Castelane. De plus on n'envoya pas au Maroc le
frère de Razilly ' demandé par le Chérif, mais ce fut le s' Claude
Du Mas qui repartit pour ce pays avec le s"^ de La Mole, intéressé
dans la Société Montmort. Il relâcha à Cadix, où il vit D. Fadrique
de Tolède, capitaine général de la flotte de la mer océane'. Com-
muniqua-t-il à l'amiral espagnol les plans et le projet d'Aïer,
comme on le fit plus tard croire à Moulay Zidân'.'' On peut en dou-
ter. Toujours est-il qu'il « ne sut ni n'osa entamer avec le Chérif la
moindre négociation en vue d'obtenir la concession prévue'"».
Il est probable que Saint-Mandrier avait trop présumé de son
pouvoir auprès de Moulay Zidân. Celui-ci d'ailleurs avait changé
d'idée : il voulait maintenant se charger lui-même de l'exécution
des tra\ aux et assurer au Maroc seul le bénéfice qui devait résulter
I. V. /" Série. Pays-Bas, t. III, Rap- 5. V. infra, pp. 55-58, les instructions
port de Van GooL a/i juillet 1624, et infra, données par M. de Montmort à La Mole,
p. 57. t). V. infra, p. 117 et note 2.
i. ^ . infra. p. 5i, Lettre de S'-Mandrier 7. V. infra, p. lOi.
à Puisieux, 10 février lôry. 8. Il avait succédé en celle qualité à D.
3. \. infra, p. loo et note 6. Il est Luis Fajardo en 1617.
appelé le c< chevalier more » dans les Ins- g. V. /" Série, Pays-Bas, t. 111, Rapport
trustions à La Mole. V. infra, p. 55. de Van Gool, 2/1 juillet i6j4-
4. V. infra, p. loi et note 2. 10. V. Ibidem.
XLVI IMROnUCTION
de l'ouverture du nouveau port. Il chargea Saint-Mandrier de lever le
plan de la lagune ' elle remit au capitaine hollandais OutgerClaesz.,
avec une lettre où il demandait au\ Etats-Généraux de lui envoyer
des ouvriers habiles pour faire sauter à la mine le banc de rocher '.
En décembre 1622, Albert Ruyl arrivait à Safi amenant sur son
navire les carriers demandés par le Chérif^. Mais les Pallache,
jaloux à la fois de Saint-Mandrier et de Ruyl. avaient su exciter la
méfiance de Moulay Zidân et ameuter la tribu des Doukkala. C'est
pourquoi on retint plus de sept mois le capitaine hollandais sans
1 autoriser à se rendre à Merrakech et sans même envoyer les
ouvTiers à la lagune d'Aïer ^. Lorsquen juin 1628 1 amiral des Pro-
vinces-Unies, L Hermitte. vint croiser sur la cùle. les Doukkala
prirent ses vaisseaux pour la flotte espagnole venant débarquer à
Aïer. L'alarme fut si grande que le Chérif dut se transporter sur les
lieux. Sous rinfluence des Pallache dénonçant Du Mas comme
ayant livré à D. Fadrique de Tolède le plan d'Aïer, il fit arrêter
l'envoyé français ainsi que le capitaine Saint-Mandrier. Celui-ci fut
relâché en septembre, tandis que le pauvre Du Mas était encore
gardé en prison pour ce motif en juillet lOa^-
Le projet d'Aïer fut donc écarté. Par la suite, Moulay el-Oualid
tenta de réahser cette idée, mais il dut se contenter d'élever sur le
bord de la lagune une kasba qui fut appelée de son nom El-Oua-
lidya '. Aussi iiienles Hollandais avaient reconnu la dilliculté, sinon
l'impossibilité, d établir un bon mouillage en cet endroit et s'étaient
désintéressés de la question. Moulay Zidân, convaincu de la néces-
sité d'avoir sur la côte atlantique un autre port que Safi, porta ses
vues sur Azemmour, où un renégat hollandais, Morato, avait
reconnu la possibilité d'en établir un en construisant une digue ^
Les Espagnols, inquiets de ce second dessein, firent de nouvelles
avances à Saint-Mandrier. Philippe III s'engageait à lui faire obtenir
sa grâce et la restitution de ses biens, « chose qui fut traitée, dit Ces-
pedes, avec le roi de France ». Mascarenhas devait rester en rela-
1. V. /'■' Série Pays-Bas, t. III, Rap- Journal il Albert Ruyl.
port de Van Gool, 2^ juillet 1626. !t. V. Ibidem, à la date du aa juillet
2. V. Ibidem, à la date du 2 juillet 162^, Résolution des États Généraux.
1621, Lettre de Moulay Zidân aux Etats- 5. V. infra, p. 55 et note 2.
Généraux. 6. Cf. Gespedes, Historia de D. Felipe
3. \ . Ibidem, a la date décembre 1622, I\', rey de las Espahas, p. 4i3.
INTRODUCTIO.N \LVII
tioii avec l'aventurier et favoriser sa fuite, le moment venu. Gagné
par les promesses de lEspagne. Sainl-Mandrier amena le (Jhérif à
renoncer au projet dAzemmour. Le renégat Morato en conçut une
grande fureur et dénonça Saint-Mandrier comme un espion de l'Es-
pagne. Moulay Zidàn, voulant sur\ciller lui-même son favori, se
rendit à Azemmour, puis il alla camper à Megrous '. Saint-Mandrier,
qui devait connaître le revirement du Chérif à son égard, était aux
aguets, n'attendant ipi'une occasion pour s'échapper.
Sur ces entrefaites, le chevalier de Razilly, envoyé auprès de Mou-
lay Zidàn pour négocier un traité d'alliance ^ vint mouiller à Sali
(octobre 1G2/1). Il fit prévenir Saint-Mandrier de son arrivée, le priant
de lui obtenir un sauf-conduit pour descendre à terre. Moulay
Zidàn autorisa seulement le débarquement de deux personnes. Saint-
Mandrier écrivit au Chevalier pour l'informer de cette condition,
mais les Maures, hostiles au gentilhomme provençal et inquiets de
la présence de trois navires français en rade, interceptèrent la
lettre ^ Razilly plein de confiance descendit à terre en brillant équi-
page. 11 fui arrêté avec toute son escorte et amené à la mahalla du
sultan. Moulay Zidàn l'autorisa à rentrer en France pour chercher
la rançon des captifs français *.
Quant à Saint-Mandrier, il méditait toujours son projet de fuite. En
iti'i,"). il allait s'évader sur un navire français mouillé à Safi. quand
il l'ut poursuivi et ramené au port '. Moulay Zidàn le garda un an
en prison et le fit décapiter le 1 4 avril 1626°. Son beau-frère Saint-
Amour arrêté avec lui ne fut exécuté que le 20 juin .
P.\UL Le Bel. — Le "juillet i6o(). les marchands chrétiens qui
se trouvaient à .Merrakech signèrent une attestation en faveur de
l'agent iioUandais Pieter Maertensz. Coy. On relève parmi les
signatures celle de Paul Le BeP. Ce négociant de Rouen était
I. Cf. Cespedf.s, p. 411 ; Da Cl.mia, 5. Cf. Cespf.des, p. 5oG.
p. O.T. 6. V. infra. Histoire de la mission des
3. V. infra, p. 102. PP. Capucins au Maroc, p. i!fi.
3. V. Cespkues, p. JoG cl cf. infra. 7. V. infra, p. i42 (it i/i3, note. Saint-
p. loG et note 3. Amour était venu au Maroc avec Razilly on
4. Sur l'arrestation dp Razilly et de ses iGaii.
compagnons en 1G24, cf. infra. p. LWII 8. V. cette attestation ;" Série, Pays-
et pp. 107-110. 13as, t. 1, pp. 'Siù-'iltt).
XLVIII INTRODUCTION
venu au Maroc à une date quil n'a pas élé possible de préciser. Il
jouissait d'une certaine notoriété parmi les indigènes qui l'appelaient
« Tadjer Paulo' ». Il quitta le Maroc au plus tard en 1612, date où
le tratlc avec les Français cessa dans ce pays à la suite de l'alTaire
Castelane".
En iGi/i, Moulay Zidûn regrettant l'absence de ce marchand fit
faire auprès de lui une démarche indirecte afin de le décider à
rentrer au Maroc. Le caïd Ammar lui écrivit en conséquence « qu'il
eust à revenir traitter et que la colère du Roy esloit appaisée' ».
Paul Le Bel déféra au désir du Chérif, car sa présence est constatée
au Maroc en 1610' paj" Thomas Le Gendre. Ce dernier, qui se
rendit lui-même dans ce pays en 1618, devint l'ami de Paul Le Bel
et en 1628, « quand celui-ci fit retraite" » il prit la suite de ses
affaires.
Jacques Jancart. — Ce Français se trouvait à MeiTakech en
16 16 et semble avoir été attache à la personne de Moulay Zidàn.
Celui-ci, après la mort de Samuel Pallache, le chargea d'une mis-
sion spéciale dans les Pays-Bas : Jancart devait rechercher tout ce
qui, dans la succession de ce Juif, devait faire retour au Chérif,
tant dans les Provinces-Unies qu'en Angleterre. Cette mission
amena enquête sur enquête et aboutit à un règlement de compte
assez confus entre les Etats-Généraux et le Chérif, d'une part, et,
d'autre part, entre celui-ci et les héritiers de Samuel Pallache °.
Jacques Fabre. — Originaire de Provence", il se serait, si l'on
s'en rapporte à Thomas Le Gendre, présenté au chérif Moulay
Zidàn pour exercer la charge de consul de France au
1. Tadjer Paulo, « Marcliaiid l'aul ». 3. V. Ibidem, p. 726.
Le qualificatif (c ladjer » est employé au /j. V. Ibidem.
Maroc de préférence à celui de « nassa- 5. V. Ibidem.
raiii » chrélieii, pour designer les Euro- 6. Sur Jacques Jancart, V. 1" Série,
péens jouissant d'une certaine considé- Pays-Bas, t. II, p. 7200! t. III, année 1617,
ration. V. infra, p. 726, Relation de passim.
Thomas Le Gendre. 7. V. infra, p. 70Û, Relation de Thomas
2. \. Ibidem, p. 726. Le Gendre.
INTKODUCTION XLIX
Maroc'. Il faut très probablement entendre par là que Jacques
Fabre fut clioisi pour porter une des lettres envoyées par Louis XIII
au Chérif de i6i/i à i6i6afin de demander la mise en liberté des
Français retenus en captivité depuis l'alTaire Castelane ". On ne
trouve en elTet aucun document mentionnant Jacques Fabre
comme consul. Le Gendre place en 1619 l'arrivée au Maroc de ce
Provençal, mais cette date est manifestement fausse, car nous
avons une trace authentique du séjour de Jacques Fabre à Merra-
kcch remontant au 12 mars 1617. date à laquelle il signe une
attestation dans laquelle il est qualifié de marchand'. Il sut s'insi-
nuer dans la confiance du Chérif, qui l'emjoloya à diverses missions,
ainsi qu il ressort des termes employés par Moulay Zidàn pour le
qualifier, « nuestro criado Xaques Fabre, mercader frances'».
Jacques Fabre était spécialement allecté, concurremment avec
les Pallache, aux relations très suivies du Chérif avec les Pays-
Bas. Moulay Zidàn l'envoya auprès des Etats-Généraux en juin
1O19, pour réclamer le payement de quatorze cents florins, somme
avancée pour la mise en liberté de sept captifs hollandais que Mou-
lay Zidân avait retirés des mains des Turcs". Jacques Fabre devait
également faire fondre, avec l'autorisation des Etats, des canons à
l'arsenal de Rotterdam.
Sa mission n'alla pas sans difficultés. Comme les Pallache et les
autres intermédiaires du Chérif, Jacques Fabre menait de front le
règlement d'affaires personnelles assez embrouillées et celles de
son royal mandant, cherchant à exploiter au profit de ses intérêts
l'immunité que lui conféraient ses fonctions. Le 22 juin 1C19. les
Etats avaient décidé en principe de rembourser à Moulay Zidàn les
quatorze cents florins qu'il demandait et de lui écrire pour le remer-
I. V. infra. p. 706, Belnlinn de Thomas Généraux du 21 février 1(117. ^' '" Série,
Le Gendre. Pays-Bas, t. III, à celte derniire date.
■i. Sur les lettres écrites par Louis XIII It. Cf. z"' Série, Pays-Bas, t. III, Lettre
à Moulav Zidàn de i6i4 à lOiG, V. infra. de Muulay Zidàn aux Etats-Généraux, 21
p. LU, note i. novembre 1619. Traduction espagnole con-
3. .\ cette date, les marchands euro- tcmporaine.
péens de Mcrrakcch certifient la signature 5. Cf. Ibidem, à la date du y.2 juin l6ig,
du caïdClialil (Klialil) qui avait traduit en Résolution des États-Généraux.
espagnol tme lettre du Chérif aux États- 0. V. Ibidem.
De Gastrif.s. III. — d
INTRODUCTION
cier de ses dispositions bienveillantes''. Mais, sur ces entrefaites, un
procès privé fut intenté à Jacques Fabre par un autre marchand
français, Pierre Barbier, procès qui amena l'arrestation de l'agent
chérifien et la saisie de ses biens'. Les Etats crurent bien faire de
surseoir au payement de la somme qu'ils devaient verser entre les
mains de Jacques Fabre pour le compte du Cliérif. Moulay Zidân,
ayant reçu à ce sujet des informations tendancieuses, se plaignit
aux Etats du mauvais accueil fait à son agent et des entraves anpor-
o^
jppc
tées à sa mission^. Ceux-ci, dans une lettre adressée au Chérif le
22 mars 1620, protestèrent contre les calomnies répandues sur leur
compte, rappelant que Jacques Fabre, dès son arrivée, avait été
autorisé à faire fondre des canons \ Néanmoins, le 2 mai 1620,
pour terminer celte affaire au contentement du Cbérif, ils déci-
dèrent, malgré les objections de l'amirauté de Rotterdam, d'effec-
tuer le payement des quatorze cents florins entre les mains de
Jacques Fabre.
Ce dernier, à la suite de cet arrangement, dut retourner au
Maroc avec les canons qu'il avait fait fondre pour Moulay Zidân. Il
emmenait avec lui le peintre Justus Stuyling, qui devait exécuter
certains travaux dans le palais de Merrakech. Quatre ans après,
lors du voyage de Albert Ruyl, l'ambassadeur hollandais, ce peintre
se trouvait encore au Maroc, d'où le Chérif ne voulait pas le laisser
partir'. Quant à Jacques Fabres. on le trouve en 1628 en compa-
gnie du capitaine Saint-Mandrier, de Matheus Preston, de Justus
Stuyling, de Du Galion et des autres chrétiens qui fréquentaient
au makhzen. En quittant Merrakech, le ik novembre 1623, Albert
Ruyl alla les saluer à la mahalla du Chérif campée à proximité
de la ville ".
Robert de Bomface de Cabanes. — Il appartenait à une illustre
famille de Provence, qui s'était partagée en deux branches, celle de
1. Cf. Ibitlcm, h la claie du 21 février 3. V. Ibih-m. a la date du 2 mai 1620,
Lettre de Jarijues Fabre aux États-Généraux, Résolution des États-Généraux.
et à la date du 22 mars 1620, Lettre des k- Cf. Ibidem, à la date du i5 novembre
Etats-Généraux à Moulay Zidân. 162/1, Reijuéte de A. Ruyl aux États-Géné-
2. Cf. Ibidem, à la date du 21 novembre rau.v.
lOig, Lettre de Moulay Zidân aux Etats- 5. Cf. Ibidem, à la date du i^ novembre
Généraux. 162.3, Journal d'Albert Ru\l.
INTRODUCTION LI
La Mole et celle de Cabanes'. On trouve à l'époque qui nous
occupe un Jean Boniface, seigneur de Cabanes, qui fut consul de
Marseille en 1 622-1 623\ Robert de Boniface naquit vers iÔ'jq'.
Ce fut très vraisemblablement à la fin de 1616' que la Cour de
France l'envoya en mission au Maroc.
Les relations de la France avec ce pays étaient alors très tendues
par suite de l'affaire Castelane. L'Espagne, ne voulant rien restituer
à Moulay Zidàn, nous plaçait dans une situation très fausse. C'est
pourquoi n'ayant aucune satisfaction à offrir au Chérif, Louis XIII
avait préféré ne pas accueillir en i6i2-i6i3 Ahmed el-Guezouli,
l'ambassadeur marocain, qui, venu à La Haye, sollicitait un sauf-
conduit pour se rendre à la cour de France". C'était sur les mal-
heureux captifs français que retombait le poids du ressentiment du
Chérif; celui-ci ne voulait se prêter à aucune proposition de rachat,
tant que le roi de France ne serait pas arrivé à lui faire restituer sa
bibliothèque et ses « bardes ».
Les choses en étaient là, quand, après plusieurs autres démar-
ches infructueuses, Robert de Boniface fut choisi pour aller au
Maroc, avec la charge « de négocier le rachat des captifs français" ».
Le Roi lui remit deux lettres, l'une pour Moulay Zidân, l'autre
destinée au capitaine Saint-Mandrier, l'homme de confiance du
Chérif. Il partit de Marseille, accompagné de son fils Pierre, âgé
de \!\ ans. Mais, attaqués par des pirates turcs ^ à la hauteur de Car-
thagène, il fut obligé, ainsi que l'équipage, de se jeter à la côte,
abandoniianl le navire. Les Espagnols retinrent Robert de Boniface,
qui eut à faire de longues démarches pour être autorisé à conli-
1. Sur cette famille cf. Robert de pour continuer son voyage, solliciter un
Briançom, Elat de la Provence, t. I, passeport qu'il obtint le 12 mars 1617,
pp. 4l3, 4l4 ; Gaufridi, llisl. de la Pru- après de longues démarches.
vence, t. II, p. 602. 5. Sur cet euNoyc du Chérif qui n'ob-
2. V. Arch. communales de Marseille. tint pas de sauf-conduit pour venir en
Rey. des délibérations, années 1622-1623, France accomplir sa mission et qui demeura
passim. aux Pays-Bas, V. /'" Série, Pays-Bas, t. II,
3. Il avait 38 ans en 1617, V. infrn, pp 1/12, 733 et 737 ; France, t. Il, p. 58o
p. LU, note 2. et note !i.
(i. Cette date conjecturale est assez vrai- G. V. 1"' Série, Espagne, à la date du
semblable, car on verra que Boniface, après 12 mars 1O17 Lettre de Philippe III à
avoir été attaqué par des pirates turcs et Clriça.
s'être réfugié sur les côtes d'Espagne, dut, 7. \. i''' Série. Espagne, Ibidem.
LU INTRODUCTION
nuer son voyage ; M. de Senecey, l'ambassadeur de France à
Madrid, dut s'entremettre' : il exposa le but de la mission de Robert
de Boniface et obtint enfin, le 12 mars 161 7, une patente du roi
d'Espagne permettant à l'agent français de s'embarquer pour le
Maroc avec une suite de cinq ou six personnes, sous réserve de se
conformer aux règlements en usage ^
Le 20 avril 1617, Robert de Boniface s'embarqua à Cadix sur la
tartane « Santa Maria Buenaventura », qui partait pour Mazagan'.
De ce port, il s'achemina sur le Diaa, où était campée la malialla
cbérifienne, et remit au capitaine Saint-Mandrier les deux lettres
royales dont il était porteur. Moulay Zidân. après avoir fait « fere
l'explicassion par son trochuinan » de la lettre que lui adressait
Louis XIII, ne voulut pas se départir de l'attitude qu il avait adoptée.
En conséquence Saint-Mandrier fit savoir à Boniface que le Cliérif
avait déjà fait réponse à de semblables lettres venues de France *,
que le Roi était obligé « de luy tirer reson et fere rendre ce qu'il
avoit réfugié entre les meyns de Castellane" » qu'il persistait à
considérer comme un ambassadeur de la cour de France.
Robert de Boniface suivit la mahalla cbérifienne et rentra avec
elle à Merrakech. A son départ de cette ville, Saint-Mandrier lui
remit une lettre pour le Roi datée du 1" janvier 1618, dans
laquelle il l'informait du résultat négatif de la mission, en ce qui
concernait les cent vingts captifs français détenus à Merrakech.
On ne sait pour quelle raison, l'envoyé de Louis XIII ne rentra pas
immédiatement en France avec ce message. Toujours est-il qu'on le
trouve à Sainte-Croix (Agadir) à la fin de 161 8 ou au commence-
ment de 1619. Il y fait la connaissance d'un aventurier d'origine
1. V. i''' Série, Espagne, à la date du temps qu'aux Etats-Généraux le i4 jan>ier
12 mars 1617. i6i5. Cf. /'■'' Série. Pays-Bas, t. II, p. 464.
2. V. /''<■ Série, Espagne, à la date du John Harrison avait remis la missive ché-
12 mars 1617, Passeport de Robert de Boni- rifienne à la cour de France en mai i6i5.
face. Le signalement do ce dernier perle : Cf. Ibidem, p. 072, Lettre de Louis XIII
« 38 ans, de haute taille, cicatrices à la aux Élats-Généraux, 5 juin i6i5. A une
main droite et à l'oreille gauche. » seconde lettre écrite par Louis XUI au
3. V. 1" Série, Espagne, le procès-verbal Chérif en juin iCi5 (V. /" Série. France, t.
dressé à Cadix le 20 avril 1617 par le capi- II, p. 079, note i), celui-ci avait répondu
taine Diego d'Escobar. le 24 mars 1616. V. Ibidem, p. 600.
4. Louis Xlll avait écrit en i6i4 à Mou- ô. V. infra, p. i4- Lettre de Saint-
lay Zidùn qui lui a>ail n'pomhi en même Mandricr à Louis XIII, i5 juin 1017.
IMHODUCTION LUI
française nommé Chai'les Reinaul. Celui-ci, à la suite de quelque
négociation louche, était arrivé à décider le caïd de Sainte-Croix à
livrer à Philippe III cette ville ainsi que celle de Mogador. Le
caïd demandait seulement au roi d'Espagne de le prendre sous sa
protection', mais il est permis de croire qu'il escomptait aussi en
argent le prix, de sa trahison. Reinaut, voulant faire passer à la cour
d'Espagne la proposition du caïd de Sainte-Croix, eut l'idée de la
confier à Robert de Boniface. « Je lui ai communiqué mon afere,
écrit-il à Philippe III, et overt les nioïens qu'il i a en ses païs de
vous servir, vous supliant. Sire, vouloir croire se qu il vous dira de
ma part ' » .
Dès son arrivée en Espagne, Robert de Boniface fit part des
ouvertures du caïd de Sainte-Croix à D. Pedro de Tolède, marquis
deVillaf'ranca. Celui-ci, en rendant compte de l'affaire à Philippe III,
le i6 avril 1619, demandait qu'on prît l'avis du duc de Medina-
Sidonia, capitaine général de l'Andalousie, sur l'occupation éven-
tuelle des deux ports marocains : il ajoutait c|ue Robert de Boniface
se trouvait dans une grande détresse et qu'il allait lui faire donner
200 ducats pour son entretien'. Philippe III saisit de la question
Medina-Sidonia et D. Fadrique de Tolède, amiral de la flotte de la
mer Océane. D'après la réponse de ce dernier, datéeduô juilletifiig,
le place de Sainte-Croix, vu son éloigncment. était de faible impor-
tance. Quant à la ville de Mogador, plus rapprochée des côtes d'Es-
pagne, elle était plus facile à défendre. L'amiral émettait des doutes
sur les avantages de l'occupation de deux nouvelles « fronteras »,
alors qu'on avait de la peine à secourir celles qui existaient déjà*.
Le duc de Medina-Sidonia. de son côté, adressa à Philippe III, le
8 juillet 1619, des conclusions dans le même sens^ Malgré ces avis
défavorables, une consulte du Conseil d'Etat du 22 juillet 1619
déclara l'affaire de « mucha consideracion » et proposa d'envoyer
1. V. ;'■' Série, Espagne, à la date du Pedro de Toledo à Philippe 111, déjà citée.
i6 avril iliig. Lettre de D. Pedro de 4- V. /'■" Série, Espagne, Lettre de D.
Toledo à Philippe 111. Fadriijue dr Tnlcdo à Philippe III. à la date
2. V. /" Série, Espagne, Lclirc de du 6 juillet i6ig.
Charles Reinaut à Philippe III, à la date du 5. V. /" Série. Espagne, Lettre de
?•; janvier 1619. .Medina-Sidonia à Philippe 111, à la date du
3. V. /"■' Série, Espagne, Lettre de D. 8 juillet 1619.
LIV INTRODUCTION
deux barques avec un ingénieur et un pilote pour reconnaître les
deux places'. Néanmoins les choses n'allèrent pas plus avant.
Quant à Robert de Bonilace, il fut sans doute rapatrié par le
gouvernement espagnol et put remettre à Louis XIII la lettre que
Saint-Mandrier lui avait confiée.
Claude Du JMas. — Le sieur Claude Du Mas ^, provençal ^,
paraît pour la première fois au Maroc en janvier 1619, date où il
arriva à Safi' sur le vaisseau commandé parle chevalier de Razilly ^
Qualifié d'ambassadeur dans les rapports de Francisco Diaz
Faleiro\ agent du gouverneur de Mazagan, il était en réalité chargé
d'une mission temporaire qui, de même que celle de Boniface de
Cabanes venu avant lui, avait pour objet la libération des Français
détenus en captivité '. Mais Moulay Zidân, malgré la situation pré-
caire dans laquelle il se trouvait alors, assiégé dans Safi par Yabia
ben Abdallah', persista à réclamer satisfaction pour l'affaire Cas-
telane avant d'entamer une négociation quelconque. Ses prétentions
étaient à la vérité diminuées et ce qu'il demandait, écrivait Saint-
Mandrier, « ce peult réduire à peult de chose à présent' ». LeChérif
décida d'envoyer porter ses conditions à Louis XIII par le caïd
Sidi Farès'", qui devait demander l'envoi au Maroc de François de
1. V. /" Série. Espagne, Consulte du 6. « Hum cmbaixador », V. m/ra. p. 36.
Conseil d'État, à la date du 23 juillet 1619. Van Gool [Golius], dans son rapport, l'ap-
2. Il est appelé Du Mastet dans l'His- pelle un commissaire « commys ». V. t"
loire de la mission des PP. capucins au Maroc Série, Pays-Bas, t. III, sli juillet i624-
(V. infra. p. loi et note 4), et Daumas 7. Cf. infra, p. 5i. « Il avait été chargé
dans la Relation de Thomas Le Gendre (V. par la cour de Franco du rachat de quelques
infra, p. 706). capitaines marseillais de bonne famille cap-
3. Sur sa qualité de provençal, V. m/ra. tifs au Maroc ». V. j" Série, Pays-Bas,
pp. loi et 706. t. III, Rapport de Van Gool, 3^ juiUet 1624.
i. V. infra, p. 36 et note 3. 8. Sur ces événements, V. l'n/ra. Doc. IX
5. V. Ibidem. Razilly, il est vrai, n'est pas et Sommaire, p. 20.
nommé par Francisco Diaz Falciro, mais la g. V. infra. Lettre de .S' Mandrier à
comparaison du passage du rapport de celui- Louis XIH. ao février 1619, pp. 5i-53.
ci avec le récit du P. François d'Angers 10. Il est qualifié tantôt « gentilhomme
(V. infra, p. 100) prouve qu'il s'agit bien more » (V. infra. p. 100), tantôt a cheva-
du Chevalier. Le fait que Claude Du Mas lier more » (V. infra. p. 55). Son véritable
était bien « l'ambassadeur » et non pas nom Sidi Farès est donné avec une défor-
Razilly est prouvé par la lettre de S' Man- mation insignifiante par le P. François
drier du 30 février 1619 (V. infra. pp. 5i- d'Angers (V. infra. p. 106), et par la Rela-
52). tion de Thomas Le Gendre, ^ . infra. p. 732.
INTRODUCTION
Kazillv, frère aîné du Chevalier, « avec mémoires et pouvoirs néces-
saires, afin d"a viser aux conditions raisonnables d'une bonne union
et la rendre solide' ».
La mission oiEcielle de Claude Du Mas n'avait pas, comme on le
voit, donné de grands résultats. Mais, pendant sa courte durée, l'en-
voyé li'ançais était entré en rapports avec Sauit-Mandrier, provençal
comme lui, qui l'avait initié au projet d'ouverture et d'exploitation
d'un port à Aïer. Saint-Mandrier avait vanté les grands avantages et
bénéfices qu'on pourrait tirer du dit port, pour la pèche du corail,
l'extraction du sel, etc., il prétendait que, moyennant une légère
redevance d argent, il serait facile d obtenir de Sa Majesté du Maroc
la concession de cet endroit pour quelques années'. Claude Du
Mas dut quitter le Maroc le 20 février 1619' ou peu après.
La cour de France, comme on l'a vu, était dans une situation
fort embarrassante pour donner satisfaction au Chérif au sujet de
l'affaire Castelane, et désirait avant tout esquiver les pourparlers
avec « le chevalier more », de même que précédemment elle avait
évité d'en avoir avec Ahmed el Guezouli. Claude Du Mas, qui. de
son côté, tenait à retourner au Maroc, fit tant et si bien que Sidi
Farès ne put parvenir jusqu'au Roi. « On le retint quatre moys
enfermé dans la maison *, de l'advertissement de Sa Majesté, sans
qu'il eust moyen de sortir du tout ' ». Il réussit ainsi à faire écarter
François de Razilly et obtint d'être renvoyé au Maroc pour conclure
le traité d'alliance, sans qu'on eût aucun égard « aux protestations de
l'agent du roy de Maroque, qui résista avec tous les efforts possibles
à la nomination — , asseurant qu'il n'y auroit pas de sécurité pour
1. V. infra, p. loi. dits ports et places, il en fera la remise
2. V. /" Série. Pays-Bas, l. III, Rapport entière à ladictc compagnie ». V. infra,
de Van Gool, a/i juillet 1624. C'est à Du p. 57.
Mas, revenu à Paris, que Van Gool altri- 3. C'est la date à laquelle Saint Man-
bue ces discours sur les avantages du port drier, dans une lettre à Puisieux, annonce
d'Aïcr. Mais il est évident que l'agent fran- le départ de Claude Du Mas pour rentrer
çais ne faisait que reproduire les idées de en France, V. infra. pp. 5 1-52.
S' Mandrier, qui était le véritable auteur du /j. 11 n'a pas été possible de déterminer
projet. Cela peut se déduire, entre autres dans quel lieu Sidi Farès avait subi cette
preuves, d'un passage des Instructions à La sorte d'arrêt.
Mole, où il est dit: « S'il est ainsy que 5. V. infrn. Mémoire de Racilly. p. ir7
tcdict s' de S' .Mandrier aye le don des sus- et note 2.
LVI INTRODUCTION
lui [Claude Du Mas], n'estant pas agréable au Roy son maistie, qui,
l'ayant veu dans ses côtes et ses pais avec déplaisir, il ne lui en
perniettroit jamais Taproche' ». Cependant Du Mas avait réussi
à fonder, avec l'appui de M. de Montmort, un des gros financiers
de l'époque, une compagnie en vue de l'exploitation du port d'Aïer.
Le s' de La Mole paraît avoir été l'un des principaux « intéressés »
de la nouvelle société.
Ayant donc reçu instruction d'aller s'embarquer à Marseille^
avec le s' de La Mole et le « gentilhomme more », Claude Du Mas
repartit pour le Maroc, probablement dès la même année iGi()\
Ayant fait escale à Cadix, il y eut une entrevue avec D. Fadrique
de Tolède, qui commandait la flotte de la mer Océane. Lui commu-
niqua-t-il les plans et le projet du port d'Aïer .►• On peut en douter,
mais cette accusation fut plus tard fatale à l'agent fi-ançais*.
Quoi qu'il en soit, Claude du Mas, à son arrivée au Maroc, n'y
trouva pas le terrain favorable ù ses projets. Il fui si mal accueilli
par Moulay Zidàn, irrité de léloignement dans lequel son envoyé
Sidi Farès avait été tenu en France, qu'il « ne sut ni n'osa entamer
avec le Chérif la moindre négociation en vue d'o])tenir la conces-
sion d'Aïer'' ». Moulay Zidàn avait d'ailleurs changé d'avis et pro-
jetait de faire ouvrir le port pour son compte par les Hollandais".
Claude Du Mas, malgré sa très grande défaveur, resta cependant
au Maroc avec le titre de consul '. Il fit construire à Safi une cha-
pelle, mais ne put arriver à la conclusion d'un traité d'alliance. Il
ne semble pas qu'il se soit occupé avec beaucoup de zèle de la
libération des captifs français, car ceux-ci, dans une requête, en
date de Merrakech, k décembre 1622, demandaient à Louis XIII
de « vouloir expédier quelque personne califiée plus vigilant et
1. V. infra. Ilist. de. la mission des PP. été tenu « en la maison » pendant quatre
capucins au Maroc, p. loi. mois seulement.
2. V. infra. Instructions pour La Mole, !\. V. infra. p. lvii.
p. 55. 5. V. />••■ Série. Pays-Bas, t. III, Rapport
3. On sait par le Mémoire de Van Gool de Van Gool. sa juillet 1624.
que le séjour de Claude Du Mas en France 6. V. supra, pp. xlv-xlvi.
fut do courte durée (V. /'''■ Série, Pays- 7. Sur le titre de consul donné à Claude
Bas, t. III, 24 juillet 162/4). L'assertion de Du Mas V. infra, p. io5. Histoire de la mis-
Van Gool est confirmée par le fait que sion des PP. capucins au Maroc et p. 706,
Sidi Farès, qui repartit avec Du Mas, avait Relation de Thomas Le Gendre.
INTRODUCTION LVII
mieux vercée à la poursuilte de ceste alTaire que n'est le s' Claude
Du Mas, qui de tout teuq)s la négligée ' ».
Une circonstance porta à son comble le mécontentement du
Chérif contre cet agent. On a vu plus haut' que le i)ruit avait
couru au Maroc en juin iGaS que les Espagnols envoyaient une
flotte débarquer à Aïer. Les Pallache, jaloux des agents chrétiens,
dénoncèrent Du Mas comme ayant livré à D. Fadrique de Tolède
le plan d'établissement d'un port à Aïer. Moulay Zidàn saisit cette
occasion pour faire arrêter le consul français ', ainsi que Saint-Man-
drier. Celui-ci fut, il est vrai, relâché en septembre, mais Claude
Du Mas, objet de la haine de Moulay Zidàn, « demeura prisonnier,
mis aux fers, et est mort misérable dans cette captivité honteuse et
pénible' ».
Nous n'avons pas de renseignement direct sur la date de sa mort.
En juillet itja/j il était encore en prison " et d'autre part en octoijre
162/1, lors du voyage de Razillyà Safi, il n'est plus fait mention de
lui % bien qu'il soit parlé de sa chapelle consulaire. Tout porte donc
à croire qu'il était mort avant cette date. Ajoutons qu'on ne trouve
plus dans la suite aucune mention de sa personne.
François de Bomface, sieur de La. Mole. — Ce personnage était
issu de la même famille provençale ' à laquelle appartenait Robert
de Boniface de Cabanes. Reçu chevalier de Malte en i585, il fut
nommé commandeur de Puymoisson le 11 février 1092. Les inté-
ressés de la Compagnie Montmort fondée pour la création et
l'exploitation du port dAïer le choisirent comme agent en 1619 et
le chargèrent de se rendre au Maroc pour traiter avec le Chérif la
question de leur monopole". Le sieur de La Mole devait partir de
Marseille en même temps que Claude Du Mas et Sidi Farès « le
I. V. infra. p. 88. la mort de Du Mas est antérieure à rar_
a. V. supra, p. XLVi. rivée du Chevalier à Safi, qui eut lieu le
3. V. r' Série, Pays-Bas, t. lit. 3 octobre 1634 (V. infra. p. 10.5).
4. V. infra, p. 102. 7. Cf. Bibl. Nat. Cabinet des Titres,;
5. V. 1" Série, Pays-Bas, t. III, . Pièces originales. Vol. io4, cote go-ls
6. Le P. François d'Angers dit que la Vol ig83. cote iSig; Vol. ig85, cote
mort de Claude Du Mas Cl avorter le des- 4556o et Arch. départ. Bouchcs-du-Rhône,
sein du traité d'alliance avec le Maroc (V. Ordre de Malte.
infra. p. 103), projet qui fut repris par 8. V. infra. pp. 5^-58 Instructions pour
Ba/iliy. On peut inférer de ce passage que La Mole.
INTRODUCTION
chevalier more ». Aucun document ne faisant mention de sa pré-
sence au Maroc, et d'autre part le projet de concession du port
d'Aïer ayant complètement échoué, il est permis de supposer que
la mission du sieur de La Mole ne reçut pas d'exécution.
Paul Imbeut. — Originaire de Sainl-Gilles-sur-Vie (Vendée)', il
était capitaine de navire, quand il l'ut pris et emmené en captivité
au Maroc, où il devint la propriété du pacha Ammar el-Feta",
renégat portugais, (jui avait pris part a la conquête du Soudan sous
le pacha Djoudcr (i 690-1591) et qui depuis avait exercé des com-
mandemenls dans cette région. Lors d'un voyage qu'il fit au Sou-
dan en 16 18, Ammar emmena avec lui son esclave % auquel il était
très attaché. Paul Imljcrt traversa le Sahara du nord au sud et
arriva à Tombouctou, où la mahalla marocaine fit son entrée
solennelle, le 27 mars 1618. Il repartit pour Merrakech avec son
maître, faisant ainsi une seconde fois la traversée du Sahara. Ces
voyages avaient laissé une grande impression à Paul Imbert « lequel,
raconte Thomas Le Gendre, nous faisoit souvent récit de son
voyage de Tombouctou comme d'un voyage de grande fatigue et de
grande conséquence' ». Il n'est pas douteux que les renseignements
que Thomas Le Gendre nous donne sur la roule de Merrakech à
Tombouctou ' ne proviennent de cette source.
La captivité de Paul Imbert se prolongea, et on le retrouve dix
ans après exposé aux cruautés de Moulay Abd el-Malek, le succes-
seur de Moulay Zidàn. Le 2 mars 1628, ce chérif sanguinaire,
après avoir fait périr le père Juan delCorral et cruellement martyrisé
le frère Pierre Morel. voulut contraindre Paul Imbert à se faire
musulman, mais celui-ci, donnant un bel exemple de constance,
« resta ferme en sa créance, quoy qu'il récent trois coups d'cpée" ».
A la fin de septembre i63o, Paul Imbert était encore à Merra-
I. V. infra, p. 168, Hist. de la mission lionneste homme ». V. infra p. 708, Rela-
des PP. capucins «u Maruc. lion de Thomas Le Gendre.
1. Sur ce caïd devenu le paclia Ammar 3. \ . Ibidem.
el-Feta, Cf. Es-Sadi, Tarikh es-Soudan. 4- V. Ibidem.
Traduction Houdas, à l'Index. — C'était, 5. V. Ibidem, pp. 708-709.
d'après Thomas Le Gendre, im « eunuque 6. V. infra, p. 168, Hist. de la mission
blanc de nation portugaise, fort bon et des PP. capucins au Maroc.
INTRODUCTION LIX
kcch. et c'est lui qui, avec un de ses compagnons d'esclavage
nommé Guilon, écrivit au clievulicr de Hazili^ venu à Safi pour
ramener les captifs français, afin de le mettre en garde contre la
mauvaise foi du Chérif.
Les Le Gendre. — Les Le Gendre étaient une riche famille
protestante, qui eut dans le commerce de Rouen aux xvi'' et xvii" siècles
une place prépondérante. Leur maison était sise rue S' Etienne des
Tonneliers". Ils commencèrent par être marchands toiliers^ mais
leurs affaires ayant prospéré, ils devinrent armateurs et portèrent
leur trafic dans des contrées lointaines. On les trouve en i638*
associés à la maison Rozée de Rouen, cpii. depuis iG33'. avait le
monopole du commerce du Sénégal. Les deux représentants de
celte famille que l'on rencontre au Maroc au xvii" siècle sont Thomas
et Jean-Baptiste.
Thom.\s Le Gendre. — Né en 1602', il fut envoyé fort jeune au
Maroc par ses parents, qui désiraient établir des relations commer-
ciales avec ce pays. Son frère aîné Jean-Baplisle dut l'accompagner ' .
Lin synchronisme fournit une indication sur la date de l'arrivée de
Thomas Le Gendre au Maroc : il s'y trouvait, nous dit-il ', au
moment où le pacha Ammar partit pour le Soudan avec une cara-
vane : or ce dernier fit son entrée solennelle à Tombouctou le
28 mars 1G18'. Il est probable que Thomas Le Gendre résida à
Safi, comme les autres marchands chrétiens qui avaient quitté
Merrakech pour éviter les vexations auxquelles ils étaient exposés
à la suite de l'affaire Castelane. L'un d'eux, Paul Le Bel (Tadjer
Paulo), qui était comme lui de Rouen, devint son « intime amy » et
1. V. infra, p. 3ai, Relation dite de 6. V. Emile Lese.ns, Notice placée en
Jean Armand Mustapha. tête de la réimpression de l'Histoire de la
2. Ci. Bulletin de la Société du protestan- persécution Jaite à l'Eglise de Rouen.,, par
(«me /rançais, t. XXXVI, pp. i3i-i32. Philippe Le Gendre.
3. Cf. Bibl. Société Hist. du Protestan- 7. V. infra. p. lxm. Notice sur Jean-
tismc français, Ms. Registre des inhumations Baptiste Le Gendre.
faites à Rouen, (Jucvilly et Saint-Sever, au 8. V. infra, p. 708, Relation de Thomas
nom : Le Gendre. Le Gendre.
4. V. infra. Doc. XCVI, p. 552. ç». Cf. Es-Sadi, Tarihh es-Soudan. Tra-
5. V. infra, p. 711, note 2. duction IlotuAs, pp. 33y-3iio.
LX INTRODUCTION
Thomas Le Gendre, âgé de 21 ans, prit la succession de ses affaires
au Maroc, quand celui-ci se retira en iGsS'.
Malgré leur installation à Safi, les marchands chrétiens devaient
de loin en loin aller à Merrakech pour les besoins de leur commerce ;
ils accomplissaient ces voyages, soit en se joignant à des caravanes
indigènes (cailles), soit en se mettant sous la sauvegarde dun mara-
bout. Thomas Le Gendre usa en 1G2/I de ces deux modes de protec-
tion. « J ay esté à Maroc [Merrakech], écrit-il, par cafile et j'en
revins avec un marabout" ». Ce détail est confirmé et précisé par
l'agent hollandais Albert Ruyl. qui note dans son journal, à la date
du () février 163/î, l'arrivée à Sali de Le Gendre, escorté seulement
d'un marabout nommé « Sidl el-Hayts ))^.
Deux mois après (avril 1624), Moulay Zidân qui, malgré son
ressentiment contre les marchands français, avait parfois recours à
leurs services, fit demander le navire de Thomas Le Gendre pour
transporter du grain de Safi à Sainte-Croix (Agadir) '.
En octobre 162/i arrivait à Safi le chevalier de Razilly avec ses
trois vaisseaux. On sait à la suite de quel guet-apens le Chérif le fit
arrêter avec toute son escorte et les PP. capucins que le P. Joseph
envoyait au Maroc pour fonder une mission". Moulay Zidàn, qui
escomptait une importante rançon, consentit au mois de novembre
à laisser le Chevalier retourner en France. Il l'autorisa à emmener
avec lui l'un des capucins de la mission, à la condition que Thomas
Le Gendre et les autres marchands français se porteraient caution
du retour de ce Père dans un délai de six mois. Ceux-ci s'enga-
gèrent à payer six cents ducats d'or, si cette clause n'était pas exé-
cutée. Les six mois étaient à expiration en mai 1625. On verra les
raisons (|ui obligèrent Razilly, retenu « malgré lui » au siège de
La Rochelle, à différer son retour au Maroc^ Il n'était pas encore
revenu à la fin de 1625. La situation de Thomas Le Gendre et des
autres commissionnaires français devenant précaire, ceux-ci réso-
1. V. infra. p. 726, Relalinn de Thomas 1624.
Le Gendre. 5. Sur ces événements, V . m/rn, pp. 107-
2. V. Ibidem, p. 718. iii. Histoire de la missiondes PP. capucins
3. V. ;"■ Série, Pays-Bas, t. III. Jonnuil au Maroc, et, pp. 733-784 Relation de Tho-
d' Albert [iuyl. k la date du 0 février itVj'i. mas Le Gendre.
l\. V. /6i(/em, aux dates des 23 et 20 avril G. V. infra, p. lxvih.
INTRODUCTION LXI
lurent de quitter le Maroc et de rentrer en France pour rendre leurs
comptes à leurs commettants. C'est pourquoi, voulant se dégager
préalablement de leur caution, ils demandèrent au Chérif, qui y
consentit, d'accepter les six cents ducats d'or et de leur accorder
leur congé. Par la suite, le P. Joseph fit rendre cette somme à
Le Gendre et aux autres marchands par son frère Charles Du
Tremblay, gouverneur de la Bastille. L'exemple des négociants
français fut d'ailleurs suivi par les trafiquants des autres nations,
et, en 1626, nous apprend le P. François d'Angers, il ne restait
plus à Safi qu'un seul marchand, un anglais'.
Thomas Le Gendre, qui limite lui-même à sept années" la durée
de son séjour au Maroc, ne dut pas y retourner après i()25. Toute-
fois il faut noter que son frère Jean-Baptiste s'y trouvait en i638 et
i63q, et il est très probable que les affaires commerciales de leur
maison avec le Maroc se prolongèrent bien au delà de cette
dernière date. Outre leur trafic, les deux frères Le Gendre s'em-
ployaient activement au rachat de leurs compatriotes prisonniers
au Maroc. Un acte notarié du 2 novembre 162/i nous fait savoir
que Thomas Blanvillain. s'^ de La Forière, agissant au nom et comme
caution de plusieurs habitants de Honfleur, « avait requis et prié
honneste homme Lucas Le Gendre, marchand demeurant à Rouen. . . ,
d'escripre et donner ordre à Jean-Baptiste et Thomas Le Gendre,
ses fils, de présent en Barbaryc » de négocier le rachat de quatre de
leurs parents retenus en captivité au Maroc. Les rançons garanties
par le s' Blanvillain étaient : de 4oo livres pour le rachat de Nicolas
Aubert, de 3oo livres pour Forrey, de 200 livres pour Jean Liebcrl
et de pareille somme pour Jean Gibon^.
En iG65, Thomas Le Gendre, à la demande d'une personne dési-
reuse d'obtenir des renseignements sur le Maroc, rédigea, avec ses
notes et de souvenir, une relation fort intéressante et peut-être la
plus documentée que nous ayons sur le Maroc au xvii" siècle. Elle
fut imprimée sous le titro : Lettre escritle en response de diverses
questions curieuses sur les parties de l'AjJ'rique où règne aujourd'hui
1. V. infra, p. 1^6, Hisl. île la mission Le Gendre.
des PP. capucins au Maroc. 3. Cf. Eludn de Maîtrn Paul Bréard
2. V infra. p. ■ji4, Relation de Thonnis h llonflcur, MimUes. année ifi24, f. 78.
LXH I^■TRODUCTIO^
Muley Arxid, roy de Tnfilete. — Par Monsieur**** qui a demeuré
25. ans dans la Mauritanie. Celle relation parut, comme on le voit,
sans nom d'auteur, mais les circonstances du récit ont permis
d'établir de la façon la plus certaine qu'elle devait être attribuée à
Thomas Le Gendre'. Le libraire-éditeur doit être seul rendu respon-
sable de certaines mentions qui figurent dans le titre et qui seraient
en contradiction aAcc ce que nous savons de la vie de Thomas
Le Gendre. Pour donner plus de crédit à la Lettre escrilte, il aura
fait résider l'auteur anonyme au Maroc pendant vingt-cinq ans.
Enfin laddilion ou règne aujourd'hui Muley Arxid était destinée à
donner de l'actualité à une relation qui se rapporte surtout au règne
de Moulay Zidàn et des derniers chérifs saadicns.
Thomas Le Gendre mourut, le 27 décembre 1682, à l'âge de
quatre-vingts ans". Il avait eu, de son mariage avec Françoise de
Saint-Léger, qu'il avait épousée en 168/4, douze enfants. Celui qui
lui succéda à la tète de la maison de commerce fut le troisième, né
en 1689 et appelé Thomas le Jeune pour le distinguer de son père.
Il dut abjurer le protestantisme, lors de la révocation de ledit de
Nantes, car il obtint de Louis XIV des lettres de noblesse enregis-
trées à Rouen en la grand'cbambre du Parlement le 9 juin i685. Il
ajouta à son nom le litre de sieur de CoUandres, fief situé près de
Beaumont-le-Roger. Sa fortune s'élevait à quatre ou cinq milhons,
et le nombre de ses correspondants était considérable. En 1707,
il acheta de Marie-Anne-Henriette d'Epinay Saint-Luc les terres de
Gaillefonlaine, Beaussault et Bézancourt, moyennant la somme de
4o8ooo livres. Il devint aussi seigneur de Romilly, d'Alge, d'El-
bœuf et de Maigremont.
Ni son frère Philippe, le pasteur, ni ses enfants Guillaume et
Thomas ne le suivirent dans la voie de l'abjuration. Philippe fut
condamné au bannissement par le parlement de Rouen et se retira
à Rotterdam, où il exerça son ministère. On lui doit une Histoire
de la persécution faite à l'église de Rouen. Quant à Guillaume el à
Thomas, ils avaient respectivement quatorze ans et treize ans, lors
de la révocation de ledit de Nantes. Retirés à Rolterdam avec leur
I. V. rn/ro. Noie bibliographique sur la 2. Pour tous les renseignements qui siii-
relalion de Thomas Le Gendre, p. 697. vent, V. Emile Lesens, op. cit.
INTRODUCTION LXIII
oncle, ils obtinrent, le G décembre 1686. une décision du Magistrat
de cette ville par laquelle le bourgmestre et les échevins les pre-
naient sous leur protection. Il semble d'ailleurs que, malgré la diffé-
rence de leurs destinées, les Le Gendre de Hollande soient restés en
relations avec les membres de leur famille résidant à Rouen .
Jea\-Baptiste Le Gendre. — Né en 1600' et par conséquent
plus âgé de deux ans que son frère Thomas, il dut venir avec lui au
Maroc en 1618. Jean-Baptiste Le Gendre dirigea très vraisembla-
blement à Safi les intérêts de la maison paternelle, ce qui était plus
conforme à son âge et à sa qualité d'aîné. Rappelons qu'en 1618
Thomas n'avait que seize ans. Si l'on a néanmoins placé au premier
rang la notice consacrée à ce dernier, c'est uniquement parce que
la relation qu'il a écrite permet de donner sur lui des détails bio-
graphiques plus étendus et de suivre en même temps l'histoire des
négociants français au Maroc sous Moulay Zidàn.
La présence de Jean-Baptiste Le Gendre est constatée à Safi à la
date du 28 novembre 1628 par une mention du journal de l'agent
hollandais Albert Ruyl'. On a vu qu'il y résidait en novembre 162A,
date où des habitants de Honfleur le chargent, conjointement avec
son frère Thomas, de racheter leurs parents détenus en captivité.
Il quitta le Maroc avec les marchands français établis à Safi,
à la fin de i625. Mais il y retourna en i638 sur le navire du
capitaine Esmery, de Caen. On le trouve à Safi au mois de juin de
cette année ; il était porteur dune lettre de Louis XIII pour Moulay
Mohammed ech-Chcikh el-AserjInr. Le nouveau chérif lui fit bon
accueil et témoigna qu'il désirait continuer la paix^; il lui remit
neuf esclaves français et l'assura que, s'il redevenait maître de Salé,
il lui donnerait tous ceux (pii étaient détenus dans cette place.
Moulay Mohammed ech-Cheikh fit plus encore et prit la défense
des intérêts de Jean-Baptiste Le Gendre contre les Anglais. Ceux-
ci, qui avaient remplacé les Pallache dans la ferme des douanes,
voulaient s'opposer à ce que le marchand rouennais allât traiter ses
I. V. Hibl. (If la Sociélc de l'IIist. du 3. V. i" Série. Pays-Bas, t. III, Journal
proU'stantismp français. /îcy f/psm/iumn(ions d'Albert liuyl. à la date du xZ novembre
faites à Rouen, Quevilly et Haint-Sever, Ms., 1628.
aunomLeGendre,àIadaledu24marsi66o. 3. V. infm. Doc. XCVI, p. 553.
INTRODUCTION
marchandises à Safi. Le Chc'rif leur fit dire « qu'il vouloit que les
Français trafiquassent comme eulx et qu'ilz y fussent les bien
venus" ». Il profita de l'occasion pour envoyer, parle vaisseau du
capitaine Esmery, un ravitaillement au caïd Morat François assiégé
dans la kasba de Salé par Sidi El-Ayachi. Ce vaisseau arriva devant
la place le 22 juin i638". Jean-Baptiste Le Gendre, qui avait l'in-
tention de revenir en France pour la Toussaint \ resta au Maroc
jusqu'en iGSg. Tandis qu'il se trouvait à Salé, en novembre i638,
on découvrit à une lieue de la ville « une mine de très fin estain...
qu'on estime meilleur que celuy d'Angleterre, laquelle est si abon-
dante en ce mestail qu'elle donne plus de cinquante pour cent et
contient plus de liuict lieues de contour ». On chargea Le Gendre
d'en emporter « une partie de mille quintaux et quelque peu de la
terre duquel on le tire pour monstrer en France' ».
Jean-Baptiste Le Gendre quitta Salé en juillet iGSg; le vice-
consul Gaspard de Rastin l'avait chargé de remettre à Richelieu
une lettre en date du 16 de ce mois, dans laquelle il exposait sa triste
situation".
Il ne semble pas qu il soit retourné au Maroc après 1689; il
mourut à Rouen le 2/i mars 1660. Sur le registre d'inhumation, il
est qualifié « sieur de Boisville, marchand bourgeois de Rouen" ».
IsAAC DE Razillv '. — ^ La famille de Razilly*, qui tire son nom du
fief et château de Razilly^, appartenait à la fois à la Touraine, à
l'Anjou et au Poitou. Isaac naquit en 1687 au château d'Oiseau-
I. V. infra. Doc. XCVII, p. 554. r^'K-rcnccs à ce volume.
1. V. m/ra. Doc. XCVI, p. 552 et note 1 . 8. C'est ainsi que le nom se trouve écrit
3. V. Ibidem, p. 553. le plus généralement jusqu'au xviio siècle,
tl. V. infra, p. 588, Lettre île Gaspard et c'est ainsi que signait Isaac. La graphie
de ftastin à Richelieu, i6 juillet i63g. Rasilly, adoptée par Claude, connu sous le
5. V. Ibidem. nom de Launay-1-ïa/.illy (décembre i5g3-
6. V. suprn. p. Lxiii, note I. 22 mai i65/i), a prévalu aujourd'hui. Cf.
7. Les voyages au Maroc du chevalier de Généalogie de la famille de Rasilly. p. 27g
Razilly occupent une place si importante et 338.
dans le tome III des SS. HisT. Maroc, /■''= g. Commune de Bcaumont-en-Véron,
Série, France, qu'il a paru superflu dans arrondissement de Chinon, déparlement
cette notice biographique de multiplier les d'Indre-et-Loire.
INTRODUCTION LXV
nielle'. Reçu chevalier de Malte' au prieuré d'Aquitaine le G jan-
vier i6o5, il fît partie de rexpédilion que La Ravardière et François
de RazilK . son IVère aîné, coiidnisirent au Maragnon en 1G12'.
Revenu en France, ce gcntilliomme, à l'esprit hardi et enlie-
prenant. ne voyant aucune guerre en Europe pour occuper son
activité, conçut le singuliei- projet de passer en Afrique et d'aller
ofTrir ses services au roi du Maroc. Il lut encouragé dans ce dessein
par son frère François. Le plan de Razilly nous est seulement
connu par l'exposé qu'en fait le P. François d'Angers. Le Cheva-
lier, muni de lettres de recommandation de Louis XIII pour
Moulay Zidàn. devait travailler au rétablissement des relations paci-
fiques onti'c la France et le Maroc, très tendues depuis l'alTaire
Castelanc. Il mettrait à la disposition du Chérif pour le défendre
contre ses ennemis de terre et de mer une troupe de Français qui
tiendrait garnison dans quelque port ou place de sûreté, et dont
1 entretien serait payé par le makhzen. Enfin Razilly. aussi fervent
chrétien que vaillant capitaine, n'onliiiait pas la cause de Dieu et
devait demander au Chérif le llhrc exercice de la religion catho-
lique dans tous ses Etats'.
Ce projet quelque peu aventureux ne dut jjas rencontrer une
grande faveur auprès de la cour de France. ÎNéanmoins. on crut bien
faire de profiler des dispositions du Chevalier pour le charger de
conduire au Maroc le s' Claude Du Mas. envoyé auprès de Moulay
Zidàn pour négocier la mise en liberté des captifs français. Le
vaisseau de Razilly arriva à Safi juste au moment oîi Moulay Zidàn,
pressé par le rebelle Yahia ben Abdallah, venait de se réfugier dans
ce port. Le Chevalier eut occasion de rendre quelques services au
Chérif; il dut l'entretenir de son projet et fut sans doute amené à
faire devant lui l'éloge de son frère François et de son expédition
au Maragnon, si malheureusement traversée par les Espagnols.
Toujours est-il que Moulay Zidàn déclara à Du Mas qu'il n'écou-
terait aucune [)roposition avant d'avoir obtenu satisfaction pour
l'afl'aire Castelanc, et qu'il fit partir sur le vaisseau de Razilly le caïd
1. Commune des Trois-Monlicis, arioii- Razilly du 3 juin iOo4, Généalogie, p. xxi.
dissemenl de Loudun, département de la 3. V. Géiiéuloyie.
Vienne. '1. V. infra, p. 100, Hi$l. '/<• la mission
2. V. les preuves de Malte d'Uuac de des PP. capucins au Maroc.
De Casthies. 111. — e
I.WI INTRODUCTION
Farcs pour demander à Louis XIII qu'on envoyât au Maroc
François de Razilly « avec mémoires et pouvoirs nécessaires afin
d'adviser aux conditions raisonnables d'une bonne union et la rendre
solide ». Le caïd devait ajouter « qu'il proposait celte personne
[François de Razilly] en particulier, pour être en créance dans
l'esprit du Roy son maître, et connue de luy pour l'ennemi véritable
de ses propres ennemis ; qu'a peine pourrait-il [le ChérifJ prendre
assurance en un autre de qui la leputalion ne serait pas si publique
dans ses Etats' ». On a vu plus haut que la cour de France n'avait
pas déféré à ce désir du Chérif.
Les opérations maritimes contre les Rochelais occupèrent Isaac
de Razilly de 1G21 à 1623 ; il s'y distingua et fut nommé, le
3 décembre i623. premier capitaine de la marine de France, puis,
le 17 février 162^, chef d'escadre des vaisseaux du Roi et vice-
amiral de ses armées navales.
Mais ces événements n'avaient pas distrait sa pensée du Maroc,
et il était sans doute resté en relations avec ce pays. Il fut in-
formé en 1623 par un gentilhomme français échappé de captivité
des sentiments et des dispositions du Chérif à son égard : Moulay
Zidân avait appris avec « déplaisir » la mort de François de Razilly,
tué en octobre 1622 au siège de Montpellier; il reprochait au
Chevalier de navoir pas continué à s'employer « au traité pour
l'accommodement des deux couronnes ». D'après le susdit gentil-
homme, Isaac de Razilly pouvait seul réussir dans cette entreprise
« du côté de l'Afrique, vu la haute estime dans laquelle il étoit
pour sa probité et sa valeur ». Le Chevalier se trouvait alors à la
tête d'une escadre de trois vaisseaux, rendue inutile par la paix avec
les protestants. 11 demanda donc et obtint la permission de passer
au Maroc pour sonder les intentions du Chérif au sujet de l'alliance
et empêcher la capture des nombreux Français que les Maures
réduisaient en esclavage. Dans la pensée d'Isaac de Razilly, son
I. V. infra, p. loi. Histoire de la mission lemenl connu de Moulay Zidàn. L'auteur
dss PP. rtipucins au Maroc. Le langage de la Généalogie a admis cette hypothèse
employé par le P. Frauçois d'Angers, auteur (V. p. a36), qui est d'ailleurs contredite
de cette Histoire, donnerait presque près- dans ce même ouvrage où il est dit (p. 3o^)
que à penser que François de Razilly avait que François séjournait à la cour de France
été au Maroc en i6iy et était personnid- on janvier i6ig.
INTRODUCTION LXVII
expédition devait avoir aussi pour objet d'amener les infidèles à la
connaissance du vrai Dieu. C'est pourquoi il s'adressa au P. Joseph,
provincial des PP. capucins de la province de Touraine et com-
missaire apostolique des missions étrangères. Le P. Joseph s in-
téressa vivement à l'entreprise et fit députer par le chapitre de la
province de Touraine les PP. Pierre d'Alençon et Michel de Vezins
avec le Frère Rodolphe d'Angers, pour accompagner Razilly et fon-
der au Maroc une mission apostolique.
Partie de France vers la fin d'août 1624. l'escadre de Razilly
arriva à Safi le 3 octobre. De nombreux gentilshommes faisaient
partie de l'expédition. Le 4 octobre, le Chevalier descendit à terre
avec les PP. capucins qui célébrèrent la messe dans la chapelle
consulaire. Quelques jours après, Sidi Farès, le caïd qui avait été
récemment envoyé en France par Moulay Zidân, se présenta à bord
de la paît du Chérif, qui était campé dans les environs de Safi. Il
apportait « un passeport du Roy en bonne forme, signé de sa main
et scellé du sceau des armes de Sa Majesté, par lequel il promettoit
au commandeur de Razilly et aux siens asseurance dans ses Etats' ».
D'après Cespedes\ le passeport limitait à deux le nombre des
Français autorisés à débarquer. Saint-Mandrier aurait écrit dans ce
sens à Razilly, mais les gens de Safi auraient intercepté la lettre de
ce dernier et transmis seulement le sauf-conduit chérifien. Si l'on
s'en rapporte à Thomas Le Gendre, témoin oculaire, le passeport,
au contraire, était valable pour vingt-cinq personnes ^ Toujours
est-il que « le sieur de Razilly le croyant, et que la lettre qu'il
ne pouvoit lire, parce (ju'elle estoit en arabe, chantoit la même
chose », descendit à terre avec une brillante escorte de plus de
trente personnes, trompettes et violons en tète : les religieux
capucins l'accompagnaient. Alors que les Français s'avançaient
ainsi pleins de confiance. « le gouverneur de Safi. qu'ils pensoient
être venu pour les recevoir au nom du Roy son maître, les arrêta
tous et les fit prisonniers ». Après les avoir dépouillés, on les fit
monter à cheval et, liés, ils furent conduits à la mahalla chéri-
fienne.
1. V. infra. p. roC, Histoire de la Mis- loria de D. Felipe IV. p. 5o0.
sion des PP. capucins au Maroc. 3. Cf. infra, p. 782, Relation de Thomas
2. V. Cespedes, Primera parte de In His- Le Gendre.
LXVIII INTRODUCTION
La véritable cause' de cet acte de perfidie contre un ambassadeur,
attentat presque unique dans l'histoire du Maroc, paraît être le
ressentiment très grand qu'avait conçu le Cbérif, en apprenant que
la cour de France avait refusé de recevoir son ambassadeur Sldi
Farès et de lui accorder la moindre satisfaction pour l'affaire
Castelane. Moulay Zidân voyait dans ce guet-apens de légitimes
représailles et un moyen de se procurer des otages de prix, puisque
la plupart des Français ainsi arrêtés étaient des gentilslujmnics. Il
fil camper les prisonniers à proximité de sa lente. Au bout de
quelques jours il consentit à remettre en liberté Razilly, son valet
de chambre et un des capucins de la mission, le Fr. Rodolphe : il
chargeait le Chevalier de remettre au roi de France un mémoire sur
l'affaire Castelane et de demander « réparation de cet affront
insigne et le dédommagement d'une si notable perte ».
Rentré en France avec la préoccupation de délivrer le plus tôt
possible ses compagnons captifs, Razilly fut cette fois encore em-
ployé « malgré lui », à La Rochelle oîi il remplit les fonctions de
contre-amiral de la flotte commandée par le duc de Montmorency,
n se distingua ainsi que son frère Claude dans la bataille navale
du i6 septembre i6a5 où furent vaincus les Rochelais, et tint la
campagne jusqu à la suspension d armes du 5 février 1G26.
Cependant le Chevalier n'avait garde d'oublier les malheureux
captifs du Maroc, il adressa en 1626 à Richelieu plusieurs mémoires
relatifs à leur rachat^. H envoya même au Maroc en 1627 une pata-
che portant « argent et meubles nécessaires », mais le capitaine
de ce navire s'étant mis à pirater fut poursuivi et pris par les vais-
seaux du Roi. Les opérations contre les prolestants recommencèrent
en juillet 1 627 ; le Chevalier y fut de nouveau employé et contribua
avec son frère Claude à chasser les Anglais de lîle de Ré (novem-
bre 1627).
La capitulation de La Rochelle (29 octobre 1G28) et la paix avec
l'Angleterre (2/1 avril 1629) rendirent à Razilly sa liberté et
I. Le P. François d'Angers rend Saint- çais voulaient surprendre Sati. \. infru,
Mandrier responsable de cette violation du p. iog et note i, Hisl. de la mission des
droit des gens. Ce capitaine provençal (V. PP. capucins au Maroc,
supra, p. xxxix, sa notice) aurait, d'après 2. V. infra. ces mémoires, pp. iiD, 119
lui, persuadé à .\luulav Zldùii que les Fran- et 123.
INTRODUCTION LXIX
lui permirent de s'occuper du Maroc, où Moulay Abd el-Malek avait
succédé en 1627 à Moulay Zidàn. Sur les instances du P. Joseph,
Richelieu se décida à y envoyer une expédition. Le Chevalier en
eut le commandement, mais on hii adjoignit, un peu comme un
mentor, le capitaine Du Chalard. dont il avait promis au P.Joseph de
suivre « les bons avis ». La mission de Razilly avait un double
objet : il devait faire une démonstration devant Salé, afin d'amener
cette république de pirates à relâcher les esclaves français et à con-
clure une trêve : il devait daulre part négocier avec Moulay Abd
el-Malek un traité de paix et racheter à ce dernier les captifs français
qui lui appartenaient en propre. L'escadre se composait de sept
vaisseaux et deux pataches; on acheta en outre un vaisseau olon-
nais qu'on arma pour servir également de patache. Le Fr. Rodolphe
revenait au Maroc avec l'expédition.
La flotte partit le 27 juin 1629 de la rade de Chef-de-Baie, près
de La Rochelle, et mouilla devant Salé, le 20 juillet. A son arrivée,
le Chevalier apprit la mort des PP. Pierre d'Alençon et Michel de
Vezins. ainsi que celle de son neveu Gabriel de Razilly'. Le 28, il fit
partir pour Safi deux vaisseaux et une pinasse avec le Fr. Rodolphe
chargé des négociations à ouvrir avec Moulay Abd el-Malek. Quant
à lui, il signifia un ultimatum au Divan de Salé. En ayant reçu une
réponse insolente, il mit le Ijlocus devant la place le 26 juillet et
le maintint pendant deux mois, prenant pour point d'appui El-
Mamora". Les Salélins se décidèrent le 2 octobre 1629 à conclure
une trêve de cinq mois. Ce fut Du Chalard qui négocia et signa cet
accord avec le gouverneur Mohammed ben Abd el-Kader Ceron. Le
Chevalier, dont le vaisseau « la Licorne » était mouillé devant El-
Mamora, averti par trois coups de canon tirés par Du Chalard de
la conclusion de la trêve avec le Divan, se mit en roule pour Salé,
afin de prendre à son bord les captifs français que les Salétins
I. Il était fils de l'rançois (In I\azilly Zidàn parles Etals-Géncraux des Provinccs-
(frèrc aîné du Chevalier) et de Marguerite Unies, à la recommandation du comte et
de Clcrmont, et avait accompagne son oncle de la comtesse de Soissons. V. inj'ra, p.
en lôa.'i. Il mourut de la peste à Mcrra- 126, Doc. XXVI.
kcch à la fin de mars 1659. V. Génénloijie , 2. Razilly entretint d'excellentes rela-
pp. 283 et 3i5. Une démarche en vue d'oh- tions avec le gouverneur espagnol do celte
tenir la liberté de ce jeune gentilhomme place, Toribio de Ilcrrora. V. infra. pp. 220
avait été faite en 1627 auprès de Moula)- et 222.
LXX INTRODUCTION
s'engageaient à lui remeltre. Mais le mauvais temps l'empêcha
daborder et, après avoir erré douze jours en mer, il vint mouiller
devant Safi, où il lut rejoint par Du Chalard (ili octobre 162g).
Il trouva à Safi le Fr. Rodolphe, de retour de Merrakech, qui lui
apportait une lettre de Moulay Abd el-Malek. Celui-ci, usant des
atermoiements coutumiers aux Chérifs, ajournait la conclusion du
traité et la mise en liberté des captifs français. La mauvaise saison
s'avançait et les bateaux commençaient à fatiguer sur la côte maro-
caine. Razilly écrivit donc de nouveau au Chérif, lui demandant
avec instance de se hâter ; il s'engageait à remettre le présent du roi
de France ' à l'envoyé de Moulay Abd el-Malek qui amènerait les
captifs. Ce fut en vain, et, le 27 octobre, une tourmente s'étant
élevée, la flotte se vit contrainte de faire voile vers la France où
«la Licorne» arriva à Port-Louis le 20 novembre; les autres
vaisseaux rentrèrent à Chef-de-Baie près de La Rochelle.
Le double objet de la mission confiée à Razilly n'avait été qu'im-
parfaitement atteint : s'il avait réussi à signer une trêve avec les
Salétins, il avait dû laisser entre leurs mains les esclaves français.
Quant au Chérif, il n'en avait obtenu ni traité ni captifs. Une nou-
velle expédition était nécessaire. Razilly, toujours accompagné du
capitaine Du Chalard. fut renvoyé au Maroc. La flotte partit de Saint-
Martin-de-Ré le 28 juin i63o. Elle se composait de « la Licorne »
le vaisseau de Razilly, de « la Renommée » sous les ordres de
Du Chalard et de la patache <c la Petite Marguerite » commandée
par le capitaine Pâlot. Le 2.3 juillet i63o, on arriva devant Salé et
le même jour on captura trois navires aux pirates, qui se décidè-
rent, le 2 août, à demander une suspension d armes. On échangea
des otages de part et d'autre ; les Salétins commencèrent par rendre
la liberté à tous les captifs français et on leur donna en retour
quelques marchandises". Puis les pourparlers s'engagèrent au sujet
de la paix. Razilly, laissant à Du Chalard le soin de terminer les
négociations avec les plénipotentiaires de Salé, se rendit à Safi, où il
I . On sait que par une fiction à laquelle tire gracieux. V. infra, p. i^g et note 3.
la cour de France attachait une grande im- 2. V. infra. p. 3io, Relation dite de
portance, les esclaves français n'étaient pas Jean Armand Mustapha. La rançon était
rachetés au Chérif, mais celui-ci les remet- parfois payée en nature, à cause de la plus-
tait contre un présent qui avait un carac- value des marchandises.
iNxnnnurTioN- lxxi
arriva le .Si août. Le capitaine Pâlot, porteur dune lettre du Che-
valier pour le Chérif, l'y avait devancé et avait annoncé la pro-
chaine arrivée de la flotte française. Mais Moulay Abd el-Malek
semblait vouloir, comme l'année précédente, traîner les choses en
lons;ueur. Par contre, les pourparlers avec les Salétins s'étaient
heureusement terminés, et le 7 septembre Du Chalard arrivait à
Safi avec le traité signé à la date du 3 septembre. Cependant Razilly
réclamait avec instance du (]hérif l'envoi d'un caïd ayant des
pouvoirs pour négocier. La capture d'un navire plus ou moins
chargé de contrebande qui fut opéré le 3 octobre dans la rade de
Safi avança les choses. Ce navire appartenait aux Pallache, cette
famille de ,luifs si en faveur auprès des Chérifs. Les Pallache, dési-
reux de recouvrer leur navire, mirent tout en œuvre pour obtenir
la liberté des captifs français, et Moulay Abd el-Malek consentit à
les laisser partir de Marrakech le 9 octobre. Dès le \ i Razilly était
informé par eux de la décision du Chérif. Mais il n'ajouta sans
doute qu'une médiocre confiance aux dires des Pallache, et, crai-
gnanl d'(Mre pris, comme en 16519. 1"^'" ^^ S'"*'^ temps sur la côte
du Maroc, il mit à la voile le 12 octobre et arriva à l'île de Ré
le 28 novembre ; il ramenait en France cent vingt des captifs déli-
vrés à Salé. Le capitaine Pâlot, qui avait quitté Safi le 1 2 septembre,
en avait rapatrié le même nombre.
Le 16 octobre, arrivaient à Safi, sous la conduite du caïd Yahia
el-Djenati. les captifs français venus de Merrakech. Grand fut leur
désappointement, en apprenant que les vaisseaux de France étaient
repartis depuis quatre jours. Le Chérif, oubliant que ses atermoi-
menls justifiaient dans une certaine mesure le manque de patience
du ( ihcvalier, adressait à Louis XIII une lettre pour se plaindre du
procédé (2 novembre i63o). « Vostre subjet [Razilly], écrivait-il,
sçavoit très-bien pourtant que le nostre le devoil bientôt aller trou-
ver, voires mesmes qu'il estoit en chemin, et toutes fois n'eut pas
la patience d'attendre son arrivée, bien qu'un serviteur ne doive,
pour quoy que ce soit, laisser la poursuitte des choses qui luy sont
commandées par son maistrc, moins encore tesmoigner de l'impa-
tience, quand il s'agist de l exécution »'.
I. V. infra, p. 302, Lettre de Moutay Abd et- Malek à Louis XIII (TTadaclioii).
I.XXII INTROr)Ur,TIO>-
Razilly el Du Chalard durent faire un nouveau voyage au Maroc
en i63i pour terminer avec Moulay el-Oualid, successeur de
Moulay Abd el-Malek, cette négociation qui durait depuis ifiag. La
cour de France leur adjoignit un agent spécial, le s' de Molères, qui
fut chargé de la partie diplomatique. Cette dernière expédition des
deux capitaines « leur réussit si heureusement que. par leur sage
conduite, ils mirent leur négociation au point où Sadite Majesté
leur avoit commandé de la mettre, car, après avoir esté longtemps
à traitter avec le roy de Marroc et avoir combattu toutes les diffi-
cultés qui les traversoient en leurs desseins, ils les vainquirent enfin
et firent si bien qu'ils délivrèrent cent quatre-vingts esclaves fran-
çois qui restoient en tout ce païs-là, outre les deux cens que le
mesme commandeur de Razilly avoit rachetez l'année précédente, et
conclurent entre les deux couronnes de France et de Marroc un
traitté de paix assez advantageux ' ». Le traité avait été signé par le
Chérif le 17 septembre iC3i. « La Licorne » et « la Renommée »
étaient de retour dans la baie du Morbihan le 7 novrembre i63i.
Le commandeur" de Razilly ne retourna plus au Maroc et porta
son activité du côté de la Nouvelle France (Canada); il fut choisi
par Richelieu le 12 mai 1682 pour recevoir ce pays des mains des
Anglais qui. par le traité de Saint-Germain-en-Laye(2f) mars 1682).
venaient de le restituer. Par lettres patentes du 20 avril i632, le
Roi le nomma « son lieutenant-général en tout le pais de la Nouvelle
France dit Canada, terres et costes circonvoisines, en toute son
estendue et par delà tant et sy avant qu'il pourroit faire recevoir et
recongnoistre son nom ». En fait. Razilly n'exerça ses fonctions
de lieutenant-général de la Nouvelle France que sur l'Acadie'. Il
s'embarqua à Auray le !\ juillet i632 et réoccupa 1rs établissements
de la colonie naissante qu'il administra et gouverna en Français
jaloux de l'expansion de son pays. Il projetait d y établir une com-
manderie de Malte sous la suzeraineté de la France, quand il mourut
à La Hève en i636.
I. V. Dan, Ilist. de Barbarie, p. 33 'i. datt'.
3. Il avait été nommé commandi'iir de 3. Sur l'histoirr de cette colonie, cf
l'Islc-Boucliard le 21 octobre i63i. V. Gé- Rameau de Sai.\t-Péke, Une colonie féo-
néalogie, p. 233. C'est à tort que quelques dale en Amérique, l'Acadie de lOoià 181 1,
historiens lui donnent ce titre avant cette et MoRtAU, Histoire de l'Acadie.
INTRODUCTION
LXMII
Priam-Piekre Du Ciu\lahd. — Ce capitaine de vaisseau, donl
le pcre avait été gentilhomme de la chambre du roi de Navarre ', dut
naître vers iSgo". 11 était « fils de Bordeaux et de condition, dun
très-gentil esprit, ayant acquis des moyens à la Cour, oultre ceux
qu il avoit de sa maison^ ». Après avoir été attaché au duc de
Fioquclaure ', au service duquel on le trouve en 1610, il « fait pro-
lession des armes, notamment de la marine à ses despens ' ». En
1619, il est qualifié gouverneur de la Tour de Cordouan " dans une
délibération des jurats de Bordeaux relative au balisage de l'entrée
de la Gironde" et, à cette même date, il figure dans V Alphabet
Lajîllurd comme capitaine de vaisseau * . Ce double titre lui est
donné dans un acte du l'y septembre 1626 par lequel Claude de
Razilly, qui était comme lui capitaine de vaisseau, l'institue son
exécuteur testamentaire'. On peut déduire de ce fait que P. Du
Clialard était lié avec les Razilly. Il se trouva d'ailleurs avec les
deux frères Claude et Isaac au siège de La Rochelle (162 7-1 628),
où il se distingua '".
1. Gration Du Chalard, pèro Av Priam
Pierre, avait épniisé Jeanne Sevin, fille de
Jean, s'' de Villerov et de Bertrande d'Ar-
cct. Bibl. Nat , Mss. Dossiers bteiis. 164,
cote i3o^.
2. Il avait I âge d'homme en i6io. V.
ci-dessous la note 4. D'autre part on verra
qu'en 1639 Richelieu l'avait placé auprès de
Razilly comme une sorte do mentor (V.
supra, p. Lxix, Notice sur Razilly). ce qui
rend vraisemblable que Du Chalard avait
au moins l'âge du chevalier, lequel était
ne en 1587.
3. Cf. Gaufketeau, Chruiàquc borde-
laise, t. II, p. 175.
!\. a8 septembre 1610. « Priam Pierre
Du Chalard. gentilhomme j)rès du si" de
Roquelaurc, confesse avoir reçu la somme
de 700** à lui ordonnée par le Roy pour
l'être venu trouver de la part du s'' de Ro-
quelaurc de la ville d'.\gen en celle de
Paris ». Bibl. Nat., Pièces originales, vol.
648. cote i525G, p. 6.
5. Cf. Gaufketeau, loc. cit.
fi. Nos recherches pour retrouver la no-
mination de P. Du Cbalard comme capi-
taine ou gouverneur de la Tour de Cordouan
n'ont pas donné de résultats. Mais il dut
être nommé entre 1617 et l6ig, car on
voit une ordonnance de visite de la Tour
du '27 février 1617 provoquée par Nicolas
de S' Aulady, bourgeois de Bordeaux, capi-
taine de la Tour de Cordouan. V. Arch.
Dép. de la Gironde, Série C, cote 38g3. — •
Sur la Tour de Cordouan, Cf. Arch. Hist.
de la Gironde, t. 28, p. 234 ; T. Rimer,
Fœdera, conventiones t. IV, p. i56 ;
G. Labat, Doc. sur la ville de Royan et la
Tour de Cordouan, p. 4.
7. Cf. .Archives communales de Bor-
deaux, Série JJ. Inventaire des registres de
la .Inrade (i53o-ij83).
8. Cf. Bibl. de la Marine, Alphabet
LiifiHnrd, p. 147. Il est appelé Pierre Du
Cliallard de S' Soyan.
(). Cf. Généaloijie de la famille de Rnsilly,
p. 365.
10. Cf. Gaufreteau, loc. cit.
LXXn- INTRODUCTION
En 1629 il fut désigné par Richelieu pour commander « la
Renommée », l'un des vaisseaux de l'escadre envoyée au Maroc sous
les ordres du chevalier Isaac de Razilly. Il avait été placé auprès de
ce dernier comme un homme de bon conseil et avait en réalité « la
principale part en la conduite de cet armement ' ». Aussi le père
Joseph écrivait-il au Chevalier : « Je vous supplie de vous souvenir
de ce que vous m'avez promis qui est de suivre les bons avis de
monsieur Du Chalard, selon même les instructions de monseigneur
le Cardinal, qui vous estimera d'autant plus qu'il vous verra donner
créance aux personnes capables et de mérite'. »
On a déjà raconté dans la notice sur Razilly ' cette expédition de
1629. ainsi que celles de i63oetde i63i *, auxquelles Du Chalard
prit part à bord de son vaisseau « la Renommée » . Il suffit de rappeler
que le compagnon de Razilly fut chargé spécialement des négocia-
tions qui aboutirent à la trêve du 2 octobre 1629, conclue pour cinq
mois, et à la trêve du 3 septembre 1 63o, signée pour deux ans. Quant
au traité dei63i , il fut négocié par un agent spécial, le s' de Molères.
En i632, Du Chalard ° fit partir pour le Maroc le s"^ Julien Du
Puy, afin de recouvrer du consul Pierre Mazet la somme de
28886 livres, qu'il devait pour des marchandises qui lui avaient été
laissées en i63o avec charge de les vendre. Mais le chérif Moulay
el-Oualid, irrité d un malentendu provoqué par l'infidélité des
Pallache et croyant, ou affectant de croire à un changement dans
les dispositions de la France, fit jeter en prison l'envoyé de Du
Chalard, ainsi que le consul Pierre Mazet, et l'ecommença la course
contre nos vaisseaux ^ La mission du capitaine Cabiron ' ayant fait
le jour sur les griefs du Chérif, on résolut d'envoyer au Maroc une
nouvelle expédition, dont le commandement lui confié à Du Chalard.
1. \ . infra, p. 3"^ 1, Histoire de In mission 5. Il portait alors le titre de: « Con-
çues PP. capucins au Maroc. seiller du Roy, Commissaire provincial des
2. V. infra. p. 205, Lettre du P. Joseph guerres de Guienne, etc. ». V. infra.
à Razilly. p. 4/Ji, Lettre de Mien Du Puy à Du Cha-
3. V. supra, pp. Lxix-Lxxii. lard.
h. Dans sa lettre de commission, datée 6. Sur ces événements, V. /èiV/em.
du 6 mai i63i, P. Du Chalard est qualifié : 7. Sur la mission du capitaine Cabiron,
« capitaine et gouverneur de nostre Tour de V. infra. pp. Ulx^j-li^o, Relation d'Antoine
Cordouan et capitaine gardo-cosle de nostre Cabiron, et pp. 461-470, Compte d'Antoine
province de Guienne ». V. infra. p. Srjg. Cabiron.
INTRODUCTION LXXV
En vertu de ses inslruclions, datées du 2/1 octobre i63A. il était
ft chargé de mener et de conduire au roy de Marocq les Mores ses
subjects qui avoient esté sur les galleres de Fiance et retirer par
forme d échange les François retenus esclaves par ledit roy de Marocq
et mesmes par les habitants de Salé ' ». Au cas où les Salétins refu-
seraient cette transaction. Du Chalard devait composer avec eux
dans les limites de la somme qu'il emportait avec lui. Toutefois, si
les rançons dépassaient cette somme, il était autorisé à emprunter
au nom du Roi « et par son crédit particulier des marchands qu'il
trouxeroit audit Salé ce qui seroit nécessaire pour faire ledit rachapt
jusques à la somme de cent livres par homme, que Sa Majesté pro-
mit de faire rendre et payer trois mois après son retour' ».
Conjointement à cette mission de rédemption générale dont il
était chargé par la cour de France, Du Chalard en accepta une parti-
culière des Etats de Bretagne pour le rachat des caplifs de cette pro-
vince^. A cet efl'ct les États réunis à Dinan votèrent, le i4 décembre
i63i, une somme de loooo livres et firent remettre à Du Chalard
la liste des captifs bretons. Mais, comme les fonds n'étaient pasprèts
les députés des Etals le prièrent de vouloir bien en faire l'avance, et
celui-ci, avant son départ, dut emprunter aux sieurs Bibault et
Bordet, banquiers à La Rochelle, la somme de dix mille livres c< dont
il liia lettre de change sur la dame Du Challard * ».
Il partit le 3o avril i635 de l'île de Ré et arriva à Safi le n mai.
Outre son vaisseau « la Renommée » il emmenait avec lui « l'Espé-
rance-en-Dieu » commandée par le sieur de Poincy, et « l'Isabelle »
qui servait de patache. Moulay el-Oualid se trouvait à Aïer. sur-
veillant les travaux de sa kasba d'El-Oualidya, où étaient employés
tous les esclaves chrétiens. Il se rendit le 23 mai à Safi pour se
rencontrer avec l'ambassadeur de France. Sur ces entrefaites et
tandis que les pourparlers se poursuivaient, le navire « la Perle »,
battant le pavillon anglais, vint mouillera Safi. Du Chalard somma
le capitaine anglais Lucas Wheston de « desarborer son pavillon
I. V. Bibl. \at.. Imprimés, F' i^â.'îi, s6â2. pp. 6jo-6yi. Délibération des Étals
Facliim pour esruier Jciin Du Bouexic... de Bretagne d\i l4 décembre i634.
p. I. !)■ Bilil. Nat., F' lyô.lo. Factwn pour
î. Cf. infrn. p. ^-/i, nnli- i. messire Priam-Pierre du Chalard. conseil-
3. Cf. Arch. Départ. il'Illoct-Vilaiiic G 1er du lloy en ses conseils d'Eslat, pp. 1-3.
LXWI INTRODUCTION
de son grand mast ». le menaçant d'aller à son bord pour le con-
traindre « à rendre à la bannière de France l'honneur qui luy est
deu ». Whcston piqué répondit « qu'il esloit prest de le recepvoir
et laltendoit avec bon potage et qu'on verroit qui seroil le plus
fort ». C'était provoquer Du Chalard au combat, et cela en pleine
rade de Safi, sous les yeux des Maures, du Cliérif ' et de son entou-
rage. Le vice-amiral français estima qu'il « eust été déshonoré, s'il
eust manqué à son debvoir et en fut demeuré là en présence du
roy de Maroc... qui eust fait mauvais jugement du Roy et de
son Conseil de luy avoir envoyé un ambassadeur lasche et peu cu-
rieux de la conservation de l'honneur de son maislre, pour trailter
des affaires de la paix ». C'est pourquoi il fit lâcher sa bordée de
canons, à laquelle le capitaine anglais répondit par la sienne. Le
combat fut très chaiid : après trois heures de canonnade et de mous-
queterie, le navire anglais ayant perdu son capitaine et ses ofïiciers
demanda quartier".
Les négociations, à peine interrompues par cet intermède guer-
rier, reprirent entre les plénipotentiaires marocains et Du Chalard.
Le traité fut signé le t 8 juillet i635 ; une clause stipulait la relaxa-
tion de tous les esclaves français'. Puis Du Chalard se rendit à
Salé où, le i" septembre i635, il fit signer aux Salétins un accord
par lequel ceux-ci acceptaient le traité passé avec le Cherif. « La
Renommée» rentra en France en novembre i635, ayant à son
bord trois cent quatre captifs. Sur ce nombre deux cent quinze
avaient été rachetés pour la somme de 106200 livres aux Salétins,
qui en donnèrent quittance le i" octobre i635 ; quarante autres
furent remis, sur promesse solidaire de P. Du Chalard et du vice-
consul Gaspard de Rastin de payer la somme de 5 5o3 ducats soil
27,015 livres. D'autre part le Chérif avait mis en liberté, par
échange, vingt-huit esclaves qui étaient sa propriété personnelle.
I. Le combat cul lieu le 27 mai. D'après rendre à Aïer, se soit trouve le 27 assez
le P. l'Vançois d'.\ngcrs (V. infra. Hist. rie près de Safi pour être témoin du combat.
In Mission des PP. capucins au Maroc. 2. Sur cette affaire V.' infrn. Doc.
p. A87), le Chérif serait reparti de Safi le LXXXVIl, p. 5i6; j" Série. Angleterre,
36 mai. 11 n'y a aucune raison de mettre à la date du 13 juin i635 ; Bibl Nat.,
en doute le dire de P. Du Chalard. Mais, Imprimés. Lb-^^ 35gS.
dans tous les cas, on peut admettre que 3. V. le texte de ce traité, infra. p. igs,
Moulay el-Oualid, longeant la côte pour se el notamment l'article 111.
INTRODUCTION LXXVII
Enfin au nombre des captifs relaxés se Irouvaient dix Bretons qui
s'étaient rachetés eux-mêmes'.
Comment Du ("lialard avait-il pu obtenir un résultat si satisfai-
sant? Il n'avait en tout cpic dix mille bvres remises par Louis XIII
et pareille somme dont il avait dû faire l'avance aux Etats de Bre-
tagne. La vente de la cargaison du navire anglais « la Perle » vint
auiîmcnter de 21000 livres ses ressources, mais celles-ci se trou-
vèrent encore très inférieures à la rançon demandée. Comme il
avait à cœur de retirer du Maroc le plus grand nombre possible de
captifs français, il contracta des emprunts auprès des inarcbands,
ainsi qu il y était autorisé par ses instructions.
A son retour en France « il se pourveut vers le Roy, tant pour
le remboursement de la dépense qu'il disoit avoir faite en son voyage
que pour estre acquitté des promesses qu'il avoit faites à quelques
particuliers marchands, jjour marchandises qu'il avoit prises d'eux
et qu'il disoit avoir employées au rachapt des captifs' ». La préten-
tion de Du Chalard fut fort mal reçue ; on trouva qu'il avait
« outrepassé excessivement » les ordres de Sa Majesté, qui en fut
« si justement indignée qu'elle le fit mettre en la Bastille, où il
« demeura quelque temps" ». Puis il fut par jugement banni pour
un an de la ville et banlieue de Paris, et finalement condamné à
payer aux marchands envers lesquels il s'était obligé plus de
/ioooo livres*.
Dans cette pénible occurrence, Du Chalard se tourna vers les Etats
de Bretagne. Ceux-ci s'étaient engagés « sur leur foy et hon-
neur » à le rembourser à son rclour des sommes qu'il aurait em-
ployées au rachat des captifs bretons, jusqu'à concurrence des
10000 livres votées le i4 décembre i63/|. Mais, d'après Du Cha-
lard, les députés des Etats avaient élargi son mandat, le chargeant
« de rachapter les captifs bretons le plus qu'il pourroit sans con-
currance à la soumie de x"'" ». Confiant dans cet engagement, il
1. Cf. infra. Histoire de la MissionJes PP. 3. Cf. infra. Mémoires de Richelieu,
capucins au Maroc, p. igi, note 8, etBilil. p. 513.
na\..,linprimésF^ i-jh'io.FaclumDuChalard. 4. V. Bibl. Nat., Imprimés, F^ i^SSo,
2. V. Bibl. nat., Imprimés, F' I753i, Faclum Du Chalard, p. 6.
l'uctum pour escuier Jean du Bouexic... j. Cf. Ibidem, p. 4, Noie marginale d^^
contre .W' Priain-Pierre Du Chalard, p. 2. la main île V Uii Chalard.
LXXVIII I>TRODUCTION
avait racheté qualrc-vingt-dix-sept Bretons, pour un prix global
de ^3/i8i livres, dont il réclamait le remboursement. Mais les
Etats décidèrent, le 6 février i636, de lui allouer seulement les
loooo livres pour lesquelles un vote ferme avait été émis'. Le
malheureux officier plaida pour obtenir les 33/i8i livres dont les
Etats lai restaient redevables. Il en résulta un procès interminable,
et, après appel sur appel. les parties transigèrent le i5 septembre
i664 pour une somme de six mille livres'.
Cette procédure de trente années est tout ce que nous savons de
Pierre Du Chalard depuis son dernier voyage au Maroc *.
De Molères. — Nous ne possédons aucun renseignement bio-
graphique sur ce personnage et nous ne voyons que le sieur Vital de
Molères*, gentilhomme ordinaire de la Chamhre du roi Louis XIIL
avec lequel il pourrait être identifié. Le Molères qui nous occupe
fut adjoint comme négociateur à Razilly et Du Chalard, envoyés en
mission en i63i auprès de Moulay el-Oualid pour traiter de la
paix et de la mise en liberté des captifs français. Le juif David
Pallache, agent du Chérif. laccompagnait.
Molères quitta la Cour le i4 juin i63i ' et rejoignit à La Rochelle
1. Cf. Bihl.Jiit. Factum DuCluilard,f. II. Cf. Arch. hist. de la Gironde, t. 28, p. 287.
2. Cf..\rch.dép.d'Ille-et-Vilaine,Ca65. Il semblerait résulter de cette mention
3. Il exerça pendant longtemps encore qu'en 1669 Du Chalard n'était plus gou-
la charge de gouverneur de la Tour de verneur de la Tour de Cordouan. Et cepen-
Cordouan. On trouve en effet en i643 la dant, à la date du 10 novembre 1679, on
mention d'un don fait par Louis XIV au trouve la signature de Priam Pierre Du
sf Du Chalard gouverneur de la Tour de Chalard gouverneur de la Tour de Cor-
Cordouan (Arc/i. hist. de la Gironde, t. 28, douan au bas d'une quittance par laquelle il
p. 325). En i653 «D"^ MaryeDu Chalard, reconnaît avoir reçu la somme de lOOolivTes
faisant pour Pierre Priam Du Chalard, son à litre de gratification par ordre du Roi
frère, gouverneur de la Tour de Cordouan » (Bibl. !Sat., Pièces oriy. vol. 6^8, cote
somma les receveurs des droits destinés à i535G. p. 7). Pour concilier ces deux faits,
l'entretien de la Tour de satisfaire à l'or- il faut admettre que Du Chalard, après
donnance des trésoriers. V. Arch. dép. de s'être démis de ses fonctions, en aura gardé
la Gironde, Série E. Tabellionage , Minutes longtemps le titre honorifique. Il dut mon-
de Conilh. A la date du 3o avril i(J86, le roi rir peu après cette année de 1679, date où
Louis XIV fait don au s' Masson, huissier il devait être âgé d'environ go ans.
au Parlement de Paris, des revenus de la 4- V. Bibl. Nat., Cabinet des Titres,
charge de gouverneur de la Tour... « qui Pièces orig. vol. ig83, cote i5 5o8, n° 4.
ont esté indeument perceus et receus par 5. Pour ces détails et les suivants, V.
divers particuliers depuis la mort du com- infra. p. ^32, Gazette de France du ig
mandour de Ncvesche, deceddé en 1669 ». novembre i63r (Extrait).
INTRODUCTION LXXIX
Razillv ef Du (Mialoid. La Hotte mit à la Aoilc en juillet et mouilla
à Saiî, le mois suivant, après avoir relâché à Salé. UaziUy lit infor-
mer le Chérif de son arrivée et demanda un passeport et une escorte
pour le sieur de Molèios. cpii. seul, était autorisé à descendre à terre
et à aller à Merrakecli. Bientôt arrivèrent à Safi deux caïds et deux
compagnies « l'une de piquiers et lautre de mousquetaires » et
Molères se mit en route avec David Pallache pour la cour chéri-
fienne. « Il eut le lendemain de son arrivée, célèbre et favorable
audiance : car on luy amena les i8o. esclaves françois qui restoient
dans le pais... ». Les négociations pour le traité furent un peu plus
longues. Moïse Pallache, frère de David, « trucheman » du Chérif,
servit d'intermédiaire pour les pourparlers. Dès que l'on fut d'ac-
cord sur les clauses, on dressa une traduction du traité, qui porta
la date du i- septembre i63i. Molères repartit avec les esclaves
pour Safi, emportant cette traduction. Le Chérif promettait d'envoyer
quelques jours après à Razilly le texte arabe du traité et sa réponse
au roi de France. La chancellerie chérifienne ne se pressant pas,
on fut contraint « d'envoyer un marchand exprès à Marroq pour
fer atter d'envoyer les dites despeches, lesquelles ledit Movse
Pallache porta à bord ».
La flotte repartit pour la France en octobre et mouilla, le 7 no-
vembre, dans la baie du Morbihan. Le 16, le s' de Molères rejoignit
la Cour qui était à Château-Thierry et rendit compte au Roi de sa
mission.
Pierre M.\zet. — Né à Marseille', il appartenait à une famille
qui fournit à cette ville plusieurs officiers municipaux dans la pre-
mière moitié du xvii' siècle", et lui-même fut élu consul de cette
ville le 28 octobre 1619 \
On ne peut fixer avec certitude la date de sa venue au Maroc * ;
I. V. infru. p. 3i8, Commission év, l^. Ou trouve dans les documents liol-
Consul pour Pierre Mazct u natif do la landais de cette époque la mention d'un
ville de Marseille ». Pierre Cruzct de Marseille qui aurait
■X. On trouve un Vincent Mazct, élu con- séjourné à Dordrecht et savait le néerlan-
sul de Marsi-ille en 1624 et réélu en iG25, dais. En 1624, le Chérif le retenait depuis
et un Jean-Baptiste .Mazet, élu consul de la quatre ans au Maroc sans vouloir le laisser
même ville en 1628. V. Arch. corn, de Mar- partir. V. /" Série, Pays-Bas, t. III, Lettre
seillc, Uc(j. des délibérations. de Ruyl aux États. i5 novembre 1624. La
3. V. Ibidem, année 1C19, f" 78. ressemblance du nom, l'identité du prénom
LXXX INTHOnUCTION
Il se trouvait au Maroc durant la captivité du P. Pierre d'Alençon
(162/4-1629), car il rendit par la suite témoignage d'un prodige qui
avait accompagné la mort de ce Père'. Il arriva à Salé en 1626'
et y fit du conmierce ^ Ayant acquis une certaine influence auprès
du Divan qui gouvernait cette république, il l'employa au soula-
gement des captifs français, et ceux-ci publient ses louanges dans
une lettre qu'ils adressent le g août 1629 au chevalier de Razilly
venu en mission à Salé : « Nous a protégés et cauxionnés, écrivent-ils,
M' Pierre Mazet, marchand françois de Marseille, pour alléger en
partyc nos travaux et misères des cheynes et basses- fosses, qui, en
vérité et foy de nos consienses, nous a fait de très-bons olïîces dignes
que nous le publions partout où il plau'a à Dieu de nous conduire.
Pour quoy nous vous suplions de croire, mondit seigneur, qu'il
est louable par toutes sortes de différentes loix que par le destin a
esté esleu de ses M'' les Andaloux, gouverneur du chasteau et de
ses despendanccs * ».
Lorsque Razilly revint à Salé avec DuChalard en i63o, P. Mazet
servit d'intermédiaire entre le Chevalier et leDivan^ Cefut dans son
logis que les PP. capucins et le P. Datias célébrèrent la messe
le 21 août i63o. On voit par ce qui précède que Pierre Mazet exer-
çait en fait les fonctions d'un consul de la nation française à Salé.
Ce fut donc sur lui que se porta tout naturellement le choix de
Razilly, lorsque, pour aflirmer les bonnes relations de la République
et de la France, la création d'un consulat à Salé fut décidée. Sa nomi-
nation fut signée le même jour que la trêve, le 3 septembre i63o ".
En cette qualité, il reçut, avec mission de la vendre sur place, une
et Je la ville d'origine, la ci.»ncordance du dans la Commisiiion de Consul que lui
temps permeltenl de supposer que ce per- donna Razilly, V. infra. p. 3i8.
sonnage serait en réalité I^icrre Mazet, dont tx. V. la lettre des esclaves français de
le nom aurait été mal lu par un secrétaire Salé, à Razillv, du g août i6ag, infra, pp.
hollandais. 234-235.
1. V. Histoire de la mission des PP. Ca- 5. Lorsque les Salétins voulurent re-
pucins au Maroc, infra, p. i83, note i . nouer les négociations qui avaient été rom-
2. « Il y a quatre ans qu'il feusl à Salle >> pues, ce fut Pierre Alazet qu'ils chargèrent
dit Pierre Mazet lui-même, dans une lettre d'écrire à Razilly. V. infra. p. 3i5. Rela
à Richelieu de la fin de i63o, V. infra, lion dite de Jean-Armand Maslapha.
p. 375. G. V. la trêve entre la France et Salé
3. 11 est qualifié o marchand fninçuis », infra. p. 2y4.
INTBunLCTION LXWI
partie de la cargaison d" un navire capturé par Razilly lo 3 octobre iG3o
et qui appartenait aux juifs Pallache'. Contre liviaison des mar-
chandises qui lui étaient laissées en charge, Pierre Mazet signa une
promesse de 28886 livres'. En outre, pour quekjue motif que nous
ignorons, il souscrivit à Du Clialardun engagement de 2 099livres\
Après le départ pour la France du chevalier de Uazilly ( 1 2 octobre
iG3i)', Pierre Mazet remplit avec zèle ses fonctions.de consul; il
vivait en bons termes avec Mohammed ben Abd el-Kader Ceron,
gouverneur de la Kasba. et Abdallah ben Ali el-Caccri, le chef de
Salé-le-Xeuf, qui faisaient tous deux droit à ses réclamations en
faveur des Français illégitimement capturés ou en butte à des vexa-
tions. Néanmoins Pierre Mazet, dans ses lettres à Richelieu, deman-
dait avec instances le renvoi de Razilly au Maroc pour négocier la
mise en liberté de nos compatriotes détenus en captivité".
Tandis que Pierre Mazet faisait ainsi acte de consul à Salé, il
apprit que. depuis près d'un an, un autre Marseillais avait été
pourvu de l'olFice qu'il occupait. En effet, dès le 3o novembre 1629,
le secrétaire d'État Bouthillicr avait nommé consul à Salé et à
Tétouan le sieur André Prat '. Cette nomination avait dû passer ina-
perçue et il semble même qu elle ait été ignorée du cardinal de
Uichelieu, puisque c'est en vertu d'un pouvoir délivré par celui-ci
que Uazilly avait donné à Mazet ses lettres de provision. Toutefois
le sieur André Prat, bien que ne se rendant pas au Maroc et n'y
envoyant personne pour tenir sa charge ' , ne laissa pas de prétendre
les droits de consulat*, ce dont Mazet se plaignait amèrement \ Le
1. Sur cetlo capture, \. infra. Iiitro- jjitéc. En effet la trêve avec les Salétins
duction critique. Les Relations de la France autorisant rétablissement d'un Consul à
avec le Maroc, pp. 391-892. Salé avait été signée le 2 octobre iGag, et
2. V. infra. p. 5 10, Mémoire de P. Du c'est le 25 novembre 1629 que Razilly re-
Chalard. venu en France, en informait RiclK'Iicii.
3. V. infra. p. 5ii, Mémoire de P. Du 7. V. infra. p. 875.
Chalard. 8. V. Ibidem. — Les Prat avaient la pré-
4. V. infra. p. 829, Relation dite de tention de |>erccvoir les droits consulaires
Jean-Armand Mustapha. au départ même de Marseille. Henri Prat,
5. V. infra. pp. 3Gg-373, Lettre de fils et successeur d'.\ndré, fut débouté de
Pierre Mazet à Richelieu, 10 février i63x. cette prétention par arrêt du Conseil du 28
6. Cette nomination de .\ndré Prat le mars rfi72. V. 2' Séné, France, h cette date.
3o novembre 162g semble avoir été faite 9. V. infra. p. 878, Lettre de P. Mazet
par Boulhillier d'une façon un peu préci- à Richelieu, 10 février i63i.
Dl Castries. 111 — f
I.XXXII INTIîODUCTrON
conflit aurait pu devenir aigu, sans le traité du i5 seplemlirc idSi
passé avec le chérit' Moulay el-Oualid. En vertu de l'article \ III de
cet accord, les Français étaient autorisés à établir des consuls dans
tous les ports du Maroc, où bon leur semblerait'. C'est ainsi que
André Prat l'ut confirmé à Salé, Mazet fut nommé à Merrakech et
le s' de Bourgaronne à Safi. En outre, Mazet nomma un corres-
pondant à Sainte-Croix (Agadir)^. En fait. Mazet resta à Safi. Dans
les documents, il est appelé « le consul de Saffy » \ ce qui semble
indiquer que Bourgaronne était sous ses ordres.
Très zélé comme on l'a vu dans la défense des captifs français, le
consul Pierre Mazet ne semble pas avoir été à l'abri de tout reproche
dans sa gestion financière. En i63i, il n'avait pas encore remboursé
les 28886 livres dont il était redevable. C'est pourquoi en i 682 Du
Cbalard envoya à Safi le s' Julien Du Pun pour en opérer le recou-
vrement. Celui-ci, dès son arrivée, constata « le mauvais mesnai-
gement du bien d'aultruy par le s' Mazé et Bourgaronne ». Il dut
s'acheminer à Merrakech, où se trouvait alors Pierre Mazet, venu
pour réclamer du Cliérif la mainlevée de deux tartanes provençales
capturées à Sainte-Croix. Moulay el-Oualid accueillit fort mal le
consul : il se plaignit de 1 attitude du roi de France, qui ne lui avait
pas envoyé la ratification du traité de i63i, alors que lui, il avait
mis en liberté tous les captifs français. Du Puy tenta vainement de
faire entendre raison au Chérif, lui expliquant que tous les torts
venaient du juif David Pallache qui avait été chargé d'apporter au
Maroc la dite ratification^. Mazet ofl'rit k sa teste à mercy » que, si
le s"^ Du Puy rentrait en France pour exposer la situation, le roi de
Maroc recevrait satisfaction dans six mois '". Mais les Pallache
avaient momentanément circonvenu le Chérif: le consul, s'étant
présenté au makhzen j^our demander le congé de Du Puy, on lui
fit savoir de la part de Moulay el-Oualid qu'il eijt à payer 70000
onces pour semblable somme qu'il avait reçue de Razilly et de
P. Du Chalard en marchandises prises aux Pallache en i63o.
I. V. le texte do cet article, infra, Chilaril.
p- /nHj. /i. V. infra. pj). i|^i-i4i, Lettre de
■1. \. infra. p. ^3^, Gazelle de France, Julien Du Puy à Du Chalard. a février
19 novembre i63i. iG33.
3. V. infra, p. 5 10, Mémoire de P. Du 5. V. Ibidem, p. /i43.
INTHOnUCTlON LXWIII
\[azet prolesta, imoquant l'article i" du traité du i5 septembre
1 G."3 1 , portant que tous les faits antérieurs à l'accord seraient oubliés,
ainsi que les restitutions déjà laites aux Pallache'; il lut arrêté
néanmoins et jeté en prison"; quelques jours après Julien Du Puy
subissait le même sort.
La captivité de Pierre Mazet se prolongea : il était encore en pri-
son lors du départ de Merrakech du capitaine Cabiron le 7 avril
lO^V- Sa raison ne put résister aux mauvais traitements qu'il eut
à subir: il devint « insensé* « ; tous ses biens furent pris et dissi-
pés. Du Cbalard ne put en obtenir la restitution, il raconte dans
son mémoire (|u'en « ayant faict demande audit roy en ce dernier
voyage, il n'en a voulu faire aulcune raison" ». On ignore quel
fut le sort de l'infortuné consid. L'absence de toute démarche faite
par Du Chalard au cours de sa mission au Maroc, pour obtenir la
liberté du détenu, autorise à croire que Pierre Mazet avait du mou-
rir à Merrakech avant larrixée de l'envoyé de Louis XIII (i635).
De BouRGARONiNE. — Ce personnage, sur lequel nous manquons
totalement de renseignements biographiques, fut nommé consul
à Safi par le chevalier de llazilly, en exécution de 1 article Mil du
traité conclu entre Moulay el-Oualid et Louis XIII le 17 septembre
i63i *. Sa gestion fut l'objet de critiques de la part de Julien Du
Puy. qui, dans une lettre à Du Chalard, parlant des marchan-
dises laissées en i()3o à Pierre Mazet, se plaint du « mauvais mesnai-
gement du bien d'aultruy par le sieur Mazé et Bourgaronne" ».
1. David Pallactic, voiiii fi la cour de 3. Ainsi qu'on le constate par la mention
France en i03l, avait reçu, outre une suivante: « A mon despart de Marroques,
chaîne d'or valant 2000 onces, une somme |iavé à l'apoticaire I3odier pour achep-
def)O()0 onces argent comptant. On lui avait ter des mcdicamans pour purger sieur
accordé la restitution de son navire, évalué Pierre Mazet, v ducats ». V. infra. p. 46(),
4o 000 onces, et une licence d'embarquer Coinfylc d'Antoine Cabiron.
3ooo muids de sel qu'il vendit Ji La Ro- 4- V- infra, p. ûii, Mémoire Je P. Du
chelle 6 4oo onces. En Il')3a on lui remit Chalard.
encore une somme de 6 300 onces. Le tout 5. \ . Ibidem.
s'élevait 5 60600 onces. V. infra. p. i'i,t3, 0. Cf. infra, p. /|0(j.
Relation d'Antoine Cabiron. 7. Cf. Ibidem, p. ^34. Les notes 3 de
2. V. infra, p. .'i43, Lettre de Julien Du la page 434 et 2 de la page 442 se reuvo-
Piiv <! Du Chalard, 3 février i633. yant l'une à l'aulrc sont erronées.
LXWIV INTRODUCTION
Julien Du Puy. — Il fut envoyé à Safi par Du Chalaid en 1682
pour réclamer à Pierre Mazct les fonds provenant de la vente de
marchandises qui avaient été laissées en compte à cet agent'. A
son arrivée il constata « le mauvais mesnaigemenl du bien d'aul-
trui » qu'avait fait Pierre Mazet et il dut se rendre à Merrakech
pour tenter de recouvrer au moins en partie les sommes qu'il avait
charge de recevoir'. Mais Pierre Mazet fut arrêté dans cette ville
par le Chérif, qui retint Du Puy à Merrakech, lui refusant son
congé sous prétexte qu'il n'avait pas apporté la ratification du
traité de i63i. Arrêté à son tour par Moulay el-Oualid ^ il fut battu
et subit tant de tortures qu'il abjura sa foi et se fit musulman '.
Voiture. — Par suite de quelles circonstances, l'oracle des
Précieuses, l'épistolier de l'hôtel de Rambouillet avait-il été amené
au Maroc.'' Attaché à la fortune de la maison d'Orléans, Voiture
avait accompagné en Espagne M' Du Fargis que Gaston d'Orléans,
après la défaite de Castelnaudary (i" septembre i632), envoyait
faire des ouvertures au comte d'Olivarès. Malgré les succès person-
nels du diplomate improvisé, la mission traîna en longueur, et
Voiture, qui avait hâte de se rapprocher de ses belles amies, atten-
dait avec impatience le moment d'être remplacé. Enfin le i4 mai
i633, l'arrivée de M' de Lingendes lui permit de quitter Madrid. Il
n'avait pas le goîit des voyages et prenait fort peu de plaisir « à
courre », mais, craignant les dangers auxquels l'exposait un voyage
à travers la France pour rejoindre le remuant (îaston. qui s'était
réfugié à Bruxelles, il se décida à s'embarquer à Lisbonne et s'y
rendit par Grenade, Séville et Gibraltar.
Arrivé en vue de la terre de Barbarie, la fantaisie lui vint de
traverser « le Détroit ». Le galant Voilure entrevoyait sans doute
les délicieux badinages et toutes les ingénieuses allusions auxquels
il pourrait se livrer en envoyant d'Afrique, le pays des lions, de
belles phrases à celle qu il honorait de sa passion, Angélique
1. V. infra. p. 5io, Mémoire de P. Du 3. V. infra, p. Itltg. fielation d'Antoine
Chalard. Cabiron.
2. V. infra. pp. /i4i-i44, Lettre de t). V. infra, p. 31 1, Mémoire de P. Ou
Julien Du Puy à Du Chalard. Chalard.
INTR0DL"rT10>- LXXXV
Paulet ' surnommée « la lionne ». dans la société de l'hôtel de Ram-
bouillet. Il lui écrit de Grenade (juillet i633) :
J'av résolu de passera Ceula et d'aller voirie lieu de voslre naissance et vos
parents qui régnent dans les déserts de ce païs-là. Comme je leur diray de vos
nouvelles, je vous supplie très-humblement, Mademoiselle, d'en dire des
miennes
Le 7 aoijt, Voiture débarqué à Ccufa, raconte à son amie son
arrivée sur la terre d'Afrique et continue sa plaisanterie sur les
lions, qui, si ralBnée qu'elle dût paraître aux précieuses, semble
bien peu divertissante à ceux qui sont étrangers aux subtilités de
langage de l'Hôtel de Rambouillet.
« Enûn je suis sorty de l'Europe et j'ay passé ce destroit qui luy sert de
bornes, mais la mer qui est entre vous et moy ne peut rien estcindre de la pas-
sion que j'ay pour vous... Ne vous estonncz pas de m'ouïr dire des galanteries
si ouvertement ; l'air de ce pais m'a desja donné je ne sçais quoy de félon qui
fait que je vous crains moins, et. quand je traitterav désormais avec vous,
faisles estât que c'est de Turc à More...
Je gravay hier vos chifTres sur une montagne qui n'est guère plus basse que
les estoilles et j'envove demain des cartels aux Mores de Marroque et de Fez, où
je m'olTro à sousienir que l'Afrique n'a jamais rien produit de plus rare ny de
plus cruel que vous.
.\près cela. Mademoiselle, je n'auray plus rien à faire icy que d'aller voir
vos parens... A ce que j'entens, ce sont gens peu accoslables ; j'auray de la
peine à les trouver. On m'a dit qu'ils doivent estre au fond de la Lybie et que
les lions de cestc costc sont moins nobles et moins grands. On en vend icy de
jeunes qui sont extrêmement gentis ; j'ay résolu de vous en envoyer une demi
douzaine, au lieu degands d'Espagne, car je sçay que vous les estimerez davan-
tage, et ils sont à meilleur marché. Tout de bon, on en donne icy pour trois
escus qui sont les plus jolis du monde. En se jouant ils emportent un bras ou
une main à une personne, et, après vous, je n'ay jamais rien veu déplus
agréable ».
Voilure, assez casanier et qui passait autrefois sa vie dans un
cercle très restreint, conçoit une grande fierté en se découvrant une
I. .\ngcliciuc Paulrf. née vers I3()3 Imnnaire des Précieuses... où elle est
morte en ifi.ïi, fille de Charles Paulet, flésignéc .sous le nom de Parthenie; Ma.de-
secrétalrc de la Chambre du Roi, l'inven- .moisellf. de ScuDrKV, Cyrus. .septième
leur de l'impôt sur les charges de judica- partie, Liv. I'^'', et Tai.lema.vt des Riaux,
ture (la paulette). Cf. So.maize, Grand die- IlisloricUes.
LXXXVI INTRODUCTION
âme de voyageur, presque d'explorateur. Un projet de lettre ' au
cardinal de La Valette nous révèle cet étal d'esprit.
Monseigneur,
Je ne sçaurais m'emppscher de vous escrirc, quand ce ne seroit que pour
datter ma lettre de Ceuta. Après avoir vcu les palais des rois de Grenade et la
demeure des Abencerrages, j'av voulu voir le pais de Rodomont et d'Agramant
et connoistre la terre d'où sortirent tous ces grands hommes rhe furo al tempo
rite passaro i Mori (VAJrir.a il mar.
Si vos inclinations ne sont changées, je sçay, Monseigneur, que vous ne desa-
prouverez pas cette curiosité et que, dans la félicité où vous estes, il y aura
quelques heures où vous envierez la condition d'un bannv et d'un misérable.
.\u cas que j'obtienne un passeport que j'espore de Tetouan, et que les .\larbes
qui courent cette campagne ne rompent pas mon dessein, j'auray le plaisir de
voir dans quelques jours une ville toute pleine de turbans, un peuple qui ne
jure que par Alha, et des .\frlquaines qui n'ont rien de barbare que le nom, et
lesquelles, malgré le soleil qui les brusle, sont plus belles et plus iirillantes que
luv. C'est un pays. Monseigneur, où il n'y a point de sottes, de froides ni de
cruelles; elles sont toutes amoureuses, pleines de feu et d'esprit, et — ce que
quelqu'un v estimera davantage — elles ne vont jamais à confesse.
Par le contentement que j aurav de voir touttes ces choses, vous pouvez
juger. Monseigneur, que ce n'est pas toujours la fortune qui rend les hommes
heureux et qu'il n'y en a point de si mauvaise qui n'ave quelques bons en-
droits, pourveu qu'on les sçache trouver... 11 me semble qu'en m'ostant la
France on m'a donné le reste de la terre, et que je ne me dois non plus
plaindre du destin qui m'en a chassé, que les léthargiques, de ceux qui les
pincent et qui les frappent pour les resveiller. .\u lieu que je passois ma vie
entre dix ou douze personnes, en cinq ou six rues et deux ou trois maisons,
changeant maintenant de lieu à toute heure, je vois des montagnes, des
déserts cl des précipices, des fleurs et des fruits que je n'avois jamais ouy
nommer, des peuples différents et des rivières et des mers qui m'estoyent in-
connues. Je change tous les jours de villes, toutes les semaines de royaumes ;
je passe en un moment d'Europe en Afrique et j'irois plus aisément à la source
du Nil que je n'eusse esté autresfois à celle de Rongis -.
Mais les projets ambitieux de Voiture ne se réalisèrent pas : il
n'alla pas à Tétouan, soit qu'il redoutât les bandes d'El-Ayaclii qui
I. Dans sa lettre à .Vngt'liqiio Paiilrl du tcxic. Pour les lettres de Voiture, rf. édi-
7 août i633, Voilure dit qu'il a failli tien prlnccps, Paris, i65o.
« faire une folio » en adressant au Cardinal 2. Village à unelicuc de Sceaux, dont les
delà Valetli' la leltre dont il r(|iroduil le eauxélaientamcnccsà Parispar uuaqucduc
INTRODUCTION LWXVII
baltaient l'estrade dans l'Aiidjera. soit qu'il n'ait jamais eu la forme
intention de s'aventurer au delà du préside espagnol de Ceuta.
Avant de quitter la terre africaine, il adressa à» la lionne » plusieurs
lionceaux, mais ces jeunes fauves étaient des figurines en cire rouge.
Le « poulet >> qui accompagnait cet envoi est tout rempli du badi-
nage un peu bouffon qui fait le thème des précédentes lettres. Mais
combien plus ridicules encore nous a|)paraissent les signatures par
lesquelles ce « roi de l'esprit » terminait ses lettres : « Voiture l'A-
fricain 1) et « Léonard, gouverneur des lyons du roy de Marroques» !
Antoine C.\biron. — Marin el commerçant, Antoine Cabiron
était originaire de Montpellier'. Il fut envoyé au Maroc en ifiaS
par un néiiociaiit de Lvon nommé Pierre Orsel '. et s'y lia avec
Abraham van Libergen représentant d'une maison de Rouen'' et
grand chasseur comme lui. On trouve dans la relation de Thomas
Le Gendre le récit d une chasse que les deux amis firent dans les
environs de Safi et où ils tuèrent quatorze lions et sangliers'.
Sa connaissance des choses du Maroc le fit choisir en i635 pour
une mission diplomatique à remplir dans ce pays. A cette époque,
les bonnes relations entre la France et le Maroc s'altérèrent à la
suite d'un iiicidenl créé par la fourberie du juif Pallache, incident
sur lequel on ne l'ul bien renseigné en France que par une lettre
de .lulien Du Puy à Du Chalard \ Louis XIII ayant résolu d'en-
voyer un agent à Moulay el-Oualid pour se plaindre de la conduite
de David Pallache ei obtenir le châtiment de ce juif, désigna pour
cette mission Antoine (labiron. ('e dernier devait en outre remettre
au Cliérif un duplicata de la ratification du traité de paix de i63i,
pour remplacer celui gardé par Pallache, et demander la mise en
liberté des Français capturés depuis le dit traité, ainsi que la resti-
tution de leurs biens \
1. V. infra. |). 71(1, Relnlion de Thomas Le Gendre.
Le Gendre. 4. V. Ibidem.
2. V. /"■' Série, Pays-Bas, Lettre des 5. Sur ccl incident et ses conséquencrs,
États-Généraux à Moulay Zidùn. i3 mai V. infra, p. 89^, Introduction critique,
1625. II est du reste bien établi par la Les Relations de la France avec le Maroc de
relation de Cabiron (V. p. .'iDo) que ce der- i6.3i à iG35. Cf. supra, p. lxxmi. Notice
nier était venu au Maroc et y avait résidé sur P. .Mazet.
plusieurs années avant sa mission de i63i. Ti. V. infra. p. k'^f\, lielalion liW. Cabi-
3. V. infra, p. 716, Relation de Thomas ron.
LXXXVIII I>'TftODUCTION
Le capitaine Cabiron se trouvait alors pour ses affaires en Angle-
terre, à Exeter. Il partit immédiatement pour Paris, puis il alla
recevoir les instructions du Roi à Nancy (septembre 1 633) et revint
à Paris, d'où il gagna La Rochelle. Il mit à la voile le 6 décembre
et, après un séjour d'un mois à Madcie, il arriva à Safi le 12 février
i63/i et à Merrakech le 6 mars. Moulay el-Oualid entra dans une
grande colère, cpiand il fut mis au courant par Cabiron de la con-
duite de David Pallache. 11 reprochait surtout à ce juif — et avec
une bonne foi plus ou moins douteuse — d'avoir falsifié la lettre
chérifienne et de s'être fait qualifier de « ministre ». Il fit arrêter
et jeter en prison Moïse Pallache, frère du coupable. Mais sur les
autres objets de sa mission, Cabiron n obtint que des résultats
négatifs. Le Chérif reçut bien la ratification du traité de i63i et
déclara vouloir l'observer, mais il ne voulut pas mettre en liberté
les captifs français ni leur restituer leurs biens, avant que ses sujets
captifs sur les galères de France n'eussent été mis en liberté.
Aussi bien les Pallache avaient desservi le capitaine Cabiron auprès
du makhzen, en le donnant comme un cuisinier'. On sait que la
cour chérifienne était intransigeante sur la question de l'envoi d'un
gentilhomme de qualité pour négocier un traité. Cabiron quitta
donc Merrakech le 7 avril \i\3!\. s'embarqua à Safi le 3o du même
mois, et arriva à La Rochelle le 26 juin i63^.
En i635, Du Chalard fut envoyé au Maroc pour échanger les
captifs appartenant au roi de France et au Chérif et racheter ceux
détenus à Salé. Il devait obtenir confirmation du traité de i63i et
le faire accepter par les Salétins. Cabiron faisait partie de ce voyage
en qualité de « marchand envoyé par Sa Majesté pour le débit des
marchandises à faire valoir" », car la somme destinée par le Roi au
rachat des captifs avait été convertie en marchandises destinées à
être vendues à bénéfice à Salé. En cette qualité, le nom d'Antoine
Cabiron figura parmi les signataires de la quittance donnée par les
Salélins le 1" octobre i635 '.
Gaspard de Rastin. — On a vu les difficultés qui s'étaient
I. Cî.infra.p. !^ôo, tielationd'A. Cabiron. Bouexic. F^, I753i.
7.. \ . infra. p. 486, note 3 et Bibl. Nat., 3. V. inj'm. p. 665, Arrêt du Parlement
Imprimés, Farlum pour cscuier Jean iJu de Paris. - \i.nn i053.
INTRODUCTION LXWIX
élevées entre André Prat et Pierre Mazet, nommés tous deux
à moins d'un an d'intervalle (3o novembre 1629 et 3 septem-
bre i63o), consuls à Salé, le premier par le secrétaire d'Etat Bou-
thillier, le second par Razilly '. André Prat s'abstint provisoirement
de se rendre au Maroc. Mais lorsqu'en i63/j, au retour du capitaine
Cabiron, on apprit que, par suite de l'emprisonnement de Pierre
Mazet à Merrakecb, il n'y avait plus de consul de France au Maroc,
il se décida à se faire représenter par un vice-consul et fit clioix de
Gaspard de Rastin'.
Celui-ci dut arrivera Salé à la fin de i63'î ou au commencement
de i635. 11 s'y trouvait en tout cas au mois d'août i635, lors du
troisième voyage au Maroc de P. Du Chalard et s'employa de son
mieux à le seconder dans le racbat des captifs. Il s'obligea même, à
la requête du vice-amiral' et solidairement avec lui, pour une
somme de 5 5o3 ducats ' représentant la rançon de quarante captifs,
qui ne purent être libérés que par ce moyen. Il resta trois cent
tienle-trois Français qu'on dut laisser à Salé. Du Chalard promit
que le Roi paierait leur rançon fixée à 1 85 102 livres avant le
3o avril 1636°, et. sur sa demande, Gaspard de Rastin consentit
à se porter caution de ces captifs « en cas qu'ils se sauveroient ou
qu'ils mourroient. Moyennant quoy, les Mores hosterent les chesnes
ausdits captifs elles laissèrent en liberté dans leur ville, Iravaillans
neantnioings au bénéfice do leurs patrons" ».
La date du 3o avril 1 636 passa, sans que la rançon vînt de France,
et Louis XIII dut demander au Divan de Salé, qui y consentit,
de prorogera la fin de Tannée i636 l'échéance de cette obligation".
1 . V. los notices sur André Prat(p. xciii) Chalard lui avait écritos en rade de Salé et
cl Pierre Mazet (p. lxxix). des obligations signées par lui-même. V.
2. Il avait vraisemblablement été nom- Ibidem.
me par simple acte notarié, comme le fut 4. V. Ibidem, p. .58g.
plus tard Pierre Citrani « commis pour 5. V. injra, p. oog, Mémoire de P. Du
\ice-consiil aux parties de Salle » par Henry Chalard.
Prat, pour trois ans le g mars lOSo. V'. 6. \ . Ibidem ci ]i . hZ^i , Relation de J ean
infra, .Notice sur Citrani, p. c, n. 6. Cf. Marges. Sur cette réserve qui figurait dans
aussi p. xcvii, n. i. tous les contrats de rachats de captifs, V.
3. « A sa prière et réquisition », V. infra. Introd. crit. Les ordres rédempteurs
infra, p. 5g i. Lettre de Gaspard de Rastin et les captifs chrétiens au Maroc, p. 56 1 et
n Richelieu, i6 juillet i63g. — Rastin avait note 3.
joint a sa lettre copie des lettres que Du -j. Les lettres du Roi aux gouverneurs de
XC INTRODUCTION"
Des évasions se produisirent parmi les captifs français pendant ces
délais et eurent une fâcheuse répercussion sur la situation de leur
répondant Gaspard de Rastin. Enfin des prises faites par les
navires français sur les Salétins achevèrent d'irriter le peuple et le
portèrent « à se soubslever contre ledit consul qu'ils vouloient pour
lors emprisonner, et lui prindrent tout ce qu'il avoit de marchan-
dises, et, moyennant ce, ledit gouverneur [Abdallah ben Ali el-
Caceri] appaisa le peuple'». Dans sa détresse, il s'adressa, par
l'intermédiaire de Jean Marges, à Louis XIII et à Richelieu, les
priant d'avoir pitié et compassion de lui et de le libérer de ses
engagements".
Ses obligations en effet ne cessaient de s'accroître, car. tous les
jours, il fuyait ou mourait des captifs ; elles s'élevaient de ce chef
en 1689 à la somme de 3 287 ducals, non compris les 5 5o3 repré-
sentant la rançon des quarante captifs emmenés par Du Chalard.
«Il n'est pas raisonnable, écrivaitl'infortunc vice-consul à Richelieu,
qu'ayant donné liberté par l'obligation que je passay solidairement
avec ledict s' Du Chalard à quarante François captifs..., je perde
la mienne ^ »
Le temps s'écoulant sans qu'il fût donné satisfaction au Divan,
la position de Gaspard de Rastin à Salé devint de plus en plus
critique et, en butte à des vexations continuelles, «voyant que
la Cour ne faisoit que luy donner de vaines espérances, il mourut
de déplaisir en l'année ifi^S*».
Jean Marges. — Natif de Marseille. Jean Marges appartenait à
une famille de chirurgiens" et avait fait des "études en vue d'exercer
Salé et à Gaspard de Rastin furent appor- /). Cf. 2' Série. France, Mémoire de
tées à Sale par une barque que Claude Henry Prat. 8 juin 1669.
Luguct, commissaire général de la marine, 5. Sur son lieu de naissance et sa pro-
y envoya. Cf. 2' Série, France, Mémoire fcssion, V. iiifra la supplique à Louis XIII
de Henry Prat. à la date du 8 juin i66y ; qui termine sa relation p. 54i). On trouve
infra. p. 587, Relation de Jean Marges. en i634 un Georges Marges et en iBSg un
1. V. Ibidem, p. .538. François Marges qualifiés « chirurgiens
2. V. Ibidem. des hospitaux ». Archives Communales de
3. V. infra. pp. hHi-bt^i, Lettre de Cas- Marseille, iG3i, f. igg v" et i63t). f.
pard de riastin à riielicHcn, 16 juillet 1639. lo.'! 0".
INTROniTTION XCI
cptte profession. Il n'avait pas encore obtenu ses lettres de maîtrise',
quand il fut emmené au Maroc par Du Chalard. lors de son voyage
de i635. Du Chalard repartit pour la France au commencement de
novembre i635", ramenant 3o/i captifs rachetés, mais laissant à
Salé 333 autres prisonniers qu'il n'avait pu libérer, faute de fonds.
A son départ il ci donna ordre audit Marges de subvenir aux néces-
sités de maladie ausdits captifs' ». La rançon de ces derniers devait
être payée avant le dernier avril i(")3t), mais, à la demande du roi
de France, ce délai fut prolongé jusqu'à la fin de celte même année
i63(). A cette date, l'argent ne fut pas envoyé.
Le séjour de Jean Marges à Salé fut donc de plus longue durée
qu il ne l'avait pensé. Il donna ses soins non seulement aux captifs
français, mais aussi aux Salétins. qui curent recours à lui, a pour ce
(pi'ils en avoient besoing pour panser leurs blessés ». Salé fut en
cfl'et pendant la première moitié de l'année 1637 en pleine révo-
lution. Jean Marges, témoin des événements troublés qui se dérou-
lèrent dans cette république de pirates *. en a laissé une relation
intéressante.
Cependant les bonnes relations entre la France et Salé s'altérèrent
à la suite des retards successifs apportés au payement de la rançon
des captifs. L'évasion de vingt-cinq d'entre eux et la capture par
les vaisseaux français de quelques navires salétins achevèrent d'irriter
la population contre le vice-consul Rastin et Jean Marges. Ils furent
néanmoins assez bien traités, tant que Abdallah ben Ali el-Caceri
resta à la tète du Divan. Il n'en fut plus de même, lorsque ce dernier
fut déposé, et Marges dut chercher une occasion « pour eschapper
le danger de demeurer captif ». Moyennant une somme de cent
ducats qu'il donna aux membres du Divan, il obtint l'autorisation
de s'embarquer, et prit passage, le 6 juillet 1637, à bord d'un navire
marchand anglais qui était mouillé devant Salé. Le navire dut quitter
1. V. infra, p. .T^g. ce dernier fut donc conclue vers le 3i
2. La date du départ do Du Chalard de octobre l(i35.
Salé est fournie par le fait que le délai de 3. V. infra, pp. 536-5^9, Relation Se
six mois pour le payement de la rançon des Jean Marrjes.
334 captifs laissés h Salé expirait le 3o 4- Sur ces événements, outre la Relation
avril i636 (V. infra. p. Sog, Mémoire de do Jean Marges déjà citée, V. infra. Intro-
P. Du Ciuûard). La convention passée à duction critique, Les Moriseos à Sale et
ce sujet entre les gouverneurs de Salé et Sidi el-Ayachi, pp. igO-ig^.
XCII INTRODUCTION
Salé à la fin de juillet, se rendant à Sainte-Croix (Agadir) pour y
faire sa traite. Marges profita de cette relâche pour aller visiter le
marabout Sidi Ali, qui exerçait alors dans le Sous elle Di'aa un pou-
voir royal'. Le marabout le reçut courtoisement et lui témoigna
désirer l'amitié du roi de France, le priant de faire entendre à
Louis XIII que « ses subjets pouvoient avec toutle asseurance venir
traiter en ses terres ».
Le i5 août i63~, le navire anglais quitta Sainte-Croix et arriva
le 2(5 à Funchal (île de Madère). Le gouverneur espagnol ayant fait
procéder à la visite, Marges» lequel, pourn'estre descouvert, avoit
pris l'habit d'un matelot » fut reconnu comme Français et arrêté un
peu arbitrairement", car on se contenta de lui déclarer que « puis-
qu'il avoit esté esclave en Barbarie, il le pouvoit bien estre autre
fois à Madère ». On lui avait enlevé préalablement « trois cens de
plumes d'austruche fines à luy apartenans n. Sur le conseil de quel-
ques marchands, « il se feignit pauvre et nécessiteux ». et au bout
de deux mois, le i5 octobre 1687, on le relâcha, voyant qu'il n'y
avait pas de rançon à espérer de lui. Il s'embarqua le même jour sur
un autre navire anglais qui l'amena à Londres. Pendant son séjour
dans cette ville, il fut témoin de la réception de l'ambassadeur
marocain Djouder ben Abdallah ^
Revenu en France ', Jean Marges adressa au roi un rapport sur
son voyage. Il donnait son avis sur la politique à suivre au Maroc et
les moyens à employer pour retirer de Salé le vice-consul Rastin
ainsi que les prisonniers français. Puis, exposant les services qu'il
avait rendus aux captifs pendant son séjour à Salé, « où il a employé
tant en leur nourriture que médicamcns, outre ses soings, presque
tout son bien », la prison qu'il avait subie à Madère et les pertes
qu il y avait faites, les dépenses que lui occasionnerait son retour
à Marseille, il terminait par cette supplique : « Il plaise à Sadite
Majesté luy octroyer lettres de mestrise pour pouvoir praticquer sa
1. Sur ce marabout, V. infrn. p. 578, 4. Xous ne pouvons fixer exactement la
note 3. date du retour en France de Jean Marges,
2. La guerre existait entre la France et mais il eut lieu certainement après le i5
l'Espagne depuis le ig mai 1635. novembre 1687, date de la réception de
3. Sur cette réception, V. z"' Série, l'ambassadeur marocain par le roi d'.\nglc-
Angleterre, novembre iG3-. terre. V. infra, p. 546 et note 4-
INTRODUCTION XCIII
vacation de chirurgien dans ladite ville de Marseille, lien de sa nais-
sance, sans eslre subjet à passer par les formes ordinaires qui se
observent en ladite ville, qui se ibiit avec de grandz fraix, lesquels
il ne pourroit supporter pour avoir tout consommé audit voyage ' ».
André Ph.vt. — On a vu avec quelle liùte Boulliillier, secrétaire
d'Etat aux AITaires Etrangt'res, avait donné, le 3o novembre iGay,
à André Prat, négociant marseillais, la « piovision du consulat pour
la nation Françoise au pais de Toutouan et ville de Salle" », et le
conilit qui en était résulté avec Pierre Mazet. que Razilly. muni des
pouvoirs du Roi et du cardinal de Hiihelicu, avait noninic à ce même
olTice. le 3 septembre i63o '. André Prat ne chercha pas d'ailleurs
à rejoindre son poste : il resta à Marseille, se contentant de percevoir
les dioits de consul au départ des navires de ce port, ce qui amena
les protestations de Pierre Mazet'. Ce l'ut seulement en i634 ou
i635, après l'arrestation à Marrakech de son concurrent, qu'il se
décida à envoyer à Salé pour exercer sa charge le vice-consul
Gaspard de Rastin. On connaît les tribulations par lesquelles passa
ce malheureux agent, pour avoir servi de caution aux captifs
laissés à Salé par Du Chalard, et les vexations qu'il eut à endurer
par représailles des Salétins pour leurs navires capturés par les
Français.
A la mort de Fiastin, survenue en iG/)3, la situation des Français
à Salé était mauvaise ; les Salétins reprochaient à la cour de France
de n'avoir pas rempli les engagements contractés par Du Chalard
pour le rachat des captifs, et le commerce était interrompu par des
actes récipro(|ucs d'hostilité. André Prat jugea nécessaire d'aller
lui-même au Maroc pour arranger les choses, et il s'y rendit en
1643 avec son fils Henri".
Salé était depuis i6/|i sous l'autorité du marabout de Dila
1. \ . infra, p. 5'ig, Relation de Jean |3 et 22 octobre, du i5 décembre i63o, et
Marges. du 10 février i63l, infra. pp. 875-876.
2. V. les provisions d'.Viidré Prat, ùi/ra, 5. Cf. 2' Série, France, Mémoire Je
p. 278. Henri Prat à la date du 8 juin i6(5g. Dans
3. V. la commission de consul pour ce mémoire Henri Prat se met seul en scène
Pierre Mazet, infra, pp. 818-819. et passe sous silence le r61c joué par son
!t. V. extrait de lettres de P. Ma^ct des pire.
XCIV INTRODUCTION
Mohammed el-Hadj ' (le Ben Boucar des relations contemporaines).
André Pral sut le gagner par des présents habilement placés ; il lui
fil comprendre combien il serait préférable pour les Salétins de
renoncer à des engagements remontant à près de dix ans et de renouer
des relations commerciales avec la France. « On déchira, écrit son
fils, toutes les promesses et on n'a pas depuis ouï parler de celte
affaire );. Deux arrangements vinrent sanctionner les résultats obte-
nus. En 1645 A. Pral passa un traité avec les gouverneurs de la ville et
château de Salé u pour restablissemenl du négoce de France et des
villes de Salé et Tetouan ». Enfin le 11 mars i6/i6 fut signé un
« traitlé et capitulation laite entre lesdits gouverneurs et adminis-
trateurs pour le sieur Sidi Mahamé & Lach Bembourquer et ledit
André Prat pour le trafic en ladite ville de Salé" ».
Bien que ces accords eussent été conclus par le consul sans mandat
officiel et à titre personnel, ils suffirent néanmoins à ramener le
calme à Salé. « Depuis, écrit Henri Prat, les François et autres
negocians et traflîcandz soubz la bannière du Roy y sont allés jus-
ques à présent avec toute la liberté, sans y avoir eu jamais aucune
advanie à leurs biens nv religion' ».
André Prat rentra en France en 16^8 ' et se démit volontairement
de sa charge en faveur de son fils Henri, qui, par lettres patentes
du 20 octobre 16^8, fut nommé consul à Salé et Tétouan.
François de Boyer, sieur de Bandol. — L'habitude de considérer
les consulats comme une propriété personnelle dont on pouvait délé-
guer les fonctions à un vice-consul, tout en gardant pour soi la plus
1. Sur ce personnage cl Sun rôle à Salé, 3. V. 2= Série. France, Mémoire de
\. infru. pp. 58o-ô83, Introducliun criti- Henri Prat, 8 juin 16G9.
ipie, La zaouïa de DUa et la chute de la !\. La présence de André Prat à Salé à la
dynastie saadicnne. fin de l'année 1647 ^^^ constatée par des
2. Ces renseignements sur les traités de documents oITiciels. C'est lui qui fut chargé
1645 et 16/16 sont fournis par un arrêt du de régler avec le gouverneur de Salé l'af-
Conseil du 25 mai i66i. V. Arch. Nat. faire de la saïtie génoise qui apportait les
Marine A' VI. — Henri Prat, dans son mé- marbres destinés aux mausolées de Louis
moire de 1669 précédemment cité, s'attri- XIII et de Richelieu et qui avait été captu-
buant le rôle de négociateur dans ces traités, rée par les Salétins. V. infra. lettre de A.
écrit: « Je fis ceste négociation avec les Prat à Lanier du 11 décembre 16^7, Doc.
gouverneurs du pays en forme de capitu- CXVII, p. 687. Cf. auisi Icttresde Lanier à
lations et dont les articles seroient Irop A/a^arm des 23 octobre et 3o décembre 1 645
longs à déduire ». Doc. C-MV, p. 635 etCXVIIl, p. 638.
INTRODUCTION XCV
grande partie des profils, cul pour consé([uence de l'aire nommer
parfois à ces offices des enfants en bas âge ' . C'est ainsi que Jules de
Boyer", sieur de Bandol, gentilhomme de la Chambre et capitaine-
lieutenant de la galère du cardinal Mazarin, obtint, en récompense
de ses services, la création en faveur de son iîls François de Bover,
âgé de douze ans au plus^, d'un office de « consul de la nation
françoise esdits lieux de Safiic, Mogador, Sainte-Croix [Agadir]
et la coste tirant du coté de midy à la coste de Feiz^ ». Les lettres
patentes furent signées le 29 mars ifi/17.
Le Maroc, à cette époque, échappait de plus en plus à la dynastie
saadienne °, et André Prat, titulaire du consulat de Salé et
Tétouan, se trouvait en fait accrédité auprès du puissant mara-
bout de Dila", Sidi Mohammed el-Hadj. La France n'avait aucun
agent pour protéger son commerce et sa navigation dans le
Maroc du sud, aussi bien dans les provinces relevant encore du
chérif Moulay Mohammed ech-Cheikh el-Aseghir, que dans le Sous,
où dominait le marabout Sidi Ali ben Mohammed ^ C'est sans
doute cet état politique du Maroc qui motiva la création du nouveau
consulat comprenant Safi, Mogador et Sainte-Croix, « quoyque le
consulat de Fez et de Maroc », ainsi que le remarque P. Ariste,
« eust toujours esté possédé par une mesme personne jusqu'ici' ».
Le nouveau poste n'eut qu'une durée éphémère, et François de
I . Alexandre Bernard do Loménie, lils
200,
diisccrélaircd'Élat, fut nomme IcSonovcm- 3. V. note ci-dessus. François do Bover,
bre i6'i7, à l'âge de sept ans au plus, au dont le père s'était marié en i634 avait au
consulat du Caire et d'.Vlexandrie. ^ . .\rcli plus douze ans en 16^7.
.\n'. Ktr., Turquie, Corresyond. pol., oui. 4- V. infru, p. 6i3, Provisions de consul
5, ff. 340 et 36o. pour François de Boyer.
2. Jules de Boyer, seigneur de Bendort .ï. V. Carte polilique du Maroc en 1660,
[sic\, S' .lulien, La I^cne, Cliasteau-.\rnoux l'I. \ , p. ()o8 et Introduction critique, La
et autres, capitaine au régiment de Cliapcs Zaouïa de Dila et la chute de la dynastie saa-
en iC'iO, l'un des iô gentilsliommes ordi- dienne, pp. 572-Ô83.
naires de la Chambre du Boy, capitaine t). V. Ibidem.
lieutenant de la galère du cardinal Mazarin 7. V. infra, p. Ô^S, note 3.
parbrevctdu Roy de l'an iG'iS. Il futsyndic 8. V. Traicté des consuU de la nation
de la noblesse, de laquelle charge il se démit française aux pays estrangers... par P.
en 1G6/). Il mourut l'an 1076 et avait épousé /l[r(s(e], conseiller du Iloy en ses conseilz,
en i634 Éléonor de Foresta. Cf. Bibt. Nat.. cy-devant principal commis de M. le comte
Cabinet des Titres, Dossiers bleus, ool. isp. de Brienne... jdOy.îiihl.ynl. .Ms.J'r. iSûy.'i
cote 3t66, et Carres d'ilozier, vol. isy, /" p. yS.
XCVI INTRODUCTION
Boycr ne tira pas grand revenu de son titre. « En conséquence de ce
tiltre», écrit le même au letn- en 1667, «il [François de Boyer] avoit
commis une personne pour aller faire cet establissement. IMaisjus-
ques à présent on n en a retiré aucune utilité, pour le peu de com-
munication et de commerce que nous avons avec les gens de
ce pays- là ' ».
François de Boyer ne persévéra pas dans la carrière consulaire.
Conseiller au parlement d'Aix de 1660 à iC>-b. il fut nommé en iG-5
président de la cour des comptes.
Henri Puât. — Il avait accompagné au Maroc en i6/i3 son père,
avec lequel il avait résidé quatre années à Salé. Revenu avec lui à Mar-
seille à la fin de 16^7 ou au commencement de iGAî^, il lui succéda
comme consul de Salé et de Tétouan. Ses lettres de provision,
datées du 20 octobre iG/|8, fuient enregistrées par le parlement de
Provence le 20 janvier i6^g ".
Les lettres de provision portaient qu'Henri Prat auiail à prêter
serment à M. de La Haye-Ventelet, ambassadeur à Conslantinople,
et à ses successeurs, qui devaient le mettre en possession de la dite
charge et le faire jouir des prérogatives y attachées. Le consulat de
Salé et de Tétouan était ainsi assimilé aux consulats du Levant et,
à ce titre, dépendait de l'ambassade de Constantlnople ^ Le nouveau
consul, aux termes de ses lettres patentes, était autorisé à « com-
mettre et subdeleguer pour vice-consul en son lieu et place ez dites
villes de Totoan et Salles, à tel personnage qu'il advisera. duquel il
nous demeurera responsable, auquel seront expédiées nos lettres
jjatentes de commission à cet effet ». Cette réserve avait été insérée
dans le but de réglementer la nomination des vice-consuls. Elle
ne l'ut d'ailleurs pas observée par Henri Prat, qui depuis i648 ne
retourna pas au Maroc et s'y lit représenter par des délégués nommés
1 . \ . Ibidem. expédier lettres du consulat pour la nation
2. V Arch. Nat., Marine, A' VI. Arrêt françoise à Marrok et à Fess et terres en
du Conseil du 35 mai iGGJj. deppendantcs avec les mesmcs droits des
3. En 1617 Harlay de Sancv, ambas- consulats du Levant.. » Il ofifrait quatre
sadeur de France à Constantlnople, avait mille francs de cptle charge V. infra.
fait des démarches en vue de se u faire Doc. III, p. 7.
INTHODUCTION XCVl
par simple acte notarié, alléguant que tel était l'usage dans le
Levant'.
C est ainsi que le 9 mars 1 65o. par devant Galiriel, notaire, Pierre
Cilrani, inarrliand de Marseille, lut nommé vice-consul « aux par-
ties de Tctouan et de Salle » pour la durée de trois années. Henri
Prat, n'avunl pas été satisfait de la manière dont Cilrani adminis-
trait les intérêts qu il lui avait confiés, le révoqua, paracte du 1 3 jan-
vier i6ô3, et, par un autre acte du même jour, nomma en son
lieu et place Antoine Julien-Parasol. Il en résulta un procès qui
ne se termina qu'en lOOo'.
Ce fut au cours de la gestion d'Henri Prat que les religieux
récollets tentèrent d'installer à Salle une chapelle consulaire, ainsi
qu ils l'avaient fait dans les consulats du Levant pour le service des
chrétiens \ Le consul, âpre au gain, refusa de faire les frais de leur
entretien et de la construction d'une chapelle. Sur la plainte des
marchands et des esclaves, Louis XHI, par lettre du 28 janvier 1662,
lui ordonna (i de donner à deux desd. religieux recolectz, mission-
naires, un lieu propre et commode pour faire leurs fonctions spiri-
tuelles comme chappelains de Salé et de Toutouan », et de leur
fournir « les choses qui seront necessaires^pour leur entretien jusques
à la somme de quatre cens livres ». Le P. Félix Chevalier et son
compagnon étaient porteurs du présent ordre « auquel Sa Majesté
enjoinct très-expressément à son consul de se conformer, sous peine
de perdre sa charge ' ». Henri Prat dut s'exécuter; une chapelle fut
construite dans le logis du vice-consul Parasol ; elle était terminée
en i65^ ', et le culte catholique y était célébré régulièrement.
I. V. dans l'arrèl du Conseil du a5 mai celles que les titulaires des consulats leur
1O64 (.\rcli. .\at. il/arine A' Ki) une altes- délivriiil originairement par main de
talion du li février i664, signée, entre notaire, ils prennent y<osscssion dos con-
autres. par les consuls de Saïda, d'.Vlep, de sulats sans authorlté ni formalité de justice,
Négrcpont, de Smyrne et autres, qui rosi- et sans prendre aucun acte de ladite instal-
daient à Marseille, et non sur les lieux, lation ».
portant que « les consuls qui exercent les 2. Sur les rapports de Prat avec Citrani,
consulats et vice-consuls ne font aucune V. infra. p. c, la notice de ce dernier,
procédure par escrit touchant ladite instal- 3. V. infra, p. 6/46, note 2.
lation, mais sculem-nt, après avoir les con- 4. V. infra, p. 645, Ordre de Loui:> XIV
suis en tiltre monstre les provisions qu'ils ù Henri Pral.
avoient do Sa Majcslr, ou les vice-consuls 5. V. infra, p. 640, noie 3.
De Castkiks. III. — 'j
INTRODUCTION
En dehors de cette affaire, le consulat de Henii Pial fut marqué
par de longs démêlés avec les marchands français pour les con-
traindre à acquitter le droit de 2 pour cent sur la valeur des marchan-
dises '. Il semble que le consul soit arrivé à ses fins avec les négo-
ciants de Marseille ; il avait là au moins la possibilité de jjercevoir
les droits au départ des navires. Avec les trafiquants de La Rochelle,
il éprouva au contraire de grandes difficultés et dut finalement
(20 février 16C0) poursuivre les délinquants devant le conseil du
Roi. Cette cour rendit son arrêt à Paris le 26 mai 1664. Les défen-
deurs étaient condamnés à payer au demandeur « tous les droits du
consulat de Toutouan et Salle pour les marchandises qu'ils ont
déchargées et chargées aux ports desdils lieux, à raison de deux
pour cent du prix d'icelles et continuer à l'advenir sur le même
pied... » '.
Henri Prat, toujours résidant à Marseille, continua de faire rem-
plir sa charge par des vice-consuls. On trouve successivement
Antoine Julien-ParasoP (i653-?), François Julien (.î>-i669),
Antoine Reymond (1669-1679) et Pierre Gautier (1679-1680)
« homme pauvre » qui avait été serviteur du précédent.
Pour ce qui est de Tétouan, il est difficile de préciser à partir
de quelle époque il y eut dans ce port un vice-consul spécial. On
trouve à ce sujet dans un mémoire du temps la mention suivante ;
« Le consulat de Tetuan en Afrique, que l'on dit appartenir au
s' Prat, de Marseille, a esté régi plusieurs années par les vice-con-
suls et commissionnaires qu'il y a establis * ». Le premier agent que
nous connaissions dans ce port est un nommé Cheillan, dont la
I. Ce droit do 2 pour 100 était perçu toutes les marcliandises qui sortent dudit
depuis un temps immémorial, mais il !'")'* »■
n'était fixé par aucune ordonnance. Il se 2. V. Arch. Nat., Marine. A' VI.
prouvait par attestation. On en trouvera 3. V. m_/ra, p. en, la notice sur Antoine
une citée dans l'arrêt du conseil du aS mai Julien-Parasol. — Pour les autres vice-
1664 (Arch. Nat., Marine. A' VI) où «plu- consuls, leur biographie sera donnée dans
sieurs capitaines, escrivains do vaisseau et le dernier volume de la 3" Série, France,
marchands françois qui auroient trafiqué avec un degré d'e.\actitude qui ne saurait
en Levant » certifient « comme de tout être atteint en l'état actuel de nos connais-
temps la coustume a esté de payer aux con- sances.
suis establis par Sa Majesté aux eschelles /j. V. 2" Série. France, Mémoire sur te
de Levant le droit de deux pour cent de consulat de Tétouan.
INTRODUCTION \CA\
présence est constatée à Tétouan le 6 juin iG5i ', sans que l'on
puisse préciser si à cette date il perlait le titre de vice-consul.
Cheillan eul pour successeur son fils Antoine Cheillan « qui, en
l'an iGGO, renia la Iby catholique pour se faire maure '». Le poste
étant devenu ainsi vacant. Henri Prat y envoya pour vice-consul
un s' Semion « homme qui ne sçait ni lire ni escrire, qui ne fait
à Tetouan que foit peu de séjour et lequel n'a aucune qualité propre
pour faire celte fonction^ ».
Les délégués de Henri Prat, à Salé comme à Tétouan, n'étaient
plus, ainsi (ju'on le voit, à hauteur de leur situation : le titulaire
de ce double consulat ne l'avait lui-même jamais été. Henri Prat ne
voyait dans son office qu'une source de revenus qu'il exploitait de
Marseille, au mieux de ses intérêts, ne rendant aucun service aux
marchands qu'il pressurait et ne correspondant même pas avec le
ministre '. L'arrivée de Colbert au pouvoir changea cette situation.
Prat dut adresser, le 8 juin 1669, un rapport sur son administra-
tion \ Les commerçants de Marseille firent entendre leurs légitimes
plaintes. Le 28 mars 1672. le c(jnseil d'Etat saisi rendit l'arrêt sui-
vant : « Le Roy étant informé que Henry Prat, hahitant de la ville
de Marseille, propriétaire du consulat de la nation française à Salé
et Tetouan. veut obliger les marchands et patrons de barques qui
trafiquent à la côte de Barbarie de lui payer en la ville de Marseille
le dioit de deux pour cent attribué audit consulat, quoi qu il ne
fasse aucune résidence sur les lieux, ny ne les serve en rien de son
ministère, même, sur les contestations qui surviennent pour raison
de ce, il les veut obliger de procéder au Conseil, ce qui les con-
somme en frais, et d'ailleurs l'intention de Sa Majesté étant que les
propriétaires des consulats exercent eux-mêmes en personne sur les
lieux; a quoy étant nécessaire de pourvoir. Sa Majesté, étant en son
conseil, a fait expresse deflense audit Prat de faire la levée dudit
1. Il est mnitionrifilans l'ariiU lin l'aile- \c consulat de Salé et Tétouan était dans
naent de Provenco du 3o juin 1G60, i,'ntrf; la famille des Prat et, pendant ce laps de
Citrani et Prat. V. infra la iiutice de Citrani. temps, on ne trouve aucune lettre adressée
2. V. a» Série, France, Mémoire sur le par ces agents au secrétaire d'Etat.
consulat de Tétouan. 5. V. 2' Série, France, t. I, Lettre Je
3. V. Ibidem. Henri Prat à Colbert. 8 juin 1669, et le
4- Il y avait en lOGy quarante ans que Mémoire qui )■ est joint.
C INTRODUCTION
didil de deux pour cent en la ville de Marseille, sur les marchands
el patrons qui trafiquent dans ledit consulat de Salé et Tetouan. ny
de faire aucunes poursuites contre eux audit conseil...' ».
En même temps Henri Prat reçut de Colbert l'ordre « de le tenir
averti de tout se quy se passe de considérable audict pays ». Le
consul accusa réception de cette dépêche le 24 mai 1672 ", mais il
ne se conforma pas plus que par le passé à cette prescription:
il n'écrivit pas davantage au ministre et continua de résider à
Marseille, dont il fut même échevin en 1676 et 1677 ^ Ces abus ne
devaient prendre fin qu'en 1682. Pierre Gautier ayant été expulsé
de Salé par les autorités du pays en 1680, y fut rétabli la même
année comme consul parle chef d'escadre Château-Renaud, et s'y
maintint malgré Henri Prat. Colbert fil alors défense à ce dernier
d'envoyer un vice-consul à Salé ; puis, sans même le révoquer, il
profita de l'ambassade de M'' de S' Amand ' ( 1 682) pour le remplacer
en iG83, à la fois à Tétouan et à Salé '. Henri Pral se trouva ainsi
dépossédé en fait du double consulat dont il touchait les revenus
depuis près de trente-cinq ans.
Pierre Citram. — Il est qualifié « cscuier de la ville de
Marseille^ ». Henri Prat, consul en titre de Salé et de Tétouan,
l'ayant choisi pour le représenter comme vice-consul dans ces deux
1. V. 2" Série. France, t. I, Arrêt du lOSS, le s' Jean Pprillier de Marseille fut
conseil d'État, a3 mars 1672. nommé « consul de la nation françoise à
2. V. 2» Série. France, t. I, Lettre de Salé et Tétouan en Barbarie » pour une
Henri Prat à Colbert, 24 mai 107a . durée de trois années à courir du i^"' février
3. Cf. Arch.desAff. Èlr ., Correspondance i684. V. 2" Série, France, t. I, à la date du
consulaire. Chambre de commerce de Mar- i''' avril i683.
scille. Vol. I, [f. m, iig, deux lettres de 0. Les renseignements sur Pierre Citrani
1676 et/o /a/î une lettre de 1677,011 Henri sont tirés de l'arrêt du Parlement d'Aix
Prat signe en qualité d'échevin de Mar- du 3o juin 1660, entre Citrani et Prat
seille. (Arch. départ, des Bouches-duRhônc,
4. V. 2' Série, France, les lettres de S' section d'Aix. Série B, Parlement, Registre
Amand à Colbert et à Scignclay (juin 1683- des arrêts à la barre du 23 mai au 3o juin
juin i684). /6'Co). et aussi de l'arrêt du 18 janvier i653
5. Ce fut un s'' Boyer que S' Amand ins- de la même Cour, enjoignant aux marcbands
talla provisoirement comme consul à Te- français de ne reconnaître pour vice-consul
touan, pendant son séjour dans cette ville à Salé et Tétouan que le s'' Antoine Julien-
(2 octobre-i I novembre 1682). En6n Parassol (Ibidem, Registre des arrêts à la
par lettres de provision datées du i'-' avril barre de janvier- février i653).
INTRODUCTION CI
villes, le nomma à ces fonctions pour une durée de trois années,
parade notarié du g mars i65o, Citrani, conjointement à sa mission,
acceptait de gérer les intérêts des Prat au Maroc.
Il arriva à Salé le "juin i65o'. Ses débuts furent difficiles : les
Salélins ayant refusé de le reconnaître, 11 fut obligé de présenter
une requête au gouverneur de la place pour être admis en qualité
de vice-consul. Ce ne fut que le G juin i65i qu'une ordonnance fit
cesser sa fausse situation. Pendant cette année d'attente, Citrani ne
fut pas autorisé à débarquer les marchandises dont il avait accepté
la charge. Ses instructions portaient bien qu'au cas où il rencon-
trerait des difficultés à Salé, il devrait aller vendre son fret à Safi
ou à Sainte-Croix, mais il ne fut probablement pas libre de ses
actions.
A Marseille, Prat et ses associés, s'étonnantdu retard apporté à
leurs opérations commerciales, dépêchèrent à Salé le 17 février
i65i André Prat, frère d'Henri, avec une procuration pour aller
recouvrer les fonds. Une partie de marchandises put être vendue,
l'autre dut être renvoyée en France et, somme toute, l'affaire ne
rapporta aux intéressés qu'un fort médiocre bénéfice. André Prat
donna quittance à Citrani le 17 juin i65i. Le vice-consul se contenta
par la suite de percevoir purement et simplement les droits de con-
sulat, qu'il rcmitle 3o août et le i5 novembre i652, aux mandataires
envoyés à Salé par Henri Prat. Telle n'était pas la manière dont
celui-ci entendait que ses intérêts fussent gérés : Citrani devait
d'apiès lui employer « sur les lieux lesdits droits de consulat et
autres profBts en achept de merchandises ».
C'est pourquoi Henri Prat. par acte notarié du 1 3 janvier i653,
révoqua « la commission de la charge de vice-consul aux parties
de Toutouan et Salles » qu'il avait donnée à Citrani le 9 mars i65o.
En même temps il fit choix pour remplacer ce dernier du s' Antoine
Julien-Parasol. Une commission notariée lui fut délivrée et le
28 janvier i6ô3 le Parlement d'Aix rendit un arrêt enjoignant aux
marchands français de ne payer les droits de consulat qu'au susdit
Parasol et non à un autre.
I. Il ne semble pas qu'entre la date du date île l'arrivée de Citrani (7 juin i65o),
retour des Prat. père et fils, à Marseille il y ait eu à Salé un agent français ayant
(fin i6'47 ou commencement i648) et la le titre de vice-consuJ.
cil INTRODUCTION'
Ce fut Parasol lui-même qui à Salé, le 26 février i653, signifia
à Pierre Citrani son acte de révocation. Citrani résista et continua
à percevoir les droits, prétendant que Prat l'avait commissionné
pour trois années, lesquelles n'expiraient, d'après lui. que le 7
mai i653. Il fallut une « ordonnance du gouverneur et officierie de
la ville de Salles », datée du 27 avril i(i53, pour contraindre Citrani
à renoncer à sa prétention. Rentré en France, il cita Henri Prat
devant la cour du parlement d Aix (26 juin i653), l'affaire dura
sept ans et, par arrêt du 3o juin 1660, Citrani fut débouté.
Entre temps, l'ancien vice-consul retourna à Salé pour faire du
commerce. Ayant refusé d'acquitter les droits, il reçut le 1 1 novem-
bre iCo4 une sommation de Parasol et fut compris par la suite dans
l'action intentée par Henri Prat à tous les marcbands coupables de
cette contravention. On a vu que cette affaire se termina le 25 mai
1664 par la condamnation des délinquants.
Antoine Julien-Par.^^sol '. — Ce Marseillais avait fait en 1603
un voyage à Salé pour recouvrer les fonds provenant de la gestion
de Pierre Citrani, vice-consul à Salé et à Tétouan pour Henri Prat,
en même temps qu'agent commercial de ce dernier. A son retour
à Marseille, il fut choisi par Henri Prat pour remplacer Citrani
révoqué de ses fonctions, et arriva à Salé au commencement de i653.
L'exercice de sa charge fut surtout marqué par la construction
à Salé dune chapelle consulaire à l'usage des religieux récollets, au
sujet de laquelle Louis XIV avait adressé à Henri Prat les instruc-
tions les plus formelles.
Comme il fallait s'y attendre. Parasol eut des difficultés avec les
marchands français au sujet de l'acquittement des droits de consulat,
et sa principale occupation fut de signifier des sommations aux
récalcitrants. Il était encore en fonctions en ififii.
Lambert. — Pendant la guerre de la France avec l'Espagne
(1635-1659), plusieurs capitaines français de navires marchands,
voulant éviter la côte espagnole, allèrent relâcher sur le littoral du
I. Cf. Arcti. dép.tlcsBouclics-du-Khùne, arrêt du iS janvier i653 et /6idem, /Vcjts/rr
Section d'.\iï. Série B, Parlement, Registre des arrêts à la barre (a3 mai-3o juin 1660)
des arrêts à la barre (janvier-février i653), arrêt du 3o juin iGtiu.
INTRODUCTION nill
Itif, au lieu dit El-Mezemma. entre le Peîïon de Vêlez et Melilla. Ce
mouillage, situé dans la Mersat el-Moudjahadin (la Baie des Com-
battants pour la foi), fut reconnu très favorable a un établissement
commercial. Il était abrité par des îlots rocheux" que nos mar-
chands et nos marins appelèrent les îlots d'Albouzèmes. par une
corruption du mot El-Mezemma. Le cardinal Mazarin '. informé de ce
fait, conçut le projet de faire occuper ces îlots ainsi que ceux des
Zaiïarines (ChilTalines) par quelque compagnie de marchands : il
proposa même de mettre cent mille livres « du sien » à ces futurs
établissements, pour les rendre utiles au commerce de France.
On était entré en pourparlers avec le chef du pays, le cheikh Arass',
qui avait manifesté des dispositions bienveillantes. Dans ces condi-
tions, Mazarin fît nommer par anticipation, en i655 ou 1607', un
sieur Lambert, consul des îles d'Albouzèmes, « pour en exercer la
charge, après que les négociants y auront commencé des établisse-
mens ».
Le désir de Mazarin de voir une Compagnie fonder sur la côte
du Rif une exploitation analogue à celle du Bastion de France ne
fut pas réalisé de son vivant, et loffice de consul créé pour le
s' Lambert resta sans objet. Nos navires de commerce continuèrent
de fréquenter cette côte, traitant avec les indigènes quelques affaires
de cire. Ce ne fut que dix ou douze années après cette tentative
qu'une compagnie appelée « Compagnie des Albouzèmes » sollicita
et obtint par lettres patentes d'octobre i665 de faire le commerce à
« Albouzème et lieux en dépendants' ».
I. V. 2' Série, France, Mémoire de P. !i. V. l'indicatiuii du territoire dépendant
/l[r!s(e], à la date 1667. du ce cheikh infra, PI. V, Carte pnlilique
■X. Le plus important de ces îlots, sur du Maroc en 1660, p. 608.
lequel les Espagnols ont construit le pré- 5. P. Ariste, dans son mémoire (op. «(.),
side d'Alhucemas, est appelé par les indi- s'exprime ainsi : « Un nommé, le sieur
gènes Hadjerat en-^iekour. On sait que Lambert fut pourveu, il y a dix ou douze
l'oued on-Nekour vient se jeter dans la ans... ». Or il rédigea son Mémoire en
Mersat cl-Moudjahadin. 1667, ce qui reporte à i65.S ou 1657 ce
3. Sur ce premier essai d'établissement premier essai de consulat à Albouzème.
aux îlots d'.\lbouzèmc, V. 2' .Série, France, fi. V. 2' Série, France, Lettres patentes-
Mémoire du chevalier de Clercitlc, janvier pour la Compagnie des Albouzèmes, octobre
1662. i665.
INDEX ALPHABETIQUE
DES AGENTS ET VOYAGEURS FRANÇAIS AL MAROC
(i53o-i66o)
Pages_
Bandol (François de Boycr, sieur de) xciv
Bérard (Guillaume) vi
Boniface de Cabanes (Robert de) l
Boiiifaco (François de), voir La Alole.
Bordft (RobiTl) IV
Bourgaroiuic lxxxiii
Boycr (François de), voir Ban<lol.
Buade (Geoffroy de) ii
Cabanes, >"oir Boniface de Cabanes.
Cabiron (Antoine) lxxxvh
Cabrettn (Louis) ]v
Caslelane (Jean Philippe-) xxxiii
Citrani (Pierre) u
Guriol (Guillaume) xxxii
Damians (Guy) xiii
Du Cbalard (Priain-l'icrrc) i.\xiii
Du Mas (Claude) liv
Du Puy (Julien) lxxxiv
Fabre (Jacques) xlvui
Fornier (Georges) xxvii
Hubert (Etienne) xxii
Imbert (l'aul) lvui
Jancart (Jacques) xLviii
Julien-Parasol, voir Para>ul.
Lambert cji
l.,a Mole (François de Boniface, sieur de) LVil
Le Blunc (\ incent) x
CVI INDEX ALPtlABETIQUE
Le Gendre (les) ; lis
Le Gendre (Jean-Baptiste) lxiii
Le Gendre (Thomas) lix
Lisle (Arnoult de) xiii
Marges (Jean) xc
Marseilles (Robert de) xxix
Mazet (Pierre) lxxix
Mocquet (Jean) xxix
Molères (Vital de) lxsviii
Melon (Aymond de) i
Montfort (de) m
Parasol (Antoine Julien-) en
Philippe, voir Castelane.
Piton (Pierre de) i
Prat (André) xciii
Prat (Henri) xcvi
Prunav m
Rastin (Gaspard de) lxxxviii
Razilly (Isaac de) lxiv
Saint-Mandrier (Antoine de Salletle*. sieur de) xxxix
Sallettes, voir Saint-Mandrier.
Treillanlt (Pierre) xxi
\ erlia (François) ix
Voiture (Vincent) lxxxiv
LETTRE DE IIARLAV DE SANCY A UICHELIEU
LETTRE DE HARLW DE SANCY' A RICHELIEU
(extrait)
Arrivée des ambassadciirx de Moahty Zidàn à (Innslniilmitjilc. — Aperni
de t'étahlisseinenl de In dynastie saadiciuic. — Onijiitc de la redevance
de vassalité pavée par les chérifs marocains an Crand Seiijneiir. — Les
guerres civiles en ont interrompu le payement. — Mniday Zidàn propose
de se soumettre au trllmt pour se préserrer des entreprises d Alijcr. —
Son ambassadeur agit auprès de Soliman fie (Jatane pmir décider celui-
ci à briguer le gouvernement d'Alger. — Moulay Zidàn demande un
secours de galères pour l'aider à cha.tser les Espagnols des presidios. —
Le Grand Seigneur élude ces demandes.
Péra, a5 mars 1617.
Au dos, alla manu: Relation des afTaires du Levant envoyée par
M. de Sancy du xw' jour de mars 1617. — Rcspondu le xxvnf
may.
Depuis troys mois sont venus ioy dans un vaisseau de guerre
liollandois des ambassadeurs de la pari du roy de iMarrock", Mouley
I. Aililllr ilf' Ilarlay de Sancy, né en
l58i, mort le 30 novembre lO'iO, fnt
nommé ambassadeur en Turquie en ifiii.
Il s'y livra a de telles exactions qu'il fut
bàlonné par ordre du sultan, qui en fut
quitte avec des excuses dérisoires, car
Sancv se garda d'insister pour une répara-
tion plus compli'te, préférant que sa con-
duite fiM laissée dans l'ombre. Uemplacé en
iGiy par son parent Harlay de Césy, et
De Castries.
rnveini en France, il entra dans l'Oratoire;
il en sortit iMi i63l et fut nommé évcquc
de Saint-Malo.
3. Ces ambassadeurs, au nombre de
cinq, étaient arrivés par le navire « Don
Orangenboom » commandé par le capitaine
Quast. Partis de Safi leaS septembre 1616,
ils étaient arrivés à Constanlinople le itx
décembre. \. i" Série. Pays-Bas, t. II, p.
737 elt. 111, 2cSjuiu lij i- . Journal de Quast.
111. — 1
2 2 5 MARS 1617
Sidan : luii desquels ha esté expédié et renvoyé, il y ha quinze jours',
avec une lettre de la part du Grand Seigneur audict roy, de laquelle
je vous envoyé la copie' : mais, comme elle est en arabe et y ha icy
assez peu de personnes qui lentendent facilement, je ne l'ay encore
pu faire traduire. Je vous en envoyeray. Dieu aydant, la traduction
l'ordinaire prochain. Cependant je croy que vous naurez desag-
greable que je vous touche icy un mot de ce que j'ay pu apprendre
de ce royaume et de l'occasion qui ha mu ce roy barbare à envoyer
icy ses ambassadeurs.
Le royaume de Marok a commencé de nostre temps, et n'y ha
pas iiu'^"' ans qu'il estoit divisé en une infinité de petits royaumes.
Autant de meschantes villes, autant deroysy regnoyent: qui demeu-
roit à Safi, qui à Tedula, qui à Terudante, qui à Dara. qui à Tafi-
lete, qui à Fess, qui à Marok, qui estoit quasi toute destruite et
déserte pour les continuelles inondations descendantes du mont
Atlas qui n'en est qu'à demye journée. Deux frères nommez Mehe-
met^ et Achinet*, tous deux descendants de la race de Mahomet, et,
pour ce, dicts scherifs, s'esleverent en Dara. et, soubs nom de
sainteté, s'y emparèrent du gouvernement, et de là s'estendirent
jusques à Marrok qu'ils prirent et du depuis toutes les autres villes,
horsmis Fess et Safi. Après avoir faict la guerre à leurs voisins, ils
la feirent entr'eux ; Mehemet vainquit son frère et le tint en prison.
Lors attaqua et gaigna Fess, et les Portugais qui tenoient Safi le luy
abandonnèrent'; il mourut incontinent après\ Son fils aisné,
AbduUa ', luy succéda et régna dix-sept ans, laissant le royaume à
I. L'ambassade marocaine qui, d'aprt'S 3. Cette copie de la lettre du Grand
les instructions données par les Etats- Seigneur n'a pu être retrouvée.
Généraux (/'■'■ Série, Pays-Bas, t. II, p. 685), 3. Mohammed ec/i-C/iei/v/i. V. i''' Série,
nedevaitpasprolongersonséjouràConstan- France, t. I, PI. V, Tableau généalogique,
tinople au delà de trois semaines, s'y trou- note 2.
Taitencoreaucommencementdemarsi6i7, 4. Ahmed «(-.-larerf/. \. Ibidem, note i.
bien que les plénipotentiaires eussent reçu 5. La ville de Safi fut évacuée par les
depuis longtemps leurs lettres de congé; Portugais en décembre i54i. Cf. Luiz de
mais ils vaquaient à des affaires de com- Souza, p. 35i et 2''^ Série, France, t. I,
merce personnelles. Quast dut mettre à la pp. i3-i48, passim.
voile le 4 mars, n'ayant à bord que l'un des 6. Mohammed ech-CheikIi mourut le
ambassadeurs; les autres rejoignirent le 23 octobre 1507. V. El-Oufràni. p. 81.
navire le 9 à Gallipoli. V. /"■ Séné, Pays- 7. Moulay Abdallah, surnommé ^/-G/id-
Bas, t. III, 28 juin 1017, Journal de Quast. Ub bi Allah {ibo--i5-ïli).
LETTRE DE HABLAY DE SANCY A RICHELIEU O
son fils Mehemet'. père du prince de Marrok qui est en Espagne";
qui, deux ans après, ayant esté chassé, puis tué en la bataille du roy
de Porlugal\ Achmet', son oncle, frcredu susdict Abdulla, succéda,
qui est le père des roy s de maintenant". Or le susdict Abdulla,
sachant que un autre de ses frères '' estoit fuy de deçà vers le Grand
Seigneur, eut crainte qu'il n'en obtint secours, et pour ce envoya
icy un ambassadeur faire alliance avec le Grand Seigneur auquel il
se soubsmit de payer quelque tribut tous les ans.
Feu .Achmet en fit aultant et continua jusques à sa mort, à laquelle,
s'estant eslevées des guerres entre ses eiifans, ils ont discontinué
l'envoydudict tributjusquesà maintenant que Moulay Sidan reprend
les vieilles ères de ses pères, à ce induit par la crainte qu'il ha du
royaume d Alger, auquel il ha peur que ses subjects de Fess, désor-
mais lassez de tant de guerres, ayent recours et se vueillent soubs-
mettrc : en quel cas il ha donne ordre à ses ambassadeurs de pour-
suivre et obtenir de ce Seigneur un commandement au divan d'Alger
qu'ils ne se meuvent contre luy, et mesmc ha faict soliciter par
sondict ambassadeur Solyman de Catagne ' de poursuivre la ban-
nière d'Alger, luy promettant dix mille escus de pension tous les
ans pour luy aider à s'y mainlcnir, parce qu'il congnoit ledict
1. Moulay Mohammed, surnomme El-
Mesloukh (137^-1576). V. /'■« Série, France,
t. I, PI. V, Tableau généalogique.
2. Moulay ech-CIieikh. On se rappelle
quecechérifsc convertit au christianisme et
fut baptisé à l'Escurial le 3 novembre iriy.3.
Il f^st désigné par les historiens du temps
sous les noms de : Principe de Marruecos,
D. Felipe Xarife, Felipe de .Vfrica, etc.
Cf. /" Série. France, t. I, p. 53^, note i
et t. II, Doc. LXXXIII, p. îo.'! ; Pays-Bas,
l. I, p. /I2, note I.
3. La bataille de El-Ksar el-Kcbir
(4 août 1678). — Moulay Mohammed cl-
Mesloulih, dépossédé en 1.Î76 par son oncle
Moulay .\bdel-Malek(i576-i.")78), combat-
tait dans les rangs de l'arméi^ portugaise.
On sait f[ue ce dernier, omis par Ilarlay
de Sancy, fut le vainqueur de la journée
de El-Ksar et périt dans sa victoire. \ . /'''■
Série, France, t. I, Tableau généalogique.
noter).
4. Moulay \hmcd el-Mansour.
5. En 1617, date du document, il ne
restait plus, des enfants et héritiers de
Moulay .\hnied el-Mansour, que Moulay
Zidàn ; l'autorité de ce dernier ne s'étendait
pas jusqu'à Fez, qui obéissait plus ou moins à
Moulay Abdallah, fils de Moulay ech-
Cheikii.
6. Moulay Vbd el-Malek.
7. 11 faut entendre : Et mesme ha faict
soliciter Solyman de Catagne par sondict
ambassadeur... — Soliman de Catane [Soli-
man Katanieb] remplaça en 1617 Mustapha
Kouça, pacha d'Alger ; il ne resta lui-
même que quelques mois au pouvoir et
eut pour successeur Hussein ech-Cheikh,
pacha pour la seconde fois. V. Grammont,
Hisl. (l'Alijer. pp. i5i-i52 et Rousseau,
Chronologie des pachas d'Alger, dans Chro-
ni<iue lie la liéijeiice d'Alger, p. 206.
/
Solyman et espère service de luy et croit estreplus asseuré d'Alger,
luy y commendant ; mais il n'ha rien spécifié de ces choses en sa
lettre au Grand Seigneur, ains seulement l'ha requis de luy envoyer
quelques galères pour avec icelles, dict-il, se delTendre du roy
d'Espagne et essayer de reprendre les ports qu'il tient en sesEstats,
et pour la détention desquels, voire la nouvelle acquisition d'aulcun
d'eux', les Mores, ennemys dcsClircstiens, portent mauvaise volonté
à Seidan et à toute la race desdicts cherifs, comme non assez puis-
sants de les delTendre des Chrestiens. Mais sa demande est venue
hors de saison, car ce Seigneur ha sy peu de gens de marine qu'il
ne luy suffît pas pour luy-mesme ; aussy ne luy l'aict-il responce en
particulier que vaine et frivoUe : ny mesme ses amhassadeurs n'ont
pu induire Solyman de Catagne à demander la bannière d'Alger,
pour ce qu'elle est tiop chère et craint de se hasarder à ceste
despence, puis qu'on l'oste de ceste charge dans peu de mois après.
Le vieil Mouley i\bdula, dont je vous ay parlé cy-dessus, tenoit
quelques galères et ont esté tenues encore du temps de Mouley
Mehemet, père du prince de Marrok, et faisoyent grandes prises en
la coste d'Espagne. Il n'y en ha point esté tenu du depuis jusques
à maintenant.
Et me tenez, s'il vous plaist, en voslre bonne grâce et pour estre,
Monsieur, vostre très-hurnble et très-affectionné serviteur.
Signé : A. de Harlay.
De Pera, ce 25 mars 1617.
Bibliothècjue Nationale. — Fonds français. — Ms. lHl'iS, [f. 72 v"-
73^. — Original.
1. Allusion à l'occupation par les Espa- och-Cheikh.
gnols des ports de Larache (iGio) et de 2. Les manuscrits iGii" et i6i48 coii-
El-Mamora (161/1). On sait que la pro- tiennent la correspondance de Harlay de
mière de ces places leur avait été cédée Sancy pendant son ambassade à Gonstanti-
11011 par Moulay Zid.'iii mais par Moulay iiople (itii 1-1618).
LETTRE DE HARLAY DE SA^CY A VILLEROV O
II
LETTRE DE IIARLW DE SANCY A MLLEROY
Harlay a su par une lettre de Saint-Mumlrier hi malheureuse situation des
Français retenus en esclava</e par Mnulay Zidàn. — Le Grand Seigneur
interrient pour améliorer leur sort. — La cause du ressentiment de
Moulay Zidàn est l'ajjaire Castelane. — Nécessité de ne nommer consul
au Maroc (/u un homme de proljilé reconnue. — Ilarlay denuinde le
privill'ije de cette char (je.
Pcra, i3 mai 1617.
Au dos : A monsieur, monsieur de Villeroy, conseiller du Roy en
ses Conseils et premier secrétaire de ses commendements. En Cour.
En te'te: Duplicat de ma depesche du i3 may 1617'.
Duplicat d'une autre mienne depesche encore du mesme jour
i3 may 161 7 ".
Monsieur,
J'ay eu advis il y a quelques jours, par une lettre que m'ha
escrilto un gentilhomme de Provence nommé Saint-Mandrlés. de
l'esclavitude de plusieurs pauvres suhjects du Roy en Barbarie,
soubs la domination de Mouley Sidan : à quoy désirant pour le
service de Sa Majesté remédier, j'ay obtenu du Grand Seigneur
et du Visir lettres addressantes audicl roy Sidan pour luy faire
rendre la liberté à ces pauvres Chi-esliens, et les ay fait consignera
un chaous depesche exprès pour ce seul subject audict Sidan et que
j'ay accompagné d'un des miens pour monstrer qu'avec affection
ceste affaire est pourchassée, et les ay faict tous embarquer sur un
I. Celte dépêche est relative à (1rs difTc- 2. Ces deux duplicata de dépêches
rends de Ilarlav de Sancy avec le sieur adressées le i3 mai précédaient une lettre
Viguier au sujet du consulat d'Alep. du i'i septembre 1617. V. p. ti, note 2.
6 1 3 MAI 1617
vaisseau françois qui est parti de ce poit. le 7" de ce mois, pour
Marseille et, de là. doibt aller à Saplii, porl du royaume de Marruok.
Geste cruauté dudict Sidan vers les François ha esté causée par l'in-
fidélité d'un maraud de Marseille, nommé Philippe de Castellane',
qui, ayant esté trouver ledict roy Sidan avec lettres du Roy et de mon-
sieur de Guise, et bien receu de luy et accepté en qualité de consul
pour les François, et, sur quelque accident survenu, ledict Sidan
s'estant fié en luy et luy ayant mis entre les mains quatre mille vo-
lumes de livres précieux pour leur riche couverture et la rareté des-
dicts livres en ces pays où l'imprimerie n'est pas en usage, fit voile
au contraire d'où il luy avoit commandé et prenoit sa route vers
France. Il fut rencontré de D. Louis Fajardo, pris et mené en
Espagne où les Uvres sont encores aujourd'hui. Les ambassadeurs
du roy de Marruok. dont l'un est encore icy, racontèrent ceste
affaire devant nioy au ^ isir, auquel je m'excusay sur ce que ledit
Gastellane estoit un affronteur et les lettres feintes qu'il disoit estre
du Roy, et, nonobstant tout ce que les ambassadeurs pussent faire,
leur fy donner ordre exprès du Pascha de moyenner la liberté des-
dicts François et escrire à leur maistre que telle estoit la volonté du
Grand Seigneur. En conséquence de quoy, j'ay depuis faicl depes-
cher le chaous que je vous ayt dit cy-dessus.
Et pour ce que l'infidélité de ce Castellane ha esté de tant de pi'C-
judice aux subjects du Roy et honneur du nom françois et qu'il
importe qu'à personnes indignes ne soyent confiées semblables char-
ges, je vous suplie de me vouloir fa\oriser de ladite charge de con-
sul à Marruok et Fess et terres obéissantes audit roy. Je ne com-
metterai aucun en l'exercice d'icelles dont la probité ne me soit
cogneue et que je n'en puisse respojidre. J'en escris plus amplement
à monsieur Fourreau que je vous suplie de vouloir entendre sur
ce subject, me faisant 1 honneur de me continuer en vostre bonne
grâce et me tenir, entre tous ceux qui ont l'honneur de s'advouer
voz serviteurs, pour celiiy qui l'esl entre tous le phis véritablement.
Bibliothèque Aationale. — Fonds français. — Ms. IG738, JJ. 116-
117. — Duplicata original.
I. Sur l'affaire Castelane, V. i''' Série. a. Ici venait la dépêche du a3 septem-
Francc, t. II, p. .'3^1, Sommaire. bre i6i'-, V. n. 5, note 2.
LETTRE DE HARLAY DE SANCY A LEON FOUREAU
m
LETTRE DE HARLAY DE SANCY A LÉON FOUREAU
(Extrait)
// demande le re'tablissenienl en sa faeeur du eonsa/al du Maroc. — Le
commerce a été suspendu à la suite de l'affaire Castelane. — // tient d'un
ambassadeur marocain présent à Constantinoplc que le roi du Maroc
ferait bon accueil à un consul envoyé de sa part. — Ce consul perce-
vrait les droits ordinaires des consulats du Levant.
POra, i3 mai i()i7.
Au dos : A monsieur, monsieur Fourreau ', conseiller et secrétaire
du Roy, maison et couronne de France.
Monsieur, il y a long temps que je n ay reçcu de voz nouvelles...
Monsieur, depuis ceste lettre escrite, je me suis advisé de vous
adjousler encore ce mot sur un nouveau subject qui est pour le
consulat de Marok et Fess, dont je suplle très-humblement mon-
sieur de ^ illeroy de me favoriser. Il ne s y lliict tralFicq mainte-
nant, comme vous verrez par une lettre que je vous envoyé, qui
m'iia esté escrite de Marrok par un nommé Saint-Mandriez^ qui
me donne advis que tous les François sont à la chaisne, dont j'ay
eu pitié et envoyé d'icy un cliaous exprès avec lettres du Grand
Seigneur pour les délivrer, ayant encore accompagné ledict chaous
I. Le 20 mai i6i3, Lcoii l'ourcau fut Guichanor. Ilconsenacottecliarf,'ojiisqu'en
reçu en la charge de conseiller, secrétaire 1627. A. Tessereau, pp. 3i5 et 35^.
du Roi, maison, couronne de France et de 2. Pur ce persoiniape, V. Introduction,
ses finances, vacante par le décès 4e Jean notice biograpliitjne,
8 1.3 MAI 1G17
d'un des miens pour ne rien obmettre qui pust faciliter la déli-
vrance de ces pauvres gens.
L'infidélité de ce maraud de Castellane ' (dont aurez bien ouy
parler), qui avoit esté receu là du roy de Marrok honorablement,
feroit peut-estre que ledict roy ne voudroit plus accepter de consul
de France, mais son ambassadeur qui est icy"* mha dit qu'il fera
recevoir avec honneur celuy qui seroit envoyé de ma part et de
la fidélité duquel je donnasse asscurance audit roy.
Je ne sçay si ledit Castelane prenoit aucun droit sur les marchands,
et je croy que non. Mais aussi la misère et ce qu'il navoit moien de
s'entretenir l'iia réduit à luy faire commettre cet acte infâme qui
a cousié le bien, la liberté et la vie de plusieurs; et eust esté bien
plus advantageux que, prenant d'eux les droictz ordinaires des con-
sulats en Levant, il ne leur eust puis après faict couster si cher ceste
exemption.
Je supplie donc mondict sieur de Villeroy de me vouloir, s'il
luy plaist, faire expédier lettres du consulat pour la nation fran-
çoise à Marrok et à Fess et terres en deppendantes avec les mesmes
droicts des consulats du Levant, sçavoir : deux pour cent sur tout
ce qui s'i porte ou bien sur ce qui s'en enlevé, et je luy en donne-
ray quatre mille frans, espérant que peust-estre si-après y ayant
un peu raccommodé les affaires, comme j'espère qu'elles le seront
un peu par l'allée de delà dudict chaous, il s'y pourra commen-
cer quelque négoce. J'en escry à monsieur de Villeroy et le remets
à ce que je vous en mande, le supliant de vous escouter sur ce
subject^
Ce qui me faict encore plus désirer ceste grâce de luy est quelque
curiosité que j'ay de sçavoir par ce moien et estre adverti de plu-
sieurs particularitez de ces lieux esloignez et ce qui s'i passera. Je
vous en auray obligation et essayeray de m'en revanchcr par le ser-
vice que le peu que je vaulx me permettra jamais de vous rendre.
I. llarlay de Sancy, ne connaissant 2. Son ambassadeur qui est ioy. Sur l'am-
cettc alfaire que par les dires des ambassa- bassade marocaine envoyée en 16 17 àCons-
dcurs do Moulay Zidàn, partageait les pré- tantinople, V. p. i , note 3 et p. 2, note i .
ventions de ce dernier contre Castelane. 3. Harlav de Sancy renouvela cette de-
Sur cet événement, cf. /™ Série, France, mande dans la dépèche adressée à Villeroy
t. Il, p. 54l, Sommaire. le 23 septembre 1617. V. p. 6, note 2.
LETTRE DE HARLAY DE SANCY A LEON FOUREAU Q
Je VOUS supplie de me tenir en vostre bonne grâce et pour estre,
Parafe'.
De Pera. ce i3 may 1G17.
Bibliothèque Nationiile. — Fonds français.
Duplicata original'.
Ms. 1673S, f. 120. —
I. Harlav de Sancv a mis seulement
son parafe au bas de ce duplicata qui est
de la main de son secrétaire. Une main
étrangire a reproduit postérieurement, à
cette place, la signature de la dépèche de
Harlav de Sancy du aS septembre 1617.
V. note suivante.
2. Ca duplicata fut envoyé au secrétaire
Foureau le 23 septcmbri* 1O17 ; il est sui\i
d'une autre dépêche dellarlayde Sancy au
même, du 28 septembre 16 17, et de la copie
de l'arrêté de compte des dépenses faites par
Harlay de Sancy dans l'exercice du consu-
lat d'Alcp en date du i>^'' avril 1617.
lO 27 MAI 161 '
IV
LETTRE DE HAKLAY DE SANCY A LOUIS XIII
(Extrait)
// a fait envoyer à Moiilay Zidàn une lettre du Grand Sci<incur en faveur
des Français esclaves au Maroc.
Pira, 2 y mai 1G17.
Suscriplion, alia manu : Au Roy.
Au dos, alla manu: M' le baron de Sancy, du \xvii may. —
Receu le xxii juillet ensuivant.
Sire,
Puisque j'ay desja, Dieu mercy, remédié au tribut qui avoit esté
icy violemment imposé sur les subjects de V. Ma'% je ne me ser-
viray de la lettre qu'elle m'ha envoyée pour le Grand Seigneur à
ce suject.
M'estant venu advis de Marruok que plusieurs pauvres François,
jusques au nombre de deux cents, y estoyent détenus esclaves par
ce roy, oITencé d'une infidélité signalée qu'auroit cy-devant com-
mise contre luy un certain Philippe de Castellane, Marseillois,
j'ay requis le Grand Seigneur au nom de V. Maj'" de moyenner
leur délivrance, et ay obtenu à ce subject lettres de Sa Hautesse
audit roy, auquel je les ay fait envoyer par un cliaous despesché
exprès et que j'ay desja faict embarquer, il y ha quelques jours,
pour ce voyage.
LETTRE DE HARL.VV DE SANCY A LOUIS XIII I I
Je prie Dieu, Sire, quil doint à V. Maj" accomplissement de
toutes ses volontez royales et, en parfaicte santé, très-longue et très-
heureuse vie.
De V. Ma"' très-humble et très-obeissant et trcs-fidele subject et
serviteur.
Signe : De Ilarlay.
Bibliothèrjiie Nationale. — Fonds franniis. — M.s. KjlUS, J. '11. —
Oriijinal.
12 2" MAI iGiy
LETTHE DE UARLAY DE SANCY A RICHELIEU
// (/ (ihti'iui ilii druiul ScK/ih'ur des lettres en faveur des Franrais détenus
en esclaru'/e jxir Mouluy Ztdùn. — AlJnire (Àisle/nne. — Mauvais
traitements infliijés aux Français par Moulay Zidàn.
Péra, 27 mai 1617.
Au dos: A monsieur, monsieur de Richelieu, conseiller du Roy
en ses conseils et secrétaire de ses commendements.
Monsieur,
J'ay obtenu lettres de ce Seigneur' et un clmous vers le roy
de Marruok pour faire délivrer deux cens François que j'ay advis
quy sont détenus esclaves par ce roy, en vangeance d'une infidélité
qui luy ha esté commise par un certain Marsillais nommé Phelippe
Castellane".
Cet homme l'alla trouver avec lettres du Roy et de monsieur
de Guise ; il fut receu honorablement de luy et tenu là en qua-
lité de consul. Quelque temps après, il survint une disgrâce audict
roy nommé Mouley Sidan qui fut contraint de se retirer de Marruok
en une aultre de ses provinces et chargea tout ce qu'il avoit de
plus cher sur quelques vaisseaux chrestiens pour l'y transporter.
Il fia quatre ou cinq mille volumes de livres, riches de couverture
et rares jiour l'impritnerie qui leur manque', audit Castellane et
1. V. Doc. précédent, p. 10. 3. Sur ces livres, V. i''' Série, Pays-Bas,
2. V. /"ijcrie. France,!. II, p.54i,Som- t. II, p. 107, note 2 ; France, t. II, p. 5^2,
maire. Sommaire.
LETTRE DE IIAKI. VY DE SANCY A lUCHELIEU 1 .'i
les fit embarquer dans son vaisseau. Mais, dès qu il eut fait voile,
il changea de route et tira droit vers Marseille : il fut rencontré
en chemin par D. Luys Fajardo, gênerai en ces mers-là des vais-
seaux de hault bord du roy d'Espaigne, qui le prit et mena
son vaisseau en Espaigne où les livres sont encore aujourd'huy.
Mouley Sidan, dez qu'il ouit ceste nouvelle, fit recherche de tous
les François qui estoyent en ses Estais et les mit tous à la chaisne,
et faict semblable traitement à tous les aultres François qui abbor-
dent en ses Estats. Les ambassadeurs du roy de Marruok ont coulé
devant moy ceste histoire au ^'isiI■. Je m'en suis bien sceu dell'en-
dre, et, nonobstant toutes leurs oppositions, leur ay faict commcn-
dement d'escrire à leur roy pour la délivrance desdicts François.
Mais cependant, Monsieur, semblables infidelitez, assez et trop com-
munes à nos Marseillois. ne laissent pas d'estre honteuses et de
nous prejudicier souvent en plusieurs rencontres.
Continuez-moy. s'il vous plaist. l'honneur de vostre bonne grâce
et me faictes la faveur de vous asseurcr du très-humble service de,
Monsieur,
Vostre très-humble el obeissani servilciu-,
Siyné : A. de llarlay.
De Pera, ce 27 may 161 7.
Bibliothhjuc .\(itioita/e. — Fonds français. — • Ms. IGl'iS, f. S8. —
Original.
i4
i5 JUIN 1617
VI
LETTRE DE SAINT-MANDRIER A LOUIS XIII
Moiilay Ziilài) ci reçu par le sirur de Boni/ace une lettre de Louis XIII,
mais il refuse d'y répondre. — // persiste à rendre le roi de France res-
ponsable de l'abus de confiance qu'aurait commis Castelane. — Samt-
Mandrier a appris que Louis XIIl lui octroyait des lettres d aliolition. —
// remercie le Roi de sa clémence et lui renouvelle l'expression de sa
fidélité'.
De la province de Draa, i5 juin 1617.
Au dos : Au Roy.
Sire,
Le s' de Bonniface ' a esté an se peïs aA eq une lettre de V'' Ma-
jesté adressante à l'ampereur Molley Sidan, laquelle je luy ay ran-
deue moy-mesme et fet fere l'esplicassion par son trochuman, à
laquelle il n'a voUu fere aucune response, sinon que je disse audit
Boniface qu'il avoyt assés souvant et amplement rcspondcu à V. M'.
sur samblables lettres, et que \. M. est obligée de luy tirer reson
I . Robert de Boniface appartenait à une
illustre maison de Provence les Boniface,
branche de Cabanncs. Cf. Bibl. Nat, Pièces
Originales, vol. /joi, pièce go33 ; Robert
DE Briançon, État (le In Provence, éd.
1698, t. I, pp. 4i3-4i4; GAiîFRiDr, Hisi.
de la Provence, t. IF, p. 602. — Robert do
Boniface avait été envové par Louis XIII
auprès de Moulay Zidàn pour négocier le
rachat des Français détenus en captivité au
Maroc. Son navire ayant été attaqué par
des corsaires turcs, il se réfugia sur la côte
de Carthagène. Philippe III lui accorda lui
sauf-conduit pour reprendre son voyage et
il s'embarqua à Cadix sur un navire espa-
gnol, le a S^ Maria Buenaventura » qui
faisait voile pour Mazagan. Robert de Bo-
niface, après avoir échoué dans sa mission,
semble avoir pris en main les intérêts de
l'Espagne, car on le trouve en avril 1O19 à
Santa Cruz (Agadir) occupé à \me négocia-
lion pour la cession de cetto place à
Philippe III. Cf. i" Série, Espagne, 20 avril
1617 et 16 avTil 1619.
1. Cf. i"-' Série. France, t. II, Doc. CCX,
p. 597.
LETTRE DE SAINT-MANDRIER A LOUIS XIII 10
et fere randre se qu'il avoit réfugié entre les mevns de Castellane,
ambasadeur de Vosfre Majesté, et sous vostre bandiere.
Il m'a randu une autre à moy, qu'il a plu à V. Mag. mescrire sur le
suget de son voyage, à coy j'ey fet se qu'il [m'a] esté possible, mes les
Mores sont sy intéressés, ne se payent [)as de cortoysie ny de reson.
En quelle lettre j'ey veu qu'il a pieu à ^ ostre Magesté me donner
mon abollision pour le fet de romy[cide] '. Séries je ne m'etois pas
moyns promis de la clemanse d'un sy grant roy, mes le soyn qu'il
luy a pieu en avoyr, sans en avoyr inportuné V. M., m'oblige à
continuer les prières pour la prospérité de Vostre Magesté et les
très humbles et fidelles servisses que j'ay comenssé au feu roy de
bonne memoyrc, mon segner et mettre, auquel je m etoys norry,
afBn de me pouvoir lousjour dire,
Sire,
Vostre très-humble et Irès-hobeissant et très-fidelle serviteur et
sujet,
Signé : St Mendriés.
De l'armée de l'Ampereur, à presaiit au loyaume de Dra en
AÉTrique, ce 1 5 juin 1617.
Bibliolhèquc ISalionnIc. — Fonds franrnis. — Mx. IGl'iS. f. C.'iO. —
Original. — Cachet en cire nmijc armorié.
I. I.'om.y[cide]. Ce mot se trouve sur guaniison à paye-mort de la ville de Toi-
le bord du papier qui est rongé en cet en- ion >>, et il ne pouvait rentrer en France
droit. S' Mandricr avait lue dans une avant d'avoir obtenu des lettres d'abolition.
rencontre un sergent de la compagnie V. ci-dessus, Introduclion, notice blogra-
du sieur de S' Pierre faisant partie do « la pbique.
i6
i6r
VII
ÉTAT DES CONSULS DE FRANCE A L'ÉTRANGER
(Extrait)
S. l.,[iG,7ji.
Au dos. (ili'i iiiunii : Meinoire des consulatz ausquelz il a esté
pourveu.
Eli télé : Coiisulz franeois establiz hors le roYfiume.
Maroques et Fez.
Guillaume Curel, à la survivance de Jean Philipes de Castelanne,
au mois de septembre 1G07. en la place de (niillaume Be^aI•d^
Biblioihhjue JSalionale.
Original.
Fonds françai.
Ms. 16738, f. m. —
I. Cette dat(^ est restituée d'après la date
la plus récente qui figure dans le présent Do-
cument, celle du i6 juin 1617, à laquelle
Jehan Viguier fut pourvu de l'olEce de
consul à Tripoli de Syrie, île de Chypre,
Beyrout, Alcxandrette, côte de Caramanie
et Alep.
2. En marge de ce paragraphe se lit la
mention : « Ledict Guillaume Curel est
mort ». On a ajouté postérieurement la
mention non complétée : « Ledict Caste-
lanne...»
LETTRE DE SAINT-MANDUIEU A LOI IS XIU
VIII
LETTRE DE SAINT-MANDRIER A LOUIS XIII
// a reçu par Bnniface de Cahannes une lettre de Louis XIII relative à In
demande de mise en liberté de cent rinrjt esclaves français. — Moulay
Zidân très irrité par l'affaire Castelane ne consent pas à les relâcher. —
Les Espagnols ont dépassé leurs droits en capturant le navire de Cas-
telane fjui navi(juxiil sous la bannière de France. — Louis XIII est aussi
fondé à présenter des réclamations à la cour d'Espagne que Moulay
Zidân à porter les siennes à la cour de France. — Les rebelles au Maroc
sont réduits à l'impuissance. — Sainl-Mandrier demande des lettres
d'abolition.
Merrakecli, i^'' janvier 1G18.
Au dos : Au Roy Très-Crctien de France.
Sire,
J'ey rossou par Boniface Cabarines' une lettre de la parlde Vostre
Magesté pour la liberté danviron six vintz esclaves frençois qui
sont debteneus ycy par Moley Zidain, roy de Felz et de Marroqs,
auquel j'ey rondeu. leu et doinu' entendre celle que sanblablement
V. Mg. luy en escrit, et ay fet tout mon possible aflin de les feredeli-
vrer; mes l'interest essede la cortoysic parmy les Mores. Daillurs d
est fort oll'encé — et cet ponrquoy il les délient, corne jey par plu-
sieurs fois escrit à Y. Mg. — de se que un Fclip de Castellane, mar-
ceillé. vint ycy aveq lettres de V. Mg. en non d'cmbassadeur et,
après avoir obteneu de luy toutes les dépêches qu'il desiroit et y
avoir esté plus fa\orableinent el liondiablement trclé que autre qu'd
y sovt janiés arrivé, avant la ncssessilé conlrciiH lc(bl Moley Zidam
I. Sur ce personnage, V. p. i4, note i.
De Castkies. 111. — 2
l8 I JANVIER l6l8
de se sauver par mei' pour la perte d'une bataille contre un magls-
sien rebelle de ces sugetz qui, sous prétexte de seynteté et d'estre
envoyé de Dieu pour le bien publiq, abeusoit le peuple à le suivre ',
et estant embarqué aveq le plus pressieux de son trésor sur le navire
deudit de Castellannc auquel, pour respet de V. Mg., avoit grant
confience, et ausy sur un navire anglois', dès ausitost que ledit de
Castellane ut mis les personnes à terre, il s 'anfouit aveq tout ce
qu'il apartenoit à Moley Zidain. ce que l'Anglois ne fit pas. qui n'es-
toit que personne privée.
Or ledit de Castellanne fut rancontré par les navires de don
Feyssardou, jeneral des gallions d'Espagne, (jui le prit, l'emprisona
et luy confisqua tout, de coy il en y a encorcs une partie qui et
en estât au depost en Espagne, et fit vandre à l'inquant publiq deux
beaus chevaux que ledit Moley Zidan mandoit de presant à Vostre
Majesté, ce qu'il cemble que ledit Don Faysardou ne povoit fere,
attendeu que le tout estoit entre les meins d'eun embassadeur de
V. Mg. ou qui se disoit tel et en avoit les dépêches, et en la sauve-
garde de l'estandart de France, qui est franq et libre par tout le
monde. Que si ons presupose que ledit de Castellanne l'eut dérobé,
cet à V. Mg. sulle d'an conoistre. et n'est pas permis de mestre la
meyn cy légèrement dessus cens qui portent tel titre. Il est très-
important à l'honneur et cervisse de V. Mg. et au bien de ces
sugetz qu il prevoye à se desordre avant qu'il causa de plus
grantz effetz. Votre Majesté a la mesme justice et la mcsme reson
de demander au roi d'Espagne se qui a esté prins aus meyns deu-
dit Castellanne et sous sa baniere, que Moley Zidain à V. Mg. se qui
luy a donné en garde.
Les alTeres par dessa sont en estât que ceus qui rebelles trou-
bloient cet Estât sont tous esterminés, fors un que le peuple trop
supertissieusement croyent seinct. appelle Haya^. qui est reduyt et
1. Ce « magissien rebelle « était le Moulay Zidàii avait affrète un navire
maraboulAbou Mahalli. Surce personnage, hollandais en même temps que le N. D.
V. /'•'• .SériV, Pays-Bas, t. U, Doc. LIV, de La Garde. V. j" Série, Espagne, i6i2,
pp. 1 17-135, Doc. CLXVII, pp. 44o-/iii3 et Angleterre, Relation de J. Harrison,
et Angleterre, Latc i\cwes ont of Bnrbary, aS juillet i63i.
1612. 3. Sur ce personnage, qui s'appelait
2. D'après l'iiiquêlc o\ivorte en Espagne, Yahia ben Abdallah, V. z™ Série, Pays-Bas.
LETIRK l>E SAINT-MANDHIEU A LOMS Mil 10
relraiiclié ;\ une moiilagnc viiassessible au royaume de Seus, cens
Ibrsse ny crédit, pour cestre truvés veyns hcaucoup d'esfors qu'il
a tante, au i:;rant jM-ejudisse de sa seynteté.
Et. pour le prince MolcyAbdalla, son neveu, ilestausy^ sans forsses
nymoiensan un petit lieu au rolaumede Fetz', où ledit MoIeyZidain
s'en va asture aveq l'armée, tant qu'il est asture pesible"^ de tous ces
roiaumes qui sont merveillusement grantz: et ne luy reste sinon que
venir au bout de ces dus personnes qui poroient un jour prendre l'occa-
sion de remuer. Je le cers depuis cattre ans ', durant lequel tamps
il a reconquis tous ces royaumes. Mes pleut à Dieu que V. Mg.
degnat ce servir de moi et me vollut doinier une abolission'. (jui
vés morant de désir de morir en son servisse, comme, de V. Mtr..
Le très-humble, très-hobeissant, trcs-fidelle serviteur et seuget,
Si(jné : Le cappitenne St Mendriés de TlioUon.
De la ville de Maroqs en Affrique, ce jDremier janvier 1618.
Bibliolhhiue Aalionale.
Original.
Fonds français. — Ms. IGl^S, f. 218. —
I. 11. |i. 134, note 5; p. 11)7, note i ;
Doc. XCI, p. 3i4 ; p. 33^ et p. 33g ; An-
gleterre. Relation de J. Ilurrison, 1(527 ;
Et-OtFRÀM, pp. 34r)-34ti. Il mourut le
4 mars 1626.
1. Depuis l'année i()i I Moulay Abdallaii
avait été sans cesse occupé à réprimer les
soulèvements de Fez el-Bàli (Fez le-Vieil).
Cette lutte se prolongea jusqu'à sa mort sur-
venue en 1634. — Il ne semble pas, d'après
El-Oufrini, que Moulay Zidàn ait fait une
expédition contre le royaume de Fez depuis
sa défaite à Uas el-Ma le i i septembre i6l()
parles troupes de Moulay AlMleillali(p. '100).
■i. Pesible, pour : paisible, c'est-à-dire :
possesseur paisible.
3. S' Mandrier était allé offrir ses servi-
ces à Moulay Zidàn après la prise de El-
Maniora par les Espagnols (Ci août i6i4).
V. f' Série. Pays-Bas, t. II, p. 364, note 4
et supra. Introduction, notice biographi-
que.
4. 11 faut admettre ou que les lettres
d'abolition dont Saint-Mandrier remer-
ciait le Roi dans sa dépêche du i5 juin
1617 (V . p. i5) ne lui étaient pas par-
venues, ou que Saint-Mandrier a commis
une erreur de date.
20 6-2 7 JANVIER 1619
IX
PROCÈS-VERBAUX DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN
PAR D. JORGE MASCARENHAS
Après avoir lutté victorieusement contre le rebelle Abou Mahalli écrasé sous
les murs de Merrakech le 3o novembre iGi3', Yahia bon Abdallah- cédant
à des suggestions ambitieuses se révolta contre le Chérif dont il venait de dé-
fendre la cause. Moulay Zidàn, battu par lui dans plusieurs rencontres, dut
se réfuîrier à Sali avec ses femmes et ses richesses. D. Jor^e Mascarenhas^,
gouverneur de Mazagan, dans l'espoir de profiter des circonstances, entra en
pourparlers avec le Chérif vaincu'; mais la discorde se mit dans 1 armée de
Yahia ben Abdallah, qui dut lever le siège de Safi, et cela rendit inutile la né-
gociation entamée par Mascarenhas.
Mazagan, 6-37 janvier iGii).
Papeis autenticos de como pcrdco a batalha Mulcy Zidam, e se
retirou a Zafim, onde esteve cercado. e o meyo que ouve para virem
a liberdade os cativos que tinha de Mazagâo.
Procès-verbal de la séance du 6 janvier 161 9.
Moulay Zidân, vaincu par Yahia ben Abdallah, s'est retiré à Safi oii il est
1. Sur la révolte de Abou Mahalli, V. /" note 3. .
Série, Pavs-Bas, t. II p. 20, Sommaire et 3. D.Jorge Mascarenhas avait succédé en
notes 4 et 6 ; Doc. LIV, p. 117 ; Doc. i6i5àHcnrlqueCorreadaSilvacommegou-
CLXVII, p. 44o ; France, t. 11, p. 5^1 . verneur de la place de Mazagan; il remit
M. Jacqueton, dans son Inoenlaire des son commandement en septembre 1619 et
archives espagnoles du gouvernement yénéral rentraenPortugaloùPhilippellllefitcomte
de l'Algérie, a cru que les documents classés de Castello Novo. V. Da Clnha, Mem. para
sous la rubrique Papeis autenticos de como a Hist. da praça de Mazagâo pp. 63, 63.
perdeo a batalha Muley Zidam se rappor- 4. Sur la révolte de \ahia ben Abdallah
talent à l'insurrection de Abou Maballi on ne trouve que fort peu de renseignements
(p. 93, n<"> 489-491)- '^"t à;mi les sources imprimées que dans
2. Sur ce personnage, \. supra, p. 18, les sources manuscrites.
PROCES-VERBAUX DES CONSEILS TEXLS A MAZAGAN 21
assiégé. — Instructions aux officiers de Maza<jan en précision d'une
alerte; envoi d'une frégate à Saji pour proposer au Cher if le rachat des
captifs. — Diaz Faleiro est désigné pour partir avec celte frégate.
Primeiro assento que se tomou nesta matcria.
Em Mazagâo, aos seis dias do mes de Janeiro, no anno de mil e
seiscenlos e dezanove, nos aposentos do senhor Dom Jorge Masca-
renhas, do consclho de Sua Mag''% veador de sua casa real do reyno
de Portugal, e seu capitâo gérai e governador desta dita A'illa etc.,
pelln dilo Senhor foi mandado \'iv por ante si os officiacs dafazenda
de Sua Magcstade, guerra c jusliça, procuradores do povo e outras
pesoas délie abaixo assinadas, aos quaes, estando présentes, disse :
Que esta noitc, que forâo cinco de Janeiro do dito anno, Ihc viera
hum Mouro de nova, e, entre as que Ihe dcra, Ihc disscra que o
Cassis ' dera batalha a Mulcv Zidam, a quai durara dons dias, e que,
no fini délies, foi Muley Zidam desbaratado e roto, perdendo muita
gente; e que se sahira da batalha com dous alcaydes, com os quacs
se retirara a Zafim, onde tinha sua molher e filhos; e que o Cassis
fora em seu seguimcnto. e que o tinha cercado, e que do seu exercito
apartara huma almahala com hum alcayde seu, o tpial mandara a
esta a Duqucla, seis leguoas desla prassa ; e que juntameule llie
dissera que o dito cassis se nâo queria alansorear" por rey, e que
Marrocos esta va ainda por Muloy Zidam, cspcrando a resoluçâo do
cerco.
E que os mandava cliamar pera dous ('(Teilos. O primeiro que
era encomendar aos capitâes das companhias a vigilancia do muio.
e que nos rebafes Ihe nâo deixem passar a gente de pee dos valos do
meyo pera fora, e Ihe tenhâo os soldados recolhidos nos rebelins.
E ao adalid, que, andando a gente de cavallo trabalhando no campo,
havendo rebate, llia trouxesse sem pararate onde cstivesse o guiào
délie dito S"'. E a lluy Diaz da \ eiga, veador das obras, pera c|ue,
com a gente délias com mais alguns homens, reibrmassen os valos,
e que, com o meslre da carpintaria, vissem a artclhaiia toda e a refor-
ben Abdallah. On sait que ce personnage
I. Cassis ^j^. (■:,->l le nom donnr par ^^.^jj ^^ j,^^,,^ ^^,^^^^^^ ^1,, ^.[^(^
les Arabes aux pnHres cl particiiliiremcnt y.. .-U«nsorpnr. Civcrbcupii nnfigiiredans
au\ prêtres chrétiins. Il désigne ici Vabia aucun dictionnaire a le sens de : acclamer.
93 fi-a-y JANVIER l6lf)
massein bem, com o condestavel, que a tivesse lestes e aparelliada
pera o que fosse necessario.
E o segundo efTeito era comunicarlhe que llie parecia boa ocasiâo,
pois o tempo estava bonança, niandar a fragata pequena a Zafim,
porque Ibe parecia boa ocasiâo cm que podia Muley Zidam, pello
apreto em que estava, dar os cativos que linba consigo pera se valer
do dinheiro délies, porque, quando os quisesse dar, o queria empres-
tar a redençâo; e, trazendo disso aviso a fragala, mandaria a urqua
que estava neste porto a este cITeito.
E pelles ditos foi respondido que tudo o tocante as prevençôes
Ihe pareciâo muy bem assertadas e necessarias: e que. no tocante ao
particular de ir a fragata. Ibe parecia tam bem, pella ocasiâo em que
se acbava Muley Zidam, a sombra da quai jiodcria efeiluarse o nego-
cio da liberdade dos cativos ; e que, pois Muley Zidam tivcra sempre
lâo boa correspondencia com este lugar, Ibes parecia que juntaniente
Ibe dévia escrever, aleni da niateria dos cativos, ofTrecendolhe em
nome de Sua Mag''" o que Ibe fosse necessario desla forssa em esta
ocasiâo. E todos nomearâo pera isso e poder ir na dita fragata a
Francisco Diaz Faleiro, por ser muito pratico na lingoa aravia e
nesta costa, e aver estado por duas veces em Zafim.
De que mandou o dite S°' fazer este termo, que assinarâo todos
com elle.
E eu, Domingos Ferreira Taveira, tabeliâo, o escrevi.
Dom Jorge Mascarenbas — Joam Gomez de Lemos — • Antonio
Gil Lobato — Salvador Uodrigues do Coulo — Pedro Rodrigues
da Costa — Francisco Barreto d'Almeyda — Francisco Caldeira
— Pero da Sylva da Cunba — Luis de Sàopayo — Alfonso Leitâo
— Vicente da Cunba da Costa — Bras Gonçalves — Nicolao
Caldeira — Fernâo Gonc^-alves — Miguel de Sousa — Dioguo Gomes
— ■ Nicolao Barriga — Matbeus Valente — Pero Valente da Costa
— Antonio Gonçalves Colta — Ruy Diaz da \eiga.
Copia du caria que Icvou Francisco Diaz a Muley Zidam, escrita
PROCES-VERBAUX DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN
l'i
na aravia por ilnin Francisco', iiicu filln). a (jiial contem o pezame
de aver perdido a batallia, on'crcccndollit^. em nome de Sua Mag''",
o que cuver nesta forssa, e pedindolhe que, pois alli Ihe nâo sâode
proveito os cativos que tem cm seu poder, os queira pur em preço
e resgatar".
Lettre de Moulav Zidan a D. Jorge Mascaremias.
./ remercie Mascarenhas de la part ij ne celui-ci a prise à son malheur. —
// a essuyé une nouvelle défaite, mais, depuis, il a remporté la victoire
et s'est emparé de l'artillerie de Yahia ben Abdallah. — // est prêt à
rendre les captifs espaijnols moyennant rançon. — // demande quon lui
envoie de la poudre.
Safi, 22 I Moharrom] loaS-i) janvier lOïC)^.
Copia da reposta de Muley Zidam. que mandou na aravia, e tirada
por seu secretario em nossa linguoa' da aravia, e com o seu sinal,
e esta rubricada ' por elle.
Dom Jorge Mascarenhas, del consejo de Su \Iag'', veador gênerai
de su casa, capitan gênerai y governador de la villa de Mazagan.
salud y paz en nuestra casa y en toda vesti'a gente.
La vestra recibi por Francisco Diaz Faleiro oy, niiercoles, por la
quai acabe de cntender la anilstad y ainoi- cpie me leneis, y, por las
obras y buen conocimiento que de v os tengo del pesar que recibistes
1. Francisco Mascarenhas possédait très de l'hégire 1028 (V. p. 24); or le çi janvier
bien la langue arabe, comme on le verra 16 iq, d'après les tables de concordance,
par la suite. correspond au 32 de Moharrem 1028.
2. Cetteleltren'existeplusdansledossier 4. Em nossa linguoa, c'est-à-dire en lan-
constitué par les Papeis autcnticos. guc espagnole, comme on peut le constater.
3. Cette restitution est faite d'après les Le secrétaire qui a constitué le dossier de-
données suivantes : lalettrea été écrite entre vait être un Espagnol.
les 6 et 12 janvier l6ig, dates auxquelles 5. 11 s'agit de ce signe de validation
seréunit le Conseil, et de plus un mercredi, ,
soit le mercredi 9 janvier. D'autre part elle (togbra Sj^k) placé on tête des lettres
a été écrite le 2 2"= jour delà lune de l'année chérifiennes.
24 6-2" JANVIER 1619
desta desgracia que el S"'' foi servido darnos, estoi en mas conoci-
mienlo. La ocasion desta desgracia fue que hize de mi gente très
repartimenlos, y el uno fue dexar un tercio dellos en Marruequos,
y el otro mandarlo con mi madré y hacienda a Zali, y el olro
truxe comigo. Quando fue el S°' servido que jueves ' de maûana
parti con mi rcal, fuiavisado que elenemigo dio en el cainpo de mi
madré. Dexe el real niarcliar solo, y acudi con aiguna gente de a
cavallo que podia tener. por ir mas pi'esto, donde fue a desgracia que
hallamos el enemigo delante, forlificado con catorce o quince mil
liombres de infanteria. con seis mil de cavallo. todos de escopetas,
y una cahilda que se nos rebelo, que se diz Haliamana'. Hallamos-
los fortificados, donde fue el Senor servido de cumplir su voluntad
con poca pei'dida. Morieron dos alcaydes, veinte o quarenta de
los nuestros cautivos, y no sabemos si son muertos o vivos.
Este lunes passado, les tuvimos otra batalla, con que les tomamos
su artelleria con victoria nuestra, y eslamos confiados en Dios que
presto tendremos otra, como puede.
Négocie de los cautivos, hare en ello toda su voluntad. como vos
ordenares.
iNlunicion v pohora nos liara ^ . M' merced aver deste iVances o
flamenco que alii esta, que bien sabemos que vos no lo podeis dar,
sino que sea iutercisornuestro para averlo ; ycmbiarnosloluegocon
su criado. Francisco Diaz Faleiro.
Y con esto, Dios lo guarde, como puede.
Oy a veinte y dos dias de luna, aùo de mil y veinte y oclio.
En posl-scvipturn. Y a esta buclta de Francisco Diaz, trataremos
nuestros negocios mas despacio. porque el esta de priessa, y nos ni
mas ni mcnos, como el proprio ve.
Rapport de Francisco Diaz Faleiro sur son voyage a Safi.
Incidents qui ont retardé son départ pour Safi. — Il a débarqué à Safi
I. Probablement le jeudi précédent, 3. /?a/iamana. la tribu des Reliamna qui
c'est-à-dire le 3 janvier. campe au N. 0. de Mcrrakech.
PnOCÈS-VERBAUX DES CONSEILS TENUS A M.VZAGA.N 2 5
après avoir obtenu un sauf-conduit. — Il a remis les lettres de Masra-
renhas à Moulay Zidùn: entretien tju'il a eu arec lui. — Déclarations du
Chérif au sujet des captifs. — Sihje de Sa/i ; nombre et situation des
assié'jés. — Arrivée d'une ambassade française à Sa/i. — Intentions du
Chérif et projets de Vakia ben Abdallah. — Audience de congé de
Dias Faleiro.
[Mazagan, la janvier iGu)]'.
Declaraçâo que fez Francisco DIaz, quando veio de Zafin.
Primeiramente disse que o dia que daqui parlio que iiào puJera
fazer viagem, por re/.ùo de aver visla de luim navio que dcra fundo,
e desarvorara a IVagala ate que o perdeo de visla ; e que ao anoitecer
se fez a vella, con tam l)om tempo, que amanheceo no eabo de
Canlim.
Disse mais que, despois de dohrar o dito cabo, teve vista de dous
navios surtos na baliia de Zafim, e que, querendo os da fragala nûo
il' por (liante, os persuadio que os navios estavâo largos de Zafîm. e
que. lundo elles costeando, liies nào podiâo fazer nojo, senào com
lanclias, e que elles erâo mellier que elles.
Disse mais que. liindo assi costeando e fazendo seu caminlio
junlo as muralhas de Zafim, vira gram copia de gente e bandeiras
que Ihe capearâo, e que, chegando a terra a fallar com elles, llies
pregunlarâo que gente era e que buscava, e que. respondendo elle
que Muley Zidam e que ihe Irazia carias, llias pediâo. dizendollie
que ali eslava, e que, neste comenos, llic atirarào da cidade huma
pessa e Ihe capearâo com huma handeira. E que. alargandose da
terra, hindo a cidade, reconhecendoos que erâo (Ihrislâos, viera a
praya o alcayde Abgib'; e, dizendolhe que le\ava carias pera Muley
Zidam, foi-a a cidade e Ihe Irouxera seguro por escrilo. com o quai
desembarcou.
I. Il ist (lit plus bas (^'. p. i."), iiole 2. Abgib. le caïd Adjib, renégat espa-
i) que la frégate sur laquelle se trou- gnol, esclave de Moulay Zidàn. Il fut cu-
vait Faleiro revint au bout de six jours et voyé & Salé vers 1626 pour remplacer Ez-
l'on sait qu'elle était partie au plus tôt le Zarouri comme caïd des Hornacheros et fut
6 janvier. D'autre part le conseil du ta massacré en 1627. Cf. Ei.-Ouiràm, p.
janvier se lient le jour même du rilour de /)3g,ct ci-dessous Introduction critique : I^cs
iJia/. KaJeiro, V. p. 28. .Moriscos à Sale, p. lyi et notes 5 et 6.
26 6-2- JANVIER 1619
Que lia porta da cidade acliara o alcayde Agcna' e outros .Mou-
ros, e com elles Judas Levy, Solimâo Ben Aiete, e Jacob Ahim,
judeus^; e que todos o levarâo a El Rey, a quem dora a caria que
levava, fazendoUie particulares honras e favores, e que forâo de
qualidadc que lodos se maravilharâo disso.
E preguntado que Ihe dissera, ou que preguntas Ihe fixera, disse
que llie preguntara por Sua Mag''" e pello senlior Capitâo e pella
sua casa, e, em particular. que navios liavia em Mazagâo, e que Ihe
respondera que huma urqua framenga de trinta pessas de arfelharia.
Declarou mais que, dcpois destas praticas, Ihe mandara vir
perante elle os nove cativos de Mazagfio e oito molheres e alguns
meninos, e que logo mandara teirar os ferros aos cativos de Mazagâo,
dizendoliie que. no particular do resgate. faria tudo o que o senhor
Capilào quisesse. e que assim Iho escrevia e que voilasse logo com
reposta, porque com ella eireltuaria logo o resgate.
Declarou mais o dito Francisco Diaz que de noite e de dia pelei-
javâo com o enemigo, e que era o serco tâo apretado, que todo o dia
estavâo en arma, e que o mcsmo Muley Zidam trazia de ordinario
a escopeta na mào.
Preguntado mais o dito Francisco Diaz que gente tinha dentro,
disse que obra de mil e quinhentos soldados e quatrocentos cavalos.
E preguntandolhe de que cousas tinliâo falta, disse que de
municôes, e que era tâo grande a falta délias, como se veria da
mesma carta que trazia del Rey. e que, em particular, a tinhâo de
lenha, porque nem para o comer del Rey a havia, e que. por eslos
respeitos, entendia que nào podia sustentar o cerco muitos dias.
Declarou mais que havia chegado a Zafim huma settia de Fran-
ceses, com hum embaixador, que era gente lucida', que Ihe man-
dara varar a setia em terra, e que estavâo bem emfadados.
Disse mais que os dous navios que estavâo na baliia que nào
1. Agena. V. p. 353, note i. tre au Chi'rif de se séparer de ses familiers
2. Moulay Zidàn avait toujours des Juifs juifs. Cf. r' Série. Angleterre, We/ai/on de
dans son entourage, ce qui indisposait le fa- J. Harrison. 1627, et Pays-Bas, t. I, p. 3^.^,
natisme musulman. Ce fut une des causes de note 3.
la révolte de Abou Mahalll. Par la suite, 3. Cet ambassadeur français était vrai-
quand Yahia ben Abdallah, vainqueur du scmblablemcnt le chevalier Isaac de Razilly.
rebelle, entra dans MerralvRch, il fil promet- V. poç. W, p. 100
PltOCES-VERBALX DES CONSEILS TENXS A AfAZAGAN 2"
erâo navios de força, y que ouvio dizer que vendciâo alguinas armas
e muniçôes e que traziào inuitos asucares, que enlendia que erâo
Ingreses, e que sairâo alguns a torra. a conscriarllic a artelharia.
E preguiitado o dito Francisco Diaz que entendera dos Judeus
aserca do desenho com que csta\ a Muley Zidam, disse que Ben Avole
llie dissera que deseja\a de virem navios em que se poder passar
a Sale, com seu thesouro que era grande : e que afirmavâo que o
Cassis delerniinava depois de entrar a cidade ou embarcar
Mulev Zidaïu. som entrar em Marrocos, passar pella a Duquella. e
enti'ar a Xauiiia'. e pur cerco a Mamora, e daiiivoitar acoroarse em
Marrocos.
Disse mais que se dcspidira del Rey a quinla feira^, e que Ihe
dissera: « ,; Francisco, quando poderas a(jui voltar a tratar dos
cativos? » e dizendolhe que aie domingo^ Ihe respondcra : « E se o
fizeres assi, tudo o que o Capitâo quiser farei de boa vontade. »
Disse mais que, dandollie a carta que levara escrila na aravia,
Ihe preguntara quem escrevia aquellas cartas, e, respondendolhe
que hum lillio do Capilào *. o festejara muito.
Procès-verbal de la séance du 12 janvier 1619.
DéliliénUion au sujet de In lettre de Moulay Zidân à Mascnrenhas. — On
fournira au Chérif trois ou quatre quintaux de poudre pris dans les
magasins de Mazacjan. — Francisco Mascarenhas ira avec trois navires
négocier le rachat des captifs. — Le P. Francisco Manoel a refusé de
fournir l'argent nécessaire à ce rachat, déclarant ijud n'avait pas de
fonds à cet effet.
Assento que se tomara sobre a caria de Muley Zidam e dito de
Francisco Diaz, e resoluçâo que se tomou.
Em Mazagâo, aos doze dias do mes de Janeiro do anno de mil
seiscentos e dezanove. nos aposentos do senhor Dom Jorge Masca-
renhas, do conselho de Sua Mag''", veador de sua casa real do
1. Xauhia, Chaouia. 3. Lo dimanche i3 janvier ifiiç).
2. Le jeudi lo janvier iliiy. 4- V. p. 23 el note i.
28 6-27 •'\^^"^" '^"9
reyno de Portugal, c seu Capitâo gérai e govcrnador desta
villa, etc., estando o dito senlior capitâo alii présente e todos os
ofliciaes da fazenda, guerra e jusliça e outres particularcs deste
povo, aos quais o dite senhor disse que, em virlude do assento
ati'us que se tomou sobre a ida de Francisco Faleiro fez a Safim
a tratar do resgate dos cativos, teve reposta de Muley Zidam,
que mandou ajuntar aqui, a quai mandou 1er peranle todos pello
escrivâo dos contes de Sua Mag''\
E depois de lida e de verem todos a sustancia délias, e o bom
animo com que Muley Zidam dezia que llie queria dar os cativos,
pera effeito do quai llie pedia hum socorro de polvora comprado
destas naos estrangeiras que estâo na baliia, disse elle dite seulior
que chamava a Iodes pera llie pedir seu parecer nesta materia,
porque o mesmo era comprar a polvora dos eslrangeiros que
mandurlha da que Sua Mag'^' tem nestes almazens. E despois de
cuidarcm na materia. per vote de todos se venceo com parecer do
provisor e do padre Miguel Gonçalves, que serve de vigaire na
igreja, que, per quaiito e dite secorro nâo era contra Christâos, e
o pedia Muley Zidam, e que por esse respeite dava os cativos, erâo
todos de parecer que se Ihe mandasse hum pequene secorro pello
barco que de la tinha vindo, que nâo fesse de mais que de o entre-
ter ate pedercm chegar os navies que se ficavâo aprestando pera
irem buscar os cativos.
E, preguntando o dito senhor a cantidade de socorro que Ihe
faria, parecee a todos que se Ihe poderia mandar très ate quatre
quintaes de polvora e a esse respeite chumbe e murrâo; e que
soltie tudo parccia l'ezâo de estado que. quande hum Rey natural
de seu reyno esta tào pei'seguido de hum tyrane, e se quer valer
da grandeza de Sua Mag''% que era bem que Ihe nâo faltasse. E,
tratando despois cemo se aviâo de ir buscar os cativos, se resolveo
que fosse a urqua grande e o frances e e barce castelhano, todos
em conserva guarnecides com gente, de modo que fossem seguros
assim pera trazerem os cativos, como pera segurança do cabedal
que se ha de mandar por elles. E, tratando sobre a materia e jiesea
que yria a este efTeito. disse elle dito senhor Capitâo que. pella
obra ser em si de tanlo service de Dees e de Sua Mag''°, e per mos-
trur o zcllo (pie sempi-e teve ncUa. queria que fosse a este efTeito,
l'ROCÈS-VERBAUV DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN 2g
por cabcça clos ditos navios, scu fillio, Dom Francisco Mascarcnhas,
o que jjareceo a todos ser cousa muy conforme ao animo com que
o dite senhor sempre procedeo nesta materia.
E juntamente acordarâo que o barco partisse logo diante com o
socorro, e dar aviso como logo hiâo os navios a buscar os cativos,
por nâo aver detença e estarem lodas as cousas acordadas por nâo
fazerem detença os ditos navios.
De que se fez este terino. que todos asinarâo com o dito senhor
Capitâo.
E eu Domingos Fcrreyra Taveira, tabeliâo, o escrevi.
Dom Jorge Mascarenhas — • Joâo (i ornez de Lemos — Salvador
Roiz do Couto — O capitâo Luis de Sâopayo — Pero Roiz
da Costa — Antonio Gil Lobalo — O pro\isor Joâo Serrado — ■
O padre Miguel Gonçahez — Matbeus Valente — Pero da Silva
da Cunha — Vicente da Cunha da Costa — Francisco d'Azevedo
Coutinho — Bras Goncalvez — Francisco Caldeira — Joâo Bras
de Médina — Nicolas Caldeira — Miguel de Sousa — Pero Valente
da Costa — Antonio Rapozo Azedo — Diogo Gomez — Antonio
Goncalvez da Costa, digo Colta — Fernâo Gonçalves — Pero da
Cunha da Costa.
Note de Joào Gomez et de Salvador Roiz
Us rendent compte à D. Jnrije Mascarenhas da refus du P. Fr. Manoel
de faire une avance d'anjent sur les fonds de rédemption.
Mazagan, 12 janvier 1619.
Assento cm que se déclara como o padre Fr. Manoel nâo quis
dar o dinlieiro pera o rescate.
E logo no dito dia, mes e anno atras escrito, disse o dito S'
Capitâo Dom Jorge Mascai-crdias ao contador da fazenda de Sua
Mag''° e ao escrivâo dos contos dcUa, que estavâo présentes, que,
3o 6-27 JANVIEU ifilQ
sem embargo do padre Fr. Manoel nâo querer vir em outras oca-
sioens de resgate a tratar nas malerias délie, como Sua Mag"''' manda
em seu régi mente, que elles ambos se vissem com elle e de sua
parte Ihe disessem as diligencias que estavâo feitas nesta materia, e
que. pera conclusâo délia, o avisasse do dinheiro que tinha 110 cofre
e se o queria mandar entregar para se efleituar o resgate e tirar
esles cativos, poi'que, quando o nâo quisesse fazer, o faria com seu
dinheiro, nos navios que niandava ao dilo effeito seu filho Dom
Fi-ancisco Mascarenhas.
E hindo o dito contador com o dito escrivào dos contos a casa do
dito frade Fr. Manoel, e dandolhc o dito recado atras escrito da
parle do dito S' Capitao, Ihe respondeo que nào tinha ncnhum
dinheiro da rendiçâo ; que o que tinha era de hum particular que
chamâo Antonio Fernandez Paez, o quai nào queria dar sem ordem
de seu dono ; e que elle que nâo era thesoureiro, e com outras
rezôes que vinhâo a dizer isto mesmo. E por mais rezôes que Ihe
derâo por ser a obra tâo pia como es, a nada quis suceder mais que
resolverse em que nâo avia de dar o dinheiro.
E com esta reposta que derâo ao S' Capitâo o dito contador e
escrivào dos contos, perante mim tahcliâo, mandou o dito senhor
fazer este termo, que elles asinarâo.
E eu Domingo Ferreira Taveira tabeliào o escrevi.
Joâo Gomez de Lemos — Salvador Uoiz do Coulo.
Instructions données a Francisco Diaz Faleiro se rendant a Safi.
// retournera en toute hâte à Sn/i et remettra à Moulay Zidàn la lettre de
Mascarenhas. — Il engagera le Chérifù venir à Mazagan avec sa famille,
ses biens et ses captifs. — // aura soin de ne pas laisser soupçonner
l'existence des munitions qu'il porte à son bord et il ne remettra ces
munitions au Chérif que s'il t^oit qu'elles lui sont absolument nécessaires.
— // se fera seconder dans sa mission par Saint-Mandrier ; il fera savoir
à ce caj)itaine que Mascarenhas tient un sauf conduit à sa disposition et
PROCES-YEUBALX DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN 0 1
(ju'il n'a qu'à se présenter à Medina-Sidonia pour être conduit au roi
d'Esparjne. — Diaz Faleiro s'est engagé à observer ces instructions.
Mazagan, 12 janvier i6ig.
Regimcnto que se deo a Francisco Diaz Faleiz'o, estando présentes
o contador da fazenda de Sua Mageslade e o escrivâo dos contos.
Partireis outra vez na volta de Zafim na mesma fragata em que
viestes, fazendo toda a diligencia possivel por chegares com brevi-
dade: e logo que chegares, dareis a el Rey Muley Zidam a carta que
levais niinha, em reposta da sua que me trouxestcs. e juntanicnte
entregarcis ao alcayde Agena e ao alcayde Abgib as que llie escrevo.
E, pera eslares advertido no que se vay tratando na materia do
serviço de Sua Mag''' e em bem do resgale dos cativos, lie bem que
saibais a materia sobre que Ihe escrevo. pera que. conlornic vossa
inteligencia, lideis com el Uey Muley Zidam e com os ditos alcaydes
de maneira que, quando se nâo consiga o efleito princijjal que
himos trassando, que he vir a pessoa de Muley-Zidam. sua may,
mollier e filhos e seu thesouro e todos os cativos que Icm as mâos
de Sua Mag''", que pello menos se consiga eflcituarse o resgale
que tanlo ha que se prétende.
Der-lhe-heis logo como Iras vos se fica aprestando meu fdho Dom
Francisco e com huma nao framenga de trinta pcssas e com hum
navio frances mais e outro caslelhano. todos com muy boa solda-
desca, pera elle se poder vir segui'o, representandolhe o procedi-
mento que se teve com el Rey Muley Xeque, seu irmâo, quando
se quis valer do amparo e favor de Sua Mag■'^
Advortireis cjue os quatro quintais de polvora que levais e quatro
de chumbo e dous de murrào, que, quando desembarcares, o nâo
farels a saber de nenhuma maneira, advirlindo que sô em hum caso
se poderâo dar e pera este efleito os leveis, o quai he estar tào nece-
sitadc) de polvora o dito Rey, que vos pareça que, sem as ditas muni-
çôes, nâo podera esperar a chegada de meu fdho; pois nâo he bem
que, podendoUie vos valer e Irazer ao amparo de Sua Mag''', como
fica dito, o arnscpicmos a screnirado do seu enemigo c a perderem
par esse respeito a liberdad(> (juc por esta \ia podcm 1er os cali\os
que consigo tem.
Sa 6-27 JANVIER 161 9
A Monseur San-Mannique', que se perdeo na Mamora. e o que
lie seu fundidor da artelharia e seu engenheiro, direis que avéra
anno e mevo que per este porto veio de Marrocos hum Napolitano
em companliia do alcayde Abgib, ao quai elle dilo monseur San-
Man nique deu huma mula em que veio, e que de palavra me disse que
elle desejava de servir ao serviço de Sua Mageslade. que Ihe quisesse
aver seguro jiera o poder fazer por esta via ou pella de Larache, e
que logo em comprimento disso escrevi a Sua Mag**" que Ihe quisesse
aver seguro pera o poder fazer por esta via, embiando carta sobre
isso por via do duque de Mcdina dandolhe conta de sua proposta ; e
que tenho ordem de Sua Mag''*' para Ihe dar passo poi' aqwi dcrigido
ao duque de Médina, e o dito duque logo a Sua Mag'' , e que a mesma
ordem ha em Larache ; e que, posto que Ihe tenho dado a enlender
isto por algumas vias, o nâo quis deixar de fazer por esta, por ser tào
certa. E juntamenle pedilhe vos ajude nesie particular, de maneira
que consigan os efieitos que pretendemos, pois lie o meyo por onde
elle tambem pode vir a liberdade que elle tanto deseja.
Nas mais cousas que se oflerecerem, ireis emcaminhando as mate-
rias a este effeito, esperando de vossa inteligencia que as tereis tào
digestas que, quando meu iîlho chegue, estejâo casi determinadas.
E de como o dito Francisco Diaz recebeo este regimento, e pro-
meteo de o guardar em tudo, mandou o dito Senlior fazer este
termo, que assinou com o dito confador e escrivâo dos contos e o
dito Francisco Diaz.
Em Mazagâo, aos doze dias do mes de Janeyro de mile seiscentos
e dezanove.
E eu Domingos Ferreira Taveira tabeliào o escrevi.
Dom Jorge Mascarenhas — Joào Gomez de Lemos — Salvador
Rodriguez do Coulo — - Francisco Diaz Faleiro.
Instructions données a Francisco Mascarenhas se rendant a Safi.
La sllunlifin de Moulny Ziilon cxl Iclle que ce prince pourra cire ohHijé de
I. Sainl-Maiidrior. Sur ce personnage troduclion, notice biographique, el supra,
cl SCS offres de service à l'Espagne, V. In- p. 19, note 3.
PROCÈS-VERBAUX DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN 33
quitter Safi : il faudra parer aux inconvénients que cet événement pour-
rail faire naître. — Francisco Mascarenhas lâchera de venir en aide au
CliériJ et d'obtenir, en échange de son concours, ta mise en liberté de
deux cents captifs. — Conduite qu'il tiendra au cas où le Chérif
serait déjà embarqué lors de son arrivée. — Mesures à prendre
lorsque Mascarenhas aura le Chérif à son bord. — Conseillers dont
il devra prendre l'avis. — Néce.<!sité de mener rapidement l'accom-
plissement de la mission. — Il fera visiter les navires qu'il trouvera dans
le port de Safi.
[Mazagan, i3 janvier i6ig] '.
Rcgimenfo que levou Dom Francisco Mascarenhas, meu fillio, e
de como o recebeo e foi lido a elle. E as pessoas que leva por conse-
Iheiros assinarâo ao pe dellc, com o senlior Capitâo.
Meu filho, depois de vos botar minha bençâo, e a de Deos que
vos cubra, o quai permita por sua misericordia darvos nesta jornada
o sucesso que desejo, pera que acertcis nella o service de Deos e de
Sua Mag''% me pareceo dar vos esta instrucçSo e regimento, que
guardareis nnuy enteiramente.
Primeiramente, sabereis que o que me move a vos mandar nesta
jornada lie saber o grande aprelo coin que se acha Mulcy Zidam
que lie tal, conforme a informaçào que me veio, e vi por sua carta,
que tenho por sem duvida que elle sera forçado sairse dali. Porque
poderia acontecer embarcarse em navios estrangeiros, que levem sua
pessoa e de suas molheres e fdlios a seus Reys, e resultar disso poder
elle entregar os portos de Zafim e Sale a França, Ingalaterra ou aos
Estados de Frandes, que sera muy em perjuiço do serviço de Sua
Mag''% ou que, aportando ahi alguns navios de Turcos, se meta nelles
com seu thesouro, de que pode resultar fazerse alguma ai'mada que
de cuidado a Espanha, me pareceo emviarvos com toda a pressa a
desviarcs estes inconvenientes, e a ver se podeis aver as mâos o dilo
Rey, e trazelo as de Sua Mag''° com toda sua casa e thesouro, porque,
conseguindose este efTeito, se scguira a elle outro mayor do serviço
de Deos e de Sua Mag''°, (jue lie baver em liberdade duzentos cativos
que estâo em seu poder.
I. V. infra. Lettre de D. Jorge Mascarenlias à Moulay Zidàn, p. 38.
De Casthies. 111. — 3
34 6-2 7 JANVIER 1619
Tanto que chegares a bahia, se vira ter comvosco Francisco Diaz,
que vay diante na fragata, o quai deve ter ya entendido, conforme
a ordem que leva, o estadodestascouzas e o que este particularpode
dar de si ; e conforme a isso despondereis o ncgocio, nâo vos resol-
vendo em nada, sem o pai'ecer dos conselheiros que vos nomearei.
Em caso que as cousas de Muley Zidam estejâo mellioradas. e nâo
possa aver effeito este primciro intcnto. tralareis entâo do resgate
dos cativos, que me tera prometido por sua carta, traballiando quanto
fare possivelpor tirares todos, porque, quando nâo bastarodinlieiro
que levais pera isso, sey que sobre meu credito se vos darâo. E cm
caso que nâo possais conseguir o l'esgate gérai, Iraballiareis quanto
vos for possivel por resgatar os Portugueses eEspanhoesqueouver,
molheres e meninos, e hum religioso irlandes que la esta. '
E porque pode acontecer que, quando cbcgueis a bahia, acheis
Muley Zidam ou sua roupa embarcada em alguns navios, lançareis
mâo de tudo, sendo na^ ios com que os nosos possâo^, e, sendo caso
que nelles cstejaapessoa do dito liey, sem embargo de o cati\aresde
boa preza, o representareis com o respeilo que se deve a pessoa real.
E, em caso que vcnha ou o ajais a mâo na forma que digo,
havendo tempo ou tormcnta, trabalharcis quanto for possivel por
nâo arribar a nenhuma parte e de irvos desembarcar a esta força,
por excusar os extraordinarios gastos que Sua Mag'" costuma fazer
com semelhantespessoas'.
Nâo deixareis sair ninguem em terra, e quando baya de sair mais
alguma pessoa que a de Francisco Diaz, sera o adahil Antonio Gil
Lobato, e este saira com asegurança que a elle Ihe parecer bastante.
Vossa pessoa se nâo desembarcara do navio, e sô em hum caso
o podereis fazer, que lie vindovos ver Muley Abd el-Melech, fdho
del Rey, e ficando no navio em quanto vos saires; e ainda nesta
forma escusareis de o fazer quanto vos for possivel.
Na materia do governo do mar, nâo tenho que vos encomendar,
1. Ce religieux irlandais était le P. 3. Sur les frais occasionnés par le séjour
Antoine de Sainte Marie. V. infra, p. 88 et en Espagne de Moulay ech-Cheikh, le fils
note 3. de Moulay Mohammed el-Mesloukh, et de
2. Sendo navios com que os nosos possâo : Moulay en Nasser (i 58 i-i5g5) et de Moulay
si nos naWres sont assez forts pour les ech-Cheikh bon Zidàn en 1G09, V. /"Série,
capturer. Espagne, passim.
PROCES-VERBAUX DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN 35
porque essa toca ao capitâo do navio, com o quai tereis toda a boa
correspondencia possivel, e a mesma ordenareis que tenha a solda-
desca que levais coin a da sua nao.
Metcr-se-lia guarda de noitc e de dia, como he costume, por
quaitos, assi em popa como uo conves do navio, e em proa e nas
escotillias o que for necessario.
E porque os outros dous navios que vos han de acompanhar
levâo seus regimentos, vos emcarrcgo somente, e que assi o façais
ao capitâo da nao, que os levé todos em conserva e juntos, daii-
dolhe anoiteser nome, dizendolhc a derrola que han de seguir ; e
a elles se Ihe encomcnda o mesmo.
Em caso que topeis algum navio na bahia, ou fora délia, que vos
pareça de ruim trato, o faieis vir a vos, e o fareis visitar por Ruy
Diaz da \eiga e Manoel Rodriguez do Couto, e, achandolhe cousas
dcfezas, lançareis mâo délie, e o trarcis em vossa companhia.
O negocio do resgate vos toriio a encomondar de novo, corrcndo
na maleria délie com o provisor Joâo Serrado, a quem encarguei
esta obra, pello padre frei Manoel se escusar dclla.
Nas mais couzas que se ofFerecerem e em todas estas, vos nomeio
por conselliciros ao provisor Joâo Serrado, pella muita experiencia
que sei que tem das couzas do mar e da guerra, ao adail Antonio
Gil Lobato e ao capitâo \icente da Cunha, a Ruy Diaz da Veiga,
a Pero Valente da Costa e a Francisco Diaz Faleiro, que, como
pessoa que tem mais alcansado nestas materias, sera bem advertir e
apontar o que convem ncUas.
i\o particular de vossa estada la, trabalhareis quanto vos for
possivel que se abrevie quanto puder ser, dando a entender a
Muley Zidam e a seus alcaydes que nâo levais ordem minha pera
vos doter mais de quatro dias ; e assi o trabalhareis de fazer, sem
précisa necessidade, pcUos muitos inconvenientes que podcm
resultar disso.
E em caso que hayais de sair a terra, como fica referido, o que de
novo vos torno a encomcndar (|uo escuseis, sairâo em vossa com-
panhia Ruy DIelz da Veiga, Pero Valente da Costa e Manoel Roiz
vosso criado, e o adaliil, se Ihe parecer tornar comvosco ; e nâo
sahira nenhuma outra pessoa, e deixareis o navio emcarrcgado ao
capitâo Vicente da Cunha.
36 6-2- JANVIEK 1619
E porque pode acontecer Muley Zidam tratar alguns partidos
sobre o modo de sua vinda a esta força, advirtireis vos e as pessoas
que vos nomeio por conselheiros, que vos nâo alargareis mais que
a ordcm que tenho por caria de Sua Mag''% que ira tresladada nesle
regimento, nem se Ihe segurara mais que ao que se estende a dita
ordem e carta.
Sendo caso que Muley Zidam se resolva a vir em vossa com-
panhia, nâo consinlireis que se embarque nos navios gente que
seja superior a nossa, e bavera gran vigilança de noite e de dia,
trazendo loda a nossa gente armas e mechas acezas, dando conta
neste parlicular ao capitâo da nao pera que. de conformidade com
elle, se procéda com toda a segurança possivel.
E porque tcnbo aviso que ficavâo na babia de Zafim dous navios
nâo de grande jiorte, carregados de asucar', a primeira couza que
fareis sera cbegarvos a elles, e fazer vir ao vosso navio os capitâes e
pilotos, pera Ibe tomar seus ditos e ver seus passaportes, e mandal-
os-heis visitar por Ruy Diaz da ^ eiga c por Manoel Roiz. como fica
dito ; e nâo largareis os pilotos e capitâes dos ditos navios vossos, e
metereis em bum Ruy Diaz da Veiga com dez ou doze mosqueteiros,
e no outro Pero \alente com outros tantos. tirandolbe juntamente
alguns de seus marinlieiros aos ditos navios. atripulando aos ditos
lugares com outros que tirares da vossa companbia ; e, sem embargo
de nâo ser navios de piratas, be bem que se averigue se trazem
cousas defesas a Berberia, e juntamente que façais com elles corpo
de armada pera o que suceder de necessidade.
Lettre de Philippe m a Jorge Mascarenhas.
Instructions à Mascarenhas pour le cas où Moulay Zidàn demanderait à
être conduit à Mazagan ; précautions à prendre et surveillance à exercer
1. V. supra, pp. 2O-37.
PROCÈS-VERBAUX DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN 3"]
autour du ChériJ. — Mascarenhas rendra compte des événements à Sa
Majesté.
San Lorenzo, 20 septembre 1616.
Treslado ' da carta de Sua Mag''".
Dom Jorge Mascarenhas. amigo.
Eu El Rcy os cnivio muito saudar. Ilavendo visto o que me
escrevestes em catorce de Dezembro do anno passado, acerca
do modo em que devcis de procéder, em cazo que Muley Zi-
dain se venlia amparar c rocolher a essa forfaleza, hey por bcm
que, sucedcndo assi. guardcis com elle a mcsma ordem que
estava dada para Muley Xeque e seu filho Muley Abdela', que
era que fossem recolhidns com pouca gente, de maneira que
por respelto délia se nào pudesse temer risco algum, advirtindo
que no numéro de gente que entrar com Muley Zidam convem
procéder com grande tento e recato, e que a mais que trouxer em
sua companhia ficara a sombra da artelliaria fora das balas. E logo
como o ouveres recolhido, me avisareis com toda dilio;encia, com
particular relaçào de como o recebisleis, e da gente com que cntrou,
e da que ficou de fora pera eu mandar o que for servido.
Escrita em Sam Lourenço, a 20 de Setembro de iGiO.
Rey.
Signé : Dom Jorge Mascarenhas — Dom Francisco Mascarenhas
— O provisor Joâo Serrado — Antonio Gil Lobato — Vicente da
Cunha da Costa — Ruv Diaz da Veiija — Pero Valente da Costa.
I. Tracluclion on langue portugais!' de ment dccesprinces. OnserappcUeque Mou-
la lettre de Philippe 111 ipii devait iMre lav ech-Cheikh, vaincu par MoulaY-Zidin,
écrite en espagnol. passa seul en Espagne; son fils MoulayAbdal-
a. Allusion aux instructions qui furent lah resta au Maroc. Cf. /''' Série, France,
donnéesen if)0() en prévisiondelembarque- I. M.pp i^^-^Dî et Espagne, année i6oc|.
38 6-2" JANVIER 1619
Lettre de Jorge Mascarenhas a Moulay Zidàn.
Vœux en faveur des armes de Moulay Zidân. — // lui envoie son fils,
Francisco Mascarenhas , avec trois navires ; ce dernier traitera de la
venue éventuelle du Cher if à Mazcujan cl du rachat des captifs.
Mazagan, i3 janvier 1619.
Treslado da carta pera Muley Zidam.
Muy alto e poderoso rey e senlior entre os Mouros. Por Fran-
cisco Diaz, meu criado, recebi a de Y. Alleza, sentindo em muito o
sucesso passado. Porem grandes couzas nâo acontecem, senâo a
grandes principes. Permitira Deos que Iras estes tenha V. A. con-
tra esse seu enemigo os bons que Deos llie pode dar. E folgai'a em
particular poder ser de proveito a \ . A. em esta ocasiâo. No que o
posso fazcr, he enviar tras este barco em meu lugar a meu filho Dom
Francisco, que partira dentro de dous dias, com o favor de Deos,
com très navios que se acharâo neste porto, como mais particular-
mente dira o portador a V. A. , pera que, em caso que as couzas sejâo
de calidade que obriguem a V. A. a mudarse dahy, se possa vir a
esta força, a quai Ihe offereço, em nome de Sua Mag''% pera se
retirar a ella, com toda a sua casa e as pessoas que quizer.
Beijo a V. A. as mâos pella mercê que me faz em me dizer que
se fara toda a minlia vontade no resgate dos cativos, de que fico tâo
agradecido como lie justo, e nâo o poderei servir, senâo em repre-
sentar a Sua Mag'" o boni animo de \ . A. neste particular, que sera
de muito effeito pera tudo o que ao diante se offerecer. Francisco
Diaz tratara o preço que eu me obrigo por esta a pagar a ^ . A., nos
generos de fazenda e dinheiro que A . A. for servido, os quaes se
entregarâo a pessoa que V. A. ordenar. E quando os navios em
que vay meu filho nâo sirvâo de V. A. se vir nelles, sirvâo de me
trazer muitos cativos, porque doutra maneira nâo me pagara V. A.
a boa vontade com que Ihos emvio e a que tcnho de servir a V. A.
com El Rey Dom Plielippe meu senhor, a qucm nâo dou aviso de
nada, ate sabcr a resoluçâo de tudo com a vinda do meu filho.
PROCÈS-VERBAUX DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN Sq
j Nosso S'' guarde a ^ . A. e o traga a seu verdadciro conheci-
mcnlo !
Mazagâo, trece de Janeiro de mil e seiscentos e dezanove annos.
Muy alto e podcroso Rey e Senlior entre os Mouros, bcija as mâos
de V. A. seu servidor,
Dom Jorge Mascarenhas.
Com estas carias, que se duplicarâo, partio a fragata', e Iras ella
meu fiUio Dom Francisco com très navios, comvem a saber : huma
nao de Amburgo^ com trinta pessas, hum navio frances com doze
e hum patache castelhano. Gastarâo na jornada quince dias, e do
que nella Ihe sucedeo fizerâo a declaraçào seguintc.
Rapport de Francisco Mascarenhas
Départ des navires et arrivée devant Sa/i. — Reconnaissance des vaisseaux
qui se trouvaient dans le port. — Francisco Diaz a apporté les remer-
ciements du Chérif et fait connaître l'impossibilité où celui-ci était de
rendre la liberté aux esclaves chrétiens, lesquels constituent présentement
sa (jarde. — Discordes et révoltes an camp de Yahia ben Abdallah. —
Convention pour le rachat des esclaves. — I\é(/ociations en vue du pa.isac/e
du Chérif à Azemmour.
[Mazagan, janvier lOig]
Primeiramcnte disserâo que, partindo daqui a fragata diante a
segunda feira^ que nâochegou la senâo a sesta, que foiodiaemque
daqui parlirâo os navios, per rezâo de cabiianas, e que, saindo em
1. C'est la frégate dans laquelle partit 3. La frégate partit le lundi qui suit le
Diaz Kaleiro ; le fils de Mascarenhas devait i3, soit le i/i janvier (le i3 est un dimanche
partir deux jours après lui, soit le lO jan- en i*>Iij) ; elle n'arriva à Safi que le ven-
vier lOiy. dredi 18 janvier et ce fut ce jour-là que
2. Amburtjo, Hambourg. partit en réalité D. Francisco Mascarenhas.
/(O 6-2" JANVIER l6lj)
terra Francisco Diaz, que hia nella, achou Muley Zidain em estado
que, se naquelle dia chegarâo os navios, se embarcara nelles sem
nenhuma duvida.
Disserâo mais que, em partindo daqui os navios a sesta feira de
madrugada, coiierâo aquelle dia, e pairarâo de noite. E estando tanto
avanie com o cabo de Cantim. llie acalmou o vento; e com isso se
detiverâo aie o domingo'. E que acbarâo na bahia cinco navios,
convem a saber : dous dosEstados^, dous Ingreses e lium Frances
pequeno com Mouros de Sale, e que em lerra estava outra fragata
de Sale de nove o doze remos por banda.
Disserâo mais que, antes de surgir, mandarâo reconhecer os
navios pello palaxe castelhano : e que os Olandeses bolarâo barco
fora e vierào a nossa capitana, dizendo que, estando no porto, se llie
nâo fizera cortesia com a nossa bandeira ; a que respondeo Dom
Francisco que elles tinhâo excedido o modo, pois nâo abatiâo a
bandeira a de Espanlia ; e, sem embargo de os mandar liospedar,
se levantarào ao dia siguinte^ levando consigo os dous ingreses.
Declararâo mais que estiverâo aquelle dia e o seguinle' sem vir
de terra a nossa fragata, que avia ido diante por rezâo de aver muilo
mar na bahia; e que. metendose o venlo no sudueste, os obrigou a
levar ferro e fazersena volta do mar, onde andarâo dousdias ' ; e que,
tornando ao porto, por abonansar o tempo, veyo da terra Francisco
Diaz, o quai veyo com recado de Muley Zidam, de grandes agrade-
cimentos, e que, no parlicular dos calivos, nâo estava em tempo de
os poder largar, por quanlo délies so se confiava e faria sua guarda,
por rezâo de se nâo fiar dos Mouros ; porem que daria os desla
força\ porque so nella e no amparo de Sua Mag'" tinha suas espe-
ranças.
Disserâo mais que nesle comenos ouve diflerenças no campo do
Cassis, que tinha mais de quarenta mil homens, e que crecerâo de
maneira que peleijarâo huns com oulros' e morreo muita gente; e
1. Le dimanche ao janvier. 5. Dous dias, le 22 et le 28 janvier.
2. Estoios : Les États-Généraux des Pro- 6. Os desla força, c'est-à-dire: les cap-
vinces-Unies. tifs provenant de la place de Mazagan. V.
3. Dia siguinte. le lundi 21 janvier. infra, p. Ixi.
!\. A'juelle dia e 0 siguinte, le 20 et le 7. Les contingents de Sidi Yahia se di-
21 janvier. visèrent en trois groupes : les gens de Mer-
PROCÈS-VERBAUX DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN ^I
que, com esta discordia, levantarâo o cerco, hindo o Cassis na volta
de Marrocos' com dczoito ou vinte mil Iiomcns, e os mais se forâo
pera suas terras, deixando no alojamento escadas, bastimento e
outras couzas que os de Zafim recolherâo.
No mesmo dia, mandou Muley Zidam recado a Dom Francisco
que, com sua chegada, llie fizera Deos merce, e lançou tendas fora,
e despachou correos pera todas as partes, apregoando (juatro pagas
e outras vcntajas.
Estando as cousas nesle eslado, se tratou com elle do rcsgatc a
que se liia : e costarâo se os nove cativos de Mazagâo, convem a
saber : os cinco cavaleiros a duas mil oncas cada hum, e quatro escu-
las de jiee a mil e (piinhenlas onças, per sercm todos moços, que
se Ihe pagarâo em dinlieiro; e o dia que os entregou, mandou com
elles huma espada a Dom Francisco, dizendoUic que Iha mandava
por Iha aver mandado o Grâo Turco.
Declarou mais F'rancisco Diaz. que lie a pessoa que andou nestes
negocios, e hia e vinha a terra a fallar com elle, que Muley Zidam
Ihe disscra que elle se vinha a Azamor pera segurar sua pessoa,
molher e fdhos e thesouro a sombra desta praça ; e Ihe perguntara se
podia estar seguro debaixo da arlelharia, e se enlrase aqui, se o tor-
nariâo a deixar ir livicmcnte, e a suagente se, (icando de fora, ficava
segura. A que Ihe respondeo que, mctendose dentro dos valos com
suas tendas, que nâo se Ihe podia fazer nenhum dano, e que, metendo
sua molher e fdhos e tesouro dentro da fortaleza, que ficava muy
segura, pois a fortaleza ei'aa mellior que havia no mundo, e que, no
tocante a podcr sair, visse o que se fez a seu irmâo em Espanha.
Com que ficara muy contento, dizendolhe que nenhuma cousa sentia
no aperto em que se vira mais que deixar as molheres que tinha.
Disse mais Francisco Diaz que Ihe pregunlou Muley Zidam se
poderia o Capitâo asentar pazes com elle e que elle Ihe respondeo
que o podia fazer ate avisar a Sua Mag''"; e que com esto se despe-
dira, dizondo (|ue se podiâo vir os navios. porquc dentro em très
dias se pailia jiera Azamor, onde fosse logo ter coin elle, c que pera
rakccli rostironl fidèles au marabout, ceux i. On a vu plus haut que li' Marabout
du Sous suivirent son neveu et ceux de n'était pas encore entré dans Merrakcch
llaha prirent parti pour Abeda. V. p. '18. (pp. 21 et 27).
^2 6-37 JANVIER tBiQ
isso Ihe deu hum scguro real que trazia, e que, em chegando aquelle
lugar, que sâo duas leguoas de Mazagâo, que alli tratariâo de assen-
tar a paz e o resgate dos cativos, e que tudo o que o Capitâo quisesse
se faria.
Declararâo mais que escrevera Muley Zidam a Dom Francisco
carta em que llie pedia seguro pera os navios de Sale, e que elle Iho
dcra por concluir o negocio do resgate, e que os navios erâo huma
fragafa [)equena com vinte homens, e hum navio franccs de pequeno
porte com trinta homens e quatro roqueiras c poucas espingardas.
Disse mais Francisco Diaz que estava Muley Zidam com grâo
falta de armas e de moniçôes.
E todos assinarijo a dita declaraçâo.
Dom Francisco Mascarenhas — O provisor Joâo Serrado — O
adail Antonio (Jil Lobato — ■ O capitâo \icente da Cunha — Ruy
Diaz da Veiga — Pcro \ alente da Costa — Francisco Diaz.
Lettre de Moulay Zidàn a Francisco Mascarenhas.
// prie Mascarenhas de ravitailler les navires qui sont venus de Salé pour
lui porter secours.
Safi, lo [Scfcr i028]-[27 janvier i6ig.]*
Treslado' da carta de Muley Zidam.
Dom Francisco, gênerai dos très navios que nos vinieron de Maza-
gâo, hijo do governador Dom Jorge Mascarenhas, salud.
Despues de los mas scrvicios que nos havcis qnerido hazer, nues-
tra volunlad es que mireis por los otros navios que nos vinieron
de Sale, y los socorrais en sus necessidades, mientras alli cstuviere.
Y, para que mexor se cumpla esta nuestra voluntad y vos la vuestra
I. Cotte lettre a été écrite le lo de la loaS correspondant au 27 janvier 1619
lune qui suit le mois de Moharrem (V. de l'ère clirétionne.
supra, p. 'l'i, note 3), soit le 10 de Sefer 2. Cette traduction est en espagnol.
PROCÈS-VERBAUX DES CONSEILS TENUS A MAZAGAN ^3
obligacion, iran ancorar a par de si, porque ansi me rogaron, y le
doi gracias por las merces que les haveis hecho, que ansi tambicn
me lo lian diclio.
Oy, de Zafim, alos diez de la luna.
Ylen si acaso no pudieren arribar con el viento, puedan ancorar
en vuestro puerlo, como lo hallareis en qualquier necessidad que
se olTerezca.
Mascarenhas.
Archives espagnoles du Gouvernement qénêral de l'Alr/e'rie. — A'^" ^90
(anciennement: Registre 1680, ff. '27'2-'283). — Copie du xvu''- siècle'.
i. Documents rapportés dos Archives autre copie de ce dossier au British Muséum,
de Simancas par M. Tiraii. — Il existe une Aild. ^{ss. 284O1, ff. sG-SG.
4 FÉVRIER 1619
LETTRE DE JORGE MASCARENHAS A PHILIPPE IIP
Situation précaire Je Moiilay Zidân assiégé dans Safi par le rebelle Yahia
ben Abdallah. — Conseils de (juerre tenus à Mazafjan et mesures p?-i-
ses en vue de la retraite de Moulay Zidân sur cette place. — Attitude
incorrecte du Frère .Manuel ijui a refusé de réunir les fonds néces-
saires au rachat des captifs. — Bien que Merrakech se soit déclaré pour
Yahia ben Abdallah, les affaires de Moulay Zidân semblent en meil-
leure voie. — Les Chebanat ont attaqué un convoi du rebelle et l'ont
pillé. — Celui-ci se fait appeler ^Moulay ech-Cheikh ben Abdallah pour
augmenter sa popularité. — Graves désordres dans son armée qui se
plaint de n'être pas payée. — Il a dû lever le siège de Safi et se dirige
sur Merrakech. — Si l'on n'a pu racheter qu'un petit nomtire d'esclaves,
la responsabilité en revient au Frère Manuel qui a traversé les négocia-
tions. — Calomnies que celui-ci répjand au.'iujet de cette affaire. — Mou-
lay Zidân se rend à Azemmour. — Le rétabiissenient de la paix est à
désirer pour permettre aux indigènes de cultiver leurs terres. — Masca-
renhas aurait voulu annoncer à Philippe III que Moulay Zidân était venu
se mettre sous sa sauvegarde, que les captifs étaient rachetés et que la
forteresse de Salé était soumise à l'Espagne. — // espère que ce dernier
désir pourra être réalisé; il a eu un entretien avec un Andalou de Salé
qui lui a promis de livrer la place. — // demande des munitions et des
vivres.
Mazagan, ^ février 1G19.
En tèle, alla manu: Visio para la hisloria.
Carta para Sua Magcstade de dom Jorge Mascarenlias, governa-
dor e capilâo gênerai de Mazagâo, sobre materias del Rey Muley
Sidâo e socorro que Ihe pedio e se Ihe deu.
I . La plus grande partie de la lettre de groupe de documents qui précède. On a cru
D. Jorge Mascarenlias n'est qu'un récit inutile d'établir en note aucun rappro-
coordonné des événements contenus dans le chôment.
LETTRE DE JOUGE MASCARENHAS .V PHILIPPE III 45
Senlior.
No ultimo navin que daqui paitio, aviscy a V. Mag''' do eslado
e revoluçâes da Bcrberia, e das rezâes que avia para enteiider que
quebrâria Muley Zidam. como despois aconteceo. E, liavcndo pas-
sade quince dias sem o saber. me veo bum Mouro de nova, e me
disse como o Cassis levantado Ibe dera batalba e o desbaralara,
ganhandolbe lendas e artelharia de campanha, e que Muley Zidam
se saliira da batalba com dous alcaydes e se relirara a Zafim, onde
tinha sua molber e filbos ; e que o Cassis fora em seu seguimenlo e
o tinba cercado, o que me afirmava como pessoa que se acbara
na batalba. Com esta nova, considerei que poderia ser boa ocasiâo
pera mandar liuma fragata a Zafim, assi a tralardo resgate doscati-
vos, como a ver o estado em que estava. E dando conta deste intento
as pessoas de consideraçâo deste lugar, Ibes pareceo que nâo
somente Ibe dévia escrever sobre elle, mas que juntamente Ibe
dévia de dar o pezame da pcrda e offerecerlbe em nome de V. Mag'"
o em que daqui opudessemos ayudar. E com luima caria ncstacom-
formidade. despacbei a fragata, que dentro cm scis dias' voltou com
reposta, avisandome a pesoa que nella mandei do grande apreto
em que estava, que era de calidade que se nâo poderia sostentar
muitos dios no cerco, assi pella falta em que estava de muniçeons,
como por nâo aver no lugar lenha. E o mesmo fiquei colegindo da
carta que me escreveo, pois nella me pedia Ibc quisesse aver dos
na\ ios que estavâo neste porto algumas moniçôes e emviarlbas pella
mesma fragata, dizendo juntamente que no particular dos cativos.
veria em tudo o que eu quizesse.
Com esta carta e dito do bomem que eu mandei na fragata, fiz
segunda juiita, assi pera me resolver no que dévia de responder acerca
do que me pedia, como pera o modo em que mandaria tratar o
negocid do lesgate. E resolvendose que, pois bum Rey naquelle
eslado se (jueria \ aler da grandeza de V. Mag''°, que era bem que
nâo Ibe fallasse. asscntando todos comigo que Ibe dévia inandar
hum pequeno socorro de muniçôes, considerando eu o estado
do negocio, e que nâo dava lugar de avisar a V. Mag**", ordenei
I. Celle iTK^ntloii a servi à dater le rapport de Faleiro. V. supra, p. 2"), noie i.
l\Q 4 FÉVRIER 1619
que fosse outra vez a fragata, com quatro quintaes de polvora, qua-
tro de chunibo e dous de murrâo, com ordem que, quando desem-
barcasscm, o nûo fizessem a saber de nenhuma maneira, e que so
pera lunn effeito a levavâo, que era verem o lugar tâo apretado que
nâo tivessem com que se defender aie a chegada dos nossos navios
que tras elle emviava, pois nâo era justo que arriscasemos nâo vir
este Rey as mâos de V. Mag''°, e pcrderem os cativos que consigo
tinha a liberdade que podiâo ter por esta via, por sellie dar hum
tâo pequeno socorro.
Partida a fragata. fiz logo aprestar huma nao de Amburgo que
aqui estava arlclhada com trinta pcssas, e hum navio frances de
bom porte tambem artilhado, e outro pataxe castelhano, pera que
fossem a hum de dous effeitos : o primeiro, a ver se queria embarcar
nelles e virse ao amparo de V. Mag"*", e com isso trazer a liberdade
todos os cativos de graça, ou, quando isto nâo acontecesse, conse-
guirse o resgate délies; o segundo, a desviar a que o dito Rey se
nâo embarcasse em dous navios ingreses e outro frances que este-
vâo naquelle porto de Zafim, pois o podiâo levar a Ingalaterra ou
a França, c resultar disso poder entregar aquelle Rey os portos que
tem nesta costa. ou passarse nos ditos navios a Sale ou a Turquia,
e perderse ocasiâo délie vir as mâos de V. Mag"*', donde se podia
conseguir entregar Sale.
Estando o negocio neste eslado, sem embargo de se ter levanta-
do Fr. Manoel com a liberlade, digo obedicncia que se me dévia
como a pessoa quegovernou em nome de \ . Mag''° este lugar e com
as ordens e obrigaçâo do seu regimento, Ihe mandei dizer que orde-
nase dinheiro para este effeito, ao que nâo quis deflerir. E assi me
resolvi a mandar o que havia em minha casa, a cargo do provisor
Joâo Serrado. E. pera os navios irem como convinha, embai'quei
nelles a meu fdlio Dom Francisco Mascarenhas, acompanhado com
boa gente, escrevendo a Muley Zidam como embiava os ditos navios,
para em caso que fosse necessario sairse de Zafim, o pudesse fazer
nelles e virse a esta força, que Die offerecia em nome de V. Mag''",
e, quando Ihe nâo fossem necessarios, que Ihe pagasse a boa vontade
com que Ihos mandava em querer resgatar todos os cativos que
tinha, como me havia escrito que laria, e (jue meu filho levava ordem
e dinheiro para Ihos pagar.
LETTRE DE JORGE MASCARENHAS A PHILIPPE III 47
Chegarâo a Zafim a tempo que a gente de Muley Zidam tinlia
feilo huma saida da cidade e ganhado nella aos do Icvantado cinco
pessas de artelliaria, coin que Uie fazia dano. E como Marrocos se
tinlia ja declarado pello Cassis, mandou buscar a artelliaria que havia
naquella cidade pera continuaro cerco. E vindolhe por caminho,
derâo os Xaibanes ', que lie huma cabildada may de Muley Zidam. nos
que u traziâo, e degolarào muitos, e Iha lomarâo. E, sem embargo do
Cassis estar ja alansoreado por rey e inudado de nome, chamandose
Muley Xeque bem Avdela'. ouve motim no seu exercito. tomando
por motivo que Ihes nâo pagava, e foi de qualidade que vierâo a
peleijar huns com os oulros. Afirmâo que morrerùo muitos; com o
que levantou o serco, e se foi na volta de Marrocos, com perto de
vinte mil homens. E, como se tem nomeado pov rey, tenho por sem
du vida que se nâo desera de sua opiniâo, como Muley Zidam tem
lugar pera se sair pera Aduquella e havera muitos dias em que enten-
der nesta guerra. E parece que fol promlssâo divlna nâo se acabar
desta vez, pellos inlentos com que cstavaestelevantado, que erâo de
qualidade, que determinava, despois entrar Zafim, virse pella Adu-
quela pur cerco a esta prassa ou a Mamora, e scnhorearsc da Xauhia
e Sale, antes de enlrar em Marrocos: e tudo llie fora facil e dera
muito que entender a estas praças, se ouvera as mâos a pessoa de
Muley Zidam e seu thesouro.
Quando meu filho chegou a Zafim, achou, de mais dos navios
referidos, dous do conde Mauricio, que tiiihâo ja lançado mâo dos
dous ingreses. E estava Muley Zidam concertado pera se embarcar
nelles\
Havia mais dous navios de pouco porte de Sale, com Andaluzes.
Os dos Eslados quiserâo ter competencia de bandeiras com os nossos
navios, em que Dom Francisco acudio conforme sua obrigaçâo ; e
com isso levanlarâo os navios do conde Mauricio, levando em sua
companhia os dous ingreses. Como que escreveo Muley Zidam
huma caria a meu filho, pcdindolhe seguro pera os navios de Sale,
1. Xaibanes: les Chebànat. — Sur cnlte la crédulité indigincesl telle que ce subler-
tribu, V. Ibn Kiialdol'n, t. I, pp. i uj-iaS; fi'ge ramùne toujours à leur cause quolq^ies
El-Oufrà.m, pp. 427, /('.iS, 477 et 5o2. partisans.
2. Ce changement de nom csl d'iiii usage ,3. V. i''' Série, Pays-Bas, t. Ill, à la
constant parmi les chefs d'insurrection, et date du 3o mars 1619.
/j8 li FÉVRIER 1619
que Ihe deu por nâo danar com isso o negocio do resgate, de que
hia Iratar. E. por mais deligencias que fez nelle, nâo pode aver as
mfios mais que cinco cavaleiros, e quatre esculas. que la eslavâo
desle lugar, c hum Frances, pay de outro que he marinheiro na
cara\ ela desta força. E nâo foi a menor causa de se nâo conseguir
mor resgate. cartas que forâo deste lugar de Fr. Manoel. escrevendo
a El-l\ey e ao renegado Abgil que o estorvase e se nâo effcituasse
por esta vez, porque arriscava com isso seu crédite. Em fim, agora
vera Y. Mag''" com evidencia clara quai foi sempre meu zello neste
particular. pois pello mestrar arrisquei meu fdhe e minlia fazenda,
a quai offeroci muitas vezes pera este effeito, como mostrarei clara-
mente. mandandome \. Mag"*"" ouvir por ministres cliristâos e fora
de paixâo. E so espère dos que me calumniarâo ate agora neste
particular, dizendo que eu empedia o resgate, que de nevo e façâo
dizendo que nâo he officie meu resgatar cautlvos.
Mule\ Zidam fica fora de Zafim : e e Cassis se foi pera Marrocos
e esta as perlas da cidade, pagande a gente, e seu sobrinhe pera
Susi, e es d'Abeda pera Haiha, que forâo as très cabezas entre quem
euvc as differenças. Muley Zidam se vem na volta de Azamor, e assi
o mandou dizer a meu filho, tratando de querer pazes com nosetros,
a que meu fdhe respondee que nâo levava ordem minha pera as
fazer, e que, pois Sua Alteza vinha a Azamor, que alii se poderia
tratar o négocie das pazes, e tratar da partiçâe dos termes do campe
que haviamos de ter.
A sua vinda a Azamor sera brevemente, se os da Aduquella os
deixarem passar. E e intente com que se vem pera esta visinhança
lie pera nesta prassa segurar sua pessea, sua casa e thesouro. A paz
teria eu por boa, pello pouce que ganha nesta guerra, em case que
elle terne a permanecer. porque, déniais do grande bénéficie que
tera este lugar em se legrar a gente délie de semear estes campes,
a que sâo por extrême afeiçoades, e de terem suascriacôesdegados,
sera de grâo provcite a fazenda de V. Mag''% pois com ellas se
nâo ha de dar mais que meia rasào aos de cavale, com o que vem
V. Mag"*' a poupar quinhentos moyosdetrigo cada anno. E por sem
duvida tenho que, se Muley Zidam permanecer, censervara a paz
(se ha de durar agradecimento em Meure, do que eu duvido) pello
muito obrigado que se mestra a demestraçâo que fiz com elle
LETTRE DE JOKGE MASCARENHAS A IMIILII'I'E III /(Q
Porem, o intento era cuidar que podcria avisai" a \. Mag'" de que
o tiniia em meu poder. e que, coin suavinda, ouverâoliberdadeos
cativos de graça ; e juntamenle que. pello V. Mag''"" favorecer,
offerecia a alcasava de Sale, que tenho por cousa de importancia,
assim por cstar fortificada e bein aiiilhada, como pella comodidade
que Icm pera Gales', e, em parlioular, por scr aquella terra a mais
lertil e millior que tem toda a Beibcria. E, sem embargo de se me
salr das mâos esta ocasiâo, ainda fico com esperanças de poder
islo acontecer nos poucos dias que me restâo nesta assistencia^.
Do porto de Zafîm despacbou Muley Zidam buina fragata de Sale ;
e, como estava com scguro de meu filbo, se dcspidirào délie e dan-
dolhe Iiuina carta pera inim. Falei com os que vinliâo nella, que erâo
os mais Andaluces de Sâo Lucar, Cadiz, Lherena^ e de Fornaclios*.
E, entre elles, conlieci bum que havia sido soldado no tempo que
andei embarcado com Dom Luis Fayardo ; e inibrmandome délie do
sitio, entrada do porto e da gente que liavia na Alcasava, disse que
seriâo quatrocentos homens, e eu imagino que sâo muito menos,
e que estevâo repartidos por companliias, dous terços da gente de
Ff)rnacIios, e os mais dos lugares releridos. E preguntandolbe se se
lembravâo de Espanlia, com lagrimas e demostracoens me disse
que era christâo" e que confiava em Deos que ainda liavia de mor-
rer em Espanha. Eu llie disse que tudo era facil a Deos, e que oca-
siâo podia 1er com que o pudesse fazer, lioiirrando os \ . -Mag''% fulmi-
nando com os mais entregar aquella força. Ficou conmigo de arris-
car a vida pera o fazer, e, pera me voltar com reposta, me pedio
seguro pera tornar a(|iii com a fragata, o quai Ihe dei vindo nestes
vinte dias primeiros. E, vindo com elle a falar no meyo que poderia
aver, assentaraos bum muv facil, que lie, concertando com os maise
virme com recado, e irein dous navios com trezentos liomens, e
entrar a sombra de trato, levantandoos debaixo de cuberta, e
desembarcarem de noite. E, posto que a materia nâo tem mais
sustancia que esta, me pareceo digna de avisar a V. Magestade.
1. Gales, Cadix. do la province d(^ Badajoz, V. infrn, Intro-
2. V. p. 20, noie 3. duclion crit!r|ue, p. 187 et note 4-
3. Lhercna, Llerena, province de Ba- 5. Sur les sentiments chrétiens des
dajoz. Moriscos expulsés d'Espagne, V. infra. p.
!>. Fornachos, Ilornaclios. Sur cette ville (j- et note I.
De Castiiies. m. — !t
5o li FÉVRIER 1619
Tambem determino, concertando a paz, que em todo caso farei
condicionalmente ate avisar a V. Mag"*», de pedir a Muley Zidam
saca de trigo do porto de Fadala, e juntamente que o salitre que se
navega em Zafim pera Ingalaterra e Olanda se nos de, que sera
cousa importante, segundo a informaçâo que tenho. O tempo de
minha assistencia pera assentar estas cousas he brève. E pois estou
entrado ncllas, sera bem que com toda a brevidade me mande
V. Mag""" avisar do que devo fazer ncllas. assim pera assentar, como
pello muito que estimarei deixallas concluidas ou assentadas em
meu tempo. E pera isso, mando este meu criado pella posta, lem-
brando juntamente que convem. assim pella vinda de Muley Zidam,
que tenho jior sem duvida que sera, como jjor poder acontecer vir
o Cassis em seu seguimento, e ajuntasse hum com outro sobre esta
prassa, cmbiar com toda brevidade municôes e biscoito e carvâo,
porque tudo ha de ser necessario, e alguns mosquctes e lanças. Que
he tudo o que posso dizer neste parlicular. e que todos os inciden-
tes que ouve nelle vera V. Mag''" pella copia dos papeis autenticos
que irâo o incluses nesta.
j Nosso S' guarde a catholica pessoa de V. Mag""'!
Mazagâo, 4 de Fevereiro de 161 9.
Dom Jorge Mascarenhas.
Archives espagnoles du Gouvernement général de l'Algérie. — N" U91
(anciennement : Registre 1686, ff. 28^-288). — Copie du ilmi" siècle^.
1 . Pièce rapportée d'Espagne par M. Ti- au British Muscum, Add. Mss., 28^61,
ran. Il existe une copie de ce document ff. S^-io.
LETTRE DE SAI>T-MANDUIER A PUIStEUX
XI
LETTRE DE SAINT-MAINDRIER A PUISIEUX
Du Mas rendra compte de sa mission à Puisieux. — Saint-Mandrier prie
ce dernier de s'employer à la délivrance des Français retenus captifs
par le ChériJ à cause de l'ajjaire Caslelane.
Camp du Doiikkala, 20 février 1619.
Suscription : A monseigneui-, monseigneur de Puisieux, conseil-
ler du Roy en ses conseils et secrétaire de ses commandemens.
Au dos, alla manu: Le sieur de Saint-Mandrier du février
1619.
Monseigneur,
Je me suis dispencé d'escrire au Roy ce qu'a faict le sieur Du
Mas' avec l'empereur Mole Zeydan sur le subjet de son dernier
voyage, et m'en remettray à luy pour vous en dire touttes les par-
ticularitez : et d'aultant cpie je sçay que le rapport qu'il vous plaira
prendre la pcyne d'en faire à Sa Majesté opperra plus que tout ce
qu'on luy en sçauroit représenter d'ailleurs, par la créance qu'il a
à vostre capacité et fidélité, j'osseray vous supplier très-humble-
ment d'apporter en cette occasion ce que vous a\ ez accoustumé en
touttes autres qui regarde son service et soulagement de ses subjetz
et la délivrance de tant de pauvres esclaves qui sont détenus icy
par la perfidie de Pliillippes de Castallanne\ qui avoit esté envoyé
1. Sur ce personnage, V. supra, Intro- particulières dans lesquelles celui-ci, après
duction, notice biographique. avoir vainement réclame au Chérif les
2. Saint-Mandrier partageait les préven- sommes qui lui étaient dues, avait pris le
tions de Moulay Zid,'m contre Castelane et parti de revenir en France. Cf. /"' Série,
ne tenait pas compte des circonstances très Kranc(\ t. IF, p. 34 r, Sommaire.
02 20 FÉVRIER 1619
à cest empereur de la part du defTunt roy, ce qui semble plus obli-
ger Sa Majesté de luy donner quelque satisfaction, laquelle ce peult
réduire à peult de chose à présent, pour des considcralions que le-
dit sieur Du Mas vous dira. J'espère que Sa Majesté ne voudra
perdre cette occasion, s'il vous plaist d'y joindre ce que vous pou-
vez, comme j'en suis Ires-certain et que l'affaire est assez importante
et plaine de charité.
Pour mon particuUier, j'y apportcray tousjours tout le debvoir
et service que je doibtz à mon roy et à ma patrye et ce que je puis
avoir acquis par mes services près de cest empereur depuis que je
suis de deçà, lesquelles estimerois beaucoup plus s'ilz pouvoient
estre utillcs en cette rencontre et me donnoient le moyen de vous
pouvoir tesmoigner la volonté que j'ay de vous en rendre aux occa-
sions que vous daignerez commender,
Monseigneur,
Votre très-humble et très-obeissant serviteur,
Signé : S" Mendriés.
De l'armée du roy de Marroc estant de presantcn Duqucde, ce
xx' febvrier 1619.
Bibliothèque Nationale. — Fonds français .— Ms . 16l'i9,f. 'il r" et v".
— Original.
ETAT DES CONSULS FRANÇAIS DANS LE LEVANT
XII
ÉTAT DES CONSULS FRANÇAIS DANS LE LEVANT'
S. 1., août i6ig.
Au dos, alla manu: Mémoire des consulalz de Levant baillé à
monsieur de Scsi' au mois d'aoust 1C19.
En tête : Consulatz de Levant.
CONSTANTINOPLE ET AULTRES PAYS.
Achilles de Ilarlay. sieur et baron de Sancy, avecq faculté de
commettre.
Marocques
Vacant par la mort de Castelarme^
Bihliothci/ae .\alionale. — Fonds J'rançais. — Ms. 1G73S, f. iOl v".
- Oricjinal.
1. Ce Document fait suite à r('latdeiGi7
(Doc. VII, p. lO); il ne conticnlque les modi-
fications sunenucs dans le corps consulaire
depuis cette date pisqu'en aoAt 1619.
2. Philippe de llarlav, seigneur puis
comte de (jésy (i.")Ni-iG52). Il fut envoyé
en i6i(j comme ambassadeur à Constanti-
nople, en remplacement de son parent
Harlay de Sancv. En i63i il fut remplacé
à son tour par M. de Marcheville, mais
celui-ci n'ayant fait qu'un très court sé-
jour à Constantinople, Césy y resta et géra
les affaires de France, sans être ambassa-
deur, jusqu'en iC4i, date de l'arrivée de
M. de La Ilaye-Vantelet.
3. C'est la seule donnée qui permette
d'établir que Castelane mourut au plus tard
en l'année i6ig.
54 1619
XIII
INSTRUCTIONS POUR LA MOLLE '
Eloiqnc de Merrakcch par la révolte de Yahia ben Abdallah-, Moulay Zidân
avait transporté sa mahalla dans la tribu des Doukkala entre Sali et Mazagan '
(1C18-1619). C'est ainsi que son attention lut attirée sur le port ou plutôt
sur la lacune d'Aier située à ao kilomètres au nord-est du cap Cantin. Le capi-
taine de Saint-Mandrier envoyé sur les lieux par le Chéril' conclut à la possibi-
lité d'ouvrir un chenal dans cette lagune en faisant sauter quelques rochers.
Sur ces entrefaites, l'agent français Du Mas venu pour négocier le rachat de
quelques captifs marseillais fut mis au courant de la question ; il repartit vers
le 20 février 1619 ' avec un envoyé de Moulay Zidàn, nommé Sidi Farès, qui
avait mission d'obtenir la restitution des livres du Chérif. Arrivé à la Cour, Du
Mas fit valoir les avantages que présenterait l'ouverture d'un port à Aïer et
montra la possibilité d'obtenir la concession de cet emplacement ■'. Un projet
tendant à la fondation d'une Compagnie pour l'exploitation du futur port fut
présenté à Louis XllI, qui donna des instructions au sieur de La Molle concernant
l'étude du pays, les négociations à ouvrir avec Saint-Mandrier et le Chérif
ainsi que les différents privilèges à concéder à ladite Compagnie. Selon toute
vraisemblance, La Molle n'accompagna pas Du Mas à son retour au Maroc. Ce-
lui-ci qui n'apportait sans doute aucune réponse satisfaisante au sujet des livres
de Moulay-Zidàn c< ne sut ni n'osa" » entamer les négociations relatives à la con-
1. Probablpment François de Boniface ces temps de trouble, campait lo plus souvent
de La -Molle, chevalier de Malte en i58.5, ^
j j n • 1 f- „• dans la plaine de Mecrous , ^J ,a^. Sur ce
commandeur de Puymoisson lo 1 1 lévrier ^ f> U^^J^
iDga ; llétait fils de Jean Paul de Boniface nom, V. /" Série, France, t. II, p. 2^6, n. A-
de La Molle, seigneur du dit, lieu, gentil- !i. Cf. ci-àessxis Lettre de Saint-Mandrier
homme ordinaire de la chambre du Roi et ù Piiisu'ux. Doc. \I, p. 5i.
frère de Jaccpies de Boniface de La Molle, 5. 11 semblerait, d'après les instructions
conseiller du roi au parlement d'Aix lo i4 à La Molle, que Saint-Mandrier s'était vanté
décembre 161S. Bibl.Nat.,Cabmetdc's titres. d'avoir obtenu la concession d'A'ier. Le rôle
Pièces orig., vol. io4. n° goSs, f. ij. ; ml. joué par ce capitaine dans toute cette affaire
rgS.1, n" 4»i9^. ff- » et 3 : vol. igfiô. fut très équivoque et il parait établi qu'il
n" iô.'il'io, f. 2. et Arc/i. Bimches-du-Rh'inr. avait fait également des ouvertures à l'Espa-
— Ordre de Malte. gne et aux États-Généraux des Provinces-
2. Sur cette révolte, Y. p. 30, Som- Unies. Cf. Cespedes, pp. .S44-345.
maire. (i. V. ;'''■ Série, Pays-Bas, t. III, iîapport
3. La mahalla de Moulay Zid.în, pendant de van Gool, 24 juillet 1624.
INSTRUCTIONS POUR LA MOLLE 55
cession d'Aïer et le projet ne fut pas mis à exécution. De leur côté les Hollan-
dais ' elles Espagnols envoyèrent reconnaître la laguned'Aïer, ce qui provoqua
parmi les tribus de la côte une grande surexcitation. Les travaux d'aménage-
ment du port d'Aïer ne furent pas entrepris par Moulay Zidàn, mais son succes-
seur Moulay el-Oualid reprit le projet en i634; les esclaves chrétiens furent
emplovés à élever à cet endroit un fort qui reçut le nom de El-Oualidia et à
améliorer le chenal de la lagune dont le Chérif ht exploiter le sel ; il eut même
l'intention d'y construire une résidence royale avec jardins -. En fait Aier dut
rester fermé à la navigation et au commerce^.
La Molle s'embarquera à Marseille avec Du Mas et le chevalier maure.
— Arricé au Maroc, il observera avec soin le pays. — // fera entrer
Saint-Mandrier dans la société commerciale dont il est fondé de pouvoir
et se rendra en sa compagnie au port d'Aïer. — // reconnaîtra le port
et en dressera un plan. — // tâchera de faire remettre ce port à la
Société par Saint-Mandrier et poursuivra la confirmation de cette ces-
sion auprès du Chérif. — Base d'une convention commerciale et mari-
time entre la Société et le roi du Maroc.
S. 1. n. d., [i6i9?l*
En te te : Maroques. — M. de Montmort\
Monsieur de La Molle sembarqucra. s'il luy plaist, à Marseille
avec les s" Du Mas et le chevalier more, pour faire avec eux le
voyage de Marroque.
1. Sur les visées des Hollandais sur le ment. La Molle, d'après les présentes ins-
port d'Aïer, V. i" Série. Pays-Bas, t. III, tructions, devait s'embarquer pour le Maroc
1622-162^, possi'm. et Cespedes, pp. 3/i4- avec Du Mas. Or nous savons par le A/émoiVe
345. (/« Goo/ cpie le séjour en France de cet agent
2. Cf. /" Série, Pays-Bas, 4 décembre fut de courte durée (V. i''' Série, Pays-Bas,
i634. Lettre de David Pallachc aux Etats; 2/1 juillet lOai). Arrivé en mai-juin i6ig
Fk. de s. Juan del Puerto, Mission histo- il repartit pour le Maroc avec « le chevalier
rial..., p. 365 et Godard, p. 5oi. More n. V. p. 100, note 6.
3. Si l'on s'en rapportait à BiRAGo, //l'.s^ 5. Jean llabert, seigneur de Montmort,
di Porlofinllo. les Portugais occupnieut en conseiller du Boi en iSqG, trésorier gé-
lô'io le point d'.\ïer, et le gouverneur de néral de l'extraordinaire des guerres eu
la forteresse d'.Vier se serait déclaré en iRiG, gros financier de l'époque qui
même temps que celui de Mazagan en commanditait les compagnies de colonisa-
faveur du roi Jean IV de Bragance (p. 233). tion. Cf. Tessereau, Ilist. de la Chancel-
4. Voici les donnéesquipermettcntd'éta- lerie. t. L P' 2^1 et passim ; Bibl. nat.,
blir approximativement la date de ce docu- Dossiers bleus, vul. .343. n" SH.^O, f. 33.
56 i6i9
Sur les chemins, traitera avec ledict more la plus estroicte ami-
tyé qu'il pourra et sentretiendra en bonne intelligence avec ledict
s' Du Mas.
Estant abbordé aux terres de Marroque, remarquera, partout oîi
il passera, la bonté du pays, tant par la qualité de l'air, fertilité du
terrouer, multitude d'animaux domestiques ou sauvages, arrouse-
ment de rivières et fontaines d eaux douces, que generallement tout
ce qui peut accommodderou incommoder la A^ye humaine et autres
particularitez dont la Compagnie puisse tirer quelque advantage.
Visitera monsieur de S' Mandrier' de la part et au nom de
ladicte Compagnie, avec les complimens les plus honnestes qu'il
pourra, et luy présentera les lettres d'icelle.
Convyera ledict s' de S' ^landrier d'entrer au corps de ladicte
Compagnie, et, à celte fin, luy présentera les articles pour les luy
faire signer comme les autres ont faict.
Après les articles signez, traictera avec luy sur le suget de son
voyage, et, pour cet effet, se fera conduire à la Ducaille'' au port
et forteresse d'Hiers'.
Où estant arrivé, recongnoistra le port et havre tant en mer qu'en
terre, les entrées dicelluy, les marques et signes qui se voyent de
la radde pour lesdictes entrées, le fondz et les ventz.
Recongnoistra semblablement la place qui est audict port et la
visitera en son pourtour et advenues, comme aussi sa cyme, pour
sçavoir sy c'est pierre, terre ou sable, et generallement toute son
assiette et force, le tout avec l'advis de ceux qui sont les plus
entenduz aux fortifïications, mesmes s'il fault plus de cinquante sol-
datz pour la garde d'icelle.
Fera faire le plan desdicts port, havre, radde. entrées, place et
de leurs environs au plus juste qu'il se pourra, avec l'entière rela-
tion des commoditez ou incommoditez des lieux.
Pareillement, s'il y a bois, pierres et autres matériaux pour
bastir, eaux douces et pasturages, fruicts, jardinages et terres de
labeur, et quelques villages habitez proche de ladicte place, com-
I. Sur ce personnage, \ . supra, Introduc- avaient autrefois occupé ce point l'avaient
tlon, notice biographique. nommé Casa do Cavaleiro. Sur la lagune
a. DucaUle, Doukkala. d'Aïer, V. i" Série. Pays-Bas, 24 juillet
3. Hiers. Aïer. Les Portugais qui iQili, Rapport de van Gool.
mSTRUCTIOS POUR LA MOLLE 87
bien esloigné de la ville de Maroque et quel chemin il fault passer,
si ce sont forests, montaignes, rivières, campagnes, et si l'on ren-
contre quelques villages sur Icdict chemin.
S'il est ainsy que ledict s' de S' Ahindrier ayo le don des susdicts
port et place, il en fera la remise entière à la dicte Compagnie, et [la]
fera non seuUement aggreer au roy de Maroque, ains icelle confir-
mer et par après en renouveller le don à ladicte Compagnie par le
roy de Maroque avec les expéditions nécessaires, y adjoustant quel-
ques terres circonvoisines pour faire cultiver et ensemancer. Pour
à quoy parvenir ledict s'^ de S' Mandrier introduira ledict s' de
La Molle près ledict roy de Maroque.
Ledict s' de La Molle fera audict roy de Maroque les complimens
convenables de la part de ladicte Compagnie.
Traictera audict nom avec ledict Roy, tant pour la confirmation
du don des port et places cy-dessus. que pour ce qui regarde le
négoce, sçavoir :
Que nul estranger ne pourra negotier en ses terres, portz et
rivages que soubz l'adveu de ladicte Compagnie, bannières et mar-
ques d'icelles ;
Qu'il donnera liberté à ladicte Compagnie de traffiquer. par toutes
les terres, lieux et destroicts de son olieissance, toutes sortes de
denrées et marchandises, tant en ventes qu'en acliatz, apportz que
transportz ; à la conservation des droictz royaux desquels ledict
s' de la Molle tirera la meilleure composition que faire se pourra,
avec la plus grande quantité de terres labourables qu'il pourra obte-
nir, desquelles ledict roy de Maroque fera don à ladicte Compagnie,
et dont ledict Roy donnera toutes lettres, expéditions, mandemens,
passeportz, octroys et previlleges (pii seront nécessaires pour en
jouir, mesmes permission de bastir et construire magasins, forte-
resses et tous autres lieux d'habitation pour la seuretté des biens et
personnes de ladicte Compagnie es endroictz où il sera besoin, et
pour cet effet de coupper les bois, faire ouverture de la terre pour
les matériaux qui seront nécessaires, ensemble pour les places qui
seront nécessaires pour bastir, avec la liberté entière d'exercer la
religion chrestienne en tous lesdictz lieux ; déclarant criminels tous
les subjectz qui contreviendront ou voudront empescher les susdictz
previlleges et libertez.
58 i6i9
S'obligera, de la part et au nom de ladicte Compagnie, de four-
nir les terres et lieux de son obéissance de toutes sortes de denrées
et marchandises desquelles ilz ont besoin, fors et excepté celles
desquelles le transport est interdit en France, et d'en tenir les
magasins fournis, moyennant les seurettez et libertez cy-dessus.
BibUothl'que Nationale. — Fonds français . — Ms. 19579, ff. 179-
181. — Copie du xvii' siècle.
LETTRE DE GASPARD DE BENEMERIN A CHARLES DE GONZAGUE 50
XIV
LETTRE DE GASPARD DE BENEMERIN'
GONZAGUE -
A CHARLES DE
// approuve la résolution prise par Charles de Gnnzague de tenir à Rome
le prochain chapitre de l'Ordre. — Nécessité d'obtenir l'exequatur
d'Espagne. — // travaille à obtenir du cardinal Zapata l'autorisation de
recruter des chevaliers de l'Ordre dans le royaume de .Xaples. — Envoi
d'une relation de l'ile de Sainte Maure dont l'occupation serait très
avantageuse à l'Ordre.
Naples, 10 juillet 1621.
Au dos, al'ia manu: Del S' Infante di Fez, al lo dl Luglio 1G21.
Napoli.
I . En l'état présent dr nos recherches
nous ne connaissons sur les origines de ce
prince marocain que ce qu'en rapporte
VicEXTE EscALLON, chcvalicr napolitain,
qui écrivit en i6ofi une généalogie de la
famille des Béni Merin, à laquelle il était
lui-même allié. V. /''' Série, France, t. I,
p. 274, note I. — Vers 1618, Gaspard de
Benemerin entra dans l'Ordre de la Milice
Chrétienne fondé par Charles de Gongague,
duc de \evers (V. la note suivante). II pro-
posa à ce dernier, dans une lettre du i4
mars 1628, une entreprise sur l'île de S**^
Maure et entretint avec lui une correspon-
dance active : ses lettres vont du 10
juillet lOîi au 6 avril 1O2/1. Cf. Buchon,
Nouvelles rechtTchi's historiques sur la prin-
eipauté française <tc Morée, t. I, pp. 231-
3o3 ; Bibl. Xat., fonds français, mss. 4708-
4704, 4728-4727. Gaspard de Benemerin
résidait à Naples et .'1 Rome où il logeait
au palais de Latran, siège de lalanguemé-
ridionale de l'Ordre de la Milice Chrétienne.
Le pape Urbain VIII, en reconnaissance
de .son zèle, le nomma commandeur
de l'Immaculée Conception. Il mourut,
présumé centenaire, à Napics, en i64i,
et fut enterré dans l'église do S^ Maria
délia Concordia où se volt son épi-
taphe ; il y est appelé « le 2 2" roi d'.\fri-
que » , alors que, dans l'ordre de succession
des princes de la dynastie des Béni Merin,
il eût occupé la So" place. Cf. Budgett
Meakin, The Moor. Emp.. pp. 321-322 et
/" Série. Dépôts divers, Naples, i64i.
2. Charles de Gonzague, duc deNevers,
descendait par sa grand-mère Marguerite
Paléologue de la famille des empereurs
d'Orient. C'est pourquoi les habitants du
Magne ((îrèce) députèrent vers lui en 1613
deux archevêques et trois évêques pour lui
<lemander de se mettre à la tête d'un soulè-
vement contre les Turcs. Lo duc de Nevers
conçut alors li' projet d'une sorte de croisade
6o lO JUILLET 162I
Excellenlissimo Signore,
Li giorni passa ti, cor» il percaccio de 19 de Giugno. diede a
V. E. parte del mio arrive a salvamenti in Napoli : dove anco lavi-
sava del accordio et prelentioni del Petrigniaiio ', il quale disse et
promesse non moversi a nulla, sino alla risposta di \. E., le oui
prétention! havera per quelle visto. Mi viene con questo percaccio
avisato di Roma de che detto Petrigniano sia venuto meno délia pa-
rola, et dato memoriali a N. S", dimandando novo giudice, corne
credo ne havera dato parte a V. Ex" Hor" Ciandelieri, lo che certo
mi ha fatto restar stupefatto, in veder che detto Petrigniano sia un
huomo di cossi poco parola. Dispiaceme nel aima non ritrovarmi
di persona in Roma, per posser usarealcuna diligenza. Mi ha parso
del tutto darni aviso a V. Ex\
Il detto Ciandelieri mi avisa délia buena risolutione fatta da
V. Ex% in che il Capilulo générale si tenghi in Roma, cosa certo
acertatissima et di molto utile al ordine ; et per le raggloni che
V. E. allega, che ho visto, non si ha possuto far meglio resolu-
tione.
Sarebbe bene che V. E. sollicitasse l'exequatur di Spagnia, che
inporta molto per questo regno.
Con il S'' Cardinal Zapatta ' stono trattando accapar l'assenso per
posser criare cavaheri in questo regno, et lo tengo in buen termine.
des États catliollques de l'Europe contre la chrétiens goûtèrent peu les idées du duc de
puissance musulmane. On sait cfue cette Nevers, et celui-ci, d'autre part, ayant hérité
idée hantait l'esprit du P. Joseph. Des pour- en 1627 du duché de Mantoue, abandonna
parlers eurent lieu, lors des conférences ses projets. Cf. Bibl. N al., fonds français.
de Loudun en 1616, entre le célébreca mss. 4 7o3-4 70^, /( 723-4 727; Bruxet de
pucin et Charles de Gonzagiie. Après plu- Presle, Mémoire sur une tentatiue d'insurrec-
sieurs voyages du P. Joseph tant à Rome lion ortjaniséedans le Magne..., dans Bibl. de
qu'en Espagne, un Ordre militaire « La l'École des Charles, i" Série, t. II, pp. 532-
Milice Chrétienne », dont les bases avaient 553 ; Buchon, /oc. cil. ; G. Fagniez, Le Père
été arrêtées à Paris le ag sept. 1C17, Josrp/ic(fl(c/ie/ieu. t.I,pp. 25i-3o3 ; Michel
fut définitivement constitué à Vienne le 8 de Marolles, Mémoires, pp 5657.
mars 1619. Il comprenait trois langues: i. Pietro Petrignano, président du dis-
orientale, occidentale et méridionale. Les trict méridional de l'Ordre de la Milice
chercheurs d'aventure vinrent s'enrôler dans Chrétienne.
l'Ordre ; parmi eux se trouvait Don Gaspar 2. Le cardinal Antoine Zapata, né en
de Benemerin, se donnant comme « Infante 1 5 5o, vice-roi de Naples en 1620, grand-
de Fez » (V. p. 5ij, note i). Les princes inquisiteur en lOaô, mort en i635.
LETTRE DE GASPARD DE BENEMERIN A CHARLES DE GONZAGUE 6l
L'istesso S' Cardinale mi ha fatlo intcndere che desidera si confe-
risse un al)hito a un suo genlilhuonio de caméra, gratis del passag-
gio ; io ho dello volerne dar parte a V. Ex". Il gentiluomo che
prétende l'abbito è siciliano, nomine Vincenzo Vitloria. Veda V. E.
quel che comanda si facci. A me pare que si potrebbe conpiaccre
al S' Cardinale, essendo lei hoggi Vicere di Napoli, dal quale po-
tremo sperare alcuni favori tanto aqui in Napoli quanto in Roma.
Da Roma mandai a V. Ex" una brève relatione de la Penisola
de S'" Maura, antepostami da un gcntilhuomo spagniolo molto
prattico d'aquelle parte, la quale mi pare esser molto al proposito
per il nostro ordine per moite raggioni, et in particolare per esser
isola, molto fertile de tutte le cose uccessarie, come vittoaglie, bes-
tiame et ligniami, per tutti li vascelli che fussero necessarii, con-
fine con golphi et le Celalonie grande, è piccola, polra esser soc-
corsa in 2^1 hore dal capo de Otrento, et è isola molto meglio di
quella di Malta, et molto dannosa al nemico, et ponendo il piede
in quella, si potra con facilita mantenere, et guadagniarla con poca
perdità di gente, et si fusse di Xpiani, sarebbe di molto utile et
proveccio a tutta la Xpianità. Mi ha parso de nuevo darne parte a
\ . Ex" aciô lo consideri béni, et mi doni rcsposta, perche la persona
ciieme la tiene proposta desidera sapere la buena voluntà di V. Ex".
Per fine a V. Ex" fo humilissima reverenza con pregar N. S'"
doni intiera sainte, con acrescimento de stati che desea.
Da Napoli, il di lo de Luglio ifiai.
*^''- ^ ' De V. Ex"
AfTetluosissimo scrvitore,
Signé : Infante de Fez '.
Bihliotht'f/ue Nationale. — Fonds français. — Ms. U70'i, //. 71-72.
— Oriijinal.
I. C'est la .signature habituelle tle I). por vcrdadiera... et la ûrma de su mano
Gaspard de Bonemerin dans sa corrcspon- Hoggi i8 di Marzo 1628 ». Suit la signa-
dance avec le duc de Nevers. Un seul docu- ture : « D. Gaspar de Benemerin. »
ment est signé de son nom : transmettant La fille de D. Gaspard « la princesa de
une Relation de l'île S"' Maure, il en Marruecos » épousa à iNaples vers 1642 Gil
certifie l'autlienlicité par cette mention : de Terres, « ayo de pajes « du Cardinal-
« D. Gaspar Benemerin, infante de Fez, a Infant. V. Mémorial hislorico espahol, t. ig,
procuralo (pnsla nla/iono. la quale ticnc p. 463.
02 1621-1622
XV
MÉMOIRE SUR LA DÉFENSE DES PRESIDIOS D'AFRIQUE'
(Extraits — Traductio^j)
Difficullc de maintenir iiiité(irité et d'assurer la sécurité des territoires de
la monarchie espagnole, tant à cause de leur étendue (jae de leur disper-
sion. — Les corsaires sont une menace perpétuelle pour son commerce.
— Grands avantages que l'on retirerait en fortijîant les presidios afri-
cains de l'Océan et de la Méditerranée. Le Roi devrait se décharger de
la ijarde de ces places en la confiant a des Ordres militaires, qui y trou-
veraient l'occasion d'appliquer leurs statuts.
[162T-16222].
Moyen de défendre les côtes d'Afrique, en assurant la sécurité des
places que le Roi, notre seigneur, y possède, et en illustrant les
Ordres militaires, dont Sa jNIajesté est maître et perpétuel adminis-
trateur.
Motif et sujet de ce bref discours.
Connaissant, Excellentissime Seigneur, combien est exposée la
situation de cette monarchie et coml)ien il est difficile de la con-
server dans sa grandeur, puisqu en raison de l'étendue et de léloi-
I. Ce document est une plaquette espa- Maroc,
gnole qui se trouve à la Bibliotcca !\'acionat 2. Plus exactement : entre la fin de l'été
de Madrid (Scccion de Varias 1 — isS-isG"). de l'année 162 1 et la fin de l'été de l'année
Comme il en existe un autre exemplaire à 1622, car l'auteur du mémoire fait allusion
la Bibliothèque Mazarine Qi . infra la réfé- à une attac[ue des Maures contre El-Mamora
rence p. 81), il a paru conforme aux règles qui eut lieu « l'été passé », et nous savons
de la présente Collection de publier ici en d'autre part que cet événement se place dans
traduction les extraits se rapportant au l'été de 162 1. ^. p GO et note /i.
MEMOIRE SUR LA DÉFENSE DES PRESIDIOS DAFRIQUE 63
gnement des royaumes dont elle est composée, elle est astreinte
dans un même temps à de diverses et grandes opérations, qui non
seulement dépensent les forces et les ressources de ces royaumes,
mais encore obligent ceux qui les gouvernent d'en haut à chercher
avec une sollicitude et une vigilance continuelles les moyens d'ob-
vier à tant de nécessités qui les pressent dans la paix et dans la
guerre, et particulièrement à celle d'assurer la sécurité de la mer,
en châtiant les pirates et en empêchant que désormais ils puissent
nuire ou mettre obstacle au commerce entre ces royaumes : et
considérant qu'un si grand résultat doit être obtenu par des
moyens divers, et qu'un de ceux-ci est d'assurer et de fortifier
les places d'Afrique dans l'une et l'autre mer près du détroit de
Gibraltar et d'y mettre une garde fixe et perpétuelle qui le défende,
j'ai voulu exposer que le sérénissime roi Don Ferdinand le Catho-
lique a déjà fourni le moyen d'approcher de ce but et même d'y
parvenir, en confiant la surveillance de ces côtes aux Ordres mili-
taires. Et, vu les nombreux soucis que Sa Majesté a en ce moment,
il paraît non seulement convenable, mais presque nécessaire de se
décharger de celui-ci (qui n'est pas le moins important) par un
moyen si certain, et en donnant aux Ordres l'occasion qui leur est
due de s'exercer et de se distinguer : chose qui, bien qu'elle soit ici
secondaire, pourrait être considérée comme principale.
Ayant donc vu dans l'hisloire de ce sage roi, écrite par Zurita', ce
qu'en qualité de maître il ordonna en Chapitre général, et que le
Pontife approuva ^ et jugeant d'après les statuts établis en ce temps-là,
il ma paru qu'ils sont faciles à exécuter en celui-ci, et quil est
plus que nécessaire de se servir de ce moyen pour la défense de ces
places et la sécurité de l'une et l'autre côte dans les parages du
Détroit, et d'occuper un point très important, qui est aujourd'hui
désert (et oublié, à ce qu'il semble) pour que ni l'ennemi turc ni
le Hollandais ne l'occupent ^ C'est une opération facile et sans incon
1. Geronimo Zurita, historien espagnol d'.\lcantara, Calatrava et Santiago, et il
(i5l2-l58i), auteurde : /Ina/csdc /a corona avait obtenu du pape Alexandre VI que
de Aragon. Saragosse, i562-l579, 6 vol. cette grande maîtrise tiH ilcsormais insépa-
in-fol. rable de la couronne.
2. Ferdinand s'était fait reconnaître 3. Il s'agit de Mogador, auquel l'auteur
grand-maître des ordres religieux militaires consacre le dernier chapitre de son mémoire
6A iGai-iHaa
vénient, honorable pour notre nation, un moyen d'augmenter sa
noblesse et sa valeur ainsi que sa réputation et son renom ; elle est,
à mon faible jugement, très réalisable, et il suffît que Sa Majesté
donne l'ordre d'exécuter les dispositions laissées par son prédéces-
seur (qu'il est glorieux d'imiter). C'est bien hardi de ma part de
traiter de choses si importantes; mais il appartient à la générosité
de V. E. de me pardonner, car elle sait que cette liberté m'est ins-
pirée par le souci du bien public dont je fais jDrofession, et le désir
que j'aurai toujours de remplir d'aussi anciennes obligations que
celles que j'ai contractées envers V. E.
Chapitre I. — De la nécessité qu'il y a de défendre les places
d'Afrique pour la sécurité de l'Espagne.
L'importance que présentent l'armement des places d'Afrique, de
chaque côté du Détroit, et le maintien en permanence d'une force
qui assure la sécurité des côtes n'est pas douteuse, et il n'est pas
nécessaire de perdre son temps et ses discours à la démontrer,
puisque nous avons des sens qui nous font voir et toucher chaque
jour davantage cette nécessité, par le dommage que nous éprouvons
du fait que ces points ne sont pas garnis et pourvus comme ils le
doivent. Il semble, Monseigneur, que Dieu, pour nous prouver sa
miséricorde, nous signale avec insistance la voie c[u"il nous convient
de prendre pour notre sécurité, en nous envoyant des avertisseurs
qui nous avisent de notre mal, sans nous faire tout le dommage
qu'ils pourraient. C'est sur les circonstances que se doivent régler
les actions, lorsqu'elles sont dirigées par la sagesse. Les circons-
tances présentes exigent que nous apportions un soin et une énergie
extrêmes à notre conservation, en évitant ce qui nous nuit le plus ;
et, comme ce sont les pirates qui nous inquiètent d'ordinaire dans
nos foyers, et que le commerce d'oîi dépend notre subsistance est
tellement menacé par eux qu'aucun navire n'ose entrer dans les
ports d'Espagne ni en sortir, et que les Hottes des Indes ne peuvent
naviguer en sûreté, c'est une chose notoire qu'on ne peut différer
de rétablir la sécurité dans la mer Océane en y faisant passer de
grosses escadres qui la nettoyent des pirates et relèvent la répula-
MEMOIRE Stn LA DÉFENSE DES PRESIDIOS d'aFRIQUE C5
tiûii cl le crédit que nous avons perdus. Il faut apprécier hau-
tement la sollicitude de Sa Majesté pour y parvenir, et les moyens
si grands que l'on met en action à cet eiTet; et l'objet de la présente
proposition est de contribuer à un dessein si nécessaire.
C'est pour plusieurs raisons qu'il faut considérer l'importance qui
s'attache à la conservation et à la sécurité des ports que cette mo-
narchie possède en Afrique, et même, s'il est possible, à l'augmen-
tation et au renforcement des places de cette côte, de chaque côté
du Détroit. La première, c'est que la nature, semble-t-il, a fixé elle-
même notre mode de défense, en créant entre l'Océan et la Médi-
terranée ce col destiné à fermer comme une porte la communication
des deu\ mers et à rendre maître de celle entrée et de cette sortie,
sans qu'il y faille beaucoujj d'habileté et d'effort, celui qui le serait
de l'une et l'autre côle. Et Dieu nous ayant fait la grâce que sa
Sainte Croix soit arborée sur l'une el l'autre rive du Détroit et que
les armes de l'Espagne y dominent, si l'on prend des dispositions
pour empêcher l'entrée de nos ennemis, nous sommes sûrs de con-
server ce qui nous importe tant. Et si, dans les temps où cela fut
conquis avec une si grande effusion de sang, le but fut d'acquérir
glorieusement de nouveaux royaumes et d'étendre la foi catholique,
nous sommes d'autant plus tenus aujourd'hui d'agir qu'il est plus
nécessaire de conserver une conquête très importante que d'en
vouloir faire une nouvelle ; car à ce premier dessein se sont ajoutées
d'autres nécessités plus urgentes, qui sont d'occuper les lieux dont
la possession par de nouveaux ennemis ferait notre malheur et
notre perte. En effet, reportant les yeux en arrière, nous verrons
que c'est par la mer Méditerranée que sont entrées toutes les nations
qui dans les anciens temps ont occupé l'Espagne, et c'est par là que
vint le dernier désastre qui la perdit, sous le roi don Rodrigue'. Et
ainsi c'est la mer d'où nous vient le plus grand péril qui doit être
surveillée avec le plus de soin. Si la plus grande sécurité des
royaumes consiste à garder Icuis frontières, celles-ci, qui sont si
dangereuses, seront d'autant mieux gardées que, dans la région qui
leur fait face, il y aura une plus grande force. Et la garde du
Détroit sera d'autant plus assurée que la côte d'Afrique sera plus
I. Allusion à l'invasion do la pt'uinsiilc par les armées arabes.
Dk Castries. 111. — 5
66 1621-1622
défendue du côté de la terre, et mieux protégée du côté de la mer
par des galères, galéasses ou navires. Par leur présence permanente
ceux-ci écarteront les vils pirates de ces côtes et ils se tiendront
assez près de la porte pour la garder et pour pouvoir se joindre à
un plus grand nombre de vaisseaux, si l'on y veut faire quelque
importante opération, empêchant toujours qu'aucun ennemi ne
puisse arriver à celle côte et la défendant des invasions honteuses
que nous avons subies, comme celle de Drake'.
Dans l'état précaire oia se trouvent aujourd'hui Larache et
El-Mamora, c'est la miséricorde de Dieu qui les protège miracu-
leusement ; car, comme le Maure et le Hollandais se donnent les
mains pour nous nuire " (et déjà les vils Morisqucs expulsés se
sont faits marins % et, mêlés avec les Turcs, ils nous mettent dans
l'embarras oîi nous nous trouvons, ce qui rend Sa Majesté si juste-
ment soucieuse de porter remède à leur insolence), si les Maures
se décidaient, par une entreprise sur mer et sur terre, à recouvrer
ces ports, ou bien les remettaient, à la suite d'un accord, aux Hol-
landais, quel mal ceux-ci ne nous feraient-ils pas, étant maîtres,
si près de nos côtes, de vastes ports, d'où ils pourraient sortir
pour nous attaquer, et pouvant se pourvoir et s'approvisionner jjar
terre de ce qui leur serait nécessaire pour tout ce qu ils viendraient à
désirer P Et le Maure, sans doute, améliorerait ses affaires en se
donnant à une autre nation que l'Espagne, car il est certain que ce
n'est ni le Hollandais, ni quelqu'un d'autre que l'Espagnol qui
pourrait poursuivre la conquête d'un pays si éloigné du sien : le
Maure délogerait son ennemi, et, lui parti, il en ferait à sa guise,
commercerait et deviendrait riche et habile, mù par des pensées
plus ambitieuses tout à notre préjudice. Et nous sommes exposés
à ces dangereuses éventualités parce que nous avons tant né-
gligé ces places, comme nous l'a montré l'expérience; car si le
Maure barbare, lors de l'attaque qu'il fit l'été passé contre
El-Mamora *, avait persévéré comme il l'aurait pu, sans crainte
d'être délogé, il aurait recouvré sa place à notre grande honte ; et
1. Le texte espagnol porte : Adra. 3. Surrétablisscment à SalédesMorlscos
2. V. sur l'alliance des Pays-Bas et du expulsés d'Espagne, \ . infra, p. rgo.
Maroc contre l'Espagne, j''' Séria, Pays- i. Les Marocains s'elTorcèrent, à diverses
Bas, t. I, Introduction. reprises, d'arracher El-Mamora aux Espa-
MÉMOIRE SUR LA DÉFENSE DES PRESIDIOS d'aFRIQUE 67
alors que la flotte de l'Océan se trouvait à Cadix et qu en une nuit
on auiait pu envoyer un brillant secours, non seulement pour y
rétablir la sécurité, mais encore pour prouver qu'en vingt-quatre
heures ces places peuvent être puissamment secourues, on ne la pas
fait, quoique 1 on eût dû le faire, ne fût-ce que pour bien établir
qu il était facile de les secourir : leur force, en effet, ne consiste pas
en celle qu'elles ont dans leurs murs, mais en celle qu'elles peuvent
recevoir rapidement. L'ennemi aurait été dégoûté de tenter une autre
fois la même entrei^rise avec meilleure chance ou de plus grands
préparatifs, en voyant que dans toute rencontre il nous était inférieur
et que, secourue, la place n'était jamais perdue; et, sicelaétaitarrivé,
comme c'était possible, c'eût été la chose la plus 'lamentable pour
la réputation que de voir le lloi, notre seigneur, commencer son
règne ' par la perte de ce que son père lui avait acquis presque à sa
porte par des moyens si coûteux ; et cela arrivera si l'on ne fait
pas en sorte que les choses changent et que la sécurité de ces
places soit assurée.
Chapitre II. — Qui fournit le moyen qu'on pourra employer
pour assurer avantageusement la sécurité de ces places, sans qu'il en
coûte au patrimoine royal.
Frappé de l'importance qu'il y a d'assurer la sécurité de la
côte de Barbarie par mer et par terre, et de ce fait que la gran-
deur de cette monarchie est ce qui l'expose le plus à sa ruine, à
cause de l'étendue et de l'éloignement des parties dont elle est
composée (car cela l'oblige à secourir chacune d'elles et affaiblit
d'autant ses foiccs. puisciu'elle doit les répartir en un mrme lemps
à dilTérents endroits et qu'il n'y a pas de ressources qui suffisent, ni
de soins et d'activité qui subviennent à ce qu'exige chaque jour sa
gnols. En 1621, forts de l'appui des llol- S('Tent l'ennemi. Cf. Cespedes, p. i38 ;
landais, ils vinrent attaquer la place par Galindo ydeVera, p. 2/17 ; Castellanos,
terre et par mer, mais le général Crislo- Hist. de ilarruecos, p. 92 et i" Série,
bal Lcchuga sut résister aux forces des Angleterre, aux dates des 2, 11 et 23 juin
coalisés et donna ainsi le temps à la flotte 162 1.
espagnole commandée par Contreras d'ac- i. l'Iiilippe IV succéda à son père le 3l
courir au secours des assiégés qui rcpous- mars 1621.
G8 1621-1622
conservation), il y a longtemps, Monseigneur, que j'ai l'esprit
occupé d'un projet qui permettrait à Sa Majesté de se décharger
des dépenses nécessaires pour conserver et défendre cette région,
tout en y donnant bon ordre. De l'exécution de ce projet décou-
leraient d'autres résultats très importants pour la gloire de Dieu et
le service de l'Eglise catholique, pour l'honneur des royaumes de
Castille, pour le bien de la noblesse et sa réputation.
Voyant donc combien brillel'ordrede Saint-,JeandeMalte, comme
avec peu de forces il s'acquiert de la gloire, et le fruit que ses actions
rapportent à la Chrétienté (ce serait leur faire tort que de vouloir
les rapporter brièvement) ; et considérant en combien peu de temps
l'ordre de Saint-Etienne, institué par les Ducs de Florence' (et qui
a été l'un des motifs pour lesquels Pie V leur a donné le titre de
Grand Duc), avec de si modestes débuis, a acquis du renom et de
l'estime et a mérité que Sa Sainteté le secoure et l'encourage par
des indulgences et des grâces ecclésiastiques, en lui exprimant sa
satisfaction ; et me souvenant de ce que nous avons tous lu des ti'ois
Ordres militaires de Castille: Santiago, Calatrava et Alcantara, dont
les histoires générales et particulières, toutes pleines de glorieuses
actions accomplies pendant la restauration de l'Espagne, montrent
coml)ien ils furent favorisés de Dieu dans toutes les occasions,
combien ils rendirent de services aux rois, combien ils ont mérité,
et ce qu'on doit aujourd'hui d'honneur et d estime aux descendants
de ceux qui firent alors profession ;
Considérant que la gloire de ces Ordres parait oI)scurcie et ne
resplendit pas comme elle le devrait, parce que leurs membres, qui
ne seraient pas inférieurs à leurs devanciers, si on leur donnait
l'occasion d'accomplir leurs désirs, ne sont pas en situation, comme
en ce temps-là, de montrer leur valeur ;
Me rappelant en particulier que, lors de la conquête de l'Anda-
lousie, la plus ardue et la dernière entreprise des rois de Castille et
de Léon, ces rois — voyant qu'il était dilFicile de recouvrer un pays
naturellement défendu par la Sierra Morena, vaste, fertile et dans
I. Cosme de Médicis (premier grand-duc en i56g. Il institua le 1 5 mars iSôal'ordre
de Toscane), duc de Tlorence en i537, duc de Saint-Etienne dont Pie IV le déclara
de Sienne on i55d et grand-duc de Toscane grand-maitre.
MÉMOIRE SUR LA DEFENSE DES PRKSIDIOS d'aFRIQUE fig
lequel les armées des Maures étaient abondamment approvisionnées
par les ports et secourues du côté de l'Afrique, d'oîi ils pouvaient
être aidés par des gens semblables à eux, de même secte et religion,
et que ce qui faisait cette province inexpugnable et qui contribua
surtout à en rendre la soumission si longue et si coûteuse fut
qu'elle produisait naturellement et toujours, dans toutes les nations
et parmi tous ceux qui l'on occupée, des caractères invincibles,
habiles, vaillants, industrieux, intelligents et tels que, pour la
défense de leur pays et pour la conquête de celui des autres, on ne
peut nier qu'ils n'aient été excellents — ces sages rois, dis-je,
refrénèrent cet orgueil et cette valeur belliqueuse en leur donnant
pour fronteros les maîtres des Ordres militaires et, en plaçant
ceux-ci sur les confins entre l'Estramadure et l'Andalousie, rendirent
facile ce qui autrement paraissait impossible (les bannières des
Ordres, en efiet, leurs troupes rangées en escadrons, enseignes
déployées, étaient comme des touis et des forteresses inexpugnables
qui défendaient les autres parties de l'armée : c'est là qu'ils gagnèrent
par refTusion d'un sang généreux ce que leurs descendants possèdent
à bon droit) :
Et voyant que dans les Ordres réguliers, qui vont en s'éloignant
de leurs premiers et fervents fondateurs et chez qui s'éteint cette
ferveur primitive. Dieu a de nos temps suscité et aidé de secours
extraordinaires de saints religieux de ces instituts, qui. revenant
avec un nouveau recueillement à leur premier état, illustrent les
règles de leurs Ordres, et, par leur perfection évangélique, piodui-
sent un fruit admirable dans l'Eglise catbolic[ue ;
Je considère que la haute Miséricorde et Providence divine qui
nous protège daignera faire la même chose dans les Ordres mili-
taires, et que, de si précieuses semences de nobles veitus étant
réparties dans ces Heux, il ne se peut pas qu elles ne brdlent et
produisent des plantes glorieuses, restaurent le renom et la valeur
espagnole, propagent l'Eglise de Dieu et défendent les fds de
celle-ci, pour sf)n exaltation et sa gloire.
C'est pour remédier à la nécessité présente que je fais ce
discours, mais il faut tenir grand compte de ce que ce projet a été
étudié dans le passé et que l'application en a été ordonnée par l'un
des rois les plus prévoyants, valeureux et préoccupés de la conser-
■yo 1621-1(522
vation de ses royaumes qu'ait eus cette couronne, et celui qui l'a
accrue et environnée de la grandeur qu'elle possède aujourd hui .
le saint roi D. Ferdinand le Catholique. Entre autres grandes choses
qu'il ht en sa vie, il avait préparé sur ce sujet une ordonnance non
suivie d'exécution, comme le rapporte Zurita dans ses Annales,
Dieu réservant peut-être la gloire d'une si grande œuvre au Roi
notre seigneur ahn qu'il acquière des mérites en l'appliquant et
en la perfectionnant. Tenant donc chapitre général de l'ordre de
Santiago, dont il était maître et perpétuel administrateur, il ht
insérer parmi les statuts du chapitre tenu dans la ville de Valla-
dolid l'an 1609, le statut suivant, d'après Zurita, livre 8, 6° partie,
chap. /|8 :
« Ce fut une ancienne coutume dans cet Ordi'e et chevalerie du
« bienheureux apôtre Saint Jacques, notre patron, de placer de ses
« couvents sur les frontières des Maures infidèles, ennemis de notre
« sainte foi catholique, pour que là ils eussent tous les moyens
« et occasions de faire et d'accomplir ce à quoi la religion les
« oblige. Et à présent qu'il a plu à Dieu Notre Seigneur de
« nous donner une telle victoire dans la province d'Afrique que
« la ville d Oran et d autres lieux ont été pris et assujettis à ces
« royaumes de Castille et de Léon', et que nous avons confiance
<( que chaque jour ils s'augmenteront : voulant imiter une si louable
« coutume, avec l'accord des Révérends Pères Prieurs de Ucles et
« de San Marcos de Léon, et des grands commandeurs, et des
« treize ^ et de tous les autres commandeurs, chevaliers et frères,
« réunis avec nous en ce chapitre général que nous avons ordonné
« de tenir en la noble ville de Valladolid, nous ordonnons et
« mandons qu'il soit créé immédiatement un couvent de ce saint
« Ordre de chevalerie dans la ville d'Oran. où il y ait un prieur et
« des religieux du même Ordre, qui célèbrent les divins offices,
« confessent et donnent le Saint Sacrement aux chevaliers qui
« résident là, et fassent toutes les autres choses auxquelles, d'après
« la règle et les statuts de cet Ordre, ceux-ci sont oljligés.
« En outre, comme le but de cet Ordre de chevalerie est de
I. La ville d'Oran fut prise le i- mai a. On appelait ainsi les treize chevaliers
iSogpar Pedro de Xavarro qui commandait de Saint-Jacques députés par le grand-
rexpédition du cardinal Xiuienès. maître pour assister à un chapitre général.
MEMOIRE SLR LA DEFENSE DES PRESIDIOS D AFRIQUE 7 I
« défendre les Chrétiens et de faire la guerre aux Maures ennemis
« de notre sainte foi catholique, il nous a paru chose raisonnable
« que les gentilshommes qui devraient être reçus dans lOrdre et
« chevalerie de ce glorieux Apôtre aillent prendre l'habit audit
« couvent que nous ordonnons de faire dans la ville d'Oran. C'est
« pourquoi, avec l'accord et consentement dudit chapitre général,
« nous ordonnons et mandons que les chevaliers qui dorénavant
« seront reçus dans ce saint Ordre et chevalerie de Santiago aillent
« recevoir 1 habit et faire profession audit couvent que nous ordon-
« nous de fonder dans la ville d'Oran, et non ailleurs; et nous
« entendons ne dispenser de cette observance pour aucune cause
« ni raison. »
En conformité de ces statuts, il fut expédié par le pape Jules II
une bulle que 1 on trouvera aux archives de Simancas, donnée au
mois de mai iSoq. où il accorde la faculté de placer dans le couvent
d'Oran un prieur et des frères (jui jouissent de tous les privilèges
qu'ils ont dans les autres couvents de cet Ordre, et il leur attribua
certains revenus dont il sera plus loin fait mention. Et de même
S. M. supplia le Pape d'autoriser les couvents de Villar de Venas et
de S' Martin, qui sont dans les diocèses de Santiago etd'Oviedo, à
s'unir avec ce nouveau couvent d Oran et à lui affecter leurs biens;
Zurita rapporte cjue le Pape accorda cette autorisation. Cette si
sainte détermination ne fut pas exécutée, pour avoir été prise tout
à la fin du règne de ce prince très sage. Et peut-être est-ce parce
que cela n'a pas été fait, et parce que les deux autres couvents n'ont
pas été établis à Tripoli et à Bougie', que ces deux places ont été
perdues. Et, puisque Dieu a voulu que Larache et El-Mamora
puissent jouir de cet avantage, et que les Ordres militaires puissent
avoir une tache si convenable, si léi^ritime et si nécessaire à leur
état, si sûre pour leur conscience, et qui est un facile et droit
acheminement aux honneurs, aux charges et commanderies de leurs
Oidres et à la gloire de ceux-ci, choses d'autant plus estimables
qu'elles ont été acquises par plus de mérite, puisque c'est là l'em-
ploi et le but des Ordres militaires, il sera très juste que ce qui n'a
1. Les statuts prévoyaient la fondation valicrs de Malte par le corsaire Dragut.
de couvents dans les places de Tripoli et de lîougie fut enlevée aux Espagnols en l555
Bougie. Tripoli fut pri^e on i55i aux chi'- par le paclia Salah Raïs.
'J2 ifiai-iCaa
pas été fait dans ce temps-là s'exécute dans celui-ci, où la nécessité
est plus urgente : on confiera donc à leur garde spéciale et particu-
lière ces places si dignes d'être défendues, et elles le seront tfès
bien lorsqu'elles se trouveront à la charge de personnes ayant de si
grandes obligations. Ce principe étant donné, chacun des Ordres,
par émulation, tâchera de produire de meilleurs effets, et tous
ensemble en produiront de très grands, non seulement en mettant
des garnisons dans ces places pour les défendre et en assurant la sécu-
rité de l'une et de l'autre côte, mais encore, avec de tels portiers, on
hésitera à passer le Détroit et, avec un léger renfort, il sera entiè-
rement gardé. Et, lorsque viendront de grandes flottes, les Ordres
les seconderont au moment opportun et une troupe de gens si nobles
se distinguera, et il se fera diverses choses, toutes très grandes et
proportionnées à cette œuvre.
On se trouvera déjà en présence d'un commencement d'exécu-
tion; car du temjjs de l'Empereur, notre seigneur, l'Ordre de Saint-
Jacques a eu quatre galères à son compte et les a entretenues au
moyen de deux parts prélevées sur les commanderies ; et à ce sujet
il m'a été dit par un chevalier de l'Ordre, qui connaît bien le passé,
qu'il y a sur cela une ordonnance et une bulle donnée en juillet
io53 ; en outre, lors de l'aflaire du Penon, il est fait mention qu'il
s'y est trouvé des galères de l'Ordre de Saint-Jacques '
Cii,\piTRE VIII. — Des choses qui pourraient aider au peuplement
de ces places et par suite relever le nombre des soldais des rjarni-
sons de terre en même temps que faciliter l'accroissement de celui
des gens de mer.
Une des causes qui rendent, dans l'état présent, plus ardu et plus
difficile de secourir ces places, c'est leur dépeuplement et leur accès
incommode ; il y aura deux moyens pour obvier à cette sittiation
et contribuer à la faire cesser' : le premier est d'y attirer davantage
I. L'affaire du Penon eut lieu le 6 sept. 2. Un moyen de remédier au di!|)eu[jlr-
i564; les galères dos Ordres d'Espagne ment des presidios et d'erapcclier les désor-
se réunirent à la flotte de D. Garcia de tions qui y étaient si nombreuses eût été d'at-
Toledo pour prendre part à la campagne. tirer dans ces places des femmes espagnoles
Mar.mdl, II, p. aôg et /''* Série, France, et de favoriser le mariage des soldats, ainsi
t. I, pp. •iLi'-i-'À~o. (|uc ci'la se faisait dans les « frontoiras » por-
MÉMOIRE SUR L\ DÉFENSE DES PRESIDIOS d'aFRIQUE "3
les navires de commerce: alors ces places seront mieux défendues,
et par cela seul cessera la dépense que l'on fait pour les défendre ;
le second est de rendre ces places praticables et commodes. On
obtiendra ainsi bien des résultats, que, pour ne pas insister sur
cette idée, ni allonger le discours, on ne rapporte pas, et ils sont si
nombreux, que l'un quelconque d'entre eux peut porter à adopter
les moyens que l'on propose pour ce peuplement et accroissement.
C'est une chose notoire que, comme tout homme fuit la dure
pauvreté et cherche sa commodité et son soulagement, chacun quitte
sa patrie et sa maison à la recherche de son aAantage et de son
profit. Parmi les moyens d'atliier la population, le piemier sans
contredit est la franchise et liberté du commerce; on pourrait donc
donner à tous les habitants de ces lieux celle qui fut accordée aux
gens d'Antequera' pour la repeupler, quand elle était frontière du
royaume de Grenade, privilège qui était conféré à ses habitants,
quel que fût l'endroit où ils vendraient les produits et marchandises
qu ils apporteraient.
On pourrait accorder une franchise exonérant de droits, dans une
proportion et limite déterminée, les produits venant d'Espagne qui
seraient nécessaires à l'approvisionnement de ces places ; on per-
mettrait aussi, pour une quantité fixe et limitée, la sortie des mar-
chandises dont l'exportation est prohibée ; et ce ne serait pas un pri-
vilège exorbitant d'exonérer de droits, pour la quantité qu'il est
permis d'exporter, celui qui vendrait à l'Espagnol de ces places, car le
prieur et le couvent de SanYsidrode Sevilleonlle privilège d'exemp-
ter celui qui acliète au couvent de tous droits sur ce qu'il achète ; et
il n'y a pas de privilège qui soit trop grand, lorsque grande est la
cause pour laquelle il est concédé. Cette franchise étant accordée
temporairement, on pourrait la renouveler juscju'à ce qu'elle ait
produit les résultats que l'on en attend, puis réformer ce qu'elle
aurait d'excessif, lorsque sa raison d'être aurait disparu.
On pourrait également accorder licence d'importer du blé en
Espagne', dans les temps où il y en aurait abondance en Barbarie
tugaises. V. /" Sirir. Espagne, Mémoire île par les Espagnols en i4io ; un combat où
l'r Ju/irtn Poi/or, à la dalo (le mal ilKu. les Cliréliens furent vainqueurs se livra sons
I. .\ntequera h ,")o kil. N.-().<le Malatra. ses murs en i^a/J.
Celle ville forlifiée par les Maures fui prise 2. V. /'''' Série. France, t. II, p. 43a.
■J^ 1(191-1622
et pénurie ici. et d'en tirer le prix en argent, car cela a été accordé
à des étrangers, et même à des ennemis, dans les années de
disette.
Les prises qui seraient faites devraient être réparties de telle
manièi'e qu'il en résultât nécessairement pour l'œuvre un accrois-
sement. On en attribuerait à la communauté une bonne part, et
aux particuliers une autre, ce qui serait un grand encouragement,
et tout cela bien organisé prospérerait.
Comme le l)ut auquel vise cette brève relation n'est pas de
fatiguer l'esprit, mais seulement de donner un aperçu de ce qu'on
pourrait faire, et non de la manière dont on doit l'exécuter, on
laisse de côté, pour abréger, beaucoup de rameaux que cette faible
semence viendra à produire, si on la sème et la cultive, car le
commerce de Barbarie est en bien des manières très utile à l'Es-
pagne ; et l'établissement de ces places faisant du commerce avec
l'Espagne et tous les pays voisins amènera une paix et une sécu-
rité qui permettront d'étendre ensuite les moyens d'action ; et plus
les Ordres seraient commodément établis dans ces places, plus
s'accroîtrait avec la sécurité de ces places le nombre des marins,
et il viendrait un temps où le Détroit, par le moyen de cette gar-
nison permanente, deviendrait sûr, et, sur la rive de l'Océan, l'entrée
des ports d'Espagne le serait, chose très importante, car la popu-
lation qui avoisine ces ports est celle qui soutient le commerce avec
toutes les nations.
Et, quand une chose qui entraîne si peu de frais qu'elle est
plutôt une opération commerciale qu'une dépense est faite pour des
fins si hautes et si utiles, ces traits semblent suffire pour qu'on
souhaite de l'exécuter.
Chap. IX. — Où l'on rapporte ce que Sa Majesté dépense aujourd'hui
dans ces places, pour qu'on connaisse ce qu'on économisera en les
confiant aux Ordres inilitiùres, suivant ce projet.
Non seulement ce plan est honorable et sûr et il est nécessaire
et urgent de l'adopter, ou un autre équivalent, pour remédier à une
nécessité si urgente, mais encore ce plan est utile et économique,
MEMOIHE SUR LA DEFENSE DES PRKSIDIOS D AFRIQl E 7O
car il faut considérer que Sa Majesté dépense aujourd'hui, sur le
service des millions, quatre-vingt-dix mille et quatre cents ducats
de consignation ordinaire, dans le préside dOran, sans compter
les dépenses extraordinaires, qui ne sont pas inférieures.
Sur ce même service, elle assigne à Larache et à El-Mamora vingt-
deux mille quatre cents ducats, sans les constructions et les dépenses
qu'on peut a^^pelcr ordinaires, car elles sont plus que nécessaires,
et qui s'élèvent à un si grand chiffre que c'est horrible à penser,
quand on voit l'état de ces places, leur dénûment, loubli et l'absence
de toutes mesures propres à améliorer une situation aussi honteuse,
et qu'on songe qu'une dépense d'une nécessité permanente n'est
assurée que par des contributions volontaires et accidentelles,
susceptibles d'être interrompues, puisqu'il n'y a plus de forces ni
de sang à répandre, malgré l'urgence de remédier à cet état de
choses. Ces cent treize mille ducats, devenus libres, pourraient être
employés à augmenter les flottes, à créer celle des Ordres, à
laquelle il serait donné cent mille ducats de principal, sans compter
les couvents et l'assistance de sujets si valeureux qui tiennent de
leur illustration même de irrandes obligations : chacun d'eux entraî-
nerait avec lui bien des gens qui, venus dans le seul dessein de
l'accompagner, contribuei'aient à la fortification et à la défense de
ces places.
Et aujourd'hui, avec ces dépenses, non seulement elles ne sont
pas défendues, mais on est exposé à les perdre ignominieusement,
en môme temps que sa réputation, et ceux qui les occuperont
pourront nous couper les vivres, que seul nous procure le commerce,
et entrer par nos portes. Ils le pourront faire sans danger, se
fondant sur notre négligence et sur notre manque de prévoyance
plutôt que de zèle, car ils savent combien cette prévoyance est
courte, et cela les encourage dans leurs projets. C est un laby-
rinthe si profond et si lamentable que l'examen de ces matières,
que, quelque modéré que soit le discours qu'on en fait, il afflige le
cœur et gâte la vie de celui qui avec un zèle loyal et chrétien y
consacre ses pensées. Et ainsi il vaut mieux n'y pas entrer que se
lamenter, sans tirer aucun fruit du temps et de la peine qu'on y
consacre. Que Celui qui prend soin des poissons et des oiseaux
fasse un miiaclc pour son Église, car c'est un miracle continuel
76 1^2 1- 1622
que les ennemis de celle-ci n'ouvrent pas les yeux, quand nous
autres les tenons si fermés.
Chapitre X et dernier. — Où l'on expose la nécessité d'occuper la
position de Mogador et comment le soin de la peupler et de la défendre
pourrait ctre confié aux Ordres militaires.
Dans la partie qui regaide rOccident. face à la côte d'Afrique
qui est battue par l'Océan, près du cap de Ghir, entre celui-ci et le
cap Cantin, se trouvent le point et l'île de Mogador, qui, bien
qu'elle soit petite et peu connue ' (heureusement pour nous), est,
au dii'e de tous les marins (|ui praticpienl cette cùte et la route des
Indes, un port très important pour la couronne d'Espagne, parce
que, par sa situation, il commande ces rivages. Ce port est vaste,
facile à défendre, d'une entrée et d'une sortie sûres pour les gros
vaisseaux. On en pourrait sortir, lors du passage ordinaire de nos
flottes, et, s'il en est qui ne connaissent pas encore ce passage, il
leur suffira d'une sortie dans ces parages pour le relever avec pré-
cision. Et si le Turc ou un autre ennemi avait cette place et cette sûre
retraite, il tiendrait, comme on dit, le couteau sur la gorge à toutes
nos entreprises pour les égorger ; et si cette position est importante
pour eux, c'est une raison pour nous de l'occuper afin qu'ils ne
l'acquièrent pas. Les Ordres militaires pourraient très bien se chaiger
de cette opération, avec le concours des navires qui croisent ordinai-
rement devant les autres ports de la côte d'Afrique ; et même on
pourrait confier la garde de cette place à l'un de ces Ordres, de
même que celui de Saint-Jean a celle de Malte, qui lui a été donnée
de nos temps par l'empereur Charles-Quint. Car, à bien examiner,
comme il est nécessaire de le faire, une chose si importante, si une
autre nation occupe cette île, que l'on dit être par elle-même très
désirable, outre la place et le port qu'elle contient, il y aura dans
l'Océan, près de la route ordinaire d'ici aux îles Canaries, et non
loin d'elles, un obstacle fort dangereux pour la sécurité de la
navigation, sur laquelle reposent l'existence et la richesse de l'Es-
I. Sur l'importance qrie Razilly attribuait moire qu'il adressa à lîirlielieu à la date du
à la |)Ositioii de Mogador, V. infrn. le Wù- 26 nov. iGiG, Doc. XXII. p. ii5.
MEMOIRE SUR LA DEFENSE DES PRESIDIOS D AFRIQUE 'j'j
pagne, et que doit principalement maintenir cette monarchie pour
sa conservation.
En effet, au dire de capitaines et de marins expérimentés',
Mogador occupé, c'est un Alger dans l'Océan, par sa situation,
son port et sa retraite assurée, pour toutes les entreprises que l'en-
nemi Turc ou Hollandais tenterait contre nous, avec une sortie sîire
et commode pour faire de là toutes ses courses et arrêtei et inquiéter
les flottes des Indes Orientales et Occidentales, qu'il rencontrerait
forcément non loin de ceparage, quand elles passeront jjour prendre
hauteur : et une fois que les ennemis auront occupé ce point, ils
sont à même de détruire ou conquérir les Canaries, en coupant les
communications de ces îles.
Si le Turc lient iMogador, il peut tenter d'étendre sa domination
sur le Maroc, ainsi qu'il est devenu par Alger maître de Tunis,
car celui qui est le maître de la mer qui baigne un pays est fort
à portée d'en conquérir l'intérieur, en empêchant le peuple con-
quis d'être secouru par mer ; et tout ce qui établit les avantages que
le Turc retirerait de ce point fait ressortir combien notre situation
serait critique, s'il venait à l'acquérir. Et bien que parfois cette
question ait été examinée, on n'a pas prévenu cet inconvénient,
et on ne pense pas à l'éviter. Dieu veuille que cela ne soit pas
quand il n'y aura plus de remède !
Ce n'est pas une réponse concluante que celle qui a été faite par un
homme îjrave et obligé de connaître ces matières, disant, pour sortir
de l'embarras oii le mettaient de si fortes raisons : « Si cette position
est si importante pour le Turc ou le Hollandais, et si elle est inoc-
cupée, comment ne 1 ont-Ils pas prise P » Car l'important est de
voir si, en la prenant, ils peuvent nous faire du mal, et s'ils ne l'ont
pas tenté, c'est une bonne fortune ; et si Dieu, moteur universel des
choses, et par la providence duquel elles se gouvernent, nous a fait
la grâce que jusqu'à présent l'ennemi n'iiil pas connu cette position,
ou bien (pie, la connaissant, il n'ait pas été disposé à en faire la
concpiêlc, la prudence nous conseille d'empêcher qu'il ne la puisse
accomplir, sans compter qu'il est toujours sage de craindre le
1. Tel nV- lait pas l'avis dr D. Fatlriqun tic Mogadur rju'uti mriliocro inliTét. V.
de Tolcdo qui ne reconnaissait à la place /'fSénV, Espagne, C'ons»/(cclii 2ijiiilli't i()i(|.
■jS 1C21-1622
danger et de le prévenir, et qu'il est plus sûr d'éviter les périls que
d'espérer de les vaincre. Notre situation peut leur avoir donné
l'envie et la pensée de tenter ce qu'en d'autres temps ils n'auraient
pas osé. Autrefois les Maures n'usaient pas de vaisseaux de haut
bord ; aujourd'hui les prises qu'ils ont faites leur ont donné des
forces et de la cupidité, car le gain et l'intérêt donnent de la vaillance,
et c'est le profit qui nourrit les sciences. Et Aoyant comme cela
leur réussit, ils voudront s'assurer une meilleure position et n'avoir
plus besoin pour opérer dans l'Océan de passer par le Détroit ; et,
quand ils verront que nous tentons d'empêcher ce passage, ils
voudront d'autant plus avoir un établissement sur de ce côté-ci, d'oii
pourront sortir pour faire leurs prises ces corsaires Turcs si nom-
breux qui opèrent aujourd hui, réunis aux Irlandais et aux Hollan-
dais, dont nous devons nous méfier davantage. Ils se trouveront
dans Mogador comme dans une tour ou un observatoire d'où ils
soi'tiront pom- fondre sur ceux qu'ils auront remarqués s'avançant
sans précaution ; et, maîtres de ce point, ils attaqueront tout. Le
commerce avec l'intérieur ne leur sera pas difficile, car qui que ce
soit trouverait avantageux d'échanger contre les choses dont ont
besoin les gens de ces pays l'ambre ' et les autres denrées qui y
abondent ; et aujourd'hui, comme les forces du Hollandais se sont
accrues, ses desseins viseront plus loin.
Et les projets qu'ils ont différés jusqu'à présent faute de pouvoir
les exécuter ou de les savoir praticables, ou bien, s'ils les savaient
tels, pour ne pas compromettre la paix dont ils croyaient la conclu-
sion durable, ils profiteront de l'occasion pour les accomplir, main-
tenant que la possibilité en est venue et qu ils se verront privés du
commerce ^ C'est une très mauvaise politique que de confier
notre sécurité à la torpeur d autrui. Jusqu'ici, les forces navales
du Turc, depuis la bataille de Lépante, n'ont pas été celles qu'il
mettrait en ligne aujourd'hui, s'il cherchait querelle à l'Espagne,
et aujourd'hui il nous trouve occupés, tiraillés, et faibles ; et nous
I. Pour ojiérer dans l'Océan. Le texte reprise des hostilités. — La trêve de douze
porte : para cnlrar al Occeano. ans conclue en i6og entre l'Espagne et les
a. L'ambre gris dont il est question est Provinces-Unies expirait le 10 avril 1621 ;
au Maroc un produit im])orl('. elle fut jjrorogée jusqu'au 3i août, date à
3. Il faut sous-cntendrc : par suite de la laquelle les hostilités recommencèrent.
MÉMOIRE SUR LA DEFENSE DES PRESIDIOS D AFRIQUE 79
sommes si peu prudents, que. par ces marchés passés avec des
étrangers et par ce mode de subsistance de nos armées, nous faisons
montre d'une détresse encore plus grande que celle dont nous
souffrons, si cela peut être. Joignez à cela que le Turc jusquà
présont n'avait pas les mains libres et que personne n était là pour
l'aider et l'instruire dans l'art de la navigation, comme le fait au-
jourd'hui le Hollandais, qui le lui communique et enseigne et lui
apprend à voler sur des navires ; et l'orgueil des Moriscos a beau
jeu à se prévaloir des renseignements qu'ils lui fournissent sur
notre état et notre situation, en dressant des stratagèmes, en
prenant notre costume, nos armes et notre langue pour nous trom-
per', se donnant comme nos amis. A cela se joindrait l'envie de
dominer à Fez et à Merrakech, ces royaumes qui autrefois, par la
déroute du roi D. Sébastien, avaient acquis de la réputation,
mais qui aujourd'hui l'ont perdue par leurs dissensions. Et le Turc
peut viser non seulement à prendre pied dans la mer Océane, mais
encore à s'étendre sur la côte voisine, vu le peu de résistance de
ceux qui l'occupent et la grandeur des forces dont il dispose. La
communauté de religion, de langue et la ressemblance des deux peu-
ples en tout contribueront à ce que les indigènes se laissent vaincre,
car ils fonderont de grandes espérances sur la richesse des prises
qu'ils feront sur nous et dont ils ont eu des indices suffisants par
l'assurance que leur en ont donnée ceux qui ont visité ces places '.
L'exempleest sous les yeux, car on voitce qui sort d'Alger chaque
année et la richesse qui y rentre, ce qui suffit à motiver tout dessein
ambitieux, et surtout de la part du Hollandais, que l'étroitesse de
son pays pousse à se rendre maître de la mer et à entreprendre de
difficiles commerces, oii il a réussi; et à présent, comme des éper-
viers, ils mangent a\ ec délices ce qu'ils nous enlèvent. Et pour ce
motif, force leur est, ainsi (|u'aux Turcs, de chercher des points
avantageux qu'ils se hâteront avec raison d'occuper, car si l'Espagne
accpiéraltet fondait des forteresses sur la ente d'Afrique, elle pourrait
s'en servir pour de plus vastes projets. En outre les Turcs sont voi-
sins des pays d'Afrique, il leur est aisé de les occuper, car leurs idées
et leur religion ne leur fini j)i)int de tort, contrairement aux Chré-
I. Sur les supercheries employées par les Y. infrn. p. igo.
.MoriscosdeSalépourlromperlusEspagnols, 2. Ces places, c'est-à-dire; les presidios.
8o i6ai-i622
tiens, leurs ennemis directs. Aujourd'hui qu'il se trouve libre du
côté de ceux d'Alger comme il l'est du nôtre, il ne faudrait que
peu d'elTorts au Turc pour tenter une si grande entreprise, car les
guerres de Babylonie et de Tauris ' se ralentissent, celles de Géorgie
et de Hongrie" sont sur le point de finir, et — nous sommes obligés
de l'avouer avec la plus grande douleur — par suite de notre pusilla-
nimité et de notre désorganisation, il jJeut reprendre haleine et
préparer ses desseins. Il voit que ceux d Alger se sont enhardis à
parcourir l'Océan, qu'ils le connaissent et y vont en sécurité, y font
des prises à nos portes, sans (jue l'on donne ordre de les châtier,
qu'ils ont ravagé l'île de Santa Maria, sont entrés dans celle de Lan-
zarote, sont arrivés aux murs de Lisbonne, et qu'ils auraient pu
tout aussi bien emmener avec eux que brûler, comme ils l'ont fait, le
navire des Indes avec lequel ils stationnèrent en vue de notre ilotle.
S'il sort d'Alger cinquante navires vides, il en revient cent chargés
de richesses et de victoires, sans avoir éprouvé aucun dommage.
Quand le Hollandais ne considérerait autre chose sinon que, s'il
prend pied près de notre maison, nous le laisserons dans la sienne,
il le fera pour cela, et aussi pour éviter la longueur de la route et
s'assurer gratuitement une meilleure position, en ayant sous la
main un jjort oîi garder et vendre ses prises, caréner ses vaisseaux,
et reposer et approvisionner ses équipages et Hottes. Et cette maison
se trouvant au milieu du bois où il chasse, qu'y aurait-il d'étonnant
à ce qu'il la dispose pour y passer la nuit en sécurité, sans payer
le logement, y trouvant une place d'armes pour son ravitaillement
et un dépôt pour ses marchandises, avec une entrée et sortie large
et sûre, causant à l'Espagne une crainte horrible et inquiétant de
là toute la Ciu'étienté, et fournissant un témoignage évident de notre
négligence ; car, si ce qu'aujourd'hui nous pouvons posséder avec
sécurité est occupé par eux, il sera nécessaire de vendre les calices
des églises pour les en déloger, et nous ne sommes pas certains du
succès.
I. Allusion il la guerre que le sliah de i. Les Hongrois, ayant à leur lête Beth-
PerseAbbas^e Grant/ (i 589-1 628) soutenait lenGabor, s'étaient soulevés contre la Porte;
contre les Turcs, et qui eut pour théâtres ils venaient de s'cmjjarer de Wailzcn en
principaux la Babylonie, Tauris et la iCiy,maislesTurcs, occupés par la Pologne
Géorgie. ne uiarclièrcnt pas contre les vainqueurs.
MEMOIRE SUR LA DEFENSE DES PRESIDIOS D AFRIQUE
81
On ne doit pas tirer sa confiance du malheur dautrui. et ce
n'est pas un raisonnement sûr en politique que de dire que le
Turc a des deuils à déplorer et que les Polonais et le fils du roi
de Pologne se sont fortifiés dans lîle de Simire, à la bouche du
Danube et à l'entrée de la Mer Noire, à six journées de Constanti-
nople ; car il est certain que la bonne et la mauvaise chance alternent
bien des fois et que la fortune a coutume de faire comme les ileuves,
qui enlèvent à une rive ce qu'ils donnent à l'autre. Et, quand on
concéderait tout ce qui vient d'ètie dit. il est très certain qu'il n'est
pas besoin de la force ni du secours du (Jrand Turc pour prendre
ce c|uc personne ne défend, et (|ue si les Hollandais s établissaient
en permanence à Mogador, y descendaient à terre, s'y installaient
comme dans une tente ou une barraquc, entrant et sortant sur
leurs navires, ils créeraient là en peu de temps une place sûre et
fortifiée, et c'est une miséricorde et un miracle exprès de Dieu
qu'ils ne le fassent pas. Plus on fermera le Détroit et l'on en
fortifiera la sortie, plus il importe aux Hollandais d avoir là-bas
un |)oint d'appui sur l'Océan et un port oii ils puissent se réunir
et. après s'être rassemblés de conserve en grosse et forte com-
pagnie, sortir pour rompi'e notre défense, sans qu'il y ait pour
l'enq^ècher d'autre que Jésus-Christ.
Qu'il daigne, parles mérites de son sang, faire en sorte que cette
gloire revienne à la noblesse d'Espagne et à ses Ordres militaires,
pour l'exaltation de sa foi et l'honneur de sa bienheureuse mère
qui soit louée à jamais! Amen.
Ilihliothèque Ma:ariru'. — Ms. l'J07 (3317), n" 5, ff. 6^-95 v". —
Imprimé.
De Castkies. III. — 6
82
9 AVRIL 1622
XVI
LETTRE DE JORGE MASCARENHAS A MEDINA-SIDOINIA
(Extrait. — Traduction)
Le mokaddem Ahmed en-Neksis invite les Anglais à fonder une maison de
commerce à Télouan : il faut s'opposer jinr tous les moyens à leur éta-
blissement dans celte cille, car il serait très préjudiciable aux intérêts de
iEspo'jne au Maroc.
Tanger, 9 avril 1623.
En Ic'lc : Extrait d'une lettre de Don Jorge Mascarcnhas',
gouverneur de Tanger, au duc de Medina-Sidonia, en date du
9 avril 1622.
De Cadix il m'est venu une lettre pour En-Neksis', mokaddem de
1. Sur co personnage, V. xupra, p. 20,
note 3.
2. Les En-Neksis _i„àjl étaient une
famille puissante de Tétouan qui préten-
daitètrevonueautrefoisd'Andalousie ; mais,
d'après les chroniqueurs indigènes, ils
tiraient li'ur origine d'une tribu do Ujebala,
les lieni Ider J Jjl ^1 ou les Bcni Ilouzmar
^^3)*" iC''- Les habitants de Tétouan,
pour se préserver des incursions continuelles
dos Djebala, placèrent à leur tète, avec le
titre de mokaddem, un membre de cette
famille nommé Mohammed on-Neksis. Le
pouvoir se conserva jiarmi ses descendants
et alla en grandissant pendant les troubles
qui manpièrent le déclin de la dynastie
saadlciuie après la mort de Moulay Ahmed
cl-Mansour (24 aoiU i0o3). Les En-Neksis
furent définitivement renversés par le cliérif
filalicn Moulay er-Rechid et émigrèrent à
Taroudant. Leurs maisons qui occupaient
tout un quartier de Tétouan furent données
aux chérifs d'Ouezzan ; elles se trouvaient
dans la rue qui porte aujourd'hui le nom
de <c rue des chérifs » (Renseigncmenls de
sourcr indiffenc) . — Ahmed en-Neksis,
« vieillard petit, chauve et borgne, » exer-
çait alors à Tétouan un pouvoir tyran-
nique. Il était l'ennemi des chérifs et
avait, en i6i3, à l'instigation de Abou
Mahalli, fait assassiner Moulay ech-Chcikh.
Il venait on 1621-1O22 de se révolter contre
le fils de ce dernier, Moulay Abdallah. Cf.
RojAS, S. 6^-67; El-Olifràm, pp. Saa,
3g4 et /'■" Série. Espagne, à la date du ao
décembre 1620.
LETTRE DE JOUGE MASCARENHAS A MEDINA-SIDONIA 83
Tétouan, et, voyant (juc ladresse était d'une écriture étrangère,
je l'ai ouverte. J"y ai trouvé une lettre d'un Anglais, marchand à
Cadix' et une seconde de l'ambassadeur d'Angleterre résidant à la
Cour, en réponse à une autre de En-Neksis. dans laquelle celui-ci
demandait au roi d'Angleterre que les Anglais établissent une
maison de commerce à Tétouan. Et, dans sa lettre, l'Ambassadeur
l'avise qu'il a écrit à son roi et lui donne de bonnes espérances.
C'est là une chose à prendre en considération, et il me semble qu'on
doit empêcher cela par le meilleur moyen possible. En elTet, s'il
s'établit dans cette ville un commerce permanent avec les Anglais,
cela causera un grand dommage aux Fronteras et cela sera de
grande utilité pour les pirateries de ces gens-ci et de ceux d'Alger.
J'envoie cette lettre à Sa Majesté et j'ai voulu en rendre compte
àV. E.
Archives espaç/noles du Gouvernement (je'néral de iAkjéric. — A^" 338
(anciennement : 2'' carton, 9° liasse, n" h A). — Copie du xix° siècle'.
I. 11 s'agît ici, selon toute vraisem- fit valoir, ilans une lettre à \AaUer Aston,
blancc. d'un marchand de Londres nommé les avantages que procurerait le commerce
Thomas Aston. Ce personnage, se rendant avec la ville de Tétouan. C'est sans doute
à Tétouan au mois de décembre lôai, y fut uiu' lettre de ce même Thomas Aston qu'a-
accompagné par un certain John Duppa que vail interceptée Jorge Mascarenhasavec celle
l'ambassadeur d'Angleterre à Madrid. Wal- del'ambassadeurd'Angleterre. Cf. i'''Série,
1er .Vston, avait chargé de négocier un Angleterre, Lettre de Ahmed en-A'cksis à
échange ou un rachatde captifs. Lemokad- Wnlter Aston, ii décembre 1621; Leltresde
<lem, Ahmed en--\eksis, après avoir exposé John Duppa à Walter Aston. 28 décembre
à Duppa les griefs des gens de Tétouan 1621 et l'i janvier 1632; Portugal, Lettre
contre les Anglais, se montra désireux de de D. Jorge Mascarenlws à Philippe IV du
rétablir la paix et les relations commcr- 11 juillet 1022.
cialcs. Il écrivit à l'ambassadeur d'Angle- 2. Le copistes espagnol a ajouté : Copié
terre par l'intermédiaire de J. Duppa, pour aux Archives de Simancas, le 21 novembre
lui faire part de ses propositions. De son i844. pour M. Tiran, de l'extrait de lettre
côté, Thomas Aston, revenu en Espagne, qui existe dans la liasse Estado n" 25i5.
84 l/l MAI 16
AI 1022
XVII
CONSULTE DU CONSEIL D'ÉTAT
(Traduction)
Le Conseil d'Etat est d'avis fjue les gowerneiirs de Ceuta et de Tanger
reçoivent l'ordre de contrecarrer l'établissement de marchands anglais à
Tctouan. — On préviendra des visées de ces marchands l'ambassadeur
d'Espagne en Angleterre.
Madrid, lij mai 1622.
En tête : D'office. Le Conseil d'Etat, le ili mai 1622. Sur
l'intention que les Anglais ont d'établir une maison de commerce
àTétouan, ce dont a avisé le duc de Medina-Sidonia.
De la main de Philippe IV : Cela est bien, et il a été ordonné, par
l'entremise du Conseil de Portugal, de faire par cette voie toute
diligence, ainsi que cela a été recommandé, à Ceuta et à Tanger.
Sire,
Votre Majesté a ordonné que le Conseil vît la copie, qui est re-
tournée ci-jointe, d'un passage dune lettre de Don Jorge Masca-
renhas pour le duc de Medina-Sidonia', qui traite des négociations
qui ont lieu entre En-Neksis, mokaddem de Tétouan, et quelques
marchands anglais de Cadix pour établir à Tétouan. au su du roi
d'Angleterre, une maison de traite et de commerce desdits Anglais.
Après avoir conféré sur la matière, il a paru bon au Conseil de
donner à Votre Majesté l'avis qu'il serait convenable à son royal
I. V. Doc. précédent, p. 82.
CONSULTE nu CONSEIL d'ÉTAT 85
service d'ordonner aux gouverneurs de Ceuta et de Tanger de faire
en sorte, avec beaucoup de soin et par les moyens qu'ils pourront,
d'empêcher ce commerce, à cause des inconvénients qui pourraient
en résulter pour les Fronteras d'Espagne, et de faire écrire aussi à
l'ambassadeur de Votre Majesté en Angleterre, en lui faisant part
de cette intention des Anglais de s'établir à Télouan, afin qu'il
tâche d'empêcher qu'elle soit réalisée.
\otre Majesté ordonnera ce qui lui paraîtra le mieux.
Madrid, i^ mai 1622'.
Suivent cinq parafes.
Archives espagnoles du Gouvernement fjénéral de l'Algérie. — A'" 339
(anciennement : 2" carton, 9" liasse, n° 4 Bj.
I . Le copiste espagnol a ajouté: Copiéaiix pour M. Tiran, sur la consulte originale qui se
Arcliiues de Simancas, le 21 novembre iS44- trouve clans ta liasse Estado n° 25i5.
86 h DÉCEMBRE l62 2
XVIII
REQUÊTE DE CAPTIFS FRANÇAIS A LOUIS XIII
Partis de Marseille sur le (jaUon « Notre-Dame » avec des lettres de mar-
que pour faire la course contre les pirates turcs, ils ont fait naufrage et
sont retenus par Moulay Zidàn dans une dure captivité'. — Leur situa-
tion est si intolérable que plusieurs captifs, pour y échapper, se sont faits
musulmans. — Ils demandent au Roi de remplacer l'agent Claude Du
Mas, qui ne s'est pas occupé activement de leur rédemption, par une per-
sonne à qui ion remettra un pjrésent d'une valeur de dix à douze mille
écus à offrir à Moulay Zidàn. — fis chargent le P. Antoine de Sainte-
Marie de remettre au roi la présente supplique.
Merrakech, A décembre 1G22.
Entête, alla manu: Les captifs de Maroc.
En tête, propria manu : Au Trcs-creslien et Très-auguste Roy de
France et de Navarre, noslre très-honoré seigneur et maistre, et à
Nosseigneurs de son ConseiL
Sire,
Remonstrent très-humblement et très-deAotement, avec tout
riionneur, respect, obéissance et fidélité à nous possible, deue à
Voslre Très-crestienne et saccrée Magesté, les pauvres affligés et
infortunés captifs, ses Irès-liumbles, très-obeissanl et fidelles subjetz
et serviteurs, qui, despuis neuf années, sont deblenuz captifs et
prisonniers par Molei Sidan, roy de Maroc en Mauritanye, comme
Vostre Magesté a esté cy-devant informée par les pleintes à elle
adressées et à Nosseigneurs de son Conseil du mauvais et cruel
REQUÊTE DE CAPTIFS FRANÇAIS A LOUIS XIII 87
traitement que nous recevions journellement par les tourmaiis et
outrages quon nous faict soufTi'ir soubz l'excessive pesanteur de
noz fers, que pour les faire entendre entièrement à Vostre Magesté
seroit trop de prolixité, laquelle ne luy pourroit apporter que mes-
contantement et beaucoup d'allliclion de voir ces pauvres subjetz
ainsy tourmantés.
Vostre Magesté a sceu comme nous sommes partis de sa ville de
Marseille avec un navire dit le gallion iNostre-Dame. armé et équipé
en guerre, portant la baniere de Vostre Magesté, contre les corsaires
turcs et autres pirattcs, avec cent dix-liuict homes, tant soldats que
mariniers, vingt pièces d'aifillcrye, et de munitions et vivres pour
un an, le tout pour le service de Vostre -Magesté et pour le bien
et repos de nostre palrye, avec lettres de commission, mandement
et permission de Vostre Magesté et de son admirai des mers de
Ponant pour faire la guerre ausdits corsaires et pirattes, le tout à
noz propres coustz et desjjens, pour Icsmoigner avec plus de fran-
chise et fideUté que notre vie et noz biens sont affectés à son
service, en qualité de ses très-humbles et très-fidelles subjectz.
C'est pourquoy nous supplions Irès-luimblemcnt Vostre Mag''',
avec touttes sortes de submissions, dhobeissance et fidélité, qui luy
plaise, par sa clémence, pictté et dévotion ordinaire et accoustumée
envers les pauvres affligez ses subjectz, nous sortir et retirer de la
cruelle et insuportable captivité oîi nous sommes asservis et ceux
aussy qui ont estes pris par les corsaires, cajitivés (lavant et après
nostre nolTrage, qui sont audit Maroc, et Vostre Mag" sera le second
rédempteur de tant de pauvres âmes languissantes, batues et tour-
mantées de tant d orage et lempeste que le noffrage les va menas-
sant de leur totalle perle. Et desja y en a de perdus et submergés
dans les gouffres du jjaganisme, les uns par force et violence, les
autres, ne pouvant supporter tant de travaux, s'y sont par desespoir
précipités.
Ce sont voz subjectz (i-ès-fidelles. Sire, qui implorent le secours
et faveur de ^ostl•e Mag" par le juste ressentiment quelle en doibt
avoir. L'outrage faict aux serviteurs redonde sur le maistre; c'est
avec raison fort équitable que nous recourons à Vostre Magesté
comme à nostre très-honoré seigneur et maistre, estant plus puis-
sant, plus victorieux el invincible que tous. Aussy n'y a nulz qui
88 ^t DÉCEMBRE l62 3
soient plus humbles, plus obéissant cl plus fulelles à Vostre Magesté
que nous.
Ce considère. Sire, plaira à Vostre sacrée et Irès-augustc Magesté
avoir pour agréable ceslo nosire Irès-humble supplication, par son
indicible clémence, cl \oulloir expédier quelque personne califiée
plus vigillant et mieux vercée à la poùrsuilte de ceslc affaire que
n'est le s' Claude Du Mas', qui de tout temps l'a négligée, auquel'
V"' Mag'% par charité et pieté, lui délivrera la somme qu'elle
a ordonnée de sa royalle volonté, pour estre employée à l'achapt de
quelques eslolîes de soye escarlattes et autres jjom- 1ère présent au
roy Molei Sidan, qui poura monter, à nostre jugement, environ dix
ou douze mil escuz. qui est peu de chose à V"' Mag'' à légal
de tant de gens de bien qui sont \oz très-humbles et légitimes
subjects, qui souffrent et endurent les peines et travaux susdits,
connue elle sera plus amplement informée par Père Anlhoine de
Sainte-Marie \ Irlaudoys, de l'ordre des Prédicateurs, lequel a esté
caplif avec nous lespasse de huict ans, présent porteur, qui don-
nera [lins anq)le advis à Vostre Magesté des expedientz et procé-
dures de cest affaire, pour lequel la supplions très-humlilement
l'avoir en recommandation, pour la bonne doctrine qu'il nous a
donnée et pour le service divin qu'il nous a célébré et administré
dans l'église des Crestiens captifs dudit Maroc, où il a fait de beaux
fruicts de sa doctrine en la conversion des dévoyez, de quoy luy
sommes tous obligés.
C'est au nom de ce grand Dieu Tout-Puissant, distributeur des
couronnes et royaumes, que nous taisons ceste suplication à Vostre
Magesté, pour laquelle nous offrirons, pour sacriffice et pour hostie
sur l'autel saccrc de ces commandementz, nostre sang et nostre vye
pour y contribuer nostre obéissance et fidélité, et prierons très-
I. Claiulo Du Mas, agent consulairi' au pour le Chérif des livres latins en castillan,
Maroc. Cf. supra. Introduction, notice et des renégats les mirent ensuite en arabe,
biographique. Le Chérif le dispensa de porter la chaîne
3. ,1 «(/»(•;, c'est-à-dire : à la personne do- comme les autres esclaves. Ce religieux
signée pour remplacer Claude Ou Mas. établit à .Maroc une confrérie du Rosaire,
3. Sous Moulay Zidàn, le dominicain rpii subsista longtemps, et ne voulut être
irlandais .■Vntoino de Sainte-Mario fut amc- racheté qu'après l'arrivée d'un autre prêtre
né comme esclave à Merrakoch ; il traduisit ;m milieu des captifs. Godard, p. i^q8.
REQUÊTE DE CAPTIFS FRANÇAIS A LOUIS XIII 89
dévotement Sa Divinité d'accroître le royaume de Voslre Très-
Antrtisto et Saccrée Magestô jusques aux bouts ot limites de la terre,
en Iriumplie, vieloirect felieitc, en très-heureuse et longue vye, en
parfaicte prospérité et sauté.
Ce sont les vœuz, prières et oraisons de ses très-humhles. très-
obeissanls et Irès-fidolles serviteurs ({ui soûl captifs à Maroc et
autres lieux de Haibarye, et pour iceux avons soubz signé.
A Maroc, le 4" décembre 1622.
Signé: Berenguier. — Chevallier. — Payan-Reinicr. — Guil-
ton. — Castainlial. — P. llevel. — Mauyau'.
Archives des Affaires Étrangères. — Maroc. — Correspondance con-
sulaire^. Vol. I. — Original.
I . La prrsenlp retnu'lc est de la main de « Carions consulaires » ont été reliés depuis
ce personnage, ainsi (jii'il résnllo de la la publication des volumes I et II des SS.
similitude d'écriture entre sa signature et Ilist. .Maroc, i" série, France; ils se Irou-
le telle de la lettre. vent désignés maintenant sous le titre :
3. Les documents conservés aux .\r- « Correspondance consulaire ». — Les vo-
chives des Affaires Étrangères dans les lûmes ne sont pas encore foliotés.
qO 2 NOVEMBRE iGs^
XIX
CONTRAT DE RACHAT DE CAPTIFS
HonOeur, i novembre iGai.
Dudit samedy dcuxicsmc jour de novembre, après inidy, à Hon-
neflcur, en l'escriptoire, devant lesdits Robinet et Boudard, tabel-
lions.
Furent présents Magdallaine Helliol, femme de Nicollas Auber ;
Ysaabeau Ilocbet, veuve de Ilobert Auljer, mère diceUui AicoUas ;
Antlioinette Auber, veuvede Jacques Allcxandre, sa sœur, et Tous-
sainctz Auber. marcliand: Magdallaine Allexandre. femme de Jelian
Fourrey, sa procuratrice specialle par procuration contenant pou-
voir de vendre et engager ses biens et beritages, passée devant
Dugalley et Gravoys, tabellions audit llomielleur, viconté de Ron-
cheville, le dix-septiesme jour de mars mil six centz saize ; Thi-
baut Le Chevallier, capitaine de navires ; Pierre Dordonne dit Bour-
sier, tant en son nom que comme procureur de Guillaume (iibon
par procuration passée devant lesdits tabellions de Roncllc^ illc, le
septiesme jour de febvrier mil six centz vingt trois; Guillaume et
Silvestre Hay. père et fils; Margueritte Gernigou, tant en son nom
que de Robert Pays, son mary, et sa procuratrice par procuration
de vendre ses biens et héritages, passée en ce tabellionnage le ving-
tiesme jour de mars mil cinq centz quatre vingtz dix-sept ; Jehane
de La Haie, femme de Pierre Pays; Pierre de La Haie, frère de
ladite Jehane ; Margueritte Briere, veuve de Jacques de La Haie :
Jehan Liebart ; André Llebart : Jehan Faulcon ; Jehan GodelTrey,
capitaine de navire ; Marlhe Faulcon, veuve de Henry Liebart : les-
quels, demeurantz en la paroisse Saincte-Catherinue dudit Honne-
fleur, ont recogneu et confessé que, à leur faveur et requeste, Tho-
mas Blanvillain, sieur de La Foriere, marchand, aussy bourgeois
CONTRAT DE RACHAT DE CAPTIFS gi
dudit Honncfleur, avait requis et prié honneste homme Lucas
Le Gendre', marchand, demeurant à Rouen, à quoy il a ohlcm-
peré. descrlpre et donner ordre à Jehan-Baptiste et Thomas Le
Gendre, ses enfants, de présent estants en Barbarye, de procurer et
donner ordre et charge à qui ilz adviseront bon estre pour faire le
rachapt desdits NicoUas Auber. Jehan Fourrey, Guillaume Gibon,
Jehan Gibon, Pierre Pays et Liebard, fds Henry, de présent
détenus captifs et esclaves en la ville de Salle ou autres villes dudit
pays de Barbarye ; et à ceste fin de paier ou faire paier et fournir
jusqu'aux sommes cy-après déclarez, assçavoir : quatre centz livres
pour ledit Nicollas Auber, troys centz livres pour ledit Fourrey,
autres troys cenlz livres pour Guillaume Gibon, autres troys centz
livres pour ledit ï'ays, deux centz livres pour ledit Jehan Liebart,
captif, et autres deux centz livres pour ledit Jehan Gibon ; le toult
levenant à dix-sept centz livres pour ledict rachapt, sy tant en est
de besoing: promettants que ladite somme de dix-sept centz livres,
qui sera paiée et fournye par lesdits Le Gendre ou par aucun aiant
leur ordre, pour toult principal et frais pour ledit rachapt, la rendre
et paier audit sieur Lucas Le Gendre en sa maison, à Rouen, à
leurs despens et à la première demande qui leur en sera fête par
ledit Le Gendre ou aucun porteur de la présente, au moyen et en
faisant apparoir de lettres ou obligations desditz Auber, Fourrey,
Gibon, Gibon, Pays et Liebard, captifs, ou de leurs promesses
dudit rachapt ou autres rescripts soubz leurs saings privez, assça-
voir : lesdits Ilelliot, Hochet. Anlhoinette Auber et Toussainclz
Auber, la somme de quatre centz livres pour ledit NicoUas Auber ;
ladite Allexandre et Le Chevallier, troys centz livres pour ledit
Fourrey ; ledit Dordonne et Hay, père et fils, autres troys centz
livres pour ledit Guillaume (îibon ; (iernigou, Jehane de La Haie,
Pierre de La Haie. Bricre. troys cents livres pour Pierre Pays ;
Jehan et Aiidié Liebart, l'^aulcon, Godelîrey et Marthe Faulcon,
deux centz livres pour ledict Jehan Liebart, fils Henry ; et par
ledicl Boursier aullres deux cenlz livres pour ledict Jehan Gibon.
Et fut à ce présent ledit Blanvillain, lequel, en contemplation des-
dits captifs et à la faveur et prière des dessusdits leurs parents et
I . Sur celte f.iniille (l'nrmnteiirs de Uoueii, V. siiprn. Introduction, notice biographique.
ga 2 NOVEMBRE 1624
aniYS, a volunlairement pleigé et cauxtionné lesdits captifs à la sti-
pullation et requeste des dessusdits leurs pareufs et ... de paier
ladite somme de dix-sept centz livres tournoiz audit sieur Le Gendre
en sa maison audit lieu de Rouen ou aucuns porteurs de la présente,
et s'en est constitué et obligé principal paieur et respondant pour
corps et avec ses biens et héritages et sans aucune division, ordre
de discussion ny appellation de garantye, avec lesdits llclliot, Ho-
chet, Anthoinette Auber, Toussainctz Auber, Alexandre. Le Che-
vallier, Dordonne, Hay, père et fds, Gernigou, Jehane et Pierre de
La Haie, Briere, Jehan et André Liebart, Faulcon, Godreffrey et
Marthe Faulcon, qui pareillement se sont obligés par corps et avec
leurs biens, héritages et chacun portant son faict au regard de cha-
cun de son parent et allié, lesdites femmes tant en leurs noms que
vertu desdites procurations et par promesses fêtes par les dessus-
dits parents desdits captifs au sieur de La Foriere que à autre, à
sadile prière et internement, etc.
Et présents Pierre Gy et Ollivier Le Chevallier, capitaines de
navires, bourgeois dudit Honnefleur, tesmoins, qui ont signé avec
lesdits obligez au présent.
Suivent les signatures.
Étude de M' Paul Bréard à HonJIeur. — Extrait des minutes de Jean
Robinet et Germain Boudard, tabellions royaux pour la vicomte d'Aïuje,
au siège de HonJIeur. Année 162^,/. 78 \
I. Une analyse de ce document a été Documents relatifs ù la marine marchande,
publiée par MM. CnARLEset Paul Brfard, pp. 36-38.
LES CHKÉTIENS AU xMAUOC g3
LES CHRÉTIENS AU MAROC
Introduction critique.
Le christianisme, afl'aibli par les schismes et les hércsics dans la Mauritanie
Tingitane comme dans toute l'Afrique septentrionale, n'opposa qu une faible
résistance à l'invasion de l'islam au vu'' siècle. Aussi est-il peu probable que de
petites communautés de Berbères chrétiens aient pu se maintenir longtemps
dans le Maghreb el-Aksa (Extrême-Occident), nom que le conquérant arabe
avait donné à l'ancienne province du Bas Empire. L'islamisme submergea tout.
Au commencement du xiii" siècle, François d'Assise, qui venait à peine de
fonder l'ordre des Frères Mineurs ou Franciscains, conçut dans un généreux
élan d apostolat le projet d'évangéliser le Maroc. Le saint, tout rempli de zèle,
ignorant l'irréductibilité de la religion du Coran et considérant les musulmans
un peu comme des idolâtres, pensait par une ardente prédication les amener à
la loi de l'Évangile. Il ne détachait pas sa pensée des villes de Tanger et de
Merrakcch, plongées dans l'erreur, et on l'entendait répéter: « 0 Timjis !
demenla Tingis .' 0 Marrucliium ! Marrochiiim. illusa civilas ! » Rappelé d'Es-
pagne en Italie, il ne put exécuter lui-même son dessein et dut se contenter de
faire partir pour le Maroc en 1219 une première mission composée de cinq
Frères Mineurs. On doit reconnaître que la règle monastique instituée par
François d'Assise convenait à merveille à des missionnaires en pavs musulman :
la pauvreté et l'amour des humiliations donnaient à ces moines mendiants et
exaltés une certaine ressemblance avec ces derviches que l'islam révère comme
des esprits possédés de Dieu. Mais le zèle inconsidéré des premiers mission-
naires envoyés au Maroc détruisit l'impression favorable qu'aurait pu faire
naître cette lointaine ressemblance, et les cinq Frères Mineurs furent mis à
mort le 13 janvier 1220, non pour avoir exercé leur religion, ni même pour
I. Cet expose est destiné à servir d'iii- .Iuax del Puerto, Mission histnrialde Mar-
trodiiclioti aux Doc. XX, pp. 99-1 n ; ruems ; Wadvisg, Annales ordinis Minorum;
XXVII, pp. 129-183 ; XXXIII, pp. 3(53-272 Paiva Manso, Historia ccclesiasticn ultru-
el XLIV, pp. 337-3/19. tp'' conticiinrnt le mnrinha ; Mahcelino da Givezza, Sloria
rccildela mission des PP. capiirins envoyés universateilelle MUsioni francescane ; Rocco
au Maroc par le P. Josepli. — ■ Cf. Marcos da Cesikale, Storia délie Missioni dei
Dv. LisiiOK,Chronicas anliyuas delaOrdende Cappuccini : Godard, Histoire du Maroc ;
los Frailes Menores ; Dominicus deGuber- Castellanos, Apostolado serajico en Mar-
NATis, Urbisseraphicus ; Fka.m;iscode San raecosclV\ayiEZ,Le P.Josephet Richelieu.
ni IMKODUCTION CRITIQUE
avoir piOclié l'Êvangilc, mais pour avoir insulté publiquement Maliomct et le
Coran.
11 se mêlait si peu une idée de persécution, voire même d'intolérance, h
cette condamnation que, six ans après, l'émir almohade \oussef el-Moslancir
bi-Allnli, celui-là même qui avait fait périr les trop zélés et trop audacieux mis-
sionnaires, cédant à la demande des soldats et des autres chrétiens de son empire,
laissait venir au Maroc une seconde mission de Franciscains. Il publiait, en effet,
le 37 naars 1236, un édit par lequel il autorisait les chrétiens à construire des
églises où ils pourraient librement pratiquer leur religion selon les rites de
l'Église romaine, à la condition que l'évèque placé à leur tête appartînt à l'ordre
des Frères Mineurs'. Peu à peu la mission franciscaine prit sa véritable orien-
tation : elle renonça, au moins provisoirement, à l'évangélisation des musul-
mans et se consacra aux chrétiens du Maroc. Il y avait là les éléments d'une
véritable église; on la verra se constituer avec son siège épiscopal et ses revenus
provenant de généreuses et pieuses fondations. Ses lldèles se composaient d'élé-
ment divers: .Vndalous émigrés ou transportés au Maghreb; esclaves capturés
sur mer par des pirates de toutes nations et vendus au Maroc ; soldats chrétiens
formant l'élite des armées marocaines - ; commerçants circulant librement dans
l'intérieur du pays, où le trafic n'était pas limité, comme dans les autres par-
ties du Maghreb, aux villes tlu littoral ; enfin aventuriers de toute origine, plus
ou moins en rupture de ban avec leur patrie. L'histoire de cette église du
Maroc est intimement liée à celle des Franciscains. En effet, quoique le pape
Ilonorius 111 eût confié en 1220, par la bulle ]'inea; Domini cuslodes, la mission
du Maroc aux religieux de Saint-Dominique et de Saint-François^, les premiers
ne semblent pas avoir pris pour champ d'action cette partie de l'Afrique, qui
resta presque exclusivement dévolue aux seconds.
Le siège épiscopal de Merrakech fut créé, selon toute vraisemblance, en
1233, par le pape Grégoire IX. Le premier titulaire fut un franciscain, le
F. Agnelo, dont il est fait mention dans une lettre que ce pape adressait, le
i'^'' juin 1333, à l'émir El-Mamoun pour lui recommander le prélat récemment
nommé'. Semblables aux évêques de la primitive église, les évèques de Mer-
1. Cf. Francisco de S. Juan del 4. ce Et utinam fiducia quam conccpimus
Puerto, Hb. II, cap. v. non fallamiir, de tua conversatione speran-
2. Ferdinand III U Saint, roi de Castille tes, pro coquod religiosis viris fîdei nostrœ
(i2i7-i252)etdeLéon (i23o-:252), accor- et specialiter F. A. N. Facensi Episcopo et
da à l'émir EI-Mamoun qui se rendait au aliis Fratribus de ordine Minorum le man-
Maroc pour faire valoir ses droits à la suetum exhibes et benignum... » On voit
couronne (122S) un corps do douze mille que dans ce document Agnelo était qualifie
soldats castillans. évoque de Fez. Mais dans une lettre adressée
3. La bulle, en date du 7 octobre 1225, par le pape Innocent IV le iif janvier ia46
est adressée : « Fratribus Prœdicaloribus ci aux chrétiens de l'église du Maroc, ce prélat
Miiviribns et in reijno Miniinulini a Sfdc est appelé « Episcopus Marrocliltanus ». Ce
Apostolica destiiialis. » double titre était sans doute motivé par les
LES CHRÉTIENS AU MAROC g5
rakecli n'eurent à leur début d'autres biens que les aumônes des fidèles. Mais
en 1257, un peu après la prise de Séville, le roi Ferdinand III et ses fils
D. Alphonse et D. Sanche firent don à l'évèclic de Merrakech de grands terri-
toires situés à l'embouchure du Guadahjuivir et du domaine de Torre Blanca ' .
Pour reconnaître cette libéralité, le pape concéda aux rois d Espagne le droit
de présentation pour l'évêché du Maroc.
L'évèque franciscain résidait surtout à Merrakecli, où l'on vovait près du
palais des émirs almoliades la petite église et le couvent de Sainte-Marie ; les
Frères Mineurs se transportaient dans tous les lieux où se trouvaient des captifs,
attirés davantage vers ces chrétiens qui se trouvaient plus exposés à l'apostasie
par l'appât de la liberté. Us étaient aidés dans ce ministère par les Trinilaires
et les Mercédaires, venus au Maroc vers le milieu du xin"^ siècle. Les religieux
de ces deux ordres fondés pour la rédemption des captifs circulèrent toujours
assez facilement au milieu des populations musulmanes du Maghreb, car ils
étaient les intermédiaires de presque toutes les rançons.
Vers la lin du xv" siècle, les conquêtes des Portugais sur les côtes du Maroc
eurent pour conséquence la fondation d'églises et de couvents franciscains à
Tanger, à Ceuta, à Arzila, à Sali et à Mazagan. L'établissement des Frères
Mineurs dans les villes du littoral, devenues des places portugaises, eut une
répercussion fâcheuse sur la mission de l'intérieur du Maroc, et le nombre de
ses religieux alla en diminuant dans les villes du centre, où la domination
musulmane leur rendait l'existence plus diflicile. Une autre cause contribua au
déclin de la mission franciscaine: les évèques de Merrakech, dont on peut
suivre les noms depuis le F. Agnelo, ne furent plus exclusivement choisis parmi
les disciples de Saint-François. Lorsque des revenus furent attachés à cette
dignité épiscopale, elle devint l'objet de brigues ; on vit souvent les chanoines
de Séville se mettre sur les rangs. Les évèques ainsi nommes manquaient de
zèle apostolique et ne traversaient même plus le Détroit pour prendre pos-
session de leur siège, délaissant à la fois les fidèles et les missionnaires
placés sous leur juridiction'. Par un abus qui devint une tradition, ils se
fixèrent à Séville, où ils furent plutôt les coadjuteurs de l'archevêque que des
évèques de Merrakech. Ils habitaient sur la rive gauche du Guadalquivir au lieu
dit San Telmo, dans ces territoires qui leurs avaient été concédés autrefois par
Ferdinand III et ses fils, .\utour de San Telmo étaient venus se grouper les
commentants faisant du trafic a\cc le Maroc, ce qui avait valu à ce quartier de
Séville le nom de Barrio de Marruecos. On y voyait, outre le palais des évèques
deux capitales de l'empire almoliadc. Cf. (putstion ci-dcssus.
Casteli-anos, Apost. «era/., pp. 126-180. 2. En 1/129. les clirélieiis du .Maroc
I. Celle concession fui faite au F. .\gno, ('cri virent au pape Martin V pour se plain-
troisièmclitulaircdorévèchédeMerrakeoli, dre de l'abandon dans lequelles tenait leur
que qu(*Upics chroniqueurs espagnols ont évètpio D. Pedro. Celui-ci mourut en i^S.S
confondu avec le F. Agnelo dont il a été sans avoir jamais passé le Détroit.
gÔ INTRODUCTION CRITIQUE
de Merrakech, une église, un hôpital et de nombreuses maisons s'étendant le
long du fleuve.
Ces biens ne devaient pas rester à l'église du Maroc. En iD(îo, D. Fernando
de Valdès, archevêque de Séville et grand inquisiteur, pria le pape Pie IV, qui
le lui accorda, d'incorporer au Saint-OfTice les biens de cet évcché de Merrakech
qui n'avait plus en réalité sous sa juridiction que le Barrio de Marruecos. Il
justifiait sa demande en faisant valoir les dépenses excessives qui avaient
incombé au Saint-Tribunal du fait de la lutte contre les protestants. D'ailleurs
le titulaire de l'évcché de Merrakech, D. Sancho Diaz de Trujillo, chanoine de
Séville, n'élevait aucune objection et s'offrait à faire la remise.
La bulle papale qui disposait en faveur du Saint-Office des bénéfices de
l'évcché du Maroc ne mit pas fin à son existence. On relève encore, après
Sancho Diaz de Trujillo, les noms d'autres évpques de Merrakech ; mais ceux-ci,
bien que nommés à ce siège, résidèrent toujours en Espagne et furent en
quelque sorte des prélats m parlibus ; le dernier d'entre eux lut le Portugais
D. Francisco de Faria nommé par Lrbain VIII en 1689.
En réalité l'église hiérarchisée du Maroc disparut beaucoup plus tôt, avant
même la liquidation de ses biens : pour indiquer une date qui ne peut être
d'ailleurs qu'approximative, c'est vers i53o qu'elle cessa d'exister. Or c'est
également vers cette date que survint au Maroc un grand changement politique :
l'avènement des dynastieschérifiennes, révolution qui contribua, avecles causes
déjà énumérées, à la ruine de la mission franciscaine. Les chérifs, dont la
raison d'être avait été la Guerre Sainte, la lutte contre les Chrétiens qui, sous le
faible gouvernement des Béni Merin. s'insinuaient de plus en plus au Maroc,
grâce aux succès des armes portugaises, signalèrent leur arrivée au pouvoir par
la persécution : les Chrétiens furent chassés de l'inlérieur du pavs comme
souillant la ferre de l'islam, et bientôt il ne resta plus au Maroc que la mal-
heureuse classe des captifs. Ces derniers, dont le nombre fut parfois très consi-
dérable, comme par exemple après le désastre de EI-Ksar-el-Kcbir (4 août
1378), ne furent pas complètement délaissés ; les Trinitaires, les Mercédaires,
quelques Jésuites, des Dominicains et des Augustins, à défaut de l'ancienne
mission permanente, vinrent les visiter de temps en temps, partageant leur
dure existence d'esclaves ; plusieurs de ces religieux payèrent de la mort leur
généreux dévouement.
En 1624. un célèbre capucin, animé pour 1 Église et pour son pavs d'un
zèle égal, qui lui faisait entrevoir dans l'expansion du christianisme la réali-
sation d'une plus grande France, le P. Joseph, fit adopter par le cardinal de
Richelieu et par Louis XIII un vaste plan de missions dont l'un des objets
devait être de créer ou de développer les relations commerciales de la France.
L'idée de la mission du Maroc fut suggérée au P. Joseph parle chevalier Isaac
de Razilly. Cet homme de mer, que la paix avec les Protestants laissait inoc-
cupé, désirait trouver l'emploi de son activité et de son initiative au Maroc, où
il avait accompli un premier voyage en 1O19. Il lit part de son dessein au
LES CHRÉTIENS AU MAROC fj'y
P. Joseph. Celui-ci accueillit d'autant mieux ses ouvertures qu'il entrevoyait le
movcn lie rétablir au Maroc l'ancienne mission franciscaine qui y avait prospéré
pendant trois siècles (i23o-iâ3o), et d'assurer en même temps à la France le
bénéfice de relations commerciales avec celte terre africaine. Aussi bien,
l'Espagne, absorbée d abord par la lutte contre les Protestants, puis par
limplacabie persécution des Moriscos, délaissait de plus en plus le rôle de
protection qu'elle s'était réservé auprès des chrétiens du Maroc. Au nombre de
ces chrétiens se trouvaient d'ailleurs quelques-uns de ses propres sujets qu'elle
venait de rejeter violemment du sol de la patrie. Lors du bannissement de 1610,
en elTet, prescripteurs et proscrits ne furent pas toujours séparés par une
différence de religion. Les témoignages sont nombreux qui établissent que,
parmi les Moriscos réfugiés à Salé, il y avait un très grand nombre de chrétiens.
Ceux-ci même avaient leur place dans les préoccupations du P. Joseph.
Écrivant en 1620 au secrétaire de la Propagande, il faisait allusion à ces
malheureux expatriés « qui ab Ilispania ejecli se ad Mas partes conlulerunt,
inler cjuos mulli reperiuntar chrùilianx religionis non immeniores ' ».
Le P. Joseph, en parfaite communion d'idées avec Razilly, usa de son
inllucnce pour le faire envoyer sur les côtes du Maroc. On sait que la situation
était alors des plus tendues entic la France et le Cliérif. Celui-ci, depuis l'affaire
Castelane, rendait le roi Louis XIII responsable du tort qu'il avait subi et, en
manière de représailles, il avait chassé de Mcrrakcch les négociants chrétiens
qui peu à peu, malgré les mesures d'expulsion prises par les premiers chérifs,
étaient revenus s'y établir. En même temps que Razilly s'efforcerait de renouer
des négociations avec le Chérif, trois capucins, pris dans la province de ïou-
raine et adjoints à l'expédition par le P. Joscpii, devaient étudier les possibilités
de fonder dans l'empire chérifien une mission apostolique. Tout ce plan éciioua
par suite de la trop grande confiance de Razilly qui, étant descendu à terre
sans garantie sultisante, fut arrêté avec son escorte ainsi que les PP. capucins.
Moulay Zidàn remit le chevalier en liberté peu de temps après et le renvoya
avec l'un des capucins porter en France ses revendications. Quant aux deux
autres religieux, on les conduisit à Merrakech où pendant cinq ans ils furent la
I. Cf. /'■' Série, Dépôts divers, Rome, 11 septembre 1627). « Je sais comme té-
lOsS. Les PP. capucins eux-mêmes décla- moin ocnlaire, écrivait Vihakeai,, qu'il y
renl que la plupart (les habitants de Salé a encore aujourd'liui dans la Barbarie beau-
11 étaient encore chrétiens en leur àmc » coup de catholiques qui furent tiilés d'Es-
(infra, p. 3/|i)- John Harrison s'exprimait pagne, n El Politico cliristianissimo ciel car-
ainsi sur les Moriscos de Salé : i< Ils sont nés clcnnl duque (le Richelieu. . . Trad. de Fr. de
en Espagne, ils sont chrétiens, baptises Gkexmlle, iG'iô, p. ij3. — A Tétouan
Il yen a beaucoup [larmi CCS Moriscos expul- les Moriscos clirétiens qui avaient refusé
ses qui sont d'aussi bons, sinon de meilleurs d'entrer dans les mosquées furent lapidés.
chrétiens qu'il n'y en a en Espagne » (j" Cf. Cabrera, y(c/«c(o«<'.5... p. ^o'|. V.suprn,
Série, .\ngleterre, Relation de J Ilnrrison. p. 'iQ et note 5.
De Casthies. III. 7
gS INTBODLCTIO>- CRITIQUE
consolation et le soutien des captifs chrétiens ; ils succombèrent à la peste en
1629, au moment où, sur les instances du P. Joseph, Razilly repartait pour le
Maroc à la tète d'une escadre. Il devait traiter à la fois avec les rebelles de Salé
et avec le Chévif. Mais l'escadre fut prise par le gros temps et dut rentrer à Port-
Louis le 20 novembre 1629.
Une troisième tentative fut faite en i63o. Trois nouveaux capucins, auxquels
le P. Joseph avait donné les plus sages instructions ', s'embarquèrent avec
Razilly et Du Clialard envoyés de nouveau sur les côtes du Maroc. Les mis-
sionnaires se flattaient même de pouvoir s'établir à Salé, où ils auraient
exercé, conformément au désir du P. Joseph, un fructueux apostolat auprès
des Moriscos. Mais les Salétins, dans la trêve conclue à Salé le 3 septembre
i63o, restreignirent l'exercice du ministère des capucius aux seuls Français.
Celte condition parut inacceptable à ces religieux et, leur sécurité se trouvant
d'autre part insulHsamment assurée, ils prirent la détermination de rentrer
en France et de rendre compte au P. Joseph des obstacles qui s'opposaient
à la fondation d une mission -.
11 appartenait aux Franciscains d'Andalousie de relever la mission du Maroc.
Le P. Juan de Prado, gardien du couvent de Cadix, nommé en i63o par le
pape Urbain VIII préfet apostolique de Fez et de Merrakech, alla prendre pos-
session de son siège sous le règne de Moulay el-Oualid et rétablit l'ancienne
église de Merrakech^.
1. V. CCS instructions, p. 3^6. sion, mais pour s'enaployer auprès des
2. En 1 635, Du Chalard retourna à Safî chrétiens rachetés.
pour négocier le rachat des captifs français; 3. Sur le rétablissement de la mission
il avait à son bord deux capucins envoyés franciscaine au Maroc, V. j" Série, Espa-
par le P. Joseph non pour fondcrunemis- gne, i63o.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPLCINS AU MAROC
99
XX
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC
(1623-162/i)
(P. pRA^içois d'Angers')
Premier voyage d'hanr de Razilly au Maroc en 1019. — // revient en
France arec un andmssadeur de Moulay Zidc'tn. — Causes de l'échec des
né(jocialions entamées par Razilly. — Deuxième voya(je d'Isaac de
Razilly en 16'2^i. — Le Père Joseph lui adjoint trois capucins. — Arri-
vée de l'e-tcadre à Safi. — Isaac de Razilly, niabjre' un sauf-conduit, est
retenu prisonnier au camp de Moulay Zidàn avec les capucins et son
escorte. — Le Chérif l'envoie porter à Louis XIII ses réclamations au
sujet de l'affaire Castelane.
De nos jours le R. P. Joseph de Paris, inspiré clu ciel, par un
mouvement de son zèle apostolique & par l'ardeur de sa charité
seraphique, en qualité de commissaire apostolique des Missions
étrangères, choisit deux Pères capucins l'an 1624'' qu'il envoya aussi
à Maroque, où ils sont morts martyrs, sinon par le trenchant d'une
épée, au moins pour l'efort de la contagion, assistant avec une cha-
rité incroyable les esclaves pestiférés, genre de mort que l'Eghse
reconnoit en plusieurs saincts pour une nouvelle sorte de martyre.
Cet honneur, disent les .saincts, est justement dcu à une pieté si
emincnte >.V à une foi si généreuse.
Afin de publier lefort de cet atrait. A: que l'on sçache la vérité
de cette liisloire, que j'ay tirée de plusieurs mémoires autentiques
& lettres de personnes de créance \ de conditions diferentes, qui
I. V. infra, p. iii, note i. 2. V. ci-apns, pp. io3 et io5.
loo i623-i6a4
ont été dans cet cmploy, dont jay les originaux', sans parler de ce
que jay pu rencontrer d'eux-mêmes, il faut en découvrir la source,
comme la divine Providence prépara un moyen qu'il fit connoislre
au R. P. Joseph pour l'exécution du dessein dont il avoit receu le
mouvement.
Nos puissances aussi bien que le fer s'usent d'avantage par la
rouille que dans l'employ. D'oîi vient que les bons courages s'en-
gagent librement dans les hazards, choisissant plustôt de finir agis-
sant avec honneur, que de subsister plus long temps dans une vie
languissante à la laveur de l'oisiveté. Monsieur le commandeur de
Razilly", de qui la profession & la naissance donnoicnt de la géné-
rosité, se sentit piqué de celte inclination. Et pour ce, voyant
1 Europe dans une paix asseurée, résolut de passer en Afrique pour
y chercher la guerre, animé à ce dessein ^^ar les persuasions de son
frère aisné\ Il demanda des lettres de recommandation au roy de
France pour celuy de Maroque*. à dessein de rétablir les anciennes
alliances entre ces deux couronnes &: voir si ce prince luy voudroit
donner moyen d'entretenir des François dans quelque port ik place
de seureté^, avec l'exercice libre de la religion catholique par tous
ses Estais, i.^: qu'ils le servlroienl fidèlement contre ses ennemis,
par mer \ par terre.
Ce Commandeur en l'an iCig traita celte afaire avec tant de
vigeur & d'adresse qu'il la fit réussir >k obtint même l'envoi d'un
gentilhomme more'' en France vers Sa Majesté, pour la remer-
I. Celle iiidicalion des sources où a el note 3; Doc. XXXI, p. 2i5etnolea).
puisé l'auleur donne à sa Relation une 5. Ce u port et place de seureté » devait
grande valeur. cire le port d'Aïcr. Il est probable que le
a. .\ celte époque (iGî^), Isaac de chevalier de Razillv fut désigné pour aller
Razilly était chevalier de Malle ; il ne fut au Maroc avec l'agent Du Mas, sur les ins-
reçu commandeur que le 26 octobre i63l. lances de Saint-Mandncr qui avait demandé
V. supra, Introduction, notice biographique. à Louis XIII l'envoi d'une personne do
3. François de Razilly. V. sitprn, Intro- qualité pour traiter avec le Ghérif. L'objet
duclion. Notice bio<jraplti<juc. apparent de la négociation était le rachat
/(. Ces lettres n'ont pu être retrouvées, de quelques Marseillais, mais il s'agissait en
non plus que la Commission d'Isaac de réalité de la concession d'Aïcr. Saint-
Razilly. On ne connaît d'ailleurs sur la Mandrier avait transmis à la cour de France
mission du chevalier en 161 g que les détails les lettres el les propositions qu'il avait re-
rapportés par le P. François d'Angers et çuesd'Espagneàcesujct. Cespedes, p. 345.
quelques indications éparscs (Doc. IX, p. jO 6. Ce « gentilhomme more » est appelé
HISTOIRE DE L\ MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC ICI
cier, au nom du Roy son maistrc, des témoignages qu'il lui avoit
envoie offrir de son amitié & du désir d'un renouvellement d'alliance ;
supliant Sa Majesté vouloir nommer le sieur de Razilly l'aisné pour
ambassadeur, avec mémoires & pouvoirs nécessaires, afin d'aviser
aux conditions raisonnables d une bonne union A: la rendre solide ;
ajoutant ([uil proposoit cette personne en particulier, pour eslre en
créance dans l'esprit du Roy son maistre ' & connu de lui pour l'en-
nemi véritable des siens" ; qu'à peine pouroit-il prendre asseurance
en une autre personne, de laquelle la réputation ne scroit pas si
publique dans ses Estats^.
Les afaires d'Etat sont tellement compliquées que, les traitant
avec messieurs les ministres, elles ne prennent tout le cours qu'on
leur pense donner, comme il arriva en l'occasion présente, pour ce
que la proposition que nous venons de dire ne fut pas suivie du
roy de France, sans avoir même égard aux protestations de l'agent
du roy de Maroquc, qui résista avec tous les eforts possibles à la
nomination de Du Mastet% Provençal, qui fut proposé pour cette
entremise, asseurant qu'il n'y auroit pas de seureté pour lui, n'étant
pas agréable au Roy son maistre, que l'ayant veu dans ses cotes &
ses pais avec déplaisir, il ne lui en permetlioit jamais l'aproche.
plus loin par Ii^ P. François d'Vngers : flncntc aupris de Marie de Médicis et il
Cizifaré (p. 106). Le Gendre le nomme dut abandonner son entreprise, sur une
Cidyfers (V. i/i/rd Doc. C\XÏ\, p. 73'i). injonction de la Reine qui aiTectait de
Son nom véritable, restitué d'après ces deux craindre une brouille avec le roi d'EspagTie.
transcriptions, devait itre Sidi Farès. Cet Cf. Liîo.n Desciiamps. De Rasiliis, Gabrictc
ambassadeur aurait été mal accueilli en Isaac et Claudio pracnominatis, Richelii adju-
France, au dire d'Isaac de Razilly, et il toribus, pp. 3 1-82 .
aurait été retenu dans un port pL'iidant pr(''s 3. Dans ses Estais, c'est-à-dire : au Maroc,
de ([uatrc mois (V. infra. Doc. WIl. Ce passage dormerait à entendre que Moulav
p. 117 et note 2). Il revint au Maroc Zidàn connaissait déjà François de Razilly.
avec Claude Du Mas(V. infra. Doc. XIII, Cependant, comme on n'a retrouvé la trace
pp. 5i-55). d'aucune mission de ce dernier au Maroc,
I. Du Roy son mnistrr. c'est-à-din^ de on peut admettre qu'Isaac aurait fait devant
Moulay Zidàn. le Cbérif l'éloge de son frère aîné ; ce qui
3. Il faut entcmdre que François de suHîrail peut-être à expliquer l'insistance de
Razilly était comme Moulay ZidAn l'ennemi Moulay Zidàn pour obtenir l'envoi de ce
des Espagnols. Onsaitque ce gentilbommc personnage au Maroc.
avait formé avec La Ravardière le projet ij. Du Mastet, nom altéré. Il s'agit en
de fonder une colonie française dans l'ilc réalité de Claude Du Mas. Sur ce person-
dc Maranbào (Rrésil). Ses desseins furent nage, V. supra. Introduction, notice bio-
traversés par la faction espagnole in- grapbicpie.
I02 ifJa.S-ifiaA
Néanmoins il fut rtsolu qu'il iroit, lV on lui donna ses expéditions.
Et efectivement partit pour Maroque. où aussi tost qu'il eut mouillé
& descendu à terre, fut aresté prisonnier, mis aux fers, »k est mort
misérable dans cette captivité honteuse >N: pénible.
Cet accident interrompit le nouveau dessein, qui fut veu périr en
sa naissance, comme ces vapeurs enflammées qui atirent dans des
précipices ceux qui les suivent. Il est vrai que celte mort aparenle
n'étoit que pour le faire revivre avec plus d'éclat. Dieu l'ayant
réservé pour l'efet du courage d'une personne considérable en pieté,
en valeur et en mérite.
1623'.
Et de vrai, en l'année ifia.S, monsieur le commandeur de
Razilly récent un gentilhomme françois echapé des prisons de
Maroque, duquel il aprit le déplaisir que temoignoit ressentir le
rov de ce pais pour la mort du sieur de Razilly son frère aisnéS &
de ce que lui disconlinuoit de travailler au traité pour l'accommo-
dement des deux couronnes; [ilj 1 asseura, selon sa connoissance,
que luy seul le pouvoit du côté de 1 Afrique, veu la haute estime
dans laquelle il étoit pour sa probité lV pour sa valeur.
Dieu, qui conduit toutes choses avec une douceur extrême, pour
servir utilement au dessein de sa gloire, permit cette rencontre
heureuse au temps que ce commandeur tenoit trois vaisseaux armez
en mer, dont le service étoil lors inutile, ayant été licenciés après
la paix faicte avec les religionnaires de ce royaume '. Tous ces motifs
joints ensemble lui firent prendre resolution de s'y engager, &
se sentit comme intérieurement * pressé de l'efectuer. 11 demanda
donc \ receul la commissi(»n pour passer à ces côtes d'Afrique",
découvrir au vrai les intentions du roy de Maroque, avec qui le roy
de France dcsiroit aliance. afin d'empescher la continuation de la
1. En margo dans IVdition princcps. octobre 1622, qui mettait fin à la guerre
2. François de Ilazilly avait été tué en civile.
ocloljre 1622 iiu siège de Montpellier oii 11 !i. Inlcr'wuremenl. Le texte porte : infé-
servaitcomme marécholdecamp. Cf. Généa- ricurcment.
lo(jii' lia:illY. p. 283. 5. Cette commission n'a pu être rclrou-
3. La paix (le Montpellier, signée le 20 vée. V. p. io5, note 3,
HISTOIRE DE LA MISSION DES PI>. CVPUCINS AU MAROC Io3
prise de nombre de François que ces Barbares faisoienl esclaves,
en retirer ceux qui y étoicnt \ y établir le commerce.
En cet état, il s'adresse au H. P. Joseph de Paris, lors provincial
des Percs capucins de la province de Toureine, pour ce qu'il étoit
commissaire apostolique des Missions étrangères ', comme il est
exprimé en sa vie. & lui proposa son dessein. Cette ouverture fut
à l'ardeur du zèle apostolique de ce Père une matière propre à le
i'airc éclater. C'estoit à vrai dire jetter de l'huile dans un feu pour
sa nourriture «Se le rendre plus ardent. Aussi il l'embrassa, comme
un moyen veritalde que Dieu lui offroit, par ce digne chevalier,
pour étendre la gloire de Dieu, qui etoil la chose qui l'a toujours
d'avantage pressé, comme un nouvel apostreen ce temps, à l'exemple
du grand S. Paul >k du Sauveur, qui souhaitoient que tous arivas-
sent à la connoissance de la vérité '.
Ce fut pourquoy il fist députer par le chapitre de la province de
Toureine les UR. PP. Pierre d'Alençon >S; Micliel de Vezins, avec
Frerc Rodolphe d'Angers, pour accompagner ce commandeur,
assister au spirituel son équipage, mais principalement pour recon-
nolslre si on pourroit s'habituer en Salé, Safy & Maroque, à ce que,
par le moyen d un nombre de rehgieux sulTisant, on pust rendre
l'assistance nécessaire à une grande quantité d'esclaves, tant françois
que d'autres nations catholiques, et pour gagner plusieurs Andalou-
ziens sortis d'Espagne, qui sont heietiques & passent leurs jours
dans une liberté pleine d'infamie, comme ceux desquels le sainct
homme Job asseure ^ qu'après avoir employé leur vie en débauches,
en un instant ils descendent dans les enfers. Le zèle de ce Père alloit
jusques à penser au salut même du Roy & de tout son peuple, si
Dieu V donnoit tant soit peu d'ouverture & qu'après il secondât la
générosité des ouvriers. Ces Percs eurent charge d'y prendre des
habitations 6; donner [)romptement avis de leur succès, afin que s'il
etoit favorable à ces glorieux desseins, on leur envoyât du secours
pour Cl imposer une armée du Dieu vivant.
1. Il avait cU': nommé Commissaire uiio, nd cgli l'appoggio presso Riclielieu,
apostûliipii' dos Missions ctrangùres. quosli appo il ro, e la spcdizionc fa decre-
2. « Krano due cosc clie Irovano semprc tala. » Rocco d\ Cesinale, t. III, p. 454-
adito iicir anime del cappucino, religionc c Cf. Bertam, p. 77.
patria ; ora il progetto le comprcndcva lu 3. On lit en marge: Job: 2i-i3.
Ainsi le patriarche Jacob envoya son cher Joseph pour aprcndre
l'état de ses frères & de leurs troupeaux & luy en faire un raport
fidèle. Monsieur le Commandeur étant asseuré de ces Pères au
chapitre de leur province, qui se tenoit lors à Orléans, environ le
mois daoust, il se rendit à la Cour, où il travailla partie de l'hyver
à toucher les assignations nécessaires pour les frais de l'envitaille-
menl de ce voyage.
Je ne parle point de la vertu & des bonnes qualités de ces religieux,
c'est assés de dire qu'ils furent choisis parles Pères de la province
assemblés au chapitre, qui est une preuve sans reproche de leur
probité, par la bonne estime en laquelle ils étoient dans l'esprit de
leurs supérieurs. Et puis cetle histoire en est la montre ; on y voit
avec quelle fidélité ds ont travaillé, leur patience y est remarquable,
leur humilité y est en considération, leur charité y a un grand éclat,
leur pauvieté y est parfaite, enfin leurs vertus y sont étalées avec
lustre.
Il est vray pourtant que j'aurois sujet d'exprimer queb^ue chose
en particulier du R. P. Pierre, qui fut comme le supérieur en cet
employ, dont la vertu avoit aussi quelque chose de plus éclatant. Sa
vocation extraordinaire entre les PP. capucins meriteroit d'estre
considérée, si quelque jour on ne la lisoil dans la vie du R. P. Joseph,
Dieu s'étant servy de hay pour cet appel, qui fut un préjugé que sa
vie ne seroit pas commune & que Dieu s'en serviroit à quelque haut
dessein pour sa gloire, comme en efet il est arivé.
Il fui premièrement employé dans la mission de Poictou & puis
au secours spirituel des soldats dans les armées par mer i-V par terre
que Sa Majesté avoit lors pour dompter la rébellion de ses sujets
qui font profession de la Prétendue ; où il témoigna qu'il avoit le
cœur noble, conforme à sa naissance, qui luy donnoit cet illustre
avantage : l'ardeur de sa charité s'y mit en évidence, qui sembloit
cachée comme du feu sous les cendres de l'humilité, joint que les
ocasions ne luy avoient fourni la matière pour son entretien. On luy
vid mépriser les hazards & s'exposer librement entre les périls, pour
confesser les soldats blessés ; ce qui fut l'essay du grand employ
qu'on luy donna ik duquel nous étalons l'histoire, afin d en repren-
dre la suite.
HISTOIRE DE LA MISSION DES P:
CAPUCINS AU MAROC
lOO
iGaV
Après que monsieur le Commandeur eut avec grand peine Ira-
vaillc en Cour à l'ajuslcmenl de cette entreprise, il mit enfin à la
voile Tannée présente" 162A avec ces trois religieux, environ le
mois de may\>'^ n'arriva à Safy, qui est le havre de Maroque'. sinon
le 3 octobre. A cjui fera reflection sur ce jour, il 1 avouera eslre le
pronostic du Ciiliir bonheur de ces bons Pères. Cest la veille du
jciur fjue l'Eglise a consacré au souvenir des mérites illustres de leur
palriarciie, le grand S. François ; ils dévoient y achever ce quil y
avoil commencé en volonté par foy, & en elet par ses premiers enfans.
Ayant mouillé à celte rade, ils en donnèrent avis au l^oy, de qui ils
receuienl les asseurances d'un acueil favorable. Sur la parole du
Prince, ils descendirent en terre le quatrième, a^ec monsieur le
Commandeur " ; les deux Pères dirent la saincte messe en ce jour qui
leur est si célèbre, dans la chapelle du Consul'', ofi la musique
chanta. \ le i{. P. Pierre fit une exhortation aux catholiques es-
I. En marge dans l'édition princcps.
a. Celte indication fi.-rait croire que ce
passage est extrait d'une relation écrite en
3. Cette date n'est pas celle du ilépart
de Raiîillv pour le Maroc. Le I'^"' l'évri<T
lOaij, il reçut un congé de l'.Vmirauté pour
poursuivre les pirates; il s'embarqua au
IlaNTc le i5 février sur « le Sainl-Louis »
ayant sous ses ordres « la Chaste IHeur »
commandée par le capitaine Pierre Du Tas.
En juin lOai, Du Tas s'empara ilu navire
du sieur Thibault mouillé dans la rade du
Conquet et le conduisit à Brest où il le
remit à Hazilly. Ce dernier vint à Paris
rendre compte de sa capture; l'.Vmiranté
déclara de bonne pris<i le navire de Thi-
bault par jugement du •.>.7 juillet iGa'i. Le
2!) juillc^t r.\mirauté avait délivré à Razilly
un autre congé pour partir avec son navire
« le Saint-Louis » et une patacbc nommée
« la Quatolique ». Dans le même temps il
dut recevoir sa commission pour le voyage
du Maroc et partir à la fia d'août lOa.'i,
date oîi il fut remplacé dans la garde des
côtes de Bretagne par Pierre de Rusquien
(Peter Ruskin). Cf. Arch. A-a(..Zi'l6, fl".
go-r)5 ; ro3-io5 ; 106-107. — ^''''- Nal..
mss. néerlandais, vol. 86, ff. 25i, 23^.
4. A celte époque où Mogador n'existait
pas et où Mazagan était occupé par les Por-
tugais, Safi était le seul port chérifien de
cette côte.
5. Cf. infra. Doc. C\\l\. p. 73;!.
6. .\vaiit que cela ei'lt fait l'objet d'au-
cune stipulation écrite, l(!s marchands
chrétiens avaient mis comme condition
de leur venue dans les ports barbaresques
le libre exercice de leur religion : de là,
dans les maisons des consuls, l'existence do
chapelles où les esclaves eux-mêmes étaient
parfoisadmis. Cf. DAN,éd.princeps, p. 432.
io6 162,3-1624
claves & autres qui s'y purent treuver, le nombre desquels n'eloit
pas petit.
Si ces pauvres captifs curent de la joye à la veue de ces bons
Pères, je le laisse à penser. Car, outre que leur vie exemplaire est
un motif puissant d'une consolation véritable, leur habit, par sa
bénédiction qu'il a reçue du Ciel, jette une alegresse dans les cœurs,
qui ne seroit pas croyable si elle n'etoit ressentie tous les jours.
Que si cela est certain, malgré 1 usage, qui en est commun, jusques
à quel poinct parut celle qu'ils causèrent en ces pauvres chrestiens,
languissans sous le faix de plusieurs misères, éloignés de leurs
pays, de leurs connoissances, chargés de cliaines, à demy consom-
més de la faim, faute de nourriture, & leurs langues atachées au
palais de la bouche, par l'ardeur de la soif violente qu'ils soufroient
dans l'obscurité de leur prison ! Ce peu de pain iS: d'eau qu'on leur
distribuoit chaque jour servoit à les faire languir, plustôt que pour
les faire vivre. Certes l'invention est étrange à prolonger un suplice.
Le plus sensible de leur alliction etoit d'être privés de la pâture
spirituelle iS: de n'avoir personne qui la leur distribuât, quoy qu'ils
la demandassent.
Cette allégresse ne fut particulière à ces pauvres captifs, elle
ressemble à la chaleur, qui se dilate aisément : aussi elle s'étendit
si fort entre eux qu'elle devint publique, d'où naquit une confiance
qui donna la liberté aux François d'ébaucher quelque commerce.
Les Mores alloient aux navires avec franchise, & les François en
terre avec seureté. Quelques jours s'etans passés de la sorte, on eut
tout sujet de se promettre un succès avantageux de l'entreprise. Ce
qui confirma cette créance fut que le sieur Cizifaré ', gentilhomme
more qui avoit été en France, comme nous avons dit, aporta un
passe-port du Roy en bonne forme, signé de sa main >k scellé du
sceau des armes de Sa Majesté, par lequel il promettoit " au comman-
deur de Razilly »S; aux siens asseurance dans ses Etats \
1. Sur ce gentilhomme maure, V. supra. rendre auprès de lui, mais il aurait limite à
p. 100, note 6. deuilenombredespersonnespouvantdébar-
2. Le texte porto: permetloit. quer. Saint-Mandrier écrivit dans ce sens
3. D'après Cespedes, le Chérif ainait au Chevalier ; mais les gens de Safi ouvri-
accordi' à Razilly un sauf-conduit ])Our se rent et retinrent sa lettre, envoyant seule-
HISTOIRE DE LA MISSION' DES Pl>. CAl'UCINS AU MAROC I G"
Sur cette foy publique, il descendit à terre avec les trois PP. capu-
cins, suivy de (rente person nés les plus considérables de son équipage,
bien couverts à: en bon ordre, à dessein d entrer dans la ville de
Maroque" avec éclat, pour de là rendre ses respects au Roy & luy
proposer le dessein de son voyage, présentant ses pouvoi^-s. 0 tralii-
son étrange, qui n'a pu naître que d'un esprit barbare ! Aussi il est
certain que la mauvaise foi combat ouvertement les principes de
nostre nature. Comme il ariva au consul Cornélius Asina, qui fut
opprimé par les Carthaginois, l'ayant appelle sous prétexte de vouloir
parlementer, se saisirent de luy avec une visible preuve de la perfidie
des Africains, aussi après une asseurance si autentique, le gouver-
neur de Safy, qu'ils pcnsoient estre veim pour les recevoir au nom
du Roy son maistre, les aresta tous prisonniers, les ayans dépouillés
de tout ce qu ils avoient de meilleur. On les fait monter à cheval, &
liés, furent conduits captifs dans l'armée du Roy, au milieu de son
camp, qu'ils appellent en leur langue LuIiikiIkiIu, \ furent logés
dans une tente assés proche de celle du Prince, où on les pourveut
des choses nécessaires pour leur vivre à la façon du pays. En cet
état ils purent dire, comme de celle célèbre Académie de Grèce, pour
grande & peuplée que fût la ville, elle n'eloit pas moins une grande
solitude. Aussi ces prisonniers se treuverent dans un désert à la cour
d'un roy \ au milieu d'une armée ; là ils furent abandonnés ; aucun
de la Cour n'osoit les visiter. Quelques pauvres Arabes y venoient
en cachette, ne voulant pas y être reconnus, quoy que ce ne fut
par humanité, mais en espérance de quelque profit. Ils coiitre-
mcnt à Razilly le sauf-conduit. Entre temps sonnerie de.s cloches, il fat surnommé par
ils excitèrent Moulay Zidàn à la défiance : les Moriscos ; Zi/-7'V/;!7iC'«mprm(;ro. La cloche
les vaisseaux de Razilly, d'après eux, étaient de l'.Vngelus, Tarkeiujlocke , introduite en
d'une grandeur inaccoutumée ; ils avaient à i/jij6 parle paj)o Calixte III pendant le
bord de nombreux et brillants soldats, ainsi siège d(^ Belgrade par Maliomet II, devait
que des moines qui apportaient des cloches être particulièrement désagréable à des
{llistoria de D. Felipe IV..., p. 5o6). — On oreilles musulmanes. — .Vu Maroc, les mis-
sait que l'usage des cloches est réprouve par sionnaires, dans l'exercice de leur ministère
les musidmans. La capitulation donnée par auprès des captifs, se contentaient d'imiter
le klialifaOmarhen el-lvhattab aux chrétiens les muezzin et ils appelaient les fulèlcs à
de Jérusalem portait: « Us ne sonneront la prière par la salulatiun : .lie Muria,
l)as leurs cloches, ils se contenteront de les hermanos.
tinter. » Quand, après la prise de Grenade, i. Dniis la ville de Manv/iie. Il f.iut [iro-
le cardinal Ximenès rétablit dans la ville la habh ment ent<!idre : dans Safi.
io8 ^C)■i3-ïG■2'\
faisoienl les officieux, pour leur aporter des nouvelles qui bien sou-
vent n'étoient pas véritables ; ils les inventoient pour servir de
prétexte au petit gain qu'ils en prelcndoient : ce peuple est extrême-
ment mercenaire.
Ce fut en celle ocasioii où le /ele du P. Pierre commença de pro-
duire SCS premiers éclats, aiiliiKiul ses compagnons dans cet essay
de soufrance par l'exemple de sa constance ik de ses paroles. Comme
il vid que cette captivité n etoil pas pour finir bien tùt, il distribua
le temps en divers petits employs, afin d'adoucir leur peine par
cette innocente tromperie. Ils avoient les heures destinées pour
taire leurs prières en commun, sans préjudice de celles que les Pères
avoient choisies pour leurs dévotions particulières.
C'est dans les petits sujets, comme celuy que je vais dire, quon
peut remarquer les plus grandes merveilles de la Piovidence. Un
jour, le Roy passant assés près de la tente de nos prisonniers, à
l'heure qu'ils faisoienl les prières publiques, le P. Pierre, qui avoit
la voix belle, chanloil les litanies de la Vierge; Sa Majesté s'aresta
pour l'entendre & en témoigna l)eaucoup de satisfaction, de sorte
que souvent il soulageoit son esprit par ce divertissement, ^: s'y
rendit si assidu qu'un jour, le Père ayant discontinué de chanter, le
Roy leur en envoya commander la continuation, les asseurant du
plaisir qu'il en recevoit.
Monsieur le Commandeur, sortant un soir entre les autres, & le
P. Pierre avec luy. hors la tente, d'où ils s'éloignèrent un peu,
s'entretenant sur les efcts miraculeux de la Providence de Dieu,
qui conduit souvent ses ouvrages à leur perfection entière par des
moyens contraires à nos raisonnements iS: à nos prévoyances; et ce
discours fini, le Père Pierre, par un mouvement dune ferveur extraor-
dinaire, dit à ce bon chevalier qu'il le conjuroitde se résoudre d'estre
serviteur de la Mère de Dieu. Et comme si c'eût été un oracle du
Ciel qui luy eût fait ce commandement, il fait vœu de servir éter-
nellement une si grande Reyne. Ce vœu ne fut pas plustôt achevé
qu'un homme qu'ils ne connoissoient point se mit au milieu d eux,
qui leur dit : « Rejouissés-vous, le Roy a résolu de vous renvoyer
en France. » A l'instant il disparut, sans demander recompence,
comme c'est la covitume de ce pays pour le moindre service. Je ne
décris point leur etonnement pour le persuader; il est trop aisé à
HISTOIRE DE LA MISSION DES PI*. CAPUCINS AU MAROC I GQ
croire, d'autanl plus que moins ils y reconnoissoient d'aparence.
Ainsi se relirercnt-ils avec leurs compagnons.
Mais ils le furent bien d'avantage le lendemain au matin, qu un
alcaïde les vint treuver de la part du Roy, pour leur proposer sa
bonté »k sa clémence, qui. encor que Sa Majesté sceût leur mauvais
dessein, il leur oITroitla permission à quelques-uns de retourner en
France pour faire entendre le sujet quil avoit de se pleindre des
François v^ en raporter la satisfaction, que pour cet efet il leur
commandoit de choisir ceux qu ils vouloient envoyer tV leurdoniie-
roit passe-port. 11 est vray qu'un Provençal en bonne posture près
de ce prince', piqué de jalousie, luy avoit persuadé que les noires
dévoient aiiver à dessein de surprendre Safy, sous prétexte dune
proposition d'alliance entre les deux couronnes. Monsieur le
Commandeur, étonné de ce raport autant que des ofres, repartit
qu'il suplioit très-humblement le Roy luy permettre l'honneur de
le saluer lV que Sa Majesté connoitroit à son visage, par sa science
de physionomie, en laquelle il étoit expérimenté, s il avoit 1 esprit
susceptible dune lâcheté pareille ik d'une trahison si honteuse. Cette
proposition succéda avec grand heur, comme nous dirons.
Tandis que lalcaïde fut faire son raport au Roy, nos prisonniers
se mirent en devoir de choisir ceux qui retourneroient, selon les
ofres qu'on leur a^oit faites. Monsieur le Chevalier proposa le P.
Pierre, «^ luy monsieur le Commandeur", ce qui fut suivy du
sentiment commun. Mais ne pou\ant s'y résoudre, le P. Pierre dit
qu'il faloit deniander à Dieu <[u il luv pleut leur faire connoitr'e sa
volonté. Ils in\oquerent le Sainct Esprit. Leurs prières achevées,
cliacun continua dans son premier avis, que monsieur le Chevalier
y devoit aller, avec Frère Rodolphe d'Angers, le troisième des PP.
Capucins, >K: son valet de chambre.
Celte resolution prise, ils attendirent celle du Roy, qui. ayant
agréé la ic|)artie du Commandeur, luy envoya la permission pour
le venir lieu ver. En efet il y fut, &forl hienrcceu. Ce Prince reconnut
I. Ce Provftiirnl on bonne posture prrs Sanit- Mandrier n'aui'ait pas vir tel rpie le
de Monlay Zidàii est Saint-Mandrier. Sur raconte Cf.spfdus. Cf. SH/)ra. p. io('),notc3.
ce persoiHiage, V. supra. Introduction, no- 3. Jj 'auteur désigne Isaac de Razilly dans
tice biographique. — On voit tpie, d'a])rés la même phrase sous deux titres différents,
le P. François d'.Vngcrs, le rôle joué par celui do chevalier et celui de commandeur.
1 lô ifia.l-ins'i
une si grande ingénuité sur le visage de ce Chevalier qu'il luy donna
pouvoir, sur sa parole, de retourner en France faire éclater ses
pleintes à la Cour contre un certain François, qui se disoit envoyé
du Roy, quilacusoit d'un vol considérable, d'autant que, se voyant
assiégé d'une armée si puissante qu'il eut sujet de creindre d'être
chassé de ses Etats, dans cette appréhension il luy confia pour un
million d'or de pierreries ik un grand nombre de volumes d'une
rare l)ibliothecque, pour aporter en France, afin d'y conserver le
tout'. Ce pauvre homme, faisant sa route, fut rencontré d'un vaisseau
d'Espagne qui se rendit maistre du trésor, après l'avoiretédu navire.
Le roy de Maroque croyoit que ce fût un fourbe & en demandoit la
réparation comme d un vol >k d'une perfidie. Sa Majesté fist délivrer
au sieur Chevalier un mémoire de ce que Sa Majesté prelendoit
pour réparation de cet afront insigne A: le dédommagement d'une
si notable perte'. Il y a une circonstance qui rend ce crime plus
énorme, de ce qu'il fut commis sur la foy publique, ce qui choque
le droict des gens, qui a toujours été religieusement observé &: tenu
avec grand respect dans toutes les nations de la terre.
Monsieur le Commandeur partit de ^laroque^ avec passe-port &
les instructions du Roy. Il mena avec luy F, Rodolphe d'Angers,
religieux ca[)iicinlaïc, le troisième de ceux qu'il yavoit menés, >kun
ou deux des siens. Il arivaen France par la Holande, A son retour,
il rendit compte au Roy, à Son Eminenee, & au R, P, Joseph de
tout ce qui s'etoit passé, des propositions de Sa Majesté de Maroque,
qui furent jugées raisonnables. Mais avant de découvrir l'issue de
cette négociation (aussi fut-elle longtemps à se résoudre, à cause
des guerres civiles qui travailloient la France, le Roy ayant à cet
efet des armées sur mer & sur terre, tous les vaisseaux du Roy
étoient employés, dont le nombre étoit lors bien petit), il faut retour-
ner à Maroque treuver les RR, PP, Pierre >S; Michel, dans la prison
où nous les avons laissés avec plusieurs autres François de l'équipage
I. Il s'agit ici du capitaine Castelane, 2. Le mémoire où Moulay Zidàn expo-
Moulav Zidàn lui avait confié son trésor et sait ses revendications n'a pu être re-
ses livres pour qu'il les transportât à Aga- trouvé.
dir et non en France, comme le dit inexac- 3, De Marocjue. Entendez: du Maroc,
tement l'auteur. V. sur cette affaire, /" Isaac de Raziilv dut partir en novembre
Série, France, t. II, p. ôii. Sommaire. 1624. V. infra, p. i3o, noie 4.
HISTOIRE DE LA MISSION" DES PP. CAPVCINS AU MAROC
I I I
de monsieur de Razilly, comme nous avons dit ; aussi bien font-ils
le principal sujet de celte histoire.
Bibliolhhque Nationale. — Impriméx. O^j 1 1'3. L'histoire de la mission
des Pères capucins de la province de Toureine au royaume de Maroque... ',
pp. 139.
i . l^f titre complet de cet ouvrage est :
L'histoire de la mission des Pères capucins de
la province de Toureine au royaume de
Ma rogue en Afrique, parles ordres du H. P.
Joseph de Paris, prédicateur capucin, com-
missaire apostolique des missions étrangères.
Ce volume in-S" parut à Niort en i644,
sans nom d'autour, mais une lettre placée
en tète, datée de Niort i""' juin i644 et
adressée au R. P. Michel de Nevers est
signée : F. F. D. A. C. I. (Frère François
d'Angers, Capucin Indigne). D'ailleurs le
permis d'imprimer qui se trouve en tète
de l'édition prlncips, daté de Rome,
20 juin 1643 est adressé à : Francisco
AnJccavensi.
I 12
AOUT I
Hafi
XXI
LETTRE DE DUTIEZ ' A ISAAC DE RAZILLY
\'an Licherrjhrn a reçu de I^e Gendre l'ordre de remettre à Dutiez et à cha-
cun des Pères capucins la somme de ^00 Hures. — Dutiez a tiré sur
RazilN une lettre de chanije. — Détresse des rjens de l'écjuipac/e qui
attendent avec imjxitienre le retour de Jiazillv.
nkccli.
)ùt iG'iC)
Siisrrij)tion : A monsieur, monsieur le chevalycr de Razilly et,
eu son ahsence, à monsieur de Launay son frère " la part où il sera.
Monsieur,
J'ay reçu lettres de monsieur Lejendre ' par lesquelles il donne
charge au sieur Libergue ', marchand à Saffy, de me délivrer ycy à
I . Ce personnage qui n*a pas été identifié
devait faire partie de l'escorte de Razilly ; il
avait été arrêté et retenu en captivité avec
celle-ci lorscpie le Chevalier était allé à
terre.
3. Claude de Razilly, chevalier de l'ordre
du Roi, seigneur de Launay, Fontenay, etc.,
cinquième iils de François de Razillv et de Ca-
therine de \illicrs, né en décembre iSgS,
mort le 2 2 mai i654. Il ser\'it sur mer et fut
nommé successivement capitaine entretenu
de l'un des vaisseaux du Roi, lieutenant-gé-
néral au gouvernement de Brouage et com-
mandant des îles et fort d'Oléron (iGa'y),
premier chef d'escadre des vaisseaux du Roi ,
vice-amiral de ses armées navales (iGS^) et
ambassadeur en .\ngleterre. Il ajouta à son
nom celui de Launay, provenant d'une
terre qu'il avait achetée, pour se distinguer
de son frère Isaac, marin comme lui. Ce fut
lui qui le premier signa RasiUv, écrivant
son nom avec une s. Il devint le chef de sa
maison par la mort de son neveu décédé
sans enfants. Cf. Généalogie Basitty , pp. 279,
338.
3. Lejendre, Le Gendre. Surette famille
d'armateurs de Rouen, V. supra. Introduc-
tion, notice biographique.
4. Libergue. Abraham van Libergen,
commerçant néerlandais établi au Maroc,
était en relations d'affaire avec la maison
Le Gendre de Rouen et il semble même
avoir habité cette dernière ville. Cf. t"
Série, Pays-Bas, t. III, Journal de Ruyl
(1628-1624) et infra, Doc. CXXIX, Rela-
tion de Thomas Le Gendre, p. 716.
LETTRE D1-; DLTIEZ A ISAAC IIE BAZILLY
I I.
Maroq et aux reverendz Pères capucins, chacun la somme de
^oo livres pour subvenir à nos nécessités qui ne sont pas petittes,
comme vous auront pu cscripre nos dicts reverendz Pères. Je croy
que c est par vostre commandement qu'a faict ledict sieur Lcjendre,
à qui nous avons mille obligations ; ce qui me faict vous prier très-
humblement de m'excuser sy j'ay prinsla hardiesse de tirer /ioo livres
en change sur vous, que je vous prye avec toutte mon affection faire
paicr audict sieur Lejendre. Jamays service n'est venu plus à propos
que celuy-là ; et vous puis dire avec veritté que la necessitté est
sy grande parmy ceulx qui sont restés à terre de vostre esquippage
qui vont demandyer leur pain chaque jour el d aller travailler au
Mont-Serra', où les coups de baslon ne leur manque point; et
n'csloient quelques vielx esclaves francès qui sont en la sezalnne" qui
nous ont assistés, la pluspart seroient mors de fain et de pauvrette,
y ayant plus de dix-huict mois ' que le Roy nous a retranchés ce qui
nous avoit ordonné pour nostrc vivre, et nous laisse entre quattre
murailles sans aucun secours venant de luy, avec quantité de Mores
pour nous garder jusqu'à vostre retour, que noussouheltons avecq
i. Mont-Serra, transcription défectueuse
de El-Meserra e ■....«.'l . LeMeserraclaitun
immense verjjer créé par l'émir alnioliade
Abdel-Moumen (i i.3o-i i03) ; il était com-
ptante d'oliviers, d'orangers et autres arbres
fruitiers et était arrosé parles eaux de l'oued
Ourika dérivées à partir de Aglimat, ainsi
que par un grand nombre de puits. Son
emplacement devait correspondre au jardin
actuel de Agiiedal (V. carte F. UE Roque-
VAIRE, plan de Merrakech). Les eaux de
l'oued Ourika, réunies dans un vaste bas-
sin, arrosaient un premier jardin appelé
« le Petit Mescrra », avant de passer dans
le grand vergerdcEl-Mcscrra. La fertilité du
vf^rgcr de El-Meserra était si grande qu'en
1 1/|8 il rapporta 3o noo dinars, « et pour-
tant, ajoute le chronitjueur arabe, les fruits
à cette époque se vendaient bon marché à
Merrakech ». Ce magnifique jardin fut sans
doute laissé a l'abandon sous les IJcaii Merin.
Le chérif Moiilay Ahmed el-Mansour entre-
Un Castries.
])rit de le restaurer et d'en faire une mer-
veille digne du palais de El-Bedi. Ce fut
probablement lui qui construisit le pavillon
mauresque situé au centre des jardins et
connu aujourd'hui sous le nom de Dar cl-
lîeida. Le kiosque de El-Meserra était le
lieu de retraite préféré des chérifs et Moulay
Ahmed el-Maiisoiir a chanté lui-même dans
SOS poésies les charmes de ce séjour. L'en-
tretien journalier des jardins était fait par
les esclaves chrétiens. Sur El-Meserra, V.
El-Oufràm, pp. igi, 192, 280, 3o4 et
/407 ; infrn, p. 429, note 5 ; p. 727, note i ;
et les anciens plans et vues de Merrakech
apiid : Dappek, Hôst, Ali Bey, Washing-
ton et spécialement la vue De sladt Marocco
(l'I. 27), dans l'exemplaire de l'atlas de Hlaeu
conservé à la Unis, unil Kiin. lIoJ'-BibliuUtck
à Vienne.
2. Sczainne. scdjène, •p=»-, prison. Sur
la prison des Chrétiens à Merrakech, V.
infra, p. iGâ,nole i.
3. Depuis janvier 1625 environ.
III. — S
11^ AOUT 1626
passion pour nous délivrer de tant do mizere où la fortune nous a
reduictz.
Je ne vous en serois dire davantage que vous en sçavés, vous
priant de tout mon cœur de me faire tousjours l'honneur de m'aimer
et me tenir pour vostre très-humble et très-obeissant serviteur,
Signé : Dutiez.
Maroq, ce d'aust 1626.
Post-scriptum. — Monsieur, il n'y a rien de nouveau en cepaïs,
sinon que le Roy a faict coupper la texte à S' Mandrier ' et à
S' Amoury '. Syj avois la main libre de pouvoir escripre. j aurois
escript à monsieur de La Fosse ^; il se contentera à presant
baize mains sy luy plaist.
Je n'aurois pris la hardiesse de vous escripre, n'avoit esté par
commandement du Père Pierre, capucin.
Archii'cs du niarfjais de Rasilly. — Original''.
1. Sur ce personnage, V. supra. Inlro- lis; p. i43 et note i.
(juctioii, notice biographique. — Ilavaitétc 3. Monsieur de La Fosse- Bcsnard.
exécuté le \k avril. V. infra, p. liiî et '4. Ce document a été publié dans la
note I . Généalofjie de la famille de Hazilly, pp. 261-
2. S' Amoury, Saint-Amour; c'était le 3O2. C'est à tort que la date de 1627 a été
beau-frère de Saint-Mandrier. \ . infra, p. inscrite en tète du document, p. 261.
MEMOIRE DE KAZILLY A RICHELIEU I 10
XXII
MÉMOIRE DE RVZILLV A KICHELIEU
(Extraits)
Progrès faits par Icx corsaires au Maroc. — Moyens de se procurer des
ressources pour combattre la piraterie et racheter les captifs chrétiens. —
Razilly propose de bloquer Salé et de négocier avec Moulay Zidân la
délivrance des Français qu'il retient en esclavage par ressentiment contre
Castelane. — Plan d'occupation de l'île de Mogador ; avantages commer-
ciaux que la France retirerait de cette opération.
Ponloisc, 26 novembre 1626'.
Sur la couverture, alla manu : Mémoire présenté en 1626 au car-
dinal de Richelieu pour restablir le commerce sur mer et autres
choses très-utiles, par le chevalier de Uassilly.
Monseigneur,
Le zcele passionné que j'ay au service du Roy et bien public m'a
licentié de rédiger ])ar escript les mesmoyres cy-dessoubs, selon la
pratique que j'ay acquise dans les quatre partyes du monde. .
Ceulx du royaulme de Marocquc, Salle et Toutouan ont com-
mancé d "armer par mer depuys buyl ans% et oui pris plus de six
1 . Le présent mémoire est précédé d'une Abbc Willemsz écrivait à l'amirauté de
épitre dédicaloire adressée par Hazillyà Ri- Rotterdam : « Il v a un an, les Maures de
chelicu et datée de l'ontoise, 36 nov. 1626. Salé n'avaient pas de vaisseaux, et main-
2. Le 8 août 16171e capitaine hollandais tenant ils en ont quatre en mer ; ils dev-ien-
I ] (1 26 NOVEMBRE 1626
mil chicsliens el quinze millions de livres, dont la France en a
souffert les deux parts de la perte ; et bien qu'ils n'ayent commancé
que par une tartanne armée en guerre, ils ont à presant plus de
soixante vaisseaux, lesquels neantmoins ne sont encore bien armez
ny leurs gens praticques à la mer ' ; car six bons navyres de troys
cens tonneaux pièce pourront battre tous les soixante, quand ils
seroyent tous ensemble. Mais peu à peu ils s'aguerrissent, et, sy
l'on ny met prompt remedde, ils se randront invincibles.
^ ostre Grandeur considérera, s il luy pluisl, que de tout temps
la nation françoyse a esté libre et Iranclie pour tout le monde, et
(pj d n'y a que depuis ^ingt-quatre ans que les Turcqs ont rendus
esclaves les Françoys naviguans soubs les trois fleurs de lis, y en
ayant à presant dans l'Affricque plus de liuict mil des meilleurs
marynyers du royaulmc. quy sont contraincts par les tourmanls de
renoncer la loy de Jesus-Clirist, puys servent de pillotles aux Bar-
bares jjour venyr aux costes de France prendre leurs parans et
comjjatriottes, ce quy arrive journellement dans touttcs ses costes^.
A quoy pouront remedyer les vaisseaux quenlretiendra le Roy, qui
empescheront bien que Ion ne prene ses subjects à l'advenyr;
mays ceulx quy sont esclaves à presant, le zeele et affection qu'a
Vostre Grandeur au service de Sa Majesté et bien public fera faci-
litter les moyens pour les mettre en liberté. Une partye des denyers
necessayres à cest effect se pouront trouver sur les droicts du
dixiesme des prises quy se feront en mer. aux voyages de long
cours, ensemble sur les droicts des congés donnés aux navigateurs
d aller en mer. Mesmes. l'on poura obtenyr de Sa Saincteté et bulles
etpermissions de manger de la vyande en caresme, comme l'on faist
en Espagne \ dont le provenu des aumosnes sera employé au
rachapt des dessusdicts esclaves. L'on y poura adjouster que tous
dront très puissants, si l'on n'y prend uarde. igoS, p. 835.
Xu faisant aucun cas de l'autorité du Roi 3. Sur les descentes opérées par les
[de Maroc], ils s'empareront de tout ce pirates de Salé sur les côtes de l'Atlantique,
qu'ils pourront. » z™ .Série, Pays-Bas, cf. i6trfem, pp. 84o-84i et /''' .Série, Angle-
t. III. terre, 1625-1626, passim.
I. Sur l'inaptitude des Maures à la navi- 3. Sur la bulle de la Croisade (la Cru-
gation, cf. H. de Castries, Les corsaires zada), V. 1" Série, France, t. I, p. 55,
de Salé, Revue des Deus Mondes, i5 fév. note 2.
MEMOIRE DE RAZILLY A RICHELIEU
couK <|uv auront des carosses dans Parys conliMhnci'oiit vingl cscus
par an pour la dellivrance des esclaves françoys delenus en Raiha-
rye. (]elte alTliyre donnera ung million de bénédictions à Sa Majesté
et à cculx quy contribueront à cette bonne œuvre.
Or, je présuppose qu'il y ayt force navyres en armes en France,
armés et equippés de touttes choses necessayres. Il nest doncq pas
question maintenant de les laisser inutilles : et. pour les employer h
l'adxantagc du service du Roy et bien public, je desduyray cy-aprcs
les lieux où il me semble qu'il seroy t besoing de les employer et qu'on
le pouroict. C'est au lieu que les navyrres de Salle, subjects de l'ctn-
pereur du Marocque, sont journellement en ses costes. cjnv prennent
très-grand nombre de navyrres de ce royaulme et gasteiit nostre traf-
ficq. Fauldroy et les prevenyr et aller mouiller l'ancre à la rade dudict
Salléavec six navyrres, doiitlun empescliera qu'ils ne puissententrer
ny sortir sans estre pris ; et, du mesme voyage, l'on poura traicter la
palv avec ledict empereur de Marocque et retirer les pauvres Fran-
çoys détenus esclaves pour la trahison et vol de Cathelanc et
aultres, lesquels l'ont affronté par le moyen des lettres du Roy qu'ils
ohtindrent par faveur des secretayres d'Estat, où, en effect, il a
juste occasion de se plaindre, veu qu'ils luy emportèrent plus de
froys millions en pierreryes et livres' : et, lorscpiil enxoya eu France
son ambassadeur pour seplayndre. on le retint (juatre moys enfermé
dans la maison", de l'advertissemciit de Sa Majesté, sans qu'il eust
moyen de sortyr du tout. Geste all'ayre lut très-mal conduytte. Mais
l'on y peult remeddycr par le moyen du fonds que l'on a destyné
sur les ventes d'offices de conseillers de Rouan et Dijon.
Et, du mesme voyage que l'on aura retyré les esclaves, l'on pourra
laisser cent hommes à l'isle de Monlgaddor, sittuée à poi'tée du canon
de la terre ferme, à 32" de lattitudc, isle très-ay.sée àforti^■yer^ 11 y
fauldroyt mettre six pièces de canon et laisser du biscuyt aux cent
hommes, et avoyr nombre de j)lancbes de sap pour y fayre des inai-
1. Sur l'afroire Castolano, V. /" Série, V. supra, p. loo, note 6.
Franco, t. II. p. 54i. Sommaire. 3. Sur les avanlagos di; la position ilo
2. L'ambassadeur aurpicl il est l'ait allu- Mogador, V. Doc. W, p. ■jf) ; Duc WllI,
sien est Sidi Farès. Sur ce personnage, p. 121 et Doc. .XLVII, p. 3Ci.
Il8 26 NOVEMBRE ifi^G
sons, car d'aultres forteresses il n'en est ja besoing, daultant que
l'isle naturellement est toutlc fortilTyée. Fauldroyt establyr dans
yccUe ung commerce de thoille, fer, drap, et aullres mesmes mar-
chandises, jusques à la somme de cent mil escus par an. L'on aura
de la pouldre dor en payement, dattes et plumes daustruche.
Et Ion pouroyt lliirer quelques chevaux barbes des plus forts
et meilleurs de l'AfTncque. Le profil et de la vente des marchandises
pouroyt monter à 3o p. 100 de gain, daultant que le voyage est
fort court: car, des costes de France, ayant bon vanl, l'on y peult
estre en huict jours. C est avoyr ung pied dans l'AfTricque pour aller
s'estendre plus loin .
Il y a quelques Françoys quy ont Irnffîcqué dans la rivyere de
Gambye. Mays dans tous ces quartiers de (uiinée, l ayr y est très-
mauvays. Et pour les habitations, il n'y a lieu en AfTrieque propre
aux Françoys que lislede Montgaddor etTagrin ', où les Portugays
avoyent, en diverses années, armé des vaisseaulx pour y dresser
des coUonyes. Tagiin est onze degrés nord delà ligne. Les Portu-
gays y ont esté deflaict par les Françoys. Le pays est fort agréable.
Mays le reste de rAfTricque est très-malsain et en beaucoup d'endroicts
sterille, dont je ne parleray d'advantage.
Ce qu'attendant, je fmiray ce grossier discours mathelot en luy
offrant mes labeurs de vingt-troys années que j'ay consommées à
la recherche de la congnoissance des quatre partyes du monde,
le peu de bien quy me reste avecq ma vye. Et luy feray voir aux
elTects qu'il n'y a personne au monde plus zeellé à son service
que moy, quy prieray Dieu le reste de mes jours pour sa pros-
périté, santé, heureuse et longue vye.
llibliuthèijuc Sainte-Geneviève. — Ms. '2036. — Copie du xvu" siècle-.
1. Tarjr'm, le cap Tagrin, sur la côte de par M. Léon Deschamps dans la Revue de
Guinée, près de la baie de Sierra Leone. Géographie, t. XIX, année 1886, pp. ?i']!x-
2. Ce mémoire a été publié in extenso 383 et /i53-46/i.
MÉMOIRE DE RAZILLY A RICHELIEU IIQ
XXIII
MÉMOIRE DE RAZILLY A RICHELIEU '
Il Jaiit charger de la négociation (ht rachat les sieurs Le Gendre, marchands
de Rouen, auxquels Razilly prêtera son appui. — Une somme de soixante
mille écu^ est nécessaire pour traiter avec Moulay Zidân. — Inconvénient
d'envoyer des pierreries pour cette nilcnr. car celles-ci ont le tncnn' cours
en France et au Maroc et leur prix très élevé expose à de grands risques. —
// est préférable d'envoyer pour le montant de cette somme des étoffes de
toute espèce qui valent au Maroc deiuc fois plus qu'en France. — On
occupera l'ile de Mogador oii seront lais.fés cent des esclai'es rachetés. —
Les esclaves retirés du Maroc devront, à leur choix, servir trois ans le
Roi sans toucher aucune solde, ou lui rcmlmurser deiir cents écas
pour leur rançon. — Avantai/es que le Uni retirera de cette opération.
S. 1. [fin iG36.]2
Au dos et en télé: Pour les alTaircs do Marocq.
II convient avoir trois des grands vesseau\ armez et une pa-
tache. pour trois mois d'avance au\ malhelotz et cinq mois de vic-
tuailles, et partir au premier d"apvril\
1. La similitude entre ce Document et remarques suivantes: i° Le mémoire est
le précédent, notamment en ce qui con- postérieur au retour du Maroc des Le
cerne l'occupation de Mogador par cent Ciendre tpii no durent revenir à Rouen
captifs libérés et avec six pièces de canon, qu'à la fin de 1G25 ou au commencement
le rappel de l'affaire Castelane, etc., fait de 1626 (V. p. 698, note l\). 2° Il est an-
supposer que les deux mémoires ont été térieur à la mort de Moiday Zidàn (30
rédigés à des dates très voisines l'une de septembre 1627), ou tout au moins à la
l'autre et qu'ils émanent tous deux du date oi'i panint en France la nouvelle de
chevalier de Razilly: le premier, plus gé- la mort du Clurif.
néral, concerne toutes les affaires mariti- 3. On sait que, par suite du mauvais
mes de la France, le second se rapporte temps, la côte du Maroc était difficilement
exclusivement au Maroc. praticable pendant les mois d'automne et
2. Cette date est restituée d'après les d'hiver.
I aO FIN"
I T) 2 G
Pour rachapter les exclaves iVançois de Maroeq, il convient
envoyer quérir à Rouen deux marchantz appelles Le Gendre',
lesquelz ont accoutumé despuis longues années liafTiquer grand
nombre d'argent audit Maroeq, et que le presant que l'on l'era à
l'empereur Mole Zidan de Maroeq soit mis entre les mains des
susditz marchantz, qui en respondronl et tretteronl l'alTaire avec
prudance et asistance que leur donnera le chevallier de Uazilly.
Ledit empereur Mole Zidan auroit esté sy-davant affronté par
Castelanne'' de Marseille et autres, envoyés à Maroeq pour consulz''
de la part de Sa Magesté, qui ont trompé ledit empereur de sept
mile volumes de livres estimés à deux millions. Et, voulantz envoyer
des ambassadeurs en France pour se plaindre, ilz auroist estez par
deux fois indignement trettez ', ce qui auroit contraint ledit empereur
à faire prandre grand nombre dexclaves françois.
Or, pour faire la paix et rachapter les susditz exclaves de Maroeq,
il convient pour soixante mille escus d'estoife descarlatte, velours,
brocar et damas, qui doubleront presque dans le pays.
Les pierreryes vallent au moins autant à Maroeq comme elles
fonten France. Toute la difficulté qu'il y auroit seroit que, desdia-
mans de vingt mille eseus, l'on ne les voudroit risquer d'un coup
à les envoyer à terre, de peur qu'il lust retenu; et, de la marclian-
dize. l'on n'en risquera que deux mille escus à la fois, où on icti-
rera en mesme temps un nombre d'exclaves accordez et le trocque
continura de ceste sorte.
Mais, sy l'on est assuré de pierrei'ye, l'on peut faire l'affaire
1. Jean-Baptiste et Thomas Le Gondro, Zidàn auprès du roi de France. V. /" Série.
fils de Lucas Le Gendre. Pays-Bas, t. II, Doc. XLVIII, p. io8 ; LV,
2. Sur l'affaire Castelanc, Cf. i'' Série. p. i3i ; LVII, p. i38; LXXIII, p. 174,
France, t. II, p. 5.'n, Sommaire. et Addenda. Doc. I, 2 et 4, pp. 788, 787
3. Claude Du Mas est sans doute l'autre et 748. En 1619 Isaac de Razilly avait
consul dont veut parler l'auteur du mé- oljlenu de Moulay Zidàn l'envoi d'un autre
moire. V. p. loi et note 4. Mais Du Mas ambassadeur, Sidi Farès ; mais il semble
n'a pas été mêlé à l'affaire des livres. que celui-ci fut retenu à Marseille et ne
4. En 1612 Louis XIII avait refusé ini fut pas reçu par Louis XIII. V. supra,
sauf-conduit au caïd Ahmed el-Guczouli, p. 117 et note 2. C'est cet envoyé de .Moulay
malgré les instances des États-Généraux Zidàn qui est appelé le « gentilhomme
clos Provinces-Unies qui s'étaient faits en more » dans le Doc. XX, p. ion, et le
la circonstance les intermédiaires de Moula v « chevalier more » dans le Doc. XIII, p. 5o.
MEMOIRE DE HAZII.I.Y A HICHELIEU 191
avsernpnt. d'autant qu il se (rémora dos niarchantz à Paris lesquelz
fourniront toutes sortes d estoll'es au tiers de la valleur des pior-
reryes, les leur mettant en gage. Le tout est donc d'avoir des pior-
rerves pour soixante et dix mille escus'. pour faire la paix a^ec
l'ampereur Mole Zidan et reltirer les exclaves françois do Marocq
et empaicher à l'advenir que Ion n'en prenne plus.
Avant retiré les susditz exclaves. l'on on laissera cent à l'islo do
Mongador", lieu très-propre d'y establyr iing commerce de pos-
cherye. C'est un lieu do grande importance, soit contre les royaulmes
de Fez. Marocq et Suzo. mesnio contre l'Espaigno. en cas de
gueri'O. lieu dont la nature a forlifiô 1 isie d une toile façon que cent
hommes avec six canons la pouvoiit deffandre et garder contre
toutes les forces d'Affrique ; il y a l)on jiorl à mettre à cou^or
quinze \cssoaux entre l'islo et la terre ferme.
Il y fault porter des planches de sap et hisquit pour ung an,
futailles, charbon et autre menue chose nécessaires que l'on des-
duira dans loslat do randjarcpioiuenl.
Les exclaves que l'on retirera dudit .\Iarocq serviront trois ans
le Roy sans aulcun gage, ou payeront deux cent escus pour leur
lachapt; autrement les delinquans seront compdamnés àlamoit. De
cesto façon Sa Magesté gaignera beaucoup en cesle alfairo sur
l'antretien de ses vesseaux et fera une œuvre qui bénira son raigne
au ciol ol en la terre. Oultre. sans double, que dans laditte coste
d AlTrKpio, par la i^ràcp do Dieu, les trois vi^ssoaiix du Roy et la
patachc prandroni dos forbans chargés d airnos pour plus de cent
mille escus ol \olonliors da\antage. Cela fera rodoutoi' les armes du
Roy et ompaicbora qu dz ne \iendront plus \<)ler les pau\ ros Fran-
çois aux coslos de ce royaulnie. Bref, la suitte de ceste affaire est
de très-grande imporlance et le ciel est ouvert pour tous ceux qui
coni rdiiicioni à coslo liniuio (i'U\re.
Le doU'unct ro\ dosiroit grandement consor\or le tralTicq de
Maroccj \ d autant tpio toutes nos marchandizos do France sont
bien vandues en ce pays là.
1. Il est jiarli' ]i1ms liant d'iiiir' somme lion ilr^ Mogaclor, V. supru. Doc. WII,
(le soixante mille éciis. p. i |- ; Doc. XV, p. ■^6.
2. Sur les avantages que présente la posi- '1. Il se faisait luitre la France et le Maroc
123 FIN iG'jG
Et pour le payemont des marchandizes que l'on porte de delà,
l'on on rapporte de l'or, des cuirs, de la cire et du salpestre, dont
la navigation est très-ayséc et le voyage cour; et sy d avanture il
V avoit des vesseaux marchantz qui voulussent aller en Espaignc,
l'on les pourra conduire en chemain Taisant.
Arrhircs des Affaires KtraïKjcres. — Maroc. — Mémoires et Documents,
t. 3, /. 12 13. — Ori.jiwil.
im trafic dont il a été plusieurs fois ques- achetaient le sucre dans les provinces men-
tion : la Provence et le Languedoc impor- dionales du Maroc et principalement dans
taient les fameux cuirs appelés maroquins, le Sous. V. i''' Série. France, t. II, Doc.
tandis cpie Rouen, Dieppe et Le Havre CV, p. 357.
MEMOIRE DE RAZILLY A lUCIIFMEU laO
XXIV
MÉMOIRE DE RAZILLY A RICHELIEU
s. 1. |fin i6a6.]
Au dos, alia inaim : M' de Rasilly.
Il n'est point parlé du traffic de l'Afrique, où l'on peut employer
six vaisseaux en marchandises tous les ans, qui en rapporteront
d'ordinaire cinquante pour cent de profTit après que le commerce
sera estably, assavoir trois à la cosle de Maroc, et trois autres à la
coste de Guinée, sçavoir un à Sénégal et deux pour Capdever et
Gamby. Et ces vaisseaux ne doibvent estre moindres de trois cens
tonneaux armez en guerre et marchandises; par ce moyen ils n au-
ront point de besoing d'escorte.
Les marchandises pour les trois vaisseaux de la coste de Maroc
doibvent estre thoilles de Rouen et les balots réduits à IIII' aulnes
chacun, saffran et oppion, drapperie de couleur rouge et bleue: le
fer se vend bien, mais cela est deffendu par Sa Sainteté. L'on en
rapporte des cuirs maroquins, cire, salpestrc, pouldred'oretmedicos.
Pour les trois de Guiné, il y fault porter du fer en barre, du cris-
tail. de l'ambre jaulne, force rassadc ' et contris^, des thoilles de
Mantes et cousleaux. Et à Sénégal touttes les susd. choses y sont
aussy très-bonnes et outre quelque argent monnoyé en pièces de
dix solz de France ; l'eau-de-vie y est aussy fort requise. Les mar-
chandises qui en viennent, ce sont cuirs de bœuf, morfil, cire,
gommes, ambegris, civette, musqué et quelque peu de pouldre d'or.
Blhliolhhjue Nationale. — Fonds Jranrais. — Ms. ~^i8'20, f. 11. —
Minute.
1. Kassade, pfilili^s perles de verre. de Venise employée comme monnaie cou-
2. Contris, contiTies : grosse verroterie rantc dans le lunimerce avec les Nùgres.
i2'i a5 MARS iC)9.'j
XXV
LETTRE DE RAZILLY A RICHELIEU
(Extrait)
f)ciii(irrhi's (juc Razilly se propose île faire pour le rachdl des captifs.
Siiscriptinn : A Monseigneur.
s\a dos. (ilia manu: Razilly, du '3 5'' mars 1G27.
Me
Le jour que je partis de Paris, je rencontris le s'^ Glatignan, cy-
davant major de Calais, lequel me dist qu'en peu de temps il est
entré huict navires dans Calais chargés de draps et marcliandises
d'Angleterre pour débiter en Franee et Flandre, le tout sur le
nom des Françoys, bien que ladite marchandise appartienne aux
Angloys.
Je pars pour aller au Havre recepvoir le commendement de mon-
sieur le Commendeur et payer tous les matelots qui ont scrvy dans
les cinq vaisseaux du Roy, & tascheray d'aporter mon pouvoir à
faire avancer les petites galliaces que faites bastir à Onlleur & au
Havre. Puis à Casimodo je rcviendray solliciter à Rouan la vérifi-
cation de l'edit des Conseillers, afin qu'il y ayt espérance de retirer
cy-après les pauvres captifs françois de Marroque, où je nauray
jamais jour de contentement f[ue je ne les aye veux en liberté.
Je demande pardon à Voslre Grandeur d'estre sy téméraire de
LETTRE DE HAZILLY A RICHELIEU 120
faire un sy long discours, mais c'est la passion que j'ay à voslre
service qui me licensie, croyant que vous le prendrez comme ve-
nant do vostre créature qui ne respire rien sinon vostre service, &;
je rcchcrcheray toute sorte d occasions, au péril de mille vyes pour
tesmoigner à Vostre Grandeur en tous lieux que je luy suis à ja-
mais,
Monseigneur,
Votre trcs-liumijle et très-obeissant serviteur,
Signé: Le chevalier de Razilly.
A Rouan, ce 25 jour mars i()27.
Depuis ma lettre escripte, j ay apris larrivée de monsieur de
Cormolin, que je m'en vois voir.
Archives des Araires étrangères. — France. — Mémoires et Documents,
Vol. 7h'5. f. l]3v". —Ori'jlnal.
126 l5 SEPTEMBRE 1627
XXYI
LETTRE DE LANGERACK' AUX ÉTATS-GÉNERAUX DES
PROVINCES-UNIES
(Tradiction -.)
.-1 la requête du comte de Soissons et de la rnmtesse de Soixsnns xa mère,
Lançjerack demamle aux Etats de vouloir bien interrcnir auprès du
Chérif pour obtenir la relaxation de Gabriel de Ra:illy prisonnier au
Maroc.
Paris. i5 septembre 1627.
Hauts et Puissants Seigneurs,
Messeigneurs.
Le roi de France a envoyé, il v a quelque temps, le chevalier de
Razilly avec des lettres très courtoises au roi de Fez ou de Mer-
rakech^ afin de prier ce roi de conclure un traité damitié et d'al-
liance avec la couronne de France. Ledit chevalier de Razilly
espérait obtenir lautorisation de résider là-has en qualité d" ambas-
sadeur de Sa Majesté le roi de France susdit. Il était accompagné
de plusieurs gentilshommes français de grande qualité.
Or lui et au moins quarante gentilshommes de sa suite ont été faits
1. Gédéon de Bœtzelaer van Aspcreii, la référence p. 138). Il a paru préférable
seigneur de Langerack, Xieuport, etc., de donner seulement à cette place la Ira-
ambassadeur des Etats-Généraux des Pro- duction de cette minute ; l'original de la
vinces-Lnies auprès de Louis XUI depuis lettre se trouvant au Rijksarcbief (Stalen
le 3 février i6i4. Generaal 66y8, Lias Frankrijk i63C-iti37)
2. Le registre des minutes de la corres- sera publié dans i''' Série, Pajs-Bas, t. IIL
pondance do Langerack ainsi que son 3. Sur la mission de Razilly auprès de
journal sont conservés au Département des Moula}- Zidàn en 162^, V.supro, Doc. XX,
manuscrits de la Bibliothèque Xationale (V. pp. io5-i 1 1 .
LETTRE DE LAXGERACK AUX ETATS-GENERAUX DES PROVIXCES-UNIES I27
prisonniers par ledit roi de Fez, à cause de certaine affaire bien
connue de Vos Hautes Puissances ; il s'agit d'une bibliothèque et
de manuscrits de très grande importance, appartenant audit roi
de Fez ', laquelle a été enlevée sur mer par les Espagnols, et cela,
dit-on, par suite de la négligence, de la connivence du consul
français ou de quelque complot: cette bibliothèque serait encore re-
tenue en Espagne.
Or, parmi lesdits gentilsliommes français captifs au Maroc, se
trouve, entre autres, un jeune seigneur se nommant également
M . de Razilly . C'est un jeune hom me de qualité \ parent du chevalier de
Razillv et également apparenté à monsieur d'Hauterive, colonel dans
l'armée des Pays-Bas \ Ainsi me 1 ont déclaré le comte de Soissons "
et la mère de Son Excellence, madame la comtesse de Soissons", qui
m'ont prié avec instance de madresser à Vos Hautes Puissances et
à Son Excellence monseigneur le prince d'Orange, et de les sup-
plier, pour 1 amour desdits prince et princesse, de bien vouloir
user de leur crédit auprès dudit roi de Fez, comme bons amis et
alliés de ce roi, pour intercéder, par des lettres de recommandation,
en faveur de ce jeune gentilhomme et demander sa relaxation, en
mettant en avant sa parenté avec ledit sieur colonel de Hauterive,
lequel se trouve au service de Vos Hautes Puissances. Lesdits prince
et princesse du sang m'ont fait, à ce sujet, des instances sérieuses et
réitérées. Aussi j'ose espérer que Vos Hautes Puissances ne refuse-
ront pas de leur donner cette marque d'amitié et de leur rendre ce
service.
Mais il importe, avant tout, que \os Hautes Puissances, dans
leurs lettres, passent sous silence les liens de parenté existant entre
I. Sur cet événement, V. /""« Série, t. VI, p.56o).
France, t. II, p. 54 1, Sommaire. 4- Eiigùne-.Mauricc de Savoie, comte de
s. Gabriel de Razilly; il ne fut pas Soissons, fils puiné de Thomas de Savoie,
relâché et mourut de la peste à Merrakech princcdeCarignan, ctdeMarie de Bourbon,
en i62ç|. V. infra, p. 179, note 2. né h Chambéry le 3 mai i635, mort eu
3. François de L'Aubespine. marquis Champagne le 7 juin 1O73.
d'Hauterive, de Chastcauneuf et de Ruffec, n. Marie de Uourbon, comtesse de
lieutenant général des armées du Roi, après Soissons, seconde fille de Charles de Bour-
avoir été général de l'infanterie française bon, née le 3 mai 1606, épousa Thomas-
cn Hollande et gouverneur de Bréda. Il François de Carignan, mourut à Paris le
mourut le 27 mars 1670 (P. A.\sel.me, i3 juin |0<J2.
128 liî SEPÏUMBliE l6-J-
Icdil jeLiiie geutilhoiame et le susdit clievalier de Uazilly, et que,
pai' contre, elles fassent bien mention du colonel de Hauterive sus-
dit, comme étant au service de Vos Hautes Puissances.
Et, en cas qu'il se trouverait éventuellement à La Haye quel-
que ambassadeur ou agent dudit roi de Fez, Vos Hautes Puissances
sont priées très instamment, de la pari du prince et de la princesse
susdites, de bien vouloir lui recommander très spécialement cette
alT'aire en dehors des lettres de « vigoureuse » ' intercession que Vos
Seigneuries adresseraient au roi susdit, pour obtenir ([ue le jeune
gentilhomme dont il s'agit soit relâché, en faveur de \ os Hautes
Puissances, et renvoyé dans son pays.
Sur ce. Hauts et Puissants Seigneurs, Messeigneurs,
Je vous renouvelle l'assurance de mon humble et fidèle dévoue-
ment, et je prie Dieu Tout-Puissanl d'accorder à Vos Hautes Puis-
sances un gouvernement durable et prospère.
Donné à Paris, lo septembre 1C2-.
Bibllotitcque .\ationalc. — Fonds nccrlaniluis. — Ms. 'JU, ff. 'JG-'J7 . —
Minute.
I. Lo texte néerlandais porte: vigoureuse.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC 120
XXVII
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC
(1625-1629)
(P. François d'Angers)
Captivité des PP. Pierre d'Alençon et Michel de Vezins au Maroc.
[1625']
Je n'ay pas rencontré de grandes particularités en ce pays" qui
est étrangement bizarre, d autant que les marchands françois les
avoient priés ^ avec instance et pour plusieurs raisons qu'ils nalle-
guoient pas. quoy qu'il soit aisé à juger qu'elles regardoient leur
inleresl par le commerce, de n'écrire chose aucune qui touchât les
Mores ^ Et comme ils éloient beaucoup avisés, aussi observent-ils
religieusement cet avis.
Qui ne sait que les aftiircs domesti([ues louchent d'avantage que
les étrangères, linterest et les conséquences les rendent plus
considérables. La beauté de nos Lys se rendit fade, par une con-
currence de négoces qui arrivèrent en l'année 1025", de sorte que
le sieur commandeur de Razilly ne put rien faire pour son retour
en Afrique; et le R. P. Joseph devoit aller à Rome, ce qui luy
1. On se ra|)|Mllo que li^ P. François lions qu'il adressa en iG3o aux PP. Capu-
(r.\ngcrs suit rigoureusement dans son cins envoyés au Maroc, leur recommanda
ouvrajfc l'ordre chronologique. Ce récit fait également d'observer, lorsqu'ils écriraient,
immédiatement suite à celui publié ci- la plus grande réserve dans leurs ap-
dessus, pp. gg-iii. V. p. iii, note i. prédations sur les Maures. V. infra,
2. Il faut entfîiidrt! : Je n'ai pas rencon- p. 347-
tré [dans les lettres des PP. capucins] de 5. Les « négoces »: c'est-à-dire les com-
grandes particularités sur ce pays... plirations qui furent le résultat delà révolte
3. Les avoient priés. Lisez: avaient prié des Protestants. En janvier lôaâ, Soubise
les PP. capucins. s'empara de l'île de Eé et de la flotte royale
4. Le P. Joseph, dans les sages instruc- dans le Blavet.
De Castries. 111. — ii
i3o 1635-1629
otoit le moyen de vaquer h cette sollcitation, joint aussi que le
terme prefix par le roy de Maroque étoit expiré, pendant lequel les
pauvres captifs se consoloient de l'espoir de leur délivrance. La
joye d'avoir ces deux bons Pères pour compagnons de leur servi-
tude redoubloit leur consolation
Ils [les capucins] furent reconduits à Maroque'. & resserrés dans la
sagene", qui est la maison commune pour tous les captifs. Ils avoient
la liberté de célébrer les adorables mystères de nostre rédemption
dans une chapelle que d'autres prisonniei's y ont bâtie, quand ils
pouvoienl avoir du vin; là ils preclioient, enseignoient, confessoient
tS; rendoient les autres assistances aux pauvres esclaves. &, comme
les Apostrcs, ce qui sembloit leur devoir imposer silence les a
portés à prescher plus hardiment lV plus hautement la parole de
salut, avec une satisfaction publique. Si leur zcle en ce poinct avoit
quelque raport à celuy de Sainct Paul, je puis dire sans mentir
qu'en certaine façon ils possedoient cet avantage que. leur distri-
buant la pâture spirituelle, la temporelle leur manquoit. Il est vray
qu'ils furent nourris quelque temps aux frais du Roy, comme les
autres, ce qui ne dura gueres : car je suis asseuré qu'en ce temps
ils commencèrent à ressentir de grandes mesaises. que je n'ay pu
découvrir en détail, qui redoublèrent à mesure qu'on s'éloignoit
du temjjs aresté pour la satisfaction du Roy.
Au mois d'aoust ils écrivirent en France^ pour avertir que les
François esclaves commençoient à perdre l'espérance qu'ils avoient
toujours eue de leur future liberté, à cause du retardement de
monsieur le Chevalier, trois mois étant déjà passés au delà du
terme'. Ce qu'ils treu voient de plus étrange étoit de ce qu'ils
1. L'auteur se sert du terme impropre lyse la lettre du P. Pierre d'Alonçon au
« reconduits ». Les PP. capucins avaient P. Joseph de Vitré, lettre qu'il publiera
été conduits de Safi à Merrakech peu après plus loin (V. p. i38). Ce procédé l'oblige
la mise en liberté de Razillv, autorisé par à une répétition.
le Chérif à retourner en France. Ce l'ait 4. Le terme fixé par le Chérif pour faire
tfue l'auteur n'a pas relaté explicitement droit à .sa demande devait être mentionné
peut se déduire du récit de 16240 . p. 1 10) dans le mémoire que Razilly était chargé
et de la Relation de Thomas Le Gentire (V. de présenter à la cour de France, mé-
Doc. CXXIX, pp. ■^33-73/1). moire qui n'a pu être retrouvé. V. supra,
2. Sagene. Sur ce mot, V. p. 1 13, note 2. p. i lo, note 2. D'après la /ïe /a (ion de Thomas
3. L'auteur, dans le récit qui suit, ana- Le Gendre (V. infra, p. 784), Razillv s'était
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC l3l
n'eniendoient rien de luy, qui n'avoit aussi que mander, étant à
la suite de la Cour en grande peine de n'avoir pu avancer ses afaires,
ce qui faisoit désespérer son retour. Le Roy môme' en témoignoit
son sentiment à ceux de sa confidence, ik ne s'y attendant plus, il
s'éloignoit de la douceur & prenoit d'étranges resolutions.
Le doute aparent du retour de ce seigneur fist résoudre les
Pères «k tous les captifs à se préparer pour de nouvelles soufrances,
élant probable que ce prince, ainsi irrité, se vengeroit sur les Fran-
çois. tV particulièrement sur les deux capucins &: ceux de la
suite du Cbevalier, estimant Sa Majesté plus ofencée pour ce
manque de parole, que de sa perte". Leur creinte éloit apuyée de
raison, car. voyant le feu dans la maison de leur voisin, ils avoicnl
sujet d'en attendre tout autant.
Le fils aisné du Roy ' commença le premier acte d'une sanglante
tragédie, faisant renier la créance à deux Fiançois, l'un Provençal,
l'autre d'Olone, par la force des tourmens. Et n'y avoit pas plus
d'un mois qu'un jeune écolier de la ville de Rennes en Bretagne '^,
ayant sorti de France pour une querelle, fut pris, passant en
Espagne, par les Turcs. vS; vendu en ce païs-là, puis envoyé à
Sapbi, afin de l'obliger au desaveu de sa foy. Après quoy on le
devoit razer, pour s'en servir dans le desordre que reprocbe
l'Aposlre aux Romains, qui ofence la nature. Il y en avoit desja
plusieurs autres choisis pour ce mauvais usage.
C'est la coustume de ces royaumes, avant d'exposer les Chrestiens
à ces horreurs, qu'on leur fait renoncer à la loy de Jesus-Christ.
Il permet cet excès, d'où il tire de la gloire, faisant avouer à ses
ennemis mêmes que la pureté de l'Evangile & de la foy divine est
incompatible avec des abominations si honteuses. Ces bons Pères
cngagr îi revenir au .Maroc dans six mois de sa bibliothèque emportée par Caslelane
et les marchands français de Safl s'étaient et retenue en Espagne. V. i'' Série, France,
portés caution pour lui. Comme, d'après t. Il, p. .î^i. Sommaire.
le récit du P. François d'.\ngers, le délai 3. Le fils nisné du Rny. Moulay Abd el-
se trotivait dépassé de trois mois en Malrk, tpii lui succéda et régna de i6'2t
aoiH itiiô, on en peut déduire que Razillv à i03i.
était parti do Safi en novembre lOs'i. /). Sur cet écolier, qui se nommait (îuido
I. Le Roy même. Entende/: Moulay Jacopin, on trouvera des détails circonstan-
Zidùn ciésdans la lettre du P. Pierre d'Alenron au
■>.. De sa perte, c'cst-à-dint: de la perle P. .loseph deViIré. V. infrii. pp. i3g-l4o.
i32 1625-1629
ont remarqué que le malheur de cette cheute étoit lors trop aisé.
à cause du peu de pieté qui restoit en ces pays, où la charité étoit
refroidie, je n'ose dire éteinte, ainsi qu"il doit ariver vers la fin du
monde, entre les Chrestiens qui restoient dans ces contrées, &
principalement entre les captifs, qui ne porloient que le seul nom
de chreslien. De bouche ils reconnoissoienl Dieu, mais par leurs
actions ils le desavouoient. leur vie étant une continuelle abomi-
nation, leur volonté dans un tel endurcissement qu'on ne pouvoit
attendre d'eux, en ce déplorable état, aucune œuvre qui fût véri-
tablement bonne.
Ce soupçon se changea en vérité, car en ce temps ils furent plus
resserrés, »& on leur retrancha le commerce c|u'ils avoient au
dehors avec des Mores lV des Juifs. Cette peine, aussi bien que
les autres, leur eût été douce, si elle n'eût été acreue à l'excès par
un suplice qui étoit insuportable à leur probité lV: à leur zèle. Ces
mauvais Chrestiens & les captifs faisoient plus d'injures à Dieu que
les Mores mêmes, par leurs crimes continuels, A: le plus sensible
déplaisir étoit qu'ils ne faisoient pas avec eux le profit qu'ils
pretendoient, correspondant à leurs soins.
On commença lors à parler de chaînes ^: de fers, ils furent
menacez d'esire réduits à un pain de cjuatre deniers par jour. Si
en elTet ils ne furent pas pour l'heure dans cet acal)lement extrême,
néanmoins leurs esprits furent pénétrés jusques au vif de voir que
leur charité alloit estre privée de son exercice
Ils écrivoient aux captifs éloignés deux qui voyaient par
là que ces bons Pères leur étaient presens d'esprit, ne le pouvant
de corps
Ils écrivirent en ce tems à plusieurs des Pères de leur Province.
Voicy partie dune lettre que je donne, où vous verres exprimée
la ferveur seraphique de ces légitimes enfans de Sainct François,
le profit de ses exemples en l'amour de la Croix. La subscription
est: Au R. P. Joseph de Paris, Provincial des PP. Capucins de la
province de Touraine, Commissaire Apostolique des Missions
étrangères.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC 1 33
Lettre des Capucins captifs au Maroc au P. Joseph
Ils attendent dans une dure captivité que Razilly revienne pour conclure
la paix entre la France et le Maroc.
De la prison do Merrakoch, aoiit iGaS.
Mon R. >S: et tiès-lionoré P. en JNostre Seigneur,
Si ce mot vous treuve retourné d'Italie, il vous dira comme
nous sommes encor esrlaves en Barbarie, attendant toujours
monsieur le commandeui- de Hazilly. pour consommer la paix de
ces deux royaumes; iSc vous dire les peines que nous y avons sou-
fertes, le peu de seureté qu'il y a d'envoyer des lettres hors ce
rovaume nous le défend. Vous pouvés seulement croire qu'elles
ont été du tout extrêmes. \, n'eût élé les assistances extraordinaires
que vos prières nous ont obtenues de Nostre Seigneur, je ne croy
pas que nos esprits les eussent pu suporter, eussent-ils été de
marbre ou de bronze. Je ne parle pas de celles qui nous ont été
infligées par les Mores, car bien que celles-cy ayent été prou
grandes en soy, elles ont pourtant été douces comme du miel, au
désir que Nostre Seigneur nous a donné de soufrir beaucoup pour
la gloire de son nom. Je parle de celles qui nous sont venues de
la part de quelques Clirestiens. Et de celles-ci je vous puis asseurer
que la malice >k les circonstances en sont si efroyables qu'à grand
peine les pourés-vous croire (juand on vous les expliquera en
particulier.
Cette lettre est dattée: de Maroque. en nostre prison bien aimée,
environ le mois d'aoust iCaô. Elle fut receue. J'en ay rencontré
la réponce, écrite à Paris le m novembre. C'est celle qui suit.
i3/i 1625-1629
Lettre du P. Joseph aux Capucins captifs au Maroc.
Le chevalier de Razilly a le plus vif désir de retourner au Maroc, mais
il a été retenu en France par la révolte des protestants de La Rochelle.
— Ceux-ci viennent de perdre une batadle dans laquelle Razilly et son
frère se sont distingués. — Le P. .Joseph insistera auprès de Louis XIII
pour quil soit donné satisfaction au Chérif. — Son éloit/nemeni de
France a été une cause du retard apporté au règlement de cette ajjcdre.
— Le F. Rodolphe se trouve à l'île de Ré.
Paris, If) novembre lOaS.
Mes vénérables & très-chers Pères, humble salut en N. S.
J'ay eu part de la lettre que vous avés écrite au R. P. Angélique,
gardien d'Orléans, jay aussi receu celles dattées des mois de
juillet ik d'aoust passé?
ÏS.
Je suis de retour de mon voyage de Rome, & me suis déchargé
à nostre Chapitre provincial, tenu depuis mon retour Le R. P.
Hierosme de la Flèche est maintenant en cette charge, tout plein
d'afection pour le bon œuvre auquel vous travaillés. J'ay parlé de
vous au Pape, qui vous donne sa bénédiction ik a témoigné rece-
voir delà joye de vostre voyage, avec beaucoup de désir d'aporter
tout ce qu'il pourroit pour le contentement du roy de Maroque,
selon les ocasions. Sa Saincteté vous donne toutes les facultés dont
vous pourries avoir besoin pour toute sorte d'absolution des cas
réservés au S. Siège: vous pourrés en son nom distribuer chacun
mille indulgences de S. Charles. Et. n'étoit qu'à même heure
part le messager de Rouen', ik que je creins de perdre l'occasion
que cette lettre vous soit rendue, je vous envoyerois la copie des
facultés, ce que je feré dans huict jours.
I. Les relations de la ville de Rouen Doc. XLIX, p. 1 33 et supra, p. 120), ce qui
avec le Maroc étaient très suivies (/''« Série, explique l'envoi parle messagcrde cette ville
France, t. I, Dot. LXWl, |). 3o3 ; t. II, des correspondances à destination du Maroc.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC 100
Quand à M. de Razilli, il meurt de désir de relourncr vous voir,
ce qu il eût fait il y a Ions temps, si le Hoy ne l'eût employé
malgré lui contre La Rochelle, qui depuis un an s'est révoltée de
nouveau de son obéissance ik a fait une puissante armée navale.
Depuis six sepmaines, ils ont perdu une bataille navale signalée,
où commandoit M. l'Amiral, \ où M. le chevalier de Razilli ik
M. de Launay son frère' ont fait des merveilles. Ils seront bientôt
à Paris, où je me tiendré assiduellernent, pour faire que le Roy
donne contentement au roy de Maroque, qui lui eût desja sans
doute donné il y a long temps, sans la grande ocupation qu'il a
eue depuis vostre parlement à soutenir de grandes guerres dedans
& dehors son royaume. Le roy de Maroque, qui est un sage prince,
peut bien considérer combien ces remumens publics donnent
d'empeschement. Avec un peu de patience, tout ira bien.
Et de rechef je vous asseure que je n'aurc aucun repos jusques
à ce que cela soit. Il est vray que mon éloignement de France a
un peu retardé cette afaire. F. Rodolphe est dans l'isle de Ré tV
se porte fort bien, trcs-desiroux de retourner vous voir. C'est ce
que je vous puis dire pour cette heure. Je ne manqueré désormais
de vous écrire par toutes les ocasions, comme je vous prie faire
de vostre part & de vous souvenir de moy dans vos heureux &
glorieux liens, qui pourront servira l'honneur de Dieu, peut-estre
plus que vous ne pensés, comme vous verres par la suite, ou en
ce monde, ou en l'autre, si Dieu vous y apcloit entre ses plus
chers amis. Vous vous ferés part l'un à l'autre de cette lettre, selon
que vous treuverés.
J 'ay mis cette lettre au temps qu elle fut écrite ; nous exprimerons
bientôt quand elle fut rcceue, qui n'ariva que l'année suivante,
avec une autre dattée de trois semaines après, qui furent receues
ensemble, avec la copie des pouvoirs qu'il leur avoit obtenu. J'ay
choisi cet ordre pour n'interrompre le temps & dire les choses
selon qu'elles sont arivées, rengeant chacune dans sa place.
La seconde lettre est du i6 décembre de cet an : la creinte qu'il
I. Sur ce frî're de Razilly, V. p. 112, iioln 5..
i3G 102,5-1629
avoit que la première n'arivât pas heureusement l'oblige à réitérer
ses mêmes soins tV leur en donner les asseurances par des efets ;
leur commande, par tout le pouvoir que son office & l'amitié luv
donnoient, qu'autant qu'il leur seroit possible, ils employassent à
leurs besoins le secours qu il leur envoyoit, ^^ pour servir Dieu »k
le prochain en cette ocasion, ils ne se laissassent pas acabler aux
misères inséparables d'une captivité. Il répète les excuses du retar-
dement de monsieur le Chevalier, étant encor actuellement dans
l'employ, commandant des vaisseaux' devant La Rochelle, étant en
grande considération, comme l'un des meilleurs & expérimentés
hommes do mer qui fût en ce temps ; le Roy avoit lors en prest
les ramberges d'Angleterre, sur lesquelles éloit ce chevalier. Il
redouble aussi comme le roy de Maroque peut trouver des raisons
pour servir d excuse valable à ce retardement, par sa propre expé-
rience, dans les incommodités qu'il soufroit par la révolte de ses
sujets. Ces mouvemens font diversion de tous les autres desseins,
étant chose asseurée qu'en cette ocurrence on ne fait pas tout ce que
l'on voudroit faire. 11 ajouste :
Lettre du P. Joseph aux C.vpucins captifs au Maroc.
// est à la Cour où il sollicite l'argent nécessaire à la rédemption des
captifs. — Services que le Chéri/ pourrait attendre de l'amitié de la
France.
Paris, iG dûcembre iGaS.
Et je masseure que Sa Majesté aura du contentement de montrer
sa générosité & bonté royale à ne point surcharger de peines les
sujets d'un grand Roy, qui peut luy témoigner de l'amitié en
plusieurs ocasions à l'avenir. Or, quant à moy, je suis maintenant
libre de toute charge i^ n'ay point d'autre plus grand pensement
que de pourvoir par toute sorte de moyens à l'expédition de vos
I . Etant encor actuellement dans l'employ, ayant encore actuellement l'emploi de
commandant des vaisseaux... c'est-à-dire: commandant des vaisseaux.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MATtOC iS'y
afaires, m'étant icy attaché exprés à la Cour près du Roy. où nous
avons quelque jour de treuver des deniers extraordinaires. Cepen-
dant nidusieur de La Fosse Besnard est icy de la part de monsieur
de Uazilly, pour m'aider à cette solicitalion ; cV il est vray que. si
j'eusse été plus tôt libre, je croy que vos afaires eussent pris un
meilleur train.
Consolés vos pauvres compagnons captifs, soit ceux qui sont
allés avec vous, ou ceux que vous y avés treuvé, lesquels je porte
très-ecrits dans mon cœur, & n'épargneré rien pour les secourir.
Ceux qui auront été fidèles en Nostre Seigneur auront une conso-
lation indicible d'avoir soufert pour son amour. Outre l'attente des
deniers du Uoy, nous ne laisserons de voir avec nos amis ce qui
se pourra, ».V; vous faire tenir au moins de quoy vous sustenter. Je
ne doute pas que la fin de cette afaire ne soit bonne, ainsi que je
voy les choses disposées : ce qui m'en déplaist, c'est la longueur,
que nous tasclierons d'abréger.
Et vous, mes très-chers Pères, je vous suplie cependant, pour
ne point augmenter la peine que je soufre pour vous, par la com-
passion de vos travaux, de vous soulager A: conserver autant que
vous pourrés. Vous ne sçavés pas ce que Dieu veut tirer de
l'abisme oia il semble qu'il vous ail mis; peut-estre en ferés-vous
sortir un trésor plus riche que l'on ne pense. Et quand le Roy sera
contenté, s'il juge à propos de tirer du service des nostres, même
pour le bien temporel de son royaume, par voye de commerce ou
de service contre ses rebelles, il Ireuvera que nous sommes des
gens fidèles & constans.
Jettes cependant les yeux, & voyés ce (jui se pourra faire de
mieux pour le bien du pays où vous êtes, après que le nuage
présent sera dissipé & que le roy de Maroque sera satisfait Je
vous envoyé seulement l'obédience \ les facultés de Rome, qui
sont fort amples.
Le Pape vous envoyé sa bénédiction, comme aussi nostre trcs-R.
P. General.
L'obédience & les facultés desquelles ces lettres font mention ne
i38 1625-1629
se sont pas treuvées entre le peu de papiers qui ont resté des
meubles de ces pauvres religieux, non plus que d'autres mémoires.
Ce n'est pas une petite merveille que Dieu ait permis qu'il en soit
resté & venu à nostre connoissance.
Chacun sçait que l'on découvre plus librement ses pensées à un
amy qu'à tout autre. Je veux que l'on parle au supérieur avec une
sincérité toute entière, néanmoins l'esprit est toujours partagé de
respect & de creintc ; mais à un amy, on luy ouvre son cœur,
comme les fleurs s'épanouissent au soleil, on n'a point de reserve,
car, comme l'on est sans crainte, il y a aussi plus de franchise.
J'avance ce raisonnement parce quencor que j'aye trouvé assés
de preuves qui font connoitre le désir extrême de soufrir qu'avoient
ces Pères, par les lettres qu ils envoyoient à leurs supérieurs,
toutesfois j 'en ay rencontré une du R. P. Pierre, qu'il écrivoit
dans la confidence à l'un de ses plus intimes amis >k anciens com-
pagnons, qu'un même sentiment de zèle avoit autrefois lié d'une
amitié saincte. Je me persuade que, par sa lecture, on verra mieux
cette ardeur seraphique qui l'a fait consommer dans l'exercice de
la charité. Elle a ce tiltre :
Desiderium animœ ejus tribuisli ei, Domine, cj volantate lahiorum
ejus non fraudasti eiun, posuisti in caplte ejus coronam de lapide
pretioso, id est. omnibus an<justiis\
Lettre du P. Piekre d'Alençon \v P. Joseph de Vitré.
Les lettres étant ouvertes au Maroc, les commereantf: français lut ont
recommandé une i/rande réserve. — // <?.</ détenu en esclavage. — -Sa
captivité va devenir plus dure si Ra:dly larde à venir.
[Delà prison de Mcrrakecli. aoiH]- 1625.
Mon V. & très-honoré Père, humble salut en Nostre Seigneur.
1. Psaumes, \X, 3, 4- note i. T.e P. François d'Angers n'a donc
2. SurcoltedalcrcstiUi('c,\ .m/in.ji. 1 3g, pas placé la présente lettre à sa vraie date.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCIXS AU MAROC l39
Cette occasion présente est si précipitée que je ne puis luy
faire violence pour l'arester. quoy que je m'en évertue, si bien que
vous n'aurés maintenant que ce mot de vostre fidel amy, joint
aussi que les marchands Irançois auxquels je fais tenir mes lettres
pour la France mont prié instamment de ne rien écrire qui puisse
fâcher les Mores, de peur de les mettre en peine. Toutes nos lettres
sont vcues, disent-ils, avant que de sortir de Barbarie; contcntés-
vous donc que je vous die en deux paroles que par la grâce de
Nostre Seigneur je suis esclave, & dans un pays doù la sortie est
plus dificile que d'aucune autre terre qui soit dans l'univers. Nous
avons banqueté cent >S: cent fois avec la très-haute pauvreté, i\ostre
bonne maitresse Il y a neuf mois' qu'elle nous fait l'honneur
de nous aprester tous les jours nostre couche à terre avec tant de
sua^'ité que les roses iSc les lys qui jonchent les lits mollets des
plus grands rois nous seroient en vérité des épines mortelles.
Pour les nouvelles de ce pays, je n'oserois presque vous rien
dire sur ce sujet, de peur que vous racontant une conqueste mira-
culeuse, entre les autres, que Nostre Seigneur a faite par ses in-
dignes serviteurs, je n'en empesche l'entière consommation.
L'on nous prépare les chaines tSc les fers, avec la faim, si monsieur
le chevalier de Razilli ne vient bientôt. Vienne tout l'enfer en-
semble pour nous gesner, je ne croy pas que leur fureur soit plus
forte que nos désirs de soufrir infiniment jîour nostre bon Jésus.
Nagueres un jeune écolier de bon lieu, après avoir fait quelque
batterie, se retira vers la Basse-Bretagne, d'où voulant passer en
Espagne, il fut pris par les Turcs, près de la côte d'où il étoit party,
& amené en ces lieux. Il est très-beau de corps & d'esprit. Le Roy
le tient enfermé avec defence à qui que ce soit de luy parler, sur
peine de ciM(j cens coups de bâton, horsmis les euneuques. Il y a
sept ou huict mois qu'il soufre pour la foy . Je ne manque de courre
tous les hazards pour encourager son esprit ^: sustenter son pauvre
petit corps. Il est fort proche parent de mademoiselle de La Trous-
I. Cette mention permet d'établir que capucins à leur supérieur le P. Josepli de
la date de celte lettre est la même que Paris (V. p. i33), car les neuf mois .sont à
celle de la lettre adressée parles deux PI*. compter de novembre i624(V. p. i3o, n.4).
i/jo 1G25-1629
sanais. de ^ itré, lV de tout plein d'autres conseillers de Rennes. Il
a nom Guido Jacopin. Je le recommande instamment à vos prières.
Il a très-bien étudié, aussi est-il plein de coui'age en son martvre.
J'espère que le Roy le donnera à monsieur le Chevalier, avec tous
les François, aussitôt qu'il sera de retour.
Il finit cette lettre comme S. Paul & les autres apostres presque
toutes leurs Epistres, avec des recommandations pleines d'une
saincte charité La suscription est: Au V. Père Joseph de Vitré,
Gardien des Capucins du convent d'Angers.
162G'
Je commence le narré de cette année par l'échantillon d'une
pièce que l'on verra un jour étendue dans la vie du R. P. Joseph.
Le R. P. Joseph étoit, comme j'ay dit. Commissaire apostolique
des Missions étrangères; comme bon fils ^: bon sujet, il étoit soi-
gneux de rendre compte de sa commission aux eminentissimes
cardinaux de la Sacrée Congrégation pour l'étendue de la foy". Il
leur donna avis de sa mission de Maroque, ainsi qu'il se remarque
par une lettre de cette Congrégation, de Rome, le 28 janvier,
écrite au R. P. par l'ordre de la susdite Congrégation. Elle est en
italien, je la donne en françois. La suscription est au R. P. F.
Joseph de Paris. Prédicateur Capucin.
1. Cette date est placée en marge dans Ludovisi, préfet de la Propagande, seront
l'édition princeps. publiées dans /''' Série. Dépôts divers,
2. Les lettres du P. Joseph au cardinal Italie.
HlSTOIÎlE DE LA MISSION' DES I'l>. CAPUCINS AL: MAIiOC I /| I
Le cardinal Lldovisi" au P. J
OSEPll
On a été très intéressé, à la Propafjunde. par les nouvelles de la mission
des capucins au Maroc. — On espère que les musulmans en retireront
quelque profit.
Rome, 2'S janvier 1626.
R. P.
On a leu on la Sacrée Congrégation pour l'étendue de la foy la
relation des Missions que V. R. a envoyée au Secrétaire de ladite
Congrégation, laquelle a été fort agréable ^; a excité aux Seigneurs
Cardinaux dicelle une vive espérance que cette Mission produira
de grands biens dans son progrès, par la diligence tJi le soin qu'EUe'
en prendra, principalement à présent quelle est libérée de la
charge de Provincial, »k quelle aura un égard particulier de n'en-
voyer point de missionnaires qui ne soient choisis tS: personnes
qui ayent le vray esprit apostolique, avec la simplicité i\: la pru-
dence que Jesus-Christ Nostre Seigneur recherche en semblables
ouvriers. La Sacrée Congrégation attendra de temps en temps
d'aprendre de bonnes nouvelles de la conversion de plusieurs âmes,
t-V ce qui succédera des missions de Constantinople iN: de Maroque,
(|iir la Congrégation a grandement à cœur, ayant conceu par les
avis des deux capucins esclaves à Maroque qu'il y a grande espérance
de profit en ces Mahometans, encor qu'ils soient fermes en leur
fausse créance.
Nostre Seigneur vous donne sa saincte grâce, «k me recommande
à V. R.
De Home, le 28 janvier 1626.
Signé: Le cardinal Ludovisio.
François Ingoly, secrétaire.
I. Le canlinal Louis l.udovisi (l,")75- de Bologne en i(i3 i , il l'ut nomme canlin:
18 novembre 1682), neveu du pape Gré- et préfet de la Propagande,
goirc XV ( Alexandre Lndovisi); archevêque a Elle, le P. .Joseph.
ilxi 1625-1629
Par cette lettre on est asseuré que le R. P. Joseph travailloit à
même temps aux Missions d'Orient, de l'Asie & de l'Afrique, & que
la Congrégation aprouvoit ses travaux, puis que s'etoit par ses ordres.
Mais, pour reprendre nosti'e histoire, dans la morale, comme
dans la nature, les contraires s'entresuivent, par une vicissitude
continue. Après que ces bons Pères eurent presque passé deux
années dans leur captivité, sans entendre des nouvelles de France
ils rcceurent des lettres du sieur commandeur de Razilly. C'est
chose inutile d'exprimer la joye qui dilata les cœurs de tous les
Français, quand ils virent la fin de leur attente, >k que de plus ils
aprlrent que les afaires dont la France étoit travaillée retardoient,
non pas la sollicitation de leur liberté, mais l'efet. Le peu de
commerce que nous avions en ce pays empescha leur conlente-
ment: car ces lettres ne furent rendues qu'en cette année, quoy
qu'elles eussent été écrites dès l'an passé, une en juillet, l'autre
en décembre.
Je n'ay Ireuvé de ces lettres sinon le témoignage d'une généro-
sité excellente, que je dois publier à la gloire d'un si brave cheva-
lier. Il asseure qu'il ne perd aucun moment sans solliciter l'affaire
pour laquelle il est retourné, & qu'il ne cessera jusques à l'avoir
achevée, que si par malheur elle ne luy réussit pas, il est résolu
de retourner à Maroque se rendre prisonnier du lloy, pour acheter
la liberté de tant de gentllhommes & de ceux de son équipage,
comme un autre S. Paulin, par son esclavage.
Il ne faut pas douter que tout ce monde ne receùt cette reso-
lution généreuse pour une preuve certaine d'une amitié sincère ;
ce qui servit à fortifier leur patience, pour attendre le succès,
aussi bien que la somme d'argent qu'il leur envoya pour leurs
nécessités.
En ce temps le roy de Maroque eut avis dune trahison que des
François ménageoient contre son Etat. Les autheurs furent arestés
& condamnés. Sainct-Amour qui en étoit un, eut la teste trenchée
le 25. juin de cette année. On n'en dit positivement la cause,
sinon que c'étoit pour les afaires d'un certain Sainct-Mandriés,
qui avoit aussi été exécuté le 1/4. avril', tV qu'ils avolent traité avec
I. Sur les circonstances de la mort de Sagarra, p. k~'i^ et supra, Introduction,
Saint-Mandricr, Cf. Cespedes, p. 5o6; notice biographique.
HISTOIRE DE LA MISSION" DES I>P. CAPtCINS AU MAUOC 1^.3
l'Espagnol la yievle de la Barbarie. Et cetuy-cy acusa Sainct-
Amour d'avoir amené monsieur le Commandeur en ses côtés-là,
pour surprendre Safy ' .
Ce soupçon rendit le Roy soigneux de faire épier les actions des
François, de sorte que tout ce qu'on leur envoyoit étoit visité.
Cette déflance, qui est mère de la seurelé, servit utilement à vérifier
l'innocence du chevalier de Razilly. Car le Roy lisant dans ces
lettres susdites la peine assidue qu'il prenoit pour avancer les
moyens du traitté de paix entre les deux Couronnes, les difficultés
puissantes qui ne se pouvoient pas si tôt vaincre, & surtout la
franchise de ce chevalier & sa résolution couiageuse, il perdit
aussitôt la mauvaise impression de ce rapport. >S: conceut une haute
opinion de sa probité, & prolesta qu'à son retour il luy donneroit
advis de tout ce que Sainct Mandriés avoit fait contre luy. Après
une calomnie si extrême, il laissa cette satisfaction aux Chrestiens
de mourir avec constance iS; refusa en mourant d'adorer .Mahomet.
Dans la dépesche de monsieur le Chevalier, le Roy treuva ces
deux lettres précédentes du R. P. Joseph, qui, comme vous avés
leu, animoit ces deux religieux aux soufrances, avec des paroles de
feu 1.V des tendresses de père, & les asseuroit de la part qu'il prenoit
en leur alhclions, le soin qu'il employoit pour avancer leur déli-
vrance, & comme on s'empressoit à treuver les moyens asseurés
d'un accommodement des deux royaumes; ce qui satisfit le Roy &
l'adoucit de sorte qu'il fit rendre à ces Pères leurs dépesches, avec
tout ce qu'on leur envoyoit. Ils receurent alors les pouvoirs que le
S. Père leur accordoit à la requeste du R. P. Joseph, avec plusieurs
indulgences, qui sont les riches trésors de l'Eglise, pour les enri-
chir ik les distribuer aux chresticns esclaves, & la bénédiction
apostoHque; ce que lisant, à l'exemple de leur père S. François,
ils se mirent à genoux, afin de la recevoir avec plus de respect.
Comme un feu attire l'autre, tant de braizes firent sortir les
llainmes des cœurs de ces nouveaux apostres, que les eaux de leurs
allictions ne pouvoient éteindre, que les murs d'une prison ne
pouvoient retenir. Ils en envoyèrent l'image au naïf dans une lettre
I. On peut supposer, d'apn's celte Saiiil-Mandrier, était venu avec Razilly en
phrase, que Saint-Amour, beau-frère de ilia^.
iVi iGa5-Tna9
au H. P. Joseph, pour réponce aux siennes & luy rendre compte
fidel du talent qu'il leur avoit commis & de l'état où se trouvoit lors
cette nouvelle entreprise.
Ce seroit grossir cette histoire à l'excès, qui transcriroit toutes
leurs lettres, je pense qu'il sutTit d en extraire ce qui peut servir à
nostie dessein. Ils asseurerent d'estre en une santé parfaite, ce qui
n'est pas une petite merveille, car ils manquoient de nourriture, le
Roy ayant retranché un peu de viande qu'il leur avoit ordonné,
qu'à grand peine pouvoient-ils avoir, & les réduisit au poinct du
reste des captifs, ausquels il ôta le pain, tant à cause de son mécon-
tentement, qu'à raison de la famine qui fut extrême cette année
dans Maroque ; de sorte que la peste se joignant à la famine, au
desespoir & à d'autres misères, que Ion doit croire en des captifs
chresfiens, entre les ennemis publics de leur profession, il mourut
plus de six cens esclaves clirestiens. Ce qui devoit faire mourir ces
bons Pères étoit l'infection de tant de cadavres, qu'il sembloit que
cette prison fût changée en un charnier, oii les corps étoient entassés
en si grand noinl)re. Toutesfois Dieu les conserva sains parmy ces
puanteurs, >N: leur donna assés de force pour rendre aux Chrestiens
qui resloient l'assistance spirituelle qui leur estoit nécessaire dans
ces extrémités, & en eussent fait davantage, si la liberté d'aller par
tout chercher les ocasions pour l'employ de leur zèle leur eût été
permise.
Si les morts causoicnt de la peine, ceux qui restoient sembloient
n'avoir de vie que pour croître 1 aihction de ces Pères, ou plustùt
pour la rendre plus sensible, par une nouvelle invention : car ces
pauvres captifs pour la pluspart étoient si languissans qu'ils ne
pouvoienl marcher sans aide, & ne sortoient de leurs cachots que
pour chercher du pain. Ceux qui le pouvoient cherchoient les restes
des autres, qui n'avoient assés de force pour manger. Lisant ce
narré pitoyable, je me suis souvenu d'une plainte pareille qu'avoit
fait un Prophète', en la considération des misères futures de son
peuple, qui devoit gémir & demander du pain. Il devoit donner
ton! ce qu d avoit de plus précieux pour avoir de quoy manger, tant
la faim le devoit presser.
I. On lit en margn cette référence : ïhré. [©prjvoi Lamentations]!, ii.
HISTOIUli DE LA MISSION DES PP. C.\PUC1NS AU MAROC l/jO
En efet les gentilhommes de monsieur le Chevalier vendirent peu
aprè-s ce qui leur resta, enfin jus([ues à ne se reserver que ce dont
ils ne se pou voient absoluinenl priver pour n'eslre nuds ; et puis ils
furent contraints de faire comme les autres. Je laisse à penser, entre
tant de miscres, quels repas délicieux faisoient ces pauvres Pères. Certes
cela est digne d'admnat ion ([ ne celuy qui donne la pâture aux animaux
et aux poussins des corbeaux (yix 1 invocpient. ne leur manqua jamais.
La misère étoit lors universelle dans la Barbarie, aussi bien pour
les naturels du pays que pour les étrangers, ce qui les jettoit dans
un accablement extrême, sans aucune consolation présente, ny
espoir de future. La faim, la soif, la nudité, les batures. les chaines,
les maladies, enfin toules sortes de misères jusques à la mort éloient
leurs viandes. Les François y pâtissoienl plus qu'on ne sçauroit
penser : leur nombre aussi bien que celuy de leurs peines pasoit au
double celuy des autres nalions ensemble qui y étoient captifs.
Pour ces Pères, ils étoient plus alligés de voir tant souffrir de misères,
sans les aider en les consolant, parce qu'ils n'avoient point de
remède à ces maux, & ils étoient si resserrés que dificilement on
leur permettoit de sortir une lois en trois mois pour les visiter un
jour.
Dieu donna sa bénédiction sur la fidélité de leur besoigne, par la
conversion de plusieurs hérétiques en celte année ; ils en ébranlèrent
encor plusieurs, qu'il eût été besoin de voir souvent, afin de les
fortifier en leur nouveau dessein & aider à croître leur connois-
sance.
Le Uoy en ce temps-là étoit vers Safy pour remédier à la rébellion
de quelques-uns de ses sujets. Cette afaire, ({uoy que fâcheuse, ne
luy ola pas le souvenir de monsieur le Commandeur, il témoignoit
souvent cstre fort jiiqué de son retardement. La peine qu'il prenoit
à remettre ses rebelles dans leur devoir ne luy faisoit point penser
à celle que le roy de France avoit de renger les siens, c'étoit une
preuve de son desii'. Ce tjul luy donnoit sujet d'une plus grande
plainte étoit de n'avoir rcreu aucune lettre d(! sa part pour luy en
De Castkies. lit. — lo
i/ifi 1625-1629
l'aire agréer le sujet. De là on jugeoit que son retour luy eût été
agréable, & l'eût reccu avec satisfaction, aussi bien que ses sujets,
qui en ténioignoient publiquement de 1 impatience, pressés de leur
interest. Le commerce y étoit perdu depuis la prise des François, il
n'y avoit pas même un seul marchand dans la ville de Maroque, tk
dans cette côte, il restoit seulement à Safy un Anglois '.
Cette raison qui regarde l'interest du pays leur faisoit souhaiter
le retour de monsieur le Chevalier pour traiter l'alliance des deux
Etats, et les François en avoient d autres qui les obligeoient à la
solliciter: sans parler de la charité chrestienne, qui eût rendu con-
siderahle au roy de France la perte d'un grand nombre de ses
sujets, pour les mauvais services que ses ambassadeurs avoient
rendu en ce pays là. son propre interest le devoit exciter à donner
remède à ces malheurs, qui coûtèrent à ces côtes en deux ans seule-
ment plus de deux millions, tant il y avoit de vaisseaux pris, brûlés,
échoués, sans parler du principal, qui est la perte de plus de deux
mille hommes de mer, qui furent faits captifs par les Mores ou
Turcs, desquels la moitié mourut d'ennuy, de faim, de peste, ou
par la violence du fer, du feu tk^ d'autres tourmens, & n'en restoit
de vivans qu'environ douze cens esclaves françois.
Et à la vérité ce n'étoient là que rozes, si ce dont les menaces
éclatoient lors eût réussi, ce qui étoit extrêmement à craindre. Car
le desespoir des pilotes fut réduit à ce point, que, se voyant ainsi
abandonnés à la mercy de ces Barbares, ik que leurs desastres ne
touchoient les cœurs en France, plusieurs prirent resolution d'ins-
truire les ennemis & leur donner les moyens de faire des maux
incroyables à leur chère patiie, dans 1 espoir de quelque soulage-
ment, comme la faim a contraint les hommes de s'entre-manger,
I. On voit que l'arrestation de Razilly et chands ». \. ci-dessous. Relation de Le
de son escorte, arrestation motivée par le Gendre p. 78^. Le commerce resta très
non-règlement de l'affaire Castelane, avait précaire pendant près de quarante ans
eu comme grave conséquence l'exode du (i625-i665), et les seules places avec les-
Maroc de tous les commerçants chrétiens. quelles on put faire quelque trafic étaient
Les négociants français durent s'estimer celles qui s'étaient soustraites à l'autorité
heureux de n'être pas incarcérés; Moulay chérifienne comme Agadir, Salé et Tétouan.
Zidàu les autorisa à revenir en I-"rance pour Les relations oUicielles se bornèrent à des
régler leurs comptes avec « leurs mar- négociations pour le rachat des esclaves.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AL MAROC 1^7
i\; la mère de se nourrir de la chair de son enfant. Pour preuve que
leurs menaces ne finiroient pas avec leurs paroles, efectivement ils
les menèrent aux Terres-Neufves, sur les grands bancs, où ils firent
des ravages si étranges que du Havie de Grâce seul ils amenèrent
ou coulèrent à fond plus de quarante vaisseaux qui alloient au
poisson, & ce dans l'espace de deux ans' ; il en fut aussi pris des
autres villes maritimes, dont le nombre n'étoit pas aisé à dire. Les
cotes du Ponant étoient dégarnies de matelots, les renégats y étoient
communs, dont les jeunes servoientà des mauvais usages, desquels
je dis avec l'Apostre que ces crimes abominables qu'ils commettent
en cachette ne se peuvent exprimer sans rougir^.
Comme la profession d une même règle avoit rendu ces deux
excellents religieux frères, l'uniformité de leur zèle les avoit fait
compagnons de travaux & de soufrances, c'est pourquoy je ne les
sépare point. Et, sans mentir, il ne seroit pas juste que je divisasse
ce que Dieu avoit si fortement uny par les plus serrés liens que
peut |)roduire une charité sans feinte. Néanmoins pour cette fois je
dire du H. P. Pierre une chose qui le regarde seul. On lira sa con-
version du tout extraordinaire dans la vie du R. P. Joseph, lors
qu'étant Provincial, il faisoit sa visite au couvent d'Alençon en
l'année i6i3. D'où vient cju'il ne se faut pas étonner si, après une
I . Les pêcheurs de Terre-Neuve étaient croisière en vue des côtes anglaises écrivait
particulièrement éprouvés par les pirates de le 26 aoi'it lOaô à Buckingham que les pi-
Salé qui venaient chaque année dans les rates salétins étaient favorisés par les ilibus-
eaux anglaises et françaises guetter leur dé- tiers hollandais et que les pêcheurs de
part ou leur retour. Dans un Mémoire pour Terre-\euvc devraient s'unir et naviguer de
faciliter le commerce de France avec les es- conserve pour se protéger. V. /'« Série,
trnnijers rédigé en 1626, on lit ce paragra- Angleterre, à la date indiquée ; au 12 dc-
phe : « Envoyer six vaisseaux de guerre cembre 1626 et au 3o septembre i635.
mouiller l'ancre en Salle proche de lîarba- [^'amiral anglais William Rainsborough fut
rie depuis le moys de mav jusques au com- envoyé' en i G37 contre Salé pour bloquer
mencement de septembre. Geste garde en les pirates et les empêcher de courir sus
ce lieu de Salle servira plus pour la pesche aux pêcheurs de Terre-Neuve. V. Ibidem,
que de les envoyer sur les bans, et ce faisant Mémoire de Giles Prim, décembre 1036;
la pesche sera seure. » Arch. des Aff. Etr., Lettre de W. Rninsbonmgh. 19 mai i()37 ;
France, Mém. et Doc. vol. y8.3. f. 20.?. — Lettre de Lnnd à Cnnway. i-j juillet 1687.
Francis Stewart qui avait été chargé d'une 2. On lit en marge : Ephes. 5. 12.
i/i8 1625-1629
vocation qui tient Ijoaucoup du miracle, comme l'on verra, il marche
si heureusement selon le dessein de Dieu qui l'a appelle. C'est
que la lumière divine luy faisoit voir l'exemple de Jésus, qui est
le premier aposlre & le souverain prestre de sa confession. J'ay
rencontré dans une de ses lettres, qu'il écrivit celte année au R. P.
Joseph, un éfort de son ressentiment.
En ce temps-lù, il se treuva entre les esclaves le fils de monsieur
Edeline. conseiller au Chastelet. dont ces Pères donnèrent avis,
afin qu'on envoyât de quoy le soulager entre les extrêmes misères
de sa captivité.
Le l\. P. Joseph étoit à la Cour, qui travailloit eficacement à
ses missions, tant à celle de Constantinople pour son établisse-
ment qu'à celle de Maroque pour la liberté de ses enfans 6.: des
autres Chresticns esclaves. Voicy ce qu'il leur écrivit le 2g. no-
vembre de cette année.
Lettre du P. Joseph aux Capucins captifs au Ma
HOC.
// a obtenu du roi de France la somme promise par Razilly au Chérif poarle
rachat des captifs. — • Razilly est retenu en France par le sercice de Sa
Majesté. — Bonnes dispositions de Louis \lll à l'c<jurd île Monlay
Zidàn. — Le P. Pierre encourarjera les captifs et les assurera de
l'aide du roi de France.
S. 1., 2y novembre lOiti.
Mes très-intimes amis & très-chers compagnons en l'œuvre de
Nostre Seigneur.
Je ne vous puis exprimer la consolation que reçoit nostre
Très-R. P. General & plusieurs de nos provinces de voir vos cou-
rages (Si fermeté.
Or, pour en venir au point de vos afaires, je vous dire que j'ay
été longtemps grief vement malade 6c que depuis mes dernières lettres
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPICINS AI' MAROC I Iq
les troubles du royaume se sont accieus. Monsieur le ciievalier de
Razillv et moi n'avons cessé de soliciter et, nonobstant toutes ces
dificultés, nous avons obtenu du Uoi la somme promise par mon-
sieur le ciievalier de Razilly au roy de Maroque. Je vous asseure.
en vérité, que l'afaire est en ces termes que le Roy en a déjà lait
et aprouvé le don pour les pauvres captifs en son conseil d'Etat,
lequel don est aussi aprouvé et vérifié au conseil des Finances.
Cela étant, la chose est asscurée. ik ce qui reste maintenant à
faire est de lever les deniers et relirer les assignations ' . De bonheur,
le surintendant" est grandement de mes amis, généreux et pieux ;
le controlleur ne l'est pas moins ; ainsi toutes choses concourent
assés bien. Sans ma maladie, au lieu de cette lettre vous aurlés
vostre argent. Or. maintenant, je ne perdre aucun temps pour
votre commune délivrance. Monsieur le Chevalier, toujours occupé
& commandé par le Roy, a été employé pour son service en tous
ces rcmumens, iS.:. outre qu'il n'a pu, étant retenu par Sa Majesté
pour les raisons susdictes, il n'a pas jugé utile d'aller, les mains
vuides, trouver le roy de Maroque. qu'il aime & honore parfaitement.
Une dificnllé a retenu longtemps messieurs du conseil du Roy,
considérant qu'il n'était de su dignité de payer cette somme comme
pour rançon & que cela ne doit estre entre deux grands rois où la
courtoisie mutuelle doit avoir lieu\ Aussi Sa Majesté ne prétend pas
que le roy de Maroque reçoive celle somme que comme un témoi-
gnage d'amitié singulière que désormais elle veut luy porter.
L'on est icy très-marry des sujets de mécontentement que le roy
de Maroque a reçeu des méchants & infidèles Français indignes de ce
nom ; mais quand toutes choses seront pacifiées, nostre roy est dis-
posé à témoigner tant de bienveillance à: rendre de si bons efels,
aux ocasions, au roy de Maroque, qu'il aura sujet de se louer de
la générosité & fidélité des Français, entre lesquels monsieur de
Razilly a une passion si extrême de servir le roy de Maroque et le
peut faire si utilement en ses guerres civiles (jue sans doute le
1 . Assignations, sommes que lo Roi don- ral des finances (ifiaG-iôSa).
nail à prendre sur ses fermiers ou sur son 3. Les rois de France, au moins dans les
Trésor. actes officiels, n'admettaient que l'échange
2. Le snrinlrndnnl, .Vntoine (loilTier de des captifs et ne voulaient pas être obligés
Ruzé, marquis d'ElTiat, surintendant gêné- îi payer une rançon.
i5o 1625-1629
malin esprit y a aporté les mauvaises rencontres que vous y avés
éprouvées'. Si Dieu vous laisse la vie, vous pourrés vous expliquer
plus au long au roy de Maroque sur ce sujet & plusieurs autres
plus importans à son service.
Il est vray que moy-même, vous envoyant vers ce roy, renommé
pour plusieurs grandes parties que l'on dit estre en luy, je me suis
senti touché d'un mouvement fort particulier de le servir, & vous
savez que sans cela je ne vous eusse pas envoyé au milieu de tant
d'hazards, vous aimant chèrement comme je fais. Enfin, s'il plaist
à Dieu vous conserver la santé & la bénignité du Roy d'y concourir,
je me promets qu'il en arrivera du bien.
Vous asseurerez ces messieurs qui sont avec vous, et les autres
pauvres captifs françois, de la bonne afection qu a nostre roy de les
aider. tS; les conjurerés de se consoler «Si fortifier en l'espoir de Dieu
et de leurs amys. Vous leur pouvez remontrer combien ils seront
consolés, retournant dans leur pays, d'avoir montré de la constance
& combien cela les rendra dignes d'honneur & d'être employés en
de bonnes occasions, chacun selon sa condition.
Je ne vous envoyé point de livres, puis que je croy que vous
scrés bientost rachetés. Que si après cela le roy de Maroque
trouve bon que vous demeuriés en son pais pour le servir, pour
faire voir la diference qu'il y a de vostre genre de vie & de vostre
sincérité & simplicité avec les santons, souvent rebelles à Sa
Majesté, contre la loy de Dieu & le droict commun, alors je vous
enverré tout ce que vous aurés besoin.
i
I
Voila une partie de 1 employ du R. P. Joseph à la Cour'. Que
l'on demande maintenant ce qu'il y i'aisoit 1 Le reste se verra en
d'autres ocasions. Je ne sçay pas positivement le temps que les
I. Ce passage semble ctîiblir que le che- 2. On reprochait au V. Joseph de trop
valicr de l^azilly avait autrefois otVert ses vivre à la Cour et de négliger les devoirs
services à Moulay Zidàn pour combattri' les de son état. Le P. François d'.\ngers fait
rebelles du Maroc. Cf. p. ad, note 3 ; encore allusion plus loin à ces reproches
pp. 100 et 3i5, note 2. V. infra. p. S^g.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC I O I
Pères receurent cette lettre ; mais je conjecture qu elle fut leceuë
l'année suivante, peu avant ranivée du F. l\odolplie. capucin, qui
y lui renvoyé, comme nous dirons c\-après.
1627'.
Les maux que nous ressentons en ce monde ne sont jamais si
extrêmes qu'ils ne nous laissent quelque moment libre pour
prendre un peu de respit. C'est comme une surseance d'armes
entre deux combatans, pour rentrer dans la lice avec plus de
vigueur. Le R. P. Joseph, qui ressentoit l'esclavage de ces Pères
avec des tendresses que je ne puis exprimer qu'en le comparant à
cette mère légitime de l'cnianl que la marâtre vouloit partager,
par une jalousie plus que barbare, car vrayement ces entrailles
lurent émeues sur son fils, et le sentiment pressoitce grand homme
de treuver les moyens pour les aracher des prisons de ce tyran.
En efet, il renvoya, en l'année 1627. à Maroque Frère Rodolphe,
capucin, duquel je vous ay déjà [jarlé, pour leur porter des com-
modités Cjui leur étoient plus nécessaires.
Il ariva à Mazagan. qui est un port que le Roy Catholique
tient en ces côtes de Barbarie, en\ iion le mois de juin de cette
année, >k ne luy fut possible de passer outre, quelque instance
qu'il en fisl au Gouverneur, qui ne luy voulut permettre. La
nouvelle de sa venue l'ut portée jusques à la cour du roy de Ma-
roque, ce qui ne fut pas peu utile. Car ainsi il reconnut asseure-
ment cpie 1 on travailloit à l'exécution des promesses que luy avoit
fait monsieur le Commandeur, ce qui l'ôta de l'erreur dans laquelle
il éloit que l'on n'y pensoit plus, & servit aussi à relever l'esprit
abatu de tous les pauvres captifs, & principalement des gentils-
bomnu's frunrois (pii avoient suivy ce brave chevalier.
Les nouvelles sont comme les boules de neige, qui se grossissent
à mesure qu'elles roulent dessus, car elles s'augmentent aussi en
passant dune persoruie à l'autre. De la veinie de Frère Rodolphe,
on conjectura qu'il aportoit les présents pour le Roy &i le rachat de
I. Celte iliite est placée en marge dans l'édition princeps.
i52 ifiaB-iGao
tous les esclaves ; ceux-cy se rejouissoient. \' le Roy y treuvoit à
redire c[u'on eût pris ce moyen & qu'on se fût servi de ses ennemis
pour l'aire la paix avec luy'. Ces bons Pères ne furent pas moins
réjouis de la venue de leur ancien compagnon que les autres
captifs l'étoient du secours qu on leur envoyoit par son moyen.
Ce qui leur toucha d avantage le cœur fut de considérer les
efets admirables de la tendre afcction qu'avoit pour eux le R. P.
Joseph. Leurs lettres sont pleines des ressentimens qu'ils en avoient,
du soin oITectif qu'il prenoit pour les soulager, en l'attente qu'il se
promeltoit de leur entière liberté. Mais ce qui les mit dans le
ravissement, c'est qu il les asseuroit que, si la hberlé commune de
tous les esclaves ne se pouvoit ménager, il étoit résolu de ne rien
épargner pour réussir en la leur particulière. Jay rencontré un
lambeau de lettre que le R. P. leur en écrivoit : je pense qu'il en
manque deux pages; le reste commence ainsi, au milieu d'une
période :
Lettre du P. Joseph aux capucins captifs au Maroc.
fl s'est occupé de concert avec le chevalier de Razilly d'envoyer des secours
aux Pères capucins captifs à Merrakech. — Le capitaine de la patache
affrétée pour cet objet s'est livré à des actes de piraterie au lieu d accom-
plir sa mission. — Le P. Joseph a eu alors recours aux bons soins de
Samson Napollon qui s'est enç/afjé à faire parvenir d'Abjer des secours
aux capucins et même à payer leur rançon.
S. 1., [1627].
Vous vous souviendrés que les prémices de nostre Ordre, offertes
à Dieu en sacrifice de louange, commencèrent par Maroque. & puis
cette ferveur s'étendit en plusieurs autres lieux. Ainsi pourrons-nous
dire cstre arivé en ce dernier temps : car vous verres combien les
Missions se sont dilatées depuis vostre parlement. Nous avons main-
I. Il faut, entendre que le Cliérif était Espagnols. Moulay Al)d el-Malck finit
froissé qu'on voulût traiter avec lui par la d'ailleurs par consentir à ce que la négo-
voie de Maza^an et de ses ciuiemis les riation se fit à Mazafran. V. p. 166.
IIIPTOinE DE Z\ ■MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC
[53
tenant quatre de nos l'eres logés dans Constantinople, avec une
belle église >k un joly auspice, que les Clirestiens de ce lieu-là
leur ont donné. Ils y sont dés le septième juillet de Tannée passée. . .
Jajouteré que l'on a eu soin de vous aider en vostre nécessité
de vivres en plusieurs sortes. Il v a plus de six mois que monsieur
de Hazilly envoya une pataclie pour aller à Maroc, qui portoit argent
>S>: meubles nécessaires. Celuy qui la commandoit étoit tenu pour
fort homme de bien, ik cependant ce mauvais homme ne fut pas
sitôt en mer qu'il se mit à voler les sujets du Roy, les vaisseaux
duquel le poursuivirent de telle sorte qu'il fut contraint de se sauver
dans un esquif, ik, laissant la barque à l'abandon, elle fut pillée.
J'ay aussi usé d'un autre moyen qui est que le Roy, ayant obtenu
du Grand Seigneur que les cajififs d'Alger fussent rendus, cette
afairc fut commise au sieur Samson Xapolon ' , demeurant à Mu rseille ,
qui eut charge delà part du conseil du Roy, & me promit, étant fort
de mes amis et de notre Ordre, qu'étant à Alger il iroil ou enverroit
des hommes fidèles pour vous porter quelque secours d'argent &
même payer votre rançon pour vous deux, si on la vouloit accepter,
et disposer que les autres fussent délivrés ou dès lors, ou quand
on aura la plus grande somme.
Je ne sçav si vous aurés eu des nouvelles dudit Samson.
Voila ce <jue j'ay pu lire de cette pièce, car l'écriture en est h
demi efacée, le papier fort déchiré, ^; ceci suflil au dessein que j'ay
eu de le transcrire.
I. Gîudîcclli, gcnlilhonirnc d'orii^lnf' cliargi' par le duc Je Guiso, gouverneur tle
corse, devenu marseillais d'adoption et plus I*ruvence, il'aller négocier la paix avec
connu sous le nom de Samson Napollon, .VIgcr. Il arriva à Alger le 20 juin i(ji6.
agent liabilc et énergique, s'était signalé Les pourparliTS durèrent de 1626 à iG'icS.
comme consul à .\lep. Le Roi l'avait nommé C'est à cette mission de Samson Napollon
getitilliomme do sa chambre. En r6u3, il <|ue fait allusion le P. Joseph dans la pré-
fut charge d'une mission de confiance à sente lettre, (^f. I'lantet, Correspondance
Constantinople pour obtenir du Grand des deys d'Alrjer et I^. M\sso.\, Hist. des
Seigneur des ordres rigoureux contre les Elabl. et du Coinmeree fraiirais dans le
IJarbaresques. De retour en iGaC, il fut Leoanl. aux index alphabétiques.
i5/| 1625-1639
Tj'ai'deur de soufrir qu'avoient ces deux excellons religieux s'op-
posa à cet eiet; ils trouvèrent de la lionte à sortir sains de ce combat,
croyant que ce seroit une ofence notable à leur générosité, s'ils n'en
voyoient l'issue. Ils refusèrent ces ofres avec des instances seules
dignes de leur vertu. vS; suplierent le R. P. Joseph de n'y penser
plus, car, outre que le zèle qui les avoit conduits là leur faisoit
treuver du plaisir dans leurs peines et étoit la raison principale de
leurs refus, néanmoins ils en avoient encor une, qui ne pouvoil
sortir d'autre principe que celuy de la charité. Suposé que le roy de
Maroque eût consenti à leur élargissement seul, ce que les maximes
d'Etat ne luy conseilloient pas, ils asseurerent qu'il ne leur étoit
possible de se séparer de ces pauvres captifs pour les laisser à la
mercy de tant de misères & de cruautés...
Le cœur s'ouvre à la joye & se dilate si fort qu'il semble ne se
devoir jamais remplir, >k se rend si présent à la jouissance de ce
plaisir qu'il oublie facilement tout ce qui n'est point ce qu il
possède. Et la satisfaction est d'autant plus grande que le sujet de
son allégresse a été long temps attendu. Cela n'ariva pas à ces bons
Pères, car encor qu'ils eussent beaucoup désiré ik longtemps attendu
ce peu de respit à leurs longues peines, ils n'y abandonnèrent
point tant leurs cœurs, qu'ils en oubliassent les choses nécessaires.
Et de vray ils tâchèrent alors, par toutes sortes de moyens, de
sçavoir les intentions du roy de Maroque sur le traité de paix entre
les deux couronnes : d'où il auroit gré qu'on y travaillât, à Mazagan
ou Saphy, quoy qu'il eût assés de sujet pour croire que le dernier
ou Salé luy seroient moins suspects, encor que depuis peu cetuy-cy
fût révolté contre luy '. Toutesfois il étoit nécessaire d'avoir de
luy-mème sa résolution. 11 luy survint une incommodité qui
retarda sa réponce.
Il y avoit grande aparence qu'il refuseroit Mazagan. d'autant
qu'il étoit ennemi juré d'Espagne', ce qui y rendoit même le
commerce des François périlleux, et les Espagnols de ce havre étant
1. V. Introduction critique, pp. igi-igS. de Mazagan, des rapports très bienveillants.
2. Malgré cette haine de Moulay Zidàn Cf. Ckspedes, p. 5o6, et /''' Série, Espa
pour l'Espagne, la nécessité avait créé entre gne, avril 1627; Angleterre, flc/a/ion rfc
lui et D. Gonçalo Coutinho, le gouverneur J. Hurrison. il septembre 1637.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPICINS Al MAROC 100
soupçonnés d'estre les autheurs ou les complices du désastre des
Fiaiiçois', outre l'antipathie extrême décos deux nations.
Aprc's que le roy de Marocjue eut recouvert sa santé, les Pères
apprirent ses intentions par le moyen de l'alcaïde Amar, vice-roy
de ce pays-là, touchant le voyage de F. lUxlolphe, qui les asseura
que Sa Majesté en avoit reçeu heaucoup de contentement, et, quant
aux ombrages qu'on croyoit qu'elle eût de monsieur le comman-
deur de Razilly, qu'ils n'étoient pas véritables, & qu'en efetil pou-
voit rcloui'Ufr eu asseurance avec le présent^; & promit de faire
réponse aux lettres que ledit sieur luy écrivoit. Pour preuve de
celte bonne disposition dans laquelle étoit le Uoy, l'Alcaïde leur
donna de la part de son maistre trente ducats, ce qui leur fit juste-
meut croire qu'en vérité le Uoy étoit satisfait ; et leur commanda
faire translater leurs lettres en espagnol, afin qu'il les pust montrer
au RoY- Nous dirons bientost comme ils employèrent cette libéra-
lité rovale, aussi bien que celles qu'ils ménageoient d'ailleurs.
Pour donner plus de jour à cette afaire, il est certain qu'il étoit
plus à propos iS: plus honorable au roy de Maroque que l'alliance &
liberté des captifs se traitât dans quelqu'un de ses ports, & par quel-
qu'un qui agît de la part du roy de France comme ambassadeur
que par le simple commerce des marchands particuliers, qui
retiennent tant qu'ils peuvent le rachapt des esclaves, afin que
l'argent profite entre leurs mains : l'interest propre est le dieu de
leur police en ces côtes de mer. Et le roy de Maroque tenoit à grand
honneur l'ambassade aparente d'un si grand prince que celuy de
France. La paix & la liberté se fussent achevées avec plus d'heur
& de promptitude. Il y avoit même du profit à faire, par le trafic
temporel, mais sans comparaison plus pour les âmes, après cet
acommodemcnt.
La passion véhémente qu'avoient ces heureux Pères d étendre le
1. .\llusion à l'emprisonnement de Ra- était l'objet important de la négociation
zilly et de son escorte en 162/1. On se rap- pendante entre la France et le Maroc,
pelle que Saint-Mandrier était soupçonné devait être ofl'ert h Moiilay Zidàn par le
d'avoir, à l'instigation des Espagnols, pré- chevalier de Rjizilly pour l'indemniser de
parc ce guct-apcns. V. p. 109 et note 1 ; la perte de son trésor et de ses livres. Sur
p, ii'i3. ce « présent )i, V. p. 1 10 et note i ; p. 1 '|i)
2. Avec le présent. Ce « présent », qui et p. i5i.
IÔ6 iCto.7}-if)2g
royaume de Dieu dans ce canton de l'Afrique les tenoit toujours
altentii's, afin de discerner au vray les intentions du Koy, pour tâcher
de faire que ce négoce s'achevât heureusement, par des moyens qui
satisferoient son inclination avec éclat. Ce fulpourquoy ils donnèrent
avis au R. P. Joseph que la somme qu il avoit obtenue de la magni-
ficence du Rov, qui étoit de cent cinc[uante mil livres, fût employée
en étofes diferentes. comme draps d'Angleterre, escarlate, velours
ik satin à lleurs & plein de la Ilolande, quelques pierreries, des
instruments de mathématique'.
De ce moyen, il y avoit aparenccqucdeii\ choses en réussiroient.
La première que le roy de Maroque, recevant ces marchandises
comme des présents, en tireroit de la gloire, ce qu'il ne feroit avec
tant d'avanlage, si on composoit pour de l'argent, comme le trafic
d'une marcliandisc. encor (juil aimât 1 argent avec passion. La
seconde & la plus considérable est que, sur les étofes, il y avoit à
gaigner cent pour cent, qui étoit un moyen excellent pour multiplier
la somme & de petite la rendre fort grande. Enfin tous jugeoient
que l'afaire devoit estre traitée avec éclat.
La piété & la naissance donnent de bonnes inclinations. Ces hons
Pères, qui ne manquoient pas de ces deux qualités, étoient si
reconnoissans de la courtoisie qu'ils avoient receue de l'alcaïde
Amar, vice-roy. qu'ils conjurèrent le R. P. Joseph de ne leui- pas
refuser le moyen de luv témoi'mer leur irralilude. Ils demandèrent
des drogues, qu'il leur avoit témoigné désirer, pour luy faire un
présent conforme à son souhait, comme theriaque, rheubarbe,
scamonée, agaric, aloës, séné, conserves de pié de chat (k de romarin,
confection d'alkermès. &c.
En celte année un Juif de considération, très-sçavant en la loy
de Mahomet, le meilleur rabbi qui fût en ce pais, pressé de sa
conscience, reconnut sou erreur \ témoigna à ces bons Pères un
grand désir de venir en France. Ils le proposèrent au R. P. Joseph,
&. pour ce qu'il n'étoit pas aisé de le faire sortir, donnèrent l'inven-
tion de le faire demander par M. l'ambassadeur futur, de la part
de Sa Majesté Trcs-Chrestienne, pour enseigner l'hébreu à Paris ^,
1. Cf. Doc. XXIII, p. 120. ayantenseigncriitbreuauCollogetlel'Vance
2. Celte idée ne'fut pas suivie d'exécu- à cette époque. Cf. G. Duval, Le Colletje
tion, r.Tr on no Iroiivp mention d'aucun .lui f rnral de France, pp. 27-38.
HISTOIUE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC 1 Oy
en quoy il excelloit, comme aussi en langue arabique, autant &
plus que les Arabes mêmes. Il y avoit grand nombre de jeunes
enfans chrestiens. qui éloient en pcril de renoncer leur créance,
que l'on proposoit d envoyer en France, qui eût été une cbarité
excellente >S: rendre du bien pour du mal, selon le conseil aposto-
lique.
Au mois d'aoust mourut dans les prisons le sieur Vachot, esclave,
autrefois commis aux Finances sous le sieur de Beaumarchais'. Je
remarque cette mort, pourceque s'étoitl'un des chers enfans de ces
bons Pcres. Ses compagnons le regreterent beaucoup. Néanmoins
cette mort leur fut utile, ils en tirèrent sujet de magnifier l'infinie
bonté de Dieu, d'autant qu'en France il avoit vescu comme un
démon incarné au milieu des délices, & en Barbarie il y a passé
ses jours en ange. Il s étoit obligé par un vœu particulier, long-
temps avant la maladie de laquelle il mourut, d estre capucin. Les
merveilles de sa conversion meriteroient un livre, ce qu'à peine
croiront ceux qui l'ont connu. Ce sont les fruicts des exemples «k
de la charité de ces bons Pères. Et la peste commença lors à sapro-
cher d'eux.
Le 17 septembre de cette année, jour que l'Eglise employé au
souvenir de la grande merveille d'amour que Dieu opéra en
S. François", le roy de Maroque Molezidan mourut assés jeune ^ :
car. comme a chanté David, « les hommes qui versent le sang, &
pleins de tromperies, n'ariveront jamais à la moitié de leurs jours' ».
Il étoit furieux, yvrongne, cruel, voluptueux, & par tout jusqu'à
l'excès'. Son fils aisné Mole Abdclmclec luy succéda. Ses deux
frères cadets" se mirent en campagne, ce qui n'empesclia pas qu'il
ne fût reconnu prince vaillant & amoureux d'honneur. Ces Pères
1. Vincent Bouhier de lieaumarchaîs, Ij. Il est bon do se rappeler que la
financier, intendant de l'ordre du Saint- plupart des auteurs chrétiens ont presque
Esprit de i.^gg à iG3i. trésorier de l'E- toujours tracé des portraits fantaisistes des
pargne. cliérifs du Maroc, un peu par prévention,
2. On lit en marge: « Les Stigmates ». mais aussi beaucoup par ignorance du
3. Moulay-ZidAn, d'après Ei.-Olikàni milieu.
(pp. 4o3 et 4o4), mourut à Merrakccli, 6. Ses (/eux/rcres cadcis: les deux chérifs
le 20 septembre 1627 (g Safar 1087). Il Moulay el-Oualid et Moulay Mohammed
devait avoir environ cinquante ans. <cb-Cheikh cl-Aserjher. Cf. El-Oufràni,
If. On lit en marge: Psal. 5^. a^. p. /|o5.
i58 iGaô-iGag
remar(|uerent qu il avoit une sorte d'inclination pour Louys le
Juste, nostre deffunct monarque'. & ensuitte pour les François :
les principaux de sa Cour l'étoient. On eut sujet de croire que ce
cliani^emcnt donneroit fjuelqne nouveau jour au traité de paix, en
ce qu'on pouvoit ouvertement traiter avec Sa Majesté; car lalcaide
Amar, qui gouvernoit tout, n'eût jamais permis que M. le Com-
mandeur reçeùt le moindre déplaisir. Et puis le lloy, du vivant
même de son père, avoit témoigné son sentiment là dessus,
n'aprouvant point qu'on negociasl cette afaire que dans les ports
de ses Etats; d'oîi ses bons Pères prirent sujet décrire au Père
Joseph pour avancer ce traité. 6î se promettoient que, dans la Cour
du roy de Maroque, il ne tireroit en longueur, le Roy étant fort
expeditif.
Les lettres qu'ils écrivirent pour ce sujet finissentavec des paroles
qui témoignent bien que ce n'étoit pas leur interest particulier qui
les rcndoit empressés à la solicitation de cette afaire, mais seule-
ment l'état présent qu'ils éloient obligés de repiesenter. atin de
donner par leurs avis la lumière nécessaire en la cour de France,
outre que l'obéissance les y obligeoit, le R. P. Joseph leur ayant
plusieurs fois commandé d'estre soigneux à luy donner continuelle-
ment des avis sur ce sujet; de plus encor le besoin de plusieurs
qu'ils reconnoissoient sur le bord du précipice, & les retenoient
avec peine. L'inclination que le Prince avoit pour les François
leur étoit un nouveau sujet de creindre qu'il n'en prit à son service,
ce qui ne fût arrivé sans renoncer leur créance.
Le nouveau roy continuoil à témoigner l'inclination qu'il avoit
pour les François: ces bons Pères furent avertis qu'il en vouloit
deux cens. Si cela fût arivé, il ne falloit plus penser au rachapt,
car la pluspart des esclaves étoienl à demi desespei'és par l'excès
de leurs misères. Un mal abat d'avantage par la longueur de sa
durée que par sa violence; quand aussi tous les deux se rencon-
trent, ils font d'étranges ravages. Il y en avoit même qui s'y
exposoient volontairement, ce qui alligcoit plus ces fervensrehgieux
I. La relation du P. l'rançois d'Angers Louis XIII puisque le premier imprimatur
dut être écrite au moment de la mort de est date du 20 juin i643.
IIISTOIUK nii L.V MISSION DES 1>1>. CAPUCINS VU MAROC lOf)
(|iie toutes les disettes, ik ne pouvoient comprendre comme il étoit
possible de nen voir pas un ([ui eût assés de cœur pour soufrir
un souflet pour l'amour de Jesus-Christ. Ces bons Pères ne furent
pas privés des preuves de la bienveillance royale; Sa Majesté s'avisa
un jour de leur envoyer l'aire compliment de sa part, ce qu'à peine
on eût creu rencontrer dans un pays si barbare : « qu'ils prissent
courage Â: patience, qu'il ne les abandonneroit ».
Mais comme il avoit des aiaires plus importantes & pressées, il
les oublia, aussi bien que ce projet premier, car ses deux frères
puisnés s'oposoient avec des forces considérables à son établisse-
ment' ; toutesfois il les mit en déroute avec une médiocre armée.
Alors il navoit point de pensée plus présente que pour s'afermir
sur son trône À: régner avec douceur iSc de la gloire, ce qu il ne
pouvoit faire sans peine, étant fort haï. La famine & la peste, qui
augmentoient. ne favorisoient pouit son dessein ; le peuple étoit
sur le poinct de se révolter, faute de bled, dont la charge valoit
jusques à vingt écus. & alloit monter jusques à quarante. & l'orge,
douze; & si on n en Ireuvoit pas. Ses frères atendoient cette oca-
sion pour se déclarer ouvertement, ik les santons'" se fussent mis
de la partie, ce qui eût achevé de tout perdre.
A la vérité, si les afaires de France eussent permis qu'on eût
alors envoyé monsieur le Commandeur, car on n'en demandoit
d'autre, à cause de la haute estime qu'il avoit acquis en ce pays-là,
sans doute on eût fait tout ce qu'on pouvoit désirer avec un présent
médiocre. Le Roy avoit même dit à un de ses favoris qu'il voudroit
que le chevalier de Razilly fût retourné & qu'il luy en eût coûté
dix mille ducats de son épargne, et, parlant à un de ses renégats,
(|ii il luy vouloit donner cinq cents ducats pour etrennes, quand
r Amijassadeur seroit venu.
Il faut avouer que ce prince n'éloit point trompé, d'autant que,
si monsieur le Commandeur fût aproché avec force de cette côte,
il eût donné de la terreur à ses t'unemis. et. s'il eût été trop pressé,
il l'eût rencontré à propos pour s'embarquer avec ses plus pré-
cieuses richesses; aisément il se lut persuadé (|u on luy eût envoyé
I. Sur la n'voUc (le Moulay ol-Oualiil cl Oufhàni, p. lioï) et infra, p. 3t')3, note 3.
'le Moiilny Molianimed <(li-(;iieikh el- .l.sc- 2. Les sanfrias. Siili el-.Vvaclii et tjidi Ali
ijlier contre Moulay .\bil-il-\lalelv, \ . El.- l)cu Moussa, le marabout du Sous.
i6o 1625-1629
exprés. El pour ce il le desiroitavcc passion, se doulaiit du succès
des armes, si on en venoil aux mains.
Les Pères, voyans de si l)elles ocasions pour faire prendre au
traité une heureuse issue, s avisèrent de tâcher à le faire consentir
qu'un d'eux fût venu en France afin d'y travailler. Mais il ne se
trouva aucun qui eût assés de hardiesse pour luy faire cette pro-
position, toute cette Cour n'étant composée que de personnes d'une
naissance basse, sans cœur.
Dieu visita ces bons Pères en ce temps d'une nouvelle atliction.
Tant de misères produisirent enfin de grandes maladies. Le U. P.
Pierre en fut incommodé trois mois entiers, & le U. P. Michel un
peu moins, & à faute de soulagement, le premier fut long-temps
à se remettre. Ce qu'on leur avoil envoyé de France ne leur fut
pas à moitié donné, les marchands en retinrent, &, de ce que même
ils leur envoyèrent, on en déroba encore; 6: eux distribuèrent la
plus grande partie de ce qui étoit arivé jusques à eux. Il mourut
un jeune gentilhomme nommé Boulainviliers', nep^eudu sieur de
Montalet. qui a été capitaine des mousquetons de Sa Majesté; il
avoit été nourry page de M. le mareschal de BrissaC^ & fut aussi un
des enfans qu'il' avoit engendrés à Jesus-Christ. Ilvescut là en ange,
tant ses actions furent innocentes, & sa mort fut autant précieuse
que sa vie avoit été pure. Ils l'avoicnt non seidemcnt gagné à Dieu
dans le monde, mais pour la Religion, où il avait résolu d entrer,
ayant choisi celle de ces bons Pères.
Il est certain qu'ils avoient raison de presser l'exécution du traité
de paix, car le roy de Maroque témoignoit le souhaiter bien fort.
Pour preuve de l'inquiétude qui le pressoit, il demandoit des nou-
velles du futur ambassadeur à tous les François qu'il rencontroit;
& eux, connoissant cette grande inclination, asseuroient tout le
monde que le printemps ne passeroit pas sans que ce bon œuvre
I. On trouve à la Bibl. Xat., Dossiers cation, comme on le voit, ne s'accorde pas
bleus, vol. iiQ. 11° 2r)5j, f. (j ti" : u Fran- avec ce que dit le P. François d'Angers,
(.■ois de Boulainvillicrs, mort au retour 2. Charles de Cessé, duc de lirissac,
de Maroc où il avoit esté captif avec maréchal de France en i5g4, mort en 1G31
le chevalier de Rassilly en iCiag. Enterré 3. Il, entendez: l'un ou l'autre des PP
aux Cordelicrs de Pontoise. » Cette indl- capucins.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC l6l
fût achevé. Et est croiable que lesperance de ce succès retint le
Roy qu'il ne prit les François comme il l'avoit résolu pour les
faire Mores. On remarque qu'il avoit du dessein plus particulière-
ment contre ceux de l'équipage de M. le Commandeur. Il luy en
fut mené un par ses ordres, qu'il tenoit dans son armée depuis un
mois; le Roy luy demanda aussi si l'Ambassadeur viendroit, il
répondit qu'ouy, & à même' prcsenla à Sa Majesté une lettre que
les Pères luy avoient envoyé, qu'ils écrivoient en arabe à Sa Majesté
en faveur de ce pauvre jeune homme, et confirmoient l'asseurance
du prochain retour de M. le Commandeur, & que dans deux ou
trois mois elle recevroit toute la satisfaction espérée. Ce qui ne fut
pas inutile aux François, qui eurent depuis un peu de trêve des
mauvais trailemens ordinaires. Et, sans parler de religion à ce
jeune homme, Sa Majesté luy donna un ducat le renvoyant.
Tout le pays étoit perdu depuis leur prise, comme nous avons
dit; car elle donna tant d'épouvante à tous les marchands de France
autres qu'ils y cessèrent leur commerce '. Toutes les denrées y
étoient au poids de 1 or, (Se y faisoit tellement cher vivre que la
famine étoit presque universelle dans ce royaume. Je laisse à
penser en quelle extrémité étoient réduits les esclaves. Pour ceux
de la prison dans laquelle étoient les Pères, se voyoient à ce poinct
qu'il étoit besoin d'un miracle du ciel, sans quoy ils étoient résolus
à mourir de faim Et ce mal étoit prochain »& inévitable; le Roy
avoit retranché ses libéralités & ne se ressouvenoit plus de ses
ofres Ce qui rendoit encore leur misère plus certaine, étoit de
ne pouvoir retirer des marchands ce peu qu'il leur restoit entre
les mains & qui leur avoit été avancé pour eux^. Les marchands
de ces pays ressemblent à ceux desquels dit S. Jean qu'ils se sont
fait riches de la puissance des délices de Babylone, et se tenoient
loin d'elle pour la crainte de son tourment'.
Avec grande raison ils pressoient le renvoy de monsieur le
1. Et à même, c'est-à-dire: Et en niàmc 3. Les marchands établis au Maroc gar-
tcmps. daicnt souvent l'argent reçu pour le rachat
2. Sur la cessation du commerce que des captifs. V. infra, p. 56l.
les trafiquants français faisaient au Maroc, 4. On lit en marge la référence: Apoc.
V. p. i/i6 et note i. i8. 3. lô.
De Castkies. m. — II
162 i625-i62g
Commandeur pour traiter l'accommodement des deux Couronnes
en ce temps. Outre les asseurances qu'ils avoient du passé, que le
roy de Maroque le desiroit ardemment, tous les jours ils décou-
vroient de nouveaux sujets pour les confirmer dans cette créance.
On leur donna avis que le Uoy avoit demandé à son interprète s'il
avoit les lettres qui luy étoient venues de France. Il en asseura Sa
Majesté, qui luy en fit réitérer la teneur tSc aprit que ce chevalier
faisoit de très-humbles excuses à Sa Majesté de n'avoir pu efectuer
sa parole au temps prefix, & que son roy luy avoit donné de
l'employ dans les guerres civiles de ses Estais pour son service,
& qu'il nétoit pas en état de jîouvoir si tôt obtenir son congé;
qu'à ce défaut il envoyoit ofrir à Sa Majesté quatre mille pièces de
huit, qui étoient là cent mille livres monnoye de France, pour tous
les François captifs dans son royaume, et le suplioit très-humble-
ment de vouloir estre content de celte somme, à cause de la néces-
sité 011 étoit lors la France pour tant de guerres qui obligeoient à
une dépense presque infinie. Le Roy demanda ce que son père
avoit résolu de faire ' ; l'interprète répliqua qu'il avoit eu ordre d'écrire
à un marchand de Mazagan avec qui F. Rodolphe, capucin, avoit
traité pour faire les ofres, en termes qui n'acceptoient ny refusoient
ce présent, afin de reconnoître si ce qu'on promettoit eût pu satis-
faire. Le même receut ordre de réitérer une réponse pareille en ce
sens, & ajouter que celte somme n'étoit sufisanle pour le dédomma-
gement de la moindre des perles que les François luy avoient causé ;
mais le désir qu a Sa Majesté de faire une bonne paix avec la France
luy faisoit sinon oublier lout-à-fail, beaucoup moins considérer ses
inlerests. Nous verrons cy-après l'événement de cette entremise.
Cette histoire seroit défectueuse si je ne declarois comme ces bons
Pères dispensoient le temps en cette prison, leur forme de vivre,
& comme ils y étoient pourvcus. J'ay réservé ce narré à la fin de
celle année, afin de n'interrompre la suite de l'histoire, &. qu'en
celle année ils virent plus de fruicl de leur patience.
Ils dressèrent une chapelle en lieu commode, où ils presentoient
l'auguste sacrifice du corps &: du sang de Jésus, quand ils pouvoienl
I. La lettre de Razilly était adressée à dant la maladie de ce dernier. V. ci-dessous,
Moulay Zidàii ; elle arriva au Maroc pen- p. i^5.
Histoire de la mission des pp. capucins au maroc i63
recouvrer du vin, preehoient, instruisoient les captifs, adminis-
troient les saincts sacrements, i'aisoient souvent des processions
autour de la Cezenne, par le dedans, donnoient le pain & l'eau
bénite les dimanches. Ils disoient les oITices à certaines heures du
jour réglées, chantoient vespres, où les esclaves se trouvoient, à
quoy plusieurs leur aidoient, se levoient la nuict pour dire matines
ensemble, comme les autres heures, employoient chaque jour à
l'oraison mentale, une après les matines, & l'autre au soir après
les litanies de la Vierge, que le R. P. Pierre chantoit, où les captifs
assistoient. Ils n'oubLioient pas les disciplines acoutumées en leur
Ordre. Bref ils vivoientlà avec une régularité aussi exacte en toutes
les observances que dans les convents fermés.
La charité, qui est comme un feu, se dilate à mesure qu'elle
rencontre de la matière propre à nourrir ses flammes. Celle de ces
Pères étoit toujours agissante. La pluspart de ces pauvres captifs
fût mille fois morte de faim sans le soin continuel qu'ils en
prcnoient. Il y avoit des esclaves françois de Marseille, qui vivoient
hors la Cezenne, pource qu ils avoient donné caution, ainsi éloicnt-
ils plus accommodés & avoient plus de moyens pour pourvoir à
leurs besoins, soit par leurs amis, par leurs travaux & industries.
Les Pères s'adressoient souvent à eux afin d'en tirer des libéralités,
que puis après ils ménagcoient et dispensoient entre les esclaves,
selon les besoins. Il y avoit aussi des marchands qui leur donnoient
quelques aumosnes. Et, comme s'ils eussent ignoré que c'eût été
pour eux, ou qu'ils n'eussent pas senti leurs nécessités, ou qu ils
les eussent oubUées, ils partageoient aux plus pressés, sans consi-
dération des personnes, ny des qualités, comme asseurent ceux qui
ont été sur les lieux, qui l'ont apris des esclaves. Maisencor étoit-
ce fort peu pour une si grande multitude.
Avec ces soins ils en préservèrent plusieurs qui eussent renoncé
leur créance. C'est pourquoy ils s'y engageoienl d'autant plus
volontiers qu'ils sçavoient que le salut de leur prochain y étoit
comme ataché. Ces charitables religieux se privoient volontiers de
leurs soulagements, afin de sacrifier leur interest à l'exemple du
Sauveur, pour aider à leurs frères Aussi ces pauvres Pères
étoient contents, pour tout mets, d'herbes cuites avec du sel & de
l'eau, fort peu de pain ; ôc ont ainsi passé presque tous leurs repas
l^j!^ i025-ifi2()
depuis que le roy de Maroque eut retranché le peu de viande qu'il
leur donnoit au commencemenl.
Ainsi firent ces hommes apostoliques ; ils joignirent leurs soins
charitables avec leur vie exemplaire pouratirer au service de Dieu
plusieurs âmes entre ces captifs, qui vivoient avec dérèglement,
méprisant leurs remontrances, changeant par une très-mauvaise
habitude la douceur de leurs conseils en venin. Ils se moquoient
de ces bons Pères, leur laisoient la moue des lèvres, & hochoient
contre eux la teste, & commirent au préjudice du respect qui leur
étoit deu, de l'obligation qu'ils leur avoient, plusieurs insolences
indignes de François & de Chrestiens, que je n'oserois publier,
tant elles sont pleines de honte. Il me semble entendre S. Ignace,
qui disoit de ceux qui le conduisoient au suplice à Rome, que plus
il tàchoit à leur faire du bien, de tant plus ils le maltraitoient. Plus
ces Pères obligeoient ces esclaves, leur insolence croissoil, 6c ariva
jusques à l'excès de fraper le R. P. Pierre. La douceur de leurs
remontrances, aussi bien que leurs services, avoit été jusques alors
inutile.
Et Dieu, qui seul peut changer les cceurs, qui les laisse endurcir
pour les rendre maniables, tk, comme le potier qui a la puissance
de faire d'une même argile des vaisseaux destinés à des usages
honnestes, ou des vaisseaux préparés pour des services honteux,
fit une merveille digne de son pouvoir aussi bien que de sa bonté.
Ces espris farouches s'adoucirent, & comme les Corinthiens à
5. Paul, il leur fit porter les marques de 1 apostolat de ces mission-
naires.
Car reconnoissant enfin la vertu de ces excellents religieux, ils
changèrent de mœurs, changement qui commença par une confes-
sion générale, À: le progrès fut d'une pieté exemplaire, de sorte
qu'aucuns d'entr'eux achevèrent heureusement leur vie dans cette
captivité & rendirent leurs âmes à Dieu purifiées dans leurs larmes
6. les maux de leur esclavage, entre les bras de ces charitables Pères.
Ainsi possederent-ils leurs âmes, & celles du prochain, par la
patience, & en bien faisant, surmontant le mal par le bien, selon le
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC l65
conseil apostolique. Par ces moyens, ils ont maintenu les autres
& empesché quils n'abandonnassent leur foy.
Après tout, le zèle ardent de ces Pères, comme le feu, ne disoit
jamais que ce fût assés, ils ne faisoient pas tout le profit qu'ils
eussent souhaité, & qu'efectivement ils eussent fait, si la liberté de
sortir leur eût été permise, étant renfermés dans une prison séparée,
avec tous ceux de l'équipage de monsieur le Chevalier', & n'avoient
de communication avec les autres esclaves, quoyqu'ils en fussent
proches, resserrés dans la prison commune. Il leur étoit besoin
d'une permission pour y entrer, & ne la pouvoient avoir que pour
de l'argent, que les esclaves fournissoient. Ainsi ils n'v entroient
que rarement, »k quand cela arivoit. ils y prechoient en public,
consoloient les particuliers, & confessoient ceux qu'ils trouvoient
disposés, & tâchoient en ce peu de temps qu'on leur permettoit faire
beaucoup de besoigne.
1628-
Les généreux sentimens que ces deux braves champions du Cru-
cifié avoient entre les différentes ataques de tant de maux & de si
longue durée, avec lesquels ils saluèrent le R. P. Joseph comme
pour les etrennes de ce nouvel an, m'en font commencer le narré
& de leurs avantures par ces paroles du grand S. Paul, le modèle
acomply de tous les missionaires : Que Dieu soit à jamais beny,
qu'il soit adoré & loué de toutes les puissances de nostre ame. Nous
luy devons cet hommage pour plusieurs raisons : car, outre qu'il
est Père de Nostre Seigneur Jesus-Christ. il est le Père des miséri-
cordes & le Dieu de toute consolation, qui nous guérit d'une main,
s'il nous blesse de l'autre, & ne nous envoyé point de tribulations,
qu'il lie nous donne de nouvelles forces pour les suporter^ S'ils
I. Il résulte de ce passage qu'il v avait 2. Cotte date est placée en marge dans
à Morrakech deux [)risons d'esclaves chré- l'édition princeps.
tiens, d'où était venue l'expression de '6. Allusion faite de mémoire et sans
« petite cezenne » appliquée à l'une d'elles. référencée un passage de saint Paul. Pour le
V. p. 169. texte exact, V. II Cor. I, 3, etc.
i66 1625-1629
n'écrivirent ces paroles, au moins luy en mandaient le sens,
l'onzième janvier.
11 arive souvent à nostre honte que la nécessité nous contraint de
faire ce que la raison ne nous avoil pu persuader. On en voit
la preuve au roy de Maroque pressé des afaires de son Etat, qui
luy donnoient une juste aprehension dune guerre civile au pro-
chain printemps ; [elles] le firent résoudre à se contenter des
ofres qu'on luy faisoit de France, qui étoient cent mille francs, que
F. Rodolphe, capucin, avoit proposées; et consentit de plus
qu'on traitât cet acommodement à Mazagan. quoyque cette ville
soit à l'Espagne.
Ce changement étonna iS: réjouit tout ensemble ces bons Pères,
pource qu'ils ne s'y atlendoient pas & que cela rendoit le traité plus
facile & plus prompt. Aussi en donnerent-ils avis, afiu que Ion
prît icy les moyens nécessaires pour avancer ce négoce, crainte d'un
autre changement. Le péril manifeste du salut de tant d'âmes rendoit
leur zèle agissant, à ce qu'on ne laissât échaper une ocasion qui se
presentoit delle-mème ».V que l'on avoit recherchée.
Les soufrances acabloient les esprits foibles par une longueur
importune >k leur faisoient prendre des resolutions oposées à leur
salut. On ne croiroit pas aisément les peines que prenoient ces bons
rehgieux à les retenir en l'état de pouvoir rendre à Dieu ce dont ils
luy étoient redevables comme chrestiens Ce qu'ils faisoient
n'étoient pas remèdes pour leur guerison parfaite (le mal étoit
presque invétéré en plusieurs), mais seulement quelques lenitifs,
pour relever un peu les espérances abafues de ces pauvres captifs, les
asseurant de jour en jour qu'on ne tarderoit pas. >k qu'enfin ce qu'ils
attendoient depuis un si long temps étoit sur le point de paroître à
leur contentement, puis qu'on y travailloit sans relâche.
Si le travail de ces Pères n'avoit pas autant deficace pour ces
âmes conmie ils eussent désiré, en revanche ceux qui étoient dans
leur même prison leur donnèrent un grand sujet d'alegresse. Leur
persévérance dans une resolution véritable de vivre & de mourir
HISTOIRE TiF. LA 'MISSION DES PP. CAPUCINS AV MAROC I Gy
avec une conformité entière à la volonté divine étoit comme la
recompense de tant de soins & le repos à leurs fatigues.
Depuis deux ans la famine fil le degat dans le royaume de
Maroque. la terre qui y est peu fertile & le trafic qui y avoit cessé
l'y entretinrent tout ce temps. Plus de sept mille familles entières
quittèrent la ville pour fuir celte sanglante persécution. Elle fit
mourir des Mores i^ des Juifs sans nombre, et. ce qui est plus déplo-
rable, elle contraignit les femmes qui avoient de la réputation à la
honte de leur prostitution, qui voulurent résister à sa violence, pour
un morceau de pain.
La nécessité publique de ce pauvre royaume, jointe à l'expérience
qu'avoient ces Pères de la foiblcsse de plusieurs François & Espagnols,
leur donnoit de justes craintes que ce malheur ne s'achevât en la
perte de tant d'âmes.
Ce fut avec juste raison, d'autant qu'au commencement de cette
année, le 9. de mars, le roy de Maroque fit représenter une tragédie
en sa présence aussi triste qu'aucune qui se soit passée en ce pays-là.
Je n'en ay pu rien découvrir de particulier. Le R. P. Pierre écrit
seulement qu'il n'a osé en exprimer les actes, qui eussent sans doute
atendri les cœurs, & que la prudence ne luv permet autre chose,
sinon asseurer que plus de trente Cliresticns furent séquestrés,
afin de renier la foy ; que de deux religieux, l'un françois de l'ordre
S. Dominique', l'iil tout couvert de playcs & en rechapa glorieux
par miracle (il éloit jeune); l'autre, espagnol, qu'on nommoit le
P. Jean Coiral', prestre de l'ordre S. Augustin, fut constant à
répandre son sang pour le nom de Nostre Seigneur & mourut après
1. Probablement le Krère Pierre Morcl cliérif. Juan dol Corral, ayant écrit de Mer-
de Rouen. V. infra, pp. 38o et 38l. rakcch à ses supérieurs pour témoigner de
2. Jean Coiral. le P. Juan dol Corral, son repentir, obtint de rentrer dans l'ordre
né à Soria (Espagne), religieux de l'ordre des Augustins. Cf. Mémorial de esta Santa
des Augustins. .Vvant quitté les Augustins, Provincia île San Dietjo, f. 45 v" ; Fk. Fkan-
il s'embarqua pour l'Italie, mais le navire cisco dp. S. Ji'as del Puerto, M(ssio« /u'sto-
sur lequel il se trouvait fut pris par les Bar- rial de Marruecos, lib. II, cap. xxii ; Castel-
baresques et le capitaine corsaire l'odrit i.axos, Apostolado Serajico, pp. 25i-25.");
comme esclave à Moulay Abd el-Malck ben Godard, pp. .'198-A99 et infra. Doc. L,
^idAn, au moment de l'avriiement de ce pp. 38o-38i,
i68 ifiaô-ifiag
plusieurs blessures . Tous les autres Chrestiens, épouvantés de l'hor-
reur des cruautés présentes, protestèrent de paroles qu'ils étoient
Mores, à la reserve d'un nommé le capitaine Paul Imbert, de
Sainct-Gilles en Poictou ', lequel resta ferme en sa créance, cjuoy-
qu'il receût trois coups d'épée. Je conjecture qu'il éloit de l'équipage
de monsieur le Commandeur".
Il est vray que, parmy l'affliction incroyable que receurent ces
deux véritables serviteurs de Dieu, lorsqu'ils entendirent la clieute
de tant dames toutes à la fois, il pleut à sa bonté les consoler, en ce
que ces pauvres âmes abatucs se relevèrent par la lecture des lettres
qu'ils leur écrivirent; de sorte qu'excités d'un nouveau feu, ces
pauvres navrés restèrent trois jours entiers dans le champ de bataille,
s'ofrant avec courage à la mort pour 1 expiation de la faute commise,
desavouant lâchement de bouche celuy qu'ils adoroient dans leurs
cœurs.
Cela se passa sur les Chrestiens de la Cezenne ou grande prison,
si proche de la petite, dans laquelle étoient enfermés les deux Pères
capucins, qu'ils entendoient aisément les cris lamentables de ces
innocentes victimes, sans leur pouvoir donner autre secours que
celuy de leurs larmes ik de leurs oraisons continuelles.
Enfin nostre bon Dieu, qui mortifie & vivifie les siens selon qu'il
luy plaist, retira ces Chrestiens del'ocasion par un efet de son amou-
reuse miséricorde. Il permit que pour cette fois ils fussent ramenés
dans la prison, afin de se préparer par un renouvellement de vie à
mieux résister aux futurs assauts qu'ils n'avoienl fait aux passés.
Un mois après, le 2 d'avril, le Roy se trouvant en meilleure
1. Aiijourd'liui Sainl-Gilles-sur-Vie, avant la date (octobre 162/I) à hiquoUe Isaac
petit port à 3^ kilomètres au nord des de Razilly y vint lui-même pour la seconde
Sables-d'Olonne. — Sur Paul Imbert, cf. fois. On verra plus loin Relation de. Thomas
infra. Doc. XLIII, p. 324 et Doc. CXXIX. Le Gendre, p. 708) que Paul Imbert était
Relation de Thomas Le Gendre, p. 708 et allé à Tombouctou avec son maître le caïd
note 2. Ammar. Or c'est le iS mars 1618 que ce
2. Cette conjecture du P. François dernier, envoyé au Soudan par Moulay
d'.\ngers semble peu fondée. Le capitaine Zidàn fit son entrée à Tombouctou. Cf. Es-
Paul Imbert devait se trouver au Maroc Sadi, Tarikh es-Soudan, pp. SSg-S^o.
HISTOIRE nF LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC I fif)
humeur contre son ordinaire (car il étoit cruel comme un autre
Néron), il envoya queiir les deux Pores capucins a^ec leurs compa-
gnons esclaves, c'est-à-dire ceux de la petite Cczenne. Avant receu
cet ordre, ils creurent qu'on leur en vouloit autant faire qu'aux pre-
miers. C'est pourquoy le R. P. Pierre, avec sa ferveur ordinaire,
animé de son zèle apostolique, s'excita, comme un éléphant à la
veue de son sanir. >^ les encouragea tous par un discours qu'il lira
de S. Paul, qui sentoit desja le martyre.
Ainsi disposés, ils partirent de la prison avec une joye incro\ahle.
Tous les Chrestiens >k les Mores qui les virent passer jugèrent
qu'en efet ils aloient à la boucherie. Mais Dieu en disposa autrement,
car le Rn\ les receut avec un si gracieux accueil qu'ils en furent
ravis d'étoiinement. Us le saluèrent tous avec le respect deu à la
majesté d'un grand monarque. Ce prince à l'abord leur donna
liberté de parler. Il interroga le II. P. Pierre s'ils avoient receu
des nouvelles de France & si on ne vieudroit point traiter de leur
délivrance, comme on avoit promis. Et après plusieurs témoignages
du désir qu'il avoit du retour de ^I. de Razilly ou de quelcpi'autrc
ambassadeur de cette qualité, pour terminer le diferenl qui étoit
entre les deux couronnes, ils confirmèrent au Rov le sujet du retar-
dement dudit sieur, comme il étoit employé dans l'armée que le Roy
avoit contre l'Espagne ik l'iVngleterre. Ce mot d'Espagne luy toucha
le cœur d'aise, d'entendre que le roy de France faisoit la guerre à
son ennemy. 11' ajousta que, la paix faite, il' ne manqueroit de
demander congé pour achever ce traité tk effecluer la parole qu'il
avoit donnée au feu roy Molezidan son père, & qu'ils en avoient
receu lettres depuis peu de jours.
Entre plusieurs questions que ce prince proposa au R. P. Pierre,
fut si sa loy permettoit de tuer un roy tyran. Le Père répondit
quéloignée de ce conseil damnable, par un sentiment contraire,
elle conseilloit de leur rendre respect & obéissance, non seulement
par cérémonie ou civilité, mais par devoir ik obligation de con-
science, & recommandoit de faire des prières pour eux. Ce prince
I. //. c'est-Ji-diro : l'un fins Pères. ■>.. II. c'fst à-diro : Razillv.
lyo iGaB-iOag
témoigna prendre plaisir à ces réponses, & le présent qu'il leur fit
servit de preuve à la satisfaction qu'il en avoit receu.
Car s estant enquis de leur traitement, après avoir sceu d'eux
l'extrême besoin qu'ils enduroient avec celte comjjagnée, il se fit
aporter une boële pleine de ducats, d'où il tira jusques à cent, puis
dit au Père qu'il ouvrît sa main, les voulant mettre dedans. Ce
que le Père refusa, disant qu'il ne luy étoit permis, de cjuoy ce
prince fut étonné ; mais un renégat luy dit que ces religieux ne
manyoient jamais d'argent & fuyoient les femmes, ce qui accreut
son étonnement, & avoua cjue les siens n'étoient pas de même.
Alors le R. P. Pierre, qui atlendoit une occasion pour parler
de la religion, prit la parole & dit qu'aussi n'étoient-ils pas reli-
gieux ; qu il n y avdit qu une seule & vraye religion, qui étoit la
Chrestienne, Catholique, Apostolique & Romaine. Le Roy repartit
qu'il desiroit faire venir un de ses rabbins pour disputer de la foy
avec eux. Le Pcre répondit que cela luy seroit une faveur singu-
lière & qu'd n avoit point de désirs plus pressans que d'en venir
là, en la présence de Sa Majesté, pour luy faire connoistre la vérité
de la foy chrestienne, & s'offrit d'entrer dans le feu pour maintenir
sa créance, qu'il assemblât les plus sçavans de son royaume, &
Sa Majesté en verroit la glorieuse issue, avantageuse à la religion
qu'ils professoient'. Cetteferventc proposition estdans les mémoires^
d un homme d honneur, qui lavoit aprise sur les lieux des esclaves
enfermés avec les Pères". Le Roy ne refusa point ces offres, il
témoigna de les agréer, asseuranl qu'il y aviseroil : & cependant
luy fit étendre un côté de son manteau, dans lequel il jetta son
présent, pour aider à vivre attendant leur rachapt ; commanda
qu'on le remenàt en prison'. Quand à la dispute, le Roy en fut
diverty par ceux de son Conseil. Ainsi ces Pères furent privés de
l'espérance qu'ils avoicnt conceue de faire ou d'endurer quelque
chose pour la gloire de Dieu & le salut de ses infidelles. Pour
l'argent, ils le déposèrent entre les mains de quelqu'un, qui le
garda, & en achetoit ce que le R. P. Michel luy ordonnoit, selon
1. Qu'ils professoient : cntondez : que les sont une des sources du récit.
PP. capucins professoient. 3. Sur cette comparution des PP. capu-
2. Ces mémoires ainsi que ceux cités cins devant Moulay Abdel-Malck, cf. infra,
plusieurs fois par le P. François d'Angers Doc. L, p. 38o.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AL MAROC 1~I
le besoin de fous leurs compagnons en gênerai, & en particulier
de ceux qui étoient en plus grande nécessité.
La condition de 1" homme est étrange, qui rend les roys sujets à
des ibiblesses, aussi bien que les moindres : en voicy une bien
sensible. Ce prince étoit fort yvrongne', &, dans son yvresse, il
commettoit des cruautés de foute sorte, dont il étoit déplaisant
après le mal passé. Une nuict, en ce honteux étal, il sortit de son
palais, suivi de quelques renégats, compagnons ordinaires de ses
dél)auches, il s'en alla à Ihostel de l'un de ses parents, & l'ayant
fait appellcr, il le tua de sang-froid, le laissa ainsi étendu mort sur
le seuil de la poI■te^ puis se rendit à la prison des Pères, les fit
appeller pour leur en faire autant, comme il est à croire; mais le
concierge, voyant le Roy en si mauvais état, craignant plus son
propre péril que celuy des bons religieux, ne répondit point. tS: le
Roy, contre son humeur ordinaiic, qui le rendoit opiniâtre à tout
ce qu'il entreprenoit, changea d'opinion en un instant & s'en
retourna sans répliquer. Ce fut un ciel de la divine Providence,
qui ne permit pas que ces bons Pères mourussent encor, leur pré-
sence étant nécessaire pour le maintien des esclaves.
La bonne odeur de leur vie n'étoit pas seulement ressentie des
Chrestiens, mais, comme d'un baume précieux, elles étenditjusques
entre ces Barbares, qui, en leurs plus grandes aflictions & autres
nécessités, se faisoient recommandei- à leurs prières, la mère
inesme de celuy qui succéda à Al)delmclech ; vray est qu'elle
avoit connoissance de nostre religion, étant l'une des Morisques
chassées d'Espagne ^
Sans faire de reflection sur la honte i!v; le blâme que meritoit ce
prince pour ses débauches excessives (aussi n'est-ce pas mon
dessein), je dire que c'étoit grand dommage qu'il fût sujet à ce
défaut. Il avoit une haute estime de Louys le Juste, tant pour sa
pieté que pour sa valeur, & par inclination il le prefeioit à tous
les monarques de l'Europe. Aussi éloit-il vaillant, généreux &
I. (( Ce prince faisait abus des liqueurs Moul.nv el-Oualid, le successeur de Moulav
fermcnlécs. » El-Oufkàni, p. 4o5. .Midel-Malek, est montionnéecgalemeulpar
•X. Sur ce meurtre, cf. p. 382. .lolui Harrisou. V. /'''Série, .\npleterre,
3. Cette origine morisque de la mi're de Hclation t/c .Inlui llarriann, !.') juillet iG3i.
172 I620-I629
redouté par loule la côte de Barbarie. 11 Icnoit lors la campagne
pour empêcher les soulèvements & les révoltes des mutins.
Le cinquième may, un vaisseau de Maiseille partit du port'. Ce
fut la première ocasion qui se présenta après ces bonnes & mau-
vaises avanlures. Les Pères s'en seivirent pour donner les avis
nécessaires au R. P. Joseph, afin de l'obliger à redoubler ses
soins, pour voir enfin l'efet achevé de la négociation commencée,
l'asseurant de la bonne volonté du Roy par les efets susdits, & que
Dieu leur avoit envoyé ce secours" par une espèce de miracle, étant
tous à l'extrémité.
Il est vrav que cet aide leur servit à tous, non pas pour remé-
dier à la misère, puisque ce n'en fut qu une étendue; toutesfois
ces pauvres captifs en receurent quelque respit, pour attendre avec
moins d'inquiétude ik plus de tianquillilé d'estre redimés de cette
vexation. Et à vray dire, il étoit bien à craindre qu'après ce calme,
car l'accident de la nuicl ne lavoit qu'interrompu, le Roy n'excitât
en efet un furieux orage (on sçait assés qu'une patience irritée se
change en fureur) si l'année se passoit sans que l'on efectuàt une
chose tant de fois promise & si longtemps attendue.
La nature en ces pauvres captifs, afoiblie de tant de peines, ne
put plus résister, elle succomba enfin aux mauvaises humeurs
amassées de si longtemps, qui, fortifiées de la corruption de l'air,
firent une révolte entre elles. En un mot la maladie se mit dans
ce petit troupeau, qui augmenta leurs autres incommodités. Il en
mourut quatre, entre lesquels étoit le sieur d'Aunay, de Paris; &
une partie de ceux qui restèrent fut aussi malade, ce qui servoit de
nouvel exercice à la charité 6: à la patience de ces Pères. Mais le
pis est que les esclaves de la grande Cezenne n'avoient pas moins
besoin de leur secours que ceux-cy, & n'en pouvoient recevoir,
n'étant permis aux Pères de les visiter, sinon rarement, & encor
avec de l'argent. Aussi étoient-ils tellement désespérés qu'il n y
avoit aucune raison capable de les remettre. C'étoit pitié de con-
noître en dettail leurs misères. Ces Pères ne les osoient exprimer
dans leurs lettres, ci-ainte qu'on ne les crût exaggerées.
I. Du pnri, du port do Safi. venait do leur donner Moulav Abdel-Mulck.
t. Il s'agit du secours en argent que V. supra, p. l'jo.
HISTOIUE DE LA MISSION DES PP. CAPLCINS AU MAKOC I ^3
Au commencement du mois d'aousl, en la saison plus échaufée
de 1 an, la colère du loy de Maroque commença d'être émeue,
portant avec grande impatience le retardement qu'on causoit à sa
satisfaction. Il résolut de faire Mores tous les Chresliens captifs ou
de les faire mourir. Voilà enfin l'heure funeste de leur attente : je
laisse à penser si cette nouvelle fut agréable à ces deux véritables
serviteurs de Dieu & à ceux qui avoient juré de mourir avec eux
pour le soutien de la cause de Dieu en leur crovance, >k combien
elle alligea ceux qui cherchoient toutes les (jcasions pour sortir de
leur misérable captivité. ÎNeanmoins, les uns & les autres furent
trompés, ce dessein ne réussit pas pour lors, le Roy étant contraint
de retourner promptement à son armée & presque au même temps
qu'il eut conceu cette resolution. Ces ehangemensles faisoient tou-
jours tenir en cette attente, n'y ayant de loy en ce pays que la
volonté du prince. Jamais aucun des siens, pour favori qu'il soit,
n'a assés de hardiesse pour luy contredire.
En ce temps un Chrestien. désespéré de se voir si longtemps
captif, proposa de faire enfin banqueroute à Dieu par celle de sa
créance, pensant treuver plus de plaisir & d'utilité en la secte de
Mahomet qu'en la vraye religion, dans laquelle il avoit été élevé.
Dieu, qui veille au salut des âmes, t.V qui n'en soufre la perle sans
regret >S: tâche de les ramener dans le droit chemin de la pénitence,
permit que cette lâcheté fût connue du R. P. Pierre. Comme il
étoit prudent, il se servit d'une grande adresse pour anéantir le
dessem pernicieux de ce misérable. Mais, au lieu de tirer avantage
des sainctes inventions de ce bon Père, comme laraignée convertit
tout ce quelle mange en venin, il se laissa de sorte posséder à la
rage qu'il chercha le moyen de le faire mourir: « Ta demeure est
au milieu de la tromperie, ils ont parfraude refusé de meconnoître'. »
C'est le leproche de Dieu aux mauvais, comme étoit celuy duquel
nous parlons. Ce que j'avoue de plus étrange fut qu'il inventa des
impostures exécrables contre luy afin de pouvoir achever son
malheureux projet avec plus de liberté.
L'exécution de ce mauvais {)rojet luy étoit d autant plus aisée
I. JùnJmic. IX, 6.
qu'étoit grande sa fnalIr;o, aidée de ce qu'en ce païs il n'y a point
de justice pour examiner avec forme la vérité & la séparer du men-
songe. Le prernifîi' qui se pleint gagne sa cause, & ainsi l'acusé est
condamné sans autre preuve, coupable ou non. Dieu, qui est pro-
tecteur fiflel de l'innorent, conserva celle de ce lion Père, que l'on
pretiii<loit injuslenient (jpiimer, en celuy qui s'engageoit si avant
dans les intérêts de sa gloire, par un elfil illustre du ressort de sa
puissance, comme i}i\ ouvrage digne de sa droite. Sur ce point que
ce mauvais homme devoil donner l'éclat à sa ('(juspiralion, iJieu
ouvrit les yeux de son âme à ce qu'à la faveur de sa lumière il
reconnût sa faute, & à môme frappa son cœur de regret de l'avoir
jamais conceue, & ce coup fit sortir des larmes de ses yeux.
Quoyque je n'aye produit (|ij'ijri exemple qui touche seulement
le l'i. I*. Pierre, si est-ce que mes mémoires disent en gênerai qu'en
d'autres occasions tous deux ensemhle ont soudert des maux
extrêmes par la malice des hommes & l'invention du diable.
Ainsi afermis, ils ne craignoient pas les orages (pji cho(pjoient
leurs interests. mais leur [)lus sensible déplaisir éloit le péril eminent
de l'apostasie des Chresticins, & entr'aulres <les François, descpjcls
quantité, mesrnc de 1 équipage de M. le Commandeur, se rendirent
enfin Mores, à la moindre semonce ipj on Ir-iir en (it de i;i part du
Itoy. Voilà qu'il l(!ur ariva ce qu'ils craignoient tant; c est le peu
d'assurance qu'il y a aux paroles des hommes; c'est la faiblesse de
leur esjirit tSc jusques où va l'excès de leur amour-propre. Je ne
puis mieux donner à connoislrele zèle, à ce propos, decesexcellen»
religieux que jjar eux-mêmes. Et, si j'^ m; le |)roduis pas autantde
fois que) en rene(jntre les éclats, au moins je le dorme à reprises,
à mesure que les nouveaux sujets m y engagent.
J'ai rencontré une lettre du aO d'aoust de celte année, qu II
[le l'i !', Pierre] écrivoit à monsieur le Chevalier, dans laquelle
il prédit sa mort prochaine en termes exprès, l'asseuranl que l'hyvcr
suivant ne passera pas qu'il ne meure avec ses compagnons, & dit
que si quelqu'un rechape, cpie ce sera par une fort spécial*; provi-
dence de Dieu, comme de vray il est arrivé, & semble que Dieu n'en
HISTOIIIK Di: LA MISSIOA- DES I>P. CAPl CI>S Al MAltOC I -,(
ail conservé ce peu, sinon pour faire connoîlre la vertu exceUenlede
ces nouveaux aposlrcs d'Afrique.
I.e rov de Maroque, lassé de tant de remises \ de promesses
saiisefet, quinavoil même receu iellrcsny du Hoy, ny de monsieur
le Chevalier, sinon celle qui ariva pendant la maladie mortelle du
]\o\ son père', ik lacpiellc par malheur fut inutile à cause de celte
mort, iS: qu à son avènement à la couronne il eut des afairesqui luv
en emprcherenl le souveiiir: de sorte que ce jeune prince, plein
d honneur A; de courage, creut <pie les espérances dcscpjeiles ces
hons l'eres l'avoientenlrelenu si longtemps choquoient lun «Se l'autre,
et dans ce sentiment il protesta à l'un de ses mignons qu'il en
vouloil voir une fin. faisant tous les Chre^tiens Mores.
Il est certain qu'il n y eût pas eu grand peine en plu.sieurs, les-
quels y avaient de la disposition, lassés d'attendre une liherté ima-
ginaire, croyant la rendre veritahie par ce moyen. Beaucoup d'entre
eux, picqués contre ces pauvres Pères, nienassoient de les perdre
en les envelojiani dedans leur propre ruine.
Mais ces deux esprits généreux s'afermissoieni dans les épreuves.
Leur patience a plus paru dans les rencontres qui l'ont voulu ahatre,
A; l'ingratitude a fait redouhler leurs services; plus ils ont reconnu
de foihiesse dans la vertu, il> ont d'avantage travaillé pour la forti-
fier, ils ont vaincu la malice fiar leur fermdi' : \ iciir- soin^ cii ont
éludé les artifico.
Ils ne les épargnèrent pas pour surprendre les lettres que quelques
ca|>tifs ('crivoieiil pour se déclarer Mores. \ empèchoient par leurs
amis que le Ho\ n en eût la cofmois.sance. Ce qui en efet leur réussit
avec grand heur plusieurs fois. Dieu henissant leur dessein qui
n a\oil pour ohjet d'autre principe sinon lâchante. Ce qu'ils eussent
loujf)urs continué, si le Roy. de son mouvement, ne se fût avisé de
mander les captifs l'un aprfcs l'autre; ce qui fit résoudre ces hons
Père» à lever les veux \ les mains au ciel, par continuelles «.V; fer-
ventes oraisons, pour recommander à Dieu la nécessité qui étoit
I V. {>. iCi cl iiulo I.
I-fi I625-I629
présente & pressante de tant d'àmes en péril d'un naufrage éternel.
Ce n'est pas sans sujet, comme on peut connoitre, qu'ils avoient
tant solicité pour l'envoy de M. le Commandeur ou de quelque
autre, ou à tout le moins d'une lettre de Sa Majesté en faveur des
Chrestiens. Car, outre les dispositions qu'ils remarquoient en ce
prince, qui eussent rendu le traité de paix plus facile, les misères se
multiplioient en ces pauvres captifs. Et pource que les habitans de
ces côtes les crevn-ent estre abandonnés de tout secours, chacun se
retira d'eux, &les marchands chrestiens, qui quelquefois les avoient
aidés, refusèrent depuis de les secourir. Les Percs mêmes & les
gentilhommes qui restoient perdirent leur crédit; on ne leur voulut
plus rien avancer, voyant leur liberté désespérée, aussi bien que le
retour de monsieur le Chevalier. Ceux qui étoient en avance ne
pouvoient estre remboursés, & ces plaintes rctenoient les autres de
s'y engager. Et pource que les Pères ne recevoient aucune nouvelle
de France, que l'on sçavoit là estre en guerre, ils la jugeoient en
mauvais état, veu qu'on n'en mandoit rien, croyant bien asseure-
ment que la jjrosperité eût été publiée.
Le roy de Maroque étoit, ce mois d'aoust. en la campagne vers
Saphy, près l'isle de Mongador, en dessein d'y faire un port qu'il
pretendoit fortifier. On tira trente Chrestiens de la Cezenne pour
les y conduire, afin d'y travailler. Ces pieux Pères apiehendoient
bien fort qu'au retour de là il n'execulât sur les Chrestiens ce que
les ocasions pressantes de son Estât l'avoient obligé de diferer. Il
est vray que si M. le Commandeur fût lors arivéà cette côte, tandis
que le Roy étoit si proche de la mer, il eût encor remporté une
heureuse & prompte issue de son traité.
Les frères de ce prince avec les méconlans pensoient à son nou-
vel avènement luy donner de la peine, mais il les rengea & se fit
rendre obéissance de tousses sujets, ce qui leur imprima le respect
& la crainte, de sorte qu'il étoit redoutable par tout son royaume
& regnoit en grande paix avec beaucoup de douceur. Il étoit fort
civil, qui ne vouloit estre vaincu par courtoisie'. Aussi est-ce le sujet
I. Ces détails sur le caractère de Woiiloy contraires aux portraits que les liisloriens
Abd el-Malok ben Zidùu sont absolument ont tracé de ce prince. Ils sont d'ailleurs en
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC l'y
que les Pères avoient de faire instance pour obtenir une lettre de Sa
Majesté Très-Chrestienne.
Une puissance irritée est redoutable. Les rois sont comme les
foudres qui n'employent leurs efforts que contre les corps qui leur
font de la résistance et se contentent de toucher ceux qui fléchis-
sent sous leur pouvoir. Ainsi Esther baise lextremité du sceptre
d'Assuerus.
Ce monarque afi icain fit avouer cette première vérité. Car enfin
sa patience lassée par quatre aimées, croyant que son honneur étoit
blessé par un manque notable <k public de parole, résolut, au
retour de ce voyage, de faire, comme jay dit, tous les Chrestiens
esclaves mores ou de les faire cruellement mourir. De quoy les
Pères furent avertis.
Si ces nouvelles leur touchèrent encor le cœur d'allégresse, je le
laisse à penser.
Ils jugèrent qu'il étoit à propos de taire passer la mer à leur joye,
donnant avis du sujet qu'ils en avoient, premièrement au R. P.
Joseph, qui les avoit envoyés, en qualité de Commissaire Apostolique
des Missions Etrangères, ce qu'ils firent par une lettre du 3 octobre ',
quatre ans après leur arrivée en ce païs-là. Elle est signée des deux
PP., ce qu'ils n'avoient encor faict. Ce qui étoit un présage de
leur prochaine union dans le Ciel. J'en propose la copie toute
entière, rpie jay prise dans l'original, comme jay fait des autres.
Lettre des IM*. IMkhue d'Alen(;o.\ et Michel de Vezins
AU p. Joseph.
Aucune inlcrvcntiim de lu Fninrc ne s'étanl pruilnile. les ntniheurs préi'us
sont .sur le point d'orrircr. — Ils ont été prérenus tpte le dliérif allait
COI itrailic lion avec ce qu'a l'crltlel*. l''raii(,"ols nt's ici par le I'. l'Vançois (l'Angers sont lires
dWiigcrs ci-dessus (p. ifig), déclarant (]uc d'une letlre d'un l^ére capucin de la mission,
Moulay .\bd oI-Malck « étoit cruel comme lequel sachant cpie ce qu'il écrivait serait
un autre Néron». — John Harrison raconte lu au maklizen se sera montré prodigue de
q\i'ou l'appelait « tlie mad king » (^i''' Série, louanges envers le Chérif.
Angleterre, /fc/n(ion»/t'./. //«rr/son. 8octol)re i. I^a date donnée plus bas (p. i-ij)
iCi'io). — Il est probable que les détails ilon- dans la copie de la letlre porto : ô octobre.
De Castkies. 111. — • 12
1^8 ifi25-i6a9
les condamner i) mourir ou à renier leur foi. — Ils se préparent nu
martyre et font leurs adieux au P. Joseph. — S'ils viennent à mourir
il ne faudra pas pour cela négliger le rachat des autres captifs
Français.
Merrakcch, 5 octobre- 1G28.
^lon R. & Très-Magnanime P.
Je regrette en mon cœur de vous importuner par tant de lettres,
& sans mentir, si la nécessité ne forçoit la loy en ce j5oint, je ne
consentirois pas à cette importunité. Nous sommes travaillés plus
que jamais, v^ certes, si nous voulions croire nos sens, il nous en-
nuyeroit de vivie. Les malheurs que j'ay preveu de si longtemps
& contre lesquels j'ay tant de fois invoqué en vain le secours de la
France, sont enfin loml)és dessus nos testes. Le lion est entré dans
nostre bercail, il déchire cruellement les âmes, rien ne s'oppose à
sa violence, la foiblesse des Chrestiens cède à la moindre menace,
on ne voit que regrets. Au moins, si nous pouvions voir en face
cette besle sauvage, peut-estre dompterions-nous sa fureur, par le
pouvoir de la divine raison, ou par la magnanime efusion de nostre
sang. Mais hélas! nous sommes arrestés dans une étroite prison,
d'où l'on ne peut entendre nos soupirs 6: nos cris. Nos écrits ne
peuvent rien répliquer à la terreur des tourmens presens, il seroit
besoin danimei- ces petits courages par nostre exemple, ou au moins
par nostre vive voix ; mais les jugemens de Dieu qui nous tiennent
si serrés dans nos liens ne nous ont pas permis jusques icy de
pouvoir satisfaire selon nos désirs ny à 1 un ny à l'autre. J'espère
néanmoins que bientôt nous accomplirons tous les deux, étant ja
condamnés, ce dit-on, à mourir ou à renier la foy. tSt quelques
uns de nos compagnons qui servent le Roy en son armée nous ont
mandé que cela est arcsté. & que nous préparions les courages de
ceux qui sont avec nous, pour soutenir vaillamment un si grand
assaut. Grâces à Dieu, cet arrest a redoublé à l'infiny l'ardeur des
désirs que nous avons toujours eu de sacrifier nostre sang à Jesus-
Christ, nostre très-aimé & honoré Seigneur Quelque nombre
de captifs qui vivent avec nous participent à celte joye.
Quant au reste, je ne sçaurois (jue \ous du'c pour ce qui louche
HIST01HE DE LA ^IISSION DES PP. CAPUCINS AU M VMOC l'Q
les inoNCiis que Ion doit tenir en Fiance pour nostre libellé. Car
vous convier à la prompte exécution des promesses déjà faites &
renouvellées chaque année, peut-estre seroit-ce chose inutile après
nostre mort ; vous dissuader aussi absolument de vous employer
davantage à nos libertés, peut-estre seroit-ce contre la prudence,
ne sçachant pas si la Providence de Dieu dissipera encore cette
fois limpatience & la fureur du roy de Maroque, pour nous reserver
à d'autres ocasions pour son service, joint aussi qu'encor que fussions
morts, il restera toujours beaucoup d'autres pauvres François à
qui on fera une insigne charité de procurer leur liberté par la paix.
Faites donc en cela tout ce que le Sainct Esprit vous inspirera.
Je SUIS pour jamais. Mon U. i'., vos très-humbles tk
obeissans serviteurs en Nostre Seigneur,
F. Pierre d'Alençon, cap. ind.
& F. Michel de Vezins, cap. ind.
De Maroque, ce 5. octobre 1628.
LeR. P. Pierre écrivit une lettre pour son particulier au R. P.
René d'Angers, qui avoit été plusieurs années son Gardien, en qui
il avoit une singulière confiance, aussi étoit-cc un fort excellent
religieux, & d'une rare pieté'.
Il eu d;illc une de deux jours après à monsieur le chevalier de
Razilly, pour luy faire aussi son adieu. U l'asseure que sa joye est
redoublée par le courage que Dieu avoit donné au neveu de ce bon
seigneur' ik aux autres gentilhommes qui restoient encor en vie
1. Cette lettre, toute d'édification, est tesse de Soissons, les Etats-Généraux des
sans intérêt pour l'histoire du Maroc. Provinces-Unies avaient écrit à Moulay
2. Gabriel de Ra/illy, lils de François Zidàn pour intercéder en faveur du prison-
de Razilly et de Marguerite de (llerinont, nier et demander son élargissement. V.
né vers i6o.5. Il servait comme officier flans supru. Doc. XXVI, p. laGet i'^'^ Série, Pays-
l'escadrede son oncle Isaac de Razilly, lors Bas, t. III, à la date du 7 octobre 1627.
de sa mission au Maroc en 162/1. Il fut Gabriel de Razilly mourut de la peste à
retenu en captivité avec les PP. capucins Merrakech à la fin de mars 1629. V. Gé-
et l'escorte qui était descendue a terre à néatoyie de la famille de RasUly. pp. 288,
Safi. \ la requête du comte et do la rom- .Hi.T et inj'ra. pp. IiS3, 312, 2l5.
i8o i(')25-i629
dans la même prison, qui protestèrent ne rien faiie indigne de leur
sang & de leur créance, embrazés qu'ils étoicnt du désir de soufrir
le martyre, & promet qu'avec l'aide de Dieu leurs efets ne démen-
tiront jjoint leuis resolutions magnanimes. Ce sont les fruits des
labeurs & des exemples de ces deux excellens leligieux, car celte
jeunesse ne s'éloit pas embarquée à ce dessein. Mais il n'apartient
qu'à Dieu à changer les cœurs & employer en d'illustres usages les
vaisseaux destinés aux prophanes.
Tandis que ces deux braves champions de Jesus-Christ se pre-
paroient, pour se rendre dignes du bonheur auquel ils s'attcn-
doient , Dieu, qui les reservoit à une autre sorte de martyre,
permit que le roy de Maroque n'exécutât pas sa resolution, outre
qu'il n'en eût pas été le temps commode, car étant loujour-s em-
pesché à son dessein de Sapliy, il ne i-elourna à Maroque sinon
au commencement de l'année suivante, & Dieu retira ces deux
seraphiques Pères, ainsi que nous dirons, au mois de mars.
En décembre de cette année, ils receurent des nouvelles de
France par une lettre du R. P. Joseph & ime de monsieur le
Chevalier, & dans ce pacquet il y avoit une dépesclie de ce seigneur
au roy de Maroque : à l'ouverture du pacquet, ils jugèrent le
retardement de leur couronne. Ces lettres furent longtemps avant
d'ariver : elles étoient du mois d'avril & de may : tJc [ils] rendirent
leurs compagnons esclaves participans de ces bonnes nouvelles, À:
les envoyèrent avec la dépesche de monsieur le Commandeur à Sa
Majesté à Saphy, par un exprès, & y en joignirent une de leur
part. Le Roy commanda à son interprète de les translater toutes
afin de les considérer. Le R. P. Joseph écrivoit aux marchans de
Mazagan afin de les disposer pour servir fidèlement au rachapt
des cajîtifs, si d'aventure il arivoit qu'on fùl obligé de les y
employer.
1629'.
Je n'ay rien tieuvé qui fût asseuré de ce que produisirent ces
I. Cette date est placée en marge dans l'édition princeps.
HISTOIRE DE LA MISSION PES PP. CAPUCINS AU MAROC l8l
lettres en lesprit du roy barbare & en conséquence quel soulage-
ment les esclaves en receurent. Je n'ay aussi pu sçavoir quand ce
rov lefourna de son voyage, ny rien apprendre de la peste qui se
rendit cette année universelle dans tout ce royaume, quoy que
j'aye deux lettres de ces Pères du 26 décembre, qui asseuroicnl
seulement le R. P. Joseph & monsieur le Commandeur de la
réception de la dernière dépesclie. Par icelles je suis certain que
le Roy étoit encor près de Saphy & que la peste n'éloit pas dans
leur prison.
Mais par des conjectures que je tire des mémoires & des circon-
stances de leur mort, il faut croire que le Roy se rendit à Maroque
au mois de janvier, ou du moins à la fin de février, ik qu'à son
arivée, son esprit étant adouci par l'espérance dune paix future,
que ces lettres luy promettoient en bref, il donna un peu plus de
liberté à ces Pères. Ou bien il faut juger que, la peste étant géné-
rale, les esclaves de la grande Cezenne demandèrent ou achetèrent
la liberté de pouvoir estre secourus dans le péril de la mort où ils
étoient tous réduits; parce que toutes les relations que j'ay de
diverses personnes en différents voyages asseureut qu'ils moururent
de peste, que le R. P. Pierre prit le premier, assistant un Portu-
gais esclave, qui en étoit malade. Et il est certain qu'il n'y avoit
dans leur prison que des François de l'équipage de monsieur le
(Commandeur — & encore en étoicnt-ils séparés — avec les gentil-
hommes qui avoient suivi ce généreux chevalier. Ce fut donc dans
la grande Cezenne, où en efet la peste étoit furieuse, parmy ces
captifs de diferentes nations, où le P. Pierre fut frappé de ce mal,
en les assistant, comme assurent nos mémoires.
La peste suit de fort près la famine, aussi ne se faut-il pas
étonner si elle parut dans ce royaume, où la faim depuis deux ou
trois ans coupoit tous les jours la goi'ge à plusieurs personnes. Elle
y fut de vray si furieuse quelle fit mourir en un mois ])\ufi de
cent mil Arabes, selon une relation, & une autre en compte jusques
à cent soixante mil & plus en un an, qui sont de grands nombres
pour peu de temps & en petit espace, sans parler de ceux qu'elle
avoit chassés. Et après qui s'étonnera de la sçavoir dans une prison.
011 environ douze ou quinze cens esclaves chrestiens languissoient
de faim, accablés de tant d'autres misères que la moindre pouvoit
iSa 1626-1629
alirer la peste, qui prit enfin possession au commencement de cette
année de la grande Cézanne, & de prison de captifs la changea en
hospital de pestiférés?
En cette calamité publique, la cliarité de ces bons Pères leur
ouvrit le cœur, pour voir que Dieu leur proposoit un autre moyen
pour estre martyrizés que celuy d'un bourreau. Ils s'engagèrent
volontairement, par un généreux mouvement de la charité, entre
ces pauvres Chresliens, sans s'épargner, ofrant leurs vies, selon le
conseil apostolique, pour le salut de leurs prochains, avec tant de
zèle, que, sans pensera leur conservation, ils rendoient à ces ma-
lades tous les ofices de pieté qu'ils pouvoient, aussi bien pour les
corps que pour les âmes. Et. ce qui est admirable en leur charité,
ils secouroient indiferemment tous les malades, les Arabes comme
les Chrcstiens. Et, au rapport du sieur Aliberque', marchand
flamand résidant à Salé, ils convertirent beaucoup d'heretiques &
infidèles & administrèrent à tous les saincts sacrements. Ce qui
donne sujet de croire que, ce mal étant si grand, chacun ne pen-
soit plus qu'à se garentir par la fuite, â: eurent par ce moyen la
liberté d'aller par toute la ville chercher les malades pour l'exercice
de leur charité & de leur zèle. Et, sans mentir, il n'étoit plus besoin
de reserver pour la mort des personnes que la peste cherchoit &
qui s'exposoient eux-mêmes dans les périls d'où il n'en échape
gueres.
Enfin le R. P. Pierre fut frapé de la peste, rendant à un chrestien
portugais les assistances nécessaires pour le salut de son ame & le
soulagement de son corps, par quelques services dont il avoit be-
soin. Et après avoir résisté au mal quelque peu, la violence l'obligea
d'y céder, il s'alita, & peu après il mourut, le 22 de mars. Et le
R. P. Michel, qui avoit gagné le mal en le servant, ne vescut que
cinq jours après. Ils étoient si fortement unis en charité qu'ils ne
pouvoient estre plus long temps séparés. Et d'autant que le sang de
Jésus en sa croix étoit le ciment qui les avoit joints ensemble au
désir de partager avec luy ses soufrances, voila pourquoy il ne
permit pas qu'ils fussent séparés plus d'espace que celuy de cinq
jours, nombre qui est mystérieux en ce qu'il désigne la Passion
I. Alibertjiir. Abrali.Tm van Liliorgi'ii. Cf. j). iii, noie 4-
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC l83
du même Sauveur en ses ciiKj principales douleurs & playcs plus
notables.
Mais aussi il étoit juste que la ferveur & la libéralité, qui avoient
eu plus d'éclat au R. P. Pierre, fussent recompencées de cette
avance. Et croy que la clarté qui parut sur la teste de ce grand ser-
viteur en expirant étoil la marque glorieuse de ces avantages,
comme celle de sa charité & de sa gloire. Cette clarté fut vcuc de
grand nombre de personnes (|ui assistoient à sa mort, qui en de-
meurèrent ravis. Et on a sceu depuis cette vérité par des personnes'
sans soupçon d'interest, mais très-sinceres. Ainsi, je puis asseurer
que sa mort fut précieuse, puisque sa vie a été dans liimocence,
au moins depuis sa conversion.
Le neveu de monsieur le Commandeur", avec plusieurs autres
gentilshommes & grande partie des esclaves françois, moururent
aussi de ce mal, en ce même temps, comme les enfans qui suivent
leurs pères, les disciples leurs maistres.
Non seulement les Chrestiens & les esclaves ressentirent avec
tendresse la mort de ces Pères, mais aussi les Arabes : & le Roy
même en témoigna du regret. Et pour preuve donna de l'argent
aux Clircsliens pour les faire enterrer avec le plus de solennité qui
se pourroit selon le lieu >k la saison, dans le cimetière des Chrestiens
esclaves, & furent mis l'un près de l'autre. Ce que je trouve digne
de grande considération, est que les Mores aussi bien que les Chres-
tiens avoient leur sepulchre en veneralion, y aloicnt souvent par
dévotion, en prenoient de la terre pour la conserver'.
liihiiolhèqac Aationalc. — Imprinu'x. (f j 03. — L'histoire de la
mission des pères capucins... au royaume de Maroque, pp. 39-252.
I. /)(?s p<?rsonnes... En marge on lit cette tombeaux des saints personnages est très
note: « Ce furent (les marchans anglois répandu en Algérie et au Maroc. Il n'y a
& holandois, le consul des François à Salé pas do maison, de tente ou de gourbi où
& plusieurs esclaves. » l'on ne trouve, précieusement conservée
a. Sur ce neveu d'Isaac de Razilly, V. par les femmes dans quelque chiffon, do
supra, p. 179, note a. t I II 1 -
3. L'usage de recueillir de la trrr.^ aux '••' « ^'"'^ '''' "'^iral'onts » ùvia^.'ji' <->'jr-
i84 i8 FÉVRIER iGag
XXVIII
INSTRUCTIONS POUR RAZILLY
Grenoble, iX février 16:29
An <los : Instructions au s' de Razilly.
Le sieur de Razilly aura soing de faire mettre en estât, pour
partir dans le dixiesme jour de mars au plus tard ', les six vaisseaux^
dont le Roy luy donne le commandement pour aller à Maroc
rachepter les esclaves François qui y sont, prenant garde à faire
ledict rachapt en sorte qu'il ne soit circonvenu par la mauvaise foy
de ceux avec qui il aura à trailtcr, comme il a esté par le passé ^
Il tiendra la main à ce que tous les équipages de cet embarque-
ment reçoivent la solde de deux mois et que lesdictz vaisseaux soient
garnis de victuailles pour liuict mois, lesquelles seront mesnagées
en sorte quils n'en puissent manquer pendant le cours de leur
voiage.
Lesdicles victuailles seront délivrées aux capitaines qui en demeu-
reront chargez, pour leur estre, au cas qu'ils demeurent moins que
I. Le fléjiart d'Isaac de Razilly dut èlre ceux qu'il trouverait à la mer. Louis XIII
plusieurs fois retardé. A la date du i4 lui écrivit le 17 mai 1621J de ne pas met-
avril itizg, la reine-mère lui envoya en tre à la voile avant de nouvelles instruc-
toute diligence par Du Chalard l'ordre de lions. Ibidem, p. 271.
convoyer avec son escadre jusqu'au Havre- 2. Dans la lettre de Marie de Médicis
de-Gràce quatre-vingt-dix navires chargés à Razilly du li avril 162g (V. note i), il
de sel et venant du Brouage. ^ . Généalogie est question des « sept vaisseaux qui sont
Rasllly. p. 270. La paix avec r.\nglcterro equippez en Brouaige n. En réalité le
signée le 24 avril 1629 vint apporter Chevalier partit avec une escadre de dix
un nouveau retard au départ de Razilly, navires. V. infra. pp. 206-208.
car celui-ci, outre sa mission au Maroc, 3. Allusion au guet-apens dont avait
devait « entreprendre » contre les .Vnglais été victime la mission de Razilly en 102/4.
de l'île de Saint-Christophe et contre tous \. supra, p. 107.
INSTRUCTIONS POUR RAZILLY 1 85
lesdictz huicf mois à la mer, dcsduictes sur les soldes qui pourront
estre deues à tout lequipage lorsqu'il sera de retour.
Ledict sieur de Razilly advertira tous les capitaines et autres qui
seront sous sa charge de se tenir en la discipline de la guerre et
autres bons usages de la mer, en sorte qu'il ne puisse à leur retour
y avoir subject de plainte d'eux pendant leur voiage.
Si, pendant le cours de sa navigation, il rencontre quelque Hotte
ou vaisseaux hors des termes de l'amitié, Sa Majesté luy donne
pouvoir de les attaquer, s'il juge par raison estre assez fort pour s'en
rendre maislre ; mais auparavant que d'en venir aux mains, il
tiendra conseil et ne fera rien qu'avec meure délibération.
Au retour de ^laroc. il costoyera la Virginie et les lieux où les
Anglois font leur poisson sec, et, trouvant l'occasion propre, il
pourra s'en saisir et les prendre comme ennemis '.
Faict à Grenoble le dix-buictiesme jour de febvrier mil six cens
Signé: Le card. de Richelieu.
vingt-neuf.
Par mondict seigneur :
Sifjné : Charpentier.
Archwes du manjuis de Rasilly. — Ori(/in(il-.
I. Ce paragraphe fut modifié par la note i. afifi et note 8.
signature de la paix avec l'Angleterre. V. 2. l'uhlié dans la (icnéalmjie de la Ja-
supra, p. 184, note i, et infra, pp. 265 et mille de liasilly, p. aCij.
i86 i8 JUIN 1629
XXIX
LETTRE DE RICHELIEU A RAZILLY
Razillj est autorisé à s'emparer de Mo(jador et à y laisser (jarnisnn.
Alais, 18 juin 162g.
Suscription. A Monsieur le chevalier de Razilly.
Monsieur,
Si vous estimez, estant sur les lieux, que l'isle de Montguedor'
se puisse conserver et ([ue la prise en soit utile, je vous laisse de la
part du Roy la liberté de vous en saisir et d'y laisser cent hommes.
Cependant, je demeure
Votre jjien afTectionné à vous servir.
Signé: Le Gard, de Richelieu.
D'AUez, ce 18 juing 1629.
Archives du marfjuis de Rasilly. — Original'-.
1. Mogador. V. supra. Doc. XXII. p. 1 17 Papiers d'Etat du cardinal de Richelieu,
et Doc. XXIII, p. iL!i. t. III. pp. 353-354; elle avait été extraite
2. Cette lettre a été publiée par AvENF.r,, par M. Margry des Archives de la famille
dans Lettres, Instructions diplomatiques et de Rasilly.
^I.
LES MORISCOS A SALE ET SIDI EL-AVACHI
■ 87
LES MORISCOS' A SALÉ ET SIDI EL-AYAGHI
Introduction critique.
Une des conséquences de l'ordonnance de bannissement prise par Pliilippe IH
contre les Moriscos fut de créer sur la cote atlantique du Maroc une république
de pirates- qui, pendant près d un siècle, fut presque aussi redoutable à la navi-
gation que celle d'Alger et mérita d'être appelée « La Rochelle d'Afrique^ ».
Les Moriscos de Valence, atteints les premiers par le décret d'expulsion (4 août
1609), avaient cherché un refuge dans les ports barbaresques de la Méditerra-
née; ceux de Castille, prévenant la sentence qui les menaçait et qui fut publiée
le 19 janvier 1610, passèrent en grand nombre au Maroc, dès la fin de l'année
i6og. Ce fut ce parti qu adoptèrent les habitants de la ville de Hornachos en
Estremadure*. Ils forinaioiilune agglomération iin|)ortante, presque autonome,
1. Au Maroc on n'employait pas le mot
espagnol u Moriscos » pour désigner les
proscrits. D'après le P. Julian Paslor. on
connaissait sous leur vrai nom « Horna-
clicros )) les habitants de la Kasba et on
donnait à tous les autres proscrits, sans dis-
tinguer leur origine, celui de « Andalous ».
V. /" Série, Espagne, 16G1. Mémoire du
I'. Julian Pastor.
2. Salé n'existait pas comme port de
pirates avant l'arrivée des Moriscos, « car,
bien que longtemps auparavant cette ville
eût quelques petits vaisseaux de course,
lorsqu'elle estoit entièrement sous l'empire
du roy de Maroc, c'estoit neantmoins
si peu de chose qu'à peine s'en parloit-il. »
Dkx, éd. 1687, p. l'y/)- Cf. Cf.spf.des,
p. ^i3. Ce furent les Moriscos qui pour la
première fois organisèrent la course en
grand au Maroc (r" .Série. Angleterre,
Lettre de Harrison, 3 juin 1620).
3. V. infra. Doc. XXXI. Proces-verbal
d'André Chemin, p. 212 et Mémoire de l'. Du
Clmlard. pp. ,'176-^77.
i. Sai.azar de Mendoza qui visita cette
ville au commencement du x\u' siècle en
trace le tableau suivant : « Esta villa es de
mil casas y encomienda de la orden de San-
tiago, en la provincia de Léon (sic), a cinco
léguas de Llcrena, donde réside un tribunal
de el Santo Otlcio de la Inquisicion. Todos
los que vivieron en ella cran Moriscos y
guardavan la secta de Mahoma, desde que
se baptizaron en tiempo de el Rey Catolico
don Fernando, y estavan circuncidados.
Prctendieron persuadir a los Inquisidores
que nacian assi, y para bazello verdad, en
naciendoles el hijo, le circuncidavan y luego
avisavan al Cura que havia nacido circun-
cidado, que se tomasse informacion. Trata-
vanse como rcpublica y juntavanse a su con-
sejo de estado en una cueva de la sierra y
alli batian moneda. Eran mucbos arrieros
y sabian por este camino con mucha facili-
dad todo lo que passava en Espafia y aun
fuera, por que tenian inteligencias y corres-
pondencias con los Turcos y Moros. Quando
vinicron a Toledo los Moriscos de Granada
i88
INTROmCTIOX cuiiioit:
et avaient autrefois obtenu de Philippe II le privilège de porter les armes,
moyennant une redevance de 3o ooo ducats'. Arrogants et pillards, ils détrous-
saient les voyageurs, fabricjuaient de la fausse monnaie et commettaient des
abus de toute sorte. En octobre iGoS, on avait dû envoyer de Madrid pour les
châtier l'alcade Gregorio Lopez Madera. Les Hornacheros se firent débarquer à
l'embouchure du Bou Regrag - où s'élevaient sur les rives du fleuve les deux
villes de Salé (Sla) et de Rbat.
Depuis la plus haute antiquité, cette position était regardée comme la meil-
leure de la côte atlantique du Maroc, comme le véritable port de Fez ', comme
le point d'ov'i l'on commande à la fois la région de Merrakech et celle de Fez.
Aussi les envahisseurs successifs du Maghreb el-Aksa y avaient-ils toujours assis
leur domination*. La ville de Salé, située sur la rive nord du fleuve, de beau-
coup la plus ancienne, était connue des Carthaginois. La cité sud, plus récente,
avait été fondée en 1197 P^"" l 'î'"''" almohade Yagoub el-Mansour, qui lui
avait donné le nom de Rbat el-Fatah ^. Ce souverain l'avait puissamment forti-
fiée du côté de la terre et du côté de la mer, pour la mettre à l'abri des coups
de main des tribus et des entreprises des Chrétiens. La principale défense de
Rbat était sa kasba, citadelle dominant à la fois la ville et l'embouchure du
Bou Regrag, sorte d'acropole où habitaient la garnison, le gouverneur et les
fonctionnaires'. Lors de la lutte entre les Almohades et les Béni Merin (la/jO-
19,70), Rbat perdit beaucoup de son importance et tomba plus ou moins en
ruines. Sous les premiers chérifs saadiens, elle se confond avec Salé : ce nom
travaron entre cllos lipa y amistad miiy
cstrccha. Communicavanse por una seiida
que Uamaron Moruna, que yva por un dos-
poblado las quarcnla léguas que ay desde
Toledo a Ornachos de montes y malezas »
Orirji'n de las diijnidadcs seglares de Castella
y Léon. Llb. I\ . cap. 5, § 6. — On répétait
on Espagne le dicton suivant : k Moriscos
en Hornachos,y donde quiera muchachos «,
qui doit être entendu : (c II y a à Hornachos
autant de Moriscos que de gamins ailleurs. »
Les commentateurs de ce dicton ajoutent :
« Solea alli haber casi lodos los vecinos
moriscos ; ya no despues que los echaron
de Espana ». — On comprend qu'ayant une
telle réputation, les Moriscos de Hornachos,
qui se sentaient particulièrement menacés,
n'aient pas attendu le décret d'expulsion
pour quitter l'Espagne. On sait d'autre part
(Uas. p. 175) qu'ils arrivèrent au Maroc
avec de grandes rictiesses, ce qui ne fut pas
le cas des proscrits.
1. Cf. Lfa, Tlie Moriscos of Spain, p.
182.
2. Ce fleuve est connu dans son cours
supérieur sous le nom de Oued Grou.
3. L'embouchure du Sbou.i El-Mamora,
où s'abritaient les pirates avant l'occupa-
tion de ce point par les Espagnols, n'a
jamais eu l'imjjortancc de celle du Bou
Regrag qui, malgré les graves inconvénients
de la barre, semble avoir été toujours pré-
férée par ceux qui pratiquaient ces parages.
4. GODAKD, p. 4,î.
ô. Rb'it cl-Faluh, la Place de la \ictoire.
Le nom de Rbat Ji?uJ s'appliquait à l'ori-
gine à des postes occupés par des musulmans
faisant profession de lutter contre les infi-
dèles.
6. Cette kasba, qui joua un si grand
rôle au xvu= siècle au temps des Moriscos,
existe encore aujourd'hui et est connue sous
le nom de « Ivasbol cl-Oudaïa ».
LES MORISCOS A SALIS ET SIDI EL-AVACIII 1 8()
désisne à la fois les deux villes' rattachées au Muvernement de Merrakech -
bien que dépendant géographiquement de la région de Fez. Elles montrent
d'ailleurs un loyalisme très intermittent. Si les chérifs y envoient des caïds, il
est probable que ceux-ci sortent rarement de la Kasba et clierchent peu h faire
montre de leur autorité.
A l'époque de l'expulsion des Moriscos, le marabout Sidi el-Ayachi ' « faisait
briller son heureuse étoile dans le ciel salélin '• », tandis que 1 astre de Mouiay
Zidàn y palissait de plus en plus. Sidi Mohammed ben .Vhmed, el-Maleki, cz-
Zaïani, El-Ayachi, plus connu sous le dernier de ces noms, ne doit pas être
confondu avec les agitateurs et les prétendants qui surgissent chroniquement
au Maroc; il fut le cbaïupion de l'Islam, « le pôle de son époque^ ». Né en 1.573
d'une famille des Béni Malek", il se voua dès sa jeunesse à la lutte conlre les
Chrétiens des fronteras dont il devint la terreur : sept mille six cent soixante-dix
d'entre eux trouvèrent la mort dans ses expéditions'. Désigné par la commu-
nauté musulmane pour conduire la Djihàd (la Guerre Sainte), l'autorité suprême
dont il fut investi était, au moins à l'origine, absolument licite', si mal vue
quelle lût du Chérif régnant. Par la suite, le glorieux moudjahid ' se laissa
tenter par le pouvoir et aspira à la royauté'".
El-Ayachi fit sesdébuts en attaquant la garnison de Mazagan. Moulav Zidàn,
pour récompenser son zèle, le nomma caïd d'Azemmour. Infatigable, auda-
cieux, connaissant à fond la guerre d'embuscades, le Marabout tint les Chré-
tiens dans une continuelle alerte. Ne pouvant plus faire paître leurs troupeaux
ni labourer leurs terres, ils intriguèrent auprès du Chérif, lui envoyant des
présents et cherchant à éveiller sa défiance à l'endroit de El-Ayachi dont la
popularité augmentait de plus en plus. La jalousie s'empara de Mouiay Zidàn,
qui expédia à Azemmour le caïd Mohammed e.s-Snoussi à la tète de quatre
cents hommes, avec ordre de se défaire du Marabout. Celui-ci prévenu à temps
1. li n'est pas fait une fois mention de leurs musulmans sont prodigues est cm-
Rbal dans l'ouvrage d'EL-OcFRÀNi. jilové pour désigner toute personne qui, par
2. V. Description du Maroc, i''' Série, ses vertus et sa piété, s'élève bien au-dessus
France, t. II, p. 266. — Los tribus du Bou de ses contemporains et leur sert de guide.
Kegrag et la population maure de Salé incli- 6. Tribu du Gharb campant au sud de
naienl du côté de Mouiay .\hdallali ben El-Ksar cl-Kebir.
ech-Chcilih, le pseudo-souverain do Fez. V. 7. E1-0i:fràni, p. ;i4S.
/•■' Série, Pays-Bas, t. lit, ;> In date (Ui 17 iS. El-Oui'iiàm, p. 440. Sur la (luerro
février 1628. Sainte, cf. Ei.-M\werdi, Traduction du
3. Sur ce personnage, cf. Ei.-Olfràm, comte Léon Ostroroc, t. II,De /n coHwiion
pp. 'i.3i-'i55 et /'"' Série, Espagne, Angle- de la commandcrie de Guerre Suinic.
terre, Portugal et Pays-Bas entre les dates 9. Moudjnltid, pbir. Moudjahidin, com-
1620-1641 et .Menf.zi>, p. itiC). battant pour la foi.
4. El-Oufrâni, p. 44o. 10. El-Oufràm, p. 420. — Sur l'Iiy-
1 ■ pothèse qui fait do El-Ayachi un précur-
0. Le mot de pôle ,_Ja> dont les au- _^., ....
seur des IJilaites, V. uijrii, p. 074, note 0
igO INTHODL'CTION CRITIQUE
put gagner Salo avec quarante partisans. 11 \ lut dautant mieux accueilli que
les Espagnols de Laraclie faisaient alors de fréquentes incursions dans le pays
et allaient jusque dans la lorèt de Ei-Maïuora pour s'approvisionner de bois. A
la sollicitation dos Salétins, El-Ayachi marcha contre les Chrétiens et les défit
près de El-Mamora. Salé avait pu, à grand'peine, fournir pour cette opération
deux cents fusils au Marabout'. Cette situation précaire allait être modifiée par
l'arrivée des Hornacheros-. Ceux-ci s'établirent à Salé, au pied delà Kasba, où
vivait effacé un caïd chérifien avec une médiocre garnison. Ce fut ce dernier
fjui. avec 1 assentiment de Moulav-Zidàn et plus encore d'El-Ayachi-*, accueillit
les émigrants. Avec l'or qu'ils apportaient d'Espagne ils s'empressèrent d'armer
des navires et « se mirent à brigander sur la mer* ». Le i8 avril iCio, Vau-
celas signalait à Henri IV leursactes de piraterie '. En i6i3 le capitaine anglais
Mainwaring négociait avec eux le rachat de tous les esclaves chrétiens". La
destruction du repaire de El-Mamora (6 août iGi4), à la suite de l'occupation
de ce point par les Espagnols, vint contribuer au développement de la piraterie
à Salé. Ce furent leurs proscripteurs que les Hornacheros commencèrent à
poursuivre sur mer, et cette chasse leur était singulièrement facilitée, puisque,
parlant le castillan, arborant la bannière de l'Espagne et se donnant les appa-
rences de faire du commerce', ils trompaient aisément les navires qu ils ren-
contraient en mer ou les populations de la côte. Mais bientôt '' leurs expéditions
ne visèrent plus seulement les Espagnols, et ils « gasterent » le trafic de toutes
les marines marchandes exposées à leurs brigandages. C'est ainsi que, faisant
de nombreuses prises, ils grandirent en richesses et en puissance.
Moulay Zidàn prisait fort ces nouveaux venus, qui lui donnaient dix pour
cent tant des Chrétiens qu'ils faisaient captifs que des marchandises dont ils
s'emparaient-'; il appréciait d ailleurs leur intelligence et leur aflermait les
douanes et dillérenles taxes ; il songeait même, d'après Ruyl, à leur confier
des caïdats importants'". Toujours aux prises dans le Sud avec des révoltes, il
1. El-Olfràni, p. 438. d'Isaac de Razilly (V. supra. Doc. XXIIi
2. Les Hornacheros formaienlla majeure p. Il5) et du capitaine hollandais Abbe
partie des émigrants venus à Salé, mais il Willemsz (\ . /'■" Série, Pays-Bas, t. lU, à
y avait parmi eux des Moriscos de San la date du 8 aoiM 1617). les pirateries des
Lucar, de Cadix et de Llerena. V. supra, Salétins auraient commencé à être rcdou-
Doc. X, p. 4g. tables à partir de l'année 1617. Albert
3. V. /'■'■ Série, Angleterre, Mémoire Ruyl demandait le 17 février iBaS aux
sur le Maroc. 1637. Etats-Généraux d'envoyer deux navires de
4. V. Dan, p. 175. guerre croiser de Salé à Agadir pour pré-
5. V. 1" Série, France, t. IL Doc. venir les insolences des pirates de Salé (\ .
CLVin, p. 5o2. I" Série, Pays-Bas, t. III à la date ci-
(i. Cf. CoKBETT, Enijlaïul in llte MciVUer- dessus).
roiieon t. I, pp. 56-5g. 9. Cf. Dan, p. 175.
7. V. /'''Série, Angleterre, Mémoire de 10. Le Chérif avait l'intention d'envoyer
J. Ilarrison, 1O27; Dan, p. 175. comme gouverneur du Tafilelt et même du
8. D'après les témoignages concordants Soudan le caïd andalou Youssef Biscaino
S-i;!,
''1
«I
/'. Jl
LES MORISCOS A SALE ET SIDI EL-AYACIII
'0'
voulut uliliser leurs qualités militaires et chargea Ez-Zarouri', caïd de Salé,
de lever parmi eux un corps de quatre cents soldats, qu'il envoya rejoindre
une niahalla occupée à guerroyer dans le Draa - contre les partisans du mara-
bout Sidi Ali ben Mohamed '. Ce contingent rallia l'armée chérifienne ; mais,
comme l'expédition traînait en longueur et que la solde était rare, il déserta en
masse et retourna à Salé. Vainement Ez-Zarouri tenta-t-il une seconde fois de
les enrôler. Aussi bien, enorgueillis de leur puissance, les Hornacheros avaient
résolu de se déclarer indépendants. Ils dissimulèrent leurs intentions et écrivi-
rent à Moulav Zidàn pour protester de leur fidélité, demandant seulement le
remplacement de leur caïd. Le Chérif lit arrêter Ez-Zarouri (i625) et leur
envoya comme caïd le mamelouk' Adjib^ (fin mars 1627). Ce dernier avait
comme instructions secrètes de s'appuyer sur les tribus du voisinage pour im-
poser son autorité aux Moriscos, dont les velléités d'indépendance préoccu-
paient le makhzen.
C'est à peine si ce nouveau caïd put prendre possession de son commande-
ment. Tourné en dérision par les Hornacheros, il fut chassé de la Rasba ainsi
que tous les ofliciers du Chérif''. Maîtres de la citadelle, et par là même de la
qui fut désigné en i624 comme ambassa-
(leur pour les Proviiices-L nies des Pays-
Bas. V. /" Série, Pays-Bas, t. lll. Journal
de liuyl, 6 octobre i623.
I. 11 s'appelait Abd el-.\ziz ez-Zarouri.
Cf. I" Série. Pays-Bas, t. III, k la date
du 17 février i623.
i. Cf. El-Oufr.â.ni, p. ASget 1" Série,
-Angleterre, Lettre de J. Harrison, 3o juil-
let 1623. — Harrison parle de l'envoi de
mille soldats recrutés parmi les Moriscos.
3. Sidi .\li ben Mobammed, petil-lîlsde
Sidi Ahmed ben Moussa, surnommé el-
Djezouli, es-Semlali et quelquefois es-
Soussi. Ce marabout, dont la famille avait
une inlluence prépondérante dans le Sous
depuis le xvi*^ siècle, s'était posé en préten-
dant contre Moulav Zidàn ; il avait été
longtemps en lutte avec Sidi ^ahia ben
Abdallah (V. p. 18, note 3). .\près la
mort de ce dernier (6 mars i6a6), son
autorité s'étendit jusqu'au Draa et au
ïadlelt et il fixa sa résidence à Sidjilmassa.
Il fut d'abord favorable à Moulav ecb-(<bé-
rif, le fondateur de la dynastie filalienne,
puis il rompit avec lui (i633-i634). Après
plusieurs années de lutte, Moulay Moham-
med ben cch-Chérif le supplanta dans le
Talili'lt et le Draa. Sidi Ali ben Mohammeil
mourut entre le 18 septembre lOâij et le
0 septembre 1660. Son tils Sidi Mohammed
ben Ali se retira à Iligh (Tazeroualt) où
se trouve la zaouïa des Oulad Sidi Ahmed
ben Moussa. — El-Oufràni, pp. .'176-476.
4. On appelle mamlouk au Maroc un
esclave de race blanche, né de parents libres
et ayant été réduit dans son enfance en
servitude. Ce terme s'oppose au mot abd
désignant l'esclave de naissance.
,"). C'était un renégat espagnol. Moulay
Zidàn l'avait acheté comme esclave et le
chargeait de missions de confiance. Le
5 août 1623, il l'avait envoyé avec Saint-
Mandrier pour calmer les Doukkala que les
entreprises des Hollandais sur .\ïer avaient
mis en elfervescence. (/" Série, Portugal,
à la date ci-dessus). En septembre itiafi, le
caïd Adjib était allé à Mazagan saluer de
la part do Moulay Zidàn le gouverneur
D. (jonçalo Coutinho. Da Cunha, p. 7IÏ.
0. D'après El-Oiifkàm(p. 43g), les Mo-
riscos aurai<uit mis à mort le caïd A<ljib.
.1. Harrison raconte que ce caïd chassé île la
ville fut assassiné par les .Maures des tribus
environnantes. V. /'''' Série, Angleterre,
ReliUinn ile.f. Hnrrixon, 1 1 septembre 1627
102 INTUODUCTION CRITIQUE
ville, les llornaclieros désaimèreiil la population indigène et l'obligèrent à
émigrer'. C'était la révolte complète. El-Avachi n'y avait pas été étranger ;
Charles l", lui écrivant le 12 octobre 1627,1e félicitait de l'aide qu'il avaitdon-
née aux Moriscos dans cette insurrection-.
Les llornaclieros devenus indépendants s'installèrent dans la Kasba. Mais
justement préoccupés de leur faiblesse numérique, ils attirèrent à eux les Moris-
cos réfugiés dans les autres parties du Maghreb et les établirent au pied de la
citadelle. C'est ainsi que l'ancienne ville de Rbat fut reconstruite et repeuplée^.
L'habitude se prit de la désigner sous le nom de Salé-le-Neuf (Sla el-Djedid)
par opposition avec la ville du Nord appelée Salé-le-Vieil (Sla el-Bali) *. De cet
1. Cf. ^)A^, [1. 206.
2. V. ;'■'■ Sérir. Angleterre, 13 octobre
16J7. — D'après le 1'. Dan, Moiilay Zidàn,
voulant faire rentrer les Moriscos dans
l'obéissance, aurait envoyé contre eux une
forte maballa ; les troupes chérifiennes
auraient assicsé sans succès la ville en-
couragée dans sa résislance par El-Ayachi.
Un accord serait intervenu aux termes
duquel les llornaclieros, reconnus seuls
maîtres de la ville et de la Kasba, s'enga-
geaient à donner ebaque année au Clu'rif
quelques esclaves à titre de redevance et
acceptaient la présence dans leur ville do
fonctionnaires chargés de rendre lajusiice.
Cf. Dan, p. 176. Les Doc. français, anglais,
espagnols et portugais ne font aucune allu-
sion à cette marche du Chérif contre Salé;
il se peut que le P. Dan ait placé à cette date
un événement survenu postérieurement.
V. p. ig6.
3. Cf. i" Série, .Angleterre, Relation
J. Ilarrison, 8 octobre i63o.
/|. La plus grande confusion a régné au
sujet de ces désignations dans les auteurs
du xvii'' siècle, et elle se retrouve même
dans des documents cartographiques II en
est résulté quelques divergences dans les
récits des événements, surtout dans les
ouvrages de seconde main. Dans tous les
temps, le nom do Salé semble avoir été
employé d'une façon générale pour designer
l'onsomble des villes situées à rcmboucluire
de l'oued Bou Regrag. L'arrivée des
Moriscos ne changea pas cet usage et l'on
appela même « Salélins » les pirates qui
s'étaient fixés presque exclusivement à Rbat
(Salé-le-Neuf). Pour l'intelligence des faits,
il est nécessaire de bien préciser la topogra-
phie et la dénomination des lieux situes à
l'embouchure du Rou Regrag et formant le
groupe Rbal-Salé, plus connu aujourd'hui
sous le nom de Rbat. .\ l'époque de l'ins-
tallation des Moriscos on distinguait sur la
rive gauche du Bou Regrag : ["la kasba
(alcassava) habitée par le caïd et la gar-
nison du Chérif, puis pendant un certain
temps par les llornaclieros 2" la ville de
Salé-le-Neuf, l'ancienne Rbat des Almo-
bades, reconstruite par les Moriscos. Cette
ville était souvent appelée par les contem-
porains Arrabal, Arrabal de Salé, Arrabal
do l'alcassava, ce qui introduisit un nouvel
élément de confusion. On sait que le mot
espagnol « arraval » (venu de l'arabe
J^
) Jl très voisin comme prononciation de
Er-Riibat lai Jl) a la signification de fau-
bourg. A deux kilomètres en amont de
Salé-le-Neuf (Rbat) et sur la rive gauche
du Bou Regrag on trouve les ruines de la
ville de Chella. Sa fondation, d'après quel-
ques auteurs, serait antérieure à la Salé des
Carthaginois, qui lui aurait même emprunté
son nom, d'où il est résulté pour quelques
auteurs une nouvelle équivoque. Enfin sur
la rive droite du fleuve s'élevait la ville de
Salé proprement dite, appelée Salé-le-Vieil
depuis la reconstruction de la ville de Rbat
par les Moriscos. Dans son Histoire de
Barbarie. ..,1e P. Dan place par erreur Salé
LES MOmSCOS A SALE ET SIDI EL-\^.\(:lll 1 Ç).")
('■lat de choses ii était résulté pour les Hornaclicros, premiers occupants, une
situntion prépondérante. Ils s'étaient constitués « en forme de seigneurie repu-
blicque, dominative et successive à soy », sorte de conseil communal imité de
l'Espagne (cabildo) ; le pouvoir appartenait à un gouverneur élu annuellement
assisté d'un divan. La nouvelle république avaitété reconnue à sa naissance par
l'Angleterre qui, sur le conseil de J. Harrison invoquant le précédent d'Alger,
se décidait à entrer en relations et à traiter avec elle. De leur côté les Moriscos
avaient mis en liberté plus de cent quatre-vingt-dix esclaves anglais et avaient
écrit à Charles I'"' (i8 avril 1637), l'assurant du plaisir qu'ils auraient « à le
servir de leurs vaisseaux et de leurs personnes' ».
Mais la domination des Hornacheros finit par peser sur les Andalous de Salé-
le-Neuf. Ceux-ci, de beaucoup les plus nombreux, réclamaient ajuste titre une
part dans le gouvernement et les revenus de la douane -, qui étalent dépensés en
travaux de défense constituant une menace pour leur propre existence. La Kasba
leur répondait par des coups de canon, qui Ibrt heureusement faisaient peu de
dommage dans des maisons construites en pisé ^ Par contre, Salé-le-Neuf tenait
la Kasba étroitement bloquée par terre, et celle-ci ne pouvait se ravitailler qu'en
communiquant par le fleuve avec Salé-lc-\'ieil ; elle y entretenait un détache-
ment de ca\aliers toujours prêts à opérer des razzias sous les murs de Salé-le-
Neuf.
El-Ayachi avait vu avec non moins de plaisir que Moulay Zidân l'établisse-
ment des Hornacheros à Salé. Il espérait que ces ennemis de l'Espagne lui four-
niraient un précieux appoint dans ses expéditions contre les « frontcras ». La
prise de El-Mamora par les Chréliens avait indigné son âme de a moudjahid »
et il voulait à tout prix les déloger de cette place. Son influence s'étendait main-
tenant à tout le pays compris entre Taza et le Tamesna ; les chefs des tribus et
les notables lui avaient reconnu par un acteoUiciel l'autorité suprême pour diri-
ger la lutte contre les infidèles '. El-Ayachi, afin d'entretenir le zèle des k croi-
sés » de l'islam, les entraînait à de continuelles attaques contre El-Mamora,
Ic-Vicil ail sud du Bou lîcgrag et Salé- inscrit sur les rogislrcs de la douane pondant
le-Neuf (Hbal) au nord du fleuve. Cette ces dix années. Cf. 1" Série. Espagne,
confusion est reproduite dans des plans Rapport du P. Maihias de San Francisco à
conservés au Service liydrwjrapliiqne de la la date du 28 mars i63g.
Marine, Porlefcuille tio, D"" i, pièces 2 et 3. Cette remarquede IIarrison(/™ .SVne,
'5. — V. les vues de Salé, PI. I, p. 187 et Angleterre, 8 octobre i6.3o) sur le peu
l'I. II. p. i()i. d'cHicacité du tir de l'artillerie contre les
1. \. /•■' Série, .\ngIelerro, Lettre des constructions maure.sijues en pisé est encore
Miiriscos de Salé à Charles /"■. 18 avril 1627. absolument exactit aujourd'hui, et elle a été
2. Les douanes consliliiaient déjà un vérifiée dans toutes les opérations contre
revenu très important, si l'oiien juged'après les oasis sahariennes.
le chilTrc altiint par les prises pendant la /|. El-Oufràni. p. !,!,(>. Cf. El-Ma-
période décennale de iGjg à iBSg. Le P. werdi. Traduction Ustkokog, t. Jl, Titre
.Mathias de S. Francisco affirme par serment quatricmc, De la collation de la commanderie
avoir vu le cliifTrede 27 millionsde ducats, de Guerre Sainte, pp. i-ki.î.
De Casikiks. III _ i3
ig^ INTRODUCTION CRITIQUE
Larache et Tanger, voire même contre Tétouan, dont le mokaddem Abdallah
en-Neksis ne s'était pas rallié à sa cause *.
Les Hornacheros, après avoir répondu pendant quelques années aux espé-
rances du Marabout, se fatiguèrent de ses exigences pour la Guerre Sainte et
accentuèrent déplus en plus leur indépendance et leur autonomie. Une hostilité
sourde s'établit dans leurs rapports. Quand, en juillet 1629, le chevalier de
Razilly vint mettre le blocus devant Salé, El-Ayachi faisait des vœux pour que
l'escadre française démantelât la Rasba, le seul point qui l'empèchàt d'être
maître de l'embouchure du Bou Regrag-. Mais Razilly, gêné par la lourdeur
de ses navires, ne put affronter la barre et obtenir un résultat aussi complet ;
force lui fut de mouiller à El-Mamora et de diriger de là les opérations du
blocus. Au bout de deux mois, les Andalous, qui « pàtissoient grandement » de
la cessation du commerce et « qui desiroient unanymement la paix», se soulevè-
rent contre la Kasba qui les repoussa, leur tirant « force canonades ». Néan-
moins les Hornacheros jugèrent sage d'entrer en composition avec Razilly : une
trêve de cinq mois fut signée le 2 octobre 1629 et le chef d'escadre put rentrer
en France avec l'apparence d'un succès^.
Cependant El-.\yacbi, ne jugeant pas le moment opportun pour entrer en
lutte ouverte contre les Moriscos, se porta sur Tanger avec les moudjahidin,
mais le vlirilant "ouverneur Fernando Mascarenhas marcha au-devant de lui
0 o
avec la garnison et lui infligea des pertes considérables (10 janvier lëSo)*^.
Telle était la situation des partis en mars i63o quand J. Harrison se pré-
senta devant Salé : lutte intestine entre .\ndalous et Hornacheros; incursions
de El-Ayachi dans le nord du Gharb. Harrison écrivit au Marabout pour lui
demander de s'interposer entre la Kasba et Salé-le-Neuf, mais celui-ci, occupé
à préparer sa revanche de l'échec de Tanger et ne voyant dans tous les Moriscos
que des ennemis de l'islam, refusa sa médiation. Un accord fut néanmoins
signé entre Andalous et Hornacheros (i63o),dont les conditions, valables pour
une durée de deux ans, étaient les suivantes : les Andalous auraient un caïd élu
par eux mais résidant dans la Rasba ; ils nommeraient la moitié des membres
du divan, mais celte assemblée tiendrait ses séances dans la Rasba; enfm ils
auraient une part dans les revenus des douanes °.
Un rapprochement au moins momentané s'imposait entre Andalous et Hor-
nacheros, car à Salé-le- Vieil, comme dans les tribus du Bou Regrag, on pre-
1. Cf. infra p. ^aS, Relation anonyme, de cet accord, on voit deux gouverneurs
3i octobre i63i. résider à la Kasba, l'un Mohammed ben
2. Cf. /"'Série, Espagne, Le/ire de Villa- Abd el-Kader Ceron pour les Hornacheros
franco à Philippe IV, ili octobre 1629. et l'autre Abdallah ben Ali el-Caceri pour
3. V. infra, Proces-verbal d'André Che- les Andalous (sur ces personnages, V. in-
min, pp. 218 et 243-246. fra. p. 209 et note i ; p. 282, note 3 et
4. V. infra. Doc. XXXV, pp. 273-281. p. 3o8, note i). Mais la méfiance continue
5. Cf. 7" Série, Angleterre, Relation de de régner entre les deux partis (V. infra,
J. Harrison, 8 octobre i63o. — A la suite Doc. XLVIII, p. 870).
LES MORISCOS A SALE ET SIDI EL-AYACHI I QO
nait ombrage de la nouvelle république qui avait accaparé le commerce ' ; on
mettait en suspicion la foi de ces musulmans à noms espagnols, parlant le cas-
tillan et avant conservé les usages de leur ancienne patrie. On leur reprochait
d'être chrétiens et il est probable que, pour plusieurs d'entre eux, le reproche
était fondé-. Enfin El-Ayacbi les accusait de prévenir de ses mouvements les
garnisons de El-Mamora et de Larache', avec le dessein de faire échouer ses
entreprises. Voulant les obliger à dévoiler leurs sentiments, il leur demanda de
fournir des canons pour l'attaque de El-Mamora et réclama d'eux le payement
d'une contribution. Les Moriscos ayant refusé furent mis hors la loi par le Ma-
rabout', et dès lors il commença contre eux une guerre acliarnée qui ne devait
prendre lin qu'avec sa mort (3o avril i64[). Les péripéties de cette lutte et les
vicissitudes des divers partis qui y furent mêlés forment un tel imbroglio que
les contemporains eux-mêmes ne sont pas toujours arrivés à démêler la situa-
lion exacte des belligérants. Entre temps la France, l'Angleterre, les Pays-Bas
et l'Espagne intervinrent au milieu de ces troubles et, avec des politiques plus
ou moins intéressées, sous couleur de rachat de captifs, ouvrirent des négocia-
tions en vue d'obtenir la cession ou tout au moins le protectorat de l'impor-
tante position occupée par les Moriscos à l'embouchure du Bou Regrag.
Les hostilités commencèrent par le siège de la Kasba et de Salé-le-Neuf que
le Marabout vint investir en juillet i63i ^. Campé sur la rive droite du fleuve et
ayant Salé-le- Vieil comme point d'appui, il surveillait avec ses batteries l'en-
trée du port, pendant que son fils installé à Chella menaçait la ville du côté de
la ferre. Ce siège, comme toutes les opérations de ce genre au Maroc, se pro-
longea plusieurs années sans ameneraucun résultat décisif. Le Marabout n'avait
pas d'ailleurs renoncé à ses autres expéditions et il assiégeait en plus la ville de
Tétouan. Sur le trône chérifien Moulay Abd el-Malek avait été remplacé par
Moulay el-Oualid le i i mars 1 63 1 . Ce prince jugea de bonne politique de profiter
de la lutte entre les Moriscos et El-Ayachi pour se faire reconnaître dans la Rasba
et dans Salé-le-Neuf. Fils d'une Espagnole, il lui fut facile de préparer l'opinion
en sa faveur : Ilornacheros et Andalous se replacèrent momentanément sous son
autorité et lui envoyèrent des présents*. Aussi bien ils étaient en butte à des sol-
licitations pressantes delà part de Médina Sidonia. L'Espagne suivait les évé-
nements de Salé avec un grand intérêt. Entre les Moriscos qui lui avaient causé
tant de mal sur mer et « l'invincivel » El-Ayachi acharné à la reprise desfron-
1. El-Oufràxi, p. V'i'i. de Fez. Sur ces deux engagements, cf.
2. V. supra, p. 97 et note i. Galindo ï de Vera,p. 2^8 ; El-Oufràm,
3. Laraclie venait d'éprouver un cruel pp. 442-443 et /"Sene. Angleterre, LeHrcs
échecle 7 février i63i. La garnison attirée de Arthur Iloptori, février cl mai i63l.
dans une embuscade par El-.\yachi avait 4. El-Oufràni, p. 444.
été massacrée. Sur six cents Espagnols sortis 5. Cf. inj'ra. p. 4^3 et i"' Série, Espagne,
de la place, il n'en rentra pas un seul. En h la date du !>:'' aoi*>t itjSa.
mai 1 03 1, les troupes de El-Mamora avaient 6. Cf. i" Srrii-, .Vngleterri\ l. dires de
été surprises et défaites par les moudjahidin J. Ilarrisnn. 1 3 août et g octobre i63i.
ir)6 IMIIODLCTION CIUTIQÙE
teras, clic pré fera se déclarer pour les premiers, d'autant plus quelle voulait
les soustraire aux avances intéressées de l'Angleterre et de la France. Medina-
Sidonia entama avec les assiégés des nésociations secrètes pour leur faire accepter
le protectorat de leur ancienne patrie ; il fit même parvenir quelques ravitail-
lements dans la place'.
Les opérations du siège, qui ne furent jamais conduites activement, se ralen-
tirent progressivement. Quand Du Clialard - vint mouiller devant Salé en aoijt
iG3ô et présenta h l'acceptation des Moriscos le traité signé par Moulay el-
Oualid le i8 juillet, la KasLa et Salé-le-Neuf étaient dans une paix profonde.
Du Clialard, après avoir obtenu leur adhésion, repartit à la fin d'octobre, lais-
sant comme vice-consul dans la place le sieur Gaspard de Raslin '. Une nou\elle
discorde éclata en i(î36 entre llornaclieros et Andalous : les premiers, chassés
de la Kasba, se réfugièrent auprès de El-Ayachi, qui réunit des contingents pour
marcher contre les Andalous de Salé et de ïétouan. Mais le Marabout s'étant
éloigné pour d'autres opérations, le gouverneur de Salé-le-Neuf, Abdallah ben
Ali el-Caceri, en profila pour aller assiéger Salé-le-Vieil, la base d'opération de
El-Ayachi. Les Andalous construisirent un pont de bateaux pour faire passer
leur artillerie sur la rive droite du fleuve et pendant deux mois (janvier-février
163-) ils investirent la ville- El-Ayachi, à son retour, fit lever le camp à El-
Kasseri et mit pour la seconde fois le siège devant la Kasba et Salé-le-Ncuf, que
venait bloquer quelque temps après (avril iCSy) l'escadre de l'amiral Rainsbo-
rough, envové par Charles I""' pour exercer des représailles contre les pirates' et
racheter les captifs anglais. Le Marabout entra en pourparlers avec lui en vue
d'une action commune. Sur ces entrefaites Moulay Mohammed ech-Cheikh
el-Aseghir, qui avait succédé à Moulay el-Oualid (22 février i636), marcha sur
Salé-lc-Neuf pour empêcher la place de tomber au pouvoir de El-.\vachi, mais
celui-ci, allié au chef de la zaouïa de Dila ', ravagea tous les environs et empêcha
le Cliérif de dépasser Fedala.
Menacée par El-Avachi et par l'escadre anglaise, travaillée par les agents
secrets de l'Espagne, sachant d'autre part les troupes chérifiennes en marche
pour la secourir, la population de Salé-le-Neuf et de la Kasba était dans une
grande effervescence. Une sédition éclata, fomentée par El-Avachi : les révoltés
1. Sur la politique (le l'Espagno à l'égard ils étaient traînes en longueur, ils finirent
des Moriscosde Salé, V. l'iSén'e, Espagne, par s'attaquer aux Anglais, et en peu
les documents de cette période. d'années leur infligèrent des pertes consi-
2. Sur ce personnage, V. inj'ra, p. 300, dérables. La situation devenue particulic-
note 2. rcmenl intolérable en i636 motiva l'expc-
3. V. infra. p. 5.37, note 2. dilion de Rainsborough. Cf. /''^ Série,
!\. Malgré l'accord signé en 1637 par Angleterre, i635-i636, passim.
Harrison avec les Moriscos, les vaisseaux 5. Sur la zaouïa de Dila et ses chefs, V.
anglais avaient repris la course contre les infra. Introduction critique, La Zaouïa de
navires salétins. Les Moriscos se plaigni- Dila et la chute de la dynastie saadienne,
rent de cette violation du traité. Comme pp. ,")73-5S3.
LES MOniSCOS A SALK KT Sinl KI.-AVACIII IQ~
se porteront contre la maison du vieux gouverneur El-Caceri, qui fut déposé et
remplacé par trois chefs élus (juin iGSy). Les Andalous délibérèrent ensuite
sur la conduite à tenir. Les uns, favorables h El-.\vaclii, voulaient traiter avec le
Marabout, qui imposait comme conditions la rentrée des Hornacheros dans la
Kasba et la concession de quelques avanlayes à Salé-le-\ ieil. Les autres, parti-
sans du Cliéril, proposaient de lui faire lioniniaj;c de (idélité et de lui livrer El-
Caccri. Enlin un troisième parti tenait pour ce dernier et voulait le remettre
à la tète du gouvernement. Ce furent les [lartisans du Cliérif qui l'emportè-
rent : le vieil El-Caceri chargé de cliaines fut embarcjuéet mené à Azemmour,
puis conduit au Chérif qui campait dans le Tamesna. Mais le premier acte de
celui-ci fui de conlirmer El-Caceri dans ses fonctions. Le gouverneur reprit la
mer, ramené à Salé par un agent anglais, Robert lilake', et un caïd cliériCen
ayant mission de le remettre en charge. Il fut conduit à bord du « Léopard » et
retenu par Rainsborough, pendant que Robert Blakeet le représentant du Chérif
allaient à terre sonder les dispositions des Andalous. Un revirement s'était produit
parmi eux, et, pour témoigner de leurs bonnes intentions, ils donnèrent la
liberté à quelques esclaves anglais et redemandèrent El-Caceri qui, débarqué du
« Léopard », fut accueilli avec enthousiasme. Il fit trancher la tête à quchpies
meneurs, partisans de El-Ayachi, puis, en exécution des engagements pris avec
Rainsborough, il lui renvoya -tous les captifs anglais au nombre de trois cents
environ. L'amiral anglais, qui pendant cinq mois de blocus (2 avril-3oaoùt 1637)
avait vainement tenté de brûler quelques navires dans le port, put mettre à la
voile, laissant Ei-Avachi devant Salé-le-Neuf cl la Kasba-. Mais le Chérif ayant
réussi à envoyer par mer un fort secours aux Andalous, le Marabout se décida
à traiter avec lui, et, après avoir obtenu l'admission des Hornacheros dans Salé-
Ie-\euf, il leva le siège et alla camper du coté de [Cl-Mamora ^.
Rentrés dans la ville, les turbulents Hornacheros v reprirent une silualioii
préj)ondérante et assiégèrent la Rasba, dont les défenseurs, tant Maures
qu Andalous, tenaient pour le Chérif. Quant à EI-Avachi, bien <|u'éloigiié
de Salé, il n'en était pas moins l'instigateur de l'attaque dirigée |)ar les
Hornacheros contre la Kasba ; il reparut avec ses moudjahidin en mars i638
et fit pousser activement le siège. La situation de la Kasba devenait critique et
les Andalous se demandaient à qui, de l'Angleterre ou de l'Espagne, ils con-
fieraient leur défense (septembre i638). Medina-Sidonia surveillait attentive-
ment les démarches de l'agent anglais Robert Bl.ike et les mouvements de El-
Ayachi, redoutant également de voir la Kasba aux mains des Anglais ou au
pouvoir du Marabout'". Cependant la place eut quelque répit en iCSg, car El-
Ayachi, appelé par les Oulad Douaïb, se porta sur Mazagan". Attiré traitreusc-
1. Sur ce personnage, V. infra, p. 543, cl Journal de liobcrl Blake. iG3iS-i(i3g.
noie I. II. V. Ibidem et infra. Doc. VA, p. 58^,
2. V. infra, pp. bië-bftB). Relation de Jean Lettre de Gaspard de Rastinù Richelieu.
Marf/esel t'''^ Série. Xn^lctcrrc. ïCiS'^ .passim. ,5. Les iiit('lllt;rncosqii<! Moulav Moliani-
3. V. /'''' Série. \tij^\clcrr(-', ïiV.\^, pnssim mcd ccli-dlirikli c/- l.s-c^/i/V rnlrrlciuilt ;i
igS INTRODUCTION CRITIQUE
ment dans une embuscade, le jeune Francisco Mascarenlias, comte de Caslello
Novo, gouverneur de la IVonlera, fut cerné et périt avec toute sa cavalerie
(il avril 16/10)'. Enorgueilli par ce fait d'armes, El-Ayachi revint à Salé,
jurant d'exterminer les Andalous. Ceux-ci réclamèrent alors l'intervention ami-
cale de la zaouïa de Dila. Sidi Mohammed cl-lladj, le chef des Dilaïtes depuis
la mort de son père Sidi Mohammed ben Abou Beker (163-), fit une démarche
auprès d'El-Ayachi en faveur des Andalous. « Ces gens-là, répondit le Mara-
bout, sont un ulcère qu il faut détruire jusqu'à la racine'-. » Profondément
irrité. Sidi Mohammed cl-IIadj marcha avec ses Berbères contre El-Ayachi.
Battu dans une première rencontre, il prit sa revanche aux environs de ,\zghar :
le Marabout s enfuit chez les Khelouth ', mais, trahi par eux, il fut assassiné à
Ain cl-Rsolj (.'îo avril 16/I1). Sa tète fut coupée et envoyée à Salé-le-Neuf, où
on la promena par la ville, à la grande joie des Andalous. A Mazagan, à El-
Mamora, à Larache et à Tanger, les Chrétiens se livrèrent à toute sorte de
réjouissances en apprenant la mort du redoutable « santo* ».
Délivrés de leur implacable ennemi et ne pouvant plus compter sur l'appui
du Chérif, que Sidi Mohammed el-IIadj venait de refouler au sud de l'oued
el-.\bid •■, les Andalous se placèrent sous 1 autorité de la zaouïa de Dila,
qui était alors reconnue depuis le Tadla jusqu'à Fez et à Mckinès. Sidi
Mohammed el-Hadj devint le suzerain de Salé, qui perdit en partie son indé-
pendance et son autonomie. On le voit en l643, i6^4 et i65i, ayant la haute
main sur la république et signant les accords qu'elle passe avec les Etats-Géné-
néraux des Provinces-Unies. Cette situation dura jusqu'à l'avènement de la
dynastie filalienne, époque à laquelle la cité et la Kasba perdirent toute exis-
tence propre et refirent partie intégrante de l'empire chérifien.
cette époque avec le roi d'Espagne par 1 in-
termédiaire d'un franciscain, le P. Malliias,
avaient donné naissance aux bruits les plus
invraisemblables. On prétendait que le
Chérif, fils d'une chrétienne, n'attendait
que l'appui de Philippe IV pour se déclarer
chrétien et obliger ses sujets à en faire au-
tant. Ces bruits étaient habilement eiploités
par El-Ayachi au profit de la Guerre Sainte.
C'est pourquoi le Marabout était venu s'é-
tablir prés d'Azemmour pour intercepter les
communications entre Merrakech et Maza-
gan où était attendu le P. Matliias revenant
de Mailrid. Il espérait surprcmlre des lettres
compromettantes de Pliilippe IV au Chérif.
-Mais le P. Mathias ayant prolongé son sé-
jour en Espagne, ce projet ne put recevoir
d'exécution. Ce fut alors que les Oulad
Douaïb conçurent le projet d'une attaque
contre la garnison de Mazagan. V. Fran-
cisco de S. JuAiN DEL Puerto, pp. i^ôo-^Di.
1 . Cette malheureuse affaire fut appelée
à Mazagan la Desavenlura do conde. Cf. D\
Clsha. pp. 8i-83. El-Oufr.àm, p. 4^7.
2. EL-OuKK.iNI, p. 4iij.
3. El-KIœloiUh, tribii du Gharb campant
au sud de El-Ksar el-Kebir sur le même
territoire cpie les Béni Malek et les Sofian.
4- El-Oufrâm, p. 45 1.
5. Bataille de Bou Akha, 26 octobre
i638. Cf. El-Olfràni, pp. 4^3 et 467 et
/'■'' Série, Angleterre, Journal de Robert
Blake, iC38-i63g. — La date donnée par
El-Oufràni est erronée.
LETTRE DE RAZILLY A RICHELIEU If)g
XXX
LETTRE DE RAZILLY A RICHELIEU'
Bazilly a bloqué les; pirates dans Salé et détruit plusieurs de leurs navires.
— Les esclaves français et espac/nols trouvés à bord de ces vaisseaux ont
été rendus à la liberté. — Razilly a vainement proposé aux pirates de
leur rendre des prisonniers turcs en échange de captifs français. —
Pressés par la famine, les Salétins se sont révoltés et ont obligé le (jou-
vcrncur à traiter avec les assiégeants. — Le (joaverneur s'est emjaqé à
rendre les captifs et a conclu avec Du Chalard une Ircve de cinq mois. —
Le mauvais temps a empêché Du Chalard d'endtarquer les captifs. —
ftnzilly, qui était allé relâcher à Safi. a correspondu avec le roi du
Maroc, mais les vents contraires l'ont éloiqné de la côte et ramené en
France. — // est probable que les trois navires qu'il avait envoyés à Mo-
qador ont eu le même sort. — Di.'^cipline et zble de son équipage; raisons
pour lesquelles la flotte n'a //as rendu plus de services. — Recomman-
dation en faveur d'André Chemin qui se rend au/irh de Richelieu pour
lui rendre compte de Vexpédition et lui remettre les lettres du Chérif.
Port-Louis, aâ novembre 163g.
En tcle, alla manu: Lettre du chevalier de Razilli sur son voyage
sur les côtes de Barbarie.
Monseigneur,
Aussytost mon arryvée au Port Louis, j'ay escript la présente à
Vostre Grandeur pour luy rendre compte de ce qui s'est passé au
voyage de Marocq. où. Dieu mercy. je puis dire que la flotte du
Roy. dont il a pieu à V. G. m'onliorcr de la charge, a fait caller la
I. On trouvera avec plus de détails dans porte Razilly dans la présente lettre. Il a
le Procès-verbal d'André Cbemin (V. infro, paru inutile de signaler en note toutes les
Doc. XWl, pp. 2o0-a.^)5) les faits ipie ra|>- concordances centre les deux documents.
200 35 NOVEMBRE 1629
voille à tous les vaisseaux estrangers qu'avons rencontré Jejiuis
nostre départ ; et particullieremenl avons repoussé l'audasse
de la republique de Salle, lesquelz se sont révoltez contre leur
roy. Ils avoient acouslumé de s'enrichir, tous les ans, aux des-
pens des pauvres marclians françois, et, pour cest ellait, avoient
armé ceste année nombre de vaisseaux, qui n'ont pu sortir de leur
port, pour aller es Terre-Neufve et coste de France', en dessain de
prendre le plus grand nombre d'esclaves françois qu'ilz pour-
royent. Et, ayant apris dans la rade de Salle leurs dessaingz, j'ay
fait toute sorte de dilligence pour rettirer les esclaves qu'ilz dé-
tiennent. Mais comme ilz esloient mal informez des forces de Sa
Majesté par mer, en se riant, demandoient cent pièces de canon et
un million de livres, et que. paraprez, ilz traiteroientdepaix avecq
nous, disant que le roy d'Angleterre, qui est le maisfre de la mer,
a esté contraint de leur en envoyer nombre pour avoir leur amityé.
Ayant entendu d'eux telle impudence, je mis les vaisseaux du Roy
en ordre et fis de telle fasson qu'en trois mois ils n'ont peu sortir
aucuns de leurs vaisseaux, ce qui a rompu leur premier dessain,
outre que tous ceux qu'ilz avoient à la mer, pensans entrer dans leur
havre, nous les avons pris oubruslez. ParticuUierement leur admi-
rai, du port de trois cens thonneaux. armé de vingt pièces de ca-
non, et d'esquipage cent quatre-vingtz hommes, feust contraint de
s'eschouer à une lieue de La Mamore, où, à coups de canon de ceste
Hotte, on leur tua un grand nombred honunes ; le reste fut noyé et
partye sauvez à la nage, aprez avoir rendu trois heures de combat.
Enfin feust bruslé, comme aussy deux autres navires de deux cens
thonneaux, bien armez en guerre, que nous avons contrains de
s'eschouer. dont l'un a esté bruslé à la veue des Espaignolz de La
Mamoie, outre que nous avons pris trois vaisseaux de guerre de
cent cinquante à deux cens thonneaux avecq une barcpie françoise
qu'ilz avoient prise. L un desquels vaisseaux ne peut estre atrapé
que par une patache oUonnoise, que mons' Du Challard' et moy
1. Sur les entreprises des pirates de Rocjuelaurc, servit dans la marine avec dis-
Salc contre les pcîcheurs de Terro-Xeuve, tinction ; déjà gouvernciir de la Tour de
V. suivra, p. 1^7. note i. Cordouanen i6ig, iirétaitencorc,auraoins
2. Priam Pierre Du Clialard, d'abord en titre, en 1679 (Bibl., Nat., Pièces origi-
attaclic comme gentilliomme au duc de iialcs. vol. 6^8, cote JÔ2Ô6, pp. G et 7).
LF.TTHE nr. liAZlILY A ItlCHELlEl' 201
avons armée, où il y avoit ciii(|iianlc hommes et six pièces de ca-
non, et dans le vaisseau ennemy y avoit quatre-vingtz liommcs et
douze pièces de canon . (pii. aprez trois heures de combat, i'ciisl a horde
par le dit OUonnois. où les soldats? courageusement renlcvoient à
coups d cspée. Il ne demeura dedans que soixante homnies; le reste
feust tué au combat.
Ses navires fuient tellement fracassez et brisez de coulis de canon
(jiiil nous cstoit du tout impossible de les amener en France, ce
qui nous a obligé de les vendre à un François espagnolizé', qui nous
en a donné, pour deux et cinquante Mores, saize mil livres paiables
à S' Mallo. Dans ces vaisseaux, il s'est tiouvé vingt François
esclaves, que nous avons dans la flotte, et trente Espagnolz aus-
quelz j'ay" redonné liberté, au nom du Roy et de Vostre Grandeur,
ipie j'ay envoyez au gouverneur de La Mamore. où. en suite de ce,
j'av lait escorter plusieurs navires espagnolz qui venoient aporter
des vivres à ladite Mamore, qui en estoit mal garnie. Hz passoient
à l'ahry et fabveur de ceste flotte, qui eussent tous esté pris sans
nous. Ce qu'ayant sceu, le duc de Medine m'en a escript deux
lettres de remercyement. auquel j'ay fait responce que c'estoit V. G.
qui m'avoit commandé de protéger tous les vaisseaux espagnolz.
Or, les prisonniers tui'cqz cpic nous avions pris dans les susditz
vaisseaux me prièrent instamment d'envoyer un navire à la rade
de Salle et m'asseuroient que ceux dudit Salle rendroicnt les
esclaves françois pour eulx ; où, à cest elfait, j'envoyey à leur rade
mons' Du Cliallard avecq son navire, auquel ilz tirent responce
quilz ne voulloient aucunement eschanger personne. Ce que
voyant, je fis remetre les vaisseaux du Roy en ordre, pour confi-
rmer à leur l'aire la guerre, où nous empeschames plusieurs navires
anglois et hoUandois de M'iiir traiter avecq eux, lesquelz nous con-
traignimes de regaigncr à la mei' ; ce qui leur " aporta une grande
tristesse, outre cpie, durant tout ce tenqis là, plusieurs har([ues quilz
avoient à Arzil chargez de hicd n'ozoient se mettre à la mer pour
venir audit Salle, qui feust cause qu'ilz se trouvèrent à la famyne.
(|ui insita le commun peuple, se voyant si fort incommodez de
^ ivres, à se révolter contre ceux du cliasleau et se battre les uncrz les
■o'
1. Daniel Desliaycs. \. pp. 22y-233. 2. Leur, aiii pirales île Salé.
202 25 NOVEMBRE l62f)
autres, de telle fasson qu'il y en eust beaucoup de tuez de part et
d'autre, d'autant que le gouverneur estoit poussé par quelques ungz
à ne faire point la paix, si bien qu'ilz l'obligèrent à nous rechercher.
A cest efiait, me fit escrire sourdement par les esclaves, alïln que
j'envoyasse un navire en leur rade, et qu'ilz rendroient tous les
esclaves pour le prix qu'ilz leur avoient cousté en la place publique,
qui se montent, l'un portant l'autre, à quelque deux cens livres.
Sçachant l'extresme charité que V. G. a pour la liberté de ses
pauvres François, je renvoyayde rechefle s' Du Chalard avecq son
vaisseau en ladite rade, avecq tout pouvoir de negotier avecq eux
à l'advantaige du service du Roy ; où, lorsqu'il y feust, le Gouver-
neur envoya à son bord les articles signez, qui contiennent une
trefve pour cinq mois, que nous avons trouvée à propos, et fit offre
de toutes sortes de service au Roy et à V. G.
Sur le temps que l'on debvoit prendre les esclaves, survint une
sy grande tourmente de mauvais temps qui contraignit le s' Du
Cliallard à lever l'encre, pour s'en venir me trouver à la rade de
Saffy. où le temps m'avoit forcé d'aller rellacher ; où estant arryvé,
japris touttes nouvelles de Marocq par M"' les chevaliers Des
Roches et de Guitault, que j'y avois envoyez, il y avoit trois mois,
dans l'un desquelz' estoit le Révérend Frère. Rodolphe, capuchin, qui
avoit porté la lettre de Sa Majesté au roy de Marocq et qui avoit
charge de negotier ; d'autant que nous avyons apris, à nostre
arryvée à Salle, que les deux bons Pères capuchins estoient mortz
ensemble la pluspart des gentilhommes françois, compris mon
nepveu ", et que, d'un sy grand nombre, il n'en restoit que cent-
dix : les autres estoient mortz de la peste, qui avoit esté sy forte
qu'il estoit mort en un an à Marocq cent soixante-six mil hommes.
Ayant donc sceu par le retour du R. F. Rodolphe la bonne
vollonté et inclination qu'avoit le roy de Marocq de faire la paix
avecq Sa Majesté, feust cause que j'escrivis une lettre audit roy,
qu'il receust avecq contentement, et me fit response où il me man-
doit que, puisqu'il sçavoit asseurement que j'estois serviteur du roy
de France et que je luy avois tenu ma paroUe, combien que je
T. Dans l'un dcsijiieh,.. Entenrloz : dans liers Des Rochrs ol rlc (>uitanlt.
l'un 'les navires commandés par les chuva- 2. Gabriel de Kazillv., V. p. 1-9, note 2.
LETTRE DE RAZILLY A HICHELIEV 2o3
n'eusse rien aporté, qu'il ne laisseroil do me randre lous les
esclaves, et que, à plus forte raison, il estoil très aize de donner ce
contentement à Sa Majesté, souhaitant et désirant l'amityé d'un sy
grand et puissant monarque, comme est le roy de France, duquel
les victoires rcdondent par toute la terre. Il est vray aussi qu'il
faisoil enharnacher six chevaux barbes avecq leur mors d'argent
et leurs selles en broderye, pour en faire présent à Sa Majesté.
Sur le point que les affaires estoient prestes et que le Roy debvoit
envoyer à Saffy les esclaves pour les faire embarquer, survint une
tourmente d'un vent de surouest, qui dura sy longtemps qu'il nous
fallut par nécessité s'esloigner de la terre ou se perdre, et avons esté
contrains, aprcz avoir enduré ceste tourmente trois sepmaines,
d'un bort et d'autre à la mer, à faire vent derrière pour venir rel-
lacber en France où ', quinze jours aprez, qui feusl le dix-huif de
novembre, parut à midy le solleil. Je ne voullus perdre l'ocasion de
prendre haulteur avecq mes pillotes, et me trouvay par les qua-
rante-sept degrez, et nostre estime de l'est estoit proche de terre,
tellement que je fis porter à l'cst-nord-est, où le lendemain je me
rencontré à deux lieux de l'isle de Groys. La tourmente continuant
tousjours, le vaisseau faisant grande eau. la pouUayne toutte rom-
pue, par l'advis de mes pillotes, j'entrey, le vingt" de novembre,
dans le Port Louis, allln de sauver le navire du Uov, bien fâché de
ce que le vent ne me permetoit d'aller à La Rochelle, où je croy
que mes compaignons auront rellaché, voyant journellement arry-
ver des miracles pour les armes du Roy, comme Dieu les conserve
et benist par les conseilz de V. G.
Le jour auparavant que je fus contraint de lever l'encre de la
rade de Saffy, j'avois envoyé trois navires " à Mongador j^our exé-
cuter les commandernens de V. G., ausquelz j'avois donné ce qui
estoit nécessaire. Mais, ayant receu la tourmente comme nous, je
croy quilz n'auront rien fait et auront esté contrains de s'en reve-
nir, car, de dix voillcs que nous estions, je me suis trouvé seul'\
1. La fin ilu paragraphe est presque Icx- et Dos Koclics. V. infra. p. îCm.
tuellcmeril semblable aux clcriiières lignes 3. II semble cependant qu'ils purent
du Proces-verbal d'André Chemin. V. infra. remplir leur mission, car, d'après le récit
p. 255. du P. p'rançois d'Angers, ils levèrent le
2. Les navires île Treillebois, Guitault plan de l'île et de la forteresse de Mogador
2o'l 25 NOVEMBRE iCaf)
Je diray à V. G. que, tous les capitaines de ceste ilolte, se sont
les plus sages qui se peut dire, remplis de courage et zellez au ser-
vice du Roy et de \. G. ; et. durant tout le voyage, il n'y a eu au-
cune paroUe de controverse ny dispule, tous portez d'affection à
execuler vos commandemens. J'asscnieray V. G. qu'il n'y en avoit
pas un qui n'eust plus d'hommes que lestât de Sa Majesté ne porte;
moy en particulier, qui ay employé mon reste, avois deux cens
trente hommes pour hien servir le Roy et V. G., n'ayant rien f[ue
pour l'employer à son service.
Ceste Hotte esfoit sy unie qu'elle pouvoit faire de grandz exploitz,
sy elle eust rencontré de plus puissans cnnemys, mais nous avons
perdu la saison dans le long radoub cju'ont eu ses vaisseaux à s'a-
commoder à Brouage, et moy qui ay l'ait le radoub de ce vaisseau
« La Licorne » et achapfé des cables et agreilzà mes dépens, n'ayant
eu affaire aux officiers de la maryne, j'ay esté prest trois mois
devant les autres, bien que je ne sçaurois dire nv accuser les capi-
taines que ce deffault soit venu de leur part ; ilz y ont aporté toute
sorte de soingz et dilligence.
Le s' Chemin s'en va trouver V. G., qui luy porte le procez-
verbal de tout ce qui s'est passé de jour à autre'. Lequel ne s'estpas
comporté seuUement en commissaire, mais en homme de guerre,
car, en toute sorte d'ocasions qui se sont piesentez, a tesmoigné
avoir le courage généreux et fort zellé au service de V. G. ; laquelle
je suplye considérer que, pour faire des embarquemens à l'advenir
en dilligence, il est très-nécessaire de faire paver nos matelotz, qui
ont servy fidellement, comme pourra asseurcr le s' Chemin àV. G.,
laqucUejesupliequejeluy aille baiser les mains et luy porteries estan-
dars des Turcqz qu'avons pris et luy mener un capitaine d'Alger
que nous avons trouvé assosyé avecq ceux de Salle', comme aussy
luy porter les lettres dudit roy de Marocq, qui souhaite avecq pas-
sion l'amityé de Sa Majesté, qui se peut faire au premier voyage,
ayant raporté toutes les marchandises ', ausquelles l'on n'a touché.
qui Ipiir parurent à l'abri il'uiic suqirisn. d'André Chemin, pp. 225-226 ol 289-240.
\. infrn, p. 2'ja. 3. Il faut entendre que le.s marchandises,
1. V. ci-aprcs ce procès-verbal, p. 206. c'est-à-dire les présents destinés au Chérif
2. Ce capitaine d'Alger est le capitaine (V. p. 261^ et note 8), seront toutes prêtes
Oja dont il est question dans le Proe'es-oerbal pour de nouvelles négociations.
LETTRE DE RAZII.LY A HICHELIEU 20.1
Je rendray compd' plus particiillicroniciif à V. (i., loiscjue jaurav
riionneur de la salhier. Atendant. je priciav Dieu 230iir sa prospe-
rilé el santé, de laquelle je suis <à jamais,
Monseigneur,
Vostrc très-liunible, Irès-obeissant el très-obligé servileui-.
Signé : Le chevallier de Razilly.
Au Port Louis eu Bretagne, le 20 novembre iG^çj.
Archives des Affaires Elramjères. — Maroc. — Mémoires el Doc.u-
ineiiLi. Vol. 2, ff. ^8-U9 r". — Original.
Archives de la Marine. — D' ^9, p. 120. — Copie.
îoG '629
XXXI
PROCÈS-VERBAL D'ANDRÉ CHEMIN'
Troisic'ine voyage de Razilly au Maroc.
1629.
En trie : Geste relation se doibt jDresenter à monsieur le com-
mandeur de La Porte ^, lequel est tics-huniblement suplié par le
clievalliei- de Razilly de prendre son temps jiour la faire veoir à
monseigneur le Cardinal.
Relation en abrégé fait par nous André Chemin, esouier, sieur
de La Gaultraye, commissaire ordinaire de la marine, député pour
la pollice des sept vaisseaux' et deux pataches ordonnez par Sa
Majesté et monseigneur le cardinal de Richelieu, grand maistre, chef
et surintendajit gênerai de la navigation et commerce deFiance, pour
faire le voyage de Marocq et autres lieux de la coste dAffrique, soubz
la charge de monsieur le chevalier de Razilly, chef d'esquadre des
vaisseaux de Bretaigne et commandant ladite flotte, composée des
navires du Roy cy-aprez mentionnez, suivant lestât de Sa Majesté:
Premièrement, le navire « la Licorne », commandé par ledit sieur
chevalier de Razilly ;
Le vaisseau « le Saint-Louis », commandé par le sieur de La
Touche de Non ' ;
1. On trouve ;i la Bibl. Nat., il/ss., Dos- croix de l'ordre de Malte, grand prieur de
siers bleus, vol. i<Si, la généalogie d'une France, commandeur de Bracque, gouver-
famillc Chemin, dans laquelle figure un neur d'Angers en i6rg, du Havre en 1626,
André Chemin qui est peut-être le commis- lieutenant du Roi au pays d'Aunis et es îles
saire de la marine attaché à l'espédition de Ré et d'Oléron en i633, mort à Paris
de Razilly en 11129, mais ce document ne le 3i octobre i6^4.
fournit aucun renseignement biographique 3. En réalité huit, d'apri s l'énumération
sur ce personnage. qui suit.
2. .\.mador de La l'orte, chevalier, grand [\. V. p. 2(1/1, note 5.
PROCES-VERBAL D ANDRE CHEMIN 20'1
Le vaisseau « la Renommée », commandé par le sieur Du
Chalard' ;
Le vaisseau « le Hambourg», commandé par le s'' chevallier de
Guilaull" ;
Le vaisseau « la Sainte-Anne », commandé par le s' chevallier
Des Roches' ;
Le vaisseau « la Catherine », commandé par monsieur le che-
valier de Jalesnes' ;
Le vaisseau « le Griffon », commandé par le s' de Trellebois ;
Le vaisseau « le S'-Jean », flibot ' commandé par le s' de La
Selle, armé, suivant l'ordre de mondit seigneur le Cardinal, pour
donner advis au loy de Marocq, d'autant que la dote croyoit faire
le voyage de Canada.
Le vingt deux' jour de juin 162g, les susditz vaisseaux estans
mouillez à la rade de La Palliée, arryva un courrier du Roy qui
aporla les ordres de Sa Majesté et de mondit seigneurie Cardinal,
où il estoit enjoint au sieur chevallier de Razilly de faire voille au
2>lustostet suivre son voyage de Marocq, dont, dès la mesme heure,
il fit assemblei- tous les capitaines de la Hotte avecq le dit s' Chemin
commissaire, allin de suivre exactement les ordres et commandemens
qui luy esloient enjointz, où il feust tiré au sort à qui possederoit
les marques honorables de la flotte, qui escheurent, sçavoir : au s''
de La Touche, le vis-admiral ; au s' chevallier de Jalesnes, le contre-
admiral; et au sieur de Trellebois, l'avan^arde. Et feust remonstré
par le sieur Du Challard les grandes incommoditez qu'il avoit pour
ne pouvoir charger ses \ ictuailles, à cause du présent qu'il porloit
au nom du Roy. A ce subjet furent tous d'advis avecq le sieur che-
1. Sur ce personnage, \. supra, p. 200, le i" août 1616. Vertot, t. IV, p. 563.
note 2 et Introduction, notice biogra- Mentionné en i636 et 1687 comme capi-
phiqiie. taine de galère. Bibl. du Ministère de la
2. Charles de Pechpcirou-Commenge, Marine, Alphabet Laffilard, p. 5n.
connu sous le nom de Commandrur de 4. Jacques, seigneur de Jalesnes (châ-
Guilaud, se distingua comme capitaine de tellcnie en Anjou), reçu chevalier de Malte
vaisseau i la prise de Sainte-Marguerite en le i5 octobre 161 5. Vertot, t. IV, p. 563.
1637. Maréchal de camp en lôôg. Moueki, Mentionné comme capitaine de vaisseau en
t. VIII, p. i53. ifi34 et 1662. Alphabet Laffilard. p. 3o5.
3. Martin Fumée, seigneur des Rocbes 5. Flibot (en néerlandais : Vlie-boot, en
(diocèse de Tours), reçu chevalier de Malte anglais ; l'ij-hoat), petit navire, mouche.
2o8 1^29
vallier de Razilly [qu'Jilz acheteroient un navire ollonnois, bon
voillier, du port de quatre-vingt thonneaux. qu'ilz aimeroient tant
pour servir de palacheaux occasions de guerre, pour renger et appro-
cher les costes d'AiTrique et poursuivre les vaisseaux cnnemys et
forbans, que pour charger et porter une partie des vuituailles de la-
dite « Renommée » ; et feust aussy accordé au s'' de Trellebois qu'il
armeroil une siene pettitte pinasse avecq quinze hommes, lesdites
patachcs eslans fort bien armez et esquipez pour le voyage, veus
et visilez jDar nous, commissaire.
Le vingl-sejjl'' dudit mois, le vent estant devenu bon, le sieur
chevallier de Uazilly ne le vouUant perdre fit lever l'encre à tous les
navires de la ilotle pour commencer le voyage, et, estant à vingt
lieux à l'ouest de La Rochelle, firent rencontre de quarante-trois
navires hollandois qu'ilz feurent recognoistre, et ayant veu qu'ilz
porloienl le pavillon de Hollande au grand mas, les vaisseaux du
Roy arryvereni à portée du mousquet de ladite flotte pour les
faire amener leurs enseignes à la veue du pavillon du Roy, ce qu'ilz
firent et le salluerent de trois coups de canon, et leur feust respon-
du dun coup du vaisseau « la Licorne ».
Pour doubler lecap de Finisterre, l'on fit porter à l'ouest-sorouest,
où l'on eust huit jours de calme, qui attira les vaisseaux dans le
goulTre vers la coste de Biscaye. Neanmoingz le vent de nort, venant
à deux lieues pour heure, nous fitdescouvrir le cap d Ortiguières',
et passans à unze ou douze lieux du cap de Finisterre, le vent
continuant au norl. nous singlames au sud. puis au su'est, jusques
à recognoistre les terres d'Affrique par trente-cinq degrez, à la veue
de La Rache, et, rengeant la coste au surouest, nous arryvames à
la rade de Salle, le vingt" de juillet, à la pointe du jour^. Mons' le
chevallier de Razilly donna ordre que deux des vaisseaux yroient
vers Fadalle ^ au surouest, et deux autres yroient, terre à terre, vers
la rade de Salle, venant du costé du nord-est, etluy, avecq les trois
autres vaisseaux, yroient droit mouiller l'encre à la rade, pensant
surprendre des vaisseaux de Salle de ceste fasson, qui estoient en
ladite rade, qui ne pouvoient eschaper. n'eusl esté que le calme
1. OrU'jiiicrf.i, Ortegal. juillcl pour lenir conseil. V. p. 2(17.
2. D'apri's le P. [•'raiiçois il'Aii^'nrs. 'A. FatlalU. Fedala, rade forainr. V
liazillv avail f'ail i-^cali- .'1 KI-Maiinini li- 17 ;'■' Sérif. rraiicu, t. Il, p. 2') i , uolc 3.
PROCES-VERBAL D ANDRE CHEMIN aOQ
vint, qui empesclia que les vaisseaux ne peurcnt acomplir l'ordre
qu il leur avoit donnée : tellement que trois navires du port de cent-
cinquanle et deux cens llionneaux quiesloient à ladite rade, des-
couvrans deux de nos vaisseaux proche de la forteresse de Salle et
les autres venans du costé du nord-est, ilz l'eurent contrains de gai-
gnerà la mer vers Fadalle ; que sy le vent eust permis que les deux
vaisseaux ordonnées eussent esté de ce costé-là, ses trois vaisseaux
eussent esté pris. Hz se sauvèrent avecq fort peu de vuituaillcs, mal
accommodez, d'autant qu'ilz pensoient embarquer à loisir leurs
nécessitez.
Touttc la Hotte vint doncq mouiller l'encre à la rade de Salle, à
portée de canon du chasleau, et l'eust tiré de la forteresse trois
coups de canon en balle sur les plus proches vaisseaux d'icelle.
Deux heures aprez. 1 on envoya une chaloupe à portée du
mousquet de terre, conduite par le capitaine Delormel. lieutenant
dans le navire « la Licorne », auquel l'on donna la lettre qui
s'ensuit, laquelle il tira à terre avecq un arc et une lleche :
Teneur de la lettre.
Lettre de Razilly a Mohammed be\ Abd ei.-Kader Ceron'.
// le prie de liiifuirc conruu'lre l<i voie lu plus sàre pour entrer en relations
arec Moulay Abd el-Malek.
En rado de Salé, 30 juillrt lOai).
Monsieur,
Vous serez advcrly par la picscnic que je viens de la part de
1 invincible Roy Ïrès-Chresticn, protecteur de l'Europe et monarque
des François, alTin de traiter qiiebjucs alTaires importantes avecq
le trcs-pulssanl Molley Abd el-Melecq, roy de Marocq et empereur
d'AITriquc. C'est pourquoy, ce lieu icy estant le premier que j'aye
I. Ce caïd, qui exerçait une grande in- decelterépnlili((ueavecles Puissances. V. ci-
llui'ncesur les Ilornacheros de Salé, joua un dessous,)). 3o8et note i; i'' Série, Pays-Bas,
rôle important dans toutes les négociations t. III, passini, Angleterre, i4 juillet i63i.
De Castuies. III. — lit
2IO iGaç)
peu aborder en ces cosles, je vous adresse ce mol pour vous prier
me mander la \ eoye plus asseurée pour luy faire sçavoir de mes
nouvelles, et. pour cest eflait, je vous donne ma paroUe, qui est
inviollable. que tous ceux qui viendront de vostre part s'en pour-
ront retourner avecq toute seureté; mesmes. s'il y a quelques
marchans françois, il vous plaira vous servir d eux pour me mander
au plus tost ce que dessus.
En atendant. je demeurerey, Monsieur,
Vostre très-humble serviteur,
Le chevallier de Razilly.
Envoyée au gouverneur de Salle le vingt' de juillet 1629.
Le Gouverneur, ayant receu ladite lettre, tout incontinent fit
esquiper une siene chaloupe qu'il envoya au bord de monsieur le
chevallier de Razilly avecq la response de la susdite lettre en langue
espaignolle, dont la teneur ensuit :
Letthe ue Mohammed be\ Abd el-Kadek Cehon a Razilly.
]l lui souhaite lu liicnrcnue et envoie une barque lui porter ses propositions .
Salé, 27 Don cl-Cada [o38' — 18 juillet 1639.
Sea V. S. muy aliora bucna vcnido a este puerlo, que para todos
los Andallozes, moradores desta fuerça, a sido negocio de mucho
gousto, y lo touvieron muy occido con la carta que Y. S. nos escrivio ;
y ansy, para satisfazer a ella y servir a V. S. en toto quanto se
offreciere, yra un ijarco a bordo aqui, en suplico se saliiar del
procéder y de la seguridad con que aqui se trata, ques notosia a
todos el mundo.
I. Il faut probablement rétablir : 39 puisque cette lettre est une réponse à celle
Don cl-Caila, correspondanl au 20 juillet, de I\a/illv du io juillet.
PROCES-VERBAL D ANDRE CHEMIN 211
j Que Dios y prospéra V. S. largos annos !
Desta fucrça de Salle, 27 de Du al-Cada io38.
Muhamad ban Abdulcader Ceron.
Dans laquelle chaloupe qui aporla ceste responce vindrenl à
bort forces Andallous et capitaines de ladite ville de Salle, lesquelz
virent le vaisseau « la Licorne » bien armé, comme il est, de
force canons et de bons hommes, le tout en bon ordre, qui feurent
fort bien receubz dudit s'^ chevallier de Razilly, et s'estonnoient
de veoir un sy grand nombre de monde sy bien couvertz et armez,
et ravis de veoir de sy belles flemmes et estandars de damas en-
richis à perfection, qui les faisoit bien juger qu'un tel vaisseau
ne pouveoit apartenir qu'à ung grand roy ; et véritablement tous les
vaisseaux de la flotte estoient fort bien armez, et avoient des mat-
telos et soldatz en plus grand nombre que Testât du Roy ne
portoit.
Le gouverneur de Salle monstra sa liberallité et envoya au s''
chevallier de Razilly douze grandz moutons, douze penniers de
raisin muscat et quantité de voUailles, lequel, en revenche, luy
envoya huit aulnes de toille d'oi', qui valloient six fois son
présent.
En mesme temps, ledit s' chevallier de Razilly cscrivit une
seconde lettre et dit de bouche à tous les Andallous qui estoient
dans son bort : « Dites à vostre gouverneur que, s'il ne me renvoyé
tous les esclaves françois qu'il détient injustement dans peu de
jours, que je luy déclare rey la guerre de la part du roy de France,
mon maistre, et que je l'advise qu'il ne sortira ny entrera aucuns
vaisseaux, qu'il ne soit pris ou couUé à fons ; et que, s'il désire
rendre les susditz esclaves de bon gré, on luy fera un présent
hoiinesle, aprochant de la valleur que pourront avoir cousté les
esclaves en la place publique. »
L'ordre estoit de s'adresser au roy de Marocq, aflin qu'il fit
rendre lesdits esclaves, s'ilz' n'eiissenl esté révoltez. Mais, ayant
apris leur révolte, par les Andallous de la ville de Salle qui vindrent
I. //; : les Salctins.
Ul-2 1629
à bord, contre ledilroyde Marocq, et qu'on les apeloit La Rochelle
d'AITrique. successyve et dominatyve en Republique', partant
1 on jugea que cestoit perdre temps d'avoir recours au roy de
Mai'ocq pour la liberté des esclaves de Salle, et qu'il falloit les
ravoir par force d'armes, s'ilz ne les voulloii'nt lendre damityé.
Les marchans hoUandois etanglois, qui poui- lois cstoientà Salle,
nous asseurerent de la déplorable mort des deux R. P. Pierre
d'AUenson et Michel, capuchins, que tout le monde de la terre ^,
quoy que Mores, croyent qu'ilz sont morfz saintz : et. en elTalt, il
seroit impossible de resyter par escript le nombre de cbaritez et
bonnes œuvres qu'ont fait ses deux bons Pères. Le grand zelle du
service de Dieu les faisoit eslre tousjours entre les Chrestiens, qui
estoient pestiiTerez, affin de les assister, tellement qu'à la fin ilz ont
rendu l'ame à Dieu, avecq un très-grand nombre d'autres Fransoys
esclaves, entre lesquelz y avoit quelques genlilhommes qui sont
mortz, particuUierement le nepveu dudit s' ch" de Razilly. A
l'exemple de ces deux bons Pères capuchins, ilz ont rendu lame, très-
particuUierement louant Dieu, à chacun moment, de les avoir
envoyez mourir parmy les infidelles, oîi ilz avoient recogneu plus
facillement les merveilles de Dieu que s'ilz eussent esté en France
parmy les dellices, car la pluspart estoient fort desbauchez en France
et neantmoingz ont fait une mort très-chrestienne. Voillà comme
Dieu se sert de plusieurs moyens pour sauver des âmes !
^ous feusmes asseurez par les susdits marchans que, pour tout
certain, il estoit mort de peste dans la ville de Marocq, en l'année iiî-2-^,
cent-soixante mil hommes arrabes et quelques deux mil Chrestiens
esclaves, contant ceux qui sont mortz à Salle, de sorte qu'il ne reste
d'esclaves françois à Marocq que cent-dix, et à Salle cent-soixante.
Geste triste nouvelle nous feust confirmée par les Andallous de
Salle, tellement que nions' le chevallier de Razilly pensa mourir de
desplaisir, sçachant la mort des Pères capuchins. de son nepveu et
autres gentilhommes qu'il estimoit grandement. Mais particuUiei'e-
ment de la mort dudit Père Pierre d'AUenson, il nous feust presque
I. Sur la révoltt! des Salétinsct la cons- 2. De la terre, c'est-h-dirr : du pays,
litution de Salé en républicjue, V. Inlro- 3. Sur culte peste, V. supra, pp. 1^4,
duction critique, pp. 191-192. iS/, iSg, i8i-i83.
PROCES-VErtBAL n ANDHIÎ CIIKMIN 2IO
impossible de le pouvoir consoUer, car il laymoit autant que soy-
mesme ; à la vérité, la grande fréquentation ([u'il avoit eue avecq
luy et la cognoissance de ses bonnes mœurs luy faisoient admirer
la sainteté de sa vie.
Or ledit s' chevallier de Razilly, sçachanl que le plus grand
nombre d'esclaves estoient à Salle et que, s'il allnit avecq toute sa
Hotte à SafTy, il ne pourroit revenir audit Salle, — d'autant que les
marcz et le vent de noirouest ordinaire, cpii dure le plus souvent
trois mois, fait' qu'il fault un grand temps à rellovoyer de SalTy
à Salle, bien qu'il ny ait que soixante lieux — donc" par l'advis du
Conseil de guerre, il feust trouvé à propos d'envoyer deux des plus
légers navires de ceste flotte, qui fut le vaisseau « la Sainte-Anne »,
commandé par le s' chevallier Des lloohes, et « le Hambourg »,
commandé parle s'' chevallier de (iuitault, et une pinasse, ausquelz
sieurs feust ordonné de commander sepmayne par sepmaine, estans
tous deux camarades, et prier le II. F. Rodolphe, capucliin, d'aller à
Marocq. aprezavoireu passeport et seureté dudil roy, etpoiterla lettre
de Sa Majesté pour negotier la liberté des esclaves qui restent et la
paix, selon l'ordre de monseigneur le Cardinal, ce qui a esté exécuté.
Le Frère Rodolphe feust généreusement à SalTy avecq les deux
navires et la pinasse^ où ayant pris passeport, alla présenter la lettre
du Roy audit roy de Marocq, où il feust très hien reecu avec tout
honneur. Neantmoingz les caballes eslrangeres travaillèrent jour et
nuit afRn d'empescher qu'on ne rcnouvelast les antiennes amitycz
qu'il y a eu autrefois entre la France et Marocq. d'autant que ceste
alTairc est plus importante que beaucoup ne se pourroicnt imaginer,
parlicullierement pour la navigation. Mais ledit Révérend Frère
Rodolphe, estant pratique du pays et fort entendu à touttes bonnes
alVaires, a dissipé ces obstacles de telle sorte qu'il a sussité le roy de
Marocq à rendre les esclaves et faire la paix, et avecq passion sou-
haiter l'amityé du Roy Très-Chrestien, luy disant: « Bien que les
François maynl l'ait tort de la valleur de trois millions de pierre-
r\es et de sent mil volhunesdc livres des manuscriizde S' Augustin *,
I. Le texte porte : rjui fait qnU nouvelle.
a. L'auteur oubliant le flébiitilesa plirase 3. Ils partirent \('. i^ juillet. V. p. aSS.
la laisse inachevée et en commence une 4- Une légentlecpii avait coursau Maroc,
2I_'| 1629
et que celuy quia ravyce tiesor au roy, mon père, avoit commis-
sion du roy de France*, neanmoingz j'oublie le tout, sur la grande
réputation du gi'and roy Louis le Juste, monarque des François ;
je désire son amityé et rendray tous les François. Je suis bien
taché de ceux qui sont mortz, car je les aurois tous renvovez à Sa
Majesté Très-Chrestienne, encor qu il ne m'eust envoyé aucun
présent. »
Ledit Frère Rodolphe luy porta aussy la lettre du s'' chevalier de
Razilly, dont la teneur ensuit :
Lettke de Razilly a Moulay Abd el-Malek.
Evénements (jiii l'ont empêché de retourner plus tôt au Maroc. — Il a pour
mission de renouveler les anciennes alliances entre le Marne et la France. —
Il s'excuse de ne pouvoir aller rendre ses hommatjes au Chérif. — Il a
eu la douleur d'apprendre la mort des capucins et des (jentilshommes cjui
étaient venus avec lui, en 1O24, au Maroc. — // rappelle le rôle joué par
lui, lors du siège de Safi par Yahia ben Abdallah. — // envoie deux
vaisseaux et une pinasse à Saji, pour faire remettre au Chérif les lettres
de Louis XIII. — // prie le Chérif de contraindre les Salétins à rendre
les Français cju'ils détiennent captifs, faute de quoi il devra recourir
contre eux à la force. — // demande la relaxation de tous les autres
captifs dans le royaume du Chérif, ainsi que l'octroi d'un sauf-conduit
au F. Rodolphe et l'autorisation, pour ce capucin, de se servir d'un
interprète français. — // met le Chérif en garde contre la malveillance de
diverses personnes. — // ouvrira les négociations en vue du traité aussi-
tôt après la mise en liberté des captifs de Salé.
En rade de Salé, 28 juillet 1629.
Sire,
Sy j'eusse esté libre de mes vollontées, il y a quatre ans que je
surtout parmi les Chrétiens, assimilait légende, saint Augustin serait enterré dans
saint Augustin à Sidi Bel Abbès es-Sebti, cette dernière ville et sa tombe v serait vê-
le patron de Merrakech. Elle semble avoir nérée. Dappek, Traduction, p. i36, elinfra,
pour origine la ressemblance entre le nom p. 788. Sidi Bel Abbès est enterré à Merra-
de Tagaste, ville où naquit saint Augustin, kecli dans la mosquée qui porte son nom.
et celui de Tagaost (Sous). D'après cette i. .\Uusion à l'affaire Caslelano.
PROCES-VERDAL 11 ANDRE CHEMIN" 3 10
feusse retourné en vostre empire : mais il a pieu à mon roy me
faire l'honneur de me donner employ en ses victoires acoustumez,
où il a vaincu non seullemcnt ses subjctz rebelles, mais tous les
princes estrangcrs qui l'ont voullu troubler. Et maintenant que
toutte l'Europe tremble dessoubz sa puissance et que Sa Majesté a
un sy grandnombrede navires qu'il n'a des ennemys assez puissans
pour les employer. Sa Majesté m'a commandé de venir avecq dix
de ses vaisseaux vers la cosle de Vostre Majesté pour negotier et
renouveler les antiennes alliances qu'il y a eu entre les roys vos
prédécesseurs. Sans la particulliere delTence que j'ay de mon roy
de dessendre à terre, m'ayant commis à la conservation de ses
vaisseaux, je naurois manqué d'aller baiser les piedz de V. I. M. et
luv rendre mille grâces des fabvcurs que j'ay receubz d'elle prez
l'empereur Mole Sidan, père de V. M., pour ma liberté, qu'elle me
fit l'honneur de respondre de ma fidellité, que j'auray toute ma
vie cngravé dans mon cœur ceste obligation: bien qu'arryvant en
ceste rade de Salle, j'ay receu les plus tristes et déplorables nouvelles
que je pouvois jamais recevoir, ayant sceu la mort des bons Pères
capuchins, de mon nepveu et de tous les gentilhommes et princi-
paux François qui sont mort/, et les autres renoncé la foy, ne
restant à présent que des misérables serviteurs et gens qui n'ont
aucune commodité ny autre recommandation que celle de la simple
charité. Ce qui m'afflige le plus, c'est ([uon ma dit en ces quartiers
qu'il/ sont mortz par le mauvais traitement qu'ilz ont souffert de la
part de \ . M., qui est tout le contraire de ce que j'avois asseuié à
mon roy que V. M. leur feroit tout bon traitement ; de sorte que
je suis comme au desespoir des justes et inévitables reproches que
me fera Sa Majesté de trouver un sy contraire changement à ce que
je luv avois promis. Sans doubte que Dieu sera irrité que ces pauvres
François soient sv malheureusement mortz, veu qu ilz estoicnt
venus avecq toute franchise et bonne vollonté pour servir l'empereur
Mole Sidan, père de V. M. ', — ainsy que je l'ay servy au siège de
Saffy contre Aya " — au lieu que mes ennemys luy avoientfaitentcn-
I. On aplacôentrc tiretslesmotssuivaiits porte à la mission de 162^.
qui sont unf paronlliise rétrospective. Le 2. .\lhision au siège de Safi par Yaliia
reste de la jilirase ainsi que le début se rap- ben Abdnilali en lOi(). ^. Doc. IX, p. 20.
2 1 6 1 fi •>. 9
dre que j'estois venu pour me saisir de la place ; ce qui ne feust
jamais en ma pensée, qui tendoil, de mesme qu'à présent, à la paix,
que V. M. considérera, s'il luy plaist, qu'elle luy aportera cent fois
plus de profFit, en un an, par la liberté du traiïîcq et commerce,
pour les droitz de V. jNI. ', que la renson qu elle pourroit espérer
des pauvres esclaves ne pourroit l'aire.
Sur quoy j'envoye deux des plus légers vaisseaux et une pinasse
de ceste flotte en la rade de SafTy pour, de là, faire tenir la despesche
de mon roy à V. M., etattendray en cesle rade de Salle l'honneur
des commandemens de V. M., que je suplye très-humblement me
départir au plus tost et commander à vos subjetz de Salle d'assem-
bler tous les François qu'ilz détiennent esclaves, soit dans la ville
que dans le pays, pour mêles faire rendre, premier que je parte de
ceste rade, ayant commandement très-exprez de mon roy, par
l'ordre que m'en a donné monseigneur le cardinal de Richelieu qui
commande les armes de Sa Majesté en France, s'ilz n'effectuent
ceux de V. M. en ceste occasion, de les y forcer par toutes les veoyes
que je pourray, et espe^ranl de la générosité de \. M. qu'elle
donnera ce contentement à mon roy et la liberté de ceux qui restent
en vie à Marocq et autres lieux du pouvoir de V. M., dont je la
suplye très-humblement de faire envoyer le mémoire des noms et
un passeport bien ample pour le Frère Rodolphe, capuchin, qui va
porter la despesche de mon roy à V. M. : et me fera ceste grâce
de se voulloir servir de Paul Imbert, pauvre esclave, ou de quelque
autre François qui sache la langue du pays, pour expliquer à V. M.
fidellement ma lettre et ensuite celle de mon roy, et luy donner
permission qu'il aille à SalTy pour servir de conduite et truchement
au Frère Rodolphe qui va trouver V. M., d'autant que j'ay esté
advei'ty ([ue Fransceq Rocq " est près de V. M. pour m'y faire de
I. Pour les droilz de V. il). L'auteur corresponden commigo y lo liiço con mi
veut diro que la prospérité du commerce padre muchos afios siempre con aprovacion
accroîtra, par la perception des taxes, les y confianza de su procéder, porque es un
revenus du Cliérif. Espafiol cassado en Cadiz, correspondiente v
y.. Francisco Roque était un dos agents confidente de mercaderes de aquella ciudad,
de l'Espagne aupri-s de Moulay Zidàn. Le en particular de Aloiiso de Herrera Torres,
duc de Medina-Sidonia donne à son sujet hombre de muchos negocios y de satisfa-
à Philippe IV les renseignements suivants. cion. «(/'''.Série, Espagne, Lettre de J/erfino-
« Francisco Roque, que es uno de los que se Sidonia à l'hiUppe IV, ig avril 1627.)
PROCES-VERli.VL n ANDRE CHEMIN SI"
mauvais ofïices, outre que je say de bonne part qu'il y en a beau-
coup d'autres mal affectionnez pour empescher le bon succez de ma
negotiation.
Et, incontinent aprcz que j'auray les esclaves de Salle, j'yray à
SafTy ou autres lieux que V. M. me commandera daproclier, pour
traiter de la paix et dellivrer le présent que mon Roy envoyé à V.
M. et renvoyer par mesme moyen les esclaves françois qui resteront,
supliant V. M. de croire que ceux qu'elle aura agréable qui aillent
dans les vaisseaux y seront les bien receubz et y auront toutlo
liberté.
Cependant je prie Dieu pour la prospérité et heureux règne de
V. 1. M. de laquelle je seray à jamais,
Sire.
Vostre très-humble, très-obeissant et très-fidelle serviteui-.
Le chevallier de Razilly.
De la rade de Salle, ce 23'' juillet i(i2().
Et la subscription de ladite lettre est :
A très-liault. très-puissant et très-victoiieux MoUey Abd cl-
Melecq, roy de Fez, Marocq, Suze et Gago, grand chérit' de
Mahnmmrt cl empeicur d'An"ri(]uc.
Les deux navires et la pinasse estans donc partis pour aller à Saffy,
ledit s' chevalier de Razilly fît encor entendre au gouverneur de
Salle et Andallous que, s'ilz ne lendoient les esclaves françois pron-
tement, qu'il leur feroit la guerre, dont alors ilz en firent des risez
par la ville, et furent sy irnpudens de dire que le roy d'Angle-
terre, qui esloit le maistre de la mer, leur avoit envoyé embassa-
deurs et plusieurs pièces de canon de fouie pour leur deaiaiKlcr la
paix' et que, sy le ion de France la \oiill(ill avecq eux, en rendant
I. Allusion à la mission de John Ilarrison urK^ ville: dr pirnins. V. i''^ Série^ Anglc-
cnvoyé en iCi->.- pour traiter avec les Salé- terre, Lcllre di' II. Marlcn, 5 décembre
lins, malgré l'avis de Sir Henry Marten 1G26 et Helalions de John Ihurison, année
qui était opposé a toute négociation avec iGî'J.
2l8 l^'2f)
les esclaves, qu'il leur falloit donner cent pièces de canon et un
million de livres.
Doncq alors, ledit sieur ch" de Razilly fit mettre en ordre les
cinq navires du Roy qui luy restoient et les deux patachcs de
soixante à quatre-vingtz tlionneaux, bonnes voillieres, qu'il avoit
fait armer, ayant prévu que les vaisseaux du l\oy estoient trop
grandz et pesans pour ranger proche de la terre affin d'atraper les
vaisseaux de Salle ' ; et feust disposé ([ue deux navires garderoicnt la
rade de La ,Mamora, à cinq lieux du nord-est de Salle, un autre
entre Fadalle et Salle, les deux pataches terre à terre, et le vaisseau
admirai et vis-admiral au millieu, au norouest de Salle. Ce qui a
esté fait, tellement que. depuis l'ordre donné, il n'a peu entrer ny
sortir au port de Salle, en trois mois de temps, aucuns navires
qu'un vaisseau d'Alger, un de Salle et deux petites setyes^, qui
neantmoingz rengerent la terre de sy prez qu'il esloil du tout im-
possible de les aborder sans s'eschouer; neantmoingz feurent
battus à coups de canon et coups de mousquet par la patache
d'OUonne depuis La Mamorc jusqucs à la rade de Salle ; et avons
depuis apris qu'il feust tué vingt hommes dans ledit vaisseau de
Salle, qui se deffendit assez bien, y ayant force monde dedans, et
tuèrent le sieur de Penneshir, qui coinmandoit aux soldatz du ren-
fort que y avoit mis ledit s'' chevallier de Razilly, et feust blessé
deux gentilhommes apellez La Ferre et Jaquetyere, lesquelz ont
esté guéris de très-grandes blesseures qu'on ne croyoit pas qu ilz en
peussent eschaper, mais ilz ont esté grandement bien asistez. Et
le vaisseau advangarde, commandé par le sieur de Trellebois, feust
jusques soubz le chasteau de Salle les poursuivre, en les battant à
coups de canon, auquel feust tiré plus de quatre-vingtz coups de
canon dudit chasteau, et crevèrent deux couUuevrynes de fonte de
celle quavoient aporté lesdifz Anglois.
Le dimanche cinq'' jour d'aoust arryva à la pointe du jourparmy
I. Le chevalier de Jalesncs questionne manque d'embarcations légères gêna beau-
à Cadix sur la mission RaziUv recon- coup W . Rainsborough, lorsque cet amiral
naissait que l'on avait commis une erreur anglais vint en iCS" mettre le blocus
en envoirant pour opérer contre Salé des devant Salé. Cf. /''' Série, Angleterre, 1687.
navires d'un tonnage aussi considérable a. Setyes, saities, na>'ires sans rames,
(/'« Série, Espagne, i4 octobre 162g). Le portant trois ou quatre voiles.
PROCES-vïï.uRVL n \M)ui: ciiTMiN a 19
nous une chaloupe de Portugal, dans laquelle estolent trois Turcz
qui se sauvoieiil d'esclavitude de Vienne ', qui avoicnt enlevé deux
jeunes enfans de dix ans qu'ilz croyoyent mener à Salle vendre et
les rendre renegatz, et, croyans que nos vaisseaux foussent d'Alger.
ilz s'y vindrent rendre et feurentau bort du \is-adiniral, qui esloit
le plus proche deux; il y avoit cinq jours qu'ilz n avoient ny Ijcu
ny mengé.
Le six" dudit mois, l'admirai de Salle, du port de trois cens
thonneaux, armé de vingt pièces de canon et esquipé de cent quatre-
vingtz hommes, avecq son vis-admiral presque aussy grand, se
trouvèrent le malin, à soUeil levant, entre La Mamore et Salle, où,
tout aussytost. les navires de la flotte leur coupèrent chemin ; le
plus proche f'eust le vis-admiral, contre-admiral et le flibot. qui
l'entreprindrent en telle fasson qu'ilz le contraignirent d'aller
mouiller l'encre à portée d'arquehusade de terre, et fdla son cable
jusques à ce qu'il feust tout proche des rochers, oîi il se résolut de
combattre. « la Renommée », qui acompaignoit l'admirai, poursuv-
voient à force de veille le vis-admiral de Salle" ; mais d'autant qu il
estoit fort bon voillier, il gaigna à la mer, qui feust cause qu'on ne
les peut atraper; et l'admirai, jugeant ne pouvoir joindre ledit
vaisseau, entendant tirer nombre de coups de canon, revyra de
l'autre boit pour venir aider au vis-admiral et contre-admiral, et
lorsque le vaisseau ennemy aperceust notre admirai à portée de
canon de \n\ , perdit courage. <jui le fit s eschouer à terre, et se
jett(>rent tous à la nage pour se sauver, abandonnant leur navire,
où tous nos vaisseaux recommencèrent à tirer force canonnades
qui en tuèrent grand nombre, et force autres qui furent noyez, et,
dès le soir, on mist le feu dedans et feust du tout bruslé, sans qu'il
en feust rien sauvé.
Ce vaisseau s'eschoua à une petite lieue de La Mamore, où les
Espaignolz, des rcmpars de leur forteresse, voyoient le plaisir du
combat.
I. FiV^nne. Vianna <lo Castcllo. [lotit port nmiral), « la Catlierine « (contre-amiral)
de la province de Minho (Portugal), à 70 et .( le Saint-Jean )i (llibot) atta([ucnt
kilomètres au nord de Porto. l'amiral de Salé pendant que « la Licorne »
a. Le sens de ce passage un peu obscur (amiral) et c< la lii^nommée « tienni'nt tète
est celui-ci ; « le Saint-Louis » (vice- an vice-amiral de Salé.
220 '62()
Ensuite le vis-admiral et « la Renommée » firent eschouer un
autre vaisseau de guerre toutproche où feustbruslé celuy cy-devant,
que le mauvais temps empescha que ne peusmes le Ijrusler.
En mesme temps que les Espagnolz de La Mamore nous voyoienl
maltraiter les vaisseaux de Salle, ne nous cognoissant point, firent
sortir une caravelle de leur poit, laquelle vintjusques à portée de
canon des vaisseaux de nostre Hotte et, ne nous pouvant cognoistre,
eust peur, qui la fît rentrer dans ledit port, ce que voyant, le dit
sieur chevalier de Razilly se deslibera de faire escrire une lettre au
gouverneur dicelle, dont la teneur ensuit :
Lettre de Razilly a Toriisio de IlKr.uERA'.
Il proteste de ses bonnes dispositions à l'égard des Espagnols; il doit, aux
termes de sa mission, prêter assistance aux vaisseaux du Roi Catholique .
— Son action se bornera à obtenir des Salétins la relaxation des captifs
français. — Les bons procédés de Ilerrera à l'égard de ces captifs l'obli-
gent ù faire de même vis-à-vis des Espagnols. — // renvoie au gouverneur
deux captifs qu'il a trouvés sur une chaloupe i — // est bon que la
flotte française, pour agir contre les Salétins, se tienne en vue de El-
Mamora.
A boni do la Licorne, 0 aoùl lOag.
Monsieur,
Voyant, ces jours passez, une de vos pinasses qui sortoit de vostre
port et venoit vers ceste ilotte, j'amenay mes voilles pour l'at-
tendre, et quelqu'un de nos vaisseaux ayant fait porter à la ren-
contre, vostre dite pinasse tesmoigna avoir quelque defliance de
nous, d'autant qu'elle s'en retourna sans nous jjarler, bien qu elle
pouvoit veoirlestendart du Roy Très-Chrcstien, mon maistre, dont
j'ay commandement de Sa Majesté d'assister tous les vaisseaux que
je pourrois rencontrer au Roy Catholique. C'est pourquoy je vous
oscris la présente, aifin que n'entriez en ombrage qu'eussions inten-
tion de faire tort à aucun vaisseau des vostres qui pourroient sortir
1. Il avait siucéilc comme gouvorneur de El-Mamora à U. Juan Jara Quemada.
PROCES-VERBAL D ANnUK CHEMIN 22 1
OU entrer, car, tout au contraire, je Icui- donneray toute protection ;
monseigneur le cardinal de Hicliclicii, qui commande les armes de
Sa Majesté par la mer et par la terre en France, me la commandé
très-particulierement.
Vous avez veu, par expérience, (jue ceste flotte n'en veult qu'aux
pirates et voUeurs de mer, et mon but principal est de faire la
guerre aux vaisseaux de Salle jusques à ce qu'ilz ayent rendu tous
les esclaves Irançois qu'ilz détiennent injustement. La preuve de
mon dire est que depuis deux jours, comme à une lieue' de vostre
forteresse, qu'à coups de canon avons fait eschouer et brusler un de
leurs vaisseaux, d'environ trois cens thonneaux, armé de vingt pièces
de canon, où il y avoit quelque deux cens hommes; il en a passé
quelques petitz au hazard de nos canons, mais ilz rcngeoient sy foit
la terre qu'il estoit du tout impossible de les aborder, veu la gran-
deur de nos vaisseaux: pour les grandz navires, doresnavant je ne
croy pas qu'ilz nous eschapent. Sy j'en prens quelqu'un où il y ait
des Espaignolz esclaves, je vous les envoyeray, sans autre préten-
tion, sinon de faire œuvre agréable à Dieu.
L'on m'a dit que plusieurs François cy-devant esclaves à Salle
s'estoient sauvez en vostre gouvernement et que leur avez rendu
force courtoisies et donné passage pour Espaigne. Ceste généreuse
action m'oblige duserde recyproque. sy telle occasion s'en présente,
et, en atcndant, je prie Dieu pour vostre prospérité et santé et suis
à jamais,
Monsieur,
\ostrc très-humble serviteur.
Le chevallier de Kazilly.
De nostre bort, ce (i aoust i (]•>.<).
Et est adjoulé à ladite lettre ces motz :
Depuis ma lettre escrlpte, nous avons pris une chaloupe venant
de Vienne, dans laquelle y avoit trois Turcz et deux petitz Espai-
gnolz qu'ilz esperoicnt mener à Salle jiour les vendre, que je vous
I. Comme à Ufw licuc, c'est-à-dire: environ il une li(mo.
222 ^^^9
renvoyé. J eusse fail le semblable des Tuiez, nesloit qu ilz ont cor-
respondanse à Salle et pourray avoir des esclaves François pour eux ;
sy j'en rencontre dautres, je vous les renvoyeray. Jay recogneu
que la meilleure garde que je pourroys faire pour prendre les enne-
mys seroit d'estre à la veue de vostre forteresse, et présentement
nous avons fait eschouer à la cosle un autre vaisseau proche de
celuy qui a esté bruslé.
Le gouverneur de ladite Mamore, ayant receula lettre cy-dessus,
feust très-content d'aprendre que c'estoient vaisseaux du roy de
France, et. pour response à icelle, envoya celle-cy. avecq un capi-
taine de la forteresse, offrir tout ce qui estoit de son pouvoir à la
terre, dont la teneur ensuit:
Lettre de Toribio de Herrera a Razilly.
Il est Iwnrcux de eonnaiire la mission de Hazilly et les bonnes dispositions
de ce/ui-ei à l'éi/ard îles Espagnols : il explique la défiance iju'il lui a
d'abord témoignée. — // promet à Ra:llly l'appui de la garnison espa-
gnole de El-Mamora. — Echange des captifs espagnols et français. —
Tactique conseillée par Torribio de Herrera à Razilly pour faire écliouer
à la côte les navires ennemis.
El-Mamora, 8 août 163g.
Muclia merced he recivido con la agradal)le carta de 8 deste que
me troyo M', de Santa Crux y sus camarada, y ostoy muy contente
de aber sabido y certillicado me de lener tam buen besino como son
las armas del Rey Christianissimo ; y, si V. S. me ubiera abisado
el primer dies con esta lancha, ubieremos hecho buena conserva,
que suzgaba los baselles de V. S. cran ollandeses, de quien tango
orden de recarlame ; y por csso no entendimos quando V. S.
amayna las vêlas, porque suelen ser ardides de guerra, y mas em
piratas, para cojer gente, y no se puedo, aunque se hiso mucha
dilligenzia, conocer el estandarte christianissimo; y quando V. S.
PROCÈS-VERBAL DAMIHÉ CHEMIN 223
enbarranco el basel de las 3oo tonnelades y 20 piezas, yo saque my
gente a campana y tome les puetos que me parecyeron a proposito
relrcme, por la duda que digo arriba y aber sallido muclia cava-
leria de SalIé emparai- su bajel, y asi, no conociendo, fue l'ueiça no
abanturaime ; y si el nabio ubiera enbarrancado cerca desta plaza,
no se escapara niguno de los que benien en el, y se tubieria con
V. S., guardando los ordenes de Su Magestad. todalabuena corres-
pondanzia que permile la conservazion de las armas de entranbas
coronas en occasiones semejantes ; y esto mismo se hara, estando
\ . S. con esta adbertancya, en los nabios que, temerosos de los de
V. S. , sy deren en esten costa, cerca desta buena, en la parle donde
yo me pueda alargar, con my génie y los prisonneros podren servir
para los inlentos de V. S. y los que tienne esta plaza, que todo biene
a ser a una considerazion.
Y baiso a V. S. las manos por la merced que offreze hazer a los
caplivos espaignoles que hallera en los nabios de piratos que coxiere,
y lie estimado mucbo el rcmirlime ^ . S. los dos mucbacbos. Otrus
dos hombres frenseses con que me hallo imbio a V. S., que se
benieron de la esclavidad de Zalle, y eslaban aguardando pasaje
para rcmitirlos a Espana, comjjliendo la orden que tiengo de Su
Magestad de hazerles buena pasage y darles de corner el tempo
que lubieron aqui y [o]cho dias mas para su embarcazion, para
que se bayan a sus tierras ; y holgara mucbo tener aqui todos los
capfivosfranseses para remittirlosa V. S. ; y laassistanzia de V. S. en
esta obra, pareciendo a V. S. , a de ser de junto la milad de los nabios
a la niar para tener siempre abarlobenle, y los otros que esten sobre
Cale, conparlicuUarcuydado de tener siempre marineros alto pe, para
reconocer la mar y, biendo que bienen algunos nabios a esta parte,
hazcrse a la bêla y sallirles allenquenlro, para que bengan a embar-
rcncai- a esta costa, porque de olia manera qucdaran muy largos
(Iclla : \ los Moros que V. S. coijo cl la lanclia con los mucliachos
eran esclavos en gonte del mar de INulugal, camarada de oslros
mlos (pie tube, y no tiencn correspoiidenzia con Zalé ; y siempre
que en esta parla hubiere ocasion del servizio de Monsenor el
Caïd"' de Hiclielyeu y de V. S., adcmas que la considerazion de las
armas de ainbas coronas, esta con mucbo volontad sujclo a la
ubidicnzia dcio (juc dil me quisieron mandar.
22/| 1^39
j (i'"' Dios a V. S. como puedo y dcsea !
Mamora, 8 d'Agosto 1629.
Muy seividor de V. S. que sus manos besa muclias bczes.
Toribio de llerrera y Monlero.
Sg. Caval" de Razilly.
I']ii suite de cesle-cy, ledit gouverueur cscrivil audil sicur de
Uazilly quantité d'autres lettres elle fit visiter par ses capitaines, qui,
estaiis à boid, recevoient dudit sieur clle^ allier de Razill^ tout bon
traitement et leur fit mille coul•l(lis^cs ; et ledit gouverneur luv
envoya quelques ralVaiebissemens que icelluy sieur de Uazilly res-
compensa au triple par presens qui luy envoya. Lesditz gouver-
neui- et sieur chevalier de Razilly s'escryvirent plusieurs lettres les
ungs [aux] autres quiserolenl trop longues à desidei- '. cl fui envoyé
audit gouverneur par ledit sieur de Razilly les deux pelilz Espagnolz
et les Turcz qui avoient esté pris dans ladite chaloupé, avecq trois
autres Mores, pour présent, et une orloge vallant plus de cent escus.
Le dixiesme dudit mois d'aoust. nous descouvry mes trois vaisseaux
de Salle et d Alger à l'ouest de La Mamore, qui prenoient la route
dudit Salle, ausquelz tout aussytost l'on donna chasse, mais il y
avoit sy peu de vent que les grandz vaisseaux du Roy ne les peurent
jamais joindre pour ce jour"-. Deux desditz vaisseaux tirèrent vers
Fadalle, et l'autre, pensant gaignei' en plaine mer, feust atrapé par
nostre palache oUonnoise, dans laquelle y avoit cinquante hommes
choisis, qui aussytost feurent à l'abordage ; mais ilz l'eurent furieuse-
ment repoussez, d'autant que c'estoit un vaisseau de deuxcens thon-
neaux , armé de vingt pièces de canon et plus de quatre-vingtz hommes
de guerre dedans ; il n'y avoit dans nostre patache que six pièces de
canon ; pourtant le combat feust opiniâtre, et feurent longtemps à
portée depistoUetlun de l'autre, à coups de canon et mousquetades,
dont le capitaine. Turc de Salle, fut tué et les plus vaillans.
Ensuite, s'estant passé trois heures de combat de la fasson. nostre
1. Trop longacs ù (/«■si'i/i.T, probabicmpiil j. Sur l'infiTioritc des navires français,
pour : Irop loni;iirs à deviser, c'est-à-dire \ . 11. de Castrif.s, Le Maroc d'autrefois,
à exposer tout au long. t^evue des deux mondes. igoS, p, SS^.
PROCÈS-VERBAL D ANDRÉ CHEMIN 220
ditepatacheollonnoise, commandée par un capitaine brellon nommé
M'' Nicolas, se résolut de laborder pour la deuxième fois, dont il
l'enleva aprez avoir longtemps résisté au\ mains.
Le premier qui sauta à bord feust un soldat poitevin nommé La
Vergue, le secondfeust' qui estoitde lavan-garde, avecq
quelques autres soldat/. <[ui firent fort bien, et ledit La Vergne,
pour s'ostre batu courageusement dans ledit combat, a eu cent escus,
elle second cinquante, promis par les ordonnances, aiïin de convier
les autres cy-aprez à bien faire, car verital^lement le combat feust
fort beau, d'autant cpic les ennemys estoient deux fois plus fors
que les nostres. Il feust mis en libeité douze Chresliens qui estoient
esclaves, tant François que Espaignolz. Cela fait veoir qu'aucune
nation ne se peut esgaller à la force de nostre nation fransoise.
Les deux autres vaisseaux qui estoientde conserve avecq cestuy-cy
feurent poursuivis par nostre admirai et contr-admiral et le tlibot,
où ilz pressèrent ces vaisseaux ennemys de sy prez, deux jours
durant, que le vaisseau d'Alger, du port de deux cens cin(juanto
tonneaux, avecq dix pièces de canon et quatre-vingtz bommes
d'eslite, feust contraint de se venii- rendre sanscombatre", se pensant
servir de la paix acordée entre les François et ceux d'Alger, ce qui
l'eust libéré, sans la déposition de vingt François et Espaignolz qui
estoient dans son bort esclaves, lesquelz interrogez les ungz aprez
les autres déposèrent que le capitaine dudit vaisseau, apellé Hamet
Oja, s'estoit assossyé avecq les vaisseaux de Salle pour faire la guerre
aux François, et mesmes que, depuis son départ, unmoiscy-devant,
il avoit poursuivy deux vaisseaux françois en deux diverses fois,
bien qu'il eust certaine cognoissance delà bendiere de France', et.
estant fort ])rocbe, leur avoit tiré force coups de canon jusques à
tant {|u'il les conti-aignit d'cscbouerà la costed'Espaigne, et mesmes
qu'il s'estoit vanté plusieurs fois parmy son esquipage que, s'iltrou-
voit des vaissc;ui\ françois chargez de toilles et ballos, qu'il les
prendioit sans diiïîculté, que ce n'estoit à faire qu'à demeurer un
1. 'Som laissa en Waiic par li' copislr. Jf. 2.'i4 V-^.yS.
2. Sur la prise de ce navire, V. Gbwi- .S. Bien qu'il cusl certaine C(](jnoissuncc de la
MO.NT, llisl. d'Alger, pp. i68, 169, 172, Oendiere de France, enlcnduz: bien qu'il cùl
et Bibl.Nat., Nouv. Acquisitions, Ms. 70/if/, manifestement reconnu le pavillon français.
1)k Casthies. III. — i5
22fi 1629
an hors d'Alger, et qu'ayant vendu les François à Salle, au bout de
lan, qu'il s'en retourneroit audit Alger.
Et, d'autant que les susditz Chrestiens peuvent astre reprochables,
l'on a l'ait interroger le lieutenant dudit vaisseau turc et quatre des
principaux de son esquipage, qui ont advoué le toult, blasmant fort
leur capitaine, disant que M'' de la Douane ' d'Alger le desadvoue-
roient, d'autant qu'il estoit partv d'Alger sans congé contre leur gré.
Il est à remarquer que, depuis que la paix est l'aile entre la France
et ceux d'Alger, qu'il s'est commis plusieurs grandz abus, d'autant
que les vaisseaux d'Alger, ne pouvant plus mener en leur ville les
vaisseaux François qu'ilz prennent, ilz les vont vendre à Salle et,
pourveu qu'ilz soient un an absent//", ilz peuvent s'en retourner au-
dit Alger comme auparavant. Partant, cela est inutille d'avoir paix
avecq eux, et, sy on ne donne ordre de faire la paix avecq ceux de
Salle ou les exterminer, l'on considérera que. sans passer le Destroit,
leurs vaisseaux peuvent estre en huit jours aux costes de France à
pirater, car il se trouvera que, depuis dix ans qu'ilz ont commencé
à faire la guerre aux François, ilz ont fait tort au commerce déplus
de quatre millions et quatre mil esclaves^.
La vérité est que, sansceste flotte qui lésa empesché ceste année
de pouvoir sortir pour venir vers les costes de France, ilz eussent
fait de grandz maux aux pauvres marchans. car ilz avoient force
vaisseaux prestz ceste année. L'un des camarades dudit capitaine
1. M" de la Douane, M'* du Divan. conséquent do l'interest du public en cette
2. La paix entre la Franci: et Alger fut échelle, afin de prévoir tels inconvenienset
signée le i g septembre 1628. Voici l'article se rendre assuré, sera cstabli un très-bon
du traité auquel semble faire allusion Andrc' ordre par lequel tous ceux qui partiront
Chemin : « Et d'autant que ceux de la d'Alger se pourront promettre d'y retour-
milice d'Alger qui seront raix et capitaines ner, défendant aussi qu'aucun étranger
de galènes et navires de guerre ne contre- ne soit fait raïx de galère et de navire. »
viendront jamais à ce traité de paix, ains (Dumont, t. V., p. ôSg.) Il faudrait savoir
pourroit bien estre qu'aucuns de mauvaise quel est « le très-bon ordre » qui fut établi,
vie, comme Mores et Tagarins qui, voulans Si l'on s'en rapporte à André Chemin, il
armer, pourroient rencontrer quelques fut stipulé qu'aucun navire ne pourrait
navires ou barques françoises et les con- aborder à Alger, qui aurait commis quel-
duire à Salles ou autres lieux des ennemis que acte d'hostilité contre les Français
des François, ce qui seroit au grand pre- pendant l'année précédant son retour à
judicc de l'intégrité de cette paix et feroit Alger.
donner le blâme à ceux d'Alger, et par 3. V. supra, pp. ii.")-iili.
PHOCES-VEHBAL D ANDllE CHEMIN 237
Uja. apellé iNegrille, d'Alger, a l'ait plusieurs prises sur les François
qu il a menez vendre à Salle. Le frerc de cedit capitaine JXegrille,
nous le tenons prisonnier.
L'autre vaisseau de Salle, se voyant pressé et jugeant ne pouvoir
gaigner à la mer, feust contraint de s'eschouer à Fadalle, où les
gens se sauvèrent à terre, qui emmenèrent avecq eux nombre d'es-
claves François et un seigneur d'Espaigne. Hz sauvèrent ce qu'il
y avoit de bon dans leurdit vaisseau, puis mirent les poudres cnti'e
deux pontz avecq de pelis boutz de mèche allumez pour faire brus-
1er le vaisseau, alïin de perdre ceux qui voudroient 1 aller aborder.
Les vaisseaux du Roy ne le pouvoient aprocher qu'à portée de leur
canon ; mais nostre flibot avecq deux chaloupes s'acosta à son bort,
à la mercy de leur mousquelerye qu ilz avoient à terre, et, comme
il estoit prest de monter dans ledit navire, le feu prist dans un baril
de poudre qui loinpit une partie du pont ; ce que voyant, le s' de
Cazcnas. lieutenant dans le vis-admiral, sautaà bort etiitestaindre
touttes les mèches qu'il lenconlra et. avecq dilligence. fit porter une
ancre pour remettre ledit navire à flot, et nous l'amena devant La
Mamora, soubz la conduite du vis-admiral. où nous estions mouillez.
La grandeur dudit vaisseau estoit de cent quarante thonneaux et
huit pièces de canon et six pierriers. Il n'y eust personne dudit
vaisseau pris que deux renegas l'rançois, quy se vindrent rendre de
bonne vollonté à bort.
En suite de ce, il feust trouvé à propos par le Conseil de guerre
d'envoyer à la rade de Salle un navire, affîn de faire entendre aux
Andallous que, s'ilz avoient tant soit peu de natturel pour leurs com-
patriotes que nous avyons prisonniers, qu'ilz eussent à eschanger
autant de François esclaves pour autant de leurs parans andallous ;
et, à cest efl'ait, il feust ordonné à monsieur Du Challard d'y aller
avecq son vaisseau « la Renommée », où estant, il envoya son
lieutenant dans un petit esquif avecq bandiere blanche proche la
terre pour parlementer, et feust escript par ledit sieur Du Challard
au gouverneur dudil Salle la letic qui s'ensuit.
Lettre de P. Du Chai.ahd a Mohammed iien Abd el-Kader Ceron.
// lui iinijnise d'échaïKjer les captifs franr<ùs ilctenus à Salé contre les A nda-
228 1629
Ions pris par lu flotle française à bord d'un navire salétin. — // attend
un enroyé du Gouverneur pour traiter celle affaire avec lui.
En rade de Salé, i5 août 162g.
Monsieur.
Une des petites pataclies de ceste flotte ayant pris, il y a trois
jours, un de vos navires dans lequel il a resté du combat soixante-
quatre hommes, dont plusieurs sont Andallous (mesmes il y en a
deux qui se disent de vos parens), monsieui- le commandeur de
Hazilly, admirai de ceste Hotte, m'a commandé de venir en ceste
rade pour sçavoir sy vostre intention est, et de messieurs de Salle ',
de rendre les esclaves François qui y sont sy injustement détenus,
au lieu de ses prisonniers que j ay. Sur quoy je vous escris ceste
lettre, affîn que vous envoyez quelqu'un de vostre part dans ce
vaisseau pour traiter cest affaire avecq moy ; ce que, je vous engaige
ma foy, aous jjourrez faire en toute seureté et liberté. A cest elTait,
j'atendray vostie responce par le refour de ce porteur more, que je
vous envoyé exprez, jusques aprez demain midy. Cependant je
demeureray, Monsieur,
Votre très-humble serviteur.
Du Challard.
Escrite du vaisseau du Roy nommé « la llenommée », à la rade
de Salle, le 10 aoust 162g.
Le Gouverneur, ayant receu ceste lettre, prist resolution de sur-
prendrai esquif dudit sieur Du Chalard, etfitesquiperpourcest elTait
deux chaloupes, tandis que les Andallous amusoient les gens de
l'esquif de belles paroUes, en les asseurant qu'ilz rendroient autant
de François comme ilz avoicnt pris d Andallous et qu ilz preparoient
des rafraichissemens pour envoyer à l'admirai de nostre flotte, pensant
les surprendre tandis que les chaloupes sortoient la barre, qui furent
descouvertes par ledit vaisseau « la Renommée », qui, les voyant
sortir, fit tirer un coup de canon pour advertir son esquif de ceste
embûche, qui ne les pouvoit descouvrir au lieu où il estoit, et ayant
I . Messieurs de Salle : le divan de Salé.
PROCES-VERBAL n ANURK CHEMIN 22g
ouy ce signal de deffiance. virent les chaloupes qui nageoient terre à
terre' : mais l'esquif qui estoit léger se sauva à bort de son vaisseau,
sans qu'ilz le peussent atraper, et, s'il n'eustesté léger, il estoit pris.
Le sieur Du Challard, voyant reste traliison sy manifeste, leva
l'encre et s'en vint trouver son admirai, auquel il fit son raport de ce
que dessus ; et dès lors, on tacha de faire en sorte de prendre encor
quelques autres navires de Salle. Et, à cesl eflait, le sieur de Trelle-
bois, advan-garde, feust commandé d'aller mouiller à la rade de
Salle, et les autres vaisseaux mis en l'ordre cy-devant.
Le vingtième dudit mois d'aoust, arryva sur la barre de Salle
une prise françoise, du port de (rente (lionneaux, chargée de blé
et de cercles ', laquelle se trouva au matin à portée du mousquet de
noslre advan-garde, qui la voyant fil esquiper sa chaloupe et la fit
aborder et prendre par sadile chaloupe, et l'envoya au bord de
l'admirai à la rade de La Mamore.
Le premier jour de septembre, au point du jour, du costé du
noi d-est de La Mamore. nous apeurseumes un vaisseau de deux
cens cinquante ihonneaux qui s en venoit terre à terre. L'ayant
aperceu. on luy coupa le chemin de mer et de terre, de sorte qu'il
feust contraint de s'eschouer à une lieue au nord-est de ladite
Mamore, par grosse mer, dont la phispart de lesquipage d icelluv
feurent noyez et le vaisseau feust bruslé entieremenl.
Ce mesme jour, arryva deux tartanes qui venoient d'Espagne,
chargez de biscuit pour la forteresse de La Mamore, dont l'une
estoit commandée par un capitaine françois apellé Daniel Deshayes,
de Diepe, qui aportoit une lettre du duc de Mcdine pour monsieur
le chevalier de Uazilly, dont la teneur ensuit :
Lettre de Medina-Sidoma a Razillv.
// /r remercie des bons procédca danl la floUe française uxe ù l'ér/ard des
navires espa'jnols. — // en a rendu compte au roi d'Espaqne.
San Lucar do linrramfd:i, t'A aoiU i6'j(|.
El maestrc de campo, gouvernador de La Mamora. me a abisado
I. Terre à terre, c'est-à-dire : en Ion- 2. CVrcfa. On n'a pu trouver de sens pour
gcant la côte. ce mot qui a dû être mal copié.
de la asistancia que V. M. liaze en su costa con los navios de su
cargo y lo buena correspondanzia que a tenido con V. M., que en
sallado los vazelles (jue d'Espana jîassan con vaslimientos a ella,
de que yo estoy con inucho reconocimiento, desseando monstrarlo
a V. M. en lo que se ofrociere de su servicio y del vcneficio y
socoi'o de sus navios y gente. Esto offresco a \ . .M. con muy buena
volontad. despues de aver escrito al Rey, my senor, la que V. M. a
manifestad en estos mares, cunpliendo con la del Rey Christia-
nissimo.
j Guarde Dios a \. M. como puede I
San Lucar de Varemodo y Agosto 28 de 1629.
El Ducque de Medina-Sidonia.
A M', de Razilly | que Dios guarde ! a cuy cargo desta lescadra
de los navios que assisten en la costa.
Autre lettre dudit duc de Médina audit sieur chevalier de Razilly.
Lettre de Medina-Sidonia a Razilly.
// renouvelle à la Jlolle française l offre de ses bons offices. — Recom-
mandation en faveur de Daniel Deshayes. — Il a écrit au gouverneur
d'El-Mamora.
San Lucar de Barrameda, 2(j aoiU iGjg.
Desseo que aya llegada a manos de \. M. la carta que escrivi
con los patronos de una sailias que vino guargadas de vastimiento
a La Mamora porque, va que tenemos à V. M. en esta vincidad,
no se pierde tienipo de ver sv, con esta ocazion, siolTrezer muclias
de su servicio y de la coinodidad, buena correspondanzia y acogida
de los nabios y gente de su cargo, en que buelvo offrezer a V. M.
lo que experimentara y lo que y essa que sera accepto al Rey, my
seûor, de mas de la ohligazion y inclinazion con que yo vivo a la
nation franceza.
El cap" Daniel Deshayes, de cuya mano rescrira V. M., esta un
PROCES- VERBAL D ANDRE CHEMIN
23l
vesino desta cieudad, persona de muv buene parte y un de las que
mas estiiao sei' Franseses; por tal merese la honra que yo lo desseo
\ que suplico a V. M. le haya en lo que se ofTreziere ; y con el
podra V. M. y avisarme a mandar en que le sirva. Y al governador
de La Mamora escrivio quanto agradesco que lo haga el por su
parte y selo invidie.
j Guarde N. S. a V. M. muchos annos !
A San Lucar, Agosto de 29 de 1629.
Et de sa main il est escript :
Mucho desseo servir a V. M. el buen succzo que a hecho y
esculto a los ba\iles de bastimientos que lien llcgado a esta fuerça.
Medina-Sidonia .
A Mons' de Razilly, caballero de San Juan.
Ledit capitaine Daniel, ayant fait descharger les tartanes à la
forteresse de ladite Mamore, repassa au bort de ladmiral pour
prendre la responce desdites lettres du duc de Médina qu'il avoit
aportez, laquelle feust :
Lettre de Razilly a Medi\a-Sidonia'.
Baz'dly n reni la IcUrr de Medina-Sidonia; bon accueil (ju'il a put à
Daniel Deshayes. — // n'a fait (ju'obdir à ses instructions et aux statuts
de son Ordre en assistant les captifs espagnols. — Pertes qu'il a
infligées au.r pirates de Salé; il les aurait exterminés, si la saison ne
robUijeait à rentrer en France. — Services que lui a rendus le gourer-
neur d' El- Mamora; remerciements à Medina-Sidonia.
En rade ilo Salé, [12 septembre 162g]. ^
Monseigneur,
Je me sens infiniment honoré des lettres que j'ay receues de
I. L'original de cette lettre se trouve seront signalées en note,
dans les Archives du marquis de Rasilly, et 2. Celle date est restituée d'après l'ori-
clle a été publiée dans la Généalogie de ginal, la copie donnée par Chemin n'étant
Rasilly. p. 27/1. Quelipies-unes des variantes pas datée. V. p. 233, note i.
2.^2 l''^l.)
V. E. par les mains du capitaine Daniel, auquel', pourvostre con-
sidération et en ce qu'il est homme de bien, je luy ay offert tout
ce qui est à mon pouvoir'', mesmes luy ay vendu deux navires'
avecq cinquante Mores à bon marché. Je ne mérite nullement les
louanges que V. E. m'atribue pour les assistances que ceux de sa
nation ont trouvés dans ces costes par le moyen des vaisseaux du
Roy, mon maistre, mais bien à ses saintes intentions et au com-
mandement que m'en a fait monseigneur le cardinal de Richelieu,
qui commande les armes de Sa Ma" en France, d'assister parti-
cullierement les subjetz du Roy Catholique, joint aussy à mon
Ordre qui m'y oblige eslroitement. Sy, pendant ses courses, je
fais rencontre de quelqu'un de ses vaisseaux qui ayent nécessité de
secours, je les escorteray, ainsy que j'ay fait cy-devant.
J'ay envoyé bon nombre de Portugais et Espagnolz dans leurs
maisons, que j'ay tirez de l'esclavitude des sept vaisseaux de Salle que
j'ay pris, bruslez et perdus, avecq partyede leurs esquipages tuez et
noyez, leur admirai, vaisseau de trois cens thonneaux. armé de
vingt pièces de canons, bruslé, un eschoué et perdu avecq ses
hommes', un autre non moing grand que son admirai bruslé depuis
dix jours, et quatre autres de pris ' de deux cens tonneaux et douze
pièces de canon, les autres de cent cinquante tonneaux avecq dix
pièces et huit pièces de canon, et un vaisseau d'Alger de cent cin-
quante thonneaux '', douze pièces de canon et quatre-vingtz hommes,
avecq le capitaine, sans adveu ny commission de personne, que
j'ameneray en France' poui- en faire justice. Sy n'estoit que la
saison nous presse à faire voille pour retraite, je paracheverois de
prendre et perdre" les forces qui leur restent. INous avons, grâces à
Dieu, toutes choses nécessaires en nos vaisseaux, soit pour la guerre
que pour les vuituailles ; mondit seigneur le Cardinal y a songneu-
sement pourveu et largement.
Je ne puis que me louer des assistances que j'ay receubz de mon-
sieur le gouverneur de La Mamore ; je vous en fais très-humble
I. Généalogie : \equeï. comme le ^às-amiral de 200 tonneaux, armé
a. Gc/iéfl/oy/f : tout ce qui dcpandcle mov. de 12 pièces de canon.
3 Gênéalorjie : un navire. 6. Généalogie : de 200 tonneaux.
4. Généalogie : avec son monde. 7. Généalogie : avec tout son monde.
5. Généalogie : quatre autres de pris, 8. Généalogie : de brusier et prendre.
PROCES-VERBAL D ANDRE CHEMIN
î83
remercvement pour ce que V. E. a coopéré à ses courtoisies par
les ordres quelle luv en avoit donnez. Les fabveurs qu'il plaisi à
V. E. départir à la nation Françoise est manifestée à tout le monde ;
se sont les elTais de sa f^enerosité qui me font souhaiter avecq
passion les ocasions de luy tesmnigner ralTection que j ay à son
service : et m'estimeray heureux, lorsqu'elle me fera l'honneur de
me tenir, Monseigneur,
Son très-hunihle el obéissant serviteur.
Le chevalier de Razilly'.
Et en la suscription est escripl :
A monseigneur, monseigneur le duc de Medine-Sidonia,
capitaine gênerai de la merOcceaneet coste d'Andallousye pour Sa
Ma"' Catholique, à San Lucar de Varamedo.
Et, d'autant que les susditz vaisseaux pris sur les ennemys estoient
tous fracassez et brisez de coups de canon et la plus part de leurs
manœuvres coupez et rompus de coups de mousquetades, jugeant
inqDOssible de les pouvoir conduire en France, on trouva bon par
conseil de les vendre au capitaine Daniel qui s'en alloit en Espaigue,
lesquelz on luy livra pour le prix et somme de saizc mil livres.
Le lendemain, vingt-unième dudit mois d'aoust, le gouverneur
de La Mamore. ayant receu deux lettres adressantes à M. le cheval-
lier de Uazill} de la part de tous les esclaves de Salle, les luy
envoya à son bort exprez, dont la teneur ensuit :
Lettre des esclaves français a Razillv.
Hevirement des Andalous de Salé à leur égard; ils ont obtenu à i/r/tml
peine l'autorisation de faire parvenir la présente lettre à Razilly. — Ils
ne supportent les misères de leur captivité que par l'espoir d'une rédemp-
liiin prociiiiine. — Bons offices que leur a rendus Pierre Mazet.
Monseigneur,
Salé, 9 aoiH iGaij.
Santé, joye vous soit et très-humble sallul.
Nous avons pris la hardiesse de vous escrire la présente, aprez
beaucoup de peyne à en obtenir permission de ces M" gouverneur
I. On lil ciiMiitr il.Tiis l'original : « Salle, co 13 srplrmbrc ilV^rj ».
23/1 1629
et douan de ce lieu, qui csloient aigrement iirytez, changement à
nous grandement préjudiciable et desconlormante aux bonnes
aparences qu'entendions, au commencement, que firent en hommage
et esquitable correspondant quilz usèrent sur vostre première
enqueste que de vos grâces leur fites, tellement que, à nos requestes
et suplication, nous ont octroyé de pouvoir envoyer, sur noslre
louyer', ceste barque qui part de ce lieu, à ce que nous puissions, et
par ainsy présentement l'envoyons à lladvanture et conduite du
Souverain Seigneur, pour suplier V. G., avecq les larmes aux yeux,
d'avoir esgard et mercy à la misère, pauvreté et autres callamitez
que de long temps avons suportez, par la grâce de Dieu, et les maux
qu'il nous représentent de recevoir de rechef (il seroit impossible de
les spécifier par escript), sy n'estoit le suport et l'espérance que
nous avons de la Providence divine (jue V. (t. moyennera, par
droite ligne de paix, noslre rédemption duquel sy longtemps désirée,
conduite et establie en bonne et deue forme par un sy vertueux et
brave seigneur, esleu par ce grand nectar" du monde en ce ciecle,
nostre très-bon roy de France, à qui le Souverain Seigneur done
l'unique fellecité que désirent ses très-humbles, obeissans et fidèles
serviteurs. Et nous, qui sommes plus ou moins cent-cinquante, tant
ycy qu'à la mer, en servitude, serons obligez éternellement à prier
pour l'augmentation et heureuse fellicité de V. G. à la bonne grâce
de ce magnanime Roy, nostre sire débonnaire, que par sa grande
clémence et miséricorde que journellement uze de copieuse commo-
ditez pour le suport de ses pauvres vassaulx pour réduire en leur
repos publicq, qu'il souhaite en gênerai son bien-aymé peuple.
Et, d'autant qu'il se présente locasion par nous désirée, soubz la
bonne conduite et par une charité chrcsticnne, nous a protégé et
cauxionné Mr. Pierre Mazet\ marchand françois de Marseille, pour
alléger en partye nos travaux et misères des cheynes et basses fosses',
qui, en vérité et foy de nos consienses, nous a fait de très-bons
olTices, dignes que nous le publions partout où il plaira à Dieu nous
conduire ; pour ({uoy nous vous suplions de croire, mondit seigneur,
1. Sur nostre louyer, c'est-à-dire : fn la notice biographique.
louant nous-mêmes. ^. Basses fosses, matmoura Sj»«Ja.<,
2. Nectar. Il faut rétablir : Nestor. silo destiné à conserver le prain et servant
3. Sur ce personnage, ^. Introduction, aussi de prison.
PROCKS-VERBAL T) WDRK CIŒMIN
235
qu'il est louable par toutes sortes de gens de dilTarentes loix que par
bon destin a esté esleu de ses M" les Andalous. gouverneur du
chasteau et de ses despendances '. que prions Sa divine Ma'" les
vouUoir inspirer à quelcjues bons advis requis et nécessaire pour
bon principe de paix honorable pour V. G. et agréable pour ces M".
El, en alendant ce bonheur, aurons l'honneur de nous dire à jamais
Monseigneur,
Vos très-humbles, plus fidelles et afectionnez serviteurs.
J. Le Floc. Jean de La Segne, La Grue, Pierre Joubert, J. La For-
tune, Jaques Troye. François Robillard. Joachin Sanner. Girard
Croisy, Chrestien Colbert.
Avecq vostre permission, salluons les R. P. et tous ceux de vostre
armement que Dieu garde !
De Salle, ce 25" juillet 1629.
Et depuis dabtée de nouveau : le 9" aoust 1G29.
A la suscription est escript : A monsieur, mons"^ le commandeur
de Razilly, embassadeur pour Sa Majesté Très-Chrestienne vers le
roy de Marocq et autres lieux de la coste d'AlTrique.
Seconde lettre desdits esclaves.
Lettre des esclaves français a Razilly^.
[Sale, 10 août iGiQ.]^
Monseigneur ',
Aprez vous avoir présenté nos très-humbles saluts, laissant à part
I, Pour (jiioy rKtits vous siipUons (le rroiri' ClnMiiiii liii-m()me. On jicut également
et de ses despt'ntlaitcfs. II faut proba- supposer que ce dernier, en présence
blement entendre ce qui suit : Noiis vous d'une rédaction tris incorrecte, aura voulu
supplions de croire qu(^ toutes sortes de gens apporter quelques retouches à l'original,
de dlirérentes religions trouvent bon que On ne signalera dans les notes que les
Pierre Mazet ait été ag^éé comme consul variantes importantes, omettant celles qui
tant par les .Vndalousquepar le gouverneur ne portent que sur la graphie. Mais, même
de la Kasba. en éclairant les deux textes l'un par l'autre,
2. L'original de cette lettre existe dans certains passages de la lettre des captifs
les archives du marquis de Rasillv; il devait restent obscurs.
ilre d'une écriture peu lisible, si l'on en 3. Ce document, dans le Procès-verbal
juge par les fautes de lecture relevées de Chemin, ne porte pas de date. On a
dans le texte imprimé qui se trouve dans restitué celle-ci d'après la Généalogie. V.
la Génédloyie de la famille de [iasilly (p. infru p. 238. note 3.
a'jS), et par celles commises par André l\. L'original porte la suscription sui-
9M
i6î>9
les calamitez et misères que passons en la servitude'. Vostre
Grandeur en est que trop expérimentée, comme la pluspart sommes
en ce cliasleau de Salle, Toutouan et autres endroictz, qui, de tout
temps ', esloient de la juridiction et despendance dudict royaulme,
de qui présentement se sont rendus neutres en forme de seigneurie
et republicque dominative et successive à sov, ainsv que croyons
y a eu advertissemenl ^ d'ailleurs. Et sommes en une extresme
tristesse pour le subit * changement que nous voyons en ces M'*
Andallous, de jour à autre plus iritez quau commencement" de
vostre très-joyeuse et désirée venue, veu quen gênerai '' grandz et
petitz y estoient portez d'une conformante vollonté de convenir à
la paix esquitable, suivant ce que entendions du commun peuple,
qui se contcnteroient de ce que nous, pauvres ailligez, leur avyons
coustez à la publique place, qui n'estoit pas peu de chose suivant
les autres nations, et en outre pour y estrc mort plusieurs des nostres
à leur pouvoir . Et d'autant que nostre souhait ne tend* à autre
but, sy ce n'est' que vostre ardant désir s'acomplisse, à vousretori-
quer et philosopher '". à noz dcbilles entcndemens, pour bon destin "
qu il plaise à Vostre Grandeur, et pour nostre pitoyable requeste,
voulloir cesser les plus grandes irrytations''qui se peuvent ensuivir,
vante: « A Monseigneur, monseigneur le
commantlenr (le Razilly, ambassadeur pour
Sa Majesté vers le rov de Marocques et
autres endroictz de Barbarie. De la part des
crestiens françois de Salle. »
1 . Généalogie : En la servitude insupor-
tablc, semé parmy ce royaume de Maroques,
quoique \ostre Grandeur en est que trop
esperimentée
2. Généaloijie : qui, du temps pas.sé,
estoient...
3. Généalogie : que croyons en aurez ja
eu advertissemenl.
!\. Généalogie : susdit.
5. Généalogie : plus irritez ce que au
commencement
6. Généalogie : trcs-joveuse et désirée
venue que en général...
7. Qui se contenteraient de ce que et
en outre itiiiir y estre mort plusieurs îles nostres
en leur pouvoir. 11 tant probablement enten-
dre : Les gens de Salé se contenteraient
comme rançon du prix auquel nous avons
été achetés sur la place publique, ce qui
serait de leur part une très grande conces-
sion, étant donné les sommes qu'ils exigent
des captifs des autres nations et qu'en outre
ils ne font pas figurer dans la rançon le
prix de ceux des nôtres morts en captivité.
— L'usage des chérifs était d'exiger une
rançon globale des captifs chrétiens en leur
pouvoir et de ne pas tenir compte des décès
ou des évasions.
8. Généalogie : n'estant.
q. Généalogie : cy n'est que
10. A vous retoriquer et philosopher. Le
sens est: à vous persuader par des arguments.
lï. Généalogie: dessein.
12. La phrase est peu intelligible et il est
difTicile d'en dégager le sens. On ]>ropose
PROCÊS-VEKBAL d'a.NUKÉ CIlliMlN 23^
soubz l'entremise do commander à une de voz chaloupes qu'elle
vienne au mesme endroit de la première fois avecq bandiere de
paix jusqucs à demy chemin, et attendre là pour veoir s'ils se vou-
dront incliner à faire la mesme correspondanse d'asseurance qu'ilz
firent cy-devant ; que s'ilz la font, hardiment pourront ' porter la
lettre que Vostre Grandeur leur ^ escrira en termes suivantz : « Que
s'ilz ont pour agréable d'envoyer un tel nombre d'honnestes per-
sonnes pour otage à bort en asseurance de ceux qu'il vous
plaira, monseigneur, leur envoyer, soubz un tel signal ' par leur
chaloupes ou barque de chaque part, avecq enseignes blanches,
seront rencontrez'' à demy chemin et so'ont conduitz les ungz par
les aultres à leur ditz endroitz pour moycnncr de vostre part les
aflaires portez par la commission de ' nostre très-bon et puissant roy,
usé pour" sa clémence miséricorde ', vous a peu avoir donné pour
consolation et dellivrance de tous ses pauvres subjetz qui sont en
l'esclavitude de la Barbaiye. » Par où espérons en Dieu et à la
persuasion de quelques begnignesgens de ce lieu pourroient réduire
par bon terme à leurs premières agréables intentions à ceux* qui
sont requerans" ce bien gênerai. Que, en vérité et foy de nos
consiences, ne seroient pas peu de cas à nous redimer pour huicl
mil médicaux'" plus ou moingz. qu'avons à nous rachaplerau triple
d'avantaige et laisser d'establir le repos publicq au temps advenir,
qui seroit la plus grand fellice " que les François prevaudroient
!o stii\aiit : ï]t, sous réserve que nos souhaits 7. Usé pour sa clémence misé riconlL'...cci,i-
iie tendent qu'à l'accomplissement de vos à-dlre : suivant sa clémence accoutumée...
plus ardents désirs, nous voudrions vous 8. Réduire... ù leurs premières ayreables
persuaderjjardesdiscourset des arguments, intentions à ceulx. Hispanisme ; il faut
autant que le permet notre faible intelli- entendre : ramener à leur bonne intention
gence, si toutefois ce dessein est agréé par première ceux
VotreGrandeurctsi notre requête est prise f). Gcnéa/ojic: contrecarrent... ; ce que le
en pitié, de faire cesser sens exige. Les mots « sont requérons » vien-
I . Pourront, le sujet est ; les gens de la nent d'une mauvaise lecture du copiste de
chaloupe Chemin. Celui-ci a dû écrire eonlrequarenl ,
1. Lear escrira, c'est-à-dire : écrira aux là oi'i les captifs avaient mis contrecarrent.
Maures. lO. Medieaulx. mitcal, pièce do monnaie
3. Gcncaloijic : signe. d'or arabe.
4. Seront rencontrez. Généalogie: s'iront 11. La plus ijrand Jellice Le mot
rencontrer. suivant a été transcrit par le copiste d'.Vndré
5. Généaloijie : que. Chemin : Cicille. L'éditeur delà Génea/oyie
6. Généalogie : pour. a lu : le plus felix object.
338 1639
sur les autres, consonnant à ce grand Nestor ' du monde, nostre
sire débonnaire, comblé de la divine bénédiction souverayne. Et par
Geste fréquentation d'asscurance et communication d'otaige se pour-
ront facilliter toute sorte de difficultez, Monseigneur, à lopposite
de l'honneur de vos mérites.
Et en attendant ce bonheur, prions très-saintement^ l'Eternel
vous donner ceste bonne issue qui se prétend, pour nous dire à tout
jamais, Monseigneur, vos très-humbles et aiTectionnez serviteurs'.
Sl[/né: llené Passevent. — Du Tillac. — Pierre Joubert. - — Jean
de La Segne. — Joachin Sanner*.
Aprez que monsieur le commandeur de Razilly eusl reccu la
lettre de ses pauvres esclaves François fjui luy faisoient pityé, prit
resolution de renvoyer derechef monsieur Du Cliallard à la rade
dudit Salle avecq trois lettres qui s'ensuivent, l'une adressante au
gouverneur dudit Salle, l'autre au capitaine Negrille d'Arger*" et la
troisième ausdits esclaves.
Lettre audit Gouverneur:
Lettre de Razilly a Mohammed be\ Abd el-Kader Cero\.
Il envoie Du Chalnrd ncr/ocier avec le divan de Salé la relaxalinn des
captif s français et les conventions relatives A la liberté du commerce.
A bord de la Licorne, i5 septembre 1629.
Monsieur,
J'ay apris par les lettres que m'ont escriptes les pauvres esclaves
1. Généalogie : nectar. transcrire dans un ordre difTérent. L'absence
2. Généaloijie : instamment. de plusieurs signatures dans le procès-verbal
3. On lit ensuite dans l'original ; « De d'André Chemin provient de ce que ce
Salle, ce dixiesme aoust 1629. »\.Généa- dernier a négligé celles qu'il n'a pu
logie, p. 378. déchiffrer. Voici, d'apris la Généaloijie. les
!l. Les signatures dans la Généalogie noms des pétitionnaires : Jehan Delasei-
(p. 374) ne sont pas rangées dans le même gne. — François Uebillard. — Tristan
ordre et sont plus nombreuses. Cette diver- Colbert. — Jehan Lombard. — Piere
gence s'explique aisément : les signatures Bert. — La Fortune. — Dutillac. —
placées au bas d'un document ne sont Fonvial. — ■ Roirlé.
pas en général écrites sur des lignes horizon- 6. Mohammed Raïs surnommé Negrille.
talcs et il est loisible à deux copistes de les Cf. Dan, Hist. de Barbarie, éd. lÔ^Q.p. i45.
PROCÙS-VEHBAL d'aMIRÉ CHEMIN 2.S()
françois qui sont à Salle, que sy j'envoyoys encor une fois un
vaisseau en vostre rade, avecq bandiere de paix, vous traiteriez
pour leur liberté. La pityé que me ibnt ses pauvres gens et le
cominandennent que j'ay du Roy mon maistre moblige d'envoyer
encore monsieur Du Challard pour faire accommodement avecq
vous. Je vous prie que ce soit en toute liberté et franchise et de
n'user de surprise, ainsy que l'on a fait cy-devant, car ce mauvais
procédé nous oteroit tout moyen de nous plus fier à vous et vous
rendroit odieux à toutes les nations du monde. Vous le trouverez
sy plain de raison que vous n'aurez aucune difficulté avecq luy ;
et ce qu'il vous aura promis vous est du tout asseuré et vous sera
aussylost envoyé. Et les choses qu'il arrestera aA ecq vous pour la
liberté de vostre commerce ou autres choses, je le signeray au
nom du Hoy. mon maistre. suivant ma commission ; et sy, en
vostie particulier, il s Offre ocasion de vous faire service, je le feray
de tout mon pouvoir.
Sur ce, je dcmeureray. Monsieur, vostre très-humble serviteur,
Le chevalher de Razilly.
i5 septembre 162g.
Lettre audit Aegrille.
jETTRE de
\\a
Il (i[]'re à Negrilic de lui renvoyer son frère iju'il a pris dans le narire du
capitaine Oja. — Baisons qui justifient la capture de ce navire. —
Bonnes dispositions du roi de France à re(/ard du divan d'Ali/er. — Le
capitaine Oja n'a été ni spolié, ni maltraité, mais liazilly est dans l'obli-
iptlinn de le conduire en France. — Pui.'isance maritime du roi de
France; inconvénients i/ui résulteraient pour les Ixirl/aresijues d Ali/er
d'une alliance avec les Salétins.
X boni (le la I^icomn, iô septembre l(J2().
Monsieur Negrillc,
La présente sera pour vous faire entendre (juc s> desirez avoir
vostre frère (pie j ay pris dans le navire du ca[)itaMie Oja. envoyez
un bateau en cesle rade de Salle, et je vous le renvoyeray avecq
ceux iludit cap'" Oja qui s'en voudront aller à terre.
2/ÎO 1629
Messieurs d'Alger ne peuvent trouver estrange sy j'ay arresté
ledit capitaine Oja, car il a contrevenu à la pai\ faite avecq la
France, ayant fait eschouer deux vaisseaux françois, voyant les
bandiereï- de France, estant fort proche, à coups de canon les a fait
perdre, ainsy que le tesmoigne des Turcqz de son mesme esquipage.
De plus, il s'est vanté et parlé plusieurs fois qu'il cherchoit quel-
ques navires françois chargé de toille pour la prendre, et, à cest
elfait. s'esloit assosyé avecq deux vaisseaux de Salle. Outre, le
capitaine Oja n'a point de commission de M'* d'Alger, qui fait
paroistre qu'il sera desadvoué d'avoir fait tort aux François; car
la voUonté du roy de France, mon maistre, est d'enl retenir la paix
avecq toute franchise avecq Messieurs d'Alger, et vous avez veu
que leurs vaisseaux sont bienvenus en France; et maintenant, sy
j'en trouvois cpielqu'un qui n'eust fait la guerre aux François,
depuis la paix ', je luy donnerois toutte sorte d'assistance.
L'on ne sauioit dire que j ave pris le navire dudit cap"" Oja
pour 1 ai'genl n^ marchandise qu'il y eust dedans, encor moingz
de vuituailles ; car, dans ledit vaisseau, il n'y avoit chose qui vaille,
et puis asseurer n'en avoir eu aucune chose ny n'en pretens. Les
matelos et renegas ont peu desroher quelques robes " des particu-
lières, qui n'est venu à ma cognoissance. J'ay fait tout mon pos-
sible pour faire rendre à un chacun ce qui luy apartenoit ; c'est
chose de peu d'importance, dont, en France, l'on leur donnera
le double. Ft. pour la personne dudit cap"" Oja, il a retrouvé toutes
ses hardes, et je le traite à ma table et fais nourrir son esquipage,
composé de quatre-vingtz hommes, aux despens du Roy, mon
maistre, avecq toute sorte de liberté dans ce vaisseau, ainsy qu'il
pourroit désirer. Mais je ne puis, par raison, faire autre chose,
sinon de le mener en France au Roy, mon maistre, affin que la
justice en soit faite, et faire des plaintes à M"' d'Alger à ce qu'ib;
n'envoyent point de leurs capitaines faire la guerre aux François.
Je croy qu'ilz remédieront par leur sage conduite pour éviter le
couroux du roy de France, mon maistre, remply de victoires et
invincible comme est celuy d'à présent.
I . La paix signée avec le divan d'Alger le négociateur,
le ir| septembre 1638 (\ . supra p. 326, 2. Robes, c'cst-à-diru bardes, comme il
note 2) et dont Sanson Napollon avait été est dit plus loin.
PROCÈS-VERBAL DAMJHÉ CIIKMIN 2^1
De vostre costé, je vous donne pour advis de ne vous assosier
avecq les vaisseaux de Salle pour faire la guerre aux François, car
se n'est plus le temps que les François se laissoient prendre ; se
sont eux maintenant qui prennent les autres. Nous avons cent
cinquante vaisseaux de guerre en France, où le Roy n'a d'ennemys
assez puissans pour les pouvoir employer. Je vous donne ma pa-
rolle que vous pouvez venir à bort de tous les vaisseaux de ceste
flotte avecq toute sorte de seureté, et vous en pourrez retourner à
terre, lorsque vous voudrez, et, en vostre particulier, en tout ce
qui me sera possible, je vous rendray service et amityé, estant
vostre serviteur très-humble,
Le chevallier de llazilly.
A bort, le 20 septembre 1629.
Ledit Negrille ne fit aucune rcsponce à ladite lettre ; au contraire,
sortit de Salle avecq son navire, de nuit obscure, et alla à la coste
d'Espaigne, où il fit une prise dun vaisseau dOllonne dans lequel
y avoit quinze François qu'il a menez vendre à Salle, quelques
jours auparavant que les articles de trefves feussent signez, et
depuis on a retenu son frère prisonnier.
Lettre ausdits esclaves :
Lettre de Razilly aux esclaves français.
Les démarches auprès du divan de Sale pour obtenir la mise en liberté des
captifs étant demeurées infructueuses, il se voit dans l' oblicjation de
retourner en France. — // assure les captifs qu'on ne les abandonnera
pas et il les invile à qarder bon espoir. — Les maux de cette vie ne
.Vint rien en comparaison des félicités qui leur sont réservées au Ciel, s'ils
observent les commandements de Dieu. — Il rendra compte au roi de
France des bons services de Mazet.
A boni dr la Licorne, 2/1 septembre iG3g.
Mes chers amys,
Vous avez veu que j'ay esté et envoyé plusieurs fois à la rade de
L)e Castkies. 111. — iG
Salle et ayant escrit à ces M'" les Andallous grand nombres de
lettres pour procurer vostre liberté, laquelle je souhaite comme sy
c'estoit pour moy-mesme ; mais je recognois très-bien que lesdits
sieurs Andallous ne veuUent rien faire pour se subjet, sinon que de
nous faire retarder, croyant qu'il pourroit venir un mauvais temps
pour que quelqu'un de nos navires se perdisent en leur rade, qui
ne vault du tout rien. Nous y avons ja pei"du force ancres et cables,
et j'ay fait au-delà de mes commissions, car j'avois ordre, du
premier refus de vos libertez, de leur faire la guerre sans aucune
autre conférence.
Je vous puis asseurer sur mon honneur que l'argent qui a été
destiné pour le rachapt des captifz françois ne sera diverty, et, par
une fasson ou d'autre, on ne vous laissera pas à la misère là où
vous estes, car nostre invincible roy saura bien avoir raison de
ceux qui 1 offensent. Vousdebvez vous confier en sa bonté, qui fera
qu il y aura tousjours un nombre de navires de guerre de
France en ces costes, qui seront choisis bons voilliers ; ovi je m'as-
seure que, dans un an, ceux de Salle se repentiront de n'avoir
entendu à mes propositions, qui ne tendent qu'à vostre liberté et à
leur repos : et, si je vous pouvois rachater de mon sang, je le feroys
de cœur et d'âme, sçachant très-bien les misères que vous souffrez
en ce pais de Barbarye. Mais ayez ferme fiance en Dieu, qui nous
donnera des moyens pour vous ravoir. En ce qui despend de mon
pouvoir, je ne vous abandonneray jamais.
Ayez tousjours l'amour et crainte de Dieu dans vos cœurs, et
considérez que c'est peu de chose que de ceste vie et qu il fault
que les empereurs, les roys et les princes meurent. Partant, nous
autres, pauvres misérables, ne debvons avoir regret à perdre la vie
pour soustenir l'honneur de Nostre Seigneur Jesus-Christ. Puis-
qu'il est mort pour nous, nous pouvons bien mourir pour Luy ; et,
vivans en ceste resolution, nous sommes asseurez d'avoir la vie
bienheureuse et éternelle. Mais ses lâches de cœur, qui sont sy
misérables de se faire renagatz, ne peuvent atendre que des paines
éternelles dans les enfers, car N. S. a dit que quiquonque le renie-
roit d'entre les hommes, qu'il le renieroit devant Dieu, son Père.
Donc, mes chers camarades, pour estre bienheureux, observez les
commandemens de nostre bon Dieu et prenez vos peines en
PROCÈS-VERBAL DANDRÉ CHEMIN 2^3
patience pour l'amour de Luy, et Sa divine Majesté ne vous délais-
sera point. Ayez la charité les ungz envers les autres et vous aymez
tous comme ireres, et priez Dieu sans cesse pour la prospérité de
noslrc bon roy. qui a tant de soing de vous, et aussv pour monsei-
gneur le cardinal de Richelieu, qui a la chai'ité entière pour vos
libériez. Et vous prie de m'aymer autant comme je vous souhaite de
bien, et j "espère en Dieu vous faire paroistre aux efFais que je suis,
Mes chers amys. vostre affectionné amy et serviteur,
Le chevallier de Razilly.
Ce 2 4 septembre.
Faites mes affectionnez recommandations à M. Mazet'. Je feray
entendre au Roy le soing qu'il a de vous tous et, à mon particul-
lier, en toute sortes d'ocasions, je le serviray de très-bon cœur. Je
ne luy escris point, d'autant que je luy désire tesmoigner ma bonne
vollonté plustost par effait que par lettre.
Monsieur Du Challard fit tenir les lettres dudit gouverneur,
^egrille et esclaves, et, tandis que ledit gouverneur prenoit resol-
lution avecq les principaux du chasteau et Andallous à ce qu'il
avoit affaire, ou de rendre les esclaves, faire la paix, ou de conti-
nuer la guerre contre les François, tout le commun peuple de la
ville se mirent en révolte contre ledit gouverneur, qui estoit insité
par de ses amys estrangers à continuer la guerre et ne désirer point
la paix, tout au contraire de la vollonté de tout le peuple en gênerai,
qui desiroient unanymement la paix et la voulloient à toute force,
d'autant qu'ilz pâtissoient grandement, car, durant tout le temps
que nous avons esté devant leur ville, il n'y a entré aucunes vui-
luailles de dehors, qui a esté trois ou quatre mois qu'il a manqué
de commerce avecq tous leurs alliez. Cela les a réduis à toute sorte
de misère, qui contraignit le peuple de la ville de s'eslever et
prandrc les armes contre ledit chasteau, et avoient ja gaigné une
porte où ilz se battirent rudement, où il en eust plusieurs de
part et d'autre tuez et blessez. Neantmoingz, ceux dudit chasteau
repoussèrent ceux de la ville, doncq quatre jours durant, le chas-
teau leur tira force canonades.
I. Sur Pierre Mazet, V. Introduction, notice biographique.
Les plus sages, recognoissans qu'ilz ostoient sur le point de se
perdre les ungz les autres, suyvirenl les vollontez du commun
peuple et envoyèrent une chaloupe à bort dudit s' Du Challard
pour demander la paix, offrant de rendre les esclaves françois
qu'ilz detenoieut, pourveu qu'on leur payast le pris qu'ilz avoient
cousté en la place publique, et, à cest effait, envoyèrent des otages.
Le révérend Père Datias', de Tordre de la Mercy, poussé de
zelle, demanda au s' Du Challard permission d'aller à terre, affin
de faire acomplir leur paroUe pour rendre les esclaves au plus tost.
Neanlmoingz. ledit s'' Du Challard, n'ayant ordre dudit sieur che-
vallier de Razilly de faire la paix, mais bien une trefve, s'y com-
porla très-prudamment et sagement, le tout à l'advantaige du
service du Roy : sy bien que le gouverneur de Salle, par l'advis
de tous les Andallous, envoya les articles signez à bort dudit s' Du
Chalard, dont la teneur ensuit :
Trêve entke Louis XIII et la ville de Salé.
Salé, 2 octobre ifiag.
Entre monsieur le commandeur de Razilly, premier capitaine de
l'admirauté de France, chef desquadre des vaisseaux du Roy en sa
province de Bretaigne, et admirai de la flotte de Sa Majesté es costes
de Barbarye, soubz la charge de monseigneur le cardinal de Riche-
lieu, grand maistre, chef et surintendant gênerai de la navigation
et commerce de France, au nomde Sadite Majesté, et en vertu du
pouvoir et commission qu'il a. dune part ; et le sieur Mahumadban
Abdulcader Ceron, gouverneur et capitaine gênerai de la forteresse
et ville de sa juridiction, tant en son nom qu'au nom de tous les
habitans de ladite ville et forteresse de Salle, d'autre :
A esté accordé que, veu que ledit seigneur de Razilly est venu
en ceste rade avecq ladite flotte et armée pour retirer les François
I. Dallas (avec les variantes Dalla, d'A- Mercy Je Paris. Sur ce religieus, V. iiifra,
thia, d'.Vthis). Le Père François d'Atliia, pp. 387, 33g, ^78, note 4 et Introduction
commandeur du couvent de N. D. de la critique, pp. 557-558.
PROGÈS-VERBAL d'aNDRÉ CHEMIN 2^5
esclaves, et, au rcffus d'estre rendus, faire la guerre à ceux qui
les détiennent en ces costes, sur quoy sont survenus certains dom-
niaires qui ont acoustumé de s'ensuivre de la guerre, aprezlesquelz.
desireurs d'establir la paix, quelques dilllcultez se sont rencontrez
qui n'ont peu permettre que la resolution se prist sy tost ; afTin
que lesdits dommaiges cessent auportdudil Salle et ceux qui pour-
roient arryAcr aux marchans françois, atcndant que lesdites difïîcul-
tez se puissent plus amplement résoudre et que les partyes advise-
ront en la forme qu'ilz le \oudront tenir, ilz ont trouvé bon de
faire trefves pour le temps et espace de cin(| mois, commenceant
du jour de la dabte de la présente capitulation, avecq les conditions
qui s'ensuivent :
Premièrement, que tous les François esclaves qui sont à Salle
seront dès àpresent randus, moyennant ce qui a esté acordé, et que,
durant le temps desditz cinq mois, aucuns vaisseaux de Sa Maj" ou
autres de ses subjets ne feront aucuns actes dhostillifez contre ladite
forteresse et ville de Salle, ny aussy à leurs navyres ny embarque-
mens, dans lesquelz ne sera pris aucune chose dont ilz seroientchar-
gez et ce qui se treuvera sur iceux, soient Chrestiens ou reniez,
sur painc, à celuv ou ceux qui contreviendroient, d'estre griefve-
ment punis avecq restitution de toutes pertes et dommages :
Que. pendant ledit temps de trefves, aucun navire du port de
Salle ne pourra prendre aucun vaisseau ny autre chose quelconque
apai tenant au Roy Très-Chrestien où à ses subjets en mer ou en
terre : comme aussy il ne sera permis audit port de Salle qu'au-
cun vaisseau françois ou subjetz de Sa Majesté ny marchandises
leur apartenans, pris par autres personnes que ceux de Salle, de
quehjue nation que ce soit, directement ou indirectement, soient
vendus audit port de Sallé nv menez ailleurs, ains seront rendus
et remis en toulte liberté/, sur paine aux contrevenans d'estre
rigoureusement chastiez avecq entière restitution des pertes et dom-
maiges qui s'ensuivront ;
Que, durant le temps de ladite suspension d'armes, lesditz Fran-
çois auront toute liberté et franchise dans le port et ville de Sallé,
où ilz pourront achapter et vendre de la marchandise, comme entre
marchans et amys ; mesmes ceux de ladite armée de Sa Majesté
pourront dessendre à terre pour y liaitcr tout ce que bon leur
2^6 iSag
semblera, sans que personne les puyssenl empescher ny offenser
en leurs personnes ou biens, et niesmes les vaisseaux marchans et
embarquemens dudit port de Salle pourront librement aller au
royaume de France, et ausdils vaisseaux de l'armée.
Et ledit sieur admirai de Razilly, de sa part, et le s' gouverneur
de Salle, d'autre, s'obligent d'acomplir et faire garder inviollable-
nient lesdites trefves et articles cy-dessus contenus, lesquelz ils si-
gneront de leurs mains.
Fait le deuxième octobre 1629.
Et, d'autant que ledit s' commandeur de Razilly n'est à présent
en ladite rade, le s' Du Cballard, gouverneur de la Tour de Cor-
douan, cap"" garde-coste de l'adinirauté de Guienne et cap"° d'un
des vaisseaux du Roy de ladite llolle, ayant cbarge de Sa Majesté
et dudit sieur de Razilly à l'efTait que dessus, les signera, atendant
que ledit sieur de Razilly les signe.
Fait le deuxième octobre 1629.
Maliumad ban Abdulcader Ceron.
Du Cballard'.
Le sieur cbevallier de Razilly avoit donné ordre au sieur Du
Cballard qu'il tira trois coups de canon pour signal, lorsqu'il seroit
temps qu'il y alla avecq son navire pour terminer l'aflaire et ravoir
lesdits esclaves.
Il feust donc tiré trois coups de canon du bort dudit sieur Du
Cballard, lesquelz estans entendus par M' de Razilly, fit aus-
sytost lever l'encre de devant La Mamore, où il estoit mouillé,
lequel estant à portée du canon de la rade de Salle, le calme le
prist, avecq une grosse mer et les marées courantes, qui l'empor-
tèrent par force advant le vent, puis, le lendemain, le vent venant
fort, il fit force de voilles pour essayer à rellovoyer et gaigner à la-
dite rade de Salle. Mais ce feust en vain, car, en douze jours de
temps, il se trouva à quatorze lieux a'van le vent, entre la ville
I. 11 existe une copie de la trêve de aux Archives des Affaires Etrangères,
iGag entre Louis XIII et la ville de Salé Maroc, Correspondance consulaire, t. I,
PROCÈS-VERBAL DANnuÉ CHEMIN 2^7
d'Anafe' et la Ville aux Lions", et peult estre de deux mois il
n'eust peu atraper qu'à palne ladite rade de Salle, ce qui le con-
traignit daller rellacher à la rade de SafTy, où il avoit affaire.
Le sieur Du Challard, ayant jugé que le vaisseau « la Licorne »
n'avoit sceu relovoyer pour le venir trouver et qu'il avoit les mar-
chandises propres pour Salle, se résolut de l'aller joindre avecq le
vis-admiral, contre-admiral et avan-garde, à la rade de Saffy, là
où il estoit, et, comme ils partoient', il s'esleva un coup de vent sy
impétueux qui dura quelques six heures, de telle fasson que le
contre-admiral pensa couUer bas et se perdre, et feust contraint de
faire vent arrière pour aller rellacher en Espaigne *, d'autant qu'il
estoit presque plain d'eau.
Le vis-admiral, pour le secourir, ordonna à la prise d'Alger de
le suivre de prez, et puis ledit vis-admiral, avecq l'avan-garde et
« la Renommée », suy virent leur route droit à Saffy pour trouver
leur admirai, où déjà yl estoit arryvé il y avoit quelque jours.
Lequel y avoit trouvé le vaisseau ' des sieurs chevalUers Des Roches
et Guitault avecq la pinasse, qu 11 avoit envoyée devant avecq
le II. F. Rodolphe, qui estoit de retour de l'armée du Roy, il y
avoit trois scpmaines, qui présenta à M. de Razilly la responce du
roy de Marocq, translatée d'arabe en espaignol, dont la teneur
ensuit :
Lettre de Moulay Ald el-^L\lek a Razilly.
// Irailera avec le F. Rodolphe la question des Français captifs dans
l'empire chérifien et dans la ville de Salé.
Ta.srout. ilj Don cl-Ilidilja luUS-f) aoiM 1629.
Traslado de la carta que va con esta en arabijo del emperador de
Berberia Muley Abd el-Meleque j que Dio soalce !, y dise lo sg'^
1. Anafe, .Viifa, aujourd'hui : Casa- 4- Ce fut à Cadix que relâcha le chcva-
blanca. lier de Jalcsncs (contre-amiral) ; il eut un
2. La l'i7(e aux Lions, en arabe: Medincl long entrelien avec le gouverneur de laville.
cs-Sebà. Cette ville doit être identifiée avec V. /« Série. Espagne, iti octobre 1629.
Tit. V, p. 'iCt-j, note i. 5. Le vaisseau. Entendez : les vaisseaux.
3. Du Chalard quitta Salé le 7 octobre. Celaient la S"-' Anne et le Hambourg. V.
V. p. 2O0. supni. p. 207.
2^8 '629
Lo contenido de esta cartala alla, el Adelantado', el libéral, el Rey,
el Generoso, el Haxmy, el Fatmy, el Hasny, por el mandadoprofetico,
el Xarife el sublime ^, el que se sujetô a su sujecion la libéral los poten-
lados de los Moros, y abedecio a su mandad(j la xarifa los polos del
Poniente, y se humillo a su mandatos los altos los rebeldes reyes
de Guinea y sus polos los lexanos y los cercanos'.
Al prudente y bomrrado, cl que mira con los ojos del entendmi-
miento, el jeneral, el cavallero de Uazilly.
Y despues, loque qiere désir esta en que llege a nostro estado el
alto vuestra carta y la leymos todos sus capilullos y entendimos
su contenido el particullar y el jeneral, y lo lenemos bien con-
prehendido ; y para lo que pedis de nuestro estado el alto de la carta
de siguro para vuestroamigo. el padre Rodolfe. para que se rencuentre
con nos, ya nos lescryvinios nuestra jjalente la alla, en que contiene
lo que pedistes ; y lo que disis tocante los esclaves franseses que
tenemos en nuestro rci^no el alto, en viniendo vuestro amia-o, el
padre diclio Rodolfo, a nuestro estado el alto, trataremos con el
en los que ay aqui de los esclaves dichos, y en aviendo con con-
cluido en ellos los que es la volontad confavor, y despues tratare-
mos con el en los demas que ay en el puerto de Salle, con el favor
de Dios todo poderoso, y lo demas de los capitules de vuestra
carta, de que vuestro amigo os rcspondcre acada particular, con el
favor de Dios.
Escrita en nuestro felisse campe en Tasrot ', 16 dcDullieja io38,
que de Agosto 5" de 1629 aâos.
Or, durant les trois sepmaines que les vaisseaux des sieurs Des
I. El Adelantado, traductiun espagnole fiennes, plus ou moins exactement traduit
. par l'interprète espagnol, V. i" Série,
de rëpitlKte protocolaire ^L.\l cl-Imàmi p^^^^^^^ j jj^ p^^ CCXWs p. 600.
(l'Iraamien). L'Imàm est celui qui, dans la !i. Tasroi(Tesrast, Taxirout,Tazarot),pe-
récltation de la prière en commun, se place titevillesurrAssifel-Ma],rivièrequi descend
devant les fidèles et il est par extension le du Haut Atlas (Djebel Ogdimt) et se jette
successeur de Mahomet. dans l'oued Tensift. Cf. MAssiGNON,p. 197.
3. El sublime. L'interprète a rendu par 5. Arjoslo 5 ; il faut rétablir: Agosto 6.
ce qualificatif le mot arabe « alaoui n dont Le traducteur a commis une erreur d'un
le sens est ici : descendant d'Ali. jour dans la conversion de la date de l'hé-
3. Sur ce préambule des lettres chéri- girc en date chrétienne.
PROCÈS-VERBAL d" ANDRÉ CHEMIN 2/|q
Roches et de Guitault avoient essayé de lovoyer au vent, pensant
gaigner la rade de Salle pour trouver leur admirai, mais ilz ne
peurcnt jamais advancer et furent contrains de retourner en la rade
de SalTy. où Dieu sait quel contentement ilz eurent de se reveoir
joiniz avecq leur admirai, auquel il firent leur raport <( comme il
estoit venu un mois devant à SalTy deu\ vaisseaux anglois et deux
hollandois. deux de trois cens thonneaux et deux de deux cens
ciiKjuante thonneaux. qui portoient le pavillon au grand mas. et
lesdits sieurs Des Hoches et Guitault ayant envoyé leurs cha-
loupes au boit leur faire commandement de la part du Roy de mettre
bas leurs pavillons, ilz sen moquèrent, ce que Aoyant lesditz
sieurs se mirent en ordre de combat pour les aller aborder, ce que
voyant les quatre vaisseaux mirent incontinent bas leurs pavillons
et envoyèrent à leur borf faire de grandes escuses quilz ne
croyoient pas que ce feussent vaisseaux du Roy. Hz leur pardon-
nèrent, à la cliarge quilz ne manqueroient plus au debvoir qu'ilz
doibvent aux estandars de Sa Majesté. »
A la venue du vis-admiial et dudit sieur Du Challard à SaQy,
monsieur de Razilly redouble ses lettres au roy de Marocq pour
presser l'afiaire, luy faisant sçavoir qu'il ne pouvoil demeurer en
ces costes que peu de jours, selon son ordre.
Il escryvit quatre lettres consecutyves sur ce subjet et force
autres lettres au gouverneur de SafTy et aux alcaïdes de sa cognois-
sance pour presser laffaire, leur faisant sçavoir que, s'il venoit du
vent d'aval', comme la saison en estoit desja, qu il seroit coulrainl
de s'en retourner en France, ne pouvant rader à cause des tour-
mentes ordinaires.
Le roy de Marocq, ayant esté adverty de; la venue de M', de
Razilly devant SafPy, l'envoya visiter par les sieurs Checq Israël et
Pallaciie ', Juifs, lesquclz luy oITrirent de la part de leur roy toultc
sorte de franchise et liberté dans le royaulme.
Le vingt-cincj' octobre ensuivant, les susdits sieurs .luifs revin-
drentà bort pour veoir le présent que noslrc roy envoyoil au roy
de Marnrq. nirin d'en faire leur raport, lequel présent ilz estimèrent
I. VfiU d'aval, c'csl-à-ilirc : vent du /" Série. l'ays-Iias, t. I, p. xvji ot p. 278
laryc. noie 1 ; t. Ht, Journal de Ruyl, 1622-1624
a. Moïse Pallachc. Sur crtte famille, V. et ci-dessous possi'm.
25o '629
et prisèrent fort, et partlcuUierement d'autant qu'il venoit d'un sy
grand roy.
Tous les habitans de SafTy, Mores et Juifs, et mesme ceux de
la campaigne, esloient très aises et joyeux de l'arryvée dudit sieur
de Razilly, espérant par iccUe avoir la paix asseurée avecq les
François, qui rendoit leur commerce libre.
Pendant nostre séjour à la rade, nos chaloupes alloient journel-
lement à terre, lorsque la mer le permettoit, en loutte liberté, pour
aller chercher des rafraichissemens.
Le sieur Dûment, gentilhomme natif de Nantes, esclave il y
a cinq ans ' , escry vit à M' le chevallier de Razilly la lettre qui
s'ensuit :
Lettre de Dumont a Razilly.
Abd el-Malek se félicile de l'ari-ivée de Razilly : il a fait harnacher six che-
vaux pour les offrir en présent au roi de France. — - Le P. Rodolphe
transmettra les nouvelles ù Razilly.
[MerrakechJ -, aoùl(?) 1629.
Monsieur,
Nous sommes très-obligez à prier Dieu journellement pour la
prospérité de Sa Ma'" et de monseigneur le cardinal de Richelieu,
pour le soing qu'ilz ont de nous. Le roy de Marocq est très-joyeux
de vostre arryvéeet désire fort la paix et amityé de Sadite Ma". Il
a fait préparer six beaux chevaux et estaprez à faire faire les harnois
en brodcrye d'or pour en faire présent au Roy. Il nous a fait faire
à tous deshabillemens, et espérons en Dieu qu il vous donnera tout
le contentement que desirez de luy, car il vous estime fort de ce
qu'avez tenu vostre parolle. Tout ce que j'aprehende, c'est la lon-
gueur, que les harnois ne soient assez tost prés, parce qu'il n'y a que
deux brodeurs en ce pays. Nous vous prions d'avoir patience.
I. On peut déduire de ce détail que 2. Les nouvelles que Dumont donne de
Dumont avait accompagné le chevalier de la cour du Chérit' montrent que cette lettre
Razilly lors de son voyage de 1624. Cf. a été écrite à Merrakech où se trouvait alors
sur ce minie personnage p. 342 et p. 38o. Moulay Abd el-Malek,
PROCÈS-VEUB.VL n'A>DUÉ CHEMIN 25 1
Le Père Rodolphe vous dira toute nouvelles. Aous suppliant me
faire l'honneur de me tenir, Monsieur,
Vostre très-humble et très-obeissant serviteur,
Du Mont.
Lorsque quelques-ungz des nostres estoient à terre, tout le peuple
rendoit tesmoignage par aparence que le roy de Marocq souhaitoit
avecq passion la paix avecq nostre roy et qu'il disoit souvent dans
son armée : « J'onhore le roy Louis de France, d'autant qu il est
généreux et vaillant. Nous sommes tous deux de mesme aage.
J'ayme les vaillans. car je le suis : s'il a dompté ses subjetz et autres
ses ennemys, et moy j'acheveroy bicntost de vaincre les miens. »
Le vingt-sixième dudit mois', le roy de Marocq envoya ceste
seconde lettre au sieur chevalier de Razilly, laquelle, translatée
d'arrabe en espaignol, contient ces mots :
Lettre de Moulay Abd el-Malek a Razilly.
Il a reçu la lettre de Louis Xfllet celle de Razilly ; ces missives lui ont fait
connaître le désir du roi de France touchant l'entretien de la paix et la
mise en liberté des captifs. — // s'enc/aije à relaxer ces captifs et attend
le (jcntilhomme porteur du présent offert par le Roi.
S. I., 3 Rbia I''' ioSq-îi ocfobro 1639.
Traslado de la que va consta en arabijo del emperador Mulley
Abd el-Melecq, rey de Barberia, al jcneral del rey de Fransia, el
cavalero de Razilly. Es lo sig".
Lo que conticne este mando el Alto", el Adelantado, el LiberaP,
el Rey, el Soalsado*, el llasny, el que se sujeto a su sujétion la
I. Celte date est celle de l'arrivfo do la /|. El Sonisiido iluil trailnire approxima-
ettre à Safi.
FI m l II tivement l'épillH-te protocolaire ^^,aJi»JI.
le Triompliaiil,
3. El Libéral ^SCj\.
252 1629
libéral los reynos de los Moros y se humillo a su bcndition la xaiife
los polos del Poniente y obedecio a sus mandatos los altos los
rebeldes potentados de la Guinea y sus polos sercanos y lexanos*.
Al honrrado, el prudente, el valoroso. el discreto. el jeneral. cl
cavallero de Razilly.
Y despues, esta nuestracarta vos [enviamosjdenuesfraalmhallala
prospéra, la vicloriosa, y gracias a Dios que esta en bien y con prospe-
ridad perl'eta y continuacion des bienes des Dios. Aly sirve dicha
carta a vos para vos desii" ([uc nos lleparon a nuestro estado alto la
carta del rey de Francia poderoso entre los reyes cliristianos y
perfecto en la profecion del Mesias, junto con vuestra cartas las
quales se leyeron delante de nuestro estado el alto sus contenidos y sus
particularidades y la comprehendimos bien lo que contenia dicba
carta del Rcy : y colegimos de ella lo muclio que estima allegar
nuestra amistad la perfeta y con nuestro estado el alto : y lo que
deses que sea continua y per duo afios y inviolable y para descanço
pcrpetuo y consentimento igual. y quita toda suerte de danos : y que
tambien imbio consto a nuestro estado el alto un présente que
muestra coniirinar la buena voUontad y inlento para perfecion del
casso : y nos pide tambien por la libertad de los que tenemos de los
Franceses captivos ; y entendimos toda su volontad en este parti-
cullar to coni bien recebimentoy buena voluntad y perfeta fidellitad
y amor y quercr de nuestro estado el alto, y se assento a nuestro
pareceryseconfirmo ; y, por los esclavos que pidio de nuestro estado
el alto que se den libertad, sy uvierais vos solo pedido dicbos escla-
vos de vuestra parte, los uvieramos dado libertad por ser criado del
rey de Francia, quanto y mas darlos libertad por el respecto de
diclio rey de Francia, sin ningun jenero del présente, por todo la
buena voluntad que tienne de nuestra amistad y la piadad que tiene
con ellos y caridad, como pareceo por su carta : y hasta agora, sobre lo
que aveisdeliazercon elfavordeDios, es que venga el cavallero "que
dixo y dixisteis que tiene el présente y con el présente, y venga a
nuestro estado el alto ; y lo que tenemos aqui a nuestro felixse armada
de Cliristianos que pedis vosiran primero : y los que ay en nuestra
real ciudad de Maruecos ; que Dios prospère ! sy nos fueremos alla,
l. ^ . supra, p. 2^8, noie 3. 2. El cavallero, le sirur Du Clialard.
PROCÈS-VERBAL DANDUK CHEMIN 253
con breudad vos los mandaremos. y si nos detuvieremos aqui para
alguna cossa que sea denuestra volonlad, vos los mandarc trasy los
imbarie a vos de presto, con el favor de Dios.
Eserila a los très del mes de Rabeli el profelico' 1039, que de
Octubre 21 de 1629.
L'original en langue arabe est cacheté d'un seau imprimé, par-
semé de poudre dor par le dessus.
Geste lettre du Roy ayant esté aportée à borl par les susditz s"
Checq Israël et Pallaclie, promirent d'envoyer la responce dudit s'
chevallier de Razilly audit roy de Marocq qui s'ensuit :
Lettre de Razilly a Moulay Abd el-Malek.
// remercie le Clierif de ses bonnes dispositions à l égard du roi de France.
— // le prie de hâter les négociations en vue de la mise en liberté des cap-
tifs. — Les envoyés de Moulay Abd el-Malek rjui amèneront ces captifs
à Salé pourront recevoir le présent envoyé par Louis XIII au Chèrif et
engarjer les pourparlers en vue de la paix. — Ni Du Chalard. ni les au-
tres membres de la mission ne peuvent débarquer .mns enfreindre leurs
mxtructions.
|Kn rade (1r SafiJ, :(6 oclohro 163g.
Sire,
J'ay rcceu la dernière lettre de V. ^L avecq unejoye indicible, par
laquelle je demeure tant obligea voslre impériale et magnifique libé-
ralité (jue je n'ay jjointdeparollespourcxpiimcr les vifz ressentimens
que j'en ay conceubz, combien (jue ce ne soit daujourd'huy que j'ay
fait expérience en mon particuUier de vossinguUieres fabveurs. Et,
puis qu'il plaist à V. M. de correspondre aux sincères intencions du
Roy, mon maislre, pour donner lieu à la ncgotiation dont il luy a
pieu me charger, il plaira à V. M. parla mesme i)onté d'entendre
1. Hnbrli et profelico. le Kebia (lu l'roplute, c'est-à-dire ; lUjia 1"''.
254 1639
aux moyens requis et nécessaires pour l'iieureux acomplissement de
ceste aflaire. qui requiert de nostre part une briefVe expédition, en
sorte que, s\ elle ne se termine tout à fait dans six ou huit jours au
plus, il me faudra nécessairement retourner en France, sans rien
faire. Surquoy, je suplye V. M. en toute humillité me pardonner,
sy je suis contraint me prescrire ces bornes et presser de dilligence
un sy grand roy que je desirerois servir toute ma vie, considérant
aussy le long temps que j'ay atendu aux environs de vostre ville
de Salle vos commandementz pour me rendre en ceste rade, et que
cependant quatre mois se sont escoullez que javois résolu d'em-
ployer au loisir de V. M.
Ce que je requiers doncq très-liumblemcnt de V. R. M., c'est
qu'elle envoyé pronlemcnt ùSalfy nos pauvres esclaves, avecq telles
personnes qui luy plaira commander pour recevoir le présent et
traiter ensuilte des articles de la paix tant désirée, suivant les parti-
culières instructions que j'en ay par ma commission. Pour ce que
V. M. demande M' Du Challard. il luy est défendu et à tous les au-
tres cap""' de quiter leurs vaisseaux', et. sy quelqu'un y pouvoit
aller, je voudrois estre celuy-là pour avoir l'honneur de baiser les
piedz de V. I. M., laquelle je prie Dieu tenir en sa sainte et digne
garde et faire régner longuement et heureusement en ces victoires
acoustumez. Et demeure,
Sire.
Vostre très-humble, très-obeissant et très-fidelle serviteur.
Le chevallier de Razilly.
Ce 26 octobre 162g.
Ceste lettre feust envoyée à SaCfy au s' Pallache pour la faire te-
nir au Roy, comme il avoit promis ; etdebvoit. à son retour, venir
à bort de l'admirai pour admener les esclaves et les chevaux que le
roy deMarocq fait présent au roy de France ; mais une tourmente de
sur-ouest nous a contrains de lever l'encre^ et gaigner à la mer, de
I. Cette interdiction de descendre à Chalard et La Touche quittent Safi pour
terre était justifiée après le guet-apens de rentrer en France. Treillebois, Guitaut et
162V ^- supra, p. 107. Des Roches partirent le même jour pour
3. C'est le 27 octobre que Razilly, Du ÎMogador. V. Doc. XXXII, p. 261.
PROCÈS-VERBAL d'a>DRÉ CHEMIN 255
telle fasson que nous avons reccu les plus grandes tourmentes qui
se peuvent imaginer. Neantmoings nous tachions tousjours àrello-
vover, pensans regaigner en ladite rade, mais c'estoit en vain, car,
tant plus nous atcndions, tant plus le vent s'eiTorsoit ; et, crai-
gnans les costes, d'autant que c'est la saison des ventz d'avaux,
nous avons esté contrains, pour éviter de nous perdre, de mettre
le cap vers la France, on', quin/c jours aprez, qui feut le dix-huit"
novembre, il parut à midy le soUeil, et ledit s' de Razilly ne per-
dit locasion de prendre hauteur avecq ses pillotes, et il se trouva
par les ^- degrez, et nostre estime de 1 est estolt proche de terre,
tellement que ledit s' de Razilly fit porter à lest-nord-est, où le
lendemain il se rencontra à deux lieues de lisle de Groys. La tour-
mente continuant tousjours, le vaisseau faisant grand eau et la
poullayne toute rompue, par l'advis de ses pillotes. il entra le
vingt' novembre dans le Port-Louis, alTm de sauver le navire du
Roy, estant bien l'àché de ce que le vent ne permetoit daller à La
Rochelle, où il croit que ses compaignons auront rellaché, voyant
journellement arryverdes miracles pour les armes du Roy, comme
Dieu les benist et conserve par les conseilz de monseig'' le Car-
dinal.
Archives des Affaires Étrangères. — Maroc. — Mémoires cl Documents.
Vol. 2, ff. U-!i7 v". — Original.
I. Tout ce qui suit se retrouve presque Riclielieu du 2D novembre 1639. V. supra,
mot pour mot dans la lettre de liazillv à Doc. \XX, p. 2o3.
2o6 ^629
XXXII
MÉMOIRE ADRESSÉ AU CONSEIL DU ROI
Trotsii'me voyage de ftazilly.
(1629)
Le premier jour d'avril, le vaisseau nommé « la Licorne », com-
mandé par le sieur chevallier de Rasilh , fusl rendu prest et partit
de Brest et se randit à Brouage le dix-neuf' dudict moys.
Le lendemain, lediet sieur chevallier visita les six vaisseaux du
Roy commandez pour les voyages de Canada 'et de Maroque, sur
lesquels il trouva les hommes de l'équipage en plus grand nombre
qu'ilz n'estoicnt ordonnez, tant lalTeclinn & fidclitlé des capitaines
a esté grande en cest arménien I.
Le deux'"'' jour de may, lediet sieur chevallier de Rasilly receut
la despesche de Sa Majesté et de monseigneur le Cardinal par le
sieur Du Chalard, parly de Suzcavecqe l'instruction de ce quiestoit
affaire ausdicts voyages, comme aussy une lettre de la Royne, mère
de Sa Majesté, portant très-exprès commandement de surceoir les-
dicts voyages et d'aller premièrement accompagner avec sa flotte
les navires chargez de sel du grand party jusques au Conquet^, à
cause des advis qu'il y avoit vingt navires de guerre qui altendoient
ladicte flotte de sel, qui obligea lediet sieur chevallier à mettre sur
sondict vaisseau deux cens 3o hommes, et aussy qu'il avoit eu
ordre d'en laisser cent ailleurs, ainsy que messeigneurs du Conseil
se souviendront. Lediet convoy fut faicl avec le vaisseau commandé
par lediet sieur Du Challard, qui se trouva seul en estât, les
I. D'après les instructions données à dessus p. 1 S/i, le passage relatif au « voyage
Razilly le 18 février 162g. avant la conclu- de Canada » qui d'ailleurs n'eut pas lieu,
sien de la paix avec l'Angleterre, sa mission 2. Sur cette lettre de la Reine et ces
avait pour objet le Maroc et le Canada. On secondes instructions adressées à Uazilly , V.
a retranché de ces instructions, publiées ci- p. i8i, note i, p. iSô, note 1.
MÉMOIRE ADRESSÉ AU CONSEIL nU ROI 267
auttres ne l'ayant peu estre, à cause que les radoubz n'estoient pas
achevez, ny les cabales, cordages et munitions de guerre délivrez
du magazin de Brouagc, où les choses nécessaires manquoient et
les fallust faire venir de Bourdeaux, ce qui retarda le partement de
deux mois.
Le vingt-ung" dudict mois lesdits s" chevallier de Rasilly & Du
Challard partirent et conduircntladicle flotte de sel au Conquet, où
ilz arrivèrent le vingt-quatriesmc.
Le vingt-six', ilz partirent du Conquet et le vingt-neuP arrivèrent
à la rade de Chedebois '. où ils trouvèrent tous les vaisseaux du Roy
prestz à faire leurs voyages, ce qu'ils eussent accomply, mais le
vingt-neuP ledict sieur clievallier de Rasilly receut une despesche
de Sa Majesté qui luy donnoil advis de la paix faicte avec les An-
glois, et luy commandoit de ne partir pas qu'il n'eust aultre com-
mandement. Sur quoy if envoya un courrier exprès à monseigneur
le Cardinal pour sçavoir son intention.
Le vingt-sept" de juing, ledit courier fut de retour, qui porta
commandement de partir. Ce qui fut exécuté le mesme jour, que
tous lesdits vaisseaux, au nombre de dix, comprins le navire oUon-
nois armé par ledict sieur Du Challard, la patache dudict sieur de
Rasilly & la pinasse du s' de Treillebois, mirent soubz voille pour
commancer la routte du voyage de Barbarye.
Depuis ledict jour vingt-sept' juing laditte flotte fist sa course et
mouilla l'ancre à la rade de Salé le vingt'' juillet.
Le vingt-ung", ledict sieur chevallier de Rasilly escrivit au gou-
verneur de Salé et luy demanda les François de la part du Roy. A
quoy ledict gouverneur fist responce par des demandes si extraor-
dinaires (comme qu'on leur donnast ung million de livres et cent
pièces de canon), qu'il fust jugé que c'estoit au mespris des armes
du Roy, de sorte que ledict sieur chevallier fist assembler les capit-
taines de la flotte, ausquelz il fist entendre lesdietcs demandes, et
proposa s'il estoit plus à propos de faire la guerre ou (jue toute la
flotte allast à SafTy pour Iraitter a\ec le roy de Marocq. Sur quoy,
ayant esté advcrlis [)ar ung marchant demeurant à Salé^ qu'ils
I. C/i('(/c6oi.s : (llicl'dc Baie, [loiiitc for- li. Ahrahani van Lihorgoii. V. p. 112
m«inl ail nord la baie de La liuchelle. noie !\ et p. 26?^, noie i.
De Casthiks. 111. — 17
258 1^29
estoient révoltez et ne cognoissoient plus l'authorité de leur roy et
que, sy on alloit à SafTy, on ne pouroit pas retourner à Salé, où la
plus grand part des François esclaves estoient (à cause que le vent
est d'ordinaire contraire), fust résolu de leur déclarer la guerre et
d'envoyer deux vaisseaux audict SafTy porter le Frère Rodolphe,
capucin, qui iroit trouver le roy de Marocq avec les despesches de
Sa Majesté et les letties particuUieres dudict sieur chevallier de
Razilly.
Le vingt-quatriesnie, les navires des sieurs chevaliers (Juitault
et Des Roches partirent et allèrent à SatTy, où le Frère Rodolphe fut
mis à terre et allast trouver le roy de Marocq, qui le receut favora-
blement, acceptant le présent que Sa Majesté luy envoyoict et,
désirant la paix, promist de randre les François esclaves qu'il a en
son pouvoir, ainsy qu'il se voit par la lettre qu'il a escript audict
sieur chevallier de Rasilly. de quoy ledicl Frère Rodolphe donnoit
advis audict sieur chevallier par terre à l'adresse de Calé, où les
lettres furent retenues.
Depuis le vingt-cinq'^ dudict mois jusques au quinziesme aoust,
les vaisseaux de Sa Majesté s'employèrent à faire la guerre contre
ceux de Calé, ausquelz par force de combats on a faict brusler leur
navires admirai et viz-admiral, qui estoient du port de trois cens
thonneaux. armez de vingt pièces de canon, et deux autres navires
eschouerenl, 1 un entre La Mamore et Salé, et l'autre entre Lara-
che et La Mamore, et prins trois autres navires armez de douze,
quatorze et dix-huict pièces de canon, dont deux ont esté venduz
aux Espagnolz avec cinquante Mores ; plusieurs Espagnolz. qui
estoient esclaves sur lesdils navires prinz, envoyez libres au nom du
Roy et de monseigneur le Cardinal au gouverneur de La Mamore ;
et l'autre navire est avec le s' chevalier de Jalenc, qui a esté con-
trainct par le mauvais temps de relascher à Calis.
Les vaisseaux du Roy mancquans d'eau douce, qui ccstoient
perdues au roulis, ledit sieur chevallier de Rasilly advisa ce qui
esloit à faiic, et. par conseil prins de tous les capitaines, résolut
d'aprocher la rade de La Mamore, ce que voyant le gouverneur fist
sortir une grande chalouppe et envoya offrir audict s. chevallier ce
qu'il avoit besoing, de quoy il le remercia : et après s'eslrc informé
de Testât de la place, qui estoit en grande nécessité de vivres, les
MÉMOIRE ADRESSÉ AU CONSEIL DU HOI sSg
Alarabes en nombre de plus de Irenlo mil hommes s'asemblans
pour l'assiéger, il fit dire audict gouverneur cpi'il luy donneroit
tout le secours et assistance de sou pouvoir- en laveur de la bonne
union des deux couronnes, de sorte que ledict gouverneur en
donna advis au loy d'Espagne et à monsieur le duc de Medine-
Sedonia à Sainct Lucas, qui envoya plusieurs carabelles chargées
de bledz et autres vituailles à la faveur de la flotte des vaisseaux du
Roy, sans qu'aulcun ayt esté prias de ceux de Çallé comme ils
estoient auparavant : ce quy donna une si grande réputation aux
François en Espagne, que le commun peuple disoict leur avoir plus
d'obligation qu'à leurs palriottes qui n'avoient jamais rendu la
coste sy libre, de quoy ledict sieur duc de Medine remercia par
lettres ledict sieur chevallier, qui fist faire ensuitte ayguade à La
Mamore à toute la flotte.
Le quinziesme aoust, pour mettre ceux de Salé en leur tort, ledict
s' chevallier de llasilly envoya le sieur Du Chalard avec son vais-
seau à la rade de Calé, auquel il bailla soixante-quatre prisonniers
mores pour les changer en des François esclaves, ce que ledict sieur
Du Challard vouUant exécuter envoya sa chalouppe et son lieute-
nant au bord du rivage de Salle pour faire bailler une lettre, par un
des prisonniers qu'il fist descendre à terre, au gouverneur de Salle,
lequel, au lieu de recognoistre ce bon proceddé, fist desseing de
surprendre ladicte chaloupe ; ce qu'il eust faict, sans que ledict
s' Du Challard avoit dict par presentiment à sondict lieutenant que
s'il sortoit plus d'une chaloupe du port de Salé, qu'il tireroit un
coup de canon à balle pour signal qu'il se retiras! : car ceux de
Salé firent sortir une fregalte à vingt rames, et une autre grande
chaloupe, et vogoient de grande force pour investir la chalouppe
dudil sieiu' Du ("hallard, estimant qu'aiaiit son lieutenant il au-
roient meilleure condition, ce qui ne leur reusit pas; et ledit sieur
Du Challard leva l'ancre à 1 heure qu'il avoitescript qu'il feroil au-
dict gouverneur s'il n'avoit sa responce, et retourna trouver ledict
sieur chevallier de Rasiliy h la rade de La Mamore.
Depuis ledict quinziesme aoust juscpies au xii'' de septembre,
les vaisseaux du Roy s'emploierent à tenir la mei' d'un bout sur
autre, pendant lequel temps il n'entroit ne sortoit rien de Salé, et
celluy du sieur Treillebois print une barque qui y alloit.
Le treiziesme jour de septembre, ledict sieur chevallier de Ra-
zilly receut par le moien du gouverneur de La Mamore une lettre
des François esclaves à Salé', portant que, s'il envoyoit un de ses
navires faire enseigne de paix, que ceux de Calé estoient à présent
disposez à les randre, et d'accommoder les alTaires, ce qui le porta
d"y renvoyer ledit sieur Du Cliallard avec son vaisseau, auquel il
donna tout pouvoir de traitter pour le bien du service de Sa Majesté
et la liberté desdicts François, à quoy il travailla si courageusement
qu'ilz signèrent une suspention d'armes pour cinq mois, et accor-
dèrent de rendre lesdicls François esclaves pour le prix qu ilz ont
cousté aux maistres qui les ont acheptez au marché, (pii reviennent
à deux cens soixante-cinq livres pour teste, ainsy qu'il se void par
les articles de ladicte capitulation". Et en consequance fut dressé par
ledict sieur Du Cliallard des articles pour la paix qui eussent esté
aussy signez, lesdicts François esclaves relirez, sans que une tour-
mente furieuse du vent de sud-ouest le força de quitter la rade de
Salé ; et c'estant ledict s' Du Cliallard trouvé transporté par les
grands courans beaucoup au dessoubz des isles de Fadal ', il fut ré-
solu qu il continueroit sa routte à SalTy avec les sieurs de La Touche,
Treillebois, le chevallier de Jalesne, où ilz trouvèrent lesdicts sieurs
chevallier de Rasilly, Guitaull et Desroches, qui fut le qualor-
zicsme dudict mois', ayant demeuré à faire la routte depuis ledict
sept\
Le quinziesme, ledict sieur chevalier escrivit au roy de Marocq
l'arrivée dudict sieur Du Cliallard et des autres vaisseaux, le su-
pliant d'envoyer les François esclaves et personne de sa part pour
recevoir le présent que le Roy luy cnvoioit. A quoy il nefist response
que le xxi% comme il ce void par sa lettre", et demandoict que ledict
s' Du Cliallard l'allast trouver avec ledict présent.
Le xxii", ledict s' chevallier escript encore au roy de Marocq ^
I. Celaient deux lettres des g Rt 10 août, le i4 octobre ; l'auteur croit avoir déjà
reçues par Razilly, non le i3 septembre, mentionné ce mois,
mais le 21 août. V. pp. 233-238. 5. Voir cette lettre dans le /'r«f('st'cr6«i
3.\. Procis-verbald'André Chemin, p. 2!i!i. d'André Chemin, p. 201.
3. Lrs isles de Fadal, Fedala. Sur ce fi. Voir cette lettre, datée du 26 et non
point, V. j''' Série, France, t. II, p. 201, du 2 2 octobre, dans le Proccs-uerinlfrAnf/rc
note 3. Chemin, p. 353. — La date du 36 est évi-
li. Le ijtmtorziesme dudict mois : entendez dcmment la bonne.
MKMOIHE ADHESSÉ AI CONSEIL nU IlOI 261
que ledict s' Du Challard ne pouvoit aller porter le présent à terre,
Sa Majesté ayant deffendu à tous les capitaines d'y dessendre, et
qu'il luy pleust d'envoyer les François esclaves et donner comman-
dement au gouverneur de SafTy ou autre personne de recevoir le
présent, ne pouvant plus attendre à cause de la saison de l'hiver
et que leurs vituailles ce consommoyent ; que neantmoins il feroit
avec les capittaines qu'ilz patienteroient encore cinq ou six jours,
sy le temps leur permeltoit. Et la veritlé est que ledict roy de Ma-
rocq n'a retardé que pour avoir le temps de se faire les harnois
des chevaux qu'il desiroit envoier à Sa Majesté et pour faire habil-
ler tous les François esclaves.
Le vingt-sept% ledict s' chevallier Razilly ordonna aux sieurs
Treillebois, Guitault et Des Roches d'aller avec leurs vaisseaux, le
navire oUonnois et la pinasse à l'isle de Mongador, pour y prendre
de l'eau, qui levèrent l'ancre après midy, le vent estant sud-ouest,
apparence de mauvais temps.
Ledict jour et du mcsme temps, ledict sieur chevallier de Rasilly,
les sieurs de La Touche et Du Challard levèrent aussy les ancres,
mirent souhz voillc pour ce garentir du* péril de la terre de SafTy,
où il est impossible de tenii- du vent d'aval, ce mirent au large en
mer, firent la roulte au nord-ouest i/4 à ouest le reste du jour et
la nuict pour ne s'esloigner pas, aussy ce trouva le matin qu'ilz
n'avoient couru que dix lieues.
Le vingt-huictiesme, le vent sestanl renforcé, les voilles furent
serrées et mis à la cappe, la drive fut tenue au Nord.
Depuis ledict jour xxvin' octobre jusques au cinq' du moys de
novembre, ledict sieur chevallier de Razilly avec lesdits sieurs de La
Touche et Du Chalard reprindient la loultc le long de la coste de
Rarbaiye, le vent estant est-nord-est, qui sauta sur les quatre
heures après midy au sud-sud-oucst que on estoit à cinq lieues
du cap Caiityn. Mais ledict vent vinct sur la nuici sy grand, avec
une sy grosse pluye. cpi d fui force de repratidic au larg(" au nord-
ouest, et continua la lourmante sy furieuse jusques au quart du
jotu- de la nuict du qniiiziesme. que ledict sieur chevallier de Ra-
zilly. ayant parié ausdicls sieurs de La Touche et Du Challard. leur
dictqu'ilfalloil faire la traverse à retournera Chedebois ou Brouage,
estant impossible de tenir la mer. Et peu de temps après, la brume
262 l'^sg
fut sy grosse el le vent si impétueux qu'il fust séparé des aultres
vaisseaux, le sien s'estant ouvert par dessoubz la pouUayne, qui
fut emportée d un coup de mer, de sorte que l'eaue estoit entre les
pons à la seinture des hommes qui nepouvoienl fournir à franchir
les pompes, sy bien quil print congnoissance de l'isle de Groye
et entra dans le Port-Louis, et les autres vaisseaux arrivèrent à la
rade de Chedebois.
Tellement qu'il se justifie que le voyage desdicts sieurs a esté
utille à la réputation des armes de France autant que humainement
il pouvoit l'estre, n'aiant peu vaincre le mauvais temps, sans lequel
ilz eussent mené les esclaves françois etexeculté ce qu'il leur avoit
esté commandé. Et sera consideié que depuis quinze ans le roy de
Marocq n 'avoit pas voulu entendre la paix avec les François, ce
qu'il a faict maintenant, dont l'on tirera de grandz adventages par
le commerce et de la retraicte des vaisseaux qui se fera à la coste
de Barbarye voisine d'Espagne, sur le chemin des Indes Orientalles
et Occidentalles ; qu il n a esté rien donné des choses que le Roy a
destinées pour le présent, qui ont esté rapportées.
Et ceux de Çallé, qui estoient en la présomption d'estre invinci-
bles, révoltez contre leur roy, qui eussent ruiné les marchandz
françois, qu'ilz venoient prendre dans les costes et jusques dans les
rivières, ce sont soubzmis à ce qu'il leur a esté proposé de la part
du Roy, dont ce recepvra des proffîctz inestimables, sy on forme une
compagnie pour le commerce en ladicte coste d'Africque, à quoy il
faut en emploier des vaisseaux du Roy qui yronl en guerre et
marchandise, accompagnant par mesme moyen ceux de ladicte
compagnie.
Et pour achever ce qui reste à executter, deux navires et deux
pattaches le peuvent faire, pourveu que le voiage soit disposé pour
partir au commencement d'avril.
Bibliothèque Nationale. — V de Colbert. — Ms. 203, ff. 37-W. —
Copie du XVII' siècle.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU 'MAROC 2fi3
XXXIII
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC
(1G29)
Troisième voyarje de Hazilly nu Maroc.
Le second' voyage de Maroque en Afrique.
Le R. P. Joseph, qui ressentoit au delà de ce qu'on en peut dire
la captivité des Chrestiens à Marroque & surtout celle de ces deux
excellons religieux" dont les peines lui tenoient le cœur pressé d'un
extrême regret & n'eut été l'assurance de leur probité & les preuves
qu'il recevoit de leur constance, je suis certain qu'il eût été incon-
solable, mais la joye d'une si haute vertu soulageoit son ennui.
La ruine de Privas ' fut 1 aurore du bonheur de ce royaume &
servit d'espérance au R. P. Joseph du progrès de son dessein ; car
dès lors il pressa monsieur le cardinal de Richelieu, &: sur les apa-
rences dune tranquillité prochaine par les glorieuses victoires du
Roy, il fut résolu au Conseil que 1 on relourneroil à Maroque, afin
d'en retirer les Chrestiens esclaves, par la douceur ou par la vio-
lence, le R. P. Joseph ayant fait connoistre au Roy, à Son Emi-
nence & au Conseil la gloire d'une action si belle. Et si. comme
Sainct Louys, Sa Majesté ne pouvoit ataquer l'ennemy du nom
chrestien, au moins il retireroit ses sujets qu'il luy tenoit esclaves,
1. Le second voyage dans le rccil du du Vczins. V. supra, p. tio.
P. François d'Angers, mais en réalité le a. La ville de Privas, capitale du Yiva-
troisièmc de ceux que fit Ra^illy au Maroc. rais, défendue par Alontbrun, fut assiégée
V. p. 100, note 4. par Louis \III en avril ifiag et se rendit
2. Les PP. Pierre d'.Vlcnçon et Micliel à discrétion au bout de (juclques jours.
après avoir Aaincu ceux qui s'étoient élevés contre son authorité,
qui sont les illustres marques d'un roy juste & trcs-chrestien.
On délivra donc commission à monsieur le commandeur de
Razilly pour faire le voyage à Maroque & aux côtes de Barbarie
en Afrique, avec une Ilote considérable de sept grands vaisseaux
armés en guerre & une pataclie', & on luy députa de vaillans capi-
taines pour les commander sous son autorité, le Roy le faisant
admirai de cette expédition, messieurs les chevaliers de Jalesne",
Des Roches', deGuilaud*, & messieurs de La Touche", Du Cha-
lard", Treillebois & de La Selle, tous résolus à bien servir comme
gens de cœur quils sont, & bien équijiés, comme ils étoient'.
Après que monsieur le Commandeur eut touché le reste de ses
assignations, receu ses ordres de la Cour, & que tout fut en bon état,
il partit avec sa flotede la rivière de Seudre près Brouage & Oleron,
le 3o juin de cette année, par la solicitation du R. P. Joseph, qui
étoit dès lors presque toujours avec M. le Cardinal, j^ar l'autorité
duquel les officiers de marine agissoient, en qualité de Surinten-
dant gênerai de la navigation & du commerce de France.
Cette petite armée portoit un beau présent de la part du roy de
France à celuy de Maroque. étant une coutume générale de ne point
traiter avec les princes mahometans sans se donner\ L'Admirai
avoit ordre de renouveller la paix ancienne entre les deux couronnes,
rétablir le commerce & ramener les deux Pères capucins, ceux de
1. En réalité, huit vaisseaux, une patache vires qu'ils commandaient. V. Doc. XXXI,
et une pinasse. Cf. supra, pp. 206 et 207. pp. 206-207.
2. Sur ce personnage, \. p. 207, note 4. 8. L'usage s'était établi d'offrir des pré-
Le P. Apollinaire de Valence a lu :\alcsnes. sents aux chérifs du Maroc à chaque négo-
\ . édition 1888, p. 189. ciation, et l'on entretenait ainsi non seule-
3. Sur ce personnage, V . p. 207, note 3. ment leur cupidité, mais encore leur infa-
4. Sur ce personnage, V . p. 207, note 2. tuation, car ils affectaient de recevoir ces
5. Il est appelé La Touche de Non dans présents comme un légitime tribut. Parfois,
le Doc. XXXI. p. 30(5, et La Touche de La pour sauvegarder la situation, il fut décidé
Ravardière par Le Gendre. \ . infra, Doc. que i< le cadeau « serait offert au nom de
CXXIX, Relation de Le Gendre, p. 78^. l'ambassadeur au lieu de l'être au nom du
6. Sur ce personnage, V. supra, p. 200, souverain. Enfin quand ces présents com-
note 2 et Introduction, notice hiographi- portaient une somme d'argent, comme
que. dans le cas actuel, on évitait les apparences
7. On trouve dans le journal d'.\ndré d'un tribut en joignant cette somme au prix
Chemin la désignation de chacun des na- du rachat des captifs.
HISTOIRE nE LV MISSION DES PP. CAPUCINS AV MAROC 265
l'équipage de monsieur le commandeur de Razilly, entre lesquels
étoit son neveu, nombre d'autres gentilhommes, & plusieurs bons
soldats & matelots, >kcn suite tous les autres Fiançois esclaves.
Voicy la copie dune lettre, d'entre plusieurs, que le R. P. Joseph
écrivoit du camp de devant Privas à M. le Commandeur, avec la
despesche du Roy, le 2 4 may.
Lettre du P. Joseph a Razillt.
Il lui envoie avec une lettre de commission les fonds nécessaires à sa négo-
ciation avec le Cliérif. — Importance de l'entreprise sur Mocjador. —
Recommandations au sujet des PP. Pierre d'Alençon et Michel de
Vezins. — Razilly devra s'efforcer de faire agréer par Moulay Zidân
l'occupation de Mogador.
Devant Privas, 'il^ mai 1G29.
Monsieur,
J'ay receu trois de vos lettres & me réjouis que vous ayés avec
vous pour vostre voyage les trois Pères capucins que vous me
nommés. Vous recevrés par celuy qui vous rendra la présente une
commission de M. le cardinal de Richelieu', grand-maistre, chef &
surintendant gênerai de la navigation & du commerce de France,
telle qu'il faut pour vostre voyage de Maroque, que Dieu a inspiré
de se porter avec grande afection pour cette afaire, ce qui vous en
doit faire espérer un heureux succès & une gloire non commune.
On vous envoyé aussi de l'argent nécessaire pour leradoux & autres
frais, & ne manqiieré ensuiltcde vous assister icy de tout mon pos-
sible. Je vous supplie vous souvenir de ce que vous m'avés promis,
qui est de suivre les bons avis de M. Du Cbalard ', selon même les
intentions de monseigneur le Cardinal, ipii vous estimera d'autant
plus ([u'il vous verra donner créance aux personnes capables & de
I. Ils'agil ici d'unenmivoIleCommission 3. Du Chalard qui, comme il obt dit plus
modifiant les inslructions du 18 février bas(p. v.71), ccavoilprincipnle [)artcn lacon-
1629. V. p. iM'i, note I. Cette commission duite de cet armement )i, avaitété donné à
n'a pas été retrouvée, Ha/.illy comme guide et comme conseil.
a fi G ''"'20
mérite. Ne vous faschés pas, si, comme vostre sincère amy, je vous
advcrtis que vostre inclination à la très-grande bonté a besoin de
ceux qui vous en peuvent rendre sans vous faire tort. Considérés
bien ensemble tout ce qui est de vostre commission. Le dessein
de Montgador '. étant bien conduit, est celuy seul qui peut avoir delà
suitte & donner fondement & seureté à plusieurs grandes clioses, à
quoy monseigneur le Cardinal se porte constamment, & contribuera
tout ce qui sera requis auprès de Sa Majesté pour cette généreuse
entreprise.
Sur toutes choses, ne vous laissés point divertir, par qui que ce
soit, d'aller droit à Maroque, & ne perdes pas l'occasion que N. S.
vous met entre les mains. jNe vous fiés jjoint à ce l'oy barbare que
sous bon gage ; c'est ce qui me fait priser le dessein de Montgador,
que je tiens bien plus seur que la parole du More.
Je m'asseure que vous aurés aussi grand soin de nos Pères &
que vous ferés estime de leurs avis, à qui vous donnerés ce paquet,
s'il vous plaist, où il y a des lettres pour nos cliers & généreux Pères
Pierre d'Alançon &: Michel de Vezins. S'ils sont encor en vie, ce
sera bien fait de les retirer de leur captivité, pour leur donner un
peu de repos. S'ils jugent pourtant à propos d'y demeurer, je m'en
remets à vos avis ^ communs, ce qu'il ne faut pas faire sans grande
espérance de profit & seureté. Que si on s'établit à Montgador, il
est utile d'y mettre le P. Pierre pour supérieur, ayant grande
expérience de ce païs-là. & peut beaucoup profiter aux occasions,
pour le soulagement & le salut des ùmes abandonnées. Vous
donnerés ordre qu'on leur porte ce qui est nécessaire pour remé-
dier à leurs nécessités, y ayant long-tems qu'ils n'ont rien eu de
France pour leurs vestement & autres besoins.
Escrivés-nous par les occasions qui se présenteront. La paix a
été faite avec l'Angleterre le 20 de ce mois ^ prenés garde de ne la
pas rompre & de ne vous pas faire blâmer.
La perfection de vostre ouvrage seroit, après avoir pris Montgador,
de le faire trouver bon au roy de Maroque, & qu'il l'agréât pour la
I. Sur le « dessein de Montgador », V. 2. Le texte porte : amis.
supra. Doc. XXII, Mémoire de Razilly, pp. 3. La paix avec l'Angleterre, qui avait
117-118 et Doc. XXIX, p. 186, Lettre de été signée le 24 avril ifiag, avait été ratifiée
Richelieu à Razit/y. le 20 mai.
HISTOIRH DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC afi"
seureté du commerce, À: luy faire voir le profit qui luy en arrivera
pour la richesse & seureté de ses Estais, appaisant sa colère par le
présent que vous luy portés, qui fait voir que Ton ne va pas vers
luy comme ennemy. Que si pour cette heure il ne le veut pas con-
sentir, il le pourra faire après par force ou par amour. Vous fercs
bien d'épandre le bruit que vous n'allés pas à Maroque, pour préve-
nir les obstacles qui vous ont déjà fait tort ' .
Pour donner au lecteur satisfaction entière, Montgador est une
isle dans laquelle il y avoit un fort, elle est un peu avancée dans la
mer en cette côte, & commande aux ports de Salé & de Saphy ^ qui
eût tenu ces Barbares en leur devoir & eût aidé au trafic, comme
fait le Bastion ' en la mer Mediteranéc proche d'Alger, se pouvant
maintenir contre les ennemis >S; estre secourue.
Cette armée arriva à La Mamorre, terre de Barbarie, le 17 juillet.
Après avoir mouillé à cette rade, M. le Commandeur fit tirer le
coup du signal, à ce que les capitaines se rendissent à son bord, qui
étoit l'admirai, pour y tenir conseil, oii les PP. capucins, le
R. P. Isidore de Baugé, le R. P. Pacifique de Mazé, & le R. P. Colom-
bin de Nantes, & F. Rodolphe d'Angers'' furent appelles. Il fut
aresté qu on leveroit l'ancre pour mouiller à la rade de Salé, à une
lieue près, afin de couper chemin aux vaisseaux qui voudroient
gaigner la barre & mettre à raison ceux de celte ville, remplie de
corsaires & de rebelles à leur Roy, où étoit la plus grande partie des
esclaves françois.
1. Allusion aux intrigiins q\ii avaient fait maisons non fortifiées. Il fut détruit en
éclioucr la mission de itia^. V. p. log. i6()'i par la milice de Bône sur l'ordre du
2. Inexactitude grograpliique. Le fort divan d'Alger. A la suite des négociations
élevé dans l'ilc de Mogador, située à lo^ de Sanson ÎVapollon avec les Barbaresques
kilomètres de Safi et à plus de 4oo kilomè- (1636- 1628), le Bastion de France futVelevé
très de Salé, n'avait aucun commandement et prit une grande extension; on vconstrui-
de par sa position sur ces deux ports. sit une forteresse. Cf. F. Plantet, Corresp.
3. Etablissement pour la pécho du corail des Deys d'Alger et P. Masson, Hist. du
fondé vers i5Go i)ar des Provençaux sur la commerce franc, dans l'AJr. barb. aux Index.
côte barbaresque entre Bône et La Calle. 4. Le F. Uodolphe d'Angers était.
Ce ne fut, jusqu'au xvii*' siècle, qu'un comme on le voit, revenu en France après
refuge de péclieurs comprenant quelques sa mission au Maroc do iGa'j.
268 in<r)
On écrivit aux gouverneurs de la ville & forteresse, pour leur
faire sçavoir qu'ils étoicnt venus de la part de l'invincible RoyTrès-
Chrestien, protecteur de l'Europe & monarque de France, afin de
traiter d'afaires importantes avec le très-puissant Mole Ahdelmelech,
roY de Maroque ik empereur d'Afrique. On les prie de mander par
quelle voye ils luy feront sçavoir les nouvelles de leur venue,
donnant parole que ceux qui viendront de leui- part retourneront en
toute scureté.
Les gouverneurs envoyèrent un marchand flamand, duquel nous
avons parlé', pour leur dire qu'ils étoient les bienvenus, comme
dans Paris, & qu'à présent Salé étoit ennemie du roy de Maroque
& ne luy obéissoit plus^ ; que, pour les Cbresliens esclaves, que la
peste avoit fait mourir à Maroque cens soixante-seize mil quatre cens
personnes de diverses nations, & que les deux PP. capucins étoient
morts au service des pestiférés, comme nous avons exprimé ; que,
dans le moment que le P. Pierre rendit lame, tous les esclaves &
autres personnes qui y étoient présentes virent une clarté sur son
cbef, de quoy ils furent merveilleusement étonnés, i^: qu'on les esti-
moit saincts comme des martyrs. Celte nouvelle tira les larmes des
yeux de tous ceux qui les connaissoient, mais sur fous de M. le
Commandeur, qui en ressentit un déplaisir extrême. Il l'asseura
aussi que son nepveu & les gentils-hommes étoient morts avec une
grande connoissance du bonheiu- qu'ils recevoient par cette mort.
Sur les asseurances de ces habitans, il prit sujet de leur mander
que, puisqu'ils étoient independans du roy de Maroque. & par con-
séquent souverains, qu'il traiteroit avec eux de paix, au nom du roy
de France, pour rétablir le commerce qui a toujours été avec cette
ville, & demandoit les esclaves françois, avec promesse de leur
rendre les Mores qui dépendroient d'eux & qui seroient en France.
On commença donc en suilte à traitter, »^ le sieur Mazet^ consul
des François, qui étoit là, comme prisonnier sur sa parole, vint à
bord de l'admirai pour voir M. le Commandeur. Il luy dit aussi
les malheurs arivés à tous ceux de son équipage, qu'il ne restoit
1. Abraliam van I^ibergen. V. supra, p. 3. Le sieur Mazet no fut nommé consul
112, note ^. par Razilly qu'en i63o. C'est donc à tort
2. \ . Inlrniluclloii crilùjiic, pp. i(ji-iy3. qu'il est appelé consul ici.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAl'LCINS AU MAROC 269
plus que cenl esclaves à Salé, que le Roy en avoit quatre-vingt, &
que quarante restoient ailleurs.
Tandis que l'on Iraittoit avec les bourgeois de Salé. M. le Chevalier
commanda à trois de ses vaisseaux d'aller mouiller à Saphy, qui est
le port de Maroque '. alin de faire donner avis au lloy de son arivée
& de son dessein, luy demandant passeport pour cela. Il fut jugé à
propos de charger F. Riulolphc, capucin, de cette commission, qui
y avoit de l'habitude, lacililé de la langue espagnole, & qui étoit du
premier voyage, quand les François lurent arestés. M, le Comman-
deur donna une lettre de créance à ce bon religieux, dont la teneur
étoit :
Comme il n'a pu retourner plustost, à cause des guerres que le
roy de France a eu sur mer, dans lesquelles il a été employé, qu'il
est donc venu pour renouveller les anciennes alliances qui ont
presque toujours été entre les roys de France & de Maroque, si Sa
Majesté la agréable, comme je l'espère pour l'utilité commune des
deux royaumes : mais qu'il a appris la plus triste nouvelle qui luy
pouvoit ariver, la mort des deu.x Percs capucins, de son nepveu &
de la plus grande part des gentils-hommes & principaux François
de son équipage, & d'autres qui ont renoncé la foy chrestienne, ne
restant plus que des misérables serviteurs, personnes sans conduite
ny d'autre recommciidalion que de la charité. Ce qui l'alligeoit
davantage étoit de ce qu'on l'avdil asseuré en ces pais qu'ils sont
morts par les mauvais traitemens qu'ils ont soufferts par l'ordre de
Sa Majesié. qui est tout le contraire de ce qu'il avoit asseuré au Roy
son maistre, qu ils ne manqueroient d'assistance ; de sorte qu'il
étoit comme au desespoir pour les justes & innevitables reproches
(jue l'on luy leroit à son retour en France".
Il écrivit aussi au gouverneur de Saphy pour contribuer à l'exe-
I. Sophy'jtii est le port (le Maroi/tie, c'esl- 2. Le Père François tl'.\ngers donne ici,
à-dire: Sali qui est le port de Merrakcch. partie en substance et partie in extenso, la
On se rappi'lle que Mazagan était sous la lettre de Uazillv à Moulay Abd el-Malek du
domination espagnole et ([uc Mogador 23 juillet itiarj quiaété jiuhliéc ci-dessus, p.
n'existait pas comme port. 3i4, dans le Procis-vcrbal d'André Chemin.
270 '629
cution de ce qu'il mandoil au Roy. Cependant qu il demeura à Salé,
il fit beaucoup de mal à ces corsaires et rebelles. Il brûla l'admirai
de leur tlotc monté de vingt pièces de canon : comme il vouloit
entrer dans le port, il le fit échouer. Il en prit quelques autres qui
venoient des courses, & sauva nombre de Portugais & Espagnols,
qu'il renvoya à Mamore & autres places de cette côte qui sont à
l'Espagne, & en tous ses exploicts il n'y perdit qu'un gentilhomme
breton fort vaillant, qui fut tué à un aboi'dage, & deux ou trois
personnes blessées légèrement. Les gouverneurs de ces places luy
renvoyèrent des complimens pour ses services, & des présents
nécessaires sur mer, que l'on y appelle des rafraichissemens.
Les esclaves français de Salé eurent permission d'écrire à M. le
commandeur de Razilly, le suppliant les larmes aux yeux d'avoir
égard à la misère extrême où Dieu permettoit qu'ils fussent depuis
long temps, & considérât les maux inexpliquables qu'ils apprehen-
doient de soulTrir à l'avenir, ne leur étant pas possible de les luy
spécifier par écrit, tant ils étoient grands, moins encor de les
souffrir sans desespoir, la patience étant vaincue par la longueur
du temps & par l'excès des peines; &. nétoit l'espérance qu'ils
mandoient avoir en la Providence divine qu'il moyenneroit leur
rachapt & établiroit là une bonne paix, ils auroient cherché le
moyen de trouver du repos. Voici une pièce de la lettre' :
Ce n'est pas la rareté de la pièce qui me la fait garentir du nau-
frage, mais seulement pour faire voir que la nécessité a fait les
mêmes effets^ en de pauvres esclaves matelots que laSapience, qui
ouvre la bouche des muets &; qui rend les langues des enfans
éloquentes ^
Ils redoublèrent leurs lettres pleines des senfimcns de leurs
besoins, la peine ouvre l'esprit, voyant que ces messieurs les An-
daloux de Salé les traitoient plus mal, à cause qu'on vouloit les
I. Voir ci-dessus celtp lettre des esclaves Elle est datée de Salé, g aovH ifiag.
français à Razilly publiée in extenso d'après 2. Le texte porte : efforts,
le Proces-verbal d'Aitdré Chemin, p. 233. 3. Sagesse, X. 21.
HISTOIRE DE L.V MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC 27 1
faire rendre par force & quon ruinoit leurs vaisseaux. Car ensuitte
on prit le vice-admiral, du port de deux cens tonneaux, d'où l'on
retira bon nombre d'esclaves. On gagna encor un autre vaisseau
chargé d'armes, & un Turc'.
Monsieur le Commandeur répondit aux esclaves françois ce qui
suit ^ :
Cette lettre aide fort à faire voir {"('tat des choses, mais elle sert
davantage à faire connoistre la rare pieté de ce généreux chevalier,
deux qualités' qu'ont remarquées en luy tous ceux qui l'ont
connu, ik qui ne sont comnmnes aux hommes de mer & de
guerre.
Ces Barbares témoignèrent avoir changé d'avis & voulurent
commencer une conférence, demandèrent qu'on allât à Salé pf)ur
traiter, promettant la foy À: scurclé. Monsieur Du Chalard fut
député, qui, comme nous avons dit, commandoit un vaisseau &
avoit principale part en la conduite de cet armement. Ces infidèles
à Dieu ik aux hommes lâchèrent à surprendre sa chaloupe, ce qui
1 obligea à se sauver. Monsieur le Commandeur le laissa encore à
la rade pour attendre l'efet des promesses de ces perfides, au moins
étoit-ce pour les mettre dans tout le blâme. Ils prolongeoient la
conclusion à mauvais dessein ; neantmoins il fit une trêve pour
cinq mois, pendant lesquels on ne feroit aucune prise de part &
d aulre, & qu'à la fin on rendroit les esclaves françois, qui seroient
en liberté durant ce temps-là, & que 1 on feroit la paix.
Cela aresté, M. Du Chalard et les autres capitaines allèrent à
Saphy, où M. le Commandeur éloit des le cinquième octobre, &
y Ireuva F. Rodolphe, capucin, qui laltendoit avec la réponse du
roy de Maroque, qui asseuroil le Commandeur & les siens d'estre
les très-bien venus, & cpi il envoyait seureté à F. Rodolphe &
I. Sur ces faits racontes avec détails C/i'-min avec uiio date (a'i septembre) et un
dans le Proces-verbnl d'André Chemin, V. postscriptiitïi fjiic ni; reproduit pas le P.
pp. 219 et 323. l'rançois d'Angers, on a jugé inutile de la
3. Cette lettre étant flonnée ci-dessus publier de nouveau ici.
(pp. 24i-2.13) AamXel'roccs-vcrbald'André 3. Probablement, lapiétcetlagénérosité.
972 1629
autres, pour traiter avec ceux qu il deputeroil en luule auiilic iSc
franchise.
Mais monsieur le Commandeur >S; tous ceux de la flofe, voyant
les tempestes qui commcnçoient d'estre furieuses en ces côtes, où
il est impossible de tenir la mer et de subsister aux rades, si l'on
[n'Jest en asseurance dans quelque havre, & il n'y avoit pas là de
seureté, ils écrivirent au rov de Maroque pour luy faire sçavoir la
nécessité de leur retour, avec promesse de retourner l'année sui-
vante de bonne heure. Avant partir ils tirèrent le plan de lisle &
forteresse de Montgador. qu'ils ne treuverent pas en état d'estre
surprise. Puis mirent enfin à la voile 6: ariverent au port Louys,
ou Blavet, en Bretagne, le 20 novembre 162g.
Bibllothàjue Nationale. — Imprimés 0' j 6^>. L'histoire 'le la mission
des pères capucins de la province de Toiireine au royaume de Maroc,
pp. 259-288.
PROVISIU.NS DE CONSUL l'OLU ANDRÉ PRAT 278
XXXIV
PROVISIONS DE CONSUL POUR ANDRÉ PRAT'
Paris, 3o novembre lOïg.
En fcle : Lettres patantes de provision du consulat pour la nation
Françoise au pais de Toutouan et ville de Sallert, de la personne
d'André Prat.
Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à
nostre cher et bien amé André Prat, de la ville de Marseille,
salut.
Sur l'advis qui nous a esté donné du traffic et négoce que les
François noz subjectz, principallemant ceulx de nostre pais de
Provence, font au royaume de Toutouan " et ville de Salle en la
coste de Barbarie, au deçà du destroit de Gibraltar, et qu'il seroit
neccessaire d'establir èsdicts lieux quelque personne de qualité
requise pour y avoir la charge de consul pour la nation françoise
et y rendre adcistance à noz subjectz qui y traffiquent.
A ces causes et sur le tesmonage qui nous a esté rendu de voz
sens, suffisance, loyaulté, preud homie et bonne dilligcnce, nous
vous avons commis et ordonné, coinmclons et ordonnons, par
ces presantes signées de nostre main, à la charge de consul de la
nation françoise èsdicts lieux de Toutouan et Salle pour en jouyr
aux honneurs, authorités, perrogatives, precminances et droitctz
qui y apartienent, telz et semblables que les autres consulz de la nation
1. Sur ce personnage, V. Introiliiclion, note i; t. II, p. igo, note i; et supra,
notice biographique. p. 82, note 3), avait pris une certaine hcgé-
2. La ville de Tétoiian, sous l'autorité monie sur les Djebala du pays de Hibt, ce
des En-Neksis (V. i^e Série. Pavs-Bas. t. I, qui explique l'expression: royaume de
p. 3gg, note i; p. 3i8, note i ; p. 32Ô, Tùtouan.
Ut Castkies. III. — iS
27^ 3o NOVEMBRE I 629
françoise establis en Levant, tant qu'il nous plaiira. Sy donnons en
mandemant à nez amez et feaulx les gens tenans nostre cour de
parlemant et cour des comptes, aydes et finances de Provence que
ces presantes ilz facent registrer et du contenu en icelles jouyr et
user plainemant et paisiblemant sans y contravenir ny souffrir y
estre contravenu en aulcune manière. Car tel est nostre plaisir.
Donné à Paris le trentiesme jour de novembre, l'an de grâce
mil six cens vingt-neuf et de nostre reigne le vingtiesme.
Siïné : Louis.
Et plus bas :
Par le Roy : Boutbillier.
Et scellées du grand sceau de cire jaulne à simple queue ' .
Archii'cs départementales des Bouches-du-Rhône, Section d'Aix. —
Série B, registre n" 33iS\ ff. 267 v°-269.
I. Ces lettres patentes furent enregistrées tement au texte des lettres patentes dans
par arrêt du Parlement de Provence en date le registre 33j^8.
du 8 février i63o, sur requête d'André Prat 1. Ce registre est intitulé : Registre des
présentée le 4 février i63o. Cette requête lettres royaulx des années 1639, i63o,
et cet enregistrement font suite immédia- i63i et iGSa.
RELATION d'une SORTIE DES TROUPES DE TANGER 2'y5
XXXV
RELATION DUNE SORTIE DES TROUPES DE TANGER"
lo-i I janvier iG3o.
(traduction)
En titre : Relation véritable d'une victoire ([ue Notre-Seigncur
a daigné accorder à D. Fernando Mascarenlias, çrouverneur et ca-
pitaine général de Tanger^, et que celui-ci a remportée sur le
marabout Laez\ qui tenait la campagne avec toutes les forces qu'il
a aujourd'bui en Barbarie, le lo janvier i63o.
Don Fernando Mascarenlias, gouverneur et capitaine général de
Tanger, avait plusieurs fois fait preuve d initiative hardie et de
vaillance contre les pervers descendants d'Ismael, leur faisant la
guerre et leur livrant combat, détruisant leurs villages, enlevant
leurs subsistances, s'emparant de leurs chevaux, prenant leurs
soldats, sans laisser passer aucune occasion de leur faire du mal.
Il y a peu de temps, le 2 seplenibre, il leur enleva une grande quan-
tité de menu bétail, trois cents bœufs et quelques Maures, et le
i" janvier il tua trois chevaux et un Maure, ayant fait prisonniers
les deux autres cavaliers.
Lacz ressentait déjà grandement la défaveur dans laquelle il tom-
bait forcément aiq)iès des tiibus vcjisines, et il clierchait à venger
les pertes (ju'il avait éprouvées. A cet eifct, il rassembla tous les gens
I. Sur cet ongageracnt, V. Fernando de il était précédemment gouverneur de Ceuta.
Mene7.es, pp. ii5-i46. Mfnezes, Histoire de Tanger, p. i^5.
a. D. Fernando Mascarenlias avait 3. /.<- marrt6ou(Z,aer, Sidi el-Ayachi. Sur
succédé au mois de juin ï0?,8 à I). Miguel ce personnage, V. supra, Introiluctioii cri-
de Noronlia comme gouverneur de Tanger ; tique, pp. 187-198.
276 lO-I I JANVIER l63o
qu'il put de Salé, El-Ksar, Tetouan, Farrobo', Chcchaouen, Béni
Msaouer, Ouedras, Angera et autres lieux, et il vint jusqu'à nos terri-
toires, en se dissimulant. Le prévoyant général, instruit de ees pré-
paratifs, se disposa à la bataille, et, voulant prendre la campagne le
10 janvier, il envoya la nuit précédente deux espions, qui s'avan-
cèrent intrépidement dans les grottes profondes du pays et dans les
sentiers qui serpentent au mdicu d une végétation fertile et de l'om-
brage des arbres; ils reconnurent les quelques rares embuscades
qui y avaient été dressées et assurèrent qu'il n'y avait personne
dans toute l'étendue de cette plamc. Alors, à dix heures du matin,
il fit sonner le tocsin, mais, en rassemblant le troujjeau, on oublia
une vache ; or il est bon d'avertir que l'enlèvement du troupeau
par les Maures est tenu pour un afïront honteux ^
Pourévitercedéshonneur. Alexo de Sosa y Menezes, du royaume',
avec un courage intrépide et une vaillante détermination, bravant
un danger de mort évident, lâcha la bride à son cheval et alla
recueillir la vache, estimant qu'il y avait moins d'inconvénient
à la perte d'une vie consacrée dès les tendres années à la défense
de la Foi et déjà exercée avec éclat à la guerre, qu'à la courte
gloire que l'ennemi pouvait tirer de la vache oubliée. Mais sa
chance fut telle, et son habileté si admirable, que non seule-
ment il la ramena du lieu éloigné où elle était, mais qu'il sauva
encore sur la croupe de son cheval un fourrageur, qui le rejoignit
harassé et épuisé au point de ne pouvoir làire un pas de plus, et
qui sans doute aurait été fait prisonnier, si ce secours ne lui était
arrivé. Et il faut noter que celui qui l'a donné n'a pas dix-neuf
années d'âge, et qu'il se risqua à y aller seul et sans compagnon (si
l'on peut dire que celui qui porte sa valeur avec lui est sans compa-
gnon). Ainsi, que le lecteur curieux considère quels heureux résul-
tats peuvent se promettre les glorieux commencements de ce gentil-
homme portugais, dans lequel, sans aucun doute, nous admirerons
plus tard ce que le poète lyrique a dit d'un autre vaillant esprit :
I. Farrobn, Djebel cl-Kharroub. Sur les troupeau dans la place. On sait que la razzia
aulres noms de lieux ou de tribus, V. est l'objet principal de tous les combats
Flotte de Roquevaike, Carie du Maroc. livrés par les Maures.
3. Pendant les prises d'armes de la 3. Du royaume, c'est-à-dire: du Portu-
garnisou de Tanger, ou faisait rentrer le gai.
RELATION D INE SORTIE DES TROUPES DE TANGER 2'y'y
Qu'avec le temps, il reléguera Mars à la seconde place.
Imposera un joug à la mer, un frein au soleil, et l'envie au monde.
Il revint donc auprès du général, lequel ordonna aussitôt à un
peloton de mousquetaires de sortir pour attaquer les Maures par une
grêle de balles et de globes de feu. Ceux-ci s'étaient déjà divisés en
trois escadrons, si bien ordonnés qu'ils se protégeaient les uns les
autres. Et le général, pensant qui! n'avait pas là tous ses gens,
ordonna aux arquebusiers de tirer avec toutes les flammes de leur
vaillance, qui animait la flamme qu'ils vomissaient par les bouches
fougueuses de 1 horrible instrument. Dieu voulut cjiie, sous la
violence impérieuse des coups bien visés, beaucoup tombassent,
se débattant au milieu de faibles signes de vie, dans 1 accablement
certain de la mort : sur quoi leurs compagnons elTrayés s'enfuirent
honteusement, instruits par leur jjropre expérience. Alors les nôtres,
enorgueillis, chargèrent victorieusement et les poursuivirent lépée
dans les reins, et par ce moyen, ils firent diverses prises de chevaux
et autres choses. C'est alors que ladaïl Andres Diaz de França tua
trois Maures et fit beaucoup de blessures profondes à d'autres;
et ce jour là Dom Manuel de Castro. Arias de Saldaiîa, Alexandre
de Sosa, Pedro de Oliveyra de Vasconzelos et Fernando Monteyro
acquirent une réputation avantageuse, à cause du courage qu'ils
montrèrent, dignes héritiers du noble sang de ces illustres Lusi-
taniens que l'anliquilé a tant célébrés.
Parmi les susdits se distingua Dom Jorge Manuel, qui, à la vue de
tous, conduisant lavant-garde, attaqua celle des Maures, qui étaient
plus de deux cents, et en désarçonna deux à la vue de tous, par de
fiers coups de lance, dont ils l'urenl tués net. Avec la même intré-
pidité et un élan plus grand, il alla attaquer un autre Maure qui le
chargeait au même moment : l'impétuosité et le choc des deux cava-
liers furent tels que, leurs lances ne s'élant pas rencontrées, leurs
montures se lieurlèrent : chevaux et ca\ alicrs tombèrent par terre ;
le Maure se releva le premier, parce que Dom Jorge avait un pied
pris sous son cheval, et le barbare scélérat marcha sur son adver-
saire pour le tuer; ils lui portèrent, lui et d'autres, di.\-neuf coups
de lance, mais aucnn ne le blessa, parce que ses armes le proté-
geaient; ils ne lui firent (pi'une seule blessure à la tête, mais si
peu grave que, dès le lendemain. Dom Joi-ge se Ironvail à eôlé du
2"8 lO-lI .lANVlER lfi3o
général, revenant à la poursuite des Maures. Ceux qui accoururent
les premiers à sa délivrance furent Arias de Saldana (qui en passant
donna un coup de lance mortel à un Maure) et Juan Fernandez
Tavares, chevalier de l'habit du Christ.
En ce moment, on combattait en beaucoup dendroits, et la vio-
lence du déluge de balles et des traits de feu que tiraient les vaillants
Portugais fit que la forêt paraissait composée plutôt de troncs
humains que de souches sylvestres, car le général, en tout vivante
image d'un courage viril, fit de grands et extraordinaires ravages
parmi les ennemis. Le combat dura l'espace de deux heures, et,
parmi les nôtres, il ne mourut qu'un jeune hommequi, atteintd'une
balle perdue, tomba mort sur le sol.
Dom Jorge Manuel et Alexandro de Sosa furent blessés, ce der-
nier à une jambe, mais ce fut peu de chose. Simon Lopez de Men-
doça, qui combattit comme un Cid, eut son cheval blessé. Le cheval
du très vaillant cavalier Hernando Montero fut tué. Mais, parmi la
pernicieuse secte suscitée par ce faux prophète, il en mourut d'in-
nombrables. On n'en sait pas le nombre certain, mais on les vit
occupés longtemps à traîner un grand nombre de morts vers leur
camp, et, lorsque les Maures se retirèrent, on en vit sauter cinq
réduits en pièces par l'effet de l'artillerie ; leurs blessés furent très
nombreux.
Finalement, après la sanglante bataille, le barbare Laez envoya
Reta, alfaquèque', à notre gouverneur, disant que le jour suivant il
voidait parler à Sa Seigneurie, avec le caïd Almançor Cheikh et
d'autres cheikhs des villages. Ceux-ci s'estimaient contents parce
qu'ils avaient pris quatorze fourrageurs qui. par suite de la négli-
gence de la sentinelle, étaient sortis dans la campagne. Ils en avaient
tué huit et avaient fait les six autres prisonniers. Mais le très sage
général les congédia poliment.
Le lendemain, le messager apporta une lettre, dont les termes,
quoique grossiers, étaient les suivants.
. ^^. «lus par le Roi ou par les communes
I. Alfaquèque (de l'arabe: £j\5^)l), devaient être de loyal caractère, versés dans
nom donné aui membres d'une confrérie la langue arabe, humains, braves, pounus
moitié religieuse, moitié militaire fondée d'un patrimoine servant de cautionnement
pour le rachat des captifs. Les alfaquèques pour les sommes qui leur étaient confiées,
RELATION D UNE SORTIE DES TROUPES DE TANGER 27Q
LETTRE DE SIDI EL-AYACIII A FERNANDO iMASCARENHAS
S. 1., [26] Djoumada h'' loSg — 11 janvier i63o'.
En télé : Lettre du Marabout.
J'ai envoyé hier l'alfaqucque Iteta pour rendre compte à Ta Sei-
gneurie que j'étais dans ce pays, avec les mokaddems delà région.
Je l'avais adressé ledit Reta pour dire à Ta Seigneurie d'envoyer
chercher ses morts. Or Reta est rentré sans qvie personne ne soit
venu pour les enlever. Ta Seigneurie voit le temps qu'il fait, je
suis un peu occupé, c'est pourquoi je pars aujourd'hui, date de la
présente. Ainsi, Ta Seigneurie peut envoyer pour chercher ses
morts dix ou douze hommes, et tous ceux qu'elle voudra jusqu'à
vingt, car par la présente je leur donne sauf-conduit pour toute la
journée, afin qu'ils puissent venir et s'en aller, sans que personne
ne leur fasse aucun tort. Je recevrai également comme une grâce, au
cas où les réponses aux lettres que j'ai envoyées en Espagne au duc
de Médina et au Roi seraient anivées, que tu me les fasses parvenir;
sinon, avise moi de ce qu'il y a, parce que j'attends une réponse, et,
si elle ne vient pas, j'en concluerai qu'on approuve en Espagne ce
qui se fait à Larache. Pour cette raison, Ta Seigneurie m'avisera de
tout.
Aujourd'liui vendredi 37 de la lune de Homalulied", l'an 1089.
Mohammed hcn Ahmed Aiidcl ^ aga et capitaine général des
Barbares et Arabes d'Afrique pour le roi de Maroc.
I. I,a lettre est datée à la iin (lu " vciidridi lettre du marabout ne pouvant être posté-
27 de la lune de Ilomaluhad (Djoumada rieure à la réponse de Mascarenlias, qui
el-aouel, Djoumada I"'') », mais ce quan- est elle-même du 11 janvier,
tième est inexact; le vendredi, d'après 2. Sur celle date, V. note précédente,
les tables de concordance, se trouve le afi 3. Audet. probablement Abdallah. A la
Djoumada I'''' (1 1 janvier), cl celle der- place de ce dernier nom on s'attendrait
Iiière tlate doit élre terme pour exacte, la plutôt à celui de Ml-\vaciii.
aSo lo-ii .lANviER i63o
REPONSE DE FERNANDO MASCARENHAS A SIDI EL-AYACHI
Taneer, ii ianvier i63o.
Eli tele: Réponse du général de Tanger.
La lettre de Votre Seigneurie ne comportait pas de réponse, et, si je
vous l'avais renvoyée, je pense que cela aurait été y répondre; mais
je la garde, afin que tous la voient et jugent si elle est bien conforme
à ce que Votre Seigneurie et le caïd El-Mansour m'avaient écrit.
Cette campagne de Tanger est à moi, et pour y sortir, je n'ai
besoin de la permission de personne : celui qui y entrera sans mon
consentement aura à s'en repentir.
Sitôt cette lettre terminée, je ferai une sortie dans la campagne,
non comme Votre Seigneurie m'y invite, mais comme il me
paraîtra bon. Quant à ceux qui sont morts, en allant sans ma per-
mission clierclier du fourrage dans la campagne, je ne les envoie pas
chercber, parce que des hommes lâches et désobéissants, qui trans-
gressent l'ordre de leur général, ne méritent pas de sépulture, et,
si je les avais pris vivants, ainsi que les autres, je leur aurais fait
donner une mort infâme. Votre Seigneurie aura eu beaucoup de
travail pour donner la sépulture à ses morts qui sont si nombreux.
En Espagne, on parle avec vérité, l'on n'approuve pas les choses
mal faites, et l'on rend justice à tout genre de personnes. J'ai fait
connaître à l'alfaquèque Reta la réponse que j'ai reçue aux lettres
de \ otre Seigneurie.
Tanger, 1 1 janvier i63o.
On infère de la lettre du Marabout que . quand il envoya sa pre-
mière lettre, il ignorait toutes les pertes c[u"il avait subies, et que
toute sa joie provenait de ce qu'il avait jjris les quatorze fourrageurs,
comme si la négligence de ceux-ci avait pu détruire la gloire de
notre victoire ; mais, lorsque le malheureux Maure eut su combien
RELATION d'une SORTIE DES TROUPES DE TANCÎER 28 1
il avait perdu de gens et reconnu qu'il ne pouvait pas faire la pom-
peuse démonstration que son arrogance aurait voulu étaler, con-
traint par le petit nombre de ses soldats, il manqua à sa parole et
feignit des occupations qu'il n'avait pas. Notre général avec les
autres soldats les poursuivit jusqu à ce quenfin ils s'enfuirent
comme des lâches. Les soldats portugais firent en tous ces jours
mille héroïques actions', dont, pour être bref, on ne parle pas.
Àrcliives cxpaynoles du Gouvernement fjénéral de rÀl'/e'rie. — .\° 512
(anciennement : Registre 1680, ff 35i-35'2). — Imprime'-.
I. Ce style emphatique est celui de près- gloriosa Victoria ». Cf. Galinuo y de Vera,
(pie toutes les relations portugaises; les p. 248.
moindres sorties faites par les « fron- 2. Cette pièce imprimée a été rapportée
leiros » sont racontées comme d'impor- par M. Tiran. On lit en bas de la dernière
tanls engagements, et la razzia de quelques page: Avec pcriiùssinn. à Madrid, dans la
létes de bétail devient une « famosa e mnisnn de Bernardin de Guzman. L'an jOSo.
282 a/j AOUT i63o
XXXVI
PROJET DE TRÊVE ENTRE LOUIS XIII ET SALÉ'
Sale, 2^ août i63o.
En tête, alla manu : Traicté de trefvc pour deux ans de la ville
de Salé du 28" septembre i63o ".
El muy \lustie Senor conicndador de Razilli, primer capilan del
almiranle de Francia, cabo de escuadra de les navios del Rey en
la probinzia de Bretafia, y jeneial de la flola que de présente esta
al ancora en este puerto y bara de Zalle; y el ylustre Senor Du
Chalard, gobcrnador de Corduan y vice-almirante de la jeneral
flota, en nombre del muy alto y muy poderrosso y cliristianissimo
enbenzible rey de Francia y Nabarra, debaxo del cargo del muy
lustrissimo Seîior Cardenal de Resillix, cabeça, sopretendente, gran
maestre y jeneral roformador del comerzio de Franzia ; y en birtud
de la rreal zedula y comision de Su dicha Magestad, cuyo traslado
yra aqui ynserto, de la una parte;
Y los ylustres Senorres Axmadt Ben AU Baxer y Abdalla ben Ali
el-Cazre^, capitanes y gobernadorres d'esta rreal fuerza delà zividad
I . Ce traité, ou plutôt ce projetde traité, laissé entre les mains de Razilly. En dehors
rédige sans doute en deux exemplaires par de la clause additionnelle, ce projet ne
le secrétaire dji Divan Mohammed Blanco diffère presque pas du texte définitif signé le
(\ . infra, p. 286), fut apporté à hord de 3 septembre, texte qui est publié ci-dessous
« la Licorne » par les députés des Moriscos (V, pp. 292-296). Les divergences ayant
de Salé et présenté à l'acceptation de Razilly. quelque importanceseront signalées en note.
Celui-ci, sur les conseils de Du Chalard, 2. Date erronée.
exigea l'addition d'une clause qui fut insérée 3. El-Ca:re. pour El-Caceri. — Abdal-
à la suite du projet. Les députés diirent lah ben Ali el-Caceri était caïd des Anda-
retourner à Salé avec l'un des exemplaires lous (V. p. igi, note 5). Le surnom de
du traité, mais les gouverneurs refusèrent à El-Caceri était probablement un ethnique
leur tour de signer l'article additionnel rappelant que ce caïd était originaire de la
(V. infra, p. Stâ, et p. 3ii). Il est vrai- ville de Caceres (Estremadure). Il fut assas-
semblable que le présent document n'est sine par les Hornacheros en mai 1661 (V.
autre que le second exemplaire qui aura été /re Série. Espagne, 5 juin lOGi).
PROJET DE TRÊVE ENTRE LOUIS XIII ET SALE 283
de Zale y de las mas cividades de su jurridizion por la Magestad de
MauUey Bumarruan' Abdu el-Malliqu. enperador de Marruecos,
rey de Fez, Zuz y Tafilet, Senor de la probincia de Derra y Ginea,
de la otra. por si y en nombre de los morradorres de la diclia
fuerza y zivedades, hacuerdo y conssulta de los seûores del diguan
y ayuntamiento.
Dixeron que : por cuanto antiguamente entre el rreyno de Fran-
zia y este de Harrica ubo pazcs y amistades, y de pocos aûos a esta
parte, porciertas causas que se ofrecieron, se qucbrantarron, y agora
de acuerdo y conforinidad de hambaslas dichas partes, para rreine-
diar los dafios que causan la gerra, hordenaron y establezieron las
treguas, capitulaciones sigientes por tiempo de dos" afios prrime-
ros, que corren y se cuentan del dia de la feclia desta.
Primeramente, se capitula y asienta que, si algunos de los
baxeles deste puerto de Zale ubiere tomado u tomare algunos nabios
de Franceses despues del dia très del présente mes de Hagosto^,
sean obligados a bolver los dichos nabios, aziendas y perssonas \
sin faltar eossa ninguna, en conformidad de lo que sse trato en el
Diguan con el capitan Herrare% sin que por ello los duenos de los
baxelos deZalle puedan pcdir nipretender cossa alguna; y la misma
obligacion tengan y liagan los nabios de Su Magestad y otros quales-
quiera que sean del diclio rreyno y bassallos.
Yten, se capitula y assienta que, durranteel tiempo de los dichos
sscis anos", ninguna harmada ni bajel del rrey de Franzia ni de sus
bassallos puedan hazcr gerra a esta fuerça, ni lia sus morradorres,
ni a iiingiiii Ijaxel del dicho puerto, ni molestarlles en ninguna
I. Bumarriinn, Bon ^rirouan. V. p. agS, et le 3 septembre fussent dccIarLcs nulles,
note 3. fi. On trouve aprrs le mot «personnes»
2. La rédaction primitive portait : k se.is dans la traduction française du traité du
anos ». Le secrétaire a raturé le mot « seis» 3 septembre: « qui se trouvoient dans iceux
et écrit en interligne : « dos ». vaisseaux, lors de leur prise. »
3. Dans le texte français du traité du 5. El rapilun Uerrarc, le capitaine Du
3 septembre on a îijouté les mots « jus- Pré Ililarv. V. m/rn, pp. •2()3 et 3io.
qu'au ^'i du mesmc mois ». Par la suite, les 6. Los dichos sseis aûos. Le secrétaire a
Moriscos de Salé ne voulurent pas admettre oublié de faire la correction ; il faut réta-
quc les prises a)'ant eu lieu entre le 2^ aoiU blir : « los dicbos dos aûos. n
2(S-'| a'i AOUT ifi^O
parte que los enconlrarren, ni quitalles cossa alguna de ningun
xenero que ssea, como cautibos o rrenegados o otra qualquierra
cossa que sea por niar ni ticrra.
Yten, que los nabios y baxeles de Su Magestad y sus bassallos
pucdan bénir ba este puerio de Çalle y eutrar por la barra y proberse
de todo lo necessario de bastimentos para su probision que les faltar-
rcn, ba inoderrados precios, y bolver a ssalir cada y quando que quis-
sieren, sin que perssona alguna les aggravia ni pongaenpedimiento.
Yten, se capitula liassi niismo ([ue los mercadeles del reyno de
Francia puedan beuir libreinente con sus mercancias a este puerto
y negociar como en tierra de liamigos con mucba segurridad y
satisfacion, pagando los derrechos bacostumbrados. Y, si algunos
de los diclios nabios, lo que Dios no permita, al salir u enlrar de
la barra, u a la costa de la jurridicion de Sale, dieren al traves y
se pierdan, los morradorres desta diclia fuerça tengan obligacion
lia les liayudar y poner en cobro sus haziendas, personas, muUiziones
y armas y lo demas que tubierren, sin pretender ningun derrecho a
ello. Y la misma obligacion tengan y hagan con los baxeles del dicho
puerto de Zalle los basallos de Su Mg'' en sus puertos y costas.
Yten, se capitula y assienta, si algunos baxelles de Arxel. Tunes
o de otra qualquiera parte que scan trujerren a este puerto de Zalle
algunos Xpianos franceses y los quissierren bender y enaxenar, los
morradorres de la dicba fucra tengan obligacion de enpedillo y no
consentir se bendan. Y, si por otro caaiino qualquiera que sea hapor-
taren algunos Franceses a esta cividad y fuerça por niar u liera, se los
arra buen pasaxe y se rremitirran a sus tierras en baxeles de hamigos.
Yten, se capitula que, si los baxeles del dicho puerto de Zalle
tomarren halgunos nabios de sus cnemigos, y en el ubiere lialgu-
nos Franceses morradorres del dicho rreyno, tengan obligacion de
darles libertad con todas sus aciendas.
Yten, se assienta que, en la dicba fiierza de Çalle aya un consul
del dicho rreyno de Francia, por nombramiento del dicho yllustris-
simo Seûor Cardenal y que goce de las libertades. franqueças y
PROJET DE TRÊVE ENTRE LOUIS Mil ET SALE 286
preminenzias que los demas consules franceses suelen gozar con
el libre exercicio de la rreligion aposlolica romana', el quai segira
a su Costa los pleitos que se olVecierren entre baxeles de la dicha
fuerça y Francia cou los demas Franceses" asla acabar los pleitos
que uviere^ \ la misraa obligacion tenga el que ubiere de hasister
por parte de la dicha fuerça en el rreyno de Francia.
\ten, se assienta que, si alguii baxel del diciio rreyno de Francia
truxere algunas mcrcadurias por cuenta de henemigos de la dicha
fuerça, sehan perdidas caycndo en poder de los baxeles de Zalle;
solo tengan obligacion de dar libres los Francesses morradorres de
Francia con su rropa y bolver los nabios y pagar los fleles. Y lo
misnio se entiende y guardara por los baxeles franceses a los baxeles
de Zalle.
\ten, se hasienta que todos los baxeles del dicho puerto de Çalle,
ansi de gerra como de mercadelles, coso '', teniendo comision \ licencia
del Diguan, puedan ir ha todas y qualesquier ysUas y puertos del
dicho rreyno de Francia y senorios y probense en ellos de todo
jenere de bastimentos y lo demas necesarrio, y los de la tiera sehan
ubhgados ha darsselos y a moderrados precios. y los mercadelles
bender y conprar las mercadirias que bien bisto les fuere, como
en tiera de hainigos, sin que ninguna persona les agravien ni pon-
gan pcdimiento, pagando los derrechos acostunibrados.
Ylen, se capitula y assienta que Su Mg'' el Xpianissimo rey de
Francia sera humilmente suplicado mande dar libertad ha los
Ilandaluces y Morros que se toniarron en Lebante en el patache
del arraez Bencarte, y en la carrabella de Morat Harraez.
Y con esto sse concluyerron, cappitularroii las dichas treguas.
1. (îon cl libre exercicio de la rreligion portait: sntisja:er las partes.
aposlolica romana. Ces mots ont l'té ajoiili's 4. I^a traduction française du traité du
en interligne apris coup. 3 septembre porte seulement : « vaisseaux
2. Con Zos démos Franceses. Ces mots ont du port de Salé tant de guerre que mar-
été ajoutés après coup, en marge. chands». Le mot espagnol «coso» (de
3. Acabar los pleitos que uoiere. Correc- course, c'cst-à-dirn : corsaires) n'a pas été
lion laite en interligne. Le le\te primilil" mulii en i'raii(,'ais par un ('(piivalent.
286 a/i AOUT i63o
Y, si durante el diclio ticmpo délias parrecieren haber otras capi-
tulaziones y cossas en su beneficio y serbazion, se liara. Y prome-
tieron liambas lasdichas partes liaberpor firme, estable y ballederro
todo lo que diclio es enbiullablemente, y queninguna délias faltarra
en cossa alguna en ningun tiempo; y el arraez y capitanes que lo
contrarrio yzieren serran grabemente casligados. Y asi lo prome-
tieron y otorgaron y firmarron en la dicha fuerça y rrada de Zalle,
ha beinte y quatre dias del mes de ilagosto de aûo de mill y seis-
cientos y treinta, a quenta de Xpianos.
Entre rrenglones : hacabar los pleitos queuviere, baie. Testado :
fazer la jîarles, no balle. Entre rrenglones : cosso, baie.
Signé ' ; c^^^-Jiîl le- Jj; <Oil JLc
Ahmed ben Ali Bexer.
Ante mi,
Signé : Mohamed Blanoo.
Otrossi se capitula que ningun bajel deste puerto de Zale no
puedan tomar ningunos bajeles en ninguno de los puertos y radas
de Su Mg'' del rey de Francia y guardando los iueios del dicho
reyno, aunque sean de enemigos desta fuerza. Y lo mismo hagan y
guarden los nabios de Su Mg'' y de sus basallos en este puerto.
Fecho ut ssupra'.
Archives des A flaires Etrangères. — Maroc. Correspondance consulaire.
Vol. l. — Original.
I. Signature de Abdallah ben AU el- gouverneurs de Salé refusèrent de l'accepter.
Caceri. Cet article fut cependant, après de nouveaux
3. Col article additionnel, qui est écrit pourparlers, incorporé dansletextedu 3 sep-
de la main de Mohammed Blanco, à la de- tembre, mais la clause de réciprocité de la
mande de Razilly, fît échouer la négocia- part de la France n'y fut pas inscrite. \.
lion, car, ainsi qu'on l'a dit plus haut, les injra, p. 296 et note i.
LETTRE DES GOUVERSECRS DE SALÉ AU I>. DA THL\ 287
XXXVII
LETTRE DE AHMED BEN ALI BEXER ET DE ABDALLAH
BEN ALI EL-CACERI AU P. D'ATHIA'
Ils ont reçu avec reconnaissance la lettre que Louis XIII leur a écrite au
sujet du rachat des captifs et du traité. — Ils ont donné la liberté à
tous les esclaves Jrançais. — Pour le traité, les capitaines de Razilly et
Du Chalard. au moment de le sifjner, y ont fait ajouter une clause de
peu d'importance pour la France, mais qui cause aux Salétins un <jrnnd
préjudice.
Salé, aâ août i63o.
Eu léle, alla iiuuiu : Lettre des gouverneurs de Salé.
Muy ylustrissimo y reverendissimo S°^
Por el gran nombre y fama (^ue ay de la cristiandad y buen pro-
céder de V. S. ylustrissima y la gran merced que Su Mg'' el Cris-
tianissimo Rey de Francia le haze nos a obligado de escrevir y
suplicar a V. S. nos lenga y conosca por sus servidores y nos
mande muclias cosas de su servicio y gusto que se ofrecieren en
estas fuerzas y su provincia.
S. Mg** nos escrivio una carta acerca de la libertad de sus sujelos
y pazes con esc rciiio, en que recebimos muy gran merced, por
ser carta de tan alto princepe, y luego se puso por obra y se dio
libertad a todos los Francezes, muy a gusto de los senores capitanes
de la esquadra de Su Mg''. \ venido a tratar de las pazes, se capi-
1 . Le qualiTicatif « Reverendissimo » cm- le père d'Athia, qui fut mêlé à la négociation
ployé dans la lettre établit qu'elle était adrcs- de la trêve. Sur le P. d'Atliia, V. p. 2^/4,
sée à un religieux, lequel ne peut être que note i ; pp. 3l3-3i4, SSg-S'iO et 878, note 4-
288 20 AOUT i63o
tularon por anbas las partes, y, al firmarlas, lors dichos senores de
Razilli y Salarie ' quisieron anidir un capitulo de poca ynportancia
para ese reyno y de mucho daûo para nosotros', de lo quai dumos
mas larga quenta a Su Mg'' en la suya', a que nos rel'erimos por
no enfadar a V. S., por cuya causa no se efetuaron ni fue culpa
nuestra.
j Dios guarde a V. S. ylustrissima los anos de su desseo!
Destas fuerças de Zalle, de Agosto 25 de i63o.
Signé : Ahmed ben Ali Bexer
Abdala ben Ali el-Caccri.
Archives des Affaires Étratujères. — Maroc. Correspondance consu-
laire. Vol. 1 . — Original.
1. Salarie : Du Clialard. note 2.
2. C'est l'article additionnel du projet de 3. Il doit s'agir d'une lettre écrite au roi
trêve du 24 aoi^t it')3o. ^ . supra, p. 286, de France et envoyée au P. d'Athia.
RELATION DU CAPITAINE PALLOT 289
XXXVIII
HKLATION DU CAPITAIXE PALLOT'
(12 JUILLET-I" SEPTEMBRE I ()3o)
Quatrième voyat/e de Razilly.
[Commencement de septembre i63o.]
En lête : Relation du voyage du sieur de Razilli sur les costes de
Barbarie, 12 juillet i63o.
Messieurs de Razilly, Du Challart et Pallot sont partis de l'isle
de Ré, le vendredy 28" de juin", avec chacun leur vaisseaux, pour
faire la route de Barbarie, et se sont joinct avec eux quelques mar-
chands françois pour passer en Espaigne .soubs leur faveur'.
Le vendredy 12' de juillet, la Hotte se trouva à dix lieues du cap
de Finistère, où, à la pointe du jour, jilusieurs vaisseaux turcs, qui
tenoient la haulteur dudit cap, vindrent recognoistre ladite flotte et.
la voyant puissante, tindrent le vent et donnèrent chasse à six na-
vires françois (jui rengeoient la coste. lesquels pour esviter lesdits
Turqs se vendront sauver soubs le pavillon et, soubs cette protec-
tion, arrivèrent au lieu de leur descharge, ce que vcu par lesdits
Turqs, mirent à la mer et feust impossible aux vaisseaux du Roy de
I. I^'atlribution ilo cetti^ relation au ca- He faire, puisqu'il quitta la racle de Safi le
pitaino l'allot est fondée sur les arguments i i septembre (V. p. 2(J7), c'est-à-dire avant
suivants : i" .\. de La Porte annonce dans iiazillv lui-même.
sa lettre du 27 septembre i03o(V. p. 3oi) a. Les trois vaisseaux avaient mis à la
l'envoi d'une relation de ce capitaine; voile le ao juin i63o, mais un calme de six
a" La présente relation ne donne pas le jours, auquel succéda une tempête, les
récit complet de l'expédition de Razilly, ramena à S'-Martin de Ré. V. la Helatlon
récit que Pallot était précisément incapable dllc de Jean Armand Mustapha, p. 3o6.
De Castkies. III. — k)
2f)0 COMMENCEMEiNT DE SEl'TEMBHE l63o
les pouvoir aborder, pour n'avoir des pataches bonnes de voille.
Le mardy 23' juillet, ladite flotte arriva en la radde de Salé, la-
quelle, à l'instant de son arrivée, fist prise de trois navires dudit
Salé ainsy quelques personnes entrer dans le havre ' . Les gouverneurs
de ladite ville et forteresse firent équiper dix-sept de leurs vaisseaux
qui estoient pour lors en leur port. afTin de se venger des armes du
Roy qui leur faisoient la guerre si puissamment; mais ayant tenu
le conseil et le raport^ de plusieurs dentr'eux qui avoient cognois-
sance des vaisseaux de Sa Majesté, le bon ordre que l'on y tient,
joint aux chaloupes qui seroient posées la nuit en garde proche
leurs murailles, jugèrent leur dessain inutille pour tout plain d'au-
tres raisons cju'ils aleguerent et que ce leur estoit plus d'avantage
de rechercher la paix et rendre les esclaves françois que diriter les
armes de Sa Majesté.
Ils écrivirent plusieurs lettres à messieurs le commandeur de
Razilly et Du Chalart jDOur faire cessation d'armes pendant le traitlé,
d'autant qu'ils en recevoient plusieurs incommoditez, tant en prin-
ses de leurs vaisseaux que la perte ^ de leurs cappitaines tués et gens
etropiez des canons lorsqu ils pensoient entrer ou sortir, ce qui
leur feust accordé, moyennant qu'ils envoyassent un ottage pour
traitter seuUement.
Le vendredy 2' d'aoust. lesdits sieurs de Salé envoyèrent un des
principaux de leur Divan en ottage à bord de monsieur le Comman-
deur, et en feust envoyé un pareillement à Salle pour avancer les
affaires. Ce mesmejour, les. Morateres*, admirai dudit Salle, avecq
plusieurs autres cappitaines, demenderent seureté pour venir saluer
mondit sieur le Commandeur, ce qui leur feust accordé, où ils furent
receus et traittés bien honnorablement ; lesquels en cette visite asseu-
rerent messieurs de Razilly et Du Chalart de la bonne volonté de
leurs gouverneurs, et, à leur retour, ils demandèrent la paix avec
instance et rendre les esclaves françois, ainsy qu'ils avoient cousté à
leurs patrons, en la place.
Le vendredy g' aoust, l'entrée du havre ayant esté dangereuse
1. Ainsy quelques personnes entrer dans rétablir: et ouï le rapport.
le havre. Membre de phrase inintelli- 3. Que la perle, pour : qu'en la perte,
gible par suite d'un lapsus du copiste. 4. Morateres, Morat Raïs. Sur ce pirate,
2. Et le rapurt. Il faut probablement V. inj'ra, p. 3og, note a.
RELATION DU CAPITAINE PALLOT SQI
pour sortir, qui fut cause de ne rien expédier les jours précédant,
ils envoyèrent une quantité desclaves à bord, et feust aussy envoyé
de la marcliandize à proportion desdits hommes mis en liberté, et
ainsy continuant jusques à ce qu'il ne s'en est plus trouvé aucun,
tant en leur ville, forteresses que autres lieux de leur jurisdiction,
faisant commandement à leurs citoyens de les amener à la Douane
sur peynes de grosses amandes et punitions.
Le 15" dudil mois, monsieur Pallot feust envoyé de la radde de
Salle à Saffy, pour advertir le roy de Marocq de l'arrivée des vais-
seaux de Sa Majesté en ces costes afRn de poursuivre le traitté cy-
devant commancé.
Le samedy 2^" dudit mois, messieurs de Salle envoyèrent six
de leurs deputtez à bord de l'Admirai pour prendre de luy les arti-
cles de paix, ce qui leur feust refeuzé, ains seuUement une trêve de
deux ans, soubs le bon plaisir du Roy de la continuer. Quelques
articles furent contestez, qui enfin furent arrestés par mondit sieur
Du Cbalard, suivant le pouvoir qui luy en avoit esté donné par
mondit sieur le commandeur de Razilly, joinct à la commission
du Roy, qui accommoda tellement les affaires que les subjets de
Sa Majesté n'en peuvent estre que soulagez.
Le 2-' dudit mois, mondit s' le Commandeur partit de la
radde de Salle pour faire routte à Saffy, laissant mondit sieur Du
Cballnrd pour accommoder quelques difficultez qui estoient aux
articles dudit traitté.
Le dernier dudit mois, mondit s' le Commandeur est arrivé à
Saffy, ayant rencontré plusieurs vaisseaux anglois et flamans qui
ont rendu les soubsmissions dcues aux pavillons de Sa Majesté.
Et le lendemain, premier jour de septembre, mondit sieur le
Commandeur envoya à Saffy trouver le Gouverneur pour l'infor-
mer de son arrivée, lequel au mesme jour envoya à son bord l'un
des principaux dudit lieu pour congratuler sa bienvenue et pren-
dre les lettres qu'il desiroit escrire au roy de Marocq son maistre,
la responce desquelles on attans à presant.
\rrhivcs Nationatex. — Marine, />' '/.'>, //'. .')"2/-.7?,?. — Copie.
2gâ 3 SEPTEMBRE I 63o
XXXIX
TllÈVE ENTRE LOUIS XIII ET SALE'
Sale, 3 septembre ttiSo.
En tète : Capitulation et articles de trefve de ceux de Salay avec
les s" de Razilly et Du Clialart, au nom et soubs le bon plaisir du
Roy et lautorité de monseigneur le Cardinal.
Le très-illustre commandeur de Razilly, premier cappitaine de
l'admirauté de France, chef d'escadre des vaisseaux du Roy en
Bretagne et admirai de la Ilote qui est à présent à l'encre en la rade
de Salay, et monsieur Du Challart, gouverneur de Cordouan et
vice-admiral de ladicte flote soubs la charge de monseigneur le car-
dinal de Richelieu, grand maistre, chef et surintendant gênerai de
la navigation et commerce de France, au nom de très-hault et
puissant, très-chrestien et invincible roy de France et de Navarre
et en vertu de la commission de Sa Majesté, coppie de laquelle sera
insérée cy-dessoubs, d'une part ; et les illustres Ahmet Ben Aly
Bexel et Abdala Ben Aly Cazeris, cappitaincs et gouverneurs des
cliasteaux et ville de Salay et des autres villes de leur juiisdiction
pour la Majesté de Moley Bousmasquan " Abdalmelecq, empereur de
Maroque, roy de Fés, Suze et Trafilet. seigneur de la province de
Dara et Guinée, d'autre part, pour eux et au nom des habitans
dudict chasteau et ville, de l'accord et advis des s'' de leur Douan
et assemblée, ont dict :
Comme ainsy soit qu'anciennement entre le royaume de France
I. Ce document doit être rapproché du 2. Bousmasquan. pour Abou Merouan.
textecspagnolpubliéci-dessus, pp. 282-286. V. infra.p. 298, note 3.
TRKVE ENTRE LOrrs Mil ET SAI.É 2q3
et celuy de Barbarie il y ayt eu grande amitié et paix, laqiielle depuis
peu d'années a esté interrompue pour certaines causes qui se sont
offertes, à présent, du conseil et conformité des parties, pour
remédier aux pertes et dommages que cause la guerre, ont esté
accordées et establies les trefves et capitulations suivantes, pour le
temps de deux ans suivans, à compter du jour et datte des présentes.
Premièrement, que si quelques vaisseaux du port de Salay ont
pris quelques vaisseaux françois depuis le troisiesme jour daoust
dernier, ils seront obligez de les rendre avec les personnes et mar-
chandises, sans que rien en soit destourné, conformément à l'acte
qui le mesme jour en fust faict au Douan avec le capitaine Du Pré
Hilary, sans que les propriétaires des vaisseaux .dudict Salay y
puissent demander ou prétendre chose quelconque. Ce à quoy
seront pareillement obligez et exécuteront le mesme les vaisseaux
de Sa Majesté de France et tous autres subjects dudict royaume.
(Cet' article prist fin et s'acheva le a/i'- dudict mois, parce que les
hostages furent rendus de part et d'autre.)
Que durant ledict temps de deux ans aucunes armées ny vaisseaux
du roy de France ny de ses subjects ne pourront faire la guerre
audit chasleau de Salay ny à ses habitans ou citez de sa jurisdiction,
ny mesme à aucun vaisseau du port dudicl lieu, ny les molester
en façon quelconque oîi ils les rencontreront, ny leur oster aucune
chose, soit captifs ou reniez, par mer ou parterre.
Que les vaisseaux de Sadicte Majesté Très-Chrestienne et de ses
subjects pourront aller au port de Salay, entrer dans la barre, se
pourveoir de tout ce qui leur sera nécessaire de vivres et autres
provisions, qui leur seront données à prix modéré, et se retirer
quand bon leur semblera, sans que personne les offense ou leur
donne cmpeschement.
Pareillement, que les marchands du royaume de France pour-
I. Celte glose (|\ie nous avons placi';(' ajoutéorn marpi' parRazilIy ou Du Chalard
entre parenthèses ligure dans un grand et les copistes lauront fait passer dans le
nombre de copies. Elle avait été sans doute texte.
aq^ 3 SEPTEMBRE ifi.So
ront librement [venir] au port, de Salay avec leurs navires et mar-
chandises et negolier avec toute seureté et satisfaction comme en
terre d'amis, payant les droicls accoustumez, et s'il arrive (ce qu'à
Dieu ne plaise!) que lesdicts vaisseaux viennent à s'eschouer sur la
barre à l'entrée ou sortie dudict portde Salay, ou donnent de travers
à la cosle de sa jurisdiction, les habitans dudict lieu seront obligez
de les assister à sauver et mettre en asseurance les marchandises,
personnes, mujiitions et toute autre chose, sans prétendre aucun
drolct, et la mesme obligation auront les subjects de Sa Majesté
Très-Chrestienne en ses ports et costes envers les vaisseaux dudict
lieu de Salay.
Que si quelques vaisseaux d'Alger ou de quelque autre port que
ce soit mènent au port de Salay quelques François clirestiens ou
de leurs marchandises et les mettent en vente ou désirent les alienner
ausdicts habitans dudict lieu de Salay, ils seront obligez de l'em-
pescher, ne consentant point qu'ils se vendent; et si, par autre voye
que ce soit, il est conduit un François dans ledict lieu de Salay par
mer ou par terre, il leur sera faict bon passage et seront renvoyez
en France dans les vaisseaux amis.
Que si les vaisseaux de Salay prennent quelques vaisseaux de
leurs ennemis, dans lesquels il se trouve des François regnicoles
dudict royaume, ceux de Salay seront obligez de leur donner liberté
avec toutes leurs marchandises.
Qu'audict chasteau et ville de Salay il y aura un consul de la
nation Françoise à la nomination dudict illustrissime cardinal de
Richelieu, et jouira des libertés, franchises et prééminences qu'ont
accoustumé de jouir les autres consuls françois, avec le libre exercice
de la religion catholique, apostolique et romaine avec les autres
François. Et ledict consul poursuivra à ses despens les procès qui
seront intentez entre les vaisseaux de France et dudict port de Salay
jusques en fin de cause, et la mesme obligation aura celuy qui, de
la part dudict lieu de Salay, debvra estre dans le royaume de France.
Que si quelque vaisseau du royaume de France porte quelques
TRÈVK DNTBE LOllS \III ET SAI.K 29O
marcliandiscs appartenantes aux ennemis dudict lieu de Salay, elles
seront perdues venans au pouvoir des vaisseaux dudict lieu de
Salay, lesquelz seront seulement obligez delaisseï' lihresles François
et regnlcoles de France avec leurs marchandises et rendre leurs
navires, payant le fret. Ce que pareillement garderont les François à
l'endroict des vaisseaux de Salay.
Que tous les vaisseaux dudict port de Salay, tant de guerre que
françois, ayans commission du Douan, pourront aller à toutes les
isles et ports dudict royaume de France et ses seigneuries et se pour-
veoir de toute sorte de vivres et autres choses nécessaires, que ceux
de la première ville seront obligez leur donner à prix modéré, et les
marchands pourront vendre et achepter les marchandises que bon
leur semblera comme en terre d'amis, sans que personne les moleste
ny donne empeschement, payant les droictz accoustumez.
Qu'aucun vaisseau de Salay ne pourra prendre aucun vaisseau
de ses ennemis dans les ports et rades de France'.
Que si les vaisseaux dudict lieu de Salav ont pris quelques navires
françois depuis le xxni d'aoust dernier que les ostages furent rendus
de part et d'autre et cessa l'effect des trefves jusques aujourd'huy
troisiesme septembre, les prises seront bien faictes, et ce qui se
prendra depuis ledict jour sera rendu et restitué en la forme susdicte
et capitulation qui s'effectuera respectivement.
Que Sa Majesté Très-Chrestienne sera suppliée de commander
que les Andalous et Mores pris dans la patache de l'arez^ Benehart
en Levant et dans la caravelle de Moralo l^eiz seront rendus et mis
en liberté.
Et ainsy ont esté conclues et capitulées lesdictes trefves, pen-
dant le temps desquelles, s'il s'offre quelque autre chose pour le
I. C'est rarticlc a<I(lifiotiiicl du projet didîcultt's rt fait échouer la négociation le
fie traité du 2^ aoAt (V. p. 28a, note i ; 2/4 ao\^t.
p. 28O et note 2) qui avait soulevé des 2. L'arc:, le raïs.
2n6 <? sei'tembue i fi3o
bénéfice des parties, il sera receu et accomply. Promectans les-
dictes parties de tenir pour ferme, stable et inviolable ce que dessus,
sans que personne y contrevienne en aucune manière ou temps, ou
les raiz et cappitaines qui contreviendront seront rigoureusement
chastiez. Car ainsy l'ont promis et signé au chasteau et rade de Salay,
ce troisiesme jour de septembre M Vr trente, au compte des
Chrestiens.
Signé: Du Ghallard. et au nom de monsieur de Razilly; Ahmed
Ben Aly Bexel et le paraffe en arabicq de Abdala Ben Aly Cazeris,
et plus bas :
Par devant moy : Mehemet Blanco, escrivano.
Archives des Affaires Élrançjbrei; . — Maroc. — Correspondance consulaire,
Vol. 1 . — Copie du wn' sihle.
Ibidem. — Maroc, Mémoires et Documents, Vol. 2, ff. 50- . — Copie
du xvii" siècle.
Ibidem. — Turquie, Mémoires et Documents. Vol. 2, ff. 2^8-252. —
Copie du xvii'" sihle.
Bibliothhjue Nationale. — Fonds français. — Ms. 23386, ff. 275-278.
— Copie du xvii' siècle.
Ibidem. — Fonds français, Nouvelles Accjuisitions. — Ms. 7()¥J, ff.
322-32 ^t. — Copie du xvn" siècle.
Ibidem. — V de Colberl. — Ms. ^83. ff. -^i7 1-^75. — Copie du
xvn' siècle.
Archives Nationales. — Marine B' 520. — Copie du xvii' siècle^.
I . Outre ces copies manuscrites, le texte note 3) et dans P. Dan, Hislnirc de Barbarie
de la Tréve a été publié dans la Relation de et de ses corsaires, ainsi que dans les re-
Jean Armand Mustuplui (V. inj'ra, p. 3i8, cueils de Du.moiNT et de Léonard.
PROCES-VERBAL DE GASPARD COIGNET 2q-
XL
PROCÈS-VEHBAL DE GASPARD COIGNET'
Arrivée ilii mpitniiie Pal loi à La Unchellc.
La Rochelle, 28-28 septembre i63o.
En tête : Procès-verbal du s' de La Tliuillcrie touchant les esclaves
de Barbaiie. — Du 23 sept'"" iG3o.
Aujourd'huy, 28 de septembre i63o, par devant nous, Gaspard
Coignet, sieur de La Tliuillerie, conseiller du Roy en ses conseils
d'Estat et piivé, maislre des requestcs ordinaire de son hostel et
intendant de la justice, police, finances et marine ez pro\ inces de
Poictou, Xaintonge. pays d'Aulnis, ville et gouvernement de La Ro-
chelle et isles adjacentes, est comparu le sieur Pallot, capitaine de
marine, entretenu pour le service de Sa Majesté, commandant le
vaisseau apellé « la Petite Marguerite », qui nous a dit que, le 12"
du prcsant mois, il auroil esté commandé par M. le chevalier de
Razilly, admirai de la llotle ccpiipée parle commandement du Roy
pour racheter les escla\ es Irun^ois détenus à Salé et Safy en Barba-
rie, de partir de la rade dudil Safy, où cstoit ledit sieur de Razilly",
pour retourner en France et amener à M. le commandeur de La
Porte ^, ou à nous en son absence, le nombre de cent dix-neuf esclaves
françois faisant partie de tous les esclaves que le gouverneur et la
I. (îaspard Coignet, seigneur de La pris des princes d'Italie en 1687 ; en
Thuillcric, comte de Courson , né en Hollande en iG'io; en Danemark en ilj^ô;
l5(j6, conseiller du Parlement de Paris le de nouveau en Hollande de i6'i6 à 16^8;
27 août it)i8; maître des re(pidles le mort en lôô.'i.
23 décembre 1624 ; intendant de justice 3. Uazilly était arrivé àSafileSi aoiU
aux provinces de Poitou, Saintonge et pays i63o. V. supra, p. 291.
d'Annis; ambassadeur à Venise en iCSa ; 3. Sur ce personiiaire, V. p. 200, note 3.
298 2,3-98 SEPTEMBRE 1 63o
republique dudit Salé luy auioient rendu, suivant les trailtés faits
entre eulx et le dit s. de Razilly, au nom de Sa Majesté, dont il avoit
coppie et rolle des noms desdits esclaves pour presanter audit sieur
Commandeur, et outre aussy amener deux vaisseaux françois pris
sur les Turcs, lun du port de 70 tonneaux ou environ, dans lequel
y avoit du sel blanc, l'autre du port de 5o tonneaux ou environ,
chargez de mesrin', lesquels vaisseaux avoient mouillé l'ancre à la
rade de ChedeboYe\ Et nous ayant ledit Pallot presanté une lettre
dudit sieur chevallier de Razilly à nous adressante, escritte de la
rade dudit de Safy. par laquelle il nous auroit donné avis de ce que
dessus, nous aurions ordonné audit s. Pallot de se tenir prest pour le
lendemain matin passer en Brouageymenerlesdites prises et qu'audit
lieu nous nous y transporterions pour, avec mondit sieur le comman-
deur de La Porte, pourveoir ainsy qu'il seroit advizé bon estre.
Et le 2^' dudit mois, nous serions transporté à bord du vaisseau
dudit s. Pallot, y serions arrivé avec lesdites prises audit lieu de
Brouage environ les cinq à six heures du soir, où estant, après
avoir veu mondit sieur le commandeur de La Porte et qu'il auroit
ouy ledit sieur Pallot sur le i'aict de sondit voyage, luy ayant pre-
santé les despesclies dudit sieur de Razilly et les articles accordez
entre luy, le sieur Du Challard, vis-admiral de ladite flotte, au nom
de Sa M'% et Ahmet ben Aly Bexel et Abdala ben Aly Cassery, cap-
pitaines et gouverneurs du château et ville de Salé et des autres
villes de leur jurisdiction pour la M'"deMuley Bou Marquan^ Abdu-
malique. empereur de Marocque, roy de Fez, Suz et Taflîlet, sei-
gneur de la province Dara et Guins*, pour eux et au nom des habi-
tans dudit château et villes, ensemble le rolle desdits esclaves
amenez par ledit Pallot, mondit sieur le commandeur de La Porte
1. Mesrin, merrain. ainsi formes par des personnages vénérés
2. Chedeboye, Chef de Baie. dans l'islam ont continué à être appliqués
3. Bou Marquan. pour Abou Merouan, en perdant tout sens de paternité. C'est
nom souvent accolé à celui d'Abd el-\falek ainsi que le nom de Abou Abdallah est
(\ . El-Oufr\ni, p. ho'ii). L'usage chez les devenu l'équivalent du nom de Moham-
anciens Arabes donnait au père le nom de med, comme Abou el-IIassen l'est d'Ali,
son fils, précédé du mot Abou (Bou en comme Abou el-.\dbas l'est d'.\timed,
langue vulgaire) « père », et faisait de comme Abou Merouan l'est d'Abd el-
cette appellation comme une corroboration Malet, etc.
du nom. Cet usage a disparu, mais les noms !\. Ghi'hs. Guinée.
PROCÈS-VERBAL DE GASPARD COIGNET 2f)f)
auroit remis au lendemain à se faire presanter lesdits esclaves pour
veoir au surplus ainsy qu'il apparfiendroit.
Et le leudemain vingt-cinq', sur les liuict heures du matin, ledit
Pallot ayant fait venir' au devant de l'iiostel dudit sieur comman-
deur de La Porte, nous aurions en sa prcsance faict appeler suivant
ledit roUe tous lesdits esclaves, lun après l'autre, lesquels nous
aurions veus. excepté le nommé Denis Berthoumeau du lieu d'Au-
lonne, que, denostre ordonnance, ledit sieur Pallot auroit faict des-
sandre a terre et mener à l'hospital de La Charité de La Rochelle,
pour y esfre pancé et medicamanté dune mousquetade qu'il avoit
receue en la leste en un combat.
Et ayant tous lesdits esclaves crié ensemblement trois fois
(( Vive le Koy ! ». les aurions envoyez à l'église remercier Dieu de
leur liberté, et le prier pour la prospérité des armes de Sa Majesté
et celle de Mgr, après quoy mondit sieur le Commandeur leur
auroit permis se retirer en leurs maisons et fait distribuer passe-
ports et quelque argent pour aider à leur subsistance en leur voyage.
Ce fait, nous serions transporté à bord desdites prises, oîi, ayant
demandé audit sieur Pallot où estoient les chartes-parties d'icelles
et l'inventau'e des marchandises, nous auroit dict ne s'estre trouvé
ausdits vaisseaux aucune charte-partie et n'avoir esté fait inventaire
desdites marchandises lors de la prise desdits vaisseaux, et après nous
avoir esté aiïirmé par ledit sieur Pallotet par les nommez Garandeau
et Bonnaud, aussy cappitaines de marine, qui avoient esté mis sur
lesdites prises par ledit sieur de Razilly pour la conduite d icelles,
n'avoir esté osté ny di'verty aucunes marchandises desdicts vais-
seaux, fors et excepté quelque peu dudict mairin, qui avoit esté
bruslé, faute d'autre bois, aurions jugé par estimation y pouvoir
être" dans l'un d'iceulx environ deux cens de sel d'Espaigne
blanc, et dans l'auti-e vaisseau deux ou ti'ois milliers dudit mairin
de plusieurs grandeurs.
Et après ladite visilte faite, nous aurions, suivant l'ordre de
mondit sieur le commandeur de La Porte, ordonné que ledit
vaisseau chargé de sel blanc seroit mené avec sa marchandise par
1. Lispz : ayant fait venir ledit Pallot. tlu eopisto rend le membre do plirase inin-
2. Etre. Le texte porte : car; cette faute lelligiblu.
3oO 23-a8 SEPTEMBRK I 6.S0
ledit Garandeau au Port Louis, où ledit sel blanc est de meilleur
débit, pour astre vandus au plus ofTrant et dernier enchérisseur
en la manière accoustumée par les ofliciers de l'admiraulté dudit
lieu, et les deniers en provenans mis es mains du receveur
des droits de monseigneur le cardinal de Richelieu, grand-maistre,
chef et surintendant gênerai de la navigation et commerce de
France, jusques à ce qu'autrement par luy en ayt esté ordonné ; et
à l'esgard de l'autre barque chargée dudit mairin, qu'elle demeu-
reroit audit havre de Brouage pour y estre avec ledit mairin vandue
au plus offrant et dernier enchérisseur ; duquel mairin n'ayant
trouvé plus grand pris que celuy offert par ledit Pallot de vingt-
cinq sols le paquet et vingt-cinq escus le millier de pipes, de l'avis
dudit sieur commandeur, nous luy aurions adjugé tout ledit mairin
estant en ladite barque pour le pris cy-dessus par luy offert comme
plus offrans et dernier enchérisseur, et ordonné au sieur de La Mail-
leraye. commis au controlle de la marine, de tenir compte de la quan-
tité dudit mairin. Et à l'instant, estant intervenu le nommé \il!ain,
qui auroit reclamé ladite barque comme à luy appartenant, de l'avis
cy-dessus, la luy aurions laissée en payant mille livres es mains du
commis à la recette des droicts de mondit seigneurie Cardinal audit
Brouage, en cas qu'ainsy fust trouvé bon par iceluy dit seigneur.
Et le 27" dudit mois de septembre, ledit La Mailleraye nous ayant
raporté avoir conté et faict délivrer audit capitaine Pallot tout ledit
mairin, et s'en est trouvé la quantité de deux milliers sept cens à
raison de douze cens longaille et six cens fonçaille pour millier,
ainsy qu'il est accoutumé, et vingt-trois paquets à faire pipes, con-
tenant dix-neuf pièces chacun, avec dix pièces de fonçaille pour la
garniture, nous aurions ordonné audit Pallot de payer le prix d'ice-
luy comptant es mains dudit receveur, et le lendemain 28" dudit
mois serions party dudit Brouage et retourné en ladite ville de La
Rochelle.
Ce que dessus nous certilïîons véritable et avoir ainsy esté faict
lesdits jour et an.
Coignet La Thuillerie.
Archives Nationales. — Marine, B''^^/9, ff. 331-335. — Copie.
LETTRE DE A. DE LA POllTE A lUCHELIEU 3oi
XLI
LETTRE DE A. DE LA PORTE' A RICHELIEU
Cenl vimjl esclaves français rachètes à Salé et deux navires pris dans ce
port sont arrivés au Brouaxje.
Le Brouage, 27 septembre i63o.
En tête : Lettre du gouverneur de La Porte au caidinalde Richelieu
au sujet des esclaves de Barbarie. — A Brouage, le 27 septembre
i63o.
Monseigneur,
Est arrivé en ce port le sieur Pallot. envoyé par M' de Uazilly
avec six vingts esclaves racheptés par la libéralité du Roy, faisant
part de dculx cens qu'ils ont retirez de Salé, cpiils ont guardé avec
eux. M' de La Thuillerie en a fait son procès-verbal, tant des esclaves
que aussy de deulx petites prises qu'ils ont faites à la rade de Salé,
dont lun est uiig llibot chargé de sel et lautre une barque du sieur
de La Villain, habitant de Brouage, chargée de mairin, qui est chose
de peu de valeur, qui avoit dix jours qui estoit entre les mains des
ennemis et par concequent perdue par le propriétaire. Toutes fois
j'ai creu qu'il estoit de vostre bonté ou de le gratifier de tout le
vaisseau, ou d'une partie, d'autant qu'il est homme qui a toujours
bien servi fidèlement en ce que vous luy avez commandé pour le
service du Roy. C'est pourquoy nous tiendrons la chose en suspens
jusqu'à ce que nous sachions vostre volonté.
De plus nous vous envoyons la l'clation de son voyage '.
Archives Nationales. — Marine. B' ^9, f. 335. — Copie.
I. V. p. 206, note 3. 2. V. Doc. XXXVIII, p. 289.
3o2 3o SEPTEMUKli 1 GSo
VLIl
LETTRE DE GASPARD COIGNET A RICHELIEU
Détails sur la mission de Razilly au Maroc.
La Rochelle, 3o septembre i63o.
En léle, alla manu : Lettre du s' de Lu Tliuillcric écrite de
La florhclle ;m «iijft flu commerce à Salé.
Monseigneur,
Vous verrez par les articles que monsieur de Kazilly a accordez
avec le gouverneur de Salé', et le procès-verbal que j'ay iaict du
retour du s' Pallot, le succès d'une partie de leur voyage. Les
nopces du roy de Maroc ^ ont jusques icy empesché le dit s' de Ra-
zilly de traicter avec luy, et l'aprehention qu'il a de ne recepvoir le
contentement qui! espère luy a faict retenir le lieutenant dudict
s' Pallot et vinct de ses meillieurs hommes avec quarante esclaves
dos plus délibérez de ceulx qu'il a racheptez à Salé, pour prendre
de luy-rnesrne ses asseurances, en cas que l'on ne les luy vouUeusl
donner.
Ledicl s' Pallot nous raportc quelque dessain sur Saphi, mais je
croy que l'isle de Mongador et une fortification sur une poincte de
terre joignant suffiront pour nous donner la liberté du commerce
en ce pays.
Oultre les articles accordez à Salé, ledit s' Pallot nous dict que
I. Le capitaine Pallot devait avoir ap- de la puissante tribu des Chebàna, où les
porté le texte du traité. cbcrifs avaient coutume de prendre des
î. Moulay Abd cl-Malck bon Zidân vc- épouses. V. infra, p. 827 et noie i ;
nait de célébrer son mariage avec une fille p. 387, note 1 .
LETTUE DE GAî-l'AUl) CURiMCT A UlCIlELlEf OOO
l'on y doil)t bastir ung couvant de capucins', avec obligation aux
renegatz de les venir trouver pour lecepvoir instruction, et, en cas
de recognoissance", on leur doibt doiuier liberté entière et passage
pour s'en retourner en leur pays.
Je prie Dieu que tout réussisse à vosire contentement et (lu'Il me
donne aullant de moyen de vous tesnioigner mes obi-issances, (juc
i'ay d'obligation à estre toullc ma vie,
Monseigneur,
V'oslre très-bumble, et très-obeissant serviteur.
Siync : La Tbuillerio.
A La Rochelle, le 3o 7'"" iC)lU).
Archives des Affaires Etrangères. — Maroc. Correspondance consulaire,
\'ol. I. — Oriijinal.
I. On verra ci-(lcssous (pp. o'|i-34'i) les a. En cas de recognoissance, c'eil-h-dnc;
faisions pour lesquelles les capucins ne ju- ilaii> le cas ori ils recoruiaîLrnient leur erreur
gèrent pas pouvoir rester au .Maroc. et reviendraient au christianisme.
3o/l
JLIN-NOVEMBKE
[63o
XLIII
RELATION DITE DE JEATN ARMAND MLSTAPHA'
(juin-novembre i63o.)
Quatrième voyaye de Razilly au Maroc. — Description de Salé.
Titre de départ': Voyages d'Afrique, où est contenue la naviga-
tion des François, entreprise en l'an 1629 & i63o, sous la conduite
du sieur de Razilly, es côtes occidentales des royaumes de Fez &
de Marroc ; le traicté de paix fait avec les habilans de Salé, & la
délivrance de plusieurs esclaves françois ; ensemble la description
des susdits royaumes, villes, coustumes, religion & commoditez
de ceux du pais.
I. Jean Armand était un Turc nommé
Mustapha. Pris sans doute dans quelque
croisière, il avait été converti au christia-
nisme et avait reçu au baptême les noms de
son parrain le cardinal de Richelieu (\ .
VÉpilre dcdiroLoirc'). Il prit part, sans doute
comme interprète, aux voyages de Razilly
au Maroc en 1629 et i03o (V. p. 3ii,
note i). A son retour, il professa les lan-
gues orientales à Paris (V. infra. p. 33i).
Dans l'édition de i03i Jean Armand
est qualifié « chirurgien de Mgr. le
comte de Soissons ». — On attribue
quelquefois abusivement à Jean Armand
Mustapha la présente relation, alors que
celui-ci n'a fait que fournir au libraire-
éditeur des notes pour la partie géogra-
phicpie du récit (^ . infra, pp. 33o-33i).
Malgré les indications du titre, l'ouvrage
est consacré à l'expédition de i63o ; celle
de 162g n'est rappelée que pour faciliter
l'intelligence des vicissitudes de la mission
de i63o. La relation du voyage de i63o
a été rédigée avec des sources originales,
c'est-à-dire avec le journal de Razilly, ainsi
qu'.Xndré Chemin l'a fait pour le voyage
do lOay (V. infra, p. 33o et note i). A
en juger même par la composition, par la
disposition des pièces reproduites, il ne serait
pas étonnant que celui-ci fût le principal
auteur des Voyaijes d'Afrique Le libraire-
éditeur aura simplement fait quelques re-
maniements au texte en vue de la vente et
il confesse lui-même avoir retranché de
cette narration, pour le plaisir de l'ami lec-
teur, « beaucoup de missives » qui don-
naient à l'ouvrage l'aspect d'un « recueil
de lettres ». Or c'est précisément cet aspect
qu'a le journal d'André Chemin.
2. Le titre de la couverture diffère un
peu du titre do départ. V. infra. p. 336,
note 2.
RELATIO:^ DITE DE JEAN ARMAND MLSïAFliA 3o5
Il ne sufTit pas au Roy Très-Clirestieu Louvs XIII de donner la
paix à ses sujets par les efTorls de sa valeur accouslumée, si encore
par un seing plus que paternel il ne leur en fait gouster les fruits.
II ne veut pas que son peuple jouisse tant seulement des biens que
la France produit abondamment, mais en outre, assisté du conseil
de monseigneur l'illustrissime cardinal de Uichelieu (^(juon peut
nommeràbondroitlesage&lefidellc JNestordece royaume), il entend
que les François joignent aux commoditez qui croissent chez eux
les richesses qui viennent es terres estrangeres. A ces fins il lasche
de rendre tous les jours libre aux siens la navigation des mers, &
oster les empeschemens qui peuvent rompre ou arrester le cours
d un commerce non moins honorable que profitable. L'intelligence
que Sa Majesté entretient avec le Grand Seigneur, à l'avantage de
la Chrestienté, rend assez marchande la mer Méditerranée. laquelle
en seroil encore plus fréquentée, si les ravages & linfidelité des
corsaires ne donnoient quelque crainte à ceux qui n'en ont point
ny de la furie, ny de l'inconstance de cet élément. En vertu de cette
confédération renouvcllée particulièrement en l'an 1629 avec la
milice ^^ et les galères d'Alger' soubs le bon plaisir i^ authorité du
monarque des Ottomans, les ports de l'Afrique, de l'Asie & de
cette portion de l'Europe qui obéit aux Turcs se trouvent ouverts
À: asseurez, non seulement pour nos François, mais aussi pour tous
ceux que l'espérance du profit ou la simple curiosité ont rangé
sous leurs bannières.
L'humeur farouche & peu civile de ceux qui habitent le
long de la coste occidentale de la Barbarie, battue par les
flots de rOcean Atlantique. ^: qui recognoissent pour souverain
le roy de Fez & de Marroc, faisoit perdre à nos gens l'envie
d'aborder en ces lieux, d'où la courtoisie semble estre bannie. Tou-
tesfois, en l'an 1629, monsieur le chevalier de Razilly (personnage
des plus recommandables de la France, tant pour la grandeur de
son courage, que pour son expérience au fait de la marine) ayant
eu commandement de Sa Majesté & et reoeu l'ordre de monsei-
gneur le Cardinal, après avoir rompu la glace cinq ans aupara-
I. Allusion au traité signé entre le roi et non en 1629, par l'intermédiaire de
du Krance cl le diiari d'Alger en 1638, Samson Xapollon. V. p. ■i.'iA't, note i.
De Casikiks. III. — 30
3o6 JUlN-\OVEMBKE I 63o
vanl', entreprit ce chemin pour la seconde fois, &, accompagné des
sieurs de La Touche, qui portoit le pavillon de vice admirai, »k Trille-
bois, des chevaliers de Jallesmes, de Guitaut & Des Roches, alla mouil-
ler l'ancre à la rade de Salle, ville appartenante auxroysde Marroc,
mais occupée maintenant par les Mores Grenadins, qui se sont can-
tonnez là dedans & révoltez contre leur prince légitime. L'arrivée
de nos soldats, jointe à leur resolution, espouventa tellement ces
rebelles, qu'après avoir esté maltraitiez en plusieurs escarmouches
(où ils eurent tousjours du pis), ils furent contraints défaire trefves
avec le sieur de Uazilly, lequel estant sur le point d'entrer en quel-
que sorte d'accommodement avec les députez de l'empereur de
Marroc, qui 1 estoient allé trouver dans ses vaisseaux, se veid con-
traint par la force de la tempeste et du mauvais temps de retourner
en France. Oîi, après avoir rendu compte de son voyage & fait
entendre 1 importance du traffic de ces costes qu il venoit de quitter,
en conséquence duquel on pourroit moyenner facilement la liberté
de beaucoup de François détenus en un misérable esclavage, tant
dans la ville de Salé, qu'en plusieurs autres du royaume de Mar-
roc, vSa Majesté Très-Cheslienne trouva bon que le mesme sieur de
Razilly, comme gênerai de sa flotte, s'y en allast l'année ensuivante
& mît peine de parachever ce que desja il avoit commencé. Pour
ceslefiect furent equippez trois bons vaisseaux, 1 un desquels nommé
« la Licorne » estoit commandé par ledit chevalier. L'autre appelé
« la Renommée » portoit le sieur Du Chalard, vice-admiral. Le
sieur Pâlot estoit dans le troisiesme, qui fut choisi entre les pata-
ches de S. Jean de Luz.
Ces trois vaisseaux quittèrent la rade de Sainct Martin de Ré le
2o. jour de juin iC3o, pour faire la route de Barbarie ; auxquels se
voulurent joindre de compagnie plusieurs navires marchands qui
passoient en Espagne. Le calme dura six jours, après lesquels
l'orage et la violence des vents les contraignirent à relascher au
mesme lieu d'oîi ils estoient partis auparavant.
Peu de temps après, cette mesme flotte, ayant derechef mis les
voiles au vent, se trouva le vendredy 12 de juillet à dix lieues du
cap Finisterrœ (nommé des anciens Celiicum & Neriuin promon-
I. Allusion au voyage du cliovalicr de Razilly en 1O24. V. Doc. XX, pp. io5-li:.
RELATION DITE DE JEAN AUMAND MCSTAPHA So"
lorium). lequel fait rextremité plus occidentale du royaume de
Galice en Espagne. A la pointe du jour, des vaisseaux turcs vin-
drent recognoistre la flotte, &. après avoir veu lestendard de France,
s'enfuirent. Toutesfois, faisans leur retraicte, ils donnèrent la
chasse à quelques navires marchands, qui eurent loisir de ranger la
coste »^ se sauver par bonheur soubs le pavillon. On trouva par
après que c'estoient six vaisseaux françois, qui du depuis ont para-
chevé leur voyage en toute scurelé, bien aises d'avoir rencontré si à
propos un azylc pour se garantir du danger, qui sans cela leur
estoit inévitable. Les ennemis, ayant failly leur coup, furent pour-
suivis, mais il fut impossible de les attraper, à cause qu'ils estoient
trop bons voiliers.
Le mardy 28. dudit mois, le chevalier de Razilly, après avoir
passé le long des costes de Portugal & d'Andalousie qu'il laissoit
à main gauche & gagné l'océan de Barbarie, ai'riva avec les vais-
seaux du Roy en la rade de Salé, & mouillant l'ancre fist prise d'un
vaisseau dudit lieu qui pensoit estre en la barre.
Le 2l\. ia. 10. du mesme mois, jours consécutifs de son arrivée,
furent encore pris deux autres vaisseaux appartenants aux habi-
tans & corsaires dudit Salle'. Ce qui obligea messieurs du Divan
& gouverneurs de la ville de penser soigneusement à leur defence
>Sc se défaire de nos gens. L'exécution leur en sembloit facile, par
le moyen de dix -sept navires qu'ils avoient dans leur havre, avec
lesquels ils esperoient surprendre à la faveur de la nuict & se ren-
dre maistres des vaisseaux françois. Deux fois on assembla le Con-
seil pour deliljerer ce qu'on devoit faire. Neantmoins après s'cstre
inslruicls ik deuemcnt informez du bon ordre que monsieur de Ra-
zilly avoit estably dans lesdits vaisseaux, qui se tenoient nuict et
jour sur leurs gardes, ils jugèrent cette entreprise autant hardie
que malaisée ; &, changeans d avis, conclurentqu il estoit beaucoup
meilleur pour le bien de leur i\cpubli(|ue d entrer en quelque sorte
d'accommodement. Celte voye sembla la [)lus asseuréc >k la moins
hazardeuse de toutes : voila pourquoy, la proposition en cslmit
faite, on jugea qu'il estoit expédient de la suivre. A quoy les fist
I. 11 s'agit probablement des deux vais- en réalité à des Français, mais ils avaient
seaux ramenés jiar l'allut; ils apjiarlenaient été capturés parles Salétins. V. p. 297-301.
3o8 JUIN-NOVEMBRE I 63o
condescendre un de leurs alcaïdes nommé Ccron '. homme de con-
sidération & de créance parmy eux, leur remonslrant : « Qu en
Testât où ils cstoient réduits, le party de la douceur estoit préfé-
rable à tout autre ; qu'ils trouveroienl hlen plus dadvantage en
l'amitié des François qu'ils ne rencontreroient de satisfaction en
leur haine propre : qu il estoit nécessaire d'entrer en confédéra-
tion avec eux pour donner naissance à un commerce réciproque ;
qu'il estoit expédient de leur ouvrir les portes de la ville pour
s'ouvrir à eux-mêmes celles de leur asseurance ; qu'il estoit très à
propos d'avoir esgard au bien de toute la communauté, à laquelle
il importe grandement que les particuliers puissent negotier libre-
ment, sans courir risque de leurs vies et mo^ens : que, tandis
qu'ils auroient guerre avec les François, ceste liberté leur seroit
ostée, là oîi au contraire, s'ils faisoicnt paix avec eux, ils pourroient
avoir libre l'entrée & sortie de leur port, comme encore de toutes
les villes maritimes de la France ; qu'ils ne sçauroient faire rien ou
plus profitable au public, ou plus dommageable aux ennemis; que
le secours qu'ils pourroient retirer des François osteroit à leur
mal vueillans l'en^ ie de les attaquer d'ores en avant, ou rendroit à
tout le moins foibles les efforts de leur puissance : qu'on sçavoit
assez le courage de ceux de celte nation & la promptitude avec la-
quelle ils avoient accoustumé d'assister leurs alliez ; qu'eux-mesmes
avoient par cy-dcvant esprouvé à leurs despens ceste force, qui les
avoit privé de beaucoup de leurs vaisseaux ; bref, qu'ils estoient
à la veille de souffrir de plus notables pertes, s'ils refusoient de
suivre le conseil qu'il leur donnoit. non par crainte ou lasclieté
aucune, ny pour aucun intercst particulier, mais poussé du seul
zèle de la vérité & de l'affection qu'il avoit tousjours tesmoignée au
bien & service de sa ville & et de ses citoyens. »
Tandis qu'on estoit ainsi en délibération dans la ville, quelques
corsaires de Salé, qui pouvoient estre en tout une vingtaine, favo-
risés du vent qui leur estoit propice, entrèrent dans le port. Mon-
I. Motiammed ben Abdel-Kader Ceron. ncur de la Kasba pour les Hornacheros.
Il était vraisemblablement originaire de la Remplacé par Ahmed bcn Ali Bcxer, l'un
ville de Seron, place importante des Moris- des signataires de la trêve de i63o, il
ces entre Murcie et Baza. En lôîg Moliam- revint au pouvoir le 4 février i63i. V.
med ben Abd el-Kader Ccron était gouver- infra, p. 3-0.
RELATION DITE DE JEAN ARMAND MUSTAPHA Sog
sieur Du Chalard leur fist tirer quelques coups de canon, desquels
fut tué un de leurs principaux capitaines & cinq soldats blessés.
Ce qui donna subjet aux plus apparens de la ville de poursuivre le
traité de paix 6c s'y résoudre cnlicrement. De quoy ayant donné
rognoissance aux nostres & promis de bailler des ostages pour
plus grande asseurance, il y eut cessation d'armes & de tous actes
d'hostilité, tant d'un costé que d'autre.
Le vendredy 3. du mois d'aoust, fust envoyé pour cest effet par
ceux de la ville Araby Garcia, l'un des premiers secrétaires de leur
Divan, pour ostagc de ccluy qui seroit mis à terre de la part de
monsieur de Razilly. alTin d avancer les affaires ' .
Ce mesme jour Moral Rays ', admirai de leurs vaisseaux. &
plusieurs capitaines de la ville, ayans obtenu toutes les asseurances
qu'ils demandèrent pour venir saluer monsieur le commandeur de
Razilly, se firent porter dans nos vaisseaux, où ils furent receus
honnorablemenf. Après les compliments receus de part & d'autre,
ils protestèrent au nom de leurs gouverneurs qu ils n'avoient pas
de plus grand désir que de rendre des tesmoignages d'affection à
Sa Majesté Très-Clireslienne, avec laquelle ils seroient très-aises
de vivre en bonne paix & amitié, & qu'ils metroient peine de l'en-
tretenir ponrtuellement. Après ces protestations, Moral Rays sup-
plia monsieur de Razilly de luy expédier un passeport pour faire
sortir en mer un de ses vaisseaux, qu'il avoit tout prest, à la
I . L'agent anglais .luliii Harrifon so Iroii- Harrison. Pour les autres détails, ils concor-
vail à Salé-lc-Xeuf pendant CCS négociations dent avec la relation de l'agent anglais,
surlerachatdcsrsclavesfrançais. Déjàconn\i Celui-ci ajoute que Razilly et Du Chalard
des pirates par ses séjours antérieurs dans lui écrivirent pour le remercier et lui don-
la ville (itïîD et 1O27), ilfutclioisi dans la nèrenl une fêle à bord. Cf. /'"■ i'én'c. Angle-
présente circonstance comme médiateur par ivxTi; . Relation de J . Harrison, 8 octobre i63o.
le Divan, à la requête des captifs, des niar- 2. Moral Rays, appelé le caïd Morato,
chands français et du 1'. d'Athia lui-même. Moralto .Vrracz, le capitaine John, etc.,
11 alla avec ce religieux et l'otage dos Moris- était un renégat hollandais de Harlem;
cos à bord de « la Licorne », puis il revint son vrai nom était Jean Janssen. l'ris à
à terre, ramenant au Divan le capitaine Du Lanzcrote en i6l8 par les corsaires barba-
l'ré Ililary, porteur des lettres de Louis XIII resques, il avait apostasie à .Vlger ; il devint
aux gouverneurs, et qui devait rester à terre un des plus hardis pirates de Salé et c'est à
tant pour les négociations que comme otage hii que cette ville dut en partie sa renom-
du coté do Razilly. Les documents français mée. V. i"' Série, .Vnglelcrre, ibidem et
gardent le silence sur l'intervention de Pavs-13as, t. HI, passim.
3lO .TUIN-NOVEMBRE I fiSo
charge qu'il no feroit aucunes courses sur les François & n'at-
taqueroit leurs vaisseaux, ny mesmes ceux des alliés de la Cou-
ronne à dix lieues près des costes de France, ains plustost les pro-
tegeroit contre tous pirates turcs ou autres, indilTcremment & sans
exception ; ce qui lui lust octroyé soubs ces conditions. Cecy es-
tant fait, Morat Rays & sa compagnie retournèrent dans la ville,
& avec eux y alla le sieur Hilary ', tant pour apporter une lettre
du Roy que pour y demeurer en ostage pendant le traicté, qui
commença par une publication portant commandement à tous
leurs citoyens & subjets de leur Divan de produire tous les escla-
ves françois & iceux mettre en liberté, moyennant rançon & com-
position honneste qu'on delivrcroit à ceux qui s'en trouveroienl
saisis, »k menace aux contrevenans d'estre recherchés tk rigoureu-
sement punis. En suite de cecy, plusieurs marchands anglois &
flamands, qui estoient eji traicte audit Salé, demandèrent permis-
sion à monsieur de Razilly d'en poursuivre la conclusion, le prians
en outre de leur donner passeport ; ce que ledit sieur ne leur ac-
corda pas tant seulement, mais encore leur oflVil en cas de besoing
toute sorte de protection & assistance.
Despuis ce jour jusques au 9 du mois susdit, on ne peut rien
faire ny avancer, à cause de la barre qui rendoit la sortie dange-
reuse. Mais, le 9 du mois, ceux de Salé ameinerent à bord quan-
tité desclaves, en eschange desquels leur fust faite délivrance de
quelques marchandises, ÎS. ce h proportion des esclaves qu'ils
avoient mis en liberté : ce qui continua jusques à tant (ju'il ne s'y
en trouva plus, sçavoir jusques au 12 du mois.
Le i5 du mesme, monsieur de Razilly fist assembler le Conseil,
où il fut résolu d'envoyer le sieur Pâlot en la rade d AzafTy. pour
donner advis au roy de Marroc du retour des vaisseaux de Sa Ma-
jesté Très-Chrcstienne es costes d'Aflrique.
Ledit sieur Pâlot fist voile ce mesme jour avec trois vaisseaux"
chargés des esclaves à qui on venoit tout fraichement de rendre la
liberté ; & luy furent ù mesme temps baillées deux lettres, l'une
1 . Hilary. C'est le personnage appelé patache « la Petite Marguerite » et les deux
plus haut Du Pré Hilary. V. p. îqS. prises qu'il avait faites en rade de Salé. V.
2. Les trois vaisseaux de Pallot étaient sa su/)ra, pp. 297-301.
RELATION DITE DE JEAN ARMAND MUSTAPHA OU
pour le roy de Marroc, & l'autre pour le gouverneur d'Azafiy,
toutes deux de la part de monsieur de Razilly. On ne peut mieux
comprendre à quelle fin elles furent escrites que par la teneur
d'icelles. La lettre du roy de Maroc estoit telle :
Lettre de Razilly a Moulay Abd el-Malek.
Les vents contraires l'ont oblir/e à retàcher à Salé avant de se rendre à
Saji. — // a profilé de cette escale pour réclamer contre rançon la mise
en liberté des esclaves français détenus dans cette pince. — Sur le refus
des Salélins, il s'est emparé de quelques-uns de leurs navires et les a
amenés à composition. — Des que le rachat sera terminé, il ira à Safi,
mais il fait partir immédiatement pour ce port trois navires avec le sieur
Pallot et le F. Rodolphe. — // prie Moulay Abd el-Malek d'envoyer
un passeport à ce dernier, chargé de lui remettre la lettre de Louis XIII,
et de faire amener à Safi /o(w les esclaves français qui se trouvent à
Merrakech .
[Rade de Salé, i5 août i63oJ.
Sire,
Si les vents & la mer recognoissoicnt la puissance des monar-
ques de la terre, il n'y a point de doubtc qu'avec les vaisseaux du
lloy nostre inaistre nous ne fussions plustost allés en la rade d'A-
zalTy, suivant notre dessein, qu'en ces costes où nous sommes pour
le présent. Mais estant fort dilFicile (pour ne dire impossible) de
s'opposera l'eflort des marées, nous avons esté contraints de mouil-
ler lancre en la rade de Salé ; là où, pour ne perdre tout le
temps, nous avons voulu sommer les hahitans du lieu à nous ren-
dre les esclaves françois qu'ils detenoient, eu leur payant neanl-
moins les droits de racliaj)l. Sur le refus qu'ils ont fait du com-
mencement d'acquiescer à nos justes demandes, nous leur avons
dénoncé la guerre, assailly leur port »k pris quelques-uns de
leurs navii'cs ; ce qui les a obligez de nous (louncr contentement &
nous remettre lesdits esclaves, que nous avons à l'instant embai-
quez. Nous espérons recouvrer bienlost ceux cpii restent ik incon-
3 I 2 JUIN-NOVEMBRE 1 63o
tinent après aller en vostre rade d'Azaffy. Cependant, pour avan-
cer temps, nous y envoyons trois de nos vaisseaux soubs la
conduite du sieur Pâlot, lequel a charge de demander passeport à
Vostre Majesté pour le R. Père Rodolphe' & deux ou trois autres
François, affin qu'en toute asseurance ils puissent rendre la des-
pesche du Roy nostre maistre à Vostre Majesté. Et d'autant que
nous avons ordre de ne demeurer que peu de jours en vos Estats,
& que d'ailleurs la saison de lliyver s'approche, nous supplions très-
humblement Vostre Majesté d'envoier le plus promptement qu'il
sera possible ledit passeport, & commander que tous les esclaves
françois détenus dans vostre ville de Marroc soient prests pour estre
amenés audit Azafl'y.
Il plaira encore à Vostre Majesté députer telles personnes qu'elle
aura agréable, pour recevoir le présent que le Roy nostre maistre
nous a chargés de luy envoyer, ensemble pour éviter que les
afTaires n aillent en longueur & que par ainsi le temps nous force
de retourner en France sans rien conclurre, comme il arriva l'an-
née passée. De nostre costé nous y apporterons toute la diligence
qu'il nous sera possible, & demeurerons, &c.
La suscription de la lettre esloit : A très-haut, très-puissant &
très-victorieux Prince, Muley Abdelmelech, roy de Fez, Marroc,
Sus & Gago, Grand Xerif de Mahomet & empereur d'Affrique.
La lettre du gouverneur d'AzalTy estoit couchée en ces termes
Lettre de Razilly au gouverneur de Safi.
// lui demande de Jaire parvenir sa lettre à Moulay Abd el-Malek.
[Rade de Salé, i5 août i63o.]
Monsieur,
Le mauvais temps nous força l'année passée de quitter la rade
I. Le F. Rodolphe ne partit pas avec Salé le 32 août. V. ci-dessous. Doc. XI^IV,
le capitaine Pallot ; il se trouvait encore à p. 34o.
HELATin>- niTE DK .lEAN VBMAND MUSTAPHA 3 1 .3
d'AzafTy à nostre grand regret, sans avdir eu le bonheur de para-
chever l'afTaire pour laquelle le Roy nosfre maistre nous envoyé
derechef, avec la dépêche pour l'empereur de Marroc, vostrc prince,
affîn de retirer les François détenus en esclavage. Sur quoy nous
escrivons à Sa Majesté Impériale, à ce qu'il luy plaise de nous
donner un passeport, parle moyen duquel nous puissions luy faire
porter ladite depesche en toute asseurance. JNous vous prions par
celle-cy d'onvoicr nosfre dite lettre à la Cour, seurement & en dili-
gence, d autant que nous espérons d'estre, avec l'aide de Dieu, dans
peu de jours en la rade d'Azafl'y & là recevoir les passeports qui
nous sont nécessaires. Asseurez-vous que vostre soing et l'autorité
que vous cmploierés pour nous faire obtenir l'effet de nos demandes
ne demeureront pas sans recognoissance, outre l'obligation que
nous en aurons toute nostre vie, qui sera telle que nous en de-
meurerons à jamais, (kc.
De la rade de Salé, d'aoust ifi^o.
Le samedy i". du mois, comme encore le i8. >k 19. la barre fut
dangereuse pour sortir jusqu'au mardy 20., auquel jour ceux de
Salé envoyèrent devers monsieur de Razilly les sieurs Monjet San-
tiago & El Capitan Blanco. Hornal Héros', de la part du gouver-
neur du Chasteau ", Caya Rios «Se j\arvais\ Andaloux, pour commis-
saires & députés, ensemble Morat Rays, cy-dessus nommé, &
Clavicho, tous habitans de Salé & des principaux du Divan, pour
conclure la paix. Ils furent reçus comme ils meritoient, & entrèrent
en conférence, dû, après avoir demeuré assés longtemps, ils
prindrent congé, emportans avec eux les mémoires que les sieurs
de Razilly & Du Challard leur donnèrent, pour arrester seulement
une espèce de trefve ' sous le bon plaisir du Roy. Or, pour tesmoigner
([ue ceste visite ne luy avoil point este désagréable, ledit sieur de
Razilly pria les RR. PP. capucins & le R. P. Dalias, accompa-
1. Hornal Héros, il faut ntablir : Ilorna- ptlail AIuiiliI Xarvaoz. V. i" Série, Anglc-
chcros. V. supra, pp. 187-198. torrn, juillet 1637.
2. Le caïd do la h'mbn. Alimod lien Ali ^1. Cotte trêve devait être primitivement
Boxer. do six aiis(V. supra, p. 3f!3, notes 2 et 6).
3. \arvais. Ce commissaire andalou s'ap- EUo fut réduilo à doux ans.
3l4 .TUIN->"OVEMBRE I 63o
gnez d'un ofTiciei', daller conjoinctement avec les députés de Salé
saluer de sa part »S; de monsieur Du Challard les gouverneurs de
la ville & les asseurer de leurs bonnes volontés envers eux. Ce
qu'ils firent, non sans estre grandement caressés des gouverneurs
susdits, qui les conduisirent au Cliasteau, avec un applaudissement
gênerai de tout le peuple ; &, après quelques compliments & céré-
monies, qu'on pratique ordinairement en semblables occurrences,
ordonnèrent que Morat Rays leur prepareroit son logis & leur
fourniroit tout ce qui seroit nécessaire pour leur entretien.
Le 21. du mois, les PP. capucins & le P. Datias célébrèrent la
saincte messe au logis du sieur Moiet'', marchand françois, laquelle
estant parachevée, ils furent trouver messieurs les gouverneurs de
la ville à la sortie du Conseil, pour sçavoir la délibération par eux
prise sur les mémoires qu'on leur avoit baillé. Leur responce fut
qu'ils avoient lait commandement à leur secrétaire' de la mettre au
net, & que sur le soir lecture leur en seroit faicte. Ce qui fust ainsi
exécuté. Les nostres, y ayans trouvé quelques articles à contester,
prièrent les députés de leur en laisser copie, afin d'avoir le loysir
d'examiner le tout & changer ce qui leur sembleroit estre néces-
saire pour l'honneur tS; service des armes du Roy Très-Chrestien.
Le lendemain 22. du mois, le tout ayant esté bien considéré par
nos gens, \ quelques additions faites aux précédents articles pour
ladvanlage des sujets de Sa Majesté Très-Chrestienne, ils les re-
mirent entre les mains des gouverneurs de la ville, & peu de temps
après se retirèrent dans nos vaisseaux, fors le sieur Hilary. qui
demeura comme ostage.
Le mesme jour, Haly Blanco ' & Santiago vindrent à bord &
rapportèrent lesdicts articles pour estre approuvés par monsieur de
Razilly, lequel ne les trouvant pas à son gré ny en la forme qu il
desiroit, y voulut derechef adjouter quelque chose, par le conseil
mesme de monsieur Du Chalard. Mais d autant que ce qu'on y
I . Cet officier, appelé plus loin : le secrc- 'i . Moiet ; 11 faut probablement rétablir ;
taire de Razilly (p. 3âo, note i), était peut- Mazet. Cf. plus loin, p. 3i8.
être le Turc Jean Armand Mustapha qui, 3. Leur secrétaire, Mohammed Blanco.
d'après le titre de la Relation (éd"" de 4- Huly Blanco, probablement ce capi-
1682 et de i633)aurait « eu employ auxdits taine Blanco, représentant de Ahmed ben
voyages ». V. p. 336 note 2. Ali Bexer, dont il a été parlé p. 3i3.
RELATION DITE DE JEAN ARMAND MUSTAPHA 3lO
avoit adjousté de nouveau sembloil cstre au desadvantage des ha-
bitans de Salé, les gouverneurs refusèrent de les signer. D'ailleurs
jugeans bien que le sieur de Razilly ne doinordroit pas facilement, ils
voulurent (avant que déclarer leur dessein) pourvoir à leur seureté,
faisant sortir leurs vaisseaux sous prétexte de la trefve qui durcit
encore. Puis, ayans déclaré leur volonté & remonstré les raisons
quils avoicnt pour n accorder point les articles susdits, les affaires
se virent quasi réduites aux mesmes termes où elles estoient du
commencement, les ostages ayans esté renvoyés de part et d'autre.
Neantmoins, comme on estoit sur le point de rompre, le traicté fut
renoué par l'entremise de l'alcaïde Ceron (duquel il a esté parlé
cy-devant), lequel représenta aux gouverneurs le tort qu'ils se fai-
soient. refusans de signer les articles jn-oposés. 11 leur fist toucher
au doigt la nécessité d'en user de la sorte, & après leur avoir per-
suadé par bonnes raisons que ceste capitulation ne leur pouvoit
estre si préjudiciable que la guerre qui estoit aux portes de leur
ville, leur fist changer de resolution. De sorte que sur l'heure ils
donnèrent charge au sieur Mazet d'en escrireà monsieur de Razilly ;
à quoy consentit encore par dessous main Morat Rays, bien qu'ou-
vertement il fist semblant d'y contredire, afin de faire valoir la
réputation de leur Republique.
Les lettres estant receues, les sieurs de Razilly & Du Challard,
avec le conseil des RR. PP. capucins, trouvèrent bon d'accorder
la trefve pour un an seulement ' . afin d'ostcr aux Mores tous moyens
de courre le reste de l'année sur les marchands fiançois. Ce qu'ils
firent d'autant plus volontiers qu'ils se voyaient forcés d'aller à
Azaffy pour traiter avec les députés du roy de Marroc. Ce conseil
fust trouvé à propos & arresté que le sieur Du Challard demeure-
roit en la rade de Salé pour donner fin à ce traicté, tandis que le
sieur de Razilly s'acliemineroit A^ers Azail'y pour y devancer les
affaires, sans attendre que les tourmentes contraignissent nos vais-
seaux à faire retraicte. A ces fins fust laissée audit sieur Du Chal-
lard procuration avec ample pouvoir d'agir & signer les articles
qu'il jugeroil estre pour le bien du service du Roy ^: accomplisse-
ment des ordres de monseigneur le Cardinal.
I. La trêve fut conclue pour ileus an?. V. p. a83. note •{ et p. jyS.
3 1 6 JUIN-NOVEMBRE 1 fi3o
Le 2". du mois ledit sieur commandeur de Razilly fist voile pour
aller à AzafFy (ainsi qu'il a voit esté résolu) & cependant recognoistre
sur sa route une ville dépeuplée qui est le long de la coste. La
ceinture de ses murailles est aussi grande que pourrolt cstre le cir-
cuit de La Rochelle. On y void encore quantité de maisons assés
bien baslies, avec les ruines de quelques mosquées & d'un arsenac
très-propre à loger nombre de galères. Ce qui tesmoigne assès que
ce lieu a esté d'autrefois en considération. Mesmes à présent les mar-
chands y vont pour trafiquer avec les Arabes des montagnes voi-
sines, d'autant qu'il y a une bonne rade, ainsi qu'on pourra voir un
jour par le plan que le sieur de Razilly en a pris ', lequel arriva à
AzafTyle dernier jour du mois d'aoust, oîi il trouva quelques vais-
seaux flamands & anglois qui saluèrent le pavillon royal.
Le lendemain i. de septembre, ledit sieur de Razilly commanda
à un de ses officiers d'aller de sa part baiser les mains au gouver-
neur du lieu, & sçavoir de luy quelle estoit la responce des lettres
cy-devant escrltes à l'empereur de Marroc. Ledit gouverneur dépê-
cha à l'instant un Juif vers le sieur de Razilly pour luy apporter
quelques rafraichissemens & luy dire que n'ayant eu encore nou-
velles aucunes de la cour du Roy son maisire. il le supplioit d'es-
crire derechef, luy mandant en outre qu'il nattendoit que sa
dépêche pour y envoyer un courrier. Cela fut cause que ledit sieur
escrivit la lettre suivante :
Lkttre de Razilly a Moulay Abd EL-^L\LEK.
lls'élonne de ne pas avoir trouvé à son arrivée à Safi le passeport qu'il
avait demandé à Moulay Abd el-Malek pour le F. 'Rodolphe. — 7/ ne
pourra séjourner sur les côtes du Maroc que vinqt Jours au plus. — //
frie instamment le Chérif de donner délégation au caïd de Safi pour
négocier le traité et de faire réunir à Safi tous les esclaves français de
Merrakech. afin qu'on puisse s'entendre sur leur rachat.
[Racle lie Sali, sriilciubrc i6,'!o.|
Sire,
Je croiois, à mon arrivée devant vosire ville d'Azaffy, trouver un
I II s'agll tin ja ville rie Tit. V. infra, p. 867, note I.
RELATION DITE DE JEAN AUMAND MUSTAPHA 3l7
passeport de Yostre Majesté, y aiant desja vingt jours que j'avois
fait avancer trois vaisseaux sous la conduite du sieur Pâlot pour ce
seul efTel. Maintenant, aiant pris l'avis de tous les gens de mer qui
sont sous ma charge, j ay recogneu ne pouvoir séjournerez costes
de Vostre M que i5 ou 20 jours au plus : d'aulant que dans peu
de temps les tourmentes seront si grandes, que, si les vaisseaux ne
sont en brief de retour, ils courent risque de se perdre. L'année
passée, il se perdit soixante et dix naNiros. ^: la flotle (|ue j'avois
l'honneur de commander cuida lairo naufrage plusieurs fois. Cette
expérience me fait supplier Vostre Impériale Majesté d'envoier en
sa ville d'AzalTy quelqu'un de ses alcaïdcs, avec ordre & commission
au gouverneur d'icclle de traicter des articles de paix, ainsi que
j'ay pouvoir à; conunission, conjoinctement avec monsieur Du
Challard, de traicter & convenir pour toutes négociations nécessaires
eu ce subjet. Je la prie encore Ircs-humblement de faire en sorte
qu'en mcsme temps tous les esclaves françois arrivent en la mesme
ville, afin qu on puisse moyenner leur délivrance.
Pour moy, je meltray de ma part les présents que le Roy mon
maistre envoie à Vostre Majesté entre les mains des alcaïdes qu'il
luy plaira ordonner pour cet effet. Au reste, il me deplaist infini-
ment que la saison me presse de si près & ne me permette point
de séjourner plus longtemps en ces costes, mais vous sçavez, Sire,
que la mer n'a point d'esgard à la volonté des navigants. Cela
n'empêchera pas pourtant qu'en quel lieu que je puisse estre, je ne
m'efforce de rendre toute sorte de service à V. M., comme dès à
présent je luy fais offre de tous les vaisseaux que j'ay sous ma
charge, & ce de la part du Roy mon maistre ; la priant au surplus
de croire que, poui' mon particulier, je désire demeurer toute ma
vie A:c.
Par la mesme voie, ledit sieur escrivit aux esclaves de Marroc en
rcsponce de celle (ju'il avoit receue de leur part à son arrivée, les
exhortant surtout à ser\ ir Dieu & avoir une très-estroite confiance
en sa miséricorde, qui ne permettroil pas qu'ils demeurassent tous-
jours en un estât si misérable comme estoit celuy oîi ils se
trouvoient rcduicts pour le présent: quant à luy. qu'il n'espargne-
3l8 .ÏUIN-NOVEMBUE 1 G3o
roit rien de ce qu'il jugeioit estre nécessaire pour leur faire recou-
vrer la liberté tant désirée. Il fist aussi responce par mesme moyen
à la lettre du sieur Pallache. Juif, que le roy de Marroc emploioit
en la conduite de ceste negoliation'.
Le samedy septiesme dudit mois de septembre, monsieur Du
Cballard arriva en la rade d'Azally, où, ayant salué le pavillon, il
s'en vint trouver le commandeur de Razilly, auquel il fist rapport
de ce qui s'estoit passé au traicté faict avec les habitans de Salle, &
lui bailla les capitulations accordées avec eux, ensemble une com-
mission de consul des François audit lieu pour le sieur Mazet, en
attendant que le Roy & monseigneur le Cardinal y eussent autre-
ment pourvcu. Voici la teneur des articles de ladite capitulation ^
La commission pour la création d'un consul fust telle
Commission de consul pour Pierre Mazet '
Uadc de Salé, 3 septembre i63o.
Isaac de Razilly, chevalier de l'ordre de S. Jean de Hlerusalem,
premier capitaine de l'admirauté de France, chef descadre des
vaisseaux du Roy en sa province de Bretagne, & admirai de la flotte
de Sa Majesté en la coste de Barbarie, «kc, au sieur Pierre Mazet,
marchand françois, natif de la ville de Marseille.
1. Moïse Pallache. \. Introduction cri- les manuscrits. \. p. 33o.
tique, pp. 39i-3g6. 3. Tandis que Du Clialard, agissant au
2. Comme on a publié ci-dessus le pro- nom de Razilly, conférait par cetti^Gommis-
jet en espagnol de cette capitulation (Doc. sion le consulat de Salé à Pierre Mazet, le
XXWI, pp. 282-286) et la traduction secrétaire d'Etat Bouthillier signait des
française oPRcielle du texte définitif (Doc. lettres-patentes attribuant les consulats de
XXXIX, pp. 292-296), on a jugé inutile d'en Salé et Tétouan à un autre Marseillais
reproduire la copie donnée par l'éditeur de nommé André Prat. V, pp. 273 et 373. Lors
la Relation de Jean Armand Mustapha. Les de son voyage de i63i, Razilly arrangea,
variantes que l'on rencontre dans les textes ou tout au moins essaya d'arranger l'affaire,
sont de pure forme. « Les paroles seules y en attribuant à Pierre Mazet un autre poste,
ont acquis tant soit peu de changement », V. infra, p. 434. En l635 Pierre Mazet
dit cet éditeur, qui, pour donner à des était devenu fou, et un vice-consul, Gaspard
documents autbcntitpies « la perfection re- de Rastin,se trouvait seul à Salé rcprésen-
quise », a cru devoir « passer la lime » sur tant .\ndré Prat. V. pp. 5i I et 537.
RELATION DITE DE JEAN ARMAND MUSTAPHA SlQ
Estant nécessaire pour le bien du service du Roy nosire maistre,
asseurance >k liberté de tous ik chacuns ses sujets trafiquans au port
ik ville de Salé, forteresses & lieux de sa jurisdiclion en la coste
d'Afrique (en conséquence des articles de la trêve par nous accordée,
au nom de Sa Majesté Très-Clircslicnne, à messieurs les gouverneurs
ik Divan de Salé pour le temps & espace do deux ans prochains &
consécutifs, à commencer du premier jour du présent mois de sep-
tembre) de nommer & laisser audit lieu de Salle un personnage
lidelle Os: capable d'y exercer la charge de consul de la nation fran-
coise, & d'y pratiquer les fonctions deues & attribuées audit
consulat, attendant que par Sa Majesté, et à la nomination de
monseigneur l'illustrissime cardinal de Richelieu, y soit autrement
pourveu :
Nous deuement informés de vostre bonne vie, probité, mœurs
\ religion catholique, apostolique & romaine, & en outre acertei-
nés de vostre preud'homie, expérience & parfaite intelligence au
fait de la negoliation & commerce, en vertu du pouvoir à nous
octroyé par Sa Majesté & mondit seigneur le Cardinal, & sous son
bon plaisir, vous avons commis & député, commettons & députons
par ces présentes en ladicte charge de consul de la nation fran-
çoise audit Salé, pour y avoir la direction, protection, negotiation
& administration de la justice aux marchands françois qui trafique-
ront audit lieu & places de sa juridiction; ensemble pour jouir &
user de ladicte charge de consul, honneurs, privilèges, préséances,
franchises, exemptions, droits & libertés dont jouissent & ont deu
jouir les consuls françois en tous les autres ports & eschelles de
Barbarie ik Levant, suivant qu'il est porté par la Irefve susdicte.
A l'entière exécution desquels droicts & prérogatives vous tiendrez
bien soigneusement la main, en vous opposant à toutes les contre-
ventions & cmpeschcmeiis qui pourroient estre faits ou formés
doresnavant. De quoy vous dresserés bons & amples procès-ver-
baux sur les occurrences qui se présenteront, lesquels vous envoie-
rés de mois en mois (si faire se peut) à mondit seigneur le Cardi-
nal, conformément aux adresses qui vous en ont esté données, afin
d'y estre pourveu ainsi qu'il appartiendra.
Fait en la rade de Salé, dans le vaisseau du Roy « la Renom-
mée », ce 3. de septembre i63o.
SaO .lUIPi-NOVEMBRE 1 63o
Signé: Du Chaliard, vS: au nom de monsieur le chevalier de
Razillv.
Le jeudy onziesme de septembre, le conseil fut assemblé dans le
vaisseau de monsieur le commandeur de Razilly, pour adviser à ce
qu'on jugeroit plus expédient et plus nécessaire, veu les longueurs
cnnuicuses \ rctardemens du roy de Marroc ; \ fust arresté que
le sieur Palol relourncroit en France avec une partie des esclaves
i|u'on avoit délivrés, ik ce pour la crainte du mauvais temps 6t
perte des vaisseaux qui nestoient capables de soustenir les efforts
de la mer. Ce sont les termes de la délibération :
PUOCÈS-VERBAL DE LA DÉLIBÉRATION A BORD DE « LA LiCORNE ».
Rade de Safi, il septembre i63o.
Ce jourd'huy onziesme de septembre i63o, après avoir assem-
blé dans le vaisseau du Roy nommé « la Licorne » tous les capi-
taines ik officiers qui sont sous nostre charge en la coste d AlTrique,
nous leur aurions représenté que le roy de Marroc, nous ayant
ja tenu longtemps en doute de ses volontés, & sans avoir fait res-
ponce aux lettres par nous envoyées, »^ que d'ailleurs les esclaves
par nous racheptés à Salé nous estans à charge, aussi bien cjue les
navires que nous avons pris (lesquels, pour estre mal garnis de ca-
bles, ancres & cordages nécessaires, ne sçauroient demeurer en
ceste rade, la saison de l'hyver s'approchant, & lesdits vaisseaux ne
se trouvans pas en estât pour soustenir la furie de la mer), il ne
seroil pas hors de propos de renvoyer lesdites navires pr;s, avec les
esclaves par nous racheptés, sous la conduite de sieur Pâlot. Sur
quoy lesdits sieurs capitaines et officiers ont avec nous délibéré iS;
arresté que ledit sieur Pâlot (incontinent que le vent le luy permet-
tra) prendra la route à la traverse de France avec lesdits navires
pris, pour iceux & leurs hommes meiner & conduire à La Ro-
chelle ou Brouage, suivant Tordre 6c commandement à nous fait
RELATION DITE DE JEAN AllMAND MUSTAPHA 32 1
par monseigneur le Cardinal. Ce ([uc nous luv avons enjoint, >k
signe la présente avec lesdits sieurs capitaines à la rade d'AzalTy, le
jour À: an que dessus.
Le chevalier de Razilly.
Du Challard.
Pâlot. &c.
Le douziesme dudit mois, a[)rès le départ des vaisseaux susdits,
le vent d'aval contraignit les autres de se mettre à la voile, pour
s'eslogner de la coste, qui est grandement périlleuse. Ce qui conti-
nua jusqu'au mardy 17. du mois, qu'ils retournèrent en la rade,
où ils estoient attendus avec impatience. Car on fist courre le bruit
de l'arrivée des esclaves, sur ce que le gouverneur d'AzalTy avoit de-
pesché un vaisseau anglois pour en donner advis au sieur de Razilly
(k luy rendre les lettres qui luy estoient envoyées par les François
détenus esclaves dans Marroc. Ce bruit toutesfois fust trouvé faux ;
ce qui donna occasion audit sieiu' (incontinent après avoir mouillé
l'ancre), de détacher une chalouppe, avec commandement à ceux
qui estoient dedans de prendre terre pour apprendre la vérité. Es-
tans de retour, ils rapportèrent le contraire de ce que desja on leur
avoit fait entendre, de sorte que monsieur de Razilly trouva bon
d'escrire au gouverneur la lettre suivante :
Lettre de Razilly au gouverneur de Safi.
Il ii/nore les intentions du Chcrif nu sujet des esclaves français de Merra-
kech. — Il prie le Gouverneur de lever son incertitude.
Rade de Sali, septembre i63o.
Monsieur,
.J'avois appris à mon retour en ccste rade que les esclaves fran-
çois estoient déjà arrivés à AzafTy ; mais les lettres qu'eux-mesmes
m ont escrites ik que j'ay receues par vostre moyen me rendent
tesmoignage du contraire. Je ne sçay quel jugement je dois fonder
sur tant d'incerlilude, veu mesme que je n'apprends nulles nou-
De Casthies. 111. 2 1
32 2 JUIN-NOVEMBRE 1 63o
velles des intentions de l'Empereur touchant la liberté desdicts es-
claves. C'est pourquoy je vous supplie m'esclaircir de lestât de
nos affaires, afin que je puisse me disposer au retour, auquel je
suis plus forcé par 1 apparence de mauvais temps que par ma pro-
pre volonté.
Sur ce, je vous baise les mains et suis, &c.
A grand peine le porteur de ceste lettre estoit-il en chemin, lors-
que le Gouverneur envoie de rechef un Juif nommé Judas Levy
(qui a charge des affaires de la mer ^: et du commerce) avec com-
mandement très-exprès d'asseurer monsieur de Razilly des bons
desseins du roy de Maroc son maistre. & par ainsy luy dissuader
son retour en France, menaçant ledit Juif de luy faire trancher la
teste, au cas que la chose réussist autrement. Ce Juif, estant arrivé
dans nos vaisseaux, exécuta ponctuellement sa commission. & ren-
dit au sieur de Razilly des lettres tant du Gouverneur que du Juif
Pallaclie ', principal entremetteur de ceste negotiation, duquel il a
esté parlé cy-dessus.
Le i8. de septembre, monsieur de Razilly, sur les asseurances du
gouverneur d'Azaffy & les protestations de ce Juif qui luy avoit esté
envoyé, d'ailleurs persuadé par les serments de ces Barbares, qui
apprehendoient son départ, se résolut de mander au roy de Mar-
roc la lettre que Sa Majesté Très-Chreslienne luy escrivoit. A ces
fins, elle fut mise & enveloppée dans des estoffes précieuses (comme
c'est la coustume du pays) \ adressée au gouverneur d'Azaffy, qui
fist partir en mesme temps six chevaliers des principaux de la ville
pour l'apporter en Cour avec les cérémonies requises ; tS: par la
mesme voye ledit sieur de Razilly escrivit pour la troisiesme fois la
lettre suivante au mesme empereur de Marroc. pensant 1 obliger
par ce moyen à faire response.
Lettre de Razilly a Moulay Abd el-Malek.
a fait partir pour la France quatre vaisseaux et est resté à Safi avec
I. Moï*c Pallaclie. V. suiiru, jj. 3lB et note i.
KF.LATION niTF DE JEAN AHMANH MLSTAI'llA 323
Du Chalard pour attendre les décisions du Chéri/ au sujet de la paix à
signer et du rachat des captifs.
Railo de SaC, i8 septembre i63o.
Sire,
J'envoye la lettre du iloy mon maistrc à Vostre Majesté, que
j'eusse souhaitté de porter moy-tnesme, pour avoir la faveur de luy
pouvoir baiser les mains. Mais d'autant que les ordres que j'ay me
défendent d'abandonner les vaisseaux que j'ay l'honneur de com-
mander', je suis marri que ce commandement m oste le moyen de
voir en ceste occurrence l'accomplissement de mes désirs. J'ay
desja renvoyé en France quatre navires de ceux de ma flotte, aiant
voulu demeurer encore quelques jours en vostre rade d'Azaffy avec
monsieur Du Cliallard seulement, afin d'y attendre la dernière
resolution de \ostre Majesté.
J espère qu'elle aura procuré la délivrance des esclaves françois
& donné ordre qu'ils soient conduits icy, où nous les attendons ;
& ne doute pas qu elle n ayt aussi donné pouvoir à quelqu'un de
ses alcaïdes pour traicter et conclurre les articles de quelque
bonne paix, & recevoir le présent que le Roy mon maistre luy
envoyé.
Je suis fâché que la saison de l'iiyver qui approche me presse
de m'en retourner sy tost en France. Mais puisque toutes les forces
umaines se trouvent trop foibles pour résister a la rigueur du
temps, Vostre Majesté Impériale me tiendra pour excusé, si, en la
priant (comme je fais très-humblement), je la sollicite de faire
responce à la lettre du Roy mon maistre. Je l'attendray encore
quelques jours, & cependant suplierai Vostre Majesté me faire tant
de faveur que de me croire &c.
I. Cette interdiction do descendre à Icrrc jjra. Doc. XX, p. lO'j). Ellu lui fut renou-
avait été faite au clievalier de Razilly afin d'é- velée k très e.\pressément » à l'occasion de sa
vitcr le retour du guel-apens de iO.!4(V. su- mission de i63i. V. m/ra, Doc. LUI, p. io^l.
32 'l .n n-NOVEMBlilî iCJo
Le jeudy 3. d'octobre, un vaisseau appartenant à monsieur
Chariot' scstant allé nettoyer en lisle de Mongador (située es costes
de Hea", province du royaume de Marroc) & remédier à une voye
d eau qui le faisoit couler à fonds, retourna en la rade d'Azafly. Et
ce niesme jour, à la diligence du gouverneur de la ville, furent ren-
dues à monsieur de Razilly deux lettres de la part de Paul Imbert',
pilote, et Guiton, tous deux esclaves à Marroc.
Ces lettres \ qui cstoient escrites pour esmouvoir à compassion
ledit sieur de Razilly (k le requérir de vouloir moyenner la déli-
vrance des François esclaves à ^larroc, firent cognoistre clairement
que les afl'aires estoient esloignées de tout accommodement, & que
les voyes de la douceur ne serviroient de rien pour rangera la rai-
son ces Mahometans ennemis de toute honncstetc. Car elles con-
tenoient en somme que le Roy ne pensoit rien moins qu'à donner
la liberté aux esclaves françois, veu memses qu'il les faisoit garder
plus estroilement que de coustume «S; traiter avec plus de cruauté
que jamais, & particulièrement ledit Guiton, qu'on importunoit
tous les jours de renoncer au christianisme. Que neantmoins, pour
avoir quelque spécieux prétexte afin de les retenir, on faisoit courir
le bruit que le roy de Marroc se servoit de ces François comme de
ses domestiques, & qu'à cest effet il leur avoit donné quelque
charge ou maistiise dans sa maison ; ce que toutesfois estoit plein
de mensonge & de fausseté. Que toutes ces procédures n'estoient
que des inventions & des ruses, desquelles les Barbares se ser-
voient malicieusement pour n'aigrir pas entièrement le courage des
François & les détourner de faire tout le mal qu'ils pourroient
bien procurer aux Mores, tant dans leur pays propre que hors
d'iceluY. Que les principaux ministres et officiers du royaume
n'avoient veine qui tendist à la paix, & que pour ceste considéra-
tion (quand bien il n'y en auroit point d'autres plus fortes) on ne
se dcssaisiroit jamais des esclaves que par force, sur la croiance
qu on avoit que les François n'y voudroient point aussi entendre
1. Monsieur Chariot, faute d'impression de longues années, V. supra, p. i68 et no-
pour : monsieur Du Chalard. les i et 2 ; infra, p. 708.
2. Hea. la province de Halia au sud do 4. Ceslettressontàrapprochtrdecelleque
Mogador. les captifs adressèrent de SaG à Louis XIII le
3. Sur ce caplif rjui séjourna au Maroc 3onov. iGSo. V. m/;a. Doc. XLM, p. 355.
RELATION DITE DE JEAN ARMAND MUSTAPHA 325
qu'à condition seulement que lesdicls esclaves seroient délivrés &
rendus. Que la crainte ncanlmoins les obligeoit à dissimuler accor-
tement leurs pensées, faisans semblant de vouloir condescendre à
quelque traiclé. Mais que c'estoit à dessein de traisner les aflaires
en longueur, afin que le mauvais temps venant à surprendre les
François en ces costes de Barbarie, ils se trouvassent exposés à un
évident danger de se perdre «k tomber es mains de leurs ennemis.
Le niesme jour' que ces lettres furent mises entre les mains de
monsieur de Razilly, nos gens prindrent un vaisseau appartenant à
un marcliand juif, du portde deux cens tonneaux ou environ, chargé
de plusieurs denrées qu'on trouva estre à plusieurs Juifs associés".
Le vendredy onziesme d'octobre, le mauvais temps & vent d'aval
survenant, la Hotte fust contrainte de mettre à la voile pour
s'eslever à la mer, & ayant longuement essayé de s'esloigner de la
coste, fut contrainte de mouiller l'ancre pour se pouvoir garantir
d'un cap, où le vent & le courant de la marée l'avoient fait presque
heurter. Ainsi les vaisseaux endurèrent le hazard du temps sur leurs
amarres en très-grand danger de faire naufrage'.
Ce mesmejour. ilavoit esté résolu de gagner la route de France,
tant pour estie les affaires hors d'espérance de s'accommodei-,
comme aussi pour le péril qu'il y avoit de se tenir à la rade. Mais
les Juifs, désireux de recouvrer le vaisseau qu'ils a voient perdu,
risquèrent quelques-uns de leur cabale sur un petit bateau, lesquels
asseurerent effrontément que le roy de Marroc avoit fait partir tous
les esclaves dès le 9. du mois courant, & qu'infailliblement, sur leur
testes, ils arriveroient dans AzalTy ce mesmejour (qui, comme nous
avons dit, estoit l'onziesme) ou le lendemain matin au plus tard.
Voila pourquoy. le i -i. du mois, le sieur commandeur de Razilly
mit derechef à la voile, voyant continuer le mauvais temps, afin
de se retirer du péril où estoient les vaisseaux ; &, allant d'un bord
sur l'autre, mouilla l'ancre fort au large, résolu d attendre encoie
I . Le mcsme jour, c'cst-à-dirc le 3 oc- appartenait au.\ l'allaclie. Sur les coiisij-
lobrc. quences de cette capture, V. infra, liilro-
3. Ce vaisseau iHait hollandais ou tout au duclion critique, p. 3qi.
moins naviguait sous pavillon hollandais 3. On sait que, lorsque la saison d'au-
(V. p. 342 et/" .Série, .\ngleterrc, Âvisdc tomnc arrivait, les vaisseaux ne pouvaient.
Paris, lômai 1031); maissa cargaison.com- sans courir les plus grands dangers, tenir
posée en parlic de contrebande (V. p. 342), sur la côte inhospitalière du -Maroc.
326 .lUIX-NOVEMBRE T 63o
le succès des nouvelles qu'on luy avoit apportées. Mais, nen voyant
point les efTeis, ny la moindre apparence de pouvoir rien conclure de
ce qu il desiroil avec le roy de Marroc (l'esprit duquel estoit préoc-
cupé de pensées bien différentes) , il se disposa tout-à- fait pour s'en re-
tourner en France. Neantmoins, avant que ce faire, il voulut escrire
tant au gouverneur d'Azaffy qu'aux esclaves détenus à Marroc,
Par les lettres escrites au Gouverneur, il se plaignoit du peu de
fruit qu'il retiroit de son long & pénible voyage, & du peu de satis-
faction qu'il remportoit d'un séjour de deux mois employés à la
rade d'Azaffy, sous espérance de conclurre une paix honorable au
roy de Marroc & avantageuse à tous ses subjels. Il luy remonstroit
en oulre que l'alliance & confédération des roys de France ayant
esté tousjours recherchée par les plus grands princes de la terre, il
ne pouvoit s'estonner assés du sujet qui avoit meu le roy de Mar-
roc d'en tenir si peu de compte; qu'il ne pouvoit toutesfois se per-
suader que ledit roy son maistre s oublias! jusqu'à ce point que de
mespriser les sincères intentions de Sa Majesté Très-Chrestienne,
ou qu il eust à desdain son amitié, de laquelle tant d'autres po-
tentats se sentoient favorisés &; protégés, avec non moins de con-
tentement que de profit pour leurs peuples ; qu il croioit plustost
que les oreilles du Roy auroienl esté prévenues par quelque autre
mauvais conseil totalement contraire au bien de son Estât, lequel,
estant enfin recognu, luy laisseroit en l'âme le regret d'avoir perdu
une si belle occasion, qui meritoit mieux d'estre embrassée que
négligée. Sur la fin de la lettre, il remercioit le Gouverneur sus-
dict de la peine qu'il avoit prise cy-devant pour faire réussir ceste
negotiation, le priant au reste de luy continuer l'affection qu'il
avoit tesmoignée jusqu'à présent, soit en procurant que les esclaves
fussent traités avec plus de douceur & courtoisie, soit en donnant
advis au Roy son maistre de tout ce qui sestoit passé en la con-
duite de ceste affaire ' .
A ceste lettre le sieur de Razilly voulut (poui'la rendre plus agréable
I. CpUelcUrcde. Razilh. dontlecontcmi Clirvalier, on restant deux mois en rarl(^ de
dut être transmis par le gouverneur de SaG Safi. Ce fut donc par duplicité qu'il prit le
à Moulay Abd el-Malck, établit que le Ché- change dans la lettre qu'il adressa à Louis
rif était parfaitement au courant de la très XIII le i novembre i63o. V. infra. Doc.
grande patience dont avait fait preuve le XLV'"*, pp. 352-354-
RELVTION" DITE DE .IKAN AintWn "MISTAPH^ .327
& persuadante) joindre un présent de douze pièces fines de luile
de Cambray, que le Gouverneur récent volontiers, sans faire pour-
tant autre responce que verbale, ayant donné cliarge à un de ses
domestiques de remercier en son nom ledit sieur chevalier de
Ra/illy 6: lasseurer de ses parts quil avoit beaucoup de regret de
ne l'avoir peu servir plus utilement, & qu'en toutes occasions il
seroit bien aise de luy pouvoir rendre quelque tesmoignage de sa
bonne volonté ; enfin qu'il auroit souvenance de ce qu'il luy
recommandoit par escrit & tacheroit de faire entendre fidèlement
au Roy les particularités & circonstances de ceste negotiation,
incontinent que ledit roy son maistre auroit quitté le soin de ses
nopces pour reprendre le train de la police & administration des
affaires du royaume, lesquelles il semljloit avoir mis tout à lait en
oubli pour donner toute l'attention de son esprit aux dances, fes-
tins & resjouissances qui ont accoustumé de suivre les solennités
d'un royal mariage'.
La lettre escrite aux esclaves conlenoit le motif du partement
des vaisseaux françois des cosles d'Affrique pour s'en retourner
en France, avec le desplaisir extrême que tesmoignoit avoir ledit
sieur de Razilly, ne pouvant ceste fois remettre en lil)erté les
esclaves susdicls: qu'il avoit désiré ceste délivrance avec une très-
grande passion, 6[ que cesie seule considération l'avoit retenu à la
rade d'Azaffy près de deux mois', non sans beaucoup de dangers,
& contre toutes les raisons & expériences de la marine. Et, puisque
le mauvais temps le conlraignoit de desloger sans avoir l'accom-
plissement de ses souhaits, il les exhortoità la patience ik à la cons-
tance: à la patience, afin de souffrir, sans murmurer contre les
décrets du Ciel, les incommodités de leuresclavage ; à la constance,
afin (pie. par le moven de ceste vertu, ils demeurassent fermes &
résolus en la religion catholique, sans que la crainte des tourments
ou la douceur des promesses esbranlassent aucunement leur foy &
leur fissent faire banqueroute à leur croyance. Il les exhortoit en
outre de mettre leui' [)rincipale confiance en Dieu & de chercher
I. Sur 11' mariage de Moulay .\bcl cl- l)or. I,. jip, .'i8'^-388.
Malckavcc iino fillo de la tribu de*; ChebAna a. Kxactetneiit, tlopuis lo .3i aoi'it. flalf de
et sur les orgies et les cruautés auxquelles l'arrivée de lla^illy devant SalUV. ci-dessus.
leCliérir se livra à celle occasion, V. infra, p. 3 iG), jusqu'au i i ocl.. date de son départ.
SaS .iLiN->ovEMBnE i63n
le remède de leurs afflictions dans 1 assiduité des prières, où ils pour-
roient trouver beaucoup de consolation pour y destremper le fiel
de leurs amertumes. Pour toute conclusion, il leur donnoit des
asseurances de son brief retour & leur promettoit de moyenner
de gré ou par force leur délivrance.
Cecy estant fait, et le parlement des vaisseaux ne pouvant estre
différé davantage, le sieur de Razilly assembla le Conseil, où d'un
commun consentement fust délibéré de quitter les costes d'Affrique,
un plus long séjour ne pouvant estre de là en avant que trop bazar-
deux & préjudiciable. La resolution estant prise, on trouva bon de
la rédiger par escrit, ce qui fust fait de la sorte :
Procès-vehbal de la delibehatiox a bord de « LA Licorne »
Rade do Safi, 12 octobre i63o.
Ccjourd'liuy 12. jour du mois d'octobre i63o, le cbevalier de
Razilly, premier capitaine de ladmirauté de France, chef d'escadre
&c., en présence des Révérends Pères capucins à ce appelles, a fait
assembler le conseil de marine, afin d'adviser conjoinctement avec
monsieur Du Challard, vice-admiral de la ilolte susdicte, ensemble
les officiers d'icelle, à ce qui seroit nécessaire pour le service du
Roy ou accomplissement des ordres prescrits par monseigneur le
cardinal de Richelieu. Où il a esté représenté qu'il y avoit jà long
temps que la (lotte susdicte estoit arrivée es costes d'Affrique &
rade de la ville d'Azaffy, d où il avoit esté escrit plusieurs fois au
roy de Marroc, auquel mesme avoit esté envoyée la depesche de Sa
Majesté Très-Chres tienne, sans toutesfols avoir receu responce
depuis deux mois & demy ' en ça qui s'estoient inutilement escoulés.
Pour ces considérations susdicles ik pour ce que d ailleurs les exces-
sives tourmentes (causées par les vents qui maistrisent ordinaire-
ment ces costes dès le commencement d'octobre & feste de sainct
François) rendent la demeure que les vaisseaux y font pleine de
danger & de bazard, il a esté résolu d'un commun accord audit
I. Il y avait en réalité deux mois à Pallot une lettre pour le Cliérif et une
peine (i5 aoùt-iî octobre) que IJazilly pour le gouverneur de ce port. \. supra,
avait fait porter à Safi par le capitaine pp. 3io-3i3.
RELATION" DITE DE JEAN AHMXNT) AH'STAPHA •^9.Çf
consfil que, le vont d'avalsiirvciianl. les \ aisseaux levoronl lesancres
pour seslever à la mer. »k, faisant la route à la traverse de France,
tacheront de gagner en toute seureté leur rendés-Aous, qui sera à
La Rochelle ou à Brouage.
Fait à la rade d "AzalTy le jour >S: an que dessus.
Signés : le chevalier de Razilly & Du Challard.
Et le mesme jour desdits mois & an, le \-ent d'aA'al estant sur-
venu, avons (suivant l'advis & resolution ey-dessus mentionnée)
mis les voiles au vent pour faire nostrc route en France & afin
d'éviter la [lerte des vaisseaux. Lesquelles choses nous avons jugé à
propos pour le service du Roy & accomplissement des ordres de
mondit seigneur le Cardinal &c.
Nos vaisseaux donc, ayanslevé lesancres le i a. du mois d'octobre,
furent accompagnés d'un vent si favorable que le dernier jour d'oc-
tobre monsieur de Razilly se trouva à la veue de Belle-Isle, située
es costes de la Bretagne, à six lieues du rivage, & esloignée de
Ilennebont ik de Kimperlé environ dix lieues.
Sur le soir du mesme jour survint une tempeste qui dura bien
/l8 heures, après lesquelles, la mer s'cstant rappaisée, nos gens
recogneurent pleinement l'isle susdicte, près de laquelle ils décou-
vrirent une patacbc de S. Sebastien armée en guerre, qui donnoit
la chasse à (|uelques navires marcliands, lesquels par bonheur se
sauvèrent sons le pavillon de Sa Majesté.
Ledit sieurde Razillv, après s'estre un peu rafraichy à Belle-Isle,
eu pailit le >.■'). (le no\ ('iid)r('. \ le mesme )()nrallii mouiller l'ancre
en la rade de l'isle de Ré, d oii il deslogea h^ 20. du mesme mois
pour gaigner lirouage, suyvanl le commandemeul qu'il eu avoit
de Sa Majesté & l'ordre; receu de monseigneur le Cardinal, afin de
rendre lidellemeiit compte de sa navigation, en laquelle il avoit
employé cinc| mois, sçavoir despuis h- ao. de juui [usepiau :>.h.
de nnvemhi'c.
Voila succinctement, Amy Lecteui'. le récit véritable de ce
voyage, suyvaut le meninii-e de monsieur de Razilly cpii m'a esté
,Srio .ujiN-NovKMBRr: i 6.S0
mis en main, liien que non pas avec l'ordre que je luv ay donné
pour ta satisfaction particulière. Je t'asseure que la nature des
choses, la vérité des occurrences, ny les circonstances des traictés
qui s'en sont ensuyvis n'ont receu par mon moyen aucune
sorte d'altération. Les paroles seules y ont acquis tant soit peu de
changement, m'estant elTorcé de te les présenter avec autant de
politesse que mon esprit et le subjet l'ont peu permettre. J'ay
retranché de cette narration beaucoup de missives, afin qu'au lieu
d'un voyage, tu n'eusses point occasion de prendre ce livre pour
un recueil de lettres. Tu ne le doibs estimer pourtant moins
entier, pour ce que, si j'ai osté aux lettres leur- forme, je ne
t'ay pas au moins desrobé leur matière. En un mot, tu y rencon-
treras la mesme cstolTe sans fard ^; sans déguisement, n'y ayant
que la phrase & la liaison de la pièce ijui soient un peu diffé-
rentes de l'original. A quoy je n'eusse nullement touché, si je
n eusse creu en mesme temps le faiic plaisir tS: contenter la curiosité,
passant la lime par dessus un ouvrage qui. pour avoir esté conceu
au milieu des flots (s'il faut ainsi parler) pour servir seulement de
journal, n'avoit peu atteindre la perfection requise, celuy sous la
sage conduite duquel ce voyage a esté entrepris s'estaul voulu
monstrer plus soigneux de bien faire que de parler avec élégance'.
Or, d'autant que les autres voyages donnés au public par les au-
theurs d'iceux, outre les exploits et avantures des entrepreneurs,
comprenant encore les descriptions des lieux, tant en gênerai qu'en
particulier, les plus remarquables singularités qu'on y découvre,
les façons de faire des habitans »S: leur religion, les commodités
& incommodités du pays, et que neantmoins il n'y a rien de sem-
blable en celui-cy, j'ay pensé qu'en siqîpleant à ce défaut par mon
propre labeur, je pourrois obliger les esprits curieux qu'un louable
desirdesçavoirce qu'il y a de beau & de remarquable hors de leur pa-
trie incite à mettre quelque heure de loysir en la lecture des livres.
Geste raison seule ma donné la volonté de joindre à la [)recedenlc
narration un traicté sommaire »S; raccourcv des roiaumes de Fez iN;
I. Celti' phnisr inili(|iic cl.iircmoiit que telle qu'elle fut publiée, a du moins été com-
la licliUlou. si elle n'a pas été rédigée parle posée avec son journal et ses documents,
elievalier de Itaïillj- « au milieu des llots)). Cf. supra, p. 3o^, note i.
RELATION niTE DE JEAN ARMAND MUSTAPHA
33 1
de Marroc (principales portions de 1 Afrique) le plus méthodique-
ment qu'il me sera possible ; espérant qu'il ne fournira pas peu de
lumière, tant pour l'intelligence de ce voyage dernier que les Fran-
çois y ont fait, comme de ceux qu'on prétend y faire à l'advenir.
Ceux qui sont sçavans en la géographie, s'ils n y peuvent rien ap-
prendre de nouveau, à tout le moins y trouveront-ils de quoy for-
tifier iS: affermir leur mémoire, on relisant les noms des lieux des-
quels ils ont dcsja cognoissance ; À: les autres y rencontreront par
avanture quelque remarque pour leur instruction ou pour leur
contentement.
Geste pièce doit quelque chose aux observations d'Armand Mus-
tapha, Turc de nation, cpii pour avoir veu & hanté longtemps parmy
les Mores, ik pour estre encore plein de vie, faisant profession
de la religion catholique ik enseignant dans ceste ville de Paris les
langues estrangeres, peut, comme tesmoing oculaire, rendre raison
d'une partie de ce qui s'y trouvera couché par esci'it. Je ne nieray
pas toutesfois que les liArcs ».V les autheurs, tant anciens que mo-
dernes, n'aienl contribué d'a\antage à ce mesme dessein, ainsi que
tout homme d'entendement pourra voir, s'il veut prendre la peine
de jetter les yeux sur ce petit ouvrage \ le lire avec attention. Ve-
nons donc maintenant au point, ik. sans nous amuser à faire de
longues préfaces, commençons de traiter ce que nous avons entre-
pris.
Quittant La MaiTiore (après avoir fait quatre lieues de chemin le
long de la cosie), on rencontre la ville de iSalé', retenant encore le
nom ancien Sala, que Ptolemée & Pline luy donnent. Elle est à
I. Il n<^ somblepas (|ii'.\rman(l Mustapha I'. Dax, llisl. de Barbarie ettlcses corsaires,
ait connu (lu .Maroc autre chose que la ville pp. I'j8-i8i de l'cd. princeps. Il a paru
(le Sal('' ; c'est p(jurquoi on a jug('' itnilile de inutile de donner des extraits de ce dernier
reproduire la description g(jographiquc des ouvrage rpii, pour le Maroc, n'est pas une
autres parties du Maroc que l'ouvrage donne source originale.
d'après les auteurs du temps. Cette descrip- 2. Salé-lc- Vieil. La distance r(^elle(le l'jl-
tion de Salé se retrouve en partie dans \i- Mamora à Sali!-le-\ieil est de v.7 kilomètres.
332 JUIN-NOVEMBRK t63o
l'emboucheure du fleuve Buragrag (nommé dans le mesme Ptole-
mée Sala), ayant à l'opposite, de l'autre costé de la rivière, la cité
de Rabat, de laquelle elle peut estre esloignée d'un quart de lieue.
Il Y a encore en ce mesme endroit sur la rivière de Buragrag (que
Mercator appelle Rabata) une autre ville nommée Sela ou Sella ',
mais elle est loin de la mer environ demie lieue.
Quant à la ville de Salé, de laquelle il a esté fait mention cy-des-
sus, il faut quelle soit fort ancienne, puisque Ptolemée & Pline
parlent d'icelle. jNeantmoins. ayant esté ruinée par l'injure du
temps ».V; longueur des années, Abdelrezzac ', fils d Abdala, roy de
Fez et Marroc, la fist rebastir et y apporta la meilleure partie de ses
trésors, suivant la maxime des Mahomctans, qui font magazin d'or
& d'argent en ce monde, croyans qu'il doive leur servir en l'autre.
Maintenant \ ceste ville ne recognoist les roys de Marroc que par
forme d'acquit, depuis que les Andalous ou Mores de Grenade,
chassés il n'y a pas trop longtemps d'Espagne' s'en sont rendus
maistres. Le roy Abdelrezzac leur avoit permis de s'y habituer,
mais eux ingrats, après tant de bien receu, se sont soustraits peu à
peu de l'obéissance qu ils dévoient à leur prince légitime, & au mi-
lieu de la monarchie ont jette les fondements d'une petite republi-
que". Pour cest effet ils ont establi leur Divan, qui est comme la
maison de ville destinée pour tenir le conseil & faire les assemblées
toutes et quantes fois que l'occasion le requiert. Les chefs de ce con-
seil sont les personnes les plus qualifiées de la ville, c'est à sçavoir
I. Sella, ChcUa. Celle ville appelée par qu'il soil possible, en l'absence de toute
Marmol Mcnçala est la plus ancienne des date, de rétablir quel est le souverain du
cités fondées à l'embouchure de l'oued Bou Maroc qu'il appelle Abdelrezzac. Il scmbli'
Hegrag ; elle fut abandonnée en Ii54, au d'après les faits rapportés qu'il s'agisse de
temps de la dynastie des Edricidcs, pour Moulay Abd el-.\lakk bon Zidàn. Cf. D.vn,
l'omplucement de Salé. Chella retrouva un éd. 1687, p. 17.5.
moment de prospérité sous la dynastie des 3. L'auteurcorameticiuneerreurdanssa
Boni Ml rin qui la choisiront comme le lieu description : tout ce qui suit se rapporte non
de leur sépulture. Cf. Godard, p. /i5 ; à Salé-le-\ ieil mais à Salé-le-Neuf (Rbat).
Castellasos, Hist. de Marruecos, p. log ; V. supra, Inlrod. crit., p. 193, note !i.
BuDGETT -Meakin, Thc Lonil of Ihe Moors. !i. L'auteur fait allusion à la dernière
pp. 176-177 ; Marmol t. II, f. 77 ; Abd el- expulsion des Moriscos qui avait eu lieu en
Halim, Roudh el-Kartas. 1610.
1. I.cs connaissances historiques d'.\r- 5. Sur l'origine de la République de
m;nid Mustapha sont trop peu précises pour Salé, \ . Introduction critique, p. 187.
RELATION DITE DE JEAN ARMAND MUSTAPHA
333
le Marabout, qui esl le chef de leur loy, le Moula, qui est comme
son vicaire. l'Admirai de la ville, le Gouverneur du fort, cl le
Clieik, qui est comme le prestre de leur loy. Sans ceux-là il ne
se peut conduire ou expédier la moindre alfaire qui se présente.
Ces rebelles de Salé, craignans un jour d'eslre chastiés par leur
prince, ont fait fortifier la ville de telle sorte qu'il sera bien mal-
aise d'ores-en-avant au roy de Marroc de la remettre sous son obéis-
sance. Le havre d'icelle a esté d'autres fois comme une esclicUe de
marchands anglois, flamands, hollandois & autres. Depuis que
les navires sont dans ledit havre, ils demeurent sur le fer ' en loulc
asseurance : mais l'entrée d'iceluy. estant tout parsemé de sable
1^; de quantité de petits escueils, elle ne peut estre que fort mal-
aisée. Aussi l'orage y est parfois si grand que les vaisseaux sont
contraints huict, voire quinze jouis, avant (juc pou^oir rencontrer
la commodité du passage.
Il y a une forte tour pour défendre lentrée du havre, nommée
Felcacre, que les Andalous ont fait bastir, 6c l'ont garnie de bonnes
pièces de fonte qu'ils ont eues des Hollandois.
La forteresse oii demeure l'alcaïde (c'est-à-dire le gouverneur)
est aussi très-bien pourveue. C estoit au temps passé le serrail, oîi
les rois de Marroc tenoient huict cens concubines, sous la garde des
eunuques, nommés en leur langue abd khassi^
Ija chapelle où le marabout fait sa résidence est à un demy quart
de lieue de la ville, sur le bord de la mer. Ce marabout jouist du
territoire qui est tout à 1 entour. du revenu duquel il s'entretient
avec quinze ou seize religieux, qui ordinairement luy tiennent
compagnie.
Joignant la cha])elle dudil marabout, se void un bastion nommé
Haytan, gardé par quelques soldats «S: muiiy de quelques pièces
d'artillerie.
Non loing de ces lieux, on trouve un beau parc entouré de mu-
railles qui occupent trois lieues de circuit. Abdelrezzac avoit eu
dessein d'en faire un païadis terrestre pour y finir le reste de ses
1. Sur le fer, c'est-à-dire: sur leurs an- Iré. — Les eunuques sont rares dans les se
crcs. V, Jal, Glossaire nautique. rails chériCcns dont le service et la garde
- - sont presque toujours assurés par des fcm-
2. Abd kUssi ^o^ J.C. Esclave cl.i- „^^ y ,„y^„ ^ ^^^^ „^^^ ^
33'| JUIN-NOVEMBUE 1 63o
jours en lepos ik tranquillité : mais aiant esté adverti que la sultane
Hayque avoit esté veue se jouant avec trop de privauté à un eunu-
que, il en conceut un tel dépit qu'il commanda sur l'heure qu'on
discontinuas! le travail commencé, au lieu duquel il se misl en
teste de l'aire bastir une superbe mosquée dans Marroc. Ce qu'il
exécuta peu après.
On peut encore voir dans ladicte ville de Salé les ruines d'un
très-beau palais, qu'on croit avoir esté le lieu de la sepullui'c des
rois de Marroc & des princes de leur sang. C'a esté sans doute un
somptueux bastiment, comme on le peut juger par les colomnes de
marbre qu'on en lire tous les jours.
De 1 autre costé de la ville y a un Ajrl chasteau qui la commande,
nommé Caretane', & une lour appelée Ladallan^. Au pied d'icelle
habitent des Arabes, en un lien dit Raval ou Rabat''. Ces Arabes
sont ordinairement en mauvaise intelligence avec leurs voisins,
pource qu'estant fidèles à leur roy, ils refusent de prester obéis-
sance aux rebelles de Salé. A la vérité l'empereur de Marroc qui
règne à présent a fait ses efforts pour recouvrer Salé, mais les
armées qu ila envoyées pour cestefPect n'ont pas beaucoup avancé ;
de sorte que, voiant la force inutile, il s'est voulu servir des Ai'a-
bes de Rabat, lesquels par finesse cuiderent surprendre la ville ces
années passées. Car, tandisque les Grenadins esloient occupés
dans les mosquées à célébrer leur Kayran ' en mémoire du sacrifice
d' Abraham, les Arabes, prenans l'occasion au poil, entrèrent en
troupe dans Salé, cuidans facilement s'en rendre les maistres. Or il
faut remai quer que ny les femmes ny ceux qui ont quelque ulcère
sur leui- corps n'assistent point à ces solennités & ne vont point
au monsalla" (qui est le lieu destiné pour les prières). Les femmes
n'y vont point, pour ne servir aux hommes d'un subjet de tenta-
1. Carelane. Mot défiguré parunetrans- 4- Kayran ; il faut restituer : Beiram, la
criplion défectueuse et qu'il est difficile de Pàque musulmane.
restituer. :: ' >
2. Ladaltan. Probablement: El Hassan, 3. Monsalla. mosalla J.^ , enclos gé-
3. Les Espagnols désignaient souvent la néralement en dehors de la ville, dans le-
ville de Rbat parles noms de: flouai, £rrauaZ. quel la prière se fait en plein air, aux
De là une tendance 5 regarder Rbat comme jours de grandes solennités où la mosquée
un faubourg (en espagnol ; Arrabal) de Salé. serait insuffisante pour contenir les fi-
I.p ['. Dan reproduit cette erreur. V. Da.n. dèles.
RELATION DITE DE JEAN ARMAND MUSTAPHA
33-
tion <5c n'empesclicr Icffct de leurs prières : d autant (|iu' c'est une
maxime parmy ceux de ccste nation que. si à un tel jour un liomme
avoit regardé le visage de quelle femme que ce fust au temps de
l'oraison, il screndroitàlinstant criminel & indigne d'estre exaucé
en ses demandes. Quant aux autres, ils croient que la saleté »&les
immondicités de leurs corps apporteroient quelque pollution aux
lieux sacrés. Voila pourquoy ils aiment mieux se tenir cliés eux,
pour ne point profaner par leur présence ce qu'ils estiment plein
de saincteté.
Les Arabes doncques de Habat estans deuement informés de
toutes ces façons de faire (à l'iieure que ceux de Salé cstoient dans
le monsalla comme nous avons dit) se mirent en debvoir d'entrer
dans les maisons des babitans, jugeans probablement que, n'y ayant
alors que des femmes seules, ils n'y trouveroient pas grande ré-
sistance. >S: que. sans beaucoup de peine, ils se pourroient saisir
des armes tant oircnsives que défensives, & tenir bon là dedans
jusques à l'arrivée du secours tpie le roy de Marroc leur dt'voit
envoyer. Toutesfois, ceste entreprise réussit mal. Car. soit qu'on se
doutast de quelque traliison. ou bien que ce fust la coustuinc en
telles occasions, on avoit fermé les maisons. De façon que, pour
y entrer et exécuter leur dessein, les Arabes furent contraints d'user
de violence en enfonçant les portes. Le bruit qu'ils faisoient obli-
gea les femmes à prendre les armes pour la defence de leurs vies
et de leurs biens. Et, cependant qu'elles faisoient courageusement
résistance, un Grenadin, qu'une fistule lacbrimale ' dont il estoit
incommodé en 1 une de ses jambes avoit retenu dans son logis,
cust soupçon de ce qui estoit arrivé. Voila pourquoy, mettant la
teste à la fenestre. il se mit à crier par trois fois : Alla lieber". &
autres paroles accoustumées en semblables accidens, lesquelles ont
parmy les Mores autant d'efficace que le son des cloclies ou le toc-
sin parmy les Cbrestiens. Ces paroles (recueillies par les voisins
de celuy qui les profera le premier) ayans couru de main en main,
arrivèrent jusques aux oreilles de ceux qui estoient occupés à la de-
I. Il semble difficile d'admettre que Jean cette grossière erreur.
.\rmand Mustapha qualifié « chirurgien de ^
Mfc-r le comte de Soisson,» ait pu commettre ''■ •'*"" ^''^"' P»'"" '■ ■^""'' "l^''"'' Jp ' ■Ul
336 .lUIN-NOVEMBRE l63()
volioii, laquelle lut interrompue pour ce coup, les Grenadins sor-
tant vistcment du monsalla, affin de pourvoir au desordre & à las-
seurance de leur république. Ce qu'ils firent avec tant de diligence
ik de promptitude qu'en moins de rien tout ce tumulte Tust ap-
paisé & les ennemis repoussés avec perle & dommage. Depuis ce
temps, les Arabes de Rabat n'ont point l'entrée libre dans Salé,
d'où vient la grande inimitié qui est entre ces deux villes voisines,
lesquelles ne s'espai'gnent nullement, toutes et quantes fois que
l'une peut avoir quelque avantage sur l'autre.
Pour conclusion, ceste ville de Salé est bastie en un lieu fort
commode pour le tralïic, de sorte que d'autres fois elle a servy
d'esclielle aux marcbands genevois, vénitiens, anglois, llamands,
qui abordoient tous les ans audit lieu. Le terroir de ceste ville
est fort sablonneux, mais remply de beaux jardinages & peuplé
d'arbres portans quantité de collon '. duquel on fait des toiles bien
déliées.
BiblioUiècjue Nationale. — Imprimés, 0'/ . — Voyages dAfricque... où
sont contenues les navigations des Français entreprises en 1629 & 1630...
Paris. Uy.}-2\
1. Ce détail inexact est emprunté à Mar- pays. Le tout illustré de curieuses obserenlions
MOL. Cf. Lit). l\ , cap. XIV. par Jean .Armand, Turc de nation, Cliirur-
2. Le litre complet de l'ouvrage est : yien de Monseigneur le Comte de Soissons. —
Voyages d'Afrique faicts par le commande- A Paris, che: Nicolas Traboulliet, au Palais,
ment du Roy, où sont contenues les navigations en la galerie des Libraires. M. D C. XXXI.
des François entreprises en 162g et i63o Avec privilège du Roy. — Le privilège est
soubz la conduite de monsieur le commandeur daté du 5 septembre i63i. — On trouve
de Razillyes castes occidentales des royaumes d'autres exemplaires portant les millésimes
de Fez <f- de Marroc, le traicté de paix faict de lôSa et de i633. Ils sont identiques aux
avec les habitons de Salé ^ la délivrance de premiers; il n'y a que la date de changée,
plusieurs esclaves Jrançois. Ensemble la des- et la mention Chirurgien de Monseigneur le
criptioiidessusdits royaumes, villes, coustumes. Comte </e Soùsons est remplacée par: lequel
religion, mœurs ^- commodité: de ceux dadit a eu employ auxdits voyages.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC 33"]
XLIV
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCIINS AU MAROC
(juin-novembre i63o.)
Quatrième voyage de RaziHy au Maroc.
Le troisiesme voyage de Maroque en Afrique '.
i63o.
Le narré de cet embarquement \ dans lequel on remarque plu-
sieurs incidens qui en empêchèrent l'issue & la rendirent peu heu-
reuse, servent d'une conviction puissante à la foiblesse humaine &
à la vérité de ma proposition. Sitôt que monsieur le Commandeur
eut mouillé en Bretagne^, il partit pour se rendre à la Cour, afin de
iaire entendre au Roy & à son Conseil l'issue de son voyage. Là il
informa pleinement le R. P. Joseph du décès des RR. PP. Pierre
d'Alençon & Michel de Vezins. Cette nouvelle le toucha jusques au
vif, & luy tira des larmes très-ameres.
Et [il] résolut, puisque ces deux bons Pères avoient efectivement
sacrifié leur vie pour le service des captifs, de n'épargner aussi ses
soins & le peu de crédit qu il avoil pour les faire tirer d'esclavage.
1. Le troisième voyage du récit dti P. voyage de 1629.
François d'Angers, mais en n'alité le qua- 3. On se rappelle qu'à son retour, le
trifcme de ceux que fit Razilly au Maroc. ïo novembre 1629, le chevalier de Razilly
V. p. 100 et note 4- alla mouiller à Port-Louis. V. supra, pp.
2. De cet embarquement, c'est-à-dire du io'i, 255 et 272.
De CASTKits. IIL — 22
338 JUIX-NOVEMBHE 1 G3o
11 le persuada à M. le Cardinal, à qui sa charge donnoit toute la
conduite de la mer, de sorte qu'il en parla à Sa Majesté, & la
suplia de renvoyer monsieur le commandeur de Razilly au roy de
Maroque & aux rebelles de Salé, pour ramener les esclaves françois
& traiter de paix, veu qu'on ne pouvoit pas pour lors faire une
guerre ouverte, & par ce moyen empêcher qu ils ne continuassent
à prendre les François, & y établir le commerce. A quoy Sa
Majesté, touchée de sa pieté ordinaire, consentit volontiers, & fut
ordonné que monsieur le Commandeur monleroit le vaisseau dit
« la Licorne » & que le sieur Du Ciialard seroit son vice-admiral
sur « la Renommée » & le sieur Pâlot auroit une patache, ne
jugeant pas à propos d'armer davantage de vaisseaux, puisque la
force ne pouvoit mettre ces Barbares à la raison, joint qu'on avoit
besoin de vaisseaux en France, étant en guerre indirecte contre
l'Empereur, l'Espagne & la Savoye, à cause de M. le duc de
Mantoue', que le Roy protegeoit contre l'invasion de ses Etats,
commencée par Cazal.
Cette ilollc leva l'anchre à la rade S. Martin", le 28 juin \ & mit
sous voile pour aller droit à Salé. Il y avoit danger de ne rien faire
avec le roy de Maroque, si on eût traitté premier avec ceux de Salé :
sans doute il eût treuvé mauvais que l'on luy eût préféré ses sujets.
Ils y alloient droit, non pour commencer leur traité par Salé\ mais
pour la grande facilité qu'il y avoit de là à Saphy, qui est, comme
nous avons dit, le port de Maroque''.
Le 12. & i3. juillet, quelques vaisseaux marchands se joignirent
à eux vers le cap de Finisterre, qui fuyoient des corsaires, dont ils
étoient poursuivis.
Le 23. du môme mois, ils arivcrent à la rade de Salé, où d'abord
ils prirent un vaisseau chargé de sel que ces habitans pyrates
I. Louis XIII soutenait les droits de licutcnanl-géncral du roi d'Espagne dans le
Charles do Gonzague duc de Nevers, héntior Milanais, d'investir Casai (aS mai i63o).
du duché de Mantoue, à la mort du duc 2. S'-Martin de Ré.
Vincent II (1637), contre l'Empire, 3. \.suprn,p. 28g et note 2.
l'Espagne et la Savoie. Le siège de La !i. Dans une lettre au Chérif(V. p. 3ii),
Rochelle avait fait ajourner l'intervention Razilly s'excuse d'avoir, contrairement à ses
de la France, qui ne put empêcher le comte désirs, commencé par négocier avec Salé,
de CoUalto, général de l'armée impériale, de 5. Le porl de Maroque. c'est-à-dire: le
s'emparer de Mantoue (i03o) et Spinola, port de la ville de Merrakech.
HISTOIRE DE L.\ MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC SSl)
avoient volé. Ce qui empcclia presque l'efet de ce voyage, car ces
habitans mandèrent à M. le Commandeur qu'ils n'entendroient à
aucun traité que ce vaisseau ne leur eût été rendu, que la force ne
les obligeroit jamais à leur donner contentement, qu'étant venus
pour traiter d'alliance, on ne devoit pas commencer par la guerre.
A quoy monsieur l'Admirai répondit qu'ils étoienl dans ce blâme,
ayant commencé par la prise de plusieurs vaisseaux François ;
qu'ainsi ils n'avoient sujet d'ofTense & ne dévoient non plus refuser
un traité, sauf à convenir de ces prises en le faisant.
Cesdificullés continuèrent jusques au second d'aoust, & pendant
ce temps on leur arêta encor deux prises, l'une françoise, oii il ne
restoit sinon un peudemairin, l'autre espagnole, chargée de chaux.
Sur ces incidens, on tint conseil & on jugea que, n'étant venus
que pour la paix, selon 1 intention du Roy, il falloit chercher les
moyens pour y arriver. En efet, ce même jour, on treuva une voye
pour adoucir les choses «k préparer les esprits à un entier accom-
modement'. DuranI ces rencontres, le sieur Du Chalard fut à terre
demander le R. P. d'Athis. religieux de l'ordre de la Rédemption
des caplifs', qui n'avoit pu s'embarquer l'an passé, afin de s'instruire
de l'état des choses & de la volonté de ces messieurs sur les propo-
sitions qui avoient desja été avancées.
Enfin après plusieurs éclaircissemens, le second jour d'aoust. on
commença de se disposer pour entendre tout-à-fait au traité. Les
otages furent en\oyés des deux côtés pour la seureté de ceux qui
Iraiteroient ; monsieur Du Chalard alla au chasteau de Salé, où les
gouverneurs & ceux du conseil du Douvan étoient, s'assirent sur
des quarreaux de damas rouge, le pavé de la chambre couvert de
tapis. Il y avoit une petite table haute d'une coudée^, où le secré-
taire du Douvan écrivoit ce qui avoll été délibéré. Ce fut là qu'on
leur présenta la lettre de Sa Majesté Très-Chrestienne, qu'ils
receurent avec grand honneur.
Cette conférence fut conduite avec tant d'Iieur ^V de prudence,
que le -j/x. jour cK- Dulhache ' de mil \ trente-neuf ans, & desChres-
1. Sur l'intervoiition de John tl.irrisuii cet ordre ù l'aris. V. p. 873.
en ces circonstances, \. suiira, [>. 3oi), 3. Cettepetitclablebasse, trèseniisagoau
note I. Maroc, s'appelle : maïda.
2. Il était commandeur du couvent de /i. Dulliachr, pour Dou el-IIiddja.
34o JLIN-NUVEMBRE 1 63o
tiens le 3. aoust' i63o fut fait une suspension d'armes entre les
François & ceux du chasteau & forteresse de Salé, les Gouverneurs
& ceux du Conseil ou Douvan, avec défense de rien entreprendre
les uns contre les autres.
Le 4- lut acordé [que] pour le rachapt des esclaves françois qui
se treuveroienl audit lieu de Salé >k terre de sa jurisdiclion on
payeroit à leurs patrons l'argent qu'ils avoient coûté, avec quarante
pour cent de profit, en toille de Ilouen à prix raisonnable. Et les
François promirent aussi de relâcher seize prisonniers mores ou
turcs. De France, ils étoient cent cinquante ik un, sans en compter
vingt que le Père d'Athis avoit rachetés, & trois retirés par des
particuliers. On délivra aussi deux l'cligieux hibernois. Ce rachapt
se monta jusques à la somme de treize mil trois cens soixante
ducats. Ce commerce dura jusques au g. d'aoust.
Le i5. le sieur Pâlot fut envoyé à Saphy porter la lettre que
monsieur le Commandeur écrivoit au roy de Maroque, donnant
avis à Sa Majesté que dans peu de jours il seroit à ce port, afin
d'achever le traité qui fut commencé l'année précédente ; que pour
cet efet il la suplioit luy envoyer à Saphy un passeport pour les
François qu'il mettroit à terre afin de travaillera cette affaire.
Le 20. d'aoust. la pluspart des esclaves estoient rendus aux bords.
Quatre des principaux de Salé furent complimenter monsieur l'Ad-
mirai ; &; pour leur rendre cette visite, M. le Commandeur y en-
voya le R. P. Isidore de Baugé, capucin, & Frère Rodolphe, du
même Ordre, avec le R. P. d'Athis & son secrétaire^. Et le 22. ils
en retournèrent fort satisfaits des honneurs qu'ils y avoient receus,
avec une douzaine de peaux de vautour & autres raretés, desquel-
les on les avoit régalés.
Peu après ' deux des plus considérables bourgeois portèrent au
bord de monsieur l'Admirai les articles de la paix dressés suivant
les mémoires que leur avoit laissé monsieur Du Chalard, signés
de tous ces messieurs". Il y avoit plusieurs articles qui seroienttrop
1. Exactement le 2 août. clés de la paix » présentés par les députés
2. Ce secrétaire était vraisemblablement de Salé. V. supra. Doc. XXXVI, p. 28a.
Jean Armand Mustapha. \ . ci-dessus p. 3o4 , 4 ■ C'est le projet de traité rédigé en es-
note I . pagnol et publié ci-dessus. V. Doc. XXXVI,
3. Peu après, le 2^ août, date des >( arli- pp. 282-280.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPLCINS AU MAROC
3',
longs à rapporter, outre qu'ils seroient inutils ; c'est assés que la
trêve y étoit pour deux ans. A quoy monsieur l'Admirai i^ son
Conseil Ireuvaà redire qu'au lieu où il y uvoit : « Qu'aucun vaisseau
de Salé ne pourra prendre vaisseaux ennemis qui soient dans les
ports ou rades de France », au lieu de ces paroles dernières on vou-
lut les changer & mettre : « A dix lieues de terre de France. » Ceux
de Salé refusèrent ce changement. Sur ce refus, le traite fut rompu
iSc les otages renvoyés. Ces messieurs disoient que cétoit une loy
de ce royaume & qu'ils ne pouvoient & ne dévoient la transgresser.
Dieu, qui favorise toujours les bons desseins de ses lumières, fit
rencontrer un adoucissement à cet obstacle, afin de renouer ce
traité. Ce fut de signer les articles en la forme que ceux de Salé les
proposoient, mais pour un an seulement, & sous le bon plaisir du
roy de France; que, si Sa Majesté agreoit ce traité, la trêve seroit
continuée pour six ans. comme ils demandoient, sinon, l'an achevé,
les choses demeureroient aux termes qu'elles étoienl avant. Ce cpii
fut receu des deux parties & signé.
Par cet accord, messieurs de Salé consentoient que deux des
Percs capucins demeurassent en cette forteresse pendant la trêve,
pour assister les Chrestiens avec toute liberté, qui étoit le dessein
du U. P. Joseph, ik pretendoit y établir une mission. Il y avoil
espérance d'y profiter auprès des habilans, la pluspart desquels
étoient encor chrestiens en leur âme', au rapport des marchands
qui y avoient commerce & des esclaves qui de long temps y de-
meuroient. Néanmoins, cela ne se pouvant conclure que par lavis
commun, tant de l'Admirai, de son Conseil, que des quatre Pères
capucins, à qui il touchoit principalement, en ayant l'ordre, selon
les occurences raisonnables, il s'y treuva de la dificulté, tous les avis
ayant été ramassés. Ainsi tous ensemble résolurent de n'y pas de-
meurer, quoy que le sieur Pierre Mazet, que l'on y laissoit consul,
en fist de grandes instances, dont ils passèrent un acte à la rade de
Saphy, avant partir pour retourner, comme nous dirons, à ce qu'il
leur servît d'une décharge de cecpi'ils n'étoient demeurés ". La fiole
leva 1 anchre de cette rade pour la mouiller à celle de Saphy.
I. V. siiprti, p. 97 et note i. après le di'part de « la Renommée » qui
3. Voir cet acte, pp. ^(i2-3'i't. l\ (xd ri- avait mis à la voile le I2 octobre. V.
digé le i6 octobre, c'est-à-diru quatre jours siifira. p. 32g.
3!l2 JUIN-NOVEMBRE 1 63o
Arivés à ce port, il envoyèrent la lettre du roy de France à celuy
de Maroque par un exprès. De laquelle on ne récent de réponse,
non plus que de celles que monsieur le Commandeur luy avoit écri-
tes ; de sorte que, tout étonne, il ne sçavoit quel jugement faire
de ce silence. Il est vray que le sieur Du Monts' & les autres escla-
ves écrivoient assés souvent, donnant espérance de leur venue pro-
chaine à Sapliy, & les dernières asseurerent qu'ils étoient sur leur
parlement, que les commissaires du Roy avoient entre mains tou-
tes les dcpesclies »Si la lettre que Sa Majesté écrivoit pour réponse
au roy de France, qu il n'avoit plus de manque, sinon la boette
qui s'achevoit pour la mettre. En cette attente, on receut lettres
d un certain Polinbert " & d'autres esclaves, portant que le roi de
Maroque vouloit retenir vingt & trois esclaves que Sa Majesté asseu-
roit luy estre nécessaires, & que. faisant la paix avec luy, on ne le
pouvoit refuser, en les laissant libres avec leur paye.
Le 8. octobre \ il fut areslé un vaisseau flaman chargé de mar-
chandises pour des Juifs, entre lesquelles il en fut Ireuvé de con-
trebande, quantité d'acier, armes, mors de bride & autres, ik fut
amené en France pour le faire ajuger ; la valeur en étoit de cent
mil francs.
Tant de longueurs & de remises mirent la patience de monsieur
l'Admirai à l'épreuve & luy lirent perdre l'espérance de pouvoir
conclure aucun traité, ny même de rien faire avec ce prince, veu
qu'il n'en recevoit de nouvelles. & la saison commençoit d'estre
mauvaise à ces côtes ; il résolut de partir pour son retour. Les
Pères capucins, ayant sceu cette resolution, s'assemblèrent au bord
du vice-admiral monsieur Du Clialard, pour faire l'acte suivant:
Procès-verbal de la délibération des pp. capucins.
Raisons rjui s'opposent à ce fju'i/s restent au Maroc: il est contraire à leur
conscience de restreindre auxseuls Français l'exercice de leur ministère:
d'ailleurs il n'y a plus au Maroc, comme Français, cjue le consul et son
1. \. flans le Proces-verbal il'Aitdrc notes I et 3.
Chemin une lettre de ce personnage, p. 3. Le 3 octobre, d'après la relation pré-
520. céilcnte dite de Jean Armand. V. p. 3a5,
2. PoUnbcri, Paul Imbert. V. p. iliS, notes i et 2.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC .3^3
serviteur, et /es intentions du R. P. Joseph ne sont pas qu'ils restent
exposés aux (lanr/crs d'un séjour au Maroc pour servir d'aumôniers à
deux personnes. Une mission apostolique ne saurait accepter dépareilles
restrictions.
A boni de « lu Rfiiommée », i6 octobre i63o.
Ce jour d'hiiy iH. d'octobre i()3o, nous nous sommes assemblés
au navire de monsieur Du Ciialard, sur ce que nous avions à l'aire,
touchant le dessein pour lequel nous sommes venus au présent
embarquement, selon lobedience & les ordres du l\. P. .losepli, ofi,
ayant proposé à mondit sieur Du Chalard la résolution que nous
avions prise tous enseml)le, il y a buict jours, d'un commun con-
sentement, il nous a témoigné de parole qu'il eût bien désiré nostre
eslablissement en ce pays. Nous luy avons déclaré les inconveniens
qui nous en divertissoient, qui sont entre autres les suivans, fondés
sur l'article de paix qui porte que des religieux pourront venir en terre
avec le consul i'ranyois, à condition que nous ne traiterions, sinon
avec ceux de noslre nation'. Les inconvénients sont les suivans :
Premièrement & principalement, que nous ne pouvons y aller,
.sans nous obliger sous l'autorité de noslre bon roy. sous le seing
desdits Messieurs, i-V sous la i'oy publique, à une cbose que nous ne
pouvons avoir intention de garder, étant une chose contre nostre
conscience de refuser les très-saincts sacremens & autres consola-
tions spirituelles aux Chresticns qui nous les demanderont, comme
aux Espagnols qui y sont en grand nombre ;
Secondement, qu'il ne demeure à Maroque sinon le Consul avec
un serviteur, lV cjuainsi nous croyons que l'intention du H. P.
Joseph n'est pas c|ue nous nous abandonnions à une si grande ex-
troversion, dans un logis où tout le monde aborde, ^lour servir
d'aumôniers à deux personnes, sans espérance d'aucun autre bien,
joint que nos ordres portent de servir au besoin spirituel de tous
les Chresticns de toutes les nations, soit libres ou esclaves ;
I. (!rtio interdiction faite aux mission- probable ([u'olle aura été stipulée oralc-
naires d'exercer leur ministère auprès de meut, car, d'autre part, on la trouve ex-
Chréliens autres que les Français n'est pas primée dans la clause VIII du traité du
formulée explicitement dans le texte du i5 septembre i63i. V. infra, p. 4o(j,
traité (V. supra, p. agi). Mais il est note i.
3^4 JUIN-NOVEMBRE I 63o
Troisièmement, d'autant que nous jugeons cette restriction hon-
teuse à une mission apostolique ;
Et plusieurs autres raisons que nous dirons, lors que nous en se-
rons requis.
Or, afin qu'il paroisse de noslredite mission, nous avons treuvé
bon de la rédiger par écrit & la signer chacun en particulier de
nostre propre main.
Faict au navire « la Renommée », commandé par monsieur Du
Chalard, à la rade de Saphy', ce seizième d'octobre mil six cens
trente.
F. Isidore de Baugé, C. I.
F. Pacifique de Mazé, C. I.
F. Lazare deBlois, C. I.
En ce temps, ils mirent à la voile & partirent pour France, &
le dernier d'octobre, étant proche de Ré, un vent contraire repoussa
cette flotte jusques aux côtes d'Angleterre &i d'Irlande, avec grand
péril, & fut contrainte de tenir la mer trois semaines. Le vingt-
quatrième novembre, elle prit terre à la rade en Ré, au même
jour que je finis le narré de ce voyage, en vous faisant voir le mo-
dèle de l'obédience que le R. P. Joseph donna pour ces trois Pères
capucins & F. Rodolphe d'Angers, aussi capucin. Les noms n'y
sont pas, d'autant qu il 1 envoyoit au R. P. Provincial pour y mettre
ceux qu il jugeroit à propos, qui furent les susdits.
Obédience pour les PP. capucins envoyés au Maroc.
Le P. Joseph approuve l'envoi du P. N... au Maroc el confère à ce religieux
les mêmes pouvoirs que le Saint-Siège a accordés aux missionnaires
capucins en Orient.
[Paris, juin i63o].
Admodum vcnerandoin Christo Patri ordinis FratrumMino-
I. « La Renommée n ne se trouvait plus à Safi à cette date. V. p. SîQ.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC 3/i5
rum Capucinorum provinciae Turonensis. ego F. Joseph Parisien-
sis, praefectus authoritate apostolica missionum ejusdem ordinis
ad Marochium & alias Africoe partes, S. I. D.
Cum illustris coinmcndator Melittensis militaris S. Johannis D.
Razilius Gallus, ex mandate Chrlstianissimi Régis, proficiscens
Marochium ad ledimendos captivos, atque in diversa loca, propter
pias & légitimas causas, petieiit a nobis, quibus authoritate aposto-
lica cura superius exposita commissa est, ut accedente consensu
R. P. Provincialis, aliquem ex nostris idoneum cum socio, vel
sociis, prout exigentia lei requireret, in ejus comitatu remitterem,
ut illorum qui in navibus sub ejus gubernio constitutis existunt
utilitati spirituali, tum etiam populorum ad quos prcefatœ naves
accedunt, deservire queant; atque praesertim ut in civitate Maro-
chi, Sale, vicinisque locis Chiistianos illic commorantes juvare va-
leant ;
Nos. qui plurimiim de tua probitate, doctrina, animarum zelo
in Domino confulimus, juxta lacultatem hac in parle nobis con-
cessam a Sede Apostolica & a R. A. P. Generali ordinis nostri, ad
hoc munus dirigimus atque dcstinamus, teque ad illud itcr elec-
tum fuisse a R. P. Provinciali tuo approbamus & confirmamus,
teque insuper superiorem aliorum Patrum ordinis nostri, qui in
civitate Marochia, Sale, vicinisque locis morabuntur, consliluiinus,
atque illis ordinamus ut tibi pareant, tam pro regularis disciplinae
observantia custodienda, quam pro negotiorum bono regimine.
Tibi etiam amplum & omniniodum usum iinpertimur facultatum
nobis a Scde Apostolica concessarum pro missionariis nostris in
partibus Orientis, quas eadem Apostolica Sedes extendere dignata
est ad missiones nostras in regno Marochiœ, sive aliis Africœ locis,
quas facultates exerccbunt etiam sacerdotes ordinis nostri tecum
profecti aut profecturi, prout opportunum tibi vidcbitur. Et ad
quoscumque vcstrae na\ igalionis cursus vos diriget in Africae par-
tibus, eos exemple vita* aposlolicîc. ralhelicse fidei, salutari doc-
trina & pnedictarum facultatum bénéficie adjuvare curabitis, quos
etiam deprecamur ut vos omnibus cliaritatis oITlciis proscquantur.
Pro quorum majore fide, bas pnesenlcs litleras manu propria sub-
scriptas, ofTicii nostri sigillé firmavimus.
3^|6 JUIN-NOVKMBKE l63o
Reste à faire voir les instructions que le R. P. Joseph leur
donna :
Instructions du P. Joseph aux PP. capucins envoyés au Maroc.
[Vers juin i63oJ '.
Deux entreront dans le vaisseau de monsieur de Razilly 6î les
deux autres dans celuy de monsieur Du Clialard. Si le V. P. Isidore
de Baugé y va, il sera avec le premier, ik et si le \ . P. Pacifique
de Mazé y va, il sera avec le second. Chacun essayera de maintenir
la paix, non seulement entre eux, mais aussi entre les séculiers. &
spécialement entre les principaux de rembarquement, en sorte que
l'autorilé soil conservée en la perstmne de celuy auquel le princi-
pal commandement est donné, sans se partager pour les interests
particuliers des uns & des autres, &; leur donnant exemple par eux-
mêmes de vivre en une bonne concorde 6c selon l'ordre établi par
1 authorité du Roy tSc par le mandement de monseigneur le Cardi-
nal.
S il arive quelque différent ou variété d'avis entre lesdits Pères,
le V. P. Isidore, ou celuy qui seroit le premier en son lieu dans le
vaisseau de M. de Razilly, aura la principale autorité, & les autres
luy céderont.
Tous lesdits Pères ne mettront point pied à terre & ne s'enga-
geront point à demeurer dans aucune ville ou port du royaume,
soit en la ville de Maroque ou de Salé, quils ne soient asseurés de
l'establissement d'une ferme & seure paix pour l'heure présente,
autant qu'ils le pourront connoistre, entre le roy de France & celuy
de Maroque, par l'avis commun de M. le commandeur de Razilly
& de M. Du Chalard.
Le V. P. Isidore, ou celuy qui sera en sa place, fera sa demeure
dans la ville de Maroque près du consul françois, pour administrer
sa chapelle & servir aux besoins spirituels des Chrestiens de toutes
les nations, libres ou captifs, qui se trouveront audit lieu, comme
I. Razilly mit à la voile le 38 juin i03o. V. ji. 338.
HISTOIRE DE LA MISSION DUS PP. CAPUCIiSS AU MAROC ïi^'j
aussi en la Cour A: au camp du lioy. au port de Sapliy & autres
lieux où roccasion s'en offrira, horsmis en la ville de Salé, où les
deux Pères exerceront leurs fonctions & aux lieux proches ; ce
qui n'empêchera pas toutesfois que les uns & les autres usent des
facultés de la Mission, par mutuel consentement, en tous les lieux
où la nécessité des afaires les pourroit porter, «Si notamment s'il
arrivoit que, par la mort ou 1 éloignement de quelqu'un d'eux, il
fût besoin de supleer à ce défaut par l'assistance des autres.
Ceux qui seront à Maroque & à Salé s'entr aideront fraternelle-
ment en tout ce qui leur sera possible. Et ceux de Salé demeure-
ront près le sieur Mazet, ou autre qui seroit consul de la nation
françoise audit lieu. Ce qui n empêche pas que les uns & les autres
ne reçoivent les aumônes qui pourroient leur estre données d'ail-
leurs, sans toutesfois recourir à pecune qu'en cas de nécessité.
Nos Pères prendront garde de ne se mesler de chose aucune qui
concerne les affaires dEtat et les prétentions qui peuvent estre
entre le roy de Maroque »S: ses sujets, spécialement entre luy &
ceux de Salé. & entre la France et l'Espagne ; ne traiteront & ne
parleront en ce pays-là sur de tels sujets, sous quelque prétexte ou
aparence de bien qui leur puisse sembler, encor qu'ils en fussent
recherchés par ceux du pays, ou par quctf|ues François ou autres
Chrestiens, & ne mettront rien dans leurs lettres, en quelque
lieu qu ds les écrivent, sur quoy Ion puisse soupçonner qu'ils
ayent quelque passion ou dessein en matière d'afaire d'Etat, se sou-
venant qu'outre le péril qui leur en pouroit ariver, ils feroient
en cela contre ma volonté expresse, iN;même contre celle du S. Siège
& de nos Supérieurs majeurs.
Ils s'abstiendront de ne point offenser les Mores par des invecti-
ves contre leur loy. Et si quelqu'un d'eux se présente pour pren-
dre la nostre, il faut user de précaution, pour ne s'y confier qu'après
une conversion véritable. Que si l'on en vient jusques à l'efet, il
faut que ce soit sans témoin, & ne le faire qu'à l'extrémité, pour
éviter le péril de leur ùmc, les conliiiiiant cependant en leur bon
dessein.
Le but principal de nos Pères doit estre de Jonnerà tous l'exem-
ple d'une véritable vertu & vie cvangelique, qui peut avec la béné-
diction de Dieu opérer des efets dignes de sa bonté, selon la dis-
3!\8 .lUIIV-NOVEMBRE I 63o
position du temps ordonne par sa divine Providence, consolans les
pauvres Chrestiens en leurs allictions, & les encourageant à pâtir
pour la foy avec fermeté, plusieurs ayans besoin d'estre fortifiés
contre les tentations des suplices & vaines promesses que Ion leur
fait jjour les pervertir.
Nos Pères qui y sont morts y ont laissé une grande odeur de
saincteté, ce qui oblige ceux qui y vont après à les imiter. Il faut
observer la discipline régulière autant qu'il se pourra, selon qu'elle
se pratique dans nos liospices, faisant deux heures d'oraison, di-
sant les litanies, y conviant les Chrestiens, si on le permet. Il ne
se faut point séparer l'un de l'autre que le moins que l'on peut, &
ne se treuver jamais seul avec les femmes.
Quanta l'usage des facultés, nos Pères peuAcnt les exercer sans
aucune restriction, n'y ayant point d evesques ordinaires sur les
lieux, desquels il faille avoir licence. S ils peuvent recouvrer dans
quelqu'un de nos couvents un livre qui a été fait par un Père
carme déchaussé, qui se nomme, ce me semble, le Père Thomas
de Jesus-Maria, & s'inMviXe De conversione omnium gentiuin^ , ils
feront bien de le porter avec eux. 11 y a sur la fin une liste de plu-
sieurs privilèges concédés par les Papes pour les missionnaires
entre les infidèles, dont ils se pourront servir. Quand je sçauré que
nosdils Pères seront établis, je leur enverré les choses dont ils au-
ront besoin, selon qu ils me le manderont & que je le pourré.
Ils feront bien de porter avec eux, s'ils peuvent, quelques gram-
maires, dictionnaires & livres espagnols. & notamment quelques
catéchismes. Je leur en enverré en arabe & en espagnol, aussi
après leur établissement, s'ils me mandent qu'ils ont courage d'y
aprendre. Ils me feront sçavoir de leurs nouvelles le plus souvent
qu'ils pouri'ont, les adressant à Paris. Et derechef sur toutes les
choses auront soin de conserver entr'eux la charité, par paroles &
par efets, & d'estre considérés en leurs lettres, en sorte que l'on
ne puisse de deçà qu'en tirer bonne édification, sans communiquer
I. Le lilrc complet de l'ouvrage est : De auctnre P. Thomas a Jesii, carmelila discal-
prncuranda salute omnium ijentium, scismali- ceato. Accedit catechismus gcneralis pro
conim, hœreticorum, Judœoriim. Saraceno- omnium sectnrum catechumenis. .\nvers,
rum, cœtcrorumque injidelium libri diiodecim, U)i3, in-^".
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC 3^9
leurs mécontentements & dégoûts qu'aux supérieurs qui y peu-
vent apliquer le remède.
\oila comme cet excellent Perc travailloit avec eficace à faire que
les religieux, s'employant à l'avancement du salulilu prochain, le
leur propre n'en rcceùt du dommage...
Ce soin découvre la calomnie des medisans, qui l'ont publié
comme une personne qui avoil fait banqueroute ouverte à tous les
sentimens de la pieté, et monstre que 1 on ne s'éloigne pas de son
salut à la Cour, quand on y sert son prince, sans autre interest que
de la "loire de Dieu et du bien de l'Etat.
Bibliothèque Nntionnle. — Imprimes, O'J (î.'i. — L'Iiisloire de la mission
des pères capucins de la province de Toureine au royaume de Marorjne'...
I. ^ . Ir titre complet de l'ouvrage, p. i il, note i.
35o 2 NOVEMBRE 1 63o
XLV
LETTRE DE MOULAY ABD EL-MALEK BEN ZIDÂN
A LOUIS XIII '
Par suite du départ inopini- du chcralwr de HiKil/y. l'eneoyé du (Jhe'rif
n'a pu tnntcr avec hv.
Mi'rrakech, 2(1 Rbia I'''' 104O-2 novembre i63o.
Cachet du Ciiérif.
^Ul J'V}\ ^.All jlj_;i ç^\ j\>i\ J.I1 ^/Sll lÀ* j ju^
4^\j: <£j5o'l -Cciy ^\> iS^\ iS3^'i\ ^^zJI t^jJI ^\ ^jc ^U
<\J\ fl^b"^ 0-.lai- J <~>ji\ jliaâVl lai^\ «C^jS O^li"! J L-^^-Vl
j^U^JI ôri jtjî ù^-J* <^"U oUai- ,1UI Â^UI ^Jl :i!3;llj
JrJiLil 4SI je ^)\ J a1\^ ^ <) jJI J^asl Je ^MJI j ôM^I J
^UVl IJI ^Ul llA ^IcjSI '^>a\j^ 3 Ai^ rLiJij (n-^ ^. c'irT^.
Ju^^juj l' j JU'VI ^b /.Ijjjl J..ii.^^. (^^1 j-J-l (j;^]l (Jljjll
4jjjL. <iJI li^^is. ^ <Ii II* ljl::S^ JLiiJVl j JlLi ^ Jljdi -u-Jl
I. ^ . infra un l'ac-simiK- dp lolle lettre PI. III, p. 355.
LETTRE DE MOULAY ABD EL-MALEK BEN ZIDvN A LOUIS XIII 35 1
jÇji ^ 4!Bi Jl^i 'i^À\ '^X\ ^1 ;«*li^ j JliVi j^i o^V à''
^\:^^\ 3 ^\ a-J>> ^-^ J' ^^ ^ i:iJ> V» ^i'
le 4l« Ljîjî j^Ji ^ Ul 4!^^^ bj^" j*^u L^J^ ll«l J1.4- 4j./« tJ_^S=^l
JI4.I X^ Jj^. SXAS KS^\ J^JI j^îS/l ^)\ bai. A^ ûj/'j^'
jJul ol j >!l ^ A«^ f W"*^' a! (J t o' J_/ j.ll >£-Si- /«^ ii ù^ -*-^
5Sl_/l ^ A::)lîc j <di^ ^* ^i.' 't.li* ^_^i ^ llçA^ O--» ttUi 4^lc
^j::'!^/! iJUa; ù/5^ C5-^' (^-^^ J aI^-'J t}^ J>^. JlJ^^ '^'1 (^J
Archives des Affaires Élran<jères. — Maroc. — Correspondance politique,
Vol. I,f. 9. — Oriijinal.
352
2 NOVEMBRE I 63o
XLV"''
LETTRE DE MOULAY ABD EL-MALEK BEN ZIDÂN
A LOUIS XIII
(Traduction du xvn" siècle.)
Merrakech, 26 Rbia I'^' lOi^o-a novembre i63o.
En tête, alla manu : Lettre du roy de Maroc au Roy, rendue à Sa
Majesté par David Pallache au mois de may i63i.
Au roy le plus auguste et qui tient la dignité la plus grande entre
les roys chrestiens, le très-grand empereur de France, l'empereur
Louis, filz des grands empereurs, dont la renommée est très-celebre.
Ces lettres'' eminentes, nobles \ illustres et vénérables*, sont
I. On lit sur une ligne circulaire en
bordure extérieure ;
« Dieu commande la justice, la bienfai-
sance et la libéralité envers les parents. Il
défend le crime, l'injustice et la calomnie. »
Coran, XVI, gs. La partie centrale, très
effacée, est d'une lecture difficile. On dé-
cbiffre avec peine :
« Le Fatimien (descendant de Falma) chéri
de Dieu, fils du prophète Mohammed ».
Le mot iSx'y"' (chéri de Dieu) est dou-
■1. Ce préambule, conforme au formu-
laire traditionnel deschérifssaadiens, n'a pas
été très fidèlement traduit par l'interprète.
On signalera en note les incorrections les
plus graves. Cf. /" Série, France, t. II,
p. 600, une traduction littérale de ce pro-
tocole.
3. Nobles. Il faut rétablir: imamiennes
Lf
uvi.
/i. Vénérables. Il faut rétablir « meroua-
LETTRE DE MÛLL^\ AliD KI.-MALEK UKN ZIDÀN A l.OLIS XIII 353
escnles el t'ii\nvées par le CDiuinaiRlciiiL'iit du très-hauU, très-
llluslre, très-eminent et glorieux', à l'obéissance duquel se sous-
mettenl les royaumes des Muslemans, à la redoutable voix duquel
obéissent tous les peuples de la P>aibarie. et aux sublimes comman-
demenlz duquel sinclinent aussy les pins puissans roys de la
Mauritanie, avec tous leurs contins proches et cslongnez.
Au roy qui entre les roys clirestiens ol peuples de la religion
chreslienne tient la dignité la plus haute et le rang le plus eminent
et relevé, le très-grand empereur de France, l'empereur Louis, filz
des grands empereurs constituez sur le throsne de l'Eniinence.
Après avoir rendu louanges à Dieu, seigneur digne d'estre loué,
salué la plus excellente de ses créatures, et beny tout le peuple qui
expose sa vye pour le maintien de sa gloire et la delTense de sa i'oy,
et après la continuation des jDrieres pour la conservation de ce lieu
hault, eminent, sublime et souverain, afin qu'il soit assisté et main-
tenu éternellement dune stable assistance en félicite aux temps
presens et à venir.
La cause de ces lettres à vous escrite de nostre ville royale de
Maroques (laquelle Dieu conserve et protège par la laveur et
assistance qu'il a coustume de départir siii- nos très-illustres esten-
dars et par les très-abondans et immenses bénéfices de Dieu, à
qui gloire et action de grâces soient rendues) est pour vous informer
comme, lorsque le très-cher et aymé de Razilly arriva au port
d'Asaf — que Dieu conserve ! — et eust consigné vos lettres à nos
ministres dudit port, ilz les nous envoyèrent en toute dilligence.
Après les avoir leues, nous avons considéré tout ce que vous nous
y proposez louchant la fermeté de l'amitié et l'establissemcnt de la
bonne intelligence entre nos deux couronnes et ce que vous nous
escrivés concernant les esclaves fran(;ois que vous nous tesmoignés
fort désirer vous estre renvoyés d icy. Nous avons dès lors très-
p. 125, note 6. — M. Silvcstrc de Sacy
niennes » ^i' V «^'«^'-à-dire : de Abou j^^^ ,j, traduction qu'il a donnée de cette
Mcrouan, nom propre qui est l'équivalent lettre (V. injra, p. 35i'i, note i) a rendu
de Abd el-Malek. V. p. 298, noie 3. Sur cette épithète par : « fils de Merouan ».
cette manière de désigner le chérif régnant i . Tres-éminent et glorieux. Il faut réta-
par une épithète tirée de son nom ou de
son surnom, V. /-■' Série. Pa.vs-Ma«. t. I, ''''•" • ^^ Chérif alaoui ,^_,UI ^_^l.
De Castries. 111. — aS
354 2 NOVEMliRE l63o
volontiers accepté vostre proposition, tenu la main à I nccomplisse-
munl de vos désirs et enfin correspondu à tous les cliei'z de a os
dites lettres. En tesmoignage de quoy nous les avons envoyées avec
lesdits Chrestiens soubs la conduitte de nostre noble, vertueux et
honneste cbevallier Jean, filz de Mehenet Genati '. à desseing
d'aller trouver vostre dit subjet, en cas (ju'ii le peust joindre
par terre ; autrement, qu'il expediast envers le nostre quel-
qu'autie jiersonne de pareille vertu et dignité pour traitter l'exécu-
tion de vos intentions, recevoir les susdits Cbrestiens et par un
mesme moyen traitter ensemble des desseins des deux partis. Mais
lorsque nostre dit subjet fut arrivé au port d'Asaf — que Dieu
garde! — le vostre ne s'y trouvaplus. et s'estant informé qu'il estoit
devenu, il aprit qu'il y avoil desja quatre jours qu'il s'estoit mis à
la voille '. Quelqu'un des miens le suivit en mer, espérant le ratein-
dre, mais on ne sceut le rencontrer. Vostre subjet sçavoit très-bien
pourtant que le nostre le devoit bientost aller trouver, voires mes-
mes qu'il estoit en chemin, et toutesfois n'eut pas la patience d'at-
tendre son arrivée, bien qu'un serviteur ne doive, pour quoy que
ce soit, laisser la poursuitte des choses qui luy sont commandées
par son maistre, moins encores tesmoigncr de l'impatience quand
il s'agist de l'exécution.
Nous avons bien voulu vous donner cet advis, affîn que vous
soyés assuré que nous n'avons point manqué de correspondre à vos
désirs, ainsy qu'il vous a pieu nous les faire sçavoir.
Escrit le vingt-sixiesme du mois Raby premier, l'an io4o.
Archives desAjffaires Étrangères. — Correspondance politique . — Maroc,
Vol. I, f. S. — Traduction originale-' .
I. Une main étrangère a écrit en marge : 2. On sait que Razilly avait mis à la
« l'alcaïde Agena». Il faut rétablir : Yahia voile le 12 octobre (V. supra. Doc. XLIII,
ben Mobammed el-Djennati. V. siipra texte p. 829). On en peut déduire que le caïd
arabe, p. 35i et j" Série, Pa\s-Bas, à la Yabia avait à\i arriver à Safi le iG oc-
date du i3 juiUet i635. Ce caïd doit être tobre.
identifié avec celui (fui est appelé Ayagena 3. V. une autre traduction do cette
(p. A29, note 3), Hava Agena (p. AilS, lettre faite par Silvesthe de Sacv, dans
note 3), Agena (p. 26, note i) et Yahia sa Chrestomalhie . t. III, pp. 260- 253,
. . . ainsi que les notes dont il la fait suivre,
Adjàna l)i»-l^t) dansEt-Oui HÀM, p. 427. 3ii-3i3
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LETTRE DES CAPTIFS FHANCAiS A LOUIS MU 355
XLVI
LETTRE DES CAPTIFS FRANÇAIS A LOUIS XIII
Envoyés à Safi par le Chérif, ils n'ont pu cire rcnns an chevalier de
Razilly qui avait déjà ijuitlc ce porl. — Le Chérif a vainement fait re-
chercher celui-ci. — //*■ supplient le Roi de le renvoyer au Maroc pour
procurer leur mise en li lier té.
Sali, 3o novembre lOSo.
En télé : Lettre des esclaves françoisde Saflîs en Barbarie au Roy.
— De Salfis, le 3o novembre iG3o.
Sire.
Nous supplions très-humblement Vostre Majesté de nous par-
donnei' de ce (jue l'imbesililé de nos pauvres esprits ne ce peuvent
eslandre à louer la moindre pcri'ection de vos \ertus, laissant cela à
personne plus capable. JNcantmoings nous dirons que la begninilé
et douceur don Vostre Majesté est remplie ravit tout le monde, re-
cebvant les veux tant des petits cpie des grands. Entcest efîect, vos
très-humbles et très-obcissans sujets et esclaves ce sont enhardie
d'importuné Vosti-e Majesté, vous adressant Iheures prières, ce
prosternant au\ pieds de vostre boulé inliuioc. avec toute sorte
d'humilité, pour réclamer Vostre Majesté d'avoir pityé des nos tra-
vaulx, bien que depuis que Vostre Majesté a escrit à l'empereur de
Maroc, ils ont esté alegéc, nous ayans faict dès l'heurcs mesmes
libres en sa terre sans l'aire ny chaine ny anicun travail ; et sommes
à présent à SalTis ', poii de la mer, là oii nous sommes veneus avec
le gênerai de son armée, |)ansant treu\(>r monsieur le commandeur
de Razilly pour nous anbarqucr et conclure la pais entre Vostre
I. Ils y étaient arrivés le lO octobre. V. supra, p. 353, note 2.
356 3o NOVEMBRE I 63o
Magesté et l'empereur de Maroc et remettre tous vos subjels en
plaine liberté. Mais le mauvais tamps a forcé la fidellité dudit sieur
de Razilly à mestre à la mer contre sa voUonté. et la crainte ausv
qu'il avoit de perdre les vaisseaux de Vostre Majesté à ceste coste
de Barbarie, parce qu'elle est fort dangereuse.
L Empereur feust estrememant fâché Ihors quy seu la nouvelle
que les vaisseaux de Vostre Majesté avoienlmis à la voile sans avoir
concleu la pais avec Vostre Magesté. 11 envoya commandemanl de
l'heure mesme que l'on mit de barque pour coure la mer pour
tacher de rencontrer les navires et ausy de corrieres le long de la
coste pour le fere retourner. Enfin ne saurions represanté à Vostre
Magesté l'affection grande que l'Empereur a de faire amitié avec
Vostre Majesté qu'il estime plus que de monarque qui soit au
monde.
Il est sucedédans ces dernières afaires des troubles qu'ils ont pro-
longé nostre liberté'. Puis qu'il a pieu à vostre bonté d'avoir aco-
mancé en cest afaire une si sainte heuvre de charité d'avoir envoyé
par divers fois de vos navires en ces costeset personne de vostre part
avec presant pour traiter la paix a\ec l'empereur de Marroc pourla
liberté de vos françois subjets, et l'afairc estant en sy bon point,
nous supplions derechef avec toute humilité Vostre Majesté qu'il
luy plaise encore une autre fois avoir compasion de [la] grande misère
de vos pauvres subjets et y mestre fin, si c'est vostre bon plaisir;
car à la vérité ayt une chose digne de compasion et grandement
déplorable de voir vos sujets entre les mains des Infidelles, sans
aulcune consolation spirituelle, où il ce pert beaucoup d'àmes pour
estre forcés à renier la foy par mille travaux que l'on passe en ce
pais. Vostre bonté aura esgard, s'il luy plaist, à nos misères, que
si Vostre Majesté, commande à M. de Razilly de revenir aultre fois
avec le moindre des vaisseaux de Vostre Majesté, elle recevra sans
doubte toute sorte de contantement de la part de l'empereur de
Maroc.
Sire, nous n'aurions pas prins la hardiesse de mestre la main à
la plume, nous en jugeans indignes pour adresser à Vostre Magesté
nos requestes, sans que nous avons considéré que ce seroit estres
I. Qu'ils ont prolongé nostre liberté, c'est-à-dire : qui ont retarde notre liberté.
LETTRE DES CAPTIFS FRANÇAIS A LOUIS XIII 35*]
trops ingrads de ne recoignoistre pas par quelques preuve de nos
afiections le soing que Vostre Majesté a de nous retii'er desclavi-
tude. ne pouvant davantage que de nous sacrifier entièrement aux
pieds de Vostre Majesté et prier Xostre Seigneur qu'il luy donne
longue et heureuse vie et accroisemcnt de ces grandeurs et victoire
sur ces ennemys, cl à nous la gloire de vivre et mourir en la qua-
lité de &c.
Archives Nationales. — M/irine, B W, pp. 336-337 . — Copie.
358
COMMENCEMENT DE I 03 I
XLVII
MÉMOIRE SUR LE MAROC
[Commencement de l63i]'.
En titre : Relation du royaume de Marrocque et des villes qui en
dejîendent.
Les roys de Maroque, qui se nomment Muley ou Molay", sont
descendus d'un certain Muley, lequel, estant un sancton de la loy de
Mahomet, en prescha le zcle et la reforme ou pour mieux dire une
nouvelle interprétation et fut si jjien accueilli du peuple de toute
l'Affrique que, soubz l'aparencede religion et saincleté, il usurpa la
plus grande et meilleure partie des royaumes d'icelle, c'est à sçavoir :
Maroque, Fez, Suze, Gago, Alger, Thunes, &c., partie desquels
s'estendent le long de la mer Méditerranée, depuis le Destroict
jusques à Tripoly de Barbarie, et les autres gisent le long de la
mer Oceane, depuis ledicl Destroict jusques à l'embouchure du
fleuve Niger'.
1. Ce mémoire est daté d'après les don-
nées suivantes : l'auteur, parlant des deux
voyages que fit Razilly en iGat) et i63o,
emploie l'expression : « ces deux années
passées » (V. infra, p. 364). D'autre part,
ce mémoire est antérieur à l'époque indé-
terminée où l'on apprit en France la mort
do Moulay Abd el-Malck, qui eut lieu le lo
mars i63i, puisque ce chérif est représenté
comme encore régnant (\'. infra, p. 359).
2. Moulay, on arabe i^y* (Maître), est
un qualificatif Iionorifique donné aux princes
des dynasties cliérificnncs du Maroc, et il
semble leur avoir été exclusivement ré-
servé. Seuls, depuis plus de trois siècles,
ils ont pris ce litre qui est devenu un
signe distinclif de leur dynastie, à ce
point que, dans le protocole initial de leurs
lettres, ils sont souvent qualifiés de Majesté
moulouyenne. Par vénération pour le nom
du prophète arabe, les cbérifs qui s'ap-
pellent Mohammed font généralement pré-
céder ce nom du titre de Sidi, et l'on dit
plutôt Sidi Mohammed que Moulay Moham-
med, mais cette règle comporte un grand
nombre d'exceptions. Cf. E.Doutté, \otes
sur l'Islam Maghr., pp. 30-38.
3. Sur l'avènement de la dynasiic saa-
dienne, V. /''•' Série, France, t. 1. p. .'iJ.
MÉMOIRE SUR LE MAROC 3Ôg
Or. pourlepresant, le Roy, qui se nomme MoleyAbdemelec', aagé
d'environ trente ans, n'est reconneu pour roy, sinon aux royaumes
de Maroque. Fez, Suze, et Gage, et n'a en son commandement que
cinq ou six villes et quatre ou cinq cliastcaux, où il lient des gou-
verneurs à sa dévotion, les autres s'estans soustraictes de son obéis-
sance ou ayant esté usurpées parles Espagnols' ou par les sanctons
du païs\ Celles qui restent en son nl)eissance sont: Maroque, ville
plus grande que Paris, où il a son palays, plus som^îtueux et plus
magnifique qu aucun autre du monde'. Il y réside ordinairement et
ne s'en esloigne jamais de plus de trente ou quarante lieues,
craincte que ses ennemis ne s en viennent saisir. Ladicte ville est
située à sept lieues du mont Atlas, vingt-trois lieues de SalTi, qui est
une autre ville sur le bord de la mer Oceane ; elle n'est forte ni
d'assiette ni de murailles, dont la pluspart sont ruinées, n'ayant ny
fossez, ni rempartz. Il peut y avoir d'habitans cinq à six cent mil
àines, mais ils n ont de coustume et ne sçavent delTendre leurs
murailles iiy leurs villes et ne sont agguerris comme les autres
Maures qu on nomme Alarbcs ' et babitenl la campagne en des
tentes. Leur coustume est d'aler combatre hors les villes, et les
victorieux entrent dedans sans aucun contredict.
Saapliy est la seconde ville qui obeist au Koy ; elle est située sur
la mer Oceanne, environnée d'assez bonnes murailles avec deux
chasteauN, liin c[ui est surle haultde la colline et n'est aucunement
gardé. 1 autre qui est au bas sur le bord de la mer et est gardé par
seize eunucques. La ville est entre deux. Dans le bas chasteau sont
quelque deux cents femmes du Roy, qui n'en sortent jamais, s'il
ne les envoie quérir, et n est permis à aucun homme ni mesme
aux femmes d y entrer, sinon auxdiclz eunucques qui sont renégats.
Il peul y avoir dans la ville (juehjue huict centz hommes, dont le
Sommaire et. ■V. Cour, cliap ii.pp. SS-^S. 3. Ces « sanctons », pour ne citer que
— 11 est inutile d'insister sur l'erreur com- les trois principaux, étaient Si<li Ali, clans
mise par l'auteur du mémoire qui fait le Sous, Sidi Mohammed el-.\^yaclii, dans
d^AIger et de Tunis des dépendances de le nord rlu Maroc, et le chef de la zaouïa de
l'empire chérifien. IJila, dans le centre de l'empire cliérilien.
1. Mutey Abdemelcc, Moulay .Abd el- l). Le famcu.^ palais île Id-liedi. V. El-
Malek ben Zidàn. 'V. p. 358. note i. Oufràni, pp. 179-195.
!. Allusion à l'occupation de Larache et 5. Alarbes. .■Vrabes, avec le sens de
de Kl-.\lamora par les Espagnols. nomades.
3fio COMMENCEMENT DE I 63 I
ijuaii esl de Juilz el le reste pauvres gens, excepté quelques deux
cents qui se disent soldats du Roy. C'est en celte ville où abordent
les niarchandz hoUandois et anglois et y font un grand IrafTicq".
La troisiesmc ville de robcissance du Roy se nomme Azamorrc,
située sur une petite rivière', quelque deux lieues de la mer
Oceane, 35. lieues loing de Maroque, el i8. de SaalTy. Elle est
ceincte de foibles el basses murailles, a fort peu d babitans. Il y a
long temps que les Espagnolz, qui ont une forte ville à deux lieues
près, dans lemljoucbeure de la rivière', lauroient prise, n estoit
que, par son moyen, ils ont quelque commerce avec les Maures
du païs, et mesme qu'un Espagnol est fermier des douannes que
le Roy y a eslablies. Cette ville est de peu de considération.
La quatriesme ville de l'obéissance du Roy esl Saalé-le-VieiP,
qui est ceincte de murailles, mais la plusparl ruinées, en sorte que
les cbarretles pourroient y entrer par plusieurs endroiciz. Il y peut
avoir quelque ^loo hommes, entre lesquels il y a quelques mar-
chandz fort riclies à cause du commerce du Nouveau-Salé %
qui est un port de mer occupé par les Maurisques cbassés d'Es-
pagne. Il n'y a pas plus de demie lieue entre les deux villes sépa-
rées par le canal de mer.
L'autre ville obéissante au Roy est au royaume de Suze% bien
avant en terre ferme, dont je n'ay autre connoissance. sinon que
c est une fort grande ville et mal peuplée'.
Le principal de ses cbasteaux esl au royaume de Gago, vers la
Guinée, d'où ses prédécesseurs ont lire une grande quantité d'or le
meilleur du monde, mais, depuis trois ou quatre ans. un sancton* a
1 . On se rappelle que c'est dans le port époque d'autre autorité que celle de Sidi
de Safi que se faisait à cette époque tout le Mohammed el-Ayachi.
trafic du royaume de Merrakech avec les 5. Nouveau Salé, I\bat.
nations européennes. C^. Sure, Sous.
2. Cette petite rivière est l'oued Oumni 7. L'auteur du mémoire veut désigner
er-RI)ia, le fleuve le plus imporbrut du Taroudant ; mais il se contredira un peu
Maroc. plus loin (V. p. 306, note 1). en rangeant
3. Celte « forle ville « possédée par les cette ville sous la domination du marabout
Espagnols h deux lieues d'.Vzemraour est Sidi Ali. Cette seconde aflirmation est
Mazagan. Cette place, ancienne fronieira d'ailleurs plus conforme à l'état politique
portugaise, était passée à l'Espagne lors de du Sous à cette époque.
la ré-uiiion des deu\ couroiuies (iSt^o). 8. Un mnclon, le santon de Massa, Sidi
.'i. Salé-le-Vieil ne reconnaissait ii cetle .\.li. ^'. infra, p. 365, note 4.
MEMOIRE SUR LE MAROC
36 1
occupé le chemin et y envoie ses gens qui portent du sel ;i ce peuple
sauvage et en eschange rapportent l'or.
Le second chasteau se nomme S'"-Croix, situé sur le bord
de rOeean. dans la pante d'une hautle coline, et par consecpiaiil
commandé: il a d'assez bonnes murailles, mais basses et la pluspart
de terre. 11 v peut avuir dedans cpielques trois cents hommes bons
et mauvais ; il s'y est fait autresfois quantité de sucre et il y a encores
aux environs quelques moulins et cannes de sucre'. Le trafïicqy
estoil tort bim, il y a sept ou huict ans, mais le sancton de Meze',
n'estant qu'à cinq lieues de là, a deJTendu aux Alarbes de la cam-
pagne d'y achapter ny vendre aucunes denrées el, par ce moien, a
tiré les marcliandzde son costé, de sorte qu'il faut que le Uoy leur
envoie des munitions par la mer en quelques vaisseaux hoUandois
qui serviroient le diable pour leur profTict^
Le troisiesme chasteau est Mougadou'. situé sur le bord de la
mer en la mesme coste. Le chasteau est fort petit et Ibible, habité
par quelque quatre-vingtz hommes ; le Roy l'a faict reparer el
habiter depuis trois ans, pour empescher le trafTic des Chrestiens
avec les Alarbes et le sancton de ce pais qui lui sont rebelles '.
Il y a une isle inhabitée demi lieue à la mer; l'isle commande
le chasteau et le pori, car elle est tellement située que d un bout
elle commande audicl ("orf et le peut l)attre en ruine, et de 1 autre
elle commande dans le port qui est la retraicte ordinaire des for-
bans pendant 1 hyver. 11 y a une rivière d'eaue douce d'où les
navires prennent de l'eau en despil de fous les Maures; lesdicts
I . Sur la culture de la canuo à surrc au res([ucs ne pourroient jamais achever une
Maroc et spécialement dans le Sous, V. galère, si ce n'est pas la faveur et intelli-
/'■'■ Série. France, t. F, p. 3o3, note 5, et gence qu'ils ont avec leurs pensionnaires,
l. II, p. 358, note 6. confédérés et associés qui leur envoient le
■>.. Le sancton de Meze. Sidi .\li. — Aleze, bois, les charpentiers, les mats, les avirons.
Massa, Mast, petit port à .'lO kilomètres au les chaînes toute faites pour enferrer les
sud d'.Vgadir. l, ne légende d'origine ineer- Chrétiens. » Foucques, Mêm. parlant
taine en faisait le lieu où avait échoué plusieurs averlissentens présentés au Huy
la baleine du prophète .lonas. p. 6.
3. Los Hollandais avaient au xv!!" siècle 1. Mougadou. Mogador. V. ci-dessus
fort mauvaise réputation et passaient povir pp. 76, 117 et 121.
favoriser la piraterie harbaresque. Le capi- 5. Ce santon rebelle au Chérif dans la
taine P'oucques appréciant leur rôle écrit : région de Mogador devait être le fds de
« Malgré toutes leurs volcries, les Harba- Sidi Valii.i ben Abdallah.
362 COMME!VCEME>T DE 1 63 1
chasteau et porl de mer sont entre SaafTy et S"'-Croix, i6. lieues
de Saaffy et quelque 3o. de S'"-Croi\. Il faut aussi que le Roy y
envoyé des provisions jiar mer dans quelques petits batteaux, car les
Alarbes sont maistres de la campagne.
Or combien que le Roy n'ayt en son pouvoir autres places, il a
néanmoins beaucoup de païs à son commandement et beaucoup
de subjectz qui lui font hommage, sans payer aucun tribut, si lui-
mesme ne le va recueillir dans leurs adouars et habitations, ce qu il
faict tantosi en une province, tantost en une autre, menant avec soy
une armée de i5 ou 20000 hommes à cheval, car ils n ont
point d'infanterie en ce pays ; et, si ce Roy n y aloit le plus fort, il
n'auroit aucun tribut qui consiste en bled, orge ou froment,
chevaux, moutons, vaches, chameaux et volailles, car, pour de
1 argent, il nen tire point, sinon des susdictcs places où il a des
douannes et impost sur les marchandises, les Juifs faisans tout ce
négoce. Il entrelient sa maison et son armée par le moyen desdictes
douanes et des autres commodités qu'il prend sur ses subjectz, paianl
ordinairement sa gendarmerie de bœufz. moutons, bledz, \c. Il a
de grands trésors d'or, argent et pierreries que lui (mt laissé ses
prédécesseurs, roys qui ont jadis occupé et pillé toute l'Espagne
et sont venus bien avant dans la France.
Quant à ce qui est des autres villes de ses royaumes, où il est
reconneu pour roy. mais où il n'est pas obéi, sont les suivantes :
Toutouan est au dedans du Desiroict' dans 1 amboucheure^,
ville médiocrement forte, tenue par les Maures qui se donnent
librement la dispanse de boire de bon vin qu'ils recueillent en assez
grande abondance : elle est sur la mer, et s y fait assez jjon tralhcq
pourveu c[u"on prenne ses assurances^.
Fessa ou Fez est située quelque 25. lieues en terre ferme, tant
du costé de la mer Méditerranée que de l'Océan, grande ville,
assez forte et médiocrement peuplée de Maures qui obéissent au
1. Il faut proljahloment entendre : .3. La ville de Tétouan. comme colle de
Télonan est au dedans de la mer fermée Salé, après avoir accueilli les Moriscos
par le détroit de Gibraltar, c'est-à-dire : expulsés d'Espagne, avait fini par en subir
dans la Méditerranée. l'autorité. Les buveurs « de bon vin » dont
2. Tétouan est à deux kdomt'tres de la parle l'auteur devaient être, non des indi-
côte, à l'embouchure de l'oued Martil. gènes, mais de.s Moriscos.
MEMOIRE SLR LE MAROC
363
cousin du roy de Marocque ' révolté de son obéissance. Le frère
cludict Roy y est maintenant reffugic ', craignant la cruauté et
barbarie de celui qui tient, il y a trois ans, un de ses autres frères
prisonnier à Maroque\ Cette ville est capitalle du royaume qui
porte son nom ; elle a une assez bonne rivière qui desgorge dans
1 Océan *, mais ne lui sert de rien au tratricq. d'autant rpie les
Espagnol/ en ont occupé 1 amboucheurc ' ; ceux de Toutouan et de
Saalé y portent les marcluuuliscs qu'ils acbcpleni des Clireslicns.
Argillc ou Arzilleesl une petite ville située sur le bord de la mer
Oceane, quelque i5. ou 20. lieues dehors le Destroit, au pied du
cap Spartel ; ses murailles sont basses et fort ruinées et ne paroissent
que connue vieilles niazures ; elle est néanmoins assez peuplée et
abondante en l)led, qui fait que les navires y abordent. Les liabi-
tans sont aussi Maures, ont quelques doubles cbalouppes pour la
pesclie et mesme se meslent depuis peu de piralcr surmei-, atlac-
quan les vaisseaux marcbandz hu-squ'ilz les connoissent foibles.
C'estcelle ville que Dom Sebastien, roy de Portugal, tcnoit assiégée,
lors qu'il donna la malheureuse bataille oii il se perdit avec son
armée '^.
La villede Saalé, qu'on appelle leNouveau-Saalé, est située sur le
bord de 1 Océan. quel(|ue ciricjuante lieues du Destroit. à l'entrée
1. Cousin du roy de Marocque, Moulay
.Vbd il-Malck ben ech-Choikh ; ce prince
était mort de la peste sans laisser d'héritier
en 1627.
2. Ce frère de Moulay .VI)d el-Malek ben
ZidAn était Moulay \hmed . Ce prince, après
s'être réfugié à Fez, tenta de se faire pro-
clamer (5 novembre 1627). Mais il se ren-
dit odieux et fut emprisonné le 1 2 août 1 C28.
Après une longue captivité il s'évada en
1606, déguisé en femme, etcberclia à pren-
dre sa revanche contre les habilanls de Fez,
avec l'aide dos tribus arabes. Cf. Fi.-OtFRÀx I ,
pp. 3gi-3g7, !\oi ; i" Série, .Vngleterre,
Relation de Cholmley, 1671 ; et infra. Doc.
CI, p. 58G.
3. Il s'agit ici de Moulay el-()iialid (pii
s'était enfui, ;i l'avènement do Moulay .Vbd
i;l-Malck, auprès de Fl-.Vyachi. l'ris ensuite
par le Chérlf, il fut retenu prisonnier jus-
qu'à la mort do celui-ci à qui il succéda.
Cf. /'" Série, Angleterre, Rapport de J .
Ilarrison, 25 juillet iG3i et El-Oufhàni,
pp. /io5-.'i07.
'1. L'oued Sbou.
ô. .Mlusion à la prise d'El-Mamora en
i6ii. On sait que ce repaire de pirates se
trouvait à l'embouchure de l'oued Sbou
appelée par les indigènes : I\]-lliilk \\>-\
le goulet.
6. Contrairenieul à l'assertion de l'au-
teur, la ville d' Vrzila ne fut pas assiégée par
D. Sébastien ; celte place appartenait au
royaume de Portugal ; elle fut évacui'o en
i58g. Cf. El-Oufràni, pp. 263-264 et
Ltiz DE Menfzes, Ilist. de Portuy. restau-
rado. t. I, p. 37.
36') COMMEJJCEMENT DE I 63 I
d'une rivière (|iii va quelques liuict ou neuf lieues en terre' et passe
le long d'une petite ville distante de Saalé deux petites lieues: cette
petite ville est foiblc et a bien peu d'hahitans. lesquels obéissent au
Roy et à ceux de Saalé à cause du voisinage et du Iraflicq. Ils n'y
veulent laisser entrer aucun Chrestien et sont Maures fort zélés.
C'est en cette ville où est le sépulcre menioiable du grand Jacob
Almansor qui conquist les Espagnes, comme aussi de quelques
autres roys de Maroques'. Elle se nomme SchcUes'. Et pour dire
ce qui est de Saalé, c'est, àmonadvis'ct au jugement de plusieurs,
la plus belle et agréable demeure de toute la coste d'AlTrique,
l'air y estant tempéré, la terre bonne par excellence et les eaues
douces à commodité. Il y a ville et cliasteau avec un port pour
tenir ôo. vaisseaux de deux ou trois cents tonneaux; le cliasteau
est fort d'assiette et nouvellement fortifié de fossés et ravelins,
y ayant dans iceluy un gouverneur et quelque trois centz hommes,
Maurisques chassés d'Espagne : la ville peut avoir mil ou douze
cents hommes de combat et est aussi peuplée de Maurisques
chassés d'Espagne, qui ont leur gouverneur autre que celuy du
chasteau', les ungs et les autres reconnoissant le Roy et disant
qu'ils luy gardent sa ville et forteresse, mais ils ne lui obéissent en
rien et ne lui paient aucuns dcbvoirs\ Ils sont grandement enrichis
du butin qu'ils ont fait sur la mer, où ils ont dej)uis dix ans pris
et pillé plus de mil vaisseaux chrestiens de toutes nations, faisant
les hommes esclaves et les traictant comme chiens, à la honte et
confusion de la Chrestienté dont le moindre prince, voire la moindre
ville maritime, peut ruisner ces forbans infidelles, par le moien de
trois ou quatre bons vaisseaux de guerre qui les tiendroient
assiégez dans leur port, comme monsieur de Razilly a faict ces
deux années passées'; en sorte qu'après leur avoir pris et bruslé
1. On ne connaissait alors que le cours du mémoire avait vu Salé.
inférieur de l'oued Bou Regrag. Enréalité 3. Sur les gouverneurs de Salé-lc-î<euf et
ce cours d'eau s'enfonce au cœur du Maroc, de la Kasha,c(. Introduction critique, p. ig4.
et, sous le nom de oued Grou, il prend G. Cf. Ibidem.
naissance au Ari Haïan. 7. Allusion aux deux voyages consécutifs
2. Allusion aux tombes des princes de la accomplis parle chevalier de Razilly en
iynastic des Béni Mcrin. 1629 et i63o. Ce passage est un de ceux
3. Schelles, Cliella. qui établissent que le mémoire est du com-
4. Cette expression établit t^ue l'auteur mencement de i63i. Cf. p. 358, note i.
MEMOlKi; Slll LE MAltOC
36c
dix na\ires et harassé les autres (jui ne |)(uiv(iieiil entrer dans leui-
port, il les a contraincts à demander la])aix au vn\ de Franec, rendre
tous les esclaves françois et promettre n'en prendre plus à l'advenir,
avec quantité d'autres articles de paix fuit advenlageux pour le
trafficq, y aiant mesmeeslabli un consul françois avec exercice libre
de la religion catholicque, apostolicque et romaine' en sa maison.
J'oubliois à dire qu'entre la ville et cliasteau de Salé il y a un
grand enclos de murailles qui contient deux lieues et enclost la
ville et le chasteau, les vii^nes. les prez. jardins et terres labourables,
et en outre une vieille mousquée cpii a eneores (juclques 200. pilliers
debout et en avoit autrefois 4oo., avec une grande tour quarrée
qui est encores entière, haute et large, en sorte qu'elle peut porter
du canon qui commanderoit par tout l'enclos. Deux hommes à
cheval peuvent monter de front jusqu'au hault de la tour".
Meze ^ est une ville située proche la mer Oceane. 5. ou G.
lieues de S'^-Croix : elle est ceinctc de vieilles murailles et n'est forte
que d'hommes qui obéissent à un sancton', lequel les gouverne
paisiblement, comme aussi tous les Alarbes ou Maures des environs,
plus de Go. lieues à la ronde. Le trafficq y est fort bon, d'autant que
le sancton y tient main forte ^ de façon qu'après avoir eu son passe-
port, les marchand/ peuvent aller librement à terre et y porter leurs
marchandises, voire y estaler dans des tentes, et ce sans aucun péril
d'csclavitude, car ledict sancton ne veut et ne permet qu on face
esclaves autres que les Espagnolz et ceux qui en font aussi
6
1. L'auteur fait allusion àriindcsarliclos sur tout le pays au sud du Deren (Haut
de la trêve du 3 septembre (V. p. 2g4) et .\tlas). Il s'était prononcé contre Moulay
au consul P. Mazel que Razilly institua en /idàn dès 163/1 Çi" Série, Pays-Bas, t. III,
vertu dudit article (V. p. 3ï8). Journal de Ftuyl, à la datedu 29 mars iGai).
2. I.a tour do Hassan, construite sous El .\yachi avait recherché son alliance (/'■''
Yakoub cl-Mansour (ii84-iigy) sur les Série, .Angleterre, A/c'moirs t/e J. //arrison,
mêmes plans que les minarets de la Koutou- iC3o). Sa zaouïa était à Iligb dans le Taze-
bia et de la Giralda de Séville. rouait. Cf. p. 191, note 3.
3. Sur Meze(Massa),V. ci-dessus, p. 30 1 . 5 Surl'extensionducommerceeuropéen
note 2. La distance indiqué-e est un peu dans le Sous pendant la domination de Sidi
trop faible. .\li et sur le mécontentement qu'en éprou-
4. Le marabout Sidi Ali bcn Mobam- vait le Cbérif, V. i''' Série, Angleterre,
med ben Ahmed ben Moussa. Sur les dlffé- années i635-i637, passim.
rentes appellations de ce santon, V. infra, 6. Sur la sécurité dont jouissait le com-
p. 573, note 3. — Son influence s'exerçait mercedansleSous,V. /6iticmetiVi/ra, p. 5.'|5
30G COMMENCEMENT IJE 1 63 1
Teroudan est une autre belle ville, quelque douze lieues en
terre ferme ' ; il \ a encores des moulins à sucre et aljondance de
cannes pour en faire, mais ils n'en ont l'invention^; elle est aussi
en l'obéissance du sancton de Meze qui l'a achaptée d'un autre
sancton aoo. ducats seulement. Ce santon de Meze est si puissant
que luy seul pourroit chasser le Roy de son royaume ; mais ses
parans et amys ne lui veulent permettre de s'esloigner d'eux. Meze
est distante de Teroudan d'environ douze lieues.
Il y a encor une autre ville à dix lieues de Mougadou, tenue par
un autre sancton.
Voylà sommairement les places que tiennent les Maures en celte
coste de Barbarie depuis le Destroit jusques au royaume de Gago
ou au Cap Verd.
Le roy d'Espagne y en a aussi quelques unes qui sont :
Septe^ à l'emboucheure du Destroit.
Tangel, procbe du Destroit, ville forte et grandement munie
de canon.
La Rascbe est à l'emboucheure d'une rivière, est fort bien bastie
et peuplée de quelques 3oo. familles d'Espagnolz.
La Mamore est aussi à l'entrée d'une rivière, sur le haut d'une
montaigne fort roide du coslé de la mer, mais presque égale du
costé delà terre. Il y a Soo. hommes de garnison et quelque 120.
pièces de canon.
Mazagan est une autre ville sur le bord de la mer, forte et bien
peuplée d'Espagnolz; les navires vont anchrer soubz la forteresse ;
elle est distante de Maroques environ 35. lieues.
Je ne sçache qu'il y aye d'autres villes habitées en toutte cette terre
du roy de Maroque, combien qu'il y en aye grand nombre de rui-
nées et désertées, tant dans la grande terre comme le lona; des costes
où j'enay veu particulièrement deux, dont lune s appelloit ancien-
nement Anafée*, et maintenant « la Ville aux Fourmis », d'aulant
1. L'auteur a parlé plus liaut de Tarou- 2. Mois ih n'en ont l'invention. Il faut
dant, sans désigner celte ville par son nom probablement entendre : ce ne sont pas les
(V. p. 36o et note 7). La dislance de la indigènes qui ont introduit les sucreries au
côte, c'est-à-dire de Massa, comme on le voit Maroc,
quelques lignes plus bas, est trop faible. On 3. Seple. Ceala.
compte 65 kilomètres de Taroudant à Massa. It- Anafée, Anfa, ancien nom de Casa
MÉMOIRE suit LE MAROC 36'
que les fourmis ont laiit molesté les habitans qu'ils les ont con-
Iraiiicts de la quitter : elle eslencores la ])luspart entière, avec grande
quantité de tours, et de loing fort s(;inhlable à la ville de Tours.
L'autre se nommoit aneiennemenl Tite', et maintenant » la \'ille
aux Lions », qui en ont chassé les liabitans.
Or, combien qu'il y ave si peu de villes, ce n'est pas que la terre
ne soit bien habitée : mais cette nation qu'on appelle Alarbes, ou pour
tnirux dire Arabes, demeure dans des lentes, changeant dhabilalion
(jiiand ds \euleiil. Va- sniilgens qui vi\enl de peu, faineans. larrons
et perfides, qui ont quantité de beslail et de volailles, mais principa-
lement de chameaux et chevaux, sin'lesijuels ilz sont si addroielzque
lonles peut dire les plus habdlcs du monde à courir et se manier sur
un cheval : et. quand ilz vont à la guerre, ilz portent sur cheval
pour lô. jours de vivres pour euixet jîour le cheval, n'ayant autre
discipline militaire, sinon que chacun suit son chef d'adouar, qui
est à dire village, car leurs habitations sont distinguées paradouars,
et ordinairement tous les Arabes d'un adouar sont de mesme race
ou famille.
Les villes qui restent pour le jourd'huy en toute cette coste des
royaumes de Fe/ et de Maroqric sont celles-cy, par ordre dans le
Destroiet :
Ouran, habité et gardé par les Espagnolz qui } font guerre conti-
nuelle.
Septc ou Sicutte. par les Espagnolz, à sept lieues d'Espagne.
Tanger, par les Espagnols.
Toutouan, par les Maures qui n'obéissent point au roy de Ma-
roque.
Argile, par les Maures qui n'obéissent au Roy.
La Rasche, par les Espagnolz, est à l\. lieues d'Argile.
La Mamorc, par les Espagnolz, est à i g. lieues de La Rache.
Blanca; le surnom de « Villeaux Fourmis M, y emiuenle, de Mazagan aunnodos léguas
en arabe : Medineten-Nemel, n'est plus con- y que en los siglos arrasados muestra aver
nu dans le pays. V. infru, p. GOy, note 2. sido populosa, ya en sus sobervios edificios,
I. Sur cette ville, V. /'■' Série. l'rancc, t. circuito grande de murallas, bovedas,
II, p. SgS. Gespedes la décrit ainsi « Es Tite puertas, baluartes, temples, colunas, arcos,
mas que gran vestigio do una anliquissiraa lermas... (p. 5o6). Lesurnomde « Villeauit
ciudad edificada en esta costa, en sitio llano Lions )) n'est plus connu dans le pays.
368 COMMENCEMENT DE lC3l
Le Vieil-Saalé obéist au roy de Maroqiie et est à j^. lieues de
Mamore.
Le Nouveau-Saalé à une demie lieue du Vieil, comme une
République.
Anafée ou « ^ illeaux Fourmis » est déserte, ù u). lieues de Sale.
Azamoie obéist au Roy et est à lo. lieues d'Anafée.
Mazagan, au roy d'Espagne et est à 2. lieues dWzamore.
Tile, déserte, et est à 3. lieues de Ma/agan.
Saphy obéist au Roy et esta i5. lieues de Tile.
Mongador obéist au Roy et est à i(i. lieues de Sapliy.
S'^ Croix obéist au Roy et est à 3o. lieues de Mongador.
Mezze obéist au Sancton et est à 7. lieues de S''' Croix.
Bibliothè(jue Nationale. — T'' Je Colbeii, Ms. ^83, (f. ^52-/i58 — Copie
du xvii' siècle.
Ibidem. — FomU français . .W.ç. Ujl'il. ff. i// v"-290 v°. — Copie du
wn"" siècle.
Ibidem. — Fond.'! français. Ms. 16167 , ff. 321-336 r°. — Copie du
xvn'' siècle.
Bibliothèque de l'.irsenal. — Ms. i767. t. I. ff. 108-111. — Copie
du xvu' siècle.
Ibidem. — Ms. !i7'i2.ff'. 2W i'°-555. — Copie du xmi' siècle.
LETTRE DE P. MAZET A RICHELIEU 869
XLVIII
LETTRE DE P. MAZET A RICHELIEU
// envoie à Richelieu, sous le même pli, un résumé de ses précédentes lettres.
— Situation politique de Salé; sagesse de ses gouvernants actuels. —
Mécontentement causé aux habitants de Salé-le-NeuJ par un fossé creusé
autour de la Kasba. — Procès intenté à un jeune homme de Calais ;
intrigues de Ali Raïs. — Mazet réclame la mise en liberté d'un jeune
homme de Calais que Ali Raïs veut faire musulman. — Il réclame aussi
la libération d'un Dieppois pris par les Barbaresques et amené à Salé. —
SiRazilly et Du Chalard reviennent à Salé munis de pouvoirs pour traiter
avec le Gouverneur, ils pourront négocier, outre la relaxation des captifs,
la liberté du trafic dans les ports marocains. — Progrès du santon Sidi
Ali: bon accueil que reçoivent dans ses Etats les marchands étrangers.
— Nécessité d'une expédition contre Alger et Tunis. ■ — Mazet demande
à être maintenu dans la fonction de consul au Maroc malgré les pro-
visions pour la même charge que .André P rat a obtenues du secrétaire
Bouthillier .
Salé, 10 février i63i.
Suscriptiou : A monseigneur, monseigneur le cardinal de Uiclie-
lieu, grand niaistre, chef des conseillis de France, elc', par mains
de monsieur de Martin, conseilhier du Uoy en ses conseillis d'Estatz
et secrétaire gênerai de la marine de France, reue Bourgti-
bourg, etc", à Paris.
Monseigneur,
Salut et prosperitté en la bonne grasse de nostre bon roy à quy
Dieu dont 1 unique lelisitté et le nous mcintienc avec Monsieur
pour long siècle !
Celle issy est la troiziesme ou (juatriesme que j'ay heu l'oncur
De Castkies. 111. — 24
870 lO FÉVRIER l(),'5l
d'escripre en dacle du treziesme, vingt-deuxiesme octobre, et ma
presedentc du quinziesme de dezembre dernier, soubz l'adresse de
monsieur de Valanse à Calais ou, à son absance, à son lieutenant,
espérant qu'ilz auront faict tenir le paquet à monsieur de Martin à
Parys. insin que leur ay supplié et encharger de faire, si tant est
que leur soict esté randeu. Et, pour sy a cas, va sy-inclus l'estretz
d'icelle touchant les occurances passées, à quy je me remet. E
anarant sullement se quy court de nouveau en se carlier, que le
cappitaine Serron ' est reanlrei- gouverneur du Chcteau,dès le cin-
quiesme du courant, et cappitaine Alcasery y est encore pour
ceulx du faubourd", lesquelz gouvernent asés paiziblement, que
samble y voir coman sèment de conformitté de se cazy redreser
comme ilz estoinct au passé (bien que en ceste Barbarie toute chose
soict beaucoup moingz estable que à tout aultre partie du monde);
d'aultant que le ving-slxziesme de se moys ^ ont faict bailhé paye à
tousses abilans à ' livres tz. pour chaqun houme hordinere,
se que faizoict plus d'un an qu ilz n'avoincl rien heu'^. Et
neamoingz pluzieurs dudict bourd grondent contre ceulx dudict
château, à l'occazion de la continuasion du fossé que font, pour
l'avoir trasé à prandre jusques la plasse du Figuier, où se faict le
déchargement des marchandizes en la rivyere. alegant quy le font
pour se randre maistre obsolut d'eux ou de se donner aux Espa-
gnols"; et deux jours apprès, que fut le vingt-huictiesme dudict,
pour les appezer, font rangé ledict fossé tout contre l'antour de leur
petict château apjjellé El-Darmir\ oîi n'auront poinct de lieu à fere
aulcune tour ou balouart' pour mieux douminé ledict faus bourd
que auparavant ; n ont aultre advantage que de s'eltre retranché pour
1. Le cappitaine Serron, Moh^mmedhen 5. Les habitants de Salé-le-Neuf devaient
Abd el-Kader Ceron. Sur ce personnage, recevoir une quote-part dans le produit
V. supra, p. 3o8, note i. des douanes. V. Introduction critique, p. ir)3,
2. Sur les deux gouverneurs de Salé, n. 2, et p. ig4; et infra, p. 54 1.
celui de la Kasba et celui de Salé-le-Neuf 6. Sur ce fossé que les habitants de
(Ubat), V. supra, p. i(j4, note 5. Salé-le-Neuf regardaient justement comme
3. Le vinij-sixziesme (le se moys. La lettre une mesure de défense prise contre eus,
étant datée du 10 février, l'auteurveut sans V. i'''^ Série, Espagne, 16 septembre 1629.
doute dire le 26 janvier. — Le sujet de la 7. El-Darmir, transcription défectueuse
proposition n'est pas exprimé. d'un mot qui n'a pu être restitué.
!). Le papier est déchiré en cet endroit. 8. Bafouari, hispanisme pour: boulevard.
LETTRE DE P. MAZET A niC.HELIEU 871
Icdul lossé quy contourne la douniaine df leur dictz château.
Le prossès du june garsoii de Calais n'etpoinct encore conclu
pour la contrecare de se maudicl AUy Rais, quy soutient sa niechan-
cctté par de faux tesmoingz quy a presanté, et moy d'aullres quy
tesmoignent l'inossencc et veritté dudicl garson par de mesme
More ausy de son hequipage, puistjue les Chrestiens ne nous peu-
vent servir à 1 ancontred'eulx', suivant les hordonanse de leur sette
et loixs : et mesme presque aulcun n'ozent point parler de nostre
juste defance pour n'estre tansé de noz frères chrestiens", quoyque
hevidantement connoisent qu'est supozé à mauvaizo fins et nont en
terme de leur dicte croyance, que, cand ne seroict que la minu-
ryté et sa ferme constante declarasion de n'estre jamais aultre que
bon chrestieii. sufizoict, sy la justice esloict entièrement liczatte :
discours que jey propozé en familieritlé avec le supérieur dudicl
château, lequel me promect le moy fere délivrer dans peu de jours,
samhlahlement ung Dieppois, que le navire et le restant de l'équi-
page où il estoict furent prins et amenés pour ceulx mesme d'Argcrs
et 1 adjuger de bonne prmze pour avoir faict rezistance à s'être def-
fandeu, suivant la malcruze pays faicte audict Argers^ derogable
au service de nostre bon roy et au destrimant de son Estât, et par
bon sort de sedict Diepois' d'estre pretouché et mené par un araïs
de cedict lieu, pour quy je demande soict mis en liberté par verteu
de la trêve, espérant que sera en brief, où je dezire le faire conde-
teurdes prezantes jusques à la consignasion de nions' le gouverneur
du Havre ou aultre pour luy, à quy supplieray de les achaminer à
Votre Grandeur souhz la mesme adresse de mous" de Martin.
En oultre sedict gouverneur m asure que sy, pandant sont année
du gouvernement, messieurs de Razilly et Du Challart sa revyenet
avec emple comission de fere une enlieic pays, sans doubte leurs
1. Le témoignage d'un chrétien ne pou- .'i. Celle plirase est fort embrouiUéo, mais
vail être invoqué contre un musulman. le sens se rétablit facilement. Il faut cntcn-
2. La crainte de voir supprimer le trafic dre: Le navire à bord duquel se trouvait
obligeait à ces ménagements. le Dieppois fut mené à .\lger et ce captif
3. Cette maleruze pays faicte aadicl Ar- eut la chance d'être attribué à un raïs de
gers est celle du ig septembre 1628 conclue Salé qui l'emmena dans ce dernier port, ce
par Samson NapoUon. Sur ce traité, V. qui me permit de ra'occuper de sa mise en
supra, p. 226, note 2. liberté.
3/2 lO FÉVRIER l63l
serra haize de retirer deux de bonnes précautions grandement
hutille et nessesaire, afin qu'elle soict deubement hoservée ; et par
mesme concluront l'aflere du royde Marrocque pour la délivrance
des pauvres alïïigés esclaves François, et à suitle vingt-cinq à trante
quy sont à Toulouan ; que en seste mesme année et voyage pouront.
Dieu aydant, ausy establir le livre coumerse presque en tous porlz
et hechelles franque de ceste Barbarye despandans dudict royaulme
de Marrocque, où ne resteroit que Messe' qu'est sept à buict lieux
plus bas de S"'-Croys au reigne de Sus. quy est doumyné par ung
grand marabout que beulx appellent Sidy All> -, lioume, àleuroppi-
nion, de saincte vie ; lequel s'est rebellé aulx defTuntz roys dé Mar-
rocque, doub despuys posede et s'engrandy de plus en plus, pour
estre bon justisier, où s'es aquery Touredant ', Draque' et aultres
terres, que par se moyen a la plus grande trecte de 1 or de tiber"
quy vient de Tonbeteu'', plus au delà de l'Arabie dezerte ; se pour-
quoy sondict pays est mieux abondé d'or et infinyfé d'austriclies et
aultres danrées d'asés bon negosse pour les marclians, quy les
cliery et trele fort humenement, de quele nations que soinct, y
sont là fort bien veneus, à se que j'ay entandcu resilé à pluzieurs
que y sont estes. Et l'année suivante apprès, sy les affaires d'Estat
de Sa Mag'" le permect et que Vostre Ilustrisime Signorie le truvyse
apprepos, d'envoyer lesdictz s"^* avec une forte flocle de vesseaux aux
endroitz d'Arger et Tliunys pour reiformer en bons termes la
pays, ou les faire foyter à bonne hesian; se seroict tout à faict une
très-heruze mémoire et singulière louange à Sadicle Mag'" que à son
bon conseil, que le Souverayn Seigneur soutiene en supériorité sur
tout aultre monarque de la terre.
Et, à mon particulier, faict longtamps que, apprès Dieu, j'ay heu
espoir à vous, mondict seigneur, d'estre prouveu en propriété de
ceste charge de consolât de sedict heu, quoyque modernement
1. i\/esse, Massa, Mast, qui à celte époque Sous.
était avec Agadir (Sainte-Croix) le seul !i. Drague, la province de Draa.
port de la région du Sous. V. p. 365. 5. Tibfr. or en poudre.
2. SiA'A//y, Sidi.\li bon Moussa. Sur ce 6. Tonbeteu, Tombouctou. Sur le com-
raarabout,\ . supra, p. igi, note 3 etp. 365, merce de l'or que le Maroc faisait avec le
note 4. Soudan, V. i''' Série, France, t. II, p. 35g,
3. Touredant, Taroudant, la capitale du et infra, p. !i2Q, note 2.
LETTHE DE V. "NrAZET A RICHELIEU
37,3
Andrés Prat', de Marseille, en soyt esté prouveu avec celluyde Tou-
touan par laistre ef patante que monsieur de Boutilier" luy a livré,
lesqueles a faict enlerinizé à la courd d'Aix, et à mesme tamps que
messieurs de Razilly et Du Challard estoinct occuppé en se oartier
d'Afrique, que peu-estre creignoict leurs informathion à mon avan-
tage du resit qu'ilz leur plairoict faire en liequité à nostre bon roy
que à vous mondict seigneur '; se pourquoy je supplie très-hinnble-
ment Sa Mag" debonere et \oslrc Grandeur de faire entandrc Ics-
dietz s" de Razilly et Du Challard avec le R''' Père François Dathia ',
commandeur de N" Dame de la Mercy de Paris, aux fins que jen soict
honnoré et prouveu à ladicle charge, ein pryant intérieurement l'Eter-
nel me fasse la grasse de procéder toujour à me dire houvertement,
Sirre et Monseigneur,
Vostre plus humble fidelle sujet et très-aff"" serviteur,
Signé: Pierre Mazet.
De ceste forteresse de Çallé.
Ce 1 o febrier 1 63 1 .
Archives des Affaires Étrangères,
taire. Vol. I . — Original.
1. Sur ro personnage, ^". ïntrorliiction,
notice biographique.
2. V. supra. Doc. XXXIV, p. 278, Pro-
uvions de consul pour .André Prat.
3. Sur les démêlés entre Pierre Mazet et
André Prat au sujet du consulat de Salé,
V. p. 3i8, note 3.
!i. Le P. d'Athia, député par les PP. de
la Merci pour accompagner Razillv et Du
Chalard au Maroc en itijg et y racheter
des captifs, fut laissé par Du Chalard ii
Salé comme caution de son retour. « Ses
e.\horlations irriteront tellement les patrons
des captifs rpi'ils le chargèrent de mille coups
de hàton, et s'apercevanl que 3i esclaves,
lassez de leur servitude, alloient aposlasier,
il les racheta de l'argent qu'il avoit apporté,
et, en ayant vu ig autres dans le même
desespoir, il voulut engager sa liberté pour
Maroc. — Correspondance consu-
eux. Mais, les patrons avant demandé de
l'argent comptant, il eut recours au sieur
Jacques Haglan, commissionnaire anglais
qui lui prêta généreusement sur son
simple billet la somme de neuf mille quatre-
vingt-dix livres en marchandises avec les-
quelles il racheta ces 19 captifs ». Cf. Hist.
de tordre de N. Dame de la Mercy, Paris,
i6gi, pp. 2o4-2o5. En i63o, lors du retour
de Razilly et Du Chalard, le P. d'Athia alla
les rejoindre avec les 5o esclaves rachetés
qui furent ramenés en grande pompe de
Marseille b Paris. Les esclaves une fois ren-
trés dans liHirs foyers, les PP. de la Merci
firent des quêtes pour rembourser le « com-
missionnaire anglois » de ses avances. Ce
dernier, pour plus de sûreté, avait fait saisir
tous les biens appartenant aux couvents de
l'ordre. Ibidem, pp. 206-208.
374 lO FÉVRIER l63l
XLIX
EXTRAITS DES LETTRES DE P. MAZET A RICHELIEU'
Nouvelles de Salé.
i3 octobre i63o-io février i63i.
Extraict de la lettre du s' Pierre Mazet, consul de Salle, du 10
febvrier 1 63 1 .
Qu'il a cy-devant escript et envoyé ses lettres au gouverneur de
Calais ou son lieutenant pour les faire tenir.
Que le capitaine Serron, homme de respect et qui rend justice,
qui fil accorder la trêve, est rentré capitaine du chasteau, et le capi-
taine Alcaseri y est aussy pour ceulx du faulxbourg, qui gouvernent
assez paisiblement. Qu'ils avoient commencé à tracer le fossé jus-
ques à la place du Figuier, où se faict le chargement des vaisseaux
en rivière, mais les habilans l'ont faict ranger tout contre l'antour
du petit chasteau, et n'y a lieu de faire ny tour ny boulevart.
Ung vaisseau de Calais^ a esté pris par deux corsaires, l'un d Alger s
I . Ce document est un résume de celui dépliée à la reliure et placée de telle façon
(jnl précède, auquel ont été ajoutés quel- que les pages 3 et 3 forment le recto d'un
qnes détails empruntés vraisemblablement folio et les pages i et 4 le verso de ce même
à des lettres antérieures de P. Mazet datées folio. Comme le bas de la page 3 et la page
des i3 cl 22 octobre et du i5 décembre 4 en entier sont blancs, il semble y avoir
i63o (\ . p. 'i'o). Il est facile de justifier deux lettres, et, lors do la reliure, on a cru
cette assertion: i" la date des deux docii- devoir ajouter au baut du recto du folio
ments est la même; 2° les matières traitées (c'est-à-dire à la deuxième page du docu-
sont exactement les mêmes et se suivent dans mentjla mention suivante : « Maroc. — Ex-
le même ordre. — La disposition de ce docu- Irait de la lettre de Pierre Murcl(sir), consul
ment dans le volume oii il se trouve relié de Salé. »
est assez particulière et a donné lieu à des 2. Cette prise est racontée ici avec plus
méprises. U avait été écrit sur une feuille de détails que dans le document précè-
de petit format pliéc en deux ; celle-ci a été dent.
LETTRES DE P. AIAZET A RICHELIEU 3-5
et l'autre de Salle ; il y avoit dedans i 'i hommes et deux jeunes gens
qui ont esté partagez. Ledict de Salle a faict prendre par force l'habit
maure au jeune garçon qui luy est escheu, l'enfant s'en plaint.
Ledict consul le redemande et remonstre l'afere. Il est receu à la
vérifier par autres que Crestiens ; des Mahomctans le sçavent qui
sont absens: à leur retour il espère que l'on le rendra.
Ung vaisseau de Dieppe' a esté pris par ceulx d'Algers, mené à
Salle, jugé de bonne prise, parce qu'il s'estoit deffendu, suivant
l'article de la mauvaise paix faicte par monsieur de Guise avec
ceulx d'Algers qui cause beaucoup de mal, car ils font accroire à
tous vaisseaux françoys qu'ils se sont deffendus pour les faire adju-
ger de bonne prise. Ung dudict vaisseau de Dieppe ayant esté
amené à Salle, ledit consul l'a demandé, suivant 1 article de la
trêve, et espère qu'il le fera rendre.
Ledit gouverneur du chasteau assure que si, pendant cette année
de son gouvernement, M" de Razilly et Du Chalart y retournent,
(pi'ils feront la paix et en retireront des précautions, afin qu'elle
soit observée, et concluront aussy la paix avec le roy de Maroc,
retireront les esclaves, et establiront le libre commerce, exepté à
Masse, qui est possédé par ung marabout nommé Sidi Ally qu'ils
tiennent eslre de saincte vie et s'est rebellé contre le roy de Maroc,
et est abondant en or et plumes d'austriche et aultres denrées qui
viennent de delà l'Arabie Deserle.
Qu'il seroit bon de préparer une Hotte pour, l'année prochaine,
l'envoyer aux costes d'Alger et Tunis pour faire reformer la mau-
vaise paix qui a esté faicte avec eulx.
Qu'il y a quatre ans qu'il feust à Salle'', y a obtenu commission
dudict s' de Razilly pour y faire la charge de consul soubz le bon
plaisir de Monseigneur, en laquelle il faict tout debvoir. Neant-
nioins qu'un nommé André Prat, de Marseille, en a obtenu provi-
sions de M' Routhillier tant pour Salle c[ue Toutouan, et bien qu'il
1 . Il y a divergence au sujet fie la prise ce paragraphe au texte du document précè-
de ce vaisseau entre ce récit et celui ilu dent. — Si l'on s'en rapporte à cette asser-
document précédent, ce qui ïomble établir lion, Pierre Mazet avait d\l arriver à Salé
fpic ce résumé des lettres de Pierre Mazet en ifiaG. La Commission de consul délivrée
n'a pas élé fait par lui. par le chevalier de Razilly à Pierre Mazet
2. Onrcmarqueralcsaddilionsfailcsdans est du 3 septembre i63o. V. supra, p. 3i8.
3^0 tO FÉVRIER ifi.^I
n'y soit allé ne envoyé pour faire la charge, il ne laisse de prétendre
le droit du consul, ce qui ne seroil raisonnable, et pour ce supplie
monseigneur le Cardinal de luy faire donner des provisions de
ladicte charge.
Archives desAffaires Étrangères. — Maroc. — Mémoii-es et Documents,
Vol. 3, J. ^. — Original.
BIOGRAPIIIH DE MOrr.AY ABD EL-MALEK 3"
BIOGRAPHIE DE MOULAY ABD EL-MALEK'
i63i
Titre de départ : Bref et fidelle recil des inhumaines & barbares
cruautez de Moley Abdelmelec, empereur de Maroque dernier dé-
cédé, exercées tant à l'endroit des pauvres Chrestiens que plusieurs
de ses domestiques ; signamment le martyre de plusieurs saincts
personnages massacrez par luy pour la saincte foy.
Bref un roy doit estre grandement clément & bénin, tant pour
ce qu'il n"y a rien de si beau & gracieux que la douceur, que pour
ce que c'est la vertu propre de Dieu qui est le prototype des bons
princes; joint aussi que c'est par elle, dit le Sage, que sa personne
est conservée >k son ihrosnc appuyé & affermy, la cruauté n'ap-
portant que cela de jetter les âmes les mieux faites en des extremi-
tez dangereuses, dont Seneque tiroit ce beau mot : que ce prince
estoit fol qui croyoit estre en asseurance où personne ne l'estoit de-
vant luy. Et le vin, s'il y a chose dans tout 1 univers, nous rend
cruels & furieux, nous rend inhumains & barbares, comme nous
voyons es sainctes lettres, tant en la personne des frères de Joseph
que du mauvais riche ; ce que nous ont gentiment exprimé ces trois
icy : Diogenes, qui. interrogé quelle espèce de chien il estoit (car
I. On a cru devoir publier à cette placo du Maroc. On trouve en effet dans le
la Biographie de Moulay Abd et-Malck : ce présent document et dans l'ouvrage du
chcrif mourut le 10 mars i63i cl l'on sait P. François d'Angers de nombreuses
d'autre part que cette plaquette fut écrite ressemblances entre les faits rapportes, et
l'année de sa mort. V. p. 878, note 2. — la même préoccupation d'édifier le lecteur.
Cette biographie semble avoir été composée, Dans tous les cas, on peut affirmer que
sinon par le P. François d'Angers, du les deux auteurs ont utilisé les mêmes
moins par quelque capucin de la mission sources.
378 i63i
c'estoit comme on l'appelloit d'ordinaire), respondit qu'il estoit de
ceux qu'on appelle muguets quand il avoit envie de boire, & de
ceux qu'on appelle mastins & dogues, quand il estoit yvre & bien
saoul; Democrite disant que trois sortes de raisins naissoient cous-
t-umierement de la vygne, la première sorte, de volupté, la seconde,
d'yvrognerie, & la troisiesme, de rage & de fureur ; & les Grecs
qui, voulant donner un nom convenableau récit des choses cruelles
& barbares, l'ont appelle tragédie, mot qu ils ont tiré du nom de
vendange', pour monstrer qu'elles en procedoient.
Or, lecteur, quant à ce dernier, c'est ce que je te veux faire voir
aujourd'huy en la vie de Moley Abdelmelec, empereur de Mar-
roque, decedé ceste année", oîi tu en verras de si illustres témoi-
gnages, que tu n'auras plus que douter. Tu peux autrefois avoir
leu, ou du moins entendu plusieurs actions inhumaines, tant de
quelques empereurs romains que des hérétiques, signamment des
nostres d'aujourd'huy ; mais si tu y as trouvé jamais rien de si tra-
gique, je veux perdre crédit auprès de toy.
Pour t'en commencer le discours par les premiers jours de sa
couronne, qui fut le 17. de septembre de l'année 1627', n'est-ce
pas aussi tost que ce nourrisson d'enfer (aussi avoit-il esté alaitté
d'une sorcière) s'cstant mis aux champs avec une grosse armée
après ses frères', afin de s'en délivrer promptement, de rage qu'il
eut de ne les pouvoir appréhender" , tournant sa furie contre leurs
domestiques, en fit un si cruel carnage qu'il s'en \ id un ruisseau
de sang? iX'esl-ce pas au mesme instant que quelque habitant de
sa ville de Marroque. ayant enterré le cadavre d'un pendu qui infec-
toit horriblement, à cause de son extrême pourriture, de laquelle
il estoit tombé d'une porte où on l'avoit attaché, cet ennemy de
toute action d'humanité, ayant mandé quarante des principaux de
sadite ville, sans autre forme de procez ou enqueste, qu'ils eussent
tort ou non, en fil esgorger sur l'heure devant luy trente, sa tante °,
qui accourut à ce massacre, luy tirant les autres dix des mains. Ce
fut luy qui, au sortir de ccstc action, s'estant à sa couslume enyvré
1. L'autniir fait dériver à tori le mot 3. Cf. p. 107, note 3.
« tragédie » du mot -yjyr^ (vendange). 4- Cf. p. i59, note i.
2. Cette mention établit la date de ré- 5. V. ci-dessus, pp. 363, n. 3 et 384, n. 3.
daction. V. supra, p. 377, note i. 6. Lella Sofia, sœur de Moulay Zidàn.
BiOGRAnuF nr moilay abd el-malek 3-f)
avec ses alcaïdes, avant envoyé appeller six de ses femmes, sçavoir
quatre blanches & deux noires, après les avoir fait dépouiller toutes
nues & tant fouetter qu'elles fussent toutes couvertes do sang, luy-
mesme en ouvrit deux de sa propre main, depuis la nature jusques
à la bouche, puis se mit à décoller les quatre autres, faisant au bout
de ce jeu donner plusieurs coups de bastons à ses alcaïdes pour
payement de leur assistance, leur disant qu'ils se dévoient tenir
trop heureux de ce qu'il les laissoit vivre en sa compagnie, luy qui
estoit le dieu de la terre, comme Dieu estoit l'empereur du ciel, du-
quel comme il ne se vouloit mesler, aussi ne vouloit-il point qu'il
prist part ou cognoissance en ses affaires, ains qu'il le laissast vivre
à sa fantaisie, & se gouverner comme bon luy sembloit.
Luy-mesme, quelques jours après, s'estant derechef coiffé
d'yvresse, se divertissant dans ses jardins, après y avoir massacré
cinq de ses plus belles femmes, poursuivant ses diaboliques fureurs,
s'estant fait venir un jeune homme pour faire de luy ce que la na-
ture a en liori'cur. vk l'ayant accomply devant tous, ce chien, l'ou-
vrant parle fondement un pied de long, y fit mestre la teste à tous ces
alcaïdes, & puis l'ayant attaché à un arbre, l'acheva à coups de javelot,
à la fin de quoy . se ruant à grands coups d'espée, tant sur les pauvres
esclaves chresticns, que sur lesdits alcaïdes, il en estropia plusieurs.
Le jour suivant, s'estant cncores prins de vin dans ses jardins,
ayant commandé (ju Dn liiv amenast trois de ses femmes & un eu-
nuque, f|unnt aux femmes, il les fit premièrement enterrer jusques
aux maiiiinelles. & puis, comme elles luy reprochassent qu'il ne
craignoil point Dieu, juste vengeur des méfaits & des crimes, se
mettant en plus grande furie, leur creva par après les yeux & fit
bâcher le visage par petits morceaux. »S: quant à l'eunuque, il le fit
cscorcher tout vif, ik par une cruauté non jamais ouye, après luy
avoir fait manger sa peau, le fouette sur la chair vive jusques à ex-
pirer, l'achevant en fin à coujis d'cstramasson.
C'est luy qui, le lendemain, ayant couppé les membres à deux
noirs, il les fit jetter aux chiens, puis, se ruant sur sept pauvres
femmes, les ayant fait attacher à sept arbres, les massacra à coups
(le lan(!e, leur disant pour consolation que celle à qui il donneroit
pins droit au creur seroit samieux aymée en l'autre monde, faisant
enfin laver par trophée le visage de tous les assistans dans leur sang. Et
38o
i63i
tout cecy tn ec cent mille autres qu'il seroit ennuyeux de remarquer
(estant, ce dit-on, de pacte avec le diable de ne passer jour de sa vie
sans luy sacrifier du sang humain) s'exécuta en moins de cinq mois.
Le second de mars, jour de mardy', faisant ses jjacanales & orgyes
ordinaires, il fit encores celles que je m'en vay te descrire, si tu as
la patience de les voir. Il y avoit à Marroque deux lieux fort hor-
ribles où estoient enfermez plusieurs Chrestiens^. En l'un estoient
entre les autres personnes de remarque trois saints personnages
religieux, le plus vieil de tous nommé le Révérend Pcrc Jean Du
CoraiP , augustin de Lisbonne, aagé environ de soixante ans, le se-
cond le Révérend Père Cyprien, de l'ordre de Salnct François \ &
le trolslesme, le plus jeune, le vertueux Frore Pierre Morel de
Rouen, de l'ordre de Salnct Dominique; en l'autre, le Révérend
Père Pierre d'Alcnçon, & le Révérend Pcre Michel de Veslns, ca-
pucins, avec le nepvcu de monsieur le chevalier de RazlUy", & le
sieur DLimont\ gentilshommes, & plusieurs autres qui furent prlns
avec luy, quand ces Barbares luy jouèrent l'insigne trahison dont
tu as ouy autrefois parler ' .
Or, commençant par ceux de la première prison, comme à
son advls de moindre considération, les ayant envoyez tous
quérir, & cependant, pour se mettre mieux en appétit de leur
mal faire, esgorgé quatre hommes tout d'une suitte, d abord,
accostant le Révérend Perc Jean Du Corail (qui comme un fidelle
1. D'apri's les tables de concordance,
c'est en 1627 que le 2 mars est tombé un
mardi. Or cette date de 1627 est inadmissi-
ble, puisque Moulay Abd el-Malek ne régnait
pas encore. D'autreparl, le P. François d'An-
gers (V. supra, p. 167) place le fait qui va
suivre au 2 mars, parmi ceux de l'année 1O28.
2. Sur les deux prisons (scdjènes) où
étaient enfermés les Chrétiens, V. p. i65,
note I.
3. Jcnn Du Corail, le P. Juan dcl Corral.
Sur ce religieux, V. p. 167, note 2.
i. Le R. P. Cipriano de la Conccpcion
était de famille portugaise et était Gardien
d'un couvent de Franciscains Décliausscs
au Brésil. Comme il revenait en Espagne
il fui pris par les pirates barbaresques et
emmené en captivité à Merrakech. Il se
consacra au service de l'église de Merra-
kech privée de chef depuis la mort du R.
P. Cristobal de Flores. Cf. Mémorial de
esta Saiitn Provincia de San Diego, f. 45 ;
Fu. Fkancisco de s. Juan DtL Puerto,
lib. II, cap. XXI ; Castellanos, pp. 25o-
201. 11 mourut de la peste à Merrakech en
ifiîf). V. iiifra,p. 385.
79'
5. Sur ce neveu de Razilly, V
iiote 3.
6. Sur ce personnage, V. p. :i5o, note i.
7. Sur cette violation du droit des gens,
\. la Rclalion du P, François d'Angers,
p. 107.
BIOGRAPHIE DE MOLLAY AISD EL-MALEK .'^8 I
berger alloit au devant de ses ouailles pour les défendre de ce
loup carnassier, et en recevoir sur luy les coups), luy tenant
cpielques propos comme cpi'il vouloit c|u'il luy servist de soldat, &
autres choses impertinentes, ce sainct homme s'en estant modeste-
ment excusé sur sa vieillesse, le priant tpi il le mist plustost hors
de servitude, ayant la rançon toute preste à Masagan, quand il eut
ouy nommer cestc forteresse, que les Espagnols detieiment de ses
terres, ce fut alors que, tirant son espée hors du fourreau, il luy
donna premièrement un si grand coup sur la teste, que son espée
passant outre se rompit la pointe contre une muraille. Puis, ce
Père se mettant à genoux, afin de recevoir le second, disant à haute
voix en son langage: « / Vive la fe de my Redemtor Jesu Chrislo!
Acabe, leoii hambriente, de despedaçar mi qiierpo. que es seniza para
que mi iilma vaia presto goçar de la bien advciilareiirii. Esta coronna
a muclio tieinpo que la deseo, mucha lionnt me haze », ne luy ayant
pas encores osté l'usage de la parole pour celuy-cy, ains continuant
de luy dire : « Perro ralAoso endemonado. lu no puedes que matar my
cuerpo, mas my aima sera oy coronnada en el cielo », il l'acheva par
un troisiesme. luy mettant toute la teste en deux. Et après se ruant
pesle-mesle sur tout le gros, escrimant de rage & de fureur, & cha-
maillant de çà & de là, s'encourant de roidcur vers le susdit ver-
tueux religieux jacobin ' qu'il aperceut parmy la brune (car la nuit
le print en ce combat) à cause de la blancheur & forme de son ha-
bit, & luy criant qu'il reniast sa foy, il luy donna tant de coups
d'espée, que, comme il l'eust laissé pour mort sur la place, il s'en
trouva chargé, de ceux qui avoient porté, de sept grands, sçavoirde
trois énormes sur les espaulcs, luy pensant avaler la teste, un à la
main qui luy avoil tranché un doigt, deux au bras qui luy en avoit
osté le mouvement, & un aux jambes dont il tomba par terre ne
pouvant plusse soustenir". Cruautez qui furent suivies d'un meurtre
(|u'il fit de sept de ses femmes, si tost qu'il fut arrivé dans son
Abbedée ', ceste tragédie se jouant dans les jardins à une grande
place proche de ses escuries. Et après son souper de ces deux mal-
1. Le P. Pierre Morcl de Rouen. V. p. 2. Le P. Morel guérit cependant de ses
38o. On sait que les religieux de l'ordre de blessures. V. p. 167.
Saint-Dominique étaient connus en France 3. Abbedée, El-Bedi. Sur ce palais, V. El-
sous le nom de Jacobins. Oufràni, Index, au mot Bédi'.
lieureuses aclioiis. sortaiil pour allci- l'aire un piie carnage en la
jirison où esloienl les Pères capucins, s'il n'eust esté dissuadé d'y
entrer par quelqu'un de ses alcaïdes, pour lemotion que cela pou-
voil causer à la ville, à cause qu'il esloit trop 7iuil, il fut heurter à
la maison d'un sien cousin germain, »S: leslrangla entre ses mains,
comme il luy lut venu cjuvrir la porle'. Puis s'en revenant pour
cuver son ^in. il fit jctlcr, pour coui'onnement de loules les actions
de oestejournéc, deux de ses helchcs" dans ses cstangs, les ayant fait
foueter cruellement.
Mais cecy sestanl passé ce jour, que penscs-lu qu'il fist les
autres? Certes le jour ensuivant', comme il reposa de son vin, pen-
dant que de leur costé nos pauvres martyrs françois s'estans tous
assemblez au lieu où estoient les Pères capucins, non tant pour
panser leurs blessures que pour se préparer à un plus cruel mar-
tyre, ce qu ils firent par une dévote confession & communion, avec
une protestation & serment solennel faict après la lin de la saincte
messe sur les sainctes Evangiles, chacun en pai'ticulier y apposant
la main, que jamais, quelque genre de barbarie qu on exerçast sur
leurs personnes, ils n'abandonneroienl la sainte foy, ce furieux
energumene, estant éveillé, & se souvenant desdits Pères capucins
& de leur compagnie, & que la nuit l'avoit empesché de les mal-
trailter, il les envoya quérir, pensez pour en faire sacrifice & en
saouler son avide cruauté, si non que Dieu, qui use, quand il luy
plaist, de sa puissance extraordinaire, le voulust adoucir pour
cette fois. La chose estant ainsi succédée, qu'après avoir tenu plu-
sieurs discours à ces Pères, qui, comme de généreux capitaines,
se mirent au devant de la troupe pour combatre ce cerbère infernal,
comme, entre autres, quelle estoit la meilleure religion, de la sienne
ou de la leur, et ces Pères luy ayant constamment respondu que,
si ce n'estoit la chrestienne, ils ne se fussent pas exposez à traverser
tant de mers pour la venir défendre dans ses royaumes, & qu'ils
estoient prests de la soustenir contre les plus doctes & versez qu'il
choisiroit en sa loy, & par un feu qu'il feroit faire exprès, à fin que
1. Ci. supni, p. 171. clirétiens.
3. Le jour cnsuk'aiit. le 2 avril 1G28. Cf.
2. //e/c/ies. en aralje ^ , euldj , reiiùgaU supra, i^. i(5S.
BIOGRAPHIE l>i: ■MOLI,\\ AllI) 1 I.-M VLKk ,S83
les uns À: les autres lussent jetiez dedans, il les envoya sans leur
faire autre mal. sinon quaprès les avoir fait passer devant liiy. les
uns après les autres, lîv: donné à chacun son colil)ct, i! leur dil (|u il
remcttoit à les tourmenter à une aulre fois.
Jusques icy. ce monstre exécrable n'avoil exercé sa fureur (jiic
dans l'enceinte de sa ville de Marroque. Les démons ses amis
veulent maintenant qu'il en sorte, >k qu il aille exercer ses impié-
tezau loin. C'est donc pour ce fait que le 12 d'avril '.prenant son che-
min vers la Duquelle", accompagné de six à sept mil hommes, estant
arrivé à la cabille des Ramenas \ qui est un peuple (pii vil sous les
tentes <S: fait profession de ne s'allier qu'à ceux de leur souche,
ayant fait passer par le fil de l'espée tout ce qu'il en rencontra,
horsmis cent qu il retint prisonniers, il les fit le lendemain mettre
par quartiers comme chair de la boucherie. De ces Ramenas lininl
vers la rivière de Tansif, quelques peuples qui s estoient révoltez
contre luy à cause de ses exécrables ijaiburios luy ayant depesché
un d entre eux pour luy offrir leur très-humble service \ se pro-
tester ses esclaves, le suppliant de leur pardonner, ce dénaturé,
contre le droict des gens, non seulement le fit brusier toul \'\i\ mais
encores, contre les loix de la nature, donnant jusques au chasteau
où estoient retirez ces pauvres gens, en fit esgorger jusques à douze
cens, faisant courir sa cavalerie sur ce qui s'en esloit peu eschapper,
leur coupant, après qu'il les avoit retrouvez, les bras & les jambes,
etles laissant, ainsi que des tronçons de bois, pourrir parles champs.
De là voulant voir Mongador', petite isle sur la mer Athiantique,
entourée de rochers excessivement hauts, qui font des précipices
espouvantables, y faisant séjour de quinze jours, son exercice fut
de courir à la chasse des hommes, &, lorsqu'il en avoit rencontré,
les monter en haut de ces rochers >!v; les précipiter dans la mer, en
riant à gorge déployée. Et un jour, se promenant dans un bateau
autour de cette petite isle, le vent s'estant si fort eslevé qu'il estoit
en danger de périr, ses alcaïdes l'ayant mis à bord comme les plus
expérimentez de ses pilotes, pour salaire il les fil bien bastonner,
1. Le 13 avril 1628. Uahamna.
3. La Ou^ue/ff, le pays de Doukkala. 4- Surcescjourdu ClR-rif à Mogadorqul
3. La cabille des liamenas, la tribu des cul lieu en aoùl 1628, Cf. supra, p. 176.
384 i63i
puis fouetter. «S; après, les ayant fait boire avec luv, les prendre'
pour compagnons, pour luy ayder au massacre de vingt-deux
pauvres Barbares, qu'il tenoit enchaisnez auprès de luy. Sortant de
ce lieu pour aller en Chednia', où son frère puisné^ luy fut livré
entre les mains par un traislre, après en avoir fait les feux de joye,
il luy feit mettre les fei's aux pieds, le conduisant luy-mesme jus-
ques à Marroque pour Texecuter en temps convenable; celuy de la
Pasque du mouton' qu il devoit faire l'en empescha pour lors.
Revenu qu'il fut en Chedma, ayant envoyé au supplice plusieurs
esclaves françois qui servoient à son escurie, comme il se resouvint
qu'il en avoit besoin, cliangeant ceste peine en une plus cruelle (car
cest moins d'estre estranglé que d estre ainsi batu), il leur fit donner
à chacun cent coups de baston, tant sur le ventre, bras, gras de
jambes, plantes des pieds qu'autres parties, tant ijuun homme
fort les peut desserrer.
De Chedma tournant vers Safy pour y faire quelque demeure,
pour estre l'un de ses plus beaux cbasteaux, en quatre mois qu il
y demeura% il n'y eut jour (ju'il n'y ilst quelque massacre, s'estant
nombre de compte fait huict cens personnes tant hommes que
femmes, qu'il fit sauter de son chasteau à la mer. Entre ses autres
belles actions sont à remarquer qu'à une fois il fit trente eunuques,
les ayant contraint de renier leur foy ; une autre qu'il fit traisner
un des plus qualifiez de sa maison trois jours continuels parmy la
ville, & après escorcher tout vif, prenant plaisir à luy mettre luy-
mesme les membres par morceaux. Lue troisième, qu'estant sur
les murailles de son chasteau, sentretenant avec l'alcaïde Rodouan,
se vantant à luy qu'il n'avoit crainte d'aucun homme, ayant à sa
faveur & dévotion, quand il luy plaisoit, trois légions entières dj
démons pour luy servir d'escorte & de defence, il fit venir un de
ses canonniers irlandois ik luy fait mettre cinquante livres de fer
aux pieds, d'autant, luy dit-il, que, venant de regarder la mer, il
1. Les prendre, pour: les prit. el-Kebir, pour la célébration de laquelle
2. CUedma, la tribu des Chiadma dont tout Arabe est tenu d'égorger un mouton,
le territoire s'étend entre Mogador et Safi. 5. D'octobre 162S à janvier ou février
3. Son frère puisné. Moulay el-Oualid. 1629, date approximative du retour du
V. ci-dessus, p. 363, note 3. (jhérif à Merrakecli, selon le P. François
!i. La Pascjue du mouton, la fétu de l'Aïd d'Angers. Y. supra, p. 181.
BIOGHVPHIt: DE MOULAY ABD EL-MALEK 385
\ avoit apperccu des matelots anglois qui voguoienl vers le 2)oit
sans l'avoir salué, lesquels il n "avoit sceu faire prendre pour s'estre
enfuis dans leurs navires. Le soir il le délivra de ces fers, luy ayant
donné pour pénitence de trancher la teste à quatre Mores, sur les-
quels il essaya le premier le tranchant de son espée. Une quatrlesme,
(pi avant mandé qu'on hi\ anienasl (piehpies cheeqs, qui est à
(lire les premiers d'un village, (Sl un phaquel', qui veut dire un
sainct personnage, avant fait couper à ces cliecqs premièrement les
doigts. [)uis les orteils des pieds, puis les gras des cuisses & des
jambes, enfin il leur trancha la teste, (S[ pour le phaquel, le fit gril-
ler avec des lames de fer ardeni, faisant clouer leurs corps à ses
portes.
Mais, monstre, ne sortiras-tu jamais de ceste pauvre ville, faut-il
(pie tu l'achevés de dépeupler par tes barbaries, & qu'il ne t'y de-
meure plus que les maisons.^ Pour moy, je croy qu'il en eût fait
ainsi, n'estoit que la peste, qui s'estoit si fortjettée dans toute la
Barbarie, qu'en moins de trois mois, en la seule ville de Marroque,
moururent bien trois cents mille personnes, parmy lesquelles fini-
rent heureusement leurs jours, non seulement les deux Révérends
Pères capucins dessusdits, le Révérend Père Cyprien, &. le neveu
dudit sieur chevalier de Razilly", mais encore quasi tous les esclaves,
s'eslaiit aussi glissée sur le peu d hommes qui restoit à SafTy de la
cruauté de ce barbare, il fut contraint d'en sortir à la haste, tant il
avoit crainte de mourir.
Sors donc, exécrable avorton de la nature ; sors, tigre avide du
sang humain ; sors & t'en vas par les campagnes ; mais ne manque,
comme tu fis à ta première sortie de Marroque, de les arrouser de
neuves de sang. Car comment est-ce que par tous les lieux où il
passoit, desquels il changeoit à toute heure, il faisoil cmpaller les
uns, égorger ou esloulfer les autres, deschirer ou hacher ceux-cy ;
eloù il se renconlroit par fortune des arbres, les y attacher & assom-
mer, soit à coups de lleche, soit à coups de canon, une fois avec
des harquebuses ou des pierres, bref en toutes les manières imagi-
nables, & desquelles il se pouvoit adviseï-. 11 s'est trouvé plusieurs
1. Pliaqucl, fekih, docUnir do 1.t T^oi. Gabriel de Razilly, \. Histoire de la mission
2. Sur la mort des l'P, capiuiiis et de des l'P. capucins au Maroc, pp. i^g-iSS.
De CiSTinEs. III. — 25
386 i63i
fois, attachant ainsi un homme, pieds & mains à quatre arbres, qu'il
le faisoit, suspendu qu'il estoit, fendre par le milieu du ventre, &
puis, l'ayant emply de poudre à canon & si bien recousu qu'il ne
pouvoit prendre vent, il luy faisoit mettre le feu au fondement, afin
qu'il s'en allast en pièces. Il s'est veu encores d'ordinaire que ce
tyran, en ayant attaché un autre à un seul arbre, luy donnoil si fort
le frontal' qu'il luy en faisoit sortir les yeux de la teste, & puis les
remplissant de poudre, y faire" mettre le feu avec un tison.
C'estoil tous les jours qu'ayant un cheval très-furieux qu'il tenoit
ordinairement sellé & bridé à 1 entrée d'unede ses tentes, ik quijettoit
en l'air un homme de la hauteur de deux brasses, & le reprenant
en tombant il l'esgorgeoit d'un coup de dents, il ne l'exerçoit qu'à
cela, luy faisant, après qu'd estoit las de massacrer, donner pour
pasture du vin & du laict, dont ce cheval montroit par signes en
estre fort aise.
Vous ne sçauriez dire combien de fois il jettoit aux lions des
pauvres créatures ; mais admirez comme un lion qu'il traisnoit à
sa suitte le fil rougir ; car, comme cette pauvre beste, plus humaine
que luy, ne voulut manger du gras de la jambe d'un More, qu il
avoit fait couper exprès pour luy donner, quelque invention qu'il y
apportast, comme de la faire farcir de mouton, ce tison d'enfer
l'ayant fait fouetter & jeusner trois jours pour le contraindre de
manger, si est-ce pourtant que jamais il ne voulut le faire, quoy
qu'il luy en fist servir une autre de nouveau. C'estoit par tous les
lieux où il passoit qu'il faisoit des estangs de sang & des montagnes
de cadavres. Mais ce que j'estime le plus horrible de tous, c'est que
de la moitié de ceux qu'il faisoit mourir, qui estoient tous ceux
qu'il rencontroit, à l'autre moitié il faisoit seulement couper les
bras & les jambes, les laissant languir sur la place pour estre des-
chirez par lesbestes féroces, ou mourir de douleur & et de faim.
Maison vérité je te serois trop ennuyeux, lecteur, si je te vou-
lois dire la milliesme partie des cruautez de ce démon incarné. Prens
seulement encores patience de lireceste douzaine, & que je finisse par
celles qu'il finit ses maudites promenades. Il voulut retourner à Mar-
I . Le frontal était une torture consis- front du patient,
tant à étreindre avec une corde à nœuds le 2. Y faire, pour : v faisoit.
BIOGRAPHIE DE MOL L.W Alil) EL-MALEK 38~
roque, «k la première action qu'il y lit ce rul(|ue, voukuil célébrer les
funérailles de sa defuncte mère qui estoit morlc,il y avoit quelques
mois, il fit mourirdix de ses plus belles femmes, les envoyant, disoit-
il, pour la servir, attendant qu'il luy en fist présent de davantage.
Desquelles, comme il en ainioil uneeperducment, il la fit desenterrer
quatre jours après. tV 1 ayant faite veslir somptueusement & orner
bien pour cent mil escus de pierreries, la baisant et rebaisant plu-
sieurs fois pendant que quelques eunuques la luy soustenoient
toute droite, puis enterrer après avec toute cesle ricbesse, Iren-
iliant la teste à tous ceux qui y avoient mis la main.
La seconde, qu'un pauvre esclave chrestien ayant esté appréhendé,
comme il se vouloit sauver, l'ayant fait venir à son armée, il luy
coupa en présence de tous avec un rasoir qu'il tenoit en une main
\; des tenailles rouges en l'autre, premièrement l'une & l'autre
Icvre, puis le nez, les joues, les oreilles, les pieds, les mains &
enfin tous les membres du corps l'un après l'autre, avec tant d'inter-
valle \ de poses entre deux, (ju'il employa trois heures en ce mar-
tyre, s'asseant & se reposant en une chaire qui estoit là préparée,
à mesure qu'il les coupoit un à nn.
La troisiesme, qu'yvrognant à une lieue de ses pavillons, quel-
qu'un luy ayant dit qu'il ne faisoit pas bon de demeurer là, d'au-
tant que 1 air se troubloit, leur ayant respondu en vray démoniaque :
« Pourquoy est-ce (juc Dieu veut faire pleuvoir, puis qu'il ne me
plaisl pas."* Sçait-il pas bien que je suis icy.'' » & autres paroles d'un
air semblable, comme pour se venger de luy, il se fit amener
quatre Arabes, lesquels il fit escorcher tous vifs et brusla luy-
mesme par après à force de tisons allumez.
La quatriesme, (pi ayant apperceu une sauterelle sur les toilles
qui entoui'oient ses tantes, s'estanl fait \enir ses emuujues, pour
sçavoir d eux qui avoit esté si liardy que de luy donner ceste
licence & se mettre en lieu qu'elle peusl voir ses femmes, ayant la
main à l'cspée pour les tuer, «.V se ravisanl. tout à l'heure leur lit
donner à chacun buict cens coups de fouets sur le ventre, afin de
leur apprendre une autre fois à ne laisser pas regarder ses femmes.
La cincjuiesmc, que voulant faire les nopces d'une belle Chabanette '
I . ChabanetU', femme ilc la tribu des ChcbAna. V. supra, p. ioi, note 3, et p. 827, note i
388 i63i
qu'il espousa, ayant pour cet efiet fait fermer sept jours du-
rant toutes les boutiques, & commandé que toutes les femmes de
ces alcaïdes & cheqs s'assemblassent dans ses jardins pour danser,
où il s'en trouva plus de vingt mil, les allant voir pour baller & fo-
lastrer avec elles, c'estoit, à la fin du jeu, de jelter quantité de poi-
gnées de petites pièces d argent, qu il avoit fait battre toute exprès,
parmy elles, tant afin que courant à qui en auroit, elles s'entre-
meurlrissent, qu'à fin qu'elles estoulTassenl quantité d'enfans qu'elles
avoient avec elles, les frapant par derrière à coups de plat d espée,
faisant semblant de les vouloir séparer.
La sixicsme, que s'estant fait faire un cercle de fer par un serru-
rier, qui se serroit & se deserroit à vis, il en fit mourir pour un
seul coup trente femmes, leur pressant tellement le front qu'il fal-
loit qu'elles rendissent la cervelle, laquelle il faisoit manger à ses
eunuques.
La septiesme, que faisant pour une seconde fois de nouvelles
nopces, après s'estre lassé de danser autour d'un estang qui est dans
ses jardins , grand de douze mil pas en carré , avec un mi Hier d' hommes
& de femmes, il en fit tant jelter dedans >k noyer, les uns, une
bouteille pendue au col, les autres, pieds À mains attachées, les
autres liez avec de longues cordes par la nature, (ju'il tenoit entre
ses mains, pour les mieux faire danser dans l'eau, que 1 eslangs'en
trouva tout remply, ayant au preallable fait allumer deux mille
flambeaux tout autour dudit estang, afin de mieux voir ce spec-
tacle. En fin la 8. g. lo. ii. & dernière furent la veille de son
trespas.
Pour la 8. c'est qu'ayant trouvé un petit berger, ik lui ayant de-
mandé à qui estoient les moutons qu il paissoit. comme il luy eust
respondu que c estoit à son frère, s'estonnant de ce qu'on osoit
dire que quelque chose ne fust pas à luy, il le fit massacrer par un
de ses alcaïdes, qui voulant différer de l'exécution pensa luy-
mesme estre massacré de luy.
La neufiesme, qu'à demye heure de là, rencontrant un autre
berger, duquel il avoit acheté une chèvre devant qu'il fust roy, il
luy fendist la teste en deux, d'autant, dit-il, qu'il luy avoit trop
vendue. Et au sortir de ceste action, ayant fait venir un More
nommé Saudal, il luy fil verser une cruche d'eau-de-vie dans le
BIOGRAPHtE DE MOULAY \BTl EL-MALEK 38f)
fondement avec un entonnoir. tV puis l'ayant lait coudre afui qu il
ne prist vent. A y mist le l'eu \' le fit crever.
La dixiesme fut sur le soir, que s'estant fait attacher ses espé-
rons, il monta sur l'eschine de quatre hommes l'un après l'autre,
les faisant maniera courbettes comme un cheval, leur chauffant ses
espérons dans les flancs, après les avoir tous quatre lassez et rc-
creus, si qu'ils ne se pouvoient plus remuer, il les estropia de hras
\ de jambes.
L unziesme, que de là montant sur un cheval blanc, il le fit pas-
ser plus de cent fois sur une fcinmc qui servoit à sa cuisine, si qu'il
luy froissa & moulut tous les os.
En fin pour la dernière, c est qu'ayant un chien appelle Lion,
(jui luy servoit de garde ordinaire, il le fit emprisonner ce jour là,
ce que je ne te mar(|ue point tant pour cruauté, car je te puis jurer
en sincérité qu il a fait plus de cent mille autres actions autant ou
plus cruelles (juc pas une de celles que je te descris icy, que pour
te dire que, par cet emprisonnement de son chien, il mist fin à sa
misérable vie. Car tous les alcaïdes & principaux capitaines ayant
délibère de s'en défaire, pour ne pouvoir plus souffrir ses iuhuma-
nitez. ik attitré pour cela un renié provençal nommé Chaban, cest
homme, le voyant endormy sans sa garde ordinaire, entra ceste
nuict dans sa tente, & pendant qu'il ronfloit de son vin. luy lascha
un pistolet chargé de balle ramée dans le petit ventre, en sorte que
ce monstre, paravant que de s éveiller de son somme, se trouva
plongé dans les enfers '.
\ oila donc, lecteur, ce que je m estois proposé de te monstrer,
sçavoir. combien I excès de vin rend un prince cruel & barbare.
Voila encore, si lu veux, comme il le prive de loutes les vertus &
boiuies rpialile/ (pic nous avons iemar(piécs en nostre commence-
ment esirc nécessaires vV bien séantes à un prince, quoy que
ce ne soit que comme par Incident. Voila comme il est utile ou
pluslost nécessaire qu'il s'en modères cslroittemenl; & en fin com-
bien sont grandes les obligalions (pic tous ces pauvres Chrestiens
fran(;ois, qui ont esté tirez des pattes cruelles tant de ce loup infer-
I . Sur cotti' morl dr Moulay Abd ol- Série, Angleterre, llelaliun de J. llarri-
Malck qui i;ut lieu le lo mars i(i3i, cf. i'" son, i63i.
3f)o i63i
nal que de son successeur, ont de robligation îi nostre bon roy de
les avoir retirez de telles misères ; & par mesme moyen à monsei-
gneur le Cardinal, comme à ccluy qui luy a non seulement inspire
de faire cette sainctc action, mais encore la dressée & conduite, y
employant pour ce lait deux vertueux & qualifiez de son affection
& connoissance, sçavoir. messieurs le commandeur de Razillv & Du
Clialard, admirai cl xice-admiral de la fiole qu il y a envoyée, en
l'élection desquels son jugement divin \ céleste ne la pas trompé,
puis que les choses ont réussi si heureusement, comme tu as peu
voir par les articles de la paix cy-devant pul)liez '. Elle sera doresna-
vant parfaite >k inviolable entre nostre monarchie et cest empire^.
Fin.
Bihiiotitèfjui' AfilioïKilr. — Iniprinuis, ()' j S'i. — Bref cl fidcllc rcril des
iiilnimnines cl barbares cruaiitez de Moley Abdelmelec, Empereur de
Maroque dernier decedé, exercées tant à l'endroit des pauvres Chresliens
ijue plusieurs de ses doniestirjues. Sirjnainnient le martyre de plusieurs per-
sonnages massacre: par luy pour la Saincle Foy. A Paris, chez Edme
Martin. KVSl.
I. Il s'agit (lo la publication des deux 3. Cf. /"' Série, Angleterre, à la date
traites de ifi.Si vpii avait été faite dans le de i6.3i un autre récit des cruautés de
Mercure François. V. p 434, note 4- Aloulay Abd cl-Malck.
RELATIONS DE LA FRANCE ET DU MAROC DE l63l A 1 635 Sg I
LES RELATIONS
DE L\ FRANGE AVEC LE MAROC DE i63i A i635.
LES PALLAGHE.
Introduction critique.
Il n'existe pas pour le cinquième voyage que Razilly fit au Maroc en ifiSi de
relations comme celles qui racontent les expéditions de 162^, 1629, i63o el
i63ô. Cette mission n'est connue que par des résumés très brefs parus dans
la «Gazette de France' », ou le «Mercure François-», et quelques rensei-
gnements qui figurent, h titre rétrospectif, dans des documents de date posté-
rieure. Pour la reconstituer et en comprendre les conséquences, il faut étudier
les relations de la France avec le Maroc pendant la période i63i-i635, en com-
plétant la documentation des dépôts français par celle de provenance étrangère.
En aoùl i63o Razillv et Du Chalard avaient racheté les esclaves français
détenus à Salé «jusques à tant qu'il ne s'y en trouva plus^ ». Mais il restait à
Mcrrakech d'autres captifs. Le chevalier de Razilly avait écrit à leur sujet au
chérif Moulay Abd el-Malek el avait erivové le 1 5 aoùl ' trois vaisseaux commandés
par le capitaine Pâlot pour le précéder à Safi. 11 les rejoignit le 3i aoùl ■>. Les
esclaves attendus de Merrakecli n'étaient pas encore arrivés; bien au contraire,
ils écrivaient que le Chérif ne pensait nullement à leur rendre la liberté, et
qu'il n'avait d'autre intention que de traîner les alTaires en longueur jusqu'à ce
que le mauvais temps contraignit les vaisseaux français à s'éloigner''. Un
événement inattendu changea la face des alfalres. Le Chevalier captura le 3
octobre i63o un navire hollandais frété par les Juifs Pallaclie et sur lequel se
trouvait de la contrebande de guerre'.
La famille des Pallaclie, si mêlée à l'histoire des relations des Chérifs avec
les États chrétiens *, était alors représentée dans les Province-Unies par Joseph,
frère de Samuel, et son fils David, agents plus ou moins attitrés du Maroc
auprès des Etats-Généraux. Un autre fils de Joseph, appelé Moïse, résidait à la
cour chérifienne, où sa connaissance des langues étrangères le rendait indis-
pensable, el il profitai! de son crédit pour faire avancer ses afi'aires persoiincllos,
en trompant un peu tout le monde''.
Dès que Moïse Pallaclie eut appris la capture faite par Razilly, il n'eut plus
1. V. Doc. L\I, p. 432.
2. V. p. 434, note 4.
3. V. supra, p. 3io.
4. V. supra, pp. 3io-3i3.
5. \. supra, pp. 2gi et 3iû.
6. V. supra, p. 324.
7. V. supra, p. 325 et note 2.
8. V. /'"'' Série, Pays-Bas, t. 1, Introduc-
tion, pp. xv-xvn.
ij. \. infra. pp. 3y4-390.
Sq2 introduction critique
qu'un but : rentrer en possession du navire de la famille et de sa riche cargaison
estimée cent mille livres '. Il réussit à vaincre les hésitations du Chérifau sujet
des captifs français et obtint leur mise en liberté -. Mais quand ce\ix-ci arrivèrent
à Safi (16 octobre), Razilly, qui avait perdu patience et qui craignait en outre
l'approche de la mauvaise saison, voguait déjà avec sa prise vers les côtes de
France'. Avant son départ il avait laissé au consul Pierre Mazet, avec charge
de les vendre, un lot de marchandises évalué à 28 886 livres et provenant du
navire qu'il avait capturé *.
Désappointé de ce contre-temps, Moïse Pallaclic résolut de faire agir auprès
du roi de France son frère David, afin d'obtenir la main-levée du navire et de
sa cargaison. Il lui écrivit donc ', lui recommandant de faire valoir auprès du
cardinal de Richelieu le zèle qu'il avait déployé pour le rachat des esclaves et le
chargeant de remettre à Louis XIII deux lettres, l'une du Chérif datée de
Merrakech 2 novembre i63o'', l'autre des captifs français datée de Safi 3o
novembre iBSo''.
David Pallache se rendit en France, venant de La Ilave, et arriva à Paris
en mars iG.'ii ; il remit, au mois de mai, à Louis XIII les deux letlres dont
il était porteur. On prit en pitié à la cour de France le sort de ces malheu-
reux captifs, que le départ précipité de Razilly, avait empêché de mettre en
liberté et l'on décida l'envoi au Maroc d'une nouvelle ambassade pour racheter
les esclaves et négocier avec le Cliérif un traité de paix '*. David Pallache, qui
promit son concours, obtint, à défaut de la cargaison, la restitution de son
navire; on le combla de présents et on lui concéda quelques avantages impor-
tants '•'. La nouvelle mission avait h sa tète Razillv et Du Chalard, au.xquels on
avait adjoint un envové spécial, le sieur de Molères, chargé des négociations avec
le Chérif. Elle emportait une lettre de Louis XIII pour Moulav Abd el-Malek
et des étoffes pour une valeur de cent mille livres qui devaient être offertes au
Chérif en échange de la libération des captifs français '".
La flotte, composée de trois navires et deux palaches, partit de La Rochelle
au mois de juillet i63i et dut arriver à Safi en août, après avoir fait escale à
Salé pour remettre des lettres aux caïds de la Kasba et de Salé-le-Neuf ". Entre
temps le Maroc avait changé de souverain : Moulay Abd el-Malek était mort le
10 mars i63i et avait été remplacé par son frère Moulav el-Oualid.
1. V. supra, p. 342. faisant au .Maroc le trafic du cuivre et du
2. V. supra, p. 32.5. plomb, elle fit présenter à la cour de France
3. V. supra, pp. 353, 3.55, 356. des remontrances par le sieur Augior son
4. V. infra, pp. 435-436, 443 et 5io. ambassadeur V. /"' Série, Angleterre,
5. \. infra. Doc. LI, p. 3g8. année i63i.
6. V. supra. Doc. XLV et XL^■''i^ pp. t). V. infra. p. 453 et note 2.
35oel352. 10. V. infra, p. 433 et i" Série,
7. 'V. supra. Doc. XLVI, p. 355. .\nglelerre, Lettre de Moulay el-Oualid à
8. L'Angleterre prit ombrage de celte Louis XIII, 6 octobre i63i.
mission et, croyant tpie Razilly avait des 11. V. infra, pp. 4o4 et 5oo, note 2. —
inslruclions pour saisir les navires anglais Sur ces deux caïds, V. supra, p. ig4,note5.
RELATIONS DE LA FRANCE ET DU MAROC DE 1 63 1 A 1 635 3g3
Pour éviter la fàclieuse avcnlnro de 162/1, Razillv pf Du Chalnrd avaient reçu
Tordre de ne laisser personne descendre à terre, à l'exception de M. de Molères;
les échancjes de signatures et autres formalités devaient se passera bord '. Néan-
moins les autorités de Safi, voulant faire honneur à la mission, fucnt porter sur
les vaisseaux français une magnifique mouna -.
M. de Molères se mil en route pour Merrakecli accompagné de David Pallaclie.
Il fut reçu en audience le lendemain de son arrivée, il olTrit le présent, et le
(Shérif lui fit remettre les captifs français au nombre de cent quatre-vingts. Les
pourparlers en vue d'un traité ne furent pas longs, grâce à l'intervention de
Moïse Pallaclie ; le 17 septembre i63r, Moulay el-Oualid signait à Merrakech
im acte lini/n/éra/ renfermant « les articles de la paix accordés par ledit roy de
Manocq à Sa Magestc-' ». Le 24 septembre, M. de Molères était de retour à
Safi avec les esclaves; il ne rapportait pas l'original arabe du traité', que la
liancellerie marocaine n'avait sans doute [)as eu le temps de mettre en forme,
mais seulement une traduction française, que signèrent Razilly et Du Chalard.
Le même jour, ai septembre ifiSi, pour plus de sûreté, ils rédigèrent de leur
coté un acte unilnléral contenant « les articles accordés par le Roy au roy de
Marrocq ' ».
Les vaisseaux français restèrent mouillés à Safi, attendant l'original arabe du
traité et une lettre du (Shérif pour Louis XIII. Razilly dut même faire partir un
marchand pour Merrakech afin d'en bâter l'envoi. Enfin ces pièces arrivèrent
en octobre, apportées par le caïd Mohammed Saïd, qu'accompagnait Moïse
Paliache. Elles fment portées à bord ". Razillv et Du Chalard apposèrent leurs
signatures sur l'original arabe du traité, en les faisant précéder de la mention :
« Et est escrit le présent traittc en arabique; sera nul s'il n'est conforme à celuy
que nous avons signé en françois » ". Sur la traduction française précédenmient
apportée par .M. de Molères et où une place avait été réservée pour le sceau du
Chérif, Razillv et du Chalard exigèrent que Moïse Paliache signât à son tour
pour attester la conformité des deux textes". Outre l'exemplaire du traité, la
mission rapportait en France une lettre de Moulav el-Oualid, datée de Merrakech
(') octobre i63i , dans la([uelle le Chérif annonçait l'arrivée au Maroc des envoyés
français et de David Paliache, la mise en liberté des esclaves et la conclusion de
la pai\ '. Cett(; dépèche cbérifienne, traduite par les soins de Moïse Paliache,
fut probablement remises à David Paliache, qui en emportait une autre de son
frère, datée de Sali \'i octobre idoi et adressée au cardinal de Richelieu'".
1. V. inj'ra. p. 4oii. XIII. r'- avril i(J34.
2. Sur la mouna (vivres, provisions), -. \. inj'ra, p. 4ii, note !\.
\ . infra. p. 133 et note i. 8. V. infra. pp. .'ni et 455 et /'' Série.
3. V. infra. pp. .'|o6 et /i46. .\ngleterrc, iMlre de Moulay cl-Oualid à
4. V. infra. p. 455. Louis Mil. f' avril i634.
5. V. infra, p. 440. 9. V. cette lettre dans /'« Série. Angle-
6. V. infra, p. 402 et z'» Série, .\nglc- terre.
terre, Lettre de Moulay el-Oualid à Louis lo. \ . infru, p. '[io.
Sqi INTRODUCTION CRITIQUE
Kazilly et Du Chalard quittèrent Sati vers le milieu d'octobre 1 63 1 el arrivèrent
dans la baie de Morbihan le 7 novembre. Le sieur de Molères. porteur du traite,
prit les devants et rejoignit le Roi à Château-Thierry le 16 novembre ". Quant à
Razilly et à Du Chalard, partis avec David Pallache, ils n'arrivèrent à la Cour
qu'en décembre i63i -. David Pallache fit la remise des lettres à Louis XIII
et au Cardinal. On lui lit une réception d'ambassadeur et on lui donna de
riches présents-'. Le 12 avril i632, le roi de France ayant ratifié le traité du
24 septembre i63i ', David Pallache promit de porter cette ratification à
Moula V el-Oualid. Nonobstant cet engagement, il se dirigea vers la Hollande et
demeura à La Ilavc, gardant par devers lui la ratification et les dépèches qui lui
avaient été confiées \
Le Chérif, après avoir vainement attendu la ratification du traité cl une lettre
de Louis XIII, estimant que le roi de France, qui « ne luv avoit pas faicl un seul
mot de response depuis un an et demi » que les vaisseaux français avaient quitté
Safi, s'était « mocqué de luv», reprit sa liberté; la course recommença contre
les navires français et l'on fit de nouveaux esclaves''.
Ce fut à l'occasion du règlement de la prise faite par Razillv en i63o que se
découvrit l'infidélité de David Pallache. \ ers le milieu de i032, Du Chalard
fit partir pour le Maroc un homme de confiance nommé Julien Du Puy, afin de
réclamer au consul Pierre Mazel les sommes que ce dernier avait du réaliser sur
la vente des marchandises que lui a\ail confiées Razillv. Du Puv dut aller jusqu'à
Merrakech, où Pierre Mazet s'était rendu afin d'intervenir auprès de ^loulav
el-Oualid pour seize Provençaux capturés sur deux tartanes. Le Chérif, très
irrité du silence du roi de France, éclata en reproches devant Du Puy et le
malheureux consul dont il accueillit fort mal les réclamations. Du Puy apprit
alors seulement que David Pallache n'était pas revenu au Maroc avec la ratifi-
cation du traité et les lettres de Louis XIII. Ce fut en vain qu'il fil retomber
la responsabilité du malentendu sur la conduite infidèle de David Pallache.
Moulay el-Oualid, e.xcité par les Juifs, ne voulut rien entendre; il réclama à
Pierre Mazet une somme de soixante-dix mille onces, évaluation desdites
marchandises, et finalement le fit jeter en prison ainsi que Du Puv (janvier-
février i633)'.
La Cour de France, ayant appris les procédés du Chérif el les cause de son
ressentiment, crut à son tour avoir été mystifiée par David Pallache, et elle
envoya au Maroc, en décembre i633, le capitaine Antoine Cabiron pour éclaircir
l'affaire*. David Pallache, certainement coupable d'avoir manqué à sa promesse
de porter à ^Moulay el-Oualid la ratification du traité, n'élait-il pas en outre un
1. V. infra. p. i32. Brasscl, 3o octobre i634.
2. V. infra, p. ^70, note 3. 6. V. m/ra, Doc. hWlll, Relation d'An-
3. V. infra, p. 453. Inine Cabiron, p. 44g.
4. V. infra. Doc. LXllI, p. 437. 7. V. infru, pp. 443, 449 ^-^ •^'■■
Ti. ^■. infra. pp. 'i43 el 45i, note, a, et 8. V. /n/ra.Doc. LXVIll, Relation J'An-
Dcpôts divers, lUissio, Instructions pour toine Cabiron, {^p. 447-4Go.
HFLATIONS m-: LA Ftl\>fF FT Dt MADOr nE lfi3l A lfi35 .>f)n
iiiiposleur, s'élant fait passer pour ambassadeur du roi du Maroc? Entre la
duplicité du Juif et celle du (Shérif il fut impossible de faire la pleine lumière
sur celte question.
Le plus grave des reproches faits par Moulav el-Oualid à David Pallache est
d'avoir remis à Louis XUl une dépêche falsifiée, une sorte de lettre de créance dans
laquelle le Juif aurait été qualifié « son fidelle ministre et serviteur » ou bien « son
fidelle député », Or, si la phrase incriminée se trouve bien dans la traduction de
la icllrc du Chérif à Louis XIII du lo Rbia I"'' lO^i (0 octobre i63i), il est
facile de constater que cette lettre n'a en aucune façon le caractère d'une lettre
de créance; elle est d'une rare insignifiance comme tous les messages chériliens.
cl il n'v est question de David l'allache que tout-à-fait incidemment. « La
cause de ses lettres.. , écrit Moulav el-Oualid à Louis XIII, est pour vous con-
firmer comme voz nobles agents et minislresle chevallier de Razilly, Du Chalard
et de Molleres, avecq nostre fidel et honornhle tlciaiié David Pallache. sont arri-
vez en nostre glorieuze cour... »
Ceci posé, Moulav el-Oualid, avant à parler du Juif Pallache, a-t-il jiu le
qualilier ainsi ? Certainement non. La form\ile de style, que tout Chéril, et
l'on peut dire tout musulman, aurait appliquée à David Pallache est celle de
dimmi «3 tributaire. Cette épitliète est d'un usage si constant qu'elle est deve-
nue presque svnonvme de .luif, et elle est cmplovée, quelle que soit l'importance
des fonctions confiées à un personnage de celte race. C'est ainsi que Moulay-Zidàn,
dans sa correspondance avec les États-Générau.x des Provinces-Unies, qualifie
toujours de «dimmi» Samuel Pallache', bien que ce dernier soit l'un des
plénipotentiaires marocains de la paix de ifiio et que sa signature se \he au bas
de l'acte du ai décembre-. Cette épithète, si usitée dans la langue arabe, n'en
a pas moins un sens péjoratif très marquée qui la rend malsonnante à des
oreilles juives, et c'est pourquoi Moïse Pallache, ayant à l'accoler au nom de
son frère David, lui aura substitué la formule « nostre iidel et honorable
député ». C'est très vraisemblablement le seul passage de la lettre chcrifienne
qui ait été altéré par Mo'ise Pallache. Il est d'ailleurs très probable qu'une fois
rendu à la cour de France, David Pallache, « à la langue serpentine » aura par
ses paroles et par son attitude donné à entendre que Moulav el-Oualid l'avait
choisi comme ambassadeur.
Quand, au retour de Cabiron (juillet i63/i), la cour de France eut été mieux
I. Cf. i" Série, Pays-Bas, t. II, pp. 706 , ...
et 715 (textes arabes)'. Dans la traduction ''"'•'""''' imprécatoiro Ut ^\ <C^1. La ma-
(le ces deux lettres (pp. 708 et 718) le mot lédiction de Dieu sur lui 1
« dimmi» aétc rendu parcelui dc« Juif », ^. Cf. /''! .Série, Pays-Bas, t. I, PI. VIII,
lequel, ainsi qu'il est dit, est devenu abso- p. 577.
lumenl son équivalent. Non contents de '^. Oji lit dans le Dictionnaire de
celte épithète dont ils font précéder tout
nom de Juif qu'ils sont obligés d'écrire, les
musulmans le font suivre très souvent de la coioii, juif
1 I -f ,., I 11- ■ !>• • I Bfaussif.k au mot .^«5 . couard, lâche,
nom de Juif qu ils sont obliges a écrire, les iji„ ,
3r)fl INTRODUCTION CRITIQUE
informée de l'inlidélité de David Pallache ', elle dépêcha des instructions à son
représentant dans les Pays-Bas, le secrétaire Brasset -, le chargeant d'obtenir des
États-Généraux l'arrestation et l'extradition de ce Juif « plein d'artifices et de
fourbe^ ». Les Etats-Généraux, avant pris connaissance du rapport de Brasset,
se trouvèrent fort embarrassés. Arrêter David l'allache et le livrer au roi de
France, c'était méconnaître l'inviolabilité d'un agent diplomatique, puisque
c'était en cette qualité que ce Juif résidait en Hollande pour le roi du Maroc.
Ils s'excusèrent donc auprès de Louis XllI '• et écrivirent au Cliérif pour lui
demander ce ([u'il fallait faire de David Pallache '. Moulay el-Oualid leur répon-
dit le i3 juillet iGS.j''. 11 chargea de sa lettre Du Chalard. qui avait été de
nouveau envoyé au Maroc pour tirer au clair cette même alTaire. Le Chérif
invitait les Etals à s'emparer de la personne du « juif maudit ». Le 2 janvier
rfi36, Louis XllI faisait parvenir aux Etats la réponse de Moulav el-Oualid. Il
espérait, leur écrivait il, (juils allaient sévir contre David Pallache '. Ceux-ci
expédièrent en février dans les diverses provinces Tordre d arrêter ce dernier.
Mais David Pallaches était prudemment retiré en /('lande, d'où il passa à Cologne ;
il V attendit tpie les intrigues combinées de son père Joseph et son frère Moïse
eussent dissipé l'orage et l'eussent fait rentrer en faveur auprès du Chérif.
Il en arriva ainsi. On doit d'ailleurs reconnaitre que la cour de France allait
trop loin, en accusant David Pallache d'être un imposteur. Le seul reproche
qu'elle était ftindée à lui adresser était d'avoir différé de remplir auprès de
Moulay el-Oualid la mission dont il s'était chargé, ou plutôt qu'il avait accepté
de remplir. Toujours est-il que le Chérif, revenant sur les termes de sa lettre
du 1.3 juillet iG3.3, lit savoir aux États qu'il reconnaissait l'innocence de David
faussement accusé par Du Chalard, et cju'il l'accréditait de nouveau comme
agent du Maroc auprès des Provinces-Unies".
1. Cabiron rappporlait une lettre de 6. \ . /6i(/.. la lettre de Moulay cl-Oualict.
Mùiilav cl-Oualid adressée à Lquis XIII et 7. V. Ibidem, la lettre de Louis XIII.
datée du 3 Choual ioi3-r'' avril i63i. Cf. 8. ^. Ibidem, aux dates des 20 janvier,
1'' Série. .Angleterre, à la date itidiq\iée. 9 février, i3 février, 18 mars, 'jS mai, i4
2. Le secrétaire d'ambassade Brasset fut novembre i636. — Dans l'article Vn faux
chargé des atîaires de France dans les Pro- f///)/omrt^'aHXvn^'sfèo/e, publié parM. Henr'
vinces-Unies entre le départ de M. de Baugy Steis (Reoiie d'Histoire diplomatique, année
et l'arrivée du baron de Charnacé. 1888, pp. 27-/10), celui-ci a pris trop catc-
3. Cf. /'■'■ Série. Dépôts Divers, Russie, goriquement parti contre David Pallache,
Inslriirlions pour Brasset, 3o octobre l63i sans tenir compte de la duplicité très pro-
et Pays-Bas, t. III, Rapport de Brasset aux b.iblc du Chérif. Il a on outre, ignorant la
États, 12 novembre i034. lettre de Moulay el-Oualid du 6 octobre
L). V. 1''^ Série, Pays-Bas, à la date du i03i (V. supra, p. 3y3, note 9), pris la
g février i635. lettre de ce souverain, datée du 2 novembre
5. V. I" Série, Pays-Bas, Lettre des i63o (V. supra, pp. 33o-354), pour celle
États Généraux à Moulay el-Oualid, 24 cpii avait donné lieu à l'accusation d'impos-
février i035. turc, formulée contre David Pallache.
LETTRE DE DAVIII l'ALLACHE A RICHELIEU 897
LI
LETTRE DE DAVID PALLACHE A RICHELIEU
// a mission de présenter à Louis XIJI la lettre du Chéri f relatire aux
conventions néç/ociécs par Razilfy- — Il attend les instruelions de Riche-
lieu pour remettre cette lettre au Roi. — Services rendus aux esclaves
français par son frère Moïse Pallache.
Paris, u) mars i63i.
En tète, (itia manu : Lettre du s' Palache, envoyé de Maroc. —
ig' mars i63i .
Ex' Prince
Passé quelques jours, j'av avizé à Vostre Excellence corne javois
reçue letres de la magcsté du roy de Marroco pour la magesté du
Roy Très-Chrestien', touchent la lionne paix que le sieur de Kassily
avoil Iraicté Tanné passé, dont je suis grandement encharjé et
comandé de les présenter entre les royalles mains de la magesté du
Roy Très-Clirestien, car ils concernent le service de ladicte magesté
et bénéfice de ses soujets ; tellenicnt. monseigneur, que je suis
venu yci à Paris "pour porter dictes l'oyalles letres et les presanter à
Sa Royalle Magesté par le favour et assistence de Vostre Excellence
el l'aire ce quy m'a esté comandé de la part de dicte magesté de
Marroco, car jespcre que dictes royalles letres devoir estre très-
agreahle à la magesté du Roy Très-Chreslien et à Vostre Excellence
pour le bien [)oul)li(|; dont je suplie Vostre Excellence m'ordonner
sy je yray sivre la Court' ou bien atendcray yci le retour de Sa
1. \. celle leltre sii/jni. Doc. XLV el 3. Louis XIII parlil ilc' Paris Ir 3 mars
\L\ bis, [>|). .35o et 352. pour Dijon où il arriva li' at) mars; il ren-
■j. David l^allache venait des Pays-Has. tra à Paris le 12 mai. V. Mercure françuis,
^ . supra. Introduction critique, p. 3g2. t. 17, pp. l!t6, 172.
3q8 19 ^lAns iG.*?!
Magesté et Vostie lixcellence, car je ne voiulniis pas perdre du
temps en ces afaircs.
Aucy j'av une letlre de mon frère Moyssez Pallache, Irès-liumble
serviteur de \ ostre Excellence, et seluy quy a heaucouji travaillé en
cest al"aire\ asistent les poures esclaves françoisez, quy sont déjà
mis en liberté et menés à Safy, come je diray plus amplement de
bouche à \ ostre Excellence.
Très-heumble, obéissent serviteur de \oslrc Excellence,
Signé: David Pallache.
A Paris, le ig""' de mars, l'an i(i3i.
Archives des .[(faires Etrangères. — Mdroc. — Correspondance consu-
laire. ]'ol. I. — Ori(/in'il.
I. Sur les circonstances qui décidèrenl \loï«e Pallache à agir, \ . supra, pp. 391-892.
LETTRES DE COMMISSION EN FAVEUR DE RAZILLY SOjÇ)
LJl
LETTRES DE COMMISSION EN FA VELU DE HAZILLY
Fontainebleau', 6 mai iG3i.
Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous
ceux qui ces présentes lettres verront, salut.
Nous avons tousjours singullieremcnl désiré d'entretenir la
liberté du commerce par mer de noz subjectz, cz lieux où elle leur
estoit acquise par nos alliances et traitiez, et de la restablir partout
où elle estoit troublée par les entreprises et déprédations des pirates
et de ceux qui, pour n'avoir pas cognoissance de la sincérité de
nos intentions, en ont jusques icy retardé ou einpescbé l'eirect. Et,
comme il est arrivé que plusieurs de nos subjects, trafficquans de
hdiine l'oy ez mers de Ponant cl Levant, ont esté pris et faicts esclaves
et menez en divers lieux de la coste d'AITricque et Barbarie, où ilz
sont détenus encoi'es à présent en gi'and nombre, nous n'avons eu
rien plus à cœur que d'employer tous les moyens possibles pour les
dellivrer de cette peine et misère qu ilz sfnifTrent. Et, pour cet
eU'ect, nous aurions envoyé, les deux années dernières, nos cliers
et bien amez le s' de Razilly, chevallier de l'ordre de S' Jean de
llierusalem, chef et cap"' de l'esquadre de nos vaisseaux de nostre
province de Bretaigne, et le s' Du Challard, cap"' et gouverneur de
nostre tour de Cordouan et cap"° garde-coste de nostre province de
(inlcnne, avec une tlolle de vaisseaux, au royaume de Marock et
autres pays de ladicte coste d'Airric(|ue, pour y traitter de nostre
part du rachapt et dellivrance de nosdicts subjects captifs, et de la
seureté de ceux qui y voudroient trafhcquer à l'avenir ; en quoy
nostre désir auroit esté si heureusement acheminé par lesdicts s" de
I . Louis XIII, en revenant de Dijon à bleau pour y chasser. V. Mercure français,
Paris, s'arrêta quelques jours à Fontaine- t. 17, p. 170.
/ioO (l MAI ifi.Sl
Razilly et Du Clialard, qu ilz aiiroient obtenu du tr('s-lianll, très-
excellanl et très-puissant prince noslre très-cher et bon aniv l'em-
pereur de Marocques, roy de Fez et de Sus, et de ceux de la ville de
Salé la délivrance ' de nosdicts subjects détenus ez lieux ; mais les
tempestes et injures du temps ne leur ayant pas permis de demeurer
en la coste pour recevoir l'efTect de ce qui leur avoit esté promis,
ilz seroient revenus en nostre royaume sans avoir rapporté le fruict
que nous avions attendu de leur voiage.
Et, daultanl que nostre intention est que ce bon œuvre s'ac-
complisse, suivant les commanceraens qui y ont desja esté donnez,
à ces causes, nous avons commis, ordonné etdei^utté, commettons
et députions et ordonnons, parées présentes signées de nostre main,
lesdicts s" de Razilli et Du Clialard pour se transjjorter, avec les
vaisseaux dont ilz ont commandement, ensemble ceux qui ont esté
ordonnez par nostre très-cher et bien amé cousin le cardinal de Riche-
lieu, grand inaistre, chef et surintendant genei'al de la navigation et
du commerce de France, en la coste de Barbarie, oîi estans arrivez,
nous leur avons donné et donnons plain pouvoir de traitteret nego-
tier en nostre nom, conjoinctement ou séparément, et l'un d'eux en
l'absence, maladie ou légitime empeschement de l'autre, avec ledict
empereur de Marocques et autres potentaz, gouverneurs et habitans
des villes et ports de merde ladicte coste de Barbarie qu'ilz adviseront
bon estre, ou avec ceux qui auront suffisant pouvoir de leur part, tant
pour establir une bonne paix et amityé avec eux et rendre le com-
merce libre entre nos Estais et les leur que pour délivrer et retirer
tous nos subjects qu'ilz peuvent détenir captifs, conclure et signer
en nostre nom tous et chacuns les articles et conditions qu'ilz juge-
ront convenable pour cet cffect, et les mettre ou faire mettre en ce
qui dcppcndra d'eux à deue et entière exécution ; promettans en
foy et parolle de roy d'avoir pour agréable, tenir ferme et stable
tout ce que par lesdicts s" chev" de Razilli et Du Chalard, conjoincte-
ment ou par l'un d'eux en l'absence de l'autre, aura esté, comme
dict est, faict, géré, négocié et arresté, et de le faire garder et obser-
I. En note : Fault faire menlyon du tembre i03o Qt ■ supra. Doc. XXXIX, p.
traiclté faict auec ceux de Salé et de la ratiffi- 292). Quant à la ratification dont il est fait
cation que le lioy en faict présentement. Il mention dans le Doc. LIH, p. 4o4, elle fut
s'agit dans cette note du traite du 'i sep- datée du mois do mai 1 63 1 . Cf. p. 5oo, n. 2.
LETTRES DK COMMISSION EN l'VVEUH DE RAZILLV 'lOI
ver cxaclciiieiit de iioslre pari, sans y coiitrc\cuii' iiy pcnucllre
qu'il y soit contrevenu en aucuiio niaiiicre.
Mais s'il arrivoit (ce que nous no pouvons croire) (juc ledict roy
de Marocqucs ou autres, au préjudice de la bonne inicntion qu'ilz
nous ont donnée, vinssent à nous desnier et refuser la juste satis-
faction que nous desirons d'eux en ladicte deli\ rance de nossubjecls
qu'il/, delicnnenl esclaves, el en 1 ae.eeptalion des conditions ecpii-
tablcs d'une bonne paix et amityc qui leur seront olfertes de nostre
pari, nous avons, en ce cas, permis et donné pouvoir ausdicts
s'* chev'' de lîazilly et Du (Ibalard de leur déclarer la guerre et
employer les forces que nous leur avons mises en main contre tous
ceux cpii entreroient dans un mespris si apparant de ce qui est de
nostre dignité et puissance, du droit el de la raison, d'allaquer leurs
villes, chasteaux, forteresses, porlz el havres, s'emparer et y nictlre
garnison de nostre part, les poursuivre, combattre et assailli) eu
mer, prendre et eotiller à fondz leurs vaisseaux. prendi-e prisonniers
iceux, changer ou garder, comme bon leur semblera, et generalle-
ment faire avec nostre dicte tlotle tous exploicts de guerre qu'ils
jugeront pouvoir réussir à nostre adventage el au Ijenefice de nos
siibjoelz, le tout soubz l'auclorilc de nostre die! cousin le cardinal
de Uicbelicu, et suivant les commissions et ordres plus particuliers
qui leur seront par luy donnez.
Mandons trcs-expressement à tous les cap"", lieulenans, officiers,
soldats et mariniers desdirls vaisseaux, qui seront soubz la charge
desdicts s'* de Hazilli et Du Ghalard, recognoislrc et obeyr ledict s''
de jlazilli commecap"" de ladicte llolle el ledicl s'^Du Cbalard comme
lieutenant en icellc. en tout ce (jui leur [loui-ra eslre par eux com-
mandé et ordonné pour l'exécution des choses susdictes, car tel est
nostre plaisir. Prions el rec(ucrons Ions princes, potentat/ et repu-
blicques, nos amis el allie/, de donner ausdicls s" de ilazdb el Du
Challard, allans (comme dit est) en la coste d'Affricque et Barbarie,
avec nostre dicte flotte, par nosirc commandement et pour nostre
service, seur et libre acccz ez poi'ls, havres, terres et rades de leur
obéissance, ofl'rans de faire le semblable, quant nous serons j)ar eux
requis.
En tesmoing de quoy nous avons l'aict mellrc nostre seel à ces-
dicles présentes.
IJe Castiues. III. — aG
4o2 6 MAI tG3i
Donné à Fontaincljlcau, le vi" jour de may, 1 an de grâce mvi"
trente-ung et de nostre reigne le vingt-ung".
Signé : Louis
Et sur le reply :
Par le Roy, Bouthillier.
Et scellé du grand sceau de cire jaune.
Arcliiccs des Affaires Etrangères. — Maroc. — Correspondance Consa
laire, ^ ol. I. — Minute.
INSTRUCTIONS POUR HA/ILLY KT m CHALARl) ^u3
LUI
INSTRUCTIONS POLIl r,.\/.II,L^ ET DU CIIALARD
Ils hàlerunt les préparatifs- du voyage au Maroc. — fis se rendront d'ahonl
à Salé et remetlronl aux gouverneurs la rali/icalion du traité conclu
avec celle ville. — Ils iront ensuite à Saji et le sieur de Molères se rendra
à Merrcdiech pour négocier la paix avec le Chéri/. — Ils ne laisseront
aucune personne de condition, sauf le sieur de Molères, descendre à terre,
s'ils n'ont pas des Qta(/es à leur bord. — A leur retour en France ils
rendront compte de leur mission ci Richelieu. — Conduite à tenir au
cas où le Chérif se refuserait à exécuter ses engagements. — Razilly
et Du Chcdard donneront la chasse aux navires européens chargés de
muni/ions à destination du Maroc.
S. l. [Avant le \i juin iG.'ii '].
En lèle : FauU faire double ccste iristiuction.
Inslractiou que le Roy veult el ordonne esire suivie par les sieurs
chevalier de Kaziliv et Du Clialard pour le voiage quilz vont faire
par commandement de Sa Ma" en la cosle dAlTrique pour retirer
les Fransois esclaves detenuz par le roy de Marocq et achever le
Iraitté de paix entre les sujetz de Sa Ma"', ledict roy de Marocq et
ceux de Salé.
Lesdicts sieurs chevalier de Razilly el Du Clialard feront faire en
la plus grande dilligencc qu d se [)ourru le radouh des vaisseaux de
Sa Ma'"^^ qu'ilz commandent et de celluy qui est ordonné pour les
accompagner audict voiage, lesquclz seront armez de louttcs les
choses requises et nécessaires, faut de cordages, câhles. anci'es.
I . Ces instructions sont forc(5mcnl antt- l'oissv (V. / '■'' Série, Angleterre, îi celle date)
rieures au 12 juin i63i, date à laquelle pour rejoindre la Hotte de Razilly qui mit ;i
Molères venait de prendre congé du Roi à la voile en juillet. \ . infra, p. 4 18, note 3.
[fO^ AVANT LE I 2 JUIN I 63 1
qu'armes el munitions de guerre dont il est besoing, lèveront les
hommes mathelotz et soldatz pour l'esquipage d'iceux des meilleurs
et aguerriz mariniers, et y mettront les vituailles pour trois mois,
suivant lestât de Sa Ma", dont le fondz a esté ordonne, desquelz ilz
feront l'aire les inventaires par les officiers à ce départis.
Mettront soubz voile au plus tôt que faire ce pourra, sy le vent
le permet, et prendront la routte droyt à Salé, où ilz feront rendre
la lettre que Sa Ma'" escryt aux gouverneurs dudict lieu, portant
ratiffication de la trefve faicle pour deux ans, suivant le traitté du
[dix-sept]' septembre i63o, prolonger ladicte trefve pour le tempz
qu ils adviseront bon estre, ou faire la paix.
Ce faicl, lesdicts s" de Razilly et Du Chalard yront de Salé à la
rade de SafTy, où. estant arryvés, anssytost qu'ilz y auront mouillé
l'ancre, envoyèrent au rov de Marrocq pour Iny donner advis de
leur retour audict lieu, et avoir un passeport poui- faire descendre k
terre le s' de Moleres, envoyé pour porler la lollre du Uoy audict
roy de Marocq. à ce que ledict roy de Maroc(j ayt à envoyer à SafTy
tous les Fransois esclaves, et ordre de recevoir de sa paît le présent
que Sa Ma'" luy envoyé, dont ledict s' Du Chalard a la particulière
disposition, et prendra certilhcation de la dellivrance qu'il en fera
aux depputtés dudict roy de Maroq, signée d'eux ensemble, avec les
noms et surnoms des Fransois qui seront rendus par ledict roy de
Marocq. Avec lequel ou ses depputtés lesdicts s" de Razilly et Du
Chalard pourront tiaitter la paix et la signer au nom de Sa Ma'^
par l'entremise dudict s'' de Moleres, suivant la commission qui
leur en a esté expédiée, sellée du grand seau.
Et d'aullan t qu'il importe de traitter seurement avec les dessusdicts,
ledict s' Du Chalard aura esgard de ne poinct dellivrer le présent de
Sa Ma'", dont il conserve ladiclc charge, qu'il ii'ayt esté couA'enu de
la dellivrance desdicts François et ne soit bien asseuré qu'ils seront
amenés dans lesdicts vaisseaux pour estre amenez en France.
Et affin d'cvitter les surprises, Sa Ma'" delTend très-expressement
ausdicts s"" de Razilly et Du Chalard de dessendre à terre ausdicts
lieux de Salé et Saffy ny d'y envoyer autre homme de condition
que ledict s' de Moleres, sans avoir ostages de qualité requise.
I. Le (juaiitième a été laissé en blanc dans la copie.
INSTRUCTIO>"? POl'R nvZILI.Y ET DU CHALARD ^O.T
Après avoir retiré lesdicls Fransois esclaves et faict la paix, pren-
dront la routte pour retourner à Brest, pour de là venir rendre
compte à Sa Ma" et à monsieur le cardinal de Richelieu, chef,
grand maistrc et surmtendanl gênerai de la naMgation et commerce
de France, du succez de leur voiage, sur lequel ilz prandront son
attache.
Sy ceux de la vdle de Salé avoienl contrevenu à ce qui a esté traité
et que le roy de Marocq ne voulusl executter ce quy a esté accordé
pour la dellivrance desdicis Fransois, lesdicls s" de lîazilly et Du
Clialard leur declaircront la guerre de la pari de Sa Ma'% combat-
tront et prandront les navires quilz rencontreront en mer leur
appartenir, connue aussy tous autres pirattes, dont sera faict bon
procès-verbal des prises.
Et si lesdicts s" de Razilly et Du Chalard rencontrent des vais-
seaux chrestiens de quehpie natyon que ce soit qui portent des
armes e( poudres aux Maliomellans de ladicle coste dAfTrique. les
pourionl prandre et amener.
Lrur enjoinct Sa Ma" de garder et faire observer les ordonnances
de la Marine en leurs dicts vaisseaux et de ne rien entreprendre contre
et au préjudice des alliez et confederez de Sa Ma", à |)ene d'en res-
pondre en leurs propres et privés noms.
Faict etc.
AirhiL'fs (le.1 Affaires Étraïujères. — Maroc. — Mémoires et documents,
Vol. 3, g: lO-li. — Minute.
4o6 17 SEPTliMUItE lG3l
LIV
TRVITÉ EXTRK MOULAY EL-OUALID ET LOUIS X[I[
Merrakech, 18 Sefer lo^i — 17 septembre i63i '.
En tête, alia manu : Coppie du traité avec le Maroc.
Traduction de l'original arrahique des articles de la paix entre
l'empereur de Barbarye MuUey el-Gualid — que Dieu prospère ! —
et messieurs les commandeur de Razilly et Du Challard. au nom et
faisans poui- l'empereur de France et de Navarre, suivant la com-
mission à eux donnée par Sa Majesté Très-Chrestienne, soubz la
charge de monseigneur le cardinal de Richelieu, grand maistre, chef
et surintendant gênerai de la navigation et commerce de France.
Au nom de Dieu très-pitovable et miséricordieux auquel tout le
monde doibt rendre compte.
Par commandement du trcs-hault, l'empereur très-puissant et
jusle, le successeur de la maison du prophète Mahumet, le roy
MuUey el-Gualid, el-Fatimi, el-Hasny, el-Prophetico. Dieu veuille
favoriser son royaulme et que ses armes soient tousjours fleurissan-
tes et qu'il soi! heureux en sa vye!
Nous ordonnons avec la fabvcur de Dieu et son jiouvoir et sa
main droicte avec ses bénédictions ce très-hault traicté, l'impérial,
le royal. (|iii est pour le soullagemcnt de tous les maux passez,
avec laide de Dieu, et pour la continuation de la paix contractée
a\cc le très-liault et très-puissant, l'enqjereur de France et de
Navarre, avec la confiance et seureté qui se doibt tant en gênerai
qu'en particuUyer.
Sçavoir faisons à tous ceux qui liront et auront cognoissance de
la teneur du présent traité, que nous faisons alliance de nostre
I . biir celle dale, \ . inj'ra. p. '1 1 1 . noie i .
TRAITE ENTRE MOUI.AY EL-OUALID ET LOUIS XIII ^07
très-haulte couronne avec celle de l'Empereur Très-Clirestien qui
professe la loy du Messye,par l'entremise de très-honnorables, trcs-
prudens et vaillans, messieurs de Razilly et Du Chalard, admirai
et vice-admiral de la flotte envoyée par Sa Majesté Très-Chrestienne
en ces costes d'AlTiique, avec pouvoir de faire et signer le présent
traité pour et au nom du très-liault et très-puissant entre tous les
potentalz de la Chreslienté, tenant le plus liault siège de valleur et
vcriii, l'invincible, l'Empereur de France et de Navarre, filz aisné de
l'Eglise, protecteur du Saint-Siège, alFm d'entretenir la paix et
seureté qui a esté par cy-devant entre nos prédécesseurs et les siens,
et pour apaiser la guerre laquelle s'est du depuis ensuyvie, et tant
pour oster toutes les ocasions des maux, plaintes et dommages
passez, que pour la seureté des esprilz et cessations des meurtres
et captivitez. La coiilimiation de ceste (conformité sera véritable
pour le commun droit des subjetz de l'une et l autre couronne,
suivant les conditions qui seront cy-aprez déclarez, lesquelles obli-
gent à toute sorte de tranquillité, prolBt et assurance des biens et
personnes desditz subjetz. Et avec ces conditions avons accordé ce
qui nous a esté demandé aux articles suivans. ('-'est assavoir :
I
Que tous les difl'erens. pertes et dommages qui sont arrivez par
cy-devant entre les subjetz de l'une et de l'autre couronne seront
pour nul/ et non advenus.
II
()uc tous les caplifz franrois qui viendront à Salle, Saffy, et
autres endroitz de nos royaulmes soient à I instant donnez pour
libres, et que l'on ne les puisse jamais captiver doresnavant.
III
Que les Mores ne pourront captiver aucun François f[ue I on
amènera dans les navires de Tunis ou Alger, et, s'ils les acbaptcnt,
ne les ponri'ont tenir- captifz, ains au contraire seront obligez de
leur donner liberté.
4o8
l-j SEPTEMBRE l63l
IV
Que tous les marcliandz François qui viendront aux portz de nos
royaulmes pourront mettre en terre leurs marchandises, vendre et
achapter librement, sans payer autre droict que la dixme et tavalit'
recogneu, comme aussy de mesme seront obligez en France les
marchandz nos subjetz.
V
Que les navires tie France pourront emporter de nos porlz tout ce
qu'il leur sera nécessaire et de vuituailles et eau, la part où le temps
leur olTrira", et de mesme nos subjelz dans les porlz de France.
VI
Que sy la mer. par tourmente, jettoit quelques navires françois
sur nos costes et sables, que aucuns de nos subjelz ne soient sy
ozez de mettre la main en aucune chose desditz navires et biens
generallement quelzconques ny sur les hommes, ains au contraire
quilz puissent retlirer leurs dilz navires et biens et les amener et
emporter ovi bon leur semblera, et de mesme les Mores en France.
I . Tavalit, cl dans d'autres textes cavalet.
tran>cription du mot arabe taldiva Aj^ •
On lit dans le dictionnaire Tadj el-Arnus
à ce mot: 7:1 .Vl ^'Ji iS^ «tUall. « La
tabliya, c'est-à-dire l'argent du kharadj
(capitation) ». Le même sens est donne
pour ce mot dans le dictionnaire Lissan
el-Aruh. Le droit de tahliya, appelé maks
«-îv.^ avant les Béni Merin, était une
taxe variable que les souverains du Maroc
faisaient payer dans les villes à l'acheteur
et au vendeur ou parfois à l'un des deux
seulement. A partir du règne de Moulay
Abd er-Rahman (iSaa-iSSg), le droit de
tabliya, réduit à 5 "/o, fut appelé moslafad
>
-Ul_^ . — 11 est fait menlinn de cette
taxe (lavale) dans le traité passé le g octobre
1^33 entre \isconti, s(!igneur de Gènes,
e{ le roi de Tunis Abou Farès. « C'était,
liil \las-Latrie, un droit supplémentaire
<|uc la douane arabe ou ses préposés obli-
geaient quelquefois les marchands chrétiens
à payer sur les importations, indépen-
damment du droit fixe de lo pour loo et
du droit de drogmanat ou de mursurnf. «
Mas Lathie, Relations et commerce de
l'Afrique septentrionale avec les nations
chrétiennes, p. /i5g. Ce même auteur assi-
mile la tavale au droit de/pJo que Pegolotti
définit ainsi : « E awi (à Tunis) un diritto
che si chiama fedo, c pagallo i Saraceni ;
ma i Cristiani il s'accolano a loro per
iscontarsi ne' loro debiti colla corte, e con-
viene cbl mette m corte fuccia di potere
sconlare ogni diritto e fedo di Crisliani e
di Saraceni ». Pegolotti «pu(/MAs Latrie,
Relations et commerce... pp. 357, 358.
2. La part oit le temps leur offrira. Il
faut entendre : partout où le temps leur
permettra d'aborder.
TRAITÉ ENTKE MOULVY EL-OLALID ET LOUIS XIII (Op
Vil
Que sy quelqu un des navires de nos subjelz prenoit quelque
na\iie des ennemys dans lequel se trouvast des François clirestiens,
seront libres avecq leurs biens.
Mil
Et leur permettons que ilz puissent establir des consulz François
dans nos portz oii l)on leur semblera. alFm que ilz soient interces-
seurs dans lesdilz portz entre les Clirestiens François et les Mores et
autres, cpielz qu'ilz puissent estre, soit en leurs \ entes ou achaptz,
et que ilz les puissent assister en tout ce (jui leur pourra arryver de
dommages, et en pourroni faire les plaintes en nostic Conseil, suivant
les coustumcs, el que Ion ne les trouble en leur religion, et que
des relligieux pourront estrc; et demeurer en quelle part que soient
establis lesditz consuls, exerceani leur dite religion avecq Icsditz
François, et non avecq d'autre nalion'.
IX
Que tous les diflerens qui arryveronl entre les Clirestiens Fran-
çois, soit de justice ou autrement, que l'embassadeur qui résidera en
nosditz royaulmes ou consul les pourroni terminer, sy ce n'est
(pie ilz vouUussent venir par devant nous pour quelque dommage
receu.
X
Que s'il arry\nit que lesdilz consulz commissent quelque délit en
leurs alTaires. leur sera pardonné.
XI
Que s'il arryvoit que quelques uns de nos subjetz, de ceux qui
sont dans nos portz, ne voullussent obéir au présent traité de paix
contracté entre nos deux couronnes, et prinsent queltpies François
I. On se ra|)[)cllc (|iie c'est c(.lle rcsiric- pi5cha les PP. capucins de rester au Maroc,
lion apportée à l'exercice du culte ipù (-ni- \ . p. 'i^3 et note 1.
4lO 17 SEPTEMBRE l63l
chrestiens par mer et par terre, seront chastiez, et pour ceste occa-
sion ne ce pourra rompre la paix qui est entre nous.
XII
Que sy des navires de nos ennemys estoient dans les portz de
France et en leur protection, que nos navires ne pourront les en
sortir, et de mesme les navires des ennemys de France, s'ilz estoient
dans nos portz.
XIII
Que lembassadeur de 1 empereur de France qui viendra en nostre
cour aura la mesme faveur et respect (pie Ton rendra à celuy f[ui
résidera de nostre part en la cour de France.
XIV
Et sy le traite de paix contracté ei»trc nous et 1 empereur de
France venoil à ce rompre — ce que Dieu ne permette ! — par quelque
différent cpii pcjurroit arryver, que tous les marchand/ qui seront
de l'un ruyaulmc à l'autre se pourront rettirer avecq leurs biens oii
bon leur semblera pendant le temps de deux moys.
XV
Que les navires des autres marchandz chrestiens, *]uoy quilz ne
soient pas François, vcnans en nos royaulmes et portz avec la ben-
niere Françoise et passeport scellé de France, pourront traiter comme
François, ainsy qu'il se pratique en Levant et en Conslantinople.
XVI
(}iie le présent traité de paix sera publyé dans l'estendue des
empires de Marocque et de France, allhi (juestant sceu. les subjetz
de l'une el l'autre courmine puissent traiter scurement.
Tous les articles cy-dessus mentionnez sont saize, lesquelz sont
pour le bien gênerai et particulyer, sans qu'il y aye dommage ny
prejuJicc pour le Morisine ny pour les Mores, d'autant que c'est
TRAITE ENTRE MOULAY EL-OfALID ET LOLI5 Mil
Il I
pour le soullagement et paix generalle. laquelle estoit contractée
par cy-ilevanl entre nos prédécesseurs de Tune et l'autre cou-
ronne.
Et par ainsy nous concluons avec la fabveur de Dieu et son coin-
inaiideinenl et promettons de les exécuter sans y contrevenir, et
nous obligeonsà entretenir in^iollablement cette paix et union, que
nous avons signée à Marocque le dix-liuilieme du mois de Safar i o 1 1 ,
qui est le dix-septiesme de septembre mil six cens trente-un'.
Signé: Le clievallier de Raziliy
Du Chalard.
l'ar lyntercesioii et traduction du trucheman
de l'ampereur et rov de Marro(juens Muley el-
Gualid — que Dieu conserve^ !
Signr : Mose Pallacbe.
Bihliijtfwijiw \ationale. — Fonds français.
Traduction orif/inale.
Ibidem. — V' de Colbert, Ms. ^83, ff. 'i77-!i82.
Ms. 'iS-2r,.ff. 31-33. —
Plarjuelle''.
1 . Conversion erronée. Le 1 8 Sefer i oi i
coïncide avec le i5 septembre i63i. On
a conservé à ce traité dans l'appareil cri-
tique la date du i - septembre qu'il porte
dans tous les documents contemporains,
sans vouloir rechercher si cette erreur de
deux jours provenait de la date de l'hégire
ou de sa conversion en date de l'ère chré-
tienne.
2. Ecu aui armes de Razillv (de gueules
a trois fleurs de lis d'argent, 2 et i)po5é
sur une croix de Malte avec chapelet entre-
lacé entre les pointes de la croix.
3. Celte mention est tout entière de la
main de Moïse Pallache.
!x. Celte plaquette, qui était une publi-
cation odicielle (Cf. p. 438, notes i et 2),
a pour litre : Articles de paix accordez entre
Us roys de France et de Marrocq avec l'ac-
ceptation d'iceux par les ijouverneurs et habi-
tons de Salé. — A Paris, chez Sebastien
Cramoisy. imprimeur ordinaire du Ror et de
la Marine, rue S'-Jac<fues. Aux Cigognes.
MDCXX.WI. Avec privilège de Sa ilajesté.
— V la fin du texte du traité on lit : « Signé :
El-Gualid ». Cette signature, contraire au
protocole chérifien et même aux usages ara-
bes, a sans doute été restituée par le copiste.
Au-de-ssous de la sus<lite mention se trouve
la suivante : « El est escrit : le présent traittc
en arabique sera nul s'il n'est conforme à
celuy que nous avons signé en françois. —
Signé : Le chevalier de Razillv et Du Cha-
lard ». Cette note, qui devait Cgurer sur
le texte arabe, aura été également repro-
duite par le copiste. Ces deux mentions se
retrouvent dans toutes les copies, soit im-
primées, soit manuscrites. Seule, la tra-
duction originale publiée ci-dessus ne les
contient pas.
!i\ 2
I ■; SEPTIiMBRE
I(i3l
Ibidem. — Imprimes. Lc'l. — Gazette de France. '20 janvier t63<],
pp. 'id'iG' .
Ibidem. — Imprimés, Lb'35. — Mercure frunçois, t. 17, pp. 175-181.
Ibidem. — Fonds Jrançats. — Ms. ?.?,7-S'V;, //". QSO-QSS. — Copie du
xvn' siècle.
Ibidem. — Fonds Jrançais. — Nouvelles acquisitions . Ms. 70^9, ff.
325-328. — Copie du xvn^ siècle.
Archives des Affaires Étrançjères. — Maroc. — Mémoires et Documents,
Vol. 2. ff. 5^1. — Copie du xvii" siècle.
Ibidem. — Turijuie. — .Mémoires et Documents. ]'ol. 2. (f. 253-257 v°.
— Copie du XMi'' siècle'.
Bibliothèijue 'le l'Arsenal. — Ms. 'i7'i2, ff. 292-297. — Copie du
XVII'' siècle.
Ibidem. — Ms. !i767 , ff. i^2-iU3. — Copie du xvu' siècle ^
I. Mt^mc texte que lo préccdc-nt. Cf.
infra, p. 438, note 2.
■?.. Cette copieporte : Traduicl sur Vofuji-
nal arabique en français par moy Honnoré
Snjffin, interpretle du Roy. — Honore Ruf-
fin, et non SalTin (erreur de copiste),
appartenait à une famille où l'on était
secrétaire interprète de père en fils. Ln des
plus célèbres fut Thomas-François Josepli
RuQin (17^3-182^). — Le texte de la copie
conservée dans le fonds Turquie étant con-
forme à la version authentiquée par Moïse
Pallache, on en jieut inférer que Honoré
Ruffiii a dû aller au Maroc avec M. de Mo-
lèrcs.
3. En outre, ce traité, ainsi que celui
du 24 septembre, a été reproduit par le
P. Dan, par Léo.nard et par Du.mont.
TRAITÉ ENTRE I.OVIS Mil ET MOLLAY EL-OLAI.ID /l I 3
LV
TRAITÉ EATRE LOUIS XIII ET MOI I. A Y EL-OUAUD
Radi' lie Snfi, 2'i scptcmbrp ilVîi.
Autres' articles de la [)aix, accordez par très-haut, très-puissant,
très-chestien et très-auguste Louvs, euipereurde France, fils aisné
de l'Eglise et protecteur du Sainct-Siege, et très-haut, très-magna-
iiisme et très-puissant Moley Elgualid. empereur de Marocque. rov
de Fez, de Suz, ikc, en vertu du pouvoir el de la commission de
Sa Majesté Très-Chrestienne, donnée aux sieurs commandeur de
Razilly et Du Chalard, admirai cl vis-admiral des vaisseaux de
Saditc Majesté, à présent en la rade de SafTy, sous la charge de
monseigneur leminentissime cardinal de Richelieu, grand maître,
chef et surintendant gênerai de la navigation et commerce de France.
I
Premièrement, que tous les différends de l'une et 1 autre couronne
demeurent pour nuls d'oresnavant.
II
()u aucuns Maures, ny autres suhjets de rciiipcicui- de Marocque
ne pourront estre captifs en France.
III
Que Sa Majesté Très-Chrestienne employera sa faveur pour le
I. Pour l'explication de ces « autres el-Oualid dans ce second traité, V. supra,
articles» arr(?tc's entre Louis XIII cl Moulay Introduction critique, p. SgS.
lllli a'i SEPTEMBRE I 03 F
lacliapl du MdiaMt iioiauié Sidy le Regraiy, qui est à Malte, ainsi
qu'il est porté par la lettre de 1 empereur de Marocque'.
IV
Que Sa Majesté Très-Chrestienne n'assistera ny aydera les Espa-
gnols contre les subjets dudil empereur de Marocque ; et, en cas
qu'ilsles assistent, les François qui se Ireuveronl pris dans les arme-
mens seront de bonne prise comme les Espagnols.
Que les François ne traitteront avec les sujets rebelles de l'empe-
reur de -Marocque, tant pour vendre que pour achepter, ny leur
fourniront d'armes et munitions de guerre, navires ny autres choses,
qui sont, c'est à sçavoir à Aly de Messe', et autres.
VI
Que si l'empereur de Marocque a besoin de navires et munitions
pour son service, il en pourra avoir de France, mais que ce ne soit
pas contre les amis de Sa Majesté Très-Chrétienne.
VIT
Qu'en France l'on ne forcera les Maures en ce qui sera de leur
religion, non plus que les François ne le seront dans les royaumes
de l'empereur de Marocque, et sans qu'aucune justice contraigne
lesdits Maures.
VIII
Que Sa Majesté Très-Chrestienne donnera la liberté aux Maures
I. Celle lettre n'a pas été retrouvée. — famille — pcul-(5lre le prisonnier dont il
Le nom <le « le Rcgrary » et plus bas a le est question — était cadi de Moulav
Regragry» (V. p. tifid) est un ethnique. Zidàn. V. EL-OuFRÀsr, p. 4o3.
Ce marabout devait apjïartcnir à la puissante a. Aly de Messe, le marabout Sidi Ali
famille des Regraga (jui délient encore bon Mohammed. V. supro p. 365, et notes /i
aujourd'hui l'inllucncc religieuse et poli- et 5. — Massa (.Messe) et .\gadir étaient les
iqu(' dans la tribu des Chiadma entre deux ports du Sous ouverts par le .Marabout
Mogador et Safi. Ln membre de cette au commerce étranger.
TRAITÉ ENTRE LOIIS Mil ET MOI'LAY EL-OLALID '| I 5
(jiii sont dans ses galleres à Marscillr : coiume semblablement l'em-
pereur de Marocque donnera la liberté à lous les François qui se
trouveront en ses royaumes et ports.
IX
Que s'il arrivoit quelque difrerend entre les Maures marchands
qui seront en France, l'ambassadeur de Marocque résidant en
France les terminera ' : et le mesine se fera par lambassadeur ou
consul de France en Afrique.
Que s'il arrivoit quelque différend entre les subjets de Sa Majesté
Très-Chreslienne et les subjets de l'empereur de Marocque, tant
par mer que par terre, ou aux ports et rades de Barbarie, les François
ne pourront faire aucune prise sur les subjets dudit empereur : ains
s'adresseront à ses juges et officiers, et restitution leur sera faicte :
ce qui sera réciproquement en France.
XI
Que les sujets de Sa Majesté Très-Chrestienne pourront empes-
cher et défendre qu'aucuns z\nglois ou autres nations puissent traffi-
quer, ny porter aucunes armes, ny autres choses, aux subjets
rebelles de l'empereur de Marocque.
XII
Que tous les jugemens et sentences qui seront données par les
juges et officiers de l'empereur de Marocque, entre les subjets de
Sa Majesté Très-Chrestienne et les subjets dudit empereur, seront
valablement exécutez, sans qu'ils s'en puissent plaindre au royaume
de France ; et le mesme se pratiquera entre les subjets de Marocque
et les François en France.
I. Cet article donnerait à supposer que diler k la cour de Franco un ambassadeur
le ctiérif Moulay el-Oualid songeait à accré- permanent.
fllQ 24 SEPTEMBRE l63l
XIII
Que tous les navires françois (jin liaitleiont aux royaumes et
ports de l'empereur de Marocquene pourront tirer desdits royaumes
de l'or monnoyé, comme il estoit ac(;ouslumé du temps des prédé-
cesseurs de Sadite Majesté Impériale, mais pourront transporter
toute sorte d'autre or en tibar'. lingots et autre oi- rompu et non
monnoyé; et s'ils en estoient trouvez saisis, sera confisqué en quel-
que quantité que ce soit.
XIV
Que si les cnaenus de [empereur de Marocque portent ou
amènent en France de ses subjets, ils seront mis en liberté, de
mesme qu'il a esté accordé pour les subjets de Sa Majesté Très-
Chrestienne.
XV
Que les François ne pouiront tiaiter de la paix avec aucun des
subjets de l'empereur de Marocq, que par son authorité, d autant
que cette paix sera publiée et exécutée par tous les royaumes de Sa
Majesté.
Et les presens articles seront signez et scellez de la main et sceau
dudit seigneur commandeur de Razilly, et dudit sieur Du Chalard,
dont la ratification de Sa Majesté Ïrès-Chrestienne sera envoyée
dans un an à l'empereur de Marocque.
Fait à la rade de Safii, le a/j jour du mois de septembre ]()3i.
Signé : le Cbevalier de Razilly, et Du Cbalard.
Bibliothèque Nationale. — V de Colbert. Ms. //S.V, //'. ^^82-^85. —
Plaquette-.
Ibidem. — • Imprimés, Lr 1. — Gazette de France, 2U janvier 1636,
pp. Iie-li7\
I. Tibar, or en poudre venu du Soudan. note V
a. Sur celle placjueltc, V. supra, p. 4i I, 3. Même texle que le précédent.
TIIAITK R\T1Œ LOUIS Mil ET MIKI.AV KI,-OU M.ID '| 1 "
Jhulciii. — J/iipniiiés, Li' 7. — Mercure fraiirois, l. 17, jjjj. ISI-IS^.
Ibidem. — Fonds français. — Ms. 23386, ff. '28i-286. — Copie.
Ibidem. — Fonds français. — • Nouvelles acquisitions. — Ms. 70^9,
fj . 328 v''-33l . — Copie du xvii" siècle.
Archives des Affaires Étrangères. — Maroc. — Mémoires et documents.
Vol. 2, ff. 37-58. — Copie du \\u' siècle.
Ibidem. — Turquie. — Me'moires et documents. Vol. 2,JJ. 25S-260. —
Copie du xvii'' siècle.
Bibliothèque de l'Arsenal. — Ms. 'i7'r2. //'. 298-301. — Copie du
xvii"' siècle.
Ibidem. — Ms. ^i7G7 . ff. I 'i2-l 'i3. — Copie du \vii« siècle.
L)t Castkiks. Itl. — • 27
^l8 3o SEPTEMBRE l63l
LVI
LETTRE DE LOUIS XIII A BARRALLT
L'un des navires de la flotte envoyée au Maroc a élc saisi à Lislionnc et le
capitaine Découd a été arrêté. — Barrault réclamera ù la cour d'Espa<jne
la restitution du dit navire et l'élanjissement de l'éijuipage.
Veiideuvrc', 3o septembre i63i.
Suscription : A nions'' le comte de Barrault. eonseillcr en mon
conseil dEstat et mon ambassadeur en Espagne.
Monsieur le comie de Barrault,
xAyant commandé, il y a ([uelque temps, aux s" chevalier de Razilly
et Du ClialartMarmer de mes vaisseaux pour aller au Maroc retirer
l(îs esclaves françois qui y sont, ilz équipèrent au mois de juillet
dernier^ entre autres vaisseaux, une patache armée de quatre canons
de fonte verte, mousquetz, pictjues et autres armes cl munitions
de guerre, et de plus y firent mettre quelques marchandises pour
eslre debittées en la coste de Barbarie, et pour commander ladicte
patache estailirent le capp'"' Découd, qui devoil aller de conserve
avec eux. Mais estans en mer led. Découd tomba si griefvement
malade qu il fut contraint de relasclier à Lisbonne pour se faire
Iraicter, où estant, le duc de Marquere*, vice-roy de Portugal, feit
saysir ladicte patache et tout ce qui estoit dedans, et arester prisonnier
1. \ endeuvre-sur-Barsc (Aulie). personnage. Le Portugal, à cette époque,
2. ^. Doc. LUI, p. /|o3. Instructions était d'ailleurs administré par deux gou-
jjour Razilly et Du Chalard. verneurs et non par un vice-roi. Cf.
3. Ce passage établit la date du dépari Rebfllo ua Silva, Hislcria de Portugal
de lîazilly et de Du Chalard pour le Maroc. uns serulos XVII c XVIII, t. III, pp. ^og
!t. 11 n'a pas été possible d'identifier ce et 4iO.
LETTRE DE LOUIS \111 A liVHHAlI.T ^K)
Icdicl Découd sur la tin dudit mois, prétendant (]ue lesd. [lieees de
canon et armes ne dévoient eslrc portées au ro^aunle de Maroc, le
roy diid. pays estant ennemy du roy d'Espagne mon beau-frere ; de
quoy led. Découd a pris une longue maladie. M'ayant donné advis,
jay bien voulu vous taire cette lettre, par laquelle je vous ordonne
de faire serieuze instance vers led. roy et ses ministres, àccquelad.
patache, les canons, armes et marchandises qui estoient dedans
soient rendues aud. Découd, et luy mis en liberté avec ceulx de
son équipage pour revenir en mon royaume, attendu que la saison
présente ne permet pas quil continue son voyage vers Maroc.
Je désire que vous preniez ung soing très particulier de cette affaire,
et que vous me fassiez sçavoir par vos lettres ce qui sera réussy de
vos offices sur ce sujet.
Priant Dieu, Monsieur le comte dcBarrault. qu'il vous ayt en sa
saincte garde.
Escrit à N'andure, le dernier jour de septembre i63i .
Signé: Louis.
/:'/ p/iis liiis : iîoutbillier.
Blbtiolhbcjiw Nationale. — Fonds français. — .Ms. '2'2 3'di, f. 47. —
Oriijinal.
420 l3 OCTOBRK l63l
LVII
LETTRE DE MOÏSE PALLACHE A RICHELIEU
// est tombé malade à la suite des falù/ues que lui ont occasionnées les
ne'(/ociations en vue du traité entre la France el le Maroc. — // se félicite
d'avoir vu ses efforts aboutir et demande à être récompense de ses bons
offices à l'éqard des Français. — Services rendus par son frère David au
cours des né(/ociations : recommandation en sa faveur.
Safi, i3 octobre i63i.
Ex"" s^
Pesame u<j poder escrivir a \' . Ex' de mi inaiio poi' estar cniermo
cil la cama dcl munclio Irabaxo que he lomado por esta pas felice,
persiguido de tanlos eiiemigos, conio le coiitaran a V. Ex" cl S'
cavallero de Regili y el S' de Xalaii y los esclavos. Mas aiiimado
cou la caria de V. Ex" que David Pallaclie. mi hermano, metruxo',
me abro (pjc le \o pucsc a la defensa de tau jii.'^ta cauza coiilra
lotlos los que se me oponian. j Bendilu sea Dios que salimos cou
luiestro desinio y deseo ! Asigurese ^ . Ex" c[uc ha de aver una grau
correspondencia entre estas coroiias. porque el Rcy Cliristianissimu
es mui justo y a encontrado con otro, que xamas en la Berberia
uvo rey tan recto como el, y de mi parle no dexare de acudir a
lo (pie fuere del benefîiçio de los basallos del Rey Chi'istianissimo.
Suplico a V. Ex" haga con Su Mag'' que reconozca mis servicios.
David, mi hermano. a hecho su dever en este servicio ; espero que
la nobleza de V. Ex" lo reconosera. Con lanlo, S' Ex'"", quedo rogando
a Dios por la salnd y prosperidad de V. Ex" y que le haga sienpre
1. Ce passage sembU: établir tjuu David Palluclie accumpa-^iia Molt-ros à Merrakecli.
I.ETTRI-: nr, moïse p.vi.iaciii: \ lucrii'.Linu i9. i
viclorioso contra sus cncniigos. como yo, el mas humildo (le sus
cnados. lo desoo.
j Guarde Dios a \ ' Ex" largos y felices aiïos !
Çafy. y Octubre i3 de i63i.
Propria manu: Très-humblo et trcs-afcctionné et obisant servi-
teur de V. Ex",
Signé: Mose Pallache.
ArchiL'es des Affaire.'; Etranrj^res. — Maroc. — Correspondance consu-
laire. Vol. I. — Original auioyrajjhc.
^22 3l OCTOBRE l63l
LVIII
RELATION ANONYME
Razzia faite sur les Maures de l'Andjera par D. Fernando Mascarcnhas.
(3l OCTOBRE i63i).
En tète: Relacion do una grande vitoria y singular suceso que
Don Fernando Mascarcnhas, capitan jeneral y governador de la
ciudad de Tanger, tubo en la entrada que en Berberia hizo a las
aldeas de Angera. los mas belicozos Moros destos conlornos, a los
3i del mes de Otubrc de i63i '.
Despues que cl jeneral desta fuerça tomo. el vcrano pasado, unas
cargas que con litulo de cafila el moi'abito Ilajax' mando con un
Moro confidente suyo, a fin de saber si era descubierlo cl trato
secrcto que ténia con Alaraclie quando se conjuraron contra su
maese de campo para le entregar los fuertes, qucdo cntindiendo
el dicho morabito queel governador de Tituan Abdala Xaciro\ con
quien el jeneral mucho corria. que le diera el punto de las car-
gas iren con traicion desencaminadas y contra la forma de la escri-
lura y asiento hecho en conformidad entre Moros y Christianos
avizandole que eran perdidas.
Y sabiendo el dicho jeneral desta ciudad, por lodas las vias
posibles, coino tan exprimentado. procuro de se aprovechar de la
ocazion y fumentar este pensamiento en forma (|ue El-Ayax lo
tubiese por sierlo y se devirliese de la gucrra que liazia a las fucr-
1. Sur cettR razzia, \. Ternanoo de 3. Abdala Naciro, Abdallah cn-Neksis,
Menezes, pp. i46-i:ir). le mokaddotn de Tétouaii. Sur cette fa-
2. El morabito Ilajax, Sidi cl-Avachi. mille. V. p. 82, note 2.
RELATION ANONYME /JaS
sas de Su Magestad. y ([ue se enplease en la liazcr a Tetuan, y se
rebolviesen lodos los Moros entre si. Y al dielio Abdala escrivio,
sienpie ofresiendole favor y ayuda contra el Morabito, al quai el
(liclio Abdala no se queria sujctar ni dar entrada en Tetuan, coza
(|iie el Morabito seritia gravisiinainente, porque, estando senor de
la iiiejor [)arl(' de Berberia. en (juc entra Fes, Mequenes, Alcasar y
los mas destos limites, en que puzo alcaydes de su mano, no podia
snfrir (pie Tetuan no se le sujelase y que el Abdala corriese con el
governador desta ciudad de Tanger, plaza que lanto dezea infestar
por el descredito en que le tiene pucsto para con los Barbaros, por
razon de las giandes perdidas que sienpre délia llevo de jente y
rcputacion, todas las vezes que Uego a las manos con los nuestros',
de (jue tomaron niotivo los Andalusis de la alcasaba de Sale, los
quales no le obedesen, para le deziren por modo de vetuperio que
vinicse a Tanger p()r([U(^ en aquella plasa le conesia muy bien el
governador délia y le ti'ataria como quien el es.
Estando las cozas en este estado,elMorabito,irrilado contra Tetuan.
ordeno que se scrrascn los pucrlos ' y bizo gerra aquella ciudad este
verano. y jinihiin(Milc a lus de la Alcasaba, (|ue es el castillo fuerte
de Sale. ^ . porque Tetuan esta niui fortalesido con mucha jente
de fuegcj, enleiito el dicbo Morabito para mas credito suyo hazerse
senor de aquella ciudad sin le coslar sangre ; y, para cxecutar este
pensamiento, niand<i liamar a ella un casis ' principal, muy obede-
sido de todos, llarnado Sid Busalatib. y con el y cou todos los Moros
principales de Tetuan couserto la traicion con que le avian de
entregar la ciudad : y fue que le mandaria poner en una enboscada
jnnto de los muros oclio para nueve mil liombres de pie y de cavallo,
y por cabesa dellos Soliman Cadim, almocaden del Farrobo ', y un
Amete 13oliali, grande enemiguo del governador de Tetuan, para
quedai' en su lugar, y que cl dicbo casis de Tetuan Sidi Busalatib
a sierta ora le vernia abrir las puertas, y los principales de la ciudad
istarlan en aima para salircn a resebir los Bohalis y almocadem
Soliman (ladim en lo to('ante a la gerra y los Bolialis con el govierno
de la ciudad.
I. Sur les tinlalivcsdcEl-Avaclii conirc 3. Casis. Sur le sens de ce mot, V. p.
la place de langer, V . supra, pp. 275-281. 21, note i.
L!. Los puerlos, les déùlci. i. /'arroôo, el-Kliarroub.
En la Ibiiiui (]LU! se Irala se dispuso la inaleria, y, sin resisleiicia
alguna, eniraron a la ciuflad. Y los amigos de Abdala. govcrnadnr
délia, sojelandose a los nucvos goveriiadores puestos de la luaiio
del Morabilo. escondiernn en sus cazas y liizieroii hoydo al gover-
nadoi" pasado. Al cual el nuebo goveriiador maiido hiego arrazar
las cazas, y las salaron eomo a Iraydor al seivicio y ordcncs del
Morabilo en descobrir sus arddes al governador desia plasa don
Fernando Mascarenlias. \ porque escondidamcnle de ally a eualio
dias el diclio gjvernador Abdala con sus amigos y erinanos salyo
de la dicha eiudad y se reliro a Targa', que es un caslillo que esta
junlo al mar para la parle del levante, dia y medio de jornada
de Teluan, y eu el diclio caslillo le favorese y liene anparado un
xeque su amiguo. inando el \Ioral)ilo al almocaden Soliman Cadim
con los Buhalis, a cuyo cargo esla el govierno, que fuesen de
Teluan y levasen de la eiudad y de sus derredores siele para ocho
mil hombres y fuesen pain doude eslava el dicho Abdala. v que lo
matasen o prendiesen o hiziesen largar cl caslillo.
Parlio esla génie repartida en Iropas a los 25 de olubre a execu-
lar la orden (pie Uevaban. A los 26 liiiyo un eaptivo de Teluan,
]ior nombre Pedro de Ramos. iialural de ÎNoes, scrca de Toledo,
liombre Jjien enteiulido. que eaplivo eu la primera ])erdida de Ala-
raclie'. y Uego a esta luersa a los 3o, y serleticantlo lu rel'erido y que
el Morabilo eslava sobre la alcasaba de Sale, y los de Teluan eran
ydos en la buelta de Targa a ver si podian matar Abdala y que no
avia junla de Moros en nueslros canipns. 110 se qiso con eslo fiar
desla nueva el jeneral desta ciudatl. y. porque le paresio buena la
ocazion, siciido sierla la nueva. para casligar estos Barbaros que
lan alrevidos andan con las falsas promesas desle su Saiilo de que
ningunas armas de Chrislianns los poderan ofender, despidio luego
en la misma noclie el dicho gênerai scies alajadores a déférentes
parles adonde coslumbran los Moros cpie vicuen a correr a este
canpo arrayalarse, y lanbicn algunos hombres de a pie v de con-
fiansa acalaren y seguraren el canpo de la sierra de San Juan. Y
miicikIi) lodos con las mic\as de (pic el caïqxj eslava scgiiro v ipic
I. Sur larga, \. Massic.min, |). ■jJi?,. garnison cIc l.ararlio. I^cs Kspapiiols oprou-
u. Prinn*rn l'u'rdiiJa 'le A larnrhr. W s' i\^'il vèronl la mômo année (in second échec à
tic la (lùfaile inllig(jc par El-.Vyaclii à la E l-.M a niora. V. supra, p. lyD, note 3.
RELATION ANONYMK
/|25
en el no cran entrados Moros, con nuiclia presle/a aparlo duzien-
tos y sincuenta cavallos cscujidos. como cra nesesario para seme-
jante laccion y en tal tiempo cntrar en Berberia y dar el casliyo (jne
entenlo dar a eslos Barbalos, en que a Su .Mageslad liizo grande
servisio pur el descredilo con qu(> el Morabito quedo : y, como pru-
dente V csforsado capilan, para (pic todo se lilzicse con nicnos riesgo,
mando de noche quati'o naijios de reino con cuarenta y cuairo sol-
dados, Y que se arrimasen lo mas que ])udieren a aquella parle
adoude las aldeas vezinan mas con el tnar ; y que, en ainanesicndo,
se hiziesen senlidos para cpie los Moros acudiesen todos al rebate
a la playa y desenbarasasen el canpo [)ara mas a su salvo se hazer
en efeto como consigo lo ténia tralado.
Lo que todo asi sucedio, porque, en se tocando arma por la
parte del mar, acudio a el Xale que go^ierna aquellas aldeas, con
oclienla cavallos, y pasante de seiessientos infantes, los cuatrosien-
los arcabuzeros y los mas ballesteros. Ya en este tienpo el jeneral
por la parte de tierra eslava enboscado con los duzientos y sincuenta
cavallos, y tan serca de las aldeas que. en sintiendo el senal del
mar. ipie se dio con seies falconcs. sallo de la enboscada y cor-
rieron sus corredorcs liasla las Iranqueras de Anjra. A los cuales
fue dando cuestas el adail Lorcnso Correa (la Franrpia, y con el
don Juan da Costa que a([ui sierve de fronlero, a qien el jeneral
encarguo la delantera; Iras desia jente \ba el jeneral con los aco-
bertados y mas espingarderos de cavallo, y con el don Francisco
de Aztivedo. (pie es frontero y sierve con seies lanças a su costa.
Ocupo el jeneral dos puertos de la libera de Ben Issa, prenvencion
muy nesesaria para nueslros corredores los hallar desenbarasados
y los poderen pasar sin resguo alguno. como despues se vido que
fue lance deexperencia, porque. pasante de ora y média sustento el
jeneral los dos puertos en cuanto nueslros corredores se recojeron
contra muclia cantidad de Moros que pertendieron ocupar los di-
clios puertos y ganarlos al jeneral para inpedir la pasaje a los que
avian entrado por cUos a cori'cr a las aldeas, sobre lo que uvo grande
escaraumsa départe aparté, hallandose el jeneral delanlre de todos,
animandolos con singular esl'uci'so. v asi a el despues de Dios se
aIrIbiiM) lari liermozo dia, poripie el ardil fue suyo, y que andubo
masarriscado a los balazos.
Llegaroii niioslros corredores a las tranqueras de Anjra. como
dixe, y por la tierra ser mui aspera y enbarrancada, no se pudieron
tomar las mujetps y imicliachos. que cra el intcnio ([ue llevavan y
orden para solos cstos dar la vida. Toinaron cl ganado lodo que
hallaron vaciino, que fuc huena canlidad, y todos los Moros que lo
qizieron defender pasaron a cspada, y entre cUos un cavallero mu-
cho principal, pariente del Xate, a qien corlaron la cabesa, porque
este es el juego que oy corre, y cl cavallo 1(! truxeron, que es mui
bueno. Llcgando el rebate a la playa, adonde cl Xate tcnia acudido
con la llor de loda su jenle. cnterado del engano de le averen tocado
arma falsa por un parle, y le averen dado por la otra, acudio como
leon raviozo. a la buclta ado los nueslros cslavan. los quales,
quando el Xate Uego a ellos, venian ya pasando los puertos que el
gênerai eslava dcfcndiendo a lo mas de la guarnicion de los Moros
que el Xate a\ia dexado, que no fueron a la playa. Llcgando el
Xate al jeneral. le dcfcndio el puerlo como tcnia heclio alosdcmas,
hasta que loda su jente y todo el ganado que traian paso. \ des-
pues del puerto pasado, inando grilar por el Xate y dezirle en allas
bozes, que el I)icn ovo, que aora le alarga^a cl puerlo por no série
ya ncsesario. que le pedia lo pasase a otra vanda, lo que elXate liizo
con muclia jenle de la suya que le venia cresiendo. Lo qae viendo
el jeneral y (|ue los ténia en tierra llana, aprovechose de la cavalle-
ria, y hizo una ijuella con los Moros anles que de todo se reformase.
\ fue de suerte que hasta el dicho puerto, que qucdava poco mas
(|ne un tiro de niosqucte, quedo el canpo cubiertode Moros muer-
los. los mas dcUos infantes mui luzidos. sin se dar a ninguno la
vida. |ior scr dada esta ordcn. De los quales se recojeron todas las
espadas y las mas armas y dcspejos. \ con esta buelta y mortan-
dad, qucdaroii los Moros lan corlados, que luego se comensaron a
rretirar.
\ el jeneral mando locar la Irompetay marcliarmui alcgre y con-
tcnto, dando a Dios muclias gracias por no avcrle muerlo m herido
cavallero ni cavallo alguno, lo que se tiene por milagro grande,
visto los muchos balazos y saetas que sobre los nueslros llovian y
notables balazos y saeladas que en las armas resebian. Y con ellos
mm graciozos cntraron fincadas las cueslas y con las lansas bana-
das en saugre de los Moros. sin dafio ai en si ni en los cavallos. lo
FlKLATION \\0>'YME '127
que se tul)o poi' milagro v [lurlicMilar favor de la ^ irucii (lel Hosa-
rio. a qicn el gênerai es niiii alicioiiaclo, y Ucvava su imagen en el
guion, y en nombre de la \ irgcn se comelio esta empreza.
Llegando ya a la visla de Tanger obra de légua y média de la
ciiidad, Irayendo el jeneral loda su jentcjnnla en hatalla serrada,
aparesiei'oti a niano Isqnerda de nuestra tropa dos de Mores, anibas
de a cavallo nuii luzidas, (pi(> se leniaii juntado delFarrobo, Oudras'
V Béni Mesugar" v mas aldeas, ipie le vinicron aguardar al eanpo
afin de ver si le podian (|ilai- la preza de las manos por venlina
injinando sei'cii nueslros almogavres\ Como el miesiro jciieral
les vido, mando iazer alto y ponerles el roslro, haziendo a los
nuestros un arrazonado en pocas palabras, mas taies que a lodoseon
ellas se animai'on de lai suerle (pic cada uuo dezia (pie baslava para
todos aipiellos Mdios. Tcmendo eslo asi ordciiado. uiaiido loear
las Ironpelas \ el guiou cpie l'iicsc aridaudi) para ri'i<is. Poren, coni-
siendo lus Moros por el gioii (pie era el jeneral el ipie eslava cou
la jenlc, se piizieron en liuida. \o eousinlm el eapifaii ipie le luesen
eu alcanse. por iio alailarse de la preza, (pie no le eoslo poeo Ira-
vaio aeabar con l(3s eavalleros. por los dczeos (pie teniaii de los
seguir y los degollar.
Puestos los Mdi'iis en liuida. se miki el eapilaii idii la preza y
loda su jenle para la eliidad. \ enlro en ella a las eiiali u de la larde.
eoii los inavores bJAas ipie |amas dizeii los xiejos se dieroii en
ella a jeneral ninguno, por(|ue en esle lienpo eiilrar en lîerberia y
Iraer lai preza y malando laiilos Moros. pouendo eu iiiiidu a olros
(pie para la luiiiar se lenian piulos. no ay duda sino (pje es para se
li.izer grande esliiiiaeiou del suceso.
^ asi se eelebro en esia eiudad con grandes iieslas mililares y
2;uslo de todos nioradores. por el eonlentaunentd (pie al jeneral
vceii iior el siieeso de laii \enlurozo y asenaladn (lia. laiilo en dis-
credilo (lel Moraliili). ^ lodos afirman, por las iiiievas (pie lieiien
aleaiK/ado de I5eil)eiia. (pie el Morabito (liera grandes arbieias si
Su Mageslad de acpii lu lirara. y los Moros eonliiinan l(i misuio,
1. Outlras. BenI Onedress. ■'• -'l'"'"?""'-''-'. 'l'' l'^.al.r j_,li[| .■l-.n,.g-
2. Béni Mesugar, lîriil Mrsaourr, frilju haouir ; v-v, mot a le menu- sens i|ii(' celui
du djobcl f'I-AI<'iii. i\c frontrro. Ci". Egi'ilaz, p. ■à'^'S.
/|28 0 1 OCTOBRE l63l
para el Morabito conscguir sus intentes, a los cuales el gênerai, por
la esperencia que del tiene, le adevina y los contramina todos.
Don Juan da Costa, cpie aqui sierve con seies lanças a Su Mages-
lad y lue poi' caho al socon'o de la seguuda '
ArcliiL'cs espafj noies du Gouvernement général de i Algérie. — A^" 510
(anciennement : Registre IGSG, ff. 3^S). — Copie du xvii° siècle'.
I . Ln fin ilii (IdcuinuiiL manque |.iar suite :» . (_-rlU: [nècc a éti' raj>porlcc d'Espagne
du la disparition du dtTïiiur fuiiillL't. par M. Tiran.
GAZETTE DE KKANCE /|2Q
LIX
GAZETTE DE FRANCE
iS(V/( Ali bon Mohammed hnrrc lu roule du Smidun ù MoiduY cl-Oualid.
— Description du palais de El-Mescrra. — llenseif/neiucnls sur le eoiu-
merce entre la France et le Maroc.
Sale, 5 novembre i63i.
En marge: De Salé, duditjour 5 novembre audit an i63i.
Le santon Sidiay ' est sur j)ied avec cinquante mille hommes pour
empeschcr le roy de Maroc daller, comme il a de cnustume, à la
rivière Gago^ y quérir sur ses chameaux l'or qui y croist en abon-
dance. Le prétexte qu'il prend est celuy de la religion, à son ordi-
naire, ce qui fait que les Maroquins le suivent plus volontiers souz
l'espérance qu'il leur demie d'apporter quelque reformation en la
cour de leur roy. Ce qui reveillera ce jeune prince, cjui est à présent
avec son favori l'alcayde Ayagena ' dans son palais de plaisance du
Monserrat, ' fort superbement basti, mais à un cstage seulement, à la
modo du pays, &(dont vous sciiez esbahis) sans aucunes fenestres,
conlcMs du jour que leur donne une seule grand porte. Mais vous
trouveriez encore plus estrange de voir vingt-cinq moulons end)ru-
1. Sidiay: Sidi Ali ben Mohammed. (J,li-I (\ . p. 3-5 1 et p. 353, note i).
Sur ce personnage, V. p. ii/| et note -i. /,. Monserrat, El-Meserra. Sur ce « pa-
2. Rivière Gaijo. II faut entendre: le laisdi^ plaisance », V. supra, p. 1 13, note i.
Niger. — Une caravane marocaine se r<ii- Comme toutes les constriictions raaures-
dait annuellement au Soudan. qucp, ci^ pavillon n'avait pas de t'en(5tres
3. Ayaycna. Il faut rétablir Yahia .1- >xléricurcs et les appartements prenaient
Djenali. Ce caïd s'appelait en réalité Yaliia ''» joi"". "O" par la « seule grand'porte „,
mais par des ouvertures donnant sur un
ben .Mohammed el-Djenati JL»j>r^ ij; » patio
'i-lo
.) NOM.MBIU;
i(;:^i
chez ik servis tous entiers sur sa table, ijuoy (|u"ils soient beaucoup
plus grands que les vosfres.
L'un des plus utiles traffics de cette coste, & oiî il va cent pour
cent à gagner, est celuy des toiles de France ' pour de la cire ^c
autres marchandises, mesmes pour de l'or, qu'on \ous laisse
librement emporter en grenaille ik en lingots, mais non pas moimoyé.
Or vous sçavez qu'à cela près on ne manc|uepas de gens en France
pour le mettre en ctuvre. Et si, pour monslrer que ces Mores ne
sont pas trop grossiers, ils ne craignent point les banqueroutes, car
ils onl bannv le crédit, ^; ne croyenl tpi'aux paroles de présent.
Bibliothèque i\'nli(jnalc.
2S noi'cmbrc KJ^-ll.
Imprimés. Le- I. — Gazette de France,
I . Les toiles ('crues de France dites
« bretagnes » et fabriquées presque exchi-
sivement à Morlaix étaient extrêmement
en faveur au Maroc où elles étaient dési-
gnées par le terme espagnol créas. On en
donnait loujours quelques ballots aux in-
termédiaires marocains qui étaient em-
ployés dans les négociations. Cf. /''' Sé-
rie. Pays-Bas, t. III, Journal d'Albert
Riiyl a la date du 8 mars i624- Une des
conséq<iences du blocus continental fut d'in-
troduire au .Maroc les toiles de coton de
provenance anglaise. Cf. 3' Série, France,
■2- janvier 1817.
GAZETTE DU 1 HAMIE /jSl
lA
GAZETTE DE ElîWCE
Ih'jirisc (les rclalioiis rominerctales avec le Maroc, interroiiipues dejiuis
(jiiinze ans par le vol fies livres de Moiilay Zidàn.
Salé. 1 2 novcnibro i03i.
En nifirr/c : Do Salé, du la diidil mois de iinvcinhic audit an.
Un coiaiiiance à l'cnouer ic\ le Iralic discoiiliiuié depuis nuiii/o
ans qu'il y a (jue nostre paix fut rompue avec la France par le vol
de la bibliolhequc du roy de Maroc', où csloil le uianuscril original
des œuvres de sainct Augustin', estimée, tant pour le prix des
volumes rpie notamment des pieireries dont ils estoient enrichis, à
(piatrc millions de livres, qu'avoit emportée un renégat de la Iby
cathulicpie et de la nation françoise en Espagne, qui les détient jus-
f|ues à présent, quelque instance qu'on ait fait pour les ravoir. On
oust suivi, à faute de mieux, l'expédient proposé de nous rendre les
peaux cscriles en retenant pour eux les eou\ erlures ', si elles eussent
esté encoies en leur entier. Mais les Espagnols n'y gagneroient
guère à présent, ayants fait voir, par l'ordie cpi'ils y ont donné de
bonne heure, qu'ils trouvent les escrils des saincts l'eres assez riches
d eux-ruesme, & qu'ils ayment la vérité loulo nue.
Ilthliotltèijue Nationale. - — Imprimés, Le" I. — Gazelle Je France,
ô décembre 1631.
1. Sur colli,' all'aire, \ ./■■' Série, France, client, les lispagnols aurainiil ganli' jjour
t. Il, j). 0/(1, Soiiiuiaire. eii\ les couvertures eiiricliies de; pierreries,
2. Sur la légende de saint .Vugustin au et auraient rendu à Louis XIII, pour qu'il
Maroc, V. p. 2i3, note /|. les remit au Cliérif, les textes écrits sur
3. C'est-à-dire que, d'après cet o.\pé- parchemins.
'(32 Tf) NOVEMBHr l()3l
LXI
GAZETTE DE FRANCE
Razilly est de retour de son voyaçje au Maroc. — Le sieur de Molères,
qui était chargé des négociations , est arriré à Château-Thierry le 16
novembre. — Mouna offerte en rade de Saji à l'escadre de Razilly. —
Le sieur de Molères est allé i'i terre et on lui a remis les 180 esclaves
français restant au Maroc. — Le Chéri fa reçu en échange nn présent
de cent mille livres d'étoffes. — Un traité de paix a été signé à la date
du 17 septembre 1631.
Chètean-Tliierrv, iç) novembre i63i.
En marge : De Château-Tlilorrv, le iq diidit mois de novembre,
audit an iG3i .
Le 1 G. at ri\ a icy [à Cliàteau-ThierryJ du voyage de Maroc le sieur
de Molères. que Sa Majesté y avoit envoyé le i4- juin dernier, afin
de traicter de la liberté des esclaves françois & de la paix avec ce
roy, qui prend la qualité d'empereur de ces pays-là', paix néces-
saire pour le commerce que le cardinal duc de Richelieu y veut
establir. & successivement es autres havres et ports de la mer, dont
Sa Majesté luy a commis la surintendance, pour rendre le nom
des François autant connu dessus la mer comme il l'est sur la
terre.
Le commandeur de Razilly, chef d'escadre i^ admirai, & le sieur
Du Chalart, vice-admiral de la flotte que Sa Majesté y avoit
envoyée, il y a six mois, avec commission à ceste mesme fin, com-
posée de trois navires & deux pataches, sont venus à Morbien ' dès
I. Sur la mission diplomatique du sieur pp. Sgi-Syi^.
de Molères, V. supra, Introduction critique, i. .Morbien, la baie du Morbihan.
GAZETTE DE FRANCE 433
le 7. du jDrcsent, démentir en personne la ereance que chacun a\oil
de leur perte. Ils nous diseni rpic la lloUc estant ani\cc à la rade
de Safv, & avant fait une salve, à lacjneile des Maroquins respon-
dirent, elle reccut un ralVaiscliisscnient à la mode du pays' de plus
de chair que de pain, car avec six cens pains on leur donna douze
bœufs, cent moutons, six cens poules, trente douzaines de perdrix,
qui n'v valent <pie cinq sols la douzaine, force raisins, dattes &
grenades. LAdmiral obtint aussi de ce roy passeport pour le sieur
de Molcres. qui fut receu au débarquer par deux alcaydes & deux
compagnies, l une de pupiiers >k lautre de mousquetaires. Il eut, le
lendemain de son arrivée, célèbre & favorable audiance. Car on luy
amena les i8o. esclaves françois qui restoient dans tout le pays, & qui,
avec les deux cens quarante que le inesmc commandeur de Razilly
avoit délivrez l'année passée par l'ordre de Sa Majesté & ardente
sollicitation du Révérend Père Joseph, capucin, font ensemble le
nombre de ^|oo. La misère avoit desja tellement abruty l'un de ces
pauvres esclaves qu'il ne vouloit bouger de captivité.
Ce roy eut eneschangepour cent mille livres d'eslofTes de la part
de Sa Majesté Trcs-Chrestienne. l('s(|uellcs son proveydour ne
receut. synon à la cbaige que Sa Majesté ne refuseroit pas les
chevaux (jue le roy de Maroc luy \eut envoyer pour cimenter la
paix, qui fut lors conclue enlr'enx par un li'aicté contenant seize
articles, dalté du i8. du mois Saplia. l'an lo'ii, (pii se rapporte au
17. de septembre dernier'.
Signé: lecommandeuide lîazilly. DuCbalard, Mouley el-(îualyd.
Par le troisiesme desquels articles ', tant les sujets de Sa Majesté
(pie tous autres ayants son passeport ne pourront phis estie faits
captifs: ni. par le qualriesme ', anlic droil miposé en ses ports (pie
le taiialy" ou dixiesme. qui se paye de l<iut temps.
Par le i3". se doivent envoyer ambassadeurs de part \ daulie.
I. Ce « rafraiscliissemcnl à la mode du ». \ . siiprn. |i. 'ni, noie i.
pays ». appelé « motina » et assiz analogue 3. \ . sii/jra, pp. 4o7-4o8.
au droit de gîte, est une cliarge, parfois /|. \ . supra, p. 4o8.
tri'S lourde, imposée aux populations par 5. Tuilaly. Sur ce mot qui est pris iil
le Cliérif au profit de ceu.\ ipii voyageiit pour .synonyme de dime. \. p. 'lof^, note 1.
par son ordre ou qu'il veut particulièrement (!. V. supra, p. 4'o.
honorer.
De Castkies. 111. - 28
48 'l 19 NOVEMBHE l63l
Tous religieux y peuvent demeurer, mais ils ne doivent officier,
sinon aux François seulement. Selon le pouvoii- réservé aussi aux
François par ce mesme traicté, ils ont desjà estably pour leurs
consuls : à Maroc', le sieur Mazet; à Salé, le sieur Du Prat". tous
deux Provençaux; à Safy, le sieur de Bourgaronne^ Car pour
Saincte-Croix, Mazet y a mis un correspondant. Il ne se peut croire
combien ce traitté a donné d autliorité à ce roy vers ses sujets, &
de crédit vers ses voisins.
Bibliothl'gue Nationale. — Imprimés Lc° 1. Gazelle de France, 21 no-
vembre 1(131 '.
Bibliothèque Nationale. — Fonds J'rançais. — Ms. 20977 , J. 51^. —
Copie du XVII'' siècle'\
1. .4 Maroc, c'est-à-dire: à Merrakerli.
En l'ait Pierre Mazet resta à Safi,
2. Du Prat, André l'rat. Il l'ut pourvu
(lu consulat de Salé et de Télouan le 3o
novembre 1O29. \. supra. Doc. XXXIV,
p. 278. Il résigna ses fonctions en i6/i8 en
laveur de son fils. V. infru. Doc. CXXI,
p. 643, Provisions de consul à Henry Pral
et 2' Série, France, t. I, année 1669. — Sur
le conflit qui se produisit entre Pierre Ma-
zet et André Prat au sujet du consulat de
Salé, V. supra, p. 3i8, note 3.
3. Cf. p. 4^2, note 2,
!\. Le Mercure François, t. XVII, 2" par-
tie, pp. 17/1-185, donne une relation à peu
près identique à celle de la Gazette de
France, et la l'ait suivre du texte des traités
des 17 et 2/1 septembre i63i. Le seul ren-
seignement qu'ajoute le Mercure François
concerne la provenance de celte relation qui
est annoncée en ces termes : « ^ oicy l'ex-
traict d'une lettre qu'un oHîcier de ceste
flotte escrivit de Morbien sur ce qui s'est
passé en leur voyage ».
5. Cette copie a été faite d'après le nu-
méro de la Gazette de France.
REPAKTITION DE I, V PKISK lAlTE SLH LA COTE DU MAItOC
!i3ô
LXII
RÉPAUrniUN DL L\ l'UlSL] lAlTK SLU L\ COTE DU MAROC
Commcncenirnt de iGSa-.
En tête, (ilia inaïui : Estât de la [)risc faite en la cote de Maroc.
Le procédé de la prise faicte en la coste de Marocq monte soixante-
quatre mil sept cens trente-cinq livres cinq solz.
Sur quoy, il fault desduire dix mil cinq cens vinyt-huict livres
tant pour l'achapt des esclaves qui appartenoicnt à des particuliers
que des chevaux el iVaiz dont le Roy est tenu suivant le mémoire
particulier \
Parlant reste de bon cinquante-quatre mil deux cens sept livres,
sçavoir, xxv"' iij*" xxvj ** en argent contant* et xxviij"' viij'' iiij*"" j" en
I . Ce décompte a été fait poin- étalîlir la
somme revenant à Richelieu sur cette prise,
en qualité de grand maître et surintendant
général de la navigation. Les prises étalent
une importante source de revenus pour le
Cardinal. « Du seul article de la !\Iarine,
écrit Gaston d'Orléans à Louis \IiI en
i63i, il lire tous les ans [dusieurs millions
a son profit. » Gh. Mi:ii\ARn, (jiirrrrs de
I. nuis .\ III Liv. i5.
a. La restitution de cette date est fondée
sur les raisons suivantes: i" La prise dont
il est question est celle qui fut faite par
Razilly le ?> octobre i63o (V. supra.
pp. Sgi-Sgî). 2° Le présent document est
postérieur k l'expédition de Razilly de
i63i. En effet, le passage « pour l'achapt
des esclaves (pii appartenoicnt à des parti-
culiers » semble iniliquer (\n(\ parmi les
esclaves remis en liberté, il v en avait
d'autres qui appartenaient, non à des par-
ticuliers, mais au Cliérif, et qui furent
rendus sans rançon, eu vertu d'un traité.
Or, ce fait ne s'applique qu'à l'expédition
de i63r. En i63o, tous les captifs remis
en liberté furent rachetés à des particuliers
de Salé. 3" Le passage « sur quoy il fera
telle raison que luy plairra au s'' Pa-
laclie qui prêtent avoir advancé xvj'^xlj" »
lend à j)niuver que la rédaction du présent
Document comcide avec un des séjours de
David Pallacheen France, soit ici lesecond,
décembre i(33l-avril lG32 (V. supra. Intro-
duction critique, p. 3(j4).
3. (^e mémoire n'a pu être retrouvé.
,'|. Il n'a pas été tenu compte dans cette
iléduclion des cinq sols. Tous les calculs
qui suivent sont faux et les erreurs semblent
devoir être attribuées à l'incapacité du
comptable.
f\^C) COMMENCEMENT DE |G,32
une pi'ouiesse île Ma/.et', cuiisul à Sali. Sur laciiielle il convient
desduire le quart et demy que Monseigneur a adjugé aux s" de
Razilly et Du Challard et à leur équipage pour leur droit, suivant
l'ordonnance, qui monte vingt md quatre cens soixante et treize
livres', tant en argent comptant que leur part de ladicle promesse.
Partant reste au profiît de Monseigneur pour ses deux quartz et
demy trente-trois mil sept cens trente-quatre livres \ sçavoir quinze
mil huict cens trenle et quatre livres en argent et dix-huict mil
cinquante livres* sur la promesse de vingt-huict mil huict censquatre-
vingtz-quatre livres dudict Mazet.
Et ce, oultre six livres douze onces d'or qui sont entre les mains
du s' de La Traverciere", qui valent, à raison de xxxvij " l'once,
quatre mil cent soixante-seize livres\ et sa part" de trois mil sept
cens soixante et dix livres en marchandises qui ne sont encores
vendues, oultre les amandes: sur quoy il- fera telle raison que luy
plairra au s' chevallier de Razilly, qui prêtent avoir advancé
xiiij' Ixviij ** et au s'' Palache qui prêtent avoir advancé xvj" xlj "; et
sa part de ce qui se recouvrera du Roy des x'" v' xxviij " fournis
pour les esclaves et les iraiz faictz en Barbarie.
Archives des A(J'aii'es Etram/h'es. — (Correspondance consalnire. —
Maroc, vol. I. — Copie.
1. Surceltepromesse, V.p.392 etnole^. 5. La Travcrciirc, cominissairo ordi-
2. Erreur; la somniee\acte serait 3i)32- nairc de la Marine.
livres 12*°'^, 5. 6. Celle conversion semble erronée,
3. Erreur ; la somme exacte serait comme les calculs précédents. Si l'on ad-
33 879" 7'*°'*. 5. met que l'once était la il)'" partie de la
II. Ces deux évaluations sont inexactes, livre, le résultat serait 3 ygG livres.
et leur total ne correspond pas à la somme 7. 5(i pari, la part de Riclielieu.
à répartir. 8. II. le cardinal de Richelieu.
RATIFICATION DU lUVITE PU 2.^ SEPTEMBRE I 63 I '|.>7
LXIII
RATIFICATION 1)1 TKMTÉ DU a/i SEPTEMBRE i63i
S' Gcrrnaiii-fii-Lavc, i •.'. avril ifij'i.
Louis, par la grâce de Dieu, roy de France & de Navarre.
A tous ceux qui ces présentes lettres verront.
Comme ainsi soit que tiovis ayons cy-devant donné pouvoir &
commission à nos cliers iS; bien amez les sieurs chevalier de Razilly
>S: Du Clialard, capitaine garde-cosle de nostre province de Guyenne
& gouverneur de la Tour de Cordouan, pour Iraitci' iSc convenir
d'une bonne, seurc i\ durable paix, entre nous >.V très-haut, très-
excellent & très-puissant pi'ince, nostre cher >S: bon aniy l'empereur
de Nlaroc(pie. roy de Fez \ de Suz, \ les subjets des deux cou-
ronnes : \ (pi'eri conséquence dudit pouvoir, lesdits sieurs de
Razilly iN; Du Clialard ayent coiiclinl. arresté & signé avec ledit
empereur, le 2:^. jour du mois de septembre dernier, le traitté, dont
coppie est cy-attachée sous le contre-seel de nostre chancelerie,
pour l'eslablissement de ladite paix :
Nous, a^ans vcii \ i'\aiiiiii<' de mot à mot en iiosliç Conseil tous
À; chacuiis les articles dudit trait té. avons iceux agréez, approuvez
ik ratifiez, iS; par ces présentes les agréons, approuvons »S: ratifions,
promettant en loy ik parole de roy de les garder & observer de
poinci en poinct, selon leur l'orme & teneur, en ce qui nous regar-
dera, sans y contrevenir, ny souil'rir de nostre part qu'il y soit con-
trevenu en aucune manière (jue ce soit. Car Ici est nostre plaisir.
En lesnioiii de quoy nous avons fait mettre nostre seel à cesdites
présentes.
Donné à S. (iermain-eii-I>a\c. le 12. jour d'aMii, l'an de grâce
iG32, \ (le nosire règne le 22.
[\'SSi 12 AVKiL iGSa
Signé : Louis, & sur le reply :
Par le Roy. Boutliillier.
El sellées du grand sceau de cire jaune sur double queue.
Bibliothèque Nalionalc. — ¥■= de Colhert. Ms. 'iS3. jj . ^85 v'>-i86. —
P laquelle'.
Ihidcni. — Imprimés Le- 1 . Gazelle de France, '20 janvier IG'.iO, p. ^7".
Ibidem. — Fond.f françai.<:. — Ms. 23386, ff. 286 v'>-287. — Copie
du XVII' siècle.
Ibidem. — A'ouvelles acquisitions françaises. — Ms. 70^'J. jf. 330 v°-
331 . — Copie.
Archives des .Affaires Elrantjères. — Maroc. ■ — Correspondance consu-
laire. Vol. 1. — Copie.
Ibidem. ■ — Turquie. — Mémoires et Documents. Vol. 2, f. 261 . —
Copie .
Bibliothèque de l'.Arsenal. — Ms. ^767 . (f. 135-13G\
1. Sur lo tilro de nttf 2>lai|iii'tto, V. tk' même qup la plaqucitc dos V' de Col-
supra. p. iii. note 4- Cet imprimé doit Iwrt, est consacré exclusivement a>i\ traites
être considéré comme la publication offi- avec le Maroc et a comme elle le carac-
ciellc des traités. Elle fut faite d'après des tère d'une publication onîcicllc. Cf. infra.
copies envoyées au cardinal de Ricbelieu p. bi)~ , note V
par Du Cbalard. 'A. (>'est la même plarpiellc rpie celle
2. Ce numéro de la Gazelle de France. dont il est parlé tlans la note i.
MERCLElli IKANÇOIS liSg
LXIV
MERCURE FRANÇOIS
Baptême d'un imisulmnn marocain.
13 avril i633.
En marge: Barbare de Maroc baptisé.
Le commandeur de Razilly, au retour de son voyage, avoit amené
en France un Barbare du royaume de Maroc, avec les prisonniers
chreslions racbetez par Sa Majesté, (ie Barbare receut le sacrement
de liaptcsme le lundydouziesmc d'avril, en l'ej^lise des Capucins du
faubourg Sainct-Jacques à Paris, par l'arcbevescjue de ladite ville.
Le sieur de Gondy, prestre de l'Oratoire, luy servit de parrin".
IHhliothèque \ationalc. — Imprimés. Lb'"' 7. — Mercure François,
t. 18. V partie, p. 76.
I. V. infra. Doc. I^XWIU. p. '|8(j, li' 1'. l'ranrois d'Angers. Il est possible qu'il
récit d'une conversion absolument identi- v ait eu une confusion ot que ce soit lors
qu<? d'un « Barbare » du Maroc dans la du voyage de l63o que fut ramené en
relation du vovagc de iG,35 donnée par le tVance ce « Barbare ».
44o 12 JUIN l632
LXV
COMPTES DE LA MARINE DU PONANT'
(Extrait.)
12 juin 1032.
Recepte
Dudicl sieur tie (jiiencgauil" C(Mii|)laiil en celle \ille de l'ari.-^. par
autre quicfance dudict Le Comte dudiet jour xii' juin [632. la
somme de trois mil t|uatrc cens qualie-viiiirls livres douze sols or-
donnée pour employer : Assavoir ui^' iii'^ iiii'^^ wi** pour dellivrer
au s' Du Cliallart, capp"'' du navire nommé « La Uenommce »,
qui a faict le voyage de Marok en l'année dernière par le comman-
dement de Sa Majesté, pour son rembourceinent de la nourriture
par luy advancée de ses deniers à vi^'* xv hommes esclaves qu il a
retirez de Salle et dudict Marok pendaiil son voyage, seavoir :
xiiii'^ nii^'^ xix" vin s. pour xlii hommes depuis le premier aoust
jusques au vin'' novembre dernier.
xviii*^ ini"*^ xvii" un s. pour nii''^ xiii hommes depuis le xx'' sep-
tembre jusques au XXVII* novembre, qu ils ont esté desembarquez
à Auray, à raison de vi s. chascun par jour.
Et iiu'^-'' m" VIII s. pour les frais dudict comptable.
Cv. ... : in^' iiii*^ iiii'^^ 11. XII s.
Bibliothèque Nationale. — Fonds Français. — .Ms. ll3l'J\J. S v\ —
Orirjinal.
1. Les calculs du prcscnl compte «ont 3. Ce manuscrit est intitulé: Estnt nu
tous inexacts ; celui-ci est raturé en entier. tiray de la recopie et despence faicle par
2. Gabriel de Guenegaud, sieur dudit M' François Le Conte, con''' du Roy. trésorier
lieu et du Plessis Belleville, conseiller du ycneral de la marine de Ponant, pour Vexer-
Roy et trésorier de l'Epargne, mort le 0 cice de fonction de sa charcjc durant l'année
février i638. .1/ IV trente-deux.
LETTRE DE .ICLIEN DU PUY A DU CHALARD '| 'l I
LXVI
LETTRE DE JULIEN DU PUV A DU CHALARD
// s'est plaint à dwerses reprises de la mauvaise gestion de Mazet et de
lioiirrjaronne. — Arrivée en rade de S" Croix de deux tartanes proven-
çales à destination de Saji. — Les Maures les ont capturées sous pré-
texte qu'elles étaient portugaises. — Réciamation des matelots. —
Moulay elOiialid se prétend trompé par Louis XIII ijui le lai.'fse sans
répon.n' depuis la conclusion du traité de id.'i / . — Du Puy n répliqué que
la paix avec le Maroc avait été publiée en France et que primitivement
l'oli/et de sa mission était d'apporter au Cliérif avec David Pallache la
ratification du traité par le Roi. — Pallache, pendant son ambassade, a
été traité avec de grands égards, mais, comme il n'est pas revenu au
.Maroc avec les lettres de ratification dont il était porteur. Du Puy <i demandé
au Chêrif l'autorisation de retourner en France pour ej-pliqiier la situa-
tion. — Mazet, qui se parlait qarant qu avant six mois le (Shérif recevrait
toutes les .•<ati.^factions qu'il désire, a ccpembint été mis en prison et on
lui réclame /O. ooo onces. — Du Puy appréhende le même .<;orl : il supplie
Du Chalard d'intervenir en sa faveur. — Si Louis XIII ne fait pas
porter la ratification du traité par un envoyé spécial, tous les avantages
obtenus par trois ans de né(/(icialions seront compromis.
Merrakcch, a février i633.
En tclf. alla manu: M Du l'uy à W Du Cluilard.
Suscriptinii : A Monsieur. Monsieur Du (jlialard. conseiller du
Iloy, commissaire provincial des guerres en Guiennc, gouverneur
I. Ce pcrsoiiiiagn, sur lequel on n'a pu ci-dessous, élail parti pour le Maroc, envoyé,
trouver d'autres renseignements que ceux par Du Chalard, dans le courant de i63a.
qui sont contenus dans la présente lettre et II avait pour mission de retirer les sommes
dans quelques autres documents publiés ducs par Pierre Mazet. V. pp. Jio-5ll.
4^2 2 FÉVRIER 1 633
de la lour de Courdouan et cappitaine du vaisseau du Roy « la
Renommée », à Paris.
Monsieur,
Par trois diverses lettres je vous ay mandé le mauvais mesnaige-
ment du bien d'aullruy par le sieur Mazé ' et Bourgaronne", et
comme je debvois m'acheminner à Vlarrocq^ pour tascher de tirer
ce que je pourrois des sommes que j'avois à recevoir'. Pendant ce
temps, il y est arrivé' deux tartannes avec saize hommes dedens,
lunede Martegueet l'aullre de La Ciutat en Prouencc, quivenoient
de Cannarie pour traitter à Saph> .
Atterrant à S"' Croix, le calme les priiil : ailandanl le vent, ilz
mouillent l'encre soubz la forteresse, vo\anl que nous avions la
paix. Inconlinanl i\ \ vient de terre cinq azabrcs" plaines de Mores
qui abordent Icsdittcs tartannes et prennent les liouunes avec toules
leurs marcbandises, dizantz qu'ilz csloient Portugaiz. Les alcaïdes
du heu en Ijadbeiit advis au Roy: ces pauvres gens en escnpvent
aussi au sieiu- Mazé, duquel ilz esperoient tirer du soulagement, voyant
qu û estoit consul. Le sieur Mazé deniende leur hbertéet maiidevée
de leurs marchandises. Le roy de Marrocij faict response que nostre
roy c'est mocqué deluy. voyant qu'après luy a\oir rendu tous ses es-
claves et faict tout ce qu'il avoit vouleu, il ne luy avoit pas faict un
seul mot de response, despuis un an et demi que nous estions par-
tis de la radde de Sapiiv, et touschant ce More delenuà Alaltc', ou
aultres dans les galleres de France. Je responds que la paix a
esté publiée par toute la France cl ([ue je n'en estois party pour
aulti e suject que pour venir avec le sieur David Paillasse * porter la
ratification des articles de la paix ; qu'il' avoit estéreceu, satisfaict et
honnoré plus qu'homme de sa condition n'a jamais esté en lieu du
monde, que dans les despesches que ledict Paillasse avoit. nostre
1. Ma;é. Pierre Mazet. Sur ce person- sur les côtes du Maroc,
nage, V. Inlrodiici'ton, Notice biographique. 6. Azabres, zabra, lougrc.
2. Bounjarenne. Bourgaronnc. Sur ce •}. Ce Maure s'appelait Sitli cr-Regra-
personnage, V. p. 434, note 3. gui. V. p. 4iA, note i.
3. A Marrocq. à Merrakech. 8. David Paillasse. David Pallache. V.
4. Sur CCS sommes, V. p. 3i)i, note 4- supra. Introduction critique, pp. Sgi-Sgô.
5. Il y est arrivé. Entendez : il est arrivé g. Qu'il, c'est-à-dire: que David Pallache.
LETTRE DE .U'I.IKN lU PUY A DU CHAL.VRD f\!\3
roy iivoit bailhé response non sulenicnl du More de Malle, mais
aussi de toutes les choses qui pourroit louscher à la conservation
de cesle paix, et que, despuis que' le sieur Paillasse ne venoit porter
ni n'envoioit Li ralilicalion. que le Roy me bailliast permission de
retourner en France pour le faire entendre. Et promist le sieur
Mazé que, en cas que le roy de Marrocq dans six mois ne reçoit
tout le contentement qu'il pounoif espérer ou soulieler. ipi il nlTre
sa teste à sa mercy.
FjC lendemain, le sieur Mazé retouinanl |)()ur avoir mon congé,
(III luy redemende les choses susdiltes, il redit ces raisons et, après
plciisicurs allées et venues, on luy dict de la part du l\oy qu'il eust
à payer soizaiite-di\ mille onces pour semblable somme qu il avoil
receue de vous en marchandises prinses aux Juifz de Handres, et
cepandant prisonnier piscpics ,"i IViitier pa\('meiit desdittes sommes.
Il icspont (pi il na point de marcliandises aux Juifz. que les
marchandises receucs de \ous apparlienncnt au Ro\ , sui\anl qu il
se \(iil dans la coppie de sou (ibligatioii, et. (|uandmesmes il \ au-
roil des marchandises de la priiisc. il ii \ a voit lieu de luy en pou-
voir licn (ieiiiciider. \o\aiil ipi il est dicl dans le premier article de
la paix cpie toutes les choses arriv('es seroient ouliliées et comme si
jamais elles n'avoient esté, tant d'une part que d'aultre'. que dans
vostre commission il estoit porté (pie, à la supplication du ro\ de
Marrocq. le navire seroil rendu avec tous ses apparaux et muni-
tions de guerre \
Ses raisons ni les miennes ne servirent à rien. Il est prisonnier,
et moyje n'atlendz que l'heure qu'on m'entasse aultant', car on ne
me veult pas doiiner mon congé; je n ay personne qui fasse pour
moy, et les personnes ausquelles vous m'avés recommandé me
causent ceste disgrâce. Vous considères, s'il vous plaisl, en quel
estât je suis, et, n'estoit l'espérance que j'ay en Dieu, et que ne me
laisserés pas de la fasson, j'aurois bien lost bailhé empêchement
aux maux qui me menassent ^ si Dieu et vous ni meclés la main,
1. Despuis rjue, mû&quc. '\. Los craintL's de I)u l'iiv sn rt'alisrrc^iit.
2. V. ci-dessus, p. '107, art. I. V. injra. p. /l'uj, note 5.
3. Il n'est pas question de la restitution ,î. Il faut sous-entendre : en reniant ma
de ce navire aux Pallache dans la commis- foi. C'est ce que lit Du l'uy, \ . infra,
sion publi(;e ci-dessus, pp. 3(jç)-io2. p. .)u.
'|^4 2 FÉVRIEK l633
car ce que vous avez faict en trois ans est perdu, si le Roy n'envoyé
un homme exprès pour porter la ratification desdictz articles. Le roy
de Marrocq l'entendent ainsi, et, si je l'eusse portée ou aultre, pour
moy tout alloit bien et les François eussent faict tout ce qu'ilz
eussent vouleu en ce pays. Je ne puis vous mander, pour cause,
les traverses qui m'ont esté faictes par ceux avec lesquels je suis
venu, et causées par leur moyen, alTin d'éviter à payer les droictz,
au préjudice du Roy, mesmes à noircir vostre réputation parleurs
calomnies publiques. Dieu me faira la grâce de les vous reciter en
leur présence et qu'en tirerez le cliastiment deub à des personnes
qui preierent leur interest à celuy de nostre roy et de ses officiers.
J'espère tant en vostre bonté. Monsieur, que vous me delivrerés
de ce pays icy, ce qui est impossible de l'aire sans un homme ex-
près de la part du Roy. Je vous conjure, par l'Iionneur et obéissance
que je vous doibz, que ce soilcest esté prochain, aultrement je n'en
sortirai jamais.
Je suis après pour iau'C sortir le sicur Mazé. faisant dire au Roy :
qu il fist de luy tout ce qu'il luy plairroit, si dans six mois il n y
avoit un homme exprès de la pari de nostre roy pour apporter la
ratification desdictz aiiicles et response touschant ce More de
Malle, et cepandant qu'on nous laissast ces marchandises jusques
audict terme de six mois expiré, et que après il fist tout ce qui luy
plairroit de nous, et aussi qu'il fist mettre en main assurée les
marchandises et hommes de ces tartannes jusques audict temps
de six mois. C'est pourquoy. monsieur, nous sommes tous per-
dus à jamais, si vous n'avez pitié de nous et si le Roy n'envoyé un
homme exprès pour porter laditte ratiffication.
Et, en attandant, je prierai Dieu pour l'accomplissement de vos
justes souhelz de la mesme fasson que je doibz estre à jamais,
Monsieur,
Vostre très-humble et très-obeissant serviteur,
Sifjné : Dupuy.
De Marrocq, ce deux febvrier i63.3.
Archwes des Affaires Élranij'eres. — Muroc. — Correspondance consu-
laire, \ ol. I . — Oriijinal.
MEMOIRE nr. p. DU CIIAIAIU)
/i45
lAVlI
MK.MOIKI:: DK P. DL CIIALAIlL)
fJste des dépèches à préparer en vue d'une ne'gncialion avec le (Shérif.
[Entre avril et septembre i(i3.'i'.|
E/i le'Ie. (i/id iiKinii : MciiiDirc tic M' Du (iliahirl (oucliaiil
do Maroc. — it).'i3.
lia II lé
Les lettres |)alleiilps de la ratifTicalioti do la paix d Ciili'e le Roy
et le roy de Mairocq, avec la coppie des articles attachés soubz le
contresel.
Les depesclies nccessaii'os sui- ce sujet du lîoy au roy de Mar-
rocq, auscpiellos sera adjouslc la plainte que laira le Roy de David
Palachc d'avoir retenu ladicte ratiirication et autres depesches de Sa
Ma' aiultt roy de Marrocq, et de ce qu'au préjudice de ladite paix
ledit roy do Marrocq a faict emprisonner Pierre Mazet. consul de la
nation françoyse estably de la part de Sadicte Ma" audict Marrocq
et à SalTy, et de ce qu'il a faict saisir et arrester aussy le s' Du Puy ^
envoyay audict Marrocq pour rctyrer les (>ITec(z laisses audict Mazet
par les s" commandeur de Razilly et Du Chalard, dont Sa Ma"' de-
mandera la liberté ci main le\ée, comme aussv de tous les autres
I . Le présent mémoire a été rédigé après
la réception de la lettre de Julien Du Piiy
à P. Du Clialard à laquelle il répond point
par point(V. Doc. précédent, pp. l\'-\i-l\l\l\)-
Or celte lettre, datée du 2 février, dut arri-
ver en France au plus tard eu avril. D'autre
part, il vise une mission au Maroc qui fut
confiée par la suite au capitaine Cabiron.
Or celui-ci, mandé d'Angleterre à cet effet
par Louis XIII, rejoignit le Uoi à Nancy
dans le courant de septembre. V. iiij'ra.
Doc. LXIX. p. /|Gi.
2. L'arrestation de Du Puy n'est pas
annoncée dans la lettre de ce personnage
qui la présente seulement comme immi-
nente (V. p. /i43). La nouvelle en dut par-
venir en France très peu de temps après
celle de l'emprisonnement de Pierre Mazet.
!\!\{] ENTRE AVRIL ET SEPTEMBRE l633
iiiarcliaiis liaiiçois cl de leurs hieiis el uiarcliaiiclises priiiscs par
ledict roy de Marrocq ou ses siigetz à Salle, S'" Croix, Tuluan, Saffy
et autres lieux de la coste d'AlTrique despuis ledicl Iraitté de paix,
uayanl esté, de la part de Sa Ma' ny de ses sugelz, esté en rien
contrevenu, ainsy que le s' Destouches ', l'un des exemptz des gardes
de Sa Ma'", fera plus expressément entendre audict roy de Marrocq,
auquel sera donné créance.
Une lettre du Roy à M"^ le Grand Maistrc de Malte, par laquelle
Sa Ma'" le priera très-affectueusemenl de donner la liberté au mo-
rabit Sidy le Regragry quy est dans les galleres de la Relligion.
Et une autre lettie à M'' le gênerai des galleres de France, par
lesquelles Sa Ma'" luy ordonnera de mettre en liberté les Mores
quy sont sur ses galleres, dont le roy de Marrocque envoyera les
noms.
Sera prins garde qu'il fault mettre soubz le contresel de la ratif-
fication les deux coppies des articles de la paix, tant de ceux acordés
par le Roy au roy de Marrocq que des autres acordés par ledit roy
de Marrocq à Sa Ma"', el (pie lesdiles coppies soient signées en
bonne forme.
Arcliii'c.s lies Alfdircs hlni/i'icrca. — Muror. — Corrcspomlance cunsu-
liilrc. \'iil. 1. — ()ri(/in(il (iiihii/niphe.
I. Cn pprsonnai^o aiiijiiul, (iaprrs 1(^ pri'- du Maroc i'iil rt'iiiplaci' par le capitaine
seul Mcmoirc, devait ctrc coiificc la mission Cahiroii.
RELATION D WTOINF CABliiON Ai
aa7
LWIJI
RELATION D ANTOINE CA13IR0N
Voyage de Antoine dihiron au Maroc.
Paris, y juillot i034.
Au dos, alia manu : Relation du voyage dAnloinc Cal)iron.
En télé : Abrégé de ce que je. Anthoinc Cahiron, laporle au Roy
et Nosseigneurs de son Conseil du \uyage que j'ay lait à Marroc
pour son service depuis le 6 dec. i633 jusques au dernier avril
i634.
.le partis de La Rochelle le vj'' decembi-e de laïuiéc ni\j' trente-
trois, et alis niouillci' en la lade de Sailis en Barbarie, le xij' du
mois de février de l'année nivj' trente-quatre, et le mcsnie jour
escrivis au gouverneur de Saflis (juil envoyât au roy de Marroc
mon arrivée- aA'ec lettre de Sa Mag"' Très-Crestiene, pour luy don-
ner (;n mains propres, et qu'il m'envoyai lettre de surette j^our
dessendre à terre, demeurer en icelle et pouvoir de me rembarquer
avec mon serviteur.
Le xxiij' ladite lettre d'asseurance, interpiettée par Jean Daniel,
marchant anglois, me l'eust envoyée à bord, laquelle fcust faulce-
mcnt inlerprettée, comme sera dit sur la Wn^. et le mesme jour
desscndis à terre aud' Saflîs.
Premièrement', que le royaume de Marroq est administré par de
I. On remarquera la concordance entre compte pour une gratification,
la présente relation elle Compte d'Antoine i. Mon arrivée, pour: la nouvelle de mon
Cabiron publié ci-dessous, pp. 4Gi--'i70. Il arrivée,
est intéressant de noter que tous les per- 3. V. p. ^69.
sonnagcs, petits et grands, avec lesquels li. 11 faut supposer qu'il v a Ici une
Cabiron entre en rapport figurent à ce omission dans la rédaction.
/(/(S () JUILLET in.V)
gens noiivelernaiil vt-iius eu de dignités qui surpassent leurs onten-
demans. et (|ui. sans considération de prévoir les choses, ne vizent
qu'à lobjet de leur bénéfice particulier. Et que despuis quelque
temps ils ont fait lumber en disgrâce l'amin Eudjarq', qui avoit
moyené le traitlé de paix d'entre le Ftoy Très-Crestien. par l'enler-
inize de messieurs de Razilly et Du Challai'd, et le roy de Marroq.
d'autant qu'il avoit pour lors l'administralion des alTeres. Et,
comme Moyse Pallaclie, Juif, estoit desja introduit de longue main
et pryvoit envers ledit roy de Marroc^, lesdits nouveaux venus se
servirent de luy, (jui. par ses artiffices, sintroduisoit effrontément à
touttes heures devant iceluy roy, duquel il fezoit jouet à sa volonté.
Les propositions duquel, bonnes ou mauvaises, ils fezoient pas-
ser, et, faizans ainsy leurs bénéfices particuliers, ruynoient d hon-
neur ledit roi de Marroq et le rendoient odieux envers son peuple,
et par ce moien tous les jours Testât dudit pays aloit en décadence.
Ne voyans aulcun remède pour esviter tel desordre et remettre
les afferes en bon estât, qu'en faizant ciioir ledit Pallaclie en don-
nant à entendre au Roy (piil estoit grandemant par lui abbuzc, et
que l alcaïde llaya Agena^ et autres antiens servitouis de la maison
pi'endroient l'occasion au poil pour le mettre bas, et, pour parvenir
à tel effect, ils" me conseilloient de mettre mes afferes ez mains
dudit alcaïde, à qui ledit roy defferoit plus qu'à tous ; que je
pouvois entreprendre cela sans crainte, et que j aurois Dieu et le
peuple pour moy, lesquels n attendoient que mon acheminemant à
Marroc pour prendre chescun un loj)pin dudict Juif et le manger,
tant estoient-ils acharnés et vrrités contre luv : et que cela seroit le
t/ vie
vray acheminemant pour restablir le négoce et continuation de la
paix qui avoit esté traitlée ; que le roy de Marroq estoit fort repen-
tant d'avoir si laschemant rompu ledit traitté. et en fezoit de
reproches tous les jours audit Pallaclie, et que sans faute ils
croyoient qu'il restitueroit tant les François qui estoient détenus
en ses mains que leurs biens, et que tout ce qui estoit arrivé contre
1. L'amin Einbart], On donne le titre c'est-à-dire ; ut était dans l'intimité du
d'aniin à un grand nombre de fonction- roi du Maroc.
naircs et à tout personnage chargé d'une 3. ffnya Atjena. Sur ce caïd, V. p. 353,
mission oITieiolle. note i .
2. i'( pryuoil ciii'crs ledit roy Je Marroc, !i. Ils. Ce sujet reste indéterminé.
RELATION DANTOINE CABIKON /j^Q
les François audit pays estoil par lindustrieuze malice des Palla-
ches, qui pensoienl avoir truvé une douce saignée envers les Fran-
çois, comme avoient envers messieurs les Estas d'IIolande, lesquels
ils avoient sy longtemps abuzés et fczoient encores'. Tout ce des-
sus' recuUis, avec beaucoup plus, de diverces personnes, et l'injuste
emprisonnemant et mauvais traittemant qu'avoit receu Pierre
Mazet, consul des François audit pays % et de plusieurs' qui sestoient
renyés par force de lourmens. Leur demandai s'ils savoient le
nombre des François qui estoient captifvés despuis ledit traitté de
paix audit pays, dirent que audit Marroc estoient environ vingt
personnes, et à Salles plus de trois cens, et tous les jours en adve-
noient beaucoup.
Le iij' jour de mars, partis de Saiïis pour Marroq acompaigné
des principaux alcaïdcs du Roy, et arrivâmes le vj" dudit audit
Marroc, où, estant arrivé, feuz vizité par les alcaïdes, oii y eust
plusieurs demandes et responces touchant ledit voyage.
Lesdites demandes et responces ayans esté laites et partie diecux
retirés, s" Anthoine Mariât et Robert Picfort, marchans anglois,
dirent que sans doubte le roy de Marroq seroit fort comptant
de sçavoir la vérité de l'aficre pour lequel ledit Cabiron ■\enoit, et
estoit fort fâché que les alTeres se feussent ainsy altérées par la lan-
gue serpentine dudit Pallache, qui l'avoit porté à cela. Et le
dépeignirent pour un très-mcschant homme, cnnemy juré des
Crestiens et particulieremant de la nation françoise, et, pour mons-
trer la malice pernicieuze qu'il a dans l'àme, quelques jours après
l'emprisonnement de Julien Du Puy ' et Pierre Mazet, ledit Pallache
vint disner avec eulx, et. parlant de ce qui estoit advenu aux
François, dit que cela estoit procédé de sa teste, et qu'il pre-
noit vengence de l'ofTence que tant luy que son frère avoient
receu des François, et particulieremant de messieurs de Kazilly et
Du Chalard ', en la personne de ses serviteurs, et que, s'il tenoit les
1. Sur la (liiplicitc ilrs Pallache clans les Mazet, V. supra p. Sgi et note 7.
n<5gociations des Étals-Généraux avec le ti. Et de plusieurs... Entendez: et l'om-
Chérif, V. /'■' S^rie, Pays-Bas, passi'm et spc- prisonnemcnt... de plusieurs...
cialcmcntt. III, Journal de liuyl 1622-1626. 5. Cf. la lettre de Du Puy à Du Clialard,
2. Hccutlis pour: je rccuUis. pp. ^f{i-t\lifi.
.3. Sur l'arrestation du consul Pierre (i. Allusion à la j)ris(! faite par lla/illj
De Castries. 111. — 2g
!^bo 9 JUILLET i63/i
mestres, il en feroit bien pix et à tons, tant de François qni tumbe-
roient en ses mains ; que, quand il eust advis de la venue dudit
Cabiron, il feist jouer touttes sortes de ressortz pour garder qu'il
ne dessendit en terre, prenant prétexte que c'estoit fere mespris du
Roy de luy envoyer un cuysinier et qu'on luy devoit avoir envoyé
quelque seigneur qualifBé, conforme à son mérite, que allors luy
feust respondu par l'un des alcaïdes qu'ils cognoissoienl ledit
Cabiron de sy long temps, venu capitaine dans un navire, et avoit
rezidé et traitté en la terre plusieurs années, et prioient au Roy de
l'envoyer quérir, et que ce n'estoit pas peu de recebvoir une lettre
du roy de France ; et que le Roy avoit commandé qu'on envoyât
quérir ledit Cabiron avec une escorte de gens de clieval, pour le
conduire à Marroq.
Le xij' jour de mars, après avoir balancé touttes les raizons que
j'avois recully de tant de personnes, et mis en considération les
mémoires que j'avois de Sa Ma"", et entre autres l'article par lequel
m'ordonne de fere entendre au roy de Marroc la vérité de l'aflere et
mescliancetté desdits Pallaclies, prins resolution de recuzer tous
les Juifs, et, pour avoir plus de jour en l'aCTaire, présenter la lettre
qui fait mention du duplicata du traitté de paix^ pour en cas que
le roy de Marroq feust en volonté de demeurer aux termes desdits
articles, et, ne les voulant acepter, les raporter.
Le xiij" jour du mois de mars, environ trois heures après midy,
le roy de Marroq m'envoya appeller par un de ses huissiers, qui me
conduit à l'iVlcassave', au Grand Mechouard'*, où résident les gardes
du corps du Roy et oii l'alcaïde Ileya Agena me vint prendre par
la main, à qui ayant fait les submissions requises, luy dis que
le Roy, mon seigneur, m'avoit envoyé vers luy pour luy porter la
lettre que luy presentois, lequel le saluoit avec toutte affection.
Il respondit que j'estois le bien venu et qu'il estoit bien aise
et Du Chalard d'un navire appartenant aux 3. L'Alcassave, la Kasba.
Pallache. V. supra, pp. 3qi-3ç^2.
1. Ces mémoires, ou plutôt ces instruc- ^- '^I^chouarJ, mechouar jl^^t, cour
lions, n'ont pu être retrouves. ouverte où le Clurif tenait son conseil et
2. Du duplicata du traitté de paix. Il faut donnaitses audiences. Ily avaitdeuxempla-
cnlendre : du duplicata de la ratification du céments affectés à ces séances, et on les
traité de i63i. V. supra, Doc. LXIII. p. !t3~, appelait le Grand et le Petit Mechouar. V.
et infra, p. 454, note i. infra, p. 45i, et p. 465, note i.
RELATION d' ANTOINE CABIRON 45 I
d'entendre de nouveles du roy de France. Et ordonna à l'alcaïde
Heya de prendre ladite lettre, que je luy donnis dans une bource
de satin incarnat brodée d'or, et, ayant fait un peu de silence, luy
dis que j'avois ordre du Roy, mon seigneur, de prier Sa Mag'°
Imperialle de ne souffrir que aulcun Juif feust interprette de sa
lettre ny s'entermisscnt en ses affaires, sinon de Mores. Ce que
luy feust refferé par Moyse Pallache, qui servoit de trucheman,
lequel vint blesme et pensa mourir de honte, car il ne s'attendoit
pas cela. A quoy le Roy rcspondit qu'il seroit fait ainsy que je
requerois. Et ainsy bailla les lettres ez mains dudit alcaïde Heya,
avec ordre de les fere interpréter par Talbe Hemed Belcassem et
l'alcaïde Morat François', lesquels après je fcuz viziter et les priay
de ponctuellement traduire ladite lettre, et (pie je les gralifficrois.
Le x\' dudit mois de mars, le Roy m'envoya derechef apeller à
une gallerie qui est entre le Grand et le Petit Mechouard, servant
de parloir. Là vindrent ledit alcaïde Heya, en compagnie de l'al-
caïde Morat et Talbe Hemed Becassem. Lequel caïde Heya dit
audit Cabiron que le roy de Marroq avoit fait interpretter la
lettre que le roy de France luy avoit envoyé, par laquelle avoit veu
qu'il fezoit de grandes plaintes, particulièrement sur ce que David
Pallache. juif, n'avoit pourté les despechcs que luy avoient esté
baillées en France", ny la ratifflcation de la paix, le double de la-
quelle il m'avoit baillé pour fere voir au roy de Marroc ; et que
ledit roy de Marroq disoit que le roy de France avoit grand tort
d'avoir conflé à un Juif une chose de sy grande importance ; que,
I. Ce caïd était un renijgat français, l'agent anglais Robert Blakc qui l'engageait
« hombre de muy buenas prendas » dit le à livrer la place à l'Angleterre (V. Ibidem et
P. Fb. DEL Puerto (p. 462). Jean Marges z" Série, Angleterre, 3i décembre i638).
qui le qualifie de « grand bascha et gcnc- Il ne faut pas confondre Morat Françoisaveo
rai de l'armée du Clierif » dit qu'il était Murât Raïs le renégat hollandais qui était
originaire de Marseille et « affectionné au amiral de Salé (V. p. Sog, note 3), ni avec
scr\ice du roi de France ». V. p. S^Q- — Morat Genevois (V. p. 538 et notes i et a).
n signe 5 Sali au bas de la rédaction fran- 2. Les « dépêches baillées à Pallache »
çaise du trailé du 18 juillet i635 pour en étaient la lettre pour le général des galères
certifier la conformité au teste arabe do Marseille (V. p. .'|54), celle qui était
(p. .'igi). C'est lui qui commande le ren- adressée au Grand Maître de Malle pour la
fort envoyé par le Chérif (i637-i638) dans mise en liberté du marabout Sidi er-Regra-
la kasba de Salé (V. Introduction critique, gui (V. p. 407) et très probablement une
p. 197). Il aurait repoussé les avances de lettre pour le Chérif.
Il02 9 JUILLET l634
le roy de Marroq n'avolt point envoyé ledit Juif vers le roy de
France, ny ne l'avoit jamais qualiffié son fidelle ministre ; que,
quand l'embassadeur de France' vint, luy feist donner sa lettre con-
tenant response à celé qu'il avoit porté en mains propres, et que, si
ledit Juif en avoit porté aulcune autre, elle estoit donc faulce.
Je luy respondis que, quand monsieur de Moleres feust à
Marroq, il ne raporta aulcune l'esponce, ains partit de Marroq et feust à
SafTy et se rembarqua, attendant que Moyse Pallache la raportast;
et que messieurs de Ilazilly et Du Challard avoient esté conslraintz
d'envoyer un marchand expi'ès à Marroq pour fere atter" d'envoyer
lesdites despeches, lesquelles ledit Moyse Pallache porta à bord
ausdits sieurs ; ne sachant ' sy son frère en avoit pourté autre pour
l'introduire en cour de France'*, d'autant que je ne m'estois point
truvé en telle action, de sorte que n'en pouvois [parler] que comme
incertain et par presupposition, et que ce qui me donnoit telle croyance
estoit que ledit Pallache, estant arrivé en France, feust mené à la
Cour par lesdits sieurs de Razilly et Du Challard, de quoy n'au-
roient heu nécessité, n eust esté que sans doubte il avoit quelque
lettre à rendre ; mais que l'importance de l'affere estoit qu'il faloit
croire pour chose infalible que le Roy, mon seigneur, n'auroit
point escrit telle chose, s'il n'estoit véritable, n'y ayant prince au
monde qui n'adjoustat foy à ses escris, et que ses lettres ne feus-
sent receues avec autant de vérité et d honneur qu'on sauroit dési-
rer ; et partant qu'il ne faloit point mettre en doubte la parolle d'un
roy sur les calompnies d'un effronté couquin de Juif, lequel, ayant
trompé deux roys, vouloit eschaper sa meschanceté par ses mante-
ries et rendre les lettres d'un prince tel qu'est le roy de France
faulces ; que, quand à moy, en lestatque jeprocedois.jedemandois
justice au roy de Marroc contre ledit Juif, et que, si le roy de Mar-
roq ne me la rendoit, le roy de France avoit les bras assés longs
pour se valoir de ceulx qui lui fesoient du tort.
Ledit alcaïde Haya rentra vers le Roy et aussytost ressortit, di-
1. L'embassadeur de France: M. de l^. En réalitc David Pallache était porteur
Molères. V. supra, pp. Sga-SgS. d'une lettre de son frère Moïse à l'adresse
2. Aller, pour: hâter. du cardinal de Richelieu. V. supra Doc.
3. Ne saclianl... pour; que je [Cahiron] LVII, p. 430, et Introduction critique,
ne savais... pp. SgS-Sg^.
RELATION DANTOINE CABIRON 453
sant que le Roy demandoit de savoir sy j'avois porté ladite lettre, que
David Pallache disolt avoir porté de sa part. A qui je dis que n'estoit
pas la coustume de raporter une lettre qui avoit esté envoyée, mais
qu'elles ne se perdoient point et qu'on la pourroit raporter auec le
temps. Ledit caïde Ileya rentra, et, pendant c[u'il estoil avec le
Hoy. les alcaïdes Mofletta et Sayd vindrent dire les mesmes raizons
que le susdit Heya : ausquels feust répliqué comme à l'autre. Ils
entrèrent ot ressortirent derechef, disant que Moyse Pallaclie nyoit
que David, son frère, eust receu aulcune despeclie en France, ains
au contrere, qu'il avoit esté fort maltraitté en cour de France.
Je leur dy derechef que la lettre du Roy devoit prévaloir par
dessus les menteries d'un Juif, et que c'estoit fere tort au Roy,
mon seigneur, de tenir tel discours et soulTrir qu'un meschant
homme ouvrit la bouche pour parler contre un monarque, que
la langue luy dcbvoit estre arrachée, et que, pour fere voir au roy
de Marroq la meschancetté de l'un et de l'autre frères, ils ne pou-
voient nyer d'avoir receu, sçavoir : au premier voyage qu'avoitfait
ledit David', une cliesne d'or valant deux mil onces, six mil onces
en argent comptant, un navue qui avoit esté déclaré bonne prinse,
qui valoit plus de quarante mil onces, une licence d'embarquer
trois mil muidz de sel qu'il vendit à La Rochelle six mil quatre
cens onces, et ceux qui lachapterent de luy gaignerent plus
de vingt-quatre mil onces; ce feust pour le premier voyage.
Et le second, en deux fois, luy feust baillé six mil deux cens onces,
qui est en tout soixante mil six cens onces, oultre et par dessus
tous les fraix qu'il avoit fait en ses allées et venues et pendant
qu'il avoit suyvi la Cour". De quoy quelque honeste homme de
More seroit esté grandemant satisfait. Que, quand même l'alcaïde
Heya seroit esté en propre, on ne le pouvoit traitter plus courtoi-
semant, luy ayant esté fait touttes ces honneurs à considération du
roy de Marroques, son mestre, car, pour luy ni toutte leur race, on
ne les auroit traittés que comme Juifs perfides, traittrcs et meschans,
I. Ce « premier voyage » était celui 2. Onluiavaitremis en outreunesommc
qu'avait fait Daviil Pallache pour venir de d'argent iraur les frais de son retour au
Hollande à Paris. CJ. Introduction critique, Maroc. \ . /'''•■ Série, Dépôts divers, Russie, à
p. 392 et 1"' Série, Angleterre, à la date du la date du 3o octobre i034, Instructions pour
i5 mai i63i. Brasset.
/15^ 9 JUILLET ifiS.'l
recogneuz ainsi par tout le monde. C'est pourquoy antiennemant
feui'cnt bannis de France, où ils ne peuvent habiter, à peine d'estre
bruslés.
Ils demandèrent les articles de la paix de la part du roy de Mar-
roq, suyvant la lettre de Sa Mag'" Très-Crestiene. Je leur dis qu'il
estoit véritable que lesdits articles et la confirmation ' m'avoient
esté bailles, conforme à ceux qui avoient estes deslivrés à David
Pallachc, à condition que, si le roy de Marroq vouloit demeurer
aux termes du contenu en iceux, je les baillasse, ou sinon que je les
raportisse au Roy, mon seigneur ; et que par iceux il paroissoit
comme le Roy, mondit seigneur, avoit comply de sa part. — Ils me
dirent que leur roy les vouloit voir et que raporleroient la
responce, me requérant de les leur bailler. — Je les leur l)aillis
donc, mis en une bource de satin incarnat brodée d'or. Ils pour-
tarent lesdites despecbes au Roy, et peu après les alcaïdes Heya et
Aguadet vindrent me dire que le Roy avoit receu par leurs
mains lesdites despecbes, lesquelles il feroit traduire, et qu'il estoit
en volonté d'entretenir la paix, corres2Dondance et bonne amitié
que ses prédécesseurs avoient lieue avec le roy de France, ainsi
qu'estoit porté par lesdits articles ; mais qu'il truvoit une difficulté
qui procedoit du costé du roy de France, c'est qu'il n'avoit point
envoyé les cajitifs ses subjetz qui sont ez galleres de France, et
partant qu'il estoit raisonnable'; et incontinant qu'ils seroient ve-
nus, ils restitueroient tous les François et leurs biens qui estoient
en son pouvoir. — Je leur dis encores que Sa Mag'" Très-Crestiene
avoit satisfait de sa part et fait deslivrer lettre audit Pallacbe
contenant ordre à monsieur le gênerai des galleres de Marceille
pour la deslivrance des Mores subjets du roy de Marroq, et argent
pour fere les fraix du voyage, et que, si ledit David Pallacbe avoit
comis la faute, qu'il en devoit souffrir la peine, non pas de pauvres
François, qu'on detenoit en tourmens pour la coulpe des susdits.
— Ils dirent alors que le roy de Marroq desadvouoit lesdits
Pallaches et que le roy de France feist cbastier en Crestienté, et
1. La con/irma/ion : Entendez le duplicata la rédaction ; il faut entendre: Et partant
dont il est (picstion ci-dessus. V. p. 45o qu'il était raisonnable d'attendre l'arrivée
et note 2 . des captifs maures qui se trouvaient dans
2. Il doit V avoir ici une omission dans les galères de I>"rancc.
RELATION d'a>TOI\E CABIRON' /j55
qu'il chastieroit de sa part celuy qu'il tenoit. — Je supliay lesdits
alcaïdes de dire au Roy de me donner une lettre tle desadveu et
que le Roy, mon seigneur, envoyeroit pour le ferc chasticr ; et que,
puisque le roy de Marroq estoit en volonté d'entretenir la paix et
qu'il desiroit d'avoir les Mores ses subjetz, je le supliois de resti-
tuer lesdits François et leurs biens, et me donnut un More tel qu'il
luy plairroit pour venir avec moy, ez mains duquel lesdits Mores
seroient deslivrés, pour les conduire à Marroq, et que aussy feust
envoyé à Salle lesdits articles de paix et ez autres lieux dudit
royaume, affin quelle feust publiée.
Quelcpie peu apprès, sortit ledit alcaïde Ileya, qui dit que le roy
de Marroq iruvoit cstrange que messieurs de Razilly et Du Cliallard
eussent souffert qu'un Juif eust mis la main pour le roy de Marroq
et signé pour luy lesdits articles de paix '. — A quoy je respondis
que, comme lesdits sieurs de Razilly et Du Cliallard avoient veu
que ledit Pallache avoit esté acreditté pour pourter lesdits articles
présentés de la part du roy de Marroc en arable et les leur fere
signer, et que monsieur de Moleres leur avoit certiffié qu'il estoit
tant favory du Roy et que sans doubte son seing ne seroit desad-
voué, et ainsi, il avoit signé en présence de Juda Levy et Jacob
Beuros, renteros du port de Saffi ', illec presens. — Sur quoy ils re-
partirent ([ue ledit Juif disoit y avoir esté forcé par lesdits sieurs
de Razilly et Du Cliallard. — Je leur dis que telle menterie sedes-
truisoit d'ellc-mcsme, d aultant que jamais il ne s'estoit plaint
d'avoir receu aulcune discourtoisie desdits sieurs, jusques à ce qu'il
avoit esté convaincu de ses meschancettés, et que en France avoit
esté truvé fort estrange qu'un Juif eust signé pour le Roy, disant
que de Mores de qualité pouvoient bien avoir estes employés à telle
action. De plus leur dis que je m'esbahissois que de person-
nes rcslevées comme eulx souffrissent qu'un Juif privast, mit le
pied et prevaleust comme il fezoit près de Sa Mag"', et que, par un
discours affecté, se produisit devant eulx. Ledit alcaïde Heya se
soubzrit et avec ce dit que le roy de Marioq dcmeuroit cstonné
I . Sur celle signalure de Moïse Pallache, L'agent anglais Roberl Blake devait réussir
V. Introduction critique, p. 3g3 et note 8. un peu plus lard à se substituer aux ren-
ï. On sait que les droits de douane leros jviifs. V. ci-dessous. Relation de Jean
«Slaienl ordinairement anermûs à des Juifs. Marcjes. p. 543, et note 2.
^56 9 JUILLET l()3f^
qu'il ne vint point en raddo de navires marchans traitter en ses
ports, comme ils avoient acoustumé au passé. — A quoy feust re-
party : qu'il ne faloit pas qu'il en demeurast esbay, d'aultant
qu'il n'y avoit aulcun prince qui ne se ressentit du mauvais traite-
mant qu'avoit receu le roy de France en la personne de ses subjelz,
et que cela estoit cause que aulcun navire marchant ne vouloit
venir traitter en la radde de SaÊfy, ains alloit traitter ez porlz des
ennemis du roy de Marroq, là où ils estoit bien receuz, leur tenoit
paroUe, payoit bien les marchans', s'ils alloient à terre, leurs per-
sonnes et biens estoient conservés, et partant cela les obligoit à
bonne correspondance ; et que, si le roy de Marroq fezoit le mesme,
il rendroit bons ses portz et ses rentes luy seroient conservées, et,
vivant autremant, non seulemant il perdoitsesdites rentes, mais aussy
renforçoit ses ennemis du sien propre, car touttes les marchendizes
que convenoit achepter aux marchans de Marroques et autres dudit
royaume se souloient amonceller audit Marroq où ils paioient les
droilz, et après estoient reparties en divers royaumes et provinces
de l'AlTrique. et que maintenant le comerce de Marroq estant perdu
par les manquemens susditz, ce qui obligoit maintenant les mar-
chans desdits royaumes et provinces de se pourvoir ez terres de ses
ennemis. Adjoustant encores que, sy l'affere continue de la
sorte, les navires de guerre et autres qui pourroient estre envoyés
sur la coste garderont que aulcungs navires marchans ne traitteront
ez portz et rades dudit roy de Marroq, et que, puis qu'il avoit la
comodilé en main, ne la devoit laisser perdre, ains inclyner à l'es-
tablissemant d'une bonne jiaix et fere bien chastier ledit Juif pour
example et restituer à autruy, et ainsi il demeureroit en bonne
odeur envers son peuple.
Ledit alcaïde Heya reentra et peu d'espace apprès ressortit, di-
sant pourquoy on n'avoit point envoyé le Morabite qui estoit
captif à Malte. — A quoy luy feust respondu qu'on n'estoit point
obligé à telle chose, mais que, par un article dudit traitté^, avoit
esté dit que le roy de France fa voriseroit le rachapt de Hamed el-Re-
I. L'auteur fait ici allusion au commerce dessus p. igi, note 3; p. 365 et notes 4,
très actif qui s'était établi entre les Euro- Set 0.
péens etles sujets rebelles du Sous, que gou- 2. V. supra cet article pp. ^i3 et
vernait Sidi Ali ben Mohammed. V. ci- ^il).
UELATIOX d'aNTOINE CABIUON 457
gregui, qui est captif à Malle, ce qui avoit esté fait, ayant pour cest
cfTect esté donné la lettre favorable dudit roy, mon seigneur, audit
Pallaclie. — • Ledit alcaïde dit qu'il n'aparoissoit point de ladite
lettre. — Je luy dis qu'il n'y avoit personne qui le seut mieux
que ledit Pallache, qui l'avoit reccuc, les priant au surplus nie
vouloir donner rezolution sur la restitution et sur l'envoy d'un
More pour aller en France delà part du roy de Marroq. — • Lesquels
dirent qu'ils l'aloient dire au Roy, et que incontinant sortiroient
avec responce. Et environ demy heure après les alcaïdes Heya et
MolTeta dirent que le Roy leur avoit commandé de dire qu'il ne
pouvoit rien restituer sans par un préalable avoir les Mores
des gallcres de Marceille, et ([u'il cscriroit à ceux de Salles de
fere cessation d'armes pour six mois, et qu'il n'envoyeroient
point de Mores, car il sufTiroit ce que lesdits Mores diroient à leur
venue, que, quand la moitié en mourroit. les autres certifileroit leur
deccez, et que avec cela leur roy seroit comptant, et qu'il escriroil
une lettre au roy de France pourtant desadveu dudit Pallache et
responce à celle qu'il luy avoit envoyé ; et que, avec cella, me devois
contanter.
Le mesme jour xv" mars, sortant du Michuard. un eunucquc fran-
çois natifd'Orleaus me dit avoir [esté] tousjours présent, pendant que
le Roy fezoit fere les allées et venues ausdits alcaïdes, etqueMoyse
Pallache estoit aussy devant le Roy, lequel l'avoit grandement re-
primé, luy reprochant à tout moment qu'il estoitcauzedetoutle mal
qui estoit arrivé et qu'il esloit un menteur. Et que ledit Pallache
avoit impudemmant soubstenu que le roy de Marroq avoit, avec
juste reson, rompeu la paix et captifvé les François, qu'ils estoient
tous de traittres, et que tout ce que ledit Gabiron avait dit estoit
faux. Et que le Roy, en sortant pour aller en son jardin pour-
mener avec ses alcaïdes, l'un d'iceux, nommé Adoub Tahila, an-
tien serviteur de sa maison, dit au Roy que, si telle chose feust
arrivée du vivant des roys ses père et frère, ils auroient fait
couper le poing audit Pallache, trayné par la ville et arracher la
langue, mandé sa teste au roy de France et fait brusler le corps,
ce qu'il devoit fere. Les autres alcaïdes conclurent mesme
chose, sauf l'alcaïde MoulTeta, qui se jctta aux pieds du Roy, le pria
de ne le faire pas mourir, qu'il prendroit peu à peu ce qu'il avoit, et
1^58 9 JUILLET l63/|
après en feroit justice, ce que le Roy luy avoit acordé avec beau-
coup de desjilesir.
Ledit jour, comme le Roy sortit de tenir l'audience, commanda
qu'on fist emprisonner Moyse Pallache, ce qui feusl fait.
Le xvij' dudit mois de mars, Ijaillis un billetescrit de ma main en
espaignol à l'alcaide Heya jjour donner au Roy, dont la teneur s'en-
suit :
«El capilan Cabiron tiene orden de auzar' a Su Mag'' que los
Pillachos son fau tores d'Espagna. »
Et incontinant ledit Roy manda apellcr le talbe Hemed Bencas-
sem pour traduire ledit Ijillet et luy esj)liquer le mot de fauteur,
qui luy dit que cestoit à dire : salariés d Espaigne.
Despuis ledit jour xvij' de mars jusques au cinquiesme d'avril,
presentis plusieurs requestes, tant au Roy que aux alcaïdes, mémo-
riaux et factomcs, consernans lesdits afferes et lendans à prompte
expédition, restitution et justice, que, pour esviter prolixité, ne les
ay incerés.
Le vj'jour d'avril i63/i, le Roy me manda apeller environ trois
heures après midy à l'entrée du Petit Micliouard, l'alcaide Ileya me
prenant par la main, me menant au devant du Roy, oîi, après
avoir lait les complimens acousiumés. je dis que j'eslois là venu
pour recc\oir ses commandemans, le remercyant très-humble-
ment du bon traitemant que j'avois receu en ses terres, ce que je
refiererois au roy, mon seigneur, le supliant de me donner res-
ponce el me rendre justice et restitution des personnes et biens
des François qui avoient esté pris depuis le traitté de paix, comme
plus amplement esloit contenu en la lettre que luy avois baillé de
la part dudit roy, mon seigneur.
Lequel dit qu'il avoit receu et veu ladite lettre du roy
de France, qu'il desadvouait David Pallache, lequel le roy de
France debvoit fere chastier; avoit aussy bien receu les articles
de la paix par mes mains, avec la confirmation, laquelle il vouloit
entretenir en tous ses pointz, comme avoient fait ses prédécesseurs,
et que le roy de France luy devoit avoir envoyé les Mores qui sont
en ses galleres, ce que n'ayant esté comjily de sa part, il ne pouvoit
I. Au:ar, pour: avizar.
RELATION d'aNTOINE CABIRON ^Bg
rendre les François nv les biens quiestoienl en sonpouAoir, et par-
tant que, envoyant lesdits Mores, sans faute il rendroit lesdits Fran-
çois et leurs biens ; et cependant quilenvoyeroil à ceux de Salle de
fere cesser leurs armes pour six mois, et que l'alcaïde Heya me bail-
leroit le lendemain la rcsponce ipiil feioit au l'oy, mon seigneur.
Ainsi me feust rciïeré par la boucbe de l'alcaïde Morat François,
qui servoit d'interprelte. — Je luy dis que ferois toulte la dilligence
requise pour donner advis à mondit seigneur de tout, et cependant
le supliois d'entretenir ccstc bonne volonté. El, après avoir rendu
le debvoir acoustumé, soi-lis.
Ledit jour vij° avril, environ Iroisbeures après midy, ledit alcaïde
Heya mapcla à la porte du Grand Micliouard et dit que le roy
de Marroq luy avoit baillé une lettre, laquelle me bailla, pliée
en un sac de satin vermissau, cachetée, et au-dessus du caciiet
un demy rond d'or et un ruban bleu couvrant ledit cachet '.
Le xiiij' dudit. en companie de l'alcaïde Morat, feuz voir les
alcaïdes pour savoir s'ils avoienl ordre de me laisser embarquer
quand le navire seroit venu de Mougodor. où il estoit. Lesquels
dirent qu'ils n avoient point d ordre. Et, ayant monstre la lettre
que le Roy m'avoit envoyé à bord, l'auroienl leue et dirent
qu'elle portoit de dessendie et demeurer à terre, mais nom pas
de m'embarquer. Je leur dis (]uc Jean Daniel, marchant anglois,
l'avoit interprettée de sa main, et asseuré qu'elle portoit pou-
voir de m'cmbar(|uer, (juand bon me sembleroit, avec mon ser-
viteur. Ils dirent quil m'avoit donc abbuzé. Et, ayans apellc
ledit Daniel, dit que ladite lettre avoit [cstéj ainsi envoyée, et que
celuy qui la luy avoit expliquée l'avoll trompé, toutesfois qu'il cn-
voyeroit à son compagnon à Marroques, pour en avoir une autre
pour me fere embarquer". Aussi tost je despechis un courrier au-
dit Marroq et, dans cinq jours, l'alcaïde Heya Agena envoya une
lettre du Roy aux alcaïdes pour pormeltre de m'embarquer avec mon
serviteur. Pendant ledit tenqis, je ne feuz pas sans de grandes aprc-
hcntions. d'aulaut que sieur (iuerin, marchant françois, dit qu'il
I. V. /" Série, Angleterre, la trailuclion 2. Toutes Ici dillicullés suscitées à Cabi-
Origlnalc de cette lettre en français datée ron pour son embarquement n'avaient
du 3 Cboual io43 (i""" avril i63i). d'autre but c[ue de lui extonpier de l'argent.
46o 9 JUILLET iG3/l
avoit esté présent lorsqu'il arriva ladite première carte ', que ledit
Daniel avoit lait lire à un tallje et ne pouvoit ygnorer le contenu
en icelle, mais qu'il avoit fait cela pour quelque meschant dessein
pour l'intelligence qu'il a avec ledit Pallaclie, mais qu'ils n'estoient
peuz venir à leur but.
Le dernier avril, je m'embarquis sur les trois heures après midy,
ne l'ayant peu par avant pour lèvent d'aval, et le xxvj' jour de juin
vinsmes à La Roclielle, comme plus à plain est contenu au journal
tenu dudit voyage, qu'il remettra, s'il luy est comandé'.
Faict à Paris le ix'jour de juillet i63^.
Signe: Antboine Cabiron.
Archives des Araires Etrangères. — Maroc. Mémoires et documents.
Vol. 2, jff. 59-(lû. — - Original autographe .
I. Carie, hispanisme, pour lettre. 2. Ce « journal » est le Doc. qui suit.
COMPTE d'aNTOINE CABIKON ^fil
LXIX
COMPTE D'ANTOINE CABIRON-
[Juill<-t i63i]2.
En tête, alla manu : Dépense du s' Gabiron pour son voyage de
Maroc — i633-iC3i4.
Estât de la dcspcnce qui a esté faite par le capitaine Antlioine
Cabiron en son voyage de Marroques, envoyé par le Roy.
Premièrement, pour la course dudit Cabiron, de
son homme et du courrier de Exeter à Londres,
compris sa despence, deux cens vingt-cinq livres,
cy ij'^xxv Ltz
De Londres à Douvre paie pour les courses.. . xlv Ltz
Le passaige de Douvres à Calais exprès, xxx Ltz. xxx Ltz
De Calais à Paris quatre-vingts-cinq livres. . iHj^^^v Ltz
Séjour de trois jours à Paris, neuf livres, cy. . . ix Ltz
Le ^ jour de septembre, party de Paris pour
aller truver le Roy à Nancy", despendu. ... c xxx Ltz
Pour le séjour dudit Cabiron et de son homme à
Nancy, iiij'"'j Ltz i''j''j f-'^^
Pour postes de Nancy à Paris, cent trente
livres cxxx Ltz
Pour postes de Paris à La Rochelle, cent quatre-
vingts-dix livres c iiij'^^x Ltz
Pouracheptdedrap noiri't fournitures d'un habit
I. Cf. p. i't7, note I. 3. Le qiiantic'mn a été laisse' on blanc.
3. La dernière dépense inscrite sur ce 4. Louis XIII était arrivé à Nancy le 3i
compte est du 6 juillet 163/4. août i633.
463 JUILLET 1634
pour porter à Marroq à l'apoticaire du Roy' qui
réside audit lieu, afflu d'avoir accez envers le roy
dudit pays, employé cent livres c Ltz
Le xix*" octobre, ay fait achept d'un pair de pis-
tolctz enrichis avec les fourreaux couverts de velours
bleu en broderie d'or et d'argent pour présenter au
principal alcaïde du roy de Marroq", pour lesquels
av paie cent cinquante livres cl Ltz
Deux grandes caves à mettre de l'cau-de-vye pour
présenter aux alcaïdes dudil roy de Marroq. contenant
trente-six bouteilles \ a esté paie septante-cinqlivres. Ixxv Ltz
A esté aussy achepté à La Rochelle, pour faire des
habits à des alcaïdes et des rcuAés qui pryvent près
dudit roy de Marroq, vingt aulnes de drap de diver-
ses couleurs à reson de xiij livres l'aune, monte
ij^lxLtz, cy ij'lx Ltz
Pour un voyage de La Rochelle à Nantes, affîn de
parler au bourgeois du navire qui devoit pourter
ledit Cabiron en Barbarie, et luy donner advis d'un
naufraige qu'avoit fait ledit navire à Chef-de-Boys\
pour y remédier, j'ay despendu à aller ou retourner
cinquante-six livres Ivj Ltz
Pour des actes que jay recouvré à La Rochelle
contre David Pallache, Juif, ay paie aux noteres
doutze livres dix solz xij Ltz x s
La despence par moy faitte à La Rochelle despuis
le xiiij' octobre mvj' xxxiij jusques au v" décembre
de ladite année avec mon serviteur, que sont
cinc]uante-un jours, à trois livres par jour. . . C liij Ltz
Pour provisions acheptées pour porter au navire,
soixante-cinq livres Ixv Ltz
Le xxij' janvier ay achepté à l'ille de Madère de
1. Cet apothicaire s'appelait Bodier. V. trente-six bouteilles d'eau-tle-vie devaient
p. 406. être de ces « renyés qui pryvent près dudit
2. Le caïd \ahia ben Molianimed cl- rov de Marroq )i. V. l'article suivant du
Djenati. V. infra, p. k'àh- compte.
.'5. Ces caïds auxquels (^iibirun oll'rait 4- Sur ce lieu, V. supra p. aô^, note i.
XXXV
Ltz
XV
Ltz
x\
Llz
Ix
Ltz
COMPTE DANTOINE C.VBIRON l\(]'S
confitures et de sucre pour porter de présent aux
alcaïdcs du roy de Marroq, pour lesquelles ay paie
cent quarante-cinq livres C xlv Ltz
Pour ma despence et de mon serviteur audit
Madère, pendant un mois que le navire a séjourné,
iiij'"^x Llz iiij'^'x Ltz
Le xij" février j'arrivis à Saffy et payé à un bar-
que qui vint de terre à bord xv Ltz xv Ltz
Aux barquiers qui me portèrent à terre avec mes
bardes et mon serviteur le jour dudit mois, et aux
portefais portiers dudit Saffy et portiers de la douane,
trante-cinq livres
Au porteur qui avoit esté à Marroq pour aller
quérir ma lettre d'asseurance, quinze livres.
A des pauvres captifs et des eunucques françois
leur ay baillé pour aumosne quinze livres. .
Aux escrivainsduRoy et aux alcaïdcs dudit SalFis,
en argent comptant, soixante livres
Pour ma despence faite tani à la rade que audit
Sally despuis le xij'^fevrierjusques au xiij" mars', payé xlvj Ltz x s
Provisions acheptées pour le chemin de Saffys à
xMarroq, xxv Ltz xxv Ltz
Aux portiers de Saffy, trucheman, serviteurs des
alcaïdcs et autres noirs de la maison du Roy, paie
xxv Ltz xxv Ltz
A un cunucque françois grandement nécessiteux,
cinq livres v Llz
Aux serviteurs de l'alcaïde Moffeta. qui me feist
admener de chevaux pour monter à Marroq, doulze
livres xij Ltz
Pour de l'orge pour la nourriture des chevaux en
chemin, vingt livres xx Ltz
I. Cette da le du 1 3 mars est manifeste- ffcm) et un article du présent compte de dé-
ment erronée. En effet, .Vntoine Cabiron, penses (V. p. /iG.'i), il était arrivé à Morra-
d'après sa propre relation, avait quitté Safi kecli le 6 mars. Le copiste de Cabiron
le 3 mars (V. ci dessus p. 44o)- D'autre aura par erreur ajouté un x devant le
part, d'après cette même relation (V. lOi- clnlFre iij.
liOli JUILLET l63/4
Le vj' mars arrivâmes à Marroq et paie à un renyé
de l'alcaïde Mofieta qui nous conduit en chemin. . xv Ltz
Pour le louaige d'un cheval pour mon serviteur,
jjayé quinze livres xv Ltz
Aux noirs de l'alcaïde MofTeta, qui ont servy en
chemin et dressé la lentte, penssé les chevaux et
gardé iceulx, vingt livres xx Ltz
Aux portiers, huissiers, eunuques et autres servi-
teurs de la meson du Roy, pour la Jjienvenue,
cinquante livres 1 Ijtz
A plusieurs renyés françois, partie malades et
autres giandemant nécessiteux et à des captifs cres-
tiens de la sezene', leur ay haillé neuf ducatz. . . xlv Ltz
A Talbe Hemed Bencassen, inlerprette du roy de
Marroq, deux ducats d'or valans dix livres pour avoir
interpretté la lettre du Roy x Ltz
Et le mesme jour baillé à l'alcaïde Ileya Agena "^
les susdits pistoUctz, et aux trois autres alcaïdes qui
vindrent avec ledit alcaïdo Heya de Saffy et m'ac-
compagnèrent, quinze ducatz d'or à checun, sy. . ij'^xxv Ltz
Au médecin du roy de Marroq. quipryve fort prcz
dudit, pour présent, une pièce de toille disgante Me
XV aulnes, qui couste xlv Ltz
Aux eunuques françois qui sont pryvés prez le roy
de Marroq. allin qu'ils me tinssent adverty de ce qui
se passoit, leur ay donné trois ducatz xv Ltz
A un renyé françois qui ayda à l'emprisonnement
de Moyse Pallache et me porta premier la nouvelle,
un ducat v Ltz
A l'alcaïde Morat François*, comis pour estre tru-
cheman, ayder à l'interprettation de la lettre et qui
a lousjours servy, treize ducatz Ixv Ltz
Pour l'interprétation tant de la confirmation de la
1. Sc:ene, prison. V. ci-dcssiis p. ii3, .3. Toi7/e (/(V;an(e: peut-être faut-il réla-
note 2. blir : toille de gant (Gand).
2. Sur ce caïd, V . siiy/;-« p. 353, note I. 4. Sur ce caïd, V. siipra. p. 45 i , note i.
COMPTE DANTOINE CABIRON 465
paix que des articles et pour une requeste donnée
conlre Pallache, payé à Talbe Ilenicd, iiiterpretle du
Roy. XXV Ltz XXV [ifz
A Chec Aly, portier de la maison du Uoy, un ducat,
et à trois huissiers apellés michauris ', à checun un
ducat pour la bien venue, en tout (piaire ducatz. . \x \A/.
Pour la traduction d un mémorial baillé au\
alcaïdes, paie à iintcrprette deux ducatz. ... x Ltz
A l'alcaïde lleya Airena, le xxiiij' mars, ay baillé
pour liratilïïcations. affin qu il s"em[)loy;U avec plus
desoing, trente ducatz cl Ltz
Pour une requeste présentée au Roy ledit jour,
paie, pour la lere traduire, un ducat v Ltz
Le xxv" mars, pour autre requeste présentée au
Roy, paie, pour la liadLiclion, v Llz v Ltz
Le xxvj'" dudit, |)oui- autre requeste présentée au
Roy, un ducat v Ltz
Le xxvij" dudit, autre requeste présentée à lalcaïde
Heya Agena, paie v Ltz
Le vj" d'avril, après la dernière audience du Roy,
sortant du Michouard, pour me desangaiger des
rcnyés et noirs de la maison du Roy, feuz obligé de
leur bailler vingt ducatz c Ltz
Le vi]" dudit, lorsque me feust baillée ladespeche
du Roy, payis aux portiers, alniichauris, gardes des
portes et à divers alcaïdes, trente ducatz, cy. ... cl Ltz
A Lortairy ", escrivain du Roy, pour ladite
despeche, six ducatz xxx Ltz
I. Michauris et plus exactement meclia- ralemeiit dans les familles de caïds. Etre me-
chaouri est la carrière de début de tout per-
ouria (pluriel de mechaourit^Jji^). L<s ,„„„^g^ important. Les raecl.aouria sont
mechaouria sont les gens de la Cour, du sous leconuiiandementducaïd cl-mechouar
Palais, le mot mechouar étant presque ton- et accomplissent sous ses ordres des opéra-
jours employé au Maroc avec ce sens. Placés tions délicates, telles que l'arrestation d'un
auprès de la personne du Chérif, qu'ils ne caïd, sur un signe du sultan,
quittent jamais, il sont de véritables gardes 2. On ne voit pas de quel nom arabe (si
du corps, et leur situation est très enviée. On c'est im nom arabe) ce mot peut être la
les choisit dans les tribus makbzen, et gcné- transcription
Dk Castriks. 111. — 3o
46C
JUILLET l()3'|
A Talbe Henied Bencassein, inlcrpretle, pour
m avoir assisté tant à mes solicitations que servy de
conseil et d'interprettc. outre ce quoluy avois baillé,
dix ducatz
A un alcaïde du Roy demeurant à la première porte,
jjour acliepter du tabac, cinq livres
A lalcaïde Morat François, outre ce que luy avois
baillé cy-devant pour le travail qu il o prins, dix
ducatz
1 Ltz
v Ltz
1 Ltz
A mon despart de Mar roques, payé aux cy-après nommés, sçavoir :
j ducat
d'
d'
d-
d'*
d*
A l'almichaury de ralcaïde Agena
A Chaban, eunucque du Roy
A Chec Aly, premier portier
Au portier de la sezene. .
A autres deux eunucques.
Aux huissiers de la porte.
A lalcaïde Saffer qui ma baillé
son cheval, du mandement du
Roy, 1 d'i/2
Aux noirs de lalcaïde Heya Agena .
Aux noirs des autres alcaïdes.
A deux renyés françois malades.
Aux captifs de lalcaïde Heya.
Aux captifs de la sezene. .
A 1 apoticaire Bodier pour acliep-
ter des medicamans pour pur-
ger sieur Pierre Mazet.
A des captifs qui mont servy pen-
dant mon séjour à Marroq.
A un More qui mavoit aussy
servy
Ducatz xxvij.
Pour de provisions qu ay achepté pour servir en
chemin, paie vingt-cinq livres xxv Ltz
.i
d'
ï. 2
j
d'
"1
d"
ij
d"
j
d'
ij
d'^
V
d"
ij
d"
[JJ
d'
1/2
cxxxv Ltz
t:0'MPTE DANTOINE CABIRON ^()7
Pour Je 1 orge puur donner aux chevaux en che-
min, lieux ducatz X Ltz
Le vij' avril, partys de Marroq pour aller à SafTy,
et en chemin acheplé un mouton et de poules pour
donner aux suldatz, et paie xij Ltz
Le xiij' suis arrivé àSatTy, ayans paie aux portiers
et au trucheman cinq livres v Ltz
Le xsj'' baillé à lalcaïde Moral, pour la penne
qu'il a prins de mavoir conduit de Marroq à SalFis,
vingt-trois ducatz cxv Ltz
A ses soldatz cpii ont aussy aidé, quinze livres. . xv Ltz
A lalcaïde Sayd, lyvré à lalcaïde Morat pour luy
porter une pièce de Cambrais achcpté à SafTy pour
cinquante livres 1 Ltz
A lalcaïde Hemed Agadet, pour tant baillé audit
Morat pour luy pourter à Marroq une pièce de Cam-
brais valant cinquante livres 1 Ltz
Au lieutenant dudit Morat, à son sergent et à trois
alcaïdes qui esloient venus avec eulx. pour partager
entr'eulx. vintrois ducatz cxv Ltz
A\idit Morat. pour provisions en s'en retournant,
deux ducatz x Ltz
Cinq ducatz envoyés à Marro(| par ledit Alorat
pour pourter à un euMUC(|uc et deux almichauris qui
nravoicrit servy pour me tenii- adverly de ce qui se
passoil près du Roy, lesipiels je n avois |)oinl veuz à
mon despart, cy xxv Ltz
Aux Mores qui en chemin ont aydé à la lente et
heu soin des chevaux, cinq livres \ Liz
La despcncc que les chevaux ont l'ait à SalTî pen-
dant le séjour dcsdils alcaïdes, deux ducalz. ... x Ltz
A un pourtour envoyé à AIarro(|, pour avoir uu(!
lettre pour mon embarquement, enxoyé le avril.
revenuelc xix'dudil xv Liz
.\ /Vnthoinc Mariai cl Jean Danlid, pour tant à
eulx rembourcé, la somme de trente-cinq ducatz
qu ils ont baillée de mou oi'dreà I alcaïde lieya Agena
/JGS JLILLKT iCl.'î'l
pour avoir procure la lettre de mon embaïque-
menl clxxv Ltz
A lalcaïde Abilclierin '. gouverneur de SafTy, et à
Sidy Messahut ''^, agent du Roy à SafTy, xxiiij coudes
de Rouen à cliecun, acliepté à ij once et demy le
coubde xxxix Ltz
A sieur Guerin, pour un (piintal de hiscuyl
envoyé de mon ordre aux captils IVançois à la
Goladie\ sept livres cinq solz vij Ltz vs
Plus six ducalz et demy d'or que j'ay laissé auflit
Guerin, marchant de Rouen, pour envoyer en pain
ausdits captifs xxxij Liz x s
Pour porter de lettres venues de Salles à SalTy et
de Salîy à Mairoq, en diverses fois. pour. ... \ Ltz
A un jeune eunuque de Renés en Bretaigne grande-
ment nécessiteux, donné un ducat \ Ltz
A d'autres eunucques malades, leur ay donné deux
ducatz x Ltz
Aux porteurs de la douane et de la mer, truche-
man, noirs de la maison du Roy, portefaix, matelotz
et rays des barques de Saffi pour les fere sortir à la
mer : aux escrivains de la mer' et Sydy Messehuf.
paie entre tous trente-liuict livres quinze solz. xxwiij Ltz xv s
Le dernier jour d avril mvj" xxxiiij, suis party de
Saffi avec un bateau de Mores, et me suis allé embar-
quer à la rade sur le navire et envoyé de provisions
pour vingt-cinq livres xxv Ltz
Payé pour ma despence et de mon serviteur avec
plusieurs autres Crestiens estans à Safiïs pendant
dix-sept jours, cinquante-cinq livres Iv Ltz
Le xij' may sommes venus à 1 ille de Madère et
séjourné jusques au xxiiij' dudit et paie pour ma
despence et de mon serviteur pendant doutze jours, xxxvj Ltz
1. Abilclierin, Abd el-Kcrim. employas les captifs clinlicns à El-Oualidia,
2. Sidy Messahut, Sidi Messaoud. Cf. F. del Puerto, p. 365.
3. La Goladie, El-Oualidia V. p. 55, li. Aux escrivains de la mer, c'est-k-dire :
note 2. Sur lus travaux auxquels étaient aux Ouma/ia, les préposùs aux douanes.
COMPTE d'aNTOINT CvniHON /|6f)
Pour tant donné au\ matelot/ du navire pour
hoire à terre v Ltz
Pour provisions avons aehepté pour le vovagc
vingt-cinq livres xxv Ltz
Le xir"" jour de juin, sommes venus à La Rochelle,
et à la dessente ay donné aux matelotz pour boire, iij
Ltz iij Ltz
A Jean Blanchard, mon serviteur, pour ses gaigcs
de dix mois, à trois escus par mois, paie. . . . iiij^'^x Ltz
Pour despenses à mon séjour à La Rochelle, trente
livres xxx Ltz
Le xxviij" juUiel ' suis party avec mon homme de
La Rochelle et arrivé à Paris le jeudi vj'' juUiet, ayant
paie au messager, tant pour moy que pour mes hardes,
soixante livres Ix Ltz
Pour ma despence et de mon serviteur à Paris
despuis le vj' julliet mvj' xxxiiij jusque".
Sur quoy j'ay receu, en vertu dune ordonnance de
Sa Mag", la somme de trois mil livres iij"' Ltz
Partant me reste deub la somme de
A lia manu : La despence"^ faitte par le capitene
Cabiron. comprins ce qu'il a esté obligé de donner à
Marroques pour tacillitcr son espedition, que autres
fraix dont il a baillé Testât au Révérend Père Joseph,
ce monte à la somme de iiij"" vj' Ixviij Ltz x s
Et il a recen par une ordonnance du Roy, à valoir
sur sondil voxa^e. la somme de trois mil livres. . . ni'" Ltz
Partant luy est deub la somme de mil six cens
soixante-huit livres dys solz invj' Ixviij Ltz x s
I . l'.rrour <lc copie pour juin. n'avait pas pu clôturer son compte à cotte
a. On voit par cet article inachevé que date,
les dépenses dWntoine Cabiron conti- 3. Cette balance du compte de Cabiron
nuaicnt à courir apn's le t) juillet et qu'il se trouve sur une feuille séparée.
470 JUILLET l63,4
Et ce qu il plairra à Sa Mag'" le gratifTicr pour le temps et risque
et peynes qu'il a employés en sondit voyage pendent huit mois.
De plus, il est raysoiinable de desdomaiger le s' Blackal, mar-
chant, comme il luy a esté promis, pour le fret de son navire, qui
a porté à Saffy et ramené ledit Cabiron à La Rochelle, ce quil juge
en sa conscience doit estre accordé à la somme de trois mil livres.
Archives des Affaires Elranfjbres — Maroc. — (Correspondance consu-
laire. Vol. I . — Ori(/inal.
MEMOIRE DE P. DU CHALARD
A7I
LXX
MÉMOIRE DE P. DU CHALARD"
Liste des dépêches à préparer cl des dispositions à prendre en vue d'une
prochaine mission au Maroc.
Avant lo l'i août i634] -.
En tète, a/1
(I manu
Diverses (iepesches pour Maroc. — i 633
Une lettre du lloy à messieurs les Eslalz d'IIolande* et une à
M' le prince dOi-enge pour faire arrester prisonnier David Pala-
che, saisir les biens tant de luy que de son père et frère en Amster-
dani. pour estre ledit David Paluche mené et conduit soubz bonne
et sûre garde en la Bastille à Paris, inventaire faict desdits biens et
papiers, avec créance au s' Lopez, à qui la conduitte de cest affaire
1. Ce Document, du mémo que les Doc.
LXXI, p. il75 ; LXXII, p. !f]8 et LXXIII,
p. '179, est relatif à la mission de P. Du
Chalard (i635). Cet officier, dont la com-
mission et les instructions non retrouvées
(V. un extrait, p. 47/1, note 1) portent le?
dates des 2^ octobre i63/|, ,Si décembre
i63i et 17 février tfiSo (V. pp. /^q'j, doo
et 534), eut à établir avant son départ
plusieurs mémoires en vue de l'expédition
projetée. Ces mémoires et les comptes aux-
quels ils donnèrent lieu no sont pas datés; ils
portent, nlia miinii. la date erronée de i633
(V. plus loin, notes 3 et 3) ; ils témoign<'ntdcs
hésitations et des marchandages auxquels
donna lieu l'envoi de P. du Chalard au Maroc.
2. La date « .\vanl le 12 août » a été
restituée d'après la donnée suivante: il est
prévu au nombre des dépêches à rédiger
une lettre de Louis Xlll au général des
galères, laquelle futécrite le 12 août ltï34.
V.p. 482.
3. Date manifestement erronée. L'auteur
de cette annotation a vu d'une part que co
mémoire était de la main de P. du Chalard,
comme celui qui fut rédigé avant le départ
du capitaine Cabiron (V. Doc. LXVII,
p. 445) et qu'il datait avec raison de l'année
itj33. Jugeant d'autre part, après un examen
superficiel, que l'objet des deux mémoires,
et des Doc. LXXI, LXXII, LXXIlf était à
peu près semblable, il les a datés tous de la
même année.
4. Cette lettre fut écrite le 25 octobre
1C34.V. I''' SScrie. Pays-Bas, t. III, à cette
date.
/(■y 2 AVANT LE 12 AOUT I 6,'V|
sera commise, suivant la parliculiere inslruclion qui luy en sera
baillée.
Vue lettre du Uoy à nions'' le gênerai des galleres. afin que les
Mores sujetz du roy de .Marrocque quy ont esté sortis des gal-
leres pour estre envoyés à Argers ne le soient pas, Sa Ma'' ayant
resoleu de les rendre audit roy de Marrocque ; et, s'd y avoit en-
cores d'autres Mores sujetz dudit roy de Marrocque sur Icsdites
galleres, qu'ilz soient mis en liberté. De tous lesquelz sera faict un
roolle des noms et snrnoms, de leurs aages et du lieu d'oii ilz sont',
pour estre conduilz à La Rochelle et portés à Saffy ^.
Un passeport du Uoy pour lesdits Mores pour venir par terre de
Marseille à La Rochelle.
l ne lettre du Roy à monsieur le Grand Maître de Malte,
Sa Ma'' le priant d'affection de donner la liberté au morabitte Sayd
el-Regregry, captif à Malte, et lenvoicr le plus promptement qu'il
ce pourra en France, Sa Ma'" avani promis au roy de Marrocque
d cmploier sa laveur envers Son Altesse pour la liberté dudit mo-
rabitte ' .
Une lettre à nions' le commandeur de La Porte ' qu'il corres-
ponde par des siennes à Son Altesse et à ses amis particuliers à
Malte à l'effect que dessus ".
Pourvoir au paiement et recompense de ce qui est deub au
cappilaine Gabii'on pour son voiage à Marroc, et pour le fret du
navire du s'' Blackal, marchant, quy l'a porté à Saffy et retourné
en France : quy est, audit Cabiron : .xAyiiij'"''' d'une part pour les
Irais, et vii"^" pour son appointemcnt, à raison de cl** par mois.
Va audit Blachart pour ledit fret : ij"'".
Faire ordonner par monseigneur le Cardinal un navire du Roy
du port de trois cens thonneaux, pour faire le a oiage en la coste de
Barbarie, d'où il y aura à retirer plus de (juatrecens François quy
1. ('croie fut rlrissi' le ■_! septpmbrr ifi.'î^. ifiSi.p. 'ii''.
\ . infra, Doc. LWIV, p. i8i. /|. Sur ce personnage, V. p. 3oi elnole i.
2. D.ivifl l'allarhe avait été chargé en .'). On se rappelle qu'en i032, David
16S3 tlopérer ce transfert et avait même Pallache avait également reçu une lettre de
reçu l'argent pour les frais du vovagc. V. F^ouis XIII pour le Craiid Maître de Malte
suprn, p. /i.î'i. concernant la mise en liberté de Sidi er-
3. Cf. arlicleIIKIulrail>'ilii2'|srplu[ii|jn^ Regragui. \'. p. ^07. •
MÉMOIRE DE I'. DU CHALARD ^73
ont esté captifvés despuis deux ans, et y porter les Mores retirés
des galleres de sa Ma'" , ce qui ne se pourroit faire par un navire
marchant, qui coustroit un jjrand fret et ne scroitpas assuic. C'est
pourquoy il plairra à iiioiulil seigneur y aporicr les considérations
de sa prudance accoustumée.
Faire ordonner le Ibndz en deniers comptans pour les vituailles
et solde de 1 esquipage dudit navire, comme aussy pour le voiage,
presens et autres frais qu'il conviendra faire, quy ce trouvent mon-
ter à plus de douze mille escuz.
Les depeschcs du Roy au roy de Marrocq en responce de la der-
nière receuc de lu\ '. et au sujet de l'intention que Sa Ma'" a que la
paix soit entretenuée ; et à ces fins demander la restitution de tous
les Fransois et leurs biens pi-ins et retenus tant par ledit roy de
Marroc queceux de Salle, (piy |)i irlera créance', comme à la personne
de Sa Ma'", pour traitter cl rcsouldre lesditcs alTaircs de sa part.
Une lettre à ceux de Salle par laquelle Sa Ma ' leur tesmoingnera
le grand ressentiment qu elle a de leur contravention à la paix et
leur demandera la restitution de ses sujctz et de leurs hiens qu'ilz
ont prins et captifvés des[)uis deu\ ans en sa : (piautrcmeni il leur
faira connoistre la puissance ilc ses armes.
Un passeport pour sortyr, libies et (|uiltes des dioitz de douane
et de tous autres, les marchandises qui seront chargées et achap-
tées pour le présent du roy de Marroeque.
L'instruction à l'envoyé, qu'il fault soit capable et bien advcrty
de ce (ju'il aura à dire et faiie près dudit roy de Marroc et les
gouverneurs de Salle.
Uctirer de monsieur Houtbillier' la lettre du vo\ de Marrocq
(pie David Pallaclie a porté au iloy, en iacpiellc il se qualiKie « son
lidelle ministre et serviteur' », pourla baillerau cappitaincCabiron,
quy la faira voir audit roy de Marroc; laquelle il a desailvouée et
1. Il s'agit tin la Icllrn Ai- Moiilav il- voyé pour Irai 1er.
Oualid du !'"■ avril i(i3'i qui fui rapportée 3. Sur co personnage, \ . supra p. .373,
par le capitaine Caliiron. \. /''' Série, note 2.
Angleterre, à cette date. !t. ICn réalité la lettre dvi Cliérif. ou plu-
2. Quy portera rreancc. Ces mots se rap- tôt sa traduction, portait : « fîdel et hono-
portent aux dépêches du Roi, parlcsquelles rable député )i. V. supra. Introduction cri-
celui'ci donnera pleins pouvoirs à son en- tique, p. 3y5.
o
^'it^
AVANT LE I 2 AOUT
i634
dit estre supossée par ledit Pallaclie. Ce quy a causé tous les
maux quy se sont ensuivis, à faute d'avoir rendu la ratiffication
de la paix et les despesches du Roy audit roy de Marrocq dont il
c'estoit chargé'
Archives des Affaires Étrangères. — Maroc. — Correspondance consu-
laire, Vol. 1 . — • Original autotjraphe.
I. On peut rétablir la teneur des ins-
tructions données à Du Chalard, le 2^ oc-
tobre i634 (V. supra, p. h~/i, note i),
d'après un extrait, probablement littéral,
qui figure dans le Factum rédigé pour
Jean Du Bouexic, procureur général syn-
dic des Etats de Bretagne (V. Bibl. Nat.
Impr. f" F3, ij53i. p. /). Du Chalard
était chargé « de mener et de conduire au
roy de Marocq les Mores ses subjets qui
avoient esté mis sur les gallcres de France,
et retirer par forme de change les François
retenus esclaves par ledit roy do Marocq et
mesmes par les habitans de Salé, et que.
si Icsdits habitans dudit Salé en faisoicnt
refus, en traitler et compos(^r avec eux
le plus modérément qu'il pourroil, afin
que les marchandises qui seroicnt ache-
tées des deniers que Sa Majesté luy avoit
fait mettre entre les mains y peussent
suffire ; et néant moins que, si le prix
du rachat montoit à plus grande somme.
Sa Majesté luy donnoit pouvoir d'emprun-
ter, au nom de Sadite Majesté et par son
crédit particulier, des marchands qu'il trou-
veroit audit Salé, ce qui scroit nécessaire
pour faire ledit rachapt, jusqucsàlasomme
de cent livres par homme, que Sa Majesté
promit de faire rendre et paver trois mois
après son retour, en rapportant un rooUe
des noms et surnoms de ceux qu'il auroit
racheptez, et pour quelles sommes, certifié
et signé parles gouverneurs cl officiers dudit
Salé ». Ce rôle, ou plutôt cette quittance,
fut signé par les deux gouverneiirs de Sale
en présence du vice-consul Gaspard de Ras-
tin et de Cabiron (V. BM. Aal. Faclum
du Chalard. Impr. /" F3. i/ô3o, p. s).
MEMOIRE DE P. DU CHALARD
/I75
LXXI
MÉMOIRE DE P. DL CIIALAHD
Liste (les dépêches à préparer et des dispositions à prendre en vue d'une
prochaine mission au Maroc.
[aoùt-octobro iti34] '.
En le'te. alia manu : i fi33 '
Pour faire faire le \oiafi;ede Maroc(j iitiUeineiil. il failli [xdii'xoir
en dilligciice à ce qui s'ensuit :
Retirer de monseigneur le siiiiiileiidant Bouthillier la leltie du
roy de Marrocq au Roy, quy luy fu^l raiidue au niois de deceudjre
iG3o\ pour justiffîerla mesclianseltéde laquelle David Palaehe c'est
servy, quy a causé la rupture de la paix et des maux ensuivis.
F^a depesche du Roy au roy de Marrocq en responce de la lettre
(ju'il a eseril à Sa Ma" par le cappilaiiie Cabirou. avec créance à
celluy que Sadite Ma"' envoyera pour Iraitter et negotlier de ladite
paix comme à sa propre personne : et bailler quelque cpialitté lion-
noiable à l'envoyé pour le rendre plus recomaiidalde près dudit
roy de Marrocq.
I . Le présent Mémoire est vraisembla-
blement postérieur au 13 août, puisqu'il ne
mentionne pas la lettre relative aux Maures
sortis (les galères, i[ui fut envoyée à cette
date. V. p. 471, note 2. D'autre part, on
avait dik rédiger les dépêches et prendre les
mesures énumérées dans ce Document avant
la fin du mois d'octobre, car nous savons que
Du (Jbalard avait reçu l'ordre, dès le com-
mencement de ce mois, de se tenir prêt à
partir en novembre. V. infra, p. 5ii.
2. Sur cette date erronée, V. supra p.
.'17 1, note 3. — La mention alia manu a
disparu lors de la reliure de ce document.
'^. Date manifestement erronée. Il s'agit
dr la lettre du (1 octobre i63l
p. 090.
/[■jG AOUT-OCTOBllE ifi^'l
Une IcKic (lu Roy à ceux de Salé sur lesujcl de le\n- conlnivcu-
liou à la paix, à ce qu'ilz aient à rendre tous les Fransois et leurs
biens pris despuis ladite paix, autrement que Sa Ma" leur faira sen-
tir la puissance de ses armes.
La commission et instruction pour l'envoyé' pour faire ledit
voiage, aiusy quelle a esté donnée aux Irois voiages faictz en
la coste dAirriquc ".
Un passeport pour charger franc les marchandises qui seront
achaptées pour faire des presens au roy de Marrocq, à ses alcaydes
et à ceux de Salé ; les Mores demandans tous les jours, et ne font
rien, sy on ne leur donne.
Commander à M' Mai'lin' de faire les ordonnances et estât pour
faire promptement radouber, esquiper de cordages, cables, ancres
et toilles, artiller, armer et munitionner le vaisseau « La Renom-
mée » pour fayre ledit voiage.
Ordonner le fondz pour les vituailles et solde de l'équipage dudit
navire pour six mois, quy ce monte pour six vmgtz-cinq liommes.
dont il a tousjours esté composé, à iij"'ij''xlviij'' par mois, et pour
six mois xix'"iiij'iiii'"'xij'*, qu'il fault advancer.
Ordonner aussy le fondz comptant de vingt-cinq mille livres
pour fayre l'achapt des marchandises propres pour fayre les pre-
sens audit roy de Marrocq, à ses alcaydes et à ceux de Salé, quy est
peu de chose à l'esgard de leur cupiditté.
Fayre payer comptant le cappitaine Cahiron de xvi'iiij''^'' quy luy
sont deues par le compte qu'il a baillé au révérend Père Joseph \
et ce qu'il plairra à Monseigneur pour le recompanser de dix
mois (le tempz qu'il a employés en cest aH'ayre. ayant (juitté tout
son negose pour obeyr à l'honneur de ses commandemens ; cl le
fret deub au sieur Blacart. montant iij'"'*-
Il seroit aussy nécessaire, en cas que ceux de Salé ne \ uillent
pas randre les esclaves fransois par l'ordre et commandement du
I. L'envoyé. C'est Priam Du Chalard un caractère impersonnel, en ne se nom-
qui fut chargé comme plénipotentiaire des mant pas.
négociations de i635. Il faut admettre ou a. Les voyages de 1(329, it'i.'io cl iG.Si.
que sa désignation n'était pas encore faite 3. Il était secrétaire général de la marine
à la date où i! rédigea le présent mémoire, de France. \ . supra, p. 869, suscriplion.
ou qu'il aiM'a préféré laisser à ce document 4- \ • supra, p. '16g.
MÉMOinF, iJE P. m: chai.aho ^77
roy de Marrocq (comme il |iourrii arrvver, eslaiis les l'uiclullois
(l'AiTriquc). de mettre JTis(jues à ein(|iiaiite mille livres en mareliaii-
dises propres au débit en ladite cosle, [)<)ur en layre le raeliapt au
meilleur marché quy se pourra uegolyer, dont le prolTil rendra
trante pour cent, et par ce moien Sa Ma'" gaigncroit une paitie de
sa despance, et ledit voiage sera <à sa gloire par toutte la Chré-
tienté. Du moins fault bailler pouvoyr à l'envoyé d'emprunter des
marchans, de quelque natyonqu'ilz soient, quy ce trouvcroient audit
Salé, les sommes ou marchandises quy faironl besoing pour payer
le rachapt desdits François ; autrement il seroyt plus à propos de
n'enlreprandre pas ledit voiage. quy tourneroyt au mesprix de la
réputation des affaires de Sa Ma' , (piy est tenu pour le plus grand,
riche et charitable de tous les roys chrestiens. Ce que Monseigneur
est très-humblement supplié de bien considérer.
Donner de quoy à l en\ oyé. pour fayre avec honneur et contan-
tement ledit voiage.
Archives des Affaires Etrawjcres. — Muroc. — Correspondance consu-
laire. Vol. I. — Orifjinal autof/raplic.
li-S
AOUT-OCTOBRE l(J3'|
LXXII
ÉTAT ESTIMATIF DE DÉPENSES'
Élut csL'unalifdes dépenses à faire en eue il'une prochaine niission au Maroc.
[aoilt-oclobrc i634]^.
En léte. alia muna : AlTnires de Marocq. — ir)33'\
Pour le vaisseau xix'" iiij'' iiij'"' xij "
Presens vingt-cinq mil livres
Cabiron, Blacart. . . quatre m\\ six cent quatre-vingt livres.
Cinquante mil livres pour marchandises ou pouvoir d'emprunter
pour Salé.
PoHi' le radoub du vaisseau trois mil livres
cent deux mil '
Quairr-viitfji di.e-neuf mil cent soixante et douze livres.
Pour le vaisseau
Cabiron, Blacarl
Presens et voiages..
Arcltiees des Affaires Etranijèrcs.
laire. Vol. l. — Ori(jinal.
1. Cet état n'est qu'un brouillon. Les
sommes prévues avant par la suite été
estimées trop fortes, elles furent diminuées.
Les mots biffés ont été mis en italiques.
Ln second compte sur lequel ne figurent
plus que les sommes réduites a été écrit au
dessous du premier.
2. Le présent compte et le suivant (V.
p. 479) sont en corrélation évidente avec le
précédent Mémoire de P. Du Cbalard dont
ils réduisent les propositions de crédits.
C'est pourquoi on leur a attribué la même
XIX 111) 111) XIJ
quatre mil livres
douze mil cuuj cens liuict livres
Maroc. — Correspondance consu-
date approximative.
3. Sur cette daté erronée. V. p. 4^1,
note 3.
4 . Le total était primitivement de quatre-
vingt dix-neuf mil cent soixante et douze
livres, parce que sans doute on avait omis
d'y comprendre les trois mille livres pour
le radoub du vaisseau. Cette somme ayant
été ajoutée, on a raturé « Q\iatre-vingt-dix-
neuf mil « et on a écrit au dessus : « Cent
deux mil » ce qui forme au total cent deux
mille cent soixante-douze livres.
ÉTAT ESTTMATll' Dl: mîPKNSES '(-()
LXXIII
ÉTAT ESTIMATIF DE DÉPENSES
Etat esli/nalif des dépenses
à faire en vue d'une prochaine mission au Maroc.
[aoiH-oclobre i634'-]
En tête, alla manu: iMaroc. — iG33 '.
Mémoire de ce qui feroit besoingpour envoyer à Marroc.
L un des vaisseaux du Roy qui sont en Scudre' bien
radoubbé. armé et equippé pour aller en mer.
Pour siv mois de solde et nourriture des bommes qui
seront sur le vaisseau, à raison de iij"'ij''xl\iii** [)ar mois,
conunc il a tousjours esté, suivant lestât du Uoy. . .\i.v"'iiii'iiii'"'.\ii''
Pour seize cens tant de livres qui sont deubz au sieur
Cabiron, [)ar lu\ advancez pendant son voyage, et le sal-
laire qui luy a esté promis pom- dix mois qu'il y a em-
ployez, et aussy pour conduire les esclaves .Mores depuis
Marseille jusqucs à La liocbelle iii^v'viii"
Pour Georges Blacart, maistre du vaisseau (pu a pass('
et repassé ledit Cabiron et séjourné plus de trois mois
exprès pour les alTuircs du Roy le long de la coste de
Barbarie ii'""
Pour l'aire les presens, tant au roy de Marroc (|u'à ses
alcaycs. domestiques et autres officiers et à ceux (|ui coni-
1. Sur cette date, V. p. /c^S, note 2. 3. Scudre : pclitc rivière se jetant ilan«
2. Sur cette date ciTOilée, \ . [). '171, l'Atlantique vis-à-vis de l'Ile d'Oléron, au
note 3. [)ort du Brouage.
480 AOUT-OCTOBHE l634
mandent dans les villes el forleresses de Saffi et Salle, et
encores pour les escortes qu'il faull avoir pour aller par
terre à Marroc, à cause de la guerre que Sidy Aly ' iaict
audit Roy, cy xij
Pour celuy qui sera envoyé et ledit sieur Cabiron".
Et d'aultant que ceux de Salle sont eu rébellion et
n'obéissent à leur roy, il y a apparence quilz ne voul-
dront rendre gratuitement plus de (pialrc cens esclaves
François qui y sont esclaves, ce qui rendroit le voyage
sans en rapporter le fruict que Ion en espère ; et pour ce
il est nécessaire de porter argent ou marchandises pour
les racliepter. dont l'on tiendra fidel compte, ce qui ne
peult estre moings de quatorze mil livres, qui pourront
estre retenuz sur leurs sallaires, estans emploicz sur les
vaisseaux du Roy, cy xiiii"""
Somme toute cinquante six mil livres.
Archives des Affaires Etrari'/cres. — Maroc. — Correspondance consu-
laire. — Original.
I. Sidy Aly. Sidi Ali ben Mohammed, noie .'(.
le marabout du Sous. \ . supra, p. 3G5 et 2. \ . infra, p. 48(3. note 3.
RÔLE DES MALRES DÉTENUS A MARSEILLE 48 1
LXXIV
RÔLE DES MAURES DÉTENUS A MARSEILLE
Marseille, a septembre i634.
Entête, (dm manu: 2'' sept. iG34.
Mémoire des Mores deu rouyaume de Maroc qui sont en la
Tour S'-Jan.
Caral y ' i
Agia iNLihamet" 2
Agia Braliin^ 3
Aly le Tagarin' k
Abdala 5
Chaban Jerif' 6
Faict à Marsaille, se a"" septambre i634.
Signé: La Tousche Barbin.
A rrliii'Ci (les {(faire; Etrangères. — Maroc. — C(jrresprin(Jancc consu-
laire, \'iil. I. — Ori'/i(ial.
I. (^(trnly, jirobahK'mcnt : Kara Ali. juj. froiifirre. confins; ce mot désignait
•j.. .A'jia .Malwmct, probaliliMiiciit : El- autri^fo.'s les Maures du pays d'Ara(,'oii et
lladj Malinintni'i,. était opposé au terme de Andalous appliqué
3. A'jiu Briih'm. probablcmr-iit Kl-lladj à ceux dos provinces méridionales de l'Es-
Brahim. pagne. Dans l'Afrique barbaresque les
, .i mots Tagarin et Andalous furent donnés
4. /l(y ie Tw/a; in. TaparinjV )l»j est le ,. . m •
■' -^ '^ ^'-^ un peu arbitrairement aux iMoriscos e\-
j^ puisés d'Espagne,
pluriel de lnf:l,ri j^i. qui vient .lu mot 5 Chabon Jcrif : ChnW.yn CAWnf.
Ut Castiiies. IiI. — 3i
482 6 SEPTEMBRE l634
LXXV
LETTRE DE NICOLAS DE LHOPITAL ' A LOUIS XIII
// a mis à part les prisonniers maures sujets du roi du Maroc.
Ail, 6 septembre i634.
En Icle, alla manu : Lettre de M' le M"' de Vitry. — G sejjtembre
i63/i.
Sire,
J'ay rcceu la depeschc de Vostre Majesté en date du xij' d'aoust,
par laquelle j'ay veu le comandement qu'elle me fait de séparer les
Mores, sujets du roy de Maroc, des Turcs que le capitaine Sanson
doit délivrer en Algers et que j'ay fait mettre, à sa prière et pour
leur seureté, dans la Tour S' Jehan de Marseille.
Sur quoy j'envoyeà Vostre Majesté le nom desdits sujets du roy
de Maroc, que je me suis fait donner par un soldat nommé Latouche
qui a soin de tous lesdils Turcs qui sont demeurez à Marseille, en
atendant les nouvelles dudit Sanson, et après avoir fait examiner
par un homme de ma part tous ceux qui esloient dudit royaume de
Maroc, qui sont six en tout, que je feray reserver dans cette déli-
vrance générale pour les envoyer où et quand Vostre Majesté le co-
mandera, selon ses ordres, ausquels je seray tousjours obéissant et
ponctuel comme je dois, estant continuellement.
Sire,
Vostre très-humble, très-obeissant et très-fidele sujet et serviteur.
Signé : Vitry.
A Aix, ce 6' septembre i63/i".
Archives des Affaires Étrangères. — Maroc. — Correspondance consu-
laire. Vol. 1. — Original.
i. Nicolas de L'Hôpital, marquis, puis tal écrivait à Bouthillier le chargeant de
duc de Vitry, maréchal de France en 1617, transmettre la dépèche (ju'il adressait au
gouverneur de Provence en remplacement Roi ; il l'assurait du soin qu'il prendrait
du duc de Guise en 1682, arrêté et mis à la « de faire rcsener ces Mores sujets du roy
Bastille (1637), où il resta jusqu'en i643. de Maroc, pour en user ainsy que Sa Majesté
Mort en 164/1. me l'ordonnera. » Arch. des Aff. Etr.,
1. A cette même date Nicolas de L'Hopi- France, Mém. et Doc, vol. IJ02, f. 24?.
LETTRES PATENTES DE LOUIS XIII
483
LXXVI
LETTRES PATE^TES DE LOUIS XIII
Interdiction de porter aucune marchandise au Maroc pendant liuit mois.
S' Germain-en-Laye, 20 octobre l634.
Enregistralion des lettres patantes du Roy portant deflence à toutes
personnes de trafïicjuer ni negotier au royaume de Marroc et coste
d'Affrique durant huit mois.
De par le Roy,
Sur l'advisquy a esté donné à Sa Magesté que quelques merchans
François et cstrangcrs ayant seu qu'elle avoit resolcu d'envoyer le
s'' Du Challard, contrôleur entretenu par Sa Magesté pour le fait de
la marine, et gouverneur de la Tour de Courdoan, vers le roy de
Maroc, pour y confirmer la paix si-devant tiaitéc entre lesdites
Magestés, y conduire les forçatz et Mores, subjectz dudit roy de
Maroc, et retirer les esclaves François debtenus en terres de son
obéissance, le tout pour satisfaire audit traitté de paix, et font estât,
pour prévenir ladite embassade, de faiie charger des veisseaux des
merchandises de France pour porter en ladite coste d'Affrique, ce
quy ne peut estre sans le grandprejudice des affaires de Sa Magesté et
notable intherest de ses subjectz, à quoy elle désire pourvoyr ;
Sadite Magesté a fait et fait très-cspresses inhibitions et defiencesà
tous ses subjectz, de quelque qualité et condition qu'ils soyent, et
à tous merchans estrangcrs qui tralliquent en France, de fere char-
ger aulcune[s] merchandises dans le port et havre de son royaulme,
pour les fere porter aux portz et rades du royaume de Marroc et
coste d'Airritiuc pendant iiuit mois, à compter du jour que ceste
ordonnance sera publiée ez portz et havres de Sadite Magesté, et
que, par le retour dudit sieur Du Challard, il soit assuré que la
paix sera entièrement confirmée, ou qu'autremant par Sadite
Magesté en soit ordonné, à pcyne de confiscation des veisseaux et
merchandises quy seront dedans, que Sa Magesté dcclaire dez à
présent de bonne prinse en cas de contrevention, et de dix mil livres
d'amande contre les merchans à quy elles appartiendront.
m
20 OCTOBRE l634
Et sera la présente leue, publiée et affichée en tous les havres et
portz des villes esquelles il y a siège de l'Admirauté ; et à cesl effait
veult Sadite Magesté qu'aux coppies d'icelles, deubement collation-
nées, foy soit adjoustée comme au présent original, enjoignant aux
officiers desdits sièges de l'Admirauté de tenir la main à l'exécution
de ceste sienne voUonté, sur peyne d'en respondre en leurs propre
et privé noms'.
Donné à S' Germain-en-Laye, le vingtiesme jour d'ottobre mil
six cens trente-quatre.
Signé : Loys
Et plus bas :
Boulilhier.
Et scellées du cachet de ses armes.
CoUationné à l'original par moy, conseiller, notaire et secrétaire
du Roy et de ses finances. Targer ", ainsi signé.
L'an md six cens trente-quatre et le sixiesme jour de novembre,
cerliffie je, Pierre Lion, trompette juré de la maison commune
de ceste ville de Marseille, Claude Robaud et Honnoré Fauchier,
aussi trompettes, que, en vertu de l'arresl si-joint, nous sommes
acheminés en tous les lieux et carreffours de ceste ville et, illec
estant, avoir donné et bailhé entendre à toute personne le contenu y
porté, et nous sommes soubzsigné.
Archives départementales des Bouchrs-da-Rhône. — Série B. Amirauté
de Marseille, Insinuations, Registre 2, ff. 356 v''-358 v'\
I. Cette défense fut prorogée par nne
ordonnance de Richelieu du 2g juillet
i635 : « Sa Magesté, y était-il dit, considé-
rant qu'elle n'avoit encore nulles nouvelles
de ce que le sieur Du Cliaslard a negotié
avec le roy de Marrocq... et craignant que,
sy les subjects de Sadicte Magesté alloient
en ses costes avant la resoUution dudict
Iraicté, ilz y pourroient estre arrestés avec
leurs marchandizcs, au grand advantaige
de ceulx dudict pays qui ont besoing de
nos comoditez, ce quy les pourroit rendre
plus difficiles aux conditions dudict traic-
té... nous deflendons très-expressément à
toutes personnes... d'envoyer aulcuns vais-
seaux ne barques durant la présente année
à Saffy, Salle, Maroq, ne autres cndroictz
des estatz dudict roy do Marroq, sur
peine de confiscation... w (^Arch. départ,
des Bouches-du-Rliône. — - .Série D. Ami-
rauté de Marseille. Insinuations, Reg. 3,
ff. 3j5-377).
3. Nicolas Targer, reçu conseiller du Roi
le 4 mai i6i3, remplacé sur sa résignation
en i64o. Tessere,\u, Hist. de la Chan-
cellerie.
LETTRE DE PIERRE DE fUINDY A BOUTHll.LIER ^85
LXXVII
LETTRE DE PIERRE DE GONDY' A BOLTHILLIER
En exécution des ordres du Roi, il a fait remettre nu sieur de La Touche-
Barbin les esclaves maures de Salé.
Toulon. i3 novembre i634.
Au clos, alla manu : M'' le General des Galères, du iS" novembre
i63'4.
Suscriplion : A monsieur, monsieur Bouthillier, conseiller du
Roy en ses conseilz et secrétaire de ses commandemens. — ■ A la
Cour.
Monsieur,
Ayant receu un commandement du Roy par vous de faire déli-
vrer au sieur de La Touche-Barbin les Turcs de Salé qui estoientsur
les gualleres, j'ay vouUu vous donner advis comme aussy tost
j'ay satisfaict à Tordre de Sa Majesté, remettant audict La Touche-
Barbin tous ceux qu'il m'a demandés, et me sert de cette occasion
pour vous supplier très-humblement de me conserver tousjours la
part que vous m'avés promise dans vos bonnes grâces et dont j'ay
eu de sy bonnes preuves qui m'obligent à estre jusques à la mort.
Monsieur,
Vostre très-humble cl très-alTeclionné serviteur,
Signé : Joigny Retz.
AToulloii, ce I.'}. novembre ifiSI.
Archives des Affaires Etrangères. — France. — Mémoires et Docu-
ments. Vol. 1702, ff. -WI-W-2. — Original.
I. Pierre de Gondy, comte de Joigny, son pire, se démit en lOST) en faveur du
depuis duc do Retz (1602-1076), général manpiis de l'ont-Courlay, neveu de
des galères en 1626, en remplacement de Iticlicliou.
486 i635
LXXYIII
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC
(i635)
(P. François d'Angers.)
Voyage de P. Du Chalard au Maroc.
Titre : Le quatriesme voyage de Maroque en Afrique.
i635*
L'afliction des captifs de Maroque iN: le péril de leur salut dans
les suplices avoient fait une si forte impression dans l'esprit pi-
toyable du R. P. Joseph, qu'il pensoit continuollcmenl aux moyens
efectifs pour les soulager & les garentir de ce naufrage.
C'est ce mouvement de compassion qui luy fit redoubler ses
très-humbles prières à M. le Cardinal, pour obtenir du Roy que Sa
Majesté envoyât retirer ces pauvres captifs, ou déclarer la guerre à
ces Barbares, envoyant des vaisseaux vers Alger, Tripoly, Bizerte
«Se vers le Détroit, aux côtes de Maroque.
Il réitéra tant de fois sa demande, qu'enfin on se résolut encor
une fois à l'exécution, pour renvoyer au dernier^ en Afrique.
Ce fut monsieur Du Chalard qui en eut seul la commission^ ; M.
le commandeur de Razilly cloit absent, qui avoit entrepris de faire
des establissemens dans Canadas, ou Nouvelle France, où il étoit
allé*. Le sieur Du Chalard rcceut les ordres du Roy'^ pour achever
1. Cette date est placée en marge dans l^. Isaac de Razilly mourut à La Hève
l'édition princeps. (Acadie) en i636.
2. Au dernier. Il faut entendre: pour 5. Ces « ordres du Roy » comprenant
la dernière fois. les instructions du 2i octobre i634 (V.
3. Antoine Cabiron accompagna P. Du p. ^gi et p. 5oo), un état du 3i décem-
Chalard à litre de « marchand envoyé par lire i634 (V. p. 53^) et une ordonnance
Sa Majesté pour le débit des marchandises ilu cardinal de Richelieu en date du 17
h faire valloir «. V. Faclam Du Clialard, février i()35 (V. Ibidem) n'ont pu être
bibl. Nat., Impr. l'3, ij5:io. retrouvés.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC ^87
de conclure le trait té de paix avec le roy de Maroque & le rachapt
des esclaves. Il partit' le dernier avril de cette année i635. de l'isle
de Ré, & ariva à la rade de Sapliy le 12. may, d'où il écrivit à
Sa Majesté pour accompagner celle du roy de France, qui portoit
que l'on l'envoyoit pour confirmer la paix entre les deux couronnes,
& demandoit un sauf-conduit, afin de descendre à terre & exécuter
sa commission, en luy rendant ses respects & ses devoirs, avec
deux Pères capucins qu'il avoit menés, dont le R. P. Pacifique de
Baugency étoit le premier, & le Père Jaques de Sainct-Agnan le
second ; ou bien qu'il plust envoyer quelques-uns de ses plénipo-
tentiaires, afin de traitter avec luy de ce négoce, &: le finir.
Le 28. de may, le Roy ariva à Saphy & envoya à M. Du Clia-
lard un passe-port pour aller le treuver avec vingt des siens, &
qu'étant pressé, il s'en devoit retourner dès le lendemain à son
armée, qu'asseurement il l'expediroit promptement. Mais le sieur
Du Chalard ne treuva pas ce passe-port assés seur ; aussi il récrivit
au Roy, donnant avis à Sa Majesté des dificultés, & que, pour
traiter avec une entière asseurance, il supplioit Sa Majesté d'en-
voyer quelques personnes à son bord pour otages, tandis qu'il se
rendi-oil prés d'elle.
Le Roy s'en retourna le 26. à son armée, où le sieur Du Clialard
envoya pour soliciter d'avoir un moyen raisonnable pour l'accom-
modement. Il se rencontroit toujours quelque clause qui avoit be-
soin d'explication. Enfin, après plusieurs conférences par écrit, &
plusieurs remises, les articles de paix furent conclues le 18. juil-
let i635^, dont le principal est un renouvellement d'amitié entre
les deux roys, leurs sujets et leurs couronnes ; que tous les esclaves
françois seront délivrés, & aussi les .Mores que l'on tenoit: qu'il
demeurera des consuls françois aux ports de l'obéissance du roy
de Maroque, en toute seureté & liberté de leur religion.
Le sieur Du Clialard envoya au roy de Maroque les présents du
Roy, et reccut aussi ceux de ce roy barbare.
Quand il fut temps de faire embarquer les esclaves, le sieur Du
I. Outre son vaisseau « la Renommée » Poincy et « l'Isabelle » qiii servait de pala-
P. Du Clialard emmenait avec lui « l'Espé- che. V. p. 5i6.
raiico en Dieu » commandée par le sieur de 2. V. ci-aprùs(p. licjï) le textodc ce traité.
m i635
Chalard pria le R. P. Pacifique de Baugency de descendre à Sa-
phy, afin d"y mettre les ordres quil jugeroit nécessaires pour les
faire avancer. Ce bon Père asseure que ce fut une merveille de voir
comme ces Barbares le suivoient par la rue, \ ne s'arestoit pas un
moment qu'aussi lût il éloit investi dune grande multitude de ce
peuple, cliacun le considérant ik comme le mesurant avec les yeux.
Quelques-uns d'eux, plus liardis que les autres, luy firent plusieurs
questions, par lesquelles il reconnut qu'ils étoient dans une igno-
rance aprochant de la beste, aussi bien au faict de leur religion que
de la nostre ; car, leur ayant proposé quelques-uns des plus com-
muns poincts de l'Alcoran, ils luy témoignèrent n'en avoir jamais
entendu parler.
L'un d'eux prit la croix qui pendoit au bas du chajselet de ce bon
Père, à laquelle étoit attachée l'image du Sauveur crucifié. 11 luy
demanda si c'étoit le Dieu que les Chrcstiens adoroient. A quoy ce
Père repartit en l'interrogeant s'il croyoit qu'ils lussent privés de
jugement jusques là que d'adorer une pièce de cuivre ; ajoutant
que le jJi'emier article de la créance chrestienne étoit qu il n'y avoit
sinon un seul Dieu. — «Un 1 «répéta ce pauvre homme avec grand
etonnement, comme le furent tous les auditeurs, réitérant plusieurs
fois : « Est-il vray ? » Ce bon Père réitéra ces asseurances avec des
protestations ferventes qu il donneroit volontiers jusques à la der-
nière goûte de son sang pour le maintien de cette vérité.
Reconnoissant à voir ce peuple qu'il prenoit plaisir de l'enten-
dre, il continua son discours, ajoutant que Jesus-Clirist, dont ils
voyoient l'image sur la croix, éloit le vray & unie fils de Dieu, non
qu'il l'ait engendré d'une femme, comme ils s'imaginoient (tous
les Chrcstiens étans bien informés de cette vérité), mais il produit
et engendre son Fils, qu auliement on apcllc \crbc divin, non par
l'aide dune femme, comme font les hommes leurs enfans, mais
par la voye de son divin entendement, de luy seul & de sa propre
substance & nature. C est pourquoy ce Fils étoit Dieu, ainsi que
Celuy qui l'a engendré, & même Dieu avec Luy, non deux Dieux,
ains un seul Dieu, comme le rayon qui procède du soleil est une
même lumière avec le soleil, quoy qu'ils soient distincts l'un de
l'autre.
il leur donna encor des comparaisons plus grossières, pour sac-
HISTOIRE DE LA MISSION DES PI». CAPUCINS AU MAROC ^89
commoder à la stupidité de leur esprit, & aussi afin qu'ils eussent
plus de moyen de comprendre quelque cliose d'un si haut mystère,
ce peuple étant extrêmement grossier d'entendement, sans instruc-
tion pour leur créance, sans politesse pour la vie civile, & très-
charnels de leur nature, étant chose asseurée qu'il est de ceux des-
quels parle l'Apostre, qui ne vivent (|ue d'une vie animale & n'ont
point d'autre lumière que celle de la nature, & prennent les mystè-
res divins pour des imaginations extravagantes, ne les examinant
quavec un esprit grossier, terrestre & enseveli dans la matière.
Néanmoins étant facile, & s'engageant ainsi de soy-mesme dans
le discours en matière de religion, cela donneroit espérance
«S; une belle ouverture d'y faire du profit. Et par cet ongle ce bon
Pcre jugeoit la grandeur du lion ; car il fut toujours retenu dans
les vaisseaux, aussi bien que les autres Pères, & on ne les mit à
terre que pour un peu de temps, aussi que l'on n'en étoit pas dans
le pouvoir, comme on la pu remarquer, ik moins en ce voyage
qu'aux deux autres'.
Dieu pourtant ne voulut pas rendre cetuy-cy tout-à-fait inutile
pour ce regard. L un de ces Barbares demanda de venir en France
pour (piiller la loy de .Mahomet, avec son pays & le reste ; il fut
baptisé à Paris avec une pompe". Cette conversion, comme asseure
le W. P. Pacifique de Baugeucy, doit estre rapportée aux prières &
mérites des RR. PP. Pierre d'Alençon & Michel de A ezins, par la
communication descjuels il avoit receu les premières impressions
du christianisme, marque de sa conversion véritable & de la bonne
instruction qu'il avoit receue, ayant conservé les principes si long
temps à couvert, comme du feu sous de la cendre.
Quelques renégats se réfugièrent aussi sous les drapeaux lleuris-
sans du Roy Trcs-Chreslien, comme à l'azyle de la religion catho-
li([ue au.ssi bien qu'à celuy des opprimés. C'étoient de pauvres
misérables, qui avoienttrop lâchement abandonné leur créance, par
le mauvais ti'ailement & la force des suplices, & non par mépris ou
1. Allusion aux voyages de ifi2g et de Doc. lAIV, ]). .'|3fj), à moins qu'il ne s'a-
i63o. gisso du miîme événtMnent que le P. Fran-
2. Avec une pompe. Entendez; « avec çois d'.Vngers aurait placé par erreur dans
pompe >i ou « avec une grande pompe ». le récit du voyage de Priam du Clialard
— On a vu plus haut un cas analogue (V. en i635.
490 i63o
haine de la religion. Honteux, ils disoient, comme ces malheureux
dans la Sapience, quoy qu'en autre sens : Nous nous sommes écartés
du chemin de la vérité, ^ la lumière de justice n'a point paru sur
nous, ny le soleil d'intelligence ne s'est point levé sur nous jusques à
présent. Nous nous sommes lassés dans la voye d'iniquité & de perdi-
tion & avons cheminé par des voyes trcs-dijlciles^ .
Je ne dois pas oublier une chose digne de très-spcciale considé-
ration, que le R. P. Pacifique a mis dans ses mémoires', qui fait
beaucoup à la gloire de Sa Majesté Tres-Chrestienne, que ces Bar-
bares conceurent une haute opinion de sa bonté, en la considéra-
tion du grand amour que Sa Majesté avoit pour ses sujets, envoyant
tant de fois de grosses flotes pour les retirer de cajîtivilé, ce qui ne
pouvoit estre fait sans de grandes dépenses, protestant à haute
voix que leur prince ne le feroit pas. Et ce bon Père ajoute que les
Espagnols esclaves, qui y estoient en grand nombre, temoignoient
un même sentiment i^ en disoient autant.
Ces Pères asseurent que ce n'a été sans regret extrême, s'ils
n'ont pas fait le bien qu'ils pretendoient entre les Barbares, par
faute d'ocasion, et qu'au moins leurs voyages n'ont pas été inu-
tils dans les vaisseaux avec ceux des équipages. Quelques-uns qui
étoient hérétiques se convertirent à la foy catholique, outre un
règlement & façon de vivre qui ne s'étoit point encore veue dans les
vaisseaux de guerre. Les juremens, si ordinaires aux soldats »&
matelots, en étoient bannis ; les prières publiques y étoient faites le
matin ik le soir: les dimanches & les festes on chantoit vespres, on
y donnoit l'eau bénite & le pain bénit comme dans les parroisses ;
les confessions y étoient fréquentes, sans attendre le péril. On y
vivoit comme dans une maison régulière, jusques à faire lecture
pendant le repas. Dejjuis, ceux qui ont été en de pareils emplois y
ont ajouté la messe & les communions. Ce qui a été de grand
exemple à tous les peuples, & qui augmentoit la fidélité & le cou-
rage des soldats. Une âme qui n'est point chargée de crimes laisse
le corps avec moins de peine & s'expose plus hardiment dans les
périls.
l. Sagesse, V, 6 et, ss. utilisée par le P. François d'Angers pour
a. Ces mémoires doivent être la source le récit du voyage de i635.
HISTOIRE DE LA MISSION DES PP. CAPUCINS AU MAROC ^QI
En conséquence de ce traité fait avec le roy de Maroque & ceux
de Salé par le s' Du Clialard. il ramena en France, au mois de
novembre i635', 3o4. François qui éloicnt esclaves', ik fit ùler des
chaines & du travail 333 \ mis en liberté par le crédit du Roy &
ses largesses, joint le soin particulier de ce brave gentilhomme, qui
s'obligea à la rançon payable au gouverneur de Salé à la fin du
mois d'avril i636'.
Outre que cela met en évidence un grand efet de la miséricorde
& compassion du Roy pour ses sujets, cela découvre le zèle du
R. P. Joseph, le soin vigilant qu'il prenoit pour negotier & obte-
nir le moyen de faire ces grandes & extraordinaires dépenses, &
si peu j^ratiquccs. Reliquum aulein verhorum ejus. & omnia qiiie
fecit, & sapientia ejus : ecce universa scripla sunl in libro verboruin
dierurn ejus.
Bibliothèque Nationale. — Iniprimés 0 j^ 63. — L'histoire de la mission
des Pères capucins... au royaume de Maroque"', pp. 32S-3^'2.
1. P. Du Chalard arriva à la rade de La la somme d'argent mise à sa disposition. Cet
Prée dans l'île de Ré le 2.3 novembre i(J35. acte de générosité eut pour lui les consé-
A . p. 5o6. quences plus fâcheuses. \ . Factum de P. Du
2. Ce nombre de 3oA est égal, à une Clmlard, Bibl. Nat., Impr. F3, 17580.
unité prrs, à celui (3o3)que donne P. Du 3. Ce nombre est celui que donne P. Du
Clialard dans sa lettre du i3 octobre i635 Chalard. V. p. ôo5.
(V. Duc. LXXXII, p. 5o3.) Sur ce nombre, !i. Sur le chiffre de cette rançon qui ne
deux cent quinze furen t rachetés aux Salétins fut jamais payée et sur le sort des captifs
qui en donnèrent quittance le 1" octobre français laissés à Salé, Y. infra, pp. 5o5,
i635 (V. infra. Doc. CXXIV, p. 665); Sog, 5i2, 523; Relation de Jean Marges,
quarante autres furent remis, sous promesse pp. 536-539; Introduction critique, pp.
solidaire de P. Du Chalard et de Gaspard 557-55g; Doc. CI, p. 58g; et 3' Série.
de Rastin de payer pour eux la somme de France, t. I, Relation de Henri Prat (iG6g).
55o3ducats,soit 27, 5i51ivres (V. infra, p. — Le P. François d'Angers, dans sa rela-
58g). Comme d'autre part le Chérif mit en tion très écourtée, passe sous silence un
liberté par voie d'échange 28 esclaves qui événement important: le combat dans les
étaient sa propriété personnelle (V. p. 5 10), eaux de Sali de P. Du Chalard contre le
il reste vingt captifs. Dix d'entre eux qui vaisseau anglais « la Perle » dont il s'em-
étaient bretons se rachetèrent eux-mêmes |>ara. V. p. 5o2 et pp. 5i6-522.
(V. Arch. Ille-ct-Vilaine, C. 265.3, pp. 1 12- 5. Pour le titre complet de cet ouvrage,
ji3y P. Du Chalard dépassa de beaucoup \ . p. 11 1, noie i.
4 92 l8 JUILLET lG35
LXXIX
TRAITÉ ENTRE LOUIS XIII ET MOULAY EL-OLALID
Safî, i8 juillet i635.
En tète : Articles accordez enlie très-auguste, très-grand, très-
victorieux et très-clireslieu Louis, empereur, roy de France &
de Navarre, fils aisné de l'Eglise, protecteur du Sainct-Siege, et
très-haut, très-magnanime et très-puissant prince Moley Elgualid,
cmjiereur de Marocque, roy de Fez, de Suz, de Souden, etc.
I
Que Leurs Majestez, désirant relier leur amitié en bonne corres-
pondance, avec sincère & réciproque affection, ayant esté interrom-
pue parla faute de certains mal-intentionnez, dont la punition sera
faite', promettent que le traitté de la paix cy-devant faite entre
Leurs dites ALijestez, au mois de septembre ifiSi, est & demeurera
valablement confirmée en tous ses points & articles, sans qu'à l'ad-
venir il y puisse estre contrevenu en quelque sorte ik manière que
ce soit.
II
Et s'il arrivoit, par l'entreprise d'aucuns des subjets de Leurs
Majestez, de contrevenir audit traitté de paix, que sur la plainte
qui leur en sera faite, les coulpables seront cliastiez comme crimi-
nels, rebelles & perturbateurs du repos public, & seront tenus du
dommage des parties.
III
Que tous les François détenus esclaves, pris & retenus depuis
le traitté de paix, seront présentement rendus au sieur Du Clialard,
1. Alhision à la conduite de David Palladio en i03j. V. siipra, pp. Sgi-Sgfi.
TRAITÉ ENTRE LOVIS XIII ET MOULAY EL-OUALID ^qS
pour Sadite Majesté Très-Chreslienne ; & de mesme les subjets du
roy de Marocque, qui liiy sont envoyez par Sa Majesté Très-Chres-
tienne '.
IV
Que les gouverneurs & habitans des villes & forteresses de Salé,
& autres subjets du roy de Marocque, rendront tous les François pris
(5s; retenus depuis la paix, sans payer aucun rachapt ; ce que ledit roy
de Marocque leur commandera très-expressementpar de très-royales
lettres, &, en cas de refus. Sa Majesté Très-Chrestienne se servira
de ses moyens, sans que la paix d'entre Leurs Majestez se puisse
rompre.
V
Que les raïz & capitaines de vaisseau des subjets du rov de Maroc-
que qui trafiqueront en France porteront passe-port de Sa Majesté,
ou des gouverneurs des villes & jiorts où ils seront équipez ; & de
mesme tous les capitaines ou maistres de navires qui arboreront la
bannière françoise seront obligez de porter un congé de Sa Majesté
Trcs-Cbrcslienne, ou de Son Eminence le seigneur cardinal duc
de Ricbelieu, pair, grand-maistre, chef & surintendant gênerai de la
navigation & commerce de France.
M
Ne se fera ny pourra estre rien attenté sur les personnes & biens
des consuls de la nation françoise, qui seront pourveus desdits
offices par Sa Majesté Très-Chrestienne & establis en chacune des
villes & ports des roiaumes & empire de Marocque, ains enjouyront
avec les privilèges, frari(;liiscs, prééminences, droits & libertez
appartenans & attribuez ausdils consuls, lesquels seront assistez,
pour l'exercice de leur religion, les François & autres Chresliens,
des gens d'église françois qui seront envoyez pour demeurer avec
lesdits consuls en tous lieux d'A\frique.
I. En vertu (1b cet article, P. D\i Clialard captifs, sctrouvaionten France. Enécliangc,
remit au Chérif vingt-sept Maures reti- le Gliérif remit vingt-huit esclaves français
rés des galères du Roi, plus un certain qui étaient sa propriété personnelle. V.
nombre d'autres Maures qui, sans être iiifra. p. 5io.
49^ i8 JUILLET i635
VII
Et seront Icsdits articles de paix du mois de septembre i63i.
publiez dans toutes les villes, jDorts & rades des royaumes de Leurs
Majestez.
Lesquels dits presens articles seront signez, au nom de Sadile
Majesté Très-Chreslicnne, par le sieur Du Chalard, conseiller en
son Conseil d'Estat & gouverneur delà Tour de Cordouan, en vertu
du pouvoir & commission qu'il en a du 2/1. jour du mois d'octobre
1634. signée: Louis, et plus bas, par le Roy, Boutiiillier, scellée
du grand sceau de cire jaune, sur double queue pendante.
Fait à SafTy, le 18. jour du mois de juillet i635.
Je certifie que les articles de la ])aix, dont copie est cy-dessus
transcrite, sont conformes & de mesme teneur que ceux que le roy
de Marocque a signez, escrits en langue arabe, baillez à monsieur
Du Clialard, qui a signé ceux escrits en i'rançois, au nom du Roy
Très-Chrestien, envoyez audit roy de Marocque.
Fait à Saffy, le ig. juillet i635.
Signé : Morat'.
Bibliothèque Nationale. — V de Colbert. — Ms. 'tS3. Jjf. ^186 v^-^SO.
— Plaquette-.
Ibidem. — Imprimes. Lrl. Gazette de France, du '20 janvier 1636,
(f. U7 y^-^S.
Ibidem. — Fonds français. — Ms. 23386, ff. 287 v'-289. — Copie
du XVII' siècle.
Ibidem. — ■ \ouvcllcs acquisitions françaises. — Ms. 70^9, ff. 331
v'>-333. — Copie du XVII' siècle.
Archives des Affaires Etrangères. — Maroc. — Correspondance consu-
laire, Vol. 1 . — Copie du X\'II' siècle.
Ibidem. — Turquie. — Mémoires et Documents, Vol. 2,ff. 262-26^. —
Copie du XVII' siècle''.
1. Sur ce renOgat. V. p. 45i, noie i. 438, notes i et 2.
2. Sur le litre de celle plaquette, V. 3. Ce traité est en outre reproduit par
supra, p. !m, note 4. Ce texte, ainsi que le P. Dax, Hist. de la Barbarie et de ses
celui de la Gazette de France (V. la ré- corsaires, ainsi que par Léonard et Du.mot
férence suivante), est officiel. V, supra, p. dans leurs recueils de traites.
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ORDONNANCE DE MOULAY EL-OUALID ^QB
LXXX
ORDONNANCE DE MOULAY EL-OUALID'
Proclamation du truite du I S juillet 1633.
S. 1., 3 ScftT 10:^5 — ig juillet it)35.
En tête : ^ (Jljl Aobl J^J<\ jaj_j!l :i- JlLUl ^Vl \lfi> jA«
Sig:<e de validation.
I. \. un fac-similo de celto ordonnance, PI. IV,
tl ,•».«
liCfÇl II) JLILLET l635
j >oA) j ii- l*jo- ij^^\ j^J^ <-? /«-^ Âjjifr ^_^L) dA-b i^lâ (jls
-«■ ijl J-*L* ^^^ J"^' 'C'^- -5 ^* (W^ ^-'•^ J*^ '^-'^"-** ^'1^ c5jLI
,_j:5oI «• 'liislaic. -s- j,rt::xJuil (j^Lj j -i- j^jli-^ olj^ ^lâi—^ ù^ j
jL- J^ ô:>UI diJÀ, O^^ ^-> x;>'i«^^ l_^i^l:^'( "^^ tS-^* iT'^'^^J
Bibliothkjue \alionatc. — Munnscrllf:. — Lettres arabes, (JlUO. n" 3.
— Oriijindl.
nnnowANCE nE moui.ay kl-ouamo !h)-
LXXX'"'
ORDONNANCE DE MOILAY EL-OUALID
(Traduction)
S. 1., 3 Sefer io'i.J — 19 juillet i635.
En lele : Emane cette ordonnance impériale de El-Oualid'. l'as-
sisté de 1 assistance divmc
SiGN
E DE VAUDATIOÎi.
Puisse-t-ellc être exécutée sans interrnjilion avec l'aide de Dieu
qui facilite l'acconiplissemcnt des actes nécessaires ! Puisse-t-elle
être obéie, grâce à Lui, dans tout le territoire du Maghreb!
Connu soit à (]uicon(|ue verra cette ordonnance, exécutoire dans
toute 1 (''tendue de 1 enipirc. ipie le traité conclu entre les deux
pays, aux obligations bilatérales, traité conclu autrefois' à la suite
de fâclieux événements, nous en renouvelons la publication ofli-
cielle, ces renouvellement cl exécution ne devant, avec l'aide de
la puissance de Dieu, sidjir ni altération ni inlerrupliou (pielcon-
(jues.
1. I.r tfixlc porte ijjjj\,ceciu\ donne ^.^.^^j,, n'giUMit n'est rappelé ipie par une
pour la traduction liltérale :« Emane cette épitlu'te i forme etlini([uc. Y. /''' Série,
ordonnance impériale, oualidiciine... ». On Pays-lias, t. I, p. 120, note G.
se rappelle que, suivant un usage généra- 2. Le traité du 17-2/1 septembre i63i,
lement adopté i>ar les chérifs saadiens dans lequel était confirmé par l'art i'^'' du traité
leur protocole épislolaire, le nom du sou- du 18 juillet iGSô. V. p. 4i)2.
De Casthies. III. — Sa
4q8 19 JUILLET ifi.S.")
Que si, par l'eiTet de la volonté de Dieu, de ses décrets, de sa
prescience, de 1 exécution de ses ordres, cjuelques fautes venaient à
être commises par les agents des deux pays, fautes comportant une
dérogation à la lettre ou u l'esprit des conditions du traité, elles
enti'aîneraient pour l'agent coupable un cliàtuneut public dont le
bruil se répandrait par toute la terre.
Nos agents et représentants sur les côtes de la mer devront mettre
en liberté tous les captifs français actuellement cm leur possession,
selon l'exemple de Notre Haute Seigneurie et suivant les traditions
établies par nos généreux et nobles procédés.
Les capitaines et les raïs des deux nations ou ceux qui les repré-
sentent dans l'exjîédition des affaires devront, cbacjue fois qu'ils se
rencontreront, exliiber les écrits ou ordres impériaux dont ils sont
porteurs, afin d'éviter la confusion et la suspicion dont ils pour-
raient être l'objet. Ce sera là une garantie à la disposition de qui-
conque voudra se réclamer de l'une ou de l'autre des deux nations.
Et tous malentendus ou inconvénients seront ainsi évités, avec la
grâce de Dieu.
Le consul français résidant près de Notre Seigneui'ie à Merrakech
el-Hamra — la bien gardée — n'éprouvera de dommages ni en
ce qui concerne sa personne ni en ce qui concerne ses biens ou ses
repiesentanls en toutes circonstances. Sa personne et celle du prêtre
qui l'accompagne devront être respectées partout, ainsi qu il est
d'usage de le faire dans tous les pays'.
Ecrit à la date du trois de Sefer de l'année mil quarante-cinq.
I. On verra ci-dessous (jj. ,ïii) qu'à la prévoyait l'établissement d'un consul fran-
date du présent Document le consul Pierre çais à Merrakecli ne fut donc pas suivie
Mazel était devenu ton. Cette clause (|ui d'oiécution.
ACCEPTATION DES ARTICLES DE LA PA1\ PAK LES SALÉTINS '|()<|
LXXXI
ACCEPTATION DES AllTICLES DE LA PAIX
PAR LES SALÉTINS
Salé, 1'-'' soplcmbre i635.
En lèlc : Acceptation faicte pur les gouverneurs ik habilans de
Salé des articles de la j)aix.
Messire Priam-Picrre Du Chalard. conseiller du Roy Très-Clires-
tien, gouverneur de la Tour de Cordouan. chef descadre des vais-
seaux de Sadite Majesté en la coste d'Afrique & son ambassadeur
au roy de Marocque, sous la charge à; authorité de monseigneur
l'cminenlissime cardinal duc de Uichelieu «.V de Fronsac, pair,
grand maistre, chef >S: surintendant ijeneral de la naviçratiou &
commerce de France, dune part.
Et les illustres seigneurs El-Haech Abdala ben Aly el-Cazery' &
Mehamed Ben Amer, gouverneurs de la ville ^; chasleau de Salé &
sa jurisdiction. d'autre part.
Lesdits seigneurs gouvei'neurs certifionl avoir receu dudit sei-
gneur Du Chalanl une lellrc royale de Moley El-Gualid, emjie-
reurde Marocque. leur seigneur, sigiiié de sa propre main, par
laquelh' Sadile Majesté les advisc avoir fait & accordé la paix avec
le Très-Chrestien Louis, roy de P'rance à: de Mavarre ; »k des arti-
cles d'icelle leur a esté délivré un Iranslat escrit en lettre & langue
arabique, & au pied d'iceluy signé par ledit sieur Du Chalard. La-
(|uelle dite lettre royale dudit em|)ereur de Marocque, leur seigneur,
lesdits sieurs gouverneurs ont baisée ik mis sur leurs testes, comme
I, Sur ce personnage, V. supra, p. iy/|, note y et p. 282, note 3.
5oO i" SEPTEMBRE I 635
à lettre de leur royel seigneur naturel' ; \, en leur compliment, disent
qu'ils obéissent à ee que leur commande Sa Majesté, & qu'ils sont et
seront compris ausdites paix, faites & accordées entre les Majeslez des-
dits hauts &puissans roys, & que par eux ne sera contrevenu à icelles,
ains seront conservées »S; gardées, comme il est contenu dans Icsdits
articles. Connue mesme seront aux articles de trêves de l'an passé
de i63o., qui furent accordez entre les sieur commandeur de Razilly
& le susdit sieur Du Chalard & le gouvernement de la ville & chas-
teau de Salé, lesquelles ont esté confirmées par Sa Majesté le susdit
Très-Chrestien Roy de France, duquel il y a un original attaché au
dessous du contre-sceau des lettres patentes royales de Sa Majesté
Très-Chrestienne dattées du... jour du mois de may de l'an iG3i'':
lesquelles demeurent et demeureront en leur force 6i vigueur.
Et ledit sieur Du Chalard, au nom du Très-Chrestien Roy de
France, &en vertu delà particuhere commission que Sa Majesté a
signée de sa main royale & scellée avec ses seaux royaux, faite à
S. Germain-en-Laye le a/i. d'octobre de l'an i63/|% promet que,
lesdits sieurs gouverneurs, & déplus citoyens & habitans desdites
ville de Salé & leur jurisdiction. leur sera gardée la paix faicte
& accordée entre Leurs Majestcz desdits très-puissans roys, sans
faillir en ehose quelconque de tout ce que Leurs dites Alajestez ont
articulé ; et que les articles de trêves cy-devant référées, faits avec
lesdits sieurs commandeur de Razilly *k Du Chalard avec le gou-
vernement de ladite ville de Salé, sont & demeureront en leur
force & vigueur, comme elles ont esté confirmées par Sa Majesté
le Très-Chrestien Roy de France, iSc signées de sa main royale.
Et que, si lesdits sieurs gouverneurs desiroient envoyer en
France cpiclquc personne pour demander à Sa Majesté Très-Chres-
tienne la liberté des arraïz & de leurs gens qui sont détenus dans
les galères de Sa Majesté, ledit sieur Du Chalard donne sa parole
qu'il luy sera fait bon passage & le favorisera de ses bons offices,
I. Cet usage s'est conservé jusqu'à nos 3. Ces « lettres patentes » étaient la
jours; tout caïd recevant une lettre ché- ratification du traité de i63o que Razilly
rifienne la presse sur son cœur, la porte à l't Du Chalard durent porter à Salé en
SCS lèvres pour en baiser le cachet et la i63i suivant leurs instructions. V. supra.
met ensuite sur sa tête, avant d'en prendre p. ;io^.
connaissance. 3. Cette commisson n'a pu être retrouvée
ACCEPTATION DES ARTICLES DE LA PAIX PAR LES SALETINS OOl
pour satisfaire aux prières & recommandations desdits sieurs gou-
verneurs.
Et pour foy & asseurance de tout cy-dessus dit, lesdits sieurs
Du Chalard & sieurs gouverneurs signeront la présente de leurs
mains ; de laquelle a esté fait doux originaux, un desquels a este
mis en main dudit sieur Du Chalard, ik l'autre est demeurée es
mains desdits sieurs gouverneurs.
Fait & octroyé en la ville de Salé & de sa rade, le premier jour
de septembre iG35.
Signé : Du Chalard. El-Haech Abdala ben Aly el-Cazery & Meha-
med ben Amer ; & plus bas : Ben Sayd.
En conséquence du présent traitté de paix, ledit sieur Du Chalard
a ramené en France, au mois de novembre dernier i635., trois cens
quatre François des provinces maritimes, & fait oster des chaisnes
& du travail trois cens trente-trois autres, mis en liberté sur le
crédit du Roy & de l'obligation particulière dudit sieur Du Chalard,
payables aux gouverneurs de Salé, à la fin du mois d'avril prochain.
Blhnothk/ue \atiunalc. — V de Colhcrt. — Ms. ^SS,]). ^^89-^91. —
PlaijLiette'.
IlnJeiu. — Imprimes. Le" I. — Gazette de France, du 20 janvier 1636,
f" 'iSv".
Ihidem. — Fonds français. — Ms. 23386, ff. 289 v«-29l. — Copie
du xvii" sii-rle.
Ihidem. — Nourelles arrjuisitinns françaises. — Ms. 70^9, //". 333-335.
— Copie du xvii'' sii'cie.
Archives des A/Jaires Etrangères. — Maroc. — Correspontlancc consu-
laire, ]'ot. I. — Copie du \\n" siècle.
Ibidem. — Maroc. — Mémoires et Documents, Vol. 3,JJ. 1^1-15. —
C.opie du XV II" siècle.
Ibidem. — Turquie. — Mémoires et Documents, Vol. 2, (f. 26^ v''-266.
— Copie du wif siècle-.
I. Sur ccltp pIa'(iielto tenant lieu de pu- Léonard et rie Di'mont. Le P. Dan ne
blication ofTiciille, \ . p. /|ii. note /|. fait île cet accord qu'une mention d'une
■i. Cf. en OLitre les recueils de traités de ligne.
0O2 I O OCTOBRE
l635
LXXXII
LETTRE DE P. Dl CII\L\UI) \ LOUIS Mil
// n rnpinré un navire onr/lnis. — // '/ siijné avec le Chéri f un Iniilé amfir-
ni'inl In pui.r conclue en IG^H. — Trois ceni trois niale/ols français ont
été mis en liherlé. — Les Snlétins ont fait payer fort cher le rachat
de leurs captifs : ils auraient voulu un traité spécial passé avec eux ;
ils ont fini par accepter les conditions de paix sit/nces avec le Che'rif. —
Les matelots, entièrement dévoues cui Roi qui les a délivrés, seraient un
précieux appoint dans une (juerre contre l' r.sfiafjne. — Les Salétins ont
fait sortir vinrjl-deux navires: les uns vont infester les côtes d'Espaijne ;
les autres se portent vers les Canaries jiour attendre la flotte des Indes. —
Cin'j prises faites par ces navires sont entrées à Salé. — Du Chalard se
rendu Sa fi à la demande du Chérif >jui désire envoyer un ambassadeur
en France. — // prie le Roi de lui faire adresser à La Rochelle et à Brest
des ordres relatifs à ses éijuipages et à l'amhas.fadeur marocain et d'in-
viter le tré.wrier de la Marine à lui payer ce qui lui est du. — Engaç/c-
ments souscrits par lui pour la délivrance de trois cent trente-trois
Français captifs qui restent à Salé.
En rade de Salé, l3 octobre iG.iô.
En fête, (ilia manu : M. Du Chalard. — Rade de Salé. i3 octobre
i635.
Susrriplion : Au lloy.
Sire,
Je crois ([ijc Nnslre Ma'' aura sceu par monseicr' reinincnlissime
Cardinal Duc le combalet prinse ciuej'é l'aictlejourde la Penlecosle'
dung navire anglois du port de quatre cens llionneaux artillé de
I. Le jour dr la P<'iiUxostc. le 2" mai lf)3.).
LETTRE DE P. DL" CHALARD A LOUIS XIII
oo3
vingl-six pièces de canons, pour n'avoir pas vouUeu randre l'hon-
neur et debvoir qu'il estoit teneu à vostre estandar et à ma com-
mission'. Ce qui m'empeschera d'importuner V'^"' Ma"' de ce faict,
ccste lettre aiant à estre trop longue pour luy rendre compte seul-
lement des principaux poinctz de mon voiage, duquel je remetz
touttes les particidariltés lorsque Dieu me taira la grâce de me
trouver à baiser les piedz de Vostre Ma'"', qui verra, s'il luy plaist, le
bon succez que j'é heu par les articles de la confirmation de la paix
qu'a signé le roy de Marocque". A quoy je servy le mieux qu'il m'a
esté possible à 1 honneur de vos commcndemens. Et j'ay retiré trois
cens trois liommes mathelos. encores que V'"Ma'^ne m'ayt pas faict
bailler que vingt mille livres ^ pour le présent du roy de Marocque et les
autres despanccs nécessaires et inévitables de faire en la negotiation
des Maures, qui ne font et n'entendent jamés à rien que première-
ment on ne leur ayt donné.
Ceux de Calé ont aussy accepté la paix ' avec bien de la penne,
qui voulloient faire ung traitté à part et m'ont faict payer le rachapt
desdits captifz au prix qu'ilz les avoient achaptés et quarante pour
cent de profFict, qui ce montent à la somme de cent six mil deux cens
livres ' : autrement il/, n'en ussent rendeu aucun, disansque leur roy
ne peut pas donner leur biens. Et j'ay pancé, sur les advis que je
receu en cesie rade, que, sy la guerre estoit contre Espagne, que ce
seroit un grand secours à \ ostre Ma' d'avoir de sy bons hommes de
1. Sur cet épisode, V. infra. Doc. infra. Doc. CWIV, p. 066, et Bibl. Nat.,
LXWVir, pp. Dl6-522. Impr., l'actmn UuCkalard, FH, lyâSn.
2. V. ci-dessus le traité signé le i8 4- \. cette acceptation Doc. L\\\l,
juillet i635 (p. 492), et conGrmant la paix p. ligij.
conclue les 17 et 24 septembre i63i. 5. Cette somme d(^ 106300'* est celle
3. Le roi avait ordonnancé une .somme qui est portée sur la quittance donnée par
de dix mille livres pour le rachat des es- les Salétins le i'-'"' octobre i635 (V. infra,
claves (V. infra, p. .îog) et une autre égale Doc. CXXIV, p. 66,ï) et elle doit par con-
pour les présents à offrir au Chérif (V. scquent être admise comme exacte. Ce-
infra, p. 5o8). En dehors de ces sommes, pendant P. Du Chalard, dans son mémoire
les États de Hrelagne s'étaient engagés à justilicalif (V. Doc. LXWIV, p. 5ot)),
verser dix mille livres pour le rachat des parle d'une somme de i3i SOi** 16 s.,
captifs bretons, mais comme ils n'avaient soit aS SOi" de plus. Cette dernière somme
pu faire l'avance de celte somme. Du Clia- représentait peut-être des frais acces-
anl se l'était procurée par emprunt. V. soires.
5o4 l3 OCTOBRE l635
marine particulicremenl obliges à einploier leurs vye? en caste occa-
sion, la charillé et pieltc de V'" Ma'" les ayans dellivrés des tour-
mens, des chaisnes, des coupz. du Iravall de bettes et de lesclavi-
tude plus cruelle et insuportahlc qu'il ne ce peut reprcsanter.
Plusieurs y sont mors soubz le balon, comme ilz en ont faict tous
serement. lorsque je les ay lieus à bord de ce vaisseau. Et c'esloit
une chose hideuse de les voir, la plus grand part desfigurés et des-
charnés, tousneus, mourans de faim, dont il en reste encores à Calé
trois cens trente-trois, par faute de fons, bien que j ayt emprunté de
tous ceux qui ont eu de quoy me prester. ausquelz sera de la bonté
et justice de \ostre Ma"' de faire pourvoir.
Lesd. de Calé firent sortir à ma veue, le premier et deuxiesme du
mois de septembre, vingt et deux de leurs navires en deux flottes
qui saluèrent vostrc pavillon, ausquelz je baillé des certifiîcatz de la
paix. Une est allée infester la coste d'Espaigne et l'autre au cours
des illes Canaries et à la hauteur pour rencontrer la flotte des Indes',
qui ne sera pas ung petit li'ouble et divertissement aux Espagnolz ;
et despuis leur départ il est venu cinq prinses : quatre chargées de
sucre et drogueries et une de bled, dont il \ a "rande dissettc en ces
pays-
A ccst bure je va retourner à Safy pour satisfaire à la prière du
roy de Marocque ([ui m'a escrit et faict dire avec grande instance
par de ses alcaïdes venus exprès me porter de ses leltres qu'il a re-
soleu d'envoyer ung ambassadeur et des presens à A oslre Ma" , ce
que je n'é peu refuser pour des considérations importantes au bien
de vostre service que je ne puis escrire' ; qui me foict très-humble-
ment la supplier que je trouve à Brest et à La Uochelle. par dupU-
catta, l'honneur de vos commendemens de ce que j'auré à faire,
soit de retenir ou hssentier ces grands équipages qui font
ensemble près de six cens hommes, entre lesquelz il y a quatre
viugtz-cinq soldatz des plus aguerris et bien exercittés qui ce pour-
roient choisir, comme aussy vostre intention jiour faire recevoir,
I. Sur les entreprises des pirates de la 3. Du Clialard devait aller prendre cet
côte du iMaroc contre la flotte des Indes, la ambassadeur à Safi, mais il en fut empêché
(lotte d'argent. \ . i''' Série. Pays-Bas, t. I, par le mauvais temps. V. infra. p. Do6 et
Introduction, p. viii. note 2.
LETTRE DK P. DV CHALARD A LOUIS XIII
5o5
Iraittcr cl acheminer jusqiies à Paris ledit ambassadeur, et que le
trésorier de la Marine ayt ordre de me payer à Brest et à La Ro-
chelle les quatre mois ([ui me seront deubs à la fin du courant, com-
mancés le premier de juillet', sans (]uoy je ne pourré faire ledit lis-
sentiement ny subsister de villuailles que le mois prochain au plus,
■lomct (jiio je né rien touche pour ma patache de son entretien de
dix mois qu'elle est en mer, tant je désiré tesmoingner à vostre
-Ma" lobeissance, la fldellittéau service que je luy doibz, qui me sera
tousjours plus cher et recommandé que ma proprie' ny mon bien.
Sur ce, je prie Dieu pour ibomiMiscprosperitté et santé de Vostre
Mag"' avec la sincère affection,
Sire,
De vostre très-humble, très-obeissant et Irès-fidelle serviteur et
sujet.
De la rade de Calé, le xiij' octobre 1 6.3.5.
Si(pir : Du Chalard.
Sire, pour ne laisserpas au tlesespoir les François qui sont demu-
rés à Calé, je les ay tous fiés et en ay passé obligation pour trois cens
trente-trois hommes', qui ce montent à la somme de deux cens dix
mil cin(j"-ncur livres ', paiable dans la fin du mois d'avril mvj'"xxxvj ;
auti'emenl plusieurs ce seroient reniés. Ung de S' Malo et ungd'Au-
lonne ont laict le sault.
Archives des Affaires Étrangères. — Maroc. — Correspondance consulaire,
\'()l. I. — Original.
I . I'. Dii Clialard s'clait rmbarqué le 3n
avril 16S.5 (V. p. 4^7). Avant son (Irpart,
le a/i avril i635 (V. p. 5,'?l'i), il reçut six
mois do solde ainsi que son éqiiipage.
Dans la pensée de P. Du Chalard, ces six
mois devaient compter du i'^'' janvier ifiS,^
(V. p. 5li); c'est pourrpioi il réclama la
« monstre « à partir de cette date, mais
on no voulut lui accorder que celle du i"""
avril au i"' décembre, soit 8 mois (\' . pp.
.5 II et 53',).
2. Mn pntiirif, lapsvl^pou^: ma propre vie.
S. Les noms de ces trois cent trente-
trois captifs, avec l'indication de leur pays
d'origine, se trouvaient inscrits dans im
rôle figurant comme pièce à l'appui dans
un procès intenlé par les Trinitaires aux
Mercédaires (V. Doc. XCVIIl, p. 506).
/|. Il Y a divergence entre les docu-
ments au sujet du montant de cette
somme. V. sH/)rn. p. 'igi, note i; infra, p.
5i)rj, note 3 et p. 5i3, note i .
5ofi aS NOVEMBKE 7 035
LXXXIII
LETTRE DE P. Dl' CIIALARD \ RICHELIEU
U II II pu embarquer l' ambassadeur daChérif à cause du mauvais temps.
— // est sans nouvelles de trois vaisseaux de son escadre ijui l'ont quitté.
— Le Che'rif a envoyé au Roi des chevaux et des faucons. — Du Chalard
demande des ordres relatifs à ses équipages et aux esclaves rachetés ainsi
que le payement des fonds qui lui sont dus. — Les articles du traité
franco-marocain doivent être publiés dans les ports de France.
HaJo ili' La l'rcc, sS novembre i635.
Enléte, alinmnnu: .Maioc. — M. Du Chalard. — 2 3no\embrc i635.
Monsei2;neur.
Je vous envoyé le duplicalta de ma lettre du xiij'' octobre', aftîii
que, sy vous ne lavés pas receue, vous voyés et faictes. s il vous
plaist, entendre au Roy comme j'é bien servy, ayant mis cesl affaire
à ce poin que le roy de Marocque envoyoyt ung ambassadeur à Sa
Ma" pour le satizfaire et dautres raisons que le tempz produyra.
puis que je n é peu lenibarqucr ', Ibrcé du mauvais tcnqDZ de mettre
ca mer. oii je esté sy furieusement batteu des ventz de tormante
sud-ouest et nord-ouest que, sans la particulière assistance de Dieu,
je serois perdu.
Trois des vaisseaux de ma compagnie m'ont f|uitté. assavoir: la
prinse angloise ' , mon patache '. ci le phelibot ° dans lequel les chevaux
pour le Roy sont, celluy que le roy de Marocque m a donné et deux
quejay achaptés par sa permission", ce qui me mest en une extrême
penne, crainte qu'il leur soit arrivé naul'rage, cec[ue Dieu ne vuillc,
1. 11 s'agit fie la IcUre précédente adn^?- Perle » tie Londres. V. pp. ôiG et scj.
sée à Louis XIII, ou d'une lettre de même 4. La patache k Isabelle ». V. infra,
date à Ricbelieu. Doc. LXWA II, p. 5i6.
2. David Pallache lit un grief h Du 5. Le flibot « Hercule « d .\msterdam,
Chalard de n'avoir pas embarqué l'ambas- appartenant à des Juifs, les frères Dcpairs.
sadeur marocain. V. i" Série, Pavs-Bas, Y. Faclum Du ClialarJ]i.'S.,f° F3, ijSSo.
aux dates des i8 mars et 28 mai i636. 6. L'exportation des chevaux a toujours
û. La [jriiue amjluisc, le vaisseau « la été rigoureusciuent interdite au Maroc.
LETTHK Dlî P. DV CHALARn A RICHULIEV OO7
et, s'il les a gardés, ilz ont prins port en Bretaigne ', où je depesche
exprès pour en avoir des nouvelles. Il y a neuf pièces d'oyseaulx de
poin'. dont le roy de Marocquc en a baillé sept pour le Roy. et deux
qui mnnt esté portés à cachettes', qui sont deux tiercelet/. S'ilz
viennent à l)on port, le Roy en aura du plesir. et ces chevaux sont
tort hcaiix. (allu\ que je vous ay dcsliné n'est pas nioindrc.
Je vous supplie cpie j ayt commandement de ce que j'é à l'aire
pour desarmer mes vaisseaux, congédier ou retenir les esquipages
et les esclaves rachaptés, avec fondz pour me payer de cincj mois
([ui me sont deubz à la lin du courant (pic je les feray subsister,
m'estanl impossible de les pouvoir tenir davantage, ny les payer,
sy je ne rc^çois.
Les articles de la confirmation de la paix (h)ibvent estre publiés
par tons les portz de ce royaulme. Vous y l'airés. s'il vous plaist,
j)ourvoyr ; je vous en envoyé les coppies pour les faire imprimer '.
Je ne scé sy. en mon absence, vous m'aurés faict l'iionneur de
vous souvenyr de ce que vous m'avés promis, comme j'é faict de voz
allaircs, dont je \ous reiulré compte et faire voyr l'ulilitté asseui'ée
quy vous en viendra.
Je depesche exprès ce courier pour avoir promptement vostre
responce. Six cens tant d'hommes mengent et sont de grande
charge. Vuillés s'il vous plaist me descharger, et je vous rendre le
très-humble service de,
Monsieur,
Vostre très-luimble et très-obeissanl ser\ilcur.
Sirjiic : Du Chahii'd.
De la railc de La Prée '. le xxiij'' iinveinl)i(' i().'i5.
Archives des Affaires Elramjèrcs . — Maroc. — (Atrrcftpdndunci'Cdnsuliiirc,
Vol. I. — OrujinaL
I. La prlsn, la palachfol Ifdibot allfrenl cire, comme celle des chevaux, l'olijet de
mouiller cITectivomenl à lîenodel dans la prohibilions sévères,
rivière de Quimper. V. p. fiCjG. '4. I.a pid)Iicalion oITiciollo de cel accord,
:<,. Les oiseaux de poing étaient alors un comme celle des précédents traités, fut faite
des présents habituels des chérifs aux sou- à la fois dans une plaquette et dans un
vcrains chrétiens. V. /■■'■ Série. France, t. I, numéro spécial de la Gazelle de Franre. V.
p. 6, note 3. supra, pp. l'ii 1 , note !i. 4i2, note [, /kj^. Soi-
3. L'exportation des oiscaui de vol devait ô. Le fort de La Prée situé dans l'ilc de Ré.
5o8 FIN DK l63.ï
LXXXIV
MEMOIKE DE P. DL CHALAUD
// se jastific (l'arnir dépassé les cre'dils qui lui avaienl été attribués pour
sa mission au Maroc.
Fin de i635 '.
Au dos, nlia manu : Mémoire de M. Du Chalard.
En tête: Salé. — itj35.
Objections faieles au sieur Du Chalard. — Responces'.
D. — Pour les presens faictz au Roy. ses alcayes et autres ofli-
ciers. et à Safy. il a employé xviij"' viij' Ixiij".
L on dict ([u \\ n esloit chargé que de jiayer v™** en dons.
\\. — Respond (piil n"a donné au Roy et à ses alcayes que
xj'" iij' xlvj" xvi|\
Mais qu'il a esté contrainctde donner aux alcayes et gouverneurs
de Salé et autres olTiciers. sans lesquelzl'on ne faict rien en Barba-
rie, et pour des fraiz aussy qu il justithe par actes : vij"' viij'' Ixvij*
xj s.
D. — ■ Pour les racliaptz des esclaves, (ju il n avoit esté ordonné
I. Du Chalard arrivais 33 novembre lôS."! a. Dans l'original les objections et les
à La Prée ; il fit le 26 novembre i635 son réponses sont disposées sur deux colonnes,
rapport au lieulenant do l'Amirauté à La Pour remplacer ce dispositif on a introduit
Rochelle (p. 5i()); il ne dut se rendre à les lettres D. et R. en regard de chaque
la Cour qu'en décembre i635. demande et de chaque réponse.
MEMOIRE DE P. Dl' CIIALARD OOf)
que x""" pour lesdils racliaplz. ii'ayans esté estimés que cent livres
chacun, l'un portant l'aultrc, et neantmoings que l'on on compte
cxxxj"" v' Ixj" xvj'sans les interestz'.
l\. — Il responJ cpi il avoil ordre exprès de racheplcr les escla-
ves ; que pour x"", à raison de cent livres chacun, il n'en eust ra-
chepté que cent, ce qui n estoit considérable sur les vj" xxxvij qui
y cstoienl : de plus, qu'il n'y en avoit pas un seul qui peult estre
rachepté pour cent livres, et que ceux de Salé faisoient difiiculté de
recevoir la paix accordée par le roy de Marroc, estans rebelles. Et
d'aultant que ce sont eulx seulz' qui courent la mer, prennent les
hommes dont ilz font trafTic, et les marchandises des François, ilz
ont voulu avoir le prix pour lequel ilz avoient achepté leurs esclaves,
et quarante pour cent de proffîct ; et que tous ' sont obligez de
servir le Roy pour leur vie, tant qu'ilz aycnl acquitté leur rachapt
de leurs appoinctemens ordinaires, comme il luv avoit esté dict.
D. — Qu'il n avoit ordre d'obliger le Roy ne luy aussy de ra-
chepter les esclaves qu il laiseroit, pour lesquelz il a promis que
1 on enverroit c iiij"" v" ci)" dans la fin du mois d'avril prochain', et
à laulte de payer, leur paix sera rompue.
ir. — Respondqu'il a esté contrainctde faire cette promesse telle
qu'il a pieu uusdits de Salé, pour retirer ceux qu'il a ramenez et
donner soulagement aux pauvres esclaves qui ont moien de se ra-
chepter, qui desiroient siiitnut que l'on arrestast le prix de leur
rançon, et pour ce l'on a apporté le roolle de leurs pays et demeu-
res^: et où Sa Ma" ne vouldroit tenir la paix à leur esgard, qu'il leur
peust faire la guerre, sans rompre avecq le roy de Marroc, auquel
ilz n'obeisseiît.
D. — Qu'il employé en tlespence xviij'" iij' j** xiiij' pour la des-
I. Sur ce chiffre, V. plus haut, ]>. 5o3, ![. Il y a ilivcrgcnco cuire les (lociimonls
note 5. sur le montant de cette somme (V. p. ^g/),
■2. Eux seulz. les Salétins. note 4 ; p 5o5, note .^i et p. 5i3, note i).
3. Tous, entendez: les esclaves chrétiens 5. Sur ce « roole » des captifs, V. su}>ra,
libérés. p. 5o5, note 3.
;)io
ir,3r
ijf'iice do la nom iiliiic, liabil/. rt iiiilii's menuz IVaiz des Maures
alfi-iciuaiiis qii il a retirez des galleres ol autres qui les ont joinclz
pour les conduire et rendre au roy de Marroc et la nouriiture des
esclaves qu'il a ramenez en France et autres fraiz qu'il a esté con-
tiaincl de faire, estant aux raddcs pour traitter. et qu'il a plus rendu
de Maures quil n'a receu de François du roy de Marroc.
R. — Ilespond que ceste despense est véritable et juslifïîée tant
par acquit/ que laicte en conséquence de son instruction, que cette
restitulion a esté faicte suivant ce qui avoit esté résolu parles ai-
ticles de la paix, et neantmoings que Ion n'en a tiré des galleresdu
Roy que xxvij, les autres s'y estans joinctz de divers lieux, et que
ledit roy de Marroc en a rendu xxviij. ipii cstoit tout c*^ qu'il avoit
à luv.
D. — Qud a employé xxviij™ ix'' xlvij" x' pour les interestz
des deniers empruntez et de ceux quil a advancez, ce qui est
excessif.
R. — Respond quil les a employez, selon l'usage du pays, à xxij
pour cent, qui est le proIFit des marcliandz qui ont preste, qui aul-
trement eussent employé leur argent en marchandises, qui leur eust
esté plus ulille ; et de plus que l'on pourra réduire lesdits interestz
à moins, en comptant avecq ceux qui seront commis pour en prendre
D. — Qu'il ne debvoit relâcher la restitution des xxviij™ viij"
iiij'"' vj" qui estoient deubz pour les marchandises laissées à Mazet,
consul de SaiTy, pour les vendre, faulle de l'avou- peu faire faire
en son voyage de l'année ifi.Si, de laquelle d en apparteiioit \\ii|'"
1" à Monseigneur.
R. — Respond que, pour retirer cette partye, en l'année i632, il
envoya exprès à SalTy un nommé Du Vu^ ', qui fut ictcnu par le
I. Sur ce personnage et la mission rem- cl la littro qu'il écrit tlf Merrakecli à Du
plie par lui au Maroc, V. ci-dessus, p. otjA, Clialar<-1, pp. fi!i i-ît^^.
MKMOinE IW. p. DU CHALARn OII
ro\ de Marroc soubz jji-cU'xlc qu'il na\uil j)uiié la ralilTlcation de
la paix, fut bastu et souflt'ii aullres maux, pour se libcroi desquclz
il se i-cndil renégat. Que ledit Mazet. eslant aussy mal traitfé et mis
prisonnier pour la mesme laison. (Ic\inl nisensé, et lont ce quil
avoit fut pris et dissipé, de quoy ayant laict demande audit roy
en ce dernier voyage, il n'en a voulu faire aulcune raison, comme
il est juslinié par ces lettres qu'il en rapporte avecq l'original de
ladite promesse', tellemcnl qvi'il a esté contrainct de Iraitter sans
pouvoir avoir raison de ceste partye. en quoy faisant ledit sieur
Du (îiialarda perdu la pari qu'il avoit en ladite ])romesse, qui monte
à x'" viij' xxxvj". et oultre cela deux mil quatre-vingtz-dix-ncuf
livres dont ledit Mazet luy avoit faici sa [)romesse particulière, ce
(pii juslillie assez qu'il a faict tout debxoir de retirer celte somme,
et (pi il lie luy en doibl eslre rien imputé, sy il ne l'a pas faicI,
joiiict que, cette remise n'ayant esté faicte que pour faciliter ledit
trailté, il est bien l'aisonnable que le Roy la paye.
D. — Ueste que l'on dici (juil ne doibt demander pour luy et
requi|)age de ses vaisseaux que les monstres de liuicl mois, qui est
à proportion du temps qu'il a servy, cl non pas du commencement
du mois de janxiei' \C)3b ' .
\\. — A quoy il respond (ju il eust ordre, dès le commencement
du mois d'octobre \ de ce mellre en estât de partir au mois de no-
\eiiibrc. ce ipii lu\ lit faire son équipage ; que depuis, son voyage
ayant esté remis au commencement de janvier, il pourveut à l'aire
son équipage le meilleur ([u'il pourroit. et tonsjours depuis a retenu
ses olïiciers et bonne partye de ses matelotz jusc|ues à son parle-
ment, ce qui ne doibl estre à ses despens.
A rchiucs des A patres Etrantjères . — Maroc . — Corrcsponilunce consulaire,
Vol. l. — Oriyinal.
1. La prom*^ssc do Ma/(rt, \. p. /|.'ili, 3. On a vu (juf les in^lriictiuii.s ilc l)ii
note I. Clialard soul du 2!^ uctuljrt* iG^i^. \.
■j. Sur celle question, V, [>. 5o5, note 1. p. 486, noie ô.
5 12 iC)3')
LXXXV
MÉMOIRES DE lUCHELIEU
(Extrait.)
(i035)
P. Du Chalard, envoyé au Maroc pour renouveler le traité de paix fait
avec le Chérifen 1631 , a oulrepa.sxé ses instructions et contracté un emja-
(jemcnt aux termes dwjucl le Roi devrait payer au Clicrif une somme de
1 ,10 0(10 livres, faute de (juoi le traité serait nul. — P. Du Chalard
a été mis à la Bastille, puis condamné à un an de bannissement de la
ville de Paris.
En cesle année, le Koy renouvela la [)aix tjuil avoil ialcle avec
le roy de Maroc en l'an mil six cens trente un, laquelle avoit esté
mal observée par la difficulté que ceu\ de Salé firent de rendre tous
les esclaves qu'ilz tenoient.
Il envo>a pour ce sujet vers le roY de Maroc le s' Du Chalard.
qui ramena une partie des esclaves l'rançois ; mais ledit Chalard
outrepassa excessivement les ordres de Sa Majesté, car, au lieu qu'on
luy a\oit donné trente mil livres pour subvenir, tant pour la nour-
riture et passage desdicts esclaves qu il avoit ramenez, que pour
(juclques petits presens qu'on presupposoit qu il Taudroit donner à
leurs maistres pour les rendre librement ', il mil en avant, à son re-
tour, qu'il en avoit despensé beaucoup d'avantage, et obligea par
traictéle Roy à payer encore, dans un temps prefix, cent cinquante
I. Du Chalard avait reçu 10 ooo livres du 20 ooo livres pour le rachat des esclaves.
Roi (\ . pp. 5o8-5or)) ; il emprunta 10 000 Mais il lui avait été remis eu outre une
livres dont il fit l'avance auï Etats de Bre- somme de loooo livres pour les présents à
tagne (V. Doc. LXXXIl, p. 5o3, n. 3) ; il faire au Chérif et aux fonctionnaires du
avait donc à sa disposition une somme de makhzen. V. p. 5o8.
MEMOIRES DE RICHELIEU
5i3
mil livres' pour les esclaves restans, à faute de quoy la paix faicte
entre Sa Majesté et le roy de Maroc seroit nulle, ce dont Sa Majesté
fut si justement indignée, qu'elle le fit mettre en la Bastille^, où,
après avoir demeuré quelque temps, enfin, par jugement, il fut
banny pour un an de la ville et banlieue de Paris.
Ledit s' Du Chalard, ayant rencontré à la rade de Sapliy un
vaisseau de guerre anglois du port de quatre cens tonneaux, qui
reffusa d'abaisser son pavillon, le mit en si mauvais estât, qu'ayant
tué le capitaine qui le commandoit et la plus part des officiers et
soldats, il contraignit ceux qui restoient dedans de se rendre la vie
sauve
Archives des Affaires Étrangères. — France. — Mémoires et Documents,
Vol. 55, f.316\
1 . Il y a divergence entre les documents
au sujet de la somme promise. \ . p. 5o5,
note 4 et p. âog, note 4-
2. David Pallache exploita habilement
à son profit cette incarcération de Priam
Du Chalard. Il déclara aux Etats-Généraux
des Provinces-Unies que le roi de France
avait fait enfermer Du Chalard pour le pu-
nir de sa « mechanssité » et de ses « fauls-
sités » à l'égard des Pallache. V. ci-dessus
p. 3g0 et I''' Série, Pa)s-Bas, à la date du
i8 mars i636.
3. Sur cette capture, V. Doc. LXXXVII,
pp. 5i6-52-i.
II. Ce volume forme le tome 7 du ma-
nuscrit des Mémoires du cardinal de Riche-
lieu et comprend les années 1 634-1 636.—
L'extrait donné ici a été publié par Mi-
chaud et PoujouLAT dans leur édition de
ces Mémoires, l. 2, p. 6-3.
De Castkies.
III.
33
5l/l 20 AVRIL l636
LXXXVI
INSTRUCTIONS POUR SOURDIS '
(Extrait)
Il demandera au Cher if de rappeler à l'exécution du traite du 18 juillet
i635 les Salétins qui ont fait payer le rachat de 3oo esclaves
français et en ont retenu 3oo autres dont ils demandent un prix excessif.
— // enverra un ultimatum aux Salétins exigeant la remise de tous les
captifs Jrançais .
Chantilly, 20 avril i636.
En tête, alla manu : 20 avril i636. — Instruction donnée par le
Roy à M'' l'archevesque de Bourdeaux commandant son armée
navalle et la passant de Ponant en Levant.
L'armée aiant repassé le Destl•oict^ s en ira, si la saison et le
temps le permettent, mouiller devant Salé au royaume de
Maroque.
Fera sçavoir au roy de Maroque que le Roy désire absolument
tenir le traicté de paix faict avec luy ', le priant de le faire entretenir
par tous ses sujectz, et particulièrement par ceux de Salé, qui ont,
au préjudice du traicté gênerai passé avec led. roy de Maroque',
1. Henri d'Escoubleau de Sourdis(i5g3- Sourdis devait ramener ses vaisseaux sur
1645). Prêtre et guerrier comme Richelieu Cagliari (Sardaigne), après quoi la plus
dont il était l'ami, il fut nommé évéqae de grande partie de H flotte devait repasser le
Maillezais en 1628, puis archevêque de Détroit et se porter sur Salé. Pour la suite
Bordeaux en 162g, à la mort de son frère qui fut donnée à ces opérations, V. infra
le cardinal de Sourdis. Doc. XCI, p. 529 et p. 532, note 2.
2. La flotte devait franchir le détroit de 3. V. ci-dessus, p. ^92, le Traité entre
Gibraltar et tenter de reprendre les îles de Louis XIII et Moulay el-Oualid dn 18 juillet
S" Marguerite et de S' Honorât. Si la po- i635.
sition des Espagnols était jugée trop forte, l). V. l'article IV du traité, p. ^93.
INSTRUCTIONS POUR SOURDIS 5l5
faict payer le rachapt de trois cents esclaves, qu'ilz dévoient rendre
gratuitement, ainsy qu'on a rendu les leur, et qu'ilz en re-
tiennent encore trois cens', que non seulement ilz ne veulent pas
rendre sans argent, mais dont ilz demandent un prix excessif sans
fondement ny apparence quelconque, puisque celuy avec qui ilz ont
traicté' sur ce sujet n'a voit aucun pouvoir du Roy de ce faire, mais
seulement de porter la ratiffication de la paix faicte en 1 63 1 et en
demander l'exécution '. qui oblige à la restitution des esclaves gra-
tuitement, quainsy Sa Majesté a faict rendre ceux qui estoient en
France.
Et après cet envoy vers le roy de Maroque, dont on obtiendra
réponse, s'il se peut, on cnvoyera sommer lad. ville de Salé d'exé-
cuter et entretenir les traictez de paix faitz entre Sad. Majesté et
led. roy de Maroque, et, en conséquence, rendre tous les esclaves
françois qui y sont détenus : e1. en cas de refus, la guerre leur sera
déclarée de la part du Roy. et tous actes d'iiostilité exercez contre
eux, prenant et bruslant leurs vaisseaux partout où ils seront trou-
vez, prolestant tousjours, quoy qu'il arrive, que Sa Majesté ne
veut point rompre la paix et traicté faict avec led. roy de
Maroque.
Faict à Chantilly, le xx'^ avril i636.
Signé : Louis.
Et plus bas : Bouthillier.
Bibliothèque Nationale. — Fonds français . — Ms. UiUO (anciennement:
933^-2), Jf. 125-127. — Original -.
1. Sur le rachat fait par Du Clialard en dessus Mémoire de Du Chalard, p. âog, et
l635 des esclaves français à Salé, \. ci- Mémoires de Rirhelieu, p. 5i3.
dessus, p. iigi, notes ■)., .3 et /j. tx. Ce Document a Hâ publié par M.
2. P. Du Clialard. Eugène Sue dans la Correspondance de
3. P. Du Chalard fut mis à la Bastille Sourdis. t. I, pp. aS-Sa (Coll. de Doc.
pour avoir dépassé .ses instructions. V. ci- inéd. pour servir à l'Hist. de France).
5l6 AVANT JUIN l636
LXXXVII
JUGEMENT DE LAMIRAUTÉ DE FRANCE '
Le vaisseau anr/lais « la Perle », capture' dans les eaux de Saji
le 2 y mai iGo.'j, est déclaré de bonne prise.
[Avant JUIN i636 -.]
En fête, alla manu : Jugement de radmiraulté de France contre
le vaisseau anglois « la Perle », pris par le capitaine Du Clialart.
Armand, cardinal, duc de Richelieu et de Fronsac, pair et
grand maistre, chef et surintendant de la navigation et commerce
de France, à tous ceulx qui ces présentes lettres verront, salut.
Sçavoir faisons que, veu par nous le rapport faict le xwi'
novembre m vi' xxxv par devant nostre lieutenant et juge ordinaii'e
de l'admiraulté de Guyenne à La Rochelle par le s' Du Chalard,
capitaine de la marine, envoyé par Sa Majesté pour traicter de paix
avec le roy de Maroc, contenant qu'estant à la rade de Safly pour
les affaires de Sa Majesté, le xxvi" jour de may m m" xxxv, dans le
vaisseau de Sa Majesté nommé « la Renommée », accompagné de
deux autres nommez « lEsperance en Dieu » commandé par le s"^
de Poincy, et « l'Isabelle » qui servoit de patache, il arriva en lad.
rade un vaisseau anglois nommé « la Perle » de Londres, du port
de quatre cens tlionneaux ou environ, armé de vingt-cinq pièces de
canon, commandé par lecappitaine Lucas Waston, Anglois, lequel,
1. \ . le factura présente par l'avocat de ment la Dépêche de Louis XIII à Belliè\Te
P. Du Chalard Bi6/.iVai., Imprimés, 4''Lb^^ du lo novembre 1687 où il est dit: « le
35g8 et i" Série, Angleterre, à la date du navire anglois nommé « la Perle » qui fut
12 jum i635. pris il y a desja quelque temps... lequel na-
2. Sur cette date restituée, \ . infra, p. vire fut pour lors jugé de bonne prise ».
5i8, note 5 et p. Sig, note i. Cf. égale- Bibl. Nul.. Ms.fr. i5gi5,f. 02.
JUGEMENT DE LAMlUWTl': nE FIIANCE 5l7
au lieu de venir mouiller ji:uiny les vaisseaux IVançois et rendre à
la bannière de France 1 honneur qui luy est deu, s esloigna le plus
qu'il peut et fit refus de venir trouver led. Du Clialard et faire
veoir sa charte-partie, luy en ayant esté faict commandement par
le cappitaine Brignault'. Son lieutenant auroit seulement faict
semblant d'oster son pavillon du grand matz, sur un coup
de canon qui luy auroit esté tiré du vaisseau « l'Espérance »
pour signal de l'aliatre, et le jour suivant l'auroit encores mis au
grand matz, ce qui l'obligea de commander au maistre et équipage
de sa chaloupe d'aller au bord du cappitaine anglois lui réitérer le
commandement pour sçavoir s'il cstoit marchand ou pirate, à quoy
led. cappitaine refusa dobéyr. disant qu'il n'avoit poinct de charte-
partie, qu'il n'avoit que faire de rendre compte de son voyage aud.
lieu de Saffy à personne, que sy led. s' Du Chalard estoit ambas-
sadeur du roy de France, qu'il l'alast trouver et luy fist veoir sa
commission et le seing de Sa Majesté. Ce qu'ayant esté raporté aud.
s' Du Chalard, il prist ceste responce pour oDTense faicte à Sa
Majesté, assembla son conseil de guerre, qui fut d'advis de com-
battre le cappitaine anglois, ce que toutesfois led. Du Chalard
n'auroit voulu exécuter qu'il neust observé toutes les formalitez
requises par les ordonnances pour la marine, ayant pour la trois'""
fois envoyé sa chaloupe avec un trompette sommer le cappitaine
anglois d'obéyr aux commandemcns qui luy avoient été faictz,
aultrement cpi'il estoit résolu de le faire obéyr par force, s'il refusoit
de le faire de bonne Aolunté. A quoy le capitaine anglois fit responce
qu'il estoit prest de le recepvoir et l'attendoit avec bon potage,
qu'on verroil cpii seroit le plus fort ; ce qui l'obligea de se préparer
au combat et mettre à la voile ; et, estant assez proche du vaisseau
anglois pour en estre entendu, cria à liaulte voix du chasteau delà
pouppe, oîi il estoit monté l'espée nue à la main, au capitaine
anglois qu'il eust à amener de la pari du roy de France, et luy fit
réitérer led. commandemeni par le cappitaine Bragnault, qui estoit
au devant dud. navire. A <pioy n ayant esté respondu ny satisfaict,
il commenda à ses gens d'abordci' et lisl lascher sa bordée de
canons. Le cappitaine anglois respondit de la sienne et, après un
I. Brignault, et plus loin : Bragnault.
5l8 AVANT JUIN l636
combat oppiniastré plus de trois heures, tant des canons que
de la mousqueterie, le navire anglois fut rcduict à tel poinct (le
cappitaine estant mort et la pluspart des officiers et les autres blessez)
que Robert Waston, fdz du cappitaine, et quelques mariniers
crièrent miséricorde, un mouchoir blanc en main et des mesches
en l'autre, demandèrent quartier ou qu'ilz se brusleroient et feroient
sauter le vaisseau. Ce qu'ayant apperceu led. s'' Du Chalard, et
préférant le service de Sa Majesté à son juste ressentiment d'avoir
perdu aud. combat son frère, les cappitaines Bragnault, son Heute-
nant, etLa Rocque, neuf soldatz et un mathelot, commenda de faire
signal qu'il accordoit quartier, et leur manda par sa chaloupe qu'il
leur accordoit la vie, lit amener à son bord le fdz du cappitaine
anglois et les principaux de l'équipage, et envoya faire inventaire
des marchandises' qui estoient dans le vaisseau anglois, partie des-
quelles marchandises il fit vendre à SalTy et à Salle ^ pour sub-
venir aux nécessitez de ses gens et par forme d'emprunt ', jusques
à ce qu'aultrement en eust esté ordonné par Sa Majesté et par nous,
comme estant led. vaisseau de bonne prise.
Appert en oultre par led. raport quand, voyage led. s"^ Du Cha-
lard a trouvé à lad. coste de SaCTy et Salé deux navires anglois
appartenant au s"^ Courtins', marchand de Londres, ausquelz il a
faict toutte courtoisie et bon traictement, et quatre autres vaisseaux
en mer, deux anglois et deux hambourgeois retournantz d'Espagne,
ausquelz il n'a faict aucun tort ou incommodité, ayant rendu
honneur au pavillon de France ;
Verifficalion dud. raport par devant nostre lieutenant en l'admi-
rauté de Guyenne des xxvii novembre, ni, iiii, v et vi'' décembre
M vi" trente-cinq ;
Aultre vcriffication dud. raport par devant nostre lieutenant gêne-
rai de la Table de marbre du Palais, à Paris, des xvii, xviii, xxix et
dernier décembre aud. an, et quatre" janvier de la présente année °;
1. Du Chalard fut accusé de n'avoir pas marchandises de « la Perle » fut affectée
fait procéder à cet inventaire. V. infra. p. au rachat des prisonniers. V. p. 522, note i.
5 1 g, note 3. 4- William Courteen. Sur ce personnage
2. Cette vente produisit ai 000 livres. qui faisait un important trafic au Maroc,
V. infru. p. 522, note i. Y. ;"■ Série. .Angleterre, i635 et i636.
3. La somme provenant de la vente des 5. El dernier décembre aud. an [l'année
JUGEMENT DE l" AMIRAUTÉ DE FRANCE Big
Aultre verifEcation dud. raport par devant nostre lieutenant à
Brest et S' Renan des xiii et wini' dud. mois de janvier de la
présente année ;
Acte des xxvi et xxvii' may dernier', signé du capitaine Brignault
à présent decedé et autres, de ce qui s'est passé es commandemens
faictz au cappitaine anglois de venir à bord et faire veoir sa charte-
partie, avec le refus et mespris dud. cappitaine anglois, qui auroit
dict, la première fois, qu'il y adviseroit et, la seconde fois, auroit
respondu qu'il n'estoit pas résolu d'y aller, qu'on verroit qui
seroit le plus fort, d'autant qu'il estoit aussy ambassadeur du roy
d'Angleterre à SafTy, ayant mis son pavillon au grand matz ;
Inventaire des marchandises dud. vaisseau anglois vendues à
Saffy et à Salle ;
Pouvoir donné par Sa Majesté aud. s' Du Chalard" pour se trans-
porter en la coste de Saffy et autres lieux pour traicter de paix avec
le roy de Maroc ;
Nostre attache sur led. pouvoir ;
Requeste^ présentée par Roger Weslon, Jean Gibbions, Jonatan
Tutchen, tant pour eulx que pour les autres propriétaires et intéres-
sez aud. navire anglois nomme « la Perle», par laquelle, pour les
causes y contenues, ilz demandent que le procez soit faict et parfaict
au s' Du Chalard pour la mort de LucWastonet autres du navire « la
Perle », et pour les contraventions par luy commises aux ordon-
nances et traiclé fait entre Sa Majesté et le roy de la Grande Bre-
tagne en M vi" xxxii*, et qu'il soit condempné restituer le vaisseau
nommé « la Perle », l'équipage, munitions, apparaux, vituailles,
ornons, marchandises et meubles en telle valeur que le tout estoit
i635 qui est énoncée plus haut], cl quatre de « la Perle » avait abaissé son pavillon le
janvier de la présente année [c'cst-à-dirc : soir et le matin ; ils accusaient Du Chalard
i636]. « d'avoir porté aux Maures et aux Barbares
1. Le mois do mai i635 est appelé le 80 tonneaux de fer, qui est marchandise de
mois de mai dernier. On en peut inférer contrebande, pour lequel il mérite punition
que la date du jugement est antérieure au corirorelln par vos ordonnances » et d'avoir
l^' juin i036. vendu ft vil prix à Safi les marchandises de
2. Sur ce pouvoir daté du a4 octobre « la Perle », sans en avoir fait l'inventaire
l634, V. supra, p. ^86, note 5. en présence des marchands, etc. Cf. Bibl.
3. Dans cette requête a les intéressez aud. Nat., Imprimés. 4° Fm. 3i 811.
na%-ire anglois » afErmaicnt que le capitaine 4- Le traitédc S' Germain, 29 mars iG3a.
520 AVANT JUIN lfi36
lors de la prise qu'il en a faicte, et les libvres de comptes, papiers,
congez, charte-parties, cognoissemens, despens, dommages et
interestz soulTertz et à souffrir jusques à l'entière restitution ;
Attestation "faicte à Amsterdam le ini" septembre m vi" xxxv, à la
requeste des intéressez au vaisseau nommé « la Perle » , par laquelle
entre autre chose il paroist que le s' Du Chalard, estant à la rade de
SafTy, envoya par trois diverses fois une chaloupe au vaisseau
anglois nommé « la Perle » pour faire venir le capitaine de « la
Perle » à son bord, et qu'un marchand du vaisseau « la Perle »
demenda à lequipage d'un navire hoUandois nommé « l'Arche de
Noël', » qui estoit en lad. rade, quelz vaisseaux estoient en lad.
rade, à quoy il fut respondu par lesd. Holandois que c'estoient les
navires du Roy Très-Chrestien ;
Coppie de l'information faicte en l'admirauté d'Angleterre sur le
subjcct de la prise do « la Perle », le xnn'' janvier m vi" trente-cinq ^
traduicte en françois par le sieur de Vie, secrétaire du roy de la
Grande Bretagne et son agent en France, par laquelle, entre autres
choses, il paroist que, les' Du Chalard, ayant envoyé sa chaloupe
au cappitaine de « la Perle » pour sçavoir d'où estoit le navire, et
qu'il eust à le venir trouver à son bord et luy faire veoir sa charte-
partie, led. capitaine fit rcspondre par son filz qu'il estoit desja
nuict, et qu'il n'ausoit sortir denuict hors de son vaisseau, estant sur
la coste des Barbares, mais qu'il iroit à bord le lendemain matin,
ce qui ne fut pas exécuté, pour avoir veu deux clialoupes plaines
d'hommes entre « la Perle » et la terre; et qu'ayant led. s' Du
Chalard renvoyé le matin deux fois sa chaloupe à « la Perle », le
cappitaine auroit refusé de satisfaire à la demande dud. Du Chalard
jusqucs à ce qu'il eust sceu certainement que se fussent François,
quoi qu'il leur eust esté dict par un vaisseau llamend^ qui estoit en
rade, lequel aussy ne leur voulut permettre d'ajirocher ;
Coppie, signée dud. s' de Vie, d'un acte signifTié le vu' janvier
M vi" XXXV ' à l'ambassadeur de Sa Majesté résident en Angleterre,
1. L'Arche de Noël, évidemment pour du i'' janvier.
K l'Arche de Noé )i. 3. Un vaisseau Jlainend. u l'Arche de
2. Le XIllI janvier MVI'^ trenlc-cinq. Date Noé », V. supra, note i.
exprimée en style anglais (style de l'Annon- k- V. supra, note 2. Il faut donc en-
ciation), soit MVI'^ trente-six, dans le style tendre; MVI"= XXXVI.
JUGEMENT DE l'aMIRAUTÉ DE FRANCE 521
que les intéressez au vaisseau nommé « la Perle » ont faict assigner
des tesmoings par devant la liaulte cour de l'atlmiraulé dAnglc-
terre, à ce que led. s' ambassadeur ayt à les faire interroger sur ce
que bon leur semblera ;
Coppie, signée dud. s' de \ic, de l'interrogatoire faict en Angle-
terre le xxvni'" janvier m vi' trente-cinq ' à Guillaume Fenuard, du
Havre de Grâce ;
Coppie, signée dud. s' de Vie, de la lettre cscripte par Roger
V\ estonet autres, demeurez après le combat et prise de « la Perle »,
de la rade de SafTy le xvni septembre m vi" xxxv ;
Coppie, signée dud. s' de Vie, des ai'ticles accordez entre les
depullez du Roy et du roy de la Grande Bretagne en m vi" xxxii,
par l'article m desquclz entre autre ciiose est dict que, les navires
de guerre rencontrans en mer les vaissseaux marchand/, ilz les
pourront semondre d'amener leurs voiles, à quoy lesd. navires
marchands seront tenus d obéir et présenter leurs congez, charte-
parties et cognoissemens auxcappitaincs ou à ceulx c|u'ilz vouldront
envoyer au bord desd. vaisseaux ;
Aultre requeste desd. Weston, Gibbions et Tutchcn, à ce qu'ilz
fussent examinez par l'un des s'" conseillers au Conseil d Estât de
Sa Majesté sur la vérité de ce qui s'est passé en la prise de « la
Perle » ;
Ouy led. s' de Vie, agent du roy de la Grande Bretagne, envoyé
exprès par le s' ambassadeur ordinaire d'Angleterre pour estre pré-
sent au raport et examen de lad. affaire et pour y desduire les
moyens des intéressez en lad. prise, ce qui luy a esté accordé par
Sa Majesté à l'instante prière qu'en a faict led. s' ambassadeur, qui
a dict avoir charge expresse de ce du roy de la Grande Bretagne ;
Tout considéré,
INous, en vertu du pouvoir à nous donné par Sad. Majesté, sans
qu'il soit besoin de procéder à nouvelles auditions, avons déclaré
led. vaisseau anglois nommé « la Perle », armes, agrez et apparaulx
et les marchandises ti'ouvées en iceluy de bonne prise, et ordonné
que le tout sera vendu en la manière accoustumée et que le prix
I. V. supra, p. 520, note 3.
522
AVANT JUIN I
636
qui en proviendra, ensemble celuy qui est provenu des marchan-
dises qui ont esté vendues à Safly et Salle, nostre dix' préalable-
ment pris et les frais faictz et à faire pour lad. vente, demeurera au
proffîct de Sa Majesté. Mandons au juge de la marine de Brouage
on autre sur ce requis de mettre ces présentes à exécution selon
leur forme et teneur '.
Bibliothèque Nationale.
Expédition officielle-.
Fonds français. — Ms. 15915, ffiS-Sl.-
I. Ce jugement ne mit pas fin à l'affaire.
Les Anglais, en représailles de la prise <lu
vaisseau « la Perle », capturèrent en itiS^
deux navires français « la Cassandre » et
« la Fortune >>. A la suite de cette mesure,
on mit l'embargo en France sur les vais-
seaux anglais qui se trouvaient dans les
ports, et le commerce entre les sujets des
deux couronnes fut gravement trouble.
Louis XIII dut nommer des commissaires
pour examiner avec l'ambassadeur d'Angle-
terre en France le moyen de terminer ce
eonllit. L n accord fut signé à Paris le 2.3
février i638. Le roi de France accorda la
main-levée de « la Perle » ; il donna
2 1 ooo livres pour les marcbandises vendues
qui avaient été employées par Du Chalard
au rachat des captifs et 42 000 livres à
titre de dommages-intérêts. Par un arrêt,
il ordonnait la main-levée des vaisseaux
anglais saisis en France. L'Angleterre s'en-
gagea de son côté à rendre « la Cassandre »
et « la Fortune », si ces vaisseaux « sont en
nature », si non à verser la somme de 872
livres sterling. V. le texte des articles Bibl.
Nat., Ms. fr. iôgi5. Jf. 87-88 et une
lettre de Chavigny à BeJlièvTe, datée de
Ruel 25 févTÎcr iCSS, Ibidem, ff. 85 vo-86.
2. Cette expédition du jugement fut
transmise le 28 décembre 1637 à M'' de
Bellièvre, ambassadeur du Roi à Londres.
Bibl. Sat., Ms. fr. i5gr5, ff. 45 v°-46.
INSTRUCTIONS POUR SUBLET DES NOYERS
523
LXXXYIII
IINSTRUCTIONS POUR SUBLET DES NOYERS'
Mesures à prendre pour le rapatriement du capitaine salétin Hassan
y Brahend et de son éijuipaijc.
[Avant le i a juillet i636 -.]
Le Révèrent Père Joseph m'a chargé de prier monsieur de Noyers
de faire expédier, s'il luy plaist :
Une lettre du Roy adressante aux consuls de la ville de Tholon,
par laquelle il luy mandera que, pour le bien de ses affaires et la
conservation de ses sujets, il auroit faict la paix avec le roy de Maroc
et les gouverneurs de Salé^, et faict rachepter les esclaves françoys
qui y sont detenuz. Que, le temps dans lequel l'ambassadeur de Sa
Majesté avoit promis d'envoyer retirer les captifs qui sont demeurez
à Salé estant trop court*. Sa Majesté y auroit envoyé pour le faire
prolonger et cependant conserver la paix, ce que cesdits gouverneurs
ont accordé suivant l'intention de Sa Majesté". C'est pourquoy le
capitaine Hassan y Brahemi', habitué audit Salé, estant eschoué
I. François Sublel Des Noyers né en 3. Sur cette paix signée par Du Chalard
i588, trésorier de France à Rouen en i6i^, les i8 juillet et i""' septembre i635, V. su-
intendant et contrôleur général des finances pra. Doc. LXXIX, p. igs, et Doc. LXXXI,
en i033, intendant de l'armée en Allemagne p. Vj().
et en Lorraine, secrétaire d'Etat au mois /j. Sur le délai convenu entre Du Chalard
de février i636, capitaine et concierge du et les gouverneurs de Salé, V.pp.^Qi, 5o5
chitcau de Fontainebleau, secrétaire du Roi et Sog et la Relation de Jean Marges, p. 537.
par provisions du i5 février 1637, surin- 5. Cf. infraXs. Relation de Jean Marges,
tendant des b.^timents en i638. Il mourut p. 537 "' "°''^ ^■
à Dangulc 2oocto])rc 1O45. Cf. Tesskreau, 6. Hassan y lirahemi, pcul-èlre: Hassan
passim ; et Dossiers bleus fi2l, cote it')/igi, Ibrahim. A hauteur de ce nom on lit dans
f. 22. la marge la mention suivante se rapportant
3. I.es présentes instructions ont pour au capitaine Hassan y Brahemi :« Habitué
objet l'expédition des d(tux mandements à Sale où il a sa femme et ses cnfans, et
suivants (pp. ôaS et 527) qui sont datés du est sorty dudit Salé avec passeport du
12 juillet i636. s' Du Chalard».
52^ AVVNT LE 12 JUILLET 1 630
en France, Sa Majesté a désiré le renvoyer avec les gens de son
esqulpage en toute seureté audit Salé. Elle luy auroit faict donner
son passeport avec lettres adressantes aux consuls de Marceillc pour
faciliter leur passage. Mais, àl'arrixéeduditesquipageaudit Marceille,
quelques ungs du menu peuple, les ayans recongneus pour corsaires,
exiterent une sédition dans ladite ville et le voulurent ofiencer, à quoy
il fut prompteinent pourvcu par lesdits consuls, qui ont envoyé les
gens dudit escjuipage à Tliolon et mis en seureté ledit capitaine dans
la tour de S' Jehan pour sa seureté. Lequel est venu à Paris pour en
faire sa plainte, ne désirant plus aller s'embarquer à Marceille, de
crainte qu'ils n'y reçoivent mauvais traitlemcnt du peuple.
C'est pourquoy Sa Majesté, désirant gratifier ledit capitaine Bra-
hemi avec les siens, pour le bien et conservation de la paix, et don-
ner sujet de faire lîon traillement à ses sujets captifs audit Salé,
afin de le renvoyer seurement sans passer par Marceille. ordonne
ausdits consuls de Tliolon de pourvoir le plus promptement que faire
se pourra au passage dudit cajiitaine et de tous cculx de son esquipage
pour le renvoyer à Salé ou aultre port de Barbarie qu'ils désireront ;
et, pour ce faire, les faire mettre dans ung vaisseau marchant, ouplus-
tost leur faire bailler une petite barque esquippée pour se deffendre
des Espagnols, avec les vivres qui leur seront nécessaires. De quoy
il' s'obligera de leur en renvoyer le pris si tost qu'il sera arrivé, et,
si il ne le faict, Sa Majesté y pourvoira pour leur" en faire recevoir
contantenient. Et feront en cela chose qui leur sera très- agréable.
Plus une lettre adressante aux consuls de Marceille par laquelle
Sa Ma'' leur tesmoignera de leur sçavoir bon gré du soin qu'ils ont
pris de la conservation dudit capitaine Brahemi, et, pour seureté
plus grande, elle le renvoyé avec ses gens par Tholon, ayant escript
aux consuls de ladite ville de luy faciliter son passage : et partant
qu'ils luy facent renvoyer ses hardes audit Tholon.
Plus passeport pour ledit capitaine et ses gens.
Archives historiques du Ministère de la Guerre. — To/. ?<9, f. 258.
— Orifjinal.
l. Il.lc capilaine I5raliemi. 2. Leur, pour lui.
MANDEMENT DE LOUIS XIII AVX CONSULS DE TOULON
LXXXIX
MANDEMENT DE LOUIS XIII AUX CONSULS DE TOULON
Fonlaiiioblcaii, l'i jiiillel iGSG.
En marge : Lettre du Roy pour faire passer en Barbarie ung
corsaire turc.
De par le Roy, comte de Provence.
Chers et bien amez,
Ayant faict ung traitlé de paix avec le roy de Marroc et les gou-
vcPTieiirs de Salle pour le bien de la Ghrestienté et pour retirer les
esclaves françois qui y sont dehlennz, lecpiel nous desirons entre-
tenir, et le cappitaine Hassan y Brahcmy dudit Salé estant eschoué
en nostre coste de Guyanne ', nous luy avions en conséquence de
ladite paix faict donner passeport, tant pour luy que pour les gens
de son esquipalge, avec lettres adressantes aux consuls de
Marseille pour son retour : mais, en arrivant audit Marseille,
quelques ungs du menu peuple, ayant recongnu ledit capitaine et
ses compaignons pour corssaires et le croyant estre d'Alger, exci-
tèrent une esmotion contre luy, laquelle, par le bon ordre des
consuls, fut apaisée, ledit Brahcmy estant mis en lieu de seuretté
et ceux de son esquipalge envoyez en nostre ville de Tolon, en
attandant noz vollontez. Ensuitte de quoy, ledit cappitaine estant
venu nous trouver pour se plaindre de ce traictement, et nous
supplier de luy donner moyen de s'embarquer en ung autre port
de nostre royaume, et ayans veriifié non seulement qu'il est habitué
audit Salé et y a femme et enfans, mais qu'il en est party avec
I . Guyanne, pour Gujenne.
526 12 JUILLET l636
passeport du s' Du Chalard, alors nostre ambassadeur au pays de
Maroc, nous avons estimé à propos, pour le gratiffier et conserver
ladite paix, très-nécessaire afin que la délivrance des Fi'ançois qui
sont detenuz esclaves en grand nombre audit Salle soit effectuée
sans aulcun empeschement, de faire que ledit Brahemy se puisse
embarquer avec ses gens de nostre dite ville de Thoullon.
C'est pourquoy nous vous faisons cesle lettre, par laquelle nous
vous mandons et très-expressement enjoignons que vous ayez à
renvoier ledit cappitaine de nostre ville de Tolon sans aulcune diffi-
culté, et qu'aussitôt vous pourvoiez à le renvoyer avec ceux de son
esquipage audit Salé ou autre port de Barbarie oîi ils désirent
aborder, les faisant pour cet office mettre dans quelque vaisseau
niarcband, ou plustost leur faisant donner une petite barque esqui-
pée en guerre pour se défendre contre les Espagnols ou autres qui
les voudroyent attaquer, avec les vivres qui leur seront nécessaires
pour leur passage audit pays de Barbarie, De quoy il s'obligera de
leur renvoyer le prix aussytost qu'il sera arrivé ; vous asseurant que,
s'il y a manquement à ce qu'il v(jus promettra, nous pourvoirons à
ce que vous n'y souffriez aucidne perte, et que vous ferez en cela
chose qui nous sera très-agreable. Sy n'y faictes donc faulte, car
tel est notre bon plaisir.
Donné à Fontainebleau, ce douze juillet mil six cens trante-six.
Signé Louys, et plus bas : Sublet. Et au dessus de ladite lettre : A
nos cbers et bien amez les consuls et habitans de nostre ville de
Tolon.
Enregistrée sur son original par moy archivaire de la maison
comune de ceste ville de Tolon soubsigné, ce un aoust i636,
ayant remis ladite lettre en liasse.
Signé : Couchon, arcli".
Archipes communales de Toulon. — - Rcrjistre EE 5, 1'" partie, f. iU5.
— Copie enreijislrée.
Archives historiques du Ministère de la Guerre. — Vol. 2S, f. 256.
— Minute.
MANDEMENT DE LOUIS XIII AUX CONSULS DE MARSEILLE 52"
XG
MANDEMENT DE LOUIS XIII AUX CONSULS DE MARSEILLE
l'onlaincblrau, i:! juillet l630.
De par le Roy.
Très-cherset bien amez,
Ayant esté informez comme, sur l'esmotion arrivée en nostre
ville de ^larseille contre le cappitaine Hassan y Brahemy et les
gens de son esquipage, quelques uns de nostre dite ville l'ayans
recongnu pour corsaire et jugé cstrc d'Alger, vous avez empcsché
qu'il n'y soit arrivé aulcune mauvaise suitle, nous avons bien
voullu vous tesmoigner le gré que nous vous sçavons du bon ordre
que vous y avez aporté. Et, parceque ledit cappitaine est venu
nous supplier de luy donner moyen de s'embarquer en autre port
de nostre royaume, et qu il nous est suffisammant aparu qu'il est
hcdjitué audit Salé, y a femme et enfans, et de plus qu'il en a party
avec passeport du s"^ Du Clialard, alors nostre ambassadeur au pays
de Maroc, et que nous voulons entretenir la paix que nous avons
faicte avec le roy de Maroc et les gouverneurs dudit Salé pour le
bien de la Clirestienté et la délivrance des esclaves françois, dont il
reste encores un grand nombre audit Salé, qui pourroyent estre
maltraitlés ou detenuz, au préjudice de ce qui nous a esté promis,
si ledit lîraliemy conlinuoità recevoir quelque mauvais trailloment.
nous ordonnons à nos chers et bien amez les consuls de TouUon
qu'ils ayent à le faire embarquer et passer audit Salé, et nous vous
mandons de ne luy donner en cela aulcun empeschement, ains toutte
la faveur et assistance dont vous pourrez estre requis, mesme nous
vous enjoignons très-exprcsscment de luy renvoyer audit ïoullon
028 12 JUILLET 1 636
les hardes qu'il peut avoir laissées à Marseille, sans que, soubz
quelque pretexe ny par quelques personnes que puisse estre, il y
soit apporté aulcun empeschement ny difficulté. Sy n'y faictes
faulle. car tel est nostre bon plaisir.
Alla manu : A Fontoinebleau le xii juillet i63G.
Sifjné : Louis.
Contresigné : Sublet.
Archives communales de Marseille.
Archives historiques du Ministère de la Guerre. — Vol. 28./. 257. —
Minute.
RELATION DE SOURDIS 629
XCI
RELATION DE SOURDIS '
(Extrait)
Capture 'l'un navire sa/e'tin. — Soardis aiirnit désire' faire mile vers Salé,
mais ses instructions ne le lui permettent qu'au retour. — La répression
des corsaires de Salé s^impose et serait aisée. — Nouvelle capture d'un
de leurs navires. — Ordres à donner pour la répartition des prisonniers
sur les fjalèrei et la vente des prises.
Détroit de Gilbraltar, 17 juillet i636.
En tête : Du deslroit de Gibraltar, ce 17" juillet i636.
Je joigny l'armée souhz licUe-lsle a^cc le reste des vaisseaux de
guerre, l'infanterye et lartillerye, le 16 de juin, sur les deux heures
après midy, où je croyois trouver l'armée en estât de partir ; mais
plusieurs capitaines, coustumiers de voir les ports, avoient surpris
M' le comte d'IIarcourt" en ce faisant donner congé sous prétexte
de nouvelles nécessités, pour aller en divers ports, si bien qu'il
faillut du temps pour les mander, ce qui passa jusques au 20" dud.
mois de juin, que 1 (jn fit voille ; mais, estant chargé du nord-ouest
assez fascheux. on fut contraincl de retourner à la rade dont on
estoit jiarti.
I. Cette relation, d'une part, a été rédi- à ce dernier,
géc par le commandant de l'armée navale 2. Henri de Lorraine, comte d'IIarcourt
auquel sont adressées les instructions du (20 mars i6oi-25 juillet 1666), comman-
30 avril i636 (V. supra. Doc. LXXXVI, danl l'armée navale en i636. conjointement
pp. 5i4-5i5), et, d'autre part, elle est avec Sourdis, gouverneur de Guyenne en
conser\'éeà la I5il)liotlii'qiieNationalc parmi i6'i2, grand écuyer en iG.'iS, vicc-rol de
les papiers de Sourdis. C'est pour ces deux Catalogne en l(3^5, gouvcîrneur d'Alsace en
raisons qu'il a semblé logique de l'attribuer 16/59, P"'* d'Anjou.
De Castkies. III — 3
a
53o 17 JUILLET l636
Enfin, ce A'ent continuant, je pressé le 28 de mettre à la mer,
quoy que le vent fut contraire, pour ce mettre en estât de l'attendre
dehors et se délivrer de l'accablement des capitaines qui deman-
doist tousjours chose nouvelle et que l'on ne pouvoit empescher de
ce tenir à terre, ce qui fut cxecutté deux heures après; mais les
vents norouest et surouest nous tourmentant, nous ne pusmes gai-
gncr en cinq jours de navigation que le cap d'Ortiguicres ' (entre
S' Andcretla Courongnc). où nous fusmes sept jours, bord sur bord,
sans pouvoir doubler le cap de Finisterre, durant quelque temps.
Un forban de Salé, qui ce nomme Memirays ^, qui avoit un
vaisseau de deux cens, armé de cent hommes et treize canons, qui
avoit fait un prise d'une flustc flamande de trois cens, où il y avoit
cinquante Anglois et cent baies de laine et foi'ce fert et du sel, qu'il
avoit tiré d'un vaisseau anglois, qu'il avoit coulé bas après l'avoir
pillei [et] battu du mesme temps, fut rencontré par nos vaisseaux
qui batt oient la mer devant nous, et après quelques coups de
canon de part et d'autres, il fut pris et amené au bord de l'ad-
mirai, où il est encore. L'on a fait la procédure que je vous envoyé
et donné le jugement qui y est attaché.
J'estimois que nous devions aller à Salé, où le capitaine que nous
tenons nous faisoit espérer que l'on nous rendroit nos chrestiens^,
en donnant les cent dix Turcs et les vaisseaux que nous tenons ;
mais, comme dans l'instruction ' on a mis ce traicté qu'au retour,
on ne la pas voulu faire, de sorte que je voy ce traicté hors d'estat
d'estre fait, d'autant que, quand on reviendroit par là, les captifs
et les vaisseaux ne seront peut-estre plus en estât destre rendus,
les uns estant aux galleres, et les vaisseaux peut-estre péris.
Ce que je puis voir qu'il y a affaire en cette mer, consiste en trois
choses : la première, à mettre ceux de Salé à la raison, lesquels
1. Orliguieres : le cap Ortegal. « renégat hoUandois de nation, habitué a
2. Memirays: Mami Raïs. La capture de Salé ».
ce pirate et celles que mentionne ensuite 3. Nos chresliens ; c'est-à-dire ceux des
la présente Relation figurent également, esclaves français que Du Clialard n'avait
avec quelques variantes de détails, dans le pas pu ramener l'année précédente. A . ci-
récit de l'expédition de Sourdis fait par le dessus, p. ^9^ , notes 3 et 4-
Mercure François, t. XXI, pp. 197-200 4- V. ces Instructions, Doc. LXXXVI,
(année i636). Mami Raïs y est qualifié de p. 5iii.
RELATION DE SOURDIS 53 1
vont avec de si meschans vaisseaux et avec de telle canaille, que
deux vaisseaux du Roy sont capable d'en battre dix des leurs, et
quatre de faire la loy comme l'on voudra à toute cette canaille,
qui croit que la paix que l'on a faicle ' est de peur que l'on a d'eux ;
et déplus, quekfue paix qu'ils ayent avec nous, ils ne laissent pas de
prendre nos vaisseaux, comme ils ont fait cette année, et pillenttout
ce qui est dedans. Si le vaisseau ne vaut pas la peine, il le laissent;
s'il est bon, ils jettent les hommes à la mer, les dégradent en
la première isle, ou, s'il y en a beaucoup, les vont vendre h
^. comm' ils ont fait celle année aux Holandois,
avec qui ils ont paix, n'ayant pas trouvé un Holandois entre leurs
mains, quoy qu'ils en ayent le vaisseau, et ayant sceu que l'année
passée ils en avoient dégradé plusieurs en une isle, le travers de la
Courognc, et leurs ayant pris huit ou dix flamens renégats [qu'jils
avoient pris au voyage précèdent.
Depuis avoir fait ceste despesche, que j'atendois à envoyer du
Destroict, nous avons encorre trouvé vingt vaisseaux de Salé, dont
l'un c'est battu avec un des dragons du Havre, commandé par Poi-
trincourt, mais, ce trouvant plus fort de monde et celuy du Havre
de canon, ils se sont battus sans s'aboucher.
Le mesme soir, La Chesnaye, de S' Malo, a pris une grande
caravelle de Turcs de Salé, où il y en avoit trente-six et quatre
esclaves espagnols, qu'on a résolu de mettre en terre à Gibraltar,
aflin qu'ils publient le soin que le Roy a de faire la guerre aux
ennemis de la foy et sa bonté de donner la liberté aux esclaves quoy
que subjects de ceux qui luy font la guerre.
J'estime que l'on doibt envoyer un ordre du Roy à M' le gênerai
des galleres, pour recepvoir les Turcs qui ont esté pris de Salé,
affîn de les départir pour servir sur les galleres de monseigneur
le CardinaP, ausquels les eappitaines fournirait semblables vivres
1. V. ci-dessus. Doc. LXXXI, p. 499, partissaiit sur plusieurs galères pour ('vitcr
l'adlu'sion dosSalétius au traite entre Louis toute mutinerie de leur part. Cf. Bibl, Mat.,
XIIIetMoulayel-Oualiddu 1 8 juillet iliS.'). Ms.fr. //i/io. f. 121 v". Letlri' de Loiik XII!
2. Mot laissé en lilanc dans le manuscrit. « Sourijis du 3o avril i636 et ibident, f. iUl',
3. Sourdis avait pour instruction démet- Lettre de Richelieu à Sourdis du 21 août
Ire les Salélins à la chaîne, mais en les ré- i636.
532
17 JUILLET l636
qu'aux forçastz qu'on leur envoie de Paris, comm" aussy un autre
ordre pour faire vendre les prises on cas que l'on le désire, puisque
ceux de Salle ont faict publier au mois d'avril' quon pouroit faire
prise sur les François, ainsy que nous avons apris par lesEspagnolz
que nous avons pris dans la ravelle^.
Du 17" juillet mil six cens trente-six.
Bibliothèque Nationale. — Fonds français.
- Minute '.
Ms. 6381 \jff. 15-17.
1. D'après Jean Marges, les difficultés
avec les Salctins ne recommencèrent qu'à
la suite d'une capture de corsaires faite par
Sourdis. V. infra, Doc. XCIV, pp. 537-538.
2. Laflottearriva àToulon le 3 ao^^t i636
(E. Sue, 1. 1, p. 5i); elle resta dans la Mé-
diterranée jusqu'à la fin de 1637 ; les îles
de S'" Marguerite et de S' Honorât furent
reprises. Sourdis avait alors l'intention de
se rendre à Salé. « De là je me propose de...
m'en aller à Salle, si la saison me le per-
mettoyt». (Lettre de Sourdis à Sublet des
Noyers du aS juin 1637. Bibl. Nat. , Ms. fr.
638 1, f. gi). Mais il reçut contre- ordre :
« Quant à l'affaire de Salé dont vous
eustes aussy mémoire lors de vostre parte--
ment, Monseigneur le Cardinal trouve à
propos de la différer jusques à vostre retour
dans l'Océan avec les vaisseaux du Roy ».
(Biljl. Nat., Ms. fr. 0382, f. 483. Lettre de
Chavùjny à Sourdis du 6 août i63g). Le pro-
jet d'expédition sur Salé fut en réalité ahan-
donné.
3. Ce manuscrit faisait partie autrefois
de la Suite de la Collection Diipuy. V. ci-
dessous, p. 535, note I.
4. Ce Document a été publié par M.
Eugène Sue dans la Correspondance de
Sourdis, t. I, pp. Iti-tfj (Collection de
Documents inédits).
COMPTE DE LA MARINE DE PONANT
533
XCII
COMPTE DE LA MARINE DE POXANT
i636.
En tète : Estât au vray de la recepte et despence faicte par le Tré-
sorier gênerai de la marine de Ponant, M' Louis Picart, à cause du
maniement de sad. charge durant l'année mil six cens trente-six.
A Ceir Rays, cajjitainc turq pour remener des
Turcs à Maroq À; Salle, cy' ii" l"
A Morat Rays ' de Salle pour son retour à La
Rochelle xxxvi"
Au s"^ Logerot la somme de ix*^ xxxii", tant pour
les habits des Mores eschouez en Normandie que pour
les mener à La Rochelle, suivant l'ordonnance de
Monseigneur le cardinal, cy ix" xxxn**
Bibliotlthjuc Xationale. — Fonds français. — Ms. G^iOS, f. J7S. —
Original.
I . En marcc de cet article et de chacun 2. Ce raïs était un renégat originaire de
des deux suivants on lit, (j/iVi manu; « Bon ». Gênes. V. iiij'ra, p. 538 et note 2.
53^ l5 SEPTEMBRE 1687
XCIII
COMPTE DE LA MARINE DE PONANT
(Extrait)
Rueil, i5 septembre 1637.
En tête : Estât au vray de la recepte et despence faicte par M'
François Le Conte, conseiller du Roy, trésorier gênerai de la marine
de Ponant, pour l'exercice et fonction de sa charge de l'année mil
six cens trente cinq.
A cinquante homme de guerre, tant chefs, officiers mariniers
que soldatz et mathelotz, qui ont servy sur le vaisseau nommé
(( l'Espérance » commandé par le sieur de Poincy, l'un des lieute-
nans du sieur Du Chalard, sa personne comprise, la somme de sept
mil trois cens vingt livres pour leurs appoinctements, solde et
nourriture durant six mois, commancez le premier avril i635 et
finis le dernier septembre ensuivant, pendant lesquels ils ont servy
avecq le vaisseau «la Renommée», commandé par led. sieur Du
Challard, à faire le voyage du Marroc, suivant Testât du Roy du
dernier décembre i63/i et ordonnance dud. seigneur Cardinal du
xvn" febvrier et les rolles de la monstre et reveue qui en a esté
faicte par Jean Taray. commissaire ordinaire de lad. marine, et
Pierre d'Auvilliers, commis du contrôleur gênerai d icellcs, le
xxini' d'avril et jour de ensuivant, cy vu"' in" xx".
Faicl à Ruel, le quinziesme jour de septembre mvi' trente sept.
Signé: Le cardinal de Richelieu.
COMPTE DE LA MARINE DE PON'ANT 535
Je soubzsigné certiffie que monseigneur l'archevesque de Bor-
deaux m'a mis l'original du pi-esent estât entre les mains, ce jour
d'huy vingt sixiesme avril mvi*^ trente-huict.
Signé : Le Comte.
Biblicjlht'que Nationale. — Fonds Jrançais. — Ms. 6^09', /> 185. —
Copie -.
I. Ce manuscrit fait partie d'une série composée de documents provenant de la
de cinquante volumes anciennement con- famille de Sourdis.
nue sous le nom de Suite de la Collection 2. Ce Document a été publié par Sue dans
Dupuy et formant aujourd'hui les n"* 6867- la Correspondance de Sourdis, t. III, pp. 35g
64 1 6 du fonds français. Elle est entièrement et Sa 7 (Collection de Doc. inédits).
536 FIN 1687
XCIV
RELATION DE JEAN MARGES'
(septembre i635-jlillet iGSy)"
// a été laissé à Salé par Du Chalard pour donner des soins aux 3oo captifs
qui devaient être rachetés avant avril i636. — Une prolonr/ation de délai
est accordée par les Salétins reportant le rachat à la fin de l'année 1 636. —
L'évasion de 20 des captifs dont le vice-consul Bastin s'était porté caution
et la capture par les Français de deux vaisseaux de Salé indisposent les
Salétins. — Bastin, dont la situation devient critique, favorise le départ
sur un vaisseau anglais de Marges, auquel il remet des lettres pour
Louis XIII et Bichelieu. — Nouvelle évasion de 35 captifs. — On remet
les autres à la chaîne. — Evénements de Salé de i63.'j à i63/. - — •
Voyage de retour de Marges: renseignements sur Sidi AU et le Sous. —
Marges, arrêté à Madère puis relâché, débarque à Londres. Il assiste à la
réception d'un ambassadeur chérifien.
Fin 1637'.
T'itre : Relation de ce qui s'est passé au royaume de Marrocq en
Barbarie despuis l'année 1 635 jusques au mois de juUiet de
l'année 1637, faite à Sa Majesté et à Son Esminence, par Jean
Marges, natif de Marseille, où' ledit Marges a séjourné pendant
ledit temps, et ce qu'il a apprins ez terres où il a passé, retournant
dudit voyage.
L'esquadre que le Roy envoya en la coste dAffricque l'année
i635 partit de la radde de Salles en Barbarie, au mois de septembre
I. Sur ce personnage, V. Introduction, bre 1637, date de l'audience donnée parle
notice biographique. roi d'Angleterre à l'ambassadeur du Maroc.
a. Ce sont les dates extrêmes en ce qui V. infra, p. 540, note !\.
concerne les événements du Maroc, mais la 3. Sur cette date, V. note ci-dessus.
relation a été composée après le i5 novem- 4. Où, c'esl-à-dire : en Barbarie.
RELATIO^ DE JEAN MARGES 53"
de ladite année', et le sieur Du Challard, commendant en icelle,
n'ayant pas de quoy paier le rachapt de tous les captifs, en laissa
de reste environ trois cens, pour le rachapt desquelz il s'obligeât,
au nom de Sa Majesté Très-Crestienne, qu'ils seroient retirés dans
six mois après", et que, en cas qu'ils se sauveroient ou qu'ils mour-
roient, seroient paies à leurs patrons; et, pour asseurance de ce,
laissa pour caution le sieur Gaspard de Rastin' qui exerçoit la
charge de vice-consul audit lieu. ^loyenant quoy, les Mores hos-
terent les chesnes ausdits captifs et les laissèrent en liberté dans
leur ville, travaillans neantmoings au bénéfice de leurs patrons.
Et ledit sieur Du Chalard donna ordre par sa lettre audit Marges
de subvenir aux nécessités de maladie ausdits captifs, ce qu'il a
tousjours fait jusques à son despart.
Les six mois portés par ladite obligation estans expirés, ne
feust point envoyé aucune satisfaction ; mais, au mois de juin de
l'année iG36, arriva audit Salles une barque de ^larseille envoyée
par Sadite Majesté avec lettres dressantes tant audit gouverneur que
audit consul : estoit porté de faire prolonger le temps de ladite
obligation jusques à la fin de l'annéeiGSG susdite, laquelle prolon-
gation feust accordée'.
Pendant ledit temps, se sauvèrent à La Mamoure par terre, dis-
tant de cinq petittes lieues, vingt-cinq captifs desdits François
cautionnés par ledit de Rastin, ce qui cnaigrit fort le peuple
contre luy et contre ledit Marges et autres François restans. Neant-
moings lalcaïde Abdala ', gouverneur dudit Salles, appaiza les Mores
des plaintes qu'ils en faizoient.
Quelque temps après, lesdifs Mores heurent advis que l'armée
navalle de Sa Majesté leur avoit pris un navire commendé par
Mamy Rays", renié llamcnd, et une caravelle, et mis les gens en
gallere, auquel temps ladite Communaulté ' feisl de grandz vac-
1. Marges commet une erreur. Du Cha- !\. CÂ.c\-Acf,syis\esInslruclionspourSublel
lard était encore à Salé le i3 octobre. V. des Aoreri, p. 523, et l'n/rd. p. .'iâSet note 5.
Doc. lAWll, p. Sou. 5. L'«icai'</e yl6(/a/(i, Al)(l;illali ben Âliel-
2. Sur cet engagement souscrit par Du Caceri. Surce personnage, V. p. ;^gt), note i .
Chalard, V. ci-dessus p. /Igi etnotesS et .'i. 6. Surce personnage, V.ci-dessusp. 53o,
3. Sur ce personnage V. Introduction, note 2.
nolicebiographique,etin/raDoc. CI,p.58i. 7. Ladite Communaulté, le Divan.
538 FIN 1687
carmes, se pleignans contre ledit consul de la rupture de la paix,
disans qu'ils a voient de leur costé observé le trailté et que
les François lavoient rompeu, ce que ledit gouverneur aussy
paciffia.
Mais quelque temps apprès, vint encores advis qu'on avoit
arreslé à La Rochelle un navire dudit Salle commendé par un
renié nommé Morat' Genevois", occazion qui obligea ce peuple à se
soubslever contre ledit consul, qu'ils vouloient pour lors emprison-
ner, et luy prindrent tout ce qu'il avoit de marchandises, et, moye-
nant ce, ledit gouverneur appaisa le peuple, en leur donnant
espérance de restitution de tout ce qui leur avoit esté prins, et, tant
que ledit gouverneur feust en charge, ledit consul et les François
captifs heurcnt assés bon traittemant. Mais ajjprès qu'il feust
demis, comme sera dit cy-après', touttes choses furent ren-
versées.
Et pour lors ledit Marges chercha opportunité pour eschapper
le danger de demeurer captif, et fist sy bien que, moyenant cent
ducats qu il donna à ceux qui administroient le gouvernemant, il
obtint licence de s'embarquer, ce qu'il n'auroit peu, si ledit gou-
verneur feust esté en autliorité et ne feust esté exillé, tant à cause
du soin qu'il avoit desdits captifs, que pour ce qu'ils en avoient
besoing pour pensser leurs blessés. Ledit consul, qui voyoit aussy
qu'il n'avoit aucunes nouvelles de France, facillita audit Marges
ladite licence et le solicita d'embrasser l'occasion, le priant de
venir en Cour donner advis à Sa Majesté et à Son Esminence des
travaux qu'il passe et en la pauvrette et misère qu'il est réduit, et
les supplier très-humblemant, comme il fait, d'avoir pitié et com-
misération de luy et considérer avec combien de zèle il s'est porté
au service de Sa Majesté de s'estre ainsi engaigé, sans espoir
d'en pouvoir sortir que par la seuUe assistance de Vostre dite
Majesté.
Ayant donc ledit Marges treuvé un navire marchand anglois qui
estoit à la ratlc dudit Salé, le sixiesme jour de juillet année cou-
rante', il s'embarqua sur iceluy, ayant receu les lettres qui luy
1. Cf. p. 533 et note 2. 3. V. infra, pp. 54o-542.
2. Gencuois. pour Génois. 4- /Innée courante, c'est-à-dire : 1687.
RELATION DE JEAN MARGES 53g
furent baillées par ledit consul, dressantes à Sadite ^Majesté et à Son
Eminence, qu'il a rendues.
Le lendemain, septicsnie dudit mois, après que ledit Marges
feust embarqué, se sauvèrent trente-cinq captifs françois au bord
de la flotte angloize' avec deux chalouppes qu'ils emmenèrent des
Mores. En conséquence dequov, les depputés qui estoient com-
mis au gouvernemant dudit Salles firent remettre tous les captifs à
la chesne, emprisonnèrent et chargèrent de fers ledit consul et luy
prindrent tout ce que luy restoit, le tenant telement à l'estroit qu'il
n'eust moien d'escrire audit Marges.
Il est à sçavoir' quil cstoit arrivé, environ six mois auparavant
l'embarquement dudit Marges, que le gouverneur dudit Sallés-le-
Neufavoit assiégé le Yieux-Sallés, oîi il demeura campé environ deux
mois, fist un pont de batleaux, passe son canon delà la rivière.
Mais son siège feust sans fruit, car un morabite nommé Hamed
Layache', commendant ledit Vieux-Sallés, qui pour lors estoit loin
de là, aNant ramassé des forces, vint faire descamper ledit gouver-
neur de devant ladite ville de Sallé-le- Vieux et, l'ayant fait retirer,
l'assiégea dans ledit Sallé-le-iNeuf. Ledit Morabite, ayant heu advis
que le roy de ^larroq venoit au secours dudit Sallé-le-JNcuf, joignit
ses armes avec autre morabile noninié Hamed Benbouquer\ et
opposent au passaige dudit roy une cabilde d'Alarbes qu'ils renfor-
cèrent de leurs trouppes, brullent tous les bleds et herbaiges à dix
1. La flotte de l'amiral \A illiam Rainsbo- rnliborté des captif anglais, cf. supra, Intro-
rough.V. /'■«Série, Angleterre, année 1687, dnction criticfue, pp. 196-197 et /''' iénc,
passirn. Angleterre, année 1687.
2. Ici commence la relation proprement 3. Hamed Layache, Sidi Mohamed el-
dite, celle des événements survenus a>i Avachi. Sur ce personnage, V. s»p™, Intro-
Maroc de iG.S.T à 1637. C'est pourquoi on dnction critique, pp. 187-198.
a cru devoir la détaclier de ce qui précède, !i. Venoil au secours dudit Sallê-lc-NeuJ .
sorte de préambule où l'auteur raconte son Expression impropre, car Salé était alors en
voyage et son séjour à Salé. Sur tous les état d'insubordination. En réalité le Chéri f
événements qui suivent : guerre entre Salé- voulait empèclier Salé-lc-]Veuf de tomber
le-Neuf et Salé-le-Vieil, expédition d'une au pouvoir de El-.\yachi.
flotte anglaise commandée par William 5. Ilanied Benbouquer, Mohammed ben
Rainsborough contre Salé-le-Neuf, luttes Bou lieker, lechef de la zaouia du Dila. Sur
intestines entre les habitants de cette der- ce personnage, V. infra, Introduction cri-
nière ville, incidents divers du blocus, mise tique, p. 57G et suivantes.
54o FIN iGS"
lieues dudit Salle et font courir bruit qu'un autre ennemy dudit
roy alloit avec une autre armée à Marroq ; ce qui fist que ledit
roy ne peult passer plus advant que Fadalle', qui n'est quà dix
lieues dudit Salles.
Pendant ledit siège dudit Sallé-le-Neuf, arriAoient à la rade dudit
Salé, au mois de mars de la présente année S une esquadre de
navires anglois : le gênerai desquels traitta avec ledit Layache et
fist dessendre quelques canonniers audit Sallé-le-Vieux, oîi
y a quelques pièces de canon, avec lesquels tirent contre
les navires qui estoient mouillés dans la rivière du costé dudit
Nouveau-Salles, et, de nuit, vouleurenl entreprendre de bruUer
lesdils navires, mais leurs travaux lurent sans fruit, car, à mesure
que une canonade donnoit ausdits navires, elle estoit remédiée en
marée basse, car les navires demeuroient à secq. Et, quand au
bruslemant d'iceux, ils ne les seurent jamais accoster, tellemanlque
le gênerai de ladite flotte, voyant que ce qu'il fezoit estoit ynutille,
retira ses gens.
Ce siège engendra grande divizion entre ledit gouverneur'
dudit Nouveau-Sallé et le peuple, le subjet naissant de ce qu'ils
soubstenoient ledit siège despuis cincj mois, lesquels par ce moien
esloient leduitz à grande nécessité de vivres, que ledit Morabite
leur coupoit par terre et les Anglois par la mer. Geste divizion
fomenta deux partis parmy eux : l'un tenoit le party dudit Mora-
bite, et l'autre celuy dudit gouverneur. Sur ceste divizion, le peu-
ple se mutina et assiégea ledit gouverneur dans sa maison, sans
toutesfois la forcer, et esleurent trois chefs pour administrer ledit
gouvernement : 1 un nommé Caya Vacher Ournachero, beau-frere
dudit gouverneur Abdala, qui avoit autresfois commendé, et les
rays El-llaach Abbez ' et El-Herrado ; et ledit Abbez, l'un desdits
chefs qui avoit esté esleu, se rendit dépositaire de la personne du-
dit gouverneur jusques à ce que feust deccidé ce que feroient de luy
et à qui ils determineroient de se donner. Ils furent durant vingt
jours à litiger entr'eux en la forme suyvant.
1. Fadalle; Fedala, V. p. 208, note 3. Rainsborough. 1687.
2. La flotte anglaise jeta l'ancre dans la 3. /.et/if jouuerncur : Abdallah ben Ali el-
rade de Salé le 34 mars/3 avril 1637. Caceri.
Cf. /" Série, Angleterre, Journal de \V. (\. El Haacli Abbez, El Hadj Abbas.
RELATION DE JEAX MARGES 5^1
Le premier party estoit celuy du Morabite, soubsfenu par ceux
qui avoient estes chassés du chasloau, appelles Ournaclieros", les-
quels, ayant esté exillés, estoient, une partie au camp avec ledit mo-
rabite, et lautre partie, qui n'avoit point esté exillée, estoit encores
dans ladite ville de Sallés-Ie-Neuf, et entre autres les nommés Aly Ga-
lan, Muza Saintyago et Soliman ben Daliar, gendre dudit Galan,
chefs dudit party, qui demandoicnt que ledit gouverneur Abdala
feust jette à la mer ou qu'on luy couppat la teste. Et de la part du-
dit morabite ofTroient qu'il les laisseroil en leur liberté dans leur
ville neufve et chasteau, à la charge qu'ils restitueroicnt tous les
doinmaigcs que avoient receu ceux dudit Sallé-le- Vieux, et que
dorcsnavant il leur" seroit baillé la moitié des dismes qu'ils receb-
voient de la douane, et des bénéfices des prinses que faisoient leurs
navires, et que les Ournacheros, qui estoient tirés du chasteau, se-
roient rcstablis dans le gouverncmant du chasteau et en leurs biens ;
moyenant quoy ledit .Morabite offroit de lever le siège et de faire
que ceux du Vieux-Sallés vuivroient à l'advenir en paix avec eulx.
Les deux premiers articles, de desdomager et fere participer aux
prinses et dismes, furent accordés. Mais celui du restablissement
desdils Ournaclieros audit chasteau feust entièrement desnié et
ainsy lesdites offres ne furent point reccues.
Le second party estoit celuy du roy de Marroq, de la part duquel
estoit représenté : que la ville estoit au roy et qu'ils estoient esta-
blis il la garde de ladite place pour luy, leur ayans donné les droits
de la douane pour leur paie et solde, et que n'estoit pas juste de se
laisser persuader de se rendre audit Morabite, leur ennemy capital,
qui se vengeroit d'eulx, et aussi les Ournacheros et ceux du Vieux-
Sallés; qu'ils avoient heu tant de travaux à la conservation de ladite
place, que, faisant telle laschetté envers le Roy leur meslre, ils
seroient blasmables touttes leurs vyes, et qu'enfin il valoit mieux
I. Sur Ips Ilorriacheros et les divers élé- Kasba i-n ri'rouraiit à la ruse, car ils no pou-
mcnts qui composaient alors la population valent y parvenir par la force; les Ilorna-
de la kasba et de Salé-le-Neuf, V. ci-dessus, clieros ont été bannis et les principaux d'en-
Introduction critique, pp. 187-198, pussim. trc eux ont passé ii Alger età ïunisM.V. /"■'
Giles Penn écrivait dans un mémoire en Série, Angleterre, décembre i636.
décembre i63(i : «Il y a trois mois les 2. Leur. Entendez: à ceux de Salé-le-
Andalous ont cbassé les llornacberos de la Vieux.
5^2 FIN i63-
mourir que se rendre; et quil n'estoit possible que leur roy ne les
secourut, comme il estoit en vove de faire, estant en cliemin et à
dix lieues près d'eulx. et qu'ils esperoient qu'il vaincroit les Alar-
bes qui s'estoient opposés à son passaige, ou, en tout cas, s'il ne
pouvoit venir, leur envoyeroit des vivres par la mer; et que, de
remettre ledit gouverneur en son administration, il se rendroit un
tiran. ayant exillé plusieurs leurs concitoyens pour avoir leurs
biens, et, bien qu'il dit reslever duditroy de Marroq. il n'avoit cest
objet qu'au bout de la langue, son ambition le pourtant à se rendre
absoleu sur culx, et. quand il auroit amassé quantitté de gens de sa
faction, se rendroit roy dudit pays ; et partant concluoient qu'il
faloit l'envoyer audit roy de Marroq, qui en disposeroità sa volonté.
Le troisiesme party estoit celuy dudit gouverneur Abdala, lequel
representoit qu'il leur avoit esté fort utille en son administration ;
que, despuis qu'il l'avoit prise, il avoit augmenté leur ville de trois
quarts, et que ce qu'il avoit administré n'estoit que pour le service
de leur roy, et partant devoit estre restably. puisque le Roy le
commendoit.
Ces trois propositions demeurèrent vingt jours à se resouldre,
balançant tantost d'un costé. tantost d'autre ; et finallcment la se-
conde, qui estoit celé du party du roy deMarrocq, l'emporta sur les
autres, et feust conclud qu ils luy envoyeroient ledit gouverneur
dans une chalouppe.
En exécution de quoy, celuy qui avoit prins en charge ledit
gouverneur le sortit de nuit de sa maison', accompalgnédequelques-
ungs de ses amis, qui le suy voient de luin, de peur de l'esmotion
populaire, et ainsy feust embarqué sur une chaloupe et mené à
Asamour. où arrivé, le gouverneur du lieu luy fist mettre les fers
auxpiedzet l'envoya lié et attaché au rov de Marroq, qui estoit
campé avec son armée entre Azamour et Salle, en la prouvince de
Tamesna, lequel luy ayant fait hoster les chesnes, luy donna
audience et, l'ayant ouy, le restitua audit gouvernement et ordonna
qu'il seroit renvoyé audit Salle avec un navire chargé de bled pour
appaiser ce peuple mutiné.
I. L'événement que rapporte Ici Jean Cf. /''' Série. Angleterre, Journal de W.
Marges eut lieu le 22 juin,'3 juillet iGS^. Rainsboroufjli . 1687.
RELATION DE JEAN MARGES
5/53
Il Y avoit, résident près ledit roy de Marroq pour lors, un agent
du rov d'Angleterre nommé Blecq' — qui a prins aveq des marchans
anglois residens audit pays touttes les fermes dudil roy de Marroq",
alTiii (pie les mareluuis Iraf'ficquans audit pays ne puissent negossier
que par leurs mains, et en ont tiré hors les Payaches^ et autres Juifs
qu'ils ont fait disgrassier — lequel Blecq prive par ce moien près dudit
roy, lequel avoit desja, avant l'arrivée dudil gouverneur de Salle,
traitlé avec ledit roy pour les captifs anglois qui esloient audit Salles.
Ledit roy de Marroeq commanda donc audit Bleq d'aller à
Saffis fera charger un navire de bled et s'embarquast avec ledit
gouverneur et allast audit Salles pour recebvoir lesdils captifs an-
glois et ayder à pacilTier ledit trouble".
Ledit Blecq avoit pour lors à la rade dudil Saffis un navire qui
I. Blecq. Robert Blake. Ce personnage,
à la fois commerçant et diplomate, a joué,
de i636 à i64o, un rôle très important
au Maroc. \enu en ce pays, au début de
l'année i030, comme représentant de
plusieurs marcbands de Londres, il con-
quiert vite la faveur de Moulav Mohamed
ech-Chcikh el-Aseghir, qai lui concède à
ferme les douanes du port de Safî. Après
avoir ramené à Salé le gouverneur de
celte place (V. la suite du récit de Jean
Marges), il accompagne en Angleterre, sur
le navire de W. Rainsborougb, l'ambassa-
deur envoyé par le Chcrif (octobre 1687).
Deretour ii Merrakech avec cet ambassadeur
(juillet i638) il échange avec le Cliérif les
ratifications du traité anglo-marocain qui
vient d'être conclu à Londres. Il négocie
également un contrat au nom d'une nouvelle
compagnie de marchands du Maroc, dont il
a activement pressé la fondation pendant son
séjour en Angleterre. Sa présence au Maroc
inquiète les Espagnols qui le soupçonnent
de vouloir faire livrer au roi d'Angleterre
la kasba de Sale par la garnison (V. swpra,
p. 197). .Vu mois d'octobre i638, il suit
'armée du Chérif dans sa marche contre
les troupes de la zaouïa de IJila et dans sa
fuite précipitée (V. infra. Doc. CI, Lettre de
GaspanWf? fîns/i'n, p. 58()). En janvier itjjg il
rentre en Angleterre avec les fonctions do
représentant du Chérif auprès de Charles
!'='■. Il songe un instant à passer un marché
avec l'Espagne pour l'approvisionnement
des f routeras du Maroc. Puis, après un nou-
veau séjour en ce pays, on le trouve à Madrid
(novembre i64o), oij il s'efforce d'inté-
resser le roi d'Espagne à un nouveau pro-
jet : l'étpiipement d'une flotte de dix navires
pour la destruction des pirates. .\ partir de
ce moment (i6;io-i64i) il semble disparaî-
tre de l'histoire du Maroc. V. /" Série,
Angleterre, années i636-i64i, passim.
2. Le marchand anglais W. Cloberry
et SOS associés annoncent dans une requête
en date du 3i janvier 1G37 que leur
agent Robert Ulakc a affermé les droits de
douane des ports de Safi et d'Aïer. Ils espè-
rent attirer en .Vnglelerre tout le com-
merce antérieurement fait au Maroc par
les Hollandais et les Français. Cf. /" Série,
Angleterre.
3. Les Payaches, les Pallache.
4. Il y a un changement de construction
dans la phrase. Il faut rétablir : le roi de
Maroc commanda à Blake d'aller à Safi...,
de s'embarquer avec ledit gouverneur et
d'aller audit Salé...
5A4 FIN 1^37
servit taiil à pourter ledit bled que à faire ledit trajet, et ainsy s'en
allèrent audit Salles, et, ayant mouillé l'ancre à la rade, treuverent
là Icsquadre angloise; et le gênerai d icelle fist desscndre ledit Blecq
en terre et garda ledit gouverneur à son bord. Et ledit Blecq ayant
rendu les lettres quil portoit diidlt roy de Marroq à ceux qui ad-
ministroient ledit gouvernemant, ils receurent derechef ledit gou-
verneur' avec(| tonttc sorte daplaudisscmant ctvindrent au devant
de luy, les enseignes desployées, tambours Ijattans. Et ainsy il de-
meura derechef en possession dudit gouvernement, à la charge qu'il
ne possederoit point le chasteau, ains le nomrné Caya Vacher, desja
esleu par le peuple, beau-frere dudit gouverneur Al)dala, qui. eslans
de bonne inlelligence, despartirent au peuple ledit bled. Et, aiissy
tost que ledit gouverneur feust restably, fist trancher la teste à Aly
Galan, à Soliman ben Dahar, son gendre, et à quelques autres au-
thcurs de ladite sédition. Plusieurs autres de ladite cabale s'enfui-
rent et autres fui-ent exillés, et ainsy il demeura paisible. Et les
captifs anglois, en nombre d'environ deux cens trente, furent bail-
les audit agent, qui les iist emijarquer dans l'esquadre desdils na-
vires anglois, qui avec cela s'en passa derechef en Angleterre.
Pendant ledit temps ^, ledit Marges partit de ladite rade sur ledit
navire anglois^ qui alla parachever sa traitte, comme est coustume
aux marchans, à Cap-de-Guer, et ala mouiller l'ancre à la rade de
Sainte-Croix.
La forteresse de Sainte-Croix' avoit esté prinse par un autre mo-
rabite nommé Sidy Aly sur le roy de Marroq, quelque temps au-
paravant. Ledit Aly est maintenant dominateur de toutfe la Numi-
die, auquel ledit Marges, par l'entremise d'un capitaine more qui
1. L'arrivéedugouverneur Abdallah bon (p 538) qu'il s'était embarqué le 6 juillet.
Ali el-Caccri dans la rade de Salé et sa ren- 4. On sait que ce nom de Sainte-Croix
tréedanslavilleeurontlieulcsaSet 2g juillet était alors donné par les Européens à une
(7et8aoûtn.st.)i637. Cf. /'■"Série. Angle- ville haute (kasba) et à une ville basse située
terre, Journal de W. Rainsborough 1687. sur la côte (Founti). I^a kasba était restée
2. Ici cesse la relation des événements longtemps ."iousTaulorité du Cbérif, impuis-
de Salé. Marges passe au récit des péri- saut à empêcher le commerce que faisaient
pélies de son retour. les Chrétiens avec la ville basse, sujette au
3. Ledit navire anglais, c'est-à-dire le marabout. On voit que c'est en 1687 que
navire sur lequel Jean Marges aditplusiiaut cette kasba à son tour fut prise par Sidi Ali.
UEI. \T10N DE .IKW MMtCKS
5/15
est agent dudit Sidy Aly, nommé capitaine Oualy, t'eusl inlrodinl
andit morabite audit chastoau de Sainte-Croix. Lequel, l'ayant
courtoisement receu, luy fist dire par ledit introducteur, qui parle
un peu la langue IVançoise, i|u'il désire fort l'amitié du roy de
Fi'ance, lequel il estime beaucoup, el que anlresfois les sujets de
Sadite Majesté avoient fait de grands traillé.s pour le négoce en ses
terres', diujuel il avoit receu plusde prolfitsel de contentemant que
de toultes autres nations, el cpi il luy jirioit faire entendre à Sadite
Majesté que ses subjets pouvoient avec toutle asseurance venir
traitleren ses terres, où il leur promeltoit mesme protection, comme
s'ils eslolent au l'oyaume de F'rance ; et, pour plus d'asseurance de
s;i parolle, (ist donner un passeport audit .Marges.
Il est à notter que (sy)' ledit Sidy Aly est en estât de faire une
puissante armée de terre pour allrr prendre Marrocj et croit-on
pour certain que, s'il y va, sans faute il s'en rendra mestre et par
conséquent de toute la Mauritanie, pour esire ledit Aly en réputa-
tion audit pais destre fort intègre en sa justice ; et a tellement
rengé ledit pays en paix ([uc le négoce est aussy facille et avec au-
tant de seuretté qu'en France, estant, outre ce, grandement riche el
ayant très-grand négoce en Guinée, au royaume deGagor ', duquel
il est maintenant posscssein-, le roy de Marroq n'y ayant plus rien.
Kl outre ce. ledit Sidy Aly luy a prins les prouvinces de Dara, Taf-
fdel et Tegaze', passaiges desdils Marro(| el Fe/ pour la Guinée.
Ledit navire avant parachevé ladite trailte audit Sainte-Croix, le
quinziesme jour d aoust partit, faisant sa routtc du costé de
Madère.
Le vingt-sixiesme dudit mois, ayant mouillé l'anere au devant
de Foiichal. ville (aiiilalle de ladite ille de Madère, le marcluuil
1. Ce« « grands traités pour le négoce « 3. Gayor. I\;>glio, siirlo Niger, au non!
auxquels fait allusion le marabout Siili Ali de Say.
se réduisent vraisemblablement aux rel:i- /|. Tc(jaze. Tigbazi, Tegbazza, Toghazzet
lions commerciales ([ue les marchands el-Gliozlàn, grande mine de sel gemme
français avaient avec cette région, relations située à deux jours de marclie au nord de
((u'on trouve déjà établies en T.J70. \. /'' Taodcni. Sur ce nom, V. Bulletin du Co-
Scric, France, t. I, Doc. LX\I, p. 3o3. mile de iAJ'rii/uc Française, juillet 1897;
2. On a placé entre parenthèses ce mot Ei.-Oufkàm, p. ID'Ô; Es-S\di, p. i63 et
(juc le copiste adù ajouter par inadvertance. Index.
De Castkiks. 111. — ,^5
b^6 FIN 1(187
anglois dudil navire dcssendit à terre. Ledit Marges demeura à
bord d'ieelluy, et, deux jours après, le gouverneur envoya fere la
vizile audit navire, comme est coustume, et firent jurer le mestre
dudit iiaviiT pour sçavoir s il y avoit aucun François' dans son l)ord
et des marchandises". Lequel mestre déclara tjii il y en avoil un (|ii d
ramenoit de Barbarie où il avoit esté captif, parlant dudit Marges,
lequel, pour n'estre descouvert, avoil pris lliabit d un matelot, et,
quand aux marchandises, qu il n'avoit que trois cens de plumes
d'austruche fines à luy aparfenans. Alors lesdits viziteurs dirent
qu'il falloit que vint avec eulx à terre et que, puisqu'il avoit esté
esclave en Barbarie, il le pouvoit bien estre autre fois à Madère, di-
sant qu'il estoit venu espier le pays. Lesquelles plumes ils luy
prindrent. et ainsy il feust mené à terre et mis en prison, et cepen-
dant ledit navire s'en ala. dans le([uel restèrent les lettres que le
consul de Salle luy avoit baillées pour Sa Majesté et Son Esmi-
nence. Et pendant le temps de sa prison, il feust Aizité parcpielques
marchans, qui luy dirent qu'ils feroient ce que pourioient pour luy
soubz main, et qu'il se feignit pauvre et nécessiteux, que. sy on des-
couvroit qu'il feust homme de comodités, on le detiendroit pour en
avoir rençon, autremant (juon le laisseroit aller. Or. a\aiit crouppy
dans ceste mizere deux mois ou environ, le quinziesme jour d oc-
tobre feust reslaché, voyant que personne non lenoit compte.
Et le mesmc jour il s'embarqua sur un autre navire anglois. luy
ayant esté détenues lesdites jilumes de valeur de plus de trois cens
escus, et passa à Londres, où il Iruva navire, retu'a du précédant
navire les lettres de Sadite Majesté '. cpi'il avoit donnés en garde à
un canonnier dudit navire.
Ledit Marges dit que, en attendant son passaige audit Londres
|)our France, il vist recebvoir un ambassadeur* que le roy de Mar-
1. La guerre existait entre la l'rance et Abdallali. Portugais d'origine, il fut enlevé
l'Espagne depuis i635. à l'âge de huit ans et vendu comme esclave
2. Des marchandises. Entendez: des mar- au Maroc. Il devint l'un des favoris et con-
cliandises françaises. seillers les plus écoutés du Chérif. 11 vint
3. 11 s'agit des lettres adressées à Louis en Angleterre comme ambassadeur, à bord
XIII par le vice-consul de Salé, dont il a du navire commandé par ^\ . Rainsborough
été dit plus haut qu'elles restèrent dans le cl en compagnie de Robert lilakc. Il fut reçu
navire anglais. en audience solennelle par le Roi le 1 5 novem-
4. bn ambassadeur: le caid Djoudor ben bre 1637. Il repartit, ainsi que Robert Blake,
liEI.ATION IIE JKAN MARGES 5^7
r(i([ (inoNuil au roy il Aiigictcnc, cl csloil lorsijue luy leust dduuc
audience. Ledit ambassadeur, ayaiil salué le roy d'Angleterre, luy dit
qu'il le prioit de la part de sou incslrc de luy envoyer six navires
pour avec(| iccux aller ri>prendre le cliasteau de Sainte-Croix à Sidv
Aly. et le suplioit de dellendre à ses subjelz daller traitler aucun
négoce avec ledit Aly', afliu (juils ny poilcnl. ((nniiie ils ont
acoustumé, de mutntions de guci're. A (piov leust respondu par
ledit rioy qu'il y advizeroit et luy donneroil responcc.
De plusdit qu'il a apprins de la bouche du viz-admiral" de ladite
esquadre angloise et de quelques gens de la suilte diiilil ambassa-
deur, que le roy de Marroq avoil commendé audit gouverneur de
Salle d'armer eu guerre contre les Fi'ançois, et qu'ils avoient desja
six navires prests à mettre en mer, loi's de leur despart.
Dit aussy ledit Marges estre très-verilablc (pic les Auglois Ji'oul
pi'ins aidcun navire de Alores pendant que leur llotlc a demeure en
rade, ny biiislc aucun dans leur port, d'aulanl ([ue les navires es-
toicnl trop pesents pour garder (pie les navires n'entrassent et sor-
tissent, quand bon leur sembloil. dans la rivière; tous leurs pro-
grès ayant esté d'avoir fait eschouer un navin; de vingt-deux pièces
de canon dudit Salles à Fadalle. lec[uel cscbou(' leur fist leste, avant
mis quatre pièces de canon sur la penissulc dudit Fadalle ', d'oîi ils
gardèrent l'abord des Anglois. Ledit navire, s'esehouant, s'ouvrit et
perdit, mais lesdits Anglois ne s'en prevalcuicnl point, mesmes le
canon demeura nié et y est encores. Et ainsy, après avoir demeuré
plus de six mois à la cosle et fait de grandz fraix pour rentrelien
de deux remberges de tranle-huil pièces de fonte verte chacune,
le 3i mai 1 038, avec la flotte de Cartercl.
Charles I'^'' autorisait le Cliéril" à requérir
l'assistance de celte flotte contre ses sujets
rebelles. Cf. i''' Série. Angleterre, le récit
de la réception de l'ambassadeur marocain
à Londres, ifi,')^; \t! Journal dr Hobcrl lilnlcc,
3i juillet i638-5 janvier i63y.
I. Le commerce des .Vnglais avec les
habitants du Sous provoquait le mécon-
tentement des Chérifs. Robert Blake, en
itj38, encourut pour un temps la dis-
grâce de Moulav Miili;nnrned (rch-Cbeikh fl-
/l.sTf^/i/r. à ipii l'on avait signalé la présence
dans les eaux d'Agadir d'un navire mar-
chand anglais. Cf. /''' Série, .\nglelerre.
Journal de li. lilake. 1C39. V. également,
ci-dessus, p. .'ii/i, l'article V du traité du
2I1 septembre i63i, interdisant aux Fran(;ais
tout commerce avec Sidi ,\li.
À. Du viz-admiral : le capitaine George
Carteret, vice-amiral de la Hotte comman-
dée par W. Rainsborough.
3. Sur la péninsule de [""cdala, V. i'''Sé-
rif. Pavs-Pas, t. Il, p. 28a, note 3.
548 FIN 1687
et do dL'ii.v iiaviics iiiarcliaiis de liriile pièces de l'er chacun, et
de deux pinasses de quatorze pièces, ipii Icui- apdilc une despense
fort grande, ils s'en sont retournés avec Icursdits caplils'. Toutes-
lois, on tient (jue c'est une compagnie formée pour ce pais-là qiu a
paie ladite despense ^.
Ce que semble audit Marges se pouvoir laiic pour
retirei' ledil consul cl les caplds.
Qu'il plaise à Sa .Majesté d cnvoirr cpialre navires cl deux pa-
laches légers armés en gueire au devant tludit Salles somiuer le
gomerneur dudil lieu de rendre les caplifs et, au cas ne les veuille
point rendre de gré, se joindre à ilamcl Layache, morabite rezi-
danl audit Sallés-le-Vieux, qui les tient cucores assiégés el (pii a juré
sur sa loy (ju'il ne quitera point ledit siège qu'il n'axe prins ledit
Sallé-le-Neuf et le chasteau. Et, pour parvenir à la prise dudit Salles,
se faire bailler des hostaiges, moyenant quoy sera mis des gens à
terre intelligens. tant poui'bruUer lesdits navires dans la rivière que
pour prendre ladite ville et chasteau de Sallésde-iNeuf, qui sont de
fort facille accès, ce que les Anglois nont hosé entreprendre, pour ne
desplaire au roy de Marroq, près duquel ils avoieut un agent qui est
marchant^ et autres marchans residens audit païs et qui ont touttes
les fermes dudit roy de Marroq, qui en auroit pourté la folle en-
chère. Et aussy ledit gouverneur estant pressé, infaliblemant il ren-
droit lesdits captifs. Et, sy Sa Majesté vouloit avoir recours au roy
de Marrocq, il y a deux reniés françois affectionnes au service du
1. Ces rcfleïions de J. Marges sur le peu pany. s'était formcc en .Angleterre an
de dommages inQigé aux pirates par la flotte commencement de i038 et avait ctioisi pour
anglaise sont confirmées, dans l'ensemble, agent principal Robert Blake dont elle
tout en paraissant e.vagérées, par les lettres escomptait l'innucnco auprès du Chérif.
de W. Rainsborough et de G. Carteret qui V. ;'<■ Série. .Angleterre, année i638,
attribuent, eux au.ssi, leur impuissance, au piissim. 11 ne parait pas que cette com-
manque de navires légers. Cf. /''' Série, pagnie ait existé en lù'S-j ni que par consé-
Angleterre, avril-aovit lOS'y. quent elle ait pu prendre part aux dépenses
2. Une nouvelle compagnie pour le com- de l'expédition de Uainsborougb.
inercc du Maroc, Tlie i\'ci.ve liarbnry Coin- 3. Lnai/en/i/ui cf/macc/ion/. RobertBlake.
UELATION DR .lEW M\K';K,S Ô Ic)
l!(iv Tirs-l lliri'sliiMi. I 1111 iininmé Moral Fiaiii^-ois ' , natif de Marceillc,
i|iil c^t maiiilt'iiaiil j^raiid l)asclia et gênerai de son année, cl l'aulre
iioniiiu'-ralcaïdc lloltnaii. nalifdAgdo en Languedoc, gouverneur de
Sallls. les(|uelz peusenl l)eaiic()ii|) près dudit lov, despuis qu'il est en
règne, qui |)ourroienl beaucoup aidera 1 aeoiiiodeniant dudil affaire.
Iceluy Marges supplie Irès-liumbletnent Sadite Majesté et Son
Esminence qu'en eonsideraiion des sei'vices ipiil a iciiilus aux
pauvres captifs siii)jets de Sadite Majesié, à cause tics maladies et
blesseres doiil ils ont estes atteints pendant son séjour audit lieu de
Salle, oi'i il a employé, tant en leur nourriture que medicamans,
outre ses soiugs, presque loul son bien, d'autant (pie. lors qu'ils
estoient malades, les patrons desdits cajitifs se desebar-geoieiit sur
luy de leur nourriture, disans que, encorcs qu'ils mourussent, ne
s'en soucyoient pas, parcequ'ils avoient bonne caution, etparainsin
ne perdroiciil rien, ce cpie luv relouriie à un Irès-graiid domaige
etinterest; el non seuleniant cela, mais aussy les autres pertes qu'il
a reeeu, venant lru\ei' Sadite Majesté, les prisons qu'il a souffert
et perte qu il a l'ait à ladite ille de Madère, et la despence qu'il laira
à se conduire à Marceillc et qu il l'ail encores. attendant la responce
fpi'il plairra à Sadite Majesté de faire audit consul', laquelle il a pro-
mis luy faire l(>nir par la correspondance C|ue ledit Marges a en
Angleterre, il plaise^ à Sadite .Majesté luy octroyer lellrcs de mes-
trise pour pou\oir [iraticquer sa vaccation de cliirurgien dans ladite
ville de Marceillc. lieu de sa naissance, sans estre subjet à passer
])ar les formes ordinaires (jui se f)bservent en ladite ville, qui se font
avec de grand/, fraix, lesquels il ik- pourroit supporter pour avoir tout
consommé audit voyage. Et il priera Dieu pour la prospérité et heu-
reux progrès des armes de Sadite Majesié. continuation de la bonne
conduite de Son Esminence.
Très-liumble et obligé subjel.
Signé : Marges.
Archives des .[(/aires Elran'jh'es. — Maroc. — Mémoires et Documents.
Vol. •:,//. 6.'j-lj:t. — Orir/inal.
I. Sur eu jK-r-^umingc. cf. ci-dessus, 3. Kntendrz : Iccluv Marges supplie trt's
p. ^5ï, note !. liumhlement Sadite Majesté et Son Esmi-
'(. \ii flil ron.'iiif : Gaspard de lîat<liti. vice- nence rpi'en consi<!(Talion des services
consul h Salé, tioiumé par André l'rat. il plaise à Sadite Majesté
55o !i MAI i638
xcv
LETTRE DE LOUIS XIII A BELLIÈVRE'
Le Cher if ferait demander à Charles I" des vaisseaux pour courir sus aux
navires français et hollandais qui font du trafic au Maroc. — Bellièvre
fera à ce sujet des représentations au roi d'Anf/leterre.
Compiègne, 4 mai i638.
Suscriptiun : A Monsieur de Bellievie, conseiller en mon conseil
d'Estat el mon ambassadeur en Angleterre.
Monsieur de Bellièvre,
Aucuns de mes sujecls, ncgotianls vers la cosle de Barbarie, m ont
fait entendre qu'ils ont eu avis que le roy de Maroc a envoyé vers
mon frère le roy de la Grande Bretaigne' pour luy demander des
vaisseaux armés et fournis dbommes qui, soubs lestendart dud.
roy de Maroc, facent la guerre aux vaisseaux françois et boUandois
qui trafïîquent en lad. coste. Sur quoy vous ferés entendre à mond.
frère le roy de la Grande Bretaigne que je ne croy pas qu il voulust
se laisser porter à faire cliose contraire à la bonne amitié et intelli-
gence qui est entre les deux couronnes, comme scroitune telle hos-
tilité contre mes sujects, Ijien (|ue soubs le nom dud. rov de Maroc,
les mauvais desseins duquel, s il se trouve qu'il en ait à lesgard
1. I^ompone de Bellièvre, seignour de Bellièvre, premier président au parlement
Grignon, conseiller au parlement le 22 de Paris en i66i. Louis XIII lui confia suc-
février 162g, maître des requêtes le iC août ccssivement les ambassades d'Italie, des
1 63 1, président à mortier en novembre 1(3^2 Provinces-l nies et d'Angleterre.
par la démission de son pire Mcolas de 2. Sur cette ambassade, V. p. 54(5. note 4-
LETTRE DE LOUIS \III A BELLIÈVRE 55 1
de mesd. sujects, j'estime que mond. frère ne voudroit pas favoriser,
ny de cette façon, ny d'aucune autre.
Sur ce, je prie Dieu qu'il veut ayt, Monsieur de Bellievre, en sa
saincte garde.
Escrit à Compiegne, le ni"' may i638.
Signé: Louis.
El plus bas: Bouthillier.
Bihliothbqae Nationale. — Fonds Jrançais. — Ms. 15 915, J. 113.
— Oriijinal.
552
q JUILLET I
638
XCVl
EXTIlAlï DLM' LKTTIii; A MM. UOZI-:;!:;, LK GENDRE ET C"'.
Arrivée à Sale du navire de Rozée, Le Gendre el (]". envoyé de Sa/i par
le Chéri f jxxir ravitailler la Kasba. — La lettre de Louis XIIl a été Javo-
rablement arcueillie par le Chérif, qui a mis en liberté plusieurs esclaves
français.
lîado de Salé, () juillet il)38.
En tête: De la rade de Calé, le ix' juillet 16,38.
Rouen par M" Rozée, Legendre et Compagnie.
En
vovee
JNous sommes arrivés icy avec nostre navire" que commande le capi-
taine Esmery, deCaen, parordre du roy de Marrocquc. apporter des
bledz à ungalcaïde' qui est assiégé par le Saint 'qui a pris le Vieil- Calé ',
dont il reussist ung grand bien , car par cette guerre civdle ils ont couUé
à fondz et bruslé tous leurs vaisseaux de course, et ne leur restoit plus
I. Sur Ira aulnurs tle la prcsento lettre
et tic la suivante, qui. dans tous les cas,
n'ont pu être écrites par les mêmes per-
sonnes, voici l'hypothèse qui semble s'adap-
ter le mieux aux deux textes. Jean-Baptiste
Le Gendre, venu au Maroc sur le navire
commandé par le capitaine Esmery, est
demeuré à Safi, tandis que le navire
s'est rendu à Salé, sur l'ordre du Chérif.
Il a écrit, par ce môme navire, à dos mar-
chands français qui se trouvent à Salé.
Ceux-ci envoient en France une lettre dans
laquelle ils font part des nouvelles que
leur a données Le Gendre et qui n'est autre
que le Document suivant (p. 554). Do leur
côté, dos agents de la maison Le Gendre,
qui sont à bord du navire du capitaine
Esmcrv, adressent à la dite maison une
lettre qui est le présent Document.
a. Robert Blake mentionne, à la date du
12/22 juin, l'arrivée d'un navire français
envoyé par le Chérif pour approvisionner
la Kasba. Cf. /" Série, .\ngletcrre. Jour-
nal de Bl'lce (.3i mai i638-5 janvier 1689).
3. hng alcoïde, Morat François. Sur ce
caïd, V. p. liât, note i.
4. Le Snint : Sidi Mohammed el-Ayachi.
j. Le Marabout avait toujours été maître
de Salé le-\icil. L'auteur de la lettre se
sert d'une expression impropre. G'étaitSalé-
le-Aeuf qui venait de tomber au pouvoir
des Hornacheros et par conséquent du
Marabout. V. supra. Introduction critique,
EXTUAIT DUNE I.ETTKl: A MM. H07.EE. LE GENDRE ET C
553
que trois barques de peu de dcfience. Dans ce renconlie, les navires
du roy d'Angleterre sont arrivez icy, qui ont ramené les ambassa-
deurs du roy de Marrocque', et, d'autant que s'ostoit vaisseaux de
roy", nous avons mis le pavillon bas, dont ils ont este contcns.
Les lettres que nous avons portées du Roy audit roy de Mar-
roque ont esté bien receues^, et a iesmoingné qu'il desiroit continuer
la paix, et a commandé de rendre en liberté les esclaves françois.
Neantmoins ils ne nous en ont rlcslivré que neuf'. Nous croyons
que le navire rochelois avoit lacliapté le surplus au précédant"; et
espérons estre en France vers la Toussainclz. n axans encorcs que
lamoictié de nostre carguaison"^.
Archives des Affaires Etranr/ères. ■ — Maroc. — Correspondance consii-
aire. Vol. I. — Copie du XV II'' siècle' .
1. Les ambassadeurs du roy de Marrocque: 4. 11 s'afilt ili^ ca|itifs a[i[iaili'naiil au
e caKlDjouderbciiAlKlallah ctRobcrlBlakc Cliûrif ctiion aux Salclins. V. m/r«,p. Ô5(|
(\ .SH/ini, p. .T^G, note i). La llottecomman- et note ii.
dco par G. Carleret jeta l'ancre dans la rade ô. Au précédant : il faut prohaljlomont
de Sale le g/ig juin i638. Cf. i''" Série, entendre: au prédécesseur du Clicrif actuel.
Angleterre, Journal de Robert Blake. 6. II faut rétablir : n'ayans encore i'c/k/h
2. Vaisseaux de roy, par opposition aux que la molctié de nostre carguaisou.
vaisseaux appartenant à des partie dicrs. 7. Cette copie et celle de l'exlniil ■•iii-
3. Ces dépèches de Louis \1II au Cbérif. vant sont delà main de P. Du Clialard
qui a\'aient été remises aux bons soins de Le qui les transmit au comte de (^liavi^nv.
Gendre, n'ont pu être retrouvées ni en secrétaire d'iitat. ^. infrn. Doc. \CI\,
originaux ni en minutes. p. 568.
554 lO JUILLET l638
XCVIT
EXTRAIT D'UNE LETTRE DE SALÉ'
Un navire de Le Gendre arrivé à Salé venant de Safi a apporté des nnuvellex.
— Le Gendre J ait savoir qu'il a été bien accueilli par le Chéri/. — Celui-
ci a donné des ordres pour que les Français trafiquassent au Maroc sur
le même pied que les Anr/lais. ■ — // a fuit mettre en liberté neuf esclaves
français.
[Salé], 10 juillet i638.
En tète: Du \' juillet iG38. — Receue le premier septembre à
Koiien.
Nous avons receu lettres du s' Le Gendre^ escriptes de la rade
de Saiy, qui a faict le voiaffe avec le capitaine Esmery, de Caen, par
lesquelles il mande que le roy de Marrocque leur a faict fort bonne
réception, et a iaict dire par ses alcaïdes qu'il veult entretenir la
paix faicte avec Sa Majesté.
Et, sur ce que les An glois nous' ont voulu empesclicr de trait ter des
maicbandises aud. lieu de Sal'y, à cause qu'ils tiennent les douanes
dud. Hoy', il leur a faict dire qu'il vouloit que les Français trafB-
quassent comme eulx et qu'ilz y fussent les bien venus. Et de plus
a faict donner neuf esclaves françois, et faict promettre que, s'il
reprent Calé, il donnera encores tous ceux qui y sont. Si bien que,
si Dieu luy faict cette grâce, ce sera un bon affaire de retirer tous
ces pauvres esclaves gratis. Nous esperonsqu'avant six semaines que
nous serons de retour, et nous raporterons plus amples nouvelles
de tout ce qui sera passé.
Archives des Afaires Etranqbres. — Maroc. — Correspondance consu-
laire, Vol. I . — Copie du xvu" siècle'.
I. Sur les autours et la date de lieu de français en général,
cette li'ttre, V. p. 55a, note i. 4. On se rappelle que Robert Blake avait
2 Jean Baptiste Le Gendre. V. hij'rn. supplanté les Pallache dans la ferme des
p. 588. douanes. V. p. 543, notes 2 et 3.
3. Aoui", c'est-à-dire ; les marcliands 5. V. p. 553, note 6.
LES ORDRES REDEMPTEURS ET LE? CAPTIFS CHRETIENS AL" MAROC
.00
LES ORDRES RÉDEMPTEURS' ET LES CAPTIFS CHRÉTIENS
AU MAROC
I>Tni)ni r.TioN ciiitique.
Le Maroc, réfrartairc à toiilc ('vangi'lisation comme tous les pays islamiques,
resta néanmoins pendant quelque temps le seul évèclié de l'Afrique du Nord-.
L'avènement des chérifs vint détruire l'organisation hiérarchique de celte église.
A défaut d'apostolat chez les pcujjles musulmans, deux ordres se créèrent pour
y opérer la rédemption des captifs cliréliens : celui de la S" Trinité, institué
en 1 198 par S' Jean de Matha, a\cc le concours de S' Félix de Valois, et celui
de Notre Dame de la Merci, qui eut pour fondateur en iai8 S' Pierre de No-
lasque. aidé de S' Ravmond de l'enalorl. Les religieux des deux ordres furent
appelés abréviafivemenl Trinitaires-* et Mercédaires '.
Aux termes de leurs statuts, les Trinitaires devaient consacrer le tiers de
leurs revenus au rachat des captifs. Un de leurs premiers voyages de rédemp-
tion fut celui qu'ils (Irent au Maroc en 1 199, sous le règne de l'émir almohade
\akoub el-M(in$our (i i84-i 'i.)9)- où ils rachetèrent cent quatre-vingt-six cap-
tifs". Mais la stricte observance de la règle alla en se relâchant avec le temps ;
des staluts de plus en plus adoucis la rempl.u'irent cl le prélèvement du « tiers
1 . Cf. !^. Dksl.v.ndres, L'nnlredes Trini-
taires ; Lato.mt, Ilist. de In fondation de
l'Ordre de N. D. de In Mercy ; Hist. de.
l'Ordre de la Mercy (1691) ; Bernardin dl
S' .\ntoixf., ICpilome generuliiim rcdempiui-
niim ; Le Miroir di; la charité citrclienne
(i663). — En dehors des ordres rédemp-
teurs proprement dits, les divers rdigicux
qvii vinrent au Maroc : Franciscains, Augus-
lîns, Dominicains, Lazaristes, elc. s'occu-
pèrent, i l'occasion, de racheter des captifs.
2. Cf. supra. Introduction critique, Les
Chrétiens au Maroc, pp. 98-98. — En 12/1O
Innocent IV l'crivait : « Sane Marrochi-
tana ecclesia sola et unica in parlibus ipsis
(illa Iloniana; Ecclesiaî ». (Apud Mas-
LATiuh, Hclations et commerce de l'Afrique
septentrionale ... avec les nations clirétiennes
(1886), p. 32C. On considérait alors l'évo-
que de Merrakech comme le chef unique
du christianisme dans le Maghreb. Ibidem,
p. 227.
S. (}n les appelai! en 1,-ilin u Eralres
ordinls Sancla^ 'l'rinitatis et redempllonls
captlvorum ». On trouve aussi les expres-
sions : « fratres de asinis, ordo asinorum »,
et en français: « frères aux Anes », qui leur
étaient données à cause de leur monture.
4. On les appelait en latin « raercenarli »
et, pour éviter un trop facile jeu de mots,
on avait adopté en français la forme « mer-
cédaires ».
5. Cf Mas-Latrie, pp. i3o-i3i ; Des-
LANDHES, p. 331.
556 INinoDlTTroN CIUTIOUK
des captifs « cessa d'être opéré régulièremenl dans un ciand nombre de cou-
venls. L'ordre qui. selon le but principal de son institution, aurait dû nor-
malement se développer dans le midi de la France, sur les rivages de la Médi-
terranée où sévissail la piraterie turipie et barbaresque, prit sa plus grande
extension vers le nord où ne pouvait sollrir à lui aucune occasion de racliat.
Lccouventde S' Malhurin de Paris finit même par prendre l'importance d'une
maison-mère, et le nom de Malhurins en resta à tous les religieux de l'ordre.
Aussi les rédemptions de captifs opérées par les Trinitaires furent-elles très peu
nombreuses ; c'est a peine si l'on en relève quinze avant l'année 1600, et,
sur ces quinze, cinq au moins furent opérées dans le rovaumc maure de Gre-
nade.
Les Mercédaircs, bien f[ue leur fondateur fût français, avaient pris nais-
sance dans le royaume d'Aragon, et ce fut en Espagne que l'ordre eut son
développement initial. Mais la péninsule devint bientôt trop étroite pour leur
zèle et ils franchirent les Pyrénées, s'établissant dans le midi de la France, où
l'insouciance des Trinitaires leur laissait le champ libre. Au xnT siècle, ils
avaient fondé une maison à Toulouse. Des rivalités qui s'étaient déjà produites
en Espagne ne tardèrent pas à s'élever en France entre les deux ordres à l'oc-
casion des quêtes. Ralentie pendant le cours du xvi'' siècle par la guerre entre
l'Espagne et la France, l'expansloii des Mercédaires reprit avec la paix de \ er-
vins (iSgS). Ce conilit devint alors aigu et les Trinitaires en appelèrent à la
justice. Ils faisaient aux Mercédaircs un grief capital de leur origine espagnole
et réclamaient pour eux seuls le droit de quêter en France. Les Pères de la
Merci rap[ielaien( ((ue les Trinitaires s'étaient désintéressés presque partout du
rachat des captifs, cjui n'était pas d'ailleurs l'unique but de leur institution'.
Eux, au contraire, ils avaient été fondés pour ce seul objet et un vœu spécial
les obligeait même à rester en otages pour faciliter les rédemptions. Un arrêt
du Conseil rendu le 1 i septembre lOio régla la contestation : le droit de quê-
ter dans toute la France pour les captifs fut reconnu aux seuls Trinitaires, mais
on accorda aux Mercédaires l'autorisation de quêter « dans les endroits de
France » où ils auraient des couvents, à la condition de ne « divertir ni mê-
ler >) l'argent provenant de ces quêtes avec celui destiné aux rachats qu'ils fai-
saient pour l'Espagne'.
Cet arrêt, favorable en apparence aux Trmitaires, puisque les Mercédaircs
n'avaient en France que la seule maison de Toulouse, devint cependant le
point de départ de la fortune de ceux-ci. Protégés par la régente Marie de
Médicis, ils s'installent à Paris en i6i3 dans l'hôtel de Braque et acquièrent
par là le droit de quêter dans cette ville. Les expéditions du Maroc viennent
leur fournir une occasion de déployer leur zèle et de justifier le patronage
I. La rpglc des Trinitaires prescrivait fin et vin tiers aux hôpitaux,
consacrer un tiers des revenus à l'entretien 2. Cf. Bibl. Nat. Faclum Ld^-', n"' (j.
des religieux, un tiers au radial des captifs 12 et i3.
I.FS oliOUFS UKnFMPiriHS F.T LE? CAPTIFS CHRKTIENS Al MAItOC ,1.)-
royal clonl ils lUiIoèiI l'oljjot. En 1G29, le P. Dntliia ' accom[)ai,'ne l\a/ill\ et
Du ClialarJ et reste au Maroc après leur départ ; il iic rciilic en l''raiur i|uVn
l()3o a\cr cinquante caplil's qu'il ramène en trionqiiie.
Le retour des captifs raclietés était toujours, en cU'et, l'occasion d'une l'été
éminemment populaire. Les religieux rédempteurs faisaient déliler les captifs
processionneilement avec une mise en scène des plus suggestives ; exhibition
de chaînes, d'instruments de supplice, figuration d'anges, etc. Le convoi se
rendait par étapes à Paris et même au delà dans les provinces dont les captifs
étaient originaires. Les processions se renouvelaient au passage dans cluuiuc
grande ville. Cet appareil et celle pompe avaient un but pratique, celui d'exci-
ter la charité des populations en fa\eur des captifs c rcsiés sous le faix d'une
persécution cruelle cl luiquesquc. » La (été se terminait d'ailleurs par un scimon
de rédemption fait par un [>rédical('iir choisi qui se chargeait d'exploiter l'émo-
tion de son auditoire-.
Pifpiés au \if par le succès des Mercédaires, 1rs Trinilaiii's. ([ui u'avalenl pas
l'ait un rachat di'puis iGo-l ■', prennent la résolulioii d'agir. Le chapilre géné-
lal tenu à CcrIVoid le K) mai il)3i décide l'envoi en iîarharie des PP. Dan '■ et
Escollié. Ceux-ci rachètent à Tunis en id^îô qnaranli-ilcux eschnes Iranvais,
qui, ramenés avec la pompe habituelle de Marseille à Paiis. l'onl Icui- euirée
solciuiellc par la porte S'-Antoine le 20 mai i(i3.") '.
Mais les événements qui eurent lieu au Maroc celle même a'iinée iG3ô précipi-
tèrent la crise entre les deux ordres rivaux. Le chef d'escadre Du Chalard, envové
à Salé pour négocier la confirmation de la paix de lO.'ii, se laissa apitover par
les soulTrances des malheureux captifs. Il ne disposail |)our effectuer leur rachat
(|ue d'une somme de vingt mille livres, dont dix mille avaient été fournies par
le Roi ', et dix mille avaient été avancées par lui-nièirie, de ses deniers, sur
une promesse des Etats de Bretagne ^ .Néanmoins Du Chalard prit sur lui de
raclieter deux cent quinze captifs pour le prix de cent six mille deux cents livn^s*,
1. Sur lo P. cJ'Alliia, \ . siipni. p. 873,
nol(! 4.
2. Sur les processions des captifs, V. P.
Dksla.ndkks, Op. cit., pp. 3y,'i-4oo ; on
trouve de nombreuses plaquettes donnant
« l'ordre et la marche » de ces processions.
Cf. Ilibl. .\iU.. à la cote I.d".
3. (j'est du moins ce que prétendaient
les religieux de la Merci. Cf. Bibt. Mut.
Ld" 9, p. 9.
/i. C'est à la suite de ce voyage que le
I'. Dan écrivit son ouvrage Histoire de
liarbarie et de ses corsaires, dont lapremiire
édition est de 1687 et qui fut publié pour
soutenir les prétentions des Trinitaires ; il
figure parmi les pièces justificatives pro-
duites à l'appui (le leur licuiainle. \\ itij'ni,
p . at'ii, note 3.
."). Cf. Dan, pp. 6,'i-68.
(i. V, siiprn, p. 509.
7. :\rch. d'Ille-el-Viiaine. — (] viGâi,
rieg. des délibérations des Etats itjsfi-id.'i^,
pp. Ojo-Cyi. — La délibération fut prise
le 1^ décembre lt)34 et il fut décidé que
celle somme de dix mille livres serait déli-
vrée « à celui qui sera envoie par Sa
Majesté en l'année prochaine». Cf. infnt.
Doc. CXXIV, Arrêt du l'nrlemenl de l'tiris,
du 7 juin if)53, p. f'iGC).
8. Sur le nombre des captil^ rni> in
librté et sur leur rançon, V. ivi/jni. p. '|i|i,
note i et p. ôo3, uule 5.
558 IMIiDlUCTlON cmiKlUK
se procurant la soin me qui lui niaïujiiail par la vente des marchandises du vaisseau
« la l'crle ' ii et par un emprunt contracté aux marchands -. 11 ht plus, il s'engagea
à racheter les trois cent trente-quatre esclaves français qui restaient encore à Salé
pour la somme globale de cent quatre-vingt-cinq mille cent deux livres, payable
à la lin d'aviil iG3G. Moyennant cet engagement, ces esclaves lurent mis en
liberté sur place, continuant de travailler au bénéfice de leurs patrons '.
On fut l'ort irrité en France en apprenant la conduite de P. Du Chalard. La
guerre venait d'éclater avec la maison d'Autriche et absorbai! toutes les res-
sources. Du Chalard l'ortenieut i)làmé l'ut mis à la Bastille pendant quelque
temps. El non seulement ou ne voulut pas paver la somme de cent quatre-vingt-
cinq mille cent deux livres cju il s'était engagé .'i acquitter h la lin d avril i63(î,
inais encore on relusa de rembourser les fonds qu il s'étail [irociirés par emprunt
pour la rançon des captifs qu il avait rachetés aux Salétins et ramenés en France ;
il lut plus tard condamné à rembourser cet le avance de ses propres deniers'.
Cejiendant la cour de France ne |)OUNait honorablement exposer les mal-
heureux Français captifs à Salé aux cousé(|ueiices de l'inexécution de l'engage-
ment souscrit par Du Chalard ; cette inexécution devait d'ailleurs entrahier la
reprise des hostililis par les pirates salétins. On résolut de faire appel à la
charité publique et on lit choix, comme intermédiaire, de l'ordre de la Merci,
alors très en faveur à la Cour, et qui venait d'effecluer sous la direction du
père d'Athia sou premier rachat d'esclaves fait au Maroc à litre français.
Mais, comme les quêtes des Mercédaires à travers la France étaient une opé-
ration de longue durée qui ne pouvait être terminée pour la fin d'avril i(J3(J,
date où expirait le délai imparti à Du Chalard, le cardinal de Richelieu s'em-
ploya tout d'abord à gagner du temps. 11 écrivit à son représentant en Pro-
vence le commissaire delà marine Claude Luguet" de faire partir un émissaire
pour Salé. Ce dernier était porteur de lettres de Louis XIH pour le gouverneur
de Salé, Abdallah ben Ali el-Caceri, et le vice-consul de France, Gaspard de
Rastin, demandant que le délai pour le versement du prix des captifs fût pro-
rogé à la fin de l'année i6,S(3. La barque envoyée par Luguel arriva à Salé à la
fin de juin 1636°; les Salétins accordèrent ce cjui leur était demandé.
1. V. supra. Duc. LWWII, p. 5i8. 'GUq), était « Conseiller du Roi et Commis-
2. V. supra, p. 5i0, et infra, p. 571. sairc général de la Marine, mortes payes,
3. V. supra, p. 537. réparations et fortifications de Provence ».
!\. Du Chalard réclama aux États de Richelieu lui avait donné le 1 5 octobre 1637
Bretagne en i65i une somme de 43 48i une procuration très étendue pour le repré-
llvres 2 sols, prix payé par lui pour le senier en Vroyencu. Arch. Dép. des Bouclies-
rachat de 97 captifs originaires de la Bre- du-Rhône. Amirauté, ftcg.dcs Insinuations
tagne. Les Etats ne voulurent rien rem- ( i(i32-i6y4). /■ 4o(j. Claude Luguet fut
bourser, en surplus des loooo livres votées assassiné le It octobre i63() ; son lils François
précédemment et d'une nouvelle somme de lui succéda dans sa charge. Ibid.. f. 4'^4 »"■
3 000 livres. V. infra. p. 6G/i. 6. V. supra, pp. àaS, note 5 et 537, Il n'a
5. Claude Luguet, bourgeois de Mai- pas été possible de trouver dans les .Irr/iiucs
seille (\ . 2' Série. France, lidaliou Prat. Dépnrlemenlales des Bouches-du-Blnhie la
ES OUDRKS HI'mMPTia US ET I.PS CAI'TIFS CIlUl. Il F.NS M MAHOC .).>()
Le a8 mars lO^G avaient (Hé rendues les lettres palenles du Koi (■li;ii;;('anl
li's MiTcédaires de « se transporter en tous lieux pour (|uester » pour le raelial
des esclaves restés à Salé'. Le -2^ juillet ce privilège leur l'ut conliriné par un
arrêt du Conseil portant que « tous les deniers qui sont en nature donnez clia-
rilablemenl pour le raeliapt des esclaves» seroienl remis aux .Mereédaires, pour
être employés « au raeliapt et payement des rançons des esclaves (pii sont à
Salé... par préférence à tous autres ». Mais les ïrinltaires l'uiieux avaient pris
les devants et organisé des quêtes dans toute la France. Quand les Mereédaires
(irent leur tournée, ils ne Irouvèrent plus rien à glaner'-. Kn outre le P. Louis
Petit, général de l'ordre de la Trinité, s'appuvaiit sur l'arrêt du i i septembre
itiio'', poursuivit les Pi*, de la .Merci devant le (joiiseil privé. L'arrêt (ut rendu
le 0 août i(j.3S'*: il partageait la France en deux régions où le droit exclusif de
quête était concédé respectivement aux Trinitaires et aux Mereédaires. (^et
arrêt, confirmé par ceux du 5 août [G:^^ et de juin iG.'»), régla la situation
des deux ordres, qui vécurent par la suite en assez bonne intelligence '. Ils n'ef-
fcctuêrentd'ailleurs qu'un petit nombre de rédem|)tions au NLiroc, où l'on voit
surtout leurs confrères espagnols occupés du rachat de leurs seuls nationaux.
Quant aux trois cent tn'ule-(|ualre captifs français laissés à Salé l'u iG.'iô. il
appartenait aux Trinitaires, qui en i G3G avaient recueilli l'argent des quêtes
organisées pour ce radial, de se charger de cette opération. Le nombre de ces
captifs avait considérablement diminué: vingt -cinq s'étaient évadésen iG36'';
trente-cinq s'échappèrent en iG.'^-j ■ ; en juillet iG.'iii, pour diverses raisons, il
n'y en avait plus à Salé que cent cinquante" cl ce iioiiibrc dut diminuer
encore par suite des décès et des évasions. En iG/|;! le V. IJscollié cnvové à
Salé par les Trinitaires réussit à en racheter quarante et un". En iG.")'! les
PP. Nazare .\nroux et Jean Héron en délivrèrent quarante-trois'". II ne resta
plus à ce nioiuent de caplils français à Salé".
Les conllits entre Trinitaires et Mereédaires portés devant le Con.'ieil du Iloi
en raison de ses attributions judiciaires obligeaient la Cour à intervenir dans
les questions de rédemption des captifs. Mais cette intervention ne se bornait
pas là. Les religieux, qui avaient besoin de l'aulorisalion du Roi pour cm-
tracc de cette mission secrète confiée par pj). 35(i-373.
Claude Luguel à un de ses agents. fi. V. ci-dessus, //c/uii'un i/c Jean Manjcs.
1. Les lettres patentes du 28 mars lù'Si'i. p. 007.
non plus que l'arrêt du 2ii jiiillcl, n'ont pu 7. V. ihiilcm. p. TjSij.
être retrouvés, mais l'arrêt du 0 août i038 S. V. iiifra, p. ,589.
en reproduit la partie essentielle. V. inj'ra. 9. V. inj'ra. Doc. (dL p. ûqj.
pp. 5(j3-â64. 10. V. inj'ra. Doc. (A\V. p. 608.
2. Cf. Bibl. Nat. l'aclum Lit'"' ij. p. :>. 11. Il en restait en assez grand nomlire .'i
3. \ . supni. p. 5j(). Tétouan, \ . inj'ra, pp. (175 et (177. Quant
4. \. inj'rii. des extraits de cet arrêt, à ceux a])|iartenanl au Cliérif, ils devaient
Doc. XCVllI, pp. 5(i3-5()7. être peu nombreux ; les neuf derniers
5. Sur la querelle entre les Trinitaires furent mis en liberté en juillet l638. V.
et les Mereédaires, V. P Dksla.nukes, t. I, Doc. XCVI, p. 553.
'){]() iNTiioni CTiON cnrnoi r
porter au delior.s l'aryen tel les mai cliaiidises nécessaires au railiat, (levaient égale-
ment s'adresser à la Cour pour obtenir la délivrance des Maures détenus sur les
galèresde France, une rédemption comportant presque toujours au Maroc comme
opération préalable un échange de cap tifs ' . C'était même le seul mode de libération
admis par la France dans les négociations diplomatiques, car le lioi estimait
qu'il n'était pas de sa dignité de discuter avec le Cliérif un prix de rançon '.
Si les ordres rédempteurs avaient besoin delà Cour, celle-ci, de son côte,
était parfois heureuse de recourir à leurs services pour faire des rachats de
captifs en sauvant la face. Le Roi allacbait une grande importance à ne pas
laisser en captivité les gens de mer, voiliers, callals, pilotes, etc. qui, néces-
saires à notre marine, pouvaient être utilisés contre elle par les pirates. On
espérait en outre que les matelots, voyant le souci que prenait le Roi de les
faire racheter, iraient à la mer avec plus de confiance et de hardiesse et embar-
cjueraient à meilleur compte '. La Cour, en pareil cas, remettait aux religieux
rédempteurs des fonds qui complétaient les aumônes que ces derniers avaient
recueillies dans leurs quêtes.
La condition des captifs chrétiens, fort dilTéreiile au Maroc de ce qu'elle
était dans les régences barbaresques, rendait fort dillicile la rédemption dans
le premier de ces pays. Les Chrétiens pris par les pirates et amenés dans
les régences étaient vendus sur les marchés, ils devenaient la propriété pri-
vative de leur maître et étaient dans 1 acception du mot arabe des esclaves
« abd » Juc ou « niamelnuk » IJ.liT. Ils résidaient prescpie exclusivement dans
les villes de la cote et n'étaient transportés qu'exceptionnellement dans l'inté-
rieur des terres. Us faisaient le service personnel de leur propriétaire, travail-
laient dans sa maison ou à son jardin : leur condition était plutôt dégradée cpie
malheureuse. .Vu Maroc, au contraire, les prisonniers chrétiens appartenaient
de droit au souverain comme tout butin (ghenima Â_Jc-) fait à la guerre; ilj.
n'étaient pas vendus sur les marchés comme esclaves et on ne leur donnait
pas ce nom ; on les appelait el-.\ssara (_gjL-Vl (captifs, prisonniers de guerre).
Légalement, ils n'auraient dû être employés cju'au service de l'Etat ou au ser-
vice privé du souverain, qui pouvait les donner ou les échanger contre d'autres
captifs. En réalité ils étaient chargés de toutes sortes de travaux : ils fabri-
quaient la chaux, faisaient des terrassements, mais leur occupation la plus
habituelle et la plus fastidieuse consistait à fouler en cadence l'argile dans les
constructions en pisé (toub i_j J»)'. La condition de ces captifs, plus dure que
celle des esclaves chrétiens dans les régences barbaresques, n'était pas cepen-
1. C'est ce qui so passa avant l'oxpédi- 3. V. Doc. LXWII, pp. 5o3 cl 5o4.
lion (le Du Chalard <;n \6'iô. V. pp. iSi, !i.C(.3.)iloRGXs,Hist desEtalsBarbares-
482, i8.") cl 310. lyues... Traduction L.vuGiER DE Tassy, t. Il,
2. V. p. 1 '|(,) ft nolo 3. pp. 25ii-255el278;D. BusNoT,pp.i55-i56.
LES ORDRRS nKnEMPTKUtîS ET LES CAPTIFS C1IHÉT1E>S Al MAIiOC ."iHl
(lanl aussi lamentable quon pourrait le supposer, d'après les récils de plusieurs
auteurs trop crédules qui ont généralisé des cas exceptionnels de supplices',
ou ont enregistré comme des injures intolérables tel propos peu clioisi dont se
servaient les surveillants maures. Le langage des gardes cliiournie n'est policé
dans aucun pays, et celui qu'on employait parfois au Maroc pour appeler les
captifs à l'ouvrage « j Vamos a Irabajo, cornutos ! Au tnnMil, cncus! - » devait
avoir son équivalent sur les galères du roi de France.
Les religieux rédempteuis ne pouvaient opérer au .Maroc ([u'eu tenant
compte de cette condition particulière des captifs clirétiens. Alors que, dans
les régences barbaresques, il leur sullisail (l'aller dans les villes de la cote où
ils traitaient de gré à gré avec les maîtres des esclaves, au Maroc, ils élaien
obligés de s'aventarer dans l'intérieur des terres pour rejoindre le Chérif à sa
mahalla ou dans la ville de sa résidence. Une fois là, ils devaient entamer une
interminable négociation avec la cour chériflenne. La rançon, après avoir été
débattue par tête, était fixée à une somme globale pour un nombre donné de
captifs ; ce prix était dû intégralement et ne subissait aucune défalcation pour
les décès et les évasions qui pouvaient survenir entre la signature du contrat
do racliat et le payement définitif, lequel, en raison de l'élévation de la somme,
était parfois à échéance de plusieurs années. Telle était au Maroc la manière
d'opérer pour les rachats des captifs. Dans la république de Salé, par contre,
les choses se passaient à peu près comme à .\lger et à Tunis; la condition des
Chrétiens capturés par les raïs et qui n'étaient pas envoyés au Cbéi'if y était
la même et leur rachat s'effectuait par des procédés analogues^.
En dehors des ordres religieux, quelques rachats de captifs se faisaient au
Maroc par l'entremise des négociants chrétiens élal)lis sur la cole*^. Mais ces
intermédiaires auxquels les Pères rédempteurs étaient parfois obligés de recourir
étaient très onéreux par suite des commissions élevées qu'ils prélevaient". En
outre leur probité laissait quelquefois à désirer : certains d'entre eux employaient
les sommes qui leur étaient confiées pour des rançons à leurs opérations com-
merciales; d'autres, en compte courant avec le Chérif auquel ils fournissaient
des articles européens, retenaient l'argent des rançons et le portaient au crédit
I. C'est cet état d'esprit qui a inspire les re.wyije.f. . . Trathictioii I-*l'gii:k dk Tassy,
gravures liorriliques qui illustrent l'édition t. Il, pp. 279-280.
hollandaise de l'ouvrage du P. Dan publiée 3. Cependant, môme à Salé, le racliat
en 1684. — Le 1'. Du Tertre, l'Iiislorien s'opérait souvent aussi pour une somme
des .■Vntilles, raconter que des « engagés » globale et le prix était fixé sous « pleige-
qui avaient été autrefois captifs en IJarbaric ment de la mort et fuite «. V. infra. Doc.
(c maudissaient l'heure qu'ils en estoient CI, p. .")8().
sortis », se trouvant beaucoup plus mal- /|. V. supra, Doc. \1X, pp. go-92, C'on-
lieureu.t dans leur nouvelle situation. trat de rachat de captifs, et Doc. XGVI,
Du Terthe, Histoire Générale des Antilles, p. .")").).
t. I. p. 81. 5. Cf. Bibl. Nat., Ms fr.. A'"" Acqui-
x. V. .1. MoBGAN, Hist. des Etats fiarba- silinns, I!s3/i.
De Casthies. 111. — 36
562 INTnODUCTION cniTiguE
de leur roval débitour. sans se préoccuper des captifs qu'ils étaient chamés de
racheter. Les Juifs eux-mêmes faisaient, pour leur plus trrand prolil, de la
« rédemption ». En 1637, Isaac Pallache passe un contrat avec les parents de
captifs marseillais qui promettent 17000 florins pour la délivrance de leurs
enfants, en plus du remboursement des frais divers'.
Quant au prix des rançons, il variait à l'infini, suivant la nationalité-, l'âge,
la santé, les aptitudes, les ressources présumées des prisonniers. Le prix d'a-
chat était aussi un élément dont il était parfois tenu compte dans la fixation
de la rançon. On a vu que les patrons salélins prétendaient réaliser sur
la vente de leurs esclaves un bénéfice de 4o pour 100^. Le prix de 200 à 3oo
livres parait avoir été une moyenne, au cours du xvii" siècle.
Parmi les captifs français détenus au Maroc il s'en trouvait qui appartenaient
à la religion réformée; ils étaient pour la plupart originaires de l'Aunis et de
la Sainlongc, dont la population maritime fournissait un grand nombre de
matelots. Catholiques et protestants ne faisaient pas toujours bon ménage dans
la « ségène », et, à l'occasion de l'exercice de leur culte, éclataient des rixes
violentes qui parfois obligeaient le Chérif à intervenir. Le Gendre raconte que
Moulav Zidàn, témoin d'un semblable conflit, lit bailler à chacune des deux
parties « cinq cens coups de baslon sur les fesses et leur lit défenses de se plus
quereller sur peine de la vie*. »
Les Eglises protestantes ne se désintéressaient pas du sort de leurs captifs et
des quêtes étaient prescrites pour les racheter. Les sommes recueillies étaient
remises soit à des marchands, soit même à des Trinitaires, quoique ces der-
niers, comme on peut le penser, n'apportassent pas grand zèle à cette mission.
En 1643, « les religionnaires de La Rochelle, écrit le P. Dan, avant advis du
voyage en Barbarie du Père Lucien, firent quelques poursuites pour trouver
de l'argent pour faire rachepter les captifs de leur créance, 6; le sieur Mestrezat-"
escrivit à ce Père qu'il feroit quester dans toutes les églises de France à ce sujet.
Mais ce Père ne voyant pas cet argent bien prest pour l'attendre, il se mit en
chemin pour Marseille''. »
I. Cf. Rijksarchief. — Hof van Holand. Godard a interprété d'une façon un peu
n° J2I. — Senlentien, n" 44' — i63j. tendancieuse en écrivant : « Les ordres
2. Les esclaves espagnols, dont beau- rédempteurs seront toujours une des gloires
coup étaient des forçats éctiappés des presi- de l'Eglise Ln pasteur de La Rochelle
dios, étaient estimés au plus bas prix. Maitrezal tenta une contrefaçon de cette
3. V. supra, ce que dit à ce sujet Du œuvre d'absolu dévoùment. » Godard,
Clialard, pp. 5o3 et 5og. Ilist. du Maroc, t. II, p. 50".
4. \. infra. Doc. CXXIX, p. 781. 6. Cf. P. Da.n, Histoire de Barbarie et
5. C'est sans doute ce passage que l'abbé ses Corsaires... Éd. i64g, p. iA4-
aurèï nu CONSEIL privé 563
XCVIII
AURÈT DU CONSEIL PRIVÉ
La France est partagée en deux régions on les Trinitaires et les Mercé-
daircs auront respectirenient le droit de (jucter pour le rachat des
captifs. — Les deux ordres pourront tjucter conjointement à Paris.
Paris, 6 auiM i638.
Entre fiere Louis Petit, ministre gênerai de l'ordre de la Sainte
Trinilé. demandeur en requeste du xwii'' janvier 1607 et défen-
deur, d'une part.
Et les provincial, commandeur el religieux de l'ordre M" Dame
de la Merci et Rédemption des captifs fondez en ce royaume, défen-
deurs en lad. recpieste du 27 janvier el demandeur en requeste ver-
l)idle lonteiiuc en l'appoiiietemeMl de rcglemcnl du m" juin 1637,
d'aiilie.
\ eu par le Roy en son Conseil :
Ladicte re([neste dudil demandeur dudit jour 27 janvier 1637,
alFin destre receu opposant à l'exécution de 1 arrcsl du Conseil du
2/1 juillet i636
Ledit arrêt du Conseil dud. jour 2/1 juillet i()3Gsur la requeste
desd. defTendeurs. par lequel est ordonné <pie tous les deniers qui
sont en natures donnez eliaritablemenl pour le iacha])t des esclaves,
non compris ceux (jui ont esté mis en deposl pour la rançon d'au-
cuns esclaves nommez et désignez parlieulierement par ceux (pai
les ont fournis, seront délivrez par ceux qui les ont receuz audit
dellandeur comme à ceux qui ont charge et pouvoir de les recep-
voir par monsieur le cardinal duc de Richelieu, pair, grand m°,
56/i 6 AOUT 1 638
clierclsunalenJant général de la naviyalion cl comineroe de France,
en cliac'unes des provinces de ce royaume pour les l'aire poiter au
lieu nécessaire, afin de les employer au racliapl el payenienl des
rançons des esclaves qui sont à Salle. ^ilIequi dépend du royaume
de Maroc, par préférence à tous autres, suivant les Iraiclez qui ont
estéfaicts' par le commandement de Sa Majesté, et à ce faire les
refusans seront contrainctz comme (l('[)0sitaires de biens de justice.
Lettres pattantes de Sa Majesté du xxvm'' mars i63(i, par les-
quelles Sad. Majesté a commis lesd. deffendeurs pour se tianspor-
ter en tous lieux pour (juesler et recuedlirles aulmosncs etcliuritc/
qui seront faicles pour le racliapt des esclaves d icelle'.
Mémoire des noms de ceux entre les mains desquelz les deniers
du racliapt des esclaves de Salle, qui sciont inuinis à la diligence
desd. dellendeurs, seront déposez.
Livre intitulé : Histoire de Barliarieet de ses C-orsaires^ ;
Coppie des articles du traicté faict entre le sieui- de Hozilly et les
habittans de la ville de Salle, sur le racliapt de cent seize esclaves
françois du 3" septembre 1 03o ' :
Livre intitulé : Epitome gênerai de la rédemption des captifs,
faict par les religieux de l'ordre de la S'" Trinité" :
Mémoire contenant les noms et surnoms des Chresticns esclaves
raclieptez par les religieux dudit ordre depuis Tannée i6io ;
liooUe des esclaves raclieptez en l'an 1635" par les religieux dud.
ordre ;
Certifficat du procureur gênerai de la rédemption des captifs des
religieux dud' ordre de la S" Trinité du 21 janvier i638, portant
que depuis lamiée i633 jusques au 21' dud. mois de janvier a
1. Les traités do septembre iG3i (V. '4. V. supra. Doc. XXXIX, pp. 292-
supra. Doc. LIV, p. 4o6 elDoc. LVp. iiS) 296.
confirmés par celui du 18 juillet i63.^. A. b. Epilomcijcnernliumredi'mplmnnmcnjili-
supra. Doc. LXXIX, p. ^92. vo'-um par le P. Bernanlin de S' Antoine.
2. D'icellc, c'est-à-dire de Salé. Il s'agit Lisbonne, 1624.
des esclaves laissés à Salé par Du Cbalard. G. Ce rachat fait par les l'P. Dan et
3. Sur cet ouvrage et son caractère ten- Escoffié eut lieu à Tunis. \ . supra. Intro-
dancieux, V. p. Ô57, note 4- duclion critique, p. 557.
ARRET nu CONSEIL PRIVE
565
este envoyé en la ville de Marseille la somme de cinquante-huit
mil sept cens vingt-huit livres pour le rachapt des captifs : .
Livre intitulé : l'histoire de ^" Dame de la Mercy' :
Autre livre en lalm intitulé : la règle et constitution des ireres du
sacré ordre i\" Dame de la Mercy et Rédemption des captifs '^ :
Autre livre en latin intitulé : Statuts des frères du sainct ordre
de la Trinité^ ;
Lettres missives escriptes par le sieur Du Chaslard au père
d'Athia'. commandeur de l'ordre de la Mercy, des premier octobre,
2/4 septembre 1629 et autres jours suivans:
Certiflicat du s'^ de Hallary", capitaine de la marine, du nii" juin
ifiSa. par lequel il appert que ledit pcre d'Athia fust retenu pri-
sonnier et les esclaves par liiy racheptcz dans la ville de Salle,
mesmes que ledit père d'Alliia s'est obligé envers tics marchans
angloys pour la somme de ix" un'"' x", laquelle fust employée au
rachapt de dix-neuf esclaves françois** :
CertifTîcat dudif sieur de Chaslard (pie lesd. deiïendeurs ont
faict plusieurs voyages dans l'Affrique pour le rachapt des esclaves,
du 1 1 juillet 1637 ;
Arrcst du Parlement de Paris rendu entre lesd. defPcndeurs,
appelaiis d'une sentence du prevost de Paris du xxn octobre i63G,
d'une part, et Gilbeit Suja et Georges Blacard, d'autre, et frère
l'^rançois Dathia, religieux de la Mercy, intervenant, par lequel lad.
(lour a mis l'appellation et ce dont a esté appelle au néant, et
ordonné (pie ce dont a esté appelle sortira son plain et entier
effert :
Transaction du 8 mars 1 638, passée entre Georges Blaikal ' , d'une
1. Histoire de In foiitialion de l'ordre de note 4.
A. 0. ''<■'« l/crcvpar.lKA\ dkLatomy. lOiS. 5. S'' de Ihllnry, a iilentificr avec le s"'
2. rte<nila et Cnnstilutiones ordinis beiiUr Dm Pré llilary rlont il est parle p. agS.
Mari.T de Mercede redemplionis captimrum. (i. Le P. il'.Vtliia avait racheté d'autres
Madrid, i632. esclaves; le nombre total des captifs rachetés
3. Régula etstniiitri ordinis SS. Trinitnlis... par ses soins s'élevait à cinquante. V, snpra
Paris. iS'O. Introduction critique, p. 557.
'l. Sur ce religieux. \ . supra, p. i~/i, 7. liUiiknl, pour Blacard.
566 6 AOUT i638
part, cl ledit deirendeur. d'autre, sur leurs procez et dilTerendz pour
raison de la promesse par ledit Datia de la somme de ix" iiii'"' x" :
Articles de paix accordez entre Sa Majesté et le roy de Maroc du
IX' juillet i635' ;
Roolle des noms et surnoms des captifs françois qui sont restez
à Salle en Barbarie et des provinces et lieux de leursdemeures ;.
Le Roy en son Conseil, faisant droit sur lad. instance, sans
sarrester à l'opposition des demandeurs et arrest du xi'' septembre
mil six cent dix, a ordonné et ordonne que lesd. lettres patentes
du 28" mars i636 et arrest dud. conseil du 2^' juillet aud. an seront
exécutées selon leur forme et teneur. Et pour oster à l'advenir
toutte difficulté et contestation entre les parties, Sa Majesté a
permis et permet, tant ausd. relligieux de la Trinité diclz Mathurins
que religieux de Xostrc Dame de la Mcrcy, de faire conjointement
leuis questes dans l'estendue de la ville et fauxbouigs de Paris, et
à cest effcct seront tenuz tous les curez et margudliers desd. par-
roisses de deslivrer à chacun d'eux par moictié ce qui aura esté
aulmosné par les particuliers pour le racliapt desd. captifz Et
pour les autres provinces de son royaume, Sad. Majesté a ordonné
qu'es provinces de l'Isle de France. Gastinois. Orleanois, Beauce.
Perche, le Mayne, Anjou, Picardie, ^îormandic, Champagne, Dau-
phiné, Bourgogne, Nyvernois, Lyounois. Foretz, Beaujollois,
Poitou, Touraine, Berry. Bourbonnois, Auvergne, Limousin, la
Marche, Perigort etAgenois, lesd. religieux de la Trinité feront
seulz les questes à l'exclusion des l'eligieux de la Mercy ; comme
pareillement es provinces de Bretagne, Languedoc, Guyenne,
Angoumois. pais d'Aunix et Saintonge, Quercy, Bearn et Pro-
vence, lesd. religieux de la Mercy feront seules lesd. questes à
l'exclusion desd. religieux de la Trinité ; et sei'ont lesd. deniers
emploiez par lesd. religieux à l'effect de la rédemption des captifz
seulement, sans que les ungs ou les autres en puissent divertir
aucune chose, soulz quelque prétexte ou occasion que ce soit, et
que lesd. deniers seront emploiez au rachapt des Crestiens captifz
françois par preferan ce à tous autres Et seront tenuz lesd. reli-
I. La paix est du it> juillet et non du 9. V. supra. Doc. LXXIX, p. 492.
ARRÊT Df CONSEIL PRIVÉ 667
gieux, tant de la Trinité que de laMercy, rendre compte au conseil
de Sa Majesté de trois ans en trois ans de la recepte et cniploy
dcsditz deniers
Seguier', De Mesmes.
Seguier\ E. de Meaux.
Le Fevre dOrniesson. — Barrillon.
Du \i' aoust i638, à Paris.
Archives Nationales. — V' /.'//. — Arrél-i <la Conseil priré, août 1638,
n" ?iS'. — Minute.
I. Le chancplier Pierre Séguier (i588- 2. Dominique Scguicr, évèque de Meaux
1672) de 1607 à 1639.
)68 4 SEPTEMBRE 1 638
XCIX
LETTRE DE P. DU CHALARD A CHAVIGNY'
Envoi fie deux lettres érritcs du Maroc. — Résume' de leur contenu.
L'occasion est favorable pour rétablissement de consulats au Maroc.
S' Mandé, 4 sfptcmbre i638.
En tête, alla manu: M' du Chalard. — Salé, royaume de
Maroc. — h sept. i038.
Suscriplion : A monseigneur, monseigneur de Chavigny, con-
seiller du Roy en ses Conseilz et son secrétaire d Estât.
Monseigneur,
Je vous envoyé Textraict des lettres qui sont escriptes de Safy et
de Calé ^, par lesquelles vous verres comme le roy de Marroque a
bien receu les François, qu'il veut entretenir la paix, a rendu à
celuy qui a aporté ladepesche du Roy quelques esclaves, et que les
Anglois, pour proflîter seulz de ce grand et utille commerce, ont
prins à ferme les douanes de Safy, croians par cest advantage l'em-
pesclier aux François. Mais le roy de Marrocquelcur afaict entendre
qu'il vouloil quilz y fussent les bien venus et y tralTicquenl comme
eulx, ce qui vous donne l'occasion d'y faire l'establissement de vos
consulatz'', de quoy jay une joye indisible.
I. Léon Hunlhillier, comte lie Chavignv 3. ^. stipra. pp. .j.5"-i-55/t. Les doux
cl de Buzançois, fils de Claude Bouthillier lettres sont écrites de Salé, mais dans celle
(V. supra, p. 373,notc2), né on i6o8, mort du lo juillet il est rendu compte d'une
le II octocre i652 ; conseiller d'Etat, puis lettre venant de Safi.
secrétaire d'Etat en survivance de son père 3. On se rappelle que Bouthillier avait
qu'il remplaça au département des Affaires nommé André Prat au consulat de Salé et
étrangères. du Tétouan. \ . pp. 27^ et 873.
LETTRE DE P. nu CHALARD A CIIAVIGNY 069
Vous VOUS souviendrés, s'il vous plaist, de l'allection que je y ay
tousjours eu, que je continueré toutte ma vye à l'honneur de vos
commendemens. Ce que je vous supplie croire en la veritté que je
suis,
Monseigneur,
Vostre très-humble et très-obeissant serviteur,
Signé : Du Chalard.
De S' Mandé, ce /i' septembre i638.
Arrliirfis des .[[fuircs Etranrjcrrs. — Maroc. — Corrcspn?nlnnre con-
sulaire. Vol. l. — ' Original.
570 i638
LKTTRE DE LOLIS XIII AUX ÉTATS DE BRETAGNE
Les fonds que les Étals ont votés pour la rédemption des captifs devront
l'Ire affectés au remboursement des sommes qui furent empruntées à
des particuliers ])Our le rachat fait en i635 des esclaves de Salé, dont
gj étaient lirelons.
i638.
En te'te : Rachapt des captifs à Salé. — i638.
La letlie du Roy à messieurs les gens des trois Eslatz de Bretai-
gne.
Que Sa Ma" estadvertie qu on leur dernière assemblée de 163',
il/ nul ordonné la somme de douze mil livres ' pour estre emploiée
au racliapl des pauvres captifs originaires de ladite province dete-
nuz en Affricjue, et que ladite somme est encores entre les mains du
trésorier d'Estal, n'ayant [x'u estre emploiée audict effecl à cause du
dilTerenddentre les religieux de la Très-Sainte Trinilé et les reli-
gieux de iX" Dame de la Rédemption des captifs sur la contesta-
tion qui feroit lesdits racliapiz. ce qui a esté depuis peu réglé par
arrest du Conseil du vj'' aousl dernier. Et Sadite Ma'' ayant cy-de-
vant ordonné par ses lettres patientes et autres arrestz de sondit
conseil des \iiij' et xxiiij" juillet i636 que tous les deniers donnez
et des questcs faittes et à faire pour la dite rédemption des captifs
seroient emploies, par préférence à tous autres, à ceux qui estoient
detenuz ?i Salé, mais jugeant à presentqu'il est aussi bien raisonna-
ble de faire paier les parliculHcrs de qui les marchandises et deniers
I. L3 délibération des Etats, datée du captifs bretons « en .\lger et ailleurs » et
26 janvier 1637, portait que la somme de ne pourrait «être divertie ailleurs» (Arc/i.
12000 livres était destinée au rachat des dép. d'Ille-et-Vllaine. — C. 2653, p. 122).
LFTTRE DE LOllS XIII AU\ K.TATP DE BRETAGNE O" 1
provcmis d'icelles ont esté prins par emprunt pour laclicpler trois
cens sept hommes françois retirez de Salé en l'année i63ô', entre
Icsquelz il s'est trouvé quatre-vingts! dix-sept originaires dudit pais
(le hretaigne, qui ont esté renduz libres et ramenés elTective-
nienl en ladite province, ainsy (|u il a esté justifEé par la cerliirica-
tion de nions"' le baron de Ponlcliasteau", gouverneur de Brest, du
dernier décembre i635 ; et, aflcndu (pic les deniers des ausmosnes
et (picsles faictes depuis 1 année iC).'?,") et qui ce tairont jusques au
Ifuips de la prochaine (ju'il/ pDinonl estre envoyez, il se recevra
une assez notable somme pour rctiicr les pauvres esclaves qui sont
denicinczaiiilict Salé. SadileMa désire (pi "en la prochaine assemblée
desdils i>lalz, ilz ordonnentque lesdilesdouzc mil livres par euxae-
cordez ladite année dernière soient baillez et paiez pour partie du rem-
boursement de ce qui est deub pouilc rachapt desdits quatre- vingtz
dix-sept originaires Bretons, et que pour le surplus lesdits Estatz
y fassent pourvoir de leur lil)eralilé et benefisense, comme intéres-
sez et proiïilantz en la libération de tant de patriottes. Sa Ma'' n'y
ayant peu et ne pouvant y pourveoir à cause des grandes despences
de la guerre et de l'urgente nécessité de ses affaires, ce que faisant
par lesdits Estatz, Sadilc Ma" le recevra à service bien agréable et
les en reconiinoistra de sa irialitiule en toulles occasions.
l ne autre lettre à monsieur de La .Meilleraye^ de tenir la main
et s'eiiij)loi('r à 1 intension de Sa Ma'' ey-dessus.
Et une autre au s' de Bcrnugat, procureui- scindicq gênerai des-
dits Estatz, à mesmelin*.
Archives des Affaires Étranrjères. — Correspondance consulaire. Vol. i .
— Minute.
I. Sur le radial (le ces caplils par Du lOfi^ ; lieutenant g(;ni'ral de la Haute et
Clialard, V. ri-dessus, pp. /igi et 30.3. Basse Bretagne en 1682, gouverneur des
■A. (Miarles de Cambout, marquis de villes et cliàleau de Nantes et de Porl-l.ouis,
(loislin, baron de l'onlchi'iteau, cousiu ger- maréchal de France en iGSiJ.
main de Richelieu, gouverneur des ville '1. Ces lettres furent écrites à la demande
et forteresse de Brest, mort en i648. de I'. Du Chalard. V. Bibl. Nat. f° F3,
.3. Charles de La Porte, soigneur, puis \-â'i{, Facliim poiirescuierjcan DuBouexic.
duc d'' la Meilleraye, né en ifioî, mort en sieur de Lu Drianimys p. 3.
5-2
INTRODUCTIO> CRITIQUE
LA ZAOUÏA DE DILA'
ET LA CHUTE DE LA DYNASTIE SAADIENNE'-
Introduction critique.
Moulav Ahmed rl-Mnnsour, cro>ant assurer la paix de son empire, avait
procédé de son vivant au partage de ses vastes Etats. Cotte mesure impolitique,
en brisant l'unité du Maroc, devait amener, après un demi-siècle de luttes fra-
tricides et d'anarchie, la chute définitive de la dynastie saadienne'. Si, à la
faveur de ces désordres, un royaume de Fez ne parvint pas à se constituer du-
rant cette période, c est que les habitants de cette ville mutine « ne courbèrent
la tète devant aucun prince' » ; mais la capitale du Nord et .son territoire
échappèrent do plus en plus à l'autorité du cliérif installé à Merrakech ' et
r. Sur la zaouïado Dila, cf. El-Oufr.ïm.
pp. l'ioS-iaSet !ibo-!i-jô ; EN-XAssiRi,Trad.
E. Fumey,.\rch. ^faroc. t IX, pp. ar-sfj
et 46-/49 ; Ez-Z.\iAM, pp. 3-3 et ia-i3;
El-Kadiri, t. I, pp. 173-262, passiin ;
G. Moi'ETTE, Hist. (les conquestes de Mou-
leyArchy.pp. -j, 4i cl 4g ; Chémek. pp. 344.
349 et 35o; A. Cour, pp. 162-17 1, P"**""!
/" Série, Angleterre, Relation de H. Cholm-
Icy à la date de 1671 et infra. Doc. CI,
p. 584, Lettre de G. de Rastin à R chelieu et
Doc.CXXIX.p. -^02, Relation de Le Gendre.
V. aussi, p. 608, la carte : LeMaroceniGGo.
2. Outre les références de la note précé-
dente, cf. El-Oufbàm, pp. 423-429. —
En ce qui concerne l'avènement de la dynas-
tie filalienne, lequel n'est lié ni logique-
ment ni chronologiquement à la chute de
la dynastie saadienne, on ne trouvera dans
cette Introduction que l'exposé des faits
indispensables à connaître pour l'intelli-
gence des documents suivants. Sur l'éta-
blissement de la dynastie filalienne, V.
a' .Série, Erancc, 1. 1. Introduction critique-,
L'avènement de la dynastie filalienne.
3. « Les liens qui unissaient la dynastie
des chérifs zidaniens [zidanien est mis ici
pour saadien] se rompirent à la suite de la
mort du souverain de cette famille El-
Mansour. » Ez-Zaïani, p. 2.
4. Ei.-Olfràm, p. 3g7.
5. L'histoire de Fez depuis la fin du
règne de Moulay Zidàn jusqu'à l'avènement
de la dynastie filalienne est assez obscure.
II faudrait une chronologie très serrée pour
suivTe les revirements politiques ainsi que
les luttes intestines de la turbulente cité,
et toutes les dates manquent. On peut dis-
tinguer approximativement dans les qua-
rante années qui s'étendent de 1626 à 1666
les trois périodes suivantes :
1° 1626-1637. Compétitions des descen-
dants de Moulay Abdallah bcn cch-Chcikh.
2" 1637-1641. Prépondérance à Fez de
Sidi el-Ayachi.
3'^ i64i-i66(i. Prépondérance à Fez rie
Sidi Mohammed el-Hadj, le chef de la
confrérie do Dila (\ . infra, pp 58o-58i).
LA ZAOUIA DE DIL\ ET TA niHJTl
.V n^NVSTIE SAADIENNE b~:3
reconnu comme sultan au moins par les ualions cliivlieiincs. Seul parmi les
descendanls de Moulav Ahmed el-Maiisour, le cliéiil Moulay Zidàn, avec de
rares qualités de constance et d'énergie, arriva à exercer un certain pouvoir ; il
est le dernier prince de la dynastie saadiennc faisant figure de souverain. A sa
mort le Maroc presque tout entier obéit aux chcls des ronlVéries religieuses et
aux marabouts' ; ils sont les véritables maîtres du pays.
On a vu Sidi el-Ayachi prêcher la guerre sainte depui.s Geuta jusqu'à Maza-
gan et, à la faveur de ses succès contre les Espagnols, se faire agréer conunc
chef par les tribus berbères et arabes-. Au Sud du Deren l'aulorilé de Sidi
Ali ben Mohammed^, le cheikh de la zaouia d'Iligh, s'étend depuis la cote
atlantique jusqu'au Tafilelt inclusivement. Dans cette dernière région les
ancêtres de la dynastie hlalienne développent leur iniluence depuis le Sahara
jusqu'aux sommets de l'.Vri .\\acli, et, « semblables à des aigles perches sur
les cimes », ils guettent le moment de fondre sur leur proie et de se substituer
aux chérifssaadiens. Enfin une autre puLssance, ayant également le caractère
religieux et réformateur, .se dresse contre les faibles représenlauls de la dvnas-
tie régnante, c'est la zaouia de Dila.
Le mouvement dilaïte qui fadlil réiin])]anler au Maroc une d\ iiaslie ualion.ile
1. On sait ([lie le nom de marabout,
opposé ici à cehii de chef de confrérie, s'ap-
plique, lato sensu, à tout personnage ayant
une iniluence religieuse, qu'il soit ou non
fondateur d'ordre.
2. V. supra, pp. 187-igS, InlroiliK'lioii
cnli(\uc , Les Moriscos ù Salé et Sidu'l-Ayarlii .
3. Sidi .\Ii bcu Mohammed bun .\limed
ben Moussa. Pour faciliter les recherches
relatives à ce personnago, il est nécessaire
de faire connaître les différents noms ou
appellations que lui donnent les historiens
arabes et chrétiens, car ces appellations
varient souvent dans le même auteur et
font supposer parfois qu'elles s'appliquent
à des personnages différents. On trouve
dans El -OuFK.vNr : « .\bou elUassen -\li
[on sait que .\bou el-Hassen est le nom cor-
roboratif de celui d'AU], petit-fils du bien-
heureux Sidi .\hmed ben Moussa e.s-Scm-
lali... » (p. 34fi) et: « Ali ben Mohammed
était le fils [il faut rétablir: le petit-fils] du
bienbeureu.x et vertueux Abou el-.Vbbas
Sidi .\bmed ben Mou.ssa es-Soussi es-Sem-
lali... » (p. ^73). Ce même historien l'ap-
pelle parfois .\bou el-llassen(pp. 476, ^96
cl '|i|<'^) Ez-Z.ii.i.M le nomme Ali liou
na>soun ou simplcMienl liou Ilassoun
(pp. 3, 5 et 23). Nous croyons, malgré l'opi-
nion de son savant Iradiicteur M. IIoidas
(\ . p. 3. note 2), qu'il ne l'aul voir dans
cette appellation de Boa llassoun qu'une
forme de .\bou el-IIassen. On donne encore
à c(* marabout le surnom de Bou Denieïa
<Oi..«^ ^ (\ . l'i.N-NAssnii. [)p. i(3 et ss).
l^niin dans les relations ou les correspon-
dances de provenance cbrélienne, il est
appelé : le marabout du Sous, le saint
de Massa, le marabout du Sahel [le Sabel
est le littoral depuis Agadir jusqu'il l'oued
NounJ, le prince de Sous, le chef de la
confrérie d'Iligh, et le plus souvent Sidi
.Mi ou bien Sidi .Vli ben Moussa. Lui-
même, dans le protocole de ses lettres, est
appelé .Vbou el-lIasscn cs-Sid .VU bon Mo-
liammcd (V. ;''' Série, .\ngleterre, Lettre
Je Sidi Ali à Cliarles I"' à la date du
lO septembre i()3o). — Après avoir été long-
temps en compétition avec ^ ahia ben .\b-
dallah (Sur ce personnage, V. supra, p. 18,
note 3), il devint en itiïd maître absolu du
Sous, à la mort de ce dernier (El-Oufràm,
p. 350).
074
I^THOnl'CTIO^ cuitioi r
doit ctie considcrL' coiiune une Iciitalivo de la niasse berbère pour reconqm'rir
son indépendance. Il en a élé ainsi de loutes les grandes insurrections du
Maghreb, et l'on peut dire que la question berbère domine toute l'histoire de
l'Afrique septentrionale depuis Carlhagc jusqu à nos jours. Les peuples de cette
race, animés d'un très vif sentiment de nationalité', aposlasièrent jusqu'à
douze fois axant de se convertir définitivement à l'islam, soutenant chaque fois
des luttes opiniâtres'-. Cependant le (^.orau ne les prit jamais tout entiers. S'ils
finirent par en adopter la loi religieuse, ils furent plus ou moins récalcitrants
à la loi civile fondée sur « le Livre », et les vieux « kanoun ' » subsistèrent
comme bases de leurs institutions civiles et de leur organisation politique. La
théocratie islamique devait en particulier être odieuse à ce monde berbère qui
nous olTre « le spectacle singulier d'un ordre social très réel maintenu sans une
ombre de gouvcrnemenl distinct du peuple lui-même, véritable idéal de la
démocratie ' ».
Dans leur lutte contre le pouvoir chérilien, les tribus berbères du Maroc ne
pouvaient rencontrer de meilleurs alliés que lesZaouïas et les marabouts tenus à
l'écart, depuis que des descendants du Prophète détenaient l'autorité souveraine.
C'est cette alliance qui fit la puissance des Dilaïtes'.
La ville de Dila ", située dans la haute vallée île 1 oued Oumm
I. r.f. Ib.n K»Ai.i){H-N, Proli'-ijnmcncs,
Traduction du baron de Sla.ne, t. 1, p. C3.
■1. Ib.N \bI \ezID, npurfiBN KllALDOL'.N ;
Hist. des Berbères. Traduction du baron
DE Sl.^xe, t. L p. 198.
3. h'anouii. ij_«lj (du grec /.avwv). druil
coutumicr.
.'i. \. K. lÎENAN, La Sneiclé berbère.
Revue lies fleur mondes. lei" septembre 1873.
ij. il SI- poiirrail que le soidt"'\cmcnl de
Sidi El-.\yachi Wt, comme celui de Dila,
un mouvement de réaction berbtre. Le
célèbre ic Moudjaliid », bien qu'originaire
de la tribu des Heni Malek (Ei.-Oitk.»ni,
p. i3i), devait avoir des ascendants ber-
iières, comme l'indiquent les deux etliniques
accolés à son nom: liz-Zaïani et El-;V)'aclii.
Celte origine berbère ne le dist|ualitiail
nullement pour le rôle de chef de la Guerre
Sainte, car le « djiliad », la razzia contre
le non-musulman, l'ut, de toutes les pres-
criptions de l'islam, celle cfue les Berbères
pratiquèrent toujours avec le plus de zèle.
.\ l'appui de l'Iivpollièse qui fait d'El-
Avaclii un dl'■tVn^.l'ur de la cause berbère et
un précurseur des Dilaïtes, on peut citer ce
passage d'une lettre de Moulav Mobammed
ecli-Cboikb el-Asefjltir aux marabouts de
Dila : « Vous étiez, leur dit le Gbérif,
pareils à des botes de somme, n'ayant dans
les forteresses de vos montagnes d'autre
frein que la sottise et la terreur... quand
l'imposteur Mobammed el-Avachi vous a
entraînés à sa suite pour fouler le sol du
Gharb... » (El-Olfraxi, p. iii). M. Bud-
CETT Meakin, inconscient sans doute du
problème auquel il apporte ainsi une solu-
tion, écrit : The Dilaï Zauia or Sanctuary
which bad becn .\Yashi'shead quarters... »
The iloorisli Empire, p. i38.
(3. L'emplacement de la zaou'ia de Dila
n'avait jamais été déterminé d'une façon
précise. L'intention de Moulav er-Recliid
qui, après avoir détruit de fond en comble
la célèbre zaouïa, en laissa le sol « comme
un champ moissonné » (V. infra. p. 583),
n'a été que trop réalisée, et son nom comme
sa position ont presque complètement dis-
paru du souvenir des indigènes. Il est à
noter que, dans les relations et correspon-
dances de provenance chrétienne, il n*e^t
LA 7.AOI lA DE DILA ET l.\ CIII TE 111
I
or-Rbia, eu plein
le jour - où un
pays beilHTO ' , n avait aiiruiie iioloriélé avant
saint personnage appartenant à la tiiljii des
fait aucune mention du nom de Dila. On
en peut inférer qu'au temps des marabouts
de Dila le prestige acquis par le puissant
monastère l'avait fait communément dési-
gner par le seul mot de zaouïa, la Zaoïiia.
Ce terme, par ime destinée analogue à celle
de notre mot « .Movitier », était devenu
l'équivalent d'un nom do lieu. On lit
sur la carte de M. ue Flottk dk Roqie-
VAIRE, placé entre parenthèses, le nom de
Dllaïa il oôté de celui de Zaouia Aliaiisal (à
la tète de l'oued Ait Messat, alllueiit de
l'oued el-.Vbid). Cette identification, dont
Nf. de Flotte n'a pas fait connaître la pro-
venance et la valeur, semble acceptable à
M. Micliavix Bellairo qui la corrobore d'un
passage de ICl-Bi/udour cd-Daouïa (Ms. appar-
tenant aux Archives Marocaines). L'auteur
de cet ouvrage, Sidi Sliman el-llout, s'ex-
prime ainsi : « Dila est une ville agréable à
trois jours de marche de Fez entre Bedja-
nata, llaskoura et Tadla ». Le nom de
« Hedjaiiala ». peut-être mal copié, est
inconnu. Mais la position de Dila entre le
l'adla à l'est et le llaskoura an sud corres-
pondrait sensiblement il l'emplacement ac-
tuel de la zaouïa de Ahansal. Nous croyons
néanmoins devoir rejeter cette identifica-
tion à cause de la distance (380 kilomètres
en ligne droite) qui sépare Fez de .\hansal.
Cette distance qui représente au minimum,
dans un pays très difificile, huit jours de
marche est inconciliable avec toute l'his-
toire de la zaouïa de Dila ; elle est en outre
en contradiction avec les dires de Sidi Sli-
man el-llout qui place Dila à trois journées
de marche de Fez. Cette dernière distance
paraît seule devoir être retenue, car elle
concorde avec les dires des quelques lettrés
indigènes qui ont pu être interrogés à ce
sujet, et elle est donnée en outrtr par un
document cartographique du temps, la
« Carie générale des Eslats du roy de Fe: rii
règne au-jourd'huy, composée par Talbe Bou-
ijiinan. Docteurde /'.4/corun(V. G. Mol'ette,
llisl. des (■ n'/ucs/i's de Mouley Arehy. p. i).
Dans ce cro([uis dessiné sur les lieux
vers l6"0, c^n voit à trente lieu(;s de Fez
une ville appelée « Zaouias i> laquelle, il n'en
pasdoiiliT. d'après le texte de Mouette, est
bien la ville de Dila. Un autre texte sus-
ceptible d'éclairer cette discussion est le
passage de Et-Houdour ed-Daoïiïa où il
estdit : « LorsqucSidi .Vboii Biîker ed-Dilaï,
pour se rendre à .Merrakech chez le cheikh
.\bou Amcrcl-Kasteli, passait auprès de la
demeure de Sidi .Mohammed ech-Chergui
[le marabout de Uedjad], il sentait que sa
propre valeur était diminuée ; il s'écartait
de cette route et passait par la montagne ».
Enfin il faut mentionner comme élément
du problème cpie \c chef de la zaouïa
de Dila l'st appelé parfois « seigneur du
djebel D.Tiia, J;ji J^ _^L5 » (Ez-
/.AÏA.M, p. 3). On sait que le djebel Deriia
se trouve .sur le llauc gauche de la haute
vallée de l'Ounim er-Ubia entre ce fleuve
et l'oued Ouaoui/ert, allhient ou prolon-
gement de l'oued el-.\hid.
Plus précis cpie tout ce qui précède, un
renseignement provenant d'une source in-
digène très autorisée (El-lladj Driss ech-
Cherkaoui, neveu du marabout de Bedjad)
permet d'identifier la zaouïa de Dila
(Zaouïet ed-Dilaïa) avec Zaouïct Aïl Ishak,
située à io kil. environ à l'est de Bedjad,
sur le cours supérieur de l'oued Oumm er-
Kbia, en aval et à proximité d(î Kasbet el-
Ivhenifra. Les Aït Ishak qui l'habitent sont
une fraction (5oo feux) de la tribu des Ickern .
On voit encore dans le village le minaret
ainsi que le mur lézardé de la mosquée de
Dila.
I . Les principales tribus de la région
étaient les Zaïan, les Béni Mguild, les Aït
Voiissi, les Iclikern, etc.
'j. La date do l'établissement de Sidi
Abou Bcker hcn Mohammed à Dila n'est
pas miMitionnée par El-Oufràiii. Il est pro-
nyt) INTRODUCTION CRITlnUE
Ak'jjal', Sidi Aboii Beker ben Moliainmed - (i536-i6i2) vint y habiter et
y établir une zaouïa. « C'était, dit un biographe^, un des plus illustres doc-
teurs de l'islam et un des grands saints qui approcheront de Dieu... Remar-
quable par la pratique de la Loi qu'il connaissait à fond, il était encore une
nier de générosité, car il donnait comme quoiqu'un qui ne redoute pas la pau-
vreté. » Cette dernière (jnalité lit beaucoup pour la réputation de la zaouïa
naissante : l'hospitalité pratiquée largement et sans compter a toujours été et
est encore dans le Maghreb un grand élément de popularité et d'inlluence reli-
gieuse. Les immenses plats de « assida '' » se succédaient à Dila devant des
botes toujours nouveaux. Tenir table ouverte ', plus encore qu'accomplir cer-
taines pratiques de dévotion, est le devoir de tout fondateur de zaouïa. « Bien-
tôt les caravanes portèrent aux quatre coins du monde la renommée de Dila
et de tous les côtés on vit accourir la foule. » Ces pieux pèlerins apportaient
chaque fois comme ziaras (olfrandes religieuses) de nombreuses charges de blé
et d'orge, et Sidi Abou Beker renouvelait le facile miracle, que l'on constate
aux débuts de toute zaouïa, de défrayer libéralement les uns avec ce qu'il
recevait copieusement des autres. Le signe le plus certain de l'inqiorlance ac-
quise par la nouvelle confrérie était que l'on ne jurait plus au Maroc que par
les vertus de son chef, « qu'il s'agît de pacte ou de mariage ou de remise faite
par un créancier avare' ».
babil', étant donnée la ilate de la naissance
du marabout (i5S6), que la fondation de
la zaouïa doit être placée chronologique-
ment entre i56o et i58o. D'autre part, on
sait par le passage du Boudour cd-Daouia
cité plus haut (\ . p. Syii note 6) que Sidi
Abou Beker était contemporain de Sidi el-
Kasteli et de Sidi ech-Chergui. Or ces pieux
persoimages vivaient sous le règne de Moulay
Abdallah el-Ghalib bi AUnh (1557-107^).
^ . Ei -OuiRÀNI, p. 87.
1 . Les Mejjat étaient une tribu de la
montagne dans la haute vallée de la Mou-
louïa ; son territoire avoisinait celui des
Aïl Ayacli, des .Vit Amalou et des Aït
S cri.
2. Il s'appelait Sidi Abou Beker ben
Mohammed Hammi ben Saïd ben Ahmed
ben Amer. El-Oufr.îni, p. tiôb. On lui
donnait aussi les noms de El-Oujjari et de
Ez-Zemmouri (En-Xassir[, p. 2'j).
3. L'auteur du Mirât el-Mnhassen cité
par El-Olkrà.ni, p. 458.
tl . « On ne vous connaît dans le Maghreb
que par les immenses plats de assida que
vous oITroz à vos hùlcs » (Lettre de Moulay
Mohammed ben cch-Cberif au chef de la
zaouïa de Dila apud El-Ocfr.ïni, p. /|68).
— L'assida SJL.,ac est le mets national des
Berbères du Maroc ; c'est une sorte de
bouillie fort épaisse assaisonnée de beurre
fondu.
3. K Dès que vous avez été libre de vos
mouvements et que les populations ont
commencé à venir s'adresser à vous, vous
avez dressé des tables pour les hôtes
Comme nous vous avions laissé faire... en
vous laissant accomplir vos pratiques de
dévotion et tenir table ouverte, la foule a
pu croire que nous vous considérions comme
de très grands personnages ». — Lettre de
Moulay Mohammed ech-Cheikh el-Aseghir
aux chefs de la confrérie de Dila apud El-
OuFRÀsr, p. 1)11 et p. 4i3.
6. Cf. El-Olfr.vm, p. lii'd. — Dans
l'immuable Maghreb les choses se passent
encore ainsi : un marabout se lève, une
zaouïa se fonde aujourd'hui comme il y a
trois cents ans. Il m'a été donné d'être
LA ZAOUIA DE DILA ET LA CHUTE DE LA DYNASTIE SAADIENNE O
I I
Miiulav AlimeJ el-Mansour n'avait pas dû voir d'un très bon œil grandir à
ses côtés cette influence religieuse', mais il avait cru sage de temporiser en
dissimulant son véritable sentiment sous des apparences bienveillantes. Les
guerres civiles et les famines qui, après sa mort, désolèrent le Maroc contri-
buèrent au développement de la zaouia, car, en ces temps troublés, elle ac-
cueillit tous ceux qui avaient besoin de sécurité et de paix. Moulay Zidàn,
mal alFcrmi sur le trône, jugea prudent de vivre en bonne intelligence avec les
Dilaïtcs, à la tête desquels Sidi Mobammed ben Abou Beker (loGo-iCiSy) avait
remplacé son père en 1612. Ce dernier, nommé par les auteurs chrétiens Ben
Bucar^, « réunit en religion et en politique l'autorité suprême... et son pou-
voir spirituel arriva à un degré qu'aucun de ses contemporains n'avait pu at-
teindr
Mais ce fut surtout sous la direction de son fils Sidi Mobammed
el-Hadj* (1589-1671) que la zaouia dilaïte devint une grande puissance tem-
témoin des débuts de Sidi Bou Amama à
Mograr Tahtani en 1880. J'arrivais dans
cette chétive oasis le •i[\ février i88o avec
un fort goum de Hamyan. Mes cavaliers
élaient très surexcités à la pensée de voir
celui dont on commençait à parler avec
mystère sous les tentes. Sidi Bou Amama
me reçut avec toute mon escorte. Le soir,
d'immenses plats de kouskous furent appor-
tés à mes cavaliers qui ne manquèrent pas
de s'extasier et de crier au miracle, sans
songer qu'une caravane de Rezaina avait,
quelques jours auparavant, apporté à la
zaouia, à titre d'olfrande religieuse (ziara),
de nombreux tellis d'orge et de blé. Dans
la nuit mes Hamyan se firent initier et
ainiicr à la confrérie naissante, ils passèrent
leur temps à psalmodier le Coran sur les
terrasses. Le lendemain, quand je quittai
Mograr Talitani, tout mon monde était
changé : une ferveur religieuse exaltait ceux
que je connaissais pour les moins dévots ;
les fumeurs ne fumaient plus, et, quand je
les interrogeais, ils me répondaient: « bot-
tel alina ed-doukhaii Sidi Bou .Vmama
tabac nous a été défendu par Sidi Bou
Amama ». Enfin, poussés par un besoin
irrésistible de proférer le nom de leur saint,
ils j\iraient à tout propos par Sidi Bou
.Vmama. L'imagination s'en mêlant, on
prétendait dans mon goum qu'il m'arrivait
Dk Castkies.
à moi-même de jurer ainsi. Un jour le caïd
des Sendan, voulant, dans luio afTaire grave,
donner plus de solennité à son affirmation,
s'écria devant moi : « Ou hak Sidi Bou
Amama elladi rak tehalef bih. \>- J
<i ,_ji!Uy illj t^JI Ztif- y (^.l— . J'en
jure par Sidi Bou Amama par le nom
duquel tu jures toi-même ».
1. La méfiance des chérifs régnants à
l'égard de ces inlluencos religieuses et soi-
disant réformatrices est non moins grande
que celle que conçoivent aujourd'bui à leur
endroit des souverains chrétiens. Moulay
Mohammed ech-Cheikh el-Aseghir. écrivant
aux chefs de la confrérie de Dila, s'expri-
mait ainsi : c< Les mines qui fournissent la
calomnie, la trahison et la médisance, l'hy-
pocrisie et l'elfronterie, ce sont les zaouias,
les ribat... » El-Oufràm, p, /iiS.
2. Ben Bucar, Benbucar, Ben Buker,
Boukar. Ces noms ont été appliqués par les
Chrétiens à Sidi Mohammed ben .Vbou
lieker et à son fils Sidi Mohammed el-lladj
(V. infra, note 4). Les deux marabouts
désignés par cette même appellation ne
doivent pas être identifiés avec cheikh Bck-
kar dont la fille épousa en 1678 le chérif
Moulay Ismaïl. V. Ez-Zaïani, p. 3a et
note I .
,S. Cf El-Oufkàni, p. .lôg.
f). L'aîné des enfants de Sidi Mohanum-d
m. — 37
h~S INTRODUCTION CIÎITIOUE
porelle, après avoir c'té sous les chefs prôcédents une grande puissance reli-
gieuse et morale.
Sidi Mohammed el-lladj lit recoimaitre son autorité par les villes de Fez et
de Mekinès avec tout leur territoire ainsi que par le Tadla. Les Berbères du
Moyen-Atlas, Zaïan, Béni Mguild, Ait Youssi, etc., lui étaient aveuglément
soumis et venaient se grouper autour de la zaouïa au moindre appel. Sollicités
par Sidi El-Ayachi, les Dilaïtcs apportèrent leur concours au zélé « moudja-
hid » dans ses expéditions contre les Espagnols des IVonteras et dans ses entre-
prises contre les Andalous de Salé. En iGS", ce furent eux qui saccagèrent le
pays à dix lieues au sud de Salé, brûlant les blés et les fourrages, pour em-
pêcher Moulay Mohammed ech Cheikh el-Aseghir de s'approcher de cette place
qu'il voulait replacer sous son autorité'. Ce débonnaire souverain, sans pou-
voir et presque sans territoire, n'inspirait aucune crainte aux chefs de Dila,
qui lui reprochaient « de n'agir que d'après les conseils des renégats- ». Ils
rompirent ouvertement avec lui et secouèrent son autorité, « comme on .secoue
un vêtement pour le débarrasser du sable ou de la cendre qui l'ont sali' ».
Quelque temps après (lo décembre 1637), comme il se portait de nouveau sur
Salé pour débloquer cette place, ils lui signifièrent, dans une lettre commi-
natoire', de ne pas franchir l'Oumm er-Rbia, sous peine d'être attaqué
par les forces de la zaouia. Le faible chérif, ayant marché sur l'oued el
Abid, fut attaqué par les troupes dilaïtes au gué de Bou Akba^ (3 G octobre
ben Aboii Beker fui appelé comme son
père Sidi Mohammed; « il fut surnomme
El-Hadj, parce qu'il avait fait plusieurs fois
le pèlerinage en compagnie de son père el
de son grand-père. » El-Oufràni, p. 464.
Ce surnom de El-Hadj que des copistes
arabes ont fautivement fait précéder du
mot « ben » ou du mot « ould » a été la
cause de confusion dans la traduction de
Ez-Zaïani. Le grand marabout de Dila est
appelé tantôt Mohammed oïdd el-lIadj
(p. 2), tantôt Mohammed ben el-IIadj
(p. 3). .\ la page i3, on lit : « Mohammed
el-Hadj mourut en 1072 (1661-1662) ».
Or il faut rétablir cette fois : Mohammed
ben Mohammed el-Hadj, car il s'agit du
fils du chef dilaïlc, qui avait été nommé par
son père gouverneur de Fez (V. infra.
p. 58i). Le marabout vécut jusqu'à un âge
très avancé et mourut à Tlemcen en 1671.
Le traducteur de Ez-Zaïami s'étonne à bon
droit de voir reparaître en 1 667 )\Iohammcd
el-Hadj que l'on avait fait mourir en 1661-
1663. Cette même confusion entre Sid
Mohammed el-Hadj et son fils Mohammed
se retrouve dans .Y. Cour, p. 180.
1. Pour les relations des chefs de Dila
avec Sidi el-Ayachi, V. Introduction cri-
tique. Les Moriscos à Salé et Sidi el-Ayachi,
pp. 196-198. On a jugé utile de revenir
ici sur certains événements déjà exposés,
afin de présenter d'ensemble l'histoire de
la zaouïa de Dila.
2. Cf. El-Olfkàni,
3. Ibidem, p. 4i5.
4. V. cette lettre
pp. 416-428.
5. C'est au gué de Bou .\kba que se
sont presque toujours rencontrées les ma-
halla venues de Fez et de Merrakech, et
c'est sur l'oued el-.\bid que se sont livrés
les combats qui ont décidé du sort du Ma-
roc. En i536 l'armée des Bcni Mcrin y fut
complètement battue par la mahalla chéri-
ficnne, et, à la suite de cet échec, les Saa-
dieiis arrivèrent au pouvoir.
p. 4i9-
dans El-Oufràm,
LA ZAOLÏA DE niLA ET LA CHUTE DE LA DYNASTIE SAADIENNE SyQ
l638). Complèlemoiit battu, il s'enfuit d'une traite jusqu'à Menakech. A
partir de ce moment, il cessa d'exercer son autorité au delà de l'oued el-Abid,
et, loin de continuer la lutte contre la puissante zaouia, il ne chercha plus
qu'à vivre en paix avec elle : l'empire saadien se voyait réduit à la ban-
lieue de Merrakecii. Moulay Mohannned ech-Cheikh el-Aseghir mourut le oi
janvier lOôâ'. Son fils Moulay Vhmed surnommé El-Abbas ne put défendre
son trône contre les attaques incessantes des Chebàna, puissante tribu unie
par plusieurs mariages aux chérifs saadiens-. Les Chebàna, aprèsl'avoir faitpérir
traîtreusement, élevèrent au pouvoir leur caïd Ahd el-Kcrim, auquel le peu-
ple avait donné le surnom de Keroum el-IIadj (9.4 novembre 1609^). « L'as-
sassinat de Moulay el-Abbas mit fin à la dynastie des Saadiens ; leur pouvoir
s'éteignit alors et leur soui'ce cessa de couler*. »
L'influence des Dilaïtes s'était également étendue au sud du Haut Atlas et
en i632 les Béni Zoubir de ïabouassamt (Tafilclt) avaient sollicité l'appui de
la zaouïa pour résister aux entreprises combinées du chérif filalien Moulay
ech-Chérif et du marabout Sidi Ali ben ^lohammed. Les deux armées s'étaient
rencontrées près de Sidjilmassa et s'étaient séparées sans combattre". Il ne
manquait à Sidi Mohammed el-IIadj, maître de la plus grande partie du Ma-
roc, que d'avoir sur l'Atlantique un port ouvert au commerce, pour en tirer
des approvisionnements*, en même temps que pour augmenter son prestige
par des relations avec les princes chrétiens'^. Salé était le complément néces-
saire du nouvel empire. Depuis quelque temps déjà de nombreux Andalous,
mis hors la loi par les ulémas, à l'instigation de Sidi el-Ayachi, et en bulle
aux attaques continuelles des moudjahidin, étaient venus se réfugier à Dila.
Lorsque Sidi el- Avachi, après le guet-apens ([ui coula la vie au jeune comte de
1. Cf. Del Puekto, p. ôffî. p. Iig ; Mouette, //(.s/, des Conquestes
2. Moulay AhmedcJ-.Wansouravaitépousé pp. 63, 6^ et 6."). L'opinion de Mouette, qui
une CUe de celle tribu nommée Aïcha bent n'est sans doute que la reproduction de dires
Abou Bcker (V. E.s-Sadi, p. 3io), appe- indigènes, est adoptée par Chémer, fiecli.
léc souvent par les clironiqueurs arabes à hist. sur les Maures, t. III, pp. 352-353.
cause de son origine Lella Chebania (V. 3. Cf. Del Puerto, p. 5'i4.
i" Série, France, t. l, Généaloijie ties princes 4- Cf. El-Oufràm, p. /128.
de la dynastie saadicnne. PI. V, p. Sgâ, 5. Cf. En-Nassiri, p. 17.
note 10, et Pays-Bas, t. I, p. gg, note i). 0. Un autre avantage, qui n'était pas à
Cette femme était la mère de Moulay négliger, était celui que l'on retirait des
ZidÂn. On a vu également que Moulay Abd droits établis à l'entrée et i, la sortie des
el-VIalek ben Zidin s'était marié à une marchandises. Sur le grand intérêt que des
femme de cette même tribu (V. supra. souverains musulmans attachaient aux
p. 387, note i). Les Chebàna établis dans douanes, cf. Depping, t. 2, p. 28g, cl Mas
le Ilaouz (la banlieue) de Merrakech avaient Latrie, op. cit., p. rg5.
des lieux de refuge dans le massif du De- 7. On trouvera dans /■■' Série, Pays-Bas,
rcn. Sur l'origine de cette tribu appelée aux années i643-i65g des documents éla-
généralemcnt « Cbavancts » par les chré- blissant les relations des Etals-Généraux
liens, V. Iun Kmaldoi.n, TraJ. Siank.I.I. avec le chef de Dil.i.
58o INTRODUCTION' CRITIQUE
Castello-Novo et h tous les cavaliers portugais de la garnison de Mazagan (ii
avril i64o), remonta vers le nord et voulut recommencer l'offensive contre
Salé, les Andalous se tournèrent vers le chef de la confrérie de Dila et le
supplièrent d'intercéder en leur faveur. Sidi Mohammed el-Hadj défendit leur
cause auprès du fanatique moudjahid. mais il rencontra une résistance si opi-
niâtre qu'il se décida à marcher contre lui. Sidi El-Ayachi, victorieux d'ahord
dans plusieurs engagements, fut attaqué dans la plaine d'Azgar par les contin-
gents dilaïtes unis aux Kerarda et mis en déroute; il se réfu^iia chez les Khe-
louth et fut assassiné à Ain el-Ksob le 3o avril 1641. La mort d'El-Avachi as-
surait aux Dilaïtes la possession du port de Salé et de la plus grande partie du
Gharh; Sidi Mohammed el-Hadj, à la tète d'une innombrable mahalla ', par-
courut ses nouvelles possessions, installant ses créatures à Arzila, à Tétouan et
à El-Ksar el-Rebir ; il laissa à Salé une puissante armée, tant pour contenir
les Andalous que pour iiarceler El-Mamora-, et en confia le commandement à
son fils xVbdallah ben Mohammed el-Hadj.
Cependant, un pouvoir portail encore ombrage à la zaouia de Dila, celui
des chérifs filaliens, qui commençaient à étendre leur influence dans la haute
vallée de la Moulouïa. Ceux-ci, après de longues luttes avec Sidi Ali ben Mo-
hammed, venaient de refouler dans le Sous leur puissant adversaire (i64o-
1641); ils restaient maîtres incontestés du Tafilelt, du Draa et de la région
saharienne. Sidi Mohammed el-Hadj résolut d'arrêter leurs progrès sur la
Moulouïa et, avec les contingents berbères, il les attaqua à El Gara ^ (28
avril 1646). Moulay Mohammed ben ech-Chérlf, qui avait été élu souverain,
après l'abdication de son père Moulay ech-Chérif (1640), fut complètement
battu. L'armée dilaïte envahit le Tafilelt et arriva jusqu'à Sidjilmassa, où les
Berbères se livrèrent à tous les excès. Le chérif filalien, pour les éloigner,
proposa à Sidi Mohammed el-Hadj de régler par un pacte leur situation terri-
toriale respective. Aux termes de l'accord conclu par les deux parties, les som-
mets du Haut Atlas formèrent la démarcation entre les possessions du chérif
filalien et les territoires de la zaouïa. Toutefois, les Dilaïtes maintinrent leurs
droits sur cinq districts enclavés dans la région dévolue au Cliérif. Cette der-
nière clause amena une rupture, car les Filaliens, aussitôt après le départ des
troupes dilaïtes, attaquèrent des ksours relevant de la zaouïa de Dila. Ce fut
en vain que Sidi Mohammed el-Hadj protesta, accusant le Chérif de perfidie ;
celui-ci lui répondit en termes non moins violents, l'appelant « l'antechrist du
Maghreb' ». Les deux adversaires devaient bientôt se mesurer sous les murs de Fez.
1. Elle était forte de cent mille hommes, Misour (liaule vallée de la Moulouïa) à
d'après Cholmley. V. z™ Série. Angle- quelques kilomètres à l'est de Ksabi ech-
terre, h la date de 1671. Cheurfa. Cf. El-Oufràni, p. 4O7 ; En-
2. C'est cette armée qui, en août 1647, Nassiri, p. 23. Cet historien donne à cette
vint mettre le siège devant El-Mamora. bataille le nom de El-Qaa.
V. infra. Doc. CXIII, p. 618. 4- Ce nom injurieux avait été donné à
3. El- Gara, village ilans le district de Sidi Mohammed t'1-Iladj par le poète Ed-
LA ZAOIIA DE DILA KT LA CHUTE DE LA DYNASTIE SAADIENNE OO I
Los liabilants de Fez el-Bali, mécontents du gouverneur dilaïle Abou Beker
et-Tameli, qui, après maintes vexations, venait de leur couper l'eau, firent dos
ouvertures au chéri f filalien, dont la renommée était depuis longtemps parvenue
dans la ville. Mouluv Mohanuned bon ech-Chéril' se rendit à leur ajipel (lO
juillet 1649) ^t chassa le caïd Et-Tameli. Les deux Fez l'acclamèrent comme
leur souverain (Sojuin i65o) ; la bcïa (acte de reconnaissance) l'ut lue I06 juil-
let i65o. \ cette nouvelle, Sidi Mohammed el-Hadj accourut à Fez avec les
forces do Dila ; il rencontra le Chérii'dans le voisinage de la ville, à Dhar
er-Remka (8 août iGôo), et le mit en complète déroute. Les Dilaites réoccu-
pèrenl Fez, qui de i65o à 1660 resta dans une pais relative, sous les gouver-
nements successifs de Ahmed bon Mohammed el-IIadj et do Mobammod bon
Mohammed el-Hadj, les deux tils du Marabout. L'aîné de ses enfants .Vbdallah
ben Mohammed el-Hadj avait été nommé gouverneur de Salé.
Quant à Moulav Mohanimod ben ech-Chérif, i! reprit le chemin du Sahara
et se contenta de régner dans ses possessions du Draa et du Taiileit, où allait
surgir un compétiteur de sa propre famille. En effet, lorsque le vieux chérif
filalien Monlav och-Chérif mourut à Sidjilmassa le 3 juin i65g, son fils Mou-
lav or-Rochid ben ech-Chérif. mû sans doute par un sentiment de défiance à
l'égard do son aine, prit la fuite et, après s'être réfugié quelque temps dans la
zaouïade Dila. passa chez li>s Vngad, où il se posa en prétendant contre son frère.
Cependant l'éloiio de Dila pâlissait. Un « moudjahid » ancien compagnon
d'El-Ayachi, noniiné El-Khider Ghaïlan, qui commandait dans le Hibl, s'était
révolté ; des mécontents de Fez étaient venus se grouper autour de lui. En i6."i2,
le rebelle était entré de vive force dans El-Ksar el-Kebir, dont il avait fait sa
capitale. Toutes les tribus du Gharb qui, à la mort d'El-.Vvachi, avaient reconnu
Sidi Mohammed el-Hadj comme « leur protecteur général ' » se détachèrent
successivement de lui. Ce soulèvement devait avoir sa répercussion dans la
remuante cité de Fez, déjà fatiguée de ses dix années de tranquillité. En 1661-
i6(')2, à la mort du gouverneur de la ville Sidi Mohainmeil bon Mohammed
el-Hadj'^, un chef de mahalla, le caïd Ed-Deridi, profilant du désarroi, se
déclara indépendant à Fez el-Djodid. .Vppuyé aux déi)uts par les habitants de
Fez ol-Bali, il proclama la déchéance dos Dilaites. Ce fut en vain que Sidi
Abdallah ben Mohammed ol-Hadj, « le prince de Salé », accompagné de nom-
breux contingents berbères, tenta d'entrer dans la ville ; il campa pendant dix
jours sous ses murs, brûlant et saccageant les environs, puis il dut se retirer.
Deghoughi dans des vers satiriques qu'il « un antcchrist concret avant une person-
avait composes sur le chef de Dila. Ces vers nalité réelle )i, V. H. de C*stries, Moulay
rommcnçaicnt ainsi : Isinaït et Jacques II. p. 80, note i.
l»-l>-3 •,.• »_Jjl ,vlc
I. Cf. i" Série, .\nglelerre, Relation île
^J^ à^ ^^ ù* ^ ^. ^i cholmley à la date de 167.
«S.ichcque tu es lin lies .intcchrislsilu Maghreb». j. g^r Ja confusion qui s'est produite
El-Oifkàn;, p. {fjo. — Sur la croyance entre la mort de ce personnage et celle de
des musulmans au Deddjal, c'csl^à-dire à son père, V. supra, p. 5^7, note 4-
582 iM'HODi rnoN rRiTinTE
L'anarchie la phis complète régnait dans les deux cités. A Fez el-Djedid, le
caïd Ed-Deridi dont plusieurs razzias sur les tribus berbères restées fidèles à la
zaouïa avaient complété la fortune, tranchait du souverain. A Fez el-Bali les
inimitiés séculaires des Deux-Quartiers (El-Adouatin ') s'étaient réveillées : celui
des Andalous avant à sa tète Ahmed ben Salah tenait pour le caïd Ed-Deridi
tandis que celui des Lemtouna ne reconnaissait d'autre chef que Ibn es-Seghir.
Moulay er-Rechld ben ech-Chérif, que nous avons laissé chez les Angad,
avait groupé autour de lui les tribus de la basse Moulouya ; les Makil et les
Béni Snassen lui avaient prêté serment de fidélité et l'avaient conduit à Oudjda.
Du fond du Talilell Moulay Mohammed ben ech-Chérif finit par s'émouvoir
des progrès de son frère et marcha contre lui. Les deux adversaires se rencon-
trèrent dans la plaine des Angad. Au début de l'action, Moulay Mohammed
ayant été lue (2 août i6(ii), ses troupes allèrent grossir les rangs de l'armée
de Moulay cr-Rechid, qui se trouva ainsi à la tète de forces considérables. Il
s'établit à Oudjda, puis à Taza. Fez s'apprêtait à lui résister, mais Sidjilmassa
ayant proclamé un fils de Moulay Mohammed, il jugea prudent, avant d'é-
tendre son autorité dans le nord, de pacifier ses états du sud ; il se porta sur
Sidjilmassa, où il entra après un siège de neuf mois. Reconnu par le Taûlelt
et le Draa, Moulay er-Rechid revint s'installera Taza, d'où il fit plusieurs dé-
monstrations sur Fez (aoùt-oclobre i665). Enfin en mai 1666, avec un maté-
riel et des approvisionnements fournis par les négociants français^, il vint
mettre le siège devant Fez el-Bali, qui lui ouvrit ses portes et prêta le serment
de fidélité (() juin i5(')6). Le caïd Ed-Deridi s'était enfui de Fez el-Djedid.
Après une expédition dans le Gharb où il vainquit la résistance de Ghadan
(août 166C)) et une autre dans les environs de Mekinès contre la tribu des Aïl
Oullal qui tenait encore pour la zaouïa de Dila, le Cliérif rentra dans Fez. Le
vieux marabout Sidi Mohammed el-Hadj vint avec une armée de Berbères
camper à Bou Mzoura près de l'oued Fez pour le combattre ; la bataille dura
trois jours ; Sidi Mohammed el-Hadj dut battre en retraite sur Dila.
Moulay er-Rechid fit ensuite une nouvelle expédition dans le Gharb qu'il
acheva de pacifier ^ ; il replaça ïétouan sous l'autorité chérifienne cl fit empri-
coiiru à l'c'tabhssfnn'iil de l.i clynastic almo-
I . El-Adomlin of JjJl, les Deux Quar- ^^^.jj^ „ Les habitants de ces deux quar-
tiers. La vieille ville de Fez était divisée on tiers, écrit Edrici, sont en luttes conti-
deux quartiers celui des .\ndalo\is et celui nuelles les uns avec les autres et se livrent
des Lemtouna. Le premier tirait son nom souvent des combats sanglants ». Edrici,
de ces Arabes établis en Espagne qui étaient Géographie, t. L ?• 222.
venus vers 806 offrir leurs services à Edris II 2. Cf. Roland Fréjcs, Relation d'un
et avaient mérité toute la confiance de ce voyage fait en t666 aux royaumes de Maroc
prince, à l'exclusion des Berbères (In.\- et de Fez pp. 8-9
Khaldol.v, t. II, p. 56o). Le second avait 3. On rappelle que l'histoire de la sou-
été appelé Adouat el-Lemtouna du nom mission de Fez comme celle de la chute de
d'une tribu qui avait puissamment con- Ghaïlan seront exposées dans le premier
I \ ZVOIÏV DE niLA KT LA CIHTE DE LA DYNASTIE SAADIENNE 583
sonner le mokaddem Mohammed ben Aissa en-Neksis'. Pour être maître du
Maroc, il ne lui restait plus qu'à renverser le pouvoir de la confrérie de Dila,
à supprimer les Chebàna rebelles qui, depuis i6jg, avaient détrôné le dernier
des chérifs saadiens, et à faire reconnaître son autorité dans le Sous, où Sidi
Ali exerçait encore son influence. Le ^4 avril iCtOH Moulay er-Rechid quitta
Fez à la tète d'une mahalla, marchanf contre la puissante zaouïa. Les Dilaïtcs,
commandés par un fils du vieux marabout, se portèrent au-dc\ant de lui, mais,
vaincus à Bothen er-Roumman-, ils se retirèrent à la zaouia, qui elle-
même ouvrit ses portes au chériF vainqueur le i8 juin 1668^. Moulay er-Re-
cliid ne lit périr personne, mais il transféra les marabouts à Fez, d'où ils furent
ensuite exilés à Tlemcen '. Il détruisit les bâtiments de fond en comble et
« laissa l'emplacement comme un clianqj moissonné sur lequel on ne trouve
plus trace des richesses de la veille '' ». La nouvelle de la destruction de Dila
plongea dans la fraveur les Cliebàna rebelles. Ils quittèrent Merrakwh en grand
nombre et se réfugièrent dans le Deren. Il sullil à Moulav er-Rechid de se
présenter devant la ville pour s'en emparer (3i juillet 1668). Il fit périr tous
les Chebàna qu'il y rencontra et leur chef Abou Beker ben Abd el-Kerim ".
Deux ans après le Chérif s'emparait de Taroudant (23 juin 1670); les tribus
du Sous et du Sahel faisaient leur soumission et le marabout Sidi Mohammed
ben .\li, qui en 16Ô9 avait succédé à son père Sidi Ali, se retirait dans la
zaouïa d'iligh, où il était rejoint par le Chérif qui l'obligeait à reconnaître
son autorité. Cette dernière expédition rendait Moulay er-Rechid maître de
tout le Maroc depuis Oudjda jusqu'à l'oued Noun.
volume de la 2' Série consacre à l'avè- emparé de la zaouia par surprise. V. /'"'
nemenl de la dynastie Clalienne. Série, Angleterre, Relation de Cholmley, à
1. Tétouan, après avoir eu comme gou- la date de 167 t.
verneurs des créatures de El-Ayaclii, avait 4. Sidi Moliammed el-lladj y mouruten
repris son indt'pcndancect rappelé la famille 167 r. Son fils Abdallah, qui avait été gou-
des En-Neksis. Ghaïlan avait vainement verneur de Salé, se relira en Egypte avec
cherché à s'emparer de cette ville. En ifi^g sa femme et ses enfants. Cf. /''"' Série, S.n-
le mokaddem s'appelait Mohammed ben gleterre. Relation de Cholmley, à la date de
Aissa cn-Neksis. V. i''' Série, Espagne, 1(171. En 1677 un fils de ce dernier nommé
i5 août 16^9 et Angleterre, Relation de Ahmed ben Abdallah ed-Dilaî reparut au
Cholmley, à la date de 1671. milieu des Berbères delà Haute-Moulouïa du
2. Dans le Fazaz, d'après En-Nassiri Fazai et les entraîna à la révolte. V. 2' Série,
(p. ti8). Le Fazaz est un plateau monlueux France, .\nglcterre, etc. à la date 1677.
séparant le haut bassin du Sbou de celui 5. Cf. El-Oufràni, p. !i'2.
del'Oummer-Rbiaet la tribu des Ait Youssi 6. Son père Abd el-Kerim (Kcroiim
de celle des Boni Mguild. Cf. Foucauld, el Hadj) était mort en l'année de l'hégire
pp. 32, Soi. D'autre part, il existe à !t ki- 1079 (i 1 juin ifiGS-l""' juin 1669). On voit
lomètres environ à l'ouest d'Azrou une que Abou Beker ben .\bd el-Kerim ne fit
koubba (mausolée) de Sidi Bou Iloumman. que paraître sur le trône de Merrakech,
Cf. Seco.nzac, p. I2D. puisque Moulay er-Rechid entra dans la
3. D'après Cholmley, le Chérif se serait ville le 3i juillet 1G68.
58d iG JUILLET iHSq
CI
LETTRE DE GASPARD DE RASTIN ' A RICHELIEU
La ville de Sale'-le-!\'euJ est retombée sous l'influence d'El-Ayachi, qui a
mis te sihje devant la Kasba. — Celle-ci est ravitaillée par les Espa-
gnols. — Défaite infligée par les Dilaïles au Chéri f qui s'avançait sur
Salé. — El- Avachi d'abord vaincu par Mcnday Ahmed l>cn Abdallah
le réduit ensuite en son pouvoir. — Le sièrje de la Kasba continue. —
Les soldats du Chérif qui la défendent la rendront plutôt à El-Ayachi
qu'aux Espagnols. — Rastin préconise une entente avec El-Ayachi pour
préserver les Français des pirates et leur faire obtenir la concession
d'une mine d'étain découverte prts de Salé. — J.-B. Le Gendre et lui
s'emploieraient aux néqociations. — Rastin rappelle qu'il a dû s'engager
solidairement avec Du Chalard pour le rachat des captifs. — Les délais
convenus pour le paiement des sommes souscrites sont expirés. — Rastin
prie Richelieu d'ordonner ce paiement d'où dépendent sa libération et son
retour en France.
Salé, i6 juillet itJ3g.
En marge : Estât de la ville et port de Salé au royaume de Maroc
en i638 et iG.Sg. — Original". — Traite de lestain. qui se trouve
là en abondance.
Monseigneur,
Par faute d'occasions je nay pu escrire à V. E. depuis un an
que j'en eu l'honneur par un navire de La Rochelle, par laquelle^
1. Sur ce personnage, V. Introduction, 3. Les lettres de Gaspard de Rastin, à
notice biograpliique. l'exception de celle publiée ici, n'ont pu
2. Cette mention qui figurait cvidem- être retrouvées. On a vu que Marges fait
ment sur l'original a été reproduite telle allusion à celles que ce vice-consul lui avait
quelle par le copiste. confiées en juillet iG37(V. supra, pp. 538-
LETTRE DE GASPAnU DE RASTIV A RICHELIEC 585
je VOUS donnay advis de ce qui avoit succédé en cette ville, et de la
façon que les Andaloux qui la gouvernoient esloient tombez en la
sujettion de Morabito Cidi Mohamet Lavassi, hors quelques-uns
qui sestoient réfugiez dans le Chasteau ou Alcasabé de celte dicte
ville, où ledict Cidi Mohamet les avoit assiégez. Et, dautant qu'ay
appris que le susdict navire est bien arrivé en France, ne vous
useray de redite, et reciteray seulement à V. E. ce qui s'est passé
depuis, tant en ces deux villes de Salé, vieille et nouvelle, comme
au reste du pais.
Qu'est que, ledict Layassi continuant ledict siège du susdict
chasteau. le roy d'Espagne y envoya, au mois de juillet de l'année
dernière, un secours de quelques munitions de bouche et de guerre
pai' deux navires, une tartane et liuict grands batteaux avec cinq
cens soldats ', sur l'espérance qu'il avoit que les Andaloux qui sont
audlct chasteau luy remissent la place entre les mains, ce qui n'eut
point d'eU'ect". Pas moins ne laissèrent les Espagnols de leur don-
ner cinq ou six cens quintaux de biscuit, dix milliers de poudre, et
quelfjues baies et autres munitions, secours (|ui leur fut de grande
considération.
Quehjues temps après, le roy de Maroc se résolut de venir en
personne pour faire lever ledict siège, et pour cet effect dressa une
armée d'environ vingt mil hommes et quatorze pièces de canon,
et le voulant passer par les terres d'un saint ou morabito nommé
Benbouquer' qui estoit et est encor en ligue offensive et défensive
avec ledict Mohamet Layassy, tenant entre les deux plus de deux
539). Celle dont Rastin fait ici mention l'objet de la part dos différentes puis-
étail de juillet i638 et relatait l'accord sances, V. supra. Introduction criticpie,
intervenu à la fin de 1687 entre le Chérif p. 197.
et El-.\yachi (V. supra Introduction cri- 3. Benbouijuer, pour Ben Bou Bcker et
tique, p. 197), la rentrée des Hornachcros mieux Ben Abou Bcker. Ce marabout
dans Salé-le-Neuf et leur tentative contre dilaïte, dont le nom complet était Moham-
la kasba avec l'appui de El-.Vyachi. mcd ben Abou Bcker, mourut en 1637.
I. Sur ce secours, V. i''' Série, Angle- Mais ce nom de Bcnbouqucr a été applique
lerre, Journal de Robert Blake, i638-i639 à tort par les Chrétiens à son fils qui s'appo-
ct Espagne, i638 paxsi-n. — L'envoi de lait en réalité Mohammed cl-Hadj, nom que
cinq cents hommes n'est mentionné ni par lui donnent tous les chroniqueurs arabes.
Robert I51ake ni par les documents cspa- V. suprn. Introduction critique p. "177,
gnols. note 2. C'est de ce dernier que veut parler
a. Sur les compLtitions dont Salé était ici Gaspard de KaAtin.
586 i6 JUILLET iR.Sq
cens lieues de pais à leur sujetlion, ledict Benboucjuer liiv fut au
rencontre avec partie de ses gens, et le vingt-sixiesnie du mesme
mois' se rencontrèrent à un lieu nommé Iluet ol-IIabil " ou Rivière
des Noirs, là oîi le Roy fut entièrement défait et perdit la pluspart
de ses hommes, toute son artillerie et bagage, là oii il y avoit de
grandes richesses, tant en meubles que joyaux, que argent contant,
et eut de la peine de se sauver avec quatre cens ou cinq cens hommes
des siens à Maroc.
Depuis la perle île hidicte ijataille le roy de Maroc ne s'est pu
refaire pour dresser une autre armée, et s est contenté de se tenir
aux environs de Maroc avec une petite armée volante pour empes-
cher la couche ' des Alarbes. Pendant ce temps, le susdict Mohamel
Layassy, ayant pourveu au siège du chasteau de celle ville, fut
contre Muley Amel, frère aisné du roy de Maroc '. qui estoit aux
environs de Fex avec une grande compagnie d Alarbes appeliez
Agaanez " et Charaques ° (estans tous les Alarbes de ce païs départis
en générations ou familles qui ont chacune leur nom particulier)
qui l'avoient recueilly pariny eux (après qu il fui défait et chassé par
le roy de Maroc son frère), et qui lenoient ladicte ville de Fez de
fort près. Et, au premier rencontre, ledict Layassi fut défait ' : mais
il se remit sus dans huict jours avec plus de force qu'auparavant,
et alla de rechef contre ledict Muley Amet, e* le poursuivit
deux ou trois journées de païs, et, l'ayant serré entre des mon-
tagnes, il le contraignit de se remettre entre ses mains avec partie
desdicts Alarbes, sous quelques conditions qu'ils firent ensemble,
là où il est encor, ledict Layassy se voulant servir de luy pour l'op-
I. Du mesfti-; mofe. Si l'on s'en rapportait 2. //ii('( er//a6i7. Oued el-Abid.
au texte, ce « mesme mois » serait celui 3. La couche, erreur de copiste; il faut
de juillet, le seul désigné plus haut, mais rétablir : la course.
il y a tout lieu de supposer que Rastin 4. Ce prince, fils d'une négresse, avait
croit avoir déjà parlé d'un mois postérieur été écarté du trône à cause de ses vices et de
à juillet. En réalité, d'après Robert Blake sa mauvaise conformation. V. /'"'Série, .\n-
qui était présent à la bataille, celle-ci eut gleterre, 27 mai itiSfi; etsupra, p. 363 n 2.
lieu le 16/26 octobre 1 638. On remarquera 5. Agaane:. coquille anagrammalique
que le quantième donné par Robert Blak*^ pour Zenaga.
est identique à celui de Rastin. Sur les 6. Charaques, Chcraga.
détails très intéressants de cette bataille, 7. Sur cette défaite de El-Ayachi, cl.
Cf. i" Série, .Angleterre, Journal de Robert /" Série. Angleterre, Lettre de Robert
Blake. leSS-iôSg. Blakc. 3 août i63S.
LETTRE HK r.ASPAHII DI" H ASTIN A niCHELIEU 087
poser, en cas de besoin, contre le roy de Maroc son frère ; mais il
est plustosl tenu en qualité de piisonnier que de prince libre.
Après ce, ledict Layassy revint en cette ville, oii il est depuis
(|iialre ou cinq mois, faisant continuer le siège du Cbasteau ; et a
fait baniiH- le reste des Andaloux (jui estoient restez en cette ville
et à celle de Çalé-le-Vieux, hors quelques peu dartisans. desquels
ces deux villes ne peuvent se passer. Mais, quoyquc ledict cbasteau
ri'ayt point eu de secours du roy dEspagne depuis le susdict, le
roy de Maroc ne luy a faiet faute d'aucune chose, ayant eu lentrée
de la nier libre, se servant pour cet cITect de (jnelques navires mar-
chands (jui vont à Sally et des caravelles et saities que le roy d'Es-
pagne tient à Ma/agan, colonie des Portugais entre Safv et cette
ville. Mais à présent il y a quelque temps qu'il n'y est entré aucun
secours, et dans peu de temps on verra ce qu on fera, car ils ne
peuvcnl plus eslre avitadlez cjue par de grands navires, à cause que
ledict Lavassi a faict venir de Toutouan une saitie et une caravelle
et quatre frégates, qui se tiennent au devant la bari'e dudict
cbasteau et empeschent (|ue leurs vesseaux ' n'en peuvent sortir.
Et tant qu'ils seront avitaillez, asseurement ne se rendront
point.
El, pour ce (|ue j'avois escrlt à \. E. (pi'il y avoit apparence
(|u'ils se rendroient plustost au roy d'Espagne qu'audict Layassi,
l'opinion s'en est passée, pour avoir esté les deux reniés françois,
desfpicls je vous avois escrit, et cpielques-uns des Andaloux rap-
peliez par le roy de Maroc", les soldats duquel n'ont voulu con-
descendre aux propositions que faisoient les Andaloux. et y a pensé
avoir de la rumeur audict cbasteau à ce sujet, [à ce] qu'en disent
rpielcpies captifs qui se sont sauvez d'iceluy en celte ville, lesdicts
soldats, (pai sont originaires de c'C pais et de la province de Sus, disant
(pi'ils aiment mieux rendi'c la place à l'extrémité audict Layassy
cpii' non pas au\ cbrestiens. qui sont ennemis de leur religion. Si
ledict cbasteau vient au pouvoir dudici Layassi, il sera le plus
puissant seigneur qui soit en ce pais de liarbane, à cause de la
[. Vesseaux. le texte porte : bestiaux. (Sur ce persoiuiajrc \. p. /i5i, note i).
2. Il faut entendre que les deux reniés favorisaient la cause espagnole, ce qui
français, dont l'un était Moral l'Vançois avait motivé leur rappel.
588 i6 JUILLET 1689
jouissance de ce port, qui se remplira aussitost de pirates, comme
autresfois a esté', qui faisoienl une infinilé de maux aux marchands
et autres navigans. au grand détriment du commerce.
Et si V. E. trouvoit à propos de faire quelque ouverture de paix
avec ledict Cidey Mohamet Layassi, afin qu'estant une fois maistre
de ce port, les François n'en receussent point de dommage, il seroit
aysé d'en faire l'ouverture, et ledict s' Layassy y eutendroit volon-
tiers, car il a quelque inclination pour les François; laquelle paix
seroit beaucoup mieux observée qu'elle n'estoit avec les Andaloux,
puisc[u on nauroit à faire qu'avec un homme seul, et non avec une
multitude de peuple qui commande absolument. Et quand ce ne
seroit que pour le respect du mal que peuvent faire ces corsaires qui
à 1 advenir pourroienl esfredans ce port, ladicte paix seroit utde pour
le négoce qui se pourroit dresser en ce pais. Car il s y peut faire une
gi'ande traite pour s'estre descouverte depuis liuict mois une mine
de très fin estain en cedict païs à une lieue de celle ville au dedans
la terre, qu'on estime meilleur que celuy d'Angleterre ^ laquelle
est si abondante en ce mestail qu'elle donne plus de cinquante
pour cent et contient plus de huict lieues de contour, enclavant en
soy quatre ou cinq montagnes en toutes les parts desquelles se
trouve ledict mestail, et au fond dicelles se faict un torrent qui
demeure à sec tout l'esté, tout le gravier duquel n est autre qu'es-
tain. Le s' Jean-Baptiste Le Gendre', marchant de Houen. por-
teur de cette lettre, qui est venu en traite en cette ville, emporte
une partie de mil quintaux et quelque peu de la terre duquel on
le tire pour monstrer en France, tellement que, par le moien de
celte traite, la France se pourroit passer de l'Angleterre et se pour-
voir dudicl estain à beaucoup meilleur compte, et en troque des
marchandises de la France, lesquelles sont de bonne débite en ce
païs.
Ledict traité de paix se pourroit ouvrir par quelque honneste
1. Si l'on s'en rapporte à celle phrase 3. Sur la famille Le (icnilre. V. Inlro-
de G. de Rastin, il faut supposer tjuc la duction, nolice biographique. On a vu
piraterie avait cessé à Salé pendant quel- ci-dessus, p. 554, que .Jean Baptiste Le
ques années. Gendre se trouvait en juillet i638 à
2. On sait que le minerai d'étain se Safi, occupé à des opérations commer-
lirait presque exclusivement de Cornouaille. ciales.
LETTRK DE GASPARD DE RASTIN A lUfllEl.lFl- o8q
marchanl qui fusl i'X|)cil aux affaires de ce pais, couiuic est le sus-
(lict s' Le Geudre, lequel, avec un adveu de Sa Majesté et de ^ ostre
Eminence, pourroit liailer ladicte paix, sans que Sa Majesté fust
obligée à faire les frais (|ui se soni faits autresfois aux e(|uipages des
navires que Sadicte Majesté y a envoyées ; à (|uoy je m'eiuployeiay,
si Sa Majesté et vous, Monseigneur, me fassiez l'honneur dem'em-
ployer, avec l'affection que je doy au service de Sa Majesté et de
^ . E. Toute la difficulté (jui s'offriroit en cette affaire seroit la re-
laxation des captifs françois qui sont encor icy', qui peuvent estre
environ cent cinquante', lesquelzledict Layassy feroit donner pour
le prix qu ilz ont esté vendus ; et. quand on ne pourroit s'accorder
en ce chef et que Sa Majesté n'eust agréable d'en donner le paie-
ment, on en pourroit convenir par un escliange des Mores de ce
pais qui sont en France.
Jay advisé par toutes mes précédentes de la façon que j estois
demeuré engagé de deçà pour les captifs (.\ue M' Du Cliialard em-
mena en France en son dernier voyage en ces costes, à condition
de les payer dans six mois avec les autres qui demeurèrent icy sous
sa caution et pleigenient de la mort et fuite, et pour lesquelz il me
lit obliger solidairement avec luy '. Je réitère à présent mes très-
humbles supplications à \. E., vous sii|)plianl très-humblement.
Monseigneur, de vouloir avoir, s'il vous plaist, compassion de
inoy et conunander que je sois retiré de ce pais, car il n'est pas
raisonnable qu'ayant donné liberté par 1 obligation que je passay
solidairement avec ledict s' Du Chalard à quarente François captifs,
que ledict sieur emmena, je perde la mienne.
Lesquelles debles se montent à huict mil sept cens quarente du-
cats, monnoye de ce pays de Barbarie, sçavoir cinq mil cinq cens et
trois ducats pour les captifs ([ue ledict s' emmena fiez ' , commej'ay dit
cy-dessus, et trois mil deux cens li'enlc-se[)t ducats pour la fuite ou
I. Il s'agit de ceux des captifs que Du <li'l litre en rcalité de 278 au lieu de iSo.
Clialard n'avait pu raclieter en i635 faute 11 faut admettre que la différence provient
de fonds. V. supra, p. ^91 et notes 3 et 4. soit de nouvelles évasions, soit de morts,
j.. On a vu que Du Clialard en i635 soit de rachats particuliers,
avait laissé à Salé 333 captifs (Doc. LXWII, 3. Sur les conventions dont parle ici Gas-
p. 5o.^). et que soi.vanto s'étaient évadés au pard de Rastin, Cf. ci-dessus Relation de
cours des années iGSCi et i63- (Doc. .\CIV', Jean Marycs, pp. 537-538.
pp. 53" et 539) ; le nombre restant aurait '1. Fie: c'est-à-dire : remis sur parole.
5qO 16 .UMILFT iH^CJ
mort de ceux qui csloicnt demeurez icy sous ladicle liauce', pour
lesquelz Sa Majesté promit, par ses royalles lettres qu'elle envoya
par un exprès par voye de Marseille^ d'accomplir le paiement con-
forme à l'accord fait à son nom avec ledict s' Du Chalard. et
moyennant qu'on luy aceordast le delay qu'elle demandoit. me
commandant d en faire instance en son nom, ce que je fis avec
l'aflection que je doibs à S. E., qui fut en cela satisfaicte comme
elle de si roi t ^
Mais ledict terme estant expiré, sans avoir 1 efTect de ce que Sadicte
Majesté avoil promis. Dieu sçayl la peine en quoy je me trouve,
laquelle seroit esté encor plus grande, si la guerre ne fust survenue
en cette ville, qui, à la fin, a ruiné les Andaloux et les a assujetti
audict Cidy Mohamct Layassy, ainsi que particulièrement et de
temps en temps j'ay ad visé \. E. A présent, je ne me trouve pas
moins pressé par ceux à qui il est deub, qui sont presque tous Or-
nacheros et par conséquent fort amis de Layassy.
Que si vous. Monseigneur, n'avez compassion de moy, je suis
pour périr misérablement en ce pais ', pour n'avoir moien de payer
si erande somme.
J'envoye au R. P. Léonard de Paris" un caycr où sont coppies
de quelques lettres que ledict s' Du Clialard mescrivit, lors qu'il
estoit en cette rade^, par lesquelles il appert que je m'obligeay à sa
1. On voit que G. de Rastiii, dans la
négociation relative au rachat des captifs,
avait contracté une obligation solidaire
avec Du Chalard, mais cette obligation ne
portait pas sur la totalité de la somme. Le
vice-consul s'était engagé pour 5 5o3 ducats
de Barbarie représentant la rançon de qua-
rante captifs français, et il paraît en outre
avoir cautionné les 333 esclaves laissés en
liberté sur place à Salé. Or, par suite des
morts et des évasions, cette caution s'élevait
en iGSg à 3 23^ ducats, qui, avec les 5 5o3
ducats, montant de sa première obligation,
faisaient un total de 87^0 ducats. Cette
charge était écrasante pour Rastin et il
mourut avant de s'être acquitté. Henri
Prat en l0i3 dut payer tout ou partie de
la dette pour pouvoir jouir des droits de
son consulat.
2. Sur la mission confiée à cet « exprès »
par le commissaire Claude Luguet, d'après
les instructions de Kichelieu, V. supra.
Introduction critique, p. 558.
3. Cf. ci-dessus Relation de Jean Marges,
p. 537.
!l. Ce fut en effet le sort de Gaspard de
Rastin qui mourut à Salé en i6'i3.
5. Le P. Joseph était mort le 18 décem-
bre i638 et le P. Léonard de Paris l'avait
remplacé comme gardien du couvent de
Saint-ÏIonoré.
6. On peut déduire de ce passage et de
celui ci-dessous dans lequel Rastin parle de
In lettre qu'il eut r< l'honneur de recevoir
LETTRE DE GA?PARr> DE RASTIN \ RICHELIEC 5() 1
prière et réquisition, de laquelle obligation il nie prunat me relever
et indemniser en son propre ; et, avec icelles, coppie de la lettre que
j'eus l'honneur de recevoir de Sa Majesté et partie des obligations
signées par le susdict s'' Du Cliaillard. Que si V. E. daignoit jeller
les yeux sur ledict cayer, je ne doute point qu'elle ne cominandast
que lesdictes debtes fussent acquittées et moy délivré, en faisant
donner cette partie de rargcni des auiviosnes qui se sont r(>cueillies
par la France pour la rédemption des captifs à quelque marchand
(}ui s'obligeast de le faire tenir par deçà et me retirer, pour m'aller
jetter aux pieds de V. E. et prier tous les jours de ma vie pour la
continuation de sa grandeur et [)r()sperilé, de la mesme all'erlion
que je suis,
Monseigneui-,
Nosfre ti'ès-afTectionné. très-lnnnhlc el Irès-obéissant servilciir.
Signé: De Uastin.
A Calé, ce i G juillet iG3()
Bibliolhèqae Nationale. — Fonds français. — V'^ de (lolberl, vol. ^i7).
(!'. ^iU9 v"-^.')^. — Copie du xvn" siècle.
de S. -M. » que G. de Rasliii ii'élait pas Vy avait précédé. 11 dut y arriver en i034
venu y Salé avec Du Chalard en i635 niais après le départ de (^abiron.
592 l642
cil
RELATION D UNE RÉDEMl'TlUN DE CAPTIFS A SALÉ
(1642')
Titre de départ : La célèbre rédemption de quarante-un chres-
liens caplil's, faicle en la ville de Salé, au royaume de Mauritanie.
Arrivez »k receus au couvent des Mathuriiis de Paris, le 22 dé-
cembre 1G42.
Le 27. donc de juin de la mesme année ili^i. il" renouvella,
ou pluslost confirma la commission qu'il avoit auparavant donnée,
avec association d'un des Pères de l'Ordre, au R. P. Frère Jean
EscoIRé', ministre de la maison de riionneur de Dieu, près Cbel-
les, & le renvoya aussi tost à Marseille pour négocier celle quatrième
rédemption.
Combien que ce R. Père Escoffié ait une grande expérience jointe
à la connoissance nécessaire en telles alTaires, À: que sa prévoyance
ait tousjours mis en asseurance, mesme dans le plus grand fort des
hazards, ik ses desseins & les deniers dont il estoit chargé pour une
telle affaire, il ne luy a pourtant pas manqué nouvel exercice, en
cette rechaige de commission.
C'est pourquoy ce R. Père a esté contrainct de manier sa négo-
ciation, par l'accommodement forcé de ses intentions au rencontre
I. Ce documenl(Y. in/ra, p. 094, note 2) l'ordre de la Trinité.
a ("te publié on i6/i3, mais tous les événe- 3. Ce père avait accompagné le P. Dan,
nients qu'il relate ont ou lieu en iG^ï- lors d'un voyage de rédemption failà Alger
a. //. le P. Louis Petit, supérieur de et h Tunis en i634-l635. V. Dax, p l\\ .
RELATION DUNE REDEMPTION DE CAPTIFS A SALÉ b()3
des personnes, qui n'y avoient autre condescendance que pour
grossir la masse de leurs interests par quelque tromperie couverte,
ayant plus de saloure de mer dans le corps, que d'humanité dans
le cœur. Tous accords sont suspects avec gens de mer, de bois &
de montagnes, et à cause <iu soupçon fondé en expérience, l'on
passe les mois ik les ans sans rien arrester avec eux qu'une pro-
vision d'irnpalience. Joint ([ue 1 infidélité naturelle des Fiarljares,
trop l)ien reconnue, donne la torture à mil pensées qui, du parterre
de l'imagination, regardent les traittez que l'on veut faire aA'ec
eux.
Enfin pourtant le grand Dieu, satisfait de la constance que l'on
apporte ez œuvres qui le regardent, iS: laisé ' delà mauvaise foy de
telles gens, manie des ressorts inconneusà tous dans sa divine Pro-
vidence, qui nous nécessitent à croire par les effects que c'est luy
seul, lV non un autre, qui fait réussir les affaires, quand on y espère
le moins, «k nous monstre ensuite que les hommes ne sont que des
tourbillons de témérité, des bancs d'inconstance & des idoles de
vanité.
C'est toujours beaucoup gaigné, quand le long temps n'est pas
tout à faict perdu. & que l'on relire l'interest de son cours par
(|uel(jue salisl'action d'all'aires. Le H. Père Escoffié ayant traitté
pour faire le rachact en la ville de Salé au royaume de Mauritanie,
la barque à la voile passe heureusement le dcstroit de Gibraltar, &
arrive à Salé sans mauvaise rencontre. Le rachapt s'y faict de qua-
rante-un Chrestiens captifs, qui servoicnt en ce lieux-là une misé-
rable servitude (S: peut-estre la plus dure de toute la Barbarie.
La barque estant chargée de ces sainctes despouilles, reprend la
route de son retour pour Marseille. La joye de cette liberté ne dura
pas beaucoup, mais c'est la condition des choses humaines, la
crainte accompagne toujours l'espérance,' & la tristesse suit la ré-
jouissance de plus près que l'ombre le corps. Ayant rejjassé le des-
Iroit & estant rentrez dans la mer Méditerranée, elle ne singla pas
longtem|)s f[u'cllc se trouve attaquée des corsaires d Alger". & la
1. Laisé. Il faut rétablir: lassé. portent presque toujours, soit à aller, soit
2. Les récits do rédemption, ayant sur- au retour, une tempête et une attaque de
tout pour objet l'édification du lecteur, sont corsaires, périls auxquels le navire échappe,
composés sur un modèle uniforme et com- grâce à de miraculeuses interventions.
De Castkies. III. — 38
charge presque engagée à une nouvelle captivité, si Dieu, auquel
tout le recours, & la Saincte Vierge sous le titre du Remède, pro-
tectrice des captifs, n'eussent rendu cette attaque nulle, par la géné-
reuse résistance qu'ils inspirent à ces nobles athlètes du théâtre de
Jésus-Christ, qui se trouvèrent, sans armes, capables de captiver
ces corsaires armez. Mais, estant destinez à la plaine jouissance de
la liberté, qui leur estoit acquise au nom de la Très-adorable Tri-
nité, ils se trouvèrent avoir relasché à Barcelone en Catalogne ; &
de là les vens conspirans à leur bon sauvement, de l'authorité de
celuy qui les retient & les lâche à son obéissance quand il veut, ils
arrivèrent tous joyeux au port de Marseille le 22 du mois de novem-
bre 16/Î2 '.
Bibliothèque Nationale. — Imprimés. Ld ^3, n° 18. pp. 11-16-.
1. La relation s'achève par le récit du rédemption des XLl clirestiens captifs, f aide
voyage de Marseille à Paris où les captifs de l'authorité du reverendissime P. General
arrivèrent le 22 décembre et de la procès- de tout l'ordre de la Saincte Trinité ^ Re-
sion solennelle qui eut lieu dans la ville à demption des captifs, en la ville de Salé, au
cette occasion. A la fin se trouve la liste des royaume de Mauritanie, arrivez ^ receus au
quarante et un esclaves rachetés, avec l'in- couvent des Mathurins de Paris le vincjt-
dication de leur âge et de leur pays d'ori- deuxi'eme décembre 1642. — A Paris cliez
gine. Julian Jacquin, rue des Massons, pr'es Sor-
2. Le titre de la plaquette est : La célèbre bonne M DC.XLUI.
AVIS DE LANIEU
5f)5
cm
AVIS DE LANIER'
Lisbonne, i<''juin i6i3.
En tête : A Lisbonne, ce i" juin i643.
On a eu nouvelles aussy de Mazagan en Afrique, d'où le senor
Ruy de Moura Telles est gouverneur", où il y a eu grand combat
contre les Maures infidelles, dont grand nombre est demeuré sur
la place, sans que, des Portugais chrestiens, il y soit demeuré que
ih personnes.
Archives des Affaires Etranr/ères . -
litique. Vol. 2./. 12!). — Orit/imit.
Portai/al. — Correspondance po-
I. François Lanitr, sieur de S'''-Gem-
mes-sur-Loire, conseiller du Roi en ses con-
seils d'Etat et privé en 1629, maître des
requêtes, envoyé comme ambassadeur aux
Grisons (3o décembre 1635), rappelé sur
sa demande en ifiSG, obtient en i6'iO la
cbarge d'intendant de justice, police et
finances dans les provinces de Bretagne et
d'Anjou. Lanicr alla en Portugal en i6/(i
et y resta jusqu'en i643, sans caractère
officiel. De i64<) à 1648 il retourna dans
ce pays comme « envoyé pour le service
de Sa Majesté vers le roy de Portugal. »
Par lettre d'avril lôiJG sa terre de S'"-
Gemmes-sur-Loire fut érigée en baronnie
en considération de ses services. Fran-
çois l.anier mourut à Angers le 10 février
1O76. Cf. AJf. Elr. — l'nrtiiijal, Corrcsp.
pol. Vol. i.f. Hgs. Vol. 2, ff. 8g. 3o0 el
Vnl. .?. /. 0,8. —
2. 11 avait succédé à Vlartim Correa da
Silva, le 22 novembre iGl'i2. 11 fui remplacé
comme gouverneur par U. JoàoLuiz de Vas-
concellos c Menezes, le 10 novembre lO^S.
696 2 A AOUT i6/î3
CIV
RELATION ANONYME DU SOULÈVEMENT DE TANGER
2li AOUT l6/i3'
Le I" décembre i64o, profilant des embarras où se trouvait la cour d'Es-
pagne en guerre avec la France et aux prises avec la Catalogne révoltée, les
Portugais s'étaient déclarés indépendants et avaient élu pour roi le duc de
Bragance sous le nom de Jean \\ . Les colonies suivirent presque toutes
l'exemple de la métropole. Ce fut le cas de la fronteira de Mazagan - qui ac-
clama avec enthousiasme le souverain national monté sur le trône de D. Ma-
nuel. Les villes de Tanger et de Ceuta, dont les sentiments pour le nouveau
pouvoir ne faisaient aucun doute, se trouvaient dans une situation plus difficile
pour les manifester à cause du voisinage de l'Espagne. Cependant le 2^
août iti43 les Portugais de Tanger se soulevèrent contre leur gouverneur D.
Rodrigo da Silveyra et proclamèrent le roi Jean IV. Seule des anciennes fron-
teiras portugaises, la place de Ceuta fut conservée à l'Espagne par son gouver-
neur D. Joào Soarez '. Une fois soustraite à la domination de Philippe IV, la
ville de Tanger éprouva de grandes difficultés à se ravitailler : non seulement
la Hotte espagnole croisait dans le Détroit pour intercepter toute communication
entre le Portugal et la place alfamée, mais on y voyait encore les vaisseaux de
l'Angleterre et de la Hollande qui, au courant de la situation précaire de Tanger,
avaient aussi des visées sur cette place. Les Maures d'autre part occupaient la
campagne et, sous la conduite de El-Gliaïlan, harcelaient la garnison par
d'incessantes attaques.
En tête, alla manu : Rebelion de Tanjar. — Agosto 2/1, t643.
Relaçâo do que succdeo iiesta cidade de Tangere da aclamaçâo
que se lez nella em 2/1 de Agoslo. — Inviadu daquella cidade por
I. Bien que le dernier fait mentionné 2. Le gouverneur do Mazagan était alors
dans cette relation soit du i4 décembre D. Martim Correa da Silva ; il avait succédé
1643 (V. infra, p. 601), il a paru préférable dans ce commandement à l'Infortuné comte
de publier à cette place ce document non de Gastello Novo.
daté et consacré presque entièrement au 3. Sur ce personnage, V, infra. Doc.
récit du soulèvement de Tanger. CXXllI, p. (347.
RELATION ANONYME DU SOULÈVEMENT DE TANGER Sq^
Teluâo a esta ao beneficiado Ignacio da Costa, criado do bispo que
nesta praça esta ' , vinda ao Marques de Miranda no masso das cartas.
Dous meses anles desia aclamaçiîo, se traloii entre muitos mora-
dorcsdcsta cidade. pessoas nobres c principaes, com effeito se resol-
verâo a ganhar a fortaleza do castello e prenderem ao Conde das
Sarcedas^ gênerai que foi desin força por el Rey Dom Pheb'ppe,
lendose por couza milagroza que, em tempo de dous annos^, se
nâo soubese do determinado, estando este segredo entre cento e
oitenta homens, sem aver aviso nenhum ao gênerai : e sospeitan-
doseque sesaberia, sendo que, conforme se diz, estava este segredo
a entre muitas molheres divulgado e meninos, receosos de tan
grande crime, se resolverâo vespera de Sâo Bertolameo très horas
antes da menliâ. sendo que desde prima noite se avisarâo huns aos
outros para o ta! effeito. e se hiâo liindo ao Convento recolherse
para de alli sahirem ao effeito a que biâo apolidados por Dios, pois
era o resgatar esta cidade de tantas incomodidades e trabalhos a
que estava sogeita com tantos casiigos e oprobrios, que se forào
inda os melhores délia, tomando tanto os poderes aos homes, que
ja se nâo podia com tanta dilaçào.
E foi o caso que. recolliidos todos ao Convento, tendo de antes
concertado com o capilào da guarda a entrada do Castello, ende
elle era de guarda aquella noite. mandou logo guardas a prima a
porta do Castello. para que pessoa alguma fosse para riba, nem
desese para baixo, e as que viesem as levasem ao Convento, onde
cstavâo os mais adjuntos. Estando ja tudo posto a ordem, se sahi-
râo 1res boras ante menlià. e forào pclla praça e calsada asima, por
nâo sereni vislos das vigias do Cliounso. e trepando ao Castello,
cerrarâo a porta délie, |)or (pianln o porleiro délie, (jui era Manoel
1. Col pviîqiin pst nommi' plus loin Sarzodas, avait succédé à Fernando
i< Dom Gonçalo » ; il s'appelait D. (îon- Mascarenhas comme gouverneur de Tanger
çalo da Silva ; il fut évêque de Ccula (i5 avril 1637). l'our l'attactier à la cause
de i635 à i6^f). V. Gams. Séries e.piscopo- cliancelanle de l'I'îspagne, Philippe IV le
rum. Cette indication permet d'établir que nomma en i6io marquis de Sovereira
la présente relation fut adressée de Tanger F(Tmoza.
à Ceuta par la voie de Tétouan. 3. Il )• a plus haut : dous meses, ce qui est
2. Rodrigo da Sylveira, comte das beaucoup plus vraisemblable.
BgS 2 4 AOUT 1643
Diaz de Villalobos, tinha as chaves, era tambem da junta, serrarâo
a porta délie, e dali mandarâo logo que trocasem alva', e mandou
o capitâo Francisco Lopez seu filho Afonso d'Aranjo com doze sol-
dados, os mais délies estudantes, que se pusessem no posto das Cone-
jas, e outres sobre a granja do Chouriso, e outros a porta da Fer-
raria, e trepando ao Paço com os dous religiosos e arcediago de
Arzila', sendo que eu fui o quarto, que cheguei per me avisarem de
noite, trepando pella escada do Passo, cliamarâo pella guarda de
dentro, sendo que sem acudir, como lodo vinha ordenado pello
ceo, as portas da sala se Ihe abrierâo, e logo forâo ao aposento,
onde estava deitado \ e o cliamarâo. Abrioe a porta, asigurandoo
que nâo o matariûo ; que estava alli o povo, que aclamava el Rey
nosso senhor Dom Joâo por su rey e senhor.
Elle, tâo terneroso que o matassem, logo de denlro o aclamou
por su roy, que elle sempre no seu coraçâo o tivcrapor seu senhor,
e, abrindo a porta, se abraçarâo com elle, e o prenderâo, sendo
que levavâo macliados para Ihe abrirem a porta. E sayndo fora a
marquesa desmayada, pedindo a matassem antes a ella que o Conde,
Ihe pedirâo as chaves da cidade c de toda a sua secretaria ; e as
entregou. E levandoo a galaria, disserâo que nâo queriâo que se
prendese alli ; e levandoo a Torre do Sono, o trouxerâo ao corpo
da guarda, onde esteve.
E logo todo o povo se sogeitou sem baver perigo algum, e, antes
das horas de matines, tudo estava quieto, aclamando ao nosso Rey
e senhor. Tratando de fazer governador, o fizerâo e seus adiuntos
im a hermida de Jésus, assistindo o cabido e mais povo. Elegerâo
André Dias da França, e seus adjuntos : o contador', ojuis dos
orfâos\ Diogo da Sylveira, Francisco Lopez Tavares, o provisor%
que o nâo quis ser, por respeito da niuita ocupacâo que tinha e
estar enferme, e o chantre, e do mesmo modo se escusou, e em
1 . Trocasem alva, pour : tocasera alva, Sarzedas gouverneur de la place, bien qu'il
u'ils sonnassent la diane. ne soit pas nommé.
2. La ville d'Arzila avait été reprise par 4. Le contador s'appelait Ruy Dias da
Moulay Ahmed cl-Mansour\e i3 septembre Franca. V. Mene7.es, p. 169.
i58(|, mais des religieux portugais y rési- 5. Baltesar Martins de Lordello. Ibidem.
daicnt encore comme missionnaires. 6. O Provisor. magistrat ecclésiastique
3. Onde estauarfeiïado, membrcde phrase auquel les évèques délèguent leur juridic-
sc rapportant manifestement au comte das tion contentieuse. Moraes.
RELATION ANONYME DU SOLI.ÈVEMENT DE TANGER OQg
SU lugar elegerâo Francisco Banha ; isto tudo por votos do povo,
tendo pessoas para tomarem os votos, que era o provisor, e o
chantre, e o vigairo. o juis dos orfâos, Diogo da Sylveira. Isto
tudo antes das sais do dia ya estava concluido e quieto tudo, sem
haver adverses alguns, se bem alguns fizerâo mao rostro ; contudo,
hoje estâo Portuguescs : e sobre isto Ibe tirarâoas ginetas', como a
Jacinto Correa e Alvaro Machado, digo : Lobo, e as derâo huma a
Diogo Banha, outra a Simâo da Fonseca.
Estando tudo isto leito, aquclle dia a tarde levarâo ao Conde
pera baixo as casas do Senhor Bispo com toda a sua casa, onde
esta com muitas guardas, sem falarem com elle, senâo com licença
dos adjuntos ; estando hum coitado feito sem falar. Sobre a secreta-
ria se acharâo muitas cartas de frades. que falâo contra o nosso
Rey Santo Dom Joâo. que assi Ihe chamâo por ser dado por Dios,
e outras cousas muitas que se virâo de traiçôes que nos tinha arma-
do assi o frade como elle ; mas o fr. Antonio ficou la ; e tambem
se acharâo cartas do conego Pinto, que tambem falava. Tudo
isto junto para irem a el Rey que Deos guarde.
Logo a 25, despedirâo Antonio Soares esquipado com osembaixa-
dores a el Rey, com cartas deste povo e do cabido e a juraçao
que fizerâo. Neste mesmo dia entrarâo très gabarras de Castella,
huma com setecentas fanegas de trigo, e outra com 600 de favas,
e outra com vinho, aseite e louça, que tudo mostrou ser milagre
de Deos. E chegando ao Algarvc a fragata a 29 de Agosto ao saba-
do a noite com os embaixadores Francisco Banha e Diogo Vaz
Machado, e Manoel de Sousa por capitâo do navio. tanto que che-
garâo Ihe sairâo dous barcos. Os muy valentes Porlugueses, como
liôes desatados, os nào quizerâo consentir desembarcar por cuida-
rem erâo Castelhanos, tanto que deitarâo hum homem em terra, e
logo que conliecerâo os nossos. vcyo o go\ernador de Tavira, que
o Capitâo inor estava em Lagos, Dom Francisco de Mello por
governador daquelle exercito ; levandoos todos nas palmas das
mâos, os mandou prcndcr cm huma hermida. e os embaixadores
I . Lhe tirarùo as rjinetas, on leur rôtira des capitainos d'infantoric portufraisc et
leur grade. La ijineta était la lance courte était considérée comme l'insigne du grade.
fiOO *? 'l AOUT ifi'l.S
em sua casa niuy regalados os deteve 1res dias, aie que por detras
avisou a el Rey, que estava em Evora alistando os exercitos para
entrar em Badajoz, que dia de Nossa Senhora da Luz ficava' para
envestir. elRey deu aos dous correos très mil cruzadosdealviçaras,
e teve a nova em si très dias sem a comunicar ao povo, alegre e
contente, e vindo os seus adjunlos a sua alegria, llie preguntai'âo
que linha, respondendolhe que Tangere era seu, onde celebrarâo
muilos lorneos e festivas, e chegou a dizer que mais fesiejava Tan-
gere que hum fdho que Ihe havia nacido, per nome Dom Duarte,
que o primeiro se chamava Sebastiâo, por quei'er o povo llie mu-
dasse o nome^ E chegando os embaixadores, logo em o mesmo
dia respondeo, que forâo seis de Setembro.
E tornando atras, a 29 de Agosto chegarâo a estacidade as fazcn-
das que estavào em Xerez em huma nao com Manoel da Sylveira,
que se tuve por cousa milagrosa, pois se nos imposibililavâo tanlo
por l'espeilo de quem nos governava ', que foi causa por onde esta-
vào detidos. Elias se desembarcarâo com muita cautela, sem sabe-
rem os da nao que estavamos por el rey Dom Joâo que Deos
guarde, e logo no mesmo dia se deu aviso que se descarrega-
sem, e se foi a nao sem saber do caso. Nella vierâo muitas caiias
do frade escritas com cifras que se nâo entendiâo, muitas velha-
carias e embustcs contra esta nobre patria portuguesa, e aclamada
por seu rey e senhor*.
E a tudo isto 0 Conde, sem saber cousa alguma do que passava,
que para mandar o seu comprador ' foi'a a ncgoccar alguma cousa
do que passava, aviâo de si dous liomens de guarda com elle : digo
isto pello limite a que chegou. E anles que va mais avante, despois
desla aclamaçào, que foi a 2/1, e a 26, se armou hum motim na asa-
caya, que foi necessario sair 0 santo crucifixo cm procisâo para se
I. Nossa Senhora da Luz. Nolre-Damc 3. Por respeito de quem nos governava.
de la Nativité dont la fôte se célèbre le 8 L'auteur fait allusion à la façon vexatoirc
septembre. dont les Espagnols faisaient senlirleurauto-
a. Lhe mudasse o nome. Le nom de rite. V. supra]>. 697.
Sébastien, qui rappelait le fameux désastre ^. Por seu Rey e senhor. Il s'agit du roi
de El-Ksar e' Kebir (/l août 1578) pouvait, du frade, c'est-à-dire de Philippe 1\'.
d'après la croyance populaire, porter mal- 5. Comprador, factotum, mot à mot : le
heur au nouveau-né. Cet enfant d'ailleurs domestique chargé d'aller en ville faire les
ne vécut pas. acquisition».
RELATION ANONYME ni SOILÈVEMENT DE TANCER Go I
aquictar o povo, com a inquietaçâo que ouve a respeito de hum
dos cumplices que queriâo trepar pella escada da sala a niatar o
Conde Marques', que foi ; quis o ceo que entre tantos pistoletes,
espingardadas e lanças, nâo ouve risco algum. Elle sahio a janela
danfe camara donde dormia o Scnhor Bispo, e disse a vozes altas :
« Filhos meus: j vive el Rey Dom.Ioào meu Senhor! Se me quereis
malar, aqui estou, mataïme, que eu sou vassallo del Rey Dom Joâo ! »
Ouve este dia mais confusâo de cpic ao dia de antes, que foi
necessario saliir hum sacerdole tpie estava celebrando despois de
consagrado com o Senhor na palcua a porta. Foi hum dia de jui-
zo'. Nâo ha hoje homem que nâo traga consigo dous pistoletes e
espingardas e couras, dormindo todos no muro e asacaya e mais
lerços da cidade. aguardando cheguc capitâo de Lishoa ; isto nâo
poi- tcinor de pessoa alguma, senâo tpie o governo o mandou.
I'] lornando com o conlo e socedido ])or dianle, digo que, a i/|
de Dizimijro ao incyo (ha, chegou aviso del Rey nosso senhor c so-
corro com huma caravela com cincoenta moyos de trigo da renda do
senhor hispo Dom Gonçalo de seu deposilo, que Ihe comprarào la
com o dinheiro na mâo, que logo que chcgou a nova a el Rey,
maridiiii lium liomem de sua eslri\eira com mil dobrôes dobrados
de qualro milreis para se fazer socorro ; e ficavâo carregando duas
caravelas com huma da... de trigo em o Algarve mesmo, que lé a
présente nâo han ciiegado, a respeito dos levantes. Mas a estos valc-
rosos animos somente o gosto e valor de tâo catholico Rey nos sus-
tenta : que ja nâo ha pessoa que. com laiilos imporlunos dantes, hoje
andâo com o animo muy prompto jicllo seu Rey et Senhor, que s6 issi
nos alcnta. Trouxc mais esta caravela lousinho que el Rey mandou
dar a todos sem paga alguma. Tudo se lem dado muilo a contento
(la cidade, (pae o governador nâo la/ iiada sem oi'dem deste povo.
Muitas cousas me ficâo aqui sucedidas do governo, mas hindo a
diante escreveo Sua Alteza aos governadores, a cada hum de poi-
si, e ao povo todo.
Arrhives cspacjnoles du (Jonvcrnement (jcnértU de l'Alf/érie. — A'" ôl'i
(anciennement: refjislre 1686, ff. 35^-357). — Copie du xxii' siècle''.
1. Sur ce double titre V. p. 5ç)7, note a. nier.
2. Oia de Juizo, jour du jugement der- o. Pièce ra[)()ortce par M. liron.
6o2 2 2 \OVEMBRE l6^3
cv
LETTRE DU COMTE DE ASSENTAR' A D. LITS DE OYANGUREN
DeiLC personnes de Tc'louan le renseiynenl sur la sitiialion de Tnntjer. —
Les habitants de cette ville sont très inquiets de la présence de la flotte
espagnole, parce ijii'ils attendent des ravitaillements. — S'ils ne sont pas
secourus avant quinze jours, ils se prêteront à des pourparlers. — Il est
urcjent de faire venir la flotte le plus tôt possible pour profiter de leurs
dispositions.
Ceiita, 22 novembre i6^3.
En télé, alla manu : [Copia] de carta del conde de Asantar escrita
a Don Luis de Oyanguren. — En Zeuta. a 22 de 9''" 6^3.
Acavo de recevir su carta de ^ m. de 16 deste con particular
estimacion de los favores que por ella Vm. me hace, de que le
doy ynfinitas gracias, asegurando a Vm. que le merece mi volunlad
todas estas fineças, y que, si se ofrece en que yo le sirva, exsperi-
mentara Vm. mi aCecto.
Tengo en Tetuan dos pcrsonas para darme nolicias de lo que
passa en Tanjer, y ayer tube avisso de que la persona que embia-
ron a aquella ciudad les dio por nueva que los de aquella plaça
estan muy amedrcntados de ver andar en aquellos paraxes nuestra
armada, porqueesperanbastimentos, y que, si se los quitan, quedan
perdidos Otras muchas raçones avisan que me an alegrado, en
decir que si dentrode i5 dias no les entra socorro. lesparecedaran
lugar algun tratado.
Estando con este gusto, me ha Uegado nueva de que nuestra ar-
I . Gouverneur de Ceuta. Il avait clé fait fidèle à l'Espagne au moment de la révolu-
comte par l'Iiilippe 1\ , pour être resté lion de 16^0.
LETTRE DU COMTE DE ASSENTAli A D. LL'IS DE OYANCUBEN 6o3
mada a enlrado en csa bahia '. que a sido para mi de grande atli-
cion, pues parece sera caussa de que se malogren nueslros deseos
y desbelos. pues es cierto que los animos de los de Tanxer, que
desean el tratado por miedo de la armada, se an de desbanecer. y
mas si les entra socorro, de modo que quanto se a gastado sea sin
fruto alguno, y pareco desgracia mia l'allar de aquellas partes la
armada vu la mayor ocasion de su aprielo. \m. por amor de mi.
demas de su iimclio cuvdado en el servicio de Su Masestad, consi-
derc cslo, y ayude a (]ue luego luego salgan, si no pudieren los
scis navios. a lo menos (piatro. como escrivo al Senor Don Anto-
nio. Bien veo por la de ^ m. lo muclio (pje de su parle se estava exe-
culando para que no huviesen eclio este yerro ; pero aora ymporta
desacerle, sino daremos lugar a que Su Magestad tenga muclia
quexa de los que le servimos en este negocio. \ con la merced que
\ m. me hace, espero saïga lucido mi travnjo, pues yo, con haverlo
represenlado a licnpo, y \m. con averlo prevenido y executado lo
que esta a su cargo, me parece abremos cunplido.
Este correo despacho denlro de una ora como llego ; quiera Dios
me buelva con respuesta de que se an écho ya a la mar los navios,
pues consiste en la brcvedad el logro de las esperanças que tengo.
i Guarde Dios a \ m . muchos anos !
Zeuta. 22 de iNoviembre de i6.'|3.
Arrliircs espcif/nolcs ilu (joureriieincnl tjénenil de l'Alfjérie. — A" ,')13
(anciennement : Herjistre IGS(>. f. .'l.'iitj. — (jipie fhi xvn'' siècle'.
I. Esa b/ihin. la baie de Cadix. 2. Pif'ce ra|i|)orlée par M. Tiran.
6o4 i643
CVI
AMS [)K MAZAGAN ET DK TANCER
(EXTUVIT.)
Mazt-U/dn csl Ion jours assicf/é par les Maures. — La place de TaïKjer s est
soulevée contre la domina/ion cspai/nolc.
16:^3.
En Ir'te : Mcmoria dos successos das armas de S. iVIag''" na
campanlia dcslc aimo piezente de ifi'|.3.
Africa.
A praça de Mazagâo padeceo esta canipaiilia Ici rlliel giierra dos
Moiiros. Puzeranlhe sitio que durou mais de hum mez : porem
rebalidos de liuy de Mourra Tellez, governador, cappitâo gérai, le-
vantarâo o silio, et, posto que conlinuarâo as carrerias, que he a
guerra mais communa naquellas partes, sempre se recolherâo com
perda.
A cidade de Tangere que, sindo desla coroa, esteve le gora na
obediemcia del rey de Castella, e o conde das Sarzedas, seu cappi
tâo gérai, se resolveo a acudir a suo obrigaçâo, e de dou a Sua
Mageslade, comoa su legitimo e verdadeiro rey. a obediemcia que
Ihe dévia, e, estando o Conde acressemtado em titiilo e em caza
por el rey de Castella, los moradores beneficiados e providos lar-
gamenle pello mesmo rey, reconhessendo sua obrigaçâo, e enten-
dindo que nem a suas conciencias estava bem seguir aos de el rey
de Castella, aclamaiào em a^ de Agosto a SuaMagestade ; e a pezar
AVIS DE MAZAG.W ET OE TANGER 6o5
de todas as diligencias de Castella. de (jiiem ficain inuito ve/inhos,
mostraram a antiga fidelidade de sua naçâo. Mandou Sua Mages-
tade vir o Conde, para llie fazer as honras que inerece e hir a quella
praça novo goveinadoi'.
Archives des Affaires Etran(jères. — PorLinjul. — Correspondance po-
liti(liie. Vol. '3, f. I(!2 v". — Oriyinal.
6o6 2 2 MARS l644
CVII
AVIS DE LAMER
[Paris'], 22 mars iftlitt.
En tête : Relation des affaires de Portugal. — Ce 22 mars i644-
Le 7' du mois passé, M. le marquis de Cascays. ambassadeur ex-
traordinaire du roy de Portugal, s'embarqua à Belem prez Lisbonne,
et misi à la voyle le 11" suyvant, d'où, après quatre semaines de
passage assez fascheux, il arriva devant le forl de La Prée...
Il" avoil fretté quelques auttres vaisseaux pour porter des vivres
à Tanger au Dcstroict, où les ennemis avoient quelques vaisseaux
et freliates pour empescher les secours qui y pourroient entrer et
le liansport du comte de Salinas, Portugais (gendre du comte de
Lignares), lequel y estoit gouverneur au moys d'aoust dernier',
qu'il fui contraint par le peuple de recognoistre D. Jean !^ pour
roy de Portugal, ne restant à présent au Roy Catliolique, de toute
la couronne de Portugal, en quelque lieu que ce soit, que la place
et forteresse de Ceula en Afrique au Destroict, dont il a grand
soupçon qu'elle ne suyve l'exemple de Tanger, et pour cest efl'ect a
changé toute la garnison et esloigné les Portugais principaux qui
y esloienl.
Archives des Affaires Etrangères . — PorUujal. — Correspondance po-
litique, Vol. 2, f. 172 v". — Oriijinal.
1. Cette relation fut rédigée à la Cour 3. Le gouverneur de Tanger, lors du sou-
par Lanier, d'après des nouvelles qu'il avait lèvement du 2^ août lôiiS, étaitD. Rodrigo
reçues de Portugal. da Sylveira, comte das Sarzedas. V. supra
2. Le roi de Portugal. p. 5gy, note 2.
LETTRE DE JEAN IV A D. LUIS VASCO DE GAMA 6o~
CVIII
LETTRE DE JEAN IV A D. LUIS VASCO DE GAMA'
Complot formé par quelcjnex habitants de Tanger pour livrer la place aux
Espagnols.
Alcantara, i='" juin i644-
En tête : Copia de una carta que Su Magestad escrivlo al Conde
Almirante.
Conde Almirante, Embaxador amigo.
Yo El-Rey.
Os envio mucho a saludar, como aquel a quien amo. Estando par-
ticular la asistencia con que Dios nuestio Senor faborece la con-
cervacion deste reino, corne se ha vislo, demas de las ocasiones
pasadas, en la traicion conque agora algunos moradores de la ciu-
dad de Tanjar procuravan bolverla a enlregar al rey de Caslilla,
dia de la Assunipcion de Nuestro Sefior. Y fue que, despues de
aquel rei mandar inquietar por la niar los moradores de aquella
plaça con algunos navios y galeras, que todo alli lue deseclio, se
recogio Don Lope de Acufia que los venia governando a la ciudad
de Ceufa, y, ayudado de algunos Portugueses que quedaron en
Castilla, tuvo medios para pervirlir los animos de algunos vasallos
mios, con inleiito de que, aiudados de muclios Castellanos que se
metieron en ella despues de mi restituicion, y quedaron y se fueron
deleniendo de dia en dia dosdc el en que por aquel pucblo fui acla-
mado, para unirse en la ciudad en un cuerpo cl dia rclcrido, en el
I. D. Luis Vasco de Gama, comte do l'Inde, ambassadeur extraordinaire de Por-
Vldigueira, marquis de Niza, amiral de tugal on l'rance en ii)!it).
6o8 i" jui>- i6/i4
(jual. aviendo hecho antecedentemenle pacto con los Moros, avian
ellos de venir por tierra a enveslir la ciudad y el rei de Gastilla con
una armada por la mar, y liizicron coiisierlos que, toniada la ciudad,
quedaria el cosco y artillaria délia a el rey de CaslIUa, y el despojo
y toda la gentc a los Mores. Mas permilio Dios que esta abomina-
cion se descobriele pocos dias anles del sefialado para que fuesen
presos, como lo fueron los culpados para esso quedaron los Moros
desanimados. \ fue tal la fineza de algumos vasallos que, gover-
nando la ciudad Andres Diaz de França, por liallar culpado en la
pesquisa que setiro un hijo suio, lo prendio y me lo embio aqui en
hierros. \ Jeronimo de Freitas de Siquera, cavallero de grandes
servicios (que fue el que descobrio la traicionj prendio por si mismo
un hermano suio, que aqui truxo preso personalmenle, y el capitan
Francisco Lopez Tavares prendio otro bijo que tambien personal-
menle me truxo aqui. De lo que vos mando avisar para que hagais
notorio el terinino con que el rei de Gastilla querio ocupar aquella
ciudad, y la merced que Dios nucslro Seùor me hahecbo en conser-
varmela.
Escrila en Alcantara. el primcro de Juiiio do iCi'l
Archives des Affaires Etrangères . — Purliu/iil. — Cnrrcspomlance po-
li/i>iuc. Vu/. ■?, //. f7Sv"-l7D. — Copie.
CARTE POLITIQUE
MAROC EN 1660
parle C^? Henry de Caslries
1 Territoire rela/a/tt de- la^ Zacuia- de DUa-
1 I deKeroiuïtel-Ifadj'"
\ I de Sidi' AU ben AfohaniJiieti
I I dit Chérif JÏIaJten
de- Et -kliider- Ohai/an
I
du C/iei/dt Arass
N.3. -Les t-cintes correapondefU à de.f sphères d'i/t/Ttience
phttot tfw 'à dcif te/rt/oires neile-ntenl. de/i/ni/és .
Echelle de 5.000.000
■i^
100 130
/l'dornèlres
'"La di/nasÙ£ sfuu/ienrw at'aii prijfin le i"* novembre Jû59.
S. LiuYw deSan
Pturtod
<i>
v^
£1
^
I-. Icrr.ux V.A
Pl. V.
//. Ikmuut'tn. .SV
LETTRE DE SAINT-I'É A MAZARIX CoC)
CIX
LETTRE DE SAIINT-PÉ' A MAZARIN
En écha/Kje d'un secours, le PorUujal aurait cédé Tanijcr au roi de France.
— Avantaçjes que l'on retirerait de l'occupation de cette place.
Lisbonne, St juillet iG^^.
Monseigneur.
J'ay eu sy grand peur que mes lettres ne fussent toujours bien
receues à cause des grandes occupations de \ ostre Eminence que
je n'ayj ozé vous escrire sy souvent comme j eusse laict sans cela...
On s'esloil promis d'avoir un secours de France entretenu tant
que la guerre dureroit ; mesmes quelques ministres disoyent qu'à
cette condition on mettroit la ville de Tanger en Afrique entre les
mains du Roy. Sy cclla eût eu lieu, Monseigneur, on auroit de ce
costé faict une grande diverlion, et larmée navalle de Sa Majesté
auroit eu une assurée retraicte aud. Tanger, et de là auroit tenu
subjeUe toute la coste d'Espagne depuis l'entrée de la rivière de
Siville jusques à Barcelone, einpesché aux Caslillaiis la communi-
cation des deux mers et le Iraiïîc des Indes, parce que dud. Tanger,
on auroit tenu en eschec les flottes el armementz de Cadix, oîi rien
ne fùl entré ni sorty qu'à la morcy des armes du Roy et de ses
alliez. Et après la paix, sy l'on eût voulu donner de l'exercice aux
I. Jean de Saint-1'o, pourvu du consulat il reprit ses fonctions (V. ses instructions
de Franco à Lisbonne le 2 janvier iCii,"), datées du 6 mars iG^i, /l^/". Ëir., i'or/iijai,
resta consul jusqu'à la déclaration de guerre Correspondance politique y Vol 3, ff. 12-13')^
entre la l'rancc et l'Espagne. Après la pro- et fut confirmé dans sa cliargc par arrêt du
clamation de l'indépendance du Portugal, Conseil du ro aoOlt ifi'ifi.
l-)h Casikihs. III. — 3y
6lO 3l JUILLET 1644
gens de guerre dans l'Afrique pour les tenir en alainc et empcscher
qu'ilz ne s'adonnent au brigandage et à guetter les chemins, ce
port-là auroil servy de dessente et cette belle ville de place d'armes.
Vostrc Eminence faira en cella une œuvre qui vous sera méri-
toire devant Dieu et (rès-louable devant les hommes, et obhgerés
toute la famille de celuy qui n'aspire qu'à la gloire d'estre à jamais,
Monseigneur,
Le plus humble et le plus obéissant de vos serviteurs.
Signé : De Sainct-Pé.
De Lisbonne, ce Si' juillet i6/td-
^lonseigneui' l'Eminentissime Cardinal Ma/arin.
Archives des Affaires Etranc/èrcs. — Porliujnl. — Correspondance po-
liliijiie. Vol. '2, Ij: 1S9-19'2. — Orltjinal.
LETTRE DE LANIER A MAZAKIN Gll
ex
LETTRE DE LAMEli A MAZARIN
// a cxjMst' à un ininixtre fjoiiiif/ais /c? raisons ijui empêchent le roi de France
d'accepter la cession de Tam/er.
Lisbonne, 4 octobre iC^O.
Monseigneur,
Je donné advis à V. E. de la sortie de l'armée de l'ortiigal par
ma depesche du 20' du mois passé, qui attaqua le fort de Tillena
à une lieue de Badajos.
Sa Majesté me confirma qu'en tout il ne manqueroil à ce
qu'il m'avoit promis pour faire une diversion Irès-puissanlc, qui
auroit de plus gi'ands elfects s il avoit des généraux comme en
France, et do la cavaloi ic qui luy est très-ncccssaire. ayant tenté
toutes voyes pour en avoir, mesme du costéde Barbarie, ce qui m'a
esté confirmé par un capitaine françois' qui faict grand trafic tant à
Maroc f|u'à Salé, mais je no pense pas cpiil en puisse tirer de là.
Et à ce propos, un des principaux ministi'es flu Uoy m'a pai'lé
pourquoy l'on avoit pas vouUu entendre par delà à la proposition de
remeltre la ville et forteresse de Tanger entre les mains du Hov
pour se rendre maistre du passage du Destroietet avoir entrée dans
l'Afrique. Sur quoyje luy respondi que, dans cette proposition, le
Portugal y Irouveroit plus son compte que la l"'rarice, à la(juelle
celte garnison consommeroit des gens et de l'argent, (pji esloienl
plus nécessaires ailleurs, aussy que les premières propositions ne
I. Le capitaine Martel. Cf. p. Oaij, note i.
6l2 il OCTOBRE l64fi
s'acceploienl pas d"al)Orcl, ce que je fis pour attendre l'ordie de Sa
Majesté, selon que A . E. le jugera à propos '.
Estant,
Monseigneur.
De V. E.
Le très-humble, très-obéissant el Irès-obligé serviteur,
Signé : Lanier.
A Lisbonne, ce li" octobre i6/|6.
Archives des Affaires Etranyi-res . — PorUi(/al. — (Correspondance po-
litiijue, Vol. 3,f. 3^2. — Original.
I. Cependant ce projet devait être repris Entre temps, en novembre iGijS, Duquesne
en 1667 et une proposition plus précise fut était allé reconnaître la place de Tanger,
faiteparlacourde Portugal, sous lacondition Cf. une lettre de Lanier à Alazann du 28
du mariage de l'infante Catherine avec novembre 16A8 (Aff. Elr., Portugal, Cor-
Louis .\IV (V. Infra, pp. O85-690). resp. poL. \ ot. j. /. 2 1 >> c").
PROVISIONS DE CONSUL POUR FRANÇOIS DE BOYER fi I 3
CXI
PROVISIONS DE CONSLL POUR FRANÇOIS DE BOYER'
François de Boyer est nommé consul à Sajî, Mo<jador et Sainte-Croix.
Paris, 39 mars l6!^■J.
En te'le : Enrcsistration des lettres de provision de l'office de
'D
pr
consul pour la nation française à Saffîe, Mogador el Sainte-Croix
en faveur de François de Boyer, sieur de Bendol, suivant la sen-
tence du ^ juin 16/17.
Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à noslre
cher et bien aimé François de Boyer, salut.
Estant nécessaire, tan! pour le bien de nostre service que pour
radvantage de nos subjects Irafficquans sur la coste dAfTrique et
eslats qui arborent la baniere de France, d'establir un consul de la
nation françoise à Saffî, Mogador, Sainte-Croix et la coste tirant
du costé de midy à la coste de Fciz ;
A ces causes et autres à ce nous mouvanlz, bien informés que
vous avez toutes les qualités qui sont nécessaires pour vous acquiter
dignement de ceste charge, nous vous avons, de l'advis di^ la reyne
régente nostre bien honorée dame et mère, commis, ordonné et
establi. et par ces présentes signées de nostre main, commettons,
ordonnons et establissons consul de la nation françoise esdits lieux
de Salîie, Mogador, Sainte-Croix et la coste tirant du coté de midy
à la coste de Feiz, pour ladite charge avoir, tenir el doresnavanl
I. François (le l'over, seigneur de Bandol à laquelle il fut nommé président de la
(arrondissement de Toulon), conseiller au (Chambre des comptes d'Aix. Cf. Bibl. Nal.,
Parlement de Provence de i6G5 à iti'^â.date Dossiers bleus, vol. I2/. cote,3i60.
6l/i 29 MARS 16^7
exercer et jouir et uzer par vous aux mesmes honneurs, authorités,
prérogatives, droitz, fruitz, proffitz', revenus et esmolumens que
ceux qui font pareille fonction : voulans que nos subjects negotians
esditz lieux, et autres qui arborent la bannière de France, vous re-
cognoissenl et obéissent ou à celluy que vous commettrez en vostre
place, ainsi qu'il est de couslume aux autres consuls et vice-consuls.
De ce faire, nous avons donné et donnons pouvoir, authorité, com-
mission et mandement spécial par lesdites présentes, car tel est
nostre plaisir.
Donné à Paris, le vingt-neufviesme jour de mars, l'an de grâce
mil six cens quarante-sept et de notre reigne le quatriesme.
Signé : Louis. Et plus bas : par le Roy, la reyne régente, sa mère
présente : de Lomenie.
Et scellé du grand sceau de cire jaulne.
Archives départementales dex Bouches-dii-Rhône. — Série C. Amirauté.
Insinuations. Befjislre II, f. 555 v".
I. Par brevet en <late du 8 avril iGi", consullat ». Arch. des Bouches-du-Rhône.
François de Boyer obtint l'autorisation « de Série C. Amiraiiié. Insinuations, Reg. II, f.
faire charger dans tel port de Catalogne 58o v". — Cette tentative d'établir un con-
que bon luy semblera autant de fer qu'il sulat à Safi, Mogador et Agadir (Sainte-
en aura besoing pour l'establisscment dudit Crois) ne parait pas avoir eu d'autre suite.
LETTRE DE D. JUAN DE DUERO A. MEDINA-CELI
615
CXII
LETTRE DE JUAN DE DLERO A MEDINA-CELI
Jl rend compte de ses opérations à El-Mtnutrn. — // n fait pénétrer un
secours dans In pince et a délofjé les Maures (jui l'investissaienl.
El-Mamora, 'j septembre 16/17.
Excelentissimo Senor,
En execucion dv las ordcnes de ^ . E\', Uegue a dar visla a la
j)laza de Alarache a 26 del pasado, siii iiinguno de los barcos ; y con
la laiiclia despachc al ayudante Zendrera. y pedi al maese de campo
de la plaza las nolicias que tcnia de la plaza y silio. (|ue fueron nin-
guiios. Y esta misma larde llegaron 8 barcos ; y con cUos, y con el
del Araclie. llegue sobre esta barra a 38, aviendo el dia antes despa-
cliado uno a esta plaza ; y no se resolvio a entrar, o no se atrebio.
que es lo mas cierto. Hioe segunda diligencia, embiando dos juntos.
que tampoco entraron. La 3' vez, aviendo precedido ruegos y ame-
nazas, me aseguraron enlrarian. No lo Incieron, antes el uno dellos
scamotino. y quisieron malar al arracz, y cl se arrojoen olro barco.
Deste cuidado me saco la barqucta desta plaza. y dio aviso de lo
que pasava. ("on que, sal)ado3i, a la una (Ici dia, entrâmes por la
barra, siguiendome la zabra y 7 barcos lucngos, porque la nao
inglcsa no pude rcducir a que entrasse, que tambicn se aniotino.
Desto y lo que me costo entrar la fiagala, darc cuenta a Vuestra
Excelencia despues.
Mataronnos al entrar ,5 hombrcs, y liirieron a algunos. Sintio cl
enemigo mucho tan impcn.sado caso, porque no crcyo entraramos,
que assi lo decian desde las trincheras. Lunes 2 deste a las 7 de la
inanana, se ecliuron de la plaza 5n hoiuhres con un capilan para dar
6lfi 4 SEI'TRMniiE 16 '17
sol)iP la iniriii (jiie lonian heclia a la |ilataforma de Zale'. Y pni- la
parle de la marina l'iier'on, con estoques, broqueles y chuzos,
/(O hombres arraezes y marineros con mas 6 arcabuzeros, que dio la
plaza para guia. Y dando cl Santiago, se embistio a la mina. Y los
Moros se turbaron ; mataronse algunos, y vivos solos dos se reliia-
ron. y quedai'on en la mina enterrados vivos otros 10 o mas. por
lo que dicen los vivos. Y en este tlempo de la lorre y paredon nos
liacian mucho dafio, porque estavamos a 10 pasos dellos descubier-
tos. Y viendo este dafio. y que no se lograva nueslro intenlo en
todo. Iiice a los marineros embistiessen a la lorre. lo quai hicieron
con tanto valor que se gano. y paso la estacada. Desaloge al ene-
migo, y matai'on algunos Moros en esta 2° embestida, y liuyendo
los demas, se le gano la trinchera y guarnecio de mosqueteria.
Ganaronsele 3 piezas de bronce, que avia lomado en latorre; cla-
belas luego al punto, por si cargasse de manera que no se pudiessen
retirar: pero, con el ayuda de Dios, ya se retiraron. Y de los
cetones que lenia puse en defensa la torre, que estava muy mal tra-
tada de la artilleria de la plaza.
Con que ayer 3 se reliro el enemigo, y Ucvo un canon que ténia
en una plata forma de 26 libras, con que liizo mucho dano a uues-
Ira fragata. y mato y hirio 10 hombres. A todo lo referido eslubo
conmigo el capitan Don Gonzalo de la Esquina. procediendo como
siempre, y siendo exemplo a todos.
Buelbo a decir a V. Ex" que, en la embestida de la torre y trinche-
ras, fue sola la gente de la mar, el alferez Diego de Arroyo, el
ayudanle Fran'" Zendrera, y otros soldados de la compania del
dicho capitan Don Gonzalo.
El dano que se recibio en esta ocasion fue poco : un hombre
muerlo, y i4 heridos.
En la mina en la primera ocasion alrabesaron un brazo y los
rinones al capitan Antonio Garrido.
Manana 5 se saldra a reconocer la campana, con que. con loda
brevedad, dandome cl tiempo y barra lugar, bcsare a V. Ex' su
mano muy presto, y dare cuenta a V. Ex' por menor de todo lo que
ha pasado.
I. Ln plataformu de Znlc. c'cst-à-i-lircla platc-formc iln El-Mamora située du cnlé de Sale.
LETTRE riE D. .TUAN DE DUERO A ^MEDINA-CELI Cl \ ~
; Guardeme Dios a V. Ex' muchos anos!
El veedor nos ha hecho niuy huoiia acogida, y ha arndidn no
solo a su oficio, sino tambien al de soldado, cuidandode la arlillcna
como feiiiente que es délia.
Esta niaMana vinieron Moros de yin/ ' para saber de los cautivos,
y Uevar los muertos : iio se les dio entrada, diciendo teiiian peste.
El socorro esta denlro de la plaza, y assi mismo lo que ténia la
nao inijlesa. que lo he entrado con los barcos lueiigos.
Elgovcrnador me ha hcchi) iniiclias hourras, las que yo merezco,
como V. Ex" cntendera de todos los que vienen conmigo.
Con este barco va el capilan Don Lorenzo de Médina a dar este
aviso, aunque yo ténia resuello embiar al ayudanle Fran'" Fernandez
de Zendrera, que ha trabajado mucho : y por lo bien que ha proce-
dido en todas ocasiones, merece cpie V. Ex' le honrre con una
compania : y si por alguna razon a mi me pudo locar nomhrar
quien vaya, son suyas las albricias.
; Guardeme Dios a V. Ex" muchos anos como dcseo !
San Miguel " en la Mamora. y Setiembre l\ de i647-
Post-data. — Doy a V. Ex" muchos parabienes de tan feliz y
brève snceso, y suplico se sirva de mandar se den las gracias a
jNuestra Seiïora de la Charidad, por la devocion que tube el dia que
entre, y el dia que se gano la torrc, artilleria y trincheras.
Don Juan de Duero y Ayala.
Archives exparjnnlcs du (louvernemcnt 'jrnéral de l'Al/jérie. — A" 516
(anciennemenl : Registre 16SG, ff. 365-366). — Copie du wif siècle^.
1. Moros de poz. On appelait ainsi dos ce saint qun los Espagnols avaient placé
Maures qui prêtaient serment de fidélité El-Mamora. Cotte fronlera dans les docn-
au roi d'Espagne et qu'on employait dans ments du temps est souvent appelée S.
les négociations avec les Maures. Miguel de Ultramar.
2. Snn Miguel. C'est sous lo vocable do 3. Piocc rapportée par M. Tiran.
6i8
10 AOUT-IO SEPTEMBRE 16^7
CVUI
RELATION ANONYME DU SIEGE DE EL-MAjMORA
(•
O AOUT- 1(1 SFPTEMlinE 1
«'■7)
(Traduction)
Titre : Relation de rarmemcnt et du voyage des vaisseaux que
rcxcclIcMlissiine seigneur Don Anloiiio.luan F.uvs de LaCerda, duc
de Médina et Alcala, marquis el comte, etc.. capitaine général de la
mer océane, côtes et armées d'Andalousie, a envoyés pour le secours
de la place de Sainl-Mlclicl d'(_)ulremer '. qu'on appelait El-Ma-
mora. l'^t d(^ Tnèmc les succès qu'a remportés ledit secours, com-
mandé par le capitaine et sergent major don .luan de Duero y
Avala, clieT nommé par Son Excellence, depuis le jour c[u"il mit à
la voile, jusqu'à celui de son entrée dans la place et de la défaite des
armes du marabout Mahamet Bembucar', l'an 1G47.
Cachet aux urines d.e Medina-Ccli.
Huit ludle Berbères des monlairncs du Sous, cbacun d ru\ avec
alfarige\ escopetleet hache à deux tranchants, erraiciil depèlcrmage
en pèlerinage ', en visitant toutes les mos(piées et maisons de vainc
1. Sur ce nom, W siiitrti. p. '"'i^, noif 2.
2. Malinnwl Uembucar, Sidi Moliamincd
cl Hadj ed-Dilaï. Sur ce personnage, \ .
suprn, Intrttcluclion critu[uc, p. -^77, note '\.
3. Alfnivjr. Av l'arahr rl-kliandjar
j^l^K Poignard à lame: recourbi'c, arme
habiluelle des montagnards du Deren.
4. Ces bandes de Uerbcres sortie
du
Sabara ou do la montagne, allant de sanc-
tuaire en sanctuaire exciter leur fanatisme
et s'abattant ensuile dans la plaine subat-
lantique, se vou'iil de loin en loin au Ma-
roc. On se souvient de celle qui accom-
pagnait en 1909 le uhérif Ma el-.Vinin, le
marabout de Chenguit, et qui prodiguait
les menaces aussi bien aux indigènes qu'aux
cliréliens.
RELATION DU SIÈGE DE EL-MAMORA 6 1 f)
superstition cju'il y a dans le district de Barbarie ; ils arrivèrent
ainsi jusqu'à la ville de Salé, où ils firent halle près des lagunes,
dans le dessein d'attaquer la place de Saint-Michel d'Outremer.
Ils envoyèrent à cet elTet reconnaître l'endroit, et, bien qu'ils
eussent été aperçus dans le fossé, les samedi lo et dimanche
11 août, la vigilance des nôtres fut si faible, que, le lundi suivant
12 du même mois, beaucoup d'entre eux arrivèrent à quatre heures
du matin enivres Je hachich ' . qui est une drogue qu'ils prennent pour
se donner du (courage ; ils s'élancèrent dans le fossé de la porte de Salé
et commencèrent à rompre le poiit-lcvis, sans être vus ni entendus
des nôtres, jusqu'à ce que le capitaine Antonio de Padilla fut
réveillé par les coups ; et à peine eut-il crié : « Aux armes ! aux
armes. Espagnols ! » qu'il tomba mort, traversé par une balle d'es-
copette. Mais, dès le premier coup tiré sur le fossé par lune des
deux pièces, les Berbères tournèrent le dos, retirant tous les morts
et blessés qu'ils purent, et ils s'avancèrent avec beaucoup de rapi-
dité vers la marine et escaladèrent facilement la tour de Saint-
Joseph, en montant par un contrefort (|ui arrivait presque à la
moitié de celle-ci, sans avoir été repoussés par les soldats de garde,
(|ui payèrent leur négligence de la vie de six d'eiilif euv, deux autres
se retirant blessés.
Ce jour-là au matin, deux Maures lurent trouvés vivants dans le
fossé, et nous sûmes d'eux avec certitude de quel pays étaient
ces Berbères ainsi que leur nombre et leur intention. Deux fois,
avec une grande opiniâtreté, ils attaquèrent la plate-forme des
magasins de la marine, distante d'environ 200 pas de ladite tour,
dans le dessein de gagner l'eau des puits qui étaient demeurés
aux assiégés ; mais trente des nôtres, (jui défendaient la plate-
forme avec un grand courage, les repoussèrent durant deux nuits,
en combattant trois ou quatre heures.
Comme les gens du Sous étaient désireux de retourner dans
leur pays, ils donnèrent avis qu'ils étaieni niaîlres de la tour et du
pont au marabout Mahamet Bembucar", prince héréditaire qui rési-
I. Le texte espagnol porte: nfwnndns. ]j1iis commiinémoiit kif »_j5 , se fume Haiis
qiip es preparados nm iinn flroti'i. On sait que TViVique du Non!,
le chanvre indien (caïuiabis indica), appelé 2. Maliamcl Hcmbucur. Sidi Abdallah
GaO lO AOUT-IO SEPTEMBRE 16^7
dait à Salé et qui commandait les armées de son père, le marabout
Mahamet Bembucar', souverain de Fez. d'El-Ksar et de Salé. Ils
lui demandèrent de venir avec son armée continuer le siège de la
place, l'assurant qu elle était à lui, et que le plus difficile était fait,
puisque la tour et le pont étaient pris. Le prince, rempli de joie à
cette nouvelle, ordonna de faire une proclamation dans tous ses Etats
pour que tous ses sujets, sous peine de la vie, se rendissent dans
trois jours à la ville de Salé pour assiéger El-Mamora. Il fut obéi
ponctuellement par tous ceux qui pouvaient porter les armes et
réunit plus de Soooo Maures et loooo chevaux, outre beaucoup
de vivandiers.
Le Marabout distribua beaucoup de formules en caractères arabes
revêtues de signes superstitieux, par lesquelles il assurait et pro-
mellait aux uns la vie et aux autres le Paradis, au lieu de paie et
de solde'. Larmée se mit en marche, emmenant avec elle trois
pièces dartilleric de la Kasija, deux de fer fondu et un demi-
canon de bronze de 20 livres ; elle vint se retrancher depuis les
lagunes jusqu'au gros mur el à la fausse porte, et, lorsqu'elle eut
pris possession de la (onr de Saint-Joseph, ceux du Sous partirent;
quelques-uns d'entre eux restèrent au service du Marabout, parce que
cela leur plut. Cet avis nous fut donné par un Maure affidé qui
pénétia dans la place, venant de l'autre côté de la livière.
La première tranchée et le fossé des Maures se trouvaient à moins
de 3o pas des murailles, vis-à-vis du pont de Fez et de Salé, et
arrivaient de ce côté jusqu'à la fausse porte. Ils forcèrent le gros
mur vers son commencement, et par ce moyen ils s'emparèrent
de la source, et. à huit pas en deçà de celle-ci, à travers la vigne,
ils commencèrent à miner la plate-forme de Santiago, dans l'inten-
tion de faire sauter la place : ils ne purent être repoussés par les
nôtres, parce que la plupart d'entre ceux-ci étaient malades de la
bcn Mohammed el-Hadj. On sait que les i. Muhnmet Bembucar, Sidi Mohammed
auteurs chrétiens n'ont pas distingué les el-Hadj, [jcre du précédent. V. supra, pp.
divers chefs de la zaouïa de Dila et les ont 077-583.
tous appelés Bucar, Bembucar ou Mahamet i
Bembucar, défigurant plus ou moins le ^- Surlcsdjcdoul J^a>. frmulcsécritcso
nom du fondateur des Dilaïtes qui s'appe- avant une vertu magique, Cf. Doutté,
lait Sidi .\bou Beker ben Mohammed. V. Magie et religion dans l'Afrique du Nord.
supra, Introduction critique, p. 577, note i. pp. i5o et ss.
RELATION DU SIÈGE DE EL-M A:\I0RA 62 I
fièvre tierce. A ce moment-l;i. le ca|)ilaiiio et sergent major Don
Francisco Banos de Ilcrrera. (|ui commandait en l'absence du
maitre-de-camp Don Antonio de Médina, dépêcha une barque
longue à rexcellentissime seigneur duc de Médina et Alcala, avec
deux lettres, une pour Sa Majesté et l'autre pour Son Excellence,
cette dernière de la teneur suivante.
LETTRE DE D. FRANCISCO liANOS DE IIEHUEHA A MEDINA-CELI
Saint Aliciiel (rUiitrcmor |EI-Mamora], i3 août iG'i7.
Excellentissime Seigneur.
A cause du peu de temps cpi'il y a [joui- adresser un compte-
rendu détaillé à Votre Excellence, je m'en remets à la lettre qui
part avec celle-ci pour Sa Majesté, par laquelle elle verra notre
état : et, si Votre Excellence, dans sa grandeur, n'intervient pas,
la situation deviendra bien pire, car il ne me [)aiaîl pas qu'il y ait
lieu d'attendre le salut de Sa Majesté.
Les Maures, comme Votre Excellence le verra, sont postés à la
marine, sans que nous ayons le moyen de nous opposer à leur des-
sein, ce qui nous mènera, s'ils persévèrent, à mourir de soif, comme
autrefois de faim. Nous supplions Votre Excellence de daigner,
comme cela a toujours été sa coutume, envoyer, avec la plus grande
célérité, des vaisseaux pour les en déloger, et, comme dans la lettre à
Sa Majesté ce cpii nous manque est indiqué, dans la présente nous
supplions seulement qu'on nous secoure promptement. Dans cette
espérance, nous envoyons la barcpie, et, conmie nous n'en avons pas
d'autre, cela permet de voir dans quel état nous allons nous trouver.
Que Dieu y porte remède et conserve Votre Excellence de
nombreuses armées, aiin (pie, par- sa grandeur, nous soyons
délivrés! ÎNous la supplions en même temps, après avoir jeté les
veux sur la lettre ci-incluse, de 1 envoyer à Sa Majesté avec la rapi-
dité que le cas recpiicrt. Nous avons besoin d'hommes, Excellen-
tissime Seigneur, car il n'y en a pas trente qui puissent prendre
les armes, ce qui dispense d'cMi diic davantage.
(52 3 lO AOUT-IO SIÎPTKMIilUÎ 1 () '| 7
Saint Michel d'Outremer, i."{ août \()\~, à () heures du soir.
Don l'iiuicisco I3afi()s de llcricra.
Juan de ArcllatKi (Juiiilaiia.
Le duc, aussilùl qu'il recul cet avis, s'oinploya, avec son alTcclion
et son zèle accoutumés pour le serx ice de Sa Majesté, à préparer et
à faire parlii- le secours avec une grande célérité ; il s'appli(|ua de
sou mieux à ces ijrépai'atifs, risquant manifestement sa santé, car
il était en convalescence d'une fièvre tierce maligTie. dont il fut
repris par suite du travail qu'il s'imposa lui-même à cet cfl'et.
Les préparatifs, cormnencés le i() août, jour de l'arrivée de l'avis,
furent, terminés dans les (juatre jouis suivants, et les vaisseaux se
plaçant à la file, en aval de la barre de San Lucar, y restèrent deux
jours, attendant le vimU favorable. On mit à la voile le samedi
2/j août. Il Y avait la fi'égale de l)unker(pic, ap|)eléc San Pedro,
une hourcpic anglaise, et di\ bartpips longues, dont le chef et
coiumandaiil fui le capitaine et sergent-major de la ville de San
Lucar, Don .luau de Duero y A\ala, (pu avait ser\i dans cette place
de Saint Michel d'Outremer en qualité de capitamc, quelques aimées
auparavant.
Le samedi au soir, la frégalc cl la liouripic arrnèrcnl ;i la hau-
teur de la crique de Santa (Jialidina de Cadix, oii ils furent ri'|(jinls
par la zabra de |)rovisions et de munitions, qui arriva de Puerto
de Sanla Maria, et don! le chef était le capilaine Alonso de Villafuerlc,
coinmandaiil de la dile place ; dans la frégalc s'cinbaripia le capitaine
Don Gonçalo de La Es(juina y Ordonez, avec ciiupiaiite soldats du
régiment des (îalions^ et dans la lioui'que moula le capilaine Don
Lorenvo (lomez de Médina, avec ceni aulrcs h(jiumes de nouvelle
levée; et de là. Ion mil à la \(n\c le dimanche 20 août, parce
(pi il y cul ordre de ne pas allcndre la galère, (|ui n élaii |ias encore
é(pii|)éc : celle-ci partit ensuite av(H' deux aulrcs nii\ircs de ren-
fort, le 7 septembre, comme l'on dira plus loin.
Cette nuit-là, en raison du fort vent d esl (pii soulllail, les
baripies relâchèrent à Santi Pétri, sans poinoir traverser le Déiroil.
I. Le texte espagnol porte: solilnda.'! partie du régiment îles (ialioiis {Irrcio de
tic Gnlconea c'est-à-dire : soldats faisant Cinlrùiirs).
RELATION DU SIÈGE DE EL-MAMOR.V 62.3
Le lundi 2G à 3 heures du soir, les trois bateaux jetèrent l'ancre à
la barre de Larache, où il y avait ordre de prendre des nouvelles
sur la situation de la dite place de San Mitruel. Le gouverneur et
maître de camp Don Diego de Moreda répondit cpj il navait pas de
nouvelle dudit siège, parce qu'aucun Maure de paix' n'était encore
entré dans la place. Il envoya avec beaucoup de plaisir une Ijarque
longue (ju'on lui demanda, pour sonder la barre et recomiaitre la
place ; cette barque était montée par le capitaine Miguel Llorente,
qui avait ordre de prêter son aide just|u'à ce que le secours lut
introduit. Peu après, à la tombée de la miit. arrivèrent huit des
barques qui avaient relâché à Santi Pétri, Son Excellence" avait
donné entre autres au sergent major Don Juan de Duero y Avala
un ordre dans lequel il lui indiquait la voie que celui-ci devait
suivre pour se procurer des nouvelles de la place et se renseigner
sur 1 état où elle se trouvait. Juan de Duero devait envoyer en
reconnaissance une de ses barques longues, montée par une per-
sonne de son choix: cette barque ne pénétrerait dans la ri^^ère
qu autant que le secours ne pourrait pas être vu de la place, et. si
possible, à une heure où elle-même aurait des chances de ne pas
être découverte. Son Excellence redoutait en effet que, si les Maures
avaient pris la place (ce qu à Dieu ne plût!) ils n'usassent du stra-
taijème suivant : ceux du dedans auraient feint de combattre ceux
du dehors, faisant ainsi supposer (ju ils étau^nt Espagnols ; les
nôtres trompés par cette ruse auraient alors fait entrer le secours
dans la barre, ce qui aurait amené en plus la perte des troupes
qu il avait sous ses ordres. Pour éviter cela, S. E. ordonnait au
contraire à Juan de Duero de prendre les précautions susindiquées
et telles autres qui lui paraîtraient opportunes pour reconnaître
l'état de la place et de se préparer à combattre et à déloger les
Maures pour faire son entrée et introduire dans la place le secours
qu'il amenait.
Et, conformément à ces instructions. .Iu;iii de Duero fît avancer,
des parages où il se trouvait, des barques qui devaient entrer dans
l'oued Sebou et débarquer cette imit-Ui. sur la marine et dans les
I. M'jro de paz. Sur celle eipression, a. Son Excellence, le duc de Mcdiua-
\. supra, p. G 17. note i. Celi.
GaA lO AOUT-IO SEPTEMBRE 16^7
magasins, un soldat pour reconnaître la place. Ces barques n'osèrent
pas entrer, à cause de rarlillerie et des nombreux coups d'escopette
que tiraient les Maures, et le mardi 27 août nous les rencontrâmes
de retour dans les lagunes de Larache.
Le mercredi 28 dudit mois, deux autres barques partirent avec
le même ordre d'entrer cette nuit-là avec la marée : elles revinrent
sans aucun résultat, disant qu'elles avaient vu un combat dartille-
rie engagé enti'e la plate-forme des magasins et de la Juiverie et
la tour occupée par les Maures, ce qui pouvait faire soupçonner un
stratagème dangereux. Ce même jour à lolieures, le secours arriva
en vue de la place et des tentes de l'ennemi. Le jeudi 29 furent dési-
gnées par le sort des dés deux autres barques montées chacune par
deux sergents et quatre soldats des Galions '. qui devaient les faire
entrer par force; cette tentative neut pas de succès, à cause de la
grande violence de la barre et du manque de décision des gens. On
le constata bien, car ceux de la barque de Juan .Martin se muti-
nèrent, dès que les cinq soldats furent revenus à bord de la frégate :
ils voulurent tuer le dit patron, lobligeant à se jeter dans une
autre, et, ayant fait voile, ils répandirent à San Lucar de fausses
nouvelles pour excuser leur peur : mais ces nouvelles furent remises
au point par le seigneur duc de Médina, qui, sétant assuré de la
personne de ceux qui avaient fui, leur fit faire une relation pré-
cise et une déclaration de ce qui était arrivé.
Le vendredi 3o, deux autres barfjues revinrent, sans aucun
résultat. C'est pourquoi le dit Don Juan de Duero, après avoir au
préalable fait sonder la barre et constaté qu'il y avait assez d'eau
pour les vaisseaux, se résolut à entrer lui-même dans la rivière, à
cause du danger qu'il y a\ ait à attendre plus longtemps. Le samedi
3i à /j heures du matin, la chaloupe de la place arriva à la frégate
n'ayant eu aucune avarie, parce quelle n'avait pas été aperçue de
l'ennemi ; elle apportait une lettre du gouverneur dans laquelle il
demandait avec grandes instances au dit don Juan de Duero d'en-
trer au plus tôt, parce que la place, investie de très près, était expo-
sée à une attaque et qu'elle manquait de monde, à cause des nom-
breux malades et blessés qu'il y avait.
1 . Sur celte expression, V. supra, p. G32, noie i.
BELATIO> DU SIÈGE DE EL-MAMOHA GaT)
Le dit don Juan résolut d'entrer ce même jour dans la ])lace ; il
ordonna au navire anglais d'appareiller et de rost<M- sur une seule
ancre, afin d être prêt à entrer. Le capitaine de mer répondit qu il
n'était pas possible à son navire d'entrer, parce qu'il calait plus
d'eau qu'il n'y en avait dans la barre (ce qui n'était pas exact).
Le (lit don Juan le prit à bord de la frégate, le menaçant de le pendre.
Mais, pendant ce temps-là, ses Anglais se mutinèrent, ils se retran-
chèrent dans la sainte-barbe, braquant l'artillerie vers la proue,
où étaient les soldats, et alfu-mant qu'ils feraient sauter le navire
si on les obligeait à entrer. Le dit don Juan de Duero, voyant cela,
jugea bon de laisser ce navire près de la barre, et d'entrer avec la
frégate, la zabra et les barques longues. 11 réunit les capitaines espa-
gnols de mer et de guerre qu'il avait avec lui, et ceu.v-ci résolurent
que le secours entrerait (car le cas prévu par les ordres que Son
Excellence avait donnés était arrivé), et que, les deux grands vais-
seaux abritant les barques longues, on s'approcherait de la barre.
Ils entrèrent dans cet ordi'e et se déployèrent dans la rivièi'e.
La nuit précédente, les Maures blasphémaient à haute voix de
leurs tranchées etdisaient : « Où sont donc votre Chris t etMarie, qu'ils
ne vous favorisent pas et n'introduisent pas le secours? » Lorsque
les vaisseaux entrèrent, l'ennemi les reçut avec l'artillerie de deux
batteries qu'il avait sur la marine et avec un grand nombre de
coups descopette tirés de ses tranchées, établies des deux côtés de la
rivière ; le feu dura jusqu'à ce que les vaisseaux eurent jeté
l'ancre dans un détour c[ue fait la rivière près des magasins ; la fré-
gate faisait feu de son arldlene, et il y eut plus de 200 coups de
canon et de nondjreuses décharges de mousqueterie faites par les
soldais des Galions, si habiles et si exercés: ce feu produisait
beaucoup de fracas et causait bien du mal aux Maures, qui suivaient
la frégate à corps découvert, alors que des nôtres il n'y eut pas plus
de trois hommes tués et peu de blessés. Par suite, quelques Maures
commencèrent à se retirer et nos gens sautèrent à terre ; le dit Don
Juan de Ducro et les capitaines Don Gonçalo de La Esquina et Don
Lorenço Gomcz donnèrent l'exemple ; alors, sans grande opposi-
tion des iMaures, le secours fut introduit dans la place, avec laquelle
la communication fut établie.
Le lundi 2 septembre, la muraille fut garnie de quel([ue infante-
Dt Castkiks. 111. — 4o
626 lO AOCT-IO SEPTEMBRE ifi'l"
rip (m'on lira des nouvelles troupes et de celles du gouverneur, ren-
forcées de quelques gens de la place; on jeta cinquante soldais
commandés par le capitaine Antonio Garrido le long du fossé de
Salé, à la vigne de Pedro Coloma, et 4o hommes de mer sur la
marine ; puis le sergent-major Don Juan de Duero y Ayala et le
capitaine Don Gonçalo de La Esquina s'approchèrent pour recon-
naître la mine. Mais ils étaient très exposés aux coups descopette
que les ennemis tiraient de la tour et du gros mur ; le capitaine
Garrido fat dangereusement blessé, un soldat de la place tué,
d'autres blessés, et don Gonçalo de La Esquina reçut une petite
blessure au sourcil. Le dit Don Juan de Duero avec le capitaine Don
Gonçalo de La Esquina, les quarante hommes de San Lucar et
quelques soldats de la place et des galions, n'ayant, ce qui ne s'est
jamais vu, que l'épée à la main, attaquèrent la tour et la prirent,
avec une valeur incroyable. Parmi les premiers qui montèrent à
l'assaut furent l'alferez Arroyo, des troupes de la place, et Juan
Martin, maître de la barque, qui, pour prendre part à l'affaire, s'en-
fuit de celle-ci et se sau^a sur une autre. Et, en conséquence,
ils recouvrèrent les trois pièces de bronze que les Maures avaient
enlevées de la tour et qui étaient auprès de cette tour sur une plate-
forme : ils les enclouèrent, pour le cas oîi lennemi se rallierait ;
toutefois, nous les retirâmes ensuite. Ils chargèrent aussitôt tous
ensemble sur 1 entrée de la mine et y jetèrent deux bombes de feu;
il en sortit quelques Maures, dont deux furent faits prisonniers; il
y en eut onze enterrés vivants dans la mine.
Les nôtres aveuglèrent la mine et la source, et ils barricadèrent
la fausse porte du gros mur avec des gabions remplis de terre, puis
de là ils poussèrent les Maures jusqu'à les rejeter de la tranchée,
tandis que la place nous couvrait du feu de ses mousquets et de
son artillerie. Les Maures clierchèrent opiniâtrement à recouvrer
la tranchée, mais ils furent repoussés et, serrés de près, ils tour-
nèrent le dos. Don Juan de Duero mit aussi en défense la tour,
remplaçant par des gabions ce qui avait été détruit par le feu de la
place, et il la garnit d infanterie tirée do celle-ci, de munitions et de
ce qui était nécessaire pour la défendre : il y mit pour chef l'adjudant
Castejana et y arbora un étendard avec les armes de Sa Majesté.
Le mardi 3 septembre, les Maures retirèrent le demi-canon,
RELATION DU SIÈGE DE EL-MAMORA 62"
laissant brisées les deux pièces de fer fondu, et ils levèrent le siège,
ayant iui> k- feu aux plate-formes, la iiuil. dans leur retraite.
Le mercredi suivant, à huit heures du matin, quatre Maures de
paix vinrent à cheval devant la porte de Merrakcch, demandant le
corps de ceux qui étaient morts dans la mine, dans la tranchée et
dans la tour, parce qu'ils vénèrent comme des saints ceux qui meu-
rent dans la guerre contre les Chrétiens. Le gouverneur leur refusa
l'entrée, afin qu'ils ne remarquassent pas la faiblesse de la place,
s'excusant sur la peste qui régnait à Salé : il ne leur livra pas les
corps, parce qu'ils étaient ensevelis, leur promettant plus tard les os.
Le jeudi 5 septembre, cinquante mousquetaires et un alferez à
cheval (car il n'y avait pas alors plus d'un cheval en la place) par-
tirent pour reconnaître la campagne et n'y découvrirent aucun
Maure. Le gouverneur retint cinq jours la frégate et les barques
longues ; il ordonna à la zabra de rester et acheta une des barques
longues, dont ce préside avait besoin.
Le mardi lo septembre, Don Juan ayant rassemblé ses gens de
mer et de guerre pour revenir en Espagne, on hala la frégate avec
des touées, au risque manifeste de la perdre. A ce moment,
arriva le second secours, composé de deux vaisseaux, que Son Ex-
cellence avait équipés en trois jours ; ils amenaient deux cents
autres hommes de guerre du régiment des Cialions, sous les capi-
taines Don Diego de Ibarra et Pedro Julian Lorcnço. L'un des vais-
seaux avait pour chef le capitaine Chaves, et l'autre, 1 amiral Ver-
gara, qui dirigeait le second secours et qui commande la Holtille de
barloveiito. Ces vaisseaux n'étaient pas accom[)agriés de la galère
Santa Clara : la nouvelle ([ue la place était secourue élaiil arrivée
alors que ladite galère se trouvait dans la haie, cette galère reçut
l'ordre de revenir au j)orl, ce qu'elle (il. Ce second secours ne fît
autre chose que de décharger quantité de provisions et quelques
munitions de guerre qu'il appoitait, et il les laissa dans la place,
d'après l'ordre qu'avait donné Son Excellence, (jui avait également
prévu ce cas. Quant à nous, nous revînmes 1res heureusemeni
avec le premier détachement, ayant débloqué El-Mamora assiégée
par 3oooo Maures et loooo cavaliers ', qui la tenaient dans un dan-
ger qu'(jn n'avait jamais vu.
I. Evaluation nianift'stemcnt exagérée.
628 lO AOUT-IO SEPTEMBRE I 6/)"
Tout ce qu'il y a d'invraisemblable dans ce succès est dû à la
Providence divine ; pour les dispositions, œuvre de la sagesse hu-
maine, qui ont préparé celte victoire, on en est redevable à l'excel-
lentissime seigneur duc de Mcdina. comme on le verra [)ar la lettre
de Sa Majesté, qui sera donnée textuellement en dernier lieu. Sa
Majesté l'écrivit à Son Excellence avant de savoir l'heureux succès.
Quant à l'exécution des résolutions si promptes et si bien prises,
elle revient à la valeur du dit capitaine et sergent major Don Juan
de Duero y Ayala et des capitames et soldats qu'il conduisit à cette
action.
LETTRE DE PHILIPPE IV A 5IEDINA-CELI
Madrid, S septembre i6'47-
Le Roi.
Duc de Medina-Ccli, mon cousin, cajîitaine général de la mer
Océane et des côtes d'Andalousie, j'ai vu votre lettre du 22 août,
m'avisant du secours que vous avez préparé pour la place de Saint-
Michel d'Outremer et qui a mis à la voile le même jour. Je vous
remercie beaucoup pour le zèle et pour le soin que vous avez mis à
son équipement et à son envoi, et j'en éprouve une juste gratitude,
vu surtout A'otre célérité et les circonstances dans lesquelles vous
avez agi, me promettant par ce moyen la conservation de la place,
et bon succès dans les effets que 1 on désire, et confiant que, dans
toutes les autres choses qui passeront par vos mains, vous répon-
drez aux grandes obligations de votre sang.
Madrid, 8 septembre l(j^'].
Moi le Roi.
Par ordre du Roi, notre sire,
Juan de Otalora Guevara.
Archives espagnoles du Goiwernemenl fjénéral de l' Abjérie.
(anciennenienl: Registre 1GS6, ff. 368-371). — Imprimée
1. Pièce raji|jorléc par M. Tiran.
LETTRE DE LA MER \ MAZARIN
6t>9
CXIV
LETTRE DE LAMER A MAZARIN
// ojljre SCS services pour te nichât des esclaves français détenus à Salé. —
Une sailie de Gènes portant du marbre destiné au mausolée du cardinal
de Richelieu a relâché à Lisbonne.
Lisbonne, 6 septembre loi".
Monseigneur,
J envoyé à \. E. un duplicata de la lettre que je luy ay escrilte
par les S vaisseaux qui vont en Levant...
Un capitaine (jui trafique à Sale ' m'a dict que le Morabite (jui
commande là ' se montre très-alTectionné au service du Roy, et
qu'il se pouvoit traiter quelque chose en faveur des esclaves Fran-
çois qui sontlà, ce que je peux tenter, si V. E. l'a agréable. J'ap-
prens qu'il est à cet heure en paix avec le roy de Faix et de Maroc \
N'ayant plus forte passion que de luy tesmoigner qu'il n'y a
I . Le capitaine français Martel. Son nom
est donné ci-après. \ , p. 689.
3. Le mornbile. qui commande li'i. Sidi
.\bdallah filsde Sidi Mohammed cl-IIadj ed-
D(7ai', appelé quelquefois par les auteurs chré-
tiens K le prince de Salé ». V. supra, p. 58t.
3. Le roy de l'nix et de Maroc. En iG'i^,
on ne voit pas bien à qui pouvait s'appliquer
un pareil titre, et ce qualificatif est évidem-
ment erroné. Laniervcut sans doute parler
des relations pacifiques qui s'étaient établies
entre la zaoïiia de Dila et Moulay Moham-
med ecli-Cheikh el-Ase<jlùr. !\.yiTrs la défaite
de Hou \kba(a6 octobre iC38)oùil avait été
mis en déroule par les Dilaïlcs, le Gliérif
« qui sentait qu'il ne pouvait leur tenir léte.
ni briser leur puissance, cessa de lutter
contre ces rebelles ; il ne les inquiéta
plus et parut désirer vivre en paix avec
eux, sans s'occuper davantage de la situa-
lion qu'ils s'étaient créée ». El-Oufhàxi,
p. !i2'i.
63o fi SEPTEMBRE lf\!i~
personne au monde qui luy soit plus fidellement aquis et avec
plus de vérité.
Monseigneur,
Son très-humble, très-obeissant et très-obligé serviteur,
Signe : Lanier.
A Lisbonne, ce 6' "j^" 16^7.
Il a relasclié icy une cetye de Gennes qui porte le marbre pour
la sépulture de deilunct monsieur le Cardinal Duc'. (]ui partira la
semaine prochaine, par laquelle je manderay à V. E. ce qui se
passera.
Archives des Affaires Étrangères. ■ — Portugal. — Correspondance po-
litique. Vol. 3 ff. 12 v" et 13 v". — Original.
I. Unn partie de ce marbre était destinée au mausolée de Louis XIII. V. infra, p. 635.
LETTRE DE MED!\A-CELI A PHILIPPE IV
63 1
CXV
LETTRE DE MEDINA-CELI A PHILIPPE lY
// transmet une lettre ouverte de D. Juan de Duero rendant compte du
secours que celui-ci a fait entrer dans la place de El-Mamora investie
par les Maures. — // demande des crédits pour réparer celte place. —
Propositions en faveur des officiers qui se sont distingués.
Puerto dn Santa Maria. 8 septembre 16(47.
En Irte. (ilia manu: Sitio y socorio de Mamora. — 16/47.
Sefior,
Aver. con cstraordiiiario, di a \'uestra Magestad aviso que estava
socoirida la Mamora con la brevedad que me permitieron las pri-
meras noticias del buen suceso, en que solo tome tiempo para ase-
gurarme délias. Aora, aviendo reconocido la carta que el sargento
mayor Don Juan de Duero (cabo que nombre para el primer
socorro. que lue el introducido en la plaza) me escrive', repito a
Vuestra Magestad la norabuena desle bien suceso de sus armas.
Que, al paso que los Moros en tanlo numéro no solo avian tomado
entiambas riberas, la una que esta de la parte de Alarache y la otra
delà Mamora. avicndi) ganado la torrc de San Josepli, que esta en
las murallas de la plaza, y l'orlilicadose entre ella y la marina, no
parece que se podian desalojar sin fuerza de arlillcria, ni abrir la
comunicacion el dia que dcsde sus fortificaciones defcndian el desem-
barco de la g(Mitc que iva a socorrer. Esto (piiso Nucstro Senorfaci-
litarlo con sola la artillcria de una fragata de Dunquerquc, que fuc
la que entro primero la barra por orden y disposicion de Don Juan
I. V. Doc. CXIl, p. 61 5.
632 S SFPTEMBBr: (6^7
de Duero, que fue en ella, a quien obedecia tamblen su capitan de
mar', que disparo en menos de una hora 200 caiïonazos. \ con la
infanleria que iva de guainicion, que es la compania de Don Gon-
zalo de La Esquina del tercio de galeones, se le dieron a los Moros
taies cargas de mosqueleria. que empezaron a desamparar unos me-
dios trinclierones que tenian hechos, a que ayudaion, haciendoles
mucho dano, la artilleria de la plazay gente délia. Con esto, resol-
vio Don Juan de Duero saltar en tierra, y Aaliendose entonces de
la genlc de los barcos luengos, que unos ivan flelados, yolros ase-
gurados por mi (como a \ uestra Magestad tengo escrito), embistio
con la infanleria y esta gente de los barcos con los Moros que toda-
via permanecian, y a cuchilladas hicieron levantar de todo punto
el sitio, y' los Moros desanipararon la marina, dexando en ella
3 piezas de artilleria de bronce, que ganaron quando la torre.
Queda en la plaza de San MigueP el bastimento. armas y muni-
ciones que el socorro Uevava, y los i35 hombres de la compania
de Don Lorenzo Gomez de Médina. \ para el reparo de los danos
que lia recivido la plaza, es para lo que empiezo a pcdir a Vuestra
Magestad algunas asistencias de dinero, liaciendole memoria que,
durante el sitio y los 2 socorros que lie embiado no lo lie hecho,
antes ofrecido cmpcfiarme para cstos gastos esiraordinarios, como
lo quedo. Hasta aqui es, Scnor, relacion de todo lo sucedido, reco-
pilando lo que algunas carias de la plaza rcfieren.
Las personas a quien Yuestra Magestad debe liacer merced, por
averse senalado en este socorro, son el capitan y sargento mayor Don
Juan de Duero, cabo del, que cumplio con toda su obligacion y a
la letra las ordenes de pelear que le di.
El capitan Don Gonzalo de La Esquina, que viene berido de un
escopetazo en el rostro, y los cabos minores lieridos, de que, por
no tener nolicia, no hago a Vuestra Magestad relacion.
El capitan Don Diego de Ibarra fue el primero del tercio de
galeones que se ofrecio por si, y por Don Gonzalo; y, respeto de
ser Don Gonzalo mas antiguo, se embarco en la fragala, \ Don
Diego quedo para la galera; y aunque no se liallo en la ocasion,
I. Capitnn dii mnr. Ir capitaine de la i. Sur le nom de cctic /ro«(t'ra. V. .w/îra.
frugale de Dunkerque. p. (J17, note 2.
LETTRE nF. >'FnlNA-rFI,I A PIMMPrr. IV f)33
aventiiro cl no embarcarse a las Tndias, y fuc en ci ofrecerse el pri-
me ro.
El capilan Don Lorenzo Cornez de Médina, sargento mayor de la
armada de Ijarlohento, lue a qtiicn di esta compania de gente suelta,
porque lambien se ofrecio voluntario a hacer este servicio ; ha
peleado conio debia a recien beneficiado, y le despacho Don Juan
de Duero cou la iuie\a. y por quedar achacoso, no ha ido anle
Vuestra Magcslad. y assi la onibic con un correo, y no con gentil-
hoiubrc, cpie le pudiesse diviilir cl merilo.
El ayndanle de sargento mayor Cendrcras (ipie lo es en San
Lucar y Uevo Don Juan de Duero consigo), nie dice Don Juan que
se senalo en la ocasion, y que merece una compania : yo no la
tengo vaca, pcro ofrecercle la primera, si Vuestra Magcslad no se
sirve de anticiparlc por olia parie el prcmio.
Los que avian ayudado a todas las assistencias destos dias son
el Conde de; Frigiliana, govcrnador de Cadiz, que en lo que le lie
encargado ha obrado muy conforme a sus muchas obligaciones.
El maese de campo Don Fran" Enrriquez de Sylva lo ha liecho
tambien, y puedo asegurar a ^ ucslra Magcslad cpic cl socorro pri-
mero que embie y el que bizo la faccion no salieron de San Lucar
con mas de dos dias de diferencia, si no fucra por lo que Don Fran'°
de Sylva frabajo en la mar con la génie de los barcos, assi en hacer
subir a bordo los [)ertrechos y bastimentos como en sacar las naos
con remolcos de barcos longos, desayudandonos mucho el tiempo,
y facililando cl (pie los barcos ru(>sscn a este socori'o. dondc lanto
inq)orto su gcnic.
El provçcdoi- (l(^ las galcras Pedro Cadena Villasanll me ha assis-
lido con gian Irabajo y puntualidad eslos dias; y puede Vuestra
Magcslad créer (pic en me)oiallc de empleo no solo preniiara sus
rnuchos servicios, mas se adclantaj-a el mismo servicio de \ ueslra
Magcslad en (|ii:ili|un'i-a cosa (pie h; (jcupar(!.
El veediir de las piox isioncs générales dcl Aiidahnia v lucrzas de
Africa Don Juan del Solar, secrctario de \ ucslra Magcslad y ofi-
cial 2" de la secrelaria de guerra. ha empezado a lomar la possesion
de su oficio en medio deslos cmbarazos, y me ha ayudado en ellos
de manera y facilitado el servi(^io de Vuestra Magcslad con tanbuen
expidicntc para las parles, cucnta y razoïi en cl j)aradero de la
fi.Vl 8 SEPTEMBRE J 6 fl~
real hacienda, que no siendo yo el de mas facil contente, lo he
ddmirado tante que, en scia esta 2:)retension de que Vuestra Mages-
tad me de buen ministre y prepietario en estes papeles, puede con-
fesar que estey satisieche.
i Nuestre Sener guarde la real persena de ^ uestra Magestad les
muchos ânes que la Christiandad ha menesler!
Puerto de Santa Maria, a 8 de Setiembre i6A7-
Copia de la carta que el sargento mayor Don Juan de Duere me
escribe, y el plicgo del sargento mayor que govierna la plaza, que
mêle embia abierto para \ uestra Magestad, y el que tambien me
embia el veeder de la dicha plaza, rernite a \ uestra Magestad, y
suplice a Vuestra Magestad se sirva de hacer alguna merced al capi-
tan Garrido, pues le hirieron en tan henrrada ocasiou cemo la de
restaurar la terre.
Signé: El duquc de Médina.
Archives cspaijnolcs du Ciouverncincnl tjeiicral fie /'Al'/c'ric. — A™ 515
(anciennement : licfjistre 1686, ff. 362-36^). — Copie du xvii' siècle\
I. Pièce rapportée pnr M. Tiran.
LETTHE DE LAMER A MAZARIN 635
CXVI
LETTRE DE LAMER A MAZARIN
La saitie chargée de marbre a été capturée par (es pirates de Salé. — // va
écrire ù Sidi Abdallah pour le rnrhnt de cette saitie.
[Lisbonne, 23 octobre 1647'.]
Monseigneur,
Le partemcnt d'un Aaisscau préparé à Porto ayant esté différé,
me donne temps d informer V. E. des nouvelles de deçà...
J'en hier advis de Salé, par lettres du 8" de ce mois, comme la
cetye génoise par laquelle j'avois amplement escript à V. E., qui
portoit le marbre pour la sépulture du feu Roy et de leu monsei-
gneur le Cardinal Duc, partie d'icy le 21" septembre, avoit esté
prise parles corsaiies de là, dont j'attends nouvelles plus certaines
par le capitaine Martel, françois, qui y alla en mesme temps, par
lequel j'escrivi au Morabite, gouverneur de là ", luy recommandant
les pauvres esclaves françois et pour taschci- d avoir quelques che-
vaux, suyvant mon instruction. On m'a asseurré qu'il avoit par-
faittemeiit bien reçu ma lettre, arrivée heureusement pour addoucir
son esprit du ressentiment qu'il avoit par le manquement d'une
sienne entreprise sur la place de La Mamora \ que les armes du Roy
i. La présente lettre est un duplicata (^WllI, p. 638), relative au même fait,
placé en tête d'une dépêche du 8 novembre Lanicr rappelle ces deux dépêches « des
16/17 ''^ ''" '""" façon que les deux do- 32" octobre el 8 novembre dernier ».
cuments ont l'air de n'en faire qu'un 2. Sidi .\bdallah bon Mohammed cl-
dalédu 8 novemlirc 1O/17. Mais la date du lladj. V . supra, p. 62g, noie 2.
premier se rétablit facilement, car, dans 3. Sur ce siège de El Mamora. V. supra,
une dépèche du 3o décembre i647(V. Doc. Doc. C.\I1I, pp. 618-638.
636 2 2 OCTOBRE I 6 '| 7
Catholique avoient secourue, aydées de quelques vaisseaux fran-
çois et anglois. Après le retour dudict Martel, je continueray mes
soins pour le rachapf de ladictc cetye et du marbre destiné pour
lesdicles sépultures', sur quoy j'escris audict sieur de Prat", qui y
est consul \
Arcltivet! des Affaires litran(/èrcs. — Portugal,
liliqne. Vol. 3, ff. 2ô-'..'(j. — Duplicata.
Correspondance po-
I . Celle saitie achetée par ilcs Juifs hol-
landais (V. infra. Doc. CXVII, p. O37)
partit pourÂmsterclam le 28 novembre i647
(V. ire Série, Pays-Bas à la date â mai 1 648),
Surpris par la tempête, ce navire dut se
réfugier dans le port de Malaga oii il se
perdit (V. Ibidem, à la tlate du 37 mai
ili^.j).
3 . Sur André Prat, nommé consul à Salé
et Télouan le 3o novembre 162g, V. supra.
Doc. XXXIV, p. 373.
3. L'absencode formulefinalcetdesigna-
ture s'explique parce fait que ce document
est un d\ipUcala. \. supra, p. 635, note i.
LETTRE d'aNDRÉ PRAT A LANIER 63"
CXMl
LKTTHI-: DANDhK l'RAT A LAMKIl
Le char(jcmcnt de marbre pris pur le.s pirates de Salé a été acheté par des
Juifs hollandais de concert arec le (jourernciir de cette ville et envoyé à
Amsterdam.
Salé, II décembre i6'i7.
En léte : Extraict cl une Icllrc esi-iillc à monsieur Lanier à Lis-
bonne par le s' André de Prat. consul de la nation françoiseà Salé,
xj"' x''"' iG,'47.
Ayant faict responce aux vostres par le capitaine françois Mar-
tel, party de cette ville le 29'' 9'"" dernier, depuis il n'est arrivé au-
cune chose qui meritle vous estie dicte, sinon la réception de la
\ostredu i9''novembre et du duplicata d'icelle par voye de Tetuan,
et vous remercie du soin tjue vous avez eu d'escrire en cour la
prize du marbre, sur quoy je vous diray que le Gouverneur', en
compagnie des marcliands juifs de Hollande, l'ont envoyé depuis
8 jours à Amslredam pour leurs comjjtes, l'ayant lesd. Juifs payé
pour leui's portions à raison de cmq mil ducats, outre le profict
qu'ilz en font espérer aud. Gouverneur. De mon costé, j'y ay en
vérité faict tout mon possible et leur ay protesté verballement et
de faict que sur ce j'en ay escrit à monseigneui' le cardinal Maz-
zarin .
En attendant l'yssuc, je me diray à jamais —
Archives des Affaires Etrangères. — Portiiij(d. — Correspondance po-
litique. Vol. il, f. /!). — Copie contemporaine 'le l'ori'jinal'.
I. Sur ce (joiivcrneur et les dlDerentes p. 63g, noti' i.
formes de son iiom.V. infra. Doc. CXMll, 2. \. inj'ru, Uoc. CXVIK, p. 038.
638 3o DÉCEMBRE ifi^"
ex Mil
LETTRE DE LAMER A MAZARIN
// a prévenu l' ambassadeur de France à La Haye de l'arrivée éventuelle à
Amsterdam de la saitie charcjce de marbre. — Possibilité de sirjner un
accord avec les Salélins. — Sidi Abdallah s'est excusé de n'avoir pu
autoriser l'embarcjucment de chevaux pour le Portugal.
Lisbonne, 3o décembre 1647.
En télé, propria manu : A Lisbonne, ce 3o' décembre 16^7.
Monseigneur,
Depuis avoir escrit à V. E. le 10'' de ce mois au soir, et donné
ma depesche, je reçu un billet de M' le Secrétaire d'Etat...
Jay receu lettre du s' André Prat, consul à Salé, dont j'eiivoye
coppie à Votre Excellence cy-joincte', qui est en responce à une
que je luy avois escritte le 19" novembre par voie de Tetouan,
touchant le vaisseau de Gennes chargé de marbre pour les sépul-
tures du feu Roy et de mons' le Cardinal Duc, qui avoit esté pris
par ces corsaires au mois de septembre dernier, comme plus am-
plement j'ai donné compte à Votre Excellence par mes depesches des
22' octobre et 8' novembre. Dès à présent, par une flotte chargée de
sel qui retourne en Hollande, jescris à JM' de La Thuillerie. ambassa-
deur, et M' Brasset, résident, aflîn quilz fassent prendre garde à Ams-
tredam si ledict vaisseau y auroit esté mené et le faire sçavoir à V. E.
J'apprends que lesdicts corsaires de Salé auront au mois de
mars vingt vaisseaux prests pour aller en course, ce qui m'a esté
I. V. supra. Doc. CXVH, p. 687.
LETTRE DE LAMEU A MAZARIX 6.Sg
confirmé par 5 esclaves françois qui se sont racheptez et ont re-
passé sur le vaisseau du capitaine françois Martel demeurant en
cette ville, et que. si quatre vaisseaux du Roy se presentoient de-
vant ledit port de Salé après la sortie des leui', volontiers il/, donne-
roient [non seulement] tous les esclaves françois, mais tous les
Chresliens qui y sont en captivité, et que Zaetachinuy ', gouver-
neur de lad. ville de Salé ", qui y a toute aulliorité près du morabide
Abdala ben Bucar, se reposant sur luy du gouvernement et de la
disposition de toutes les affaires, voudroit là establir un commerce
honorable, au lieu de toutes ces courses et larcins. Led. gouver-
neur est liomme fort raisonnable et aflectionné à nostre nation,
pour le bon traitement qu'il a reçu en France, estant captif dans
les galères de Marseille.
Outres les lettres qu'ilz m'ont escrittes ! un et l'autre, ilz mont
faict faire force excuses s'ilz ne pouvoient laisser passer des chevaux ^
ny du bled par deçà pour le service de ce royaume, cela estant
expressément delTendu par leur loy.
En ma considération, le Gouverneur a achepté le capitaine Jean
Coucourela, de Barcelonne, pris avec son vaisseau au commence-
ment d'octobre dernier.
Archives des Affaires Étrangères. — Portnijal. — Correspondance po-
litique. Vol. 3, ff. 63 v"-GU. — Duplicata.
1 . I.e nom de ce personnage se retrouve riantes, de rétalilir la transcription o\acle
av<rc" diirérentes formes. Il est appelé « liaiz de ce nom. Le mol Clienoui, Genoui est
Aclii Clienui >> (Raïs el-lladj Chenui) dans peut-être un ctlinique signifiant: le Génois
le Doc. suivant (p. 6io). Deux lettres en ou le Guinéen (el-Djennaoui).
espagnol adressées par lui aui Etals-Gé- 2. C'était en réalité de Sidi .Vbdallah
néraux des Provinces-Unies sont signées : hen Mohammed cl-IIadj, appelé à la ligne
Zaetachinuy (V. i'^' Série, Pays-Bas, 5 mai suivante « .\bdala ben Bucar », que relevait
i(i48 et .27 mai l'J^g). Cette même forme la ville de Salé (V. supra. Introduction
se retrouve dans un certificat de rachat de critique, p. 58l). Le raïs el-IIadj Genoui
captifs du i3 aoilt i6J3 (V. /'"' Série, n'était que gouverneur de Salé-le-Vieil
Angleterre, à cette date). Dans la lieta- (V. infra, p. 671), mais il paraît avoir
tion (l'une rédemplion de captifs (V . infra, en fait exercé li^ pouvoir dans les deux
Doc. ex XV, p. 671), il est appelé : Cidizay villes par suite de la faveur dont il jouis-
Genoui. — Il serait téméraire, étant donné sait auprès de Sidi Abdallah.
les agglutinations qui ont produit ces va- 3. Cf. supra. Doc. CX, p. Oi [.
6^0 iS JANVIER l648
CXIX
LETTRE UE LAMER A MAZARIN
Désir exprimé pur Sidi Abdallah de vivre en bon accord avec le roi de France
pour courir contre les Espagnols. — Les esclaves français seraient mieux
traités à Salé qu'auparavant.
Lisbonne, i8 janvier i648.
En lèle : A Lisbomio, ce i8'' janvier iTp'iS.
\ . E. aura ample information des afTaires deçà et de ce qui s'y
est passé jusques à la fin do l'année dernière par la depesche cy-
dessus'.
Un capitaine françois nommé Martel, retourné depuis peu de
Salé, m'a dict que le morabite Abdala Benbucar et son favory, gou-
verneur de lad. ville, Raiz Achi Chenuy^ luy avoient tesmoigné le
désir qu'ilz avoient d'estre dans les bonnes grâces du Roy et le
servir de leurs vaisseaux contre les Castillans, contre lesquels ledict
gouverneur est animé, ayant esté leur esclave et mal traitté, au
contraire de France, ofi il a esté aussy. L'un et l'autre alTectionne
particulièrement ledit Martel, qui espère retourner promptement
là, et m'a asseuré que les esclaves françois estoicnt mieux traitez
qu'auparavant, ce qui m'a esté confirmé par les lettres du Consul.
Je prie Dieu qu'il conserve V. E. en parfaite santé et liiy donne
1. Lu depesche cy-dessus, celle du Sodé- V. supra, p. G38.
cembre 16/I7, dont le duplicata précède 2, Sur ce personnage V. supra, p. 63ij
immédiatement celle du 18 janvier ifi^S. et note i.
LETTRE DE LANIER A MAZ.VRIN 6 /| I
heureux accomplissement de tous ses généreux dessains ; ce sont
les vu'ux de celluv qui est,
Monseigneur,
De V. E.
Le très-humble, très-obéissant et très-obligé serviteur,
Signé : Lanier.
Archives des A JJ aires Etrangères. — Portugal. — Correspondance po-
iili(jue. Vol. 3, f. 71 v". — Original.
Df. Castkies. III. — il
6^2 6 ica i648
CXX
LETTRE DE LAMER A MAZARIN
Pirates d'Alger et de Salé pris sur la côte porlagaise par Jes Hollandais. —
Conspiration contre le roi da Maroc.
\jAioaDe, 6 jinn i6^8.
Monseigneur,
Depuis mes dernières depesches des 17, 18, 19 et 28' may, que
j'ay confiées à M' de L'Isle L'Escot, qui s'est embarqué sur un
vaisseau hollandois allant à Bordeaux, j'en receu le 20' ensuyvant
deux amples des 7 et 26' avril dont il a plu à ^ . E. mlionnorer.
Quatre vaisseaux de guerre hollandois. qui ont escorté une flotte
venue chaîner de sel à Setuval et courru cette coste, ont pris
quelques va: les corsaires d'Alger et de Salé, avec nombre
d'esclaves 4 j jÎs faict achepter à bon prix, si j'avoiseu 1 ordre
de \ . E. sur ce suject, touchant ceux que je fis achepter l'an passé
et ■ ■ s' de L'Isle m'a faict la faveur de payer.
' 1* par lettres de Salé qu'au mois d avril dernier on
. ^^.. ., ■: : le roy de Maroq. ôo des complices avoient desja esté
pris et tranché la leste à onze d'entre eux.
Je prie Dieu qu il conserve A . E., estant.
Monseigneur,
Son très-humble, très-obeissant et très-obligé serviteur.
Signé: Lanier.
Lisbonne, et ^i48.
, — ■ Portxujol. — Correspondance po-
■ oi. 3, J. 122 v^. — Original.
PROVISIONS DE COSSCL A HEXRV PRAT 6^3
CXXI
PROVISIONS DE CONSLL POLR HENRY PRAT
S' Gern-a... . ..-1. . .. . j„ v^ w£,re idiS.
En léte : Lettres patentes du Roy obtenues par Henr)" Prat. bour-
geois de Marseille, portant pro^^5ion en sa faveur de 1 estât et
charge de consul de la nation Irançoise à Totoan et Salles, pays de
Mauritanie'.
Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, comte
de Provence, Forcalquier et terres adjacentes, à tous ceux qui ces
présentes lettres verront, salut.
Sçavoir faisons que nostre cher et bien amé André Prat. bour-
geois de nostre ville de Marseille et consul de la nation françoise ez
villes de Totoan et ScJlés, pays de Mauritanie, au royaume de lez
et Marroc, s estant volontairement demis de ladite charge par sa
démission cy-attachée soubz le contrescel de nostre chancellerie,
en faveur de nostre cher et bien aimé Henry Prat. son fils, à icel-
luy . pour ces causes et autres bonnes considérations à ce nous mou-
vans, de ^ad^^5 de la Reyne régente, nostre très-honorée dame et
mère, avons donné et octroyé, donnons et octroyons par ces pré-
sentes signées de nostre main ladite charge [de consulj de la nation
françoise ez ^^lles de Totoan et Salles, pays de Mauritanie, au
royaume de Fez et Marroc. pour en jouir aux honneurs, aucto-
rités, prérogatives, prééminences, privilèges, exemptions, fi-an-
chises, Ubertés. droiclz. pouvoirs et fonctions, fruiclz, profBtz,
revenus et emolumens y appartenans, tels et semblables et tout ainsi
qu'en a jouy ou deub jouir ledit .\ndré Prat père, avec pouvoir et
faculté que nous luy donnons de comraetlre et subdeleguer pour
>'ice consul en son lieu et place ez dites villes de Totoan et Salles
à tel personnage qu'il advisera, duquel il nous demeuiera res-
I. Ces lettres furent enregistrées par le Prat fit exercer sa :. , : .,u-
Parlement d'.Vii le lojanYier 16^9. H. suls.V. oi/ra, p. 678, note i cl p. 67I, note i .
6/14 20 OCTOBRE 1 6/18
poiisable, au(|uel seront expédiées nos lettres patentes de commis-
sion à cet eflet. Sy donnons en mandemant à noslre amé et féal
conseiller en nos conseils et nostre ambassadeur en Levant, le
sieur de La Haye Ventelaye, et ses successeurs en ladite ambas-
sade et à tous nos autres officiers qu il appartiendra que, pris et
receu le sermant dudil sieur Henry Prat, ils le fassent mettre et
sesditz viceconsuls de par nous en possession de ladite charge, les
faisant jouir et user aux honneurs, authorités, prérogatives, pree-
minances, fonctions, fiuictz. proffîtz. revenus et emolumans susditz
plainemant et paisiblemant, et à luy obéir et entendre et à sesditz
viceconsuls ez choses touchans et concernans ladite charge.
Mandons et conmiandons à tous nos subjetz et autres traffiquans
soubz nostre bannière qu'ils ayent à recognoislre ledit sieur Henry
Prat pour consul de la nation françoise ez villes de Totoan et Salés,
pays de Mauritanie, au royaume de Fez et Marroc, avec ses vice-
consuls, ayant commission de nous, et de payer les droicts ordi-
naires et accoustumés. selon et ainsi qu'en a jouy ou deub jouir ledit
André Prat. Car tel est notre plaisir.
Prions très-haut, très-excellent et très-puissant prince nostre
très-cher et bon amy l'empereur de Maroc, roy de Fez et de Suz,
de laisser jouir ledit sieur Henry Prat de ladite charge de consul
et ses viceconsuls, et des droictz qui leur appartiennent et qui sont
accoustumés, sans leur faire ny soulTrir estre faict, mis ou donné
aucun empêchement au contraire, ains leur prester toute fiance et
adsistance, comme nous fairions en pareil cas si nous en estions
requis de sa part.
En tesmoins de quoy nous avons faict mettre noslre scel à ces-
dites presantes.
Donné à Saint-Germain-en-Laye. le vingtiesmejour d'octobre l'an
de grâce mil six cens quarante-huictetde nostre reignele sixiesme.
Signé : Louis. Et sur le reply : Par le Roy, comte de Provence,
la Reyne régente sa mère presanle, signé : de Lomenie. Deuemant
scelées du grand scel de cire jaune à double queue.
Archives dcparteineiitales des Bouches-dn-Rhône, Seclion d'Aix. —
,SV/-(e /), re(jisLre n" 335G,ff. 595-597.
OnnRE DE LOUIS MV A HENRY PUAT
6/1 5
CWII
OHDHE DV. I.OI IS \l\ A IIEMIY PR\T
Le rrmsul Henry Prnt devra fournir aux reliqieiLx récollets à Salé
et à Télouan un local qui leur permette d'exercer leur minialère.
Poitiers, 28 janvier i652.
Au dos. alla manu : Ordri' du Hoy au s'' Prat, consul de la
nation françoise en Barbai'ie, en faveur des marchandz [et]
esclaves.
En tc'le : Au consul de Salé, le s' Prat.
De par le Roy.
Sa Majesté, aiant esté informée par les niarchans et esclaves, ses
sujectz, qui sont en Barbarie, qu'ilz sont privez de toute consola-
tion spirituelle' et despoir d'estie rachaptez, parce que le s' Prat,
consul de cette nation à Salé etToutouan, refuse de faire desservir
I . On se rappelle qu'une clause de la trêve
de i63o conclue entre Louis XIII elles Salé-
lins stipulait expressément la faculté pour
le consul de France cl les Français de prati-
quer librement leur religion (V. supra.
Doc. XXXIX, p. sg'i). Pierre Ma/.et, pre-
mier titulaire du consulat de Salé, avait
insisté auprès des capucins envoyés en mission
au Maroc par le P Joseph pour les conser-
ver en quelque sorte comme chapelains.
Ceux-ci, f|ui voyaient un a[>ostolat h exer-
cer auprès des Chrétiens de tous pavs et
même auprès des Moriscos, s'y refusèrent,
jugeant qu'une « si grande eitroversion »
pour être simplement aumimier du consul
et de son serviteur n'était pas justifiée (V.
supra, p. 3?i3). L'article VI du traité passé
le 18 juillet i635 entre Louis XIII et
Moulav el-Oualid étendit le ministère « des
gens d'église françois ii à tous les Chrétiens
(y. supra. Doc. LXXIX p. 498). Malgré
les dispositions libérales de cet article, les
capucins ne consentirent pas à rester au
Maroc, et les Chrétiens, marchands ou
captifs, n'eurent qu'occasionnellement les
secours religieux, Inrs du passage de Trini-
taires et de Morcédaires allant en rédemp-
tion. V. infra, p. ("172, note 3.
fi'ifi 28 JANVIER t652
sa chappelle consulaire' par les religieux recolectz, missionnaires
apostoliques", que leur zèle et leur charité envers ces pauvres
esclaves portent à s'en aller en ces quartiers-là pour les enseigner,
catechizer et procurer leur rédemption, Sa Majesté, compatissant
à leurs souffrances, et voulant les souslager autant qu'il se pourra,
elle mande et ordonne très-expressement audit consul, ou à celuy
ciui exercera sa charge en son absenee, de donner à deux desd.
relie;ieux recolectz, missionnaires, un lieu propre et commode pour
faire leurs fonctions spirituelles, comme chappelains de Salé et de
Toutouan, en sorte qu'ilz puissent y recevoir en toute liberté qui
bon leur semblera, et que leur maison, particulièrement le lieu on
ilz célébreront le divin service, soit honoré et respecté comme il se
doit : l'intention de Sa Majesté estant que led. consul donne auxd.
deux religieux les choses qui seront nécessaires pour leur subsis-
tance jusques à la somme de quatre cens livres, et qu'il les protège
auprès des principaux du païs. Le P. Félix Chevalier et son compa-
gnon seront porteurs du présent, auquel Sa Majesté enjoinct très-
expressement à son consul de se conformer, sur peine d'estre desti-
tué de sa charge'.
Donné à Poictiers, le xwui' janvier i652.
Archives des Affaires Etrangères. — Maroc. — Correspondance consu-
laire. Vol. 1. — Minute.
1. Dans les traités qu'ils passèrent avec nairc de Barbarie », fut envoyé en mis-
la Porte et les Régences Barbaresques, les sion « aux royaumes de Fez et de Maroc »
rois de Franco se firent toujours un devoir (Ibidem éd"" de i60i, p. 2!i~). I^es détails
de stipuler qu'une cbapelle serait annexée à qu'il donne sur le Maroc sont d'ailleurs insi-
cbaque consulat et que les consuls seraient unifiants.
autorisés à avoir chez eux un prêtre au 3. En exécution de cet ordre formel, le
moins pour la desservir. V. Mas Latrie, consul Henrv Pral fit consiruiro une cha-
pp. 169, igi-iga. prlle ; celle-ci était achevée, quand les PP.
2. Depuis qu'ils avaient fondé une mai- Trinitaircs Anroux et Héron arrivèrent à
son à Jérusalem (1628), les récollets fran- Salé en avril i65/l. V. infra. p. 672. —
çais s'étaient fait une spécialité de desser- Les navires français qui abordaient à Salé
vir les chapelles des consulats en pays devaient acquitter un droit pour la subsis-
rausulman. Cf. F. Eugè.ne Roger, La tance du desservant de la chapelle consu-
Terre Saincie. id°" de i646, pp. 383 et laire. Cf. 2^^ Série, France, Z,c((re(/ePenW(i'
l\o8. L'auteur, « recollcct et mission- « Scicjnelay du 1 5 janvier 1686.
MÉMOIRE JUSTIFICATIF DK n. JOÂO SOAHES 6^"
GWIU
MÉMOIRE ,11 STIFICATIF DE 1). JOAO SOARES'
Les Anglais ayant capturé en octobre iliai un na\irc cli.iryr de blé envoyé
du Portugal pour ravitailler Tanger-', celle |)lace se trouva dans une grande
détresse. Leduc de Mediiia-Celi voulut proiilcr de cette occasion pour négocier
la soumission de la « frontera » rebelle : il lit accepter .son projet par le
roi Pbilippe IV et l'on écrivit à ce sujet à 1). Joâo Soares, gouverneur de
Ceuta. Celui-ci démontra le peu de succès à attendre des négociations et
|)roposa au roi d'agir par la force. Pbilippe l\ , aux prises avec de grandes
dillicultés. se montra bésitant. Sur ces entrefaites, leaa janvier 1602, les Anglais
ayant capturi' un autre navire de ravitaillement destiné à Tanger. D. Joào
Soares crut pouvoir renouveler sa proposition cl exposa ses raisons et son plan,
mais celui-ci échoua par suite du mauvais vouloir et des lenteurs calculées du
duc de Medina-C.eli. inspiré par la jalousie.
[1602.
En Ic'Ie. (ilia manu : Expedicion de Tanger'. — i65i.
Con la perdida del primer riavio de trigo con que de Porlugal se
socorria la plaça de Tanjar por cl mes passado de Uelubre de i65i ,
occasioiiada por las fragalas del Parlamenlo" que asisliau en guar-
dia del estroelio, diocuenla a Su Magestad en los priiiieros de aquel
mes el duque de .Medin,i-(Jeli, capitan gênerai del mai- Oeceaiio y
costas y reyno del Andalusia, de la oportunidad (pie se ofrecia
para introdusir j)lalira eonel governador de acpieila plaça'' sobre su
I . I). .loao Soares, comio rlc 'l'orres un projet (rc\[)('(lition aii([ii('l il ne fui pas
\ cdras, gouverneur de Ceuta. donne suite.
3. V. p. SgC), Sommaire. ■'). Parlamento, Le Long l'arlcment (pii
.3. Coite date est celle des derniers docu- avait alors en .Vnglelerre le pouvoir absolu.
ments publiés dans ce mémoire. 0. 11. Luiz Lobo, baron de .Vlvito, avait
4. Cette mention est inexacte, car le succédé dans le gouvernement de Tanger le
Document relate non une e.vpédition, mais io novembre '04<) à D. Gastao Coutinlio.
fi/iS 1602
reducion a la real obediencla, oifreciendole socorro para facilitar
con el este intenlo.
Su Magestad ; Dios la guarde ! por carta de 3o de Octubre dio las
gracias al Duque de la atencion y celo con que se desbelava en su
sirvicio, a^irovandole el intenlo. \ cntendiendo Su Magestad que
cl Conde de Torres Vedras podriu introdusir con mas facilidad esta
plalica, le dise en diclio despacho las rasones siguicntes : « \ por-
que, en despacho de 22 de Sepliembre del ano passado, se os
remetio copia de lo que cerca deste punto se escrivio al conde
de Torres-Vedras, sera bien se lo coniuniqueis, para que de con-
formidad y acuerdo se camine en ella con el acierto y logro que
se espéra. » En la misma forma, tuvo el Conde despacho del mis-
mo dia 3o de Octubre, que el Duque le remitiocon carta suya de 16
de Noviembre. para que por Ceuta se dièse principio a la negociacion.
Y aviendo conciderado el Conde la dlficultad de lograrse esta
materia por inteligencias solamente, aviendosc experimentado el
poco fruilo que en otras muchas vezes que se avia intentadosecon-
siguio, l'cspondio on caria de 21 de ^oviembre que, sin précéder
primero el inbiar a la bahia de Tanjar algunas naos de guerra que
impidiesen el socorro de aquella plaça, no avian de obrar en esta
occasion las promesas y pcrsuasiones. A que Su Magestad respon-
dio al Conde, en despacho de 3 1 de Disienbre, lo siguienteen orden
a este : « Y aunque las prudentes concideraciones con que discurris
en esta materia no puedan mejorarse, y yo me hallo tan satisfe-
cho de vuestro celo y amor a my servicio, de que podeis estar cierto
y os doy muchas gracias, todavia, como el emjîeno en que aora
cstan mis armas sobre Barcelona' es de la calidad y estimacion que
se vee, parece que no conbendriadevirtirlas fuerças a otra empresa.
Y assy sera bien que, por los medios que hallaredes mas abiles, vais
continuando y cntretcnicndo la materia, por si se pudicre lograr
algun buen sucesso sin empenarse declaradamente. »
En el eslado referido se hallava esta materia. quando la esquadra
del Parlamento de Inglaterra en 22 de Ilenero dcsle ano rindio
Il conserva le commandement de celle place i . La Catalogne s'était soulevée en
jusqu'en janvier i653, date où il fut rem- i64o et Barcelone était entre les mains des
placé par D. Rodrigo de Lencaslre. Mf.se- Français qui occupèrent cette place de
ZEs, pp. 186 et 192. i6io à i652.
MÉMOIRE JISTIFICATIF DE D. JOÂO FOARES 6/ig
otro niiovo socorro que de Portugal se remetia a la plaça de Tanjar.
Con que. reconociendo el Conde el grande aprielo en que se hall-
ava y que conbenia no pcrder occasion tan opurtuna, y que se asi-
guraria la empresa contra acjuella plaça, si con diligcncia se armasen
algiinas naos cpjc occupaseii aquella l)aliia, acompafiadas dealgunos
varcos luengos, dospaclio con este aviso al capitan Melchior Fer-
nandes l'ita con carta de 7 de Febrero para que, poniendola en
manos del Duque de ÎNIedina Celi, anadiese a las considcraciones y
moti\os que en ella rej)rescnlava la nolicia y eslado en que le cons-
tava quedava la dicha plaça, y dixese la diligencia con que el
Conde avia dado principio a esta negociacion, Inbiando a Tetuan
pci'sona de confidcncia con carias para el govei'nador de Tanjar y
algunos vicinos. \ entre otros capitulos de dicha carta en que dis-
curria sobre la materia, se contenian las rasones seguientes : « Pero,
conciderando el estado de larijar por la perdida passada y la deses-
peracion que les causara la (pie de nuevo liisieron en el navio que
aora les apresaron y el recclo que suceda lo mismo a qualquier
socorro que de nuevo se le remita (aunque por lo que an experi-
mentado se veran por el présente destiluydos de esta esperança),
me a parecido representar a \ . E. (|ue Tanjar se piérde indubita-
blemenlc, si de nuestra part(" se bisicre la diligencia que conbienc.
\ es clai'oque, [)ara lumultiiar a([uel piicblo con este aviso, avicndo
de llegar ptinieio a inanos de su governadoi-, podria prévenir este
riesKO, daiido nolicia al Alffarbe. v. con deseos de conser\ar el,
facilifar la esperança d(! (juahpiier socorro; y 110 es dnbilable que,
conciderado por los rebeldes, se lo procuraran introdncir con
carabelas con brevedado. sicndo la necessidad tan urgente que no
pueda conservarse mas 1icmi[)o, en odio de Espana u por conbe-
nicncias del rebelde, no es dificil de créer se ajuste con los mismos
Olarideses y Inglcses que asisten en estos mares, pues no ignoran
el cuydado que daran a Espana, si se hisiese Tanjar plaça importan-
tissima y de grandes consequencias. no por la concideracion de lo
que es, sino por el enbaraço y oposicion que haria siendo do uiia
destas nacioncs. » '
I. lia crainte (io voir ia villp <!(» Tantjer prenne était fonfléc. Tes Portugais s'eflbr-
tombcr entre les maiiiï d'une nation euro- cèrent à différentes reprises d'amener la
65o i652
En el terser capilulo de la caria rcffirida. insla cl Conde quanlo
conbiene no perder punto en esta negociacion, afiidiendo nuebas
concideraciones, y discurriendo sobre los medios de que se podra
usar para ella, como lo expreça en las raçones siguientes :
« Conciderado todo, propongo a \ . E. que, en tan aprelada occa-
sion y cou tantascircunstancias, conbiene no perder la, puespodria
resultar de lo contrario notable dano contra el sirvicio de Su Mages-
tad, y no lograrse la occasion, esperando \ . E. respuestasuya, quando
Y. E. vee se halla dueiio desta materia, aviendola Su Magestad
remetido a V. E. enteramente por despaclio de 3o de Octubrc. de
que V. E. se sirvio inbiarme copia. El reinedio ha de ser (pie luego
promptamente se sirva \ . E. de resolverse. detreminando fletar un
navio de gucrra de ioo hasta 5oo toneladas, y remitirmelo V.
E. a esta plaça niarinado. para que. cou mas ([iialro varcos luengos
que tengo prevenidos para esta occasion en su compaTiia, bayan a
occupar la costa de Tanjar, y, a visla de aquella plaça, en lugar
donde puedan cstar con segundad de los temporales, den fondo y
estorven qualesquier socorros, pues en esta plaça se liallan pilotos
platicos para este intento. En el navio metcre la garnicion bastante,
de 80 liasta 100 soldados, con cabo de toda inteligcncia, con que,
con esta prevencion, se podra apellidar el nonbre de Espana, y
tomara fuerça esta voz en la plaça por el aprieto que padece y por
la desesperacion de! socorro, y quando a ello obligue. sera la entriega
a Su Magestad y no a otras naciones. Impediransele con el navio los
socorros de carabelas, y con los varcos luengos las pesquerias que se
su mayor sustento. y a qualesquiera otras asistencias que se le
procuraren inlroducir en embarcaciones pequenas (ques la forma con
que pueden venir de Portugal), se les hara oposicion.
« Las dilTicultades que a niy sentir se pueden olTrecer. la pri-
mera y mas forçosa la expresa Su Magestad en despaclio de .3i de
Dicienbre, y es el empeno con que al présente se asiste en cl silio
de Barcelona, y que no conbiene devirtir las fuerças, no hallandoce
gente ny dinero para esta oposicion'. » — Aqui dice el Conde la
France à occuper cette place (V. supra, Doc. Catlierine de Bragance.
CIX, p. G09 et infra. Doc. CXXVI, p. 685). i . Esta oposicion. Il s'agit des entraves à
Finalement Tanger échut au roi Charles II apporter au débarquement d'un secours à
en 1661, comme dot de sa femme l'infante Tanger.
MÉMOIHK .irSTIFIC\TIF DE D . .lOÂO SOARES 6 T) I
scgunda (liillcullad. (jiic so oinilc. — La torcera : « ser poco cl
pocler y qiiedar expuesto a quelquiera oposicion de los enemigos,
assi PVanccses, Portuguescs, coino Turcos.
« En (pianlo a la primera difficultad, a Su Magcstad le fueron
présentes dos concideracioncs en ai|uclla occasion, la una que
entrava en nucva cnipresa, sicndo mas conbenientc dilatarlo hasta
salir del enbaraço y cmpeno de Barcelona ; la otra conciderando
diversion de sus armas, avicndo de aplicar a esta faccion navios,
sente v diiiero. Pcro. con cl nucxo sucesso del segundo navio de
trigo apresado, cstado de a(iu('lla [)laça v su perdicion infalible, es
visto non buscamos nosotros la occasion, sino que ella misma
nos busca : y pareciendo imprudeneia buscar nuevoempeno a las
armas, quando estan cmpefiadas en tanlos de tal calidad e impor-
tancia, séria discredilo conciderar todo tan apurado que se dexaes
de gosar la occasion de una plaça perdida sin genero de remedio
y que tanto cuydado puede dar a llespana entrcgandocc a olra
naicon, como es tan contingente, assi porlo preciso del apricto
como por el odio de la nacion y conbeniencias del rebelde. Y assi
es diferente el caso. y no obsta esta dilTicultad, pues queda en pic
la primera orden de Su Magestad de ,'>o de Octubre. en que remite
a \ . E. entera mente esta faccion.
(( Y en quanlo a la impossil)ilidad de navios, gente y dinero,
yo me oU'resco a todo. y solo quicro de ^. E. la licencia y inter-
\(Miçi()ii |iaia ci n<i(' de! iiaxio, |)()r(pi(' cl dinero para cl y para todo
lo dcmas <pic lucre nicneslcr para la compra de l)aslmicnlos, el
capilan Mclcbior Fernandcs Pita. que es la pcrsona (jue dara a V.
E. estas carias, lleva credilo y borden para asistir a todo lo que se
gaslare, con (juc se sale del cuydado que csto podria occasionar,
jjues para prcvcncion de tan pro inoiiiento. no es mcnester que Su
Magestad, si lucre possible, supiese quien le hase este servicio. La
gente para las enbarcaciones tendre prevenida y salisfecha. Y en
lo tocante a estas [)revenciones, me remito a la instrucion que lleva
este capilan, que, siendo necessario. comunicara con ^ . E. Y con
lo relerido, rcspondo a la primera dillicultad. »
.No se allana la scgunda dilbc-ultad, por averla omilido.
« En quanlo a la lercera difficultad, de ser poco cl poder y
quedar cxjiuesto a difercnles l'iesgos, en la occasion présente se
652 i652
han de concidorar estos mcnores que en otra qualquiera, porque
las esquadras de Olanda y de Inglaterrah an ahuyentado los navios
enemigos destos mares, con que andan estas costas niuy limpias.
Y en caso que paresca a \ . E. que el navio que pido no es bastante
para el yntento y que, siendo dos, queda mas facil yconsequible,
en la misma forma me obligo a dar todo el gasto para ello ».
Proponia el Conde en el discureo deste capitulo las disposi-
ciones con que se hallava para la faccion, inslando para que se
abraçase como conbenia, y passava a otro capilulo, que es del thenor
siguiente :
« A Su Magestad escrivo la carta cuya copia l'emito a V. E.
Suplico a V. E. se sirva remitir la original en su pliego. Y ballando
sustancia y conbeniencia en este négocie, sera muy acertado remitir
el pliego por la posta a toda diligencia, preveniendo en el intérim
lo necessario para que no se pierda tiempo, pues es lo que unica-
mente podra disbaratar la materia. »
Llego este capitan al Puerto de Sancta Maria con el aviso antécé-
dente, y puso en manos del Duque la carta relTerida que el Conde le
escrivia fomentando la materia, como délia parece. Abraço el
Duque la propuesla, pareciendole oportuna la occasion, y en carta
de 9 de Fcbrero lo insinua assi al Conde, dandole las gracias por
el fervor y celo con que disponiaesta faccion, assi por ser de tantas
consequencias. como por las circumslancias con que discurria en
este caso, y que, respeto de aver de enpeûar navios y artelleria
gruesa, que tcnia prevenidos. y aver de Icbantar estandarte para esta
empresa. le avia parecido dar cuenta a Su Magestad, acompanando
la carta del Conde y haziendo los esfuerços que pedia la materia,
dando a entender que. para que se lograce, despacliava correo a
toda diligencia. y que. luego que Ilegace la liorden de Su Magestad.
no avria dilacion. pues al capilaii Melcliior Fcrnandes Pila le havia
hordenado corriese con las disposiciones. como si huviese ya la
liorden que se esperava de Su Magestad. aùiniendo (|ue conbendria
que luogo luego el Conde enbiase vergantines o varcos luengos a la
baliia de Tanjar para la oposicion de las enbarcaciones pequenas
quepodrian socorrerlas. pues dentro de ocho diaslas acompanarian
los bageles prevenidos.
Ricivio el Conde esta carta, y, con el fervor que entendia pedia
MÉMOIRE JUSTIFICATIF DE D. JOÂO SOARES 653
la occasion, asinliendo a que conbenia saliesen las enbarcaciones de
rc'ino, e visto la lucvcdad coti (juc disia cl Diuiiic saldriaii las
luayores, dispiiso (luo lucgo se enbarcastMi los sokbulos que [)ara
esle elTecto Icnia separados. \, por carta de 18 de Fcbioro. dio-
cucnta al Diupje de averse cveculado assi, enibiando juiitamente
relacioii dcl nuiaeio de gcnic (|ue IKïvavan las sois enbarcaciones
de lemo. cjue en el mismo dia 18 de Febrero partieron de esta plaça
a la diclia faccion, con los nonbres de todos los cavos délias, y de
coino lodas il)aii a la ordcii de Simon de Mcndoça de («ovea, a
quieu avia dado las ordenes nccessarias para lo que avia de obrar,
caitas para el governador de aquella plaça y otras personas princi-
pales, con algunas copias de un perdon que avia parecido concéder
a los vecinos de ïaiijar. con que facilitar mas la mateiia. Tanbicn
avisava el Conde en diclia carta de 18 el estado en cpie ténia noti-
cia |)or Tetuan se liallaxa la plaça, reineticndo la respuesla cjue
luvo del Baron su governador, y como por la Berveria dava calor
esta negociacion con otras disposiciones. y que, respccto de qual-
quier bagel era superior a las enbarcaciones de remo, conbenia
para su seguridad se sirviese dar prieça a la salida de los bageles,
que podian ser dos, y que esto se dispusiese aun en el mes de Febrero,
adverliendo que, para el logro y bucn sucesso del enpeno, detre-
minava que Don Vntonio y Don Francisco de Alarcoii sus bijos se
enbarcasen en los bageles grandes, y propiiso paia prcveiur cl riesgo
de (jualquiera dilacion, que conbenia cpic el l)ii(|iie encargace,
sieiido lactible. a dos o très bageles de las esqiiadias d(! Inglalerra
y Olanda, que andavan en estos mares, dieseii i'undo en la ])alua
de Tanjar, aunque fuese por flete de dias, en el intérim que salian
los bageles que se prevenian para este caso, o con noticia y pretexto
de alguna buena presa, pues se asegurava lo inlalible del buen
sucesso y el riesgo en que se ballavan nuestra enbarcaciones sin
el anq^aro de bageles mayorcs.
Y csla nialeria la esforçava el Conde, como se reconoce de las
palabras siguientes (juc contenia diclia carta : « FI desseo de ver
lograda esta faccion me base repetir la iiiiportaiicia, saviendo cl
coiiocimiento con que \. E. esta de todo. Senor, prieça y mas
prieça, salgan lucgo los bageles ; no se reparc en la cosla, que yo me
oflresco de nuebo a lodo. y logre ^ . E. l'accioii (pic lanto puede
65A i652
importai" para lo de Portugal y para la seguridad del estrecho
y para otras muclias consequencias. »
Respondio el Ducpic a esta caria aprovando la salida de los navios
de remo y la forma eu que se a\iau prevciiido, como relicre en
carta de 2 1 de Febrero, dando a entender no se perdeiia tiempo en
la salida de los bageles, luego que Uegace la horden que esperava
de Su Magestad. En carta de 2/1 de Febrero, en que se respondia a la
de 21 del Duque, le participava el Conde como el cavo de las
embarcaciones de remo que se hallavan en la bahia de Tanjar,
aviendose embarcado en una var(|uilhi con otros seis honbres, avia
hecho Uamada a la plaça para que délia saliesen a reci^ir los
despachos que llevava, y como, despues de averlos Uevado y des-
viado de nuestras enbarcaciones, parece que, Uevado del celo del
servicio de Su Magestad, y alentado con algunas scûas de ser Ua-
niado de la plaça, le avian detenido los rebeldes ', sucediendo a esse
caso el no poder Tuiestras embarcaciones aguantar el riesgo de los
mares, por no poder con las tormentas conservarse en los puestos
conbenlentes para la oposicion de los socorros, con ([ue, por los
riesgos. qucdava incierlo el sucesso. advertiendo que en todo caso
conbenia que los bageles fuesen dos y saliesen luego, pues podrian
en su conserba, dando cavos a las enbarcaciones de remo, ser de
grande ulilidad : jiediendo juutamente al Duque que, en caso que
Su Magestad hordenase se disistiese de la empresa por entonccs,
conbenia tuviese el Conde aviso, por el peligro en que se hallavan
las enbarcaciones pequenas. Para tripulacion de las grandes, en caso
que no buviese en Gadis gente con que guarneccr alguna, otTrecio
el Coude la infanteria necessaria, ponderando quanto conbenia
para seguridad de la faccion quedace uno de los bageles en la baliia
de Tanjar en guarda de las enbarcaciones pequenas, lomando
alguna infanteria de la que estas Uevavan, y que el otro pasase a
esta plaça a buscar la infanteria para la tripulacion de los dos
bageles, pues con este medio se asigurava la faccion, no perdiendo
nuestras enbarcaciones aquella baliia.
En el mismo dia 2/^ de Febrero, soçiun la fecba de una carta del
Duque, parece rccivio la orden de Su Magestad sobre esta faccion,
r. Sur co clL-tall, Cf. Ml.niîzes, pp. i8y-iyo.
MÉMOIRE JUSTIFICATIF DE D. JOÀO SOARES 655
y la remetio al Conde, asigurandole del animo con que procuraria
disponer con la bievedad possible las luerçascom que avia de asistir
a esta enipresa. La copia de la hordcii de Su Magestad es la que se
LETTRE 1>E IMllIJI'PE IV A D. JOÂO SOAUES
// approuve les proposiliuns de D. Joào Soares pour la réduction des
rebelles de Tanyer et le remercie de son zèle. — D. Joào Soares devra
entrer en pourparlers avec le baron d'Alvito, afin que l'affaire soit menée
à la fois par la persuasion et par la force. — Le duc de McdinaCeli a
ordre de lui prêter assistance.
MadruI, ao février iGâa.
((El Uev.
((Conde de Torres-^ edras. de my consejo de yueria, capitau
gênerai de Ceula.
(( Hecevido lie vuestras carias de siefe deste. con los demaspapeles
cjue les acoinpaâan, sobre la roducion de Tanjar y proposicion
que baseis para conscguirla. \ despues de daros muchas gracias
por el desvelo y aplicacion con cpie os ampleais en lodo lo que
pucde ser de niy servicio, de que yo me ballo lan satisl'ecbo y
obligado, auncjue se concidera (jue los lances ban de ser cortos y
los inconbi[ni|enles (pie puedan resullar de ser socorrida la plaça
por el rebelde, pareco (jiie pues vos enprendeis inaleria tan ardua,
se deve liar de vueslra vigilancia ; y ajirovando como apruevo la
armason de la nao, su forma y la disposicion que para ello dais,
es my volumplad que Irateis desta enpresa con el baron de Alvito
y demas personas por lodos los medios que se os oITreciercn, tanto
de negociacion como de fuerça, en la manera que diseis y con los
resguardos que apu niais. »
Aquy passa Su Mageslad algunas cosas consernientes a la dispo-
sicion desta materia, y prosigue la horden :
(( ^ al Duipic doMcdiiia-Celi escrivo os asi.->ta y a\u[daj mucbo en
656 i652
estas disposiciones, sin omilir diligencia humana, fiando de vues-
tro celo el buen sucesso délia, en que yo os devere lanto. Avisareis
de lo que se fuere obrando, sin perdonar una liora de tiempo,
por el cuydado con que se esta del lin dcsle négocie.
« Madrid, 20 de Fehrero de i65a.
Yo el Rev.
« Por mandado del Uey nuesf ro Senor :
Francisco de Galarreta. »
De las palabras y ponderacion que se muestra en la orden referida,
se hecha bien de ver la estimacion y aprecio que Su Magestad hase
desta enpresa, como tanbien lo muestra la horden que tuvo el
Duquc, cuyas palabras son las siguientes :
LETTRE DE PHILIPPE IV A MEDINA-CELI
L'exécution du projet sur Tanger ne devant compromettre ni la réputa-
tion ni les finances de l'Espagne, el sa réussite étant d'autre part du plus
haut intérêt, D. Joào Soares a été encouragé à réaliser son dessein. —
Medina-Ccli devra lui prêter toute l'assistance possible.
« El Rey.
« Duque de Médina Celi, my Capitan General del Mar Occeano
y costas del Andalusia.
« He visto vuestra carta de 9 deste, con las del conde de Torres
Vedras sobre la reducion de Tanjar y medios que olîrcce para con-
seguirla. \ , despucs de aprovar la cordura con que le respondistes,
oniitiendo la resolucion hasta participarmela, que fue accion pro-
pria de vuestro celo y prudencia, pasare a disiros que, siendo este
negocio uno de los mas graves que oy se tratan, no solo por su
MÉMOIRE JUSTIFICATIF DE D. JOÂO SOARES (15 ~
importancia, sino por las consequencias que puedcii re.sullar al
resto de la monarchia, preieiieiidose el Conde executarlo siu grande
eiipeno de la reputacion y de los intereces, se a conciderado que
conbendria abrasarlo y alentarle para que lo consiga, conio lo
vereis por el despacho que por esta se os remile. Enbiareis se le con
diligencia y seguridad, y le asistireis en quanto humanamente se
pudiere, pues lo merece la calidad de lu maleria. Yporquea vuestras
obligaciones y amor que professais a iny servicio es escusada qual-
quiera ponderacion para el encargo, os lo remito todo csperando
deveros el buen logro y aciertos. Que en lo demas que corre por
Yuestra cuenta, avisareis del recivo y quanto se os offreciere.
« De Madrid, a 20 de Febrero de iGôa. »
Con aver entendido el Conde el tlienor de este despacho, se pro-
melio que los aprestos y mas diligencias iiecessarias quecorrian por
cuenta del Duque no huviescn dilacion niiiguna. Pero lucse reco-
nociendo que el mismo aprecio que se hiso de la materia retardava
las cxecuciones, o fuese por la mala inteligencia de la ordcn come-
lida al Duque, o occasionado del aviso que el Conde le avia dado
por carta de 2G de Febrero de lo que avia entendido en raçon de la
prision de Simon de Mendoça Govca y de uiia urca que nuestras
cnbarcaciones liallaron en la bahia de Tanjar, porignorarse lo que
avia traydo a aquella plaça. Pero la solucion desta dificultad es cla-
rissima, que, siendo la carta del Conde la leclia de 26, cscrive el
Du(jue en carta de 27 dificultando el tletc de los dos bageles, y
remitiendo una simple relacion de lo que entend ia por la declara-
cion de un soldado, en raçon de persuudli- se hallava Tanjar con
bastimento, con ([ue se recouoce que la dillcullad de las disposicio-
nes no nacio de la carta de aG del Conde, pues no havia llegado a
sus manos, y en ella instava el Conde en cl apreslo y salida de los
bageles en que se previniese mayor poder. \ discurriendo sobre
algunos fundamentos, passa el Coude en diclia carta a referir las
palabras siguientes :
« Y assy soy de pareccr que V. E. disponga todo y salgan los
bageles, sin olra dilacion, que algo se a de aventurar, quando se va
Uk CvSTRlf-. m — !\i
658 t652
a ganar tanto, y el primer navio se ponga luego sobre Tanjar, y de
fondo dentro en su bahia, y procure \ . E. que por lo menos saïga
con alguna guarnicion, que de aqui se llevara lo que fuere menester
para el otro. \ sy a \. E. le pareciere se excède en le prevencion
de los quatro bageles. V. E. se ajuste a lo que se puede, y no por
eso se pierda la ocasion. »
Passa el Conde mas abajo a decir :
« Gane V. E. el liempo que pudiere, que en csso ha de consislir
el buen sucesso, sin que V. E. para eso espère olro aviso mio. Y
si, para la mejor disposicion y brève execucion le pareciere a V. E.
otra cosa, dispongalo \. E. sin que précéda comunicarmelo, pues
con el parecer de V. E. queda seguro el asierto. »
Con que queda claro que, reconociendo el Conde las dudas que
ocurrian en négocie en que senecesitava de tan prompla resolucion,
serrava el paso a todas con las palabras referidas : y si la inteligen-
cia siniestra delà horden de Su Magestad cometida al Duque pudiera
entenderce las occasionava, conciderado que Su Magestad — Diosle
guarde — nunca podia dar mas mano al Conde que la que le tocava
dexando en toda ampliacion el poder de la Ca^îitania gênerai del
Andalusia, era facil de desvanecer qualquer recelo, pues su real
intencion avia mirado, segun lo insinua en dicha horden, a lo ipie
refiere en la del Duque : « Preirerindose el Conde a executarlo sin
grande enpefio de la reputacion y de los intereces », por escusar
el que podia baser enpenando en esta faccion sus reaies armas, y a
esto solamente se atendia en el poder que se concedio al Conde,
pues como enpeno de vassallo, no podia padecer en la desistencia
descredito de la reputacion.
Continua el Duque con las dudas en carta de 28 de Febiero para
el Conde, repitando se esperava su resolucion del Conde para el
flete de los bageles, en que havia hecho el Conde instancias conti-
nuadas sin haverse escusado en la continuacion deste gasto, a que
tan tas veses se avia offrecido, y que conbendria tomar nolicias cier-
tas del estado de la plaça, por si conformasen con las dudas que
nacieron de las noticias que comunico al Conde avcr dado clerto
soldado. Hespondio el Conde a esta con carta de 3 de Marco, alla-
nando las dudas que se le offrecian, dando al Duque aviso cierto de
no estar socorridala plaça y con brevedad espenivan algunas cara-
MÉ.MOIllE JUSTIFICATIF DE D. JOÂO SOARES 65(1
bêlas de Lisboa y del Algarbc. E inslandoen la salida de los bageles,
dice : « Gon lo que vera \ . R. que consiste ganarsc Tanjar eu que
Uegueu priuiero nuestras enbarcaciones de guerra que las del
socorio, y cada ora de dilaciou pucde desliuir cl sucesso. »
Y eu otro capilulo de la caria relerida, apricla el Coude mas este
aprest(j, disiendo : « La occasiou es la que \ . E. puede cuteuder.
Peidetse un dia sera perderla ; y la puedeu aver perdido las dila-
cioues de estes dias. Dos naos conbienc salgan luego. »
Duva el Conde aviso como, por gauai' el tiempo, couccrtava en
esta plaça el llcte de una uao, por nombre Faina dovada, en que
aviau de ir sus liijos a esta facciou, y que de Cadis. para que se
gaiiasen los dos liempos de Lobante y Ponientc, po(b la salir la ofra
a la baliia de Tanjar. donde se le remetiria la inrautcria uecessaria
pai'a su tripulaciou, pues se reconocio que el aver arribado uuestras
enbarcaciones de reino, ademas de los grandes temporales que lo
causaron, ayudo a cllo luillarse siu abrigo de los bageles grandes y
expuestas a qualquier peHgro, sin poder conserbarse en los puertos
conbenienlcs.
Conliuuaronse las dudas del Duquc, y da aenlendei- en caria de
[\ de Marco no se lialla con forma de poder iletar los dos bageles,
por no toucr para ello las asistenclas necessarias. Inslole el Coude
en res|)uesla de la suya el cuydado con que (juedava de que por
parte del Duque l'altaçen las asistenclas necessarias para la facciou,
pues sclo avia asigurado por lantas veses, dandole aviso como el
Conde avia iletado el ijagel nombrado Fainadoradu de porte de '|00
loneladas, y que quedava en la baliia de (jcuta. y en ella embarca-
cados Don Antonio y Don Francisco de Alarcon sus liijos para
partir a la facciou de Tanjar, y que, respecto de ir desprevenidos
de bastimenlo, conbenia que cl capilan Melcliior Ecruandez Pila
aliese luego en el bagelque luviesc flelado cou los baslimenlos (pie
avian de sirvir para los dos bageles.
Ilavieudo el Conde recivido la caria (Ici Duque de (i de .Marco,
en ([ue dava a cnlender baver bordenado se fletace algun bagel,
ecliandose de fucra eu este particular, disiendo que, como las dis
posicioncs eran todas del Conde, consegiiiendo el bueii sucesso (jue
se piomctia, séria unico en la gloria ; y cspcraudo el Conde que
conforme cl aviso que dio al Duque en 3 de Marco, de que cjuedava
66() i652
en plalica el flete de la nao Fama doradn, y que conbenia le despa-
cliase jDroprio con aviso de las preveiiciones liechas en Cadis, se
falto a esta diligencla hasta que, en 17 de Marco, llego a esta bahia
el capitan Melcliior Fernandez Pitta en el patache por nonbre
Nuesira Senora del Rosario, sin que el Duque le quisiese dar iior-
den de lo que avia de baser, siendo que precedicron las instancias
del Conde en que esta enbarcacion quedase ocupando la bahia de
Tanjar, por donde forçosamente avia de passar, y se asigurava el
buen sucesso.
Llego a la plaça de Ceuta, y, con los ponientes que se continua-
ron, no pudieron salir estas dos naos, sino a los 20 de Marco, y
aun con liempos contrarios de bendabales quedando sotaventados,
hallandose por esta ocasion barloventeando en el estrecho. En este
estado sehallava esta empresa, consistiendo el buen sucesso délia en
que llegaçen primero nuestras enbarcaciones a la bahia de Tanjar
que el socorio que esperavan de Portugal, quando se entendio por
la Berveria aver entrado en Tanjar en el mismo dia 20 de Marco
con los faborables liempos très carabelas de Lisboade socorro y dos
barcos luengos obligados de su codicia o de su traicion.
Sintio el Conde tan recelado sucesso, pues exprimentava los
danos originados de tanta dilacion, tan prevenidos de sus fervores,
Y tan encontrados con la continuacion de tantas dudas, como con-
currieron en esta materia. Pues aviendo en ella por su parte pre-
A'encion de todo, se reconoce que todo le falto, ny sus instancias
ni sus desseos y celo fueron bastantes a dar calor a negocio tan grave,
y en que se logravan tantas consequencias de la monarchia; sin
perder punto se resolvio lo que en su mano estuvo : sin dilacion
previno los sucessos futures : no fue posible que las enbarcaciones
deCeutta se conserbasen en los mares de Tanjar tan destituydos de
quien los socorriera, pues no solo faltaron para su amparo la dili-
gencia de que saliesen nuestros bageles. pero ny aun se logro el
ilete a dias de algunas fregatas de guerra de las esquadras de Ingla-
terra y Olanda que pidio el Conde seenbiasen a la bahia de Tanjar,
para abrigo de los navios pequenos y para que, en el intérim que
Uegavan los bageles que se aprestavan de nuestra parte, se hisiese
oposicion a los socorros del enemigo.
Dio el Conde cuenta a Su Magestad del socorro inlrodusido por
MKMOinE .nsTiFirxTiF DE n. joÂo soares 66 i
los rebeldes. y de como se conservavan nuestras enbarcaciones en
la bahia de Tanjar. hasta ordcn de Su \Iageslad. Y fue con el sen-
limiento y resulucion que se vera de sus palabras, aunquc no es
ygual al que pudiera moslrar en la intencion conoscida con que se
tiro a destruirle, empenandolc en los excesivos gastos, y procu-
rando al mismo tiompn las dilaciones jiara cl des\io del bucn
succeso desla faccion, coino lo dixo el Duque y ullimaniente lo
insinuo en carta de sois de Marco, de que el Conde se previno con
Su Mageslad desde prtncq)i(). ^ excusandopai'lirulançar csto mas,
dice assi el Conde en la (|uc escrivio a Su Magestad.
LETTRE DE D. .lOÂO SOARES A PHILIPPE IV
La pince de Taïujer a été ravitaillée: elle ne tardera pas à retomber dans
une situation précaire, et D. Joào Soares est persuadé que son entre-
prise restera réalisable, si elle est appuyée plus efficacement. — L'in-
succès n'est pas attribuable à un fâcheux accident mais à la mauvaise
volonté. — // ne demande aucune indemnité pour les emprunts qu'il a
dû contracter: .<!a misère l'honore. — // ne saurait conserver le comman-
dement de Ceuta, exposé à l'hostilité du duc de Medina-Celi dont d ne
veut pas d'ailleurs que ce différend affaiblisse la situation. — // demande,
en récompense de ses .services, à être relevé de son poste et e.ipère que sa
défaveur n'empcrhera pas ses fils de continuer à servir S. M. — Quant
à lui, il .wrvira dans les armées comme simple .soldat, ce qui est le meil-
leur parti à prendre, quand on est en conflit avec un pu'issant ministre
et qu'on veut éviter à S. M. les dé.safjréments d'une telle situation.
Ceuta, 23 mars i65a.
Senor.
Ha me Uegado aviso de cpiedar socorrida Tanjar. como V. M.
mandara ver por las carias que remilo del govcrnador de Tetuan,
su secretario y un Judio. Y en la forma y desafuero con que habla
el Haioii'. en la caria que cita Hali Hamirez, se déjà de vci- se halla
con mayores aliciilos, Los dos naos en (jue ban embarcados mis
hijos lodavia andan de un bordo y otro en el Estreclio, por ser el
I . El Baron. \ . sii[)ra, p. (3^7, note G,
fi62 i652
tiempo contrario : siendo ravoral)le. llogaran a ];> bahia de Tanjar,
y asistiran en ella liasla que lenga liorden de Vuesira Mages*tad
para retirarlos. El socori'o de aquella plaza se compuso de très
carabelas de Lisboa y de dos Aarcos luengos de Cadiz, que es corres-
pondencia ordinaria, de que he advertido al Duquc. \ dicen espéra
mayor socorro, con las nolicias del intenlo de quererselo inipedir.
Bien considero que el socorro es tenue y que brevemcnte bol va-
ran a la miseria pasada, porque averles el Moro inij)edido los cam-
pos los tiene en summo aprieto, necessitando cada ocbo dias de
nuevo socorro. Pero, aunque no fucse difficnltnoso conseguirse el
buen succeso continuandose esta empresa, no es dudable necesita
de mayores fuerças y de calor mas vivo que el que lie experimen-
lado en esta ocasion. \uestra Magestad, en quanto a esto. dispon-
dra lo que mas fuere servido, rnandando se me de avisso de l'oima
cpie pueda llegar a mis manos antes de 12 de Abril, para que no
corra el llctte del segundo mes, como he representado en la de 21.
\ por ella y por las demas que heescrito ^ . M. sobre esta laccion,
y por las copias del duque de Medina-Celi y mis respuestas, avra
Vuestra Magestad entendido no huvo desgracia en este succeso,
sino que, desde luego que Vuestra Magestadse empeno en que se
intentase, se procuro que no se consiguiese. Faltome lo que el
Duque me escrivio a 9 de Febrero, faltose en la execucion de la dis-
posiciones, como lo di a entender siempre en mis cartas. y ulli-
mamente, previniendo yo al Du(jue de todo y que el navio se fle-
tase. viniese luego a ocupar la baliia de Tanjar. como Vuestra
Magestad avra visto de la copia de mi carta escrita al Duque en 3
de Marco y de la de i3, quejandome de la suspension de la res-
puesta, liasta que Ucgo aqui cl navi(j. sm que scie dièse horden de
que (|uedase en la bahia de Tanjar.
Ile procurado, Seiior, en esta empresa, servir a Vuestra Mages-
tad en la forma que lo hice, y el aprecio que Vuestra Magestad
hiço de esta materia la desbarato, teniendose por particular combe-
niencia destruyrme. Esto se ha seguido. Y no lo sintiera, si no
fuera tan a costa del servicio de Vuestra Magestad, perdandose
ocasion tan cierta y segura de cjue se ganase plaça de tantas conse-
quencias.
No inten[to] que Vuesira Magestad atienda a mi justa quexa,
MÉMOIRE JUSTIFICATIF DE D. JOÂO SOAIVES 663
ni a ([lie se me satisfagan tantos empciïos. porque. (|uaii<lo mas
pobre y perdido, hiccn mas mis fineças ; la miscria en que estoy
por empefios desta calidad es la mayor. Y veiigo a sentir masque
lodo (jue, no pudiendo nadie deslucir mis merilos, seau lan |)ode-
rosos mis emulos que consigan, sino el discrcdilo, por lo mènes cl
desprecio. Mis hijos eslan todos cmpefiados en el servycio de
Vuestra Magestad.
Yo me hallo con grandes impedimientos para continuai' esie
go^•iel•no. adonde ha que asisto espacio de 0 afios. Mis empenos
son grandes, y lo son lambien los embaraços. Sin corrcsponden-
cia de la capitania gênerai del Andalucia no se puede governar esta
plaça, y yo no estoy capaz para continuar con el duque de Médina
Celi, quando experimento (|ue el gusto de desiruyrme puede mas
que el grande celo que siempre he moslrado del mayor servycio de
Vuestra Magestad. No permita Vuestra Magestad que esta oposicion
pueda venir a deslucir un fan grande ministre comoel Duque, ni que
mis meritos y deseosde servir a Vuestra Magestad lengan semejante
parade[ro]. Suplico aN ucstra Magestad, en consideracionde todo y
en satisfacion de tantos servycios, me haga merced de averme por
escusado desta oeupacidii. i-epreseniando a Vuestra Magestad, postra-
do a sus reaies [)ics, no permita se me niegue ni quite motivo mi
unica perdicion. Mis liijos continuaran en el servycio de \ uestra
Magestad y mereceran por si las mercedes que se pueden prometer de
su real grandeza. Yo liare lo niismo con una pica ' en los exercitos de
Vuestra Vlageslad, que puestos con oposiciones de tan grandes
minislros. no se puede csperar mejores eflectos que v\ que aora se
ex[)erim(MilM. tanto contra el servycio de Vuestra Magestad, que es
lo i|iic iinicamente se ha de attende)'.
Guarde Dios la catholica real persona de Vuestra Magestad como
la Christiandad ha menester.
Ceuta. -a'S de Marco i652.
El Conde de Tories- Vedras.
ArrluL'cs c'.s[HUjnolcs ilu (joiwcrncmcnt rjcncral fie l'.Mijcric. — l\" 518
(anciennement : Registre 1686, ff. 372 377). — Copie du xvii'' siècle-.
I. '.'on uitii pica. c'cst-à-diro : comme u. Piicc rapportée d'Espagne par M. Ti-
siinple soldai. ran.
66/1
7 JUIN- i653
CXXIV
ARRÊT DU PARLEMENT DE PARIS '
Le Parlement déboute Du Clialard de sa prétention au remboursement par
les États de Bretagne d'une somme de 33 ^8 1 livres deux sous par lui
avancée pour le rachat de captifs bretons et reconnaît ses droits à la
somme de 3 ooo livres cjue lui ont allouée les Etats le 22 Janvier i63y.
Paris, -/ juin i653.
En marge : Arrêt du Parlement qui déboute le s' Du Chalard
de sa prétention de 3348i "" par lui payée pour le rachat de plu-
sieurs esclaves bretons, et fait droit sur le surplus de ses demandes.
En tête : Extrait des registres de Parlement.
Entre Jean Du Bouexic, écuyer. sieur de la Driennaye, procu-
1. Cf. supra. Introduction critique,
p. 55/ et note 7. — Le règlement de
compte de P. Du Chalard avec la cour de
France avait été difficile et avait même
amené l'internement passager à la Bastille
dece chef d'escadre coupable d'avoir « outre-
passé excessivement les ordres de Sa Ma-
gesté » (V. supra, p. 5 12). Ses démêlés
avec les Etats de Bretagne furent également
très pénibles et aboutirent à un intermi-
nable procès. Sur cette affaire, cf. Bibl.
Nat. Impr., Factum pour escuier Jean du
Bouexic /" F.y ijS.'ii ; Factum pour mcs-
sire Priam Pierre Du Chalard /" F,3
//S.ïo; Areh. départ. lUe-et-Vilaine C Re-
gistre des délibérations des États, n"" 2662.
pp. 6^0, 6^1; 2653, pp. 85, 112, ri.l;
2654, pp. ii2, 35o-35i ; 1655. p. .?/.
2. Les députés des Etals de Bretagne à
la Cour, par ordonnance du 6 février i636,
avaient décidé que la somme de 10 000
livres serait payée à Du Chalard. Leur
quittance portait que cette somme lui serait
remise « pour partie de son remboursement
de ladite somme de 43 48i livres 3 sous ».
Ce fut sur cette dernière phrase que s'en-
gagea le procès. En fait, les Etats n'avaient
contracté d'engagement vis-à-vis de P. Du
Chalard que pour une somme de 10 000
livres et il n'v avait pour eux qu'une obli-
gation morale de rembourser la somme
supplémentaire de 33 48 1 livres a sous que
Du Chalard avait pris sur lui d'avancer. Ils
se dérobèrent à cette obligation, objectant
que leurs députés n'avaient pas le droit
de faire chose quelconque à leur préjudice
sans leur pouvoir et mandement exprès.
V. Factum Du Bouexic, op. cit., p. 7.
ARRÊT DU PARLEMENT DE PARIS 665
reur sindic gênerai des Etats de Bretagne, appcllants dune sen-
tence donnée par les M"' des Requêtes ordinaires de l'hôtel du Roy
le 27' juillet i6!i6, dune part.
Et Priani-Pierre Du Chalart, conseiller du Roy en ses conseils et
gouverneur pour Sa Majesté de la Tour de Cordouan, intimé,
d'autre.
Vu par la Cour ladite sentence du 9,7'' juillet ifi/iG, par laquelle
par défaut ledit appellanl auroit, en ladite qualité de procureur sin-
dic desdits Etats de Bretagne, été condamné de payer ou faire payer
audit intimé dans trois mois pour toutes préfixions et délais par le
trésorier desdits Etats de Bretagne la somme de trente-trois mille
quatre cent quatre-vingt-une livres deux sols, avec les intérêts à
compter depuis le huitième 7'"^'' i635 jusques à l'actuel payement,
et, à faute de ce faire dans ledit tems et iceluy passé, condamné en
son nom à payer ladite somme et intérêts, à quoy faire il sera con-
traint par toutes voycs, sauf son recours contre qui et ainsi qu'il
verroit bon être, et es dépens ;
Arrêt d'appointé au conseil du /| a\ril t6/i8, causes d'appel,
réponses, productions desdites parties, même la commission du Roy
dudit Du Chalard pour traiter de la paix avec le roy de Maroc et
du rachat et délivrance des Français qui étoient cajîtifs de la côte
d'Afrique, en date du 2^ octobre i63/| ' :
La quittance des gouverneurs cl lial)itans de Salé en ladite côte
d Afrique de la somme de cent six mille deux cents livres payée par
ledit du Challard pour le rachat de deux cent quinze captifs dénom-
més dans le rollo de ladite quittance du 1" octobre i635, signée
desdits gouverneurs, grelFier et notaire public de la communauté
de Salle, du consul de la nation française^ et d'Antoine Cabiron,
préposé par le Roy sous ledit Du Challard pour ledit rachat ;
entre lesquels Français captifs rachetés il y en avoil c|uatre-vingt
dix-sept originaires Bretons, dont le prix du rachat montait à qua-
rante-trois mille quatre cciil ([ualre-vingl-iuie livres deux sols:
Les certificats des sieurs (-oiumaudeurs de La Porte et baron de
Pontcbateau, gouverneurs de Brouage et de Brest, et procès-verbaux
I. V. supra, p. ^171. note i, et p. !x']!i, 2. Gaspard do Rastin, vice-consul à Salé
note I. pour Viulrc- Prat.
66fi 7 JUIN i653
des officiers de la marine audit Brest et à Benodet du desembarque-
ment et représentation desdits esclaves au retour du voyage dudit
Du Challard, en date du 27 novembre, 12 et dernier décembre au-
dit an i635, et la copie collationnée du rolle desdits quatre-vingt-
dix-sept Bretons raclietés audit Salé en Barbarie par ledit Du Cbal-
lard jjour ladite somme de quarante-trois mille quatre cent
quaire-vingt-une livres deux sols, ledit rolle cerldlé [)ar ledit Du
Challard le 26' janvier i636 ; ensuite duquel étoit 1 ordonnance
des sieurs Achille de Harlay de Sainsy, evèque de S'-Malo, et Tan-
guy de Rosmadec, baron de La Ilunaudaye. députés desdits Etats
de Bretagne étant lors en cour, en dalte du 5 février audit an i636,
par laquelle étoit porté que, vu ledit état cl liste de 97 hommes du
pays de Bretagne rachetés par ledit Du Chalard à Salé en Barbarie,
où ils étoient détenus captifs, et par ledit Du Chalard certifié l'or-
donnance desdits Etats du t^ décembre i63'i, portant quil seroit
payé et délivré par \P Michel Poulain, lors trésorier desdits Etats,
la somme de dix mille livres pour être employée au rachat et
rédemption des captifs de la province de Bretagne retenus en Tur-
quie, Alger et ailleurs, lesdits evèque de S' Malo et de La Hunau-
daye. députés desdils Etats, avoient ordonné que ledit Poulain
payerait audit Du Challard, sous sa simple quittance, ladite somme
de dix mille livres pour partie de son remboursement du rachat des-
dits captifs de Bretagne ; au pied de laquelle ordonnance étoit aussi
la copie de la cpiittance baillée par ledit Du Chalard audit Poulain,
le sept du même mois de février, de ladite somme de dix mille
livres.
Contredit desdites parties suivant I arrêt du 16 may i65o.
Requête dudit Du Chalard employée pour salvations, huit pro-
ductions nouvelles, dont sept dudit Du Chalard, une dudit Du
Bouexic, requête respectivement employée pour contredits, autre
requête dudit Du Challard employée pour salvations ;
Et tout considéré:
Dit a été que ladite Cour a mis et met l'appellation et ce dont a
été appelle au néant ; émandant sur la demande dudit Du Chalard
contre ledit Du Bouexic, sindic desdits Etats de Bretagne, et de
ladite somme de trente-trois mille quatre cent vingt-une livres deux
ARRÊT Df PARLEMENT DE PARIS 66"
sols, loslaiit de quarante-trois nulle quatre rent vingl-uuelivresdeux
sols par luy payée pour le rachat desdils quatre-vingt-dix-sept Bretons
captifs, faisant partie du nombre de deux cent quinze français cap-
tifs rachetés par lecht Du Chalard pour la somme de ci'ut six mille
deux cents livres en la ville de Salé, suivant ladite quittance des
gouverneurs et liahitans de Salé et du consul des Français en ladite
ville, produite au procès, a mis et met les parties hors de cour et de
procès ; sans préjudice néanmoins à la somme de trois mille livres
portée par autre ordonnance desdits Etats de Bretagne du 22 jan-
vier i6,'57', intérêts dicelle somme et dépens adjugés audit Du
Chalard, esquels défunt M' A incent Bernugat, précèdent procureur
sindic desdits Etats de Bretagne, a été condamné par autre sentence
desdites requêtes de l'Hôtel du i5'' octobre 1642 ; et sauf audit
Du Chalard à se pourvoir par devers le Roy autrement et ainsi
qu'il verra bon être pour ladilo somme de trente-trois mille quatre
cent quatre-vingt- une livres 2 s. Sans dépens.
Prononcé le 7' juin i653'.
CoUationné, signé : Guyol.
Archii^es départementales (VlUe-el-V Haine. — C '3655. Re'/istre des
detiherations 1651-1(155, p. 37.
I. IjCS Etats de Brctagiif. sur unorrqiuMe 2. Les choses n'en demeurèrent pas là,
à eux adressée par Du Chalard exposant et cette longue affaire ne se termina que le
« qu'il ne pouvoit obtenir remboursement lâ septembre i063, date à laquelle les
qui^ de la libéralité de cette province )>, lui lîtats de Bretagne approuvèrent la tran-
avaient alloué, par délibération du 22 jan- saction intervenue entre P. Du Chalard et
vicr 1637, une somme d(^ trois mille livres .lean Fourché, si" do Quehillac, leur pro-
(I pour le convier de continuer ses soins cureur syndic pour la somme de tiooo
pour la rédemption des captifs ». Cf. .\rch. livres. Cf. Arch. rlép. Ille-et-Vilaine. — G
départ. llle-el-V Haine . — C a 053 fiey. des ■jy82 (mimile) et C 2 055 Reg. des délibér.
délibérations des États, pp. ii3-ii,3. des litats, p. 5it) (copie).
668 APRÈS LE 12 SEPTEMBRE l65;i
cxxv
RELATION D'UNE RÉDEMPTION DE CAPTIFS A SALÉ
Paris, après le 1 2 septembre ' i654.
Titre de départ : La miraculeuse rédemption des captifs.
C'est une remarque vrayment digne d'un empereur, (jue celle
de Marc-Aurelle. lequel vouloit dire à ses domestiques que le
propre de l'homme vertueux est de demeurer tousjours en l'acti-
vité de la vertu & consommer sa vie & ses jours aux actions recom-
mandables au ciel & à la terre. Telle a esté cV telle est la pratique
du Revendissitne Perc Claude Ralle^, lequel, s'estant signalé dans
son Ordre par des actions de vertus héroïques depuis cinquante
ans de religion, par sa rare doctrine dans la florissante université
de Paris & maison de Sorhonne, par ses doctes escrils iS: les hono-
rables charges de secrétaire, receveur ik procureur gênerai de la
Rédemption, enfin élevé au generalat de tout l'ordre de la Trinité
divinemeni institué (Innocent III. tenant le Siège Apostolique, l'an
1198.). ne voulant en rien céder au zèle de ses prédécesseurs en
ce sacré commerce, ses premiers soins furent, dès l'instant de son
élection, sur-chargé d'ans et de mérites, de députer avec les Peres
du Chapitre General des personnes dignes de cet employ.
En 1653. au mois d'aoust, il envoya l'un des Peres Ministres
Députez en la ville de La Rochelle, pour connoistre s'il y auroit
lieu & asseurance de traitter pour un emharcjuement à Salé ik Tc-
touan, qu'il avoit sceu de science certaine estre la plus déplorable
captivité de toutes celles de Rarbarie et de Turquie. Le traitté se fit
1. I. es captifs rachetés arrivèrent à l'aris des Trinitaires le i5 décembre 1602 après
le 12 septembre i654. V. p. 676, note i. la mort du P. Louis Petit. Il mourut le ili
2. Le P. Claude [\alle, nommé général novembre i65i.
RELATION d'une RÉDEMPTION DE CAPTIFS A SALÉ 66q
avec marchands, pour partir an plus tard dans le mois de février
ensuivant. Auquel temps les Révérends Pères Nazare Anroux, mi-
nistre d'Estampes, 6: Jean Héron, ministre de Chasteau-Briand,
députez commissaires et vicaires généraux pour ladite rédemp-
tion, se trouvèrent en ladite ville de La llochelle, »S; ne s'embar-
quèrent toutesfois avec Frère François de Mailly (qu'ils s'asso-
cièrent pour leur soulagement ^; service de ceux qu'ils alloient
rachcpter) qu'au vingt-cinquième mars, jour heureux auquel le
^ erbe Divin fist voile sur l'océan de notre mortalité, doimant par
son incarnation commencement au souverain mvstere de nostre
rédemption.
Lesdits Pères, prémunis du secours divin, ayans célébré en la
chapelle >k hospital des Daines Keligieuses Hospitalières de la
Vierge, & de la bénédiction de monseigneur l'illustrissime et reven-
dissime Evesque', firent voile, s'estans embarquez à Chef-de-Bois,
éloigné de la digue environ demie lieue, «^ prirent le large de la
mer, en compagnie de deux autres vaisseaux, au dessus des caps
d'Ortiguaire, Finistère &: de La Roque, pays de Galice & de Por-
tugal.
Outre le devoir chrestien en ce jour de Pasques, la peur (dont
on ne peut garentir personne) pressa un chacun de penser sérieu-
sement à son salut. Les religieux donnèrent l'exemple et attirèrent
les autres à une spéciale dévotion, (|ui dura autant de temps que
l'enneiny demeura en chasse, ipii fut juscpi'à nuict clause. S'estant
veus (humainement parlant) hors de puissance d'éviter la captivité
\ la fureur de ces barbares, ils se vouèrent à Nostre Dame du
Remède, autrement de Délivrance, avec promesse de lu y rendre
leurs hommages en action de grâces, au j)remier lieu consacré à sa
dévotion. Dès lors, par un signalé miracle, ils se virent secourus.
Le vaisseau cstoit hors de sa route, costoyant l'islc de Fcdale, la
ville d' Anafée (désertée par les fourmis & sauterelles"), tirant
droit à Azamor, un nuage espais se forma & couvrit si fortement le
vaisseau, que le corsaire, à la jioitée du fuzil ou mousquet, ne le
I. Jacques Raoul, évèque de Maillezais a. Anafée. Casa Blaiica. Sur cotli' parll-
(Poitou) en i6iG. cularilé, V. sui>ra, [). .300 et noie 4.
fi-O APRÈS LE 12 SEPTEMBRE l65^
peut appercevoir, tirant en pleine mer, & se perdant à la route de
Mazagan. Les autres, relournans en droite ligne, prirent leur che-
min avec joye vers Salé, où ils arrivèrent en rade le mardy 7.
davril sur les quatre heures après midy, où ils apprirent que le
vaisseau corsaire estoit une pinque de vingt pièces de canon & cent
cinquante hommes d'armes. Arriva avec eux en ladite rade autre
corsaire avec une prise d Anglois, qu'il fit passer- la barre, pour la
mettre sous le Chasteau en azile de toute seureté. Le Chasteau
estant salué de cinq coups de canon, le commis des marchands de
La Rochelle venu avec lesdits rédempteurs alla en terre avec la
chalouppe, se mettant en très-grand liazard (la barre estant très-
fascheuse pour l'entrée de la rivière en la mer) ; & le vaisseau res-
tant trop long-temps sans recevoir de luy aucune nouvelle, lesdits
Pères se firent conduire par un autre endroit, non moins périlleux,
& prirent terre l'unzième pour ne jjcrdre l'occasion de célébrer le
lendemain jour de Quasimodo.
Ils ont aussi observé que les Turcs *k les Mores ne sont pas les
seuls tyrans des pauvres Chrestiens esclaves, mais qu'il y a des
anthropophages chrestiens qui, sous couleur du trafic, sçavent dé-
guiser leurs saulces pour mieux savourer la substance <k boire le
sang de ces pauvres crucifiez
Il ne s'agit pas, au fait de la rédemption, de rompre des chaisnes
simplement. iS: faire ouverture des prisons, il faut captiver le sou-
verain dominant, et le faire consentir qu'on négocie le lachapt en
l'estendue de ses terres, autrement ce seroit avoir travaillé inutile-
ment, que d'avoir traversé les mers. Ainsi nos rédempteurs, accom-
pagnez de plusieurs marchands i'rançois, furent faire la révérence
& leurs présents à l'illuslrissime Cidi Abdala', fils aisné de Moha-
mad Hach Bembobuquer', souverain aujourd'huy (sous le nom de
Sainct) du royaume de Fez, dans l'empire de Maroque, duquel ils
receurent un favorable accueil. Ce prince leur donna audiance
I. Cidi Abdala. — Sidi Abdallah ben 2. Moliamad Hach Bembobtiquer. Il faut
Sidi Mohammed el-IIadj. Sur ce prince qui rétablirMohammedel-Hadj bon Mohammed
avait l'tc placé par son père à la lèle du bon Abou BekiT. \ . supra. Introduction
gouvernement de Salé, V. supra, Intro- crhique, La zaouïa de Dila et la chute de la
duclion critiquo, pp. 58o, 58i. dynastie saadienne. p. 677 et note 2.
RELATION d'une rédemption DE CAPTIFS A SALÉ 67 1
(assis sur une peau de mouton t-ntre deux tréteaux, couvert d'un
auvant de planche de sapin, qui faisoient son trosnc «S; son daix)
avec la faculté de négocier au terme de leur mission, les asseurant
de sa protection.
Cidizay Genoûy', gouveiiicur de Salé-le-\ icil. (|u'ils appellent
de l'autre bande, à cause de la séparation que fait la ri\ieir d'avec
ledit Salé-le-Cliasteau, honora lesdits redempleurs de sa visite le
18. du mesme mois, leur rcïtcra les asseurances de toute protec-
tion, \ laissa un garde more pour les accompagner en tous lieux.
Le lendemain, en compagnie des oiïiciersdu Prince, ils conclurent
du prix des esclaves pauvres (S; sans office à certaine somme, lais-
sant ausdits Pères d'avoir ceux qui auroienl offices servans aux
vaisseaux, comme ils pounoient, de leurs patrons: >^: dès lors ils
asseurerent avec ledit sieur gouverneur la liberté de ceux qu'il
possedoit ou estoient en course dans ses frégates, dont deux sont
décédez du depuis, estans au compte des rédempteurs' : sçavoir
Gilles de La I\ui', maistre tonnelier, >S: payé cent cinquante ducats,
du lieu de Grandville, evesché de Coutance ; & Pierre Le Prince,
de Cancal, evesché de Sainct-Malo, après sa liberté acquise, avant
que la frégate' mouillast l'ancre à la rade dudit Salé.
L'esprit cnnemy des bons succez de nos rédempteurs leur donna
sur la teste un estrange coup de massue, faisant trophée de ses
victoires par le moyen des prises chrestiennes (£ui vcrioient fré-
quemment surgir à ce havre de malédiction, ayant ainsi butiné dix
personnes pour une qu'avec peine et sueur ils rachoptoient sur la
terre. La ferveur de leurs charitables afleclions esloit comme un
glaive trenchant qui outroit leurs pauvres âmes, se voyant témoins
oculaires des tourmens et cruautez qu'on exerçoit sur ces inno-
centes victimes, (pii ne furent pas si-tost sortis des vaisseaux, qu'on
ne leur ht respirer lair infect des cachots d'une massemore ', lieu
obscur et souterrain, ([ui est un cloaque de fous genres d'infec-
tions. Ils y entrent chargez de fers, de chaisnes et de cniips, y
1. Sur ce personnage et les diverses Iran- 3. La/n>yn(c. Il faut enlcndrc: la Irégale
scriplions de son nom, V. supra, p. O39, des Salétins sur laquelle il se trouvait,
notes I el i. 'i- iUossi'morf. faute d'impression ; il faut
2. V. supra, introduction critii[uc, p. rétablir ; maltemore, malmor. Sur ce mot
56i it note 3. \ • ''" Série, Krance, t. II, p. 3cj'i. note i
672 APRÈS LE 12 SEPTEMBRE l65/l
vivent d'un pain plus noir i^i insipide que la suie de cheminée. A
qiK^kjui's jours de là, on les tue pour les produire en vanle au
fondae', lieu public qu'on appelloit autresfois amphithéâtre, mais
qui a la forme carrée, comme un cloistre à la monachale. Là sont
assis par terre les principaux en couronne. »S: autour d'eux sont les
Juifs & la populace. Chaque esclave en particulier est pourmené
& crié au plus offrant & dernier enchérisseur. Sans distinction de
sexe, on manie à nud. on regarde aux dents, on reconnoisl 1 âge &;
la vigueur d un chacun, A: celuy à qui l'esclave est adjugé acquirit
jus vitœ ^ necis super eurn : il obtient une telle propriété sur luy
qu'il le peut forcer à ses infâmes prostitutions, ou bien le faire
mourir. Nos rédempteurs ont vu senddables vantes, les i4. d'avril
& 25. de may, avec une douleur telle que leur profession peut
faire juger. Mais elle leur fut beaucoup plus cuisante le 17. de juin
par une prise, de trente mille ducats, faite sur les Portugais, ovi
estoient trente-cinq personnes, & entr'autres un jeune religieux
recolet venu des Indes, pour prendre les ordres sacrez à Lisbonne.
Les Juifs, à cette vente, réveillèrent leur vieille passion conceue
contre le corps mystique du Chef qu'ils ont crucifié, tk, mettant
l'enchère sur ce pauvre religieux, enfin un de leurs rabbins nommé
Mayor Coing l'emporta à deux cens cinquante ducats, dont il con-
ceut une joye si extraordinaire que, ne la pouvant contenir, il
s'écria que cet esclave ne sortiroit de ses mains pour mille ducats
à l'argent comptant; desja il projettoit d'en faire la curée de sa
passion, si une fièvre chaude n'eust saisi le corps >k donné la peur
au Juif de perdre son argent.
Par un contre-coup d'adresse, nos rédempteurs s'efforcèrent de
fléchir le ciel par toutes sortes de bonnes œuvres & actes d'une
vertu héroïque, qui les faisoit l'odeur suave & doux flairant de
nostre christianisme aux Payens, aux Juifs »S[ à toutes autres na-
tions qui trafiquent avec les Mores. Les festes et les dimanches,
tous les Chrestiens, tant libres qu'esclaves, avoient prédications et
exhortations en la chapelle consulaire'; à l'issue de la messe prin-
I sidaient les chrétiens dans les échelles de la
I. Fo,uU,c. fondok fJjX» On appelait Barbarie orientale. V. Mas L-^trie, p lOfi
aussi de ce nom les quartiers J'ra/ics où rc- i. V. supra, p. 645, note i.
RELATION DLNE HKDEMPTUIN 1)K CAPTIFS A SALÉ G'.S
cipale, on faisoit prières publiques pour la prospcrilé du l\oy Très-
Chrestien, que les Mores & les Turcs eslimenl, selon leurs vieilles
prophéties ik eoiiiniunes traditions, devoir clorrc les croissans des
Othomans, extirper la fausse religion de Mahomet & arborer par
toutes leurs terres l'estendart de la Croix.
Les Saincts Pères qui ont dit que les inspirations secretles
estoient ces estoilles mystiques, appeliez anciennement les yeux de
la Divinité, (jui manifcstenl aux hommes les choses les plus
secrettes »Sc occultes, semblenl avoii- eu juste raison. Car, hors ce
moyen dune divine irradiation, nos rédempteurs ne pouvoient
sçavoirdeterminement l'heure et le temps auquel le Roy fut sacré en
France, «^ mettre, comme ils ont mis par une mutuelle correspon-
dance du temps, les armes de Fi ance en haut relief au logis du sieur
Parasol', exerçant le consulat, en la chapelle nouvelhunent érigée
audit lieu de Salé en Barbarie, au mois de juin après la Feste-Dieu',
qui estendra nos fleurs de lys plus loin que la France, pour faire porter
à juste tiltre le nom auguste d'empereur à celuy que nous pouvons
dire vray Dieu-Donné, entre tous les Césars de la terre habitable.
Avec ces marques de piété à Dieu & d'une zélée fidélité au Roy et
à son Estât, ils pratiquèrent envers le prochain toute la charité ima-
ginable, ay'ant dressé une forme d'hospital ou maison de charité, où
les pauvres Chrestiens estoient subvenus, <^ les esclaves racheptez.
nourris t^ hébergez spirituellement \ corporclleinenl . Journellement,
ils estoient à la messe & aux exercices spirituels. Le surplus se peut
concevoir de la missive d'un Père Minime, dont la teneur suit^ :
« Aux Révérends Percs Rédempteurs de France, en la maison du
consul des François à Salé.
« Mes Très-Reverends Pères, la grâce du S. Esprit nous illumine
tout ! Je vous asseure que vostre arrivée en parfaite santé m a iort
I. Jullicn Parasol avait été commis, à la barre de janvier-féDrier t(i53.
requête de Henry Prat, « pour fere la charge j. Louis XIV lut sacré à Reims le 7 juin
de vice-consul » à Salé et à Tétouan en son i65/i.
lieu et place, par arrêt du Parlement de 3. Suit le texte de celte lettre en latin.
Provence en date du i3 janvier i653. Cf. On a jugé inutile de le donner; la traduc-
Arch. dép. des Bouches-du-Rhône . Section tioii française qui l'accompagne a seule été
d'Aix. — Parlement. lieij. des urn'ls à lu publiée.
De Casthies. III. — ^3
6"^ APUÈS LE 12 SEPTEMBRE l65^
rcsjouy, & prie Dieu par sa divine miséricorde vous la daigner
conserver, afin qu'à souhait vous puissiez vacquer >k agir en un
œuvre si j^enible &; de si eminente pieté, donnant jo\e aux affligez,
visitant les infirmes & malades, corroborant les foibles (S; débiles,
subvenant aux misérables, & racheptant les captifs. Si un long che-
min cause de grands travaux, vous en inferez vostre consolation,
parce que Dieu, qui donne ses recompenses au prix des fatigues, vous
concédera par droit ik équité de sa justice son éternité bienheureuse,
pour mener vos triomphes joints à ceux du Souverain Rédempteur
Jesus-Christ. Au nom de qui je vous conjure & prie très-humblement
de jetterles yeux de vostre religieuse commisération sur l'abondance
des maux que je souffre depuis douze ans dans cette malheureuse
captivité, sous les oppressions de la faim, de la nudité, du travail
& d'un continuel mépris, surchargé de fers & de chaisne.
Cette extrémité me fait recourir à vous, comme fit Elisée au pro-
phète Elie, sans prétendre toutesfois le chariot triomphant de vostre
rédemption, parce que je ne suis nay subjet de la couronne de
France, mais requérant l'ombre simplement du manteau de vos
charitables assistances, puisque je suis pauvre ; & encores je ne
demande pas cette piété telle que pour moy les vostres manquent
au besoin, mais pour me subvenir à avoir un peu de pain, qui me
défaut dans la commune stérilité du pays. Vostre aumosne me
pourra estre délivrée par M' Pierre Citrany', me confiant que
nostre mutuelle profession religieuse vous donnera cœur de penser
à moy & me subvenir. Faites-le de grâce, ik espérez de Dieu les in-
faillihles recompenses. Adieu, mes Révérends Pères !
Je suis de Vos Paternitez le très-humble fils, qui vous baise les
mains.
F. Biaise de Pinna,
de Tordre des Minimes de Saint-François de Paule.
De la prison de Tetouan, le unziéme may i654-
La plus puissante infortune de ce pauvre religieux consiste en
I. Pierre Citrany. marcliand de Marseille 9 mars i65o >> par Henry Prat. V. ArcU.
avait été « nommé et commis pour vice- dép. des Bouches du-Rhùne, Section d'Aix.
consul aux parties de Salles et ses dépen- Parlement, fieij. des arrêts à la barre du
dances pendant le temps de trois années du 23 au 3o juin 1O60.
RELATION D UNE UKDEMI'TION DE CA1>TIES A SALÉ 6~0
O
ce que le roy d'Espagne détient un More natif" de Salé, en ses ga-
lères, quon veut avoir auparavant que de traitter de son élargisse-
ment, pour lequel, avec ledit More galérien, on demande encore
huict cens ducats, qui furent ofTcrts par les religieux de la Trinité
des provinces d'Espague, qui tirent rédemption audit Tetouan, sur
la fin de l'an i653. De là se void la dilTiculté de negotier avec le
gouverneur de rc lieu ' pour la rédemption des Chrestiens, se rendant
très-difficile, pour ne pas dire du tout inflexible aux clameurs de ces
pauvres victimes. Ccluy qui est aujourd'hui se pare d'une spécieuse
raison, que les esclaves appartiennent aux femmes A: enfans de feu
son oncle & prédécesseur en ladite charge ; mais le mal procède de
son avarice & de ce qu'il veut butiner sur le sang des Chrestiens'.
Quoy que lesdits rédempteurs eussent fait accompagner leurs
ordres des lettres de puissantes recommandations, il n'a voulu flé-
chir [)our aucun, si on ne les prenoit tous, qui sont au nombre de
trente-cinq, la plupart du Havre-de-Grace, comme on verra par le
catalogue cy-après. On ne put rien faire, comme pourra témoigner
Thomas Rebut du Ila^re-de-Grace, rachepté après estre vendu de
Tetouan à Fez, & envoyé finalement à Salé, pour estre revendu.
Noël Masselin estoit aussi rachepté par secrette intelligence & partie
de sa rançon payée, mais Dieu la délivré de captivité du corps &
de l'ame, le retirant à soy, après le traitté fait avec le nommé Pa-
riente', Juif, résidant audit Tetouan.
Enfin, après avoir beaucoup peiné iS: travaillé à acquérir la li-
berté de (|uarante-trois captifs, ils prirent résolution de faire voile
le vingtième de juillet, jour de Saincle Marguerite ; & en ce mesme
jour, ils virent vendre un vénérable vieillard, sa femme, un jeune
1. Le gouvorncur, ou pliilùt le mo- 3. Les Pariente «liaient une famille juive
kaildcm, de Tetouan était alors Mohammed qui, dans le nord du Maroc, semhle avoir joué
bcn .Vissa en-Neksis. V. supra. Introduction un rôle analogue i celui des l'allachc. En
critique, p. 583 et note i. — Sur la famille 1662 un Salomon Pariente passait pour le
des En-N'eksis, V. supru. p. 82, note 2. chef des Juifs à Tanger (Budgett Meakin,
2. D. Diego de Moreda, gouverneur de The Land of the Moors, p. I2t). En 1666
Larache, pensait tout autrement du mokad- un «Jacob Pariente» se trouvait à Melilla
dem de Tetouan et vantait 5 Philippe IV et était embarqué par Roland l'Véjus auquel
« cl apoyo y amparo que los pobrcs Chris- il servit d'intermédiaire dans ses relations
tianos allan en el». V. r" Série, Espagne, avec Moulay er-liechid. V. RolakdFkéjus.
à la date du 23 août iB^g- lielat. d'un voyaye... pp. 20, 27 et passim.
676 APRÈS LE 12 SEPTEMBRE lC5^
garçon, deux petites filles. & une jeune femme mariée depuis trois
mois, qui estoit toute une famille & mesme maison, qu'un brigan-
tin de Tetouan avoit surpris es costes de Portugal. Ce spectacle
& cette dure séparation de femme d'avec son mary, d'enfans d'avec
leur père & mère, déchirèrent leurs entrailles de commisération, &
leur fit trouver extrêmement doux de se livrer aux ondes pour fuir
les abominations de ce centre de toutes cruautez. Entre les rachep-
tez, aucuns venoient fraischement d'Alger, qui donnèrent advis que
quatorze vaisseaux estoient sortis la bouche du Destroit, & tenoient
les costes, ce qui obligea le vaisseau faisant voile de s'écarter en
pleine mer aux hauteurs des isles de Madère et des Essors'.
Comme tous ceux qui ont esté mis en liberté par le moyen
desdits Pères descendus à Salé ne sont pas venus jusques à Paris,
ils ont jugé à propos d'en insérer icy le catalogue, & des autres qui
implorent la miséricorde des Chrestiens, du milieu des cruautez
qu'on exerce sur eux en l'enfer de Tetouan, qui est une autre ville
du royaume de Fez, ausquels lesdits Rédempteurs ont fait espérer
un prompt secours.
Captifs racheptez et mis en liberté hors de
Salé au vaisseau « le Neptune », par les Pères de
LA Trinité, arrivez a La Rochelle les 12. &i
i/j. DAOUST, & A Paris LE 12. septembre i654-
Archevesché de Rouen, Dieppe & Havre de Grâce. Pierre
Lantin. — Robert Croisé. — Nicolas Rouget. ■ — Joseph Castelly.
— Simon Heleine. — Antoine Conseil. — Thomas Rebut, du
Havre. — Noël Masselin, du Havre, mort depuis sa liberté. —
Michel le Moyne, de Quilbœuf. — Jean du Moustier, de S. ^ alery
en Caux.
I . Suit le récit du voyage de retour avec eut lieu la procession solennelle des captifs
l'inévitable attaque du navire par les pirates. rachetés. De La Rochelle ils se rendirent
Les ïrinitaires arrivèrent le 12 aoiU 11)54 à par Luçon, Nantes, Angers et Mortagne à
l'îled'OléronetlemèmejouràlaRochelleoù Paris où ils arrivèrent le la septembre.
RELATION d'une RÉDEMPTION DE CAPTIFS A SALÉ fi^"
EvEscHÉ DE CousTANCE. Gilles de La Rue, achepté le seiziesme
may, mort le jour de la Pentecoste, estoit du lieu de Grandville.
— François Trotin. de Grandville. — Julien Devaux, de Blain-
ville.
EvESCHÉ DE Bayeux. Pierre Moteux, du village de Saincte
Honorine.
EvESCHÉ DE Nantes. Charles Picher, de S. Nazaire. — • Nico-
las Billau. de S. Nazaire. — Pierre Durand, du Croisis.
EvEscuÉ DE S. Malo. Pierre Le Prince, de Cancale, mort
avant qu'arriver en rade. — François Sauvage. — Nicolas
Quesnel.
EvEscHÉ DE Qlimper. PieiTc Ergoix, bas Breton. — Riou
Prieur, bas Breton.
EvESCHK DE LuçoN, Sables d'Ollone & S. GiLLES. Martin
Chabot. — Pierre Boivin, des Sables. — Pierre Baimin de La
Cliaune. — • Jean Masson. — Simon Peliot. — Jacques Jannet. —
Claude Mosnereau. — André Brossard. — Pierre Stevin, de
S. Gilles. — Jacques Chemineau.
Bordeaux. Pierre Belot. — Giron de LaPalate.
EvEscHÉ DE Rhodez. Bertrand Second.
EvEsciiÉ & VILLE DE Bayonne. Bei'uard d'Espaignet. — Jean
Petit. — Laurens Debalda, de S. Jean de Luz.
Provence. Jean Berthelot, de Marseilles. — Jean Veneau, de
Martigues. — Ballhasar Barthélémy, de Marligues. — Estienne
Porquier, de Sixfours. — François Marlin. du pays-bas.
Nombre : 43.
ESCLAVES QUI SONT A TETOUAN.
Havre de Grâce. Nicolas Dedez. — Jean Lequesne. — Sa-
lomon Haillon. — Jacques Le Gendre. — Daniel Debrcy. — Jac-
f[nes 'l'essoM. — Louys Maillard. — Paul Bevin. — Jean Baufré.
— (iuillauine Froger. — Nicolas Saunier. — Eslienne La Plasse.
— Maistie Michel Saillie. — Antoine Feigray. — Girard de La
Parade.
Honfleur & Rouen. Charles Le Vilain. — Dcnys Baroche.
6-8 APRÈS LE 12 SEPTEMBRE ifio'l
— Nicolas Le Febvre, de Rouen. — Pierre Du Pileur de La Forest
de Léon, pauvre gentilhomme.
Nantes. Jacques BouUel. — André de La Rivière. — Olivier
Ralou.
Sables d'Ollone & S. Gilles. Gilles Achar. — Jacques
David, huguenot. — Vincent Potras. — Pierre Sandillau. — An-
dré David. Imguenot. — Pierre Girard. — Noël Pitia. — Estienne
Matée.
Outre ce nombre, des dernières prises on a conduit plusieurs
jeunes enfans »k autres hommes de Rayonne audit Tetouan, qui est
la plus cruelle et abominable captivité de toute la Barbarie ' ; À;, si
on ne donne secours promptement à ces pauvres Chrestiens, ils
renieront infailliblement Jesus-Christ, dont ceux qui en sont adver-
tis respondront au jour du jugement, s'ils ne font ce à quoy la loy
divine les oblige indispensabicment.
Obs
ERVATION CLIUELSE.
C'est un trait de la Providence de Dieu d'avoir sceu disposer en
sorte les choses de ce monde, que chaque province ou chaque
royaume a je ne sçay quoy de particulier qui le rend recomman-
dable. Celuy-cy a ses beaux bastimens, cet autre, ses mines d'or,
ccluy-là, ses maisons de plaisance, & l'autre, ses provisions de vin
et de bled. Dans cette inégalité, ils se rencontrent en ce poinctque
tous ont de grands jiersonnages, de façon que je puis dire que,
sans Mahomet, les habitans du rovaume de Fez & de Salé avoient
toutes les dispositions à une cminenle perfection de vie, réglée par
des maximes recommandables au ciel & à la terre.
Ce royaume commence entre Masaqueby" \' Luteon', dure
trente-six degrez au long de la cosle de la mer Occeane. qui sont
trois cens lieues françoises ou environ, & va en terre jusques à
quatre-vingt lieues. Il est fertile et fécond en toutes sortes de bleds,
en xignes, fruicts, bestiaux ik mines de poudre d or. Un empereur
I. Sur )a sollicitude du mokaddem de 2. Masaqueby, Mers el-Kebir.
Télouan pour les esclaves chrétiens. V. 3. Luteon, nom dilEcile à identifier ;
supra, p. 675, note 2. peut-être Tétouan.
RELATION DINE RÉDEMPTION DE CAPTIFS A PALE 679
de Marocques. nommé Moulcy Mahomet \arifr, ayant conquis
toute la Barbarie, avoit reuny ce royaume à son empire, mais,
après sa mort, son fils aisné. refusant à ses frères leur légitime
ordoimée par le testament de leur perc, causa une guerre civile
dans ses Estais, qui y a duré si long-temps, que le roy de Maroques
aujourd'huy est despouillé de ses royaumes, & n"a plus que trois à
quatre mal-heureuses places sous sa domination'. Pendant les
troubles, un alchaie ou gouverneur nommé Obayes, après le
deceds de Muley Maluco Xarife, sapropria la régence de Fez, sur
lequel un nmlTety l'emporta & se qualifia Sainct : de sorte que, joi-
gnant l'intcrest de la Religion avec celuy de l'Estat, il resta le
maistre. Et depuis vingt ans ou peu plus, autie Sainct descendu
des Barbes', nation qui habile les montagnes sans maisons, se par-
tagea les ports de mer »k plus belles places de ce royaume de Fez,
qui s'appelloit Lahiachée\ qui est celuy sur lequel Cidi Mohamad
Benhobuquier '. aujourd'huy régnant, a conquis tout le royaume,
qu il ne se peut conserver, estant vieil, «k la jalousie contre ses
cnfans trop grande dans le pays, qui sera aysé à conquérir quand
on voudra y penser sérieusement.
En ce rovaume de Salé est un fort bon jjort de mer où d'ordi-
naire trafiquent nos François du Levaiit i-V du Ponant, les Espa-
gnols, les Portugais, les Holandois & les Anglois, quoy qu'ils
courent risques d'estre pris & faits esclaves en la pluspart des navi-
gations. F.e roy de France, les Estais de Holande & les Anglois ont
des consuls en ce lieu, chez lesquels chaque nation exerce sa reli-
gion à portes clauses" par la permission du Prince. Ce port com-
prend deux villes: l'une est du costé de l'isle de Fedalc. ik lautre de
La Mamore, qui est au roy d'Espagne, toutesdeux fermées de murailles
(k séparées par la rivière cpii se joint à la mer au pied du Chasteau.
1. Moulav Mohammed ech-Clioikh et- /i. Sidi Moliammed cl ll.iilj ed-Dilaï.
/Isciy/iirn'avaitcommeplacfs maritimcsquo V. supra, p. 577 et noie 2.
Safi el Oualidya. — Il est dilTicile d'iden- ô. Il n'y avait pas à Salé de (|u;irtier
lifier les personnages et les événements franc, de fondoiik pour les marchands cliré-
auxcpiels fait allusion l'auteur dans son liens de chaque nation, comme oclascvoyait
rapide expose de l'histoire du Maroc avant dans les érhelles des régences barharosques
El-Avachi. (\ • Mas Latkif, p. 170). Les Chrétiens
2. Barbes. Berbères. vivaient mélangés sans distinction de na-
3. ï,a/iiac/ii(', El-.Vyachi. tionalilé.
68o APRÈS LE 12 SEPTEMBRE l65'l
Les personnes de ce lieu sont exacts observateurs de leur
loy de Mahomet. Jl y a es deux villes grand nombre de
mosquites, comme qui diroit petites églises ou chapelles, & deux
grandes mosquées, aux pieds desquelles sont tours carrées, au plus
haut desquelles montent des hommes qui font le signal des prières
et retraites, comme font nos cloches en France. Le mouden^ est le
signal de deux heures avant jour ; louly est le midy ; le dehors,
c'est deux heures après midy (il faut remarquer qu'un drapeau ou
enseigne se tire à midy au haut de la tour, pour montrer à ceux de
la campagne que c'est l'heure de faire le « sala » indispensable-
ment, & s'abaisse à deux heures)" ; à quatre heures autre signal s'ap-
pelle lazer', auquel toutes boutiques se ferment, & les ouvriers
quittent besongne, mesme les esclaves retournent pour eslre renfer-
mez en leurs massemores ou basse-fosses, avant la nuict; le dernier
signal des prières s'appelle magret'' ; & sont tous si religieux qu'ils
ne manquent, en quelque lieu ou compagnie qu'ils soient, d'esten-
dre leurs mains au ciel »k s'éci'ier : « Alha Hochhec" , Disseni'da :
Grand Dieu tout soit en ton nom! » Puis, se mettans à genoux,
plians tout le corps par trois fois, ils donnent du front contre terre
et disent : w Délivre-nous de tentation » ; &, se relevans de derrière
sur leurs talons, ils regardent le ciel, disans : « Délivre-nous du
Diable ». Finalement, relevez et les mains estendues vers le ciel
qu'ils regardent, ils s'escrient : « AUahemdrulha'' : grâces te soient
rendues! » Jamais ils ne boivent ou mangent, qu'ils ne mettent la
main à la bouche, puis au front, disans : « Alla Hocbech, Bissemilha »
&, ayans heu & mangé réciproquement, ils disent : « Allhahem
1. Le Moaden. L'auteur commet une tion usuelle « Louli » l'heure de midi un
erreur. « Le mouden» moucddin (d'où par quart. C'est le moment où le drapeau est
. ' , hissé au sommet de la mosquée pour la
corruption muezzin) Ô3v« n est pas lo nom ., , , , ., , ■. , „
'^ ' -^ ' prière au dohor (dehors), laquelle peut se
d'une prière mais le nom de celui qui, du <■ • ■ .. i . i • i „ i
<: » iairejusqu aune heure et demie; le moucd-
haut du minaret, fait l'appel à la prière. ,. ■ i i i
f^i ' din amené alors le drapeau.
Celle qui se fait deux heures avant le jour
, 11 1 r j- Il 3. Lazer. El-.\s5cr -aJ'.
s appelle el-ledjeur jSuîJi. -^
.'.. 'i. Mnijret. El-Maghrch.
2. On appelle El-Dohor cl-aouli ,^la'l . ., ,, , , . ,, , , ,
" J*^ 5. -W/ia Hoc/.èec. .\llah akhcr!
(3jVl (le premier dohor) et par abrévia- 6. AUahemdrulha, El-Hamdou lillah.
RELATION n'u>"E RÉDEMPTION DE CAPTIFS A SALÉ 68 1
driilha ». Leur profession de foy csl en leurs termes, « La ilha, lia
Alllm, Mehemel rasoul Alha », cesl-à-dire : « 11 n'y a qu'un seul
Dieu, Mahomet est son prophète & son apostre ». Ils oroyent
1 unilé personnelle ik non la Tiinité en Dieu, ijuc Jesus-Chrisl est
venu du ciel prescher l'Evangile comme Messie, qu'il a esté ravy
ik retournera, (jii'il avoit promis qu'un grand prophète viendroit
après iiiy (pii aniioiicei'oit au monde toute vérité, ».V que ce [)ro[)hete
est Mahomet. Ils disent que les Chrestiens font injure èi Dieu, de
cioire que Jésus soit Dieu, & font injure à Jesus-Christ de le croire
mort d'une mort infâme comme celle de la croix, & ce sont les deux
motifs de leurs persécutions contre les Chrestiens, en cpioy ils sont
très-dignes de compassion. Leur dernier signal est celuy de retraite,
qu'on appelle lâcha' , auquel toutes les rues se ferment par cantons,
tant ils appréhendent d'estie surpris des Chrestiens.
Outre les mosquées, les campagnes sont pleines de petits domcs
ou sepulchres de leurs Saincts, oii l'on \a en pèlerinage ; &, si un
Chreslien y estoit entré, ils I estimeroient tellement poilu, qu'ils le
condamneroienf au feu, ou à se faire Moi'e de leur religion. Leur
cimetière est tout autour des murailles, oii ils enterrent avec
mesmes cérémonies que les Chrestiens, c'est-à-dire disans des
prières ik des pseaumes, »k difTerenl en ce que le corps est mis sur
le (;osté au sepulchre, la teste accostée sur la main droite, & regar-
dant le soleil levant. Ils ont grand soin d'inhumer avec honneur;
les fosses sont pavées tV de toutes parts ornées, en sorte que le
corps ne touche à terre. Deux personnes ne sont jamais mises en
mesme sepulchre. Ils ensevelissent comme nous, &, la fosse cou-
verte, chacun se retire, à la reserve de leur prestre qui se met à ge-
noux, &, la teste courbée contre terre, parle à ce pauvre deffunt,
dont il croit que lame demeure suspendue jusqu'au jour du Juge-
ment ik de la résurrection. Puis, s'estanl retiré, nombre de fem-
mes viennent prier, crier ^: pleurer, comme elles font ordinaire-
ment les vendredys, qui est le jour de leur dimanche.
Leur Ramadan, autrement Caresme, s'observe inviolablcmenl,
sur peine du feu, dont le prince mesme ne seroit exempt, s'il estoit
contrevenu sans cause jugée légitime en la mosquée. Toutes les
I. Lnchrt. El-.\cha Lljill.
fiSa APHÈS LE 12 SEPTEMBRK lfi5/|
lunes alternativement portent ce temps ; celle année, il a
commencé à la lune de juin'; 6: dure trente jours qu'il faut
exactement accomplir, en telle sorte que qui ne le peut consé-
cutivement doit reparer autre temps, au veu et sceu de l'assemblée
en la mosquée, c'est à dire qu'on apporte fidel tesmoignage du
suppléement.
Depuis que la lune paroist comme un petit filet, les Maraboux
crient au haut des mosquées : Ramadan ! Dès lors on tire fuzils
ik canons, & depuis ce jour-là jusques à leur Pasque, ils jeusnent
le jour jusqu'au soir, sans boire ny manger, quelque chaud & fa-
tigue qu'ils ayenl. La nuict, ils boivent & mangent, mais avec
police. Un Maraboux en chaque quartier monte sur une des tours
avec un cornet & fait signal, lors qu'ils peuvent boire & manger ;
A: autre signal quand ils peuvent sans pécher contre la loy, ny en-
fraindre le Ramadan, connoistre leurs femmes, qu'ilsont pour légi-
times jusques à neuf'. Pendant le Ramadan, ils ne peuvent jouyr
des femmes & fdles qu'ils ont pour esclaves, comme en autre
temps. Après ce jeune, ils font leur Pasque parle sacrifice d'Abra-
ham, immolant un mouton au Meiisald', qui est un autel dressé
hors les murs vers la rivière au bout de leur grand cimetière. Ils
croyent que, si Abraham eut immolé son Isaac, ils seroient tenus
de sacrifier leurs premiers naiz. A; font grandes cérémonies, con-
duisans la victime au sacrifice, qui est lavée par les prestres huit
jours durant, & conduite par les rues tapissées de beaux linges &
jonchées de ileurs. allans tous chantans avec instruments vS; signais
de particulières allégresses à la mode du pays. Sur tous les sepul-
chres, au lieu que nous mettons des croix, il y a des pierres car-
rées & gravées de lettres ou chiffres.
En l'une À; l'autre ville sont les Juifs, qui ont commerce avec les
Mores, & gardent leur loy à la mosaïque. Entr'autres festes ils ont
celle des Tabernacles, en laquelle ils dressent petites cabanes de
verdures & de fleurs, sous lesquelles reposent leurs filles pendant la
nuict (esperans tousjours le Messie).
1. En i65i, Ifi ramadan a commencé le
i6 juillet ''■ ^^'""sa'". Messalla ,U«a^- Kmpla-
2. On sait que les musulmans ne peuvent cément en plein air destiné à la prière, les
avoir plus de quatre épouses légitimes. jours de fêtes solennelles.
RELATION DCNE RÉDEMPTION DE CAPTIFS A gALÉ 683
Il S est trouvé à Tunis (ju'un gaillard espionna si adroitement
qu'un Turc engrossa la Juifve, & esperoient que d'elle viendroit
riionneur de leur nation' ; mais, ne donnant qu'une fille au
monde ■, elle montra l'insolence de cette canaille, qui est l'abo-
mination du ciel, de la terre & des enfers mesme. Ils payent grand
tribut pour avoir la l'acultc d'achepter les Chrestiens : c'est
pourquoy il y a grande peine à les avoir d'entre leurs mains. Les
Juifs tS: les Mores du pays ne sont pas vestus de la mesme façon ;
car les premiers sont tous violets >k tiennent fort de la façon des
religieux ; les autres ont un caleçon, une chemise par dessus en
femme, dont les manches ressemblent à celles des surplis fermés,
au dessus leur calfetan en forme de justaucorps non boulonnez,
À: un heque ' de fine laine comme un drap, dont ils s'environnent
tout le corps depuis les pieds jusques à la teste. Les uns \ les
autres sont nuds jambes, avec des escarpins aux pieds «S: des
bonnets en leste, les Juifs les portent violets »k les Maures
rouges.
Ces gens paissent tous comme des bestes & en vraye posture de
guenons, assis sur le cul, ils tiennent les herbes qu'ils mangent plus
ordinairement (|ue toute autre chose.
Si un Chrcslicn s arresle tant soit peu de\aiil les maisons
des Moufletis, Maraboux *S; Docteurs de la Loy, ils sont lapi-
de/, avec zèle, car ces aveuglez estiment faire grand service à Dieu
de soulever les peuples contre les Chrestiens. De manière que la
plus grande persécution procède de ce zèle indiscret, qui fait cnii-
clurre aux esclaves ce qu'un particulier escrivilà nos rédempteurs,
de Tetouan en la ville de Sale :
« Nous sommes tombez entre les mains de monstres composez
de plusieurs natures, brutaux comme des bestes, malins connue
des diables. \ d'hommes, je n'y en ay encores remarque (jue la
figure corporelle. C'est pourquoy je vous piie me tirer des mains
de ces tygres ; car je vous asseure cpie je; ne suis |)as dans un escla-
plustost dans un eni'er |)l('ni de nuseres ; car il n y
I. Phrase mal conslruile, mais dont le; auraient tcntO de le faire croiro par loiir-
sens se rétablit facilement. beric.
i. .Vu lieu d'un Messie, comme les Juifs 3. Ileque, liaïk.
684 APRÈS LE 12 SEPTEMBRE 165/1
a peines ny rigueurs qu'ils n'ayent exercé en mon endroit ^[ sur ma
personne &c. «
De ïetouan, le premier juin mil six cents cinquante-quatre.
Vostre très-obéyssant serviteur, Nicolas Saunier. »
Il est un de ceux que le Gouverneur n'a voulu donner que tous
ne fussent racheptez. On espère du zèle et de la piété de Leurs
Majestez que liientost leurs liens seront brisez »k leur liberté sera
acquise par la coopération des fidels.
IncUnate aurein vestnim in verba oris mei. Ps. yj.
Bibliothèque Nalinnale. — Imprimés. Ld'\30. — La miraculeuse
Rédemption'... A Paris... M DC LIV.
I. Le tllre complet est: La miraculeuse la Tris-Saincle Trinité, vulgaircmant appelez
rédemption des captif s faite à Salé, caste de Maturins. A Paris, de l'imprimerie dejulian
Barbarie, sous les heureux auspices du sacre Jacrjuin, rue des Massons, vis-à-vis l'église de
du Roy Très-Clirestien. Par les reliijieux de Sorbonne. MDC. LIV.
INSTRUCTION SECRÈTE POUR COMMINGES 685
CXXVI
INSTRUCTION SECRÈTE POLK CUMMINGES'
(Extrait.)
La cour de Fiance avait écarté la proposition que lui avait faite en 1648 le
roi Jean IV de lui céder Tanger-, en retour d'un secours eilcctil '. Cette négo-
ciation fut reprise en i65G par la Heine' qui envoya à cet ellet en France son
confesseur Frav Domingo del Uosario '. Les principales clauses du futur traité
dalliance étaient les suivantes: mariage de Louis XIV' avec l'infanle Catherine
de Bragance ; cession de Tanger à la France. Les pourparlers n'aboutirent pas''.
Toutefois on alTecta de considérer en France la proposition relative à Tanger
comme indépendante de la question du mariage, et M. de Comminges, am-
bassadeur extraordinaire en Portugal, en 1657, eut ordre de demander la
cession de cette ville afin d'en faire une place d'armes pour la sûreté des troupes
de secours.
// demandera la cession de Tanijer suivant la iiroposition faite par Frère
Domingo del Rosario, mais ne s'engagera pas à fond sur cette question.
Compiègne, i3 mai 1(^57.
En tète : Mémoire que Sa Majesté a voulu eslre adjousté à l'ins-
l. Charles Joan-liaptislc do Comminges- l\. Le roi Jean IV était mort le G novembre
Guitaut, né en itii3, mort en 1G70. Capi- itiâG. La reine D. Luiza do Gusmào, fille
laine des gardes de la Heine en l64^, des ducs de Medina-Sidonia, était une
maréchal de camp en iG^q. lieutenant génc- femme ambitieuse et de grande énergie,
rai en i052. Aprns son retour de Portugal, 5. Fraj Domingo del Rosario, rcligieuï
il fut nommé gouverneur de Saumur et du d'origine irlandaise, dont le nom de famille
Haut-I'ays d'Anjou; il fut ambassadeur à était O' Ualljr, confesseur de la Reine,
Londres de i663 b i665. nomme archevêque de Goa. Il avait été
■i. V. supra. Doc. CIX, p. 609 et CX p. chargé d'une première mission en i635.
Oii. 6. La reine Anne d'.Vutriche était déjà
3. Ln premier traité d'alliance entre les résolue de faire la paix avec l'Espagne en
cours de France et de Portugal avait été concluant le mariage de Louis \IV avec
signé le r ■■ juin iG.'ii. l'infante Marie-Thérèse.
686 i3 MAI iC^o-
truction du s' de Comminges ' , conseiller du Roy en son Conseil
d'Estat, lieutenant gênerai en ses armées et capitaine des gardes du
corps de la Reyne mère de Sa Majesté, qu'il envoyé en Portugal
en la qualité de son ambassadeur extraordinaire.
La seule considération de n'apporter pas un nouvel obstacle à la
paix a jusques à présent empesclié le Uoy de se randie aux pres-
santes et continuelles sollicitations qui depuis dix ans luy ont esté
faites de la part du roy de Portugal, par diverses personnes en-
voyées exprez, de faire un nouveau traillé par lequel Sa Majesté
s'engageroit à ne point faire la paix que led. Roy n'y fut compris.
Le père fray Domingo avoit proposé de remettre au Roy la place
de Tanger en Affrique, et mesme de donner une somme pour la
mettre en bon estât. Le s' de Comminges insistera aussv pour cela,
et neantmoins, s'il y trouvoit des obstacles qu'il ne peut surmonter,
il s'en relascliera en ce cas.
Fait à Compiegne, le i3° may 1657.
Archives des AJfaires étniixjèi-es. — PorUijjal. — Currespondiinre
politique. Vol. 4, /. i'S v". — Minute-.
Ibidem, /. 58 r". — Autre minute.
I. Cette première instruction prescrivait princesse.. ». V. Arcli. des Aff. étr.. Porlu-
à Comminges de ne pas ôter à la reine de (jnl, Corresp. pot.. Vol. 4, /■ J'-
Portugal « les espérances desquelles elle se 2. Ce Doc a été publiépar le ViedcCaii
nourrit pour l'infante». Il devait pour cela do S' Aymour, dans Recueil Jes Instruc-
s'enquérir, « en sorte que la Reyne le puisse lions données aux ambassadeurs et ministres
sçavoir, des qualilez eminentes de cette de France en Portugal, pp. /|i et ss.
PROPOSITIONS DE COMMINGES AUX PLÉMPOTENTIAIRES PORTUGAIS 68"
CXXYII
PROPOSITIONS DE COMMINGKS AUX PLÉNIPOTENTIAIRES
PORTUGAIS
(Extrait.)
Le roi de France demande la cession de Tan(jer.
(Lisbomic, ^e5 juillet 1OÔ7.I
En tête : Propositions faictes par le comte de Comenge de la
pari (lu Roy Très-Chreslieii, en qualité de son ambassadeur extraor-
dinaire, à Messieurs les députez de la Fioync Régente de Portugal.
On a offert diverses choses au Roy Très-Chrestien, mon maistre,
de la part du l'eu roy de Portugal, de très-glorieuse mémoire, et
depuis peu aussy de la part de la Royne Régente pour l'obliger à
la conclusion d'un nouveau traiclé, et enir autres que l'on donne-
roit deux millions d'or, mais payables en termes fort esloignez.
Le Roy mon maistre a toujours estimé que le roi de Portugal
tireroit un grand avantage de l'ortilTler son armée d'un corps es-
tranger tant de cavalciie que d'infanterie, et, pour en faciliter les
moyens, il offre la pcîrmission des levées en France et touttes les
assistances qui pourront despendre de luy. Bien entendu que la
levée, le passage et l'entretenemcnt dcsd. troupes se feront aux
despens du roy de Portugal et, pour cet elfet, j'ay ordre de faire un
traicté particulier.
Et, comme il fault une place d'armes pour la seureté des troupes,
le roy mon maître demande une place, et la proposition luy en a
688 25 JUILLET i65-
desja esté faicte par les ministres de Portugal, et nommemenl de
Tanger, avec quelque somme dargenl pour la mettre en estât de
résister et de pouvoir eslre utillc et advantageuse aux deux cou-
ronnes.
Voilà, Messieurs, la proposition que je vous av faict de la part
du Roy mon maistrc, et que vous avez souhaitté que je vous don-
nasse par escript. Vous en sçavez mieux que moy la conséquence.
Je ne doubte pas qu'aprez les avoir examinées vous ne les trouviez
très-justes. Je vous proteste que je parle aveq sincérité et que je
contribueray tout autant qu il me sera possible à la perfection d'un
ouvrage commencé depuis sy longtemps, et qui auroit de la peine
à se renouer une autre fois, s'il venoil à se rompre.
Arrhires des Affaires élnimières. — Portiuial. — Correspondance poli-
tique. Vol. I4, f. Ul r". — Copie.
LETTRE DE COMMINGES A BRIENNE 689
CXXYtlI
LETTRE DE COMMINGES A BKIENNE'
Il rend compte de sa conférence avec les plénipotentiaires portugais.
[Lisbonne, a"» juillet lOÔ^.J
Monsieur,
Par ma depesclie du i8" du courant, qui est la seule que je vous
ay faicle depuis mon arrivée en Portugal, el que j ay remis entre
les mains du capitaine Jamin. de La Rochelle, pour estre remise en
celle de mon correspondant, pour estre envoyée en diligence à la
Cour, je vous rcudois compte de ma réception et de ma première
audience, qui se passa en condoléance sur la mort du feu roy de
Portugal et en lesinoignage de joyc pour l'acclamation de celuy
Le 23" du courant, le Secrétaire d'Estat me vint rendre visite,
el, après d(;s civilité/, ordinaires, il me demanda (|uel jour je vou-
lois prendre pour la conférence; je luy dis que le plus tosl ne seroit
que le meilleur, et que, s'il le jugeoit à propos, ce seroit le lende-
main à |)arcille hciiic. Il me proposa le couvent ou un palais, mais
je creus qu'il estoil à propos (|u'elle se list chez moy. Je luy insi-
nuay de manière ([ue la chose fust arrestée.
Sur les quatie heures du soir, M" les députiez se rendirent chez
moy, sçavoir M" les comte (h; Mire, gouverneur du Hoy, le mar-
quis (le Nice, le comte de Cantagncde, le père Dominicpie du Uo-
I. Iloiiri-Auguslo (le Loniénie, comte aux affaires étrangères, après la disgrâce de
de Brienne (i5g.ï-i6li6), secrétaire d'État Chavigny, de if)/|3 à i663.
De Castries. m. — • 44
6qO 20 Jl'ILLIîT 1657
zaire et Povleira da Silva, secrétaire d'Estat. Après quelques com-
plimentz, nous nous enfermâmes dans une chambre, où je leur fis
les propositions du Roy mon maistre, lesquelles j'appuyay de touttes
les raisons et exemples que mon esprit et ma mémoire me purent
fournir. Hz furent fort estonnez des demandes et principallement
lorsque je leur parlay du Tanger, que je leur dis avoir desja esté
offert au Roy par les ministres de Portugal. Sur cette proposition,
le père Dominique dict qu'il estoit vray que monsieur 1 evesque de
Frejus' et luy en avoient parlé, mais que ce n'estoil pas sur le
sujet de la Ligue, mais bien sur celuy du mariage du Roy. Je ne
laissay pas pourtant d'insister sur cet article comme sur tous les
autres. Hz tombèrent tous d'accord de la nécessité de la Ligue et des
grands avantages qu'en tireroit le royaume de Portugal, mais qu'ilz
me piioient de faire reflexion sur leur impuissance, qu'ils estoient
résolus de tout faire pour conclurre le traicté, mais qu'il n'estoit
pas raisonnable d'exiger ce qu'ilz ne pourroient exécuter. Cette
conférence se passa de la sorte, et ces Messieurs me demandèrent
de mettre les propositions par escript, ce que je leur ay promis. Je
les ay envoyé ce matin au Secrétaire d'Estat. Je vous en envoyé la
coppie '"
Je les incite tous les jours à faire quelque chose. Mais, pour vous
dire le vray, ilz ne sont ny assez forts ny assez capables pour atta-
quer ou maintenir aucune place considérable. Hz se resjouissent de
la prise de vingt cavaliers comme s'ilz avoient gaigné un combat.
Enfin la guerre de ce pays-cy est assez comparable à celle des petitz
enfans quy sont dans les rues et fuyent chacun à leur tour.
Archives des Affaires élriinqbres. — Porlur/al. — Correspondance poli-
tique, Vol. 4', f. 87. — Copie.
I. Joseph Zongo Ondedei, évêque de 2. V. supra, p. 687, Doc. CXXVII, un
Fréjus, i654-23 juillet 1674. extrait de ce document.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE 69 I
LA RELATLON DE THOMAS LE GENDRE.
Note bibliographique
La relation écrite sous forme de lettre, qui est publiée ci-après sous le
numéro cxxix, nous a été conservée par une plaquette éditée en 1670, et qui a
été traduite en plusieurs langues. L'édition française, qui sera désignée par la
lettre C dans la discussion qui va suivre', est intitulée :
C. Lettre escritte en réponse de diverses questions curieuses sur les parties de
l'Affrique où règne aujourd'huy Muley Arxid, roy de Tafiletc. Par Mon-
sieur ****, qui a demeuré 2.'i. ans dans la Mauritanie.
A Paris, chez Gerrais Clouzier, au Palais, sur les degrez, en montant pour
aller à la Sainte Chapelle, à la seconde boutique, à l'enseigne du I oyageur.
M.DC.LXX. Avec privilège du Roy-.
Celte plaquette se rencontre soit seule, soit à la suite de deux autres et for-
mant avec elles un « Recueil factice. » Les deux plaquettes précédant la Lettre
escritte dans le recueil factice seront désignées par les lettres A et B. Voici
leurs titres :
A. Histoire de Muley Arxid, roy de Tajîlete, de Fez, Maroc i^- Tarudant^ .
B. Relation d'un voyage fait dans la Mauritanie, en Affrique, par le sieur
Roland Frejus de la ville de Marseille, par ordre de Sa Majesté en l'année 1666.
vers le roy de Tafilete, Muley Arxid, pour l'establissement du commerce dans
toute l'étendue du royaume de Fez, çj- dans toutes ses autres conquestes^.
i. On a adopté pour celle plaquette la de S. A/. Bri/unnii^uc. Le titre de départ est :
troisiime lettre de l'alpliabct, parce qu'elle llbtuirc du prince Tajilele, qui règne presen-
occupe, ainsi qu'on le dira plus loin, la troi- lemcnl en Barbarie. On ne rencontre pas
sii'me place dans le Recueil factice où on la celte plaquette en tirage à part, mais tou-
renconlre souvent. jours réunie aux plaquettes Bel C. L'ori-
2. Le privilège daté du 21 mai 1(570 ginal anglais, dont la plaquette .\ est la
s'applique aussi bien à la plaquette C qu'aux Iraduclion, est intitulé ; A sltorl and stranrje
plaquettes .\ et H dont il va être parlé relation of some paris of Itie tife ofToJiletla,
ci-apri s. Ihe greal conqueror and emperur oj Barbary,
3. Le titre de la plaquette A est donné by one who lialli talely becn in llis Mojislies
comme suit dans le Privilège: Histoire de seroice in tlial country, Londres, i6t)i), 4°.
Muley Arxid, roy de Tafilete. de Fez et de !{. La plaquette Use rencontre en tirage
Maroc, traduite de t'angtais. par '" agent i part.
6<)2 INOTE RIBLIOGRAPHIQUE
Il n'existe pas d'autre édition française de la Lettre escritte que celle qui a été
nieulioniiée plus haut, soit celle de iG"o. Cette date est celle où ont paru les
deux autres plaquettes A et B du Recueil factice, qui n'ont également pas été
rééditées depuis. Toutefois plusieurs bibliographes, reproduisant la même
erreur, indiquent pour les plaquettes B et C une seconde édition de 1682'. 11
s'impose donc tout d'abord de faire justice de cette seconde édition et, pour
fournir une base à la discussion, de passer en revue dans l'ordre chronologi-
que, malgré l'aridité de cette nomenclature, les différents « numéros » sous les-
quels les bibliographes ont catalogué tant la Lettre escritte (C) que la Relation
de Roland Fréjus(B), car ces deux ouvrages sont souvent confondus par eux,
et les erreurs qu'ils ont commises en les décrivant ont eu une mutuelle réper-
cussion.
I. — Bibliographie de Leyde.n ^.
(.8.7)
Fréjus (Roland). — Relation irait voyage fait en lOOO aux royaumes de
Maroc el de Fez; 12 mo. Paris, 1670. — On lit à la suite : An enlarged édition,
12 mo. Paris, 1682. — An english translation S'^London lOji'.
II. — Bibliographie Guilbert'.
(.839)
N° /|6. — Lettre écrite en réponse de diverses questions sur les parties de
l'Afrique où règne aujourdlmy Muley Arxid, roi de Tajilele, par M. ***', qui a
demeuré vingt-cinq ans dans la Mauritanie. Paris, i6jo, chez Gervais Clouzier,
in-i2.
N" 5l. — Relation curieuse des Etals du roi de Fez et de Maroc qui règne
aujourd'hui, avec une description des poris et places fortes des Espagnols, des
Anglais, des Portugais et du roi de Maroc aux côtes de Barbarie. Paris, 1682,
in-i2.
N° 53. — Relation d'un vo\'a(fe fait en iG66 aux royaumes de Maroc et de Fez
pour rétablissement du commerce avec la France, avec une description des Etats
du roi de Tafilete, par Roland Frejus. ln-12, Paris 1682, chez la veuve Clouzier.
i. C'est M. Jacqueton qui, le premier, Edimbourg, 1817, I. II, p. âSa. — La pre-
a signalé le problème bibliographique qui mii-re édition, que nous n'avons pu consul-
se posait au sujet de cette édition de 1682. ter, est de 1799.
V. Jacqueton, Doc. Maroc, tirage à part 3. V. infra. p. 6g(i le titre de celle tra-
deVcrratiim. duction.
2. Leïden and Murray, Hislorical ac- l\. .\ristide Guilbekt, Z.*i.' /« rofo«/s«iion
conhl 0/ cliscoveries and Iruvcls in Africa. du nord de l'Afrique, Paris, i83ij.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE 698
III. — Bibliographie Tebnaux-Compans'.
(i84i)
N° 2l4ô- — Roland Fréjis. Voyage dans la Mauritanie. Paris. In-S. i6yo.
N° 2! 46. — Histoire de Muley Arxid, roy de Tajilet, Fez, Maroc et Tarudent,
avec la relation d'un voyage fait en 1666 vers ce prince. Paris, 2 vol.
in-18. lôyo.
N° 2i47- ~ Lettres sur 1rs parties de l'Afrique où règne aujourd'hui Muley
A rxid, roi de Tajilele, par M. *** (A . Charrant) qui a demeuré 25 ans dans la
Mauritanie. Paris, in-12. i6yo.
N° 2197. — Roland Fréjus. Travels into Mauritania translated by Charant.
London, in-8. lôyi.
.\° 2421. — Relation d'un voyage fait en i66(i aux royaumes de .Maroc et de
Fez pour l'établissement du commerce avec la France, avec une description des
Etats du roi de Tajilete, par Roland Fréjus. Paris, Veuve Rouzier. 1682.
\\ . HiBLIOGKAPIIIK DITE DU GOUVERNEMENT GÉNÉRAL DE l'AlGÉRIE '.
(r84i)
Roland I'hê.iis (de la ville de Marseille). — Relation d'an voyage fait dans ta
Mauritanie en Afrique par ordre de .S. .1/., en l'année ifHlti. — in- 12, Paris,
i6y(i.
V. — Bibliographie Re.xou'.
(i846)
M» 93. — Relation d'un voyage fait en 1666 aux royaumes de Maroc et de Fez
pour l'établissement du commerce, etc., par Roland Fréjus. iGjo.
N" 1 16. — Relation des états du roy de Fez et de Maroc qui règne anjuard'tiui;
de la religion, du commerce, des mœurs et des coutumes du pays : par Roland
Fréjus. Paris, 1682. Renou ajoute : (Réimpression de l'ouvrage n" (/3). On
trouve de plus, à la suite de cette édition la relation d'un inconnu (Charant), qui
a fait un séjour de vingt-cinq ans dans le pays, et une Lettre écrite en réponse à
diverses questions.
1. TE»!iAU\-Coiip/i.KS, Bibliolh'eque (isia- p. /|3i.
tique et africaine, Paris. i84i. 3. Emm.ien Renou. Description géogra-
2. Tableaude la situaliondes établissements plùque de l'empire du Maroc, Paris, 18^6,
JrançaisdansVAlgériecniSio.S.\^cT,i9iÂi, pp. i3A-435.
6qâ NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
N" 117. — Relation curieuse des étals du roi de Fez et de Maroc qui règne
aujourd'hui, avec une description des ports et places-fortes des Espagnols, des
Anglais, des Portugais et du roi de Maroc, aux côtes de Barbarie, in-12,
Paris, 1682.
VI. — Bibliographie Brlnet'.
(i86o-i865)
Relation d'un voyage en i66(j aux royaumes de Maroc et île Fez, fait par
Roland Fréjus pour rélahlissement du commerce dans toute l'étendue de ces deux
royaumes, avec une lettre en réponse à diverses questions sur la religion, mœurs et
coutumes (par C. Charans). — Ibidem, lOyo, pet. in-12. — Reproduit avec des
augmentations sous le titre de « Relation des Etats du roi de Fez et de Maroc
Pans, Clouzier, 1682, in-12.
VII. — Bibliographie Playfair -'.
(1892)
N° 293. 1682. « M. Le G. » — Relation curieuse des états du roi de Fez et de
Maroc qui règne aujourd'hui, avec une description des ports et places fortes des
Espagnols, des Anglais, des Portugais et du roi de Maroc, aux cotes de Barbarie,
par M. Le G. qui y a fait un séjour de vingt-cinq ans. Paris, 12 mo.
On remarque à premier examen que les titres de ces opuscules sont repro-
duits avec une très grande infidélité, les uns sont rajeunis, d'autres sont com-
mentés, d'autres s'enchevêtrent, et avec un pareil désordre, c'était une tâche
fort ardue d'identifier rigoureusement chacune des plaquettes.
L'erreur initiale semble avoir été commise par Leyden (i-()(|). Ce biblio-
graphe signale la relation de Roland Fréjus. édition de 1670 (plaquette B),
dont il donne le titre inexactement, puis il indique une autre édition de 1GS2
« an enlarged édition ». Il ne lait d'ailleurs aucune mention de la Lettre
escritte. Cette « enlarged édition » de 1(182 doit résulter d'une contusion faite
par Levden qui aura pris pour une réédition amplifiée de la Relation Fréjus
le récit d'un autre voyage au Maroc paru en 1682, et dont le titre, reproduit
ci-dessous, débute par les mots « Relation nouvelle... »
Relation nouvelle et particulière du voyage des RR. P.P. de la Mercy aux
royaumes de Fez cf- de Maroc paur la rédemption des captifs chrétiens négociée en
l'année 1681, avec Moulé Ismael, roy de Fez df- de Maroc... par L. Desmay.
A Paris chez la Veuve Gervais Clousier... M DC LXXXII.
I. Brunet, Manuel du libraire, t. M, liROV^x,.-{BililiographyoJ.MoroccodaiisIio)'al
p. i6og. Geographical Society . Supplementary Papers.
a. Lambert Playfair and Robert vol. 3, part. 3, London, 1892, p. 267.
RELATION DE THOMAS LE GE>'DRE 6f)5
Dans la bibliographie Guilbcrt, le litre de la Lettre escritte (plaquette C) est
donné assez exactement sous le numéro 46, et l'édition est bien indiquée
comme étant de 16-0. Mais ce bibliographe ne mentionne pas à cette date la
Relation Fréjus (plaquette B) qu'il fait paraître en 1682, et à laquelle il con-
sacre un article sous la numéro 53. 11 lorgc pour cet opuscule un titre compo-
site où l'on retrouve en partie le litre de Leyden, et en partie le titre réel de la
plaquette B ; le tout est suivi de la phrase « avec une description des Etats du
roi de Tafilete » qu'il est le premier à employer. L'adresse de l'imprimeur
a Paris, 1682, chez la veuve Clouzier » rend très vraisemblable la supposition
que Guilbert a dû commettre la même confusion que Leyden.
Quant au numéro 5i de la bijjliograpliie Guilbert, portant la date de 1682,
il se rapporte évidemment à la Lettre escritte (plaquette C), malgré son titre
fabriqué de pièces et de morceaux. La seconde partie de ce titre «... avec une
description des ports » analogue à la fin du numéro 53 parait être une glose
de Guilbert lui-même.
Les trois plaquettes A, B et C du Recueil factice sont cataloguées à leur vraie
date de 1670 par Ternaux-Compans sous les numéros 2i45, 2i46 et 2147,
mais avec des titres modernisés et abrégés. Dans la seconde partie du titre du
numéro 2[4C>, ce bibliographe a en outre reproduit par inadvertance le titre
du numéro 2145. Le n" 2147 présente cette particularité que, pour la pre-
mière fois, la Lettre escri^/e (plaquette C) est attribuée à A. Cbarrant'. Ter-
naux-Compans a évidemment tiré ce nom de l'édition anglaise de cette pla-
quette qu'il catalogue plus loin sous le n° 2197 et où le pseudo Charant est
donné par lui comme le traducteur de l'opuscule.
Quant au 2421, il est la copie exacte du n" 53 de Guilbert avec l'erreur « Rou-
zier » au lieu de « Clouzier ».
Il n'v a aucune remarque à faire sur la bibliographie dite du Gouvernement
Général de l'Algérie, qui ne mentionne pas l'édition de 1682 de la Relation
Fréjus.
Les erreurs de E. Renou sont tellement nombreuses et tellement manifestes
qu'il est superflu de les relever en détails. Sous le n" iiG, il catalogue deux
fois, sans s'en apercevoir, la plaquette C, à la date de 1682 et avec des titres
différents, puis, sous le n" 117, il l'indique une troisième fois, à cette même
date de 1G82, et avec un nouveau litre.
11 n'y a rien de particulier à signaler dans les articles que Brunet consacre
aux plaquettes en question et qui sont inspirés du n° 53 de Guilbert et des
n"* ()3 et I iti de Renou.
Enfin Playfair, le dernier bibliographe du Maroc, mentionne à son tour,
sous le n" 293, l'édition de 1G82 de la Lettre escritte, d'après le n° 5i de Guil-
bert et le n° 117 de Renou, formant ainsi un litre composite dont la graphie
moderne décèle la fabrication récente. Une particularité importante du n° 393
I. Sur l'origine de ce nom, V. infra, p. 697.
fif)fi NOTE BIBLTOr.RAPHinUE
de Plavl'air est la désignation de l'auteur de la Lettre eseritte par les initiales
Le G. Ce renseignement avait été puisé dans une référence donnée par l'abbé
Godard dans son Histoire du Maroc'.
Si l'on ajoute à l'exposé de tous les titres erronés qui ont été donnés à la
prétendue édition de 1OS2 ce fait qu'il est impossible de la découvrir dans
les bibliothèques, alors que l'édition de 1670 y est représentée par un ou
plusieurs exemplaires, on est en droit de conclure que la Lettre eseritte
n'a pas été rééditée en 1682. On a expliqué comment Leyden avait, par
suite d'une confusion, indiqué une réédition en idSa de la Relation Fréjus.
Par répercussion cette erreur a atteint la Lettre eseritte, qui était ordinairement
publiée avec cette Relation.
Il paraît dilllcile après celte étude analytique que les bibliographes ne passent
pas condamnation sur l'édition introuvable de 16S2. Il reste à obtenir d'eux le
même aveu en ce qui concerne le nom de A. Charant donné comme auteur de
la Lettre eseritte. Disons en commençant que ce personnage, qui aurait séjourné
au Maroc pendant vingt-cinq ans, n'est mentionné dans aucune relation, aucun
document, aucune correspondance de l'époque, et ajoutons que nous savons
avec la plus absolue certitude, comme il sera établi par ailleurs, que l'auteur
de la Lettre eseritte est un marchand de Rouen appelé Thomas Le Gendre.
Le nom de A. Charant ne se trouve imprimé que dans le titre d'une partie
des exemplaires de la traduction anglaise des plaquettes B et C, dont le titre
exact est reproduit ci-dessous :
The relation of a voyage made into Monritanin in Africk, By the sieur Roland
Frejus of Marseilles, by the French Kinrjs order in the year 1666, to Muley
Arxid, King of Tajiletta «Jt, For the establishment of a commerce in ail the kinçj-
dom of Fez, (Sj- ail his olher conquests. With a lelter in answer to divers curious
questions roncerning the religion, manners and ruatoms of his countreys, also their
trading to Tombutum for gold, tÇ- divers olher remarkable partieulnrs. By Mons.
A. Charant who lived 20 years in the kingdom of Sus and Morocco.
Englished ou/ of French. London, printed by W. Godhid and are to be sold by
Moses Pitt at the White Hnrt in little Britlain. lôyi-.
Chacune de ces deux pièces a une pagination séparée. Il n'existe qu'une
I. L. Godard, Description el histoire du distinct?. Une question reste à éclaircir:
Maroc. Paris, 1860, t. II, p. Si", note i. où Godard a-t-il découvert les initiales Le
Voici la référence telle qii'elle est donnée G. qu'il a fait connaître le premier? S'il
par Godard dans celle noie : Relation eu- avait consulté Bayle et Colomiés (V. injra.
rieuse des Etats du roi de Fe; et de Maroc p. 697 et note 5), il est plus que probable
par M. Le G. qui y a fait un séjour de vinijt- qu'il aurait donné le nom de Le Gendre.
cinq ans. Le titre est inexact. D'ailleurs 2. On remarquera que l'édition anglaise
Godard cite deux autres fois en référence de 1(171 ne contient pas la plaquette A; ce
(t. II, p. ^83, note I et p. ^92, note i) la qui se comprend puisque celle-ci est la tra-
plaquette C avec des titres différents, sem- duction française d'un ouvrage anglais pré-
blant croire à l'existence de trois ouvrages cédemmcnt paru. V. supra, p. 6f)i, note 3
REI. VTION- nK TMDM \S I.E r.F,NnHE
seule édition de cette traduction anglaise. Mais, tandis que certains exemplaires
portent la mention By Mons. A. ChnrnnI, d'autres la remplacent par By Mons.
A ****. Ces indications proviennent à notre avis d'une erreur de lecture ou
d'une coquille de l'imprimeur anglais. Le traducteur aura jugé bon d'allonger
la mention : Par Monsieur **** qui a demeuré 20. ans dans la Mauritanie et de
lui substituer celle-ci : By Mons. ****, a marchant who lived 20 years in the
kingdom 0/ Sus and Morocco. Les mots a marchant, par suite d'une interver-
sion de caractères, auront donné A. Charanl. Puis, en cours d'impression, il se
sera aperçu de l'erreur et aura remplacé Mons. A. Charant par Mons. A****.
Toutelbis les feuilles déjà tirées auront été utilisées telles quelles '. On a vu
comment de l'édition anglaise ce nom était venu dans les bibliographies fran-
çaises. .Vujourd'hui l'édition française est couramment attribuée à ce per-
sonnage fictif et c'est à son nom que la Lettre escritte est mentionnée dans les
catalogues des bibliothèques'.
Il appartient à la critique de restituer cette plaquette à son véritable auteur.
Celui-ci n'est autre que Thomas Le (iendre qui appartenait à une famille de
riches armateurs de Rouen en relations suivies avec le Maroc ■'. Ce nom est
donné de la manière la plus explicite par Colomiès ' f[ui, dans un article sur
Golius (van Gool), cite presque litt( ralemcnt un passage de la Lettre escritte
relatif à cet orientaliste hollandais venu au Maroc avec Albert Ruyl en 162a-
162A. Puis il ajoute : « Je dois toutes ces particularitez à la Relation de feu °
M. Le Gendre, marchand de Rouen, qui se trouva alors au Maroc. M. Brioten
garde une copie qu'il me fit la faveur de me communiquer à Paris. »
D'autre part, l'auteur de la Lettre escritte, rappelant un voyage aller et retour
qu'il a fait de Saû à Merrakech, écrit : v J'ay esté à Maroc par cafde '^ et j'en
revins avec un marabout " ». Or, dans le journal d'Albert Ruyl, on lit à la
date du 6 février 1624 : « Le sieur Thomas Le Gendre est arrive de Safi, venant
de Merrakech, sous la simple escorte d'un marabout nommé Sidi el Hayts* ».
Cette mention qui vient corroborer l'attribution de la Lettre escritte à Le
Gendre permet en outre de préciser lequel des membres de celte famille est
l'auteur de la susdite relation.
Quant à la date de rédaction de celle-ci, elle est nettement délerminéi' par ce
I. Le fait (le la suppression du nom de cité par Iîati.k, Dictionnaire ltislori<iue, ar-
« A. Charant » dans une partie des exem- licle : Golius.
plaircs de la traduction anglaise constitue 5. Colomiès, qui écrivait en 1G75 ses
une sorte de désaveu. Mclantjes txisloriqiies, commet une erreur,
:!. Notamment dans le Catnlorjne cjénéral car Thomas Le Gendre ne mourut qu'en
(les livres imprimés de la Bibliothèque ,^'^Ui,^- ifi82. V. Introduction, notice biographi-
nale. Paris, 1897 et ss. t"'--
3. Sur les Le Gendre, ^ . Introduction, •>■ Ciifile, caravane, de t'aralie calla Z^.
notice biographique. 7. V. infra, p. 718.
!i. PavlColom\ès, Mélanges historiques. S. V. i" série, Pays-Bas, t. 111, Joiirmi
(Jrangc, 1675, pp. 73 etss. Ce passage est tle .1. Ruyl. à la date du (i février 162^.
6g8 NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
passage où Thomas Legondre écrit : « Monsieur le chevalier Cholnielev ' , pre-
mier escuver de la reyne d'Angleterre, ingénieur à Tanger et qui y est
retourné, me dit dernièrement... ». Ces mots indiquent que le retour de
Cholmley à Tanger était tout récent au moment où l'auteur mettait par écrit
ses souvenirs. Or Cholmley, qui était revenu en Angleterre en janvier i6(M,
repartit pour Tanger à la fin de janvier i665-.
On sait en outre par une note marginale de l'éditeur que l'ouvrage fut écrit
avant 16G6, date de la fuite à Alger du cheikh Ghadan'.
Thomas Le Gendre, d'après plusieurs passages de son récit*, semble n'avoir
séjourné au Maroc que de 1618 à 1625, et c'est sans doute l'éditeur qui, pour
faire une réclamé à l'opuscule, étant d'ailleurs couvert par l'anonvmie de l'au-
teur, aura donné ce dernier comme ayant « demeuré 25. ans dans la Mauri-
tanie ». D'ailleurs Thomas Le Gendre ne dut pas perdre de vue les alTaires du
Maroc, où son frère Jean-Baptiste ' fit depuis plusieurs séjours et où la maison
de commerce de la famille avait d'importants intérêts.
La forme épistolaire donnée à la plaquette ne parait pas conventionnelle ; elle
correspond à une réalité. Il ressort de plusieurs passages^ que l'auteur a bien été
sollicité d'écrire sa Lettre pour répondre à plusieurs questions qui lui étaient
posées par une personne ne connaissant pas le Maroc, mais ayant des motifs de
se documenter sur ce pays. Comme cette époque est celle où se fonde la Com-
pagnie d'Albouzème ", il est permis de supposer que la Lettre de Thomas Le
Gendre était destinée à l'un des « intéressés » de cette société.
1. Sir Hugh Cliolmlev, ingénieur anglais, date de l'envoi du caïd Ammar au Maroc
dirigea do i665 à lôliS la rofcction des for- (V. infra. p. 708 et note i) ; en iliicj (^ .
tifications de Tanger ainsi que la construc- infra, p. 7.3g) ; en 1622 (V. infra, p. 781 ;)
tion du môle. le 6 février 162^ (V. supra, p. 697) ; en
2. Cf. i"Hérie, Angleterre, Mémoires de octobre 1624, date de l'arrivée du chevalier
Chulmley. à la date de 167 1. de Razilly à Sali (V. infra, pp. 72^ et 732).
3. Sur ce cheikh, V. supra, pp. 58 1 et ss. Thomas Le Gendre dut quitter le Maroc un
Pour la note marginale de l'éditeur, V. an après le départ de Razilly (V. in /Va. p.
infra, p. 702, note 3. 734). c'est-à-dire vers novembre 1G2.5 (Cf.
'a. L'auteur dit lui-même que son séjour supra, p. i3o, note i).
au Maroc se place tout entier sous le règne 5- ^ • supra. Doc. CI, p. 588, note 3.
de Moulay Zidàn (V. infra. p. 708) et que 6. V. in/ra.pp. 699, 71^, 716, 717, 718.
ce séjour dura sept ans (V. infra, p. 71^). 7. Sur cette compagnie, V. 2 Série.
On constate sa présence au Maroc en 1618, France, années iB64 et suivants.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE 6()r)
CXXIX
RELATION DE THOMAS LE GENDRE'
iG65.
Lettre escritte en response de diverses questions curieuses sur
les parties de 1 AlTrique où règne aujourd'huy Muley Arxid\ roy
de Tafilete.
Monsieur,
Il faut confesser qu il y a grand contentement à vous faire plai-
sir, puisque pour un rien vous faites des remerciemens les plus
obligeans du monde. Je vous asseure, Monsieur, que je suis tout
disposé à vous rendre tous les services dont je pourray estre
capable ; & pour commencer, je m'en vay tascher de vous satis-
faire sur les choses que vous me demandez, en vous asseurant au-
paravant que je vous diray les choses comme je les sçay en vérité,
ou comme je les ay entendues de gens sincères & ausquels j ay cru
qu'il falloit ajouter foy.
La partie d'AITrique qui est depuis le détroit de Gibraltar jusques
au Cap Blanc, dans la mer Occane, est une coste qu'on appelle vul-
gairement, iS; par mauvais usage, Barbarie, mais qui ne l'est pas
pourtant, car la vrayc Barbarie est dans la luer Méditerranée, &
c'est la coste qui commence à Tripoly et qui vient à Tunis, à
Alger & jusques au Détroit. Mais cette coste-là qui vient dans la
1. Sur l'attribution de cotlf relation à 3. Muley Arxid. Moulay cr-Rechid,
Thomas Le Gendre, V. supra. Note biblio- second souverain de la dynastie filalicnne.
praphique, p. 697. V. supra. Introduction critique, pp. 58i-
■i. Sur cette date, V. supra. Note biblio- 583, et 2' Série, l'Vance, t. I, entre les
graphique, pp. 697-698. aimées i6f>i et 167a.
700
iBfir
mer Oceane depuis le Déiroil jusquesau Cap Blanc, est verilable-
menl la coste de Mauritanie, >.^: se doit appeller ainsi, estant le pais
des Mores.
Cette coste & pais de Mauritanie contient trois royaumes, Fez,
Maroc (k Sus.
Ce royaume de Fez a une ville capitale qui s'appelle Fez, & pour
ports de mer. Toutouan, qui est un peu dans le Détroit, Tanger,
Arquile', Seuta, L'Arrache, La Mamorra", Salé & Tudelle^
Tanger est aujourd'huy aux Anglois ' ; Seuta, La Mainorra ik
L'Arrache sont au roy d'Espagne, & les autres places restent aux
Mores. La Mamorre est seure & capable d'assez grands navires,
bien que le roy d'Espagne ne s'en serve pas pour le négoce.
Le royaume de Maroc a pour ville principale celle de ce nom de
Marocques, ^k pour ports de mer: Vzamor. Masagan. La Houladilla°
& SalTy.
Masagan est au roy de Portugal, le surplus aux Mores.
Le royaume de Sus a plusieurs villes dans ses terres, ce que les
autres n'ont point, 1 un n'ayant ([uc Fez & l'autre que Marocq, à
trente ou quarante lieues dans les terres ; mais cettuy-cy a la ville
principale, à sçavoir Therudent, »k en outre Tagausl', OulTrey' et
Illecq*, & pour ports de mer: Mongador'', Sainte-Croix >k Messa.
1. Arquile. Arzila.
2. On lit en note : « La Mamorra. qui
appartient au rov d'Espagne, est scituée à
l'embouchure du fleuve Seubu, Cebu on
Subo, le plus grand de toute la Mauritanie.
11 Y avoit quinze ou seize cens hommes de
garnison espagnole en iti63, que monsieur
de Razilly fut par ordre du Roy en cette
coste». — La date de i663 est manifeste-
ment erronée. On sait que le dernier
voyage d'Isaac de Razilly au Maroc eut
lieu en i63i. Le Gendre veut faire allusion
à la campagne de 1629 dans laquelle Razilly
avait pris El-Mamora pour base d'épuration
contre Salé. V. supra. Doc. XXXI, pp.
206-255.
3. Tudelle, faute d'impression pour
Fudelle, transcription de Fedala.
4. La ville de Tanger avait été cédée par
le Portugal à r.\ngleterre, le 21 mai 1602,
comme dot de l'infante Catherine de
Bragance mariée au roi Charles II.
5. La Hoaladilla, El-Oualidya. Sur celte
ville, V. p. 55.
6. Sur la ville de Tagaoust, V. z" Série,
France, t. II, p. 271 et note 1 .
7. Oujjrey, El-Oufran.
8. niecq, Iligh.
9. Le port de Mogador par lequel
s'évacuent encore aujourd'hui les produits
du Sous fait géographiquement partie du
royaume de Merrakecb, mais il se peut
qu'il ait élé momentanément sous la domi-
nation du marabout du Sous. On se rappelle
que la ville actuelle de Mogador est de
construction récente, ayant été fondée en
1760 par le chérif Sidi Mohammed ben
Abdallah ( 1 707-1 790) pour détruire le com-
merce du port d'Agadir. V. 2' Série,
France, 1760-1770, passim.
KELATION nF THOAt\S IK C.KNnnE "JOI
Les Mores appellent toutes ces places des mesmes noms
cy-dessus, excepté SalTv. quils appellent AçalTy, & Sainte-Croix,
qu'ils appellent Agader.
Ces trois royaumes avoient anciennement oluK-nn leur roy : \ il
y en avoil deux, sçavoir celii\ de Fe/, dont je ne sçay le nom, \
celuy de Maroc, ^louley Ilamet ', en la hataille qu'ils gagnèrent
contre le roy de Portugal. Dom Sebastien, vers les parties de
Seuta >S; L'Arrache, environ en lôqo^.
Ces rois ont régné, tant qu'ils ont eu la vertu de dompter les
gens de la campagne, qui sont Arabes ou Alarbes qui tiennent la
campagne. & qui sont divisez & séparez par races ^, le chef ou l'an-
cien de la race estant le commandant, & a pour qualité le nom de
cheq ou capitaine, & habitent sous des tentes et par adouars, un
adouar estant un assemblage de quarante ou cinquante tentes en
un rond, leurs troupeaux estant au milieu : & une race aura trente
ou quarante, mesme cinquante adonars. plus ou moins, selon que
la race est nombreuse.
Ces rois estoient obligez de sortir souvent en campagne avec
armée, s'ils vouloient estre payez de la garama ou de la taille à
laquelle chaque race étoit imposée : et encore cestoit avec bien de
la peine quils se faisoient payer, parce que ces Alarbes plioyent
bagage et se retiroient en une autre contrée, »S: mesme resistoient
selon leurs forces, telle race estant venue à mettre jusques à dix ou
quinze mille chevaux sur pied : ik plusic^urs races s étant jointes
ensemble en sont venues aux armes oll'ensives et aux attaques,
principalement vers Fez & Sus. où depuis plus de cinquante ans il
n'y a plus eu de rois', ces royaumes estant possédez par des chefs
I. I^'aiih'ur fait une confusion, A l'épo- le sens de tribus,
que dont il veut parler, le Maroc tout entier, 4. La relation ayant été écrite en i665
V compris le Sous, avait à peu près reconnu (V. supra, INote bibliographique, pp. 697-
l'autoritc de Moulay Abd el-Malek. Ce 698), l'époque à laquelle se reporte l'auteur
chérir marcha avecson frère MouIayAhme.l doit être quelque peu antérieure à l'année
contre l'armée portugaise. if)r.'5.0nsera]ipellequeMoulayech-Chcikh,
3. La bataille eut lieu près du conMuent (pi'on pouvait regarder commelc souverain
de l'oued el-Mckhàzen et de l'oned Louk- du royaume de l'ez, avait été assassiné le 2 1
kos, à i5 kilomètres à l'ouest de El-Ksar août lOiS et que son llls Moulay Abdallah
el-Kebir, le 4 août 1678. Cf. /" Série, no parvintjamais à établir son autorité
France, t. l, pp. 393-676. dans les états de son père. Le pays et sa tur-
3. riaces. L'auteur emploie ce mot avec hulenle capitale restèrent livrés à l'anarchie
■^03 i665
de races d'Alarbes qui ont souvent eu demeslé avec les Mores des
ports de mer'.
Et présentement ce royaume de Fez est subjugué par plusieurs
chefs de race dAIarbes, &i notamment par Glieq Benbouquer^ &:
par Cheq Gaillan ' . Celuy-là se tient vers les parties de Mamora,
Salé & Tudelle ou Tedala : & celuy-cy se tient vers les parties de
Toutouan, Tanger et Arquile, dont il a fait son château.
Les Mores de Salé, estant fortifiez des Morisques qui furent
chassez d'Espagne en l'année i56o ' & qui se retirèrent le long de la
mesme coste de Mauritanie, surtout à Salé, en grand nombre, tant
Andalouz. Granadins, quellornateheros", s'érigèrent enRepublique.
ou en Divan ou Conseil, les Mores demeurant dans la grande
ville, qu'on appelle le \ieux-Salé, les Morisques dans la nouvelle
ville, qu'on appelle AravaP, les uns & les autres ayant garnison
dans le Chasteau entre les deux villes : & ainsi unis en Divan, &
instruits à la piraterie par les mesmes Morisques. irritez d'avoir
esté cruellement chassez de leur pais d'Espagne, ont fait pendant
trente ou quarante années de grandes pirateries, ayant mis hors
jusques à vingt ou trente vaisseaux de corsaires. Mais cela a cessé
depuis la mésintelligence & la guerre qu'ils ont eue depuis trois ou
quatre ans avec le mesme cheq Ben Souquer, le fils duquel ayant
surpris le Chasteau, les deux villes l'ont tenu assiégé ou bloqué
depuis deux ou trois ans ; & finalement, on a nouvelles depuis
deux mois qu'ils se sont accordez & qu'ils ont fait paix, en sorte
qu'il pourroit bien arriver que les mesmes Morisques et Mores
et ne reconnurent entre temps que deux Salé, où Muley Arxid le lenoitassigé, il se
chefs, Sidi El-.\yachi et Sidi Mohammed réfugia à .\rger, où il équipa une petite
el Hadj ed-DHaï. Quant à la région du frégate qu'il commande encore à présent.
Sous les marabouts Yahia ben Abdallah et qui &fait toute sa subsistance. » Le cheikh
Ali bon Mohammed ben .Vhmed ben .Moussa Ghaïlan se réfugia à ,\lger en 1O66.
s'y disputaient le pouvoir. V. supra. Intro- Z|. Il y eut plusieurs expulsions des
duction critique, p. 578, note 3. Moriscos d'Espagne, dont une en l56o;
1. Allusion aux démêlés de Sidi El- mais celle qui donna naissance à la répu-
Ayachi et de Sidi Mohammed el-Hadj avec blique de pirates de Salé eut lieu en 1610.
les Moriscos de Salé. 5. Hornateheros pour : Hornalcheros,
2. Surcepersonnage, V. p. 5-7 et note 4. Hornacheros. V. supra. Introduction cri-
3. On lit en marge : « Depuis ces lettres tique, pp. 187-198.
écrites, le cheq Gaylan s'estant sauvé de 6. Araval, Rbal.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE ~o3
recommenceroient leurs pirateries, ce qui seroit fâcheux. Voilà leur
estât présent'.
Pour ce qui est du costé de Toutouan iS; Tanger, on sçait comme
clieq Gaillan, ou cidy Gaillan, car quelquefois on l'appelle choq,
qui est capitaine, & quelquefois cidy, qui est autant que monsieur,
est souvent aux mains avec les Anglois de Tanger \ & et qu il en a
surpris & défait quatre ou cinq cens, avec le Gouverneur à leur
teste, qui fut tué dans le combat'.
Revenant au royaume de Maroc, le roy Mouley Hamet, après le
gain de la bataille contre Dom Sebastien, roi de Portugal, s'en
retourna en sa ville de Maroc, où il régna jusques à l'année 1606 ',
en grande paix & tranquillité, ayant réduit les Alarbes à luy
apporter leur garama ou taille dans Maroc ; & en ce temps-là, les
marchands chrestiens, françois, anglois, hullandois ik espagnols,
qui demeuroicnt dans la mismc ville en assez bon nombre, y fai-
soient bon négoce.
Mais après la mort du mesmc Mouley Hamot, les aflaires se
brouillèrent grandement : plusieurs de ses parens pretendans le
royaume se firent la guene, tui sorte qu'en six semaines de temps,
on vit trois rois dans Maroc, l'un chassant l'autre, à sçavoir Mouley
Yacob el-Mansor% Mouley Boliesson & Mouley Bouffers". Après
1. Sur les relations des Moriscos de Salé de Tcviot qui commandait la place (V.
avec les marabouts de la Zaouïa de Dila, iiij'ra, p. 787, note 3), était sorti avec sa
V. Introduction critique, pp. 579-080. — troupe qu'il avait divisée t-n trois détache-
En mars 1IJ60, Mohammed el-lladj, qui monts. Celui avec lequel il marchait et qui
s'était mis en campagne contre le cheikh comptait 5oo hommes, attiré dans une
Ghaïlan, fut complètement battu sur les embuscade, fut attaqué par un parti de
bords de l'oued Sbou. .\. la suite de cet cavaliers et de fantassins au nombre de
échec, les .\ndalous et les Ilornacberos de plusieurs milliers. Toute la troupe fut
Salé se déclarèrent pour le vainqueur et massacrée avec son chef et neuf hommes
allèrent mettre le siège devant la Kasba où .seulement réussirent à s'échapper. V.
tenait .\bdallah ben Mohammed el-lladj. i''' Série. Angleterre, Lettre de Sir Tobias
Cf. I" Série. Espagne, Mémoire de Fr. Bridge à Charles II. msx 1664.
Julian Pastor, 1G61. 4. Moulav .\hmcd rî-.Unnsour mourut le
2. Sur les attaques incessantes du cheikh 2/j aoiU iCo3.
Ghaïlan contre la garnison anglaise de 5. Mouler Y'ucob el-Mansor. Il n'y eut
Tanger, V. s' Série, France, Angleterre, pas de prétendants de ce nom après la
Espagne et Portugal entre les dates 1662 mort de Moulay Ahmed el-Mansour. L'au-
et 1666. teur veut désigner Moulav .Vbdallah ben
3. Ce combat eut lieu le 13 mai i664, ech-Chcikh.
i deux milles environ de Tanger. Le comte (i. Sur les luttes des prétendants autour
■yoA i665
lesquels il on vint un autre nommé Mouley Zidant, lequel s'étant
emparé de la mesme ville & du royaume, y a régné jusques à sa
mort, arrivée environ en i63o' ; & pendant son règne il a eu beau-
coup de peine à réduire les Alarbes de la campagne, & souvent
n'étoit pas le plus fort, et fut une fois contraint par un Cidy Haia "
de fuir de Maroc à Saffy, & mesme de s'embarquer & se retirer
ailleurs. Mais enfin, estant revenu à Maroc, il acheva d'y régner
assez doucement jusques à sa mort, qui fut, comme j'ay dit, envi-
ron en i63o.
Après luy, Mouley Abdemelecq, son fils aîné, fut roy ; mais il
ne régna que trois ou quatre ans. Il estoit fort cruel & hay d'un
chacun, en sorte qu'un de ses elches ou reniés, surnommé Chaban,
renégat françols, le tua dans sa tente à la campagne, dun coup de
mousqueton, comme il estoit couché et outré de boisson, à laquelle
il estoit fort adonné \
Après luy régna son frère Mouley el-AA'aly\ qui estoit blanc, sorty
d'une morisque espagnolle. Il estoit fort affable & aymé, & ne
régna pourtant que dix ou douze ans.
Après luy a régné son jeune frère Mouley Hamet Cheq'', lequel
s'estant plus arresté dans son serrail avec ses femmes qu'à faire la
guerre aux Alarbes de la campagne, une race des mêmes Alarbes,
& la plus grande qu'il y ait, appellée la race ou la casta des Chiba-
nettes", s'est cslevée contre luy, s'est emparée de Maroc & de
la belle maison ou serrail appellée le Bedhé ', & y a assassiné le
mesme roy Muley Hamet Cheq', dernier fils du mesme Muley
de Merrakecli et dans la ville elle-même de Gendre. Il faut restituer ici : MoulayMoham-
1606 à 1608, V. /« Série, Pays-lias, t. I, med ech-Cheikh el-Aseijhir qui régna du
à ces dates, passim. 22 février i636 au 3i janvier i655.
1. Moulav Zidàn mourut le 21 septem- 6. La casta des Chibanelles, la tribu des
bre 1627. _ -
2. Sidi Yahia ben Abdallah ben Said. Chebinn iiL.111.
Sur ce personnage, \. /" Série, France, t. „, „ ,. 1,
jr ^o . ! c ■ -j. Le Bedhé. El-Bedi n.,jJ\.
n, p. 070, notes etsupra, p. 20, sommaire. ' (^ •
3. Sur la mort de .Moulay .\bd el-Malek 8. Muley Hamet Cheq. .\Ioulay Ahmed
qui eut lieu le 10 mars i63i, cf. supra, p. surnommé El-Abbas. Le Gendre commet
389, note I. une erreur en regardant ce chérif comme
4. Mouley el-Waly, Moulay el-Oualid le k dernier fils du mesme Muley Zidant ».
(it mars i63i-2i février i63G) Ce prince était fils de Moulay Mohammed
5. Mouley Hamet CUcq. Erreur de Le ech-Cheik el-Aseghir et par conséquent
RELATION DE THOMAS I.E CENDUE "TOS
Zidant. Et le chef de la mesmo race des Chibanettes, nommé Crom-
melliaich', sVst emparé de la royauté depuis deux ou trois ans
seulement ; & c'est luy qui roi,>-ne aujourd'Iuiy " dans Maroc, en
qualité de tyran ; >Sc il s'est enq)aré aussi du port de La llouladilla,
& a bloqué SalFy, mais n'a pu s'en emparer jusques à présent ; au
moins on n'a pas encore de nouvelles qu'il s'en soit rendu maistre.
Voilà 1 estai présent de ce royaume de Maroc.
Celuy de Sus n'est pas moins en desordre : car depuis quarante
ou cinquante ans qu'il n'y a point eu de roy dans Therudent, c'a
esté une continuelle guerre civile. Neantmoins. im pritu'e du
mesme pais, nonuné Cidy Ally ', ayant eu le dessus, a gouverné ce
païs-là pins de trente années, faisant sa résidence à lUecq, cV n'est
mort que depuis huit ou dix ans'. Il a laissé vingt-deux hls &
quelques frères, qui se font la guerre, chacun s'emparant de
quelque place, l'un à Therudent, l'autre à OufTrey, l'autre à Ta-
gaust, l'autre à Illecq ; et l'un des frères du delTunt s'est emparé
du chasteau d'Agader ou de Sainte-Croix, & les autres batleni la
campagne. C'est là Testât présent de ce royaume de Sus.
Quant à ce qu'on désire sçavoir, s'il y a des consids l'rançois en
ce païs-là, jamais ces rois-là n'y en ont voulu permettre ' ; (k
jusques à présent il n'y en a point dans ces royaumes de Maroc &
de Sus ; & pour ce qui est du royaume de Fez, il en a esté estably
seulement à Salé «k à Toutouan, depuis que Salé a esté érigé en
République ou en Divan ; & à la faveur de Salé, Toutouan en a
aussi receu un", les Alarbes, cheq (iaillan & cheq Ben BoM(|ucr
ne s'y estans pas opposez.
petit-fils de Moulav Zi<IAii. 11 n'giia du i"'" bon Moussa. V. supru. [i. 578, iioto 3.
février i655 au a.'i novemlire il')."»). l'i Sidi .\li bcii Moliamined mourut en
1. Cromrnelhairh. Keroum cl-ll.adj, sur- l'année de l'Iiégin; 1070 (iiS sept. iti.5u
nom donné par le penphî au prétendant — 6 sept. 1660).
Abd el-Kerim ben .Vbou Bekcr de la tribu 5. Il suffit de rappeler les nnms de (îuil-
des Cliebina, fraction des llarir. Ei.-ÛiJ- launie Bérard, Ârnoult de Liste, Picler
FRÀM, pp. 476, '477. Le peuple lui prêta iMartens Coj, etc. pour convaincre Le
serment le 2/1 novembre i('),5q.Dei. Puiîrto, Gendre d'inexactitude. L'auteur veut sans
p. f)i'|. doute parler île l'époque (pii suivit l'all'aire
2. .\bd el-Kerim resta dix ans « fii-re- Castelane.
ment assis sur le trône de Merrakech » 6. .\llusion aux consuls .\ndré et Henry
(iCrKj-1668). Eu-Oli-ràni, p. 477. Prat (V. Hoc. XXXIV, p. 278 et CXXI,
3. Sidi Ali bon Mobamnied ben .'Vbmed p. (ii'iS) qui furent successivement titulaires
De Casïhii;s. 111. — 'i5
7o6 i665
Ce n'est pas pourtant que plusieurs François ne se soient pré-
sentez au roy de Maroc, iMouley Zidant. pour exercer cette charge
en son païs : entr'autres un nommé Daumas' en i6i~. & un
nommé Fabre" en 1619, eV un nommé Mazet^ en 1622, tous Pro-
vençaux. Mais le roy Mouley Zidant les rebuta très-fort, & fit
mesme maltraiter ce dernier nommé Mazet. Sa raison estoit qu'il
ne vouloit point permettre ny soullVir dans son royaume qu'aucun
exigeast ou levast des droits que luy ; & c'est ce qu'il déclara
encore à monsieur de Razilly en 1628*, & ce que ses successeurs,
Mouley Abdemelec & Mouley el-A\aly déclarèrent aussi à monsieur
Du Ghalard. Ainsi il n'y a jamais eu de consuls, de quelque nation
que ce soit, establis au royaume de Maroc ; & jamais aucun ne s'est
présenté au royaume de Sus pour pareil sujet, sçachant bien qu'il y
auroit encore moins à espérer en ce royaume-là qu'en celuy de Maroc '^ .
Les guerres & desordres de ces païs-là sont causes que l'on y va
très-peu à présent. Quelques barques ou tartanes vont de Provence
négocier à Toutouan & à Salé, où il y a peu ou point de mar-
chands françois. A La llouladilla" et à SalTy, il n'y a aucun mar-
chand françois y demeurant : s'il y va (juelque vaisseau, c'est
du consulat de Salé et Tétouan de 1629 à (V. /"■« Série, l'ays-Bas, t. III, aux années
1682. Ils paraissent avoir résidé à Salé de ci-dessus).
1O43 à 1O/18, mais ils se firent ordinal- 3. Sur ce personnage, \ . suprn, pp. 2'i'i,
rement remplacer par des vice-consuls 2^3, 268, 3i8 et noie 3, 369-37G. 442,
nommés par eux, comme Gaspard de Ras- 443-5 1 1.
tin (V. siipra. p. 584 note 1 et p. 5go 4. Date inexacte, pour 1624. V. infra.
notes 4 et G), Pierre Citrany (V. infra, p. 724 et note 3.
p. G74 note 1), Parasol (\'. infra, p. 678 5. Le marabout du Sous Sidi .\Ii ben
note i), etc. Moliammed, contrairement à l'assertion de
1 . Daumas, c'est-à-dire : Claude Du Mas. Le Gendre, se montra très accueillant pour
Sur ce personnage, \. supra, pp. 5i, 54-55 les commerçants européens, à ce point que
et loi, note 4. le Chérif en prit ombrage et fit inscrire
2. Le provençal Jacques Fabre, dont le dansle traité de i63i une clause interdisant
nom ne s'est pas rencontré jusqu'ici, ne aux négociants français de trafiquer avec
paraît pas avoir exercé la charge de consul le Sous. \ . supra. Doc. LV, p. 4i4' Il J
au Maroc. Il devait résider à Merrakecb eut même en i63i un agent français que
pour son trafic et sans caractère officiel. Mazet établit à Sainte-Croix (.\gadir) sous
Moulay Zidàn l'envoya en mission aux le nom de « corresiiondant n. V. supra,
Pays-Bas en 1619 et il en revint avec le Doc. LXI, p. 434.
peintre hollandais Juslus Stuling. La pré- 6. Lu HouladiUa. El-Oualidia, la ville
sence de Jacques Fabre au Maroc est cons- bàlie par Moulay el-Oualid. \. supra,
talée en 1O19. 1620, if)22, i()23 et 1I124. p- 55, Sommaire.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE 'JO7
pour traiter à bord, comme l'on dil. la picque à la main : & de
mesme à Mongador et Sainte-Croix, auquel lieu de Sainte-Croix il
y a pourtant une maison de François, mais seuU-.
Je n'ay point esté à Cornet', mais j'ay appris (|ue le tombeau que
les Mores disent estre de saint Augustin, qu ils appellent Cidy
Belabecb, est en raze campagne, eslevé seulement de trois ou
quatre pieds. Mais je sçay de certain quils n'y vont point en pèle-
rinage, ny à aucuns de leurs prétendus saints, ne faisant cet hon-
neur qu'à leur Cidy Mahamet, à cause qu'ils prétendent que c'est
luy qui est le Saint et le Prophète que Dieu leur a envoyé pour
apporter la Loy. lV en faisant signes et miracles.
Il y a beaucoup d'or dans les trois royaumes de la Mauritanie,
mais ce n'est pas de leur cru ; cet or y a esté apporté de Cago,
qui est un royaume scitué au haut païs de la Guinée' ; & on dit
que la source du fleuve Niger, qui compose les deux rivières
qu'on appelle du Sénégal de Gambie, passe par ce royaume-là de
Gago. dont la ville capitale s'appelle Tambouctou. C'est donc
de là d'oîi l'or est apporté en Mauritanie, & d'où on le porte
aussi à la coste de Guinée : >k je ne sçay si ce sont les nègres
de Guinée qui le vont quérir en ce païs-là de Gago, ou si ce sont
les Mores de Gago qui l'y portent, mais je croyrois plustost le
premier (jue le dernier : car, quant à l'or qui vient de ces païs-là
dans la Mauritanie, je suis très-asseuré que ce ne sont point
ceux de Gago qui l'apportent, mais que ce sont les Mores de Mau-
ritanie, nolaminenl ceux de Maroc et de Sus qui 1 y vont quérir.
Car (piand les rois de Maroc \ les princes de Sus ont esté pai-
sibles dans leur pays, et curieux d'\ faire lleurii- le commerce,
ils ont envoyé annuellement, ou au moins de trois ans en trois
ans, des caiîlles à Tambouctou, principale ville du royaume de
I. Gitmcl, Aghnial. CVst an sud de celte porte son nom. Sur l:i légcnilc id^'ntiliani
ville, à Tinmal, que sont enterrés les émirs S' Augustin à SiJi Bel Abbis, \ . sujinj,
almohades appelés pour cette raison « les p. 2i3, note It.
saints d'Aghmat >i (EL-Oui KÀNr, pp. 3o4- 2. I-,e royaume do Gago (Kaglio, aujour-
2o5). Leurs mausolées, contrairement à d'hui : Gao) avait, au temps de Moulay
l'opinion de Le Gendre, sont un lieu de .\limed rl-Mansour. reconnu la suzeraineté
pilorinage Sidi Bel Abbés cs-Sebli (Cidy du .Maroc. — Sur l'or que les caravanes rap-
Uelabecb) n'est pas enterré à Agbniat, portaient du Soudan, V. supra, p. /129 et
mais à Mi-iralvc-'cii dans la mosquée qui /''•' Série, France-, t. II, p. ^5y et note 2.
7o8 i665
Gago. Mouley Hamet et Mouley Zidant entr'autres y en envoyoient
souvent ; el du lenips que j'estois en res jiaïs-là, jNIouley Zidant y
envoya pour la seconde l'ois un de ses principaux alcaydes, nommé
l'alcayde Hamar', qui avoit un esclave François, des Sables d'Ol-
lonne, nommé Paul Imbert'^, lequel nous laisoit souvent récit de
son voyage de Tambouctou, comme dun voyage de grande fatigue
& de grande conséquence.
La cafille, qui est ce quon appelle en Turquie et au Levant :
caravane, est(3it en effet nombreuse en hommes, en chevaux & en
chameaux. Le chemin de Maroc à Tambouctou est du moins de
quatre cens lieues, sçavoir environ cent lieues jusques au désert,
ou à la mer de sable, qui contient deux cens lieues, tk environ cent
lieues depuis la mer de sable jusques à Tambouctou.
On appelle ce désert mer de sable, parce qu'on n'y voit rien
que lOrizon ; & pour en bien faire la routte, on se gouverne par les
remarques du lever & du coucher du soleil, ou par la considération
des estoilles, ou par la boussole ou cadren, y ayant toujours dans
la cafdle quel([u un qui le connoist, comme estoit ce captif Paul
Imbert', qui estoit navigateur & qui estoit aymé »Si chery de son
maistre l'alcayde Hamar. eunuque blanc, de nation portugaise,
fort bon & honneste homme. La routte est au reste aisée à tenir,
car de Maroc à Tambouctou elle est droit au sud ou au midy. Ce
voyage ne se fait que de nuit, & à petites journées par conséquent,
à cause des grandes chaleurs du jour, qui obligent de se retirer
sous des tentes une heure ou deux après le soleil levé, jusques à
une heure ou deux avant le soleil couché.
Il faut, pour passer cette mer de sable, porter toutes les provi-
sions nécessaires pour le manger tk le boire des hommes et des
bestes ; mais comme les uns & les autres sont fort sobres, & no-
I. Le jeune pacha Amraar fut envoyé 2. Sur Paul Imbert, V. supra, p. 168,
au Soudan en 16 18 par Moulay Zidàn pour notes i et 2. Ce fut en 16 18 qu'il accomplit
remplacer le pacha Ali ben Abdallah el- ce voyage à Tombouctou (\ . note précé-
Tlemsani qui avait été déposé le i3 mars dente). Il est le premier Européen qui ait
1617. Ammar fit son entrée à Tombouctou visité cette ville et en soit revenu. Paul
le 28 mars 1618, il reçut les hommages Imbert était encore captif à Merrakech en
des notables et repartit pour Merrakech en i63o. V. supra. Doc. XLIII, p. 32^.
mai-juin 1618. Cf. Es-Sadi, Tarikh es- 3. Paul Imbert était pilote. V. supra,
Soudan, pp. 33()-3'(0. Doc. XLIII, p. 32^, note 3.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE HOQ
tammcnl k-s chamoaux. qui portent beaucoup et ne mangent
gueres, «S: boivent encore moins, estant un animal ruminant & re-
mâchant ce cpi'il a mange il y a huit jours, [cela] fait que cela n'est
pas bien difllcile. \canl moins il ne seroit pas possible de passer
tout ce désert ou cette mer de sable, si ce n'esloil une rencontre
admirable qu'au milieu de cette mer il y a un (-ndroiloù il y a des
puits de belle ik bonne eau : >îv: à un autre endroit proche, il y a
une basse terre de salines,' : de sorle qu'à cet endroit-là, les cafiles
font alte 6»; station, non seulement pour se rafiaischir, mais aussi
pour charger du sel pour le compte du Roy, comme estant une
excellente marchandise pour Tambouctou.
Après ce rafraîchissement, la cafile continue son voyage, & enfin
parvient à Tambouctou, au bout de deux mois, du jour de son départ
de Maroc ; c^ là on fait grande réception aux cafiles, notamment à
celles venant de la part des rois de Maroc, que celuy de Gago a en
grande vénération, jusques-là (ju'on nous asseuroit que le roy de
Gago envoyoit tribut au roy de Maroc". Mais je ne le croy pas ; seu-
lement il est certain (pi'il luy envoyoit des presens, «k que les gens
de la cafile faisoienl hoa négoce, vcndans toutes leurs marchan-
dises, comme les commis du Roi le sel pris à moitié chemin, pour
de latibar, ou de 1 or en poudre, que nous appelions tibre^: &
après avoir séjourne un tenqis convenable à Tambouctou. s'en rc-
venoient à Maroc, rebioussant lamesme routte, &, comme l'on dit,
nvenant sur leurs [)as, apportant grand nombre de cet or. Les
miucliands faisant ce voyage gagnoient constamment le double, le
trqjle, voire le quadruple ; outre que le roy, pour ses droits, pour
son sel & pour les presens qu'on lui envoyoit, avoit bonne part en
cet or.
Cidy Ally, prince de Sus, envoyoit aussi assez souvent de sa ville
d'IUecq des cafiles à Tambouctou. Mais pour le roy de Fez', je nay
f . Sur celle mine de sel gemme appelée Moulaj /idàii cl ne lui firent défeclion en
Tigliaiïa. V. supra, p. 5^5, note 4. aucune manière ». Es-Sadi, p. 336.
2. Les gens de Gago (Kagho), contrai- 3. Tibre, tibar. V. p. 372, notes 5 et 6.
rcment aux habitants de Tombouctou qui 4- Ce « roy de Fez », à lYpoquc dont
suivirent la cause du rebelle Abou Mahalli parle Thomas Le Gendre, était Mohammeil
(\ . /'■'■ Hérie. Pavs-lias. t. 11, Doc. Ll\ , el-lladj etl-Oilaï, le « Ben 13oukar m des
p. 117J, « ne cessèrent d'être fidèles à relations européennes.
7IO i665
jamais ouy dire quil en ait envoyé. &, comme je crov, pour
deux raisons : la première, parce qu'il en est esloigné de cent
lieues plus que Maroc ; 6î l'autre raison, parce qu'il auroit fallu
que la cafille de Fez eust passé par le royaume de Maroc, ce qui
sans doute nauroit pas esté soufTert. Que si le royaume de Fez se
rencontre avoir de 1 or, c'est par la communication qu il peut avoir
avec les autres royaumes ses voisins, qui l'ont ik qui le tirent,
comme il est dit, de Gago A: Tambouctou '.
C'est donc ce qui fait cpi il se rencontre beaucoup d'or dans la
Mauritanie ; mais il s'y en verroit bien davantage, si ce n'cstoit la
mallieureuse méthode de ces gens-là,' d'enterrer leur or, n'ayant
point d autres coffres que la terre, se défiant de tout le monde, &
notamment de leurs héritiers : de manière que, quand la pluspart
de ces gens-là meurent, leur or demeure enfoui & perdu en terre ;
en sorte qu'il est certain que le fonds de la terre est bien plus
riclie que le dessus.
Il nous faut dire encore quelque chose du royaume de Gago. On
croit, comme j'ay dit, que le fleuve Niger passe par ce royaume,
sa source venant de devers le Nil, qui prend un cours tout à l'oppo-
site ; & ce fleuve Niger, ayant fait cent ou deux cens lieues de che-
min par deçà Gago. se sépare en deux rivières, «k que l'une est celle
du Sénégal & l'autre celle de Gambie''; à cause de quoy plusieurs
ont eu la pensée que l'on pourroit, en montant ces rivieres-là, par-
venir jusques à leur jonction, <k finalement jusques à ce royaume
d'Or.
Les Anglois ont eu plus qu'aucuns autres cette pensée ; ik il ne
faut pas s'imaginer qu'ils se soient emparez du bas de la rivière de
Gambie '\ *k pris de force ou par traité les forteresses que le duc de
I. Ce renseignement de Le Gendre est Fez, du coslé du midy. Les Mores &
ineiact. De tout temps. Fez a été en rela- Barbares s'assemblent en la ville de Fez
tions directes avec le Soudan par le Tafilelt. d'où ils sortent à la fin de l'esté... »
« .l'ay veu, écrit le F. Eugène Roger en F. EuGif;^•E Rogik, La Terre Sainte...
mission à Fez, aller & venir des Mores 6^ Paris, éd"" iGOi, p. 2^7.
des Barbares [Berbères] en trafic, une fois 2. Opinion conforme à celle des géo-
l'an, au pays des IVoirs dans la Numidie, graphes du xvii' et môme du xvm= siècle,
contrée de Zeneziga, que les Barbares 3. Les établissements anglais de la
appellent Tanboutou, qui est distant Gambie remontent à l'année 1618 où se
d'environ trois cent lieues de la ville de fonda à Londres une Compagnie pour le
RELATION DE THOMAS LE GENDRE
Ciulandt el les HoUandois y avoicnl'. pour seulement jouir dune
chetive trailte qu'y s'y fail de quelque nombre de cuirs, cire &
moiTd. Ce nestoil pas là le but des Anglois, ny du prince Robert,
qui a l'ail ces exploits-là il y a pou d'années ; leur but principal
estoit de monter la rivière ius(|ues à son fleuve Niger, voire jusques
à sa source, tk par conséquent jusques à l'or de Gago ; & pour cet
eflet, outre leurs grandes l'regattes, par le moyen desquelles ils se
sont emparez du bas 6: des l'orteresses de cette riviere-là de Gambie,
ils avoient de petites fregatillcs armées, pour monter cette rivière
«^ à la voile tV à la rame. Mais cela ne leur a pas réussi, vk japprens
qu ds renoncent de plus l'entreprendre, pour trois grands ojjstacles
qu'ils y ont rencontrez : le premier, par les grandes clialeurs &
calme de ce païs-ià, qui ont l'ail mourir la pluspart de leurs liommes ;
le second, par la guerre que Unir ont lait les Nègres, meslez de Por-
tugais, natil's (lu pais ; ik le troisième, par le nombre de saulx qu'ils
ont rencontrez dans la rivicrc qui la rendent très-mal navigable.
En sorte que les Anglois ont quitté ce grand dessein.
Et j'ay souvent demandé à nos Senegallois" si leur rivière n'étoit
point plus navigable que celle de Gambie, tV s'ils ne pourroient
poini par celle du Sénégal aller [ilus haut qu'ils ne l'ont : car ils ne
vont tout au plus qu à deux cens ou deux cens cinquante lieues
haut: mais ils m'ont asseuré que non, & que c'est tout ce qu'ils
peuvent faire : \ (|u'oulreles maladies de la rivière, il se rencontre
plus haut, non des Nègres, mais des Mores, qui font la guerre aux
Nègres du Sénégal ik qui empeschent qu'on ne peut pas avancer
davantage, outre qu'il y a pareillement des saulx de rivière qui la
rendent dilïi<"ile. Ainsi il ne faut point espérer d or de (iago pai-
commerce de l'or. dans les Antilles.
I. Le duc de (loiirlande, Guillaume i. .\os Senagallois, c'al-'u dire: les com-
Kelller (1610-1683), avait acquis d'un roi merçants normands qui font du trafic au
nègre des possessions en Gambie. Les IIol- Sénégal. 11 n'y avait qu'une factorerie à
landais s'en emparèrent en lOSf), mais les l'embouchure du Sénégal, lorqu'en i633
rendirent à la Courlandc en itifio. Celte liosée et Uobin fondèrent à Dieppe et à
occupation temporaire des Hollandais servit Houen une compagnie commerciale à la-
de prétexte au.\ Anglais pour s'en empanr quelle les lettres patentes du .l'i juin i("i33
en ifiCi, et, le 17 novembre 166/1, 1" 'lue accordèrent le privilège du trafic et de la
de Courlande dut les céder définitivement traite au Cap Vert, dans la Gambie et le
à ceux-ci, en échange de l'ile de Tabago Sénégal.
fI2
ifi65
ces rivieres-là, car, comme vous avez veu, ce ne sont point les
Mores de Gago qui transportent leur or ; autrement, s'ils en por-
taient à Maroc, ils pourraient bien aussi en porter en Gambie &
au Sénégal, par la commodité de ces rivières ; mais ils ne le font
point. & c'est ce qui me fait dire que ce ne sont pas eux qui le por-
tent en Guinée, mais que ce sont les roytelets nègres de Guinée
qui vont ou qui l'envoyent quérir au pais de Gago, & qui l'appor-
tent en Guinée, où ils le baillent aux Chrestiens qui vont en traittc
le long de la coste.
Vous voyez bien par ce que dessus que les Mores de Gago, ou
du haut pais de Guinée, ne voyagent point, & qu'ils ne sont pas
gens à passer cette mer de sable, pour venir joindre les Mores de
Mauritanie, pour ensemble aller en pèlerinage à La Mecque ; c'est
bien asseuremenl ce qu'ils ne font point.
Mais, pour ce qui est des Mores des royaumes de Sus, Maroc &
Fez, il est vray qu'il s'attroupent souvent, non pas par grandes
caravanes ou cafdes, mais, quand ils sont quarante ou cinquante
de compagnie, ils prennent la routte de la mer ; et ordinairement
leur rendez-vous est à Toutouan, oîi des navires turcs les embar-
quent pour les porter en Egypte, au port d'Alexandrie, où se fait
leur débarquement, & au Caire ; & de là ils s'en vont par terre
vers la mer Rouge, où est La Mecque ik le tombeau de Mahomet.
Et j'ay ouy dire à des personnes qui estoient à l'armée navale du
Roy, lorsque monsieur de Brezé la commandoit', & peu de tenqjs
avant sa mort, qu'ayant esté à la baye de Toutouan, il y avoit trouvé
1^ Y>ris un grand navire turc, prest à partir pour Alexandrie, dans
lequel il y avoit plus de deux cens de ces pèlerins, lesquels ils ren-
voya à terre avec civilité, croyant que ceux de la terre luy ren-
voyeroient réciproquement les esclaves chrestiens, mais c'est ce
qu'ils ne firent point, ces gens-là ne payant point de cette monnoye.
I. Jean Armand de Maillé, marquis, puis i646 des opérations contre les présides de
duc de Brézé (i6ig-i6i6), surintendant Toscane. On ne trouve pas dans les diverses
général de la navigation en i636, en survi- relations des campagnes de Brézé (Arch.
vancc du cardinal de Richelieu, son oncle, Nat. Marine. B^ i et C s) une allusion à
grand-maitre des galères en i63g. 11 com- cette capture dans les eaux de Tétouan d'un
manda la flotte du Ponant en r64o, celle vaisseau chargé de Mores allant en pèleri-
de la Méditerranée en i642, fut chargé en nage à La Mecque.
RELATION nE THOMAS LE GENDRE "l3
Il peut bien e?tre que le? [lelerins de la coste de Barbarie,
d'Alger, de Tunis & de Tripoly vont par terre & en grande com-
pagnie à La Mecque ; mais pour ceux de Mauritanie, ils vont,
comme j'ay dit cy-dcssus, par petites Irouppes jusqu'au port de
mer, leur qualité de pèlerin leur servant de passe-port ; car les
Alarbcs les respectent & favorisent & leur donnent l'aumosne, car
ces pelerins-là. ny plus ny moins que les pèlerins europiens, vont
avec le bourdon, chantans & gueusans.
Je n 'ay pas remarqué le temps de leur départ, mais il me semble
que c'est immédiatement après que leur Ramedan est passé '.
Le sieur***, au retour de son esclavage, me vint voir & remer-
cier de ce que je m'étois beaucoup employé par le moyen de mes
amis de Marseille", pour tasclier d'obtenir sa délivrance, sans que
cela réussit pourtant, parce cpie son premier patron le tciioit à trop
haut. Il me conta bien son infortune, ik comme quoy il avoit esté
amené d'Alger à Toutouan, où son patron le tint enfermé plusieurs
années, le maltraitant pour l'obliger ù payer grosse rançon ; mais
qu'il mourut, & que sa patrone s'estant remariée à un autre, luy
fit rencontrer plus de facilité à son rachapt, qui se fit par la voye
de Cadis. A tout cela, je ne voyois rien ([ui ne peut estre ;
mais je ne sçache point qu'il m'aye jamais parlé d'avoir esté
avec sa patrone à Fez, à Maroc, & à ce prétendu royaume de
Jove : et je vous asseure que je ne l'aurois pas cru. Car je sçay bien
que les femmes, en ce païs-là, ne voyagent point : il n'y auroit
aucune seureté pour elles, moins encore pour leurs esclaves, notam-
ment dans le royaume de Maroc, où tous les esclaves chrétiens
sont au Roy ', sauf qu'il permet quelquefois au\ [)rincipaux alcaies,
qui sont les plus proches de sa personne, d'en avoir quelqu'un,
comme il permit à cet alcaide llamar d'avoir le captif Paul
Imbert.
I. Le pèlerinage s'accomplit dans le et de La UocIk^Hc! avec ce pays devieinient
douzième mois de l'année musulmane qui de plus en pins rares. C'est toujours à Mar-
est appelé à cause de celte solennité Dou seille tpie s'adressera '1 liomas Lo ('i<Midr<',
fl-ljiddia. rpiand il voudra obtenir quelques rcnsei-
:>.. .V partir de iti^o, tout le commerce gnements sur le Maroc ou y faire faire
français avec le Maroc semble se réduire à quelques démarches. Cf. p. iMi. note i
celui de Marseille; les relations de Uouen 3. V.sup/n. lntroduclioncriti(pie, p. JOo.
J'ay veu plusieurs cafiles, sans une seule femme. &; les cafiles
vont bien de Toutouan à Fez »S; de Fez à Toutouan ; ou de SalTy à
Maroc & de Maroc à Saffy : mais qu'une cafillc aille de Fez à Maroc
ou de Maroc à Fez, d'un de ces royaumes à l'autre, c'est ce que je
n'ay point veu en sept ans de temps', ik n'ay jamais ouy dire à per-
sonne d'avoir esté de Fez à Maroc, ou de Maroc à Fez. sinon en la
compagnie d'un maiaiiout, qui. connoissant loutes les races d'Alar-
bes, >k qui estant réputé d'eux estre un saint, passe partout. Encore
moins peut-on aller au royaume de Sus, que les Nègres tk Alarbes
appellent de ce nom-là de Sus, ou du nom du ro^aume de Theru-
dent, sa principale ville. Mais je n'avois jamais ouy parler de ce
nom de Joye", «S; moins encore de cette estcndue de six cens lieues
pour y aller ; il f'audroit donc y comprendre celte mer de sable dont
j'ay parlé, car de Toutouan à Fez il n'y a qu'environ quarante
lieues, de Fez à Maroc environ cent lieues, & de Maroc
à Sus, ou à Tlicrudent, cent autres lieues'; ainsi je crois que
ce royaume de Jove n'est qu'une cliimere. comme aussi ces
malelats de vent, les Mores ne couclianl ordinairement que sur
des esteras' ou nattes de jonc, ou sur des tapis de Turquie.
Pour ce qui est des lions, il est vray qu'il y en a beaucoup dans
la Mauritanie ; mais que les Alarbes s'amusent à les eslever »S;
nourrir parmy leurs troupeaux, c'est mocquerie. S'il arrive, comme
quelquefois, à un Alarbe de rencontrer quelque tanière de lions,
oîi il y en ait de nouveaux-nez, il les apporte aussy tost vendre aux
Cbrestiens. Il m'en fut ainsi apporté deux, masle & femelle, que
j'eslevay pendant deux ou trois ans, en sorte qu'ils estoient dans
notre Douane, ou maison des Cbrestiens, en grande privauté. tk
mesme parmy des gazelles, ou petites biclies, & autres animaux ; ôc
le lion métoit si familier, quoy que grand, qu'il venoit souvent
couclier avec moy ; & bien m'en prit, car une nuit, durant le clair
I. Cotlo indication permet de fixer les tioii curieuse » qui lui avait l'Ié posée sur
dates (i6i8-ir)25) entre lesquelles se place l'imaginaire royaume de Joye.
le séjour de Thomas Le Gendre au Maroc. .'i. Voici les distances appro.\iniatives :
— .actuellement encore les caravanes ne Telonan-Fez. r66 kilomètres; Fez-Maroc,
vont pas de Fez à Merrakech par l'iliné- ^oo kilomètres; Mcrrakech-Taroudant. IJ.")
raire direct, elles passent toujours par Rbat. kilomètres.
a. Le Gendre répond ici à une « cjucs- 4- £i!e/us, mot espagnol : natte.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE "I.l
de lune, quelques Alai'bes d'une cafilc. qui estoient demeurez dans
lenclos de la Douane, montèrent vS: entrèrent je ne sçay comment
dans ma chambre h dessein de me piller : mais ayant veu im lion
auprès de moy, ils s'enfuirent, disant l'un à l'autre : « Endou sehu,
(il a un lion) w. Cela me fut rapporté par nostre hôte le sieur
Amahricq. (jiii. estant par hazard sorty de sa chambre, \ voyant
la mienne ouverte i5c des Alarhcs en sortir tenant ce langage, il
entra, m'éveilla & me conta lliistoire. (jC lion estoil foil allable,
mais la lionne estoit maligne ; >S; luy estant arrivé de faire quel-
que mal à nii petit More, ik plaintes en avant esté faites au (iou-
verneur, il me les osta >S; les fil mettre entre quatre murailles ; (S:
peu après, les grandes pluyes t'staiil venues renversèrent les quatre
murailles, qui n'estoient que de blocq', les lions sortirent la nuit >N:
se jetterent sur une roue', ou escurie en gallerie ouverte, de che-
vaux \ mulets, qui estoient d(;vanl la maison du Uny. où ds firent
grand carnage, car ils estoient affamez ; cela lit grand bruit dans la
ville. 1^ chacun courut aux armes, en sorte que mes pauvres lions
furent tuez.
Un jour, comme nous estions à la chasse du sanglier, à quatre
ou cinq lieues de Saffy, nous fumes tousestonnezcjue nos ohevaux
cessèrent de marcher, 6c que nos chiens se vcnoienl mettre entre
les jambes de nos chevaux. Nous nous dismes aussitost l'un à
l'autre : n 11 v a icv un lion » : <\; de fait nous fusmes estonncz (ju \\
en passa un grand à costé, (k à quinze ou vingt pas de nous, qui
s'arresta pour nous regarder, &. voyant que nous ne branlions
point, passa son chemin avec une gravité nompai cille. Il estoit plus
haut qu'aucun de nos chevaux, tk marchait gravement, jouant de
sa (jueue à gros bout noir, d'une façon effroyable.
Nous sçavions que le lion ne veut point (ju'on fuye, ny qu'on
l'attaque, autrement en trois sauts il est sur vous ; c'est pourcjuoy
nous n'avions garde de le tirer ; & pour fuir, c'estoit l'impossible,
car les meilleurs chevaux trembloieiil comme la feuille.
Les Alarbes nous contoient qu'ils en rcnconlroicnt souvent par
la campagne, qui mesme \enoient à eux, mais (pi aussitost ils pre-
I. Blocij, pour blocage. Il faut entendre scelles,
que les murs étaient construits en pierres 2. Houe, pour: roua •'JJ, écurie.
7i6 iCfiô
noient leur turban, qui psI une bande de toille de collon nu de laine,
qui a trois ou quatre aulnes de long, lequel ils prenoient par le bout
ik le branloieul en l'air en tournoyant en forme de couleuvre, ik
qu'aussitost le lion s'enfuyoit, estant le seul animal ou la seule
vipère dont il a peur.
Les sieurs Antoine Cabirori', de Montpellier, & Abraham Van
Llbergen", de Rouen, grands chasseurs, estans avertis qu'il y avoit
un estang à demy lieue de la coste de la mer, où les lions & les
sangliers, qui reperoient de jour dans cette coste de la mer, en sor-
toient la nuit \ alloienl boire à cet estang. s'avisèrent d'aller de
jour faire des cabanes de pierre sur le bord de cet estang, & d'y
passer la nuit, pour tuer de ces animaux ?\ mesure qu'ils viendroient
boire. Cela leur réussit tellement (juiis en tuèrent quatorze, tant
lions que sangliers, «Se firent écorcher le plus grand des lions. \ la
peau en fut apportée en cette ville.
Je ne puis quitter les lions, que je ne vous fasse le coule (|ui m'a
esté fait en ce païs-là par des personnes très-sinceres ik ausquelles
i'ay par consequcnl ajnuté foy, n'en doutant nullement.
C'est qu'en l'année iGi/| ou iGi5 deux esclaves chrestiens
estant à Maroc prirent resolution de se sauver, ik s'accordèrent de
le faire de nuit, & de ne marcher que de nuit, »S; de jour se retirer
au haut des arbres, pour éviter la veue \ la rencontre des Alarbes,
qui n'auroient pas manqué de les remener en esclavage. Ils sça-
voient que la coste de la mer où est Masagan gisoit au nord, & que,
cheminant toujours au nord, ils y pourroient parvenir en huict ou
dix nuits. »S; qu'il ne leur seroit pas difficile de porter »k de trouver
des vivres pour faire ce chemin. Ils sortirent donc de nuit, & ayant
marché jusques au point du jour, se relirer(Mit au haut d'un arbre
iN; y passèrent la journée, mais avec bien de l'ennuy, de la peine &
de la crainte, voyant de ces païsans d'Alarbes aller et venir ; outre
que deux esclaves s'estant trouvez manquer à Maroc, on envoya
force cavaliers à la recherche. La nuit venue, les deux esclaves re-
prirent leur routte, jusques au lendemain matin, que voulant cher-
cher un arbre pour y monter, ils furent estonnez de voir à leur
I. Sur ce personnage, A . supra, i)|>. og^- 3- Sur ce personnage, V. su/jcn, p. 1 12.
3y6 ; ii7-/)70. note 4 et 182, note i.
UELATION nE THOMAS LE GENDRE ~l~
costé un grand licin. )cqiicl niarchoil (jiiand ils tnai'clioioiit. *S: sar-
restoit quand ils s'arrestoicnl. Ils iccoiiiiuniit hienlost que cétoit
un bon convoy que Dieu leur cnvovdit : ils s'cnliardirciil donc de
niaicher de jom- (Ml la compagnie du lion. Des cavaliers ularbes \
mores survinrent à dessein d'enlever ces deux [)auvres fugitifs,
mais le lion se mellanl eiilre deux, ce fut aux cavaliers à sarrester.
à admirer \ à les laisser passer ; ce (ju'aussi firent d'aulres, car
tous les jours il s'en rencontroit, jusqucs ù ce que finalement ces
deux pauvres esclaves estant arrivez sous la ville de Masagan, le
lion s'en lelouriia, \ les deux pauvres esclaves entrèrent dans la
ville, racontant ce miracle, dont aussi les Alarbes vinrent faire
l'ecit à Maroc, iN; dont la nouvelle fut répandue par tout comme
très-veritable «k très-constante.
Je vous ay dit que le royaume de ^[aroc na pour toutes villes
dans ses terres que la ville de Maroc, ik pour places maritimes:
SafTy, La Houladilla \ Azamor. De Sall'v à Maroc il y a trente ou
quarante lieues, «N: des antres villes maritimes il y a davantage; ainsi
la campagne d'entre Maroc i.V la mer n'a aucunes villes, villages ny
bourgades, mais seulement des adouars ambulans, comme je vous
l'ay remarcjué.
Jay veu quelques autruches à Maroc, mais elles y estoient ap-
portées de la province de Dara & du pays qui est au sud de Maroc,
tirant vers la merde sable. & elles sont en quantité entre Maroc &
cette mer de sable ; vk les Mores et les Alarbes qui les prennent en
apportent les plumes à Maroc, à Therudent & autres villes de Sus.
Pour ce qui est des elepbans, il n'y en a point du tout dans cette
eslendue de païs, ny en deçà de cette mer de sable; il n'v en a
seulement que par delà : c'est-à-dire (ju'il commence à y en avoir
dans le royaume de Gago, qui borne l'Ethiopie, là où il y en a
grand nombre ; tV cela se remarque en ce cpi'à la rivière du Sénégal
il se traite très-peu de dents d'clephant, à la rivière de (îambie, il
s'en traitte un peu davantage, à Cachos & à Tagrin ou Serrelione
encore davantage, 6c à la coste de Guinée beaucoup encore davan-
tage, cette traitte augmentant à mesure {|u'on va au sud; »k c'est
chose asseurée que la Guinée tire le moriil, <in l'v voire, ou les dents
d'clephant. qui (^st une mesmc chose, non seulement de Gago,
mais aussi d'l''thiopie.
7r8 iG65
Les femmes des Mores de Mauritanie ne sortent point, ou peu, &:
se tiennent closes & couverlcs, on soi le quon ne leur voit qu'un
œil, qu'elles ont découvert pour se conduire ; si elles sortent de la
ville, elles ne s'éloignent guère des murailles : 6c quand elles ren-
contrent des cliresliens, ne voyant point de Maures auprès d'elles,
elles prennent plaisir à se faire voir, se découvrant tout le visage
& les bras.
Leurs fruits sont : dattes, amandes, resins, grenades, olives,
fiçues & meures.
Leurs lea;umes : fèves, pois, melons, valencées ou melons d'eau,
forcours' ou petits concombres.
Le plus grand hyver, en ce païs-là, ne nous obligeoit point d'ap-
procher du feu : c'est comme le climat d'Espagne ik d'Italie, de
trente-deux degrez à vingt-sept ou vingt-huit du sud".
Ils n'ont en ce païs-là ny médecins ny apoticaires. si ce nest
qu'il V en aille de la Chrétienté. Il y a quelques chirurgiens mores
\ juifs, qui sçavent lourdement saigner, & c'est tout.
Cette demande me fait souvenir d'une chose dont il faut que
je vous fasse récita On voyage en ce païs-là ou par cafde, ou
avec un marabout, quand on est pressé A: qu'on ne peut pas atten-
dre l'apprest d'une cafde, (jui est chose de longue haleine. Ainsi
j'ay esté à Maroc par caflle, \ j en revins avec un marabout', lequel
vous prenant fe rass ou c'est-à-dire sur sa teste, ou à sa horma.
ou sauvegarde, vous estes en asseurance, ce marabout estant connu
& respecté des Alarbes. Ce qui est importun, c'est que tous les
Alarbes qu'on rencontre viennent demander au marabout : « Ascon
liadouc sarany? (quel est ce chrétien .►•) » & le marabout est souvent
obligé de mentir, de peur que disant que c'est un tager. ou mar-
chand, ils n'eussent trop d'envie de le piller. Ainsi arriva-t-il à un
; hc Gendro arriva à Safi venant de Morra-
1. i-orcours. Fcqqous ^j^ji», melon. ^.^,^^^^ ^.^^^^j^. seulement par le marabout
2. Impropriété d'expression ; il faut Sidi el-Havts. V. /'«Série. Pays-Bas, t. III,
entendre : en se dirigeant vers le sud. Le Journal de Albert Ruyl à la date du 6 fé-
Maroc, en réalité, est compris entre le 35"= vricr 1624. On se rappelle que ce passage
et le 28" degré de latitude. de la Lettre escrite rapproché de celui du
3. On voit que Le Gendre répond à un Journal d'Albert Ruyl fournit l'un des
questionnaire. meilleurs arguments pour l'attribution à
4. Ce fut le G février i024 que Thomas Thomas Le Gendre de la plaquette.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE - I ()
marabout, qui, un jour, menant à Maroc cet Abraham Van Liber-
gen, dont il est parle- cy-cle\aiil. ce marabout crut que, pour mieux
passer, il lalloil. à ceux qui luy deinaiidoieul : « Ascon liadouc
sarnny », répondre : « Tabih Sultnn (médecin du Roy) » ; mais à ce
mot, un chefd'adouar s'écria (ju il l'iisl le bien venu, car il avoit
une fdle ([ui s'éloit rompu la jambe, i^c cpi'il lalloil que Tiihih Sul-
tan la guerist. Le marabout et le marchaïul chrcslien se trouvèrent
bien surpris, mais il fallut lairc bonne mine & mauvais jeu. Ce
médecin fit semblant d'aller cberclier de bonnes herbes, »S; prcnoil
des premières trouvées, il fit une espèce donguent, chaud ou froid,
il nimporte, fit tirer la jambe de la fille, mil de son onguent inco-
gnito dessus, avec force petits bâtons de rozeau à l'cnlour de la
jambe. >.V la fit lier sur une petite plan(;lie, i\: leur dit rju'il ne falloit
pas y toucher de plus de quatre jours ; c étoit aiin qu'il eust loisir
d'achever son voyage, sans estre obligé de lever son premier appa-
reil.
Il n'y a aucunes foires ny franchises en ce pa'is-là ; mais quand
les marchandises sont dîmées à l'entrée, elles sont libres d'aller par
tout le royaume sans passe-ports, iN: pour celles du pais, ne payent
(pi'à la sortie du royaume.
Toutes religions y sont [)ermises ; les Juifs ont une Juderie fer-
mée à Maroc, assez grande, à; il y a deux synagogues, & estoient
de mon temps quatre ou cinc[ cens personnes juifves dans cette
Juderie,
A Saffy, il n V a point de juderie qui ferme, mais il y a
pourtant une synagogue, les Mahometans permettant par tous
leurs pa'is le libre exercice de religion, quelle qu'elle soil : \
j'apprens que le grand Mogol, qui se dit chef des Circoncis \ qui
est mahometan, >^ dont le langage de son pa'is (qui est entre la
Perse et la Chine) est arabe, permet aussi toutes sortes de reli-
gions.
Les Juifs s'entremettent fort dans le commerce &. dans les fer-
mes, prenant ordinairement à ferme ou à rente les droits du roy
des entrées & sorties, à cause de quoy on appelle ce Mi\-là rentiers':
\ ainsi il fuil en effet souvent passer par leurs mains,
I . Rentiers, en espagnol : reniera.
720 i665
Pour ce qui est d'Argile & de La Rache, je croy que ce ne
sont que rades *S; petits ports à barques, ou havres de barre, n'en
ayant pas ouy parler autrement. C'est pourtant là où l'armée de
Dom Sebastien, roy de Portugal, fit sa descente. Je vous ai parlé
de la bataille des Trois Rois', mais jay oublié une particularité qui
mérite d'être récitée. C'est que le roy Dom Sebastien avoil cons-
tamment gagné la bataille", les deux rois de Maroc & de Fez ayant
fait retraitte & en quelque confusion : mais, par malheur, quelques
Mores restez dans l'armée portugaise ayant entendu crier : Mdia
mefcha (tue mèche), ils furent le dire aux deux rois, qui se rallièrent
et revinrent à grands cris de joye donner sur les pauvres Portu-
gais, qui, dépourveus de mèches allumées, furent entiei'ement dé-
faits.
La Mamorre estoit en i6i5 ou 1616 à tout le monde^ & il se
refugioit là dedans qui vouloit, & c'estoit principalement le nid ou
le repaire des pirates, dont en ce temps là il y en avoit beaucoup,
& plus de Chrestiens de toutes nations que de Turcs. De quoy le
roy d'Espagne ayant esté adverty, & que ses sujets en recevoient
de l'incommodité, il envoya une armée en ce temps-là se saisir de
ce port, dans lequel elle trouva plusieurs pirates chrestiens ; & en
suite il fut fortifié 1^ gardé par le roy d'Espagne, comme il est à
présent, >k est un très-bon port.
Le roy d'Espagne ne tire pas d'avantage de ce port, jjarce que,
quant à la trailte, ou commerce, Salé, qui est tout proche, le fait ;
& quant à la guerre dans le pais, il n'y a rien à faire, à cause du
grand nombre de Mores & d'Alarbes, forts en cavalerie, adroits en
rase campagne, & hal^illes en embuscades. Tout l'avantage qu'il en
tire, c'est quil a délivré son pais & ses sujets du mal qu'ils en re-
cevoient, quand les pirates chrétiens s'y retiroient.
Les Juifs ne possèdent aucune terre en propre, mais ils ont quel-
ques jardinages & vignes dans leur Juderie, &: font quelque vin de
raisin, mais très-peu, ik pas assez pour leur provision : en sorte
1. L'aulcur n'a fait précédemment constantqiie le roy... avait gagné la bataille,
qu'une brève allusion à cette bataille. V. 3. Le port de El-Mamora fut occupé par
p. 701 et note 2. les Espagnols on ifii^. V. /'''' SenV. France,
2. C'est que le roy... avait constamment t. Il, Doc. CXGVI, p. 5(16, et l'ays-Bas.
(jarjnë la bataille. Entendez: C'est qu'il est l. II. Doc. CXXXVI, p. 334.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE 'y 2 1
qu'ils ont. comme les Chrétiens qui vivent en ce pays-là, recours
au vin de passe. On appelle passe le raisin séché au soleil, duquel
on met environ deu.v cent pesant dans une barique qu on emplit
d'eau, & puis on le laisse bouillir de so\-mesmc, & au bout de
cinq ou six jours que cette eau & ce raisin ont bouillv ensemble,
on le tire par la chantc-pleure, & c'est du vin blanc tSi trouble, &
quoy (jue fait d'eau, ne laisse d'estre très-fort & d'enyvrer ceux
qui en prennent trop. C'est donc de ce vin de passe dont nous
hi'uvions ordinairement.
Les Mores mesme n'ont pas de possessions ny de jardinages au
delà de la portée du mousquet des murailles de leurs villes, parce
qu ils n'en jouyrolent pas, les Alarbesdéroberoient tout de nuit; ce
qui est cause que ces gens-là ne cultivent point, & ne se servent
point de la bonté de leur pays. Les Alarbes mesme cultivent peu, à
cause qu'ils sont ambulans sur la moindre guerre qu'on leur veut
faire. Ils sont seulement curieux, aux environs de leurs adouai's,
de faire des bleds & des orges dont ils emplissent leurs matamores' ;
ce sont des puits sans eau, très-profonds, qu'ils emplissent de grain,
jusques à fleur de terre, & y font dessus quel(|ues remarques pour
retrouver ces magazins profonds, notamment quand ils sont con-
traints de se retirer en (juelque autre contrée.
Les Mores ne font point de vin & se contentent de manger leur
raisin, soit verd, soit sec; mais les Mores les moins religieux ne
laissent, à la dérobée, de boire du vin «k de l'eau-de-vie, chez les
esclaves chrestiens qui en vendent & chez les Juifs. Mais pour ce
qui est de ces boissons de caffé, de thé & de cha", on ne sçail ce que
c'est en ce pays-là, ce sont des boissons (|ul sont en usage aux Indes
»^ au Levant. & dont l'usage est vemi aussi en ce païs icy, & surtout
en Angleterre, où ce cafle a beaucoup de débit, parce (|u'il a la
vertu d'empescher de dormir ; en sorte que, quand une personne
veut passer la nuit à travailler, il n'a (|ii'à prendre un doigt de ce
cafTi', cclaluy oste l'envie de dormir; iS: (juant au thé & au cha, on
dit (piils débrouillent la teste à: délassent l'esprit, quand on a beau-
coup estudié.
I. Matamores. Sur ce mot, V. /''' Série, mol cha est le nom du thé en langue portu-
France, t. II, p. Sgi, note 2. gaise. — Le café et le thi étaient en i665
u. De thé ^ de cha. Battologic, car le d'importation toute récente en Europe.
De Casîries. 111. — /lO
722 i665
Ils n'ont point du tout l'usage du verre, & ne se servent point de
vitres dans la Mauritanie, & je n'en ay point veu où j'ay esté ; &
j'apprens de ceux qui ont esté à la petite ville de Salé, appellée Ra-
val', habitée par les Morisques chassez d'Espagne, qu'ils ont en
leurs baslimens imité ceux d'Espagne, mais sans vitres, n'en ayant
aucunement.
Ce Raval est. comme je vous ay dit, une petite ville que les Mo-
risques ont bastie, close de murailles ; mais à l'entour, & environ
à cent pas d'icelle, il y a une autre muraille, ou des vestiges dune
autre très-antique, faisant un grand circuit, qui est un témoignage
qu'il y avoit là jadis une grandissime ville, sans qu'on puisse sça-
voir quelle ce doit estre" : c'est un débat entre les sçavans en l'an-
tiquité.
La Mauritanie est le pays du monde qui produiroit le plus d'huile
d'olive, s'il estoit cultivé : mais je vous ay dit la raison pourquoy
il ne l'est point. Ils ne font de l'huile que pour leur provision ik
n'ont point l'usage de faire du savon, si ce n'est quelque peu de mé-
chant savon noir, pour blanchir le peu de linge que portent les plus
aisez. Cai- pour le commun, il n'en porte point, & se passe d'avoir
sur leur corps un juste-au-corps d une estoffe de laine, tk par des-
sus cela un manteau qu'ils appellent alhaique, qui est une longueur
de quatre ou cinq aulnes de la mesme estoITe, large d'une aulne &
demie, qu ils entourent autour d'eux fort adroitement.
Du costé de SalTy. Maroc, Sainte-Croix & Therudent, se fait fort
peu de poudre, quoy qu'ils ayent du salpestre chez eux quils ven-
dent mal rafïiné, & quoy qu'on leur porte du souifre : mais du costé
de Salé, les Morisques en font beaucoup, & néanmoins les Chres-
tiens ne laissent de leur en porter encore, notamment les Anglois
& les HoUandois, & des escopettes >k pistolets.
Quant aux habits des Mores, les aysez portent chemises et cal-
leçons, la chemise par dessus le calleçon. puis un juste-au-corps
de drap du Seau' ou d'Angleterre, de diverses couleurs, ou d'écar-
1. Sur ce nom donné parfois à Salé-Ie- 3. Drap du Seau, pour drap d'Usseau,
Neuf, V. supra, p. i()2, note 4 e' p- 334, drap fabriqué à Lsseau, près de Carcas-
note 3. sonne. Flretières. On écrit à tort du
2. Allusion à l'enceinte de l'ancienne sceau. Littré, art. Usseau. On fabriquait
ville de Rbat. \ . supra, p. i88, note 5. du drap façon d'Usseau à Rouen, à Muns-
HELATION DE THOMAS LE GENDRE 72.S
late. & par dessus tout cela, pour mantejui, une alliai(|iie délolTc
de laine blanche et frisée, lesquelles alhaiques ils lontdansle pays.
Mais pour les draperies 6c toiles, il les achètent des Chresliens, &
il n'y a que ceux de la maison du Roy qui portent des étoffes de
soye et très-p eu, & leur leste ont un bonnet rouge, >k autour un
turban de toille de cotton fine, aussi une ceinture de fine toille de
cotton sur leur just'au-corps, lequel ils appellent calTetan '. Ils ont
les jambes nues, & aux pieds des escarpins dans des mulles. le
tout de cuir rouge ■ ; tS: quand ils vont à cheval, ils ont des bottines
aussi de cuir rouge.
Les Juifs sont vestus de chemise, calleçon. just'au-corps ou
caffetan noir, ik par dessus un manteau ou albernous, noir ou
brun, fait avec un capuchon, comme la roijc ou le froc d'un cor-
delier, sauf qu'au bout du capuchon, & en bas, il v a des cordil-
lons pendans. Ils ont un bonnet noir, iS: des escarpins & mulles noires.
Ils n'ont point de cottonniers en ce pays-là, au contraire, c'est
une marchandise qu'on leur porte. (|ue des collons.
Ils font (|uelques teintures, mais [)eu, & on leur porte j)our cela
(lelallun. du tartre \ quelque cochenille: mais pour de l'indigo,
ils en Iroiivi'iil (juehpu- peu dans leur pays, qu'ils appellent anil.
La monnoye ipii a cours en Mauritanii;, ce sont des ducats d'or,
qu'ils appellent mctccal ; les vieux labriquez sont cxcellens, mais
les nouveaux sont de diverses boutez, parce que, comme il n'y a
point de luoimoye en litie d'oflice, chaque co(jum de Juif orfèvre
fabri(pie des ducats à sa mode, tV mesme en fait effrontément dans
sa boutique, il n y a point d'ordre pour cela ; tellement cpi'il y a
de plusieurs sortes de ducats, & chaque sorte vaut son piix. l'our
l'or en poudre et d Orfèvrerie, il vaiil licnlc-lrois Inres six sols
huit deniers l'once : (k s il y en a de bas or, ou que le tibre se
trouve meslé de latlon ou de limaille, on le rebute A: on fait
nouveau prix : ainsi il faut s'y connoistre. La menue monnoye du
pays sont des blatupullrs d argenl, de deux sols six deniers pièce,
1er. etc. Dictionnaire unioersel ilii Commerce, .^taures.
17D9, t 2, art. Drap. 2. Détail inexact, car la mule (belgha)
I. Le bornous qui était et est encore peu portée par les hommes est de cuir
porté au Maroc ne figure pas dans cette jaune ; les femmes seules portent la bclgha
description assez exacte du costume des rouge.
724
i665
& des felours ' de cuivre cjui sonl comme de gros douldes. dont les
liuit sont la blanquille. Les reailes" de liiiil. de quatre \ de deux
y ont grand cours, comme par tout le mcjnde. Mais pour l'or &
l'argent de France, d Angleterre & de Hollande, ik mesnie les pis-
tolles d'Espagne, n'y ont pas de cours, parce qu'ils ne les connois-
sent pas bien, & on n'y en porte jamais: car on va là pour en tirer
& apporter de l'or pour des marchandises ; (k pourquoy donc y en
ajiporteroit-on?
On y porte toute soites de marchandises, comme je vous ay dit,
notamment toiles, draperies. Ter. acier, drogues, teintures, épice-
ries & merceries.
Les Juifs sont grands trompeurs. & aussi les Morisques : mais
les naturels mores sont meilleurs.
Je vis monsieur de lîazillyen iG23.' i5^: jestois un de ses cautions*
pour le relour du Perc Rodolphe, capucin : iSc je sc;a\ bien qu il y
fil encore un voyage en 28. ou 29.', mais ce ne fui pas pour mettre
pied à terre; il navoit garde, veu ce qui luy estoit arrivé en 1G2/I.
& il eust été mal receu, quoy que Mouley Zidant & Mouley Abde-
melecq, son fds aisné, esloicnt morts. & que Mouley el-Waly (|ui
regnoil^ estoit assez débonnaire. Mais il y fut pour faire la guerre
aux corsaires de Salé, & il y réussit ; car il prit plusieuis de leurs
navires & retira plusieurs esclaves chrestiens\ & entre iceux quel-
ques-uns de ses gens qui étoient demeurez esclaves en i()23.% soit
par échange de Mores contre Chrestiens, ou qu'il imitast les Hol-
landois, lesquels, quand ils font la guerre à ces coquins-là. s'ils ne
I. Felours. Felous^j- jlj .
■.t. En marge el eu note : » c'est-à-tlire les
pièces de 58. s., do ay. s. & de i^. s. 6
dcn. »
3. C'est en iBa/i cju'eul lien la seconde
mission de Razilly au Maroc. \ . supra.
pp. io5-i 1 1.
/[. Thomas Le Gendre reviendra un peu
plus loin (p. 784) sur l'histoire de ce cau-
tionnement qu'il racontera avec plus de
détails.
5. V. ci-dessus (pp. 199-2O3) les Doc.
relatifs à ce troisième voyage rpii fut accom-
pli en 1O29.
6. L'avènement de Moulav el-Oualid eut
lieu le 1 1 mars i63i.
7. Une convention fut signée pour le
rachat des captifs de Salé, mais le mauvais
temps contraignit l'escadre à rentrer en
France, sans avoir pu les embarquer. Ils ne
furent ramenés qu'en i63o. V. supra,
pp. 297, 3io, 34o et 433.
8. Ra2illy n'alla pas à Salé en i6a4,
durant son voyage au Maroc; d'autre part,
ceux de ses compagnons qui demeurèrent
esclaves furent tous détenus à Merrakech.
^'. supra, p. i3o, note 1.
RELATION DF, THOMAS LE Oli.NDRE
;3,)
les trouvciil [)oiiil en liuincm d échanger Clucsticns contre Mores,
les Ilollamlois xoni rendre les Mores en Espagne, & de l'argent en
provenant, ils vont racheter leurs HoUandois, ce qui est le droit
du jeu. car de cette façon, les Mores deinein-enl esclaves, & les
Chrestiens sont délivrez.
Quant au voyage de i(i,'io.. jay ciu que eetoit monsieur Clia-
lard ([ui 1 a lait, toutefois il peut estrc que i^'a esté encore depuis'.
Quoi ([u'il en soit, il alla à la inesme fin pour faire la guerre aux
Mores, «k tascher de retirer les (Jhrcsiiens ; mais il en fut diverty
parce qu étant à la rade de Sally, il y tiouva un navire anglois
nommé a la Perle ». dont le ea[)itame ne voulut jamais fane hon-
neur au pavillon royal, quelque semonce >S; quelque menace que
luy fit le sieur Du Clialard, qui enfin se trouva obligé de le com-
battre & de le prendre : car. après que le capitaine anglois eut esté
tué au comhal. son fils lit melire \c pavdlmi l)lane, \ demanda
quartier, qui luy fut donné, <S; le navire amené en France ; mais
les Anglois en ont tellement poursuivy la restitution, qu'elle leur
fut accordée".
Cest en ce port là, ou rade de Safly, que le roy Mouley Zidant
conila ses menhles A: sa bihlioteque à ce Provençal, qui s'appel-
loit. si bien m'en souvient, patron Charles'; toutefois je nen suis
pas certain, mais je pourray écrire à Marseille' pour I(î sçavoir. Ce
que je sçay, c'est que Mouley Zidant en fut tellement indigné qu'il
en mist à la chaisnc tous les François qui se rencontrèrent dans son
pays. A: le négoce avec les François en demeura deux ans inter-
rompu'. Mais enfin, cet alcaidc llamar", dont il est parlé, écrivit à
I . P. Du Chalaril prit part à l'expédi-
tion de itj.3o (V. xupra. pp. 282-3.Î7 les
Doc. relatifs à cette espédition), mais sous
les ordres de Razilly. Celle que commanda
Du Clialard et à laquelle Le Gendre fait
allusion eut lieu en it').3.î (V. supra, pp. f|8f')-
.TI.3). Il est inexact que le combat contre le
navire anglais « la Perle » ait empêché Du
Clialard de retirer les esclaves. Sur ce com-
bat, V. supra, Doc. LXXXVII, pp. 5i()-
5i8.
a. Sur la restitution aux Vnglais du
navire « la Perle », \ . supra, p. 522, note i .
,3. Le Provençal dont veut parler Le
Gendre était le capitaine Castelane. V.
sur cette affaire /'''' Série, i'"rance, t. II.
p. "1/1 1. Sommaire. Le Gendre expose
lui-même un peu plus loin les faits
(p. 73,3).
4. V. supra, p. 713, note 3.
5. L'affaire Castclancélantdc 1612, c'est
donc de 1 f") 1 2 à i fi 1 4 que les relations com-
merciales de la France avec le Maroc furent
interrompues.
fi. Sur ce caïd, V. supra, j). 708, note i
et p. i55.
726 i665
Rouen au sieur Paul Le Bel', qu'il appelloit Tar/er Panh. marchand
Paul, quil eust à revenir traittcr. & que la colère du Roy estoit
appaisée. Ce qu'il fit.
J'ay obmis au chapitre des lions une histoire que ma faite Ta-
ger Paulo, mon intime amy. & en la place duquel je demcuray en
cepaïs-là, quand il fit retraite. C'est qu'environ l'année i6i5, tout
Maroc sortit par la porte dite du Camis '. pour aller voir dans une
grande touffe de canes ou roseaux, qui en est proche, un lion iS;
un sanglier, tous deux effroyables, qui estoicnl morts l'un auprès
de l'autre, le lion tout détaillé des dents & deffenses du sanglier. &
le sanglier tout déchiré des griffes et des dénis du lion, s'eslans
battus toute la nuit dans cette grande touffe de rozeaux, qui en es-
toit toute abatue & renversée ; ce que tous les Chrétiens, Mores &
Juifs furent voir, les sangliers en ce païs-là estant très-furieux, no-
tamment au mois de mars qu'ils sont en rut.
J'ay oublié an chapitre du désert ou de la mer de sable, qu'elle
est agitée de grand vent ; car non seulement elle poudre beaucoup,
mais aussi il s'y lait de hauts muions de sable, qui après, par un
autre vent contraire, sont aplanis.
La ville de Maroc ' est pour le moins aussi giande que Paris, n'y
com2:)renant point les faux-bourgs: mais elle est fort vaste '. y ayant
bien des places vuides. Elle est scituée en une plaine à sept ou huit
lieues en deçà des montagnes qu'on appelle d'Atlas, desquelles,
quand on est dans Maroc, on croit estre fort proche, parce qu'elles
se voyent aisément, & leurs cimes sont couvertes déneige en quel-
que saison que ce soit : cependant il y a du moins sept ou huit
lieues du pied de ces montagnes jusques à Maroc. De ces monta-
gnes descendent plusieurs petites rivières de belle & bonne eau,
qui viennent premièrement arroser un jardin qu'on appelle le pe-
tit Meserra, >k y font un grand eslang parfaitement beau, qui a
I. Ce commerçant français avait résidé et y resta jusqu'en i6i8.
autrefois au Maroc. Il signa le 7 juillet 1 60g 2. Lu porte dite du Camis. ïiah c\-Khv-
une attestation en faveur de P. M. Coy. mis.
agent dos Provinces-Unies au Maroc (V. 3. Pour cette description dc.Mrrrakech.
/ Série, Pays-Bas, t. I. p. o^S). D'après Le Gendre s'est visiblement inspiré de la
ce qui est dit ici, il dut quitter le Maroc relation de Jean Mocquet. Cf. /" Série.
vers juin 1612, date de la capture de Cas- l'rance, t. II, pp. 397-609.
telane par les Espagnols; il vreviulcn ilii4 4- Fyr( uas^c. avccle sensde : fort déserte.
RELATION DE THOMAS LE GENDRE -7']
bien mille pas en quarré. Cet eau passe après dans un grandis-
sime jardin, qu'on appelle El-\Ieserra ' , lequel esl plein de rangées
d'orangers, de citroniers. palmiers ou dattiers, oliviers, aman-
diers, figuiers «S: grenadiers, entremêlez d'arbrisseaux de jasmin &
autres fleurs odorilcranlcs.
De ces deux jardins qui sont publics & communs, cet eau passe
dans la belle maison du Roy, laquelle on appelle El Bedeh", où
l'on dit ^^car je n'y ay pas entré) qu'elle fait quatre estangs, au bas
desquels il y a quatre jardins, dont le haut des arbres vient à
fleur iSc à 1 uny des estangs ; en sorte que les jardins sont en bas
& les estangs en haut, & fort bien compassez, y ayant un jardin
entre deux estangs, & un estang entre deux jardins. Les rois de
Maroc donnent ordinairement leurs audianccs sous le grand portail
de cette maison ; tk ainsi, c'est aller à la Porte', aussi bien qu'à
Constantinople. Mais quelquefois il y a eu des rois, lesquels, après
avoir fait retirer les femmes dans un serrail, par le soin de la dame
leur gouvernante, qui s'appelle LarilTe Ramona', ont donné au-
dience dans leur maison à quelques ambassadeurs, mais bien rare-
ment ; »k ils ont donné cette audience dans une longue salle
1. Sur El-Mescrra, V. supra, p. Ii3,
noie I .
2. Sur le palais de El Beili. \ . El-
OuFRÀxi, ch. XL, p. 179.
3. L'expression « Sublime Porte » , avec
son double sens symbolique et réel, devait
plaire à la cbancellerie marocaine ; elle fut
employée quelquefois pour (iésigner la cour
chérifienne. Moulay Ismaïi écrit au caïd
Hadji Merin : • ■ ■ j\s^\ j,j^^ '>^^
Ai)l *Ati\ lilj;' U- b^JJ " No"s vous
faisons savoir que les commerçants chré-
tiens... se sont rendus à notre Sublime
Porte (mot à mot ; à notre Porte élevée en
Dieu). » V. 2' Série, France, t. I, à la date
du 9 novembre 1706.
4. I.arijje Ramena, la narifa Ramena,
l'inspectrice Uamena. La aarifa est une
matrone ayant la direction du liarem impé-
rial ; elle accompagne le harem volant ou
petit liarcm ,;ViUaII JUl qiii suit le sultan
dans tous ses déplacements. Elle a à com-
mander tout un personnel féminin, les eu-
nuques étant une exception dans le sérail
marocain. La aarifa introduit chaque soir,
après l'avoir parée, la femme désignée pour
partager la couche du souverain ; cotte der-
nière réintègre après la nuit le harem loin
des yeux et plus encore du cœur du sultan,
et la aarifa lui fait déposer les bijoux qu'on
lui avait doiniés pour la circonstance. Cepen-
dant l'importante matrone a noté soigneuse-
ment .sur un registre ad hoc appelé kounnech
IJo , le nom de la favorite et la date de la
nuit où elle a ri'çu les faveurs du sultnn, ce
qui permet d'établir la filiation chérifienne
et est une garantie contre les aventures
auxquelles n'échappe pas le gvnécée impé-
rial. — Le mot Uamena, qui doit être mal
transcrit, est peut-être un nom propre.
728 i665
voûtée, dont la voûte & les parois sont de fin or. à l'épaisseur d'un
ducat, outre laquelle il y a encore tout plein de beaux corps de
logis, à ce que nous contoient les eunuques, gardiens de cette
maison, & les femmes juifves qui y entroient pour porter des
provisions.
Joignant cette maison, il y en a encore une autre qu'on appelle
le Michouar, où demeurent les elches ou renégats qui accom-
pagnent le Roy quand il sort'. Il y a aussi une autre maison qu'on
appelle Dar lachor', c'est-à-dire : Maison de la disme ; c'est une
maison où les marchands chrestiens étoient obligez de faire porter
toutes leurs marchandises arrivantes ; & puis le Lumina Sultan^,
ou Trésorier du Roy, alloit prendre le droit lelielel ', c'est-à-dire
le droit légitime, de dix ballots égaux un, & ainsi du reste. Il y
a encore d'autres maisons joignantes où demeurent les alcaides,
eunuques & autres officiers, & mesme un jardin commun, dans
lequel il y a une fosse à lions' ; & tout cela dans un grand enclos de
murailles, lequel enclos on appelle Alcaseba, c'est comme à Paris
le Louvre.
Joignant cet enclos, il y a une grande mosquée longue de cent
pas, & sur celte mosquée une tour quarrée. de laquelle sort par
haut une grosse verge de fer, dans laquelle sont passées trois pom-
mes d'or, la première fort grosse, celle de dessus momdre, &: celle
de dessus encore moindre \ Lesquelles pommes d'or, notamment
la plus grosse, qui est celle de dessous, sont bossues de plusieurs
coups de mousquet qu'on leur a tirez, & mesme en plusieurs en-
droits percées à jour: car elles ne sont pas massives, mais seule-
ment de l'épaisseur du doigt. De quoy m estant estonné & ayant
demandé à de vieux Mores d'où venoient ces coups de mousquet,
me firent réponse que c'cstoit les soldats de Aacob el-Mansor', lors-
1. On les appelait « mecliaoïiris ». V. rie, France, t. II, pp. .'ioô-4o6.
supra, p. ^65, note 1. li Sur cet ornement composé de trois
2. Dar lachor. dar el-achour J^lxll jb PO">na«s superposées, V. fc Série, France,
9,01, 1 • u t. II, p. 4o8, note I.
0. Lumina aultan pour : .\min es-soltan. ? r -^ '
-. Yacob el-Mansor. Il faut rétablir :
4. Lehelel, el-hallal J>Ai-l, ce qui est .Moulav .\bdallah bon ech-Cbeikh. On se
licite. rappelle que ce prince mécontenta les habi-
5. V. la description de cette « fosse à tants do Merrakech par ses excès, quand il
lions » dans la relation de Mocquet, /''' .Se- entra victorieux dans cette ville en déccm-
BELATins DE THOMAS LE CENDRE
rprils prirent la ville, qui les avoienl ainsi canardées. Mais ayant
répliqué: « D'où vient qu'ils ne les ont pas enlevées?» — « O
qu'ils n'avoient irarde de le faire! me repartit-on. car elles sont sa-
crées. » Au bout de cette mosquée, il y a une salle en forme de
chapelle, qui est la sépulture des rois de Maroc, où les Chrestiens
entroient librement accompagnez du concierge, où j'ay vcu plu-
sieurs monuinenls eslevez de deux ou trois pieds seulement ; &
cette salle est en voûte, & la voûte et les parois concavées à la mo-
saïque, 6: ces fosses ou concavitez dorées de fin or à l'épaisseur
d'un ducat. A cinq cens pas de ce lieu, il y a un grand enclos de
hautes murailles, aussi grand que Magny ', lequel enclos est la Ju-
derie, les Juifs y estans en assez bon nombre, avec sinagogue &
bien logez, & celte Juderie n'a qu'une porte qui ferme le soir &
ouvre le inalm par le soin de ccluy qui en a la charge.
A cinc[uante pas de la Juderie, il y a une grande maison, ou pour
mieux dire, prison, qu'on appelle segena qui est la maison des
pauvres captifs chi'esliens, d'où on les sort le matin pour aller au
travail, & où on les renferme le soir.
A mille pas de là, il y a un grand enclos de maison, qu'on ap-
pelle la Douane : c'est la demeure des marchands chrestiens, en
laquelle chaque nation avoit son appartement, (juand il yen avoit,
& cette maison estoit aussi sujette à estre fermée le soir & ouverte
le malin parle soin du portier à ce commis.
Il y a encore vers ce (juarticr-là une grande moscpiéc' qui a une
fort grosse tour, que l'on dit estre semblable à une qui est à Se-
ville, en Espagne, & bastie par un mesme architecte. Je n'y ay pas
entré, mais on m'a asseuré que quatre cavaliers de front peuvent
monter jusques au haut, iS: que mesme un carosse le pourroit faire.
Proche de là, est un grand enclos où est la prison des Mores;
& proche de là, plusieurs petites prisons où on metloit les mar-
chands chrestiens & juifs, quand ils l'avoient mérité.
Dans toute celte grande ville, il n'y a pourlanl cpie deux juges.
l)rc iCio". V. /'■<• Série. Pavs-Has, l. I, Doc. ces deux villes.
LVIII, pp. 2 1 1-2 12. 3- Ij» Keloubia. C'est cctlc même raos-
I. Magny, petite ville <lu \ixin, sur la i|uée qu'a déjà décrite Le Gendre quelques
roule de Paris à Houeii et à mi-di»lancc de lignes plus liant.
•jSo 1 fifin
un cady. qui est le juge civil, & un hacquim'. qui est le juge crimi-
nel. Ce cady se sied sous la porte de sa maison, ou dans sa cour,
où il donne audience aux plaidans par leur bouche, lesquels il juge
aussitost : et pour l'exécution de sa sentence verbale, car il n'y a
point de greffier, il a autour de lui des citairis", qui sont des espè-
ces de sergens, qui vont faire exécuter l'ordonnance, ou mettre en
prison le condamné. Et parce qu'on pourroit s'estonner de ce qu une
personne fait aysement cheminer sa partie devant le cady, sans
aucun exploit d'assignation, il faut sçavoir que quand une personne
a crié à sa partie par la rue : « Agy fel chera, (Venez en justice) »,
il faut que sa partie y courre ; autrement il courroit risque d estre
lapidé par le peuple, qui ne trouve rien de plus raisonnable que
daller en justice.
Quant au hacquim, ou juge criminel, il a devant sa maison une
grande place, où il y a des ganches^ plantées. Ce sont des pieux, au
haut desquels il y a des ganclies, ou grands crocs dacier, sur les-
quels on jette les condamnez à ce supplice. On prend un homme
par les pieds *S: par les épaules, »k on le jette sur un de ces crocs, >k
par quelque endroit qu'il soit attrapé, on le laisse là jusques à ce
qu il meure; tellement que c'est le meilleur pour luy destre pris
par l'endroit le plus mortel. Ce hacquim a aussi devant sa maison,
en des râteliers, des sabres pour couper les testes, >S: des bastons
pour bâtonner les moins criminels: 6i comme ce hacquim a ordi-
nairement beaucoup de pratique & que la ville est grande, il a un
lieutenant qui est dans un pavillon vers l'al-Caseba, qui travaille de
son costé.
Cette ville de Maroc est, comme j'ay dit, fort grande, mais les
rues & les façades des maisons ne sont gueres plus belles que celles
de nos villages ; il ne laisse pas pourtant d'y avoir de (ort belles
maisons en dedans, néanmoins la pluspart n'ont qu'un ou deux
étages tout au plus. Les rues ne sont point pavées, tellement qu'el-
les sont boueuses en hvver, quand il pleut, ou poudreuses en esté.
Car durant 1 esté, c'est-à-dire depuis avril jusqu en octobre, il n'y
1. Hacijiiim. Cf. I''' Série. France, t. II, p. 4oi. note 6), a été également défiguré
la relation de Mocquel, p. 4oi. par Le Gendre.
2. Citairis. Ce mot, déjà mal transcrit 3. Ganches. de l'espagnol yanclto. croc
par Mocquet (V. i'' Série, France, l, H. de fer.
RELATION DK THO^I AS I.K r.F.NDRE ".'^T
a point de pluyes, mais grand cliaud le jour, & grande rosée la
nuit.
Les ^[ores sont fort jaloux, ne siinaginant pas qu'il puisse y
avoir une femme de bien, à cause de quoy ils ne vont point dans
les maisons les uns des autres que le maistro de la maison n'y soit
et qu'il n'aye fait retirer ses femmes.
Nous avons laissé les eaux des montagnes dans la maison du Roy
appelée Bedeli ; de là ces eaux viennent arroser «k fournir la ville
en plusieurs endroits, puis sortent entre les deux portes appellées
du Garnis «Se de Duquclla, là oii elles se irjoigiieni \ font une ri-
vière, mais gueable, (jiii s'en va du costé d'occident clicrclier la mer
entre Mongador «S: Sally : et celte riviere-là s'appelle Tansif.
Avant que nous sortions de Maroc, il n'y a pas de mal de faire
récit de quelques actions de Mouley Zidant, (jiii en estoit roy lors
que j'estois en ce païs-là.
11 y eut un jour de dimanclic grande! (juerelle dans la Segena
entre les esclaves françois, parmy lesquels il y avoit nombre de
Provençaux et de Rochelois. (leux-là faisoient leurs dévotions en
un bout de la Segena, où ils avoient une chapelle, *S: mesme quel-
ques prestres aussi esclaves qui disoient la messe : & ceux-cy es-
toient à l'autre bout à faire letns dévotions dans leurs chambrettes.
Les Provençaux mutins eslans venus troubler les llochelois chauds
iS; bouillans, ils se gourmercnt si bien, cpie l'alcaide de la Segena se
trouva obligé d'en avertir Mouley Zident, qui conunanda cpion luy
amenas! deux de chaque costé, ce qui fut fait ; tk aussitosl les
marchands françois y coururent, pour intercéder chacun pour son
party. Mais apiès que le Roy eut entendu les parties, & qu'ils s'es-
toient querellez sur le fait de la religion, il leur fit bailler à chacun
cinq cens coups de baston sur les fesses, et leur fit défenses de se
plus quereller, sur peine de la vie, voulant que chacun exerçasl sa
religion, puisqu'il en donnoil la permission.
En l'année 1622. vint à Maroc un ambassadeur de Messieurs les
Estais', un escuyer du prince d'Orange, & un disciple de Harpi-
nius', professeur es langues orientales & étrangères à Leyden, tous
I. Sur la mission de .\lbert Ru vl, V. z'' 2. Jlarpinius. Tliomas d'Erpo, dit Erpe-
Séric, l'avs-Bas. l. III à l'auiKe i(ia2. nius, orienlalisU^ liollaiiilais (i58i-i62i).
732 i665
deux avec des presens qui furenl bien agréables au roi Mouley Zi-
dant, mais principalement celuy d'IIarpinius, qui estoit un atlas
& un Nouveau Testament en arabe; & il nous fut rapporté par les
eunuques que le Roy ne cessoit de lire dans le Nouveau Testa-
ment. Or comme l'Ambassadeur s'ennuyoit de ce qu'on ne luy don-
noit point son expédition, il fut conseillé de présenter au Roy une
peticion ou requesle, laquelle fut faite par ce disciple dllarpinius,
nommé Golius, en écriture & langue arabesque, & en stile chres-
tien. Ce roy demeura estonné de la bcanté de cette requesle, tant
pour l'écriture, pour le langage que pour le stile extraordinaire en
ce païs-là. 11 manda aussitost ses talips ou écrivains, leur montra
cette requesle qu'ils admirèrent. Il fit venir l'Ambassadeur, auquel
il demanda qui l'avoit faite. Il luy répondit que c'éloit Golius, dis-
ciple et envoyé dllarpinius. Le Roy le voulut voir, luy parla en
arabe. Ce disciple répondit en espagnol qu'il entendoit fort bien
tout ce que Sa Majesté luy disoit, mais qu'il ne pouvoit luy répon-
dre en la mcsme langue, parce que la gorge ne luy aidoit point
(car il faut autant parler de la gorge que de la langue) ; ce que le
Roy, qui entendoit bien l'espagnol, trouva fort bon; & accordant
les fins de la requesle, fil donner à l'Ambassadeur les expéditions
pour son retour. El aujourd'huy, ce Golius esl à Leyden. profes-
seur es langues orientales &; étrangères, au lieu & place dlFarpi-
nius, qui est morl.
Peu de temps après arriva en la rade de SalTy, sçavoir en i(i23',
monsieur le chevalier de Razilly, avec trois vaisseaux du Roy, fai-
sant sçavoir qu'il venoit de la part de Sa Majesté en qualité d'am-
bassadeur. Mouley Zidant luy envoya un nommé Cidy Fers luy
presenicr une lettre de sa part, & luy dire qu'il estoit bien venu, &
qu'il pouvoit descendre à terre, luy vingt-cinquième, en toute asscu-
rance. Le sieur de Razilly le croyant & que la lettre qu il ne pou-
voit lire, par ce qu'elle estoit en arabe, cliantoit la mesme cbose,
descendit à terre à Saffy. non avec vingt-cinq persomies, mais avec
quarante ou cinquante gentilshommes, trois capucins, Ironipeltes.
Le disciple d'Krpenius dont i! csl parlé Ici i. Dnte crrontM? (pour i6j^) di'-jii don-
est Jacob van Gool dit Golius(i396-i667). née plus haut par l'auteur. Pour tous les dé-
Sur le séjour de Golius au Maroc, cf. Ibiilem. tails qui suivent, cf. Doc. W, pp. lotj-i lo.
RELATION DE THOMAS LK r.ENDRE "^33
violons & autre suite. Mais deux jours après le Ro\ les fit tous
arrester & mettre à la chaisne, hormis le sieur de Razilly & les trois
Pères capucins, nommez Pierre d'AIençnn. Michel de Vezins >S:
Rodolphe, iS; manda le sieur de RazilK de le venir Ironvcr à son
almahala ou armée, en laquelle il estoit, sur le chemin de Maroc à
SallV. Le sieur de Razillv v fui. à: se |)liii:;iiaiit de ce que hiy \
son monde aAoit esté arresté, contre l'asseurance que Sa Majesté
luy avoit envoyée par Cidy Fers, & par la lettre qu il luy avoit
apportée de sa part, Mouley Zidant luy fit réponse qu'il n'avoit
qu'à lire ses lettres, ^: ipiil n'y trouveroil [)as telle asseurance, &
que si Cidy Fers luy avoit parlé en ces termes, qu il le desavouoit ;
qu'au fonds il vouloit ravoir ses meuhles, \: princi})alement sa hi-
hlioteque, qu il avoit confiée à un capitaine de navire, provcnc^-al,
il y avoit sejil ou huit ans ' ; lequel Provençal, au lieu de la délivrer
fideliement au port d Agader ou d(; Sainte-Croix, où il l'envoyolt.
lors(|u il fut luy-mesme ohligé de s'y retirei-, ce Provençal, au lieu
de décharger & délivrer ces meuhles et hihiioleque au lieu de
Sainte-Croix, avoit mis à la vnllc^ pour \eiiir en France ; mais
qu ayant esté rencontré ik pris [)ar Dom .liuui Faxanlo, comman-
dant un gallinn d'Espagne, ses meuhles avoicnl esté en\oyezà Ma-
drid, \ la jjiblioteque à l'Escurial, laquelle il souiiailloit grande-
ment de ravoir, y ayant en icelle des manuscrits de samt Augustin,
qu'ils ap[)elleiit Cidy Belahech, cpi'ils prcicudciil cslre mori vers
.Maroc. >!^; que c'est sa sépulture qui est à (jomet, entre les mon-
tagnes d'Atlas >k Maroc ", lesquels manuscrits il estimoit plus que
tous ses meuhles, quelque précieux qu'ils fussent, souhaitant que le
sieur de Razilly retournast en France pour ohliger le Roy son mais-
tre de faire en sorte que le roy d'Espagne rendist la bihlioleque.
Le sieur de Razilly promit d'y faire ce qu'il pourroil : mais ipi'il
estoit nécessaire, afin qu'on adjoutât foy à ce qu'il diroit, qu'il plut
au Rov luy redonner les Pères capucins, ou quehpi'ini d'eux, pour
venir' avec luy. Mouley Zidant luy dit qu'il luy en hailleroit un,
pourNCuque les marchands françois de Sall'y demeurassent caution
qu'il rcvieiidroit dans six mois. Puis il luy demanda lequel des ca-
I. V. ci-dessus, p. 725 et note 3. Aiiyustin avec Sidi-tiel-Abbrs, V. supra.
1. Sur cette légende, qui confond Saint \>. ■x\'.\. note l\.
']3^ i665
pucins il pretendoit avoir. Le sieur de Razilly lny demanda le Père
Pierre d'Aleiiçoii, mais il l'eu rclusa. Il luy demanda le Père Mi-
chel de Vezins, il l'en refusa encore, mais il luy accorda le Père
Rodolpiie qu'il eslimoit le moindre.
En suite le sieur de Ilazilly vint à SafTy prier les marchands
françois destre caution du retour du Père Rodolphe dans les six
mois. Les marchands s y accordèrent', moyennant l'alternative
que, s'il ne revenoit dans les six mois, qu'ils en seroient quittes
en payant une somme d argent. Le sieur de Razilly retourna dire
cela à Mouley Zidaut. qui réjjondit que les marchands avoient
raison, & qu'il accordoit cette condition, sur le pied de six cens
ducats d (ir. Cet accord fut fait de la sorte. Le sieur de Razilly
& le Père Rodolphe revinrent en France, mais depuis ne sont
point retournez au roy de Maroc ^. De sorte que les six mois
étant passez, iSi encore six mois avec, les marchands présentèrent
requeste à ce qu'il plût au Roy prendre les six cens ducats d'or,
& leur accorder congé, parce qu ils vouloient revenir en France
rendre compte à leurs marchands ik commettans de leurs négo-
ciations. Cela leur fut accordé, le Roy prit leur argent & leur
donna quittance, laquelle ayant esté depuis présentée au Père Jo-
seph dans le couvent de Saint-Honoré, il leur fit rendre leur argent
par monsieur Du Trembley, gouverneur de la Bastille, son
frère ^
Le chevalier de Razilly y retourna en 1629 avec six navires com-
mandez par luy, La Touche-La Ravardiere ' son vice-admiral, Tril-
lebois, les chevaliers de Tallesme, de Guitaud & Des Roches". Mais,
comme ils commençoient de traiter de paix & du rachapt des escla-
ves françois avec un député du roy de Maroc, qui les vint trouver
1. Le Gendre, ainsi qu'il le dit luimême 'i. L'officier de vaisseau qui alla en 162g
(p. 724), était un des marchands qui se avec Razilly au Maroc s'appelait M. de La
portèrent caution du retour du I^. Hodol- Touche de Non (V. p. 264, note 5) et n'avait
phe. rien de commun avec le fameux Daniel
2. Il faut entendre: ne sont point retour- de La Touche de La Ravardière, lieute-
nés au Maroc dans le délai fixé. Le Gendre nant général en Guyane (i6o5), fondateur
parlera plus bas des missions de Razilly au de la colonie du Maragnon (1613-1616).
Maroc en 1629 et en i63o. 5. Sur ces noms dont quelques-uns sont
3. Charles Leclerc, seigneur du Trem- légèrement défigurés, V. pp. 206-207,
blay, né en i58/i, gouverneur de la Bastille. notes 2, 3 et 4.
RELATION DE THOMAS LE OENDRE ^35
à la rade de Salé, oîi esloit l'armée, une tempcsle furieuse les
obligea de remettre le traité à une autre ibis *S: de lever lancre.
Il y retourna en i(33o au mois de juin, avec trois navires com-
mandez par luy, monsieur Du Cliallanl. i.V l'alol, pour mesme
sujet, mais avec aussi peu de succès, le roy de Maroc avant laiil
temporisé que les mauvais temps arrivèrent, pendant lesquels il est
impossible de demeurer à leurs rades ; >.V le cbevalier de Razilly
partit de la rade d'Asally pour France le la d'octobre, & arriva le
dernier du mesme mois à la rade de lîelle-lsle, après avoir pris
deux ou trois navires sur les Mores de Salé ' .
INous avons parlé de deux portes de Maroc, l'une appelléc du
Camis, \ l'autre de Duquella. Ce mot de Garnis veut dire : du
Marclié, ou du Marché à chevaux" ; car hors de cette porte est une
grande place où on tient le marché aux chevaux, «k où les cavahers
mores »k alaibes s'assemblent pour s'exercer en la course des che-
vaux. Cette autre porte, appellée de Duquella, est la porte qui
regarde la province de Duquella, comme qui appelleroit la porte
de Saint-Honoré : la porte de .Normandie, ou la porte de Saint-
Denys : la porte de Picardie. Duquella est donc une des provinces
qui appartiennent au royaume de Maroc, laquelle tire vers le nord,
comme une autre qui tire vers l'est, qui s'appelle Dara. Pour ce
qui est de TalTiletle, dont on appelle les habilans Ta^ilely^ j'en ay
ouï parler comme dune province qui appartient au royaume de Fez,
laquelle est entre Fez tk la mer Méditerranée', mais je nay pas
appris qu'elle s'appelât royaume; néanmoins il peut eslre qu'on
l'appelle ainsi, à l'imitation & exemple d'Alger & de Bougie, qu on
a appellées aussi royaumes. Ce peut estre un usage à la mer Medi-
tei'ranée d'appeler les provinces : royaumes, mais non pas en la
coste de Mauritanie de la mer Oceane.
1. Pour le récit des campagnes de Razilly ils se lieiiiieiil.
en l'Jiy et i03o, Le Gendre a dû consulter .'i. Les habitants du Jadleil sont appelés
la relation imprimée de Jean Armand Filali au singulier et Filaliin au pluriel.
Mustapha. (V. supra. Doc. \LIII pp. It. Laquelle est entre Fez et la mer Mcdi-
3o4-lHt'(). Icrrance. Faute d'impression ; il faut corri-
2. L'auteur commet une erreur ; le mot ger ; lequel est... Il est impossible de
Camis (Kliemis) veut dire jeudi. On se supposer à Le Gendre qui avait résidé sept
rappelle qu'au Maroc les marchés sont dé- ans au Maroc une pareille ignorance de la
nommés d'apn's le jour de la semaine ou situation du Talilcll.
-36 ifififi
Je n'ay point esté à la ville de Fez, mais jay entendu des per-
sonnes qui avoient esté & à Maroc & à Fez disputer de la beauté &
grandeur de l'une & de l'autre, & ils convenoicnt que Maroc estoit
la plus grande, mais (|ue Fez estoit mieux bastie, ses maisons res-
semblans à celles d'Espagne.
Je ne sçay point quel territoire possède cbeq Gaillan, mais je
sçay bien qu'il possède celuy qui est depuis Toutouan jusques à son
chasteau d'Arguile', tS: il n'y- a que deux ou trois ans quil s'est
emparé de Toutouan, qu il prist d'emblée^, lorsqu'il y avoit sur la
rivière deux barques de Marseille, (jui voyant venir une armée de
quinze ou de vingt mille bommes, croyoient cslre perdues; mais elles
furent bien étonnées cpiand Gaillan leur envoya dire qu'elles n'eus-
sent point de peur, *^: qu il vouloit conserver le négoce à Tou-
touan ; & de l'ait, la ville prise, les barques y montèrent & y iirent
leurs affaires, la ville estant trois lieues loin de la mer, ou de la
rade, & ay^ant une petite rivière où les barques qui tirent peu d'eau
montent, »S; avec peine.
Il est vray que L'Arraclie^ appartient au roy d'Espagne, & que
Ceuta luy appartient aussi depuis la dernière révolution du royaume
de Portugal, auquel cette place apparlcnoit, mais le gouverneur
qui y estoit lors de la révolution* n'a pas fait comme les autres,
car il a tenu bon pour le roy d'Espagne ; \; c'est la seule de toutes
les places que les Espagnols tenoient aux Portugais dans toutes les
quatre parties du monde qui en ait usé ainsi.
Tanger ne vaudrait rien, si ce n'esloit le port que les Anglois y
font par le moven d'un molle qui leur coustera bonne somme". Les
1. Arcjuile. Arzila. — I.e terriloire sur outre Cmita sur laMediterranéc. I^ignon
lequel s'étendait l'aulorilé de Ghaïlan est de \elez, Melilla, Marzalquivir & Oran. »
aproximativement compris entre celui des !x. La révolution de i6/io qui fit arriver
Djebala et l'Océan ; il correspond à l'an- au trùiie de Portugal le duc Jean de
. Bragance — Le gouverneur de Ceuta était
cienne province de llibl(Habat)ia.*. ^j^^.^ p Prancisco de Almeyda. Sa con-
2. Erreur: le clicikli Ghaïlan ne s'empara duile fut équivoque et il fut remplacé le
pas de Tétouan où la famille des En-Neksis 5 février i64i par D. Juan Fcrnandez de
avait repris le pouvoir après la mort d'El- Cordoba. V. i''-' Série, Espagne, i6/|0-i6i5i.
Avachi. Cf. r''" Série, Angleterre, Belation 5. La première pierre du môle de Tan-
de Cholinley h la date de lô-ji. ger fut posée par Sir llugh Cholmley en
3. Enmargeclen note: <(L'.\rraclie&La août i6G3. Cf. s' Série, Angleterre,
Mamorre est au rov d'Espagne, sur rOcean, liclation de Cholmley, à la date de 1671
RELATION DE THOMAS LE GENDRE 'jS']
Anglois ne se fieront point à cheq Gaillan. car, quand il voudra
les tromper, il fera commander ses troupes par un autre clieq, &
dira que ce n'est point sa race, mais une autre race d Alarbes qui
aura fait le mal.
Monsieur le chevalier Cliolmeley, premier escuyer de la reyne
d'Angleterre, ingénieur à Tanger, & qui y est retourné', me dit
dernièrement que le vice-amiral Lasson", le gouverneur de Tanger ',
\ luy ingénieur, avoient une fois conféré avec cheq (iaillan dans
une tente au milieu des deux armées, celle de Gaillan estant de vingt-
mille chevaux, & la leur n'estant que de mille hommes ; & sur ce
que je luy dis qu'ils avoient fait grande folie, il en demeura
d'accord, »k dit qu'ils l'avoienl bien reconnu dej)uis, & que Gaillan
les avoit obligez de luy promettre de l'aller voir en son château
d'Arguille, mais qu'il n'y eut que luy ingénieur, qui y fut porter
les excuses des autres, & que, s'ils y avoient esté tous trois, qu'ils
n'en seroient pas revenus'.
A Ceuta & à L'Arrache, il n'y a point de port que pour les bar-
ques, mais le port de La Mamorra est très-bon , & néanmoins le roy
d'Espagne ne s'en sert point & n'en tire aucune utilité.
Salé est un havre de barre, oii des vaisseaux de deux cens ton-
neaux peuvent entrer, pourveu qu'on prenne bien son temps, & à
l'aide de pilotes ou lamaneurs^
A Fudella se pourroit faire, à ce qu'on dit, un port, y ayant
une langue de terre qui avance en mer ; mais il n'y a là ny ville ny
chasteau, & ce lieu n'est (ju'à trois lieues au dessus de Salé.
Azamor est un méchant petit port à barques, & il n'y a là que
des pescheurs d'alozes ^
I . Cholmley revint à Tanger en janvier fut lue dans une sortie contre les Maures.
lG65. V. supra, Note bibliograpliicjue, V. supra, p. 708, note 3.
p. 698. 4. Les Anglais, mal renseignés, se m(5-
■1. Sir John Lavvson commanda de i(J6a prirent, au début de l'occupation de Tanger,
à i664 l'escadre chargée de réprimer les sur l'importance du cheikh Ghaïlan, qu'ils
Barbaresques. Il mourut le 29 juin t665. considérèrent presque comme le souverain
3. .Vndrcw Ruthcrford, comte de Tcviot. du Maroc.
Après avoir servi dans l'armée française, 5. Lanianeurs. nom donné aux pilotes
où il devint lieutenant-général, il rentra en qu'on loue pour entrer dans les havres et
Angleterre à la restauration des Stuarts. rivières. Cf. Jal, au mot « laman ».
Nommé gouverneur de Tanger en i663, il 6. Sur l'abondance de ce poisson dans
De Castries. 111. — ^7
738 i665
Masagan, qui est au dessus & à dix ou douze lieues du cap de
Cantin, est une petite ville muraillée, qui a du canon, dans
laquelle place il n'y a ordinairement que deux ou trois cens pau-
vres misérables Portugais en garnison, qui bien souvent n'ont pas
de pain' ; & néanmoins cette petite place n'a pas laissé de résister à
plusieurs milliers de Mores & Alarbes, qui, n'ayans pas l'usage des
pièces de campagne, des escalades & des pétards, sont incapables
de prendre des villes muraillées, surtout quand elles ont du canon.
Mais en échange, ce n'est point à la garnison à sortir en campagne,
caries Mores & les Alarbes, grands cavalliers & en grand nombre,
sont adroits en embuscades & à empêcher la retraitte.
Au dessus de Masagan est La Houladilla, petit port à barques ou
moyens navires, y ayant à l'entrée une roche qui la rend difficile, &
n'y a là qu'un chasleau & petite villette.
Je n'ay point esté en toute cette coste-là. depuis le Détroit jus-
ques au lieu de La Houladilla ; ce que j'en dis n'est que par ce que
j'en ay retenu de la conversation que j'ay eue avec ceux qui y ont
esté, & par les cartes. Quand j'ay esté à Saffy. j'ay terry au cap de
Cantin, & de là à Saffy.
Saffy est une ville sur une hauteur bien muraillée & fournie de
canon, bastie en lo^o par les Portugais", à ce qu'on remarque par
l'écriture & par le chiffre qui est sur la grosse tour du chasteau de
haut^. 11 n'y a point de port, mais seulement une rade bonne en
esté, & mauvaise en hyver.
Mongador est un petit port abrité d'un islet, où des vaisseaux de
deux & trois cens tonneaux peuvent entrer.
Agader, ou Sainte-Croix, est une baye ou rade raisonnablement
bonne ; le chasteau est sur une pointe de terre fort haute, & les
maisons de si peu de Chresliens qu'il y a là sont au pied du chasteau.
Messa est une rade qui ne vaut rien, & où l'on ne va que quand
Agader & Messa sont en guerre l'un contre l'autre ; autrement
tout le négoce se fait à la rade de Sainte-Croix, dit Agader.
l'oued Oumm er-Rbia, dont l'estuaire esta 2. Le Gendre commet une erreur. Les
Azemmour, V. /'"' Série, France, t. II. Portugais occupèrent en i3o8 la viUe de
p. 2^8, note 9. Safi qu'ils évacuèrent au mois de décembre
I. Sur la situation précaire de Mazagan, i54i. V. /" Série, France, t. I, p. i4i,
\. 1" Série, France, l. I. p. 1^5, note i. noie 3.
HELATION DE THOMAS LE CENDRE •J,S()
Revenant à SalTy, j'y ay quelquefois demandé à des vieillards
qui avoient esté à la bataille dite des Trois Rois, dont j'ay parlé au
commencement de ce mémoire', ce qu'ils croyoient qu'esloit devenu
le roy Dom Sebastien de Portugal, & ils me dirent que, n'ayant
point esté trouvé entre les morts, on croyoit reiinemenl (ju'il csloil
incognito parmi les esclaves. En l'année 1O19, il vint un bruit que
Dom Sebastien, après plusieurs années d'esclavage vers Alger &
Tunis, où la pluspart des esclaves avoicnl esté menez, s'estoit sauvé
& estoit revenu en Espagne. Mais les marcbands espagnols disoient
que c'estoit un imposteur, qui se disoit estre Dom Sebastien, &
qu'il ne l'estoit point, «k qu'il avoit esté traité comme tel ; ce qui
faisoit grand débat entre nos marcbands de diverses nations qui
estoientà SalTy & à Maroc, les uns voulant que ce fustle vray Dom
Sebastien, & les autres que non".
Quant au négoce de ce païs-là, il est presque semblable depuis
Toutouan jusques à Sainte-Croix & Messa, sinon que la traite est
plus abondante en un lieu qu'en l'autre. Ce qu'on y porte, c'est du
fer, des toiles de toutes sortes, des draperies, du papier, des quin-
quailleries & merceries, des épiceries & des teintureries ; & ce qu'on
en rapporte, c'est de l'or, de la cire, des cuirs, des plumes d'au-
truche, des amandes, des gommes, des câpres. & autres marchan-
dises.
Reste à dire quelque chose de la religion des Mores, & de leur
méthode en leurs prières.
Ils sont, comme chacun sçait. mahometans. mais ils ont pour
le moins une douzaine de saints qu'ils invoquent, à la teste des-
quels ils mettent Mahamet ; ainsi appellent-ils leur Prophète, & non
Mahomet.
Quand ils veulent faire leur sala, ou leurs prières, ils se lavent
les pieds & les jambes jusques au gcnouil, & les mains & les bras
jusques au coude ; & puis il s'assoient à terre la face vers le soleil
levant, un chapelet à la main ; après quoy ils invoquent leur Cidy
Mahamet, en le priant de prier pour eux ; puis Cidy Bellabech,
qu'ils disent estre saint Augustin ^ tS; ainsi plusieurs autres; (k à
1. V. supra. |). 701 clnole'j; ttp. 7.iO. Sébastien.
2. Cf. M. d'A.mas, Les faux Dom 3. \ . supra, p. iiS, notf /|.
-j/Jo i665
chacun, ils se jettent contre terre, touchant la terre de leur front
autant de fois qu'ils invoquent de saints, & durant le tour du cha-
pelet. Ils meslcnt mesme parmy leurs saints Nostre Seigneur, sous
le nom de Cidy ÎNaissa', qu'ils avouent estre un grand saint; &
quand nous leur demandions de qui il estoit né, ils nous répon-
doient: « de Lela Mariera, de la Vierge Marie » ; & quand nous leur
demandions encore comment il avoil esté conceu au ventre de la
Vierge, ils nous répondoient : « du souffle de Dieu » ; à quoy leur
répliquant que, par le souffle de Dieu, il falloit entendre l'Esprit de
Dieu, & que, par conséquent, Nostre Seigneur estant né de la
Vierge &. conceu par le Saint Esprit, il estoit constant que Nostre
Seigneur estoit, avec le Père & le Saint Esprit, Dieu & un seul
Dieu bénit éternellement ; mais c'est ce qu'ils ne pouvoient & ne
vouloient comprendre, & nous rebutoient avec injures.
Bibliotlûqae Nationale. — Imprimés Oy 2. — Lettre escritte par
Monsieur **** qui a demeuré 25 ans dans la Mauritanie. Paris,
M.DC.LXX.
I. Cidy Naissa, pour Sidna .Vissa, Notre-Seigneur Jésus.
7'fi
ADDENDA
AUX
DOCUMEXTS DE LA PREMIÈRE SÉRIE FRANCE
(Tomes I, II et III)
LETTRE DE CHARLES DE MOUY A l'HILII'PE DE CHABOT 7 43
LETTRE DE CHARLES DE MOUY' A PHILIPPE DE CHABOT -
La mission fin rnlonel Piton a rapporté du Maroc un coffre rempli de
présents destinés au roi de France; le nommé Le formant qui en avait
la garde a été arrêté à Amiens.
La Mailleraye', 10 décembre [i533].
Suscription : A monseigneur, monseigneur l'AclmyraL
.lu dos, alla manu: M. de La Meilleraye, du voyaige de Piton'.
— Riches presentz du roy de Fées.
Monseigneur, j'ay receu les lettres qu'il vous a pieu m'escripre
par messire Iheronyme Fer°, lesquelles il ma envoyez au Havre de
Grâce, cependant qu'il pourchassoit son argent à Rouen, où il avoit
trouvé le trésorier.
Monseigneur, depuis que mon nepveu de llotot parlist, il s'est
trouve ung colTre plain de quelques acoustremens et aultres petitz
menutez que on a apporté du royaulme de Fées, lequel coftre ay
entendu par inconvénient" qu'il estoit au Roy, dont le cappitaine
Michel vous donnera plus amj)lemcnt à entendre. Je vous envoyé
la coppie de l'inventaire de ce qui est dedens. Aussi, Monseigneur,
1 . Cliarles de Moy (ou de Mouy) sci- rieure).
gneur de La NLiillerayc, gentilhomme de /|. Sur la mission du colonel Pierre de
la Chambre, vice-amiral de France. Piton au Maroc, V. 1'' Série. France, t. l,
2. Philippe de Chabot, seigneur de pp. i-^a.
Brion, amiral de France. V. /'''■ Série, 5. Gentilhomme de Savone, chargé plu-
France, 1. 1, p. 2, noie 3. sieurs fois do missions maritimes. V. Cata-
3. La .Mailleraye-sur-Seine, commune togue des actes de François r"'.
de Guerbaviile-La-Mailleraye (Seine-Infé- 0. Par inconucnient, par hasard.
■y/j^ lO DÉCEMBRE l533
Ion m'a dit qu'il y a plusieurs aulties choses lesquelles ne sont
venues à ma congnoissance. Si La Planche ' est allé devers vous,
comme il m'avoit dict, il vous pourra advertir du tout. Le serviteur
de Pyton, qui avoit en garde toutes ces besongnes, se appelle Le
Norraant, et m'a l'on dit qu'il est arresté prisonnyer à Amyens.
Entre aultres choses, il y a des espérons dont les garnytures sont
d'or, et dict-on qu'ilz vallent deux ou trois cens escus. Il y a aussi
ung astrallabe que l'on envoyoit au Roy, une orlogc, une pièce de
toille d'or et, à ce qu'on m'a dit, plusieurs aultres choses dont n'ay
rens sceu. Vous pourveoirez à tout, Monseigneur, ainsi qu'il vous
plaira.
Monseigneur, je prie Dieu vous donner en santé très-bonne et
longue vie.
De La Mailleraye, ce dixiesme de décembre.
Vostre très-humble et obéissant serviteur.
Signé : De Moy.
Bibliothèque Nationale. — Collection Moreau. — Vol. 77i, J. 312. —
Original.
I. La Planche. Josse de La Plancquc. Cf. i" Série, France, t. I, p. 4i. noie i.
COMPTE DE L ÉPARGNE l ^^
COMPTE DE L'ÉPARGNE'
Payement à Jnsse de La Plancrjuc d'une somme qui lai e'tait due pour l'en-
tretien des sept hommes préposés à lu garde des animaux ramenés du
Maroc.
27 mars i533 — n. st. i534.
En marge : Josse de La Plancque.
A Josse de La Plancque la somme de troys cens soixante-treize
livres, auquel, faisant le parfaict de iiij'xiij i., led. s' l'a ordonnée
des deniers de Tannée fynie le dernier jour de décembre dernier
passé, par le Roy et ses lettres patentes données [à] Paris le
xvij" jour de mars mv'xxiij, signez Françoys, Rochetel, et scellées
du seel dud. s', pour son remboursement de pareille somme qu'il
a payée pour le vivre, nouriture et entretenement de sept hommes
qui ont soubz luy eu la charge de nourrir et penser les bestes que
led. s' a nagueres faict venir du royaume de Fez. depuis le premier
jour de janvyer dernier passé, jusques et comprins le dernier jour
de février ensuyvant. Laquelle somme luy a esté payée comptant
par led. preudommedes deniers pris et tirez de ses coflres de ceulx
de lad. année dernière, es présences de mess'' les presidens, en
monnoye de xi)"'"' et x"°% comme il appert par sa quictance signée
Rohart et Pichon, notaires au Chastellet de Paris, le xxvij jour de
mars avant Pasques mv'^xxxiij . Enregistrée par moy le iij' jour de
juillet mv'xxxiij. Pour ce, cy iijixxiij £.
Bibliothèque Nationale. — Fonds français. — Ms. 15629, n" 508,
f. 2U2 v°. — Original.
1. Cf. CiMBER et Danjov, Archives curieuses, t. 111, pp. 87-88.
-^6 18-27 MARS lÔfil
LETTRE DE MOULAY MOHAMMED BEN ABDALLAH'
A CHARLES IX
// a transmis à Merrakcch la lettre (jae le roi de France adressait à son
père. — Celui-ci a fait la réponse suivante : Il veut bien accorder à
Charles IX le monopole de l'achat du sucre, si cette marchandise est
payée au prix du cours actuel au Maroc plus un tant pour cent à déter-
miner. Pour le cuivre, il accepte la proposition du roi de France, à la
condition que le métal exporté soit payé en armes et munitions. La con-
cession du monopole du sucre entraînera pour la France l'obligation
d'importer au Maroc toutes les marchandises nécessaires à ce pays. —
Éloge de l'agent français Robert Bordet tjui a rempli sa mission avec
zèle et discrétion.
Palais de Dar el-Beida-, i"= décade de Redjeb 968. — 18-27 mars i56i.
En tête : Traslado de una carta enviada por el senor Muley
Mahamed vi [sorrey^] del rreyno de Fez para el muy poderoso y
sacra Magestad del r[rey de Francia].
i Gracias a Dios solo!
Del sierbo de Dios alto, el que se zufre sobrEl, el que[acrecj
I. Le traducteur espagnol a mal déchif- loukh (l'Ecorché).
fré le nom de ce chérif sur le cachet et a lu : 2. Dar cl-Be'uIa, la grande Kasba de Fez
Mohammed bon Ahd el-Kadcr. V. infrn el-Djedid, appelée aussi Medinet el-Beida.
p. 7^8, note 4. 11 faut restituer Mohammed Lkox l'Africain la nomme « Palazzo realc
ben Abdallah el-Ghalib. Ce prince com- délia CittàBianca «.Elle avait clé fondée en
mandait à Fez, comme lieutenant de son 1376. C'est aujourd'hui la résidence du
père. Cf. El-Oufrà.m, p. 8g. U monta sur makhzen.
le trône en janvier 1674 et périt noyé dans 3. Les mots restitués entre crochets ont
l'oued ul-Mekhàzen le 4 août 1578. C'est ce disparu sur le document par suite d'une
prince que les historiens appellent El-Mes- déchirure du papier.
LETTRE DE MOULAY MOHAMMED BEN ABDALLAH A CHARLES IX ~ !\~
ienta sus merced[es secrejtas y publicas, el visorrey, el soberano,
hijo de Su Alteza, nieto de Su Alteza, senor de los Moros, el guer-
rero en caminos del Senor de los mundos, nuestro senor Mahamet,
hijo de nuestros senores los Jariles eclesiasticos, los nobles, vir-
tuosos Hazenis. — j Conline Dios con ellos su alteza y su ensalza-
mento, y escojale en lo que descare por su merced!
Para el mayor de su gente y prinzipe de su monarqula, el rrey
a quien se rrepresentan los négocies del rreyno de Francia y sus
hechos, el espejo de su comarca. [Paz sobre quien signe la verdad
y camina senderos de bien y terne al mal !
Escrevimosla de la Corte alla y catreda ' de nuestro rrey y
guarda de nuestra le, nuestro senor, principe de los fieles — [ Contine
Dios sus vias y aderece a propiedades del rreyno sus actos !
De la Casablanca j Guarde Dios sus parles y sosiege sus alas y sus
cabos !
Sin ynobacion. con gracias de Dios alto, ecebto lo que acostun-
bra en sus mercedes y esticnde de sus glorias y sus piadades.
Y es porque aporto a esta corte enaltecida y poderosa vuestra
carta la mandada a nuestro Senor, que Dios soaze^. y hallole
absente en la corte de Marruecos, laquai le mandamos. Y por ella
vista, y rremirolo yntrinsico de vuestra platica y entendio [vuestra]
voluntad — j Esfuercele Dios ! — Y nos hizo saber lo que cumple
rresponder en eso, segun beres rreglado en [esta] carta.
A lo que haces memoria en caso del azucar', que quereis que no
lo conpre otro sin[o vos], y que sea estancado a vos, rrespondio
que alira poi' bien eso. con condicion que vos cerliliqnes [pagar] su
precio de aqui, por quel prccio de la conpra arreslo de la gente entre
los arrcndadores dello, ansi Judioscomo otros, corrientc entre ellos
esta rremitido su caso a ellos ; y nos no concederemos a vos la con-
pra segun haces memoria, ecebto sino nos asenalais enrriba del
precio corriente al présente un lanto senalado, el cpial nos hares
saber, y estonces ' le mandaremos la rrespuesta, — ; Dios le soalzc !
y si acetare en la contia que dijeredes estonces os lo mandaremos,
con ayuda de Dios.
I. Catreda, pour: cateHra. et le commerce du sucre au Maroc. V. ;''
■ji. Soaze, pour: soalzc. Série, France, t. I, p. 3o3, note 5.
3. Sur les plantations do cannes à sucre 4- Estonces, pour: cntonccs,
■y48 18-27 !^'A.RS 1061
Y a quanto el cobre', acetamos a vuestra voluntad sin litubacion
ni dilacion. con estas condiciones siguientes : y es dardes licencia
para armas, ansi de lonbardas como escopetas y lanças y polbora
y pelotas y rremos y estano. Y estas cosas susodichas, las dares por
su balor del cobre a segun fuere el concierto entre nos cada y quando
ubieremos necesidad délias.
Lo quai el açucar, si lo estancamos y cortamos su benta, por
vuestra parte nos dares de las mercaderias necesarias lo que rre-
quiriere la necesidad contino.
Vuestro criado el aportador de vuestra carta, Rroberlo Bordel',
es de los mas dilijentes de vuestros criados y de los mas discrètes,
despierto ; non sosego con su diligencia de procurar de aver
rrespuesta que vos volber presto, hasta que alcanço de Su Alteza
su deseo y boluntad, porque conoceres su servicio y estimares sus
portes, porque el, si Dios quisiere, sera porlador entre nosotros y
senalado para portar alla^ lo que se negociare con mi senor el Rrey
a la buelta, si Dios quisiere.
Fecha a principio del mes de Dios el apaciguado Rregeb el uno,
afio de nobecientos y sesenla y ocho.
El sello de cera colorada dize ansi ' : Por mando del sirbo de
Dios, qu'espéra la piadad de su Dios, Mahamed, hijo de Abd el-
Kader el-Hazeni. j que Dios tenga en su gloria !
Bibliothèque Nationale. — Fonds français. Ms. 15872, f" 227 recto.
— Traduction officielle.
1. Sur l'intérêt que les rois de France 3. Alla, là-bas, c'est-à-dire; en France,
attachaient à l'exportation du cuivre, V. ^. Cette lecture, ainsi qu'il a été dit plus
/'"" Série, France, t. II, Doc. VIII, p. 24. haut (V. p. 746, note i) est inexacte en
2. Il n'a pas été possible d'identifier cet ce qui concerne le nom patronymique de
agent de Charles IX. l'auteur de la lettre.
SAUF-CONDUIT DONNÉ PAR MOULAY lîL-CII AI.IH A nOBERT BOKDET ~ f\()
SAUF-CONDUIT DONNÉ PAR MOULAY ABDAUIAIl KLGIIALIB'
A ROBERT BORDET^
S. 1. 3» décade de Redjeb [968]. — 6-16 avril [i56i »].
En tête
: . L-j <.3t^j ^\ ' Icj -U^ tVj^ ie A.\i\ V^i oJi>.j <US JuLl
JUI J— Li ^^1 Stg:<e de validation \ | \^ 4\| j^ jV,| ^
Je AlSl Jy? jil Isj!! ;lci ^ ^^^1 ^jlSll IJ^ JîLJ »^I ^\
I. Bien que le nom du chéri f régnant
nr soit pas mentionné dans ce sauf-conduit,
le: ton général semble indiquer qu'il émane
plutôt de Moulay Abdallah el-Ghalib que
de son fils Moulay Mohammed el-Mesloukh,
le vice-roi de Fez.
u. V. un fac-similé de ce Document,
p. 751.
3. La date a été restituée d'apn's le do-
cument précédent.
/). Sur ce signe, toghra «jils qui a une
grande analogie avec celui qui figure en tête
des lettres de plusieurs chérifs saadiens, V.
les fac-similé 1" Série, Pa)s-Bas, t. I, pp.
lai, 35i, 359, 6i3 et t. II, pp. 3g4 et 7111.
^5o G-t6 Avnii. i5Gi
^lâJVi ôlibVj Jt-Vl jr;i; "^li^^S A^lc ^9J j^ (_c^*^' o'^-J'j
JîCj JL) Vj Jb Vj i^l «À* ^j) ^_ ^'j^-i ^^«-îl Ol-O ^ ^A li*
^Ij^lj <^_^ 0^5^ ^-^^ ij* '^jJs^ <^. ^ ^P ^^ j/jdl ijubi
'. • . ^Ic ^_^î-j ^^1 ^^ 3 J'^y^' r:f=r o--? ^
Bibliothèque Nationale. — Fonds français. — Ms. 15872. ff. 227-228.
— Or i (final.
I. La date n'a pu être déchiffrée.
PI. VI.
SAII -(.ONDl I T nONNi: l'Ali MOII.AY ABDALLAH .\ MOHIliT liOliDi: I' j-)
.\vril iniii '"
D'après l'oriiiinal conserve à In Hibliolhèque Nalicmiile
Dcmoulin. Se- '-• l-ci'i'ix. K.1
SAUF-CONDUIT UONNK PAU MOILV Y MÎHMIMI \ IlOUKUT BOUDKT ".H
/Jl'i»
S.\UF-CO!\DUIT DONNÉ PAR MOLIA^ \i;l)\l.l.\l
V ROBERT RORDKT
( Tkaduction.)
s. I.. Fin Ucdjeb (968]. — 6-it) avril [i56ij.
Louange au Dieu unique ! — Que la bénédiction et les grâces
de Dieu soient répandues sur notre seigneur Mohammed, sa famille
et ses compagnons !
De la part du ser\ileur du Dieu Très Haut ISime de vaudatio» » . 1
le chérif Hasseni (Que Dieu fortifie son autorité!).
Ce sauf-conduit, élevé sur les piliers de la fidélité et construit,
avec la puissance de Dieu, sur les colonnes de la sincérité, sera
entre les mains du négociant' français Robert Bordet comme une
solide garantie.
Grâce à lui, il s'abreuvera aux meilleures sources de notre pro-
tection et s'abritera dans les ombres les plus larges de notre con-
fiance. Cet écrit fera disparaître sa rnénancc et dissipera ses craintes
en toutes circonstances. Il sera pour lui comme un guide le con-
duisant dans les diverses régions de notre gouvernement et comme
une lumière dont les rayons éclaireront ses pas. il lui facilitera l'ac-
cès des ports tels que Larache, Salé, Safi et ceux du Sous el-Aksa.
Quiconque prendra connaissance de la présente sera tenu de se
1. Sur ce signe, V. supra, p. "^liQ, note .'|. car il csl cmplo^i5 au Maroc pour désigner
2. Le leitc arabe porte tadjer, mais ce courtoisement un clirélien, au lieu de iias-
i|ualiricalif ne doit pas être pris à la lettre, sarani. nazaréen.
■ySa 6-16 AVRIL i56i
conformer à nos ordres et devra traiter le porteur de la façon la
plus convenable. Ces prescriptions s'adressent jjlus particulière-
ment aux amels, aux caïds et aux commandants de troupes. Cha-
cun d'eux devra exécuter les mesures qui y sont indiquées. C'est
un ordre formel.
Ces mêmes mesures seront appliquées à tous ceux qui accompa-
gnent le susdit et qui sont comme lui sujets du roi de France ;
elles s'étendront à leurs biens et à leurs affaires.
Écrit dans les derniers jours du mois de Redjeb de l'an-
née
LETTRE DE MOUL.VY ABD EL-MALEK A CHARLES I\ 7^^
LETTRE DE MOULAY ABD EL-MALEK' A CHARLES IX
Moulay Abd el-Malek remercie Charles L\ de ses offres amicales et de la
lettre qu'il a écrite en sa faveur au Grand Seigneur. — // espère pouvoir
témoigner sa reconnaissance autrement que par des paroles. — Il annonce
la mort de son frère qui l'avait exilé; avec le plus faible secours il pour-
rait maintenant rentrer facilement au Maroc. — // demande à C/i'/c/cv lÀ
d'écrire de nouveau au Grand Seigneur pour le recomniiinder et de don-
ner des instructions en ce sens à l'amba.'isadeur de France. — Il va partir
pour rejoindre l'expédition de Euldj AU contre Tunis, après quoi il ira
à Constantinople. — .Si ses projets sur le Maroc réussissent, sa personne
et ses forces seront au service du roi de France.
Alger, 2Ô mai iS'^V
Suscription : Al Clir[islianissiJmo lie.
Au dos. aim manu : Lettre do Fes du xxv" may \i)~j!i.
En léte. alla innim (wii' siècle) : Lettre du roy de Fes au roy
Henry IH'. à Alger le au may 107/1.
Sire,
La lettera ' che è praciuto a \ . M. mandarme in risposta délia
I. Lors de la morl du clicrif Moiilav 2. Charles IX (5lanl mort le 3o mai i.T-^,
Mohammed eclt-ClieiUh (^3 octobre 1Ô57) c'est par erreur que, dans la mention alla
el de l'avèncmont de Moulay Abdallah et- manu du xviii^ siîcle, on a (5crit Henri 111.
G/ia/i6, le chérif Moulay .\bd-el-Malek avait 3. Cette lettre de Charhis IX à Moulay
jugé prudent de se réfugier à Tlemcen, [luis .\bd-cl-Malek n'a pu être retrouvée, mais
h Alger et à Constantinople. Sur Moulay sa teneur peut élre rétablie facilement. Il
Abd-el-MaIck, Y. France, t. I,pp. 4^9-458. est probable que le roi de Franco encoura-
De C.vsthies. III. - '|f<
-B'i 25 MAI 157/1
relacion faltali dal cap[itan]o Antonio Rlzzo ' in nome mio me ha
date speranza de adempir il giusto mio desiderio che di lei havea
conceputo et ha demostro la generosita e grandezza che li magna-
nimi Principi in casi de si grande importanza sogliono demostrare,
perche è opra degna e caritevole soccorersi l'un co[n] l'altro contra
i colpi delà aversa fortuna. Rengraciola donque infinitamente, non
solo délie amorevolissime sue ofierte, ma che in favor mio ne habia
scritto allô imperator de Turchi mio sig[no]re, che me ha obligalo
non solo perseverar nella bona volonta et affetlione che alla Maesta
vostra porto, ma augumentar di bene in meglio, sperando in Dio
fargline chiaro piu con elTetti che con parole.
Or, p[er]che p[erj il dette Rizo feci consapevole la Maesta Vostra
che, contra ogni debito di raggione, mi trovo discacciato del mio
natural regno dal tiranno mio fr[ate]llo, le dico adesso che sono
pochi giorni che il detlo mio fr[atc]llo è morto', lai che con ogni
minimo agiulo io entrarei in casa mia; et queslo facilmente averra,
se V. M. se dcgnara scriverne di novo al detto Gran Sig[nolre et
incargarne il suo ambasiatore^ che ne faccia il bono officio verso
Sua Altezza. El io pronlamente mi parto, essendo stato richieslo
dal detto Sig[no]rc de andar trovar la sua armata che viene ad
espugnar La Golelta ' ; e di la penso andarminc in Constantinopoli.
Et quando queslo de che io sup[pli]co V. M. venga ad elTetto p[er]
mezzo suo, le offro me stcsso e lutte le foize mie p[erj spenderle in
suo servigio, (|uanilo da quella mi verra coniantlalo. E confidan-
donie nella sua solila clemenza et magnanimita, faro fine alla p[re-
geait les projets de Moulay Abd-el-Malek et par son frère Gilles, abbé de L'Isle.
lui donnait de vagues assurances de con- 4. La flotte commandée par le capitan
cours. pacha Euldj .\li partit de Constantinople
1. Le capitaine .\ntonio Itizzo était au mois de mai 1 674 à destination de Tunis.
« ambassiatore » de Franco à .\lgcr. V. Les troupes de terre débarquèrent le 12
Lettre de « Hamal Baxa [.\hmed Pacha], juillet sous la conduite de Sinan Pacha ; les
re d'.Vlgieri, » à du ik mars 1578. galères d'Alger, sur lescpjelles se trouvait
Bibl. ISal.. Ms. fr., I\J'" Acq. 5i/S, f. 5t. Moulay Abd el-Malek, arrivèrent quelques
2. Moulay .\bdallah e^G/ia/i6 mourut le jours après. Le 28 juillet, la Goulette était
21 janvier 157/1. V. El-Oufkà.ni, p. 100. prise; Tunis fut emporté d'assaut le i3 sep-
3. François de Noailles, évèque d'Acqs, tembre. Cf. El-Oufràni, p. 108; Gra.m-
ambassadeur auprès du Grand Seigneur de Moxr, pp. Ii5-ii6; Ham.mek, t. II, p.
1571 à 1574, date à laquelle il fut remplacé 192.
LETTRE DE MOUI-AY ABD EL-MALEK A CHARLES IX
755
sen]te, pregando Dio per la félicita et augumento del suo potenlis-
Da Alger a xxv di Magio MDLXXIIII.
Di V. M" hiiniillimo servitore.
Il Re de Fes.
Siffnalure autographe' : Abdclmelec.
Bibliothèque Nationale. — Fonds français.
Ms. 5178-, f. 57. — Original.
Nouvelles acquisitions.
I. Il a paru intéressant de donner ci-
dessous un fac-similé de la signature auto-
graphe de Moulay Abd el-Malek ; il est très
probablement le seul souverain de toutes
les dynasties marocaines qui ait su se servir
de notre alphabet pour signer son nom.
Ce chérif, qui avait vécu à Alger et à
Conslantinople avant de monter sur le trij-
ne, était très cultivé et connaissait l'italien
et l'espagnol.
2 . Les pièces dont est composé ce manus-
crit proviennent de la collection Godefroy,
qui se trouve à la Bibliothèque île l'Institut.
Dérobées i)ar Libri à cette bibliothèque,
elles ont été rachetées en 1S87 par la Bi-
bliothèque Nationale.
KaC-SIMILÉ I>E la SICNATL'KE ALTOGBAI'IIF I>F MoiLAÏ AbI) EL-MaLEK.
■756 21 FÉVRIER l588
LETTRE DE HENRI III A MOULAY AHMED EL-MA>SOUR
// demande à Moulay Ahmed la relaxation de neuf matelots français du
navire « la Louve » rjui, contre la foi des traités, ont été capturés près
d'Arzila et envoyés en esclavaqe à Merrakech.
Paris, 21 février i588.
En tête : Lettre du roy Henry IV au roy de Fez.
Très-illustre prince et bon amy.
Tout ainsi que nos sujets nous doivent naturellement tout devoir,
obéissance et service, aussi sommes nous tenus de les garentir de
fouUe et oppression, lorsque nous savons quils ont besoin de
nostre assistance. C'est pourquoy, aians esté avertis que patron
Peiron Perrier, Monet Giraud et Estienne Taxistre, du lieu de
Cannes, Jaumé Amcreton, Baptiste Pipin, Jean Callafat, Jean
Maurellon, Anihoine Léon, et M" Jean Le Barbier, de la ville d'An-
tibes, et Jean Beranguier, du lieu de S' Tropez, tous, nos sujets
natifs de Provence, allans tralTiquer cz mers de Levant, sous la
protection des traitez de bonne amitié et intelligence qui sont entre
le Grand Seigneur et nous, furent rencontrez, il y a quelque
temps, à l'endroit d'Argille ' en Barbarie près le détroit de Gibeltar,
dans un vaisseau nommé « la Louve », et de là menez à Marroc,
et faits vos esclaves et prisonniers ; où ils sont encore misérable-
ment détenus, au préjudice desdits traitez, lesquels nous nous som-
mes toujours efTorcez d'entretenir et faire observer par nos minis-
tres et sujets de point en point, espérant de vostre part en cet
I . Aryilli', Arzila.
LETTRE DE HENRI III A MOLLAY AHMED EL-MANSOl R ^57
endroit toute bonne correspondance, pour l'utilité des communs
sujets de Sa Hautesse et des nostres; nous vous en avons bien voulu
écrire cette lettre, par laquelle nous vous prions et requérons,
autant et si affectueusement que faire pouvons. Très-illustre Prince
et bon amy, de faire mettre en pleine et entière liberté lesdits
Peirier, Giraud, Taxistre, Amoreton, Pipin, Callafat, Maurellon.
Léon, Le Barbier et Beranguier; tant en considération de la recom-
mandation que nous vous en faisons, que parce qu'ils sont nos
sujets, lesquels se sont seulement mis en cliemin sur l'asscurance
qu'ils avoient de pouvoir librement traiUqucr sous la protection
desdits traitez, par lesquels le commerce est librement permis entre
nosdits sujets, vous asseurant que, s'ils sont gratifiez de vous en
chose si raisonnable, nous en receverons tout contentement, et
témoignerons à Sadite Hautesse que nous vous en sçavons bon gré,
priant Dieu, Très-illustre Prince et bon amy, qu'il vous ait en sa
sainte et digne garde.
Escril à Paris, le 21" jour de février i588. Signé : Henry, et plus
bas : De Neufville.
Et la suscription etoit : Au Très-illustre Prince et bon amy, le
roy de Fez et empereur des Marroques.
Archives des Affaires élranijères. — Maroc. — Correspondance consu-
laire. Vol. I . — Copie.
t58 avant le 27 AVRIL 1091
CERTIFICAT DES NÉGOCIANTS DE MARSEILLE
TRAFIQUANT AU MAROC
fis donnent un avis Jaz^orable à la nomination de Georges Former comme
consul au Maroc, en remplacement de Guillaume Bérard décédé.
[Marseille, avant le 27 avril lôgij^.
Nous marchands soubzignés deceste ville, marchand, traffîquans
et negocians aux royaumes de Fez et Marroques et autres lieux
deppandent desdites contrées, considérant la nécessité importante
de la conservation du négoce, lequel est principallemant maintenu
par le moyen de l'érection et entrelenemant des charges et estât de
consuls qu'y sont, par nos louables coustumes de tout temps obser-
vées, establis et institués aux lieux plus commodes de la négocia-
tion en pais et royaumes estrangers pour conserver et entretenir les
grandeurs et perrogatives de la nation françoise, tenir les subjects
de Sa Majesté soubs leur protection et sauvegarde et iceulx garan-
tir de touttes fouUes, opressions qu'ils pourroyent recepvoir ;
En conséquence de quoy, ayant esté feu Guilheaume Berard en
son vivant pourveu de l'estact et charge de consul pour Sa Majesté
Très-Chrestienne aux royaulmes de Fez et Marroques et contrées
en deppandantes, seroit ses mois passés dexedé, laissant par sa
mort et dexès led' pais destitué de consul et les marchands et traf-
fiquans despourveus de celluy quy leur doit fere randre et admi-
nistrer justice et emparer leur cauze et deffance en touttes occasions
et occurances, au très-grand desadvantage, inlherès et presjudice
I. Cf. i" Série. Franco, t. II, Doc. 2. Cette date a été restilucc d'après celle
LXXIX, p. 194. du Document suivant.
PÉTITION DES NÉGOCIANTS DE MARSEILLE TRAFIQUANT AU MAROC "Bq
des droits et grandeurs de Sa Majesté et dos commodittés des ma-
nans et liabilans de ccste ville tralFiqnaiil auxditlcs parties ; à loc-
casion de quoy, tant pour la conservation des authorités de ceste
nation, protection des marchands et negossians ausditz loyaulme.
et attandu que ledit estât et ofTice de consul est vacquant par le
dexets dudil Berard, et qu'il est nécessaire y estrc prompteincnt
prouveu dun qui aye les qualliltés requises à l'exercice dudit
estact, deubement inl'ormés et à plaiu assurés de la prudliommie,
intégrité, bonnes meurs, exprriance et capaciltc de George Four-
nier, marchand de ceste d" ville, aquize par une longue conversa-
tion et uzaige ausdittes parties, et mesnies ayant exercé la d" charge
par quelques années du vivant dudil Berard et en son absance
d'icelle, déclarons que n'cnlhandons empcscher, ains plustot dezi-
rons et la grandeur de ceste nation, bien, repos et tranquililé de
tous les negossians ausdittes parties que led' Fornier soit receu,
nommé et promcu en lad'' charge et estact consuUaire ausdittes
parties, aux mesmes droits, quallittés, honneurs, perrogatives, prof-
fîts, commodittés et esmollumens que de tout temps ont apartenu
à ses devansiers et à 1 estact et forme de ceux de Surie et Egypte,
suppliant humblement Sa Majesté et requcMuuls les s'* consuls, ma-
nans et habitans de ceste d' ville, suivant les privilleges, conven-
tions et chapp'" de paix, luy voulloir donner et expédier lettres et
provissions à ce propres, nécessaires et convenables, nous estant à
foy de ce que dessus soubs""
Suivent les signatures.
Archives communales de Marseille. — Registre des Délibérations de
1501, f. 137.
760 2~ AVRIL IÔ9I
LETTRES DE NOMINATION DU CONSUL FORNIER
Nomination de Geortjes Former à l'office de consul aa Maroc. — Le
Magistrat de Marseille demande au Roi de ratifier cette nomination.
— // prie le Chérif de reconnaître G. Former en qualité de consul.
Marseille, 37 avril iSgi.
En te'le : Teneur de lettres octroyées audit Fornier par les
s" consuls de cesle ville de Marseille.
Nous Melchion Maumès et Anthoine Germain, bourgeois, con-
suls, gouverneurs, protecteurs et defTanceurs des convantions,
chappitres de paix, statuts, privilleges, franchises et libertés de la
présente ville et citté de Marseille, à tous ceulx qui les présentes
verront, sallut.
Comme à cauze du commerce que les manans et habitans de
cette ville et autres de ce rovaume de France font et ne^ossent aux
royaumes de Fez et Marroques et autres lieux deppandent desdittes
contrées, il seroit très-nécessaires y establir un consul pour leurs
protection, manutention et deflance, ainsy que de toutte anciennetté
y a esté gardé et observé, ayant nous en nottice que Guilheaume
Berard, dernier promeu en lad" charge et iccUe exerceant, seroit
naguiere dexedé, et par ce moyen les negossians et trafïiquans aus-
dits royaumes de F'ez et Marroques, tant de ceste d'' ville que
autres de la nation françoise, destituez de personnes à les pouvoir
protéger. delTandre et conserver leurs franchizes et libertés :
A quoy voullans pourvoir, sçavoir faisons que nous, à plain con-
fians de la personne du s' George Fornier, marchand natif et origi-
LETTRES DE NOMINATION DV CONSUI, FORNIER "fil
naire dudit Marseille, et de ses bonne vie. meurs et relligion
calhollique, sens, sufTizance, piudliommie. vertus, dilligences et
experiance, et ses cauzes et autres à ce nous mouvans et en tant que
nous est permis parnos diltes convantions, statuts, privilleges, fran-
chises et libertés, de l'advis et consantemant do plusieurs marchands
et notables personnes de ceste d" ville de Marseille, avons, par
vertu des présentes, nommé, esleu, créé, constitué et ordonné le-
d' s' George Fornier pour consul, protecteur et deffanceur desdits
manans et habitans dudit Marseille et de tous autres de la nation
Françoise navigant. fra(ru|uant et ncgocians auxdits royaumes de
Fez et Marroques et aultres lieux despandant desdittes contrées,
pour d'horesnavant en jouir et uzer parled' Fornier avec ses droits,
honneurs, authorités, pcrroguatives. preéminanccs. franchises,
libertés, proffîct, esmoUumans et jurisdiction y apartenants et que
solloit tenir et exercer ledit feu Guilheaume Berard dernier dexedé
et paissible possesseur dud" oITice, avec pouvoir de subroger et
substituer en lad'' charge et ofTice en son absence un ou plusieurs,
tels que luy plairra, à ce cappables et sullizans;
Supplians très-humblement Sa Majesté Très-Chrestiennc, mon-
seigneur le duc de Mayenne, lieutenant gênerai de lestât royal
et couronne de France et conseil dudit estât, voulloir conlir-
mer notre présente nomination, eslection et érection de consullat
au prolTit dudit Fournier et luy en fere expédier lettres à ce oppor-
tunes ;
Prions en outre et requérons au serenissime roy, magistrats,
juges, officiers et tous autres qu'il apartiendra desdits royaumes
de Fez et Marroques et un chasctm dicculx en droict soy et comme
leur touche, ledit George Fornier mettre ou fere mettre en posses-
sion réelle, actuelle et corporelle dudit estât et office de consul pour
lesdils manans et habitans dudit Marseille et nation françoise aux-
dits royaumes de Fez cl Marroques et tous les roignes, le mainte-
nir, protéger et deffandre en icclle envers et conire Ions, et l'en fere
jouir (lu fruit et bencffice dudit cstacl plainement et paisiblement,
sans permettre luy estre donné à ce aucun empcschement. nous
ofirant, en samblable et plus grand cas, l'cre de mesmes, quand
par vous en seronts requis.
En tesmoings de ce, avons signé les présentes, fait signer le se-
762 2 7 AVRIL i5r)i
cretaire de la maison commune de caste d' ville et tait mettre et
apozer le cachet des armoiries d'icelle.
Donné à Marseille, ce vingt-septiesme jour du mois d'apvril mil
cinq cens quatre-vingt et onze.
Melchion Maumès, consul — Anthoine Germain, consul.
Par mesd' s'^ consuls, Bodier; ainsy signé et deubement scellé de
sel de lad^ ville.
Archives communales de Marseille. — Rerjistre des Délibérations de
1591, f. 138.
I
TABLE CHRONOLOGIQUE
NUMEROS
des
PIÈCES
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
DATES
1617, a5 mars
» i3 mai
»
16.7
» »
27 mai
» »
l5 juin
1618, i^' janvier
1619, 6-27 janvier
\
1619, 4 février
XI
» 20 février
XII
» août
xni
1619
TITRES
Lettre de Harlay de Sancy à Richelieu
Lettre de Ilarlav de Sancy à V'illerov
Lettre de Harlay de Sancv à Léon Foureau
Lettre de Harlay de Sancy à Louis XIII
Lettre de Harlay de Sancv à Richelieu
Lettre de Sainl-Mandrier h Louis XIII
État des consuls de France à l'étranger
Lettre de Sainl-Mandrier h Louis XIII
Proccs-vcrbaux des conseils tenus à Mazagan par D. Jor^
Mascarenhas :
Procis-verbal de la séance du 6 janvier 1619
Lettre de Moulay Zidàn à D. Jorge Mascarenhas
Rapport do Francisco Diaz Faleiro sur son voyage à Safi.-
Procès-verbal de la séance du 12 janvier 1619
Note de Joào Gomez et de Salvador Roiz
Instructions données à F. Diaz Faleiro se rendant à Safi. .
Instructions données à F. Mascarenhas se rendant à Safi. .
Lettre de Philippe III à Jorge Mascarenhas. ....
Lettre de Jorge Mascarenhas à Moulay Zidàn
Rapport de Francisco Mascarenhas
Lettre de Moulay Zidàn à Francisco Mascarenhas.
Lettre de Jorge Mascarenhas à Philippe III
Lettre de Saiiil-Mandrier h Puisiciix
Ktal des consuls français dans le Lcvanl
Instructions pour La Molle
/
10
12
i/i
16
20
20
2.3
a/i
27
s 9
:>,o
.■^8
■^!)
42
5i
53
04
7fi'.
TABLK CHRON'OLOr.inUE
NUMEROS
des
PIÈCES
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXI!
XXIII
XXIV
XXV
XXVI
XX VU
DATES
1621 , 10 juillet
1621-1622
i()32, 9 avril
» i4 niai
» i clL'cembre
162^, 2 novembre
[623-1624
1626, août
» 26 novembre
fin 1626
fin 1626
1627. 20 mars
» 1 5 septembre
1625-1629
XXVIII
1629,
iS février
XXIX
»
18 juin
XXX
»
23 novembre
XXXI
1629
TITRES
Lettre de G. de Benemerin à Charles de Gonzague
Mémoire sur la défense des presidios d'Afrique
Lettre de Jorge Mascarenhas à Medina-Sidonia
Consulte du Conseil d'État
Requête des captifs français à Louis XIU
Contrat de rachat de captifs
Les chrétiens au Maroc — Introduclion critique
Histoire de la mission des PP. capucins au Maroc
Lettre de Dutiez à Isaac de Razilly
Mémoire de Razilly à Richelieu
Mémoire de Razilly à Richelieu
Mémoire de Razilly à Richelieu
Lettre de Razilly à Richelieu
Lettre de Langerack aux États-Généraux
Histoire de la mission des PP. capucins au Maroc :
Lettre des capucins captifs au Maroc au P. Joseph
Lettre du P. Joseph aux capucins captifs au Maroc
Lettre du P. Joseph auï capucins captifs au Maroc
Lettre du P. Pierre d'Alençon au P. Joseph de Vitré.
Lettre du cardinal Ludovisi au P. Joseph
Lettre du P. Joseph aux capucins captifs au Maroc
Lettre du P. Joseph aux capucins captifs au Maroc
Lettre des PP. Pierre d'Alençon et Michel de Vezins au P. Joseph.
Instructions pour Razilly
Lettre de Richelieu à Razilly
Les Moriscos à Salé et Sidi El-Ayachi. Introduction critique.
Lettre de Razilly à Richelieu
Procès-verbal d'André Chemin :
Lettre de Razilly à Mohammed ben Abd el-Kader Ceron..
Lettre de Mohammed ben .\bd cl- Kader Ceron à Razilly..
Lettre de Razilly à Moulay Abd ol-Malek
Lettre de Razilly à Toribio de Herrera
Lettre de Toribio de Herrera à Razilly
Lettre de P. Du Chalard à Mohammed ben Abd el-Kader Ceron.
TABLE CHRONOLOGIQUE
7GÛ
NUMEROS
des
PIÈCES
DATES
XXXII
1629
XXX m
1629
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TITRES
Lettre do Medina-Sidoniaà Razilly
Lettre de Medina-Sidonia .\ Razilly
Lettre do Razilly à Medina-Sidonia
Lettre des esclaves français à Razilly
Lettre des esclaves français à Razilly
Lettre de Razilly à Mohammed ben Abd el-Kader Ceron.
Lettre de Razilly à Jïégrille
Lettre do Razilly aux esclaves français
Trêve entre Louis XIII et la >nlle de Salé
Lettre de Moulay Abd el-Malek à Razilly
Lettre de Dumont à Razilly
Lettre de Moulay Abd el-Malek à Razilly
Lettre de Razilly à Moulay Abd el-Malek
Mémoire adressé au Conseil du Roi
Histoire de la mission des PP. capucins au Maroc :
Lettre du P. Joseph à Razilly
Provisions de consul pour André Prat
Relation d'une sortie des Iroupes di- Tanger
Lettre de Sidi el-Ayachi à F. Mascarenbas
Réponse de F. Mascarenbas à Sidi el-Ayachl
Projet de Irèvc entre Louis XIII et Salé
Lettre de Ahmed ben ali Hexer et de Abdallah ben Vil el-
Caceri au P. d'Athia
Relation du capitaine Pallot
Trêve entre Louis XIII et Salé
Procès-verbal de Gaspard Coignet
Lettre de A. de La Porte à Richelieu
Lettre de Gaspard Coignet h Richelieu
Relation dite de Jean Armand Muslapiia :
Lettre de Razilly à Moulay Abd el-Malek
Lettre de Razilly au gouverneur de Safi
Lettre de Razilly J> Moulay Abd el-Malek
Commission de consul pour Pierre Mazet
Procès-verbal de la délibération à bord de « la Licorne ». .
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TABLE CHRONOLOfUOUE
NUMEROS
des
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XLIV
XLV
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DATES
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novembre
12
»
'9
»
i633
12 avril
» 12 juin
i633, 2 février
TITRES
Lettre de Razilly au gouverneur de Sali
Lettre de Razilly à Moulay Abd el-Malek
Procès-verbal de la délibération à bord de «la Licorne ».
Description de Salé
Histoire de la mission des PP. capucins au Maroc :
Procès-verbal delà délibération des PP. capucins
Obédience pour les PP. capucins envoyés au Maroc
Instructions du P. Joseph aux PP. capucins envoyés au Maroc. .
Lettre de Moulay .\bd el-MaU'k ben Zidân à Louis XIII {Texte
(irabe^
Même lettre {Traduction française)
Lettre des captifs français à Louis XIII
Mémoire sur le Maroc
Lettre de P. Mazet à Richelieu
Extraits des lettres de P. Mazet à Richelieu
Biographie de Moulay Abd el-Malek
Les relations de la France avec le Maroc de i63i à i635. Les
Pallache. — Introduction critique
Lettre de David Pallache à Richelieu
Lettre de commission en faveur de Razilly
Instructions pour Razillv et Du Chalard
Traité entre Moulav el-Oualid et Louis XIII
Traité entre Louis XIII rt Moulay el-Oualid
Lettre de Louis XIII à Barrault
Lettre de Moïse Pallache à Richelieu
Relation anonyme
Gazette de France
Gazette de France
Gazette de France
Répartition de la prise faite sur la côte du Maroc
Ratification du traité du 24 septembre i63i
Mercure François
Compte de la marine du Ponant
Lettre de Julien Du Puy à Du Chalard
TABLE CHRONOLOGIQUE
7C7
-NUMEROS
des
PIKCFS
LXVII
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1637,
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»
i636
i5 septembre
1637
.'( mai
9 juillet
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TITRES
Mémoire de P. Du CbalarcI
Relation d'Antoine Cabiron
Compte d'Antoine Cabiron
Mémoire de P. Du Cbalard
Mémoire de P. Du Clialard
Etat estimatif de dépenses
Etat estimatif de dépenses
Rôle des Maures détenus à Marseille
Lettre de Xicolas de L'Hôpital à Louis XIIL . .
Lettres patentes de Louis XIII
Lettre de Pierre de Gondy à Boutliillier
Histoire de la mission des PP. capucins au Maroc. .
Traité entre Louis .\HI et Moulay el-Oualid
Ordonnance de Moulay el-Oualid (Texte arabe')
Même Document (Traduciion française)
Acceptation des articles de la paix par les Salctins. .
Lettre de P. Du Cbalard à Louis XIH
Lettre de P. Du Cbalard à Ricbelieu
Mémoire de P. Du Cbalard
Mémoire de Ricbelieu
Instructions pour Sourdis
Jugement de l'amirauté de France
Instructions pour Sublet des Noyers
Mandement de Louis XHI aux consuls de Toulon.
Mandement de Louis XIII aux consuls de Marseille. .
Relation de Sourdis
Compte de la marine de Ponant
Compte de la marine de Ponant
Relation de Jean Marges
Lettre de Louis XIII à Bellièvre
Extrait d'une lettre à MM. Rozéc, Le Gcndn? et C"'. .
Extrait d'une lettre de Salé
Les ordres rédempteurs et les captifs cbrétiens au Maroc.
Introduction critique
C/3
445
44-
4G1
47-
475
478
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534
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554
555
768
TABLE CHRONOLOGIQUE
NUMEROS
des
PIÈCES
XCVIII
XCIX
G
CXXIV
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DATES
i638, 6 août
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4 septembre
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6 septembre
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CXVI
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22 octobre
CXVII
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1 1 décembre
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20 octobre
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28 janvier
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1653, "juin
1654, ap. 12 sept.
i65-, i3 mai
TITRES
Arrêt du Conseil privé
Lettre de P. Du Chalard à Chavignv
Lettre de Louis XIII aux Etals de Bretagne
La zaouïa de Dila et la chute de la dynastie saadienne.
Iniroduction critique
Lettre de Gaspard de Rastin à Richelieu
Relaliori d'une rédemption de captifs à Salé
Avis de Lanier
Relation anonyme du soulèvement de Tanger
Lettre du comte de Assentar à Luis de Ovanguren.
Avis de Mazagan et de Tanger
Avis de Tanger
Lettre de Jean W à D. Luis Vasco de Gama. .
Lettre de Saint-Pé à Mazarin
Lettre de Lanier à Mazarin
Provisions de consul pour François de Boyer. .
Lettre de D. Juan de Duero à Medina-Celi. .
Relation du siège de El-Mamora
Lettre de Lanier à Mazarin
Lettre de Medina-Celi à Philippe IV'
Lettre dî Lanier à Mazarin
Lettre d'André Prat à Lanier
Lettre de Lanier à Mazarin
Lettre de Lanier à Mazarin
Lettre de Lanier à Mazarin
Provisions de consul à Henry Prat
Ordre de Louis XIV à Henry Prat
Mémoire justificatif pour D. Joào Soares. .
Lettre de Pliilippe IV à D. Joâo Soares.
Lettre de Philippe IV à Medina-Celi
Lettre de D. Joâo Soares à Pliilippe H . .
Arrêt du Parlement de Paris
Relation d'une rédemption de captifs à Salé. .
Instruction secrète pour Comminges
TABLE CHRONOLOGIQUE
'S^9
NUMEROS
des
PIÈCES
CXWII
(AWIII
CXXIX
DATES
i65-, 20 juillet
i665
I
i533,
10 décembre
2
i534,
27 mars
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18-27 ma'"*
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6-16 avril
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25 mai
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i588.
2 1 février
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1091,
av. 27 avril
S •
1Ô91,
27 avril
TITRES
Propositions de Comminges aux plénipotentiaires portugais.
Lettre de Comminges à Brieniic
r'iote bibliographique sur la relation de Thomas Le Gendre.
Relation de Thomas Le Gendre
ADDENDA
Lettre de Charles de Mouv à Philippe do Cliabot
Compte de l'épargne
Lettre de Moulav Mohammed ben Abdallah à Charles I\. .
Sauf-conduit donné par Moulav .Vbdallah el-Glialib à liohert
Bordel {Texte arabe')
Même Document {Traduction française)
Lettre de Moulav Ahd el-Malek à Charles IX
Lettre de Henri 111 à Moulav Ahmed el-.Mansour
Certificat des négociants de ALirseille trafiquant au Maroc. .
Lettre de nomination du consul Fornier
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689
691
699
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753
756
758
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De Castries.
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TABLE DES PLAiNCHES
HORS TEXTE
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I. — Vue de la rade, du port et de la ville de Salé 187
II. — Vue générale de Salé 191
III — Lettre de Moulay Abd el-Malek bon Zidàn (2 novembre i63o). 355
IV. — Ordonnance de Moulav el-Oualid (iS juillet i635) ^gf"
V, — Carte politique du Maroc en 1660 (îo8
VI. — Sauf-conduit donné par Moulay Abdallah el-Ghalih à Robert
Bordet -jbi
DANS LE TEXTE
Signature autographe de Moulay ,\bd el-Malek 755
r.nARTRE'i. IMPRIMERIE DURAND. RI'E FULBERT.
T,
0'
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
DT Castries, Henri Marie de La
302 Croix, comte de ^
C3 Les sources inédites de
sér.l l'histoire du Maroc
t. 3