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§1
the pResence of this Book
in
thej.m. kelly liBRaRy
has Been nuôe possiBle
thRouqh the qeneRosity
of
Stephen B. Roman
From the Library of Daniel Binchy
LA
BATAILLE DE LEITIR RUIBHE
(CATH LEITREACH RUIBHe).
Cinq manuscrits nous ont conservé le récit du Cath Leitreach
Ruibhe « Bataille de Leitir Ruibhe » . Trois sont à Dublin,
dans la Royal Irish Academy :
C. i. 2., f° 19 b (Stowe Collection), sur parchemin ;
23. K. 37, p. 190-193, sur papier ;
E. 4. 3, sur papier.
Un est à Londres, au British Muséum, Egerton 106 f° 50
v°, et le dernier à Edimbourg ', Advocates' Library V f ° 1 b
(Kilbride Collection, n° 1), sur parchemin.
Le manuscrit C. 1. 2 de la R. I. A. est de petit format ; il
contient encore d'autres morceaux inédits, notamment le
Cath Aonaigh Mâcha. Je n'y ai trouvé aucune indication de
date ou de nom de copiste; mais il paraît remonter au xve
siècle. Le manuscrit d'Edimbourg est probablement plus
ancien (v. Don. Mackinnon, Catalogue, p. 79) ; mais le texte
du Cath Leitreach Ruibhe y est incomplet ; il y manque les
premiers paragraphes, jusqu'aux mots. . . le neach dib comnâm,
etc. (page 10). En outre, une partie du § 8 est illisible. Pour
le reste, les deux textes sont semblables, à cette différence
près que la langue du manuscrit d'Edimbourg est plus archaïque
[que celle de C. 1.2.
Les trois autres manuscrits sont du xvme siècle ; ils con-
tiennent du récit une copie incomplète, qui est presque iden-
1. Voir Donald Mackinnon, a descriptive Catalogue of Gaelic Manuscriph
^jW*'1 Me Advocates' Library, p. 129. Je n'ai eu connaissance du texte du
Vnanuscrit d'Edimbourg que grâce à une obligeante communication du
Prof. W. J. Watson.
<à Revue Celtique, XXXIX. I
1 Margantî Ù. Uobs.
tique. J'ai collationné moi-même le texte de 23. K. 37 et de
E. 4. 3 ; Miss Eleanor Hull a eu l'extrême complaisance de
copier pour moi le texte de Eg. ioé ; je lui. en exprime ici
ma sincère gratitude.
J'ai pris comme base de mon édition le texte de C. 1.2,
comme étant le plus complet et comme présentant la forme
la plus ancienne du récit. C'est ce texte dont je donne une
traduction française. Mais j'ai cru bon de publier ensuite en
appendice le texte du manuscrit 23. K. 37, avec les variantes
des manuscrits E. 4. 3 et Eg. 106.
Le Cath Lcitrcach Ruibbe offre le grand intérêt d'appartenir
à un groupe de récits relatifs aux événements qui précèdent
l'expédition de la Tâin bô Cuaiînge. Ce sont les pères de Medb
et de Conchobar qui y jouent un rôle. Le groupe comprend
les morceaux suivants:
le Cath Leitreach Ruibhe, édité ici ;
le Cogad Feargusa 7 Conchobair, encore inédit ;
le Cath Boinde, édité dans Eriii, t. II, p. 173 et suiv. ;
le Cath Cuniair, encore inédit.
Le héros de notre récit est le roi Eochaid Feidlech, père de
la reine Medb. Sa famille était originaire du Connaught et se
rattachait à Cruachan. On le représente comme un grand
soldat qui osa faire face aux redoutables Ulates et sut rabaisser
leur prestige militaire. Il inaugura à Leitir Ruibhe la guerre
que sa fille Medb devait poursuivre en lançant contre l'Ulster
la grande offensive connue sous le nom de Tâin Bô Cuaiînge.
Certains synchronismes (Laud 610 f° 112) fixent le com-
mencement de son règne à l'an 3 av. J.-C. D'autres synchro-
nismes (Livre de Ballymote) lui donnent les mêmes dates
qu'à Jules César (mort en 45 av. J.-C). Les événements
racontés dans la Tâin sont généralement rapportés par les
modernes au premier siècle de notre ère : cela s'accorde assez
bien avec les dates indiquées pour Eochaid par les synchro-
nistes. Pour expliquer plusieurs des allusions contenues dans
le texte, j'ai cru bon de placer ici les tableaux généalogiques
suivants ; mais naturellement ce n'est pas le lieu de discuter
la valeur historique des personnages et des dates qu'ils
contiennent. Malgré les contradictions que renferment ces
généalogies, elles aideront, j'espère, à éclairer le texte.
Ugaiiie Moi
(de la race d'Erimon)
Cobhtach Caol, Bregh
I
Melge Molbtach
4 noms
Conall CoLlamrach Aongus Turmech
Eanna Aignech
^ noms
I
Roghen Ruadh
I
Fionnlogh
Fionn
I
Eochaid Feidlech
Laegaire Lorc
Labraid Longseàch
£ noms
I
Feargus Fortamhail
Feidlimid
I
Crimthand Coscrach
I
12 noms
Ros Ruadh
Clothru Medb Conall Eochaid Ailill et autres
Argedmar
(de la race d'Ir)
Cas
Fomor
Dearaan Badurn Fionntan
Cerb Dub Fesar Dithorba Aed Ruadh Cimbaeth
Bresal Sithri ' Eochaid Eolcobar
I I
Reochad Rudraige
Fathemon Ginga Congal Clar. Niall Niamg. Bresal Bod
Breas Cappa
Cas Cathbad Findtan
Leide
Fachtna Fathach
Conchobar
AmtTgen Iarguinafh
Conall Cernach
Ros =r Roch
Feargus
4 Margaret C. Dobs,
Le texte que fournit le manuscrit G. î . 2 est remarquable
par le nombre d'interpolations qui lui sont spéciales. Il y en
a une qui contient deux commentaires en sens opposé (§4), ce
qui indique, à mon avis, deux rédactions différentes du texte
original. Cet original devait être beaucoup plus ancien que
C. 1. 2.
Le nom de Leitir Ruibhe apparaît ailleurs sous la forme de
Leitir Ruadh ou Ruidi (voir Y Onomasticon Goed. du P. Hogan,
s. u.). Grâce à quelques indications données dans le Cath
Cumair, j'en ai pu identifier l'emplacement exact près du lac
Templehouse (voir note 60).
Je tiens à adresser ici mes remerciements à Miss Eleanor
Knott pour toute l'assistance qu'elle a bien voulu me prêter
au cours de mon travail dans l'Académie lorsque je préparais
l'édition qui suit.
CUSHENDALL. MaIGHREAD NI CoNMHIDHE DOBS.
TEXTE IRLANDAIS
D'APRÈS LE MS. C. I. 2 DE LA ROYAL IRISH ACADEMY
CATH LEITftEACH RUIBHE ANDSO
N.B. — Les notes ont été réunies à la suite du texte.
1. Aird-rig rogabastair forlamus for Eirind À. Fachtna
Fathach ». Oir is ag sil hlr 2 7 Eirmir 5 7 Laegaire Luire \ bui
airdceannus Eirend o re Conaill Colhmraich 5 co haimsir
Ezthach Feïàlig. Doronadh morsluaigheadh mor la Eochaid
Eeidlech 7 domarbadh coiceadhaigh Eirend lais. Is an;/ bai
Fachtna Fathach an tan sin ar saer-cuairt Ulad. Gabais Eochaid
geill Teamra da eisi. Do clos a nEamain6 an sgel sin. Eeargusi
mac Roith fa leithrigh for Ulltaibh 7 Leide mac Eeargusa m .
Leide s for in leath tuaiscmrtai do Ulltaib, Fim/tan 9 mac Neill
Nizmglonnaigh m. Kugraigi a nDun Da-bean« I0, 7 Conall XI
for Caille Conaill 12 7 Subaltach '3 for M///rtheinne **, 7
Clanna Duinn m. Durrthachta m. Failbe m. Aengusa m.
Kugraigi for feadhaib Eeamdmuigi I5.
La bataille de Leitir Ruibhc.
TRADUCTION . FRANÇAISE
LA BATAILLE DE LEITIR RUIBHE
1. Un roi suprême s'empnra du pouvoir sur l'Irlande:
c'était Fachtna Fathach. Car c'est à la race d'Ir et (à celle)
d'Eimir et (à celle) de Laegaire Lorc qu'appartint la supréma-
tie en Irlande depuis le temps de Conall Collamrach jusqu'au
temps d'Eochaid Feidlech. Eochaid Feidlech fit assembler
une immense armée et les rois provinciaux furent mis à mort
par lui. C'était juste à ce moment que Fachtna Fathach faisait
une tournée royale chez les Ulates. Eochaid Feidlech prit des
otages à Tara derrière lui. On apprit cette nouvelle à Emain.
Feargus fils de Roth était demi-roi des Ulates et Leide, fils de
Feargus fils de Leide, régnait sur la moitié septentrionale de
l'Ulster. Findtan fils de Niall Niamglonnach fils de Rudraige
régnait sur Dun Da-beann et Conall sur Caille Conaill et
Marçarei C. Dobs.
2. Ls ann bai Eochaid a coiceadh Gezzairuf I6 an tan sin 7
is ann bai righ FÀrend f/za Eamain atuaigh. Doriacht fis an
sgeil sin co ri Elrend. Is ann do raigh Faehtna Fathach (n'a
Ulltaib tinol 7 toithistul do denam 7 isedh do raigh riu,
" Doronad faesam finghaile foraib-se ag fearaib Eirend 7 ro
atheirgidar sil Cobhtaid Cail Breagh I7 7 tainic tiûflaith
cloinne hlr mu// am-sa ". " Toai, a Airdrig " ol Clanna
Rugraigi, " is againne ata ceannus gaischid na nGtfidheal 7
urrlaighi dainne Milead amal airimthw ar ar sinnsiearaib
7 de//am calma 7 cosnam Eirend 7 innsaigim coiceadh
nGenaïnd. "
3. Doronad morsluaigeadh mor ag Ulltaib 7 ag rig Eirend
.i. VII catha comora do leathri* \J\adh 7 tri catha d'allmu-
rachaib 7 deiccead fab gac amus do muintir in righ, 7 tancadar
tar sit-b/7/g na hEamna 7 tar Druim Raitm I& (mara ndor-
caidh. liait/// "' ri Muighi Bolg20 ar techt do loscad na hEamna
7 ïsed an da// a ndorcair la hEogan 2I macDui//// m. Dunlbacht)
7 do Raith Neachtai/z 21 7 taf Sr//th Sei/z Eoclu/^zz risi raiter
Daball 25 (ait a ndorchair Eochaid Eolcobar 2+ mac Feag/7/V
m. Fo/z/air m. Airgeadmair) , 7 tar Dul -na-carbat risi nabar
Magh Leamna25_, 7 tar Cnoc mB/7'is26 (bara ndorcair Br^as 2"
mac Faitheamain m. Reochada m. Breasail m. Cirb m. Cais
m. h'wgeadmaîr) risi nabar Cnoc mBaine, 7 tar Sliabh nDub 28
(ait a ndorcair Dub 29 mac Oirs>° m. Eidhisd 3° m. Buidb
m. Eïïeisd mie ri Lochlann tainic do gabail Eirmf) risa nabar
Sliabh Tuirm 5I, 7 lam de re Loch Laegaire 32 (mararbaidheadh
Laeg/r/re mac Laegaire53 m. Conaing B///dhe dia ndeachaid
do snamh 7 caoga. macamh 7 do crithnaigh an loch la peist
coradh baideadh iad 34) 7 gabsat sosadh 7 longport ann ar
faithee Daine Laegair 35 .
4. Tancadar Ulaid a pupaill righ E'irend 7 doronad cumairle
a. Lire ici fior Ulltaib avec 23 K. 37 et E. 4. 3.
/'. Peut-être l'original portait-il frecamus = coimeà « un garde
(O'Davoren) ; cf. § 12. Le ms. 23 K. 37 porte francavi us.
La bataille de Le i 'tir Ruibbe. y
Subaltach sur Murthemne et les fils de Donn fils de Durrthacht
fils de Failbe sur les forêts de Farney.
2. Eochaid se trouvait alors dans la province de Genand et
le roi d'Irlande à Emain au nord. Le renseignement parvint
au roi d'Irlande. C'est alors que Fachtna Fathach dit aux
Ulates de convoquer une assemblée. Voici ses paroles : « Les
hommes d'Irlande vous ont accordé protection d'un meurtre
de parents — et la race de Cobhtach Caol Bregh s'est soulevée
— et voilà la fin de la suprématie des fils d'Ir. » « Ah, grand
roi », dirent les fils de Rudraige, « c'est à nous qu'appartient
le premier rang pour la valeur guerrière parmi les Gaels et
pour le combat parmi les fils de Mile, ainsi qu'on l'a estimé
de nos aïeux. Soyons braves et défendons l'Irlande et attaquons
la province de Genand. »
3. Le roi d'Irlande et les Ulates levèrent une immense
armée ; sept bataillons d'égale force de vrais Ulates et trois
bataillons d'étrangers et mille gardes des gens du roi. Ils
marchèrent par le palais magique d'Emain et par Druim
Raitni (où est tombé Raitin, roi de Magh Bolg, quand il vint
pour brûler Emain. Il est tombé là de la main d'Eogan fils de
Donn fils de Durrthacht), et par Rath Neachtain, et par le
fleuve de Sen-Eochaid qu'on appelle Daball (où est tombé
Eochaid Eolcobar fils de Feagar etc.), et par Dul na Carbat
qu'on appelle la plaine de Leamna, et par la colline de Breas
qu'on appelle la colline de Baine (où est tombé Breas fils de
Fathemon etc.), et par la montagne Noire qu'on appelle le
mont Truim (où est tombé Dub fils de Horsa etc., fils du roi
de Scandinavie qui vint pour conquérir l'Irlande). Ils prirent
ensuite à main gauche vers le lac de Laegaire (où s'est noyé
Laegaire fils de Laegaire etc. Il était allé se baigner avec cin-
quante garçons, et un monstre agita le lac de façon qu'ils se
noyèrent). Ils vinrent enfin camper et s'établir sur le terrain
de Dun Laegaire.
4. Les Ulates vinrent à la tente du roi d'Irlande pour y tenir
8 Margaret C. Dobs.
leo 7 is iat tainic ann .i. Yeargits 56 mac Rossa m. Rugraigi
(m. Thirtigh m. Duib m. Fomair m. Airgeadmair m. Sirlaim
m. Find m. Blaitachta m. Labmdha m. Cairpri m. Ollamam
Fodla m. Fiacbaeh Findsgothn/J m. Airtrigh m. Eibric
ni. Eimir Ditinn ni. hlr m. Milead Easpawe) 7 Leide mac
Ir m. Kughraige, 7 Uislinrf mac Congail Clairïnnigh m.
Rughraige, 7 Cathbaidh d/v/i mac Congail Chirinnigh m.
Rughraige, 7 Findtan mac Neill Nhmg\o?inaigh m. Rughraige,
7 Aengus 3? mac Feargusa m. Leide, 7 Laegaire Buaghach
mac Conaing Buidhe m. Iliach m. Rughraige, 7 Irgak^38
mac Maclaiche m. Rughraige, 7 Monach 7 Buan 7 Year Corb 59
tri mie Cinge m. Rosa m. Rughraige (a quo Monaigh Aradh
7 Dal mBuain, a quo Baile Binrfberlach m. Bind, a quo Traigh
Baile m. Buain 4°), 7 Fear Ciwg 7 Fear Tlachtca4' da mac do
Roich 7 do Rossa m. Rughraige, 7 Conall Cernach mac
Aimirgin Iarguin//aid m. Cais m. Cinga m. Rosa m.
Rughraige, (7 adberaid aroile comadh do cloinn Congail
Clairi;/gid m. Rughraige do clannaibh Durrthacht 7 is follusa
coro iir sin amal adub^rt Catbuigh annsin rann :
" Do clainn Congail — cruaid an smacht —
Cathbuigh isclanna Durrthacht
is mie Uisleanrf maraen riû
is d'fir-Ulltaib na hEamnu ".
Agus is follusa gura brazg sin, ar dob' inann m[a.]ïhair do
Uislind 7 do Donn mac Durrtfhjtfc/?/ 7 do clandaib Aengusa
m. Rughraige do cloiini Duirt[h]acht, amal ata san rann :
" Do cloinn Aengusa gan feall
Mie na Durrthacht na mbeiw/enJ
ann robsat — caem a clu —
forsna feagaibh Fearnmuigiu'*2 "),
7 Dumhannach45 mac Imcadha m. Cais m. Rughraige;
7tancadarann .i. Dair[e] 7 Furba/de 7 FeargusFoltsnaith^d;44
tri mie Imrosa m. Laitim m. Leide 45 m. Rughraige. Et
doronadh comhairli leo cainw gnidis iûrta 7 airgnea coiceadh
GeanainJ.
5. Doraig Cathbaid âra'i friu, " atçim neill caille uasaib"
ol se " 7 cwrtar teachta co hEochaid 7 laircezr a rogha
La bataille de Leitir Ruibhe. 9
conseil. Il y avait là : Feargus fils de Ros fils de Rudraige
etc., et Leide fils d'Ir fils de Rudraige, et Uislend fils de Congal
Claringnech fils de Rudraige, et Cathbad le druide fils de
Congal Claringnech etc., et Findtanfils deNiallNiamglonnach,
et Aengùs fils de Feargus etc., et Laegaire Buadach fil's de
Conang Buidhe etc., et Irgalach fils de Maclach, et Monach et
Buan et Fear Corb, les trois fils de Cing fils de Ros etc. (de
ceux-ci dérivent les Monach Aradh et les Dal Buan. De ces
derniers dérive Baile Bindberlach, fils de Buan, de qui dérive
la « plage de Baile mac Buain »)et Fear Cing et Fear Tlachtca,
les deux fils de Roch et de Ros fils de Rudraige, et Conall
Cernach fils d'Aimergen Iarguinnach fils de Cas, etc.
(Certains disent que la famille de Durrthacht descend des fils
de Congal Claringnech fils de Rudraige et il est clair que c'est
la vérité, comme l'a dit Cathbad dans le vers :
« Des fils de Congal — dure leur condition ! —
sont issus Cathbad et les fils de Durrthacht,
et les fils d'Uislend avec eux,
et les vrais Ulates d'Emain. »
Il est clair que cela est une mensonge, puisque Uislend et
Donn fils de Durrthacht, et les fils d'Aengus fils de Rudraige
avaient la même mère, comme il est dit dans le vers :
« Des fils d'Aengus pleins de loyauté
sont issus les fils de Durrthacht le batailleur.
Ils étaient là — belle leur renommée —
régnant sur les forêts de Farney. »)
Etaient venus là aussi Dumhannach fils d'Imchad etc., et
Daire et Furbaide et Feargus Foltsnaitheach les trois fils
d'Imros fils de Laitim etc. Us prirent conseil ensemble pour
décider de quel côté ils feraient ravager et saccager la pro-
vince de Genand.
5. Cathbad le druide leur dit : « Je vois un nuage formant
un voile au-dessus de vous », dit-il. « Qu'on envoie des
io Margaret C. Dobs.
urrainne d'EinW dô, a ceand coicid Genaind, 7 orlamus
EÂrend âuitse". " Toa, a Cathbaid " or Ullto. "As briat[h]ar
dam-sa " ol Fachtna Fathach " ani nach tucsa[t] ar sinnsir
romann nach tuibriu/M co bmch .i. roinn Eïrend do neach eile
ach duinn fein. Ar in tan do roinn Qnnna 7 Sobairchi'6 as
atorra fein do roinnsit 7 in tan do ronn Aed Ruagh mac
Badhuirn 7 Ditorba mac Deamain 7 Cimaeth mac Finitain46
is atorrtha fein do roinnsit 7 do badh anflath duinne a roinn
sin osin amach na roinn s'iuni l". . . " Truagh sin, a Airdrigh "
ar Ull/o " uair gid iat fir in domain do beith do t'innsaigi is
comairce duit-si sinne 7 do mzrbadh coiceadhaigh Eirend leis
an iear ut 7 ni dutbracht le neach dib comnam leis ach[t] a
fuil do dibeargacaib aisi ".
6. Agus do eirgidar Ulaid 7 tancadar asa longport amach
7 tancadar co srothaib Sein-Eime 4? 7 tar Magh nltha|8 (mura
fuair Ithe, gilla Pantalon, bas 49). Ro cr^acadh 7 ro hughrad
7 ro hinnradh 7 ro loimloisceadh leo o Eas Ruaigh mie
BaduirnJ50 co Ceis Corairm SI, 7 is and rogabsat sosad 7
sithlongport a nDntim na nDrwagh S2. Adubairt righ Eirend:
" an cualubair an tainic Eochaid a coigeadh nGeanaind ? "
" Tainic ", or Cathbaidh àrai, " 7 tue cath a meadhon lae
ane 7 domzrbadh Airtidh Uchtleathan 53 lais". " Laitcr
teachta uainne ", ol ri Eirend, " da ragha ris Ere d'faghbail
no cath do thabhairt damsa ". " Is coir sin " or cach, " 7 ce
rachus leis an aithesc sin ? " ar siat. " Dub 7 Don<igus 7
Diangus 54 raghusan^ ", ar siat(.i. na tri dn/ithi aD/^'btr/an 5Î
Ulad, tri mie Duib m. Imrossa m. Uisluinti m. Congail
Clairingidh m. Rugraige). Agus do cuireadh d'agallim rig
Eirend iad 7 do raigh riû: k' ca airm a fuil Eochaid ?" — "A
LeitzV Saileach >é os Crwachain 5? " ar siat. " Eirgid da
aghallaim " ar an righ, " 7 abraigh ris Eiri d'ag[bail | dam-sa
et eirgid a puball Rosa Ruaigh ^, mac righ Laigan, 7 abraigh
ris ameasc a muint/ri cummgeadb a eascairdeas à'Echach ".
a. Le ms. est ici illisible.
La bataille de Leilir Ruibhe. il
ambassadeurs chez Eochaid et qu'on lui offre son choix d'un
partage de l'Irlande : qu'il règne sur la province de Genand et
que la suprématie en Irlande soit à toi ». — « Oh ! Cathbad ! »
dirent les Ulates. « Je donne ma parole », ditFachtna Fathach,
« que ce que nos aïeux n'ont pas donné, je ne le donnerai
jamais. Je n'admets aucun partage de l'Irlande avec d'autres
que nous-mêmes. Ainsi, lorsque Cermna et Sobairche ont
fait un partage, c'est entre eux-mêmes qu'ils ont partagé.
Lorsque Aed Ruadh et Dithorba et Cimbaeth ont fait un
partage, c'est entre eux-mêmes qu'ils ont partagé. Ce serait
injustice envers nous-mêmes ce partage désormais que le
partage. . . » « Ce serait dommage, ô grand roi, » dirent les
Ulates, « car, quand bien même le monde entier se ruerait sur
toi, c'est nous qui te protégerions. Cet homme a tué les rois
provinciaux et aucun d'eux n'a voulu l'assister sauf les proscrits
qui l'accompagnent. »
6. Les Ulates se levèrent et quittèrent leur camp. Ils arri-
vèrent aux fleuves du Sen-Erne en traversant la plaine d'Ithe
(où mourut Ithe serviteur de Parthalon). Ils ravagèrent,
attaquèrent, dévastèrent, brûlèrent depuis la Cascade de Ruadh
fils de Badurn jusqu'à Ceis Corainn. Puis ils firent arrêt et
prirent repos à Druim na nDruagh. Le roi d'Irlande demanda :
« Avez-vous entendu dire si Eochaid est venu de la province
de Genand? » — « Il est venu», dit Cathbad le druide. « Il
a livré bataille à midi et Airtidh Uchtleathan a été tué par
lui. » — ■ « Envoyons des messagers », dit le roi d'Irlande,
« pour lui dire qu'il quitte l'Irlande ou qu'il me livre bataille.»
— « Cela est juste », dit chacun, « mais qui donc ira lui faire
cette requête ? », dirent-ils. « Ce sont Dub, Dondgus et
Diangusqui iront », dirent-ils (à savoir, les trois druides de
Duibtrian en Ulster, les trois fils de Dub fils d'Imros etc.).
On les envoya conférer avec le roi d'Irlande. Il leur dit :
« En quel endroit se trouve Eochaid ?» — « A Leitir Saileach
au-dessus de Cruachan, » répondirent-ils. « Levez-vous et
allez lut parler », dit le roi, « et dites-lui de me céder l'Irlande.
Allez aussi à la tente de Ros Ruadh, fils du roi de Leinster, et
dites-lui en présence de ses hommes de se souvenir de sa
vendetta avec Eochaid. » (C'est-à-dire que Laegaire Lorc et
12 Margavct C. Dobs.
(.i. condorcair Laegair[eJ Lore 7 Ailill Aine re Cobthach Caeh
Breagh 7 condorcair Labraid le Meilghe Molbtach 7 Feargus
Fortàmtail re bEangus Turmeach 7 Mw/gh re Muiwneacba/^,
7 cor crochûdb Sem/a Im/araigh la Si/y/on mBreac, 7 gur
m.wbadh Duach mac Senna la hluireadhach mBalgru/dh 7
Eochaid, Ua/rceas la G>//ai//g mac Muireadbaigh Bolgraidh
7 Art mac Luigdecb Laimderg la Fiacha mac Muireadhaigh >9).
7. Is annsin ro imidsit na druithi rompa co hairm a mbai
Eochaid co Leitir Saileach os Crz/achain 7 do clos teachta righ
Eirend do beith ar in faithci. Do rucadh a pupaill Eochadha
iad. Do fbc/jtad sgele dibh. Do innisidar a n-atasca .i. Eochaid
d'facbail Eirend no cath do thabairt don rig 7 do Uïïtaib.
Asbert Eochaid: " do gebas an cath"; 7 ro fiarfaidsit na
druithi cibsi maigen an maigin bhus ail le ri Eirend. " A
Leitir Ruibhe 6o asin Corain/z ", ar na druithi. (Ait ar marbad
Ruidhe 6l mac Imcadha m. Duib m. Daire Downannaidh m.
Ilair Ecbtâigh m. Fighda m. Raain Rogloin m. Tuamathe//
m. Fir Da Bean/z .i. Beamz Oigle 6z 7 Beann Boirci65 uair ba
righ[e] Eirend atarra sin). " Cuin bus aill leibsi an cath do
thabairt ? " ar na druithi. " A cinn tri la o'niûg ", ar
Eochaid, " 7 beitsa lin mo sôchraiti ann 7 innis do ri Cur
aith-eirgidar sil Cobthaigh Cail Breag ". Agus tancadar na
druithi tar n-ais dorighisi 7 ro innsitar a n-athasca don righ.
8. Imthusa Ezchach Feidlig : do eirigh a meadhon a long-
pnin 7 do iuàgair d'à cathaib coimeirgi, 7 do eirgidar 7
tancatar rompo can costagh gan comnaighi air gabsat sosadh
7 longport ar taib Leitreach Ruighi . Is andsin adclos an sgel
sin a pupall righ Eirend ; " c'ait a fuigfinn lucht fisraigi coa
air/;/ a fuilead clanna mie Roigin Riiaigh 6+ do fis câlin sluaigh
atait?" — " Rachmuidne and" arsiat .i. Ros 7 Daire 7 Imca-
dha 65, (tri mie Duilb m. Induilb m. Duib m. Fomair m.
Airgeadmair, tri rig-ewraigh o oirimlib Easa Ruaigh, 7 badara
com-anwan«a sa Cnzeb Ruaigh 67aga mbai anDonwCuailgne68,
7 do Fearaib Bolg daib) 7 tancadar rompo co hoir in long-
puirt 7 do saithsit cle a sgiath risna sluaghaibh, 7 is ann bai
Eochaid 7 maithi a muintiri a cocar 7 a comairli in tan sin
.1. Ailill mac Ezchacb Feidlig, 7 Eochaid mac E. F., 7 Conall69
Là bataillé dt Ltitir Ruldhe< ïj
Ailill Aine ont été tués par1 Cobhtach Cael Breagh, et Labraid
par Melge Molbtach, et Feargus Fortamtail par Aengus
Turmeach, et que Senna Innarach a été pendu par Simon
Breac, et que Duach fils de Senna a été tué par Muireadhach
Balgrach, et Art fils de Lugaid Lamderg par Fiacha fils de
Muireadhach.)
7. Alors les druides se rendirent à l'endroit où se trouvait
Eochaid, à Leitir Saileach au-dessus de Cruachan. On fit
annoncer que les ambassadeurs du roi d'Irlande étaient sur la
place. On les conduisit à la tente d'Eochaid. On leur demanda
ce qu'ils voulaient. Ils présentèrent leur requête : qu'Eochaid
quittât l'Irlande ou qu'il livrât bataille au roi et aux Ulates.
Eochaid dit : « je livrerai bataille. » On demanda aux druides
quel champ était le champ préféré du roi d'Irlande. « Celui de
Leitir Ruibhe dans le Corann », dirent les druides. (C'était
l'endroit où était mort Ruidhe fils d'Imchad etc., fils de
Tuamathen fils de l'homme des deux pics; c'est-à-dire le Pic
d'Oigle et le Pic de Boirche, parce que le royaume d'Irlande
était entre eux.) « Quand vous serait-il agréable de livrer
bataille ? » dirent les druides. « Dans trois jours à partir
d'aujourd'hui », dit Eochaid; « toute mon armée sera là et dites
au roi que la race de Cobhtach Cael Breagh s'est soulevée de
nouveau. » Les druides revinrent et firent leur rapport au roi.
8. Quant à Eochaid Feidlech, il se leva au milieu de son
camp et il donna l'ordre à ses bataillons de se lever aussi. Ce
qu'ils firent pour s'avancer sans obstacle et sans halte jusqu'à
ce qu'ils vinrent camper et s'établir sur le côté de Leitir
Ruibhe. C'est alors que cette phrase se fit entendre dans la
tente du roi d'Irlande: « Où trouverais-je des éclaireurs pour
aller à l'endroit où sont les fils du fils de Rogen Ruadh afin
de découvrir l'effectif de leur armée ?» — « Nous, nous
irons », dirent Ros, Daire et Imchad, (les trois fils de Dolb
fils d'Indolb etc., trois grands héros des marches d'Eas Ruadh.
Leurs homonymes se trouvaient dans la Branche-Rouge à
laquelle appartenait le Taureau Brun de Cooley, et ceux-ci
descendaient des Fir Bolg). Ils s'avancèrent jusqu'aux limites
du camp en tournant le côté gauche de leurs boucliers vers
*4 Mctrgaret C. Ùobs.
mac E. F. 7 Lugrt/d70 macMaghlaiw m. Cmntaiwf Coscradidh- '
7 laitb Lâigen lais (ar is la Rugraide a dorcair Crimtam/
Cosc/'jch 7 badar dibearga/V Eirend na fazrad) 7 Eochaid72
Innadhmar mac Niadh Segamam (oir Breasal Bodibaidh
do marb Innadhmar), 7 Lngaid ?3 mac Luigne Luaimne
(oir. Congal Clairimzeach m. Rugran/i do marb Lugaid) 7
Crimtanfd] caem mac Luigdech Luaigne 74.
9. Do raigh Eochaid, " Is ar âmus coz/zraic 7 comlaind
tancadar sut, " ar se. " Fir" ol cach, " c'ait a mil Eochaid 7
Aedh 7 Eolarg75 ata am farradh-sa?" (.i."é tri mie E&chack
m. Urgalaigh m. Fhchacb m. Aezzgusa m. Duib m. Dolair
m. Guill m. Irguill " m. Romain m. Reachadha m..Pirm.
Porga m. CiiW m. SithcinJ m. Feidhlimid m. Eachach m..
Imgair m. Maghruaid m. Taidean (o fuilit Tuatha Taitin)
m. Eachach m. Lagha m. Luigdech m. Duinz m. Fiachach
m. Eachach m. Sigain m. Seangaind m. Deala m. Loich et
rel. Is uaitib sin atait Ma/Vtine 7S 7 Sen-Erna 79 7 Tuatha
Taiten80, .i. MflîVtine ar slicht Eathacb 7 Sein-Erna ar slicht
Aedha 7 Tuatha Taiten ar slicht Eolairg. Is ann sin do eirgi-
dar 7 n-airn'nda n-armaib ana lamaibh leo 7 donrf-sgatha ar a
n^romannaib 7 tancadar rompo fo n-inJo sin co hairm a
mbadar an tiïar oile 7 do ro;zsat comrac fichmar forranach
7 adorcadar an triar deagh-laech sin do Connachtaib an fail
ata a tri \tchla À. carn Eachach 7 cam Aeda 7 carn Eolairg a
Corrin;/. Ro lai so<r/.tf ior Eochaid on sgel sin 7 do eirig
meanma \J\ad de sin 7 rugadar ass in aghaidh sin mar sin.
10. Ro eirgidar Ulaid 7 Fir Eirend inna marach 7 tancadar
a ço'mne a ceili 7 ro raigh Eochaid nach tibread cath noco
ticeadhâis Downanwaig 8l cuice, (uair is iat ro oil Eochaid). Ro
raigh Ulaid co rachdais a longport Eachach 7 na tibritdis
cairde catha do. O do cuala Eochaid sin robo dubach dobro-
nacb he. Is ann sin ro toebadh meirgi righ Eirend 7 airdrigh
Ulad d'innsaighi Eachach 7 ro eirigh Eochaid 7 ro coirigh a
cath. Do cuir an dara c///ng don cath ar Eochaid Aiream 82
mac ¥ind m. Roigi// Ruaigh, 7 ar Ailill mac Eachach Ee'idligh,
7 ar Eochaid mac E. F., 7 ar Conall Anglon^ach mac E. Fv
La bataille de Leifir Ruibhe. t 15
l'armée. Juste à ce moment s'y tenait un conseil privé entre
Eochaid et les chefs de sa suite ; c'est-à-dire Ailill, Eochaid et
Conall les fils d'Eochaid Feidlech, et Lugaid fils de Maghlam
etc. et les héros du Leinster, (car c'est Rudraige qui avait tué
Crimthand Cosgrach en compagnie des proscrits d'Irlande),
et Eochaid [fils d'JInnadhmar fils de Nia Segamuin (parce
que Breasal Bodibaidh avait tué Innadhmar) et Lugaid fils de
Luagne Luamne (parce que Congal Clairingnech avait tué
Lugaid) et Crimthand le beau, fils de Lugaid Luagne.
9. Eochaid dit : « C'est pour chercher querelle et combat
que sont venus ceux-là. » — a C'est vrai », dirent tous ; « où
sont nos camarades Eochaid et Aedh et Eolarg ? » c'est-à-dire
les trois fils d'Eochaid fils d'Urgalach etc. fils de Taidean (de
qui descendent les Tuatha Taitin) fils d'Eochaid etc. De ces
trois là descendent les Mairtine, les Sen-Erna et les Tuatha
Taiten. C'est-à-dire que les Mairtine descendent d'Eochaid et
les Sen-Erna d'Aedh et les Tuatha Taiten d'Eolarg. C'est
alors qu'ils se levèrent, leurs fers de lance à la main, leurs
boucliers bruns sur le dos, et qu'ils s'avancèrent ainsi jusqu'à
l'endroit où se trouvaient les trois autres. Ils livrèrent un
combat féroce et terrible et ces trois bons guerriers du
Connaught tombèrent là où sont leurs trois tombeaux ; c'est-
à-dire le tertre d'Eochaid, le tertre d'Aedh et le tertre d'Eolarg
dans le Corann. A cette nouvelle Eochaid demeura interdit
et le moral des Ulates en fut accru. Cette nuit-là ils se reti-
rèrent ainsi.
10. Les Ulates et les Irlandais se levèrent le lendemain et
s'avancèrent à la rencontre des autres. Eochaid déclara qu'il ne
livrerait la bataille que lorsque les Domnannaig seraient venus.
(C'étaient eux qui l'avaient élevé.) Les Ulates dirent qu'ils
attaqueraient le camp d'Eochaid et qu'ils ne lui accorderaient
aucune trêve. Quand Eochaid apprit cela, il en fut troublé et
attristé. Alors on fit dresser les enseignes du roi d'Irlande et
du roi suprême des Ulates pour attaquer Eochaid, et Eochaid
se leva et rangea son armée en bataille. Il donna des comman-
dements en second à Eochaid Aiream fils de Find fils de
i6 Margaret C bobs,
7 ai! Downantfcaibh 7arclannaibh Uabhmoir8' 7 arTuathaib
Taldean 7 ai: Corca Cuira8-1 Meadha Siuil Ss mac ? Ccidi» m.
Eargnau/ ni. Ei//;ir m. Bnghe m. Aedha Einrf m. Daire
Do///an«aigh m. Ilir Eichtaigh m. Fighdham. Roain Rogloin
(ar Corca Cuir;/ mac Eadha Siuil uw Coi« Cuirani m.
Midhuira m. Cuire Cuirn m. Daire Downannaigh).
11. Ro irwsaigh cach a ceile dibh ar taeb Leitreach Ruighi
7 do ronad gair mor aca. Dorala Fachtna Fathaeh (on czthaib
co tarla Ailill mac Eachach Veidligh dô sin cath 7 àorchair
Ailill ann, amal ata :
" Ado/chair LathazYne hond
7 Conaiwg do/romlond
7 Oilill — ard a gail —
ba mac mie Find m. Roighin "86.
O'dconnairc Eochaid in ain-igin sin do innsaid fo cath na
nUlad co tarla do Ros 7 Daire 7 Imcadh (.i. tri [mie]
Dui[l]b m. Innduilb m. Dmb m. Fomoir m. Ahgeadhmair')
7 dorchadar a triur lais, 7 dorala dô Fear Cmde 7 Fear
Thcbtcs. da mac Rosa m. Kughraighe — uair ba fearg nathrach
ar mm 7 fa gus leowain ar na lot fiuchadh fmrge Lzchach F.
ar marbadh a mie — 7 adorchadar an disin leis.
O'deualid Conall 87 7 Eogan mac Dumhacht 7 Findtan mac
Neill Wnwigbnnaigh na trein-fir ar na treaghdagh, tancadar a
cath Laigen co lan-dichra co tarrladar tri mie righ Laigen
doibh, .i. Lugaid 7 Laighlind 7 Laèmach 88, 7 dorchair tri
mie righ Laigen annsin air/// atait a tri [echta. a Lehir Ruibhe.
Ettainie Feargus mac Rossa, 7 Leide mac Feargusa m. Leide, 7
Feargus mac Leide fow cath co tarla doibh Fiacha 7 Fiamaira 89
7 Forai, tri righ iartair coicid Genain/i (tri mie Ruighi m.
Daire Downanwaigh) — 7 Feargus m. Rossa 7 Fiacha — 7
Leide 7 Fia///ai« — 7 Feargus m. Feargusa 7 Forai — co
ndorchair ceathrar dib comtoitim ; . 1 . Feargus (mac Feargusa
m. Leide \eathri Uladh) 7 Forai, 7 Leide mac Feargusa m.
Leide 7 Fiamain . Agus àorchair Fiacha la Feargus m . Roich
7 dorchair Eochaid m . Eachach F. lais fos, 7 dorc[h]air
Lugaid 9° LonJmar le Feargus fos.
La bataille de Leitir Ruibhé. X"j
Rogeli Ruadh, et à Ailill, Eochaid et Conall Anglondach, les
fils d'Eochaid Feidlech, et aux Domnannaigh, aux fils
d'Uabhmor, et aux Tuatha Taidean, et à Corc Cuira de
Meadha Siuil etc.
11. — Chacun attaqua son adversaire sur le côté de Leitir
Ruibheet une grande clameur s'éleva. Fachtna Fathach passait
parmi les bataillons jusqu'à ce qu'il rencontrât Ailill fils
d'Eochaid Feidlech dans le combat. Ailill tomba là comme il
est dit :
« Lathairne le furieux et Conaing
tombèrent dans le combat,
et Ailill — grande sa renommée —
qui était le fils du fils de Find fils de Roghen . »
Lorsqu'Eochaid vit cette chose atroce il attaqua l'armée des
Ulates jusqu'à ce qu'il rencontrât Ros et Daire et Imchad (les
trois fils de Dub fils d'Inndolb etc.) et tous trois tombèrent
sous sa main. Il rencontra Fear Cinde et Fear Tlachtga, les
deux fils de Ros etc. et, comme le courroux 'd'Eochaid
bouillait à la mort de son fils comme le courroux d'un serpent
venimeux ou la fureur d'un lion blessé, tous deux tombèrent
sous sa main.
Lorsque Conall et Eogan fils de Durrthacht, et Findtan
fils de Niall N. entendirent l'assaut des champions, ils se ruèrent
pleins d'ardeur sur le bataillon des Lagéniens jusqu'à ce qu'ils
rencontrèrent les trois fils du roi des Lagéniens ; c'est-à-dire,
Lugaid et Laighlind et Laemach, et les trois princes lagéniens
tombèrent à l'endroit où sont leurs trois tombeaux à Leitir
Ruibhe. Feargus fils de Ros, et Leide (fils de Feargus fils de
Leide), et Feargus fils de Leide arrivèrent au combat. Ils
rencontrèrent Fiacha et Fiamain et Forai, trois rois de l'Ouest
de la province de Genand (trois fils de Ruigh fils de Daire
Domnannach). Feargus fils de Ros se battit avec Fiacha, et
Leide avec Fiamain, et Feargus fils de Feargus avec Forai si
bien que quatre d'entre eux tombèrent ensemble : à savoir,
Feargus (fils de Feargus demi-roi des Ulates), Forai, Leide et
Revue Celtique, XXXIX. 2
i8 Margarei G. Dohs.
12. Imt[h]usa Eachach Eeidligh : o'dconnairc a mac do
m&rbadh 7 a cath do clod, tainic a cath righ Eirend a tri
caoga. fear fir-calma maille (ris do iromodh a cathaib 7 a com-
laiwaibh. Agus is iat bai a coimed riga EXrend annsin .i.
UisleanJ 7 Cathbaid 7 Aengus mac Leide 7 Daire 7 Fwrbaide
7 Feargus Foltsnaitheach (tri mie Imrosa m. Flaithim m.
Feargusa) 7 Subaltach mac Roich 7 tri caoga francamus a
coimed rig Eirend. Rodail Eocbaid lin a rn.uinX.irt a ceand
ri Eirend 7 do gab cach a fiV-cowraic dona curadhaibh 7 do
innsaigh Eochaid airdri Eirini et do timcill Eochaid eisuw
amtf/ timceallus feigh-figh 7 dobert beim do cor digh c'md, ut
poeta dixit :
" Fachtna Fathach — fear co fich —
taet le Eochaid. Fa gmm dur.
A Leitir Ruighi ata a lecht,
Meraigh a {cari is a mur 91 ".
13. Is annsin adeoncadar Ulaid righ Eirend ar na oirrleach
do [{\oggradar d'Feargus sciath tar lorg do thabairt do Ulltaib
7 dorât Feargus sgiath tar lorg do thabairt do Ulltaib 7 dorât
Feargus sgiath tar lorg doib. Is annsin rofogair Eochaid o
guth mor Ultit do leanmain co lan-dichra 7 rotogbad meirgi
Eachach 7 meirgeadha righdamna Eirend 7 coiceâach Eirend
ina ndeadhaid 7 do rucad orra 7 as iad artus ruesat orra .i.
Luigid mac huigne Luaighne 7 Eochaid mac Innadmair.
Agus do impodar triar deaghlaech d'Ulltaib orro .i. Monach
7 Buan 7 Fear Corb (tri mie Cinge m. Rosa m. Rughraige) et
doronsad comrac 7 comlaiW co fichdha /orranach formata
fr^acarach cor comtoitset doid ri doid 7 oirbi ri oirbi airm atait
a tri lechta. don taib tuaigh don Corann, 7 doro;;ad oirisim
ag fearaibh Eirend annsin.
14. Is siadsa as uaisle do toit d'Ull/fl//> a cath Leit/V Ruihhe
À. Fachtna Fathach righ Eirend, 7 Leide mac Feargusa m.
Leide (.1. leathri Ulad), 7 Feargus92 mac Feargusa m. Leide,
La bataille de Leitir Ruibhe. i$
Fiamain. Fiacha tomba sous la main de Feargus fils de Roch,
et aussi Eochaid fils d'Eochaid Feidlech, et Lugaid Londmar
aussi.
12. Quant à Eochaid Feidlech, lorsqu'il vit son fils mort et
la bataille presque perdue, il marcha sur le bataillon du roi
d'Irlande avec cent cinquante guerriers très vaillants pour
mettre à l'épreuve leur force militaire. Ceux qui montaient la
garde autour du roi d'Irlande étaient: Uisleand et Cathbad,
et Aengus fils de Leide, et Daire et Furbaide et Feargus
Foltsnaitheach (trois fils d'Imros etc.), et Subaltach fils de
Roch, et cent cinquante mercenaires qui formaient la garde
du roi d'Irlande. Eochaid distribua toute sa force pour atta-
quer le roi d'Irlande et chaque homme fit un assaut furieux
sur les guerriers. Eochaid assaillit le roi suprême et l'enveloppa
comme le chèvrefeuille enveloppe l'arbre. Il lui porta un
coup qui lui enleva la tête, comme dit le poète :
« Fachtna Fathach — homme valeureux —
tomba de la main d'Eochaid — Ce fut un acte rude !
Sa tombe est à Leitir Ruibhe ;
son tumulus avec le rempart subsiste. »
13. Alors les Ulates, voyant le roi d'Irlande abattu,
sommèrent Feargus de fermer leur retraite et Feargus la ferma.
Alors Eochaid d'une voix tonnante ordonna de poursuivre les
Ulates sans relâche. On dressa les enseignes d'Eochaid, du
prince héritier d'Irlande, du roi provincial d'Irlande, derrière
eux et on rattrapa les Ulates. Les premiers qui les rattrapèrent
furent Lugaid fils de Luagne Luanme et Eochaid fils d'Inna-
dhmar. Trois braves guerriers des Ulates se retournèrent, à
savoir, Monach et Buan et Fear Corb (les trois fils de Cing
etc.). Ils se battirent avec tant de fureur, de frénésie,
d'héroïsme et de résistance qu'il tombèrent corps à corps et
côte à côte là où sont leurs trois tombeaux, au côté nord du
Corann. Les Irlandais firent halte là.
14. Les plus distingués des Ulates qui tombèrent à la bataille
de Leitir Ruibhe sont :
Fachtna Fathach roi d'Irlande ; Leide fils de Feargus fils de
îd Margarct C. Dobs.
i
7 Aengus mac Le/Je, 7 Daire 7 Fwbaide 7 Feargus Foltsrtai-
theach tri mie Imrosa, 7 Ros 7 Daire 7 Imcfhjad tri mie
Duilb m. Innduilb, 7 Fear Cingi 7 Fear Tlar/;/dada mac Rosa
m. Rughraige.
Is iadso is uaisli do toit do muintir Eachach Feidlig À.
da mac Eachach in rig .i. Oilill mac E. F., 7 Eochaid mac
E. F., 7 tri mie rig Laigen .i. Lugaid 7 Laighlind 7 Lawach,
7 tri ri iartair coicid Geannaind .i. Fiacha 7 Fiamain 7 Forai
tri mie Ruighe m. Daire Domnarmaid, 7 Eochaid 7 Acd 7
Eolairg do marbadh re fultucadh an cath .i. tri mie Eachach
m. Urgalaig do Fearaibh Bolg a quo Sen-Erna 7 Mairtine 7
Tuatha Taitin et rel.
Et as annsin do eirgidar an Gamannrach 95 7 Fir Craibe 9+
7 Dal nDn/itne 95 7 Tuatha Taiteaw 7 Garbnzide 9> Suça 7
Tuatha Catraide 95 7 iarsma Fear mBolg 7 Laigen 7 sil
Cobhtaid Cail Breag 7 tancadar co Teamrtfigh 7 do nghead
Eochaid Ecidkch leo 7 doronadh coicid for Eir/wrf aca.
15. Feargus mac Rosa for Ulltaib {or re VII mhhagan 9Ô
cor eirig Concubar 7 dorât Feargus gradh do mathair Con-
cubair, .i. do Neasa 97 ingen Eachach Salbuide 98, 7 doraid
Neasa nach faighfedh leis ach muna fhaghad in aiscid do
iarrfadh fair gemadgar in^gar, 7 do raigh Feargus co tibreadh
di 7 dorât. " Agus v=>ed is cuma liom " ar si " righ Ulad do
Con^wbar co ceand mbliadnd. " Agus do raig Feargus co tibred
7 dorât. Et bai Concubar bliadain a rigi nUlad 7 fa maith tra
rigi Concubair. Ba mor a h-ith 7 a blicht 7 a meas 7 torad.
Agus do iar Feargus a righi fein a cin<i bliadna 7 do raighsitar
Ulaid tiach tibhridis fein a righe don fir dorât a tinwscra mna
iat 7 cor fearr do righi Concubar na eisean. Do righsit Ulaid
Concobar 7 dorinne mor-cogadh mor frfa Eochaid Feidlech
cor tobaid eraic a athar fair 7 ba don eraic sin .i. righ nUlad
do thabairt dô tar sarugad cloinne Kugraige, 7 cuit mor
don Mighi ", 7 ceathra d'ingi«aibh righ Eirend a ndiaig a
ceile aroilea .i. Meadb 7 Clotra 7 Eitne 7 Mumain et rel I0°.
FINIT
a. Une de ces deux expressions est superflue; indiaid a celle et indiaid
aroile veulent dire la même chose « l'une après l'autre ». Le copiste s'est'
répété par erreur.
La bai aille de Leitir Ruibhe. 21
Leide, demi-roi des Ulates; Feargus fils de Feargus, fils de
Leide; Aengus fils de Leide; Daire, Furbaide, Feargus
Foltsnaitheach les trois fils d'Imros ; Ros, Daire, Imchad, les
trois fils de Dolb etc. ; Fear Cinge et Fear Tlachtca, les deux
fils de Ros etc.
Les plus distingués des partisans d'Eochaid Feidlech qui
tombèrent sont : les deux fils du roi Eochaid : Ailill et
Eochaid ; les trois fils du roi de Leinster : Lugaid, Laighlind
et Lamach ; les trois rois de l'Ouest de la province de Genand,
Fiacha Fiamain et Forai ; les trois fils de Ruighe etc., Eochaid,
Aed et Eolarg, qui furent tués avant que la bataille devînt
sanglante, et qui étaient les trois fils d'Eochaid fils d'Urgalach
des Fir Bolg etc.
C'est alors que s'élevèrent les Gamanrach, les Fir Craibe,
les Dal Druithne, les Tuatha Taiten, les Garbraide du Suc,
les Tuatha Catraide et les restes des Fir Bolg, les Lagéniens et
la race de Cobhtach Caol Breag, et ils s'avancèrent jusqu'à
Tara. Eochaid Feidlech fut couronné par eux et l'Irlande
divisée en provinces.
15. Feargus fils de Ros régna sur les Ulates pendant sept
années jusqu'à ce que fut élevé Conchobar. Feargus devint
amoureux de la mère de Conchobar, Ness, fille d'Eochaid
Salbuide. Ness lui dit qu'elle ne l'épouserait qu'à la condi-
tion qu'il lui accorderait une demande, quelle qu'elle fût.
Feargus promit de l'accorder et il l'accorda. « Voilà le don
que je désire », dit-elle, « le trône d'Ulster pour Conchobar
pendant une année entière. » Feargus promit de l'accorder et
il l'accorda. Conchobar régna une année sur les Ulates et son
règne fut vraiment prospère. Grands furent les produits de
blé, de lait, de glands et des fruits. A la fin de l'année Feargus
redemanda son trône. Les Ulates lui répondirent qu'ils ne
donneraient pas leur royaume à un homme qui se servait
d'eux comme d'un douaire, et que Conchobar était un
meilleur roi que lui. Les Ulates firent couronner Conchobar.
Celui-ci fit une guerre acharnée à Eochaid Feidlech jusqu'à
ce que ce dernier lui cédât la compensation {traie) de la mort
de son père. Cette compensation comprit: le don du royaume
des Ulates en dépit des fils de Rudraige, une grande portion de
Meath et quatre des filles du roi d'Irlande l'une après l'autre,
à savoir Medb, Clothra, Ethné et Mumain etc.
FIN.
22 Margarei C. Dobs.
NOTES
i . Roi d'Irlande en 1 58 av. J.-C. (d'après les Quatre Maîtres), en 51 av.
J.-C. (d'après le Livre de Ballymote). Il descendait de Rudraige, et appar-
tenait ainsi à la famille royale des Ulates.
2. Autre nom des Ulates, c'est-à-dire des tribus habitant les comtés
d'Antrim, de Down, et d'Armagh à cette époque.
3 . Ou Eber. Cette race habitait le Sud-Ouest de l'Irlande.
4 . Cette partie de la race d'Erimon habitait le Leinster. Ce sont les
mêmes que les Lagéniens.
5. Roi d'Irlande en 150 av. J.-C. (d'après le Livre de Ballymote). Il
appartenait à la même famille qu'Eochaid Feidlech, c'est-à-dire à la race de
Cobhtach C. B.
6. Ancienne capitale de l'Ulster, détruite en 332. A. D. Les restes en
subsistent encore près de la ville d'Armagh.
7. Feargus et les noms qui suivent sont tous bien connus par la Tdin.
Le Caithreim Congbail Ctairingnigh (Irish Texts Society, vol. V) donne de
nombreux détails sur Feargus et la division de l'Ulster.
8. Pour Feargus m. Leide, voyez ibid. On trouvera dans Silva Gadclica
l'histoire de sa mort .
9. Voir le Mesca Ulad (Todd Lectures, vol. I) et l'épisode du « Fiacal-
gleo » dans la Tdin.
10. C'est aujourd'hui le Mount Sandel, une hauteur fortifiée près de
Coleraine. Voir Historvof Down and Coitnor, par O'Laverty, vol. IV, ainsi
que le Caithreim C.C. et le Mesca Ulad.
1 1 . C'est le célèbre Conall Cernach, l'ami de Cuchullain.
12. Autre nom de Fiodh Conaill Collamrach, ou Fiodh Mor « la grande
forêt ». Ces trois noms désignent le pays situé au nord de Dundalk. Voir
le Cogadh Feargusa dans 23 K. 37.
1 3 . Père de Cuchullain.
14. La plaine située autour du Dundalk.
15 . Région du comté de Monaghan.
16. Nom classique du Connaught.
17. D'après le Leabhar Gabhâla « depuis le temps d'Eanna Aighnech
jusqu'à Eochaid Feidlech, la race de Cobhthach C. B. fut assujettie et aucun
d'eux ne fut roi ». (Leabhar Gabhàla dans 23 K. 45., p. 247, R. I. A.)
Cette race habitait le Connaught.
18. Localité inconnue, apparemment située à l'ouest d'Armagh.
19. L'histoire de Raitin, si elle a jamais existé, est perdue.
20. Il y avait un Magh Bolg dans le comté de Meath.
21. Un des meurtriers des fils d'Uisneach. Tué en expiation' de ce
meurtre par Feargus m . Roich .
22. Localité inconnue; devait se trouver sur la route d'Armagh vers le
fleuve Blackwater.
La bataille de Leitir Ritibbe. 23
23. Nom du fleuve Blackwater. Voir C. i.2.,i6(R. I. A.) pour l'origine
du nom de Daball.
24. Un roi d'Ulster antérieur au Clann Rudraige, mais de la même
souche.
25. Ces deux noms désignent une région à l'ouest du Blackwater,
autour de la ville de Clogher. Les autres MSS remplacent le premier nom
par « Tulach na Carbad ».
26 . La colline de Knockmany, près de Clogher, au sud du comté de
Tyrone.
27. Ce personnage appartenait à une famille ancienne qui régna sur
l'Ulster avant le Clann Rudraige. Ils dérivaient de la même souche. L'his-
toire de Breas m'est inconnue.
28. La montagne de Bessie Bell dans l'ouest du comté de Tyrone.
29. Personnage inconnu.
30. A savoir Horsa et Hengist, les envahisseurs de l'Angleterre au
Ve siècle.
31 . Plus correctement « Truim ».
32. Le lac Catherine à l'ouest de Bessie Bell.
33. C'est-à-dire Laegaire Buadach.
34. Une légende pareille se trouve dans le Livre de Fenagh (fol. 30),
relativement à un autre lac situé dans Magh Rein, une région du comté de
Leitrim. Voyez aussi C. IV. 3.
35. Des restes de fortification à l'extrémité septentrionale du Lac
Catherine s'appellent encore Dun Laery.
36. Ce nom et la plupart des noms qui suivent sont bien connus par la
Tain. Je signale seulement ceux qui sont insolites.
37. Personnage inconnu.
38. Voir le Cath Ross na rig (Todd Lectures IV), p. 21.
39. Trois personnages inconnus. L'histoire de Bailé Bimberlach est
donnée dans les Manuscript Materials d'O'Curry, p. 472.
40. La plage de Dundalk.
41 . Deux personnages inconnus. Les généalogies donnent Fear Tlachtga
comme un fils de Feargus.
42 . Ces deux commentaires contradictoires indiquent deux éditions
d'un texte original, comme je l'ai signalé plus haut, p. 4.
43 . Personnage inconnu .
44. Encore trois inconnus.
45 . D'ici au par. 12 les autres MSS. font défaut.
46. Les histoires qui se rapportent à la race d'Ir commencent avec ces
noms légendaires.
47. Littéralement « fleuves du vieil Erne ». Je crois que ce nom doit
venir après Magh Itha.
48. La grande plaine entre Raphoe et Castlederg. On devait la traverser
pour arriver aux fleuves du Sen Eirne.
49. Ce détail n'est pas dans la légende de Parthalon que donne le
Leabhar Gabhala.
24 Margeur! C. Dobs.
50. Le cascade d'Assaroe à Ballyshannon à l'embouchure de l'Erne.
51 . Une montagne près de Ballvmote dans le comté de Sligo.
52. Localité inconnue, située sans doute près de Keshcorran.
53. Un prince des Domnands, race primitive en Connaught. Son terri-
toire était autour du Loch Mannin. Sa fille était la femme d'Eochaid
Feidlech. Voir le Cath Airtigh (Book of Lecan p. 342), le Cath Comair
23. K. 37), la Tain Bo Fliiais (Celtic Revieiu, III, p. 18) et le Ban-senchus
(Livre de Ballvmote).
54. Ce dernier est mentionné dans la Tdin Bo Flidais comme parti en
exil avec Feargus à Cruachan (Celtic Review, I, p. 299).
55 . Baronnie de Dufferin, dans le comté de Down.
36. Localité dont l'exact emplacement est inconnu.
57. Selon le Senchus na Relec, cette localité célèbre fut le cimetière
d'Eochaid Feidlech et de ses ancêtres pendant des siècles. « La province
de Connaught était le patrimoine de la race de Cobhthach C. Breg. C'est
pourquoi Medb a hérité du Connaught. . . » (Lebor na hUidrè).
58. Prince de la famille de Laegaire Lorc, l'autre moitié de la race
d'Eremon. Ils étaient en guerre fréquente avec la race de Cobhtach, leurs
cousins. Son fils Ailill épousa la célèbre Medb.
59. Presque tous ces noms se rencontrent dans les Annales des Quatre
Maîtres et dans Keating. Les sept premiers noms sont ceux de rois de
Leinster. Les autres proviennent du Munster.
60 . Cet endroit est aujourd'hui le townland de Cunghill, à l'ouest du
lac Templehouse, dans la baronnie d'Achonrv, comté de Sligo.
61. Le même que Ruighe m. DaireD.,§ 11 et 14. Sur ce personnage,
voir « The Domnaind » dans le Journal of R. 'Soc. of Ant. of Ir., Dec.
1916, p. 171. Consulter aussi Mac Firbis, p. 65.
62 . La montagne de Croaghpatrick, comté de Mayo.
63. Les montagnes de Mourne, comté de Down.
64. C'est-à-dire, Eochaid Feidlech, arrière-petit-fils de Rogen.
65 . Trois personnages inconnus.
66. Voir la note 50.
67. Voir V Epopée Celtique de d'Arbois de Jubainville, t. I, p. 9.
68 . Cuailgne est le nom des montagnes du nord de Dundalk. Voir la Tain
Bo Cuailgne (Livre de Leinster, f° 54b ) pour Daré et son taureau célèbre.
69. Eochaid F. avait trois fils illustres, les trois Finneamhna, dont
l'histoire est contée dans le Cath Cumair (23. K. 37). Les noms qu'ils
portent ici ne sont pas partout les mêmes. Ainsi Conall est appelé
« Anglonnach » dans le Cath Boiinle ; cf. Eriu, t. II, p. 175.
70. Personnage inconnu.
71. Roi de la famille de Laegaire Lorc de Leinster. Voir l'Histoire de
Keating, II, p. 181 (Irish Texts Society).
72. On doit lire ici « fils d'Innadhmar ». Voir Keating, ibid., pour
Innadmar, roi de Munster.
73. Personnage inconnu.
74. Voir le Caithreim Conghail Cl. (Irish Texts Society V) pourCongal,
La bataille de Leitir Ruibhe. 25
Lugaid Luaimne et Crimthand. On notera que tous ces alliés d'E. F.
avaient à se venger du Clann Rudraige.
75 . Personnages inconnus.
76. Les généalogies des Fir Bolgsont rares.
77. Ces trois noms sont donnés comme noms de Fomoriens dans la
Rev. Celt., XXI, p. 160; cf. le ms. D. 2. 2. de la R. FA., p. 85.
78. Peuple habitant à l'Est du comté de Limerick.
79. Peuple très ancien, habitant le comté de Kerry.
80. Peuple habitant dans le voisinage de Cruachan. Voir la Tdin Bo
Flidais (Celtic Review, I, p. 296) et Ogygia, III, chap. XI.
81. Peuple primitif habitant le Connaught. Voir « The Domnaind »
dans le Journal of R. Soc. Ant. Ireland, Dec. 1916, p. 168.
82. Ce frère d'E. F. est le héros du Tochmarc Etaine (lrische Texte, I,
p. 117.
83. Peuple primitif habitant le Connaught. Voir le Dinnsenchus de
Carn Conaill (Rev. Celt., XV, p. 478).
84. Il y avait trois tribus de ce nom en Connaught.
85. Aujourd'hui Knockmaa, comté de Galway.
86 . Il existait apparemment tout un poème, dont ce vers est une citation.
Lathairne et Con&Ing étant des noms étrangers à notre texte, le poème
devait appartenir à une autre rédaction.
87 . Sans doute Conall Cernach .
88. Personnages inconnus.
89. Un nommé Fiamain m. Foroi était un camarade de Cuchullain.
On retrouve ce nom dans deux sagas différentes, VAided Fiamain et
l'Aited Mugaine re Fiamain, qui sont perdues toutes deux. Il s'agit proba-
blement du même personnage.
90. Personnage inconnu. Peut-être le poème qui nous manque l'aurait-
il identifié.
91 . Ici se termine la lacune que présentent les autres MSS.
92. Personnage inconnu.
93. Tribu des Dommaind habitant l'Erris, comté deMayo.
94. Tribu habitant le sud du comté de Galway.
95 . Tribu habitant les bords du Suck. comté de Roscommon.
96. Voir la Tdin Bo Flidais B. IV. 1, fol. ï2j*(É>ïu, VIII, p. 134).
97. Voir Y Epopée Celtique de d'Arbois de Jubainville, t. I, p. 6, pour
une autre version de l'histoire de Neas et de Conchobar.
98. Roi d'Ulster, de la famille qui précéda le Clann Rudraige à Eamain.
cf. note 27.
99. Mide, c'est-à-dire la région centrale de l'Irlande, comprenant les
comtés de Meath, West Meath, Kings Co., et Longford.
100. Pour cet « eraic », voir le Cath Boinde (Eriu, II, p. 177).
2é
Maroarrf C. Dobs.
TABLE
(Les chiffres arabes de cette table correspondent aux' numéros des paragraphes
du texte irlandais reproduit ci-dessus.)
I. — NOMS DE PERSONNE
Aed mac Eachach, 9, 14.
— Find m. Daire, 10.
— Ruadh m. Badhuirn, 5.
Aengus m. Duib, 9.
— Feargusa, 4.
— Leide, 12, 14.
— Rudhraighe, 1, 4.
— Turmeach, 6.
Ailill Aine, 6.
■ — m. Eachach F., 8, 10, 11, 14.
Airtidh Uchtleathan, 6.
Airtrech, 4.
Amirgen Targuinnach, 4.
Argeadmar, 3, 4, 8, 11.
Art m. Luigdech, 6.
Badhurn, 5, 6.
Baile Bindberlach, 4.
Blathaeht m. Labrada, 4.
Breas m. Faitheamain, 3.
Breasal Bodibadh, 8.
— m. Cirb, 3.
Brigh, 10.
Bodb, 3.
Buan, 4, 13.
Cairbre, 4.
Cas m. Cinge, 4.
— Rudraige, 4.
Cathbad draoi, 5, 6, 12.
Ceiden, 10.
Cermna, 5.
Cimbaeth, 5.
Cing m. Rosa, 4, 13.
Cionn m. Sithcind, 9.
Cirb, 3.
Clothra, 15.
Cobhthach Cael Breag, 2, 6.
Conall Anglonnach m. Eachach F.
8, 10.
Conall Cernach, 1,4, 11.
— Collamrach, 1.
Conaing Buidhe, 3, 4.
— m. Muireadaigh, 6.
— 11.
Conchobar, 1 5.
Congal Clairingnech, 4, 6, 8.
Crimthand Coscrach, 8.
— m. Luigdech L., 8.
Corc Cuirn m. Ceidin, 10.
Daire m. Duilb, 8, 11, 14.
— Imrosa, 4, 12, 14.
— Domnanaidh, 7, 10, 11
Deal m. Loich, 9.
Deaman, 5.
Diangus, 6.
Dithorba, 5.
Dolar m. Guill, 9.
Dolb m. Induilb, 8, II, 14.
Donn m. Durthachta, 1, 3, 4.
Dondgus, 6.
Duach, 6.
Dub m. Daire D., 7.
— Dolair, 9.
— Duib, 6.
— Fomair, 4, 8, 11.
— Imross, 6
— Oirs, 3.
Dumhannach, 4.
Durn m. Fiachach, 9.
Durthacht, 1,3, 11.
Eangus (see Aengus).
Eargnaid, 10.
Ebrec, 4.
Edhisd, 3.
Eithne, 15.
Eleisd, 3.
Emer Donn, 4.
La bataille de Leitir Ruibhe.
27
Ermer, 1.
Ether m. Brighe, 10.
Eochaid Aiream, 10.
— Eolcobar, 3.
— m. Eachach, 9, 14.
— — Feidligh, 8,
10, 11, 14.
Eochaid Feidlech, 1,7, 8, 9, 10, 11,
12, 13, 14, 15.
Eochaid m. Imgair, 9.
— — Innadmar, 8, 13.
— — Lagha, 9.
— Salbuidhe, 15.
— m. Sigain, 9.
— Uairceas, 6.
— m. Urgalaigh, 9, 11.
Eogan m. Durthacht, 3, 11.
Eolarg, 9, 14.
Fachtna Fathach, 1, 2, 5, 11, 14.
Failbe, 1.
Fatheamon, 3.
Feagar, 3.
Fear Cing, 4, il, 14.
— Corb, 4, 13.
— Tlachtca, 4, 11, 14.
— da-beann, 7.
Feargus Foltsnaitheach, 4, 12, 14.
— Fortamtail, 6.
— m. Feargusa, 14.
— — Leide, 1, 4, 11, 12, 14.
— — Roith ) 1, 11.
— i — Rossa ) 4, 11, 12, 15.
Feidlimid, 9.
Fiacha m. Aengusa, 9.
■ — ■ Eachach, 9.
— Muireadaig, 6.
— Ruighi, 11, 14;
— Finnsgpthach, 4.
Fiamain m. Ruighi, 11, 14.
Fighda, 7, 10.
Fionn m. Blaitachta, 4.
— Roigen R., 10, 11.
Findtan, 5.
— m. Neill N., 1,4, 11.
Flaithim, 4, 12.
Fomar, 3, 4, 8, 11.
Forai, II, 14.
Furbaide, 4, 12, 14.
Goll m. Irguill, 9.
Ilar Echtach, 7, 10.
Iliach, 4.
Imchad m. Cais, 4.
— Duib, 7.
— Duilb, 8, 11, 14.
Imgar, 9.
Imros m. Flaithim, 4, 12, 14.
— Uislind, 6.
Indolb, 8, 11, 14.
Innadmar, 8, 13.
Ir m. Milead, 4.
Ir m. Rudraighe, 4.
Irgalach, 4.
Irgoll, 9.
Ithe, 6.
Labraid m. Cairbri, 4.
— (Longseach), 6.
Laegaire Buagach ) 4.
— m. Conaing B. j 3.
— m. Laegaire, 3.
— Lorc, 6.
Laemach, 11, 14.
Lagha, 9.
Laighlind, il, 14.
Laitim (see Flaitim), 4.
Latharne Lond, II.
Leide m. Feargusa, 1, 11, 14.
— L,4.
— Rughraighe, 1, 11, 14.
Loch, 9.
Luagne Luamne, 8, 1 3 .
Lugaid m. Duirn, 9.
— Laimderg. 6.,
— Londmar, 11.
— m. Luigne L., 8, 13.
— m. Maghlaim, 8.
Lugaid m. ri Laigin, 11, 14.
Luigid (see Lugaid m. Luigne).
Maclach, 4.
Maghlam .
Maghruad, 9.
Meadb, 15.
Melge Molbthach, 6,
28
Margaret C. Dobs.
Midhurn m. Cuire, 10.
Mil, 4.
Monach, 4, 13.
Muigh, 6.
Muireadach Balgrach, 6.
Mumain, 15.
Neas, 15.
Niall Niamglonnach, 1, 4, 11.
Nia Segamon, 8.
Oilill (see Alilil).
Ollam Fodla, 4.
Ors, 3.
Parthalon, 6.
Pir, 9.
Porg, 9.
Raan Roglon, 7, 10.
Raitin, 3.
Reachad m. Pir, 9.
Reochad m. Breasail, 3.
Rach, 4, 12.
Roghen Ruadh, 8, 10, 11.
Ronan, 9.
Ros m. Duilb, 8, 11, 14.
— Ruadh, 6.
— m. Rudhraighe, 4, 11, 13, 14,
15-
Roth.
Rudhraighe, 1, 4, 6, 8, 11, 13, 14.
Ruidhe m. Imchada, 7.
Ruigh m. Daire D., 11, 14.
Seangand, 9.
Senna Innarach, 6.
Sigan, 9.
Simon Breac, 6.
Sirlam, 4.
Sithcind, 9.
Sobairche, 5.
Subaltach, 1, 12.
Taidean, 9.
Tirtech, 4.
Tuamathen, 7.
Uisleand, 4, 6, 12.
Urgalach, 9, 14.
II. — NOMS DE FAMILLE ET DE RACE
Clann Aengusa, 4.
— Durthachta, 1 , 4.
— hlr, 2.
— Milead, 2.
— Rudhraighe, 2, 15.
— Uabhmoir, 10.
Dal mBuain, 4.
— nDruithne, 14.
Domnannaigh, 10.
Fir Bolg, 8, 14.
— Craibe, 14.
Gamanrach, 14.
Garbraide Suça, 14.
Laigen, 8, 11, 14.
Mairtine, 9, 14.
Monach Aradh, 4.
Muimneachu, 6.
Sen Erna, 9, 14.
Sil Cobhtaid Caol Bregh, 2, 7, 14.
— Emir, 1.
— Ir, 1.
— Laegaire Luire, 1.
Tuatha Catraide, 13.
— Taiten, 9, 10, 14.
Ulaid, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, .10, n,
13, H, 15.
III. — NOMS DE LIEU
Beann Boirche, 7 .
Beann Oigle, 7.
Caille Conaill, 1 .
Ceis Corainn, 6.
Cnoc Baine, 3.
Cnoc Breis, 3.
La bataille de Leitir Ruibhe. î$
Coiceadh Génaiiîd, 2, 4, 5, 6, il, Loch Laeghaire, 3.
14. Lochlann, 3.
an Corann, 7, 9, 13. Magh Bolg,3-
Cruachan, 6, 7. Magh nltha, 6.
Daball, 3. Magh Leamna, 3.
Druim na nDruagh, 6. Meadha Siuil, 10.
Druim Raitni, 3. Mighe, 15.
Duibtrian Ulad, 6. Murthemne, 1 .
Dul-na-carbat, 3. Rath Neachtain, 3.
Dun Da-beann, 1. Sliabh nDub, 3.
Dun Laegaire, 3. Sliabh Tuirm, 3.
Eamaio, 1, 2, 3, 4. SrothaSein Eirne, 6.
Eas Ruaigh, 6, 8. Sruth Sein Eochada, 3.
Fearnmuigi, 1, 4. Temair, 1, 14.
Leitir Ruibhe, 7, 8, 11, 12, 14. Traigh Baile, 4.
Leitir Saileach, 6, 7. Ulad, 1, 10, 11, 14, 15.
APPENDICE
Transcription du texte du Catb Leitreach Ruibhe contenu
DANS LE MS. 23. K. 37. AVEC LES VARIANTES DES MSS. E. 4. 3
ET EGERTON 106.
t
Catb Leithrech Ruighe sonn.
1. Airdrigh ro ghabh flaithes 7 forlamus for Eiriraw .i.
Fachtna Fathach mac Kughraighe [mhô/r. E. 4, 3] 7 is ag siol
Eimhir 7 Ir ro bhi ardchennus Eireann 6 rae Conaill Chol-
lamhra (Collamhrach Eg.) go haimsir Eochacb Feidhh'o- 7 do
fmnedh (do roinnadh sluaigh Eg.) sluagh mor le hEochaid
Ee'idhleacb gur marbadh coigeadbaigb Eireann leis. Is ann sin
do bhi Fachtna Fathach ar siorchûart Ulad 7 gabhus Eochaid
géill Temrach da éis. Id chlos sin a nEmhain Fergus mac
Rosa Ruaidh fa leithrigh. ar Ulltaib (Fergus mac Rosa iona
îeithrigh Ulad. E. 4. 3)7 Fionntainn mac Néill Niamhghlon-
naigb mac Rughraigbe [môr. E. 4. 3] a nDûn da bhenn 7
Leide mac Ferghusa mac Leide ar an leith tuaisgcertach
d'Ulltaib 7 (agus Eg.) Conall ar choill Conaill 7 Subhaltach
mac Rôigh (Roich Eg.) ar Mhûirtheimhne 7 clanna Duinn
Duthrackach mie Ailne (Ailine Eg., Dùthrac/tfa mie A'ù'mne
E. 4. 3) mie Aongusa mie Kughraighe.
36 Margaret C. Dobs.
2. Is ann do bhi (Is ann bhi Eg.) Eochaid a gcôige
Ghenain 7 bhi righ Ereann fri hEamhuin a ttuaigh 7 do rainig
fios na sgéal sin cuige. Is ansin adubhairt Fachtna Fathach
re hUlltaibh tinôl (tionôil Eg.) 7 toichiosdal do dheanamh,
ôir dorinnedh feall 7 fiongiol oruibh ag fearuibh Eireann 7 do
aithéirigh [siad Eg.] siôl Cobhthaigb Caoil mBregh (do
rinnsiod sliocht Chobhthaigh Chaoil mBregh âitheirghe E. 4. 3)
7 thairnig flaithes cloinne hlr don churso (don chorid Eg.).
Truagh sin, ar clanna Rughraigh (Kughraighe Eg.), airdrigh
(a airdrigh Eg.). Is aguinne ata cennus [gaisge na Eg.]
nGaodhal 7 ilrlaighe çhlainne Milead amhail arimhth^r ar ar
senuibh 7 ar ar sinnsearibh 7 denam calmacht don churso (don
chôrid Eg.) 7 chosnam Eire dhuinn féin 7 ionsoighiom
(ionnsuidhiom Eg.) coiged Ghenainn.
3. 7 dorinnedh sluagh mor leô [7 bhâ hé a lion E. 4. 3]
.i. secht ccatha commôra d'fior Ulhaibh 7 tri catha d'âïïmura-
chaibb 7 deich ccatha francamus do mmnntir (theaghlach E.
4. 3) righ Eireann 7 thangadar tar Siôrbhrûg (siodhbhruigh
Eg.) na hEmhna amach 7 tar Druim Raithrigh 7 do Raith
Nechtain 7 do Dhubhall 7 tar Thulacb na ccarbad (gcarbatt
Eg.) 7 tar Senmhaigh 7 tar Chnoc mBréise 7 tar Sliabh
nDubh 7 lamh cli le Loch Laogaire 7 do rinnedar sosadh 7
comhnuidbe 7 longport (sosadh 7 iongport Eg.) annsin ar
(athach Dhûna Laoghaire.
4. 7 thangad//; [maithibh E. 4. 3] UW a bpobal righ
Eireann 7, dorinnedh comairle leô 7 asiâd (leô ann 7 iâd Eg.)
thainig ann .i. Fergus mac Rosa mie Kughraighe 7 Léide
mac Fergusa mie Leide, mie Kughraighe 7 Uislenn mac
Conaill (Congail Eg.) Chlairiongnrt/cr/? mie Rughraighe 7
Fionntainn mac Niamghlanwrt/^/; mie Kughraighe 7 Aongus
mac Fergusa 7 Laoghaire Buadhach mac Conuing Bhuidhe
mie Iliach 7 Iorghalach mac Néill Wnmhgïomiaigb 7 Monach
7 Bûan 7 Fear Corb mac Ioghna mie Rosa mie Kughraighe, a
quo Monaigb krad 7 Dal mBuâin (Dal mBuinne mBuain
E. 4. 3.) a quo Baile Binnbearlach mac Buâin 7 Traighi
(Traigh Eg.) Bhaile, 7 Daire 7 Furbhuidhe 7 Fergus Fols-
woîtheach (Foltsnaith^/; Eg.) tri meic Rosa mie Laitim mie
Fergusa mie Leide.
La bataille de Leitir Ruibhe. }î
Ici se trouve dans les trois manuscrits une lacune qui s'étend
jusqu'au milieu du paragraphe 12.
12. 7 Subhaltach mac Rôigh (Rôich Eg.) 7 tri chaogad
francamhus maraan le righ Eireann 7 do dhàil Eochaid lion a
neirt a ccenn righ Eirionn1 7 doronnsad comhlann [calma
Eg.] croidhemhail dana doiligh dûrchroidech 7 do thimchiol-
\us Eochaid eision amhail thimchiallus feithlionn fiodh 7 dorad
béim dhô gur bhain a chenn de amhail adeir an file:
Eochaid Feidhlioch fer go bhfioch
do mharbh Fachtna (Eochaid E. 4. 3) fa gniômh dûir.
is ann rocloidhtW/; a lecht (fhert E. 4. 3.)
mara bhfuila fert anûir (leacht anûir E. 4. 3.)
13. Is annsoin do choncadtfr Ulaid righ Eireann ar na
oirlech (artuitim E. 4. 3) do iogradar d'Fergus sgiath tar lorg
do thabhairt d'Ulhaib 7 do thug Fergus sin dôibh. Is annsin
do fhogair Eochaid do ghuth mhor ardfhollus ghlan (guth
ârdsollas E. 4. 3) airghe athlam aoin fhir do dhenamh 7 Ulaid
dolenmhuin go lâindiccrac/? 7 dotogbhmf meirgadha Eochach
7 rioghdhamhna a gchoiglW 7 rugadur orra 7 as iadso do rug
orra ar dtûs .i. Lughaid mac Lugbaid Luaighne 7 Eochaid mac
Fionamhair 7 d'iompuigh triar deghlaoch d'Ulltaibh orra .i.
Monach, 7 Dubhân no Dûan 7 Fear Chorb mac Cionga mie
Kughraigbe 7 doronsad comhlann fiochda foirannach fior-
fergach ionus gur comhthuitsaddoid re doid 7 bonn re bonn
airm attaid a bhferta don taoibh ihuaidh don Chorann 7
àorirmcdh oirisim ag (le Eg.) fearuibh Eireann.
14. 7 as iadso is uaisle dona hUlltaibh do thuit ann .1.
Fachtna Fathach righ Eireann 7 Leide macFergusa mhic Leide
7 Aongus mac Leide mie Kughraighe 7 Daire 7 Fwrbhuidhe
7 Fergus Foltsnath^c/j 7 Rosa 7 Daire 7 Jomchadh tri mie
Duilbh mhic Foghmhair.
Agus as iadso is uaisle adtorchair don leith oile .i. Ai/z'll
mac Oiliolh mie Eochach Eheidhligh 7 Iolarg (EolargEg.) 7
1. A partir d'ici et jusqu'aux mots 7 dorad béim dhô, le texte de E. 4.
3 est le suivant : 7 do ghabh gach fer a chomhrach dona cura?Waibh. Dala
Eochach Feidhligh, d'ionnsaigh se iirdrigh Éiriôn 7 doronsad an dà
âirdrigh comhrac calma croidheamhaîl dana doiligh durchroideach 7 do
thimchill Eochaid.
$i Margard C. Dobs.
Lathairne 7 Conaing 7 Cimtdhach mac FaitenWn 7 Lugha/J
mac Laithim mie Ciombaoith Chosgra/o-/; 7 [et Eochaid
Ionatmhair 7 LughazW mac Lughdacb Luaighne. Is annsin do
rigedb an Gamanraidh7 E. 4. «3 ; 7 Eochtfz'd mac Ionadhmhair
7 Luiga/d* mac LuigoVf/; Luaighne. Is ann soin deirgetar an
Ghàmha.nraid 7 Eg.] Fir na Craoibhe 7 Dâl nDruithne 7 Gair-
bhrighe Succa 7 Tuatha Cathn'o-fe 7 iarsma bFher mbolg 7
Laighen 7 siol Chobhthaid Chaoil mBregh 7 thangad//r go
Temhraigh 7 do riogharf/j Eochaidh Feidhleacb leo ann 7 do
hôirn^aJ/; rioghacbt corgeadbacb ar. . . (riogha ar coigh&z-
<f/;aibh Eirionn mar an gceadns. E. 4 . 3 ; riaghâ côigedach
ar Erm Eg.).
15 .i. Fergus mac Rosa ar Ulltaibh re rae secht (Ulltaibh
réé ' secht Eg.) mbliadhan gur e'mgb Concubar 7 thug Fergus
gradh egmhaisech do Nesa, inghen Eochacb Salbhuidhe 7 do
radh Neasa munadh bhfaghadh an chumhadb do iartadh cia
mathigar no ionghar i (cia inngur no iomghur i E. 4. 3.)
nach biadh (buaidh Eg.) si féin aige, no go bhfoghadb i 7
adubhairt (Fergus E. 4. 3. et Eg.) go ttiubradh. As i cumha
(Is i comhadEg.) ataim d'iarradb (duarra/a'Eg.), arsi, [.i. Eg.]
rioghacht UW do thabhairt do 'Concubhair go cenn bliadbna
7 d'aontuigh Fergus sin. Ionus go raibh (raibhé Eg.) Con-
cubhar a righe U\ad ar ïeadb bliadna 7 badb maith a raith 7
a righe 7 badb môr ioth 7 blïocbt 7 mes 7 toradb san chrich
re a linn. Acht chena a gcenn bXiadna d'iar Fergus an rio-
ghacht ar Concubhar 7 adubradar Ulaid nach (adubradar nach
Eg.) ttiubhradis an rioghacht don fhior do rad a ttionnsgradh
athmhna i 7 gur bba îearra leô Concubhar ar an adhbhar sin
nô é (iona e Eg.) 7 do nogbadh aca Concubhar 7 àoxmnedb
morchogadh ar Eochaid Feidhleacb a ndioghail a athar
(andioghâil athar Eg.) .i. Fachtna Fathach 7 do bhain eiric a
athar de. Gonadb é sin Cath Leitrioch Righe go nuige sin.
Finit.
1 . Le premier é de réé raturé.
ON THE CHARACTER
OF THE
CELTIC LANGUAGES
Pedersen (Vgl. Gr. d. kelt. Spr., I, p. 25-27) gives a short
characteristic of the»structure of Celtic languages and he em-
phasizes especially the tact that the Celtic languages hâve pre-
served the old formulae notwithstanding the phonetic changes.
He regards it as a « lautpsychologischer Conservatism ».
Through this tendency, he says, formations arose which cannot
be compared with anything bimilar in Europe except the
Basque, and he asks whether thèse features are due to a new
admixture of foreign blood or whether they are réflexes of
old Indo-European tendencies.
This question is more important, because there are tenden-
cies to use thèse features for the purpose of proving or rather
reconstructing the non-Aryan éléments in Celtic.
Undoubtedly there are many non-Aryan éléments in West-
European languages, yet thèse éléments contributed to the
further development ofthe ancient Indo-European type and
consequently it is always doubtful whether a particular feature
is due to the influence ol non-Aryan speakers, or whether it
is rather a mère development of the older type, an évolution
on a mainly « logical » basis. Speaking a priori it is probable,
that for instance the analytic tendency of Western languages
may be due to some such influence, but this is perhaps ail we
can say. The way in which thèse changes operate is not
simple, and we hâve not yet discovered any gênerai rules
which would help to investigate this question. For our par-
ticular subject the question is more intricate: Ifwe admit that
the Celts migrated to Ireland at a very late date, say in the
Revue Celtique, XXXIX. 3
34 Joscf Baudis.
fourth century B. C, and that they celticized the non-Aryan
population as late as oui' era, then we should expect that
thèse particular features should occur much earlier, yet the
language of the Ogmic Inscriptions does not differ materially
from any other Indo-European language, and even if there
might hâve been forms like *nu-te-birû (O. Ir. notbiur) thèse
formations would not surprise us any more than Latin ob vos
sacro or Greek %pb ^.'Izs^ev (IL, I, 442) or Vedic prà vah
çamsàmi (R. V., viii, 27, 15). The striking feature is rather
that this archaic way of expression was normalised in prehis-
toric times, while other Indo-European languages dispensed
with it, and that it was retained notwithstanding the phone-
tic changes, which undoubtedly obscured this System. But
this happened much later, at least four centuries after the
non-Aryans were celticized and we should be naturally sur-
prised that they introduced their linguistic peculiarities as late
as that, while previously retaining the very archaic features
of Indo-European speech. The only way to answer this ques-
tion is to try to reconstruct the prehistoric Irish (that is the
periôd immediately preceding the réduction of final vowels)
and to draw conclusions from that. Naturally we shall be
mainly interested in the verb.
THE ENDINGS OF PRIMARY TENSES.
The old Irish verb has a peculiarity that in primary tenses
the verbum simplex takes a longer ending while a compound
verb takes the shorter one. This différence has been explain-
ed in two différent ways :
a) either the longer endings havê been explained as due to
a later « agglutination » of pronominal éléments on the short-
er endings (Stokes, K. S. B., VI, 465 f.) or
b) the différence has been regarded as a reflex of variation
between the primary and secondary Indo-European endings
(Zimmer, K.Z., XXX, p. m, note 1);
OH the character of the Cellic languages. 35
c) Pedersen's view is practically that of Stokes, yet he works
upon other Unes in as far that he partly accepts Meillet's (i?. C,
XXVIII, 369 ff.) theory of the primary endings in the Indo-
European parent speech,
d) According to Meillet the primary endings were :
Sg. 1. -mi 2. -si 3. -ti in athematic verbs, but
» -ô » -ti » -et or -e in thematic verbs.
The secondary endings (r. -m. 2. -s. 3. -t) were common
to both classes. If this theory is right, there would be very
little reason for the theory that berid : -beir, for example '
represents the Indo-European interchange of primary and
secondary endings; it would be an interchange between the
thematic and athematic classes, This view seems to be sup-
ported by the fact that the first person singular is not bcrim
but Uni beside forms like melim ; demeccimm beside ni déccu.
Further : the suffix of the second pers. -i ought to occur (in
old e/o verbs) only if the verb was simple, yet it is found in
compound forms as well (ZE. 429, Thurneysen Handbuch
d. Air., p. 337), though, of course, it is possible to think of
influence of forms like -léci. [Moreover : if it were really pro-
bable that the relative was *so (not. *io), we could see in beres
an older *bertso, but in bertae *berontiso (as <C *estso).]
Yet even thèse new considérations cannot prove or dis-
prove any of thèse théories. The only way left is to reexamine
their merits and drawbacks in every particular.
From the Irish point of view most of the absolute forms, as
they exist in old Irish, could be at the same time identical
with forms from which the dépendent forms could be deriv-
ed:
e- g-
*binï
-biur
cp.
absolute biru
*biri
-bir
»
» biri
*berij>
-beir
)>
» berid
*berefte
-berid
»
» berthe
1. One might then doubt whether Ir. -bir goes back to *bhcres or wfrefcH'
er we should explain it as Meillet does from *bherei ; see latgr.
3 à Jôsef Baudis,
the l'est of the ioniis (i. e. 2 out of 6* vig. i. pi. bertnmai and
3. pi. fenV) differ from the compound forms otily by addition
of a palatal vowel, which in the r. pers. pi. was retained but in
the 31'd. pi. syncopated. Now, because the four absolute
forms, which seem to be identical with the original forms of
the compound verb, could not retain their final vowels un-
syncopated unless they were followed by an agglutinated
particle, it seem s quite possible to postulate that there were
such particles, which followed the absolute iorms .
This point of view seems to be quite sufficient to explain
most of the Irish primary (absolute) endings in the rest of
Irish' primary tenses, viz. in the t- preterite in the s- prete-
rite1 and in the s- subjunctive and future :
*bertû Ir. -biitrt cp. W. ceint
*birti » -*lnrt
*bertete » -*bertit
1. sg. *carassû Ir. -carus cp. W. cereis
2. » *carassï » -curais
« pi. * car a s set e » -carsid
cp. absol. carsu, carsi, *carsite
*tèssû ir. tias cp. tiassu
*tessï » téiss » téssi
*tëssete » téssid » * teste.
(The first and the third pers. pi. differ in the same way as
in the présent.)
The dépendent third person sing. is, however, in ail thèse
formations the original athematic form of thèse formations,
and it became a basis for further inflection. The independent
form could hâve been derived from this basis plus suff. -et or
it is an old athematic form (from the original s- stem ?) with
1. The basis, of the s-preterite isthe dépendent 3. pers. singularis which
is by its origin an athematic form of the 3. pers. 5-aor. *carass hom*carast
(and from the 2nd. sg. carass) ; cp. *tert- from *bhert and *têss from the 3 .
sg. *steighst (and 2. sg. *steighss). If I am right in this supposition we can
easily explain why in the -s- preterite the intervocalic -s remained : the reason
was that the athematic 3 . pers. *carass (fr. *carast) was regarded as the
basis of the formation.
Ou the cha racler of the Celtic languages. 37
the primary suffix -H. The first alternative seems to me more
probable because it is supported by the testimony of Gaulish
legassit. E. W. prêt, prynessit <C-ssiti seems to be the same
form augmentée! by -i. Consequently we may reconstruct the
3rd. pers. sing. asfollows:
*carassè<j> > carats : *carast > *carass^> -car.
So also
iëssèfr téiss : *steighst >> *tëss > -té(see later).
Yet however simple this System may appear, we must ask
whether it holds good for Welsh as well, and hère we may
accept the following équations :
2. Sg.
W. ceny Ir.
biri
3. »
» can »
-can -beir
eyl »
Ucid berid.
I. PI.
» carwn »
Br. queromp.
*beram-ni
3. »
» queront .
either berat,
or berait.
(i.Sg.
caraf cp. Ir. caraim?)
The s-
aor. W. cereis
Ir. -carus
cereist
» -carats
car as
» carais.
The plural may be equated with the Ir. dépendent forms
but the predesinential a (carassam etc.) proves that thèse
forms are athematic (so also the Irish forms).
The .r-subj. gwares (*vo-retset)= ir. rets (duch, fr. *doucset).
Consequently the Brythonic has in the présent mostof the
absolute endings and in the past most of the dépendent en-
dings. The interchange between the absol. and dépendent en-
ding isproved only for the 3. sg. près, andtaking intoaccount
that the 3. sg. prêt, has a form corresponding to the Ir. abso-
lute form, similar interchange is most likely for the 3. sg. aor. It
may be admitted for the 3. pi., but the Brythonic cannot prove
it. Considering now that the first person plur. in Welsh and
other Brythonic dialects corresponds to the Irish dépendent
38 Josef Baudis.
forms, and seeing further that Latin and the Italie dialects know
only onc ending for this person, the Welsh conditions may
even hère be more original, especially considering that the
Ir. bcmuifi lias a non-lenated m which can be explained only
by analogy with athem. *£*/«/' or some other athem. forms, or
there must hâve been agglutination of some élément (which
desaspirated the linal o\i. from -omos) \ Consequently \ve can
suggest for Ir. the following System :
Praes. Sg. 1. -im or *-//, pi. -ain. Past. *-u pi. -am.
2. *-i' *-te *-i *-te.
5 . *-i$ or *c]> *-nt(i) *-cf> *-nt.
or-.
This System would be simple enough, yet \ve must not
forget that it is quite clear that it is rather an idéal scheme to
which the sptrit of Celtic gravi tated, but that there persisted
some other endings (for inst. -ch in the W. subj.), and that
sometimes forms of quite différent origin gave the same
resuit. Anyhow it is reasonable to look for a greater variety
of forms in the prehistoric period of Irish.
Examining ail the possible prototypes of Irish endings, we
arrive at the following results :
1 . Sg. : It is clear that Ô >- û existed in the thematic pré-
sent forms and in the .r-subjunctive, but in the preterite * car as-
sô (W. cereis) it is obviously an innovation.
Note. ù in the prêt, stands either for *-m or tor *-om, I think that
the later possibilitv is quite likely because of the 3. sg. *carasset. Conse-
quently the O. Ir. -*ù is a) an old primary ending of themat. verbs, and b)
it was introduced for the secondary -om. The old secondary ending is sup-
pose J to be preserved in the first person of the â- subj. *berâm : *bera dep.
-ber ; now, one of thèse forms must be analogical, and considering that
*virôiu became fer, it seems that -ber is the real resuit of that forrn ; bera
would be consequently an analogical form, yet it is a question when this
analogical form was introduced. One could think of the historical period,
but it would not be possible to suggest any starting point forsuch an inno-
vation, consequently one must infer that this form is of an aider date. And
1. Cp. also Ir. attifnl fr. *eSnieii while Welsh ytn goes back to *esnws (skr.
ftnUSt; s mas) .
On the char acier of the Ce! tic languages. 39
there it see lis that it was analogical lo the thematic -u (*bcrû : *beni(i)
■=. x: berat(i) ; x = *berâ). This berà is undoubtedlv preserved in the abso-
lute ending owingto some following particle which wasthen lost. Itmight
be well that the real ancestorof ber was *berâ or *berô (i. e. that *berâm was
altogether replaced by berâ like *carassom was replaced bv ^ùàràssÏÏ). Tins
wo.uld be the more probable as it seems that there were in the first perron
some thematic forms coexisting withthe â- forms cp. Jéciub: lécfea, çigius :
gigsea, though it is difficult to say whether thèse forms are archaic survivais
or rather innovations.
^. Sg. The third pers. berif may go back ïo*bereti while beir
goes back to *beret. This is the more possible as it seems that
*-et could be used in présent as well. The modem Slavonic
languages (e. g. Czeeh ve%e, ttesë) at least postula te this form.
As regards the subjunctive, the form *retst has been mentio-
ned belbre. The form rcis fro'm *rdset corresponds to Skr.
darsat (dr « split ») etc. perfectly well. The same is true of
the 3. sg. of the .f-pret., while car goes back to *karast; the
form car aïs (cp. Gaul. legasït) may be compared with forms
like lat. dixit, gr. s3si£s, skr. àdihat. Hère \\c must admit an
innovation, yet this' is not more surprising than gr. Bgi|e
(birt is of course an analog. form : * ber (et).
Consequently we hâve to accept :
prim. athem, *-ti, them. *-et
second. » *-t » ».
Note. — Pedersen postulâtes only one ending, viz.-et: bcriJ, according
to him, is *beret is, is being an affixed subject- pronoun. Yet it seems that
the personal pronouns expressed the subject only if emphasis was needed.
Ol d Irish employed even in such cases a particle and not a pronoun '. It is
however possible that berid would go back on *berei-l, i being a particle ;
but this is Lrmally identical with the form *bi> ret i a.nd it is possible that
doublets like "berdi : *bêret gave the i of the first form a certain indepen-
dence and a particle like value.
1. PL The first person pi. has been mentioned before :
though Ir. -mi may correspond to Skr. -masi, it must hâve
originated in athem. forms (e.g. amnii). Ir. -am cari represent
1. Brythonic forms like W. carivn, cereist and the ending of the 2. pi.
-ch may be of later origin and consequently prove nothing to the point
40 Josef Bandis.
Skr. -mas as well as Skr. -mfl ; anyhow the différence bet-
ween -mi: -a m does not go back to the différence betwecn
Indo-Eur. primary and secondary êndings. (This is the
morë probable because Bryth. -;// in primary forais so far they
are prcserved seems to postulate the prim. -me/os '.)
2. PI. The second pers. pi. -(e)te corresponds to Skr. -(a)ta
and -(a)tha as well. The Ir. absolute forai differs from the
dépendent form only so far that the final vowel is preserved,
presumably owing to some following particle which then
disappeared.
}. PI. In the third pers. pi. the absol. ending in the preter-
ite is obviously of later origin ; the subjunctive lias in Skr.
a secondary ending in this person 2. The primary ending was
undoubtedly regular in athem. présent, consequently the
dépendent présent form may be an innovation : see also Meil-
let, R. C, XXVIII, 371, but cp. Ieel. ero.
Consequentlv we may summarise as follows.
1. sg. -mi thematic. -ô > Ir. -'/;/ : *-û.
3. sg. -ti thematic. -et > -$ :*zéro.
secondary. . . /
1. pi. -mcsi. -mes -mi : -dm.
secondary -ma*
2. pi. -te -'$>.
3. pi. -nti
secondary -nt -'d: -"d.
From thèse forais only the 3rd pers. pi. can be safely iden-
tified with the différence between the primary and secondary
endings; the yà pers. sing. belongs only partly there; ail the
rest, i. e. three couples out of five, do not belong there at
ail. It would be, however, possible to infer that thèse couples
hâve been rearranged symmetrically to the division -nti : -nt
(primary : secondary) or to the division -ti (primary athema-
tic) : -et (thematic). Thèse eventualities, however, appear
1. The absolute ending in the prêt, (and perhaps also in the subj. ?) are
an innovation.
2. See later.
On the character of the Celiic lcmguages. 41
more or less probable according to what point of view we
take with regard to the second pers. sing. The independent
form biri can be of course derived from *beresi <C *bheresi =
skr. bharasi l. But it is a question what was the original form
from which the dépendent form -bir originated. If it was
*bheres, the scales turn in favour of the Indo-European inter-
change between the primary and secondary endings ; if it was,
however, another form, for instance *bherei (see Meillet, R.C.,
XXVIII, p. 371), we could as well give up this theory. The
second alternative form seenis to be supported by the Welsh
2nd sg. aor. cereis : if the change a >- ei is neither due to the
analogical influence of theflrst person (1 sg. cereis <C carassu),
nor to the influence of the suffixed pronoun *sn~>tï we
must postulate a form *carassi, as this -ï might be of
diphthongical origin, we might infer that the original form
was *carassei, the ei being hère introduced from the présent,
i. e. from berei. If -bir goes back to *bherei the change e~>i need
not surprise us ; whereas if it actually goes back on bheres,
this change is rather singular; but we must not forget that
there are forms like -eim, focheirt, subj. geiss, etc., which seem
'to postulate rather an -es. If this last eventuality be true it
would be quite sufficient to prove that in the 2nd person sg.
there was an interchange going back to the différence between
the I. E. primary and secondary endings. Is there any other
évidence in this respect ? The old injunctive at-ré, coméir
postulâtes an athematic form *regs. the couple -téiss : téssi cor-
responds to skr. vahsas (i>ah = L. veho) : darsasi (dr « split »).
Considering ail thèse circumstances we may say that the
ending -ei is admissible but it would not cover the whole
ground, .whereas the ending -es does. As soon as we admit
that, we must admit that there were three forms out of six,
where the différence of endings can be conneaed with the
différence betwen I. E. primary and secondary endings. This,
however, does not yet mean that the ratio of the interchange
needs to be in any direct connection with the Indo-European,
nor are we justified in supposing that ProtoTrish has actually
1. So too subj. *têssesi >> têssi ; cp. skr. dar$cisi (dr- « split »).
42 Josef Baiidii.
preserved the distinction between the two sets ; on the con-
trary, the fact thattherest of the forms(i. c. t. sg. pi. 2nd pi.)
cannot be explained on that principle makes it probable that
there was a period in the development of the Celtic languages,
when the formai différence between the two sets survived
only in some forms. For this reason it is not very probable
that the Old Celtic distribution of the endings was in immé-
diate connection with the original Indo-European rule, which-
ever it was, for if it were so, why should Celtic hâve abolished
the formai distinction in some of the forms ? If this distribu-
tion was not Indo-European, it is reasonable to ask whether
we should explain it from Celtic, and how. •
Given the possibility that in certain forms both sets of suf-
fixes could occur, it is easily possible to imagine that a ten-
dency could be developed according to which the longer form
could be used only under certain circumstances.
It is îiow a question whether it was possible for certain
forms to use both sets of suffixes ? I think it was, though, of
course, the conditions of the variations are not known. Greek
çici'.:, 8ei-/jvuç proves that the -s suffix could be used in pri-
mary tenses as well. For the yd person Slavonic nese seems to*
point in the same direction, but above ail it is the Vedic subj.
2nJ or 3rd pers. sing. where both the primary and secondary
endings are current. If the Celtic s- subjunctive were forined
similarly, we could postulate a following paradigm :
i. sg. Skr. stosani Celt. (s)tt'ksô~> -fiass.
2. sg. àarsasi J> (syêksesi^> -têssi.
— vahas » (s)tèkses > -têss.
3. sg. nesati
— âksat » (s)lèkset > Ir. téis s.
Injunct. Siêksl >- » té.
Similarly in the d- subj.
1. sg. * ber (hit > Ir. ber
2. sg. *benlsi^>h. ber"e
— *benis »
3 . sg. *berâti > Ir. beraid
— *berât ~> » bera
cp.
Ved.
bhavâsi.
»
»
bhârâs.
,,
»
bhâvâti.
»
»
bhârât.
Ou the character of the Cellic languages. 43
It is probable that thèse variations were not systematic ! but
it is quite probable that a System could hâve developed out of
such double forms2.
Taking such a possibility for granted, we can reconstruct the
development as follows : the alternations between -âsi : -as ;
-sesi : -ses ; -âti : -al were associated with those of -eti : -et ;
-set : ~st ; -aset : -ast ; -mesi : -mes and finally with that of
. . . nti : . . . ni, etc. and thèse variations were generalised and
worked out on the principle of establishing a certain set of
shorter endings and longer ones, which would interçhange
irrespective of their origin.
Note. — We may ask how it came about that absolute -u and -te were '
preserved in Irish. I suggest that as soon as there wâs a tetidency to dis-
tribute the endings according to the new principle, i of the most of the
longer endings became for the speaker a sort of particle (so it was most
probably regarded in the case of 1 pi. -innii : *-tno). As soon as there was a
tendency to regard the absolute form as compounded with a particle, it
was quite natural to form the absolute 1 sg. -9 and 2 pi. -te -t- some now
lost particle.
This seems the more probable because the verbum simplex was undoub-
tedly often followed bv a particle, as proved by the use of suffixed pro-
noun and the use of relative. In this connection I should perhaps state
that the Welsh which does not know any use of a suffixed pronoun (except
the relative copula syid which is really a spécial case, because the copula is
treated as if it were a preverb)has notan}r svstem of absolute forms (except
for the 3. pers. praes.) and in the majorlty of cases the verb is preceded
by a particle, i. e. it becomes a dépendent form.
Considering ail this, we are perhaps not justified to présuppose for the
Brythonic branch the same elaborate System of absolute and dépendent
endings except for the 3. pers. sing. Probably the whole Irish system is
comparatively récent and perhaps the interchange of -ifn : -u is rather an
archaic feature. As regards the 2nd. asberi, condaigi, etc., they may be
regarded as an extension oidognr, iwraidi, etc. (cp. Strachan, VSR. p. lo).
The principle of interchange of longer and shorter endings
1. This is especially clear in the case of the 2nd pers. sg. conj. berae
which remains the same both in the absolute and in the dépendent in-
flexion and in both cases goes back on the primary form *berâsi.
2. Moreover there were probably doublets due to other reasons, especially
the 3 . sg. aorist. *karast >• *karass u. Ir. car, beside the later form *carasset
(cpr. Gaulish legasit) : Ir. carais,W. curas.
44 Josef Baudis.
was obviously a rhythmical one, as it was probably the prin-
ciple that an absolute fonn of verb could be followcd by an
enelitic. And so I think probable that for the Celtic speaker a
longer ending was équivalent to an ending -f- enelitic.
This attempt at an explanation dispenses with the necessity
to assume that a longer verb required a shorter ending (cp.
Gr. tiôyjç, âsixvjç). Obviously an Irish compound verb is not
a longer word because it is not a compound at ail (e. g. do
biur, see later); the question was not the length of the verb,
but the position of what was considered an enelitic part of
the tact.
Note. — Having abolished the original différence between the primary
and secondary ending, Celtic created new temporel secundaria as did, for
instance, Latin. Thèse Celtic secondary tenses were originally destined to
express a past of the respective tempus basis, viz., the past of the présent,
of the subjunctive, of the future ; the past or the subjunctive or of the future
developed then also a certain modal meaning (corresponding partly to the
Greek optativus potentialis or irrealis : E. would or should). Thèse endings
are partly différent from the prim. endings and they are partly characte-
rized by an affixed élément (ZE. 426 : Praeterea tempora secundaria auctis
utique terminationibus difterunt ut in activi T. et 3 pers. pi. addito -is. . . .).
From thèse the singular has its parallel in Brythonic dialects betfirin cp.
-Bret. -enn (2. -. Jha W. -ut ?) ; 3. sg. bered cp. W. adwaenat, gwyddiat.
The third pers. pi. ended probably in a long vowel, as it is proved by W.
cerynt <<*carontï, consequently Ir. bertis would represent an older beron-
fi-s. ... It is difficult to say whether the 1. and 2. pers. pi. were originally
différent from the absolute endings of the près., but so much is clear that
the) were (in Ir.) followed by an élément. If the 2. and the 3. pers. sg.
actually go back to Indo-Eur. secondary ending of médium — and they most
likely do — , it does not yet follow that the rest must go back to médium
as well, so for inst. 3 pi. -nto, though it is possible enough. It is difficult to
say whether the ending -iun Bret. -enn is related to Skr. -âni Avest -âni
med. -ênê, yet this diffîculty arises from the gemination of the nasal and
not from the fact that -âni is a subjunctive ending (for it could hâve ori-
ginated in subjunctive).
The secondary tenses (imperf. futurum sec, and the past
subj.) occur only dependently and consequently there is no
absolute flexion.
Beside ail thèse endings there are some others which belong
to the original perfect formation : the yd pers. was undoub-
On tht charatteï of m Ctïiic kngùàgei. 45
edly -é as it ta proved by bote ', if ît toefe *bhouet . . , the -/
ending would hâve been pfeserved (*bêrte, teiié analogical ?).
Beside this ending, there was probably in some forms -ï from
med. -ai ; cp. W. etwyn Skr. jajné. Considering, now, that the
Indo-European perfectsystem was apart from the I.-Eur. aor.
près, system, there was no possibility of variation of endings,
and consequently there was no starting point for the Celtic to
develope a double set of the endings and so it kept some traces
of the original perfect (though some endings were changed
e. g. 2nd sg. *-asQJ).
The Irish Perfects comprise some ancient Aorists as well
viz. forms like : lu'd fr. *ludct. Gk. =Xu8s ; do-cer fr. *-kerât
(Skr. açarlt} but cp. also âçarait, A. V., which would point
rather to an original ai- Basis !) ; bi fr. << *bîtQ). Thèse
forms must hâve been associated with the perfect either so
early that they did not develop any absolute forms or this
association is of a later date (though prehistoric), and the
forms gave up the absol. forms so far they were developed.
Consequently we arrive at the following resuit : The inter-
change between the absolute and dépendent inflexion affects
the tempora derived from the I.-Eur. Près. -Aor. system. It
is due to a rhythmical tendency. The endings themselves are
a resuit of an intricate development :
In the près, and subjunctive it is due to the mixture of dif-
férent endings and partly to the agglutination of some par-
ticles; in the 3rd pers. pi. près. ind. it is probably due to
analogy. In the preterite the starting point was the parallel
existence of thematic *karasset beside the original *karasi.
This différence was then carried out by means of agglutinated
particles (ï. sg. and 2. pi.) and by analogy (2. sg., 1. and
3. pi.). In Brythonic there are no traces of this development,
but we must postulate *carasset : *carass from *karast. We see
that the Celtic languages worked on Indo-European lines, and
we must regard the Protolrish as much or as little archaic as
Latin or Italie dialects. As regards the changes of the system,
we cannot attribute them to any nonAryan influences, nor is
it probable that the Celtic distribution of the endings repré-
senta the original I.-Eur. conditions.
4e Josef Bau dis.
NOTE< — I hâve left out the déponent forms, e. g. -the <*-thés and the
passive forms, ail of which prove our point that Celtic preserved some old
forms, yet developed them in the manner of Western European languages.
(To be continued.')
Josef Baudis.
LE
GALLO-ROMAN BALMA
Balma a été l'objet, récemment, avec quelques autres
termes désignant des cavités (creux, grottes, cavernes, antres)
dans les. dialectes romans de la région des Alpes, d'une étude
très approfondie de M. Paul Scheuermeier \ L'auteur y fait
preuve d'une science étendue de son sujet, d'une critique
sagace et pénétrante. Il étudie balma à tous les points de
vue : phonétique, sens divers, étendue dans l'usage actuel,
d'après les dictionnaires, d'après les noms de lieu et docu-
ments, origine.
Les formes variées qu'a prises ce mot dans la zone très
étendue où on le trouve, se réduisent à deux formes primi-
tives : balma et bar ma. Il se trouve sous la forme balma dans
les vallées occidentales de la Haute-Italie.
Barma est d'un emploi général dans le Valais. Les formes
avec r au lieu de / sont constatées dans le territoire alpestre du
canton de Vaud, dans la vallée de Joux, à Genève, en Savoie,
à Grenoble, dans le Lyonnais, dans les Alpes Cottiennes, en
Franche-Comté, en Piémont.
Boni?, boni est la forme la plus répandue du reste du terri-
toire de la Suisse française et de la France.
Bâma, bâm est en usage dans le Jura bernois, à Neuenburg,
dans le val de Travers, dans les départements voisins du Jura
et du Doubs. Ces formes ne peuvent remonter à barma.
i. Einige Beqiéhungen fur Jeu Begriff Hôhle in den romanischen Alpen-
dialekten. Ein wortgeschichtlicher Beitrag %um Studium der Alpincn Gelânde-
ausdrûcke. Halle, 1920 (Beihelfe zur Zeitschrift fur romanische Philologie.
Heft 69).
48 },Lolh,
D'abord, un r après un a accentué devant une labiale ne
peut tomber (dans le Jura bernois, barbà donne b§rb ; garba
>» d%erb ; arma > êrtn) ; ensuite dans cette zone, le change-
ment franco- provençal de / en r n'a pas lieu. Bâm(a) remonte
directement à balma.
Toutes ces formes, comme aussi les formes de la France
méridionale baumo-, remontent régulièrement à une base
commune *balma qui est aussi celle de l'allemand Bal m.
La forme française a évincé à peu près complètement la
forme indigène barma dans les hautes régions de la Suisse
franco-provençale '.
Le document le plus ancien où figure balma est un testa-
ment écrit en 721, par l'abbé de Flavigny : in pago Paulia-
cinse (sic), Balma et Coniiciaco. Le pagus Pauliacensis, comme
le montre le contexte, relève de Pauliacum, aujourd'hui
Pouilly-en-Auxois (Côte-d'Or). L'auteur cite plusieurs autres
documents du vme et du IXe siècle, touchant Balma. Le
nombre pourrait facilement en être accru. L'auteur en dégage
des conclusions intéressantes au point de vue historique et
linguistique, confirmées d'ailleurs par des documents his-
toriques : c'est que dans les premiers siècles du Christianisme,
des ascètes élevés depuis à la sainteté, vivaient dans des
grottes où ils étaient la plupart du temps enterrés ; que ces
grottes étaient souvent utilisées comme demeures par des
congrégations monastiques au début de leur formation, et que
dans la suite, de grands cloîtres et de grandes églises s'élevaient
dans le voisinage de ces lieux sacrés.
Balma présente des sens extrêmement variés suivant les
époques et les régions. On peut les ramener à trois principaux.
Le sens le plus ancien est clairement celui de creux, cavité.
Non seulement c'est celui que l'on trouve dans les documents
les plus anciens et pendant tout le moyen âge, mais c'est
encore aujourd'hui de beaucoup le plus répandu. On le trouve
même au figuré par exemple dans le wallon abaumé, creux
en parlant des voix ; enterré, sombre, obscur.
1. Il y a aussi quelques formes isolées où on a n au lieu de m. Il se
peut qu'il y ait là, dit l'auteur, p. 7, un tait de dissimilation (b-m > b-n),
mais il peut y avoir influence d'un autre mot (p. 19).
Le Gallo-Roman BALMA, 49
Un second sens assez répandu est celui de endroit abrupt,
pic. Dans le Dauphiné et les Vosges, baume, outre le sens de
caverne, a celui de rochers abrupts. Dans les Alpes Cottiennes,
balme sert à distinguer indifféremment une grotte ou un rocher
à pic. Dans le Lyonnais, bôrma, bar ma est un endroit escarpé
dès le xie siècle ; bar mat est un relief de terrain. A Létra
(Rhône) barma s'applique à un talus au fond d'un champ ;
dans le Forez, barmat, bormat, désigne une haie formée de
gros arbres.
Enfin balma est arrivé à qualifier un endroit saillant. Balma
dans certaines régions n'indique plus la caverne, mais plutôt
les rochers qui la forment ou la surplombent. Parfois même
il n'y a pas du tout de grotte ou cavité.
Les grottes ou cavernes ayant souvent servi dans les pays de
montagnes d'abri pour les hommes et de greniers même pour
la conservation du foin et du blé, les constructions qui plus
tard ont servi aux mêmes usages, ont pris le même nom.
C'est ainsi qu'on trouve à Lens (V.) barma dans le sens
d'étable à porc dans la montagne, etc.
Scheuermeier en constatant l'usage actuel, les dictionnaires
et glossaires, les documents et noms de lieu, a pu donner une
carte du domaine géographique le plus étendu de balma.
Il s'est demandé à quel peuple il faut attribuer ce mot. Il
exclut les Rhètes, balma n'existant nulle part dans les dialectes
rhéto-romans. Il est faux que balma se trouve en Engadine
avec le sens de cavité ; faux aussi que pal f en soit suisse alle-
mand. Les noms de lieux bavarois et tyroliens Palva, Palven,
Palfen, invoqués pour la reconstitution d'un rhétique Pal-
(a)va sont en territoire aujourd'hui allemand et y ont été
apportés par les Allemands. Le rapprochement qu'on a voulu
établir entre l'anglais spelm et les noms de montagne français
Pelvo, Pelvé, Pelvoux dans les Alpes occidentales, est impos-
sible ; car dans les Alpes Cottiennes, le changement de la
voyelle du thème, ainsi que l'évolution de -lin- en -Iv-,
donnant pelv- pour balm-, est impossible phonétiquement.
Un mot dont le domaine comprend toute la France, la
Haute-Italie occidentale, toute la Suisse moins la Rhétie et
presque tout le Tessin, l'Allemagne du Sud dans une zone qui
Revue Celtique, XXXIX. 4
3o /. Loth.
s'étend au nord de la Rhétie, depuis les Vosges jusqu'à l'inn,
est sans doute, conclut l'auteur, un mot gaulois.
Au point de vue ethnographique comme au point de vue
linguistique, les formes en usage dans le Tyrol allemand et
la Bavière, Balfeu et Pal/en au lieu de Bahiicn et Palmcn,
méritaient l'attention et soulevaient une question délicate que
l'auteur me paraît avoir résolue. Dans les cantons nords de la
Suisse allemande et au sud de Bade, les deux formes balm-
et balb s'emploient l'une pour l'autre. Or, si dans l'allemand
de ce pays le changement de -Ib en -lin est possible, constaté
même, en revanche celui de -Un en -Ib est totalement impos-
sible. La forme balb- est constatée dès le ixe siècle. L'auteur en
conclut avec raison, que les formes de l'Allemagne du Sud
en -Ib-, -If- supposent une prononciation *Balba évoluée de
Balma, en usage chez les populations celtiques de cette région
quand les Allemands y pénétrèrent. Il s'ensuivrait que non
seulement les moyennes intervocaliques bdg étaient spirantes ',
lors de la conquête romaine, mais même que m et sans doute
b après / participaient à cette évolution, tout au moins dans
une partie du domaine celtique continental. C'est à tort
que pris de scrupules, l'auteur se demande si cette évo-
lution ne serait pas ligure, à cause des formes Borm- et Borv-
(Bormoni et Borvoni). Les formes avec -m- appartiennent
surtout à la Provence. Les formes avec -v- sont prépon-
dérantes de beaucoup dans le reste de la France. Il remarque
dans l'Allemagne du Sud, Borbetomagos, Worms. Le change-
ment de -rm- en -rv- est commun à tout le groupe brittonique,
mais on ne peut l'établir qu'à une époque assez récente 2.
M. d'Arbois de Jubainville explique Borvo- par un change-
i. Cf. Cibenna, Cevenna et K:;j.;j.:vov (Cemmenice regio, dans Avienus,
Ora maritima, 622-625). Pour"-, cî.vertragus, vertraha, Mouno (Dco niouno)
du CIL. VII, 997 et Mogouno CIL. XIII, 5315. Le g intervocalique avait
totalement disparu au xie siècle (mao = mago ; sur des vases gallo-romains
d'Auvergne, Riomarus = Rigomarus).
2. Les formes comme Arcantodan pour Argatitodan, Vcrcobretc semble-
raient indiquer un durcissement de^, /'après r. 11 est possible qu'il s'agisse
d'une prononciation dialectale. Peut-être est-ce une première étape du
groupe -rg, vers -rch, qui se constate en breton et en comique. Pour carpen-
ttim, il est vrai, cette dernière explication ne peut être invoquée.
Le Gallo-Roman BALMÀ. j i
nient de suffixe dû à l'influence d'un thème berv- (variante
*borv-) qui a donné l'irlandais berbhaim, je bous; gall.-bret.
berwi, bouillir ; lat. ferveo. Bormo- serait ligure. On vient
de voir qu'il s'agit d'un changement phonétique pur en
territoire celtique. De même Cebenna serait celtique mais
Kqj.jj.cvov, ligure. C'est à priori très invraisemblable. Il est
plus logique de supposer une évolution de /; ou m en v.
Quant à l'objection de M. d'Arbois de Jubainville contre
l'évolution en gaulois de m en v, tirée des formes comme
Rémi, Cenomanni où m est conservée, elle ne saurait nous
arrêter. On pourrait aussi bien soutenir que le changement de
m intervocalique en v, n'existait pas en gallois comme en
breton au xe siècle de notre ère. Or, il est admis par tous les
celtistes que ce changement est antérieur de plusieurs siècles
à l'époque où il se produit dans l'écriture, et remonte tout
au moins à une époque où les voyelles étaient conservées,
c'est-à-dire au plus tard au vie-vne siècle. Il y a d'ailleurs
un argument décisif en faveur de l'origine celtique de baliua.
On peut considérer balma comme formé d'un thème bah
avec le suffixe -mo, -ma, bien connu dans les langues
celtiques ; on trouve ce suffixe avec des thèmes mono-
syllabiques terminés par une voyelle ou une consonne, par
exemple-r '. Or bal- se retrouve dans le comique bal très
usité dans toute la région des mines d'étain du Cornwall dans
le sens de mine. UEnglish dialectal Diclionary de Wright, le
donne comme propre au Cornwall, ainsi que tous les
glossaires de ce pays -. Au cours d'un séjour en 191 1 dans
la paroisse très riche en mines d'étain de S' Just-in-Penwith,
près du cap Lands'End, j'ai constaté que les mines étaient
couramment appelées bal. On trouve le mot plusieurs fois
dans le cadastre de cette paroisse toujours en rapport avec
une mine : Haie Bal 3 ; Park an Bal, le champ de la mine ;
1. Cf. Holger Pedersen, Vergl. Gr. der kelt. Spr., II, p. 60.
2. Iago, Glossary of the cornish Dialect, p. ni ; il cite aussi balmaid, bal-
girl, fille qui travaille à la surface d'une mine. — Miss M. A. Courtnev,
Glossary of words in use in Cornwall, 1880, p. } : bal, a mine ; bal-girl. —
Thomas Q.. Couch, East Conituall words, p. 76 ; cf. Journal of the Royal
Institulc of Cornwall, 1864, III, 47.
3. Haï a tous les sens de l'anglais moor.
j. totk
Zazou a Bal, la daVeitae de Fa mine. Zawn-, gallois safti, bouche
indique des grottes ou cavernes; il s'agit ici d'une grotte
sous une mine d'étain qui s'avance quelque peu sous le rivage.
On a voulu voir dans bal une forme évoluée de pal, bêche,
dans toutes les langues brittoniques, comique, gallois, breton.
Pal est féminin de sorte que, suivant une loi phonétique
commune à toutes les langues, précédé de l'article, pal devient
bal ; on aurait en comique, an bal. Mais le mot se trouve
fréquemment, indépendamment de l'article sous la forme
bal, dans des noms de champ et dans des noms de paroisse
comme Baldue {due, noir) '. Or le sens de mine est un de ceux
qui ont été relevés pour bahua. Beaume, en pays wallon, a
le sens de trou de mine pénétrant obliquement dans le sol 2. Mon
collègue, M. A. Thomas, a relevé bal ma, avec le sens de mine
dans une charte latine de 1266, du cartulaire de l'abbaye de
Silvanès, en Rouergue 3.
Il me paraît certain que bal, avec un sens analogue à un
des sens primitifs de balma, se retrouve dans un nom de lieu
qui figure dans une charte de 848-849, du cartulaire de Redon :
Bal-rit, qui, comme je vais le montrer, doit vraisemblable-
ment être lu Bal-ruit. Il résulte du contexte que Balrit était
dans la paroisse de Bain, aujourd'hui Bains-de-Redon, et
que c'était une sorte de port ou d'anse sur l'Out, affluent de
la Vilaine, écrit aujourd'hui malencontreusement Oust. En
effet, la charte a pour objet d'examiner le bien fondé d'une
réclamation de deux moines du monastère de Ballon, deman-
dant à percevoir une part des droits prélevés à Balrit sur les
bateaux et les commerçants. L'éditeur du cartulaire de Redon,
M. de Courson, n'a pu identifier Balrit avec aucun nom de
lieu actuel en Bains ; j'ai été plus heureux, mais non sans de
laborieuses investigations. Le cas vaut la peine d'être exposé,
car il prouve combien il faut être circonspect en pareille
matière, surtout si on est obligé à une enquête à distance.
Balrit me ménageait de singulières surprises.
1. Williams, qui a adopté cette étymologie impossible, l'oublie au mot
pal, dont il fait cette fois un masculin ! (Lexicon comte, brit. à bal et pal.)
2. Scheuermeier, p. 12.
3. P. A. Verlaguet, Cart., pp. 446-44, Rodez, 1910.
Le Gallo-Roman BALMA. 53
Bains au IXe siècle était bilingue ; on y parlait couram-
ment breton et roman. Or, pour des raisons que j'ai exposées
dans mon travail sur Les langues romane et bretonne, en Arnio-
rique, le breton disparut de très bonne heure dans la région
de Bains, probablement vers le xi-xne siècle. Supposant
sincère la forme Balrit, je conclus logiquement qu'après avoir
été Balret au xe siècle, 1 bref se confondant avec ë bref en
breton dès le ixe-xc siècle, ce nom avait dû évoluer ensuite
suivant les lois de la phonétique française ; il avait dû se
vocaliser, comme dans toi- pont devenu Taupont (Morbihan),
tandis qu'en breton / ne se vocalise que devant / ou d et cela
au xme siècle. La forme -rit, -ret ne pouvait être suspectée, rit
(jet) étant bien connu dans toutes les langues brittoniques dans
le sens de gué (gaulois Augustorituni). Logiquement si le nom
avait persisté, on devait le retrouver sous la forme Bauré.
J'écrivis à tout hasard à l'instituteur public de Bains lui
demandant s'il n'y aurait pas un endroit du nom de Bauré-
sur-1'Out, dans la commune de Bains et le priant, au cas où
ma supposition serait fondée, de me le décrire sommaire-
ment. Ce fut une institutrice, Mlle Collin, qui fort obligeam-
ment me répondit que Bauré est une anse de 100 mètres de
large sur l'Out, avec de beaux rochers et un écho très fort ;
qu'il y avait là un beau panorama ; que c'était un lieu de
promenade favori des Redonnais, si bien qu'un petit bateau
à vapeur faisait le service le dimanche entre Redon et Bauré.
Comme j'avais entendu dire vaguement qu'on avait décou-
vert des traces démines exploitées à une époque fort ancienne
dans cette région et qu'il n'était pas inutile de m'en assurer
.pour préciser le sens de bal-, je m'adressais à l'homme qui
connaît le mieux les ressources minières de la Bretagne, mon
collègue M. Kerforn de la Faculté des Sciences de Rennes.
Il me répondit qu'il ne connaissait pas de Beauré-en-Bains,
mais qu'il y avait un Beauroc, Beauro sur Ja rive droite de
l'Out, vers Saint-Perreux (Morbihan) et qu'on y avait trouvé
dans les sables des parcelles d'or. Pris de scrupule, je m'in-
formai de Beauroc, Beauro auprès de Mlle Collin. En réponse
elle m'envoya un relevé avec plan du cadastre des rochers de
Beauroc ; ces! ainsi, m'écrivait-elle, que ce mot est écrit. Il
54 /• Loth.
résulte du plan, comme de la description qu'elle m'en donnait,
que les rochers surplomblent la rivière d'au moins 20 à
25 mètres sur une assez grande longueur. Persuadé que ma
correspondante, qui d'après sa première lettre était une nou-
velle venue dans le pays, devait tenir sa première information
sur Bauré, prononcé vraisemblablement Borô de gens du peuple
et que Beauroc était dû à une fausse étymologie amenée
par les beaux rochers en question, je lui demandai pourquoi
elle ne m'avait dit mot de Beanroc. Voici sa réponse : « Si je
vous ai parlé d'abord de Bauré, c'est que je m'étais renseignée
près de la population. Sur le cadastre il y a écrit Beanroc ;
c'est le nom que l'on donne aux rochers et qui se prononce
Beauro. Maintenant Bonrren, c'est ainsi qu'il est encore écrit
sur le plan cadastral, comprend les marais situés aux alen-
tours de Beauroc. Les gens du pays disent donc Beauro pour
Beanroc et Bonrren sans presque prononcer Vu final. »
Il me parut dès lors probable que Beauro et Boureu devaient
désigner un seul et même lieu et pouvaient, en faisant la part
de la fausse étymologie pour Beauroc, se ramener à Beauret=
Baliet, Balrit. Néanmoins, par l'intermédiaire de M. Pocquet
du Haut-Jussé, je m'enquis auprès de M. Bourde de la Roge-
rie, archiviste dllle-et-Vilaine, des formes que les archives
pouvaient nous révéler à une époque antérieure pour Beau ré,
Boureu. Voici le relevé que je dois à ses obligeantes
recherches :
Archives d'Ille-et- Vilaine :
H. 6 bis. Aveu de l'abbé Scotti, le 8 juin 1580, f° 102.
Rentes sur une écluse appelée la Beaurouie sur une autre
écluse « souz le rocher de Baurouet.
H. 7. Aveu de l'abbé de Choiseul, 24 décembre 1677, f°
12 : L'écluse Bourouet.
H. 86. Table des fiefs (écrite au xvne siècle d'après un
rentier de 1448) : Baurouet.
H. 86. Aveu à l'abbaye, 13 avril 1731, pour une terre
jouxtant « aux fausses de Beauroué ».
La forme du xve-xvie siècle Baurouet est évidemment sjn-
Le Gallo-Roman BALMA. 55
cère. Devenu Bauroué, elle a régulièrement évolué en Baureu,
Boitreu (Boniô, BorÔ)1. G. Dottin qui a étudié spécialement
le patois de Pléchatel (Ille-et- Vilaine), me signale comme
exemple fort répandu de wé en ô : krô pour croix. Pour rô, il
y aurait rô, roue. On a ô pour le français ui : lies, kôs, cuisse ;
and, anuit ; kôr, cuire. Beauro peut à la rigueur s'expliquer
comme doublet de prononciation de Bord. Cependant on le
trouve assez anciennement ; M. de Laigue, dans son livre sur
La noblesse bretonne au xve et xvie siècle, tome I, donne
Bouro en Saint-Vincent, en 1536 et Boro, en 15 14. Or les
marais que me signalait MIle Collin sous le nom de Boureu
s'étendent, d'après elle, vers Saint-Vincent. Me rappelant
qu'il y avait un autre Beanroc en Saint-Congard (Morbihan),
dans une région assez peu éloignée et ayant eu des destinées
linguistiques analogues, je m'enquis de la prononciation de
Beanroc et de sa situation, cette fois, pour éviter une erreur
dans la personne, auprès du curé de la paroisse. J'appris par
lui que, illettrés comme lettrés, prononcent Beauro comme s'il
y avait accent grave sur 0, que Beauro est sur une des coupures
de la chaîne de collines de Malestroit, juste au sud du bourg
de Saint-Congard, et surplombe en la suivant la rivière de
l'Out.
S'il peut rester quelques doutes sur l'origine de Beauro, au
moins quant à la prononciation, il est en revanche certain
que Baurouet en Bains, comme situation, représente Balrit et
que Balrit est une faute de copiste pour Balruit. La confu-
sion entre i et ui, est loin d'être sans exemple dans les manu-
scrits brittoniques du ixe-xe siècle ; bit est pour huit dans les
gloses à Juvencus (ms. du ixe siècle) ; iechuit doit être lue
iechit dans l'Oxoniensis prior (même époque) 2. En revanche,
catalrid dans le ms. breton de Luxembourg, est à lire catalruid,
gl. avelloso (cf. catol gl. avelloso). Le Vocabularium Cornicum,
manuscrit du xiie-xme siècle, mais qui reproduit sûrement
un texte du xie siècle, nous donne -rid dans bcnenrid femina,
1. La remarque de M1Ie Collin que u dans Boureu ne se prononce
presque pas ferait supposer une prononciation BurÔW.
2. La diphtongue uine produit pas infection : si ui était sincère on eût
eu iachuit.
56 /. Loth.
et -niid dans gurruid mas 1. masculus. Quelle que soit la
forme que l'on doive préférer, il y a en tout cas confusion
entre ui et i '. Pour le sens de -mit, -rouet, cf. Guen -rouet2,
commune de l'arrondissement de Saint-Nazaire, sur la rivière
L'Isac. Ruit, gall. rhwyd, breton roued est emprunté au latin
.rête, filets, et doit indiquer un barrage sur une rivière.
Le sens de bal- dans Balruit, Baurouet est celui de baume
dans la Bresse Louhannaise : bord abrupt d'une rivière ; en
montagne : rochers abrupts ; au xvne siècle, barmatà a le sens
de suivre les bannes d'une rivière. Cotgrave donne zbarme le
sens de : the bank of a river, la berge d'une rivière.
Bal paraît aussi dans les noms de lieu du pays de Galles.
D'après les dictionnaires, il aurait le sens de pic d'une colline.
Il faudrait étudier la situation des lieux, qui portent ce nom
pour pouvoir se prononcer.
En Irlande, comme en Ecosse, bail, baile entrent en compo-
sition de nombreux noms de lieu, et sont connus dans le
sens de lieu, demeure, bourgade, ville. J'avais supposé que c'é-
tait un souvenir de l'époque préhistorique et que *bali \
billion, forme vieille-celtique de bail, baile, avait le même
thème que balina. C'était un souvenir de l'époque où on
habitait dans des cavernes, grottes naturelles ou artificielles, et
à une époque plus récente, à l'époque néolithique et même
en territoire celtique, d'après Déchelette, en pleine époque
du fer, dans des chaumières à demi enfouies dans le sol.
i . La forme du "comique moyen est gorrytb, mâle, homme, opposé à
benen (O. M. 2837 ; R. D. 420) ; y représente 1 long. Il me parait certain
qu'il faut voir dans -rid : rith, forme : gur-rith, signifie : masculin, qui a la
forme d'un homme ; benen-rith, féminin, qui a la forme de femme. Cf.
pour le sens le gall. gur-ryw, comique gorrow.
2. En 1090 on a Guenruth : il est évident que le scribe a mal lu et avait
sous les yeux Guen-ruit ; Genrut, en 1094, est une mauvaise transcription
de Guenruth. La forme évoluée de Guenruit est, en 1672, Guerroit : cf.
Gtierran, v. bret. Wenran, fâcheusement écrit Gnérande. En 1287, je
relève la forme Guenreth. On pourrait supposer qu'on a ici -ret (rit), gué,
bien connu en pays bretonnant (cf. Perret. Côtes-du-Nord, ancien évèché
de Vannes, au »ie siècle Pcn-ret). Mais le //; m'incline à penser que le
scribe a encore ici mal lu.
3. Bail est neutre en Ecosse, mapprendM. Francis C. Diack.
Le Gallo-Roman BALMA. 57
Mon savant collaborateur, Vendryes, m'apprend 'que les
linguistes Scandinaves Falk et Hoxn(Worhchat{ der german.
Spracheinheit et Norwegisch-dânisches Etym. WôrtS) ont
rapproché l'irl. baile d'un germanique primitif *bôla- ' dési-
gnant la demeure de l'homme et des animaux. Le sens pri-
mitif a varié ; en norvégien bal signifie nid et aussi habitation
Le primitif germanique a été rapproché de çcoasôç. Notre
collaborateur, M. Francis C. Diack, qui connaît à fond la
toponomastique celtique de l'Ecosse, me fait à ce sujet l'inté-
ressante remarque que dans le Pictland d'Ecosse, les souter-
rains ont été utilisés comme demeures jusqu'à l'époque
romaine et qu'il y en a encore un bon nombre de bien con-
servés dans le comté d'Aberdeen 2.
Le sens de bourgade, agglomération, ville pour baile est facile
à expliquer. Les chaumières, même à l'époque néolithique et
naturellement aux époques postérieures, étaient généralement
groupées et souvent protégées par une enceinte plus ou
moins fortifiée. Si*ba[io-n indiquait une demeure particulière,
le pluriel neutre *ba[ia, qui aboutit également à baile, a dû
désigner l'agglomération ; d'où pour baile, les deux sens
demeure, maison et bourgade, ville.
Il est remarquable que dans un poème du xne siècle (Skene,
Four anc. Books, II, p. 57), un héros gallois Ugnach invitant
le barde-guerrier Taliessin à l'accompagner chez lui, emploie
le mot tino (tynd) pour désigner sa demeure. Or tyno,
breton-moyen tnou, indique un wallon encaissé, probablement
d'abord un creux5.
Quoiqu'il en soit, l'existence du thème de balma, bal en
comique, en armoricain, en irlandais, avec un sens voisin du
1. Mac Bain, dans son Gaelic Dict., a rapproché baile du norrois bol,
mais en a donné une étymologie impossible.
2. Pour l'importance des habitations souterraines, Vendryes me signale
l'article Unterirdische IVohnungen de Schrader, Reallexicon et Evans, Cretan
caves and bypoaethral sanctaaries (Journ. of hell. Stud., XXI, 1901, p. 99).
Comme composé de bal en second terme, Francis C. Diack nie signale
Conbhal et Muchal, en 1268 mukual (niùchan, d'après Joyce, quagmire,
morass).
3. Ce mot a-t-il quelque rapport avec le gallo-roman *tana, terrier,
trou, abri sous roche, grotte ?Sur *tana, voir Scheuermeier, p. 84 et suiv.
5 8 /. Lolh.
sens primitif, suffit à prouver, sans conteste, son origine cel-
tique.
Il est grandement à souhaiter que des monographies comme
celles de M. Scheuermeier se multiplient. La toponomas-
tique des pays gallo-romans présente un terrain de recherches
très variées qui peuvent donner des résultats de grande
importance, non seulement au point de vue linguistique et
sémantique, mais encore au point de vue historique et
ethnographique. Elle soulève de nombreux problèmes fort
complexes et que les efforts combinés des celtistes et des
romanistes auront souvent peine à résoudre.
J. Loth.
NOTES
ÉTYMOLOGIQUES ET LEXICOGRAPHIQUES
{suite)
202. Gallois GORUGAW.
Je n'ai trouvé ce mot que dans Iolo Goch, p. 431. Il décrit
sa barbe rude qui a fait fuir une jeune fille :
llym a glew yw pob blewyn
grue del yngorugaw dyn
« pointu et dur est chaque poil, comme l'ajonc déchirant une
personne ».
Il me paraît très probable qu'il faut y voir *uo -f ruk =
*roik, variante de reik bien connu par rhwygo, bret. moy.
roegajf.
203. Irl. moy. an-foss, mouvement incessant, turbulence;
gall. ANWAS, ANGKYWAS.
L'expression angkywas galon (M . A. 2 1 2 , 2), « qui ne reste pas
avec les ennemis (en paix) » est une épithète laudative de
Llywelyn aplorwerth.
Aniuas par une fausse étymologie, est traduit dans le dic-
tionnaire de S. Evans par « lâche, non vaillant » ; ce qui est,
de plus, contraire à l'emploi de gwas; on oppose chez les
poètes gwr « homme, guerrier » à gwas « jeune homme, ser-
viteur ».Les deux exemples que cite Evans ne s'accommodent
pas de ce sens :
oet anwas cas ead ehorih « il était sans trêve désagréable,
diligent au combat »
anwas ry gallas pan rygolled « il s'en alla (mourut) toujours
sans repos quand on le perdit »T
éo ]. Loth.
Cf. le nom propre Alignas Edeinaïuc L. N. 51, 23. C'est un
vaillant guerrier. Le sens est indiqué par Edeinawc « l'ailé ».
Pour le sens de gwas, cf. :
gwr yn oed gzuas (M. A. 217, 2) « c'était un homme à l'âge
d'un adolescent ».
gredyf gwr oed gwas (L.A. 62,1) « tempérament d'homme,
âge d'adolescent ». angkywas indique l'existence d'une forme
*kywas de *com-uosta- qu'il faut rapprocher de l'irl. moy.
cobsaid stable, ferme.
204. V. Gallois franc.
Le mot se rencontre dans :
mi telu nit gurmaur
mi am franc dam an calaur (F.A.B., p. 2)
« ma famille n'est pas grande ; moi et mon Franc autour de
notre chaudron » .
mi am franc dam am patel
« moi et mon Franc autour de notre plat » .
Cf. irl. moy. franc amus « soldat mercenaire » (Rev. Celt.,
XIV, 443).
205. Irl. dogar, dogra ; gall. dyar, gorddyar.
Ce mot est bien connu surtout en poésie ; il a le sens de
« bruit (de voix, de chants), gazouillement d'oiseaux, tapage ».
Il est à la fois substantif et adjectif.
dyar adar (L.N. 1 1, 26) « Les oiseaux sont bruyants » .
lleis adar, dyar eu grid (L. N. 33, I9)« la voix des oiseaux,
au cri perçant ». Le mot est composé de do -f- gar- :
Catbl 0 ar adar (M. A. 143, 1) léchant des oiseaux bruyants.
gorddyar « grand bruit »; gorddyar y gwynt (M. A. 880, 2)
« le fracas du vent ».
ton-iar « bruit des flots »,irl. tond-gar.
Il y a un autre dyar, qui désigne la « tristesse » : dial dyar
(Cynddelw), llafn dyar (Gwalchmai).
Le second sens est évident dans ces passages :
pymhettyd defnyd dyar
Noies étymologiques et lexicographiqiies t éi
«■ le 5e jour, motif de tristesse » (signes précurseurs du juge-
ment chez S. Evans).
wythfed dydd dybydd dyar
« le 8e jour viendra tristesse (ou lamentation) ».
eglwysseu Bassa ynt baruar (L.R. 285, 5)
heno a minneu wyf dyar
« Les églises de Bassa sont charbons ardents ce soir, et moi
je suis triste ».
Le composé prend son sens péjoratif de do- ; le second terme
est gar « cri », « bruit », comme le montre d'ailleurs le
substantil irlandais dograi. « lamentation », et l'adjectif dogar
« triste» (Lecan Gl.121).
206. Irl. GLÉINEACH ; gall. TRYLWYN.
L'adjectif trylwyn veut dire « brillant » :
Daiun yssym yn yawn yn dyn ethrylith
a trylwyn bwy II ad eu M. A. 231, 1
« J'ai nettement le talent d'un lettré et des pensées très
brillantes ».
Cf. irl. gléineach « distinct, clair » = *gleinako- ; try-lwyn
= *tri-gleino-.
207. Gall. moy. gwreith.
Le mot est attesté dans les passages suivants :
Brys y g gwrys yn efnys ovyn wreith (M. A. 157, 1)
« Il se hâte dans le combat, dans l'œuvre hostile de crainte».
dremrut prut preityawr rzay can wreith (id.).
gwreith' est connu par ailleurs comme 3e pers. sg. du parfait
passif; ici c'est un substantif. De même dans ce passage du
du Livre d'Aneurin (106,4) :
Enuir ith elwir od gwir guereit
Rector liuidur mur pob kyvyeith
62 }. Loih.
« On t'appellera très loyal d'après ton œuvre loyale, régu-'
lateur, conducteur sûr de tout compatriote ».
Comme le fait remarquer J. Morris Jones, guereit doit être
pour gureiih, le mot rimant avec kyvyeith. Le passage corres-
pondant du Gododin (L.A. 82, io)est:
Kywir yth elivir oth enwir weithret
Ractaf rwyvyadur mur calvilet.
Gwraith = *urektu-.
208. Gallois RHYS, RHYSEDD, RHYSW'R, KYWRYS.
Le sens de ces mots est fixé par les exemples suivants :
cyuirys am vwyd, carant am ovid (M. A. 842, 2)
« en discorde pour la nourriture, amis pour la souffrance »
gwell dyhuddo no rhysscdda (M. A. 847, 2)
« mieux vaut apaiser que quereller ».
Dans le Hanes Gruffudd ab Cynan, Arthur est qualifié de
rhyswr honeit (M. A. 725, 2) « guerrier célèbre ». Dans un
poème de Cynddelw kywryssed est nettement distinct de
rysswr » guerrier ».
nit kywreint y neb kywryssed am rwyl (M. A. 175, 1 et 2)
« il n'est habile à personne d'entrer en conflit avec mon filet»
(cf. pour rwyd :
dethohis vy rwyfyn rwyl rad wasgar (M. A. 176, 2).
« j'ai choisi mon chef comme filet dispensateur de grâces »)..
lyssiliàw tervyn gywryssed (M. A. 177, 2)
« Tyssilio terme (borne qui arrête) des conflits ».
Pour la mutation sonore du génitif, cf. thervyn gyivlat.
Pour kywryssed, v.amrysson ; irl. imresan.
La forme ryse est à prendre en considération pour rhysedd:
gnawd gwedi rhyserch ryse (M. A. 149, 2).
« C'est chose habituelle qu'après amour excessif il y a
querelle ».
Le breton moyen rese% a le sens de conflit (Cf. J. Loth, R. C.
XXXII, 27).
Motes étymologiques et lexicographiques. 63
209. Gall. ADIAN.
adian est traduit par « postérité, descendance ».
(O. Pughe, John Davies, S. Evans). Un exemple d'un poète
du xne s. paraît confirmer cesens (M. A. 145, 1) :
ardwyreaf hael 0 hil Grufud
0 adian Cynan cynwydiawn ud
« j'exalterai le généreux de la race deGrufîudd, de la postérité
de Cynan, seigneur de Cynwyd ».
addian doit être rapproché de an-iàn « nature », haut-
vann. agnen, de *andi-gannâ (Pedersen, V. Gr. I. 538). adian
suppose ate-gannâ. La valeur de i sortant d'une consonne g
est attestée par l'absence d'infection dans la syllabe précé-
dente.
210. Gall. moy.ELLWNG.
Ce mot a habituellement le sens de « lâcher », mais c'est
probablement un sens secondaire. Dansl' Ehicidariinn (Anecdota
Oxoniensid), p. 25, on lit:
a allant wy elhug neu dillwg, traduisant possunt solvere vel
ligare. Comme dilhung signifie sûrement « délier » (bret.moy.
dilloenter « délier », comique dyllo), ellw(n)g paraît bien tra-
duire ligare. Il est vrai qu'après on a yn rwymaio neu ym elhug,
où ellwg a le sens de solvere. Le Livre noir (Skene, II, 45,
17) paraît indiquer la façon dont la transition s'est faite. Le
poète prie Dieu de ne pas l'abandonner :
nam gollug oth laiv... nain ellug gan lin digarad « ne me
lâche pas de ta main... ne me laisse pas aller avec la troupe
noire sans affection (primitivement : « ne m'introduis pas
dans »). Ce mot paraît composé comme l'irl. moy. ellach
« union » ; v. irl. i n-cllug inna aecailse « dans l'union de
l'Eglise », Wb. 22 c. 20.
Prêt. 3e pers. sg., prés, inloing, il réclame (introduit une
action) : O'Dav. n° 1074 etv. Pedersen, Vergl. Gr. II, 571).
L'irlandais est composé de in, en -\- long. On ne peut guère
songer pour le gallois â es == ex- : régulièrement ex devient
ekeg- devant / : eg-hug, clair. On doit supposer la même com-
position qu'en irlandais : \\gollwng,ynwllwng (ci.v. irl. itnfo-
lang,imfolung).
^4 /■ Lot h.
211. Gall. EILLT.
En moyen gallois, ce mot a eu le même sens que l'irlandais
al te. Il se retrouve dans le composé significatif cyf-eïilt = irl.
com-alte; il n'a le sens ni d'étranger, ni d'esclave, mais à une
certaine époque, celui de « vilain, serf ». Ce qui a causé ces
confusions, c'est une fausse étymologie (ail, alltud) ; mais il
y a lieu de faire des distinctions chronologiques. Le sens du
mot a évolué dans mab-eyllt, eillt, qui a un sens voisin de
« colon », puis de « vilain », comme l'irlandais aile, ait est
arrivé du sens de « nourri » {alwmnus) à celui de « serviteur»
dans in-ailt « ancilla » et « esclave ».
La période la plus ancienne nous est donnée par le Livre
d'Aneurin et la Gorchan Maelderw, qui est une forme indé-
pendante du Gododin et présente beaucoup de traces d'une
rédaction en vieux-gallois. Le sens de eillt en est une preuve
d'antiquité de plus.
dyrllydei vedgyrn eillt Mynydawc (L. A. 74, 7)
« il versait des cornes d'hydromel, Y eillt de Mynyddawc ».
Il s'agit d'un héros.
Eillt U' yned klywer e arderched
Giuananhon kyt ved (ibid . 85, 15).
« Le nourri (héros) de Gwynedd, qu'on écoute sa supério-
rité, Gwananhon, jusqu'à la tombe ».
oid eilth gur giiinvaeth callon ehelaelh (ibid. 103, 24)
« il était le nourri d'un guerrier nourri au vin, au cœur géné-
reux » (il s'agit d'un héros Naim, fils de Nwython).
De l'époque de la rédaction de ces poèmes à l'époque des
Lois telles qu'elles nous sont conservées (du VIIe siècle, ire ré-
daction, du ixe, 2e rédaction) aux xie-xne siècles eillt est devenu
mabeillt; sa situation a changé ; ce que semble indiquer une
prophétie du Livre de Taliesin (148, 8):
gwraged a vi ffraelh
eillon a vi kaeth
« Les femmes seront bruyantes, les eillt seront esclaves ».
Notes étymologiques et lexicograpbiques, 65
Dans les Lois de Gwynedd, il est fait une différence entre
Y eillt et le vilain; en cas de partage d'héritage entre frères,
12 enu (sillon) sont attribués avec tyddyn (maisons, édifices
avec terres), au fils à'uehehur (noble), 8 au fils de mab eyllt et
4 au godayauc (go a un sens péjoratif; cf. goiur homme de basse
condition). Un mab eillt peut devenir intendant (maer) de
terres serviles {Ane. L., I, 94, 166, 192). Dans les Leges
■wallicae, version du Black Book of Chirk (Ane. L.,ll, p. 769,
31), un mab eyllt dans certaines conditions a la même valeur
que l'intendant. Le Trituratorium Villani régis vaut XXV*num-
mos; celui de Y eyllt XLXVIIIW nummis redditur; le villanus
régis vaut deux fois le goiur, vilain ordinaire (ibid. 774, 14 ;
15 ; 789, 24). Ailleurs, le mabeyllt vaut 60 pence, le tayaut 30,
c'est-à-dire moitié moins (Ane. L. I, 308, 232 ; 234).
Dans le Mabinogi de Math Ab Mathonwy, Gwydyon à la
recherche de Llew descend chez un mab eillt du maynawr de
Pennardd (Livre Blanc, col. 53). Il résulte du contexte que ce
tenancier a une maison, des terres et un meiehat (porcher).
Dans les Anomalous Lazvs, Y eillt, en plusieurs passages, est
confondu avec le tayaucv'ùâïn, et même alltut (II, 504, 66).
T. Lewis a rapproché Y eillt, ou mieux mab eillt (on trouve
même mab mab eyllt), de Y irl. ailt « maison ». Mais Y eillt n'a
rien d'un esclave familial .
Pour l'irl. al te, cf. Marstrander, R. C . , XXXVI, p. 335.
Pour le sens de mab-eillt, cf. mab-dall « aveugle de nais-
sance »,mab-sânt « patron » ; mabdyn, l'homme (représentant
de l'humanité). Cf. irl. mace-.
212. Gall. GOLAITH.
On lit dans la M. A., 808, 1 :
bydded imi wyr drygion
a phob enaid anghriston
Hyd olaith yn elynion.
« Puissé-je avoir jusqu'à la mort pour ennemis des hommes
pervers et toute âme non chrétienne ». V. llailh; irl. lecht.
Revue Celtique, XXXIX. 5
66 /. Loih.
213. Irl. LÂlXEJgall. LLOKYD.
Le vieil et moy.-irl. làne, mod. laine, f. « plénitude »,
remonde clairement à un vieux-celt. *lâniù. Le gallois lloneâ
n'a jamais que le sens de « gaieté, joie », et répond à l'irl.
loinne (v. ci-dessous). Llonydd, dans les Dictionnaires, est
donné avec ce sens. Il existe cependant avec le sens de « plé-
nitude » dans un vers de Cynddelw (xne s. ; M. A., 165. 2) :
Buartb liât llonit 0 vragawà
« rendez-vous de la faveur, plénitude d'hydromel » (brngget);
c'est un éloge du roi du sud, Rhys.
Buartb qui signifie proprement « enclos aux bœufs », est
appliqué fréquemment à la cour des chefs : c'est une épithète
louangeuse courante : buartb bêirâ, rendez-vous des bardes, se
trouve dans le L. de Tal. (F. a B. ri. 115). Liai est à corriger
en llad (t = â dans ce poème) et a été amené par le / = d
de llonit. Or, il n'y a pas d'allitération entre ces deux con-
sonnes. L'allitération est entre le // initial de llad et de llonit;
une seule allitération entre deux mots saillants, un dans chaque
hémistiche, suffit; cf. le vers suivant :
Bûches kyrt kerlorion wasgawd. Llonyâ supposerait un
thème vieux-celt. en -iâ ; soit v.-britt. lâniiâ.
214. Irl. mod. loinne ; gall. llonedd, llonydd.
L'irlandais mod. a le sens de » joie, transports », et aussi de
« colère, force, violence ». En vieil-irlandais c est ce dernier
sens que l'on trouve. Dans les Gloses de Milan (Ascoli, G/.
pal., CIXXIII) lond est glosé par : indignatus (toto be\e)cotn-
motus est ; Iniinl « immites » ; comp. luindiu «commotior»;
litinde, londas ont un sens analogue. En irl. moy., il en est de
même (Atkinson, Pasc. and Hom.).
En gallois, llonydd, adjectif et subst. a le sens habituel de '
« joveux, gai; joie, tranquillité » (L. noir 25, 14; M. A.
294-2 ; Mo Gocb, éd. Ashton, p. 226). C'est le seul sens men-
tionné dans les dictionnaires. Mais on trouve aussi llonn dans
deux passages du L. Rouge avec le sens du vieil et moven-
irl. :
F. a B.ll. 25e. 2 : llonn dar, « le chêne est puissant »;
llonn cavoat (ibid. 258. 4).« l'ondée est impétueuse ».
Notes étymologiques et lexicographiques. 67
Si l'on a affaire pour les deux sens à un mot de même ori-
gine, ce serait le sens d'« agitation, émotion très vive » qui
serait le sens primitif.
L'irl. fond, lonn et le gall. llonn sortent de *londo-; lloned
comme luinne sort de londiâ (v.-br. londiiâ). Si llonyd est pri-
mitif, ici encore on aurait un thème en -ta.
11^. Irl. lassar « flamme » ; gall. llachar « brillant ».
Exemples du mot gallois :
oetun tan llachar (L. N. 8, 30) « j'étais feu éclatant »
lluryc llachar (L. T. 179, 4) « cuirasse brillante »
llyni vym par llachar ygryt (L. R. 261, 25) « aiguisée ma
lance, étincelante dans la clameur (du combat) »
llachar fy ngledyf « étincelante mon épée » (M. A. 147, 1).
Llachar est nom propre aussi Llachar mab Run (L. N. 3 3 ,
10 et probablement 3, 3).
Lassar et llachar sortent de lapsaro-.
En irl. mod. lasair est f.
216. Gall. dile. Ce mot paraît dans un vers moyen-gal-
lois :
Llywarch yrn gelwir . . .
Lloegyr dystry-w distraïuch dilawch dile (M. A. 207, 1).
« On m'appelle Llywarch, qui n'aime pas flatter, anéantis-
sement des Lloegriens ».
Le sens de distraïuch n'est pas fixé. S. Evans traduit dile
dans le passage précédent par « sans place ». Or le mot
immédiatement suivant, dans son Dict., est dilead qu'il tra-
duit par « destruction ». C'est aussi le sens de dilain (irl.
dilgend). Dile sort de *dilegâ (tf. irl. m. dilegint).
217. Gall. moy. llyveithin.
Je n'ai rencontré ce mot que dans un proverbe du L. Rouge
(F. a. B. II, 306, 25) :
Dychyvervyd trwch a thrin
Enghit a vo llyveithin
« Le violent rencontre le combat, il s'échnppe l'indirïé-
hs • j, Loti).
rent (le faible, mou ?). » Le sens général est confirmé par cet
autre proverbe (M. A. 843, 2) :
Dieu g ici gican, erlid rhygaâatn.
« le faible s'échappe, le très fort poursuit ».
Llyveitbin (variante llyferthin), paraît dérivé d'un substantif
qu'on ne trouve plus, llyveilh, qui paraît bien identique à l'irl.
mod. leimheacht « insipidité, au moral, enfantillage, simplicité ».
C'est un dérivé de leamh, « insipide, simple, enfant (au moral) » .
Cf. les sens de l'anglais silly. Leamh a eu aussi, sans doute, le
sens de « doux » : v.-irl. lemlacht, auj. leainbnacbl, gall. Hefrith,
lait doux, cf. v.-irl. lemnat gl. malvaceus. Le sens primitif paraît
avoir été « mou, doux, sans goût ou caractère marqué ». Lly-
veith comme irl. leimheacht remonterai cà un vieux-celt. *lemektâ.
O. Pughe a tiré de Hyferlhin, llyfertb où il voit Uy-martb,
fatigue, llyferthaidd, un peu fatigué ; llyferthedd, fatigue, état
de fatigue ; llyferthiad, qui fatigue ; llyferthiazul, défatigation ;
ilyferthineb, état de fatigue ; llyferthog, qui a la fatigue ; llyfer-
tbol, fatigant ; llyferthrwydd, fatigue ; llyferthu, être fatigué ;
llyferthus, fatigant; llyferlbuso, devenir fatigué ; llyferthusrwyd,
fatigue ; llyfertbwr, llyferlhydd, qui fatigue : le tout précédé
d'un astérisque, sans le moindre exemple.
218. Irl. léir ; gall. llwyr.
En vieil— irl. léir a deuxàens principaux : r° « diligent, appli-
qué, industrieux » ; avec co, co kir celui de « entièrement » ;
2° « qui est en vue ' ».
En irl. -moyen, léir a le sens de « visible, en vue » ;
coleir a aussi le sens de « entièrement » ; 1er-, 1er- en com-
position apporte au composé le sens de « complet ». Il a
aussi le sens de « clair » (Atkinson, Pass. and Hom.). Ces
sens se retrouvent en irl. mod. : « visible, en vue » et « soi-
gneux ». Le préfixe leir- a un sens intensif (Dinneen).
Le gallois llwyr a le sens habituel de « entièrement ». Mais
1. Dans son glossaire de la Tdin, Windisch donne le nom. plur. ïéiri
1268 pour riili « visible, en vue ». Il me semble que la correction est inu-
tile.
Notes étymologiques et lexicographiques. 69
il a eu aussi celui de « clair, clairement » : de ce sens à celui
de « nettement, parfaitement », il n'y a pas loin : L. N. 31,
E beteu yn hir vynyt
yn llwyr y guyr lluossit
c Les tombes sous Hir vynyd, beaucoup le savent clairement
(ce sont les tombes de...) ».
L. Rouge 301.2 : a synhwyr llwyr llyfreu « et l'intelligence
claire des livres ».
Ibid. 303.26 :
ivyf hen wyf neivyd wyf Gwion
■wyh llwyr wyf synnwyr keinon
« Je suis vieux, je suis jeune, je suis Gwion ; je suis clair-
voyant (ou en vue), je suis la fleur de l'intelligence (pour le
sens de keinon, v. ceinion, ap. S. Evans, Welsh Dict.f
219. Gall. moy. len.
Le mot lien, sans doute pour llenn, a un sens parfois très
particulier :
llaw 0 vaint arall a vu
llazu dan len asen Jesu (Ll. Gl. C., p. 96, 58).
« Un autre grande main fut
une main sous l'enveloppe du côté de Jésus ».
Cf. hyt len (Ane. L. II, 190) « jusqu'à la taille ».
Cf. gall. et bret. barleu, giron .
220. V.-irl. lius ; gall. llyssu.
Le vieil-irl. lius glose fastidium (Ml. 34 b 6) ; cf ni erlis-
saigther gl. nunquam fastiditur (ibid. 62 a 9) ; apstal liussa
v un apôtre de répulsion » (Thés. Pal., L 533, 15 « a loath-
some apostle » : Paul. Epist. 13 b 6 ; cf. Thés. pal. II, 415).
C'est sans doute le même mot, lis, que glose O'Cl. par oh
(Threeir. Hom. Index).
Dans des Lois Gall., lis a le sens de récusation ; llyssu signi-
fie récuser, repousser (Ane. L. 1.160 ; T. Lewis, gl.). Cf.
Cynddelw, M. A. 155.2 :
a lie ni llyssir cynrann
70 : J. Lof h.
« endroit où on ne repousse pas les chefs » (la cour de
Cwm Brwynaivg). Llewis Glyn Cothi s'était vu, lui harpiste
et chanteur, préférer un piper par les grossiers Saxons de Flint :
gwahuaru llyssu vy liais
« se moquer de, rejeter ma voix ».
Il semble que le sens propre ait été d'abord « rejeter avec
dégoût ». Dans ce cas, il faut faire entrer en ligne de compte
le gallois mod. Uysnafedd, pituite, morve et vieux-breton
lestnaued gl. nausiam (Rhys) ; on a lu aussi naues (Gl. Lux.
P. 12.5 ; P. 1,1.20,361).
C'est peut-être l'équivalent de gall. et irl . lis qu'on trouve
dans le composé du voc. corn. : les-dcrlb gl. febrifugia {-dcrlh
abrégé pour ierthori),
Irl. lius, mod. lis, et gall. llys = v. celt. lissa-, *listu-.
Lis a pris en irl.-moy. le sens de querelle, débat (Lecan
Gl. 266-459) sous l'influence de lis, mod. lios (OR.),
emprunt savant peut-être au latin lis (Whitley Stokes, BB.
XIX, 92) : O'Reilly donne liosda, ennuyeux, importun ;
Dinneen écrit liosta.
221 . Gall. gwelyddyn ; bret. guelezenn.
Le gall. moyen gwelydyn a le sens de « tombe », avec
l'idée précise d' « enterrement, enfouissement dans la
terre » : '
Dans le L. Noir (29, 15) la tombe de Kynon est : in isel
guelitin, dans la tombe basse, et isel guelitin est opposé à in
uchel tytin, « haute demeure » : il s'agit vraisemblablement
d'un tumulus élevé ( v. tygdyn), M. A. 122. 1 :
mi wyfin nhir gwelyddyn
0 leas cynddylan.
« je suis dans le long séjour souterrain depuis la mort de
Cynddylan ». Le poète se dit mort.
Le gallois ne suffit pas à préciser le sens primitif du mot.
Le breton y supplée : gwele^enn signifie : « lie, limon,
dépôt ». Ernault (Gl. moy.-bret. à goelel) le rapproche du
gallois gwaelodion qui a le même sens, mais pencherait plutôt
Notes étymologiques et h:\icographiques. 71
pour le gallois giuaeledd, bassesse. S'il avait connu gtuelyddyu
il n'eût sûrement pas fait ce rapprochement. D'ailleurs le
breton suffit à le faire rejeter, si on se reporte au vannetais.
Le bas-vannetais a gïvele « lie »,cf. h2ul-va.r1n.gule, « délivre »
(Le Goff, Suppl. au Dict. breton-vannet. d'Ernault, Vannes,
1919).
On penserait en face de ces sens à uo-legiio- qui eût donné
welyyâ d'abord, en gallois ; mais il est difficile d'expliquer la
brièveté de -yd qui eût dû se contracter avec y précédent
(par wehid ?).
L'étymologie de Whitley Stokes pour giuaelod, bret. goelet
qu'il tire de vaili- est impossible, à cause du comique
moyen goles, golas : le comique ne désarrondit pas va-.
222. Irl. locc, log ; gall. loc et -log. Le v. irl. locc, loc tra-
duit Jocus (Ascoli, GL pal., CIXXVII) ; mais irl. moy. loc
paraît aussi avoir eu le sens de « tombeau » (Whitley Stokes,
à loc, O'Mulc. Gl. Arch.f. c. L.,l, 313).
En breton, depuis une époque assez ancienne, loc a un sens
religieux, indique un endroit consacré (J. Loth, Chrest.j.
Le gallois-moyen donnait aussi à loc le sens de « monastère,
lieu saint ».
L. N. 8. 16.
ni phercheis te creireu na Hoc na llaucu
« tu n'as pas respecté les reliques, les lieux saints ni les monas-
tères (ou églises) ». Llywelvn Rirdd qualifie Llann Gadvari
de : ucbt'l loc (M. A. 249). Cynddehv (ibid. 177.2) célèbre
comme : breiniauc loc, le monastère de Tyssiliaw. Cf. : mynach-
log, « monastère ».
Mais en gallois moderne, loc a pris le sens de « barrage,
enclos de bétail ». Dans ce sens, il est clairement emprunté
à l'anglais lock, qui a ce sens, ainsi que celui de « prison, corps
de garde ». C'est ce dernier sens qui paraît déjà chez un
poète du xme s. (M. A. 229.2). Le c final de loc, à l'époque
moderne, suffirait à dénoncer l'emprunt.
En irl. mod. log a le même sens que l'irl. anc. loc; mais log
a aussi le sens de « digue » (Dinneen a log « trou, étang »).
72 /. Loth.
223. Irl. loch ; gall. llug.
Le sens de « noir, sombre » pour le gallois llug paraît assuré
par ce passage d'Einyawn ab Gwalchmai, poète du xme siècle :
Duw a glyw vy Uef ym lluc vrydyeu (M. A. 241, 1)
« Dieu entend ma voix dans mes sombres pensées. »
Llocgrwys y 11 lluc vryd (M. A. 211, 2)
« Les Anglais en sombre pensée » (à la suite des victoires
de Llywelvn ab Iorwerth).
Eg. 'Phillimore (Cvmmrodov, VII, p. 118) rapproche Llug
Vynydcl (L. N. 61, 14: Lluc vynit) près de Clocaenog, Den-
bighshire, 'de Lug tor en East Dartmoor, Devonshire. Il y a
dans cette région le nom de lieu équivalent : Black Tor.
Il en conclut que llug a le sens de « noir » et rapproche lug
de l'irlandais loch auquel il attribue à tort un 0 long.
Loch = *Uiko- ; lue = *louko-.
O. Pughe cite à côté de llwg, clair, brillant (cf. eghug),
llwg « livide » et aussi « clavelée, maladie éruptive chez les
moutons »; llwg dans ce sens me paraît à rapprocher de l'irl.
mod. lochan, tacheté ; cf. luch, souris; gall. llyg, llygodeu : v.
luch.
Le mot llug, en gallois, se trouve, en composition, avec un
sens diminutif : llug-fcddw, à moitié ivre; llug-oer, tiède (voir
plus bas le n° 227).
224. Irl. lorc; gall. -lwrch. Dans le Lecan Gl. 299.98,
lorec est traduit par balb. Whitley Stokes est d'avis que c'est
une erreur. Lorc, en effet, est traduit par angbaïd no laind
« cruel ou dur », H. 3. 18, p. 537 ; O'Cl. : lorc À.gnrg. Din-
neen lui donne comme subst. le sens de meurtre, d'après le
dict. ms. de O'Naughton ; comme adj., celui de « féroce,
cruel ».
Ce mot semble se retrouver dans le composé moy.-gall.
hy-lwrch qui apparaît dans un poème de Cynddehv (M. A.
174-0:
Llan hylat ar llafyn hylurch
« la main qui tue facilement sur la lame facile au meurtre ? »
O. Pughe traduit hylwrch par v poli » et renvoie à llwrch
qui n'existe pas et qu'il ne donne pas d'ailleurs.
Notes étymologiques et lexicographiques. 73
225. Irl. lue liath ; voc. corn, lewilloit. Le v. irl. lue
liath gl. -splen (Ml. 6^Ti 6) ; in lu îeiih, gl. splenem, 7r.
G/., p. 142, 150 (Ascoli, Gl. pal., CIXXXI), cf. éc. </«/>/>-
//dtfft, lien.
Lewilloit dans le voc. corn. gl. splen. Ce mot ne se retrouve
pas ensuite. Le comique est peut-être à lire : lewit-loil, t éga-
lant d dans le voc. Liath, gris, et -loit, plus tard, loys, los,
gall. Ikuyd sont bien" connus (*/^//o-). Z,«e, /m'/Vf, en revanche,
sont fort énigmatiques. Peut-être faut-il admettre un vieux-
celt. *louio-', à rapprocher du grec îcX£u-[i.wv (indo-eur. *peleu-
mon-, Walde, Lat.-etym. W?) ; cf. le breton lunach « rein » ;
gall. llun (*/o?/-w-). L'irlandais a de même un mot luan, loan
« lombes » (Windisch, T. B. C, p. 315).
226. Gall. GOLEUVER.
ni vydd haivdd esgus ar vynydd goleitver (M. A. 757.2)
« l'excuse ne sera pas facile sur la colline de la lumière ».
Cf. gall. mod. goleufer. Lleufer, lumière, est plus connu ;
cf. pour -ber v. irl. lésbaire, lueur.
227. Irl. luach; gall. llug.
Le gallois llug y dydd désigne « l'aube » ; d'après S. Evans,
cynllug en Gwent a le sens de première lumière; il est employé
au sens métaphorique en moyen gallois (L. N., 53, 5 ; M. A.
291). On trouve chez Dafydd Ab Gwilym : wyth lugddydd
(p. 353) « huit aurores » (en parlant du visage d'une femme)
tyiuyn ,nfalch... yn lug laïunQp. 375) « rayonne superbement à
pleine lumière » (en s'adressant au soleil); llug- en composition
a le sens de « à moitié »: llug-feddiu « à moitié ivre », llug-oer
« tiède » chez Dafydd ab Gwilym. Il est peu probable qu'il y
ait influence de l'anglais « luhewarm ». Comme llug a pris le
sens de « début de la lumière », « aube » (cf. diluculuni), il est
possible qu'en composition il ait un sens diminutif. Irl. moy.
luach-té, chauffé à blanc, (Tel. Irel., 40) ; Lecan Gl. M. 266,
luachair, brilla.
Luach, llug =*louko-.
J. LOTH.
BIBLIOGRAPHIE
Sommairk. I. John Mac Neill, Phases of Irish History. — II. Abbé
P. Le Goi-f, Supplément au Dictionnaire breton-français du dialecte de
Vannes. — III. A. O'Kelleher et G. Schoepperle, Betha Colaim
Chille. — IV. G. O'Nolan, Studies in Modem Irish, Part n. — V.
Lady Gregory, Visions and Beliefs. — VI. T. Gwynn Jones, Llenyd-
diaeth Gymraeg y bedwaredd ganrif ar bymtheg. — VII. ]. P. Cal-
loch, A genoux.
I
John Mac Neill (professor of Ancient Irish history in the national
University of Ireland). Phases of Irish History. Dublin, M. H.
Gill and Son, 1919, 364 p. 8°, 12 s. 6 d.
John Mac Neill n'a pas besoin d'être présenté aux lecteurs de la
Revue Celtique. Personne n'a pénétré plus profondément dans le
passé de l'Islande, dont il a sur des points importants renouvelé
l'histoire. C'est un esprit pénétrant, qui unit à une rr.re originalité
un esprit critique toujours en éveil.
Les douze chapitres du volume représentent autant de conférences
publiques faites à Dublin. L'auteur n'a pas eu la prétention de
faire un cours complet d'histoire d'Irlande, mais simplement,
comme il le dit lui-même, d'y apporter des corrections et des supplé-
ments. Les unes et les autres méritent l'attention et seront étudiés
avec le plus grand fruit, même si on n'adopte pas les conclusions
de l'auteur.
La partie préhistorique est celle qui prêterait le plus à la contro-
verse. Elle abonde cependant en observations pénétrantes et en
vues originales. On ne peut qu'approuver ce que dit l'auteur de
la race (p. 1-2) ; de l'inconvénient d'appliquer des noms histo-
riques à des populations préhistoriques sur des a-priori (p. 61) ;
sur l'abus fait du nom des Ibères identifiés aux Basques d'un côté
Bibliographie. 75
et de l'autre aux Pietés par John Rhys, les Ibères jouant en somme
le rôle de bouche-trous comme les Pélasges dans la Méditerranée
orientale ; de l'inanité de la division des Celtes du continent due
également à J. Rhys en Celtes à O et en Celtes à P. Il a également
raison de relever la fausseté d'une opinion trop répandue con-
cluant de la conquête d'un peuple à son extermination (p. 36-38).
On le sait, c'est presque un axiome chez les écrivains anglais en
ce qui concerne les Bretons insulaires. Ce n'est pas plus vrai d'eux
que des populations néolithiques de l'île conquises par les Celtes.
Ses remarques sur le système chronologique en Irlande avant et
après le Christianisme (p. 49, p. 178), sont judicieuses et en
partie neuves.
On ne peut que l'approuver de repousser la théorie parfaitement
insoutenable de J. Rhys sur les migrations des Celtes dans les
Iles Britanniques, suivant laquelle les habitants de ces îles à
l'époque néolithique seraient des Ibères, auxquels à l'époque du
bronze auraient succédé les Gôidels ; puis à l'époque du fer les Bry-
thons et les Belges.
En revanche, les dates que propose J. Mac Neill lui-même pour
l'apparition des Celtes en Bretagne, en Irlande, et même en Gaule,
sont en complète contradiction avec les données les plus sûres de
l'archéologie. L'Irlande et l'île de Bretagne n'auraient pas été colo-
nisées par les Celtes avant le ive siècle avant notre ère (p. 48 ;
60) ; c'est-à-dire à la fin de l'âge du bronze en Irlande que Coffey
prolonge jusqu'en 350 avant notre ère, date adoptée par l'auteur et
assurément trop tardive. Pour le début du ive siècle, le témoi-
gnage seul de Pythéas que l'auteur a eu le tort d'ignorer suffirait
à rendre très probable l'établissement des Celtes en Bretagne à une
époque sensiblement antérieure. Pour éviter des redites, je ren-
voie l'auteur à mon étude sur La première apparition des Celtes
dans Vile de Bretagne et eu Gaule, récemment parue dans la Revue
Celtique, XXXVIII, 4, p. 259 et suiv. Si J. Mac Neill connaissait
mieux la littérature européenne, et en particulier la littérature fran-
çaise archéologique, s'il avait compulsé l'admirable Manuel d'Ar-
chéologie celtique et gauloise de notre regretté Déchelette, il eût été
convaincu, en admettant que ma théorie pour l'île de Bretagne soit
sujette à discussion, que les Celtes, dès la seconde et très proba-
blement la première époque du bronze, étaient aussi bien chez eux
en Gaule orientale et centrale que dans les pays de la rive droite
du Rhin. En ce qui concerne l'époque du fer, l'auteur commet une
erreur longtemps assez répandue en attribuant la civilisation de
Hallstatt aux Celtes. Elle est plutôt d'origine illyrienne (J. Loth,
*j6 Bibliographie.
ibid., p. 284), quoiqu'il y ait dans le vaste domaine de cette civi-
lisation une zone celtique, le groupe rhéno-danubien comprenant
l'Allemagne du sud et de l'ouest, la Suisse du nord, la France
orientale et même la France du centre, c'est-à-dire le Berry et
l'Auvergne.
Sur d'autres points, moins importants pour la plupart, je
ferais des réserves. Les Belges seraient des Celtes, mais principa-
lement des Germains (p. 21). César en effet dit, d'après le témoi-
gnage des Rémi (II, p. 14), que la plupart des Belges sont sortis
des Germains. Mais ce sont là des assertions fort sujettes à caution
et je persiste à croire que cette erreur ethnographique a une base
géographique. Il est très remarquable, en effet, que César lui-
même ne reconnaît comme Germains que les Condrusi, Eburones,
Caerœsi, Paemani, auxquels il faut ajouter les Segni (II, 14 ;
VI, 31, 32). Ce ne sont pas des nouveaux venus et ils sont vraisem-
blablement celtisés, à en juger par les noms des chefs des Fburones,
Ambiorix et Catuvolcus. L'auteur s'autorise du fait que M. d'Ar-
bois de Jubainville interprète comme j'ai fait après lui la phrase
de César sur l'origine des Belges pour avancer (p. 22-23) que les
écrivains français ont une tendance facile à comprendre, à dimi-
nuer la part de l'élément germanique dans la composition ethnique
de leur nation. Je suis obligé de constater de nouveau que J. Mac
Neill n'est guère au courant de la science historique et littéraire
française. C'est tout justement le contraire qu'on aurait pu jus-
qu'à uneépoque récente reprocher aux savants français. La réac-
tion en histoire a commencé, avec Fustel de Coulangcs et s'est
continuée avec C. Juilian : en littérature du moyen âge avec
J. Bédier, dont la théorie sur les chansons de geste avait été ébau-
chée dans ses grandes lignes simultanément par C. Juilian. Les
rapports des Belges avec les Germains n'ont pas été plus intimes
que ceux de bon nombre d'autres tribus celtiques ; mais le sou-
venir d'une commune existence au delà du Rhin était encore pour
eux plus vivant, parce que plus récent, du temps de César. Les
Volcae de Gaule avaient encore au témoignage de César, une
fraction de leur peuple établie autour de la forêt Hercynienne :
les Tectosages qui de son temps se maintenaient au milieu des
Germains et avaient une haute réputation de justice et de valeur guer-
rière (VI, 24).
Les recherches actuelles des ethnologues et anthropologistes ne
sont pas en faveur de l'origine germanique des Belges et ce qui
est plus frappant, de ceux de la Belgique actuelle. Un anthropologiste
allemand, Ammon, était d'avis il y a peu d'années, en 1898, que
Bibliographie é 77
la Belgique renfermait^ en majeure partie^ un peuple germanique doli-
chocéphale ; un anthropologiste Belge des plus compétents, le docteur
Houzé, a fait justice de cette assertion (Jj 'aryen et l 'anthroposociologie .
Institut Solvay, Notes et Mémoires, 1906, p. 101). Il établit que
les caractères descriptifs, les caractères anthropologiques, montrent au
contraire que les populations belges sont intermédiaires, penchant plutôt
vers la brachycéphalie. La taille moyenne chez les Wallons est de
1 m. 64, fort inférieure à la taille de nos populations des départe-
ments voisins du Pas-de-Calais, du Nord, sans parler des Ardennes,
de la Lorraine et de l'Alsace. La taille moyenne des Flamands n'est
que de 1 m. 66. Et cependant on a relevé dans les trois provinces
de Liège, Namur et Hainaut, un très grand nombre de cimetières
francs ; ce qui prouve qu'à l'arrivée des Francs dont l'indice
céphalique moyen dans les cimetières est de 76, la population
devait être fortement brachycéphale et de taille médiocre. P. 27.
L'auteur avance qu'il n'y avait plus de rois du temps de César en
Gaule Transalpine. Il en restait quelques-uns : les Nitiobriges
avaient pour roi Teutomatus (VII, 31) ; César cite aussi Cavarinus
qu'il avait intronisé roi des Senones à la place de son frère Mori-
tasgus (V, 54). Les Eburones avaient deux rois, Ambiorix et Catu-
volcus (V. 24).
Sur les territoires occupés par les Pietés et leur extension à
l'époque historique, l'auteur apporte des précisions nouvelles. En
revanche, il se range à l'opinion de ceux qui leur refusent une ori-
gine celtique, en grande partie, m'a-t-il semblé, à cause de la loi
de succession en vigueur chez eux. Elle a été expliquée d'une
façon fort plausible par M. d'Arbois de Jubainville dans sa Famille
Celtique. L'auteur confond le matriarchat avec la filiation par la mère
{MutlerrechC). La filiation par la mère peut très bien se concilier
avec la puissance même despotique du père, comme c'est le cas
chez les Touaregs (voir un excellent travail paru il y a un certain
nombre d'années, de von Dargun : Mutterrecht und Vaterrechï). Ce
n'est nullement aussi une preuve de mauvaises mœurs. C'est par-
fois un héritage d'un passé lointain, parfois aussi le résultat de
circonstances accidentelles. Il y en a des traces jusque dans les
Inscr. oghamiques : dans quelques-unes l'ancêtre de la lignée est une
femme. Des traces indubitables de la filiation par la mère ont
été relevées chez les Latins, les Grecs, les Germains. Je prépare
sur cette question un travail qui paraîtra dans un des prochains
fascicules de la Revue Celtique. Ce que nous possédons de docu-
ments sur les Pietés est indubitablement en faveur d'une orieine
celtique. Par inadvertance, évidemment, p. 142, l'auteur tire le
78 bibliographie.
nom de Calcdones de caledos, dur : la forme celtique, comme le
prouvent les langues brittoniques est *calclos. La forme galloise
est Celydon, ce qui suppose *Calidones, peut-être plus ancienne-
ment Catldon-es,
Page 202, nous lisons que les Bretons du sud-ouest de la Calé-
donie auraient été vivement pressés par l'expansion des Scots et
des Angles de Northumbrie et que ce serait la cause de l'émigra-
tion des Bretons du nord qui auraient passé en Galles sous
Cunedda et ses fils, et auraient expulsé les Gaels du nord de ce
pays ; ceux du sud auraient été soumis. Ce serait aussi à cette
époque que des Bretons auraient pris du service en Irlande, sous
des rois irlandais. Il y a là une grave et singulière erreur. L'époque
où ces événements se produisent en Ecosse est la seconde moitié
du VIIe siècle. Or incontestablement l'invasion de Cunedda et de
ses fils se place au commencement du ve siècle. D'après YHistoria
Britomtm de Nennius (cap. vin et Geneal.), Cunedda et ses douze
fils seraient venus du nord, c'est-à-dire du pays appelé Manau
Guotodin, 146 ans le règne de iMaelgwn (Mailcun), roi de Gwy-
nedd, qui était son arrière-petit-fils. Maelgun était contemporain
de Gildas (Epistola 33). Les Annales Cambriae le font naître en
578 et les Afin. Tig. placent sa mort en 570. Quant au Manau
Guotodin, il faut y voir le pays des (V)otadini de Ptolémée. Guotodin
est le Gododin grand poème lyrico-épique connu sous ce nom,
poème dont le noyau doit remonter au vne siècle de notre ère,
mais dont la rédaction que nous possédons ne peut être antérieure
à la fin du IXe siècle. Ce peuple occupait le territoire compris
entre le Mur d'Hadrien et le Golfe de Bodotria (Firth of Forth). Il
ne peut donc ici, être question d'une pression des Angles qui
n'avaient pas encore paru à cette époque. 11 me parait probable
que Cunedda et ses fils, ou ont répondu à un appei des Bretons
de l'ouest que rien ne séparait d'eux à cette époque, ou ne se sont
pas crus suffisamment protégés contre les attaques de leurs voisins
du nord au moment du départ des légions romaines.
Page 201, l'auteur parle d'après Bède de la décadence du royaume
de Northumbrie à la suite de la défaite du roi Ecgferth battu et tué
par les Pietés vers 685. Les Pietés recouvrent une partie du terri-
toire qui leur avait été enlevé par les Angles. Il n'eût pas été inu-
tile d'ajouter que, d'après Bède, une partie des Bretons recouvra sa
liberté (Hist. Eccl., IV, 26). Il s'agit probablement d'un groupe
de Bretons du nord-est de l'Angleterre, car les Bretons de Strat-
Cloct formaient encore à cette époque et assez longtemps après
un groupement redoutable. En 750 ils battent et tuent le roi
Èîbliographie. 79
des Pietés Talargan (Jiui. Caj-nbr. à l'année 750). Cette défaite
paraît avoir eu un sérieux retentissement, car elle est mentionnée
à la même année par les Annales de Tigernach. Il ne faut pas
oublier non plus que la puissance desAngles de Northumbrie avait
été déjà fortement ébranlée vers le milieu du Vne siècle. Un roi
breton Cadwallon, allié de Penda de Mercie, avait battu et tué le
roi de Northumbrie Oswald en 642 et s'était même emparé d'York
(Beda, Hist. Eccl, III, 9).
Parmi les parties les plus importantes de l'ouvrage, je signalerai
l'exposé des Institutions irlandaises au moyen âge et le chapitre
consacré à la conquête normande. Il n'y a pas de sujet sur lequel
plus d'erreurs soient répandues. Des thèses comme celles d'Orpen,
suivant laquelle la conquête a tiré l'Irlande du chaos et mit fin
à un véritable état de barbarie, trouvent encore faveur et sont
acceptées par des écrivains de valeur, mais mal renseignés. L'au-
teur n'a pas de peine à prouver que le système de la tribu ou du
clan avec son territoire indivis entre tous ses membres, ce qui
exclurait en Irlande la propriété individuelle, est un mythe. Ce
n'est pas plus vrai pour l'Irlande historique que pour le pays
de Galles. Ce n'est même pas fondé pour la Gaule, comme je l'ai
soutenu contre M. d'Arbois de Jubainville et l'a démontré
C. Jullian dans son Histoire de la Gaule.
On ne lira pas non plus sans fruit le chapitre intitulé The Irish
Rally. Dès la fin du xme siècle la conquête normande (qu'on appel-
lerait mieux française, car c'est sous le seul nom de Franci,
Francs que les envahisseurs sont connus en Galles comme en
Irlande), commence à décliner et le sentiment national irlandais
à se réveiller. L'auteur en donne les causes et signale les forces
nouvelles qui viennent appuyer les indigènes. Au xive siècle la
situation des Anglais en Irlande est précaire ; leur puissance ne
s'étend guère en réalité que sur un territoire limité, Dublin et
ses environs, qu'un cavalier aurait facilement parcouru en un jour,
et les faubourgs de quelques autres villes. Il faudra quatre siècles
plus tard une nouvelle conquête pour qu'on puisse parler de nou-
veau d'une Hibernia pacata.
Puisse l'Irlande recouvrer une paix véritable par d'autres moyens
que la guerre et la conquête !
J. Loth
8o Bibliographie.
11
Abbé P. Le Goff. Supplément au dictionnaire breton-français du
dialecte de Vannes par Emile Ernault. Vannes, Lafolye, 1919.
L'abbé Le Goff est l'auteur, en collaboration avec l'abbé Guil-
levic, d'une grammaire du breton de Vannes arrivée à sa seconde
édition et qui marque un progrès sérieux sur les grammaires pré-
cédemment parues. Son nouvel ouvrage constitue une contribution
précieuse à la lexicographie bretonne, en général, et à celle du
vannetais, en particulier.
On peut y signaler les mêmes lacunes que dans le dictionnaire
d'Ernault.
C'est en vain qu'on y chercherait une explication des abrévia-
tions employées. Comme je lui ai exprimé mes regrets à ce sujet,
il m'en a communiqué une liste explicative que je donne ici :
ArY. : Arvor.
Arg. : Argoed.
Pl. : Plumeliau.
Cl. : Cléguerec.
BV. : Bas- Vannetais.
HV. : Haut-Vannetais.
Sk-E. : Skorff-Ellé.
No y. : Noyal-Pontivy.
Naiz. : Naizin.
Gr. : Groix (communications de Bleimor, nom littéraire de
J.-P. Calloc'h).
S. -Th. : Saint-Thuriau.
Neuill. : Neuilliac.
Is. : Vie de saint Isidore.
L. A. : Cillart de Kerampoul.
Pont. : Pontivy.
Lor. : Lorient.
Lang. : Languidic.
M. : Meslan.
Même munis de cette liste les lecteurs du Dictionnaire et du
Supplément resteront fort embarrassés. Pour savoir ce qu'il faut
entendre par haut-vannelais et bas-vannelais, par Arvor et Argoed
Bibliographie* 81
il leur faudra se reporter1 à la 2mi édition de ia Grammaire bre-
tonne. Ils y apprendraient que le Bas-vannetais est la partie occi-
dentale du Vannetais, la zone comprise entre le cours de l'Ellé et
celui du Scorff, en y rattachant une bande de terrain plus ou
moins étendue, d'une largeur de une à deux lieues en moyenne,
sur la rive gauche de cette dernière rivière. Au nord, le Bas-van-
netais s'étend à peu de distance du Blavet. Mur le borde; Mellio-
née, Lescouet, Plédauff, Perret, Sainte-Brigitts, Mur, communes
des Côtes-du-Nord, parlent le bas-vannetais. Neuillac était
avant la Révolution dans l'évêché de Cornouaille. Sur la rive
gauche de l'Ellé. Arzano, Guilligomarch, Redené, communes
du Finistère, parlent également le bas-vannetais. L'abréviation
•S/c.-f^Scorff-Ellé) peut induire en erreur. Sur la rive droite de l'Ellé
(mieux Elë), le breton a les traits caractéristiques du cornouaillais.
Quant à l'Arvor et l'Argoed, ce sont des subdivisions du Haut-
Vannetais. VArvor ou groupe maritime comprend la côte est,
c'est-à-dire la presqu'île de Rhuys, le golfe du Morbihan avec les
îles de Houat et Hœdic, la presqu'île de Quiberon et même la
zone côtière jusqu'aux abords de l'embouchure du Blavet avec des
traits de plus en plus atténués. L'Argoed comprend le groupe inté-
rieur.
Pour les communes il eût été utile d'indiquer à quelle variété
du Vannetais elles appartiennent. Quelques mots sont accompagnés
dans le Dict. d'Ernault, de l'indication S: Caradec-Trégomel.
Si le lecteur n'est pas Vannetais, il lui faudra consulter un Diction-
naire des Postes ou une carte pour savoir que cette commune est
du canton de Guémené-sur-Scorff et par conséquent parle bas-
vannetais.
Dans le Dict. et le Supplément on trouve un certain nombre de
variantes dialectales. Le choix en est arbitraire. Il n'eût fallu don-
ner que celles qui pouvaient contribuer à la connaissance de la
forme commune à tout le groupe et servir à rattacher le mot visé
aux autres dialectes. Il va sans dire que donner toutes les variantes
dialectales, eût été impossible ; le plus simple eût été de donner en
quelques mots les traits caractéristiques des principaux sous-dia-
lectes, comme les abbés Le Goff et Guillevic l'ont tenté dans leur
grammaire. Leur exposé, qui est en partie le mien, est loin d'être
complet, notamment en ce qui concerne le consonnantisme. C'est
ainsi qu'il eût été important de faire remarquer qu'il n'y a plus de
d intervocalique occlusif en vannetais maritime ni dans la plus
grande partie du haut-vannetais intérieur. C'est une spirante den-
tale intervocalique. A l'Ile-aux-Moines, comme je l'ai indiqué dans
Revue Celtique, XXXIX. 6
82 Bibliographie.
mon travail sommaire sur ce dialecte, à final même est devenu t après
avoir été spirant. Pour le bas-vannetais, j'ai donné en regard des
formes du haut-vannetais, celles du bas-vannetais, ainsi d'ailleurs
que les formes léonardes et même galloises correspondantes dans
ma réédition du Dictionnaire breton-français de Vannes, de Châlons.
A propos de bas-vannetais, je suis cité dans le Dict. d'Ernault
d'une façon parfois inexacte. On m'attribue en im angellein, se
baigner, nager ; j'ai dû écrire angellat, mais non avec a nasale,
comme le ferait supposer l'orthographe habituelle du Dict. : -ng-
est une nasale palatale »,
Ce n'est pas antaou (capable de) qu'il faut lire, mais an^ciw,
avec a non nasal : -aou ou ~çw bas-vannetais a pour correspondant
-eu (eib ou ôiù) en haut-vannetais (voir Suppl.). Au lieu de brehau,
tacheté, j'ai donné bribaou ou brihow (Suppl. bréheit, nom donné
à une vache tachetée) Bigoad n'est pas bas-vannetais comme on
me le fait dire à tort dans le Dict. d'Ernault, mais haut-cornouail-
lais (Faouët et environs, par exemple Guiscriff), le bas-vannetais
est bugat. On a de même en haut-cornouaillais du Morbihan
bigoalé, enfants, au lieu de bugale.
Qek qui m'est attribué pour tieg, père de famille, laboureur,
n'est pas exact : il faut lire kyçk Qek), er hyek.
A ira, chose, on m'attribue : en trè-mau, en trc-ié ; il faut lire
en drè-man, eu drè-%e (^c avec e ayant la valeur de e dans le français
petit). Cette variante, telle quelle, peut induire en erreur. Ce
changement de a bref en s n'existe que dans le groupe -al, -ar, -ra
quand a ne porte pas . l'accent principal ou est en composition
syntactique. Ainsi on dira : en drè-man dra, en parlant d'une
chose qu'on ne précise pas, dont on ne se souvient pas bien. On
dit toujours en dehors de ces cas, ira, on dra, une chose.
A côté de treuk, aigre, on m'attribue tnrignk : il faut lire
trëynk.
A tuent on ajoute : b. v. kyom, boni. Loth : je ne reconnais que
Icyom.
Un autre desiderata, c'est qu'il n'y a dans le Supplément comme
dans le Dictionnaire aucune indication en ce qui concerne l'ortho-
graphe. 11 faut aller en chercher la clet dans la Grammaire. Le
système orthographique de la Grammaire est loin d'être irré-
i. Le Supplément donne ihngtlhU(uvi), ce qui est inexact. J'ai donné
Pétymologie e ce mot dans la Rev. Celt. Le sens propre est : nager en
yen, uant les bras.
bibliographie . 83
prochaine. Les auteurs ont eu raison d'adopter k et g à l'initiale
même devant les voyelles d'avant. A la finale, je ne vois pas de
raison pour employer k pour c. La règle adoptée pour les consonnes
finales n'est pas à approuver. Les substantifs et infinitifs sans
suffixe verbal se terminent par la lettre qui apparaît devant les
suffixes de flexion : dornadeu, dornad. Pour les autres espèces de
mots, on est convenu de préférer dans l'écriture une finale forte
aune douce, mat, bon; ridek, courir. Ces règles ont le tort de
dissimuler la prononciation réelle dans beaucoup de cas. D'ailleurs
elle n'est pas toujours appliquée : dans le Dictionnaire on lit :
-ig diminutif de subst. et plus bas -ik diminutif d'adjectif et subst.
L'emploi de / ou d, p ou b à la finale est tout aussi arbitraire.
D'une façon générale, en exceptant les monosyllabes à voyelle
longue terminés par t(d), p(b), l'occlusive finale surtout en haut-
vannetais est sourde en dehors de la construction syntactique, de
l'union de prononciation avec un mot suivant commençant par
une voyelle : on peut s'en assurer en lisant les livres vannetais du
xviii" et de la première moitié du xixe siècle où l'auteur écrit en
général d'après la prononciation : l'occlusive est même souvent
redoublée : bett, monde ; bouitt, nourriture ; gzued, sang, en bas-
vannetais, en haut-vannetais se prononce plutôt giuet ; j'ai constaté
cette prononciation à Persquen, canton de Guémené-sur-Scorff,
commune du Bas-Vannetais limitrophe du Haut-Vannetais. Il y a
quelque incertitude dans certains cas.
La Grammaire écrit mal « bon ». Le Dict. donne mai et mad (par
a long). En réalité, a est tantôt bref, tantôt long ; quand a est long,
on entend d. On a mal par a bref, en union syntactique : deit mat,
bienvenu ; dén mat, brave homme ; comme adverbe, ce qui rentre
d'ailleurs dans le cas précédent, c'est mât qui est correct. Au
contraire on a mâd quand le mot porte l'accent principal, par
exemple quand il est attribut ou substantif : en aval-man e i& mâd,
cette pomme-ci est bonne. Le Dict. d'ailleurs, sous la lettre v
donne avec pleine raison : vad : hun 61 vad, notre bonheur (tout
notre bien) ; gober vad, faire du bien.
11 est regrettable que les auteurs aient écrit systématiquement /
à la finale. Ils écrivent dal, aveugle, et tal, front. Or, comme le
spécifie la grammaire, p. 2, a dans dal est bref et long dans tal. Les
auteurs oublient que c'est justement parce que a était suivi de
deux // dans dall, aveugle, que a est bref, et parce qu'il n'était
suivi que d'une seule /, qu'il est long dans iâl, front.
Je trouve également dans le Suppl., hel, bas-vannet. compar-
timent des pourceaux (dans une écurie). Tout autre qu'un Vanne-
fc4 Bibliographie.
tais sera tort embarrassé pour connaître la prononciation ^ de c6
mot, laquelle est indispensable si on veut connaître l'origine du
mot et le rapprocher du mot correspondant dans des autres dia-
lectes ; or, on prononce kel, c'est-à-dire keiî, emprunté au latin
cella.
. La Grammaire exprime la voyelle nasale en surmontant n suivant
d'un trait. Ce signe manque assez souvent dans le Dici. et le Sitppl. ;
en haut-vannetais, a est nasal dans anbassad, anbrug, reconduire,
escorter; anpei; empois : le signe convenu manque sur?/. Ici, il
eût été utile de citer le bas-vannetais ambrouc, ampé-x. Man, mousse
terrestre est prononcé mân et eût dû être écrit man. J'ai cherché
. en vain à côté, manu : manu e bel, rien du tout.
Van, bas-vannet. dans le Suppl. eût dû être écrit van {ne bran
bel van, je ne fais pas cas) : on prononce en effet van.
Ae d'après la Grammaire est diphtongue. Or baer, beau, est
généralement prononcé ker avec k guttural.
° kérî. ville, village, avec l'article défini, la maison, chez soi est
invariablement écrit kir dans le Dict., ce qui' est vrai mais en
dehors de la composition syntactique devant certaines consonnes :
ainsi on prononce en bas-vannetais et ailleurs : er ger-man, ce
village-ci. De même en composition, 1er- premier terme, se
prononce ker- : kerstrat, etc. En bas-vannetais k est guttural,
excepté quand ker- est premier terme d'un composé ; en ce
cas, k est palatal. Pour exprimer w consonne, les auteurs ont
ado'pté ù avec accent grave, ce qui constitue une heureuse simpli-
fication : man), mort, au lieu de l'usuel marbue (une syllabe).
Le Supplément comprend plus de 2000 mots ; on y trouve non
seulement bon nombre de mots nouveaux et de formes nouvelles,
mais encore pour des mots connus des sens inconnus et parfois
importants soit au point de vue de l'origine, soit au point de vue
sémantique. Les plus importants seront l'objet de notes ou d'ar-
ticles dans la Revue Celtique. Je me contenterai pour le moment de
quelques remarques.
On trouve pêle-mêle sous bob : ur bob a di, une grande maison ;
bobaj, facéties, graves plaisanteries. Le bas-vannetais ici a bouc'h,
c'est-à-dire bouc ; boubaj signifie proprement propos de bouc : boue est
l'animal lascif. Pour le sens de grand, qui ne s'emploie ailleurs que
pour une maison, il s'explique facilement par la situation éminente
du bouc dans un troupeau de chèvres. Dans certains coins du
Haut-Vannetais, bob bouc, s'emploie sans penser à mal. J'ai
entendu à Quiberon, un jeune homme saluer ainsi une jeune fille
Bibliographie. 85
de sa connaissance : Iah oui, gast, tu vas bien, garce ? A quoi la
jeune fille répondit tranquillement : ha ti, boch, et toi, bouc?
A daràuein, frapper, l'auteur eût dû renvoyer à tarUuein, frotter
le blé, qui paraît de même origine.
-Dibi, bas-vannet., alerte ; dibiein, se hâter, se prononce plutôt
dibiy, dibiyein.
-divacjj., émonder (Meslan) est plutôt divarch, divarchein.
-futugal, bas-vannet., fureter, se prononce, en général, futukal.
-garbig, chardon ou plutôt fragon, est passé dans le français
de Guémené-sur-Scorff, et est très recherché pour les lapins, on
prononce gorbik.
-haligatik (Meslan) à qui arrivera le premier, se prononce :
halegatek.
riuh : cette forme, dit l'auteur, donnée dans le Dict. doit être
pour (er)huh. La note doit viser le sens de complot qui est pris
dans Châlons, car iuh Çyûc'h^) en bas-vannetais, est bien la forme
correspondante au haut-vannetais ioh, tas. L'abbé Le Goff, pour
complot, doit avoir raison, mais il ne donne aucun commencement
de preuve ; ce qui me le fait supposer c'est qu'en bas-vannetais
on dit : or. hyuhat, pour kuhat, cachette, dans le même sens de
trouvaille : cf. er hyure, le vicaire (hure).
-jest (Groix), pitre ; jest est employé par les tailleurs eux-mêmes
pour désigner leur argot en langage secret ; c'est le français geste.
-killereu, avant-train de la charrue, devrait être écrit killerow ou
killeraou ; il est donné, en effet, comme usité à Meslan, en pleine
zone du Bas-Vannetais.
-rnalestoul, inalestoar, bas-vannet., sont expliqués comme des
sortes de jurons. Ce sont en effet des déformations de : malestou,
malédiction de Dieu, usité chez les voisins de Haute-Cornouailles.
Les formes sincères du Bas-Vannetais sont : malahtou, malahloc.
Chez les voisins du Haut-Vannetais, on entend aussi malohtoul : tout
au lieu de touè pour éviter de prononcer le nom de Dieu. A côté de
malastoar, on a le diminutif pluriel malastoar egy ow . A mankaniour,
entremetteur, qui serait pour marh-kaniour on donne : bas-vannet.
marh dimein qui est, en effet, usité (marh ilimigu, plus souvent
marh dimîgnow) avec marb-bonâl.
-minocbeii, sentier, donné comme bas-vannetais, est plus sou-
vent minôjen.
-niver, dizeau de 1 1 gerbes à Neulliac. A Lignol, nihyer, niyer
{c et 0 bref), forme régulière de niver, indique 33 gerbes.
-riotal, bas-vannetais, plaisanteries, farces, est plus exact que le
86 Bibliographie.
rihoteu du Dict. On prononce violai ou plutôt riyotal, qui a le sens
de gouaillèr : c'est le français riol.
-ritetl, raie, trou, (plutôt fente), est donné comme usité à
Meslan : je ne connais que rinnten.
-rons, bas-vannetais, colline couverte de bruyères et d'ajoncs,
L'auteur eût dû ajouter que c'est le ros, bien connu : Perros (Pen-
ros) ; on prononce, en effet, en dehors de la composition rôs,
quoique rç>\ existe aussi.
-sert, étonnement, eût dû être écrit seh avec e ouvert. L'auteur
s'en est d'ailleurs douté et le propose àseah. C'est le seab, foudre,
carreau, du Dictionnaire qui donne aussi : ur seah, ur séh dans le
sens cY étonnement ; ur seh, étonnamment ; seheiu, foudroyer et blas-
phémer ; séhet, étonné.
-sill, côté, de champ, tranchant; l'auteur a raison d'écrire ainsi
et d'ajouter : et non s'il, orthographe du Dict.
-skogn, bas-vannet., morceau épais; se prononce aussi skoegn.
-spurn, bas-van., cloison : plutôt speurn (sporn).
-strabouillein (Meslan ; bas-van.), affoler, épouvanter. Je ne
cacherai pas que ce sens m'étonne. En bas-vannetais, strabouillein
(*slrabuyêyn) a le sens de salir, troubler l'eau particulièrement. Le
Dict. donne justement strebouilhet, (objet) agité dans l'eau : ce qui
est à peu près le sens du bas-vannet. strabouillet. D'ailleurs le Suppl.
donne à côté slrabouillad, paquet de choses sales ; slrabouillad,
individu sale, salaud ; strabouillen, féminin. Ces mots sont égale-
ment en usage en bas-vannetais.
-stum, bas-vannet. penchant ; stumel gel, qui a du goût pour.
Slumet a bien ce sens, parfois avec plus de force : adonné à, occupé
exclusivement de. Le Dict. donne stumein, corriger un enfant ; ce
mot serait en usage avec ce sens sur les bords du Scorff. C'est, à
coup sûr, un sens très rare. Etant né sur les bords du Scoff, je puis
assurer qu'au nord tout au moins, il est inconnu.
-taroued, deuxième essaim d'abeille ; variante ierhoued. Le Dict.
donne Ierhoued, deuxième ou troisième essaim. Le mot indique
plus précisément le deuxième essaim.
Taroued ou tarhoued est identique au gallois tarwhaid, deuxième
essaim ; cf. tar gah, matou (tariu-gali) ; léonard targa~x.
-Ia~xeu : en ta\euy d'ici longtemps. En bas-vannet. en ta^oiv-man
signifie : ces temps-ci, d'ici quelque temps. En ta\ett me paraît plus
usité que le ;/;/ ta^eu du Dict.
-tredanu, bas-vannet. L'auteur renvoie avec raison à trederauu.
tiers; c'est conforme à la phonétique du bas-vannet. : ci. pelé, quelle
Bibliographie. 87
cho.re, à coté de petra (peirè) ; nile pour nitrê = nitra. Cf. le pro-
verbe bas-vannet. (Liguol) :
Goueî Yann
tue kë gibelet meyd en dreâann, à la Saint-Jean, on ne voit que
le tiers (de ce que sera la récolte).
-van, bas-v. : ne ran kêt van, je ne fais pas cas. Il eût fallu van,
c'est-à-dire vân avec a nasal.
-vrê, généreux, lar^e, lovai, n'est autre chose que le français
vrai, emprunté au français de l'Ouest.
Quoique très copieux, le Suppl. n'épuise pas les ressources de
la lexicographie vannetaise. On pourrait trouver beaucoup à glaner
au point de vue du sens et des idiotismes dans le Dict. manuscrit
français-breton attribué à Châlons. Le Dict. de Cilîard de Keram-
poul, même après le Dict. et son Suppl., est encore utile à consulter.
J. Loth.
III
A. O'Kelleher et Miss G. Schoepperle. Betha Colaim Chille (Life
of Colum Cille), compiled by Manus O'Donnell in 1532, edited
and translated, with Introduction, Glossary, Notes and Indices.
(University of Illinois Bulletin, Vol. XV). Urbana. 1918. Ixxviij-
51e p. grand 8°. Prix : $ 3 . 50.
Ce gros livre a une histoire instructive à plus d'un titre. La vie
de Colum Cille qui y est éditée avait été publiée déjà avec tra-
duction anglaise dans la Zeitschrift fur celtische Philologie, d'abord
par les soins de feu Richard Henebry pour les 157 premiers
chapitres, et par ceux de M. O'Kelleher pour le reste (chapitres
157 11232). Par suite de difficultés diverses, la publication avait
marché très lentement ; elle s'échelonne de 1901 à 19 14 dans les
tomes III à V et IX à X de la Zeitschrift. En 19 16, l'Irish Fellow-
ship Club de Chicago, à l'instigation du Président de l'Université
d'Illinois, M. James, voulut encourager les études irlandaises dans
les Universités américaines en entreprenant la publication de textes
soit inédits, soit difficilement accessibles. Une société fut fondée
à cette intention sous le nom d' « Irish Foundation of Chicago » ;
grâce à la générosité de ses membres, une somme de 1200 dollars
fut offerte à un Research Fellow in Gaelic pour lui permettre de
donner tout stth temps à l'édition de textes irlandais. C'est M. A.
O'Kelleher, de la paroisse de Saint-Pierre et Saint-Paul à Great
88 Bibliographie.
Crosby près de Liverpool et Lecturer à l'Université de Liverpool,
qui fut désigné dès le mois de novembre 1916 pour bénéficier de
la fondation. Il se rendit immédiatement à Chicago et, aidé de
Miss Schoepperle réussit à mettre sur pied en moins de deux ans
le présent volume.
Il eût été sans doute facile aux deux éditeurs de trouver un
texte irlandais plus important ou plus utile à publier que celui
qu'ils ont choisi. Des philologues du continent auraient peut-être
été attirés par quelque autre production plus originale de l'imagi-
nation celtique. Mais il faut songer à la place que tient Colum Cille
dans l'hagiographie irlandaise et au respect dont sa mémoire est
entourée dans le culte des fidèles. La publication d'une vie de
Colum Cille peut passer pour une entreprise patriotique, d'intérêt
national. Aux yeux d'un croyant, l'œuvre de Manus O'Donnell
offre un autre avantage : c'est que l'auteur y a entassé une masse
de matériaux. La liste de ses sources (v. p. xlvj) est imposante.
En compilant la littérature des siècles précédents, il a donc donné
a la biographie de Colum Cille une ampleur à nulle autre pareille.
C'est un vaste réceptacle, où sont venues aboutir des traditions,
païennes ou chrétiennes, des légendes, même mvthologiques,
enfin des superstitions qu'a fait naître la vie des saints dans l'ima-
gination populaire. Nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer une
opinion sur les vies de saints (v. Rev. Celt., XXXII, 104 et
XXXIII, 357). C'est un genre littéraire des plus misérables. Pour
quiconque ne regarde pas cette vie de Colum Cille avec les yeux
de la foi, elle ne dément pas le jugement sévère que mérite en
général l'hagiographie celtique. Les défauts du genre y apparaissent
même d'autant plus qu'elle est de dimensions plus étendues.
Il ne faut pas chercher dans les vies de saints une valeur histo-
rique. Même les plus anciennement rédigées sont généralement
trop postérieures aux événements qu'elles racontent pour donner à
ceux-ci un caractère d'authenticité. Le pire est qu'elles n'ont pas
été rédigées comme des documents historiques, mais comme des
œuvres d'édification. La vie de Colum Cille de Manus O'Donnell
a sans doute des prétentions historiques. Son auteur, qui écrivait
en plein xvie siècle et appartenait à une famille illustre, a voulu
fixer définitivement la figure du grand apôtre et il a procédé en
historien consciencieux, réunissant sur son personnage le plus de
renseignements qu'il pouvait. Malheureusement il manquait de
critique, et par suite il n'échappe pas aux reproches que méritent
les hagiographes plus anciens dont il s'est inspiré. Il a même
contre eux le tort qu'appartenant à un siècle plus éclairé il a donné
crédit à leurs inventions les plus extravagantes.
Bibliographie. 89
Colum Cille méritait mieux que les 4égendes dont on l'a gratifié.
C'est une puissante figure d'apôtre, qui transparaît derrière les
légendes, si opaques qu'elles soient. La vie écrite par Adamnân,
étant presque contemporaine, en donne une idée imposante ' ;
et l'on pourrait çà et là glaner dans l'œuvre de Manus O'Donnell
des traits qui serviraient à la reconstituer. M. O'Kelleher et Miss
Schoepperle, prenant leur rôle d'éditeurs en philologues cons-
ciencieux, ont joint au texte et à la traduction une introduction
copieuse et des index variés qui fournissent d'abondantes infor-
mations. Leur ouvrage servira donc, comme ils le souhaitaient,
la gloire de Colum Cille et de l'Irlande. Une œuvre pie, non
moins méritoire, serait de réunir aujourd'hui les poèmes attribués
par la tradition à Colum Cille. 11 en est d'une délicieuse inspiration
poétique, et quelques-uns portent la marque d'une respectable
antiquité. Ce qu'en donnent les deux éditeurs, d'après Manus
O'Donnell, ne saurait passer pour une édition complète, ni
définitive.
J. Vendryes.
IV
Rev. Gerald O'Nolan. Siudies in Modem Irish (Part II). Con-
tinuons prose Composition. Dublin. The Educational Company
of Ireland. 1920. iv-148 p. 120.
Dans cette seconde partie de son ouvrage (sur la première,
voir Rev. Celt., t. XXXVIII, p. 192), l'abbé O'Nolan vise un but
avant tout pratique. Il n'y a fait aucune place aux discussions
théoriques ou à l'exposé dogmatique des règles. Seule, une courte
introduction présente en résumé quelques conseils généraux à
l'usage de ceux qui font des traductions d'anglais en irlandais. Le
reste du livre ne comprend qu'une série d'exercices : d'abord
cinquante morceaux de prose anglaise, de caractère varié (narratif,
historique, philosophique, etc.), accompagnés d'une traduction
irlandaise, avec des notes explicatives, renvoyant, s'il y a lieu, au
volume précédent; le tout disposé de façon à faire passer en revue
les difficultés et particularités de la syntaxe irlandaise. Un choix de
1. Cette vie est à lire dans l'admirable édition de W. Reeves, The Life
of St. Columba, founder of Hy, written by Adamnan, Dublin, 1857.
Adamnan, neuvième abbé de Hy, naquit vers 624 et mourut en 704.
90 Bibliographie.
cinquante autres morceaux anglais, pouvant servir de thèmes dans
les écoles, mais non accompagnés de traduction, termine le
volume.
L'abbé O'Nolan s'attache autant au style qu'à la syntaxe ; il se
pique d'offrir à ses élèves des modèles de prose irlandaise. Sentant
très finement la beauté de sa langue, il en veut faire ressortir
toutes les qualités esthétiques. Féru de logique, comme l'a montré
déjà son premier volume, et convaincu que l'irlandais exige de la
logique dans le discours, il veut enseigner à écrire logiquement.
Aussi met-il ses élèves en garde contre les sauts de pensée ; il les
exerce à dérouler la suite des idées d'une façon uniforme et uni-
formément progressive. La contrainte qu'il impose ainsi au raison-
nement est bien d'un professeur de séminaire, habitué à régenter
les esprits. Elle exclut toute spontanéité. Certains la jugeront trop
scolaire. Un écrivain original s'en accommoderait difficilement.
Mais il est évident que l'abbé O'Nolan n'établit pas ses règles
pour les écrivains de génie qui naîtront en Irlande ; ceux-là
sauront bien se créer un style personnel. Il s'adresse aux novices,
aux apprentis qui veulent acquérir l'art d'écrire suivant des règles
toutes faites.
La première de ces règles est de dépouiller les habitudes de
pensée anglaise pour permettre à l'esprit irlandais de se montrer
avec toutes ses qualités traditionnelles. De là certains principes de
traduction qui étonnent d'abord un lecteur français. Lorsqu'un
écolier de chez nous traduit 'dû latin, c'est pour s'exercer à couler
sa pensée dans le moule de la langue classique; c'est pour s'asser-
vir et se discipliner. Au contraire quand il fait traduire de l'anglais
à ses élèves, l'abbé O'Nolan a pour objet de les affranchir, de les
libérer. « Traduttore traditore » pourrait servir d'épigraphe à son
livre ; l'infidélité en effet y est érigée en principe. Etre infidèle à
l'anglais, n'est-ce pas la meilleure façon d'affirmer sa foi irlandaise ?
« Language is an index to the national character », dit-il dès la
première page. Comme le caractère irlandais est profondément
différent du caractère anglais, il ne faut pas songer, quand on
passe d'une lingue à l'autre, à faire une traduction littérale; au
contraire, il faut repenser en irlandais le morceau que l'on veut
traduire et en enchaîner les idées à la mode irlandaise. Il faut
procéder à un réarrangement des phrases pour obtenir une com-
position conforme au génie de la langue et aux habitudes de
pensée de ceux qui la parlent. Tels sont les principes d'après
lesquels il convient de juger les traductions que donne l'abbé
O'Nolan. Etant donné l'objet qu'il se propose, ils sont des plus
légitimes: J. Yexdryfs:
Bibliographie. 91
V
Lady Gregory. Visions and Beliefs in the West of Ireïand, with two
Essays and Notes by W. B. Yeats. London, Putnam's Sons,
1920, 2 vol., vi-293 et 343 p. 8° 22 s. 6 d.
C'est une bonne fortune pour un écrivain doué à la fois d'une
imagination vive et d'un sens aigu d'observation que de vivre dans
un pays comme l'Irlande. On y est naturellement porté à la poésie :
les choses parlent à l'âme, les gens ont une originalité pittoresque et
sympathique. Ce qui complète le charme de ce pays, c'est qu'on
y vit en dehors du temps. Le présent se confond avec le passé ;
les vivants ne sont pas séparés des morts. Bien plus, il n'y a pas
de limite entre le monde surnaturel et celui de la nature ; les
objets réels ont un sens mystérieux, auquel on s'initie aisément ;
parmi les foules circulent des êtres venus de l'au-delà, fantômes
étranges, qu'on rencontre parfois, dont chacun parle à la troisième
personne du pluriel : « Ce sont eux », « ils ont fait ceci ou cela »,
ou qu'on appelle simplement « les autres ». L'Irlande est un pays
où il y a toujours des fées.
Lady Gregory doit à l'Irlande une bonne part de son talent ; ses
dons naturels ont été accrus et embellis par l'ambiance. La
moitié de son œuvre se compose de comédies bouffonnes, où sa
verve a créé d'après nature des types saisissants de vérité. Mais elle
a aussi un sentiment poétique des plus profonds, qui s'est épanché
notamment dans son évocation du héros épique Ciichalliii of
Murthemne. On lui a reproché de ne pas suffisamment respecter la
tradition. Certes elle n'a pas voulu faire dans ce livre une recons-
titution philologique ou archéologique ; elle a traité à sa manière,
suivant une adaptation personnelle, un sujet très ancien qui la
séduisait. L'ouvrage en deux volumes qu'elle présente aujourd'hui
au public est un recueil de superstitions et de croyances répandues
dans l'Ouest de l'Irlande, et surtout dans le comté de Galway. Elle
y a joint quelques notes de son ami M. Yeats, qui depuis quelques
années s'intéresse fort aux sciences occultes et qui l'a aidée dans sa
documentation. Les folk-loristes trouveront dans cet ouvrage une
ample provision de faits, à joindre aux nombreux recueils déjà
publiés sur le folk-lore celtique. Et les amis de l'Irlande auront
plaisir à y prendre connaissance d'un des aspects les plus curieux
de l'âme irlandaise, celui qui est tourné vers l'au-delà. C'est un
excellent guide pour franchir les limites du monde visible et
pénétrer dans le royaume des f«esi
92 Bibliographie.
Il n'est pas très sûr que Lady Gregory ait jamais vu de fées elle-
même ; mais elle connaît beaucoup de gens qui en ont vu et qui
pouvaient la renseigner sur les habitudes de ces êtres enchantés.
Elle a donc composé son livre des confidences qu'elle a reçues à
leur sujet de personnes voisines de sa résidence. Ce n'est pas elle
qui parle ; c'est Mrs. Casey ou Mrs. Sheridan, c'est une vieille de
Kinvana, un jeune gardien de moutons, un pêcheur des îles
(d'Aran), et beaucoup d'autres encore, qui grâce à elle entreront
dans l'histoire avec le témoignage qu'ils lui ont apporté. Ils ont
tous une foi si naïve, ils racontent avec une si belle assurance les
aventures les moins vraisemblables que l'on est tenté d'y croire
avec eux. Il faut faire effort pour revenir à une appréciation
rationnelle des choses du monde. Heureusement, Lady Gregorv
nous y aide. Elle a fait précéder les différentes sections de son livre
de courtes introductions, dont quelques-unes sont des chefs-
d'œuvre d'humour. L'humour est la poésie du sens commun.
Quel moyen de croire aux fées après que Lady Gregory nous a
narré sa visite à la maison de Biddy Early ! Quel moyen de prendre
au sérieux le monde surnaturel de Mr. Saggarton, quand, avant
de nous y introduire, Lady Gregory nous raconte l'impayable
aventure de M. Yeats pris pour un clergyman à cause de la forme
de son chapeau ! D'un mot d'esprit bien placé, elle chasse Amadân
na Briona, le Fool of the Forth après l'avoir évoqué devant nous.
Une délicieuse ironie glisse à travers le livre ; généralement à
peine perceptible, elle éclate par endroits, juste à point pour
dissiper le mystère et faire envoler les fées.
Le style est un des plus piquants agréments du livre. On sait
quelle langue savoureuse Lady Gregory s'est créée et avec quelle
perfection elle en use. C'est un nouveau modèle de cette langue
qu'elle donne ici. Son livre rappellera à maint lecteur la Légende de la
Mort de M. Le Braz, où l'auteur se retire aussi derrière les person-
nages qu'il met en scène et qu'il fait parler. Mais M. Le Braz a un
verbe splendide, qui se reconnaît immédiatement ; il le prête à ceux
dont il traduit les pensées. Lady Gregory donne au contraire
l'impression d'avoir reproduit le récit des gens qu'elle a consultés,
tel qu'elle l'a recueilli sur leurs lèvres. S'il y a beaucoup d'art dans
son style, c'est un art discret, qui se cache. George Sand faisait
parler de la même façon les pastoures du Berry. La seule différence
est que la bonne dame de Nohant tirait du parler rustique de sa
province des effets de sentiment, tandis que la châtelaine de Coole
Park cherche surtout du pittoresque dans la brogue de Kiltartan.
Mais ce n'est pas un mince honneur pour l'ouvrage de Lady
Bibliographie, 93
Gregory que, faisant verni" à l'esprit du lecteur les noms de George
Sand et d'Anatole Le Braz, il se classe avec ses qualités propres
auprès des meilleurs ouvrages de ces deux bons écrivains.
J. Vendryes.
VI
T. Gwynn Jones. Llenyddiaeth Gymrâeg y bedwaredd ganrij ar bym-
theg [Littérature galloise du xixe siècle], llawlyfr at wasanacth
darllcniuyr [Manuel à l'usage de ceux qui lisent]. Caernarfon,
1920, 46 p. gr. 8°.
Tout en poursuivant sa carrière de poète l, M. T. Gwynn Jones
a entrepris la tâche fort utile d'historien de la littérature. En
1915, sous le titre Llenyddiaeth y Cymry hyd ymdrech y Tuduriaid
(Littérature de Galles jusqu'à l'avènement des Tudors), il réunissait
en volume 2 une série d'articles publiés par lui de mois en mois
dans la revue Y Faner et dont l'ensemble constitue le meilleur
résumé que l'on ait de la première et plus illustre moitié de la
littérature galloise. Son nouveau volume, également tiré à part
d'une revue, Y Genedl, est un bon exposé des grands courants de
la littérature galloise au xixe siècle ainsi qu'un répertoire des
principaux poètes et écrivains qui l'ont illustrée. I! est d'ordinaire
assez malaisé de se renseigner sur la littérature galloise du siècle
dernier. L'œuvre des poètes, qui est considérable par la quantité,
est dispersée dans une multitude de publications locales, de petites
revues, de recueils plus ou moins accessibles. On se fait difficilement
idée de l'activité poétique du pays et des sujets que les poètes ont
traités de préférence. Les renseignements fournis par M. Gwynn
Jones sont exacts et brefs: en quelques lignes il apprécie la valeur
des auteurs qu'il passe en revue, cite leurs œuvres marquantes,
indique leurs caractéristiques et donne un ou deux courts échantil-
lons de leur style. Les titres des chapitres du livre en montrent la
composition et l'enchaînement : 1. Entre deux périodes ; 2. Le nou-
1. Parmi les dernières productions poétiques de M. Gwynn Jones, citons:
Tr nythgwagym Mro Gynin (« Au nid vide de Bro Gynin [lieu de nais-
sance de DafyJdab Gwilym] »), 1910 ; Tir na n-Og, poème dramatique sur
l'Irlande, Cardiff, 1916 ; Gwlad Hud (« Pays enchanté ») ; et plus récem-
ment encore, Pro Patria et Madog, ce dernier tiré à part de la revue y Beir-
niad.
2. A Denbigh, chez l'éditeur Gee and Son; 103 p. gr. 8° ; prix: 3sh.6d.
94 Bibliographie.
veau siècle; 3. Prose et poésie; 4. L'eisteddfod (excellent chapitre
où l'auteur montre ce qu'a été cette institution depuis ses débuts
et l'action qu'elle a exercée sur le développement de la littérature) ;
5. Les poètes de la première moitié du siècle (chapitre de beau-
couple plus long) ; 6. Le milieu du siècle ; 7. L'englyn ; 8. Les lit-
térateurs ; 9. Les traducteurs ; 10. Liste des poètes et des littéra-
teurs. Cette liste notamment rendra de grands services : elle en
rendrait plus encore si les écrivains cités étaient rangés par leur
nom bardique et non par leur nom de famille. Parmi les 33
Davies, les 9 Edwards, les 14 Evans, les n Hughes, les 39 Jones,
les 25 Williams de la liste, on a peine à trouver celui qu'on
cherche. Une double liste eût, du moins, été utile. Ainsi Ceiriog
figure sous Hughes ; Talhaearn sous Jones, Islwyn sous Thomas
ainsi qu'Eben Fardd. La liste de M. Gwynn Jones ne renferme
que des morts. 11 y aurait lieu d'augmenter sensiblement l'ouvrage
pour compléter l'histoire littéraire du \ixL siècle si l'on voulait y
faire figurer les auteurs vivants.
J. Vekdryes
VII
Jean-Pierre Calloc'h. A genoux, lais bretons accompagnés d'une
traduction française de M. P. Mocaër, avec une introduction de
M. René Bazin et une préface bilingue de M. J. Loth. Paris,
Plon-Nourrit, 1921, xxiij-234 p. 120 7 fr.
Le mardi de Pâques, 10 avril 1917, devant le village d'Urvillers
(Aisne), un obus ennemi tua net le sous-lieutenant Jean-Pierre
Calloc'Ji. Ce fut un coup à jamais déplorable. Le destin ce jour-là
priva la Bretagne d'un poète qui, dans le mouvement actuel de
renaissance littéraire, avait sa place au tout premier rang. Sous le
pseudonyme de « Bleimor » (Loup de mer), il avait publié de son
vivant quelques poèmes d'une belle facture • ; mais la plupart de
ses œuvres étaient inédites. Le recueil intégral qu'en publie
aujourd'hui son ami, M. Mocaër, révèle des dons poétiques de pre-
mier ordre. Calloc'h mérite de passer à la postérité parmi les
plus illustres poètes catholiques de tous les pays et de tous les
temps. On pense, en le lisant, au Corneille de Y Imitation, que
1. Notamment dans 'Brittia (t. II, n° 7, p. 233 et n° 9, p. 354), dans
Dihunamb, dans le Pays Breton.
bibliographie. <)$
tempérerait par moments le Verlaine cie Sagesse et des Liturgies
intimes. Mais on admire surtout en lui une personnalité vigoureuse
et originale. Il devait son génie à sa race et à son éducation bre-
tonne. Le contact de la vie parisienne fortifia en lui deux senti-
ments qui tenaient au plus profond de son cœur, l'amour de la
Bretagne et la foi du chrétien. Enfin la- guerre l'exalta jusqu'au
sublime.
Calloc'h était né dans l'île de Groix, le 24 juillet [888, d'une
famille de marins. Tout enfant, il apprit à connaître la mer ;
il en a chanté la vie formidable en des accents d'une intensité et
d'une couleur, auprès desquelles la littérature même d'un Pierre
Loti paraît molle et pâle. La misère et la douleur furent ses pre-
mières éducatrices. Une série de deuils désolèrent le foyer : son
père périt en mer, ses deux sœurs furent enlevées par la maladie.
Comme il manifestait d'heureuses dispositions pour l'étude, il fut
envoyé à l'âge de onze ans au petit séminaire de Sainte-Anne ; il y
reçut une bonne éducation classique et sentit s'éveiller en lui la
vocation sacerdotale. Contrarié dans ses désirs de la suivre par une
santé délicate, il partit pour Paris, en 1907, afin d'y chercher une
situation, n'ayant pour tout bien que son diplôme de bachelier en
poche. 11 occupa d'abord le poste de maître surveillant dans divers
établissements religieux d'éducation , puis, après l'accomplisse-
ment de son service militaire, il fut pris à l'École supérieure de
commerce et d'industrie, toujours en qualité de maître surveillant.
C'est là que la guerre le trouva. Quoique classé dans le service
auxiliaire, il voulut faire la campagne et demanda à passer dans
le service armé. On l'envoya en 191 5 au centre d'instruction de
S'-Maixent, d'où il sortit le 20 août avec le grade d'aspirant. Huit
jours après, il était au front à la tête d'une section de Bretons,
auxquels il donna jusqu'au dernier jour l'exemple des plus belles
vertus patriotiques.
Calloc'h avait reçu de Paris un premier choc qui l'ébranla for-
tement. Les Parisiens de naissance comprennent difficilement
l'effet produit sur un provincial, à l'âge où les passions bouil-
lonnent dans un cœur resté pur, par le spectacle du Paris cosmopo-
lite, avec son luxe insolent, ses plaisirs frelatés et toute cette vaine
pompe uniquement dressée pour l'amusement des oisifs. Quand on
a subi depuis l'enfance et goutte à goutte le poison de l'atmos-
phère parisienne, on en ressent plutôt de bons effets ; il agit à la
façon d'un élixir, fortifiant l'esprit, en y répandant la philosophie
du bon sens, faite d'indulgence et d'ironie, et le scepticisme qui
sait prendre choses et gens simplement pour ce qu'ils valent. Mais
9 b Bibliographie.
tout autre est l'effet produit sur un provincial de 20 ans qui
découvre subitement Paris : c teiî er ger vras é krcska bleu er boén
« sur le fumier de la grande ville croît la fleur de l'angoisse »
(p. 46.). Calloc'h, au premier regard jeté sur le tourbillon de la
vie parisienne, en conçut une indignation mêlée d'épouvante.
Qu'on se représente un séminariste devant lequel s'ouvrirait
tout à coup le monde décrit par Balzac. Son imagination amplifia
naturellement l'idée affreuse qu'il se faisait de ce monde, qu'il
ne connaissait pas et où, d'ailleurs, la modestie de sa condition
lui interdisait de pénétrer. Pour échapper aux visions abomi-
nables qui le hantaient, il se jeta dans la prière ; pour préserver
son frêle esquif d'orages qu'il croyait menaçants, il se créa un
port dans trois « îles » (ene^enneu) qu'il aimait par-dessus tout, File
des pauvres (Notre-Dame des Victoires), l'île des nations (Le
Sacré-Cœur de Montmartre), et l'île des anges (La chapelle des
Bénédictines de la rue Monsieur). Son âme allait s'y plonger dans
le mysticisme (p. 9-26); et le souvenir de sa Bretagne, de sa
petite maison blanche dans son île natale et de la vie saine des
marins répandait sur ses rêveries religieuses l'amertume du mal
du pays. Les vers qu'il écrivit sous cette double inspiration (pp. 81-
119) sont impressionnants : ce sont des cris de détresse et des
actes de foi d'une poignante sincérité.
La guerre devait porter à Calloc'h un dernier choc ; son mys-
ticisme en devint plus éperdu, et plus âpre son horreur de la vie du
monde. Sans doute, il a trouvé, pour exprimer l'angoisse patrio-
tique qui l'étreignait aux jours graves de 1914, des accents vrai-
ment touchants ; sa prière du guetteur, composée dans la tranchée
(p. 203), est d'une grandeur tragique. Mais il lança aussi des
imprécations, dans le style d'Ezéchiel ou d'Isaïe, contre la « Catin
Europe » (er Gatcl Europ, p. 28) ; et la guerre lui apparut comme
le juste châtiment des crimes de l'humanité : Europ ha golhein ri'n
haaéd ha bèhedeu ? « Europe, laveras-tu dans ton sang tes péchés ? »
(p. 76) ; skopet ha poc ar Zrem douéel me Hrist é kroe\, ha chelu deit
eur er Hasti « Tu avais craché au visage divin de mon Christ' en
croix, et voici venue l'heure du châtiment » (p. 35). On ne peut
guère s'empêcher de protester contre des maximes aussi barbares.
C'est en expiation que tant de millions d'hommes jeunes et pleins
de force (dont plus d'un million et demi de Français) auraient été
conduits par Dieu â une boucherie atroce ! En expiation de quoi ?
D'être venus au monde, sans l'avoir demandé ? Il faut avoir meil-
leure opinion de l'Etre suprême, et se garder de lui prêter les pires
vices de l'humanité. C'est bien assez que certains hommes aient
Bibliographie. 97
plaisir à répandre le sang ; ne taisons pas Dieu à leur image. Les
païens le disaient déjà: Ne credas gaudere deum cum caede litatur.
On prétend qu'aujourd'hui les Russes acceptent avec un fatalisme
sombre les maux terribles dont ils souffrent comme un châtiment
mérité, que Dieu leur impose. Cette philosophie résignée con-
vient peut-être aux compatriotes de Tolstoï ; elle a peu de chance
de prévaloir dans le pays de Voltaire.
Si attachante que soit pour le moraliste et le psychologue l'œuvre
de Calloc'h, elle réserve au philologue un attrait non moins
vif. Ce poète fut un maître ouvrier en langue bretonne : cette
œuvre si courte restera comme un modèle du vannetais et répandra
sur ce dialecte, jusqu'ici un peu négligé, une gloire que les autres
rattraperont malaisément. Calloc'h écrit une belle langue, solide
comme le roc des falaises, sonore et harmonieuse comme le bruit
des flots. Il a des images magnifiques, il sait peindre en quelques
mots, dans leurs nuances les plus délicates, les sentiments violents
ou tendres qui l'animent. Il prouve que sa langue maternelle,
quand on sait la manier, se prête à l'expression de toutes les idées
poétiques. Il est vrai que, grâce à sa connaissance de la lexicogra-
phie bretonne, il a enrichi son vocabulaire de quelques mots
que l'usage avait perdus, ou bien de mots nouveaux formés
de toutes pièces avec des éléments vivants ; les uns et les autres
sont aisément intelligibles. On a plaisir à retrouver, enchâssés
dans ses vers, klod « gloire », kevrin « mystère», ko^gor « escorte,
cortège » ' (gall. gosgordd), et autres beaux vieux mots du pur
fonds celtique. M. J. Loth dans sa préface2 a rendu justice avec
autorité aux mérites littéraires de Calloc'h autant qu'à ses qualités
morales. On ne peut que souscrire au bel éloge qu'il fait du poète
fauché dans sa fleur, en lui appliquant les vers adressés à Dieu par
le barde Y Prydydd bychan, pleurant la mort de Rhys fab Llywe-
lyn (M\f. Arch., 264 a 13) :
Ducost Rvs ar urys oe uro,
dicym oe dwyn g^yn gyfle ;
da y dewisseis li hwnnw
yth vytin, Grist urenhin vry.
J. Vendryes.
1. que le traducteur rend bizarrement par « esclaves » (p. 122).
2. Il est fâcheux que cette préface, aussi bien en breton qu'en français,
soit déparée de tant de fautes d'impression: « heureux » (p. ix, 1. 3) au
lieu de « honteux » dénature complètement le sens.
Revue Celtique, XXXIX. . -
CHRONIQUE
Sommaire. — I. Election de M. John Fraser à la chaire de philologie
celtique de l'Université d'Oxford. — II. M. Pokorny successeur de Kuno
Meyer à l'Université de Berlin. — III. Soutenance des thèses de M. Alf
Soinmerfelt. — IV. Création de certificats de celtique à la licence es
lettres. — V. Les formes sigmatiques du latin et le futur indo-européen,
d'après M. Pedersen. — VI. Les travaux de M. Tud sur quelques
substrats celtiques en roman. — VIL Dernieis travaux de M. Espo-
sito. — VIII. Fin de la collection de chants populaires irlandais de
M. Freeman. — IX. Encore un mot sur les Notennou diwar-benn ar
Gelted Koy. — X. Nouvelles brochures sur l'Irlande. — XL Reprise de la
publication de The Cellic Revicw. — XII. Annonce d'un ouvrage pos-
thume d'A. Macbain. — XIII. Livres nouveaux.
1
La chaire de celtique de FUniversité d'Oxford, que la mort de sir
John Rhys laissait vacante, vient d'être pourvue d'un titulaire en
la personne de notre collaborateur M. John Fraser, professeur
à l'Université d'Aberdeen. C'est un excellent choix, qui promet
beaucoup pour nos études. M. Fraser possède en effet une
culture générale, qui le met en état d'embrasser à la fois les pro-
blèmes si variés de la linguistique sur toutes les parties du
domaine celtique. Il est âgé de trente-neuf ans et appartient à
l'Ecosse, dont 'il parle de naissance le dialecte gaélique. A l'Uni-
versité d'Aberdeen (i 899-1 903), puis à celle de Cambridge
(I903-I901)), il s'adonna à la philologie classique et à la gram-
maire comparée, étant élève à Aberdeen des professeurs sir
William Ramsay, Alex. Souter, John Harrower, H. J. C. Grierson,
et à Cambridge des professeurs Giles, Bendall et Rapson. Il passa
Chronique, 99
l'année 190e à l'Université d'Iéna, où il étudia notamment le litua-
nien et le sanskrit sous la direction de Berthold Delbrùck et de
Cari Cappeller. Rentré en Grande-Bretagne, il s'y mit à l'étude
du celtique, à laquelle l'encourageait le regretté Quiggin ; au
cours de voyages en Galles et en Bretagne, il acquit une bonne
connaissance des parlers brittoniques modernes ; enfin, il fit dans
les régions gaéliques de l'Irlande des séjours répétés d'où il
rapporta la pratique du langage parlé. En 1908, il avait été nommé
à l'Université d'Aberdeen Lecturer in Latin and Comparative Phi-
lology en même temps qu'il obtenait au Training Centre de la
même ville le poste de Lecturer in Gaelic. Les mérites de son
enseignement lui avaient valu il y a quelques années une chaire
magistrale. La liste de ses travaux est déjà longue : elle comprend
des études sur la philologie classique, mais surtout sur le celtique.
On trouvera ces dernières dans Êriu, dans la Zeitschrift fur
celtische Philologie et dans la Revue Celtique, qui a l'honneur depuis
1913 de compter M. Fraser au nombre de ses collaborateurs. Le
successeur de sir John Rhys est des mieux préparés à remplir
avec succès la tâche qui lui est confiée, dans la première chaire de
celtique des Iles Britanniques.
Il
Nous apprenons qu'à la chaire de philologie celtique, vacante à
l'Université de Berlin par la mort de Kuno Meyer, a été appelé
M.Julius Pokorny en qualité de professeur extraordinaire. D'ori-
gine tchèque, comme son nom l'indique, M. Pokorny avant la
guerre habitait Vienne, d'où il a daté nombre d'articles touchant
à la mythologie comparée, à la linguistique celtique et à la philo-
logie irlandaise ; deux ont paru dans la Revue Celtique, tome
XXXIII, p. s8 et 66. Son principal ouvrage est a Concise OUI
Irish Grammar, publiée par morceaux dans The Celtic Review avant
d'être réunie en volume (124 p. 8°, Halle et Dublin, 19 14). Un
Old Irish Reader, qui devait la compléter, n'a, croyons-nous, jamais
vu le jour.
III
Le 23 juillet 1921, M. Alf Sommerfelt, chargé de coursa l'Uni-
ioo ChroniqUi .
versité de Christiania, a soutenu en Sorbonne ses thèses de docto-
rat es lettres sur les sujets suivants :
thèse complémentaire : Le breton parlé à Saint-Pol-de-Léon .
thèse principale : « De » en italo-celtique : son rôle clans l'évolu-
tion ila système morphologique des langues italiques et celtiques.
Nous rendrons compte ultérieurement de ces deux importants
ouvrages ; mais il convient dès aujourd'hui de faire ressortir les
mérites du nouveau docteur. Rares sont les étrangers qui ont osé
affronter !e doctorat es lettres français, avec la pratique de la
langue qu'il suppose et les deux grosses thèses qu'il exige. Nous
avons plaisir à féliciter en la personne de M. Sommerfelt un
Norvégien qui a suivi pendant plusieurs années l'enseignement du
Collège de France, de la Faculté des lettres et de l'Ecole des
Hautes Etudes et qui a désiré obtenir comme couronnement de ses
études le plus haut grade universitaire français. Cet événement
aura certainement sur l'avenir des relations scientifiques franco-
norvégiennes une influence des. plus heureuses.
IV
Le régime de la licence es lettres vient de subir une réforme
complète. Il a été à la fois élargi et assoupli. On l'a élargi pour y
faire entrer nombre de disciplines enseignées dans les Facultés et
qui ne comportaient jusqu'ici l'obtention d'aucun diplôme ; on l'a
assoupli pour permettre aux jeunes Français qui ne se destinent
pas à la carrière d£. l'enseignement de prendre la licence es lettres
comme un brevet d'études supérieures et de haute culture. Il va
sans dire que les étrangers tireront de nombreux avantages de la
réforme adoptée.
A l'examen unique d'autrefois est substitué un groupement de
certificats, portant chacun sur une seule discipline, mais représen-
tant dans leur variété tous les enseignements donnés à la Faculté.
La réunion de quatre certificats confère le diplôme de licencié. Il
y aura toutefois deux licences, l'une générale ou libre, l'autre pro-
fessionnelle et dite d'enseignement (licentia docendi). Le choix
des quatre certificats n'est laissé à la volonté des candidats que
pour la licence générale ; pour la licence d'enseignement, les certi-
ficats sont fixés obligatoirement dans les quatre ordres profession-
nels (philosophie, lettres, histoire et langues vivantes).
Parmi les certificats qui peuvent constituer la licence générale,
figure à la Faculté des Lettres de l'Université de Paris un eerti-
Chronique. roi
ficat de grammaire comparée des langues celtiques. Il se compose des
épreuves suivantes I :
Écrit. Deux épreuves : i° Traduction et commentaire gramma-
tical d'un ou plusieurs textes en langues celtiques. — 2° Compo-
sition sur une question de grammaire comparée des langues cel-
tiques.
Oral. Deux épreuves : i° Explication d'un texte facile grec ou
latin (au choix du candidat) et allemand ou anglais (au choix du
candidat). — 2° Interrogation sur la grammaire d'une des langues
celtiques (au choix du candidat).
La Faculté des Lettres de l'Université de Rennes, qui a déjà
depuis plusieurs années des examens à l'usage des jeunes celtistes 2,
vient également d'instituer un certificat de langues et littératures
celtiques en vue de la nouvelle licence générale. Cet examen com-
prend les épreuves suivantes :
Écrit. Deux épreuves : i° Traduction en breton d'un texte de
français, d'irlandais ou de gallois. — 2° Version .irlandaise ou
galloise.
Oral. Deux épreuves : i° Explication d'un texte breton. — 2°
Interrogation sur les littératures et les peuples celtiques.
V
Il y a toujours beaucoup à apprendre dans les travaux de
M. Pedersen ; car peu de linguistes ont une puissance cons-
tructive semblable à la sienne et disposent d'une richesse de maté-
i. Pour l'année scolaire 1921-1922, le programme des questions et des
textes a été fixé ainsi qu'il suit :
Questions. i° La métaphonie en brittonique. 2° La nasalisation svntac-
tique en celtique. 3° L'article irlandais. 4° Le déponent en cehique. 50
L'emploi grammatical des préverbes ro et ry. 6° L'expression de la relation
aux cas obliques.
Textes. 1° Notes in the Book of Armagh (Thésaurus Palaeohibernicus, II,
238-243). 20 Poèmes du manuscrit Je Saint-Paul, nos 2 et 3 (Thés. Pal. II,
213-214). 30 Scél Mucci Maie Dathô (Irische Texte, t. I, 96-112). 4^ Extrait
des Ancient Laivs of II aies dans Strachan, Introduction to Early Welsh,
p. 208-221. 50 Breudwyt Maxen Wleiic, éd. Ifor Williams, Bangor, 1908.
6° Extraits de Bue\ Sautes Xouu, dans Loth, Chrestomathie bretonne,
p. 242-250.
2. Sur le diplôme d'études celtiques de l'Université de Rennes, voir
Revue Celtique, t. XXXIII, p. 494.
ro2 Chronique.
riaux aussi variés. L'article qu'il a publié en français dans les
Historisk-filoîogiske Meddelelser de la Société des Sciences Danoise
(vol. III, n° 5, 192 1 ; 31 pages) sur les formes sigmatiques du verbe
latin et h problème du futur indo-européen est plein de vues sédui-
santes. Il est impossible de les exposer ici dans le détail ; il
suffira de signaler l'explication proposée pour l'imparfait du
subjonctif latin (p. 14), auquel l'imparfait du subjonctif celtique
est ingénieusement rattaché (p. 29).
M. Pedefseii croit à l'antiquité du futur sigmatique ; il le fait
remonter à l'indo-européen, où le futur sigmatique se serait de très
bonne heure différencié de l'aoriste sigmatique. Tous deux ne
seraient que les deux aspects d'une même formation, dont l'un
(l'aoriste) représenterait le temps passé, l'autre (le futur) le temps
non passé. Une fois la différenciation accomplie, les deux a temps »
auraient d'ailleurs évolué de façon différente. Ce système original
a le défaut de ne pas tenir compte de certains caractères du futur ;
il n'explique pas l'indépendance complète que les deux temps
présentent dans la morphologie du grec ancien. M. Pedersen nous
paraît faire trop bon marché des différences, qu'il signale lui-même
(p. 10 n.), entre le futur et l'aoriste grecs. Quand on a lu l'ou-
vrage de M. Magnin, il parait impossible de contester que le futur
grec ne soit, pour la plus grande partie de ses formes et de ses
emplois, un ancien désidératif. Il n'est pas question du désidératif
dans le travail de M. Pedersen, sauf à la dernière page, où il
remarque incidemment que le redoublement du futur sigmatique
irlandais a pu en être emprunté. L'importance des formations dési-
dératives parait avoir été très grande en indo-européen (v. Meillet,
Rev. des Et. grecques, XXXII, 384); le futur sigmatique irlandais
s'y rattache aussi bien que le futur lituanien, le futur sanskrit ou
le futur grec. Telle est l'a doctrine à laquelle, croyons-nous,
maint linguiste se tiendra, même après avoir lu l'article de
M. Pedersen.
VI
La Revue Celtique a déjà signalé certains travaux de M. J. Jud,
qui enseigne à l'Université de Zurich et qui appartient à cette
brillante pléiade de romanistes dont s'honore aujourd'hui la Suisse.
Il compte d'ailleurs parmi ses maîtres la plupart des romanistes
français. Au cours des vastes enquêtes linguistiques qu'il poursuit,
il a parfois la bonne fortune de rencontrer la trace d'anciens mots
Chronique. 103
celtiques passés eu roman et conservés dans les parlera locaux
(cf. Rev. Ce//., XXXIV, p. 116). C'est lui qui a signalé à M. A.
Thomas le mot ambostâ « jointée », où il a reconnu l'irlandais boss
« paume de la main » (v. l'appui donné à cette hypothèse par
M. Loth dans la Rev. Geît., XXXVII, p. 311). Il est revenu sur la
question dans un article de ia Revista de Filologia Espafiola, t. Vil
(1920), p. 339-350, intitulé ÂCefca de « arHbuesta » y « atmucr\a »,
où il se montre bien informé des faits celtiques qui y touchent.
Il vient de découvrir un autre mot celtique dans le parler de
Brigels (canton des Grisons) sous la forme rétoromane Ufhbla^
qui désigne la corde servant à fixer le joug au timon. Dans le dia-
lecte allemand de la région, cette corde est appelée aiubla^. Mais
le mot n'est pas limité à ce coin de Suisse. Il a même une exten-
sion assez grande sur le domaine français : ûnblyi en Savoie, atnblâ
dans le Morvan, emiblvé en Berry, amblet en Saintonge, amblé,
atnblyèt, orHblyet en Poitou, anbyè dans le Maine, amblet en Gàti-
nais, etc. tous mots désignant un lien fixant le joug, sont d'accord
avec ambyè du patois de Blonay en Suisse et anboltis des patois du
Piémont. M. Jud propose un prototype ambi-lalliiun « Umrute »,
composé de deux éléments celtiques bien connus : le préfixe ambi-
et le mot lai ta, conservé dans le vieux français laie (auj. latte), et
passé en germanique sous la forme lalla (eri v.h. ail.). Dans les
dialectes celtiques on a irl. slat, gall. llatb, bret. la^. Il s'agit donc
d'un vieux mot *slalltl. Cette ingénieuse et convaincante explica-
tion a paru dans le Biïudiierisches Monatsblatl, 192 1, p. 37-51.
VII
Nous avons reçu de M. Mario Esposito différents articles, où il
montre, comme d'habitude, toute la finesse de son sens critique.
Le premier a été publié dans le Didaskaleiou, Studi filologici di
lelleraliira cristiana ivlica, revue qui paraît à Turin sous la direc-
tion de M. Paolo Ubaldi. M. Max Manitius, dans sa Gcsehichte der
lateinischeH Litteratur des Millelallers, t. I (191 1), p. 502 et 525,
parle d'un commentaire sur Martianus Capella, composé au
ixe siècle par un Irlandais du nom de Dunchad ; et il en cite deux
manuscrits, conservés à Paris (Bibl. Mat. Lat. 12960) et à Londres
(Br. Mus. Reg. 15. A. xxxiii). 11 a même publié quelques extraits
du manuscrit de Paris dans le Nenes Archiv, t. XXXVI (1910),
p. 57 et dans le Didaikaleion, t. I (1912), p. 138 Mais M. Mario
Esposito, ayant étudié depuis le manuscrit de Londres, s'est aperçu
104 Chronique.
que l'attribution du commentaire à l'irlandais Duncliad reposait
sur une erreur : si le nom de Dunchad (écrit Dinicahl) est bien
dans le manuscrit, il s'y rapporte seulement à des notes de com-
put, qui n'ont rien à faire avec le tex.te du commentaire (v. Z. f.
Cclt. Phil.,Vll, p. 501 et IX, p. iéo). Dans le Didashaîeion, t. III
(1914), p. 173-181, M. Esposito revient sur la question ; il
émet l'avis que le commentaire contenu dans le manuscrit de
Londres est simplement l'ouvrage de Rémi d'Auxerre (cf. Mani-
tius, op. cit., p. 513). Il n'y a donc, conclut-il, aucune raison pour
attribuer à Dunchad le commentaire anonyme du manuscrit 12960
de Paris. Cette conclusion négative est bien dans le goût du
savant auteur. Il la renforce encore dans la note finale, où il con-
teste que l'ouvrage de Martianus Capella ait été employé comme
livre d'enseignement dans les écoles irlandaises du moyen âge :
« cette assertion, dit-il, comme tant d'autres relatives à la préten-
due culture classique des Irlandais, ne repose sur aucune preuve
solide. »
Après Dunchad, Dicuil. M. Esposito, qui a consacré aux écrits
de cet Irlandais un important article des Studies (t. III [1914J,
p. 651-676), a donné à la Modem Philology de Chicago (t. XVIII,
August 1920), un article de 12 pages sur un manuscrit du Compu-
îits de Dicuil, conservé à la Bibliothèque de Yalenciennes (N. 4.
. 43,.f° 66a-n8a). Il fait de ce manuscrit, qui date de la fin du
ixe siècle, une description minutieuse et étudie le texte du Compti-
ons au point de vue de la graphie et de la langue ; besogne ingrate,
mais tort utile pour ceux qui s'intéressent au latin des bas temps.
Dans le numéro de July 1920 du Journal of Theological Studies,
périodique qui paraît à Oxford, M. Esposito étudie « a seventh-
Century Commentarv on the Catholic Epistles ». Il s'agit d'un
ouvrage anonyme, conservé dans un manuscrit de Reichenau,
aujourd'hui à Caiisruhe, et qui offre l'intérêt de mentionner les
noms de six Irlandais. Feu Holder avait identifié deux de ces
noms. M. Esposito a réussi à identifier les six : Breccannus, Bercan-
mis fils d'Aed, Manchianus, Banbanus, Lodcen et Laih. Les deux der-
niers se rapportent à un seul et même personnage, Laidhggen
Mac Baith Bannaig, moine de Clonfertmulloe (Queen's Co.),
mort en 661. Banbanus est Banban le sage, lecteur de Kildare,
mort en 686. Manchianus est sans doute le Manchen, abbé de
Mondrehid, près Borris (Queen's Co.) dont la mort est signalée en
652. M. Esposito croit que l'auteur inconnu du commentaire en
question pourrait bien être le même que celui d'un traité de Mira-
biîibus Santtqe Scripturae écrit en Irlande en 655. Ce traité a été
Chronique. 105
étudié par lui dans les Proceedîngs of the Royal Irish Acudemy, vol.
XXXV, section C, n° 2 (191 9).
VIII
•
La cinquième et dernière partie du volume VI du Journal of
the Folk-Song Society (formant le n° 25 de la collection) contient la
fin du recueil de chansons populaires irlandaises de M. A. M.
Freeman (voir Rev. Cell., t. XXXVIII, p. 77 et 227). Trente
nouvelles chansons s'ajoutent aux cinquante-quatre déjà publiées,
toutes recueillies dans la région de Ballyvourney (Co. Cork),
notamment à Derrynasaggart, à Ballymakeery et à Coolae. Admi-
rable floraison, qui montre combien le sentiment poétique et
musical reste vivace en Munster. La plupart de ces chansons sont
anciennes ; quelques-unes remontent au début du xvme siècle et
appartiennent à cette école de poètes du terroir, qui depuis Egan
O'Rahilly se continue par Owen Roe (Eoghan Ruadh O'Sûille-
bhâin, de Meentogue près Killarney, 1748- 1784), par Patrick et
David O'Herhhy, par James O'Kennedy, par les O'Scannels. Il y
a même des chansons d'inspiration probablement jacobite, comme
les fameuses qui ont pour titre Seàn O'Dhuibhir a ghleanna 'ou
Eamonn a chnuic, mais remaniées, modifiées dans la mélodie
comme dans les paroles et qu'on a plaisir à retrouver sous la
forme que M. Freeman a recueillie. La dernière partie de sa collec-
tion contient plusieurs autres chansons également célèbres,
Eibbîin aRiiiin, Bearta cruaâha, An Pâisdin Fionn, an Cailin donn
deas, etc. Toutes sont notées en écriture phonétique. Un des
mérites de ce recueil est donc de fournir des spécimens de pronon-
ciation et de rythme des parlers actuels du Munster.
Il y a, il est vrai, une réserve à taire. M. Freeman observe,
p. 317 et s., que les chanteurs lui ont fait entendre parfois des
prononciations insolites, tantôt archaïques, tantôt franchement
incorrectes. Les meilleurs Irish-speakers n'étaient pas ceux qui en
avaient le moins. Ce n'était donc pas faute de savoir la langue
qu'ils les laissaient échapper. Ces prononciations ne résultaient
pas d'accidents ou de lapsus ; elles étaient conscientes et inten-
tionnelles. Elles représentaient une tradition que les chanteurs
suivaient servilement et qui elle-même tirait souvent son origine
d'une erreur de lecture ou d'un respect exagéré pour un manu-
scrit incorrect. Cette observation est bonne à retenir pour ceux
qui se mêlent de recueillir des parlers vivants. Les gens qui
ioé. Chronique.
chantent ont le sentiment que la langue du chant rt'e9t pas la
langue de l'usage habituel ; c'est une manière de langue spéciale,
qui a ses traditions et ses règles propres. Quand M. Freeman
signalait à ses chanteurs une prononciation ou une forme aber-
rante, ils n'en étaient ni émus ni froissés ; ils en reconnaissaient
même le caractère anormal, mais ils la maintenaient au nom de la
tradition. C'est un cas remarquable d'adaptation du langage à ses
différentes fins et un beau sujet de réflexion pour les linguistes.
IX
L'année 192 1 a vu paraître le fascicule YIII des Notennou diiuar-
bcuii âf Gelted ko%, 0 istor bai? osevenadur (v. R. Celt., XXXVIII,
p. 371). Ce fascicule s'intercale entre les numéros IX et X précé-
demment parus et complète l'utile collection de MM, Abherve et
Mévefi Mordiem. Consacré à l'agriculture et aux animaux domes-
tiques, il contient un bon résumé des données les plus récentes de
la linguistique et de l'archéologie. Les meilleurs auteurs qui aient
écrit sur la matière, MM. Loth et Jullian, Déchelette, S. Reinach
et Dottin, ont été consciencieusement et exactement reproduits. Il
faut louer cette entreprise de vulgarisation qui met à la portée des
Bretons bretonnants des connaissances qu'on souhaiterait de voir
plus répandues même parmi les Français. Sur quelques détails il y
aurait sans doute à discuter. C'est un défaut commun à tous les
manuels primaires que de présenter comme sûres des doctrines
simplement hypothétiques et d'affirmer là où il convient de douter.
Les deux écrivains bretons n'y échappent pas. Ils ont trop cédé
aussi à l'habitude de reconstruire des formes indo-européennes ;
le procédé est commode, mais dangereux, surtout quand on s'a-
dresse à des profanes et à des novices ; parmi les prototypes indo-
européens qu'ils admettent, plus d'un prêterait à contestation .
Mais ce sont là chicanes de détail, qu'il serait injuste de poursuivre.
L'intérêt delà collection est dans la tentative de créer en breto n
une langue savante, capable d'exprimer clairement des notions
littéraires et scientifiques ; il faut dire bien haut que cette entre-
prise originale et délicate a pleinement réussi.
Une remarque toutefois s'impose. Peur créer cette langue
savante, qui manquait jusqu'ici au breton, les ressources du voca-
bulaire courant étaient naturellement insuffisantes: il a fallu détour-
ner le sens de certains mots usuels, aller chercher dans le passé
des mens sortis de l'usage, et enfin créer des néoloyismes. Le fasci-
Chronique. 107
cule VIII est pourvu, comme les précédents, d'un lexique des
mots rares qui y sont employés, avec traduction française. Le
néologisme est une nécessité dans une entreprise comme celle qui
était faite ici. Encore faut-il être prudent dans le choix des néolo-
gismes. Ils peuvent provenir de deux sources différentes : être
formés de mots indigènes ou empruntés de l'étranger. Le second
procédé ne doit pas être systématiquement écarté. Il y a certains
vocabulaires techniques et savants qui sont communs à toutes les
grandes langues de l'Europe; quelle que soit la source d'où les mots
qu'ils renferment sont sortis, ces mots n'appartiennent plus en
réalité à aucune langue en propre. Il n'y a pas intérêt, sous pré-
texte de nationalisme, à interdire l'accès du breton à ces mots
européens. Au contraire : le breton s'isole et par conséquent se
diminue à vouloir tirer artificiellement de son propre fonds des
mots qui existent partout sous une forme commune. M. Meillet
(Leslangues dans V Europe nouvelle, p. 241) a cité le cas du tchèque,
qui exprime par un mot indigène, artificiellement créé, ce que
presque toutes les langues de l'Europe expriment par un mot
emprunté du latin Ihealruiu (lui-même emprunté au grec). Quel
bénéfice retire le tchèque à traduire « théâtre » par divadlo ? Celui
de rester incompréhensible à quiconque n'a pas appris le tchèque.
Au moment où, grâce à des hommes comme MM. Vallée ou
René Le Roux, essaie de se constituer en Bretagne une langue de
culture et de science, il convient de les mettre en garde contre un
excès de nationalisme linguistique. Ils ont trop peur de l'em-
prunt. La grammaire par exemple est une science internationale ;
depuis le moyen âge elle a dans les écoles d'Europe un vocabu-
laire, qui remonte au latin et par le latin en grande partie au grec.
Il faut le conserver. Des pédants allemands ont poussé le chauvi-
nisme jusqu'à vouloir traduire les termes grammaticaux par des
mots tirés du fonds germanique : ils n'ont généralement pas été
suivis par leurs compatriotes. Et cela est fort bien fait. Pourquoi
les imiter en breton ? Pourquoi par exemple dire goure! « mas-
culin », gwregel « féminin », liesder « pluriel » ? Les termes
qu'emploie' le français étaient meilleurs à garder en breton. Des
créations comme auo-kadaru (m. à m. « nom fort ») pour
« substantif » et ano-gwau (m. à m. « nom faible ») pour
« adjectif » sont des plus discutables ; hr'rx-oberiad pour (verbe)
« neutre » est franchement mauvais. Et il faut en dire autant de
tro-envel « nominatif » et Iro-chenel « génitif ». Le breton, qui n'a
pas plus de génitif que de nominatif — au sens que ces mots ont
en latin, — pouvait s'épargner la création de ces termes barbares.
io8 Chronique.
En matière de vocabulaire on peut s'en tenir au principe suivant.
Il faut conserver soigneusement les mots indigènes partout où ils
existent et s'interdire de leur substituer des mots étrangers ; il
convient même de faire revivre de vieux mots sortis de l'usage,
lorsqu'ils expriment des idées familières, habituelles à ceux qui
parlent. Mais pour toutes les notions nouvelles et importées,
d'ordre scientifique ou technique, il n'y a pas à craindre l'em-
prunt, surtout quand l'emprunt a pour résultat de faire entrer la
langue dans le commerce international et de la mettre ainsi de
plain pied, sur tous les terrains communs, avec les principales
langues de l'Europe.
X
Aux publications françaises relatives à la crise irlandaise actuelle
(v. Rev. Celt., t. XXXVIII, p. 373), il convient de joindre un
article de M. Paul Hamelle, TIrlande enchaînée dans la Revue poli-
tique et parlementaire, du 10 mars 1920 ; et deux brochures de
M. Xavier Moisant, Pour comprendre F Irlande, Vejjbrt anglais (Paris,
G. Beauchesne, 1920) et V Ame de l'Irlande (Jbid., 1921).
Le même M. Moisant vient de traduire en français le premier
rapport de la Commission d'enquête américaine sur la situation de
l'Irlande (Paris, Société d'édition et de propagande « la Démocra-
tie », 34 boul. Raspail ; 200 p., in-lé, 4 fr.). Ce premier rapport
s'arrête au mois de mars 1921. L'enquête avait pour objet d'appré-
cier, non pas le bien fondé des revendications irlandaises, mais la
valeur morale des procédés employés par les deux parties adverses.
En fait, par suite de l'abstention des autorités anglaises et des
partisans de l'Union, le rapport fait surtout entendre des voix
hostiles à l'Angleterre. C'est un réquisitoire des Sinn-feiners
contre le régime de terreur auquel l'Irlande a été soumise. Il est
accablant. On y voit à quels abominables excès peut se porter la
soldatesque, lorsqu'une malheureuse population civile est livrée à
sa merci. Cela est aussi poignant que les enquêtes faites après
l'armistice dans les régions de France et de Belgique qui avaient
eu le malheur de subir l'occupation ennemie. On doit reconnaître
cependant que les forces de la Couronne en Irlande — au nombre
de 78.000 hommes — , bien que composées principalement, dit le
rapport, d'éléments d'une moralité douteuse, sont restées loin de
la cruauté des armées allemandes.
Le rapport n'a pas que le triste intérêt d'offrir une collection
Chronique. 109
d'atrocités. Il renseigne sur la situation intérieure de l'île au
cours de l'année 1920, sur le plan de résistance des Sinn Feiners
et sur leur organisation civile et militaire, sur l'attitude intransi-
geante des Ulstériens et sur la faillite de la politique du terrorisme.
Les événements des mois suivants devaient justifier les prévisions
que l'on tire de la lecture de ce rapport ; il sera pour les historiens
de l'avenir un document des plus précieux.
XI
On annonce que The Celtic Review va reprendre sa publication.
Fondée en 1904, elle avait été interrompue en 19 16, au fascicule
40, qui terminait le Xe volume (v. Rev . Celt., t. XXXVII, p.
283). Pendant cette première période de son existence elle avait
joué un rôle utile, groupant autour de son « editor », feu Donald
Mackinnon, les principaux celtistes d'Ecosse, les professeurs
Watson (et Mrs. Watson, née Carmichael), Henderson, John
Fraser, Calder, etc. C'était eu Ecosse le seul périodique consacré
aux études celtiques ; la littérature voisinait avec la philologie, la
poésie avec la science . Tout en faisant une place prépondérante
aux questions qui touchent à l'Ecosse, elle s'ouvrait volontiers aux
travaux relatifs à l'Irlande et aux pays de langue brittonique :
parmi les noms de ses collaborateurs on relève ceux de Whitley
Stokes, de sir Edward Anwyl, de Misses Eleanor Hull et Maud
Joynt, de MM. Douglas Hyde, Glyn Davies, Wade Evans, W. J.
Gruffydd, Louis Gougaud, Henry Jenner, Julius Pokorny, etc.
Elle était éditée jusqu'ici parla maison Constable, 11 Thistle
Street, Edimbourg, et soutenue par la générosité du chef de cette
maison, M. W. B. Blaikie (v. The Celtic Review, t. IX, p. 71).
Elle passe désormais entre les mains de l'éditeur Eneas Mackay,
de Stirling (43, Murray Place), et paraîtra trois fois par an. Le
prix de l'abonnement est fixé à 21 shillings.
XII
La même librairie Eneas Mackay va prochainement publier un
ouvrage posthume du regretté Alex. Macbain, accompagné d'une
préface du professeur William J. Watson, Place Naines, Highlands
and Islands of Scotland, 300 p. 8°, 21 sh.
lio Chronique.
XIII
Livres nouveaux dont il sera rendu compte ultérieurement :
Shân O'Cuiv, The Soumis of Irish. Dublin, Browne and Nolan,
1921, 79 p. 16°. _
R. Thurneysen, Die irische Helden- und Komgsagc bis %um sieb-
lehnten Jahrhundert. Teil I und IL Halle, Max Niemeyer. 1921.
708 pages 8°. 50 M.
Y. M. Goblet (Louis Treguiz), V Irlande dans la crise universelle
(1914-1920), 2e édition. Paris, Alcan 1921. 462 p. 8° 20 fr.
R. A. Stewart Macalister, The Latin and Irish Lires of Ciarau
(Society for Promoting Christian Knowledge). London and New
York. 1921. 190 p. 8° 10 sh.
J. Vexdryes.
BULLETIN DES PUBLICATIONS
ARCHÉOLOGIQUES .
Quelles étranges rêveries 1'Anthropologie(XXX, p. 233) vient-
elle de donner à M. Louis Siret, qui est pourtantun excellent archéo-
logue, l'occasion de publier ! La Dame de l'Erable, M. Siret pense
qu'elle a été adorée, elle ou quelque sœur, en Occident comme
en Egypte. Les symboles de son culte sont les statues-menhirs,
les figures sculptées sur les dolmens, les plaquettes de schiste
gravées de la péninsule ibérique. Ces diverses figures sont des ima-
ges symboliques des arbres, ou des copies plus réalistes des cica-
trices laissées sur les arbres par la chute des feuilles et des petites
branches. Ces symboles suggèrent un culte de la Vie, de l'Unité
de la Vie. Les druides ont été les prophètes d'un pareil culte. Ils
le tiennent de l'Orient et ils donnent la main aux Etrusques. Tout
cela est fort intéressant, j'admets même que ce soit plausible. Mais
la preuve? Déduction, dira-t-on. Mais que la déduction soit cor-
recte et logique ! Il y a tant de travail à faire qu'il est fâcheux de
voir une grave revue consacrer près de cent pages à des travaux
aussi vides de substance.
Notre ami, M. J. Vendryes, a été amené, A propos du mot
7.2(077;;, dans le volume du Cinquantenaire de V 'Association des Études
grecques, Revue des études grecques, t. XXXII, p. 495, à parler
de la parenté des Celtes et des Ligures. Le mot jtpoxjaôç, cruche, a
été emprunté au sicule ; or sicule et ligure ne font sans doute à
peu près qu'un. Ce mot ligure est un mot du vocabulaire occiden-
tal, représenté en celtique par l'irlandais croccan\ gl. olla, et le gallois
crochan, pot (thème *krouk, tumulus: irlandais cruaçh] gallois crûg).
Les représentants germaniques et slaves de la famille doivent venir,
tu bulletin des publications archéologiques.
pense M. Vendryes, en dernière analyse, du celtique. Il semble
que le ligure ait eu avec le celtique beaucoup de vocabulaire com-
mun. Les Ligures sont les avant-coureurs des Italo-Celtes dans
l'Europe occidentale. Etaient-ils des Italo-Celtes, c'est une autre
affaire et je n'aime pas beaucoup le nom de Préceltes que M. Ven-
dryes croit pouvoir leur donner. Je ne dirai pas en tous cas qu'ils
sont « peu différents de ceux qui vinrent après eux ». Dans la
mesure où l'archéologie préhistorique peut représenter des civilisa-
tions et faire conjecturer des parentés de civilisations, elle ne con-
duit pas dans cette direction.
M. Victor Chapot, dans le même volume (Ibid., p. 66 sqq.,
Albion remotd) donne une idée de l'incertitude des anciens sur la
configuration des pays celtiques ; il écrit à ce propos d'intéres-
santes pages sur Pytheas et la méthode qu'il a suivie pour calculer
ies dimensions de la Bretagne.
Dans le Boletin de la real academia de la historia de juin
1921 (t. LXXYIII, p. 515), M. George Bonsor commence un
travail sur Tartessos, qui promet d'être important. C'est d'abord
une description du littoral, et il fait appel à YOra maritima
d'Avienus. Il reprend à ce propos une thèse déjà soutenue en 1919
par M. A. Blazquez. Le Carthaginois Himilcon dont Avienus re-
produit en partie le périple, n'aurait pas dépassé le cap St-Vincent.
C'est là qu'il faudrait placer YOestrymnis. Il s'ensuit, d'une part, que
le pays des Ligures, dévasté par les Celtes, doit être le Portugal ;
d'autre part que l'Ile Sacrée où habitent les Hiberniens et l'île des
Albions ne doivent pas être assimilées à l'Irlande et à la Bretagne.
Faut-il reconnaître les iles Oestrymniques, et parmi elles ces deux
îles, dans la chaîne de petites îles, dont l'une porte le cap Santa
Maria qui s'allongent le long de la côte, à l'ouest de l'embouchure
de la Guadiana ?J'y vois, pour ma part, quelques difficultés. Sans
doute Pytheas a appelé la Grande-Bretagne B-elanin. Mais est-ce
à-dire que les noms d'Erin et d'Albion aient été donnés aux Iles-
Britanniques par suite d'une erreur littéraire d'interprétation sur
le texte d'un auteur peu lu ? Ces noms me paraissent anciens et
leur groupement est significatif. Il est inutile d'aller le chercher
ailleurs que là où elles sont. Il faudrait aussi vieillir la grande inva-
sion celtique dans la péninsule ibérique.
Bulletin des publications archéologiques. ir,
M. J. Loth a montré dans le volume XXXVIII de la Revue Cel-
tique, p. 259 et suiv., quel intérêt les celtistes pouvaient porter
à la question des apports nouveaux de population reçus par les
Iles Britanniques à l'âge du bronze. M. A. Keith a traité la ques-
tion eu anthropologue dans sa Presidential address de 191 5 à l'Ins-
titut anthropologique de Londres. Il y a parlé des Bronze ageinvaders
ofBritain (Journal of the royal anthropological Institute, 191 5,
p. 12 sqq). Ces envahisseurs, c'est le beaker-people, le peuple des
gobelets, qui enterrait des morts sous des tumulus ronds, en posi-
tion repliée, avec des gobelets caractéristiques, cintrés et décorés
en zones de gravures gémétriques, et quelques autres objets qui
constituent un outillage particulier et singulièrement constant. Les
squelettes trouvés dans ces tombes sont, en très forte proportion,
d'un type nouveau en Grande-Bretagne. Ce sont des brachycé-
phales de grande taille, aux traits nettement marqués. Ces brachy-
céphales, leurs restes et leur mobilier funéraire ont été trouvés,
par petits groupes, dans la vallée du Rhin et jusqu'en Bohême.
Leur type se rencontre dans les tombes néolithiques du Danemark ;
il subsiste en Suède et en Norvège. M. Keith le suppose originaire
des pentes septentrionales du massif montagneux européen. En
Angleterre, ils auraient formé deux grands établissements autour
de leurs principaux débarcadères, dans le Yorkshire et sur les rives
du Firth of Forth ; mais ils se sont répandus dans tous les comtés
de l'Est et du Sud depuis le Caithness, jusqu'au Dorset. Ils y sub-
sistent. C'étaient évidemment des navigateurs et ils ont atteint
les Orkney, les Hébrides et l'Irlande. Ils paraissent s'être présentés
en conquérants, en dominateurs. Ils formaient et ils ont laissé une
aristocratie.
MM. H. J. Fleure et T. C. James traitent de ces mêmes envahis-
seurs et de bien d'autres choses dans un travail d'anthropologie,
limité sans doute au pays de Galles, mais qui jette une vive lu-
mière sur l'anthropologie de toute l'Angleterre (Geographical distri-
bution of anthropological types in IVales, Ibid., 1916, pp. 95-153).
C'est d'ailleurs un modèle de travail anthropologique, où le calcul
des index n'est qu'un des éléments de la définition des types et où
la réduction des données numériques en tables n'a pas pour objet
la constitution de moyennes trompeuses. En outre les auteurs s'ap-
pliquent à expliquer la répartition des types par l'histoire du peu-
plement et celle-ci remonte jusqu'à la préhistoire. Ils sont servis
dans cette reconstitution par une représentation très vive du milieu
et des conditions de la vie humaine, qui ôte toute apparence de
sécheresse au commentaire de leurs cartes et de leurs tableaux. —
Revue Celtique, XXXIX. 8
ii4 Bulletin des publications archéologiques.
Ils ne distinguent pas moins de cinq types qu'ils appellent méditer-
ranéens ; il s'agit de dolichocéphales bruns, de taille médiocre ;
trois de ces types remontent jusqu'aux ancêtres paléolithiques de
l'Europe occidentale ; fait à noter, ils habitent les hauteurs stériles,
où ils semblent s'être réfugiés. Une bonne partie de ces dolichocé-
phales méditerranéens sont arrivés sans doute au cours des temps
néolithiques avec les divers courants de civilisation qui se sont
produits alors. Les brachycéphales de type alpin sont très faible-
ment représentés et seulement dans les vallées de l'Ouest ouvrant
sur l'Angleterre. Un autre type de brachycéphales, très brun,
fortement bâti, à face large et aux mâchoires carrées est répandu
dans la région côtière, en particuliers chez les pêcheurs et les
agriculteurs. Comme la répartition de ce type correspond à celle
des monuments mégalithiques, nos auteurs le cherchent et le
trouvent le long des côtes de la Méditerranée. Ils rattachent aux
types septentrionaux le petit groupe de brachycéphales blonds can-
tonnés dans certaines vallées du Merionethshire; ce seraient des
représentants du beaker-people ; ces envahisseurs ne sont évidem-
ment pas arrivés en forces sur la côte Ouest de la Grande Bretagne,
mais ils ont traversé l'île en voyageurs et en commerçants, par
petits groupes qui ont laissé des descendants. Les dolichocéphales
septentrionaux sont probablement arrivés dans le pays de Galles
avec l'invasion britonnique, c'est-à-dire assez tard, et leur nombre
s'est accru plus tard encore, des envahisseurs Scandinaves qui se
sont fixés sur ces côtes. Leur répartition sur la carte les montre
largement répandus dans la vallée de la Severn et contournant les
ilôts de population néolithique. Il est fort possible que le bri-
tonnique n'ait pas été parlé dans le pays de Galles bien longtemps
avant la conquête romaine et qu'il y ait supplanté une autre langue
celtique de la famille goidélique. MM. Fleure et James ne nous
disent pas par qui cette langue aurait été importée.
M. J. H. Fleure et Miss L. Winstanley associent l'anthropologie
a l'histoire (Anthropology and our older historiés : I, A Reviens 0} some
archaeological and anthropologicaï évidences ; II, A Sketch of références to
early movements of peoples in the older historiés. Ibid . , 19 18, p. 155-
199). On distingue dans la population actuelle des Iles Britanniques
un type de brachycéphales bruns de grande taillé. Ce type ne
lui est pas spécial. Il se trouve répandu de l'Est à l'Ouest le long
des côtes de la Méditerranée et de l'Atlantique, à Athènes et à Alex-
andrie, à Tunis et à Salerne, en Espagne et à l'embouchure de la
Loire. Les crânes anciens de ce type ont la même distribution.
C'est précisément celle des monuments mégalithiques. Avec la
Bulletin îles publications archéologiques. 1 1 3
civilisation qu'ils caractérisent a voyagé un type de brachycéphales
méditerranéens.
Le 2e article parcourt les auteurs anciens, puis Nennius, Geof-
froy de Monmouth et le Lehar na Gahaia pour y relever, histoire
ou légende, toutes les inentions des peuples venus d'outremer
dans les Iles Britanniques, c'est-à-dire venus d'Espagne ou d'Orient.
Travail utile, certes. Mais l'auteur n'est-il pas tenté de suivre le
mauvais exemple de ses textes ? Comparer les Brigantes aux Bri-
ges de Phrygie, c'est beaucoup trop ajouter à Hérodote, qui était
un auteur sérieux.
M. H. T. Knox publie dans Thk journal or the royal society
of axtiquaries of irelaxd, 1914, p. i sqq., une description des
ruines de Cruachan Ai. Elles constituent un ensemble curieux
d'enceintes de diverses formes, en terre et en pierre qui se grou-
pent autour d'un monument principal, Rathcroghan ; des plans
de détail nous font apercevoir des traces de constructions acces-
soires, d'avenues et de routes antiques rejoignant les forts et
passant entre les murs.
Le même auteur traite de ces accès dans le 2L' fascicule de 19 18,
p. [36, Cruachan Ai Ronds and Avenues. 11 pense que ces avenues
servaient aux mouvements du bétail emmené le matin au pâturage
et ramené le soir. 11 part pour une démonstration, mais il s'arrête
à la description des groupes d'enceintes de Creeve et de Knock-
famaght. Il prétend qu'ils sont funéraires. Fort bien ! La discus-
sion est facile à trancher.
Dans le Ier fascicule de 19 14, M. Goddard H. Orpen nous
donne des notes sur l'histoire de l'Ulster (The earldom of Ulster ;
111, Inquisitions touching Doiun and Ncwtoiunards), p. 51 sqq.
M. Th. Johnson Westropp y continue son étude sur les forts
préhistoriques (The promontory forts and en ri y remains of the coast of
county Mayo ; III, The Mullet), p. 67 sqq ; à noter, p. 79, la
comparaison qu'il fait entre le fort de Dunadell et les dun inacces-
sibles des amazones Scathach et Aile où le Tochmarc Etnire conduit
Cuchulainn ; p. 82, des cistes funéraires contenues dans les murs
attesteraient des sacrifices humains à la fondation (cf. Bulletin de
la Société préhistorique française, vol. X, p. 700).
Il a complété son étude topographique sur le comté de Mayo
(Ibid., 19 14, p. 148) par une analyse de la Tâin Ro Flidhais, ou
plutôt d'une version de cette épopée, publiée dans la Celtic Review,
1 1 6 Bnl If lin îles publications archéologiques.
t. I, II, III et IV, par M. Mackinnon, singulièrement plus dévelop-
pée que la version classique des Jrische Texte, II, 2, pp. 206-223.
Flidhais, femme de Ailill Finn, roi des Gamanraighe, possède une
vache sans cornes, qui donne par jour du lait pour trois cents
hommes. D'autre part, Fergus Mac Roigh après l'assassinat par
trahison des fils d'Usnech est venu s'établir à la cour de Medb et
d'Ailill. Il trompe Ailill, qui se contente de lui remplacer par
surprise son épée par un sabre de bois. Bricne, la mauvaise
langue, se met en tète de dresser l'un contre l'autre Fergus
et Ailill Finn. Il part. M. Westropp le suit de place en place. Il
voit Flidhais, dont il excite la curiosité, et Ailill Finn. A peine re-
venu il entraîne Fergus. Nouvelle description et identification
d'itinéraire. Fergus, trahi par son sabre de bois, est t'ait prisonnier.
Medb se met en route pour le venger. Troisième itinéraire. Les
incidents de la route se mirent dans les noms de lieux. Ailill con-
voque ses alliés et le poème ne fait grâce d'aucun. Il est enfin
battu et tué. Flidhais et sa vache sont enlevées. Mais la retraite ne
tarde pas à se changer en déroute et les étapes de la déroute sont
également marquées une à une. C'est donc un texte d'une impor-
tance particulière pour M. Westropp, qui s'applique à établir la
concordance de la toponymie ancienne et de la toponymie moderne,
de la légende et de l'archéologie.
Dans le dernier fascicule de l'année 19 14, M. Westropp passe
de ia grande terre aux petites îles (The promontory forts and early
remains of the îslands of Connacht, p. 297). Il observe que, du
Mullet au comté de Gare, les forts côtiersv sont confinés, la côte
opposée étant basse et sableuse. Ces îles ont été fort mal explorées
par les archéologues. La liste de M. Westropp est presque entière-
ment nouvelle.
Notre auteur donne dans les deux fascicules suivants la 12*"
partie de ses Vrehistoric remains {Forts ami dolmens) in Burren ami ils
south-western border, co. Clare (Ibid. 1 9 1 5 , p. 45 sqq., p. 249 sqq.).
En 1916 (Ibid. p. 97 sqq.), il continue par l'inventaire de deux
districts négligés, ceux de Inagh et de Killeimer; les légendes lo-
cales v conservent le souvenir de Grainne et de Finn. En 1 9 17,
il termine son étude du comté de Clare par deux séries d'addenda
f Ibid, p. 1. Notes on the primitive remains, forts and dolmens, in central
eo. Clare, et p. 67, Prehistoric remains in north-western and central
Clare). Mais nous devons encore attendre l'essai de classification,
le rudiment d'étude générale indispensable pour tirer une leçon
d'histoire de ces énumérations de monuments de tout âge et dont
presque aucun n'a été fouillé.
Bulletin des publications archéologiques. r 1 7
En 1918, M. Westropp transporte ses lecteurs habituels dans le
comté de Wexford. Il y décrit Fivc large earthworks in the baronx
of Shelburne, co. Wexford (Ibid . , 1918, p. 1 sqq.). Le plus impor-
tant est celui de Kilmokea, à propos duquel se pose la question des
« temple mounds <>, des sidh, associés aux grands forts, soit à
Emain Mâcha, soit à Tara, soit à Ailech.
Deux mémoires publiés par M. Westropp dans les Proceedings
of the royal IRISH academy, mettent en bonne lumière les idées
qui le guident dans son relevé des anciens forts, des emplace-
ments de sépultures et autres monuments du passé de l'Irlande
(1917-18, vol. XXXIV, p. 17 sqq : Theancient sanctuaries of Knoc-
kainey andClogher, co. Limerick, and their goddesses ; p. 127 sqq ; The
earthworks, traditions, ami the Godsof south-eastern co. Limerick,
especiallx front Knocklong lo Temair Eranri). Passé indéterminé ;
origines inconnues ! M. Westropp s'applique à limiter cet inconnu
en essayant d'identifier les monuments avec ceux, de même nature,
qui sont mentionnés dans l'ancienne littérature irlandaise. Aussi
bien cette littérature est-elle tout particulièrement topographique.
Non seulement, elle se préoccupe des lieux, non seulement elle
situe ses épisodes avec minutie, mais elle sait décrire et taire recon-
naître sa mise en scène. Cette détermination du milieu de la légende
historique, de l'épopée et de la mythologie a comportantes consé-
quences. Pour ce qui est de l'histoire, par exemple celle de Eogan-
nacht de Cashel, dont il est question à plusieurs reprises, est plus
intelligible quand on la situe, comme fait M. Westropp, sur le
terrain. Mais c'est de religion qu'il s'agit surtout. M. Wes
tropp localise les dieux. Cette localisation amène à les classer, à
les classer ethnographiquement, suivant les tribus auxquelles ils
étaient liés et les peuples divers qui se sont superposés en
Irlande. Parmi les dieux du Munster, il y a des dieux qui se
retrouvent en Gaule ou en pays britonnique : Lug, Nuada,
Segomo, etc. ; d'autres sont particulièrement irlandais: Oengus,
Bodb Berg. Parmi ceux-là, il y en a qui comptent parmi les
Tuatha De Danann, c'est le cas d'Aine ou Anu ; mais d'autres ne
sont rangés dans aucune famille et ceux-là sont tout particulière-
ment des dieux locaux, à telles enseignes que leurs noms sont des
noms de lieux : Cliu, Câin, Cuil, Sinann. M. Westropp pense
que ce sont les plus anciens dieux de l'Irlande, ses dieux précel-
tiques.
ii (S Bulletin des publications archéologiques.
Il reconnaît le sanctuaire principal d'Aine à Knockainev sur
l'une des petites chaînes qui limitent au S. E. le comte de Lime-
rick. L'histoire d'Aine raconte comment sa famille et elles en ont
dépossédé un groupe de tribus Fir-Bolg. Elle y est par droit de
conquête.
Dans le groupe des monuments de Clogherbeg et de Rahcenamad-
dra, il reconnaît l'Oenach Clochair ou Oenach Culi, qui était le
cimetière de Dergthene et leur lieu d'assemblée. La place était restée
sous l'invocation d'un déesse locale, bien qu'ils tussent des con-
quérants.
Les sanctuaires des dieux irlandais étaient précisément semblable
à ces monuments que M. Westropp décrit avec une inlassable
patience, tumulus associés à des enceintes, forteresses fondées
par les dieux, palais souterrains, ou tombeaux quand les dieux
furent héroïsés.
Dans un important mémoire publié la même année par le Jour-
nal OFTHE ROYAL SOCIETY OF AXTIQUARIES OF IRELAKD, p. I I I sqq,
Temair Etann, an ancieut cimetery of the Eniai ou Slievereagh,
co. Liincrick, M\ Westropp fait effort pour rattacher un important
groupe de tombeaux situés sur les pentes du Slievereagh, à une
tribu déterminée, celle des Erriai du Munster. Le poème relatif
à Cend Febrat dans le Dindsenchas (Metrical Dindsenchas...,
pp. 226-233) énumère une série de tombeaux, qu'il essaie, non
sans succès, d'identifier. On regrette toujours que cet intéressant
travail historique ne soit pas suivi de quelque bonne fouille.
Le mémoire suivant traite des lieux d'assemblée des comtés de
Limcrick et de Clare {The ancieut placer of assembîy in the counties
Limerick and Clare, Ibid., 1 9 1 9 , p. 1 sqq) qu'il compare aux
autres places d'assemblée, Tara, Tailltiu, Rathcroghan, etc. Elles
comportent toutes un certain nombre de monuments, enceintes ou
tumulus, qui sont des lieux saints et des résidences divines.
En 191 9 et 1920, M. Westropp a publié encore dans le même
journal deux articles (Ibid., 1919, p. 167, Notes ou ieveràl forts in
Dunkellui and nther parts of souihertï co. Gahvay ; 1920, p. 140, The
promoutorx forts and traditions of the districts of Beare and Bautry)
qui sont près de terminer son exploration topographique de la
moitié Sud-Ouest des côtes irlandaises, entre Wexlord et Sligo.
'Le deuxième s'étend longuement sur l'histoire religieuse et légen-
daire de l'extension en Munster des tribus milésiennes.
Bulletin des publications archéologiques. 119
M. J. P. Condon a donné, dans le Ier fascicule de l'année 191e,
un catalogue des monuments mégalithiques de la partie nord du
comté de Cork (Ibid., 19 16, p. 55, Rude stoue monuments of the
nortberri portion of Cork county; id. p. 196; 19 17, p. 15}; 1918
p. 121.) Beaucoup sont signalés pour la première fois.
M. H. T. Knox décrit le Rath Brenaiuu (Ibid., 1915, p. 289) à
2 milles à l'ouest de Roscommon. 11 est formé de deux enceintes
circulaires accolées en forme de 8 et flanquées d'un rempart laté-
ral. Saint Patrick y vint avec Cailte ; ils s'assirent sur un tumulus
qui touche à l'enceinte du plus grand des deux cercles. La question
discutée est celle de l'association de la résidence et du tombeau
dans un certain nombre de monuments fameux. Mais que n'ouvre-
t-on quelque tranchée dans ces enceintes et ces tumulus qu'on
nous décrit.
M. H. C. Tierney décrit dans le 2' fascicule de 1918, p. 150,
The Giants graves ai Ballvreagb, remarkable prehistoric structure
in co. Fermanagh. « C'est une allée couverte » à deux chambres.
M. P. J. Lynch, en 1920, p. 97 sqq, publie un mémoire topo-
graphico-historique sur une partie du comté de Limerick, le baronie
de Coshlea (Topographical Notes ou the barony of Coshlea, co. Limèrù k,
including Lockelly, the Lake District, Cenn Abrat, Claire, Taeare
Luachra, etc.). Il est intéressant de comparer ses notes avec celles
de M. T. J. Westropp.
Bron\e Age Hislorx iu Ireland ! (Ibid., r 9 1 4 , p . 214). Miss Marga-
ret E. Dobbs y place le roi Tighearumas, inventeur de l'orfèvrerie
irlandaise et du culte de Crom Cruaidh. Les dates traditionnelles
oscillent pour ce roi fabuleux entre 1620 et 103(1 a\ . | .-C. Ces dates
tombent évidemmentdans l'âge du bronze de l'Europe occidentale.
Elles ont une apparence de vérité historique. L'archéologie irlan-
daise témoigne d'une richesse d'or considérable à l'âge du bronze.
Malgré l'autorité du regretté Cofl'ey, je crois qu'elle date de plus
loin que les dates les plus hautes assignées a Tighearumas. C'est le
cas en particulier des fameuses lunules d'or de l'Irlande. Elles
sont de la lre période de l'âge du bronze et doivent être vieillies de
près d'un millénaire. Miss Dobbs fait remarquer très justement que
les grandes découvertes d'or ont toujours été l'origine de mouve-
ments fort importants et elle appelle à juste titre l'attention sur le
fait que l'institution dû culte de Crom Cruaidh est attribuée au
grand prospecteur que fut Tighearnmas. La découverte de l'or dut
provoquer en Irlande un essor de civilisation.
Miss Margaret L. Dobbs continue ses études sui tes croisements
de l'histoire et de l'archéologie par un mémoire sur la généalogie
i2o Bulletin des publications archéologiques.
des Eoganacht de Cashel en Munster {The Pedigree of the Eoganachi
o/Cashel, Ibid., 1917. p. 37 ^qq-j- Cette généalogie, qui nous est
arrivée à sept exemplaires, contient des notes d'histoire de la civi-
lisation, dont Miss Dobbs s'applique à nous montrer qu'elles ne
sont pas sans intérêt, et elle présente avec un groupe d'inscriptions
oghamiques du comté de Waterford des rapports étroits qui pa-
raissent d'une grande importance. Elle remonte àEber, fils de Mile.
Voici dans l'ordre chronologique les innovations dues à sa descen-
dance :
i° L'invention du torques d'or, attribuée à Muncmon par
les Annales des Quatre Maîtres, et datant de 1 32cS av. J.-C.
2° L'invention du bracelet d'or attribuée à Aildergdoit, son
h 1 s . 11 faut noter que les deux inventeurs sont les descendants a la
septième génération de Nuadat Declam, c'est-à-dire sans doute
Nuadu Argatlam, contemporain du Tighearnmas de la tradition du
Leinster. Celle du Munster divise et développe.
3° Le fils et le petit-fils de Aildergdoit, Cetcumnech et Failbe
Ucorach inventent les Oghams et implantent l'usage de dresser des
menhirs. Chose singulière, on peut les recon naître, mais dans
l'ordre inverse, sur un ogham de Ballvvellan, Co. de Waterford :
('.muni maqi mucoi Valuvi.
4° Le fils de celui-ci, Roan Rigalach, invente les chars. D'après
le Coir Anmann, il semble s'agir de chars à quatre roues.
5° Art Imlech, six générations après lui, invente les fortifica-
tions.
6° Enfin Lugaid Luaighnc introduit en Irlande la fabrication des
lances et l'émaillerie. Ici, l'identification, archéologique est très
sûre : les lances de fer, l'emploi de l'émail caractérisent la civili-
sation de La Tène introduite vers 300 av. J.-C. en Irlande par des
colons britanniques.
L'ensemble, que complètent d'autres traits, ne manque pas de
. vraisemblance et porte le caractère d'une réelle tradition.
Va-t-il falloir vieillir les oghams et les rapprocher des plus
vieux menhirs ? Il semble que Miss Dobbs ne demande qu'à se
laisser tenter.
En tous cas, la répartition des inscriptions oghamiques, leur
abondance dans quelques districts du Munster, lui donnent à penser
qu'elles lurent une invention tribale, jalousement conservée.
Les inscriptions oghamiques du Munster, et particulièrement du
comté de Waterford, contiennent des noms comme Cutnni,Amadu,
Meta Segamonas, qui sont tout à fait rares et qui se retrouvent,
plus ou moins déguisés, dans la généalogie. Trois inscriptions
Bulletin des publications archéologiques. 121
oghamiques se trouvent à Ardmore, port du comté de Water-
ford et nomment Amadu, Neta Segamonas, Lugudeccas. C'est préci-
sément là qu'en d'autres temps aborda saint Declan, qui se rendait
de Galles en Irlande. C'était sans doute une des principales entrées
du pays, et c'est par là qu'arrivèrent les colons Gaulois, les ado-
rateurs du dieu Gaulois Segomo, qui formèrent un élément inté-
ressant de la population irlandaise et dont la part n'est pas encore
fixée.
Miss M. E. Dobbs s'est demandé ce que sont les Fir Domnann
(The Damnaind. Ibid., 1916, p. 168). Ce sont peut-être les Aoujxvôvtot
ou Aajfcvovioi de Ptolémée, les Dumnonii de la Cornouailles, mais
alors une tribu de Bretons égarée en Irlande. Il se peut aussi qu'il
s'agisse de prédécesseurs des Celtes, affublés d'un nom celtique et
subjugués par les Goidels. Miss M. E. Dobbs, pour résoudre le
problème, a résumé et numéroté les fragments épars de la tradi-
tion. Ils sont épars, mais cohérents. D'une part, les Domnaind sont
inséparables des Galieain et des Fir Bolg ; d'autre part, ils sont
principalement localisés dans le Leinster. De là ils ont voyagé à
travers l'Irlande ; mariages, expéditions y ont servi. Flidhais,
femme de Ailill Find, est du peuple de Domnaind, de même
Ferdiad et Cet, champions du Connaùght. Miss M. E. Dobbs ne
conclut pas.
M. Henry S. Crawford a retrouvé dans les Archives de l'Académie
de fort importants dessins représentant des objets d'os, couteaux,
peignes, aiguilles, trouvés en 1865 Par E. Conwell à Lough Crew,
et perdus depuis lors. Les poignées de ces couteaux d'os sont
gravées de dessins, tracés au compas, d'un style qui est, à mon
avis, indubitablement celtique. C'est l'art celtique du 11e et du ier
siècle avant J.-C. (Ibid., 1914, p. 162).
M. E. C.R. Armstrong a fait un minutieux travail sur la grande
trouvaille d'or faite à Ballykiltv, dans le comté de Gare, en 1854.
Un trésor considérable d'objets d'or fut trouvé par des terrassiers
dans une petite ciste recouverte par un cairn de pierres. L'immense
majorité des objets est perdue. Le Musée national de Dublin possède
les moulages de 150 pièces, exposées parle D1' Todd, en 1854, à
la Royal frish Academy. D'autre part ii s'est procuré 13 originaux.
Le British Muséum en a également 13 ou 14. Un petit nombre
d'objets, dont M.E.C.R. Armstrong a fait le relevé, se trouvent entre
les mains de quelques particuliers. La trouvaille se composait degor-
gerins en plaques d'or aux extrémités formées par des boutons
creusés en coupes, de torques, de bracelets, d'anneaux terminés
de la même façon, de quelques pièces dites fibules, avec des ter-
122 Bulletin des publications archéologiques.
minaisons plus volumineuses, de deux boucles d'oreilles et de
deux petits lingots. Deux gorgerins sont décorés très sommaire-
ment de quelques traits de gravure, en arêtes de poisson. Tous ces
objets sont de la même époque et c'est la dernière période de l'âge
du bronze, qui descend, comme chacun sait, assez bas dans les
lies Britanniques. Qu'était ce dépôt? Dépôt votif? Tribut ? Trésor?
M. Armstrong s'abstient de se prononcer. Il la compare au dépôt
allemand de Messingwerk, près d'Eberswald en Brandebourg et il
donne un dessin d'un fragment de vase d'or décoré, comme les vases
de ce dépôt, de zones de cercles concentriques, que possède le
National Muséum de Dublin et qui provient d'Irlande. Une même
mode décorative régnait au même temps en Irlande et sur le
continent {The Grtat Clare Find of 1854, Ibid., 1917, p. 21).
M. E. C. R. Armstrong a publié en 1920 un Catalogue of Irish
Goki ornatntnts in the Collection of the Royal lrish Academw Dublin,
Browne et Nolan, abondamment illustré, qui donne une idée de
la grande richesse en or de l'Irlande préhistorique. Deux cartes
indiquent la répartition dans l'Europe occidentale des lunules
d'or et des torques du type de Tara aux extrémités repliées. Le
catalogue est précédé d'une longue introduction qui contient, sous
forme de chapitres distincts, des études particulières sur chaque
série d'objets, lunules, gorgerins, torques, etc., et sur les grandes
trouvailles. On y retrouve l'étude sur la trouvaille du comté de
Clare. Il y en a une autre sur la trouvaille de Broighter, le torque
celtique de Clonmacnois. En ce qui concerne les lunules, M. Arm-
strong les considère comme des gorgerins dé même que Cofrey ; il
les compare aux larges colliers de javet, trouvés dans les tombeaux
britanniques du début de l'âge de bronze .
M. Reginald A. Smith a donné dans The Axtiquaries Journal,
1 92 1 , p. 131 sqq, un article sur les Irish Golà Crescents, où après en
avoir publié deux qui sont inédits il en fait à son tourla théorie. Ces
croissants d'or sont à rapprocher des croissants de terre cuite trou-
vés dans les palalhttes suisses et des autels à cornes du monde
égéen et de la Palestine. Cornes et croissants représentent la lune.
Culte lunaire par conséquent, qui va de pair généralement avec un
culte solaire. Ce culte lunaire et ses symboles seraient venus en
Bulletin des publications archéologiques. 123
Irlande de l'Espagne. Les druides ont pratiqué un pareil culte. La
cérémonie de la cueillette du gui (Pline, H.N., XVI, 249, 51) en
était un rite ; le gui, la faucille d'or, les cornes des taureaux sacri-
fiés, la période choisie étaient symboliques. M. Reginald A.Smith
signale comme symbole lunaire un curieux objet de bronze trouvé
dans un tumulus de la ire partie de l'âge du bronze à Wilsford,
Wielts. ; il comporte deux cornes torses et devait être rivé sur une
hampe de bois.
Le Ier numéro du même journal, 1921, p. 19 sqq, consacre un
article à Stonehenge (Lieut.-col. W. Hawley, Stonehenge : Intérim
report on the exploration). Les travaux de restauration, qui ont lieu en
ce moment, permettent une exploration archéologique très métho-
dique, que dirige le lieutenant-colonel Hawley. Il étudie d'abord la
façon dont les piliers étaient dressés et fixés. D'autre part il s'est
occupé avec beaucoup de soin d'une série de trous, signalés en 1666
sur le plan d'Aubrey, et qu'il appelle, en son honneur, les Aubrey
holes. Ces trous sont répartis à intervalles à peu près réguliers, à
l'intérieur du uallum. Ils paraissent avoir servi à planter les pierres
d'un troisième cercle ; les bords ont été écrasés par l'abattement
des pierres ; à l'intérieur le remplissage du fond paraît tassé par un
poids considérable. Mais les pierres ont dû être enlevées, car les
trous ont servi à enterrer des débris d'incinérations ; ces incinérations
sont malheureusement difficiles à dater. Le lieut.-col onelHawley
pense que le cercle des Aubrey holes était plus ancien que Stone-
henge. J'observe qu'il signale un peu partout de la poterie
romano-bretonne ; une monnaie de Claude le Gothique a été trou-
vée sous la pierre aux sacrifices. L'endroit paraît donc avoir été très
fréquenté encore sous l'empire romain.
H. Hubert.
Le Propriétaire-Gérant : Edouard CHAMPION.
MAÇON, PROTAT FRÈRES, IMPRIMEURS
PLACE-NAMES OF PICTLAND
(suite) l
II
Eclipsis.
25. Before proceeding further, it will be necessary to give
some account of eclipsis in Scottish Gaelic, more particu-
larly in the districts from which our place-names are largely
drawn.
The particles in -n (-/« before b, p, f, ni) regularly causing
eclipsis are (1) an, nan, of the article, (2) the relative an,
with the conjunctions gun, that, gus an, ach an, till, miin,
before, (3) na'n, if, (4) an, interrogative particle, (5) the
possessive pronoun an, their, (6) the préposition an, in,
(7) the préposition gun, without, éclipses only à and t.
26. The consonants subject to nasal infection after thèse
particles are the stops and the spirants/and s. The changes
they undergo are as follows :
ORIGINAL 2 ECLIPSED
(1) k, y, t, tf, p (written c, t, p) g, g', à, d(, b
(2) g, g', à, df, b (written g, d, b) g, g', à, d^, b
(3)7
(4) s (broad, written s) ^
/(palatal, written s) dj
1. Voir R. Celt., t. XXXVIII, p. 109.
2. The phonetic notation given in § 3 is inadéquate as regards the stops,
and it was intended to substitute the following in proof.
(1) k, k ,t tf,p (aspirâtes), initially in accented syllabes, coire, cinn,
tlachd, till, pàirt.
(2) k, k', t, tf, p, non-initially ; sgath, sgith, uisg, caileag, ait,
amadan, crùb. In most dialects thèse stops, when they are in accented
syllables and immediately follow the vowel, develop a spirant before them,
Revue Celtique, XXXIX. 9
ne Francis C. Diack.
Examples : i) Am bheil sibh cinnteach gu'n cômhlaich
mi e an comhnuidh aig coig uairean ? m vel' fi k'iN':tfay gm
gJ'.Liç mi a n go\ni ek' koik' unm, Are you sure that I shall al-
ways meet him at 5 6 clock ? Môran taing dô'n tàillear, mo:ran
taink àdn da:iL'ar, Many thanks to the tailor ! Mu '11 tig iad,
teannaidh mi ris, mvn djik' alf (faNi mi ris, Before they
corne, I will set about it. Chluich am pîobair port ùr, « Poil
air chùl nam preas », yLuiç m b'r.pdr porst u:r, poL- er yic.l
ndm brzs, the piper played a new tune, « Hole behind the
bushes » . 2) Is gann is urra dha an gnothach so a dheanamh,
ïs gUN îs 11R ya n gràsyfi ienu, He can scarcely manage this
affair. Dh'fhàg an duine sporran dubh, ya:k ij dun spoRan du,
The rnan left a black purse. Dean suidhe gus an dean mi so,
djen sui gusn djen mi fi, Sit down till I do this. Is tagh leam
bainne, ach cha tagh leam am bainne blàth so, ïs talutii baiN'
ay ya tahim m baiN' bLa: fi 3) Fuirich gus am faigh mi am
fàiune, furiç gus m voi mi m va:iN', wait till I get the ring. In
rapid speech the nasal is often dropped and only the eclipsed
consonantheard: Bha am fear bu shine dh'mbh,etc.,vavsr h hin
iu, The oldest of them was, etc. In some parts, for example in
Abernethy, Strathspey, / often becomes b, i. e. b not b, in
eclipsis ; cp. the very gênerai am beil ?, i. e. am b-feil ?, as well
disam bheil, i.e. am bh-feil} 4) s when followed by consonant
is in most parts unaffected, but always nasalised when before
vowels. Tha na saighdearan 'nan suidhe, ha tP saitfanj rtin
%ui, The soldiers are sitting. Seasadh an seachdamh duine,
fespk n djayku dun, Let the seventh man stop.
27. It will be seen from the foregoing that the eclipsis of
c, t, p, f, resembles Irish usage, while g, d, b, are treated
differently. The différence, however, in the two languages
h, ç, or /. Tlius mac, litir, ap are nnr/k, L'içtjïr, ayp, whereas mag, idir,
stob, arc mak, itjïr, stop. Where the spirant is absent, g, d, b,are iudistin-
guishable from c, t, p in this position ; e. g. aige, at him, ek' , aice, at lier, ïk '.
(l)g,g df,d,b, initially ; guth, gille, dorus, dia, bog. Henderson
remarks that the peculiarity of thèse sounds lies in this, that though the glot-
tis is in the position for voice during the stop, no air is driven in, but voice
begins the moment the stop is loosened (Zeitsch. f. celt. Pbil., IV, 507).
Thèse three classes are ail voiceless.
(4) g, g' ', d, d%, b, voiced, in eclipsis.
Place-Nantes of Pictîand. nj
does not arise at the eclipsing stage but lies further back.
In Irish, g, d, b, are voiced stops, in Scottish Gaelic voiceless,
g, d, b, and it is only in eclipsis that they become g, d, b,
and reach the stage at which the Irish sounds start. The
whole phenomenon of nasal infection as given above consists
in changing voiceless into the corresponding voiced sounds.
The only exception is that/ (5 palatal) becomes dj, not;,
the intrusion of d between n and / being an easy develop-
ment ; and it should be noted too that in actual pronuncia-
tion the / part of the sound is more prominent than the d.
28. Except in the north and north-west, the nasal in thèse
eclipsing proclitics is présent before the liquids / and r ; a
noteworthy feature, in contrast with old and new Irish.
Before m it is changed to m : 'nam measg, nain mtsk, among
the m.
Before palatal vowels -n is N' : an ith mi so, J-N'i mi p
Shah1 I eat this ? Cp. Quiggin, Dialect of Donegal, §253.
29. The area over which eclipsis in the form given above
is systematically présent is what may be called the east cen-
tral. It begins some miles north of Grantown-on-Spey, that
is at the furthest north point in the Spey valley where Gae-
lic is spoken ; the southern limit of this speech, in Perthshire,
I hâve not yet ascertained. Besides forming a unity in respect
of eclipsis this area is homogeneous in certain other important
features, which, however, do not concern us hère. There is
also évidence from the toponomy that this dialectical unity
extended in pre-English days east to the seaboard.
30. As regards eclipsis in the rest of Gaeldom, it is impos-
sible to give detailed particulars till the subject has received
some attention from students of Scottish Gaelic. The infec-
tion of s seems to be confined in present-day speech to the
east central parts, but, as in the case of / and r, it is only in
the north and north-west that the n of eclipsing particles is
not présent. In most parts/ is also unaffected. This, however,
is probably a late development, since. infected / is found
sporadically in many parts, and regularly, as we hâve seen,
in some.
The eclipsis of the tenues aspiratae, k, t, p, does not eve-
128 Francis C. Diack.
rywhere resuit in g, d, b precisely, but in compound sounds
which' begin voiced and end voieeless. In some ofthe north-
western islands the eclipsis of the g, d, b séries is said to
follow the Irish form (Celtic Review, V, 86).
31. Misled by the native grammarians, who almost ail
either rnake no référence to eclipsis or deny its existence,
Pedersen (V. G. I, 400) erroneously says that there are only
remnants of the phenomenon in Scotland. Macbain writes ',
« Eclipsis by n is practically unknown », a statement which
can only be set down as inexplicable in such a work. Simi-
larly W.F. Skene says, « Scotch Gaelic does not use that
phonetic change of the initial consonant called eclipsis 2 ».
Gillies, however, among some confused and incorrect remarks
on the subject, rightly says, « Eclipsis is an essential feature
of the spoken language in Scottish Gaelic as truly as in
Irish 3 » ; and C. M. Robertson calls attention to its « cons-
tant and regular » présence in Perthshire Gaelic4. The failure
of most Scottish grammarians and writers on Gaelic to reco-
gnise so marked a phonetic process in their own language is
doubtless due in part to the Scottish System of orthography,
which, unlike the Irish, does not show when a consonant is
or is not nasalised, and also perhaps to the fact that Scottish
eclipsis in not identical with Irish, and probably never was,
at least with in historical times. But this question need not
be entered into hère ; only it may be said that the whole
subject of eclipsis in the two languages will probably be
found to be of importance for the question of their histori-
cal relationship.
Neuter Gender in Place-Names.
32. Though Irish has long lost the neuter gender, Hogan
pointed out that it is often preserved in place-names 5, and
1. Etymological Dict., p. vi.
2. Celtic Scotland, II, 454.
3. Gaelic Grammar, pp. 17-20.
4. Trans. Gacl. Soc. of Inverness, vol. XXII.
5. Royal Ir. Acad., Todd lect., IV, 108-110.
Placé-Nantes of Pictland. 129
following him Joyce produced many examples in his Irish
Names of Places, vol. III, pp. 8-10, and passim. Similar
archaic survivais can be given from Scotland.
A — Nasal preserved or nasal influence remaining.
1) before vowels :
33. Poil n-each, Polneach, 1540 Poldinacht (N., Cawdor),
paul-N'ay, 'horse pool' ; each is nom. sing. For the nom. case
hère and in many of the succeeding examples, see § ^9
below. Poil n-eun (B., Kirkmichael), pol-N'z:n 'bird pool'.
Creag n-iolair, O.S. M. Creag na Eolaire, (P., Kirkmichael),
fcrek-N'ufar, 'eagle rock'. Names showing the gen. fem. of
the article, such as Sgôr na h-iolair, 'the eagle's rock', are
of course common, and evidently the map form, Creag na
Eolaire, is an attempted 'improvement' on the local pronun-
ciation. Cam n-eilirig, Carn Elrick (A., Braemar), karn-
N'ei'rïk. Carn occurs as neut. as well as masc. in the old
language, e.g. Cia carn ngel inso ' ? For eilirig see Macbain,
Dict. ; gen., with the article, is na h-eilirig and is common
in the place-names. Ritigh n-eilirig (I., Abernethy) ; ruigh,
sheiling, 'elrick sheiling'. Creag n-ôrdaidh, k'rek-nr.RH, (A.,
Crathie) Craignordie, 'hammer (shaped) hill', a derivative
in -aidh, for which see below, from àrd. Creag n-uathbhaidh ,
(B., Kirkmichael), 'dreadml rock' ; on the Aven, explained
locally as a place where cattle sometimes fell over and were
hurt or drowned. For uathbhaidh, see § 75 below. Aclf n-allt,
Achanalt (R., Contin), ayn-auL'.t, 'burn field'. Achadh is
masc. in O. Ir., but there are many cases of nasalisation
after it in the Scottish toponomy (see § 38), and neut. gen-
der must also hâve existed ; cp. the numerous instances in
Hogan's list of Irish neuter substantives which show varia-
tion of gender, sliab, âth, bir, carn, gnim, etc. Bail n-allt, Balnald
(P., Kirkmichael twice, Glen Fincastle ; R. ; and elsewhere),
bal'-naL'.t, b.-nauL:t, according to dialect, 'burn town'. In
1. Strachan, Stories from the Tain, p. 17.
1 30 Francis C. Diack.
Ireland also baile must hâve been neuter as well as masc,
as Joyce infers from the number of cases of eclipsis he finds
after it1. Tom n-allt, Tominald (P., Strath Tummel), 'burn
hillock' ; loin, 'hillock', rare in Irish nomenclature but extre-
mely common in Pictland. Druim n-allt, Driniinault (R.,
Kilmuir Easter) ; 'burn ridge1, druim neut. in O.I. also.
Cul n-allt, Culinaid, (R., Nigg), 1634 Culnald (Watson,
P.N. of Ross, p. 52) ; the first tenu being unstressed, the
original length of the vowel is doubtful and the word uncer-
tain, but the gender is clear. Cumbernald (Dumbartonshire),
1300 Cumbrenald (Johnston's P.N. of Scolland) is obsolète
in Gaelic, but can be restored as O.G. *Combar n-alld,
'burn mouth' ; combar is neut. in old Irish also. Cnoc n-brd
(I., Kiltarlity), which the O.S. M. changes to Cnoc an uird
under ideas of improved grammar ; 'hammer hill'. Cnoc was
masc. in older Irish, and probably in S. G. also, but other
instances of neuter gender occur ; Cnoc n-eireachd (R., Killear-
nan), 'assembly' or 'meeting hill'. Bad n-earb, (P., Glen
Taitnich) bat-Ner<i:p 2 ; bad, thicket, clump of bushes, 'roe
thicket'. Bail n-ianlaith (R., Tain); ianlaith is the northern
form of eunlaith, birds. This is not a case of baile as neuter,
1. Ir. Naines of Places, III, 68.
2. The writing of the svarabhakti vowel in ira :p as long requires expia-
nation. Certain consonantal groups beginning with a liquid and immedia-
tely following a short accented vowel develop a svar. vowel between the
liquid and the following consonant (which may be another liquid); e. g.
balg, dearbh, ainm, gorm, cainb arephonetically of two syllables, timchioll,
soirbheas, earball, Murchadh, onfhadh, of three. The quality of the deve-
loped vowel varies in différent districts ; often it is ?. A feature of north-
western Gaelic is that the svar. follows the quality of the primary vowel ;
see the article by C. M. Robertson in the CeUic Revieiu, III, 327 ff. It is
not, however, in the quality of the vowel that the interest of thèse words
lies, but in its length. In Gaelic in ail words of more than one syllable
(excluding some compounds where the second term is felt as a separate
word) the stress is on the first syllable, and vowels, of whatever quality,
in secondary syllables are short. But in this type of word this law of
vowel-length does not operate or radier is directly contravened. The svara-
bhakti is long, though still remaining unstressed. The length varies some-
what in différent words and especially according to the position of the
word in the rhythm of the sentence, but the vowel is always longer than
Place-Names of Pictland. 1 3 1
for the English is Pitnellie(s), showing that the former Gae-
lic was *Peit n-ianlaith, with the usual modem change ot
peit to baile. O.G. pet, portion, farm, thus was, or might
be, neuter.
2) before t :
34. a) in phrase compounds ' : Bail n-tom, Ballintomb,
1676 Ballintome (E., near Grantown, and B., Strathaven),
'hillock-town', tom being nom., and n the neut. nasal, not
the article . In the same neighbourhood are Bail '« tuim and
Cul '« tuim, where n is the gen. of the article and tuim gen.
of tom.
35. b) in proper compounds : Garntulaich 2, Grandtully
it would be if it were the ordinary vowel of an unstressed syllable. Com-
pare, for example, balg, bag, and sgalag, servant": the one is bala'-k or
bala:dk, the other skalak.
This view differs from Mr Robertson's in the article mentioned above ;
he regards the liquid that précèdes the svarabhakti as having a « sustained
or lengthened prononciation ». While reluctant to disagree withso weighty
an authority, I think it quite certain that it is the svar. vowel that lias the
" lengthened pronunciation " which he notes, and not the liquid ; there is
even a case where there is no liquid to carry length, as at Gairloch,
where palatal r is /. The long, but unstressed, vowel is heard particularly
well when the liquid is followed by a silent leuited consonant, e. g. onfhadh,
storm, ôno:jk, morbhaich, sea-flat, môiv.iç.
When the word containing this liquid svar. is in proclitic position, the
vowel loses its length and is indistinguishable from the vowel of an ordi-
nary unstressed syllable: balg, bâla'jk, but balg-séididh, bellows, bal oh-
fe :tfi.
To a non-native ear, there is no fèature in Gaelic speech more striking
phonetically than this form of svarabhakti, nor more attractive, it may be
added as a personal opinion, to listen to. Its importance as a guide in
Gaelic phonetics and philology in gênerai can hardly be overstated.
1. Proper compounds, those in which the first élément bears the main
stress ; phrase compounds, those in which the second does and stands in
syntactical relation to the first.
2. Where the nasal is preserved the orthography of thèse words is
awkward. The Scottish rule, differently from Irish, is that in compounds
where the main stress is on the first syllable, no hyphen is used, an glastu-
lachan, the grey hillock ; where the stress is equal or on the second élé-
ment, a hyphen divides the members of the compound, or sometimes
132 Francis C. Diack.
(P., Aberfeldy) garydoliç ; locally Uilaicb is tolaich in compo-
sition. The first terni gar, neut., is doubtful in meaning, but
probably it is the stem gar from which gar an, thicket, cornes,
and of much the same meaning ; 'thicket hillock'. The Aber-
deenshire Gartly is the same word, as is évident from the
I4th and 1 5th century spellings, Grantuly, Garintuly,
Garnetoly, etc. Eas'ntulaîcb, Ashintully, also Ashindullie,
in an early spelling (P., Strath Ardle) ; esudiiliç and esn-
tuliç are both to be heard ; eas, waterfall, sometimes
ravine, occurs as neut. in Hogan, On. Goidelicum, and in his
list of neuters ; 'ravine hillock'. Neas'ntulaicb, Nessintullich,
(L, Badenoch) is most likely the same word as the preceding,
the initial n being the article, phonetically N'esnduliç. There
is an English spelling of 1645, Essintulich. I hâve heard
N'esijtiiliç, but less frequently. Arfntulaich, Arndilly (B.,
Strathspey) artnduliç ; art, stone, is given by Hogan as
neuter in Irish, with a query ; 'stone hillock'. English spel-
lings, as early as the 1 3th century, give Artendol, Artendul
for this place, which suggest that the présent Gaelic tulach
is corrupt and that the word is really dol, dut (see § 4). In
any case the first part is arl n-, stone, eclipsing.
36. Thèse are the first examples of a noteworthy class of
names, of which many other instances will presently be
given. They are proper compounds, as the first term bears
the stress, and their peculiarity lies in this that it is neuter
and éclipses the initial consonant of the second. The regular
rule in the language is that in compounds the second term
is lenited (except of course when homorganic consonants
corne together or th, db, folio w /, //, 5,), showing that ori-
ginally the ending of the first term was vocalic for neuters
as well as for other genders ; thus dobbar, water, from
*dubro-n, dobbarchu, otter, from *dubro-kuô. Neuter compounds
they are written separately. Though not always observed in older books,
this rule is conveuient for showing at once the position of the accent, and
is followed hère. To write Gar n-tulaich would imply that tulaich has the
stress ; on the other hand Garntulatch, Easntulaich are unsatisfactory, or
Garantulaich, Easantulaich. The expédient ofusing an apostrophe before the
nasal has been adopted. In the phonetic notation n means syllabic ».
Place-Names of Pictlaud. 1 3 3
like Garntidaich thus show quite a différent formation. The
Irish place-name Nôinântinim (Hogan, O.G.) may be com-
parée!, where the nasal after nôi, nine, is preserved, « nine
ridges » ; and see also § 48.
37. In thèse neuter compounds, the eclipsis is in many
cases either unstable or gone altog-ether in present-day Gaelic.
Its efîect remains, however, in preserving the second term
from lenition where it would otherwise be expected. Some-
times too, early English spellings show the nasalisation that
was still présent in the Gaelic of the time. A similar disap-
pearance of eclipsis is seen, for example in the possessive
pronouns ar, bhur, our, your, (eclipsing in Irish) ; thèse
show nasalisation before a vowel, ar n-iasg, our fish, but
before consonants it is lost, the consonants being unlenited.
The numerals seachd, ochd, naoi, deich, must once hâve caused
eclipsis, as still in Irish ; they are now followed by unlenited
consonants.
3) before d :
38. (a) in phrase compounds : Glac n-darach (R., Gair-
loch), gLaykn-daroy, darach nom., 'oak défile' or 'hollow'.
Also Achadh n-darach, Achan-darach (R., Loch Alsh), ayu-
daray, 'oak field'. Achadh is masc. now but in place names
variation of gender is found ; An t-achadh môr, masc. , An
achadh mhor, fem. Former neuters frequently occur both as
masc. and fem. in the modem language ; druim, inbhir,
muir, innis, etc. The English Auchendare (E., Edinkillie)
shows former neuter eclipsis ; the présent Gaelic is Achadh-
tàrr; tàrr, back or lower part. Loch n-doirb, Lochindorb
(E., Edinkillie) Loyn-dard-.p. The river which flows out of
the loch is Doirbeag, no article. The n hère is the neuter,
as thèse river and loch names do not take the article. For
Doirbeag, the stream, alongside of Doirb, the loch, cp. Brua-
chag flowing out of Loch Bruach (L, p. Moy). loin n-dath
(P., Kirkmichael) tomn-da, with clipped a ; tom, 'hillock',
hère 'hill', dath, colour ; cp. étach n-datha, Windisch, Ir.
Texte, I, SergligeConculaind, p. 219, clothing of colour. The
134 Francis C. Diack.
variegateJ colouring of this hill is prominent. Tom n-dùr
(P., Strath Ardle), tomn-du'.r, 'hard hillock'. Bail n-druim,
Balindruim, (R., Fearn), 'ridge town', druim, nom. (§ 49).
b) proper compound : Camdail, Campdale, (B., Stratha-
ven), kamdaï , with d eclipsed ; 'bent haugh' ; for dail as
neut., cp. § 42 (a). The final vowel a and not 9, as might be
expected, is due to -daï being felt as dail and significant.
4) before g :
39. (a) in phrase compounds : Carn («-) guaill, O.S. M.
Carn na gualainn (I., Duthil), lzarn-guaiL' ; guaill , for guailne,
gen. of guala, 'shoulder cairn' . Achadh (rî)-giad, Achagate
(I., Glen Affric) ayd-g'idt. Eclipsis after achadh, but it is
doubtful whether the original consonant in g'Î9t is c or g.
Carn (m) geàidh, (P., Glen Taitnich) karn-g'p:i, 'goose
cairn'. In thèse names the eclipsing nasal is not sounded.
b) in proper compounds : Feur gach, Fergach (A., p. Glen-
gairn), fz:r'ka% ; feur, grass, neut. also in Hogan ; eclipsis
no longer présent, but second term preserved from lenition
(§ 37)- Whether this term is gach or cach it is not possible
to say, owing to its position (§ 26, note). It occurs also
in An gach, Angach (E., nr. Grantown), a:nkay, where the
first term is probably àth n-, 'ford'. Cp. Liathghach, Lia-
thach (R., Applecross), heard in Gairloch as L'iayayr, 'grey
gacli . If this last is the word that is présent in Feur gach
and Art gach, then thèse are the correct spellings and not
cach \
1. As explainedin §26, note, c, t, p are not phonetically distinguishable
from g, d, b except in the stressed syllable. This often causes difficultv in
etymologising place-names. It will be found, however, from practice that
the English forms, if they are not merely récent, are a valuable guide in
determining the proper consonant historically, a fact that suggests that in
older Gaelic there was not the same phonetic ambiguity that there is to-
day. Certain équivalences are worth noting : présent Gaelic d from -;// is
usually found as t, and g from -ne as c, k, in early English. This can
hardly be accidentai. .
Place-Names of Pictland. 135
5) before p :
40. p examples are naturally scarce. The Gaelic for Api-
tauld (R., Kilmuir E.) is given by Watson, P.N. of Ross, as
Ath-pil-allt, 'the kiln of Pitallt'. I hâve not heard the name
and do not know whether the p of -pit-allt is eclipsed, but
the English pronunciation « Abijald » shows that it once was.
An teimbir, Tempar (P., Kinlochrannoch) m-djembïr, con-'
tains an interior p eclipsed or nasalised. The first part is
obscure ; the second is par, a word that enters into a consi-
dérable number of names in central and eastern Pictland.
For Brythonic parr, found by Loth in Brittany and Wales
and explained by him as 'enclosed place', 'parcelle de terre',
see his note in Mélanges H. D' Artois de Jub., p. 226. With
An teimbir compare The Shamphir (Kincardine, Strachan) ;
this probably represents *An Seanphar, 'the oid enclosure',
with English change of n to ni, as usual, before the labial,
the second term showing normal lenition. Teimbir is most
probably a neuter proper compound i. e. Teimpar. Ambail,
Ample (P., Loch Earn) ambïl' , looks like another, with eclip-
sed p, i. e. A'mpail.
6) before b :
41. a) in phrase compound : innis m-bobart, O.S. M.
Inshnabobart, but in English speech Inshbobart (A., Glen-
muick), iN'f-bopart ; innis, 'haugh', 'meadow', occurs as neut.
in other names ; bobart is obscure.
b) in proper compounds : Liathbinn, O.S. M. Liath
Bheinn (B., Strathaven) L'iapiN ; liath, grey, and binn,
peak ; binn occurs as neuter elsewhere and Joyce finds it
eclipsing in Ireland (TV. N. of PL, III., 139); liathbinn foi-
original liath m-binn. Another instance, showing an adj. in
the neuter before a neut. noun, is Carnnaruabraich, O.S. M.
Carn Ruadh Bhruaich (B., Allnack water) ritPpriç, ritadh, red,
and bruihach, brae, hillside, 'red brae', for original ruadh m-
bruthaich. For bruthach neut., see § 44 below ; in the modem
language it is both masc. and fem., a sign of former neuter
gender.
13e Francis C. Diack.
7) before / :
42. a) in phrase compounds : Dail-bhrbgaid , i.e. Dail (wi)-
bhfrbgaid, Dailabhrogat (B., Glenlochy) ; d.-vro-.hatf ; dail,
haugh, frogaid, derivative oifrbg, also rôg, fen, marsb (§ 13),
'marshy haugh'. Cp. Bail na frôig (L, Dores) and Ruigb na
ràig (L, Badenoch). Dail-bheart , i. e. Dail (iii)-bbfeart, Dal-
navert (I., Badenoch) d.-viaRst, less commonly -viarftf, i.
e. feairt ; feart, O.I. /ërf, grave; 'grave-haugh'. The Gaelic
form Dail na-bhfeart (Deà-gréine, Aug., 1 917) does not exist
and is merely the English Dalnavert. The n of the English
form, in 1338 Dalnafert with the eclipsis neglected, repré-
senta the edipsing nasal not.now heard in the Gaelic (§26)
Creag-bbiann,'\. e. Creag (m)-bbfiann, O.S. M. Creag Mheann
(B., Glen Aven), k'.-viaN; locally the black heath-berry is
fia/m, cp. Torr nam fiann (A., Braemar); for creag as neut.
cp. § 33. Dail-bboraisd, i. e. Dail-bhforaisd, O.S. M. Dail
Mhoraisd (P., Glen Tilt), dal'-vorftf ; foraisd, 'solid, firm
meadow', see Macbain, Dict., forasda, Ir. forasda, solid,
settled. For the opposite idea of treacherous, boggy ground,
cp. Dail-bbreugacbaidb (A., Braemar), from breug, falsehood.
Foraisd occurs again in the same sensé and with similar eclip-
sis after the neuter dùn, fort, in Dun (jii)-bbforaisd, Dunvo-
rist (P., Grandtully). Loch Bhàilligean, i. e. Loch (m)-bhfàilli-
gcan, Loch Valican (P., Glen Girnaig), L.-va:L'dkan. The rule
for loch, formerly neut., is that the name following is not
lenited, unless it is the name of a place transferred to the
loch. As there is no place Bàilligean hère, the word is Fàil-
ligean eclipsed, and is so understood locally ; the popular
etymology being from fàilgbe, 'ring', 'round thing'. This
is correct, the word being fàilgbe with the diminutive com-
pound suffix -gan (see below). It occurs also in Fàillidh (I.,
Strath Nairn), Artair -fàillidh (R.), Knock Failly, *Cnoc Fàil-
lidh (B., nr. Cullen) ; see § 66, note. Loch Valican is a small
round sheet of water.
b) in proper compound : Tuilbhinn (A., Braemar) applies
to a 'stripe' of water on the steep face of Morrone, which in
Place-Names of Pictïand. 137
wet weather becomes a white cataract. The word is felt as
a compound, the pronunciation being tul'viN', sonietimes
tul'dviN ; but not Hil'r.viN' which the combination tuilbh-
should give (§33, note). It is a proper compound of the
type noun + adj., e. g. caisfhionn, white-footed, cas +
fhionn, viz. tuil, flood, neut. in O. Ir., -\- fionn, in palatal
form ; 'white torrent'. Tuilbhinn thus represents tuil(m)-
bhfinn, with accent on first.
8) before /, (§ 28) :
43. in phrase compunds : Magh n-lochaidh, Magh-locbaidh,
Munlochy, (Cromarty) mdn-Liyi, ntf-Liyi, the first form
being heard on the south side of the Inverness firth in
a district where eclipsing n iskept before liquids. This, along
with the pronunciation elsewhere without the n, proves what
the n is and rules out such spellings as Mun-lochaidh. Magh
plain, neut. in O. I. also ; lochaidh, derivative either of loch,
lake, or, more probably of O. G. loch, black. The name of
the whole peninsula, the Black Isle, doubtless originates hère.
For loch, black, see § 66, note. There is also Poll-lochaidh,
at first the name of the whole sea-inlet but now extended to
the place, and the usual name for Munlochy. Bail n-lag, Bal-
linlagg (E., Cromdale), bal'n-Lak, 'hollow town'. Not far oft
is Bail an luig (twice), with the article and gen. of lag.
Meall n-hinndan, (A., Braemar) miaL n-LiiN:tan ; lunndan, a
green place, still dialectically in use as a common noun (C.
M. Roltertson), ' green lump '. Lurg n-loman, Lurgloman
(P., Loch Tay) Lurdkn-Loman ; lorg,lurg, track, path; loman,
from loin, bare, ' bare path '. The last two names are also
heard without the n, which instability in this and other cases
that could be given is not surprising with an archaic survi-
val like the neuter. Kttigh n-leàid, Raon Leoid (I., Aberne-
thy), rui n-L'j\tf; niigh, sheiling ; for Leàid, cp. Lude (P.,
Blair Athole), without the art. (§ 9, note).
9) before r, (§ 28) :
44. Bruthach n-roid, Broughanraid (P., Glen Shee), bruayji-
138 Francis C. Diàck.
roitf, ' bog myrtle brae ', a phrase compound. For bruthach
as neut. cp. § 4 i(b). Bail n-raid, Balnaroid (N., Cawdor)
Inil'n-raitJ, 'bog-myrtle town'. As roid is fem., gen.
with the article na roid, the n in both thèse names
must be the neuter. Dail n-rosaich (A., Glen Lui)
daïn-rosiç ; rosaich, from ros, ' point ' or ' wood ', is most
likely fem. (§ 55, below), and therefore n is not the article;
for dail as neut., cp. § 42 (a).
Proper compound : Dealg'nros, Dalcross (I., Strath Nairn),
djola:hiros\ dealg, thorn, O. I. delc, neut., ros, wood, ' thorn
wood \ Henderson, not understanding the word, speaks of
the stress on the first syllable as an " erroneous pronuncia-
tion " r, and similarly Macbain treats it as if it were Dealg
an ros, with stress on ros, and translates ' prickle of the pro-
montory ' 2. There are other two occurrences, one in Glen
Tilt, Perthshire, Dealgros, Dalginross, dfala:kns, and one
near Comrie, Dalginross, which I hâve not heard in Gaelic. It
will be noticed that in the Inverness name the English has
lost the original nasal while the Gaelic has kept it, in the
Glen Tilt example the reverse takes place. In Adamnan, Vita
Cohtmbae, there is Delcros, the locality of which is unfortu-
nately unknown. If it is in Scotland, the word is interesting
as showing the suppression of the neut. n of Pictish usage.
10) before m, (§ 28) :
45. Meall m-madadh (R., Kincardine), the pronunciation
indicated in Watson's P. N. of Ross, p. 15, being fiùaLm-
iiiatzk, ' fox ' or ' dog-lump ' ; cp. meall neut. in Mcal n-htnn-
dan above. Proper compound : Airgiodmeall, O. S. M. Air-
giod-meall (I., Rothiemurcus) ara:hdtmiaL, ' silver hill ' ;
locally airgiod is argod.
1 1) before s, (§ 30) :
46. Creag n-sian (P., Glen Fernate) k'rckij-djian ; sian,
storm. The map gives Creag an t-sithein, Craigof the slthean
1. Ztschf.f. ceît. Phih, IV. p. 207.
2. Trans. Invss. Gael. Soc, XXV, p. 68.
Place-Names of Pidland. 139
or fairy hill ; this may be right, for phonetically the sound
would be the same, and sitheàn is sometimes found applied
to big mountains like this. But the probability is Creag n-
sian, ' stormy hill '. Beinn n-sgiath, improvedon the O. S. M.
into Beinn na sgeith (I., Badenoch) beN'n-sk'ia ; sgiath,
e wing, shoulder, shield ', from something in its appearance,
which I hâve not learnt. For beinn as neut. cp. § 41 (b).
Bun n-sgaod, Bonskied (P., Strath Tummel), bunn-sk^t; bun,
bottom ; sgaod is obscure to me. Bun, masc. in old Irish,
occurs as neut. again in Buntait (I., G. Urquhart) Bun-tait,
with t eclipsed.
47. As stated before, s is regularly eclipsed only in the
eastern dialects. There seems to be évidence, however, in
the place-names that s- eclipsis may formerly hâve had a
wider extension. The following instances of eclipsis after old
neuters hâve been noted in districts where s is unaftected
after the ordinary eclipsing proclitics in the language to-day.
Achadh tseamrag, Achtemrack (I, Glen Urquhart) ayd-tfïmo:
rùk, ' shamrock field \. The earlier English spellings show
the former présence of the eclipsing nasal, Auchintemarag, etc.
For achadh as neut. see §§ 33,38. Dun-tseilcheag, Duntelchaig
(I., east of Loch Ness). Three forms are to be heard in the
surrounding districts, dun-tfel'i:çak, d-fel'r.çak, and, on
the authority of Dwelly's Dictionary, d-df. ; dùn, neut. in
O. I. also; ' snail fort ', whatever the allusion may be. An
t-innis tseilich, Inchtellich (L, Loch Ness), ' the willow
haugh '.
In the eastern dialects the infection of s after neuters results
in some cases at least, in place-names, in à (phonetic), not
^ (phonetic) as in regular eclipsis to-day. Corn tsabhal, Cairn-
toul (A., Braemar), karn-dnul, ' barn hill ' ; carn neut. in
§§ 33> 39- Carn tsùikag, Carn Dulack (B., Conglass water),
fc.-du:l'ak ' spring hill ', and so understood locally, from the
prominent sùileag or well on one of its faces. Tom tsabhal,
Tomintoul (B., and A., Braemar) tom-daul, ' barn hill ', tom
neut. as in §§ 33, 38 ; tomn-d. is sometimes heard, cp. the
Eng. Tom//ztoul. Carn n-tsaobhaidh, O. S. M. Carn na sao-
bhaidhe (L, head of Findhorn) fcii-dti:vi ; saobhaidh, den of
a wild beast, genitive with article na saobhaidh.
140 Francis C. Diack.
48. Interior eclipsis, or the remains of it, in compounds
whose first élément bears the stress, as exemplified in the
preceding pages, is thus a well-marked feature in the topo-
nomy. The same type of composition will be found in con-
nection with the -aidh suffix below. For Ireland, the word
nôindruimm has already been mentioned as a parallel (§ 36).
Additional instances from Joyce are as follows. Leath-gcoill »,
' half wood ' (III. 461), also a numerical combination. Mor-
meall, ' great hillock ', with m not mh (III. 512) ; cp. meall
neut. in § 45 above. The unlenited second ternis in Sean-caedh,
Sean-caoile, Cam-doire (III. 553, 160) must be due to neuter
gender, though eclipsis is not présent. In all-these the first
terni is either numerical or an adjective ; I hâve not noticed
an instance ofa noun, which is markedly différent from Pic-
tish practice.
49. Syntax of phrase compounds. Collecting some of the
names in §§ 33-46, we hâve Poil n-eun, Poil n-each, Bail n-
allt and others m-allt, Bail n-tom, Bail n-lag, Glac n-darach,
Cnoc n-ord, Meall m-madadh, Beinn u-sgialh, etc., in which
the second terni of the phrase is in the nominative, where
the genitive would nonnally be expected. This peculiarity,
however, is not connected with the neuter gender of the
first terni. It occurs with the other genders. In phrases consis-
ting of noun-|-noun, where the second is without the article,
the rule, in place-names and in the language generally, is
that the second is in the genitive case, usually lenited if the
first is fem. and unlenited if masc. ; breac-mara, sea trout,
clach-chriche, mardi stone. But along with thèse regular forms
there is another type, widespread in the topography at any
rate, in which the second terni is in the nom. Bad-call (R.)>
' hazel clump '. Achadh-tulach (L, Kiltarlity), ' hillock field '.
Ton buidheag (N. Cawdor), buidhcag, some yellow plant ;
similarly most nouns in -ag in phrase compounds are in the
nom. Cruachan beann, Ben Cruachan (Ar.), ' peak hill ',
1. The name Lentran, near Inverness, which unfortunately exists only
in English, probably involves kth n- as its first terni ; for the second,
-taran, see the section on Compounds later.
Place-Namcs of Pictland. 141
where beann may be the old nominative singular, or more
likely is the old nominative plural, as it is a hill of many
peaks, and not the genitive plural, as sometimes explained,
which would give Cruachan-bheann. An t-aUtan-seileach (A.,
Braemar), ' the willow streamlet '., whereas near it is Ruigh
an t-seilich (gen.), ' sheiling of the willow '. Loch Damh
(R., Applecross and elsewhere), ' stag loch '. An cirean-drum,
Kirrandrum (P., Strath Tummel) ' the ridge crest '. An
crà-clach, Crociach (A., Braemar), ' the stone fold '. An t-
àth darach (R., Applecross), ' the oak ford. ' Siiil-bà (R.,
Nigg), ' cows ' well ', bà plural. Similarly, the numerous
group of names made up of cill or eaglais, church, followed
by saint's name in the diminutive -an, or -ag, do not show
inflection. Mackinnon remarks on this \ pointing out that
though the books write -ain, the words really are in the
nominative, e. g. " Cill-Chatan, C.-Choman, C.-Charan-
Odhran, etc. " ; and so with those written -aig.
The explanation of the nominative that suggests itself is
that the second term in the phrase is felt as adjectival.
As regards the absence of genitives after neuters in thefore-
going examples of phrase compounds, it is due to the diffi-
culty, or impossibility of distinguishing them from genitives
with the article, whether the word begins with a vowel or a
consonant, seeing that an of the article also éclipses. Thus,
Tigh an uillt, ' the burn town ', where an is article, would be
identical phonetically with Tigh n-iiillt, where n is preserved
neuter, and so with such names as Bail an luig and Bail n-
luig, Acli an droma and Ad) n-droma, Dorus an t-silidh and
Dorus n-silidh(A., Glen Muick), ' dripping opening '. But the
nasal in Tigh an dalach (R., Urray) is neuter n, for the article
would be na dalach.
50. To exhibit together the various forms in which thèse
phrase compounds consisting of noun-f-noun are foundin the
place-names, possible combinations oîtotn, hillock, and darach,
oak, expressing the idea of ' oakhillock ' are as follows :
1. Cp. Celtic Revieiu, III, p. 90.
Revue Celtique, XXXIX. 10
1^1 Francis C. Diach.
I. With the article : i. Tom an daraich, gen. sing.
2. Tom nan darach, gen. plur.
3. An tom-daraich, gen. sing.
4. An tom-darach, nom. sing.
IL Without the article : 5. Tom daraich, gen. sing.
6. Tom dharach, gen. plur.
7. Tom darach, nom. sing.
8. Tom daraich, nom. plur.
9. Tomn-daraich, neut.,gen. sing.
10. Tom n-darach,neut., nom. sing.
With a fem. noun as the flrst term, the second in 3 and 5
would usually be found lenited, and 4, I think, is only a
masc. combination.
This is indeed a curious maze ; and yet every one of the
types is abundantly represented in the place-names, except
that 8 seems to be rare, though certain enough, cp. Sùil bà,
Cniachan bcami above. Probably also there are 11 and 12 to
add, if they could be disentangled and distinguished from 9 and
10, viz. Tom n-darach, neut., gen. plur. and Tom n-daraich,
neut., nom. plur. It would be interesting and instructive if a
corresponding conspectus were available for the Irish nomen-
clature.
B. — neuter n changed to r.
51. The change of one liquid to another is a common
enough occurrence in the language ' ; 11 appears dialectically
as r, for example in ainm, name, meanbh, small, inghean,
daughter (irinn), teillean, bee . In place-names compare such
interchanges as A'Chorb, Corb, along with AChonb (P., Glen
Shee) ; Cladh Churadain 2, and sometimes Churadair ;
Inbhîr-laidrean and * I. -Jaiduan, Eng. Inverlaidnan (I) ;
Morar (west I.), in some old spellings, both Gaelic and
English, with final n.
In the followino; the original neuter n has chançred to r.
"o
1. Cp. Celtic Revieiv, IV, pp. 78-80, 167-169.
2. Watson, P. N. of Ross, p. LXX.
Place-Names of Pictland. 143
Mar-siarlaich, Muirshirlich (I., Kilmallie), mctr-prliç. Mr. C.
M. Robertson says, and I think rightly,, that " the old English
spellings Misch-, Mesch-, and Moysch-, show that the first
term is magh " ; in better spelling, therefore, Magh r-siarlaich,
with rfor n; magh, plain, neuter as in § 43 and inO. I. The
second term contains siar, western. Glaic ar dubhag, Glaickar-
duich (R., Knockbain) ; glaic, hollow, and dubhag from dubh,
blackj repeated in Glaic ar dubhag in the parish of Urray.
Both are Glaic n-ditbhag, as the change of the article to r
would be, 1 think, impossible ; glac, neuter in § 38. Cnoc ar
Icacachan (R., Alness) is for Cnoc n-leacachan, " flag-stone hill';
cnoc neuter in § 38. Ard-radnaig, Ardradnaig (P., LochTay) ;
the first syllable is art and arst according to dialect ; art-ral-
naïH ', also artr-atnaik', i.e. Ard n-adnaig ; àrd, ' height ', neu-
ter, as in O. I., and a formation from stem ad-, of unknown
meaning, seen also in Bail-admuinn (P., Moulin). Airtir-jail-
lidh, Artafaillie (R., Killearnan) arftfïr-fa:L'i, sometimes
the r is hardly heard ; i. e. Airt m-jaillidh ; art, stone, neuter
in § 35 ; for fàillidh see §§ 42 (a) and 66 note. Fartairchill,
Fortingall (P., Glen Lyon), farstrçiL', and in some districts
simply farstçiL' ; to be explained as a proper compound, the
first term originally with neuter n. Fortingall représenta an
original Gaelic * Fart'nceall, with eclipsis as in the proper
compounds in § 3 5 ff. With change of n to r eclipsis disap-
pears and lenition follows, original -gceall or -gcill >> -chill,
the second term being ceall, later cill, church. The correctness
of this analysis dépends on whether the n of English Fortin-
gall is a phonetic change developed in the English form or
whether it cornes from original Gaelic. The second alterna-
tive is préférable and for this reason. Fortingall is not the
only English form ; early spellings are often of the type For-
tirgil, with r, but always, or almost always, with eclipsed
consonant, g not c. Thus, only an original Gaelic * Fart
nceall or -cill will explain both the English form and the
modem Gaelic. As regards the etymology of the first term, it
is doubtful. The word is obsolète, but fairly common in eas-
tern and north-eastern Pictland. It probably is présent as the
second term in the folio wing three compounds. Ràfart, Ràlh-
144 Francis C. Diack.
fhart, Rafford, but in 1 3th century spellings and onwards
Raffort and so pronounced (E.), Ra:firt ; ràth, fort, résidence.
Àfart, Àthfhart, Alford with silent / (A.) aifirt ; àth, ford.
Though early English spellings hâve -rd, the pronunciation
locally is -rt '. Dàisgart, Deskford (B.) da:ffort ; i. e.
Dàisgfhart ; dàisg, of unknown meaning, seen also in Dàisg-
idh, Deskie (B., G. Livet) and * Dàisg, Dess, formerly Desk
(A.). Cf. also Fartair, Forter (F., Glen Isla), farstsr and
faurstdr; Fortrose (Cromarty), with accent onfirst, the second
terni being ros, wood or point ; Forme (A., Kinedward),
Gaelic unknown. The etymology of this stem may lie in
the I. E. root *verl, Latin ver 1ère, turn, Welsh gwarlhaf,
'vertex', M. H. G. ivirlel, spindle-ring ; the .meaning being
' ring ' or ' circle ' or something 'round'. Cuairt, circle, also
contains the root if Pedersen's suggestion that it may be
explained as * com-\-* vert -is correct (V. G. I, 205).
Meudar-loch, Benderloch, the name of a district, not a
place, in north Argyll, uiv.tr-Loy, originally Meud n-locb ;
meud, extent, neut. also in O. I., and loch, black (§ 66 note),
' the black extent ' or ' district '. Gillies (P. N. of Argyll)
and others take Meudar-loch as a corruption and accept the
popular etymology of Beinn eadar dhà loch, ' hill between
two lochs '. It is true that the English form Benedardaloch
appears as early as 1355, but this only proves the antiquity of
the popular efymology. The form and accentuation of Meu-
dar-loch are décisive against it 2. The b of the English is to be
explained as dating from a time when meud was, or perhaps
only dialectically might be, heard as beud; alternation between
b and m initially would be easy to parallel. The existence of
the popular etymology at ail implies that the adj. loch had
become obsolète and its meaning been lost.
Ardna-saor , Ardersier (I., p.) see § 54 below.
1. This place is outside the Gaelic area, but, as it lias always been of some
importance, the Gaelic form heard further west can betaken as historically
correct, and not a mère Gaelicising of the English.
2. For names really involving -eadar dhà- see Celtic Revieiv, VII, 72,
where, however, Meudar-loch is written wrongly accented.
Place-Names of Pictland. 145
C. — neuter before dà, two.
52. The comparative frequency of names showing this
numéral is noticeable in the nomenclature. When dà is pré-
servée! from lenition by following a word ending in t, d, (th,
dh,) l, n, s, or in some instances a former neuter, it is easily
recognised, but when it is lenited the case is différent ; dhà in
this unaccented position practically becomes a, and vn hen old
forms are not available, the présence of the numéral 111 the
phrase often cannot be determined with certainty. The fol-
lowing will serve for some examples of place-names in dà .
Dùn dà làimh (L, Badenoch), ' fort of two hands '. Tout dà
choill, (P., nr. Pitlochry), ' hillock of two woods ' ; tom
neut. Ruigh dà ros (L, Rothiemurcus), ' sheiling of two
woods ' ; ruigh neut. Achadh dà mheann (A., Crathie), field of
two kids ' . Bail dà ràth, Daltra (N., Ardclach) dalla-Ra :
' flat of two raths '. Achadh dà tiobart, Achtatipper (L, Duthil)
ayta-tfipart, ' field of two wells ' ; the unlenited t points to
neut. gender for tiobart. Cul dà losgainn, Cuiltaloskin (P.,
Struan), ' back oftwo frogs '. Druim dà ghamhain, Drumna-
gowan (P., Glen Fincastle), ' ridge oftwo stirks '.
53. Joyce in his interesting discussion of names in dà points
out their frequency both in the modem nomenclature and in
ancient sources (see Hogan, Onom. Goid., under such entries
as achadh, àth, cluain, loch, magh), and in seeking for the
origin of ' this curious custom ' goes on to say finally : " I
confess myself wholly in the dark, I hâve never met anything
that I can call to mind tending in the least degree to eluci-
date it " '. He has, however, a remark in his third volume
under Lahard which possibly indicates a partial explanation :
" leath, half, is often used to dénote a diminution of the
usual condition, so that leath-ard, half height, means a very
gentle slope". This is truealso of our district ; cp., for example,
allt, a mountain burn with steep sides, lethallt, a burn with
one side not so. Conversely, in some of the dà names the
function of the numéral seems to be not to enumerate lite-
1. Ir. Names of Places, I, p. 261.
146 Francis C. Didck.
rally but to augment the extent or notion of the word it
qualifies. Achadh dà sgaillt, " field of two bald places » ', may
imply simply " very bare field " ; Tom dà choill, " well-wood-
ed hillock ". Other examples will follow.
54. When. dà is preceded by an old neuter the combina-
tion -n-da is found often occurring as na, mistaken, so lar
as I hâve observed, in place-name work for na, gen. sing.
fem. of the article or na(ji), gen. plural. This assimilation
however is undoubted, the phonetic process being the same
as what takes place with the verbal particle do when preceded
by the eclipsing proclitic an, interrogative or relative. Thus,
An dochunnaic sibh e ? Did you see him ? becomes Na chunnaic
sibh e ? ; Seall an do ghabh i e, Look if she took it, JoL no yau
i a 2. English Drumnagowan above (§ 52) as against G.
Druim dà ghamhtin proves a former Gaelic pronunciation
of n-dà- as na.
Tom na rainich, Toumnarannich (E., p. Cromdale) taumna-
Raniç, also ttiumda-R., with eclipsed d, originally Tom n-dà
rainich, ' hillock of two ferns '. Tom ra rainich is also heard,
with change of n to r as in § 5 1. With such a thing as ferns,
" two " numerically seems hardly likely. Is the meaning
simply " ferny hillock " ? Tom is neut. as in previous examples.
Ruigh na bealaich, Rynabeallich (E., p. Cromdale) ruina-
bialiç, " sheiling of two passes " 3 ; originally ruigh n-dà m-
bcalaich 4, both ruigh and bealach being neuter (§§ 33, 43 and
Hogan's list). The present-day b is uneclipsed, but it is unle-
nited.
1. Watson, P. N. of Ross, p. 246.
2. Cp. Munro, Gael. Gwni., p. 207, and C. M. Robertson, Celt. Rez1.,
V, p. 84.
3. It is still known locally that Ruigh na bealaich somehow contains dà.
" Ruigh eadardhà bhealaich" was offered as the correct form of thename.
4. The form bealaich is to be remarked. There is différence of opinion
among grammarians as to what Scottish usage is, or perhaps rather was, in
dual inflection. Mackinnon holds that the gen. differs from Irish (Celt.
Rev., VII, 7). Place-names in dà (gen.) should supply évidence of former
inflection. Hère the form is the same as that of the gen. sing. ; so with
rainich above.
Pïctce-Names of Picthuid. 147
Dail na sneachd, Dalnasnaught(F., Glen Isla) dal'na-sN'zyk;
sneachd, snow, is masc. in the modem language, and also in
the place-names in the few cases I hâve found where its gen-
der is shown. Also the na is phonetically na, not nv. Thus
the name is for Dail n-dà n-sneachd ; sneachd, neut. and unle-
nited, neut. also in Hogan. The meaning is literally " haugh
of two snows ", that is, " snowy haugh ", a place perhaps
exposed to drifting snow or where it lay long.
Gleann da mail, Glendaruel (Ar.). Old spellings in the Glen
Masan MS. (Reliquiae Celticae, II. pp. 432, 467) are Gleann
na ruadh and Glend daruadh, as if 'glen of two reds'. An
English spelling of 13 14 is Glenarewale. The modem Ruai
or Ruail is obscure, but the spellings in na arise from -n-da
as above.
Ardna murchan. Ardnamurchan(n. w. Argyll) artna-muRu:
ym. The name is on record as early as Adamnan's Vita Colum-
bae. There the following références occur :- regionem quae
dicitur Artda muirchol ; in Artdaib muirchol ; in loco qui voci-
tatur Aithchambas sive Art Muirchol, v. 1. Ard muircoll; Mac-
Vurich, T7 th cent., Aird na murchann, aird gen.; MacFirbis,
Ard na murchon. Anglicised spelling, 1309, Ardnamurchan.
The change of final liquid in the modem from présents no dif-
ficulty, as interchange of / and n is not unusual. But the rela-
tion of the modem name to the forms in Adamnan is not clear.
Ard na murchan is for Ard n-dà m-murchan{ï) ; àrd, height,
neut., and da, gen. neut. ; thus muirchol was neut.,* height
of two muirchol ». On the other hand Artda of Adamnan
seems nom. plur. and Artdaib dat. plur., but Art nom. sing.
This variation in number raises some suspicion as to the trust-
worthiness of thèse forms. Reeves takes muirchol as a com-
pound, 'sea-hazel' ; coll, hazel, neut. ; and this may be right.
If so, hère again da would hardly be literally numerical.
Tom na chiùraich, Tomnahuirich (nr. Inverness town). Two
pronunciations are heard, tniim?id-çiu:riç and /. -hiir.riç (Tom
na h-iubhraich), the first, according to my observation, the
commoner. It is to be preferred, for the development -na
ch- >> -na h- is more likely than the converse, which indeed
is hardly possible. An English spelling of the I7th cent., Tom
148 Francis C. Diack.
ni Fyrich, implies ch in the Gaelic '. The name is probably
Tom n-dà chiùraich, from ciùrach, drizzling rain ; literally « hill
of the two drizzles», équivalent to « showery hill ».
Ardna saor, Ardersier (L, p. )artiP-sJ{:r ; 1226 Ardrosser,
i. e. Ardro-ser. The Gaelic to-day sounds the same as Ard
na' saor, 'height of the carpenters', and a popular etymology
of carpenters drowned in the sea there naturally follows. The
name is for Ard n-dà saor, dà neuter, 'height of two saor.
Saor is obscure, but O. I sâethar, neut., labour, difficulty,
'height of two difficulties', is possible ; such allusive names
are not uncommon, their original point being often irrecove-
rable. The r of the English Ardersier shows hésitation at some
period in the Gaelic betwen -na and -ra ; cp. § 51 and Tom
na rainich in § 54.
-ACH, -AICH
55. This ending, either by itself or in combinations, is pro-
bably the commonest suffix in the place-names, just as inlre-
land. So also in the O. C. names of the continent the -c- suf-
fix has a very wide extension. The force is primarily adjecti-
val, but it is used to form nouns, as in the language to-day
and at ail periods.
Joined to nouns : An aitionnaich, aitionn, Juniper, also
Aitionnach; Crannach, A'Chrannaich, crann, tree ; A'bbadaicb,
bad, clump ; Luachrach, luachar, rushes ; An t-shJataich, slat,
osier ; A'ghinthasaicb, giuthas, fir ; An socach, soc, snout ;
Altach, ait, joint; An lianaich, lian, wet meadow. Joined to
adjectives : — An seanach, sean, old ; Labhrach, river name,
1. Gaelic ch in this position continually passed into English (Northern
Scots) as /, while Gaelic na h- of the article did not. If it is objected that
this/ is found only in the Lowlands south of the Moray Firth, this is only
true of modem speech (and not entirely true of it) ; in the Inverness area
there are old English spellings where/is from Gaelic ch, e. g. Ochdair-chlb,
Auchterflow, Blàr-choid, Blairfoid. Tom ni Fyrich is normal as Middle or
Early Scots for Tomna-chiàraich, but not for Tom na h-iubhraich. Gaelic na h-,
gen. fera, of art. before a vowel, regulary remains; Auchnahyle, Auchin-
hove, Balnaheklish, etc.
Place-Namcs of Pictland. H9
from labbar, loud(§ n); Ancaolach, caol, narrow ; Fionnaich,
fionn, white ; Liathach, liath, grey. A verbal stem lies in
A'phronnaich, The Prony (A., Glen Gaim) ; cp. Tillypronie
(A., Cromar) ; from pronn, pound, mash, alluding to the
broken nature of the ground.
« This termination very often appears in the oblique form
-aigh » in Ireland (Joyce). In Scotland the oblique -aich is
as common as -ach, and the usage, where the gender can be
distinguished, is that the former isgenerally féminine, the latter
masculine. Quiggin remarks forDonegal that there is a gêne-
rai tendency to make féminine substantives end in a palatal
sound ' . Both -ach and -(a)ich are unchanged for case in the
place-names (§ 3).
56. The voiceless spirant -aich, -ich as against the voiced
spirant -aigh, -igh in Irish is of course according to rule in
Scottish Gaelic and would call for no remark, were it not that
the form -aigh from a nom. in -ach is held, in some récent
works, to occur in Scottish names. Thus Macbain writes for
Cluanaidh, Cluny, « Cluanaigh a locative of Cluanach » ; lie
gives Cruaidhlaigh as a loc. of Cruadhlach, Odharaigh as an
old gen. of Odharach 2. Watson takes the same view : « In
old Gaelic, as is still the case in Irish, the dative or locative,
andalso the genitive case ofnouns ending in -ach was formed
in -aigh (pronounced nearly -ie), and this old formation sur-
vives in a considérable numberof names » 3 ; thus explaining
Dàirnidh, Blàraidh, Draighnidh, etc. as oblique cases of Dôir-
neach, Blàrach, Draighneach, etc.
There seem to be very serious difficulties involved in this
position. In the language of to-day the rule as regards pala-
tal ch in an unstressed syllable is that where Irish, in any part
of speech — noun, verb, adjective, etc. — , hasthe voiced spi-
rant gh (silent in pronunciation), S. Gaelic has the corres-
ponding voiceless ch. This is universallytrue, with the excep-
tion of the dialects of some districts nearest Ireland — those
1. Dialect of Donegal, p. 46.
2. Trans. Gael Soc. of Invss.,XXV, p. 78 ; XVI, pp. 187, 189. At p. 194
Breacachaidh is spelt Breacachaigh and analysed as from nom. Breac-ach-ach.
3. P. N. of Ross, p. xxxiv.
150 Francis C. Diack.
of Arran and partly of Kintyreand Islay '. Cases where Arran
etc., retain ch, or conversely, where the rest of Scotland loses
it, are exceptional and subject to spécial explanation. In Irish
this unvoicing of an unstressed original lenited c is as old as
the Old Irish period, but not as the Ogham period (at least
in writing), and has remained ever since, while in Scotland
the change of voiceless to voiced did not take place. This
seems to be the mostnatural view to take for Scottish Gaelic,
for otherwise we should hâve to hold that in Scottish Gael-
dom ch universally became gh and finally silent, as in Irish,
and that at a later period the original çh was (except in the
southern fringe) universally restored. Strong évidence would
be required before this could be accepted, and none has been
offered. At least, in dealing with the names which they spell
Cluanaigh, Odharaigh, etc., thèse scholars give none, nor
does Meyer when he writes Longphortaigh as the oblique
case of Longphortach, a place-name in Perth 2.
The Book of Deer certainly has spellings like Muredig, toi-
sig, gen. of Muredach, toisech, and others, but thèse by them-
selves will not prove that the sounds were voiced in S. Gae-
lic at the period. The absolute dominance of Irish influence
in ail early documents of Scottish provenance must be taken
into account. Macbain's remark is strictly relevant hère,
« The burden of proof must rest with suspicious weight on
the person who asserts that old Scotch Gaelic exists in any
document at ail 3. »
Further, some explanation is wanted of how it cornes that
-aigh has survived only in place-names and in them only
sporadically. The case is différent hère from the survival of
such petrifactions as neuter n. To write Droighnaigh, Odha-
raigh, Easaigh, Blàraigh, Breacaigh, etc., without accounting
for the existence in the same area and at the same time of
Droighnaich, Odharaich, Easaich, Blàraich, Breacaich, etc., is
hardly satisfactory.
1. Cp. C. M. Robertson, Cellic Revieiu, IV, p. 277 ft.
2. Zur kelt. IVortkunde, 64.
5. Tram. Gael. Soc. of lnvss.,Xl, p. 141.
Place-N cimes of Pictland. 151
The spelling therefore -aigh, -igh cannot be accepted for S.
Gaelic. The palatal form of the -ach suffix îs-aich.
-AIDH, -IDH
57. Acursory examination of any part of our area will reveal
thestriking frequency of names m-(a)idh. It is doubthilindeed
whether in some districts it is not the commonest of ail suf-
fixes. It has by no means always the same history, and some
attempt will be made in the following pages to separate out
the chief sources. They are arranged under five heads, A-E.
A. — -adh, -aidh.
58. The abstract and verbal noun ending in -adh <C *-ato
déclines as an 0- stem in S. Gaelic, in Irish most commonly
as a u- stem <C *-atu-. Hence names of the type Caislean
clartha, Magb cromtha in Ireland would be Scotland C. clâ-
raidh, M. cromaidh. Another source for -adh is the O. C. .suf-
fix *-eto, forming nouns and adjectives (Pedersen, V. G. II,
37) ; caladh, hard, <C *cal-eto-, dligheadh, law, <C *dlig-eto—n.
Cp. continental Nem-eto-n, Lob-eto-n, Or-eto-n, Alb-eta, Berl-
eta, etc.
Besides thegen., this suffix has the locative, in -aidh. This
palatal ending seems to be due to change of original -oi to
-ï (I. E. loc. ending -oi), as -ai, dat. and loc. of -à- stem >
-î ' .
In the eastern dialects the -adh of the nom. is lost (§ 3 (a)),
the suffix reappearing in the oblique -aidh.
1) In names consisting of single words :
59. Ileadh. Isla, rivers (E. and B.)/:/', very rarely /:/'?.
The f of the English is silent, and is an artificial spelling
based on 'island'. The Gaelic spelling might be île, but the
1. See Pedersen, V. G., §431, and Thurneysen, Hdb., § 295 .
I52 Francis C. Dinck.
early English forms, Ilef, Yliff and the like, show a final spi-
rant; hence the word must be Ileadh. The root may be *//,
swell ; cp. Gaulish Hiatus, Amb-ïliati, etc. (Holder). As river
names the feature referred to is their liability to spates.
An Garbhadh, gen. A'Gharbhaidh, Garrow(P., Glen Quai-
ch), from garbh, rough. The inflection for case is to be
noted. This is the only suffix that in some instances, espe-
cially when the article is présent, is not stereotyped in one
case. Fasadh, gen. Fasaidh, andalso AniFasadb, gen. An Fha-
saidh, rather common, e. g. Foss (P.), 'resting place, station';
O. I. fossad. An Asaireadh, The Assarow(R., Alness) ; asair,
asarum europaeum.
Drùthadh, Drùihaidh, dRit:, dRn:i, Druie, river (L, Rothie-
murcus). Thèse forms occur thus : — the river is Allt drù-
thadh, the confluence Inbhir-drùthaidh, the pass at the head
of the river Làirg dhrùthadh on Deeside, L.-grùihadh on
Speyside, with dh- > g-, and Tulach dhrùthadh Çgr- again on
Speyside), Tullochgrue farm. For the nominative in thèse
phrases see § 49. The word may be drùdhadh, oozing, but
much more likely the stem is drùth, tierce, violent, and the
formation originally abstract in force. Strachan explains O. I.
drus, violence, as an « abstract formation from an adj. drûth,
which probably gives drûth, fool ; also Welsh drud, violent ' ».
This is an impetuous torrential stream.
Garadh, Garry, rivers(P. and L). For the Inverness one the
forms are Garaidh, Loch garaidh, Inbhir garadh, Gleann garadh
(so also in 17 th cent.); for the Perthshire, Uisg gharaidh (i. e.
the river Garry), Gleann garadh, Loch garadh, S rath gharaidh.
« Glen gar », Gaelicphonetic spelling in the Book of the Dean
of Lismore, shows fall of -adh already in the i6th centurv.
From the root *gar, 'to cry out, to speak', which is possibly
tha stem in Garumna, the Garonne; cp., for the notion of
noisiness, the streams Labhar (§11) and Labhrach(§ 55) and
the next example.
Blaadh, bLa:, Blye, river (B.) and Inbhir-blaadh, Inver-
blye. The English Blye is from Blaaidh, which case is not
1. S tories from the Tdin, p. 78.
Place-Names of Picthuid. 153
now heard in the Gaelic. O. I. blà, noise, din (Meyer, Con-
tributions) ; Blaadh, anabstract.
CJuanaidh and Loch Cluanadh, Clunie and Loch ofC. (P.,
Blairgowrie), cluan, meadow ; Cluanaidh, loc.
Bealaidh, loc. of bealadh, pass, passage, see §§ 60 (b) and 61
2) in phrase compounds :
6o. (a) in the second term : Carn easadh, kam-es, but the
stream from the hill, Allt Easaidh (A., Braemar) ; eas, water-
fall. Sneachdadh, an abstract from sneachd, snow, is rather
common, e. g. Iomair ant-sneachdaidh, 'snowy ridgeof land'.
Allt lorgaidh (L, Dulnan), gen. of lorgadh, tracing, track,
from lorg, pat h.
(b) in the first term : Camasadh mhaigh, Cambus o'May,
(A., nr. Ballater) kamds -vît. Cambus o'May, and the older
Cammisamay and the like, show the former présence of
-adh in the Gaelic, also indicated by kamds ; aimas alone
would give kams in the dialect. From camas, bend, and magh,
plain 'bending of plain'. The well-marked narrow fiât on the
north side of the river is thrown over to the south side in
the course of a deep bend.
Ràtadh-mhoin, Rothiemoon (L, Abernethy, rayt-vô:n ;ràth,
rath, fort, gives with the -d suffix (see later) ràt, obi.
mit, in historical spelling ràthd-, ràithd ; ràtadh abstract, then
concrète, 'fortification'; main, 'moss'. Ràt, Ràit, Ràtadh are
widely spread, especially in central and east Pict'and. Thus:
Ràt, Raitt(s) (L, Badenoch); Ràtadh-tuhurchais, Rothiemur-
cus (L, p.) rayt-vuRu :yïf m Strathspey, rayp-v. in Badenoch
where final -adh is kept ; murchais obscure to me; Ràit-mhill,
Rotmel (P., Dunkeld), mhill gen. of meall, lump; Ràit-chnuic,
Raitknock (N.) cnoc, hillock ; also Rothiemay (B.), Rothie-
brisbane(A.) and many others in the north-eastern lowlands.
Daileadh-phàr ,Delliefure (E., Castle Grant), dal'-fw.r, from
dail, meadow, and pur, pasture?; but Dailidh-phùr, Dalliefure
(A., Glen Muick), probably belongsto § 71.
Bealadh-chraisg, Ballachrask (L, Kilmorack), biah-yrafk ;
crasg, a crossing; 'path or pass of (the) crossing'. Besides
154 Francis C. Diach.
bealach, 'a pass', there is also, and apparently from the same stem,
bealadh, 'passage, road through', obsolète, and hhherto unno-
ticed I believe. Bealach is primarily a mountain pass, bealadh
is sometimes found applied to a passage through a river, and
in this case équivalent to 'ford'. It is not, however, to be
confounded with beul-àth and beul-àith, also beul-àthain, 'ford-
mouth, ford', still in living use, and found in place-names,
e. g. Beul an àthain, Balnain, (I., Duthil) and another (A.,
Glen Gairn) ; Beul-àth na Làirg Dhrùthadh, 'ford of the L. Ru'
(A., Braemar).
Some instances o( bealadh are :-Bealaidh, biali ', Bellie (E.),
loc. case. A' Bhealadh bhuidhe, O.S. M. Beul Buidhe (L,
Abernethy) vial-vui, 'the yellow passage'. Bealadh an àthain,
Balnain (L, Badenoch) biah-na-.'m, 'passage of the ford', an
possibly being the article. Quite as likely, however, bealadh
may be neuter hère (cp. the many neuters in -adh, o- stems,
in Hogan's list) and the word Bealadh n-athain. Bealadh
n-Aigh, (A., Braemar) biah-mi 2. This name applies to the
place where the high road passed through the river Ey before
there was a bridge. The neuter n is certain hère, because the
article is quite unknown with river names in Pictland. There
is a pass somewhere in the Trosachs which appears in Scott's
Lady of the Lake, canto vi. as Beaïan duine, that seems to
i . This is the Gaelic for Bellie that I heard on middle Speyside and is con-
firmed by whatShaw says in his History of Moray, in the i8th century:
" Theparish in Irish [i. e. Gaelic] is called Bealidh". Thewriter intheStatis-
tical Account mentions the popular etymology beid-àilh, which is wrong,
but shows that the true meaning of Bealaidh had still survived. At Bellie
church, to the site of which the name properly applies, " there was one of
the fin est fords upon Spey ".
2. The river is phonetically eï or, better, a sound intermediate between
ti and ai. This may be spelt Eigh(dh) or Aigh(dh) ; there are no old Gaelic
spellings to help. The neut. n, however, décides ; the sound hère is n,
notN' (§ 28), showing that the following vowel is non-palatal. Hence the
word is Aidh or Aigh; probably the latter, as there is an Irish river Aige
(Hogan, O. G.). Both may be from root *ag, togo, to drive, with -esuffix
<*--/o, *-ia, the meaning being the racing, " rapid stream " ; comparent^,
race, Cormac's glossary. The continental god-name Ageio (Holder) may
be connected. For the notion, compare the Irish river Lingaun, from ling,
leap forward .
Phce-Names of Pictlanâ. 15$
Contain bealadh,, but I hâve not heard the word in Gaelic.
For bealadh in proper compounds see § 61 .
Colladh-ldnaidh, Cultalonie (P., S. Ardle) hlt-LJ:ni', when
the short form of the name is used, without lônaidb, it is
Coltaidh, loc. The stem coït or col-t-is doubtful ; Vonaidh,
from Von, marsh.
Lorgadh n-dùr, Lairgindour (I., Strath Nairn) lordhn-du:r ,
also -dul; lorgadh neut. ; chard path' or 'track', i. e. not
boggy; cp. Allt Lorgaidh, § 60 (a).
3) in proper compounds:
61. Deireadhcamas , Dericambus (P., Glen Lyon, on the
nvQï)dferdkamds, fend turn' or ' bend' , deireadh, neut., no leni-
tion in camas ; cp. O.I. dered, neut.
Bealadrum, Belladrum(I.,Kiltarlity),/;mZ,^/'?//z and biaLtmu;
i. e. bealadh and drum, 'ford ridge' ; cp. Balladrum (Kincar-
dine, p. Durris) at a former ford.
Bealadar, Ballater (A., Deeside) b'iaLttr, earlier English
spellings almost invariably Ballader, with d. The second term
is dur, door passage, for which see Meyer on Gaulish duros,
O.I. dor (Zur hit. Wortkunde, 19 r). As Meyer-Lubke saw,
the vowel in duros is short, and the word has nothing to do
with Ir., S. G. dur, hard. It is glossed osteum in Endlichers
glossary. Meyer finds it in thè Irish place-name Doraib, dat.
plur., and in Cuan Dor, gen. plur., Glandore. It is an 0-
stem, nom. sing. dor., nom. plur. ditir, which plural seems
to answer in meaning to the Latin place-name Ostia. Bealadar
i. e. bealadh-]- dur, =1 'pass door' r.
Whether Meyer is right in thinking that dur is rare in Ire-
land I do not know; it seems to be. It certainly is familiar in
Pictland ; as follows. Caladar, Callender (E., Strathspey, on
the river) kaLtsr, i. e. caladh, ferry, landing-place, and dur ;
a proper compound. The first was neut., as the n of the
1 . The original Ballater was not at the site of the présent village, but
east of it, exactly at the mouth of the great cleft now known in English as
the Pass of Ballater, which formerly was the only passage on the north
side of the river between upper and middle Deeside.
156 Francis C. Diack.
English shows, and the name once CaladVndur (cp. § 36 etc.),
'ferry door' ; cp. Gaulish Brivodurum, 'bridge door'. There is
another Callendar in Perthshire, obviously the same word,
though the Gaelic of it is now Caladhsraid 'ferry street'. Pro-
bably there were two names at one time, one in -dur which
h as gone obsolète in Gaelic, the other in -sraid, obsolète or
never usedin English. Duras, Dores, (near Inverness) durs s ' ;
dur, with -as suffix (§ 4) ; at a crossing on Loch Ness; cp.
Durris (K.) atone on the Dee. Caoldar, Coultree (L, Laggan),
'narrow passage'. Cùldar, Culdare (P., Fortingall) hv.Lttr,
cid and dur, 'back door' or 'passage'. The plural of dur, more
probably than the locative, occurs in Duir-aisginn, Duireaskinn
(P., Aberfeldy) duir ajk'iN' ; aisginn, connected \xhh aiseag,
ferry; « ostia transitus ». See also Caoldar aidh and Leathan-
draidh, § 76. Other instances, probable though less certain,
are omitted.
Sgànadbporl, Scaniport (L, river Ness) ska:niport ; neuter
proper-compound, 'ferry of the cleft/. Lasantulaich, Lassintul-
lich (P., Kinlochrannoch) Lasijtuliç, also heard asduliç, i. e.
neut. proper cpd. Lasadh'ntulaich, 'flaming hillock' ; las, blaze,
burn, perhaps where Halloweven or other magie Ares wère
kindled, or beaconfires. Claonaboth, Claonboth, (R., Kintail)
JyLy{:n3po, clâonadh 'sloping, squint', bot h, but, neut. proper
compound.
B. — idhe (adjectival)
62. A second source for names in -aidh is the adjectival
suffix corresponding to O. I. -ide 2. In S. G. the final -e is
gone in the modem language. It seems difficult, if not impos-
sible, to know what extension this suffix had in old Gaelic
and how far it is to be expected in the toponomy. In the
présent language, adjectives that are best regarded as belong-
1 . It is important, for the etymology of O. C. duras, to notice that the
modem Gaelic of àuro- with the -si- suffix is duras or durits, a différent
word from dorus, door.
2. Cp. Pedersen, V. G.,$ 374 (2), Thurneysen, Hdb., pp. 212-3.
Placc-Names of Picthind. 157
ing hère are extremely rare, e.g. àillidh, beautiful, from aille,
beauty, deamhnaidh, devilish, from dcamhan. Most adjectives
in -aidh hâve a différent origin, see § 63 below, and it is to
be inferred that the same will hold good in the place-names ;
but -(à)idh from older -idhe doubtless does exist, e. g. Dail-
radaidh, Dalraddie (L, Badenoch and A., Crathie) ; radaidh
from rad, rod, iron scum, cp. O. I. rotaide, reddish (Stokes,
Ir. Glosscs). In the folio wing three, by the help of early
English spellings, the endingseems certain. Muileann duinidh,
also-doinidh, Mill of Dinnet(A., Deeside) mul'N-ditni. Dinnet
is the English to-day, but formerly it was trisyllabic, Dinna-
tie ; hence duinidh or dunaidh (indistinguishable in sound) is
for duinidhc '. Achadh mhunaidh, or -mhuiniàh, Achmonie
(L, G. Urquhart) cï/d-vuni. In 1370 Achmunedy = ach(adli)
-mhninidhe; stem asinO.I. ntuine, bush,shrub ; 'bushy field ;
cp. -munedy in Kinmundie, Kinmunedy (A.) and others.
Calaidh, Cally (P., Strath Ardle) kali ; before 16 th century,
Kalathin (for n see § 70), Calady ; i. e. Cala idhe ; stem cal
uncertain.
Ç. (a)idh as secondary ending.
1) after -da, -dha
63. The adjectival ending -da, -dha <C *-adio-, a phoneti-
cally ?, appears in S. G. as in Irish : granda, ugly, Gallda,
foreigner, furasda, easy, nàdurra, i. e. nàdurdha, affectionate,
etc. In another type, however, Irish -da, -dha is represented
in S. G. by -daidh, -dhaidh ; cp. Macbain, Dict. p. xxxiii.
Irish banda, féminine, seanda, old, O. I. tiamda, dark, neam-
dha, heavenly, crannda, feeble, fuardha, chilly, are in S. G.
1. The stem hère, is obscure. Duinidb(e) also occurs in Aràmach-duinidh
or -doiiiidh, Ardmach-donie (I., Kirkhill), and is common in Anglicised
forms, such as Craigendinny, Blairindinny, Auchindinnie ; and the stem
in Creag an duin (P., Strath Ardle), Glaic an duin (N., Braeval) (whieh
may be Creag n-duin and Glaic n-duiri), with popular etymologv duine,
" man "in each case. ? Cp. Inchidony in Cork, luis-Daine, " tîieisland
of the man " (Joyce, II, 121).
Revue Celtique, XXXIX. 1 r
158 Francis C, Dicte h.
baindidh, seandaidh, tiamhaidh, neamhdhaidh, cranndaidh,
fuarraidh, i. e. fuardhaidh. So also in place-names.
CrôcLhiull.1, a stream (P., Gïen Tilt) h'J:yi, better Crô-
chdijaidJ); cp. O. l.crochda, red (Meyer, Contrib.)
Blàr-fionndaidh, Blairfmdie (B., Glen Livet) b.-fiuN:ti ;
blàr, a mossy flat, and stem fonn, hair; referring to rough
grass. *
Niataidh, Neaty (L, Strath Glass), a loch name, but no
doubt the proper name of the river also out ofthe loch, now
called Allt gart>h, rough burn ; N'hyti. Cp. Ir. niata, strong,
fierce, and Macbain, Dict., s.v. As the word is absent from
the dictionaries of Mac Eachan and Mac Alpine, and has no
proper authority in the H. S. D., the form niata for S. G.
may be taken as an Irishism, the native form being given in
this place-name, viz., niataidh. The stem is old common-Goid-
elic m'rt, gen. niath, niad, 'champion'1; niata, with adj. suffix,
from niathda, t from thdh 2 ; Scottish niataidh being niata
-J- aidh. O.C. *nèts >• nia occurs several times in the Irish
oghams : Nela-Segantonas, 'champion of Segomo', the Gau-
lish Mars. With Niataidh as a river name, we are no doubt
in the circle of river-worship as usual. Aoother instance of
the word is in Creag Niataidh, Craig Niety (F., Glen Isla)
k'.-niati, with n lenited, i. e. Craig of Niety, which suggests
that the name Niataidh properly belongs to the adjoining
stream, now known only as the Muckle Burn, that is, it is
nameless 5.
1. Cp. Pokorny, Zeitsch. f. cett. Plut., X, 405-.
2. Thurneysen, Zeitsch. f. ectt. l'hit., XII, 254.
3. The river Neitie in Strathdon (A.) is différent. The confluence Inver-
nettie is to be heard in Gaelic, EH?r-N'z:ti ; hence the stream is NcinLiitih .
The stem suggests connection with C). I. Net. gen. Néit, the Goidelic god
of war, which Stokes takes from *Nijlo-s and connects with Gaulish Nanto-
and Gothic ana-nanbjan, " to dare " (Airh. f. celt. Lcx., Il, 424). Cp.
Niii a o-S've II a, a goddess name. There is another Nettie at Burnhaven, Peter-
head (A.), seen in Invemettie there ; the Gaelic is unknown, but was pre-
sumably the same.
Place-Names of Pictîand. 1 $ 9
2) after the passive parti clple.
64. In Irish the suffix of the passive part, is lenited ', while
in S. G. it is not ; toghta, lifted, curtha, put, S. G, togta,
cuirte.
On this participial suffix further extensions may be formed.
Marbhtach, 'deadly', against Ir. marbhthach, is to be explained
as containing not the suffix group -tach from *-taco-, which
would give marbhthach, but the participle marbhta plus iht-ach
suffix. Srmîlarly, cobhartach, 'helptul.', from the part, cobharta ;
Ir. cabharthach, O. I. part, cobarthe.
The addition of an -{a)idh suffix to the participle is seen in
cairtidh. The part, is cairte, i. e. cairt-te, 'barked' ; cairt-idh bas
thesecondary meaning of cbark-coloured', 'tawny'. Seunta, in
northern dialect sianta, 'defended from enchantment', part.
of seun ; sianl-aidh, 'hardy man, hero'. Reodhta and rebidhte,
'frozen', part, of reodh ; reôdht-aidh, Trosty' 2.
Examples in place-names :
65. Nochdtaidh, Noehty, river (A., Strathdon) NJyji ;
nochdta, part, of nochd, make bare. River names are occasio-
nally founded on the physical features of their valleys.
Brachiaidh in Dallas-brachty (E., Edinkillie), so called to
1. Except of course after /, //;, d, dh, n, l, s, and after ch and gh (in verbs
of one syllable).
2. Foirfe, " perfect ", of the diçtior.aries is not, as far as I can learn,
S. Gaelic ; the word is everywherefoirfidb. O.ï.foirbthe, perfectus, should,
be represented in S. G. byfoirbhte, with /, and (with the suffix) foi rbbtidb,
whereas what we hâve is foirbhlhidb, with //;, spelt foirfidh (f < /'/;//;). But
O. I. shows irregularity too. The pass. part, of forfess is the irregular for-
haide, " finished ", while the regular form foirbthe is used as an ad j . in the
sensé of "perfect " (see Thurneysen, Hdb., p. 407) Again, curraidh,
" exhausted " (wrongly explained in Macbain, Dit t.) is turthaidh, better
cuirthidh, where cuirtidh might be expected, answering to Ir. curtha, " des-
patched, accomplished ", participle, in form, oLcuir, put, but adjectival in
meaning.
Thèse words suggest that in old S. G. the t of the participle was unle-
nited only when the word was strictly verbal in force ; when it became an
adj. there was, or might be, lenition. At the same time, words like foir-
bhthidh and cuirthidh might be explained as early borrowings into S. G-
from Irish, the -idh suffix being added. But this seems less likely.
160 Francis C. Diack.
distinguish it frotn another Dallas not far off (§ 4) ; brayti,
from brachta, part, oibrach, to rot, with suffix ; 'rotten place';
cp. grod and breun, 'rotten', in place-names. The explaination
sometimes heard of brachtaidh as a compound of braich, malt,
and tigh, house, is impossible in every way. The stem is
brach, not braich, the second term would be lenited, and
-tigh does not appear in old compounds of noun + noun,
but -teach, e.g. cùil teach 'back house'.
Coire-ghealtaidh, Coire Yeltie (A., Glen Clunie), k.-iaLli,
'grassy corry' ; gealtaidh, from gealta participle of the verb
seen in O. I. gclim, 'graze' ; cp. O. I. geltboth, gl. pabulum ;
for cehbaidi {c for g), 'to pastures' (Thésaurus Palaeohib.
h 339)-
Athain-ghaoichtidh, also Fàthain-, with prothetic /, For-
nighty(N., Ardclach), a\in-y(i:çtfi. The first term is àthain,
ford ; the stem of the second, gaoich, is obscure to me, but
gaoicht- is a participial form. Similary Fodhairtidh, Fodderty,
faurtfi, (R., p.) contains a pass. part., but I cannot identify
the verb.
Dail-bàididh , Dalbagie ( g = dz)(A., nr. Ballater) d.-ba:tji;
bàid-, in better spelling bàidht- ', part, of bâti), drown -|- suf-
fix. The flat is liable to flooding.
Prominent attention has sometimes been called to this
ending in -taidh, -tidh, English -ty, as being Brythonic and
« non-Gaelic », with how little foundation the above analy-
sis, I think, makes clear.
3) after -a, -e.
66. -aidh is found added to unaccented -a, -e, i.e. ?, ot
other origin than in 1) and 2). Cùbhraidh, better cûmhraidh,
'sweet', Ir. cumhra; or does this belongto §62 ? cp. cutnraide,
sweet (Meyer, Contrib.). Ir. eachtra, gen.and dat. the same,
'adventure', 'history', from eachtar ; S. G. eachdraidh. Faoighe,
faighdhe, 'begging', so spelt in the dictionaries, is fâighdhidh ;
1. The part, of bàthis written balte in the dictionaries, and this may be
the usual pronunciation ; but I am familiar with bàiàe as hère, the word
being bàidhtc, cp. Ir. ; -dht > d not /. Phonetically bdide = baitfe,
bàite = ba'.htp.
Place-Nivurs of Pictland. 161
e. g. in Gairloch the word is fn:hi, dissyllabic, in Lewis /i: 7;
faighdhidh is the abstract faighdhe, (from fo-guid, beg, O. I.
foigde) plus -/d/;. Ubaidh, charm, sorcery, for upthaidh, cp. Ir.
uptha (Dineen, Dict., and cp. Pedersen, V. G., I, 339) '.
Lôchaidh is an instance of the same extension, from the
place-names. There are at least four rivers so called in our
area. (1) Lochy in Lochaber (I.), river and loch, (2) Lochay
entering Loch Tay (P.), (3) Lochy, tributary of Orchy
(Ar.), (4) Lochy, tributary of Aven (B.). The Gaelic for ail
is the same, Lôchaidh, Lo:yi. The first two are also heard as
Lbchath, see § 78 below, Lo\ya, apparently nominative ot
Lôchaidh, but the distinction of nom. andgen. is not kept and
the forms are indiscriminately used. The Banffshire one is
heard only as Lôchaidh. As has been long ago pointedout, Ido
not know first by whom, the Lochaber river is mentioned in
Adamnan, Vita Columbae, Bk. I. chap. 28, « fluvio qui Latine
dici potest Nigra Dea » and the loch appears in the chapier
heading as « stagnum Loch-dae » {Thésaurus Palacohib., II,
272). «Nigra dea » is evidently a translation by popular ety-
1. Ir. suirghe, wooing, is in Scottish dictionaries spelt suiridh(e), and
rightly, I think, as to the last syllable. Quiggin gives Ir. suirghe phoneti-
cally as sir'i; " M. Ir. suirge became sir'i'p and finally sir'i (generally
with short vowel) " (Dialect of Donegal, p. 46). The -i thus arises from
~ip and includes the svarabhakti. In S. G. the case is différent, and
indeed in this class of word generally the Scottish svar. seems to be quite
différent from Irish. To take West Coast pronunciations where the long
liquid-svarabhakti (§33, note) is heard in full perfection, at Gairloch the
word is saiii:i, in Lewis Siir,i:i (with r trilled). The final -i is thus not
the svar. The only question is whether it represents the -gh vocal ised or
whether it is an added ending. Compare in the same dialects gairbhe, tairbh,
deilbh, etc., which are gaia: i , etc. (bh = i phonetically), and it will be
noticed, I think, that the -i of suiridh is longer. If so, the word is suirghidh,
with added suffix as in § 66. Foirfidh, Foirbhthidh, fard: fi, is a clear case,
because there is f (phonetic) between the svar. and the -;'.
As regards e'irigh, rising, e:ri, diridh, sheiling, a:ri., Ir. êirgbe, airghe
(but also in E. Ir. àirge), the liquid-svar. never came into play as the
vowels are and were long. Is the -i a vocalisation of -gh merely or is there
an additionnai ending, i.e., are the words èirghidh, àirghidhl Probably they
are. Fàillidh (§ 42), fa:L'i, Itake to be fàilgbe, ring, + -idh, i.e. Fàilghidh ;
L from -Igh-, cp. àilleas, pleasure, a:L'9stfiomàilgheas.
i62 Francis C. Diack.
mology of Loch-dan '. In the Armais of Ulster, a. 728, the
loch is stagnum Loogdae (T. C. D. MS.), Loegdae (Rawl. MS.);
00 written for ô. The modem Gaelic shows the secondary
-aidh of the foregoing sections and the name should be ety-
mologically written Làchdhaidh, which spelling is indeed
implied in the early English form Lochty.
Eliminating then the secondary ending, we are left with
Lbchdha, O.G. Loogdae, Loegdae, Loch-dae, to explain. The
root, *leuko-, *louko-, white, bright, is the same as in O. I.
lôchet, lightning, -nt- stem, lôcharn, luacham, Gaelic lôchran,
light, lamp, < * louk-arnâ ; cp. Latin lûcêre, shine, Greek
Xsoy.'ji:, white. Loogdae, Lochdae, Lbchdha is from *leuk-,
*louk-adiâ or more probably *louk-idiâ, 'the bright one' 2.
Compare Gaulish Leucetios, god of lightning, a by-name of
Mars, and Latin Juno Leucetia. The fourfold survival of the
name in the modem toponomy, and over a wide area, shows
the ancient importance of this particular river divinity and
may be compared with the four or five Eire-nameâ rivers.
(§ 22).
1. It is perh.ips hardly right to call Nigra Dea a popular etymology in
the ordinary sensé. It may hâve been prompted by a religious motive
and may hâve been a deliberately depreciatory stroke at the river worship
of Pictish pàganism. Cp. Vita Columhae, II, chap. 10. The editors of the
Thésaurus Paîaeohibemicus, II, 279, followed by Marstrander in Dictionary,
col. 168, suppose that Nigra Dea is for some Dubdea. This vox nihili
Marstrander further identifies with the River Dee. For this latter see § 12
above.
2. Macbain discusses Lôcbdhaidh in Traits. Gael. Soc. of Invss . XXV, p. 63,
and Dictionary, s. v. luch. Founding on Adamnan's " Nigra " tor loch-,
he turns O. I. loch, black (loch i. dub., Cormac's gloss.) into loch. Loch,
black, is from *luko-, loch, bright, from *leuio- ; see Stokes, Urhelt. Spr.,
pp. 242-3, Pedersen, V. G., I, 54, 576. For loch, black, with short vowel,
cp. Mavh n-lochaidh (§ 43) ; Meudar-loch($ 51); Strath loch, Straloch, sra-Loy
(P., Strath Ardle), no lake there, " black strath ". A river with stem loch,
but belonging to the -//«-declension, is Lochainn, Lr/iN', which cornes
out of Loch Loch (P. Glen Tilt) Lj/-L.r/ ; this shows a declension, nom.
Loch(a), gen. or dat. Lochainn.
It may be remarked that, apart from philology, the explanation of thèse
Highland rivers Làchdhaidh as involving " black " might hâve been suspi-
cious ; the Banffshire one in particular isofthe same crystal clearness for
which the Aven, which it joins, is famous.
Place-Names of Pictîand. 163
The stem also occurs in Làchsaidh, a stream at the top ot
Glen Shee (P.), marked in error on the map Lochy, contain-
ing the sufRx group -saidh; and in PoJl-lôchag, Polochaig (I.,
on the Findhorn) paul-Lo:yak, Lôchag, being the burn,
'clear streamlet'. The Gaelic for the Lochty or Black burn
(E.) is not obtainable and the original length of the vowel
unknown ; and so with Lochty burn, tributary of Ore, Fife.
For another class in which Old Gaelic -e, -i, nom. of -«-stem,
has landed in the modem language in -(a)idh, see § 70.
D. (a)idh, i- stem, < -ati.
67. Agaidh mhôr, Aviemore (I., S. Spey) aki-vo:r. This is
the pronunciation in the Spey valley, and the Gaelic stop g
against the spirant v of the English in indeed « very extraor-
dinary », as has been remarked \ It can however be simply
explained. Aviemore lies near the end of the greatpass through
the mountains between the valleys of Spey and Dee, and the
name is equally well-known on the upper Dee. There the
Gaelic is a:yi, Aghaidh. Evidently this is the form from which
Avie of the English originally came and is older than agaidh,
the development -gh- > -g- on Speyside being secondary,
and easily paralleled. The stem àgh is obscure to me, but the
interest of the name lies in its form, for beside Aviemore
(accent on last) is Avinlochan (accent on first), in Gaelic
ahihyan (firstrtat least halflong), a proper compound,^7nW//
nlochan (cp. §§ 35-6, etc.) 2, the first term qualifying the
second, 'the Agie Iochlet' ; agaidh is neut., with « preserved
before / as usual (§ 28).
Along with this name goes Creichidb, Crathie (A.), k'reçi,
(cp. Creicheis § 4), now a parish name, but originating, as
usual, as à place name at the site of the parish church. Not
far off, and on higher ground, is Creichidb n-àird, k'reçn-awtf
Crathienaird, 1451 Crachenardy; àird, formerly âirde as in
1. Trctns. Gael. Soc. of Invss., XVI, p. 193.
2. In Trans. Gael. Soc. of Invss., XXV, p. 82, the word is misaccented
and misunderstood.
164 Francis C. Diach .
145 1, with -c lost as ùsual, 'height' ; a phrase compound
meaning, 'Upper Crathie'. Creichidh, neut., with n before a
vowel '.
The two preceding names, it can be seen, are particularly
valuable. If Agaidh, Aghaidh, and Creichidh had ocçurred only
by themselves, the précise origin of the suffix would hâve
remained uncertain. It might be, for example, a loc. oî-adh,
or ofsome other-/- suffix, or the adj. *-idio, *-adio-, etc., but
the lucky survival of tbe compounds proves that \ve hâve
hère nominatives of the neuter i- stem. This definitely esta-
blishes for one source of the -aidh suffix the O. C. -ate, ati,
neut.; cp. the mass of continental names in that ending in
Holder. Its function seems tobe usually to express the mean-
ing of 'place of ; e. g. Rati-ate, from ratis, 'terri, Briv-ate,
from brivâ, 'bridge'. The same meaning is found in Pictland :
Collaidh, 'place of hazel', coll ; Corcaidh, 'place of oats', corc;
Athaidh, 'ford place', àth ; Lagaidh, 'hollow place', lag ; Cuma-
raidh, 'confluence place', comar ; Braonaidh Svet place', braon,
drop ; Mucaidh, 'place of pigs', mue ; Crasgaidh, 'crossing
place', crasg ; and so on.
Though Agaidh 'nlochan and Creichidh n-àird are the only
examples I happen to hâve where the nasal is actually still
preserved, there are many proper compounds where its former
présence can be inferred from the non-lenition of the second
term (cp. § 37. etc.). Examples : —
68. Conaidhgais, Congash (I. nr. Grantown), k.viikaf. An
English spelling ofc. 1281, Conynges, shows the neuter;/ still
there. Both éléments are obscure ; conaidh possibly <C * kun-
ate, from * kuno-s, high ; -gais is quite doubtful, even the g is
not certain, though likely (§ 39, note). The final a (phoneti-
cally) in this position can represent long a, 0, e, or ao.
Athaidhgais, Aigas (I., at a ford on the Beauly river),
a:'ikaf; àthaidh from hth ford ; -gais as in preceding name 2.
Congash is also near a river.
1. There can be no question hère of what the n is. The gen. of the art.
would give -na h-àird, common in p. n., Englished -nàharà.
2. Etvmologised as Norse eik-àss, oak-ridge! (Zeilsch. f. celt. Pbil., V,
480).
Place-Names of Picîîand. 165
Çuilidhgaran, Culligran (I., Strath Farrar), htl'ikaran, a
compound of cuilidh and garan, 'thicket'. Though cnilidh is
common topographically, its meaning is not quite certain,
Macbain says 'hollow, recess' ; 'thicket of the hollow'.
Minidhgag, Minigag ', a pass through the Grampians from
Glen Tromie (I.) to Glen Bruar (P.), minikak ; the second
term is gàg 'cleft, gap', hère practically 'pass' ; niimdb, the
palatal form of mion, uiean, small, with -idh, is possible, but
not very satisfactory as to meaning ; more likely from meann,
kid, cp. minicionn 2, kidskin, which is identical in sound ,
'kid pass' ; passes named from animais are common enough.
Faraidhgeag, Farigaig (L, Loch Ness), farik'ak, with pala-
tal k from influence of preceding vowel ; now the marne of
a river, but not originally so ; 'faraidh cleft'. The stem far- is
uncertain, possibly it is the préposition far, over.
Sinidhgag, Shinigag (P., Glen Girnag), Jinikak ; sinidb,
from sean, 'old' ; cp., for the palatal form, sinead, seniority ;
'old pass'.
In phrase compounds :
69. Màgaidh-boireann (A., Braemar ; once a croftat Corrie-
mulzie) maki-borN ; màg, a bit of arable land, boireann, obso-
lète, 'rock', nom. hère (§ 49), 'rock field'. Creichidh n-aird,
see § 67. *Dùnaidh n-alll ; this is the practically certain
restoration ofDuninald (F., nr. Montrose), on record from I2th
century ; allt nom. (§ 49); dùnaidh from dùn, 'fort-place of
the burn' ; neuter hère. Dunaidh from * dûn-ate is one of the
commonest naines, singly and in composition.
E. (a)idh as new nom. to -n stem.
70. The Book of Deer has the following names. (1) Alteri,
1 . The word has been written Miongag and explained as a compound of
mion simply and gàg, but this would give minr.kak, with liquid svar.,
whereas the word is simply minikak, no svar. ; and Miongag would be
Mionghag, as in the neighbouring name Garbbghag, " rough cleft ".
2. The non-lenition of -cionn is to be explained as in the place-names.
The possibility of neuter influence on the second term should be remem-
bered in the case of some anomalous cpds., e. g. muilceann, Ir. muil-
cheann ; laosboc.
1 66 Francis C. Diach.
dat. ; Alterin, ace. and ace. dual, now Altrie ; from al ter, 'the
otherside'; cp. O. I. aîtar (Pedersen, V. G. II, 44, 196). (2)
Orti, dat. ; the name now obsolète ; from ort, modem
G. àrd, gen. uird, 'hammer'. (3) Bibdin, ace. and dat., now
Biffie from nom. *Bidbi (4) Eldanin, ace. ; not identified by
the editors, but the place is Ednie, some miles east of Deer ;
Ednie from nom. * Etdani. The stem is était, 'face', modem G.
aodann, common in place-names. (5) Aldin Alenn, dat., now
A(l)den ' ; stem ald, 'stream', modem G. allt, or in better
spelling, as will be shown later, alla, gen. uilld.
Thèse are stems in lenited-«, the declension being : nom.
-/ 2, dat. -i or -in (as in O. I.), ace. -in, the suffix being O.
C. nom. * -io, dat. *-ioni, *-ion, ace. *-ion-n. Cp. Ogham
genitive Iniss-ion-as.
There is no modem Gaelic for the above place-names, but
similarwords exist in the Gaelic area. For (2) there is Ordaidh
and for (5) the common Alltaidh, which are to be explained
as -aidh formations upon the original e, (2), as in § 6y6 above.
There is also direct, not inferential évidence, of this develop
ment.
Moin-altraidh, Monaltrie (A., Crathie) ; man-aLtri, is the
Deeside Gaelic, butin Glengairn Moin-aJtiain,ni.-aLtrm. This
is the same word as (1) above, the Glengairn form keeping
the original flexion.
Leargaidh, Largie (Ar., Kintyre). Older Gaelic Spellings
are: nom. An Learg (for An Learga ?), gen. na Leargan
and na Leargadh (RcÏÏquia. > Celticœ II. 206, 202, 21e), from
learg, gen. kir g, 'hillside'.
Urchaidh, Orchy, river and glen (Ar.), nRu : yi, also
Urchalh, for which see §78; in the Glen Masan MS 5 Glend
Vrchain, nom. *Urcba.
1. The English form to be expected is the common A(l)die, but the n
has remained owing to the following Alenn, now dropped. Kinaldie con-
tains Atdi ; it is at the head of the stream near the mouth of which is
A(l)den.
2. In this text " i and e are confused in auslaut " (Stokes), and -* may
be for -e; later it becomes -n (Y), as in Irish, after non-palatal consonants.
3. Celtic Review, I, p. 110.
Place-Naines of Picïlav.à. 167
The history in the modem language ot this -n suffix
<L* -ion- is that the new nom. in -(a)idh, formed on -e, -a,
was used for ail cases and the -n flexion disappeared, except
in a few survivais such as Moin-Altrain and some others. Its
former extent cannot therefore be determined ' ; it has become
merged in -aidh. It was, however, probably a prolific ending,
if the number of times it appears in the Book of Deer, out
of a total of some forty names, isanything like a safe guide 2.
It is prolific also in the Old Celtic of the continent.
As to the meaning of the lenited -n suffix, in the Book of
Deer names the fonction seems to be to form nomina loci ;
Alter-i, 'the place on the other side', Etdan-i, 'the face-like
place', Ort-i, cthe hammer (like) place', Ald-i, 'the place at
the burn'. At the same time there are some instances of
Alltaidh and others in -aidh where a diminutive force seems
to suit best, but this is doubtful 5.
71. 1) In phrase compouds : Bogain-ghaoith, Bog o' Gicht,
former name of Gordon Castle (E.), bohn-y&'À\ this is the
unpremeditated pronunciation ; under ideas of grammatical
improvement Bog na gaoith may be heard, which is also the
form in MacVurich (Reliquix Celt., II. p. 186), whose names
1. It is well-known that in early English documents, from the i2th to
the I4th or 1 5th centuries, nearly ail place-names ending in -te, -y, ifthey
occur often enough, will be found spelt also -in, -yn. It has sometimes
been inferred (for example in Celtic Review, I, p. 91) that this -n of the
English represents only the -n declension in the Gaelic ; but it has other
sources. Itmay corne from the neuter -n of the Gaelic, as has been already
seen. For example. Braonaidh, Birnie (E.) occurs in English as Birneth, a
good spelling, and also Brenv», where n has nothing to do with the -n
declension. Dunaidh, a neut. i- stem, appears as Dunyn and Dunie. The
aecusative n no doubt often occurs also. Thus " Rutherin, son of Gille-
michel ", in a charter of c. 1 165, can only be the ace. of O. G. and O. I.
Ruaidri, gen. Ruadrach. So also the personal name Duncan has by some
chance perpetuated the ace. Donnchadh n-, for in O. G. it was of the o-
declension. CJnanadh, nom., Cluanaidh, loc. (§ 59), Clunie (P.) is in the
Pictish Chronicle Cluanan (ace), an Anglicised form.
2. I hâve no examples ot nominatives in -a, -e, of unlenited -n stems,
developing this secondary -aidh. The original declension remains.
3. Stokes lakes Aldin, Alterin as possibly diminutives in -in (Goidelica,
p. 113), He leaves Aldi, Alteri unexplained. But apart from this, the Irish
diminutive in -in does not exist in S. G., nor in the place-names.
1 68 Francis C. Diack.
in eastern Scotland are not always to be trustée!. The full
stem is used in bog-ain, from bog, a marsh ; leniting; 'bog
place of wind'. The English Bog o' Gicht cornes from the
nom., O. G. * Boga-ghaoith.
Dailidh-phï'tir, Dalliefour (A., Glen Muick), dal'i-fn:r, pro-
bably belongs hère; daihdh for older * daile, leniting, 'haugh
place', or perhaps 'little haugh' from dail ; for pur see § 21.
Cearain-Mhoir , Kirriemuir (F.), k'irn-vo'r. This Gaelic can
be trusted, as it is heard independently in Braemar and Strath
Ardle. The second term is Moir(i), the Virgin Mary ; an
alternative name for the place is Cill-Mhoir, Mary's church.
The English spellingsare plentiful for I2thand 1 3th centuries
and are the same as to-day, Kerimor or the like. The stem
cear- I cannot identify, but the présence of the -n suffi x is
clear ; O. G. nom. *ceri, *cere, whence the English form ;
oblique cases *cerin. The stem of course may contain a long
vowel, for in this proclitic portion it would be shortened.
Croitin-eas, Croftness (P., Aberfeldy), hnt'u-zs. This is a
clear case ; for, to take the possibilities, Croit n-eas, neut. n,
and Croit an cas, gen. of article would give k-N'es, while
* Croitean-eas, -an diminutive, would give kmt'an- or at least
kraùn-zs. Eas, waterfall ; croit, croft. This word shows
that the -n suffix was still living at the time of English borro-
wing, for croit is a loan-word.
2) In proper compounds : Taranaich, Darnaway (E.),
tardniç. The English shows that -magh, plain, is the second
term (see section on compounds later), and the early
English spellings, showing hésitation between Tarnaway and
Darnaway, suggest tar, préposition, 'across', for the stem
of the first. The word is Taranmbaich, 'the plain across'
probably referring to there being a passage through the Find-
horn there. Similarly, Aganmhaich, Aikenway, 1229, Agyn-
way, (E., Rothes) a:kmiç ; with the stem of àg-an cp. Poil
n-àgaidh, neuter n, and Cnoc Agaidh (A. Braemar).
72. To one or other of thèse five groups A-E the great
majority of names in -(a)idh can be assigned, but to which
of them it must, I think, be left undecided in a great many
Place-Naines of Pictland. 169
cases. A sixth source can also lie in the oblique cases (dat. or
loc.) of -t- stems, cp. teangaidh, tongue, filidh, poet, used as
nominatives '. A few miscellaneous examples will now be
given, which may be interesting apart from the ending, or at
least which will help to illustrate Pictish nomenclature gene-
rally.
Miscellaneous :
73. 1) rivers : Bruthaidb, brut, (A., Glen Clunie), bruth,
boil, cp. Bruthar (§11). TromaidhQ.., Badenoch), trom, alder-
tree. ConaidhÇA., Braemar), O.C. * kuno-s, high, cp. Conaid
(§ 13). Cromaidh (common), crom, bent. Marcaidh, (com-
mon), marc, horse. Tarbhaidh (common), tarbb, bull. Màilidb,
mad'i, Maillie ; there are some four or five rivers so named,
from Sutherland to Argyll, also Màiligan, with -gan suffix ;
mail <* magli- 2, cp. O. I. mal, gen. mail, noble, and the
personal name Mal. The wide range of the name, the meaning,
and the personal Mal indicate a river cuit as in Lbchdhaidh
(§ 66) and others. It does not apparently exist as a river name in
Ireland. Cingidh, Kingie (I., Glen Garry), k'iN'ki ; cp. O. I,
cingiin, go forward ; named from the notion of speed as in
Aigheǧ 66) ; cp. also the Spanish river Cinca, O. C. Cinga
(Holder), and Cing, gen. Cinge, man'sname (Meyer, Contre.).
Or Cingidh may be a dat. -loc. of the dental stem *cingel-,
O. I. cing, gen. cinged, cthe marcher forward, the champion',
as in Cingeto-rix, Cinget-ius. Finnidh, Fenzie, z = i (A., Glen
Gairn), yziV'f ; cp. the Donegal river An Fhinn, gen. Na Firme,
perhaps also Ogham Vindi-ami (Macalister, Ir. Epig. II. 45),
Ldaidh, Loy ; loch (N.), Lo'i, see Laine, § 20. Another wide-
spread river name is Geallaidh, e.g. Obair-gheallaidh, opir-ioLi,
Abergeldie (A,). It occurs in Nairn, Inverness, Perth, etc.
1. The oblique case of the ending -(e)anib gives -i and the palatal form
is often used for the nominative rather than the non-palatal, e. g. gainimh
sand, fàlaimh, empty, claidhimh, sword. But words in -i from this source
cannot be numerous.
2. Watson, P. N. of Ross, p. 175.
170 Francis C. Diach.
There is also Bail-ghcallais, b.-ioLJ, Pityoulish (I., Rothie-
murcus (cp. § 4). For the stem, O. C. *gello-s brown, Breton
gel\, Latin helvns (Holder, s. v.), seems to suit. Eireacbdaiclb,
Erochy (P., Blair Atholl), besides river and loch Eireachd,
Ericht (I.) and river Ericht (F.) ; stem tir- with abstract
-achd, nobility, excellence, cp. O. I. aire, cire, noble. Bal-
gai Jh, Bogie (A., and common), bala:ki ; bal g, bubble, cp.
O.I. bol g uisce, a bubble of water, and bolgaigim, to bubble
(Cormac). Gobraidh, Gowrie (R.) ; gobhar, goat or horse,
O.I. gabitr, cp. continental Gabreta. Iubhir-bôinnidh, Inver-
boyndie (B.). Bôinnidh is evidently identical as to stem with
the Irish Boyne, Boand, gen. Boind, see Hogan, O. G., and
Holder, Bitvinda. Mathaisidh, Mashie (I., Badenoch), matfi.
Macbain's own suggestion, which he rejects, is, I think, right ;
mathais, abstract of math, 'good', with suffix ; cp. Eircachdaidh
above, and Maithig, river (P., Glen Lednock) mtdti '.
74. 2) other names : Cùl-bhàrdaidh (I., Abernethy), cùl,
back, bàrd, meadow, a native word, différent from Ir. bàrd,
garrison, cp. Glcann bârdaidh (A., GlenGairn). Peitidh, Petty
(I.) and Blàr-phcilidb, Blairfettie (P., G. Erochy), O. G. pet
(Book of Deer), part, fann. Bad sgilaidh, Badinscallie (R.,
Loch Broom), batJ-ska:Ii ; bad, clump, neut. as in previous
examples; eclipsing n is now lost in this northern dialect
before s (§ 28), but was présent when the English word ori-
ginated, * Bad n-sgàlaidh ; sgàl, hur, shelter. Many examples
like this could be given, from the English forms, to prove
that this loss of eclipsing n before /, a, s in the north is not
ancient. Ruigh-charcaraidh, Richarkrie(A., Glen Gairn) ; ruigh,
sheiling ; carcair, from Latin carcer, prison, in Ireland often
means a narrowpass between hills (Joyce, II, 229); 'a narrow
road' is the meaning hère ; cp. Carcary near Montrose (F.)
Neamhaidh. Watson, P. N. of Ross, p. lxii, in discussing
Dalnavie, Cnocnavie, etc., gives them only- in their English
forms but implies that the Gaelic is Dail-neamhidh, etc., and
compares O.I. nemed, sacellum, Gaulish nemeion, consecrated
place. The places involving this word, and they are numerous,
seem to hâve been ail church-land in early times, and, as
Watson points out, we hâve no doubt hère a pagan term graf-
Place-Names of Picthnâ. iji
ted on to Christian usage. The nom. neamhadh is seen in
Neamh' na cille, Nonakiln 'and An neamh' mhôr, and means
glebe-land in thèse names ; gen. neamhaidh in Dail-neam-
haidh, etc. Rosneath in Dumbarton is in Gaelic Ros-neo'idh
(Watson), i.e. R. -neamhaidh. There are Nevay and Neu-tyle
in Forfarshire and Nevie in Banff, ail old ecclesiastical sites.
The Gaelic for the last is very puzzling, Neimhridh, N'ïiri.
Neamhaitidh, Navity (Cromarty), also ecclesiastical land when
first on record, isa participial formation as in §.65 ; *neainhta,
consecrated, from neamh, with palatal / usurping the original
non-palatal as it lias mostly done in participles, -| — idh. Cp.
Navity in Kinross .
-aidh in suffix groups.
75. 1) -n-aidh, a comraon combination, sometimes with
collective force. Deilgnidh, Delny (R., Kilmuir), dealg, 'thorn'.
Eilgnidh (S., Brora) a stream ; cp. § 21.
2) -r-aidh, common ; is usually the gen. of the collective-
and abstract-forming group -r-adh. Preas-mucaraidh (L, Drum-
mochter), preas, clump, mucaradh, collective from mue, pig,
w'hich, with other suffixes, gives Muc-rach (various places),
Muc-rachd (L, Duthil), Mnc-raidh, a stream (P., Loch Tay)
Mnc-lach (P., Strath Bran), * Mue-art, Muckart (Fife.).
t 3) -ad-aidh; cp. § 13 ; a common group. Cairidh àthadaidh
(L, Aviemore), a pool on the Spey ; cairidh, spawning bed ;
àth, ford. Gearbadaidh, Garbity(E., lower Spey), gearb (obso-
lète), 'scab' ; cp. carr, of same meaning, in place-names.
4)-saidh; fairly common. Parsaidh, Percy (P., Blairgowrie,
and A.) ; par, see §40. Duhaidb, Dulsie (N., Ardclach) ; dul,
plateau ? This name has been explained as a compound of dul
and fasadh, stopping-place, but Dulfhasaidh would give
duU-.si in sound (§ 33, note), whereas the word is with
short svar., or none ; cp. also Petdulsie (A., Turriff).
* Inbhir-amsaidh, Inveramsay (A.), ani <C* ambo- : « ambe,
rivo » (Endlicher's Glossary). With a différent suffix, there
is the river Aman, Almond (P.); cp. continental Ambra.
Ç)-bh-aidh: a compound suffix, -bhadb, of collective force,
172 Francis C. Diack.
is seen in cûthadh, snow drift, better spelling cathbhadh. Sron-
chathbhaidh, Stronehavie(B., Glen Lochy and P., Glen Brera-
chan), both Hills, mose of snow drift'. Cp. Ir. Fiodhbhadh,
'wood', from fiodh. The group is adjectival in eangbhaidh,
'high-mettled', from eang, step, daobhaidh, 'thrawn', from
dao, and in the name Créa g 11-nalbbbaidb (§ 33), from uath,
dread.
-aidh added to compounds.
76. O. I. has tbe adj. suffix -acb added to noun stems in
compounds ; coel-chossach, 'thin-legged', lebor-mongach,
'long-maned', etc. (Pedersen, V .G. II, 5). Similar forma-
tions in -aidh, probably the adj. suffix (§ 62), oecur in our
area. CaoJdaraidh, Kildary, (R. Kilmuir) ; caoldar, cpd. 01
caol, narrow, and dur, passage (§ 61) : cp. Caoldar (I., Lag-
gan). Leathandraidh, L'&ntri , Lethendry (I., Duthil and Crom-
dale); Icathan, broad, and daraidh, as in Caoldaraidb. Lethall-
taidb, Lealty (R., Alness) ; letballt, halfburn.
-aidh as « Pictish » suffix.
77. It has seemed désirable to go into this -aidh ending,
as a so-called « Pictish » suffix, in considérable détail. Its fre.-
quency in ihe toponomy is certainly noteworthy ; even in Dal-
riada this is so. Probably it is the first feature that would
strike anyone familiar with Irish nomenclature in passing to
Pictish, a fact that has been duly emphasised in works on
Scottish place-names. The inference that has sometimes been
drawn from this, however, is another matter. With some
writers the rule practically cornes to be that, wherever the
toponomy of Pictland can be shown to differ from of Ireland,
that feature ipso facto becomes suspect of non-Goidelism.
This is a position which it is impossible to accept, but the
question had better be reserved for discussion in connection
whith the toponomy as a whole. The first thing necessary
regarding -aidh isobviously to ascertain what the ending actu-
Place-Names of Pirtland. 173
ally is philologically. If the foregoing analysisis correct, there is
not the least trace of anything that can be called un-Goidelic
in the history of any of the sources from which it is derived.
There is plenty, is true, that is un-Irish, but that is merely
an awkward fact for the theory that explainsScottish Goidelic,
language and place-names, as an importation from Ireland
within historical times.
-ATH
78. We hâve seen, in C and E above, a final syllable in 9
becoming, by the addition of -aidh phonetically /. By the
addition of -adh the résultant is phonetically a. The river
name Lbchdhaidh, dealt with in § 66, is heard also, as there
stated, as Lochdhafh. Thèse forms are not used with gramma-
tical distinction to-day, but must hâve originally stood in
the relation of nom. and gen., or dative. The nom. of the
added -aidh suffix would be -adh, and thus Làchdath, Lv.ya,
represents O. G. Lochdha -j- adh. The vowel a (phonetic)
resulting from 2'? is seen, for example, in the adjectival ending
-ail, phonetically al, from -amhuil; fanaid, mocking, fanatf,
Ir. fonomhad ; amhlair, fool, aîilar, O. I. amlabar ; fastath,
binding, Ir. fastughadh.
This a from 9'v plays a great rôle in the place-names, thé*
function of the additional -adh being apparently to form a
place-name. Caiineath, Kymah (B., G. Livet, and A., Cra-
thie), haima. The Aberdeen one refers to a crooked bit of road ;
caime, crookedness, -j- -adh. Malath, iiiala, Mause (for
Mais, with Eng. plural) (P., Blairgowrie), from mala, brow.
A' Chùlath, The Coolah (A., Braemar, P., Glen Shee, and
elsewhere) ; cp. O. I. culad, the back part of the head; topo-
graphically, 'back place'. GleannSiarath, Shirra(L, Badenoch),
from siaradh, 'obliquity'. An Glaiseath, The Glasha (I., Gui-
sachan forest; B., head of Caiplich), from glaise, greyness ;
'the grey place'.
This new ending is rather fréquent withthecompoundsuffix
-radh, which forms abstracts and collectives. The original -radh,
Revue Celtique, XXXIX. 12
174 Francis C. Diack.
r9 or rvk, is found in the nomenclature ; generally if not
always, with the article. An Sneachdradh (I., Badenoeh, etc.),
sneachd, snow ; An Criomradh, Cromra (I., Laggan), ygrïmï'.rd,
stem criom, creitn, nibble, as in creimneach, knotty-surfaced,
scarred. But when -radh is developed by the secondary -adh
into-rath (-r/a > -ra), the article does not appear, as in the
following.
Cinn-ràihralh, Kinrara, (L, Badenoeh); ràthrath, collective
oîràth, rath. Mîograth, Micra(s) (A., Crathie), mï.akra, occa-
sionally snir.ikra ; stem miog, smile ; mïogradh, smilingness;
hence'cheerful, sunny place'. Diinrath,Do\vmeay (Caithness),
dîr.ra, from dûnradh, collective of diin, fort. Bruthralh,
Brora, river (S.^)brura, brnhdra and bruzra; I hâve not heard
Brùra, as often written ; from bruthradh, an abstract from
bruth, ardour.
Aberdeen Francis C. Diack.
CARL MARSTRANDER : RECHERCHES SUR L'HISTOIRE
DU
VIEUX-NORROIS EN IRLANDE
RÉSUMÉES PAR ALF SOMMERFELT
Le Biârag til det uorske sprogs historié i Irland, publié à Christiania en
1915 par M. Cari Marstrander, est l'ouvrage le plus important qui ait été
écrit sur l'histoire du vieux-norrois en Irlande. Nous pensons rendre ser-
vice à ceux de nos lecteurs auxquels les langues Scandinaves sont peu
familières en en publiant un résumé, qu'a bien voulu faire pour nous M. Alf
Sommerfelt, avec l'agrément de l'auteur. Il va sans dire que ce résumé
présente seulement les résultats principaux du travail. Ceux qui voudront
connaître la documentation très détaillée sur laquelle repose la démons-
tration devront la chercher dans l'ouvrage norvégien lui-même. [La Rédac-
tion.]
i° Remarques générales.
Zimmer a essayé de démontrer que les expéditions des
Vikings ont commencé dès le début du vne siècle, les îles de
Eigg et de Tory ayant été dévastées par une flotte de pillards
en 617. Cette supposition paraît justifiée, mais il semble
toutefois plus probable que la flotte en question est partie
des Orcades et des îles Shetland. Car il est très vraisemblable
que les Orcades et les Shetland avaient été conquises par des
tribus norvégiennes vers la fin du vie siècle.
Mais ces faits sont sans importance quand il s'agit de
rechercher les rapports qui ont existé entre l'irlandais et le
vieux-norrois. C'est à la fin du vme siècle que les Scandinaves
apparaissent brusquement en Irlande. Si l'on met à part
l'attaque de 617, la tradition irlandaise — sur ce point le
témoignage des annales est décisif — ne connaît pas d'expé-
dition Scandinave en Irlande avant 795.
A partir de 795 les attaques se répètent constamment : il n'y
176 Alf Sommerfclt.
a guère d'années où les annales n'en mentionnent pas. Les
pirates du Nord s'emparent de tous les ports principaux de
l'île et pénètrent partout à l'intérieur.
On peut fixer le moment où les deux langues ont com-
mencé à s'influencer mutuellement, en examinant les tra-
ditions qui se rapportent au nom des Gall Gâidil. Ce nom
désigne, comme on le sait, une partie de la côte écossaise
(Gnlloway), aussi bien dans les sources irlandaises que dans
les sources norvégiennes ou islandaises. Plusieurs fois
cependant dans les annales irlandaises le nom ne peut se
référer à l'Ecosse; voir p. ex. Annales d'Ulster 855, 85e,
Annales des Quatre Maîtres 85 e, Three Fragments of Irish Annals
858, où il est question de certains Gall Gâidil, qui tantôt
s'allient avec les Scandinaves contre les Irlandais, tantôt avec
ces derniers contre les Scandinaves. Il est significatif que ces
Gall Gâidil apparaissent dans des districts où les Scandinaves
s'étaient fortement établis. Ils proviennent sans doute d'un
mélange d'Irlandais et de Scandinaves ; d'autres Irlandais ont
pu se joindre à eux. Ce peuple mixte a joué un rôle politique
et militaire des plus importants.
En Irlande le nom des Gall Gâidil semble appartenir au
ixe siècle ; il n'apparaît pas dans les Annales en dehors des
années 855 à 858. On doit en conclure que l'existence des
Gall Gâidil en tant que peuple distinct des deux autres n'a
eu que peu de durée. Ils ne sont que le produit du premier
désarroi général et ils ont été absorbés par les Irlandais ou
par les Scandinaves vers la fin du ixe siècle, quand la situation
du pays se fut stabilisée.
Il y a donc eu, au ixe siècle, une population mixte en
Irlande'; et cette population a dû être bilingue, sachant aussi
bien le vieux-norrois que l'irlandais. Ceci nous conduit à
supposer que déjà vers 820 des mots vieux-norrois ont été
empruntés par l'irlandais. Cette supposition s'accorde bien
avec le témoignage des Annales qui, à cette époque, nous
montrent des Norvégiens fixés en Irlande. Les années S20 et
suivantes marquent le commencement des contacts entre l'irlandais
et le vieux-norrois. L'autre limite se trouve vers 1200. A cette
époque, les Scandinaves perdent ce qui leur restait de droits
Vieux-Norrois en Irlande. 177
politiques particuliers, principalement par suite de l'invasion
anglaise, et sont absorbés par la population irlandaise. Mais
jusqu'à cette époque, ils ont constitué un élément distinct de
la population de l'Irlande, surtout dans les ports où ils étaient
maîtres du commerce. Le royaume norvégien de Dublin a
duré, comme l'on sait, jusqu'à 1171.
Les Gall Gâidil écossais ne sont connus que 150 ans plus
tard ; ils apparaissent dans les Annales pour la première fois
en 1034. L'hypothèse de K. Meyer suivant laquelle ils ne
seraient que des Gall Gâidil irlandais émigrés en Ecosse, se
heurte aux témoignages historiques. D'autre part, la date
tardive de leur apparition exclut l'hypothèse qu'ils provien-
draient d'un mélange de Pietés et d'Ecossais.
On ne possède aucun témoignage irlandais sur la langue
que parlaient ces Gall Gâidil irlandais et écossais. Mais il est
évident qu'ils ont été en grande partie bilingues, on l'a déjà
indiqué. Les vocabulaires, les syntaxes et les types de phrases
irlandais et vieux-norrois ont dû se mélanger, de la même
façon que l'anglais influe sur l'irlandais là où passe la frontière
linguistique dans l'Irlande actuelle. Les noms de lieu ou de
tribu d'origine norvégienne qui sont si nombreux dans
l'Ouest de l'Ecosse et dans les Hébrides, témoignent de la
force de l'influence Scandinave. Les noms de personne qui
nous ont été transmis en témoignent également.
En fait de noms de personne irlandais parmi les Gall
Gâidil, on peut citer : Sâmaisc 7 Arti'tr (Acallam na Sénorach,
4560, xne siècle) et Suibnemac Cinaeda (AU. 1034).
Inber (prononcé inver ; Acallam na Sénorach 4560) et
Rolant mac Uchtraigh sont probablement d'origine anglo-
saxonne. Pour Ucbtrach, cf. anglo-sax. Uhtred.
Les suivants sont d'origine Scandinave :
Caittil Find = Ketill Hvite (AU. 857, Caitill mac Rittrach
TFr., p. 224).
Mac Sceliing (FM., Cron. Hyense 115 4) ; cf. islandais
Skeliungr.
Bressal Mac Eirgi (Acallam 7951) ; Erge (ib. 1807); cf.
vieux-norrois Herhr.
Toirbheand (pron. tor'vJiïn; FM. 1209)=: v.-nor. : fôrfiun ;
iy8 ' Alf Sommerjelt.
cf. Torbend Dub (Cog. 164). Toutefois, ACL. 1210-11, on
lit Toirbeard (cf. ACM. qui a Torvearan) ; dans ce cas le nom
aurait pour origine un nom anglo-saxon *Tbor-iveard = v.-
norr. ftôrvardr.
2° Emprunts non signalés jusqu'ici.
On a déjà identifié un grand nombre de mots irlandais
empruntés au vieux-norrois. Un examen attentif des textes
permet d'en relever beaucoup d'autres. Voici les plus impor-
tants.
rang, ub, àbur, as.
Tous ces mots sont des termes nautiques qui se trouvent
au commencement de la version du Cath Fintragha contenue
dans le manuscrit Rawlinson B. 487. Ce texte date probable-
ment du xive siècle, mais le passage en question peut être
considérablement plus ancien, étant un de ces morceaux tout
faits qui passent d'un texte à l'autre.
rang apparaît dans le composé rang-briseadh et représente le
v.-norr. rçng .
ub (prononcé ûv) correspond phonétiquement à v.-norr.
hûjr, norv. mod. (dial.) hûv « le ventre du travers ».
àbur (nominatif àbor ou abur) provient de v.-norr. bâbora
« trou d'aviron ».
as (c.-à-d. as) est le v.-norr. âss « mât sur lequel on fixe
la partie intérieure de la voile quand le vent est favorable ».
La voile est alors sur le travers du bateau, le mât dépasse le
plat bord et s'immerge dans l'eau, ainsi que l'indique le texte :
Ni raïbhi imorro acusun annsin long. . . gan tuarcain na as . . .
« il n'y avait pas chez eux de bateau . . . dont le mât ne fût
fouetté ».
lunnta.
Ce mot apparaît dans le Livre de Ballymote 22 b 12 : Se
lunnta in reama dochuaidh a tarbha sliasta (Rawl. B. 512, 76 a 2
Vieux- Norrois en Irlande. iy6
Vanta). Il est évident que le passage doit se traduire ainsi : « la
poignée de l'aviron lui pénétra dans la cuisse ». La poignée
d'aviron avait probablement la forme qu'elle a encore en Nor-
vège. Les avirons du bateau trouvé à Oseberg ont la poignée
taillée en pointe à partir d'un point situé peu au-dessus du
trou du travers.
lunnta ne peut pas être séparé du mot écossais lunn « centre
d'une poignée d'aviron, poignée d'aviron ; rouleau ». L'irlan-
dais lonn a également ce dernier sens. Mais ni l'irlandais ni
l'écossais n'ont pu développer lunnta (prononcé lunft) d'un
plus ancien lunu (lonn). Les deux formes sont des emprunts
faits à des dates différentes au même mot norvégien hlunnr
<C vieux-scandinave *hlunfaR « rouleau servant à transporter
des bateaux ». Sous la forme lunnta, l'emprunt est antérieur
à 950, car à cette date *-n$- avait évolué en -un- en Scan-
dinave. Les rouleaux en question étaient connus en Irlande
au xe siècle, cf. AU. 962. Le singulier lunnta s'explique par
le datif singulier *hlunfie et par le pluriel *hlunftar < v.-
scand. *hlun$ôR. Le groupe -ni n'apparaissait pas en fin de
mot dans l'irlandais le plus ancien et à l'intérieur -n$- s'est
régulièrement différencié en -ni-.
Le sens de « poignée d'aviron » vient d'une confusion
entre les mots v.-norr. hlunnr et hlumr (hlummr). Cette con-
fusion peut être attribuée aux Norvégiens eux-mêmes ; car
hlumr a quelquefois ce sens en vieux-norrois (voir Fritzner,
Ordbog, s. u.).
slagbrand.
La version de l'Enéide qui se trouve dans le Livre de
Ballymote contient un mot slabrand, slagrann, slagbrand
(éd. Calder, 2057, 2209, 2789). Ce texte date du xne siècle;
le manuscrit du xive. On trouve également le mot dans BB.
472 b 23. Il vient directement de v.-norr. slagbraudr ; le sens
qu'il a en irlandais est le même que l'on connaît par le Spécu-
lum Regale (p. 89).
En vieux-norrois, slagbrandr peut aussi avoir le sens de
« verrou » (voir Flateyarbôk, II, 257) et ce sens se retrouve
dans le manuscrit irlandais de Leide, 1, fol. col. 1.
180 Ali Sommer fcll.
scipad.
Il y a, en moyen-irlandais, plusieurs exemples d'un verbe
scipaim, sciplm, inf. scipad. A ces formes correspondent en
irlandais moderne sciobaim, scibim, inf. sciobadh. On doit dis-
tinguer entre plusieurs sens.
A. « équiper un bateau, faire les apprêts pour le départ
d'un bateau ».
Exemples : BB.457 b 14,20 (version de l'Enéide, xne siècle);
Cath Cath. 1919 (texte du xnL' siècle) ; Cathréim Congail
Clâringnig 72.6 (manuscrit du xvne siècle) ; cf. également
Cath Cath. 2252.
Le mot correspond, aussi bien pour la forme que pour le
sens, à v.-norr. skipa. L'expression long do scipad reproduit
exactement v.-norr. skipa skip. Irl. mod. et écoss. sciobadh
lui 'tige correspond pour le sens à v.-norr. skipan « équipage ».
V.-norr. shpari a été emprunté par l'irlandais sous la
forme de scipaire, en irlandais moderne sciobaire (écossais
sciobair), scibire « marin ».
B. Irl. mod. sciobadh beathadh « the course or order of
life », P. O'Connel, cf. v.-norr. skipa « ranger, régler »,
norv. dial. skipnad « ordre, règlement, destin ». On pourrait
également citer Cath Cath. 2091 scibud, si toutefois le b de
cette forme n'est pas un b. Il resterait à déterminer s'il a
vraiment existé un mot sciobhaini.
G. « déplacer, mouvoir, changer de place », développé de
skipa au sens de « arranger, mettre en place ».
Exemples : Cath Cath. 2375, 2492, 2579, 2646; Cogad
Gaedel re Gallaib (xie siècle) 170.2 ; BB. 7 a 18. •
beirling, birling.
Ce mot appartient aussi bien à l'irlandais qu'à l'écossais.
Le dictionnaire de Dinneen connaît également une forme
buirling.
On est d'accord pour faire remonter ce mot à v.-norr.
byriïingr (cf. Macbain, Etyrn. Dict. ; K. Meyer, Contributions ;
Henderson, Norse Influence on Celtic Scotland p. 138 ; A.
Vieux-Norrois en Irlande. 1 8 1
Bugge, Miscelïany présentai to Kuno Meyer, s. u. ; Hj. Falk,
Altnordisches Seezuesen, etc.).
Mais byrQingr n'aurait jamais pu donner birîing, comme on
le verra plus loin. En outre le sens de byritingr ne correspond
pas du tout à celui de beirling, birîing. En islandais, byrdingr
désigne un bateau de transport, surtout un bateau chargé à
fret, qui faisait les côtes, mais pouvait, à l'occasion, traverser
la Mer du Nord (cf. Falk, /. c, p. ni). Le byrdingr était de
fortes dimensions, tandis que le birîing était un bateau de
plaisance assez petit, à 12 ou 16 avirons, employé surtout par
les chefs écossais des îles. Il ne faisait jamais fonction de
bateau à fret.
Néanmoins, le mot birîing est d'origine Scandinave. Son
sens premier se laisse déterminer par le passage suivant (en
irlandais je ne le connais que par ce passage) :
Cath Finntragha, Egerton 149, 1. 23 : nach raibh aco long
gan leonadh nâ athbha gan fosgla nâ tlusdais gan tiiargaint nâ
beirling gan brise nâ folann gan fâsga nâ taruinge gan truailio-
ghudh nâ standard gan stûaidhléini. « Il n'y avait pas un de
leurs bateaux qui ne fût endommagé, ou tête de bateau qui ne
se défit, ou mât de tente que la mer ne fouettât, ou beirling
qui ne fût cassé. . . ou clou qui ne se relâchât. . . »
Meyer traduit « a birîing, galley », mais le contexte montre
d'une façon évidente que beirling désigne une partie du bateau.
Il correspond donc à norv. dial. berling « petit bâton ou
poutre sous le bas-fond d'un bateau » (Aasen). Il existe égale-
ment en vieux-norrois (cf. Flateyarbôk, I, 531 : berlingsâss
digr 13 alna lang)-) et est un dérivé d'un mot correspondant
à m. -h. -a. bar et à anglais bar.
En écossais comme en irlandais, e devant consonne palatale
évolue souvent en i et écossais birîing recouvre ainsi exacte-
ment irl. beirling. Le mot a dû désigner un bateau dans lequel
cette poutre jouait un rôle important et provient sans doute
des Norvégiens des Iles Ecossaises et de Galloway.
gunnfunn, gunnbuinne.
Alex. IT.,II2, 102, 4 : iar ninipud na ngitnnfitnd.Le mot vient
182 Alf Sommet feîî.
de v.-norr. gnnnfani, cas oblique gunnfana, « drapeau de
bataille, de procession » ; — gunnèuinde .1. sleagh, Gloss. de
Lecan, 392 (A. f. C. L., I, 58 ; ce sens est une pure conjecture)
a été déformé d'après irl. buinne « branche fraîche », probable-
ment aussi « lance », cf. bunnsach.
Dans le glossaire d'O'Clery on trouve gunnbhuinne n'iadh
.1. sleagh ghaisgeadhaigh : c'est dans le texte moyen-irlandais
In Cath Catharda que O'Clery a pris cette expression (cf.
Cath Cath. 4937, 5759, 5851)- Dans ce texte, gunnfainne
désigne une lance d'étendard avec l'enseigne du chef à la
pointe. Le contexte montre que cette Lmce pouvait s'employer
aussi comme arme tranchante ; on la brandissait pour « fra
casser les épaules et les crânes des ennemis ». L'interprétation
de Stokes qui explique le mot comme un composé de buinne
(voir l'index de son édition du texte, s. u.) est erronée.
confing (LL, 172 b 28) est emprunté du français.
sreng.
L'irl. mod. sreang, streang « corde, cordon » a été emprunté
au vieux-norrois, qui connaît ce mot sous la forme strengr. Il
a été emprunté en même temps que boga (v.-norr. bogi) et ne
désigne que la corde de l'arc dans les textes anciens (cf. TT.
1573, C Cath. 4640, exemples du xie et du xne siècle).
feiter, langphiter, -phitil,
lancaidir, langaid, langal, laincis-.
En irlandais, en écossais, dans le gaélique de l'île de Man
et dans les dialectes anglais du Nord on trouve un grand
nombre de mots commençant par lang qui ont le sens de
« entrave (placée entre les pieds de devant et les pieds de
derrière) ».
Voici les formes que j'ai trouvées dans les textes anciens ou
modernes et dans les dialectes actuels.
A. Irl. langfiter, langfetir, Cormac (ixe siècle ; langfiter
LBr., langpeitir YBL. 272 a 34, langphetir Laud. 610). De même
langfiter dans les lois (SM. V 478.17). C'est dans ces textes
que O'Clery a pris son langphetir.
Vieux-Norrois ai Irlande. 183
Lonncaidir, en Connaught, désigne un lien placé entre les
pieds de devant et les pieds de derrière des chèvres (cf. Finck,
Araner Mundart, II, 181). Dinneen a enregistré le motlonncairt.
B. Irl. langaid f. et langaide (Dinneen), même sens que les
précédents. Ces formes sont fréquentes en Waterford et en
Tipperary (cf. Seanchaint na nDéise, 98). Ëcoss. langaid f.
(pour les chevaux, cf. Highl. Soc. Dict. ; Mac Alpine le cite
comme employé à Isly). Gaélique de l'île de Man langeid
(pour les moutons, cf. John Kelly, 117); adjectif langàdagh
'==■ écoss. langaid each.
Identique à cette forme sont : anglais d'Ecosse, de l'île de
Man et de l'Angleterre du Nord langet (Northumberland,
Yorkshire, Cumberland), langaet, langit (Northumberland),
lanket (Cumberland, île de Man, cf. Hall Caine, Manxman,
3 13 : a few oxen also tetbered and lanketted). Irl. laincide (Clare,
Kerry prononcé lawCKid'i sur l'île de Great Blasket).
G- Irl. langal « lien entre les pieds de devant et les pieds
de derrière » (Dinneen, provenant d'Ulster) : ; orthographié
à l'anglaise : langit (Antrim and Down Glossary, 1880). De
ce dernier mot on a tiré un verbe l angle (ib.~). En 1737 on le
trouve dans les Scotch Proverbs de Ramsay (95), en 1790
dans le Provincial Glossary de Grose (cité comme appartenant
à un dialecte de l'Angleterre du Nord).
Ecoss. langal (Caithness, Renfrew), langel (cf. Jamieson,
Et. Dict. Se. Lang.\ langle (Buchan, Galloway), langel
(Durham, Cumberland, Yorkshire, Lancashire, East Anglia,
cf. Wright, Engl. Dial. Dict.), longel (East Lancashire, ib.).
langelt, langlit (Roxburgh), langlet (Aberdeen).
Des formes plus anciennes se trouvent dans des textes
anglais des xive au xvne siècles. Ainsi 1394-5 : langaid
(Durham Ace. Rolls, 599); 1398 : langhalde (cf. Trevisa
« Barth. De P. R. », XVIII. XIV, 774). 1650 : langoldÇTrapp,
Commentaire à la Genèse IV, 2). Cf. Murray, New English Dic-
tionary, VI, 56.
D. laincis f. « a spancel, a rope for tying a beast by the
1. La forme employée à Torr en Gweedore, Co. Donegal est laingeal
(prononcée LapA). [Note de l'auteur du résumé].
1 84 Àlf Sommerfetî.
feet » (Dineen). Écoss. langais f. « corde de chasse, câble de
remorque » (Henderson, Ardnamurchaiï). De ce mot a été
dérivé langaiseachadh « tirer un bateau le long de la grève par
une corde de chasse » (Macdon., Macbain).
Remarque A. Cormac donne langjelir comme un mot
anglais. Le terme qu'il emploie, angliss, désigne sans doute
l'anglo-saxon en général, car c'est le seul sens du mot eng H se
qu'on puisse constater à l'époque de Cormac. Le mot se
trouve dans tous, les manuscrits ; il est donc authentique.
Cormac était le premier linguiste de son temps et il est exclu
qu'il ait pu confondre l'anglo-saxon et le norrois. Il a été
élevé en Tipperary, un des districts où les Norvégiens étaient
les plus nombreux et il connaissait le norrois, au moins
superficiellement. Il parle d'une lingna Galleorum ou nort-
mannica lingua et des phrases de cette langue figurent dans
plusieurs manuscrits du texte de son glossaire. La forme elle-
même fournit la preuve concluante de l'exactitude de l'affir-
mation de Cormac. Ni le v.-norr. *lang-fioturr, ni l'anglo-
sax. *Jang-fetor (dont K. Meyer tire le mot irlandais, A
Primer of Irish Metrics, p. 61) n'auraient pu devenir lang-filer
en irlandais. Mais l'irlandais -fêter correspond régulièrement
à l'anglo-sax. fêter f., connu à partir au moins de la fin du
xe siècle. L'existence d'un moy. gallois lawethyr (Lois galloises,
I, 558) prouve qu'il y a bien eu un composé anglo-saxon
lang -fêter.
Ce que dit Cormac ensuite : .1. glass na nGall « fers des
étrangers » peut sembler contredire notre hypothèse. Car, de
son temps, Gall ne pouvait désigner qu'un Gaulois ou un
Scandinave. Mais j'estime que les mots na nGall ne viennent
pas de Cormac. Si l'on se reporte aux manuscrits, on voit en
effet que ces mots manquent dans les meilleurs d'entre eux,
dans le Livre Jaune de Lecan et dans Laud. 610 qui con-
tiennent deux versions indépendantes Tune de l'autre et qui
tous les deux lisent phetir .1. glass. L'addition na nGallne peut
dater que de la fin du xne siècle, au plus tôt, car c'est à cette
époque que Gall prend le sens d'Anglais, à la suite de l'in-
vasion anglaise.
Irl. mod. lonncaidir (Connaught) provient, à cause de son
Vicux-Norrois en Irlande. 185
0, de moy. angl. longphetir. L'évolution de v.-irl. gg -|-/en
irl. mod. k est des plus régulières.
On n'a pas constaté l'existence d'un lang-fetor, -fêler en
anglo-saxon ou en anglais. Le composé n'est pas un vieux
mot anglo-saxon, mais un emprunt au vieux-norrois. Je vais
essayer de le démontrer. La forme du vieux-norrois a dû être
*lang-fjoturr bien que cette forme soit, autant que je sache,
inconnue dans les dialectes Scandinaves modernes. Cependant,
il est possible de démontrer qu'elle a existé dans le norvégien
de l'Irlande. Le Senchus Môr énumère (SM., I, 168.4) des
amendes à payer pour avoir « lié des chevaux d'une façon
illégale et cruelle sans nécessité » et le commentaire nous
informe qu'on comprend par là langfilil itir a c[h]eiui 7 a
c[h]ossa « [de mettre] une chaîne entre les pieds et la tête du
cheval » (p. 174.4). Cette alternance irlandaise reflète sûre-
ment la relation qu'il y a entre v.-norr. fjoturr (v. -danois
fjœder) et norv. dial. Jitel, fikjel (fytel, fnlul). Cette dernière
forme provient d'une contamination de fjoturr avec fetill
« épaulière ».
Remarques B-C. Les synonymes norvégiens lang-hofi etlang-
helda (opposés à stutt-hoft, slutt-helda, islandais hiiapp-belda,
« entrave entre les pieds de devant ») indiquent que l'origine
du mot lang-feter est bien norvégienne. De bonne heure, ces
synonymes ont dû faire disparaître *lang-fjoturr. — Le mot
lang-hofi ne semble pas avoir laissé de traces dans les Iles
Britanniques; mais lang-helda s'est répandu dans toutes les
colonies norvégiennes à l'Ouest de l'Ecosse, dans toute
l'Ecosse, l'Angleterre du Nord et l'Irlande du Nord.
Les formes les plus anciennes se trouvent mentionnées sous
C. Elles n'ont pas besoin de commentaire. M. Henry Bradley
a commis l'erreur (voir Murray, New English Dictionary, VI,
56) de les tirer d'un vieux-français *langle <C latin lingula
« courroie d'attache ».
Les formes mentionnées sous B, montrent une disparition
surprenante de Yl final ; on peut comparer celle qui s'est
produite dans Técoss. Raonaid pour Raonaild, de v.-norr.
Ragnhildr. L'irlandais langaid(e) a eu un intermédiaire anglais,
car v.-norr. lang-helda aurait donné irl. lainm/I. La forme
î8é Alf Sommerfell.
parallèle laincide (Gare, Kerry), correspondant à lanket, lan-
kit (Mari, Anglais d'Ecosse, Cumberland), et le timbre x de
la voyelle radicale de laincide, tel qu'on prononce ce mot en
Kerry, indiquent la même chose.
Il n'est pas possible de déterminer la date de l'emprunt
de lang-helda. Les premiers exemples du mot ne sont connus
qu'au xive siècle. Si l'emprunt avait été fait dès l'époque des
Vikings, on s'attendrait à écoss. et irl. Icuigall (groupe C.). En
tout cas, les formes écossaises et irlandaises avec -d (-/) sont
dues à l'influence des districts norvégiens de l'Ecosse où le
groupe -M- se maintient, comme en Norvège même.
Remarque D. — Les formes avec -s- viennent évidemment
d'un v.-norr. lang-festr. D'après Fritzner, festr désigne jus-
tement « une corde ou câble par laquelle quelque chose est.
attaché » et s'emploie surtout d'un « câble servant à amarrer
un bateau ». Le sens écossais correspond parfaitement à
celui-ci. En irlandais le mot semble un synonyme de langaid ;
le sens de festr est dans ce cas celui de v.-norr. jarn festr =
jarn-hlekkir « menottes ou fers » (Didrikssaga, 34.1).
allsmann.
Le mot apparaît dans l'Aislinge Meic Conglinne p. 39 :
Muinnter enig înîchin
d'ôcaib dercaib tennsadehib
im thenid astig.
secht n-alîsmaind, secht n-espisle
do chdisib, do choelanaib
fo bragait cech fhir
« Les gens de la maison étaient assis à l'intérieur, autour du
feu ; c'étaient des hommes jeunes, aux joues roses, fortes.
Sept allsmaind et sept amulettes de fromage (m. à m. de fro-
mages) et de tripe autour du cou de chacun d'eux. »
Les manuscrits de ces textes datent des xive, xve et xvie
siècles; le texte lui-même est de la fin du xie. Le vers qui
contient allsmann se trouve dans les deux versions du texte
et appartient donc à la première rédaction poétique de la
légende, sur laquelle a été fait le récit en prose.
Vieux-Norrois en Irlande. 187
Le texte contient beaucoup d'emprunts Scandinaves ;
allsmann en est un et correspond régulièrement à v.-norr.
hals-men (qu'on trouve, par ex., dans l'Atlamâl). Comme les
Irlandais avaient un grand nombre de mots signifiant
« collier », il est clair que allsmann a dû désigner un collier
d'un type particulier, fréquent dans les districts norvégiens de
l'île, peut-être un collier composé de pierres et de morceaux
de verre, un des steinasorvi qu'on trouve si souvent dans les
fouilles. Cette supposition s'accorderait bien avec le texte où
la corde se transforme en tripes et les pierres en morceaux de
fromage.
Il est impossible de déterminer la date de l'emprunt et
quelle extension il a eu en Irlande. Mais il est sûr qu'il a été
vivant en Ulster a la fin du xie siècle et il est même probable
qu'il est considérablement plus ancien.
Irl. birbell, écoss., v.-norr. biafal.
Dans le manuscrit H. 3. 18 (Trinity Collège, Dublin) fol.
64 b on trouve, dans un vieux glossaire un mot birbill, tra-
duit par brat. Ce dernier mot désigne toujours, on le sait, un
manteau couvrant la partie supérieure du corps. Birbell se
prononçait sans doute birvsll ,bir?vdll et remonte vraisemblable-
ment à v.-norr. berfell (prononcé bervelï) berfiall (cf. Volundar-
kvicîa, 10) =: biarnfell «peau d'ours ». Il vient régulièrement
de berbell comme birling de berling. La forme birbill pour
birbell est probablement due au lexicographe, qui a pris la forme
du génitif (ou du datit) avec la glose brat du texte où il l'a
trouvée sans la changer. On connaît plusieurs exemples ana-
logues. Une autre explication est également possible. Le mot
a pu être emprunté à une époque où le neutre irlandais était
encore vivant, c.-à-d. avant la fin du xe siècle, et a pu ensuite
passer au féminin. Or, parmi les féminins il arrive constam-
ment que la forme du génitif-datif, qui serait ici birbill,
serve également de nominatif.
Cette explication, qui montre que le vieux-norrois berfjall
a été connu en Irlande, éclaire un passage important de
Eiriks Saga Rauùa, chap. VIII. Il y est dit que le roi de Norvège
188 Alf Sommerjeli.
Olav Tryggvason donna à Leiv Eiriksson deux coureurs écos-
sais, un homme du nom de Haki et une femme nommée
Hekja:
fan vâru svâ bùln at fan hofôu fat kleefài er fan kçlluthi
biafal (piaf al, Hauksbôk). fat var svâ gert ai hottrinn var à app
ok opit athlffium oh engar ermarâ oh ktiept i tnillifôta. bellt far
saman knappr oh nc~la en ber vâru annars stàÔar. « Ils étaient
équipés de façon qu'ils portaient le vêtement qu'ils appelaient
biafal. Ce vêtement, muni d'un capuchon et ouvert sur les
côtés, n'avait pas de manches et était boutonné entre les
jambes. Il y avait là pour le tenir un bouton et une attache.
Pour le reste, ils étaient nus. »
Il est évident que ce mot biafal, ciafal est un mot écossais.
Le contexte montre qu'il désignait un vêtement, que les
Ecossais devaient appeler brat. C'était une espèce de vêtement
en forme de sac avec capuchon, qui tombait droit des épaules
et qui était réuni entre les jambes par une attache et un bouton.
Dès lors, il faut conclure que ce biafal n'était pas d'origine
écossaise. C'était un manteau de fourrure: sa coupe particulière
l'indique clairement ; biafal provient sans doute d'une défor-
mation de v.-norr. berfjall, correspondant à irlandais bcirbcll.
Cela est d'autant plus vraisemblable qu'on ne trouve ni en
irlandais ni en écossais, aucun mot qui ressemble, même de
loin, au biafal, ciafal de la saga.
Cependant, on s'attend en écossais comme en irlandais à
berbell (birbell, -felï) ou — ce qui est moins probable — à
berfal(l) avec un groupe -rf- non -palatal. Cela donnerait en
vieux-norrois biarfal (ë devant un groupe de consonnes non-
palatales >> v.-norr. ta ; cf. bianah <C bennacht, etc. ; même
en syllabe inaccentuée ingian <C ingen). Mais les manuscrits
ont biafal. Cette forme ne peut être que le résultat d'une
contamination de ber-fjall, bjarn-fell avec le v.-norr. bialfi
v peau, fourrure ». Ce dernier mot est ancien en Scandinave ;
il est identique au nom de personne Bjalfi, attesté dès le vuie
siècle (Egilssaga).
Un / cacuminal s'amuit devant une consonne labiale dans
plusieurs dialectes de l'Ouest de la Norvège. Or, par un heu-
reux hasard, on connaît la forme sans / du mot dans une
Vieux-Norrois en Irlande. 189
inscription runique de Helland en Sole, qu'on s'accorde à
fixer aux environs de l'an 1000 (ace. biafa). Le nom Bjafi pour
Bjalfi est également attesté à Sogndal en Sogn (Diplomatarium
Noruegicum, VI, 84).
On montrera plus loin que les formes irlandaises et écossaises
des thèmes masculins vieux-norrois en -n- remontent sans
exception aux cas obliques. Le mot biafi aurait donc dû donner
en écossais *biava ; cette forme a été transformée en biava-l
sous l'influence de biarn-fell, ber-fell (écoss. *bervell, *biarvalï).
La contamination remonte probablement aux G ail Gaèdil de
l'Ouest de l'Ecosse.
linscôit.
Ce mot se rencontre fréquemment en moyen-irlandais (cf.
Aislinge Meic Conglinne, 103. 15, PH. 2619 ; YBL. 148 b 7;
BL. 229 a 6). Le sens de linscôit est « toile » et spécialement
« suaire de toile ». Il correspond exactement à v.-norr.
lin-skauti qui, comme lin-dûkr, se dit surtout du « suaire »
{sveipa lik linskauta : corp do chengal de linscôit).
Les manuscrits datent du xive siècle, les textes du xie. Il est
probable que le mot n'a été emprunté que quand les Scandi-
naves avaient adopté le christianisme et les usages funéraires
chrétiens. L'emprunt remonterait donc au xie siècle. Dans les
PH. le mot emprunté s'emploie côte à côte avec le vieux mot
irlandais lin-anart qui n'était pas encore éliminé à la fin du
xie siècle. Plusieurs exemples sont là pour montrer que lin-
scôit s'est substituée! lin-anart (cf. PH. 1870 et suiv., 3688,
5244; LL. 256 b 1, LB. 158 a, b).
Pour linscôit, on s'attend à linscôt. Mais le mot a été associé
avec les noms irlandais en -ait, gén. -ôta (orôit, etc.); et le
nominatif linscôit a été fait sur le génitif linscôta (v.-norr.
linskauta).
sçâlân, scâthlân.
Le composé bél-scâlân apparaît dans bon nombre de textes
moyen-irlandais, à partir du xie siècle: LL. (TBC) 57 a 10
Revue Celtique, XXXIX. ■ 13
190 Alf Sommerfell.
et suiv., ib. (Cath Ruis na Rig) 174 a 42, ib. 174 b 38, ib,
174 b 42.
Le diminutif ttrt/flw suppose scâl ou solda. Ce dernier corres-
pond régulièrement à v.-norr. skâli, cas oblique skâla. Dans
les textes irlandais scàlân apparaît presque toujours zvecpttpal
et both ; il désignait, dans la langue militaire, une construc-
tion légère dans un camp. Il est évident que ce sens vient
du norvégien, bien que le mot en question ne soit pas attesté
dans les textes norvégiens ou islandais. Dès lors, le sens de
« remise isolée, maison ouverte » (le premier terme du
composé irlandais bel- indique également que le mot a désigné
une construction ouverte), si fréquent dans les dialectes
norvégiens actuels, doit remonter à l'époque des Vikings. Si,
parmi les Norvégiens d'Irlande, le mot skâli n'avait eu que le
sens de setstofa ou de for skâli, il n'aurait jamais été emprunté.
Ce n'est pas tout. En Telemarken, skaale a encore le sens de
« cabinet en poutres ou en lambris à l'intérieur d'une grande
remise » (cf. Ross). Un sens analogue apparaît pour le mot
emprunté dans les Annales des Quatre Maîtres, à l'année 1244
(bél-scâlâna bâtar isin teampall histigli).
L'irlandais scàlân semble avoir été fait de perches et de
branches flexibles; on bouchait les trous avec des joncs et des
herbes de marais. Ceci ressort de deux passages, l'un dans le
Cath Maige Lena, p. 76, l'autre dans le récit appelé Echtra.
Cloinne Righ na Hioruaidhe
Le mot simple, sans bel, se trouve Cath Maige Lena, 76. 3 :
n. pi. scâthlâin. L'orthographe a été influencée par scàth
« ombre ». Dinneen enregistre scathlûnn; ce mot vient de
P. O'Conell, qui l'a pris pour un composé de lann. Le mot
scàlân « a hut, a stage, a scaffald », qui se rencontre dans les
dictionnaires irlandais et écossais modernes (Dinneen, Highl.
Soc. Dict.), est tiré de manuscrits récents ; mais il est sorti
de l'usage dans les dialectes actuels.
Windisch a commis l'erreur de rapprocher bél-scàlân de
bél-scâiltc (TBC, p. 50 note 5) ; ce dernier contient, comme
on sait, la diphtongue ai.
Vieux-Norrois en Irlande. I9Î
slipad.
Ce verbe apparaît dans plusieurs textes irlandais, à partir du
xie siècle (cf. TTr. 602, H. 2. 17, Ir. Texte, II; Cogad Gàedel
162. 13 ;. Egerton 1782, 23 b2; BB. 425 a 33 ; TBC (Stowe et
H. 1. 13), 5997 ; Ca'th Finntraga, 25 1 ; Keating, Three Shafts :
biora bldith-ilioptha) .
Comme il ne semble pas être attesté avant le XIe siècle, ce
verbe ne peut pas être d'origine anglo-saxonne. Il vient de
v.-norr. slipa.
Stokes a eu tort de lui donner une origine celtique (KZ.,
XLI, 388). Mais le synonyme Umad( = l'unadh, gall. ////"-)
est bien irlandais. Si l'on peut se fier à la forme sliobhadh qui
est citée à-côté de sliôbadh dans le dictionnaire de Dinneen,
elle doit provenir d'une contamination avec llomhadh, liobhadh
< m.-irl. îinuul.
crupad.
L'irl. mod. crupaim signifie « je me ratatine, je me resserre » ;
l'écoss. crup (HSD.; Mac Alpine) a le même sens. Cf. Irl.
crupôg « ride », écoss. crupag; irl. crupaidhe, crupacb « ratatiné,
défait, ridé ».
Ces formes sont d'origine Scandinave; cf. norv. dial.
krnpp « arbre tortu » ; kruppen, kroppen « ratatiné, ayant les
membres tortus ».
L'écoss. crùb « sit, squab, crouch » (HSD. ; Mac Alpine) n'a
rien à faire avec crupad, mais remonte à v.-norr. krjûpa, hrùpa.
L'explication qu'a donnée de ce mot Craigie, Arhiv for
nordisk floîogi, X, est erronée.
ruadmarg .
Dans la partie la plus récente du Di'til Laiihne, 'Liber
Latiniensis', cet étrange glossaire copié par Duald Mac Firbis
en 1643 (H. 2. 15, Trinity Collège, Dublin), on trouve un
emprunt au vieux-norrois. C'est ruodhmarg À. nwiii, locus palus-
trisÇn" 145) qui correspond à norv. raitâ-mork(cî. Dan-niork^>
192 A If Sommerfelt.
irl. Dan-marg); ce dernier a le même sens que norv. dial.
raud-myr. Le composé raud-mork est tellement naturel qu'il
doit exister dans des dialectes actuels, bien que Aasen et Ross
ne le mentionnent pas. D'ailleurs, ces deux lexicographes
norvégiens ne notent pas raudmyr non plus, évidemment
parce que ce mot est un des « composés dont les termes se
comprennent facilement » (Aasen, Préface, VI).
On s'attend à irl. rôdhmarg, car v.-norr. au donne irl. ô. Le
mot a pris la forme ruadhmarg sous l'influence de ruadh, qui
étymologiquement est identique à v.-norr. rauiïr. De même,
Hrôdmwidr devient Ruadh-mand et le surnom Rauftr, Ruadh.
L'emprunt présente un certain intérêt pour l'histoire de
la civilisation irlandaise; car il semble confirmer ce que
l'Orkneyasaga dit de Torf-Einarr : hann fann fyrstr manna at
shera torf ôr iorHu til eldivfâar à ïorfnesi â Shotlandi j>uiat illt
var til viïïar i eyiunum (éd. Vigfusson, § 7) « il était le
premier homme qui eut l'idée de couper de la tourbe du sol
pour l'employer comme combustible, car on manquait de bois
sur les îles ». Les Norvégiens ont sans doute appris aux
Irlandais et aux Ecossais à utiliser la tourbe.
scor.
Il est universellement connu que l'irlandais scor «coupure»
est un emprunt au vieux-norrois (cf. Bugge, Norse Loanwords,
304); mais l'on n'a pas encore expliqué comment les Irlandais
ont pu emprunter un mot d'un sens aussi général .
La raison en est que les Irlandais ont emprunté en même
temps le scoru-kefli et la vieille coutume, si vivante en Norvège,
de graver des skorar, dans le montant de la porte ou dans une
des barrières de la ferme pour commémorer un événement
extraordinaire (cf. Gulatiugslov, § 1 3 1, Frostatingslov, VII, 10).
La coutume existe encore en Irlande de marquer avec un
couteau la poutre au-dessus de la cheminée ou le montant
de la porte quand un événement important s'est produit, et
cette marque garde son nom vieux-norrois, scor; cf. Dinneen,
p. 614 : scor a chur san chlabhar.
Vieux-Norroù en Irlande. 193
raobann.
Le mot raobann, gén. -ainn « a loop, an eyelet ; one of the
loops by which sali is laced to the mast », Dinneen (Tory
Island), vient régulièrement de v.-mrr. *reipa-band; cf. reipa-
reidi; Fornmannasogur, VI, 380. Cette comparaison devient plus
probable encore quand on se souvient du mot des Shetlands
repiband « corde avec laquelle on ferme l'ouverture d'une
corbeille » et qui est identique à v. norr. *reipa-band. Shetl.
repistring a le même sens.
Le mot raobann est sûrement venu en Irlande des îles
écossaises. Il n'a rien à faire avec le norr. dial. raaband (cf. le
verbe vieux-norrois ràbendd). L'écossais raoib remonte à v.-
norr. reip.
30 Calques
L'influence du vieux-norrois sur l'irlandais ne se borne pas
aux mots seulement. Il est très probable que les Irlandais ont
traduit, à partir du ixe siècle, des termes et des expressions
Scandinaves. On ne s'est pas occupé de cette question ; elle
est très délicate et demande une circonspection particulière.
Rien ne prouve, par exemple, que mun-torc ait été calqué sur
hals-men, ni que iarnn « fer à cheval » ait reçu ce sens parti-
culier du v.-norr. iarn. D'autre part, beo n'a pas pris les sens
de « génisse » et de « bétail » sous l'influence Scandinave, car
le premier au moins de ces sens semble remonter à l'indo-
européen. Mais voici quelques expressions dont l'origine ne
peut être douteuse. Les composés dont l'un des termes est un
mot d'emprunt tandis que l'autre est indigène offrent un inté-
rêt particulier. Ce type a dû être assez fréquent; il se retrouve
en écossais, cf. gad-luinne, « saumon après le frai », composé
de luinne, v.-irl. linne (Trip. Life, 88, 28) « saumon » et pro-
bablement du v.-norr. got ; cf. norv. got-laks, got-fisk (Aasen,
Ross).
gaeth etir dâ scôt.
Cette expression apparaît dans le récit irlandais moderne
194 -Alf Sommerfell.
« Giolla an Fiugha », publié par M. Douglas Hyde (IrishText
Society, I, p. 25) et où il est question d'une expédition en
Norvège. On lit : deirigh gaoth idir dà sgôd orrain « nous eûmes
le vent entre les deux écoutes ». Le mot sgôd correspond
parfaitement à v.-norr. skaut . L'expression vient du v.-norrois,
cf. Biskupa Sogur, II, 48. 35 : byrr beggja skatita, m. à m. «vent
(favorable) des deux écoutes », c.-à-d. « vent droit derrière
dans les deux écoutes ».
piast, fuaigim.
Cath Maige Lena, 44. 23 et suiv. : dochuircadar amach a
bpiasda uathmara iongantacha 7 a scûdadha slearhna a laoidheanga
fuaighte « ils mirent à l'eau leurs serpents terribles et merveil-
leux, leurs navires lisses et leurs bateaux de hidang cousus».
piast est une traduction de onnr et fuaighte de syja ; cf. écoss.
sûdb = v.-norr. sût « action de joindre ensemble les bords
d'un bateau », v. Festskrift iil Alf Torp, p. 240.
raael-att.
Ce composé apparaît dans le texte moyen-irlandais In Cath
Catharda (4695 et 5261) et désigne un capuchon bien collant,
attaché au haubert et sur lequel repose le casque. Comme
dans att cluic, cloc-att et cennat, att reproduit le v.-norr. hattr
ou hottr, qui se dit de plusieurs espèces de couvre-chefs «aussi
bien de ceux qui sont indépendants du vêtement que de ceux
qui y sont attachés » (Fritzner).
mael-att a été calqué sur le v.-norr. koll-hottr (=koll-hetta).
Dubchenn, Glûniairnn, Glûntradna.
Le nom propre irlandais Dub-chenn est antérieur à l'époque
des Vikings et n'est pas d'origine Scandinave. Mais il a été
associé à v.-norr. Svarthojdi, car il est fréquemment porté par
des Norvégiens au xe siècle. Un certain Dubchenn, père
d'Amond (Hâiuundr), est mentionné dans le Cogad Gâedel,
p. 206. Il est identique à Dubchenn, fils de Ivar de Limerick
(Tigernach, année 776; Cogad, p. 275).
Vieux-Norrois en Irlande. 195
Gh'in Iairnn n'est pas irlandais mais recouvre un v.-norr.
*Iarn-knê (le nom semble indiquer que dès le commencement
du IXe siècle, les Vikings portaient des genouillères de fer
saillantes). Le nom irlandais date de l'époque des Vikings et
est porté surtout par des Scandinaves 'ou des personnes
d'origine Scandinave. Sous sa forme irlando-scandinave lerene,
Ergne, il apparaît dans les Annales d'Ulster (852, 882, 885
et 886). A partir du 896 on ne trouve que la forme irlan-
daise (896, 984, 990, 1014, 1070). L'alternance lerene; Glûn
Iairnn est un témoignage sûr des rapports linguistiques très
intimes qui existaient entre les Scandinaves et les Irlandais à
la fin du ixe siècle. Les Annales d'Ulster sont, on le sait, des
documents contemporains.
Glân Iairnn avait un fils nommé Glûntradna qui, d'après les
Quatre Maîtres, fut tué en 891. Le second terme du composé
est identique à l'irlandais moderne traona « râle de genêt »,
en Munster tradhna (pron. treini): le nom semble être une
adaptation entière du sobriquet vieux-norrois Trpnu-kné, cf.
Tronu-beina frœh dôllir dans le poème eddique Rigsfiula.
Parmi d'autres traductions, on peut mentionner irl. fidehatt
« souricière » : amal charas in luch biad in fidehaitt « comme
la souris aime la pâture de la souricière », cf. v.-norr. son
mus undir trêkeiti « comme une souris sous une souricière »
(m. à m. sous un chat de bois), Heilagra Manna Sogur, II, 5 . 10 ;
15.6 (voir Sophus Bugge, cité par Stokes, Be^: Beitr., xvin,
123, note). Le synonyme vieux-norrois fjala-kottr montre
d'une façon évidente que l'expression est d'origine Scandinave.
40 Noms propres.
Les noms de personne sont précieux, car ils sont presque
tous datés et fournissent ainsi des données sûres. Voici ceux
qui offrent le plus d'intérêt parmi les derniers identifiés.
Amlaide .
Dans les Three Fragments of Irish Aimais, à l'année 909,
et dans les Annales des Quatre Maîtres, à l'année 904, on
196 Alf Sommerfelt.
trouve un petit poème de Kormlod, fille de Flann Sinna. Elle
l'aurait composé à la mémoire de ses deux époux, Cerbhall et
Niall Glundubh, tués par les Scandinaves au commencement
du xe siècle. Voici une des strophes :
olc ormsa cumaoin dd g hall
marbsat Niall 7 Cearbhall ;
Cerbhall la hUlbh comall ngle
Niall Glundubh la hAmlaidhe (hArhlaidhe FM.).
Amlaide suppose une prononciation Avlav$3 qui reproduit
régulièrement le v.-norr. Hafliiïi, nom fréquent en Islande.
Ce Haflic5i vainquit le roi Niall en 919. C'est.donc le premier
de ce nom que nous connaissons.
Hafliiïi est un nom du même type que Sumarliùi, irl.
Somarlid, Vetrltôi, Vestltôi. Ces noms datent tous de l'époque
des Vikings.
Les éditeurs du texte ont eu le tort d'identifier ce nom avec
Amlaib. La rime de débide avec glé exige Amlaide qui est la
seule forme transmise par les manuscrits.
Aufer.
D'après les Annales Irlandaises, un Scandinave de ce nom
fut tué en 925, en même temps que Roald et Halfdan, fils de
Gudrœd. Les manuscrits sont parfaitement d'accord ; FM1,
CS., AI. ont Aufer ; ACM., 921 porte Awjer.
Pour des raisons phonétiques le nom ne peut pas être iden-
tifié avec Alfr ainsi que l'a proposé Faraday, ou avec v.-norr.
Afvirïïr, isl. Auvirïïr, anglo-sax. sEfwyrd (Stokes, Be%{. Beitr.,
XVIII, 116). Vf irlandais ainsi que IV non-palatal excluent
toute comparaison avec le v.-norr. Aulttir = 0luir ou avec le
nom propre Auf que Sophus Bugge a constaté dans l'inscri-
ption unique de l'église de Gran et qui, à cause du nom
anglo-saxon Eafa ( = germanique commun * Autan), ne peut
pas être un nom en -ver.
On pourrait penser à un v.-norr. *Auft-bere = AuWiorn\
mais il faudrait alors .supposer que dans tous les manuscrits le
mot a été écrit phonétiquement. Il est plus probable que Vf
Pieux-Norrois en Irlande. 197
représente v.-norr. /. Dès lors, le nom reproduit réguliè-
rement v.-norr. Eyfari, cas oblique Eyfara (pour ey > au,
irl. e pour v.-norr. a, disparition de l'a final, cf. ci-dessous).
D'après Lind, Norsk-islàndska dôpnamn (Uppsa\, 1905), 254, ce
nom a été employé dans les Hébrides. C'est un nom du même
type que Hlymrehfari, Irfari, Englandsfari, Holmgarftsfari
« celui qui voyage à Limerick », etc.
Ce nom prouve que Aiifer était de nationalité norvégienne.
Il le devait à ses voyages dans les îles écossaises.
Putrall.
C'est le surnom de Roalt, qui tomba à Lemain au commen-
cement du xe siècle {Roalt Putrall, Cog. LL., Rolt Pudarill,
manuscrit de Dublin).
Ce nom Putrall vient régulièrement du v.-norr. Butraldi,
cas oblique Butralda. C'est un nom rare qui n'est attesté qu'en
Islande où il est sorti de l'usage au XIe siècle. Un nom de
même type est évidemment Digraldi (R.igsf?ula).
L'hypothèse de Stokes (BBr., XVIII, 119) est erronée.
Smurull.
On lit : cath cile forru (c'est-à-dire les Norvégiens) dû i tor-
chair Roalt 7 Smurull dans le Cog., 28, LL. Un manu-
scrit de date plus récente a : ocus Muraill. Il suit de là qu'il y a
eu deux formes : Smurull et Smurill, tirées du v.-norr. smyrill
(falco lanarius), pi. smurlar, avec la même alternance de suf-
fixes -il : -ul qu'on observe dans drasill : dat. drçsle, vafiill :
pi. vofilar (vçfila Sturlungasaga, II, 38. 39), runique erilar :
lat. Endos. Il est probable que des formes parallèles sont nées
de cette alternance : smyrill (>> irl. Smurill régulièrement) et
*smurull (>> irl. Smurull), de la même façon qu'on a eu
bitill : bitull, ferill : foroll, gymbill : Gumbull (qui comme irl.
Smurull fait fonction de surnom).
Ce Smurull a été tué au commencement du xe siècle; smy-
rill était donc employé comme surnom à cette époque.
198 Alf Sommerfelt.
Sûdiam.
On lit : co Siugraid Soga rig Sûdiam, dans le Cath Ruis
na Rig, § 7 (LL., manuscrit de la fin du xnc siècle).
Sûdiam représente le datif pluriel vieux-norrois (d, af, ï)
Sufteyjiim = Suftreyum ; cf. sufiland = sudrland .
Siugraid Soga est le iarl des Orcades Sigurïïr Hlodvissour,
tombé à Clontarf en 10 14. Il avait le surnom de Digri « le
gros ». Soga, c'est-à-dire Sogga, reproduit probablement
v.-norr. soggi, suggi, cas oblique sogga, forme faible parallèle
au norv. dial. sugg, sogg « homme gros et grand ». Le fémi-
nin faible correspondant est toujours vivant dans les dialectes
norvégiens.
Pendant quelque temps, l'empire de SigurO Hloùvisson
s'étendait de Caithness sur les Orcades, sur les îles Shetland et
jusqu'aux Hébrides.
Hiruaith, Lochalnn.
L'origine de ces deux noms reste mystérieuse. Mais ils rap-
pellent d'une façon étrange les noms des deux districts voisins
de l'Ouest de la Norvège, le Hordnland et le Rogaland. Quoi
qu'il en soit, il est significatif que ces parties de la Norvège
ont fourni un très grand nombre de Vikings.
(A suivre). A. Sommerfelt.
LES SAINTS IRLANDAIS
DANS LES
TRADITIONS POPULAIRES DES PAYS CONTINENTAUX.
Maint territoire de l'Europe continentale conserve les traces
du passage des saints venus d'Irlande. L'abbaye de Luxeuil,
fondée par S. Colomban en 585, fut à l'époque mérovingienne,
une pépinière d'abbés, d'évêques et de missionnaires. Deux
des plus célèbres monastères du haut moyen âge, les deux
centres d'études les plus importants de l'époque, Bobbio et
Saint-Gall, durent leur fondation, le premier au même Colom-
ban, le second aux premiers disciples de saint. Gall, lui-même
disciple de Colomban et qui a laissé son nom à une ville et
à l'un des cantons de la confédération helvétique. Le diocèse
de Wurtzbourg s'est placé sous le patronage d'un autre Irlan-
dais, saint Kilian, et la Basse-Autriche sous celui de saint
Coloman, dont les restes reposent à l'abbaye de Melk, sur le
Danube. Le tombeau de saint Fursy à Péronne attira les com-
patriotes du saint en ce lieu, qui était encore connu, au
xe siècle, sous le nom de Perrona Scottorum l.
Pendant près de quatre cents ans, les saints irlandais, animés
d'un ardent esprit de prosélytisme, ont travaillé à la diffusion
de la foi chrétienne et de la discipline monastique en Gaule,
en Belgique, en Alsace, en Alemanie, en Franconie, en Italie,
sur le Danube et sur le Rhin.
L'Irlande a certes continué d'être une terre de haut renom
chrétien ; mais à aucune époque de son histoire, non pas
même au temps de la persécution protestante, elle ne mérita
mieux le nom d'île des saints.
1. Voir L. Traube, Perrona Scottorum (Acad. de Munich, Comptes rendus
de la classe de phil. et de philol. 1900, p. 469 s).
200 L. Gougaud.
L'histoire de l'étonnante activité des Irlandais sur le conti-
nent européen est bien connue dans ses grandes lignes '.Nous
ne voulons pas revenir sur ce sujet. Mais il peut être intéres-
sant de rechercher les traces que ces étrangers ont laissées
dans les traditions et usages populaires des régions qu'ils ont
parcourues et des lieux où ils ont fondé des établissements
durables. Pèlerinages et dévotions en vigueur dans les sanc-
tuaires qui conservent — ou qui prétendent conserver — de
leurs reliques, prières où ils sont invoqués, dictons où ils
sont nommés, fêtes locales qui perpétuent leur souvenir, voilà
ce qui constitue la matière de la présente étude.
Feu Margaret Stokes, la sœur du grand celtiste Whitley
Stokes, qui s'est appliquée avec zèle à retrouver en France et
en Italie les vestiges des peregrini insulaires, a frayé la voie
aux archéologues et auxfolkloristes. Ses deux livres, Six months
in the Apennines in search of the vestiges of Irish Saints in Italy
(Londres, 1892) et Three months in the Forests oj France: a
Pilgrimage in search of vestiges of Irish Saints in France
(Londres, 1895), ont le mérite de reposer sur une documen-
tation abondante et pittoresque, recueillie sur les lieux mêmes
qui furent illustrés par le passage des saints d'Irlande. Toute-
fois on peut leur reprocher d'être assez bizarrement compo-
sés et surtout de mettre trop souvent la légende à la place
de l'histoire.
Certes, il serait impossible de traiter un sujet de folk-lore
religieux comme celui-ci, sans tenir compte des traits légen-
daires; mais, tout en montrant l'influence que les légendes
ont exercée sur le développement des croyances, des dévo-
tions et des coutumes populaires, on doit se garder de les
mettre sur le même plan que les faits historiques. Notre soin
sera d'éviter cet écueil.
1. Voir Wh. Levison, Die Iren und die frânkische Kirche (Historiscbe
Zeitschrift, CIX, 1912, p. 1-22), notre étude : L'œuvre des Scotti dans
V Europe continentale (Revue d'histoire ecclésiastique, IX, 1908, p. 21-37,
255-277) et nos Chrétientés celtiques, Paris, 191 1, ch. V, Les expansions
irlandaises.
Les saints irlandais. 201
I. — Les trois grands saints nationaux.
Les trois patrons et thaumaturges à qui, dès l'origine, l'Ir-
lande voua un culte de prédilection sont saint Patrice,
l'apôtre de l'île, la vierge de Kildare Brigide et S. Columcille,
abbé d'Iona.
Saint Patrice a parcouru la Gaule, mais c'est seulement en
Irlande que son apostolat s'est exercé. Son culte fut introduit
dans nos pays continentaux par les tout premiers mission-
naires d'outre-mer. Son natale au 17 mars, jour demeuré
sacré entre tous pour les fils d'Erin, était célébré dès le
vme siècle à Luxeuil, à Péronné et à Fosses, en Belgique; à
Echternach, Corbie, Nivelles, Reichenau et Péronne proba-
blement dès la fondation de ces abbayes. La célébration du
17 mars est attestée à Trêves et à Landévennec, en Bretagne,
aux xe et xie siècles *.
Quand on connaît l'ancienneté et la large diffusion de ce
culte liturgique, on ne peut s'étonner que la piété populaire
se soit emparée à son tour de ce saint étranger pour en faire
un de ses héros préférés.
Beaucoup d'églises et de monastères se vantaient de possé-
der de ses reliques : Saint-Pierre de Reims, Lisieux, Issou-
dun, Pfâvers, en Suisse, Lumiar, près de Lisbonne. Le village
de Neubronn, à une demi-lieue de Hohenstadt, près d'Aalen
(Wurtemberg), possède une image du saint qui est l'objet
d'une grande vénération dans le pays 2. Patrice est invoqué
1. Vita Gertrudis (M. G. H., Script, ver. merov., II, p. 462-463) pour
Fosses) ; L. Gougaud, art. Celtiques, (liturgies), dans le Dict. d'Arcbe'ol.
de Cabrol et Leclercq, col. 3005 (pour Luxeuil, Nivelles, Reichenau, Landé-
vennec) ; Br. Krusch, Chronologisches ans Handschri/ten (Neues Archiv.,X,
1885, p. 92) (pour Corbie) ; The Calendar of saint IV illibrord , éd. H. A.
Wilson (H. Bradshaw Soc), London, 1918, p. 5 (pour Echternach);
P. Miesges, Der Trier Festkalender (Trierisches Archiv., Ergànzungsheft
XV, 191 5, p. 38);Kuno Meyer, Verses front a chapel dedicated to saint
Patrick at Péronne (Eriu, V, 191 1, p. 100).
2. A. Birlinger, Ans Schwaben : Sagen, LegenJcn, Aberglauben, Sitten,
Wiesbaden, 1874, p. 67-68.
202 L. Gougaud.
comme protecteur du bétail dans la Haute-Styrie '; ailleurs,
on le prie pour la guérison des sourds-muets - . D'après un
dicton breton, celui qui tue un perce-oreille avec son doigt
a la bénédiction de saint Patrice \ Cela s'explique sans doute
par la croyance invétérée qui voulait que l'apôtre de l'Irlande
eût chassé de l'île les serpents et toutes les bêtes venimeuses.
Les Irlandais professaient de singulières opinions sur leurs
saints. Ils n'hésitaient pas à leur attribuer les rôles les plus
extraordinaires et à leur assigner, dans la hiérarchie des Bien-
heureux, les tout premiers rangs. Ainsi l'opinion que saint
Patrice serait appelé à juger tous les Irlandais au jour du juge-
ment s'était accréditée parmi eux 4. Quant à Brigidê de Kil-
dare, la piété irlandaise allait jusqu'à la confondre en quelque
sorte avec la Mère de Dieu : ses fidèles l'appelaient « la Marie
des Gaëls » et même « Mère de Jésus » 5 .
La sainte de Kildare jouit d'une extraordinaire popularité
dans toute l'Europe occidentale. Il n'est pas douteux que cette
célébrité ne soit attribuable à l'intense propagande qu'organi-
sèrent, partout où ils pénétrèrent, les moines, missionnaires
et peregrini irlandais en faveur de leurs saints nationaux.
Un écrivain allemand du xme siècle, Nicolas de Bibera, se
raille de certains travers de ces étrangers et notamment des
exagérations auxquelles les conduisait leur admiration sans
limite pour les saints de leur race. Voici ce qu'il écrit des
Scotti qui peuplaient encore de son temps l'abbaye de saint
Jacques à Erfurt :
i. Richard Andrée, Votive Weihgaben des katholischen Volks in Si'td-
deutscbland, Braunschweig, 1904, p. 38.
2. Voir le Tàblet du 29 mars 1890, p. 486 ex. Notes and Oueries, 7* sér.
X, 1890, p. 9 et 97.
3. « An hini a lac'b etir gàflôSten g and e vis — En eus benno\ \ûnt Patris »
(E. Ernault, Dictons et proverbes bretons, dans Mélusine, XI, col. 310.)
4. Livre d'Armagh, fol. 8 a (Cf. Vie tripartite de Patrice, éd. Whitley
Stokes, London, 1887, p. 296); Liber Angeli, ibid., p. 355 ; Seconde Vision
d'Adamnan (Revue celtique, XII, p. 420); Homélie du Lebar Breac sur Patrice
(Vie Irip., p. 477) ; Prière de Ninine (The Irish Liber hyninormn, éd. Ber-
nard et Atkinson, London, 1898, II, p. 36); Vie tripartite, p. 31, 258-
261.
5. V. Chrétientés Celtiques, p. 261 ; G. L. Hamilton, The Sources of the
Fates of the Apostles and Andréas (Modem Language Notes, XXXV, 1920,
P- 394).
Les saints irlandais. 203
Sunt et ibi Scoti, qui cum fuerint bene poti,
Sanctum Brandanunl proclamant esse decanum
In grege sanctorum, vel quod Deus ipse deorum
Brandani frater sit et eius Brigida mater.
Sed vulgus miserum non credens.hoc fore verum
Estimât insanos Scotos simul atque profanos
Talia dicentes... *.
Le satirique d'Erfurt ajoute que, si l'on demandait à ces
5co/// d'expliquer ces étrange tés théologiques, ils alléguaient
la parole du Seigneur: « Mater mea et fr aires mei hi sunt qui
verbum Dei audiunt et jaciunt » (Luc vin, 21), et ils concluaient
ainsi :
Sic Brigidam matrem, Brandanum dicite fratrem,
Nam perfecerunt quecunque Deo placuerunt.
Sainte Brigide était fêtée le Ier février, au vme siècle, à
Reichenau et à Echternach, au ixe siècle, à Nivelles et peut-être
aussi à Rheinau 2. Pour suivre le développement de son culte,
tant officiel que populaire, il n'est besoin que de parcourir la
carte des établissements des Scolti sur le continent K On cons-
tatera que partout où Brigide a été vénérée, il ,a existé une
fondation religieuse ou une colonie irlandaise.
Dans la région de Saint-Omer, zone d'influence irlandaise 4,
les paysans vont « servir sainte Brigide » dans une église où
se trouve une statue de la sainte (à Wavrans-sur-1'Aa, à Leu-
bringhen, à Norbecourt, à Givenchy-le-Noble, à Lumbres, à
Saint-Denis de Saint-Omer), quand ils ont besoin de son
1. Nicolaus de Bibera, Carmen satificum,èd.>ÏH. Fischer (Geschichts-
quellen der Provins Sachsen, I, 1870, v. 1 5 50- 1 565, p. 90). Cf. Winterfeld,
Deutsche Dichter, p. 420-430.
2. V. mon art. Celtiques (liturgies), rec . cité, col. 3005 ; Calendrier de
S. Willibrord, éd. Wilson, p. 4; L. Delisle, Mémoire sur d'anciens sacra-
nte nt aires, p. 311. Le fragment de calendrier contenu dans le Codex Rhe-
naug. N° 30 de Zurich fut apporté de Nivelles à Rheinau par S. Fintan. Cf.
E. Egli, Das sog. Fintan-Martyrologium (Anieiger f. schivei^erische Gcschi-
chte, nouv. sér. VI, 1890-93^. 1 36-141).
3. V. la carie placée à la fin de mes Chrétientés celtiques.
4. Chrétientés celtiques, p. 149, Wh. Levison, Die Iren, p. 5.
204 L. Gougaud.
secours pour obtenir la guérison de leurs bêtes '. Les paysans
wallons viennent également invoquer la sainte pour leur bétail
dans la chapelle qui lui est dédiée sur la colline qui domine
la ville de Fosses, laquelle doit son origine à une abbaye
fondée au vme siècle par l'irlandais S. Feuillen. Les pèlerins y
font bénir des baguettes dont ils touchent leurs vaches
malades2.
Liège, où il exista, au ixe siècle, une colonie irlandaise 3, a
une église sous le vocable de la sainte 4.
La création de l'église paroissiale de sainte Brigide (main-
tenant supprimée) à Cologne remonte à l'époque où les abbayes
de saint Martin et de saint Pantaléon échurent aux Scotti (xe-
xie siècles) >. Cette église de sainte Brigide se trouvait située
dans le voisinage de la première de ces abbayes6. Quatre
autres églises paroissiales et sept chapelles du diocèse de
Cologne sont encore dédiées à la vierge de Kildare sous le
patronage de laquelle les paysans de la région placent leurs
animaux domestiques 7.
Une chapelle et un bénéfice de sainte Brigide sont signalés
à Mayence. Ils se rattachaient à l'ancienne église Saint-Paul,
qu'on donne comme une Schottenkirche. Cette chapelle était
située dans l'Altenmùnstergasse 8.
i. Communication de M. l'Abbé E. Guibert, auteur d'une brochure sur
le culte local de sainte Brigide dans la région deSaint-Omer, publiée à Saint-
Omer en 1921.
2. Cahier, Caractéristiques des saints, p. 140. Sur les autres églises ou
chapelles dédiées à sainte Brigide, voir T. A. Walsh, Irish Saints in Bel-
gium (Ecclesiastical Revieiv, XXXIX, 1908, p. 133-134).
3. Chrét. celt.,p. 165, 289-290.
4. J. Brassinne, Analecta Leodiensia, Liège, 1907, p. 82.
5. Chrétientés celt., p. 1 70-171.
6. K. H. Schaefer, Kirchen und Christentum in dem spdtroinischen uni
frûmittelalttrlichen Kôln (Annalen d. hist. Ver. f. den Niederrbein, XCVIII,
1916, p. m). L'église Saint-Martin de Cologne garde des reliques delà
sainte. Elle était honorée à Trêves dès le xe siècle. (Miesges, op. cit.,
p. 26.)
7. L. Korth, Die Patrocinien der Kirchen und Kapellen in Eijbistum
Kohi, Dùsseldorf, 1904, p. 39 s. ; Adam Wrede, Rbeinische Volkskitnde,
Leipzig, 1919, p. 155.
8. F. J. Bodmann, Rheingauischi Alterthùmer, Mainz, 1819, II, p. 593.
Les saints irlandais. 205
Parlant de la collégiale de Saint-Pierre-le-Vieux, Grandi-
dier écrit dans son Histoire de ï église et des évéques de Stras-
bourg : « On y révère, le Ier février, les reliques de sainte Bri-
gitte de Kildare. On appelle encore de nos jours certains can-
tons, qui appartiennent à la collégiale, les dîmes de sainte
Brigitte, non pas, comme quelques papiers semblent l'assurer,
pour avoir été données à l'église de Honau par cette sainte,
mais parce que les Ecossais ou Irlandais qui vinrent l'habiter
y apportèrent de leurs pays une partie de ses reliques, ce qui
engagea les peuples à honorer du nom de sainte Brigitte les
biens qu'ils lui consacrèrent. Les chanoines de Saint-Pierre-le-
vieux [à Strasbourg] ont dans leur compétence les pains de
sainte Brigitte, et leurs meilleurs vins portent aussi la rubrique
de cette sainte ' ».
L'église de Saint-Michel à Schotten, ville du Grand-Duché
de Hesse qui tire son nom d'une colonie de Scotti, a un de
ses autels dédié à sainte Brigide et un autre au saint breton
Josse 2.
Les. archives de l'église de Liestal, près de Bâle, conservent
la trace des donations faites à sainte Brigide au commencement
du xme siècle et d'un lumen sanctae Brigidae >. Un document
de l'année 1507 compte l'abbesse de Kildare au nombre des
patrons de cette église, et un autre de 1608, mentionne une
« Gotteshaus sankt Prigithae zu Liestal ». « Par quel canal ce
culte a-t-il pu d'Irlande atteindre Liestal ? C'est pour moi un
mystère » déclare l'auteur d'une récente étude sur les saints
et les églises du pays de Bâle 4. Cependant, sans recourir à
l'abbaye de Saint-Gall, qui est assez éloignée de Liestal s,
1. Grandidier, Histoire de l'église et des êvèques de Strasbourg, Strasbourg,
1878, I, p. 406.
2. S. A. Wùrdtwein, Diocesis Moguntina in archidiaconatus distincta,
Mannhemii, 1777, III, p. 87 ; Heber, Dieneun vormaligen Scottenkirchen in
Main^und in Oberhessen (Archiv. f. hessische Geschichte u. Alterthumskunde,
IX, 1861, p. 319-348).
3. Un feu perpétuel fut entretenu à Kildare en l'honneur de sainte Bri-
gide, jusqu'à la Réforme.
4. Karl Gauss, Die Heiligen der Gotteshàuser von Baselland (Basler
Zeitschiift filr Geschichte und Altertumskunde, II, 1902, p. 152-153).
5. Le P. Poncelet, bollandiste, a fait remarquer qu'une légende acclima-
Revue Celtique, XXXIX. 14
2o6 L. Gougaud.
pour trouver la solution de ce problème, on peut mentionner
l'abbaye voisine de Sâckingen, qui est considérée comme de
fondation irlandaise, et aussi, à quelque distance en amont sur
le Rhin, l'abbaye de Rheinau, où vécut S. Fintan.
Les livres liturgiques de Gênes attestent aussi que le culte
de Brigide fleurit en Ligurie. Le voisinage de Bobbio fourni-
rait une explication naturelle de ce fait; mais M. Cambiaso
nous en offre une autre dans son ouvrage, Lïanno ecclesiastico e
le /este dei santi in Genova, publié en 1917. Ce culte aurait
été implanté dans cette région par les chanoines réguliers du
Latran, lesquels comptent sainte Brigide parmi leurs chanoi-
nesses1. En effet, si étrange que cela paraisse, les chanoines
réguliers ont bel et bien prétendu que saint Patrice fut un des
leurs et que sainte Brigide se sanctifia pareillement dans leur
ordre 2.
Il a été fait mention ci-dessus de vignobles et d'autres terres
consacrés à notre sainte. Les paysans d'Amay, village situé
entre Huy et Liège, croient encore aujourd'hui que la terre
bénite de sainte Brigide guérit les bestiaux et qu'elle éloigne
des étables les méchantes gens et les sorcières. « On y croit
tellement qu'on répand de cette terre ci dix lieues à la ronde 3. »
Sainte Brigide, qui est invoquée dans la prière irlandaise de
S. Molling pour la protection des voyageurs, l'est pareillement
dans un Rcisesegen allemand du xve siècle 4. Son nom figure
aussi dans des formules de bénédictions contre les intempéries >.
tée à l'abbaye de Saint-Gall faisait de sainte Brigide une parente de saint
Gall lui-même (Anaîecta Bollaniiana, XXIII, 1904, p. 335). L'abbaye de
Pfàvers ou Pfafers (cant. de Saint-Gall, Suisse) possédait des reliques de
sainte Brigide et d'autres saints irlandais. Voir E. A. Stueckelberg, Ges-
chichtè dcr Reliquicn in der Schwefy, Zurich, 1902, p. 7-8.
1. Cambiaso, op. cit., p. 122.
2. V. l'art. Canons and Canonesses fègular du Révérendissime A. Alla-
ria, abbé de San Teodoro de Gênes, dans la Catholic Encyclopaediu, col.
290-291.
3. Auguste Hock, Croyances et remèdes populaires du pays jk Liège, Liège,
[1873], p. 84.
4. A. Schoenbach, Zuvi Tdbiassegen (Zettschrift fi'ir deatsches Alterliau,
XXIV, p. 185). Cf. L. Gougaud, Etude sur les loricae celtiques (Bulletin
d'anc. lit. et d'archéol. chrétiennes, II, 191 2, p. 125).
5. Ad. Franz, Die Kirchiichen Beuediktionen, Freiburg i. Br., 1909,
p. 100, 101, 104.
Les saints irlandais. ïoj
Dans les campagnes bretonnes, la popularité de sainte Bri-
gide se manifeste encore de nos jours sous diverses formes '.
Il y a quelques années, il y avait dans une des chapelles frai-
riales du Morbihan qui lui est dédiée, une très vieille statue
en bois, toute vermoulue, avec les caractéristiques bien recon-
naissables de la sainte irlandaise. Le recteur acheta, pour la
remplacer, une statue neuve, en beau plâtre, cà filets d'or,
représentant sainte Brigitte la suédoise. La population de la
frairie protesta, disant : « On nous a changé notre sainte
Bréhet ; nous ne voulons pas de celle-ci et nous ne lui appor-
terons aucune offrande ». Et ce qui fut dit fut fait. Le pro-
cureur de la chapelle en donna sa démission 2.
S. Columbaou Columcille, abbé d'Iona (*{- 597), fut moins
connu sur le continent que les deux précédents. Cependant
Adamnan, son biographe et son successeur, affirme qu'à la fin
du viie siècle son nom avait déjà pénétré en Espagne, dans les
Gaules, au-delà des Alpes pennines et jusqu'à Rome, capitale
de toutes les cités 3. D'autre part, le nom du saint abbé est
inscrit dans le calendrier de S. Willibrord, qui date des pre-
mières années du vme siècle, au 9 juin, jour de son natale.
L'éditeur dudit calendrier, M. Wilson, remarque à ce propos
que cette commémoration est probablement due aux rapports
que S. Willibrord eut avec l'Irlande, où il passa une douzaine
d'années4.
On trouve le nom du saint associé à diverses pratiques
superstitieuses ayant pour but d'obtenir sa protection soit
contre les tempêtes, soit contre le feu, soit contre les rats des
champs.
Voici d'abord un charme que nous a conservé un manu-
scrit de la bibliothèque de Munich, du xive siècle :
1. Voir A. Le Braz, Les saints bretons d'après la tradition populaire
(Annales de Bretagne, IX, 1893-94, p. 44 s.); Paul Sebillot, Petite légende
dorée de la Haute-Bretagne, Nantes, 1897, p. 115 s.
2 . Je tiens ces détails de M. le Chanoine Buléon, curé de la cathé-
drale de Vannes, qui me les a obligeamment communiqués le 6 novembre
1921.
3. Vita Columbae, III, 23, éd. Fowler, p. 164-165.
4. Wilson, op. cit., p. 32.
208 L. Gougaud.
Contra tempestatem isti très versus
scribantur in cedulas quatuor et ponantur
subter terrain in quatuor partes provincie :
-J- sancte Columquille, remove mala queque procelle,
-j- ut tune orasti, de mundo quando niigrasti,
-j- quodtibi de celis promisit vox Michaelis ».
Adamnan parle bien du pouvoir que le saint obtint du ciel
de commander aux vents et qu'il exerça dans différentes cir-
constances, mais il ne dit nulle part que ce privilège lui fut
communiqué par l'archange saint Michel2.
On a des variantes très intéressantes de la formule précé-
cédente. L'une d'elles est ainsi conçue :
Sancte Columquille, remove dampna favilla,
Atque Columquillus salvet ab igné domus 3.
Comme on le voit, c'est contre le feu qu'on invoque ici
saint Columcille. D'après une légende irlandaise, il aurait en
effet éteint un incendie en chantant l'hymne Noli pater, dont
on lui attribue le composition4.
Un manuscrit du xvic siècle, conservé à la bibliothèque de
Linkôping, en Suède, donne la formule suivante :
Sancta Kakwkylla,
remove dampnosa facilla vel favilla
quod tibi de celis
concessit vox micaelis 5.
Dans ce charme, calqué sur celui de Munich, le mot favilla
a été substitué, comme dans le précédent, à procclla, et, de
i. A. Schoenbach, . Etne Auslese altdeuscher Segensformeln (Analecta
Graeciensia, Graz, 1893, p. 45)(Cod. lat. Monacensis 7021, xive s.).
2. Vita Columbae, III, 24, p. 163. Une autre fois, la tempête fut apaisée
grâce à la prière de S. Cainnech (II, 1 3, p. 82-83).
3. Ms. de Pembroke Collège à Oxford (xive siècle). Mowat, Anecdota
Oxoniensia (Mediaeval and modem Séries) , Oxford, 1882, p. 3.
4. Préface du Noli Pater dans l'Irish Liber Hymiiorum, éd. citée, II,
p. 28.
5. A. G. Noreen, Altscbwediscbes Lesebuch, Halle, 1892-94, p. 98 s.
(No 180).
Les saints irlandais. 209
plus, une sainte par ailleurs inconnue, sancta Kakwkylla, a
piis la place de saint Columcille. Ce nouveau personnage n'a
pas laissé d'intriguer les folkloristes \ Maintenant ils savent
que ce nom, absolument inconnu autrement, est né de la
déformation graphique de celui de Columcille. C'est en Alle-
magne que la déformation s'est produite. Ce qui le prouve,
c'est premièrement la recette suivante contre les rats :
Fur die ratzen schreib dise wort an vier ort in das haws
« Sanctus Kaku-kabilla 1. »
Et c'est, en second lieu, l'image d'une sainte (ici le chan-
gement de sexe a eu lieu) qui figure sur un autel de l'église de
l'ancien monastère de Saint-Ulrich à Adelberg , dans le Wur-
temberg, et dont l'inscription porte Cutubilla. Une peinture de
Zeitldorn (Basse-Bavière) représente la même sainte mysté-
rieuse; Dans les deux cas, sainte Cutubilla a deux souris à ses
pieds 5.
Comme le nom de l'abbé d'Iona s'écrivait en latin Colum-
cilla, témoin l'inscription du calendrier de S. Willibrord, on
en aura conclu que ce nom désignait une sainte. Voilà com-
ment l'intruse Cutubilla ou Kakwkylla est devenue, dans le
folklore germanique, une concurrente de sainte Gertrude de
Nivelles pour la destruction des souris, des rats et des
mulots 4.
IL — Saint Brendan le Navigateur.
Quand et sous quelle forme l'histoire merveilleuse des
fabuleuses navigations de saint Brendan fut-elle apportée sur
le continent ? Il est difficile de le dire avec précision. Le plus
1. W. Drexler, Noch einmal Sancta Kakukabiïïa-Cutubilla (Zeit. des
Vereins fur V olhhmde , VIII, 1898, p. 341-342). Cf. H. Gaidoz, dans
Mèlusine, XI, col. 3.
2. W. Drexler, toc. cit.
3. Heinrich Otte, Handbuch der kirchiichen Kunst-Archaeologie des deut-
schen Mittelalters, Leipzig, 1883, I, 566 ; R. Andrée, Votive Weihgaben,
p. 16 ; J. ZiNGERLE dans l.i Zeitsch. des Ver.f. Volkskunde, I, p. 444.
4. Drexler, toc. cit. ; R. Andrée, toc. cit.
210 L. Gouverna.
ancien récit delà légende est, semble-t-il, celui de la Navigaiio
Brendani, composition latine qui remonte au xe ou au XIe
siècle. Le chroniqueur bénédictin Raoul Glaber, qui vivait au
xie siècle, était déjà au courant de l'odyssée de saint Bren-
dan l. La plus ancienne adaptation anglo-normande en vers
de la Navigaiio date de 1120, et le Von Sente Brandan, la plus
ancienne version allemande, remonte aussi au xne siècle2.
Ensuite la Navigaiio fut traduite en prose ou mise en vers
dans presque tous les idiomes de l'Occident.
Il est vraisemblable que les Irlandais, disséminés un peu par-
tout, travaillèrent à répandre le récit des aventures de l'intré-
pide navigateur, dont ils faisaient « le doyen de l'assemblée
des saints » et même le frère du Christ 5. Mais les histoires
merveilleuses dont Brendan était le héros ne furent pas accueil-
lies partout favorablement. Il nous est parvenu un poème du
xme siècle où ces débauches d'imagination sont jugées sévè-
rement. Les auteurs de ces contes feraient bien mieux, suivant
l'anonyme qui a écrit cette pièce, de passer leur temps à copier
les psaumes de David ou à les réciter pour l'expiation de
leurs propres péchés ou de ceux de leurs frères, plutôt que de
les repaître de pareilles fables :
Expediret magis fratrem psallos David scribere
Vel pro suis atque fratrum culpis Deo psallere
Quam scripturis tam impuris idiotas fallere*.
Saint Brendan, dont la légende occupa une si grande place
dans la littérature du moyen âge, ne joua pas un grand rôle
dans les traditions populaires de nos pays.
1 . Raoul Glaber, Historiarim libri quinque, II, 2 (Migne, P. L.,
CXLII, 629 s.). Voir Carl Steinweg, Die handschriftlichen Gestaltungen der
lateinischen Navigatio Brendani (Romanische Forschungen,Vïl, 1893, p. 1 s.).
2. W. Meyer, Die Uèberlieferung der deutschen Brandanlegende, Gôt-
tingen, 1918, p. 125.
3. Voir plus haut. On lit encore, dans une poésie irlandaise du XIe
siècle, ces mots qui s'adressent à S. Brendan : « L'antique Rome, pleine de
délices, et Tours demeurent sous ta protection, etc. » (Kuko Meyer, Ein
mittelinsches Gedicht auf Brendan den Meerfahrer dans les Comptes rendus
de l'Ac. de Berlin, Cl. de philos, et d'hist., XXV, 1912, p. 440).
4. Ed. Paul Meyer dans la Roman ia, XXXI, 1902, p. 378 ; éd. Ch.
Plummer, dans Vitàefanctorum Hiberniae, Oxonii, 1910, II, p. 294,
Les sainis irlandais. 21 1
Dans la cathédrale de Gùstrow (Mecklembourg-Schwerin),
le saint est représenté avec un cierge, qui, d'après la légende,
se serait, un jour, allumé tout seul. En 1495, au cours d'un
incendie qui éclata à Wittstock (Brandebourg), les gens du
pays dont la profession avait des rapports avec le feu, firent
vœu de célébrer annuellement la fête du saint, le 26 décembre '.
On l'a déjà pressenti, l'association du nom de Brendan avec
la flamme d'un cierge et avec l'incendie de Wittstock a tout
simplement son origine dans le rapprochement du nom du
saint, écrit Brandon ou Brandan en Allemagne, avec le mot
Brand —- feu, mot quia donné le vocable français «brandon».
Quelques manuscrits conservés dans les bibliothèques du
Continent contiennent une Oratio Brundani composée dans le
style des loricae irlandaises. Cette prière, d'une saveur supers-
titieuse très prononcée, semble avoir joui d'une certaine popu-
larité au moyen cage 2.
Saint Brendan a été invoqué par les gens mordus par une
vipère. Son nom figure aussi dans des formules de l'ordalie
par le psautier 3.
III. — - Les moines missionnaires :
Saint Colomban et Saint Gall
S. Colomban, le fondateur des monastères d'Annegray, de
Luxeuil, de Fontaines et de Bobbio, et l'auteur d'une règle
monastique qui eut quelque faveur en Gaule, marqua de sa
forte empreinte les moines qui passèrent sous sa rude disci-
pline. Après sa mort, son influence continua de se faire sen-
tir grâce à ses nombreux disciples, dont beaucoup jouèrent
un rôle de première importance dans l'Église et dans la société
au viiie siècle 4.
1. A. Otte; op. cit., I, p. 563.
2. Voir mon Etude sur les loricae celtiques (Bul. d'aiic. lit. et cVarchèol.
chrét., 191 1, p. 265 s.).
3. A. Franz, Benediktionen, II, p. 174, 363, 391.
4. Voir Chrét. Celtiques, p. 148 s. Levison, Die Iren, p. 6.
212 L. Gougaud.
Colomban parcourut la Neustrie et l'Austrasie, les bords
de la Loire, de la Marne et du Rhin, et il traversa la Suisse
pour venir mourir à Bobbio, en Italie, en l'année 615. C'est
là qu'est son tombeau.
Les abba)'-es de Pfàvers et d'Einsiedeln, en Suisse, possé-
dèrent des reliques du saint1. L'empereur Henri II le Saint
fit placer sous son vocable un autel de la cathédrale de Bam-
berg, et un autel de l'église abbatiale d'Hirschau, au diocèse de
Spire, fut dédié, en 1901, « aux Saints Pères Benoît, Columba,
Colomban, Gall et Magnus» 2. Des vers en l'honneur de
Colomban figurent dans les tituli que Raban Maur composa
pour l'église de Fulda 3.
Une caverne, située dans un lieu élevé, à environ
1500 mètres au N.-E. d'Annegray, passe pour avoir servi
d'ermitage au moine irlandais. Elle porte encore son nom,
et l'eau qui coule au pied du rocher est regardée comme mira-
culeuse +.
Le souvenir de S. Colomban demeure également attaché
à deux autres cavernes situées aux environs de Bobbio. L'une
d'elles se voit dans la montagne, à la Spanna. Le saint,
d'après la tradition populaire, avait coutume de s'y retirer de
temps à autre. On remarque un creux dans le roc que les
gens du pays considèrent comme l'empreinte miraculeuse de
sa main s. L'autre grotte, située au N.-O. de Bobbio, serait
le lieu où l'abbé rendit le dernier soupir 6.
1. Stueckelberg, Geschichte der Reliquienin der Schuei%,p. 7, 8, 13.
2. St Beissel, Die Verehrung der Heiligen und ihrer Reliquien in
Deutschland wàhrend der yweiten Hàlfte des Mittelalters , Freiburg i. Br.,
1892, p. 24.
3. M. G. H., Poet. caro!., II, p. 208, 216.
4. V. mon art. du Dict . d'arch. chrét., Colomban (Archéologie dé saint),
col. 2196, Annegray, com. de Voivre, arr. de Lure (Haute-Saône).
5. Art. précité. Cf. D. Cambiaso, San Colombano, sua opéra e suo citlto in
Liguria (Rivista diocesanaGenovese, VI, 1916, t. 121-125). Notons, à propos
de cette empreinte, que saint Magnus, que la tradition donne comme un
disciple de saint Gall, ayant traversé le Lech pour aller évangéliser l'Algàu,
se bâtit une cellule au lieu appelé ensuite Mangstritt (empreinte de saint
Magnus), où s'éleva plus tard le monastère deFùssen(M. Ott, art. Magnus,
dans la Cath. Encyclopedia).
6. Art. précité du Dict. d'arch. 'chrét.
Les suints irlandais. 1 1 3
Les fontaines dédiées à S. Colomban en Allemagne et une
prière en vieil allemand (Segen des hl. Columbanus), qui fait
partie d'un recueil de prières superstitieuses du xvie siècle,
prouvent que le saint fut également l'objet d'un culte populaire
en terre germanique '.
En Bretagne armoricaine, pays que Colomban n'a pourtant
pas traversé 2, il a été anciennement honoré, comme l'attestent
d'assez nombreuses dédicaces d'églises et de chapelles et aussi
les anciens livres liturgiques bretons3. On l'invoque, depuis
des siècles, à Locminé (Morbihan) pour la guérison des fous
et des épileptiques. C'est ce qui explique l'expression « Kas
'nan de Lominé » (il faut le mener à Locminé), pour dire :
Il est fou 4.
Dans beaucoup de pays, le culte de S. Gall a marché de
pair avec celui de son maître, S. Colomban, par exemple à
Pfavers, à Einsiedeln, à Bamberg, à Hirschau et en Ligurie ;.
Par ailleurs, M. Stueckelberg signale une soixantaine de loca-
lités helvétiques où S. Gall est (ou a été) vénéré et plus
d'une douzaine d'églises allemandes, alsaciennes et lorraines qui
conservent de ses reliques ou qui ont été placées sous son
vocable 6.
i . A. Weinhold, Die Verehrung der Quellen in Deutschland (Abhandlun-
gen de l'Acad. de Berlin, 188, p. 37); J. Bolte, Deutsche Segen des 16.
Jahrhunderts (Zeit. d. Vereins f. Vokshinde, XIV, 1904, p. 435). La même
formule se rencontre chez Nisard, Histoire des livres populaires (Paris, 1854,
II, p. 50) avec le nom de Coloman, fils du roi Tibery (sic) d'Hibernie. On
possède aussi une prière latine attribuée à saint Colomban (V. mon art.
Celtiques (liturgies) dans le Dict. d'arch., col. 2986).
2. Chassé de Luxeuil, en 610, par Thierry II et Brunehaut, Colomban
suivit la Loire jusqu'à Nantes ; mais, en venant d'Irlande en Gaule, il n'est
pas passé par la Bretagne armoricaine, comme je crois l'avoir démontré dans
mon art. sur L'itinéraire de saint Colomban venant en Gaule (Annales de
Bretagne, XXXI, 1907, p. 327-343). Cf. Neues Archiv (XXXII, p. 5 18-
519) et Analecta Bollandiana (XXVI, p. 477).
3. Voir Colomban (Archéologie de saint), col. 2196 ; J. Loth, Les noms
des saints bretons, Paris, 1910, p. 25 ; [F. Duine], Mémento des sources hagio-
graphiques de l'histoire de Bretagne, Rennes, 19 18, p. 120 s.
4. E. Ernault, dans Mélusine, XI, 208.
5. Stueckelbekg, loc.cit.;BEissEL,loc. cit. ;D . Cambiaso, L'anno ecclesias-
tico e le [este dei santî in Genova, Genova, 19 17, p. 248.
6. Wittnau (en 809), Weissenau (en 1172), Gallenweiler (en 1173),
214 -£■• Gougaud.
S. Gall occupe une place importante dans les dévotions
populaires de l'Allemagne. On le trouve parmi les génies de
fontaines (Brunnenheiligen') \ On l'invoque aussi, notamment
en Bavière, comme saint nourricier (Speisespender^) 2. C'est à
ce titre, qu'il figure dans un Tobiassegen, ou bénédiction à
l'usage des voyageurs :
Santé Galle dîner spise pflege.
Sanie Gêrdrût dir herberge gebe.
(Que S. Gall te donne le vivre et Stc Gertrude le gîte.) '
Le jour de sa fête (16 octobre) est une date cardinale du
calendrier rustique de l'Alsace, comme l'indiquent les dic-
tons suivants :
Selon que S. Gall le voudra,
L'été prochain se montrera.
Au jour de S. Gall, crac !
La pomme doit être au sac.
A la Saint-Gall la vache
Dans l'écurie se cache.
S. Gall, Dieu nous protège !
Laisse tomber la neige *.
IV. — Saints spécialement honorés
en Belgique et en France.
L'histoire de sainte Dimplme ou Dympna est remplie de
points obscurs. Son irlandicité elle-même reste douteuse . La
légende en fait la fille d'un roi païen d'Irlande. Secrètement
Murbach, Constance, Ueberlingen, (en ijoo), Reichenau, Metz, Seefelden,
Zimmern, Biethingen, Gutestein, Saint-Biaise (Ë. A. Stueckelberg, Die
schivei^erischen Heiligen des Mitteîalters, Zurich, 1903, p. 51).
1. Weinhold, loc.cit.
2. M.Hoefler, Die Kalènder-heïligen als Krankheits-patrone beim bayer-
ischen Volk (Zeitsch. d. Ver.j. Volkshinde, 1, 1891, p. 302).
3. Mùllenhoff et Scherer, Denkmâler deutscher Poésie undProsa, Ber-
lin, 1892, I, p. 189. Le 16 octobre, on bénissait du vin destiné à soulager
les fiévreux. Voir la formule chez Franz, Benediktionen, II, p. 478-479.
4. P. Ristelhuber, La Saint-Gall (Revue des traditions populaires, X,
1895, p. 602).
Les saints irlandais. 215
baptisée, elle aurait fui sa patrie pour éluder un infâme des-
tin. Elle aurait abordé à Anvers et se serait fixée à Gheel.
Son père, ayant découvert le lieu de sa retraite, aurait passé
les mers pour la rejoindre et finalement l'aurait mise à mort
de sa propre main. La sainte est supposée avoir vécu au vie
ou au viie siècle, mais le plus ancien témoignage de la véné-
ration de la vierge et martyre ne remonte pas plus haut que le
milieu du xme siècle ' .
Elle a un autel au béguinage de Hasselt (Limbourg belge),
un autre dans l'église de Saint-Quentin de la même ville, un
troisième à Herck-la-Ville 2 ; mais elle est tout particulière-
ment vénérée à Gheel (province d'Anvers), où on l'invoque pour
la guérison des aliénés, dont cette ville possède une colonie.
Autrefois on faisait subir aux fous un traitement qui con-
sistait à passer neuf fois en rampant sous le cénotaphe de Dim-
phne. Le lieu où s'accomplit le rite est appelé par les gens
du pays kruip.huise (la maison où l'on passe en rampant). « Le
1 5 mai, jour de la fête de la martyre, il y a ganging (pèlerinage
général), et des centaines de paysans et de paysannes des
environs, qui ne sont ni des aliénés ni des malades, passent
sous le cénotaphe 3.»
Sur les pas de S. Fursy (f v. 650) et de ses deux frères
Feuillen et Ultain, on foule un terrain plus solide 4.
Le culte officiel de Fursy remonte à l'époque mérovin-
gienne 5. Il est le patron de Péronne, qui conserve sa sépul-
ture, ainsi que de sept autres paroisses du diocèse d'Amiens.
Plusieurs chapelles et fontaines perpétuent aussi sa mémoire
en Picardie é.
Le tombeau de Fursy fut un lieu cher à la piété irlandaise.
Feuillen et Ultain furent parmi les premiers qui passèrent la
1. L. Van der Essen, Étude critique et littéraire sur les vitae des saints
mérovingiens de V ancienne Belgique, Louvain, 1907, p. 316.
2. J. Brassinne, op. cit., p. 85.
3. H. Gaidoz, Un vieuxrite médical (Mélusine, VIII, 252).
4. V. Chrétientés celtiques, p. 150 s.
5. L. Delisle, op. cit., p. 310.
6. Norbert Friart, Histoire de saint Fursy, de saint Feuillen et de saint
Ultain, Lille [191 3], p. 462.
2i 6 L. Gongaud.
mer pour s'y rendre en pèlerinage. Feuillen ne séjourna pas
longtemps au monastère de Péronne, il vint bientôt résider à
Nivelles, attiré là par Itte, femme du maire du palais Pépin II,
et par sa fille l'abbesse Gertrude, auprès desquelles les Scotti
étaient personne grataè l.
Feuillen reçut d'Itte en donation la terre de Fosses, où il
fonda un monastère. Il périt, assassiné par des brigands, dans
la forêt de SenefTe. La ville de Fosses tient encore sa mémoire
en grande vénération. Elle célèbre tous les sept ans, avec un
grand concours de pèlerins et en grand arroi, la procession ou
marche de S. Feuillen. Les localité voisines y délèguent des
« compagnies » en armes. Il faut presque une journée pour
faire parcourir au buste du saint, porté sur un brancard, l'iti-
néraire traditionnel. A chaque station — il y en a sept — les
« compagnies » font parler la poudre 2.
Liège, qui a une église dédiée à sainte Brigide, en a une
autre sous le vocable de saint Feuillen, et aussi Omezée et
d'autres villes ou villages belges 5. Le culte de Feuillen a
même gagné Aix-la-Chapelle, où une église paroissiale et une
guilde, toutes les deux anciennes, sont placées sous son patro-
nage 4.
La plus ancienne Vita Gertrudis fut écrite, peu après la
mort de l'abbesse, par un moine du monastère double de
Nivelles. L'auteur raconte que, la veille de sa mort, Gertrude
dépêcha un frère à Ultain, abbé de Fosses, pour lui demander
s'il pouvait prédire quand elle rendrait son âme à Dieu. Ultain
fit la réponse suivante au messager : « C'est aujourd'hui le
17 des calendes d'avril, demain l'âme de la vierge Gertrude
émigrera de son corps. Dis-lui qu'elle n'ait aucune crainte.
1. Van der Essen, op. cit., p. 2, 82, 151. Cf. Wh. Levison, dans la
Westdcutsche Zeitschrift f. Geschichteu. Kunst, XXVII, 1909^.50}.
2. E.C. Delchambre, Vie de saint Feuillen, Namur, 1861, p. 211 s. Cf.
Félix Rousseau, Légendes et coutumes du pays de Namur, Bruxelles, 1920,
p. 108 s. La procession septennale de s. F. s'est célébrée le 25 sept. 1921
(communication de Dom Ursmer Berlière, qui a eu l'amabilité de m'adres-
ser le programme détaillé de la fête).
3. Brassinne, op. cit., p. 87 ; T. A. Walsh, Irish saints in Belgium
(Eccks. rev., XXXIX, 1908, p. 125).
4. Korth, op. cit., p. 64-65.
Les saints irlandais. 217
Elle peut mourir sans trembler et s'en aller joyeusement, car
le bienheureux évêque Patrice s'apprête, avec les anges élus
de Dieu, à la recevoir dans la gloire '. » La prophétie se véri-
fia le lendemain : Gertrude trépassa le 17 mars de l'année 659.
Dès le haut moyen âge, son culte était répandu, non seu-
lement dans le Brabant, dans les Flandres et dans le nord de
la France, mais aussi sur les bords du Rhin et en Allemagne.
De très nombreuses églises et chapelles lui sont dédiées dans
tous ces pays 2. Quant à son culte populaire, on n'en ren-
contre guère de plus florissants. Gardienne des fontaines 3,
annonciatrice du printemps ■*, .patronne des jardiniers s, des-
tructrice des rats et des souris des champs 6, artisane de paix 7,
elle fut surtout invoquée comme protectrice des voyageurs
et pourvoyeuse de bons gîtes8. Pour s'assurer sa protection
on buvait, avant d'entreprendre un voyage, le viatique
connu sous le nom de Gertrudis amoreni, le Sinte Geerls Minne
des pays flamands, le Gertrudenminne de l'Allemagne, usage
qui remonte très haut et qui rappelle la Johannisminne, tou-
jours en faveur, surtout dans les pays allemands du sud 9.
1. Vita, éd. Br. Krusch, M. G. H. Script . rer . Merov., II, p. 462-463.
2. Brassinne, op. cit., p. 89 ; Korth, op. cit., p. 75 ; P. Miesges, Der
trierer Festkalender, p. 38.
3. Weinhold, loc. cit.
4. « Am Gertrudentage steht der Bar auf » (Tyrol) ; « Uni Gertraud
geht die Wàrm von der Erd' auf » (Bavière), dictons cités par J. Zingerle,
Johannissegen unà Gertrudenminne (C.-rend. de l'Acad. de Vienne , cl. de
philos, etd'hist., XL, 1862, p. 221).
5. Zingerle, op. cit., p. 222 ; Andrée, Votive Weihgaben, p. 12.
6. Zingerle, op. cit., p. 221-222.
7. Voir la note de Th. Fischer, à la page 104 de son édit. précitée de
Carmen satiricum de Nicolas de Bibera ; Grimm, Deutsche Mythologie,
2e édit., p. 53, 797, 798.
8. « Santé Gêrdrût dir herbege gebe » MuLLENHOFFet Scherer, op. cit.,
I, p. 189 ; Zingerle, op. cit., p. 225 ; J. Werner, Beilriige %ur Kunde der
lateinischen Literatur des Mittelalters, Aarau, 1905, p. 182.
9. Sur l'antiquité de cet usage, voir Zingerle, op. cit., et surtout Franz,
Benediktionen, I, p. 289-290. D'après une addition [postérieure au
xie siècle] àla Vita Gertrudis IripartitaJ^ch. xiv), l'usage de boire « à l'amour
de Gertrude » se pratiquait déjà : in tocius Austriae et Alimaniae partibus
«Cuncti pêne volentes peregre proficisci seu de loco ad locum peragrare
devotionis gratia in sanctae Gertrudis amore et honore vini seu alterius
218 L. Gongaud*
Gertrude de Nivelles passait aussi pour accueillir les défunts
au sortir de ce monde : « Aliqui dicunt quod quando anima
egressa est, tune prima nocte pernoctabit cum beata Gertrude,
secunda nocte cum Archangelis, sed tertia nocte vadit sicut
definitum est de ea '. » Aussi l'invoquait-on comme patronne
de la bonne mort :
O pia Gertrudis, quae pacis commoda cudis
Bellaque concludis, nos cœli mergitoludis 2.
Il faut probablement chercher l'explication de cette dévo-
tion dans les circonstances de* la mort de l'abbesse. à qui
saint Patrice aurait servi d'introducteur avec les anges dans la
cour céleste.
La coïncidence de la fête de la vierge de Nivelles avec celle
du patron de l'Irlande et le souvenir de la protection particu-
lière qu'elle accorda aux moines d'Erin durent rendre sa
mémoire chère à tous les Irlandais ; et il est permis de sup-
poser que ceux-ci, remarquables agents de propagande, ne
furent pas étrangers à la si large et si profonde diffusion de
son culte.
C'est ici le lieu de mentionner les noms de quelques pere-
grini minores, disciples de saint Colomban, comme saint Desle
(ou Deicole), ou compagnons de saint Fursy et de ses frères
comme saint Algise, saint Mauguille et saint Gobain 3. On
est à peu près complètement privé de données historiques sur
ces personnages secondaires ; mais ils occupent encore une
certaine place dans le folk-lore du nord et de l'est de la France,
et à ce titre ils méritent une mention.
Au cours de ses pérégrinations dans ces régions, Margaret
Stokes a rencontré deux fontaines de saint Desle, près du vil-
liquoris potabilis haustum, qui sente Gertrud minne theutonice, latine amor
sanctae Gertrudis dicitur, abscedeudo sumere consuevissent. » (Van der
Essen, op. cit., p. II.)
i. Ms. du XVe s. Cf. J.A. Schmeller, dans la Zeit. J. deutsches Alter
tum, I, 1841, p. 423.
2. Voir la note précitée de Th . Fischer.
3. Chrét. celtiques, p. 151.
Les saints irlandais. iiy
lage de Saint-Germain, à 5 kilomètres de Liire (Haute-Saône),
ville qui doit son origine à un monastère dont saint Desle
fut. le premier abbé. Les eaux de l'une de ces fontaines ont
une vertu curative pour les maladies de l'enfance, comme l'at-
testent les débris de vêtements d'enfants qui sont suspendus
tout autour en manière d'ex-voto. Miss Stokes donne une vue
de cette fontaine. D'autres illustrations de son livre nous
montrent la fontaine de Saint-Algise, au village du canton de
Vervins (Aisne) qui porte le nom de ce saint, et trois fon-
taines de Saint-Fursy, l'une à Lagny (Seine-et-Marne), où
l'abbé demeura quelque temps, à son arrivée en Gaule, l'autre
à Frohen (Somme), où il mourut, et la troisième à Péronne \
L'Irlandais saint Fiacre Qf v. 670), contemporain de sainte
Gertrude, partage avec elle le patronage des jardiniers. On
a peu de détails certains sur sa carrière. On sait seulement
qu'il trouva un protecteur en saint Faron, évêque de Meaux,
lequel avait déjà encouragé un autre Irlandais, saint Kilian, à
se fixer àAubigny, aux environs d'Arras. Faron donna à Fiacre
un terrain situé à Breuil, où il établit son ermitage et cons-
truisit un hospice pour les voyageurs étrangers \ C'est le
village actuel de Saint-Fiacre, où se rendent, depuis des siècles,
un grand nombre de pèlerins qui viennent y chercher la
santé 3.
Saint Fiacre fut un des saints les plus populaires de l'an-
cienne France. On l'invoquait pour la guérison d'une grande
variété de maux. En Alsace, ceux qui sont affligés de la
maladie dont nous parlerons plus loin à propos de saint Monus,
ont recours à lui 4. En Bretagne, le saint irlandais a sous son
vocable une chapelle bien connue pour l'élégance de son archi-
tecture et de son jubé. Autour de cette chapelle, située à
1. M. Stokes, Forests of France, p. ni, 177, 196, 203 et 229.
2. Chrét. celt., p. 147.
3. Canton de Crécy (Seine-et-Marne).
4. L. DU Broc de Segange, Les saints patrons des corporations et protec-
teurs spécialement invoqués dans les maladies, Paris, 1888, II, p. 204 s. « Fia
crius ist der typische Syphilisheilige des Elsasses » (L. Pfleger, Dos
Anftreten der Syphilis in Slrassburg... nnd der Kult des M. Fiacrius, dans la
Zeit. f. die Geschichte des Oberrheins, nouv. série, XXXIII, 1918, p. 169.)
220 L. Gougaud.
2 kilomètres du Faouët, se tient l'un des plus renommés par-
dons du Morbihan \
Peu de personnes se doutent que le véhicule que les taxi-
autos sont en train d'éclipser de nos jours, doit son nom à
cet ermite irlandais du vne siècle. Un nommé Sauvage établit,
le premier, en 1640, les voitures de louage dites d'abord
carrosses à cinq sous (on ne payait que cinq sous par heure),
rue Saint-Martin, dans une grande maison nommée l'hôtel
Saint-Fiacre, parce qu'une image du saint y était suspendue.
De l'hôtel le nom passa aux voitures2.
Un chef-lieu de canton du Finistère porte le nom de Saint-
Renan. Dans son beau livre Au pays des pardons, M. Anatole
Le Braz esquisse la légende de saint Ronan, ou Renan, soli-
taire du vne siècle qui serait venu d'Irlande en Armorique et
dont on vénère les restes à Locronan.
Une procession septennale, qu'on appelle la Troménie de
saint Ronan, se déroule, le second dimanche de juillet, aux
flancs du Ménez-Hom, sur le territoire de quatre paroisses :
Locronan, Quéménéven, Plogonnec et Plounévez-Porzay. Les
pèlerins de la Troménie suivent une ligne traditionnelle, qui
ne varie pas depuis des siècles, et qui emprunte les vagues sen-
tiers que saint Ronan avait coutume de parcourir lui-même à
jeun 3.
Pour rencontrer un dernier saint irlandais encore vénéré de
nos jours sur le sol français, il nous faut passer des bords de
l'Océan en Savoie. Dans la vieille église de Lémenc, située
sur une hauteur qui domine la ville de Chambéry, on con-
serve la châsse de Concord, de son vrai nom Conchobar Mac
Concoille, archevêque d'Armagh, qui mourut en odeur de sain-
1 . Il y a aussi un village de Saint-Fiacre dans le canton de Plouagat,
arrond. de Guingamp (Côtes-du-Nord).
2. Voir le dictionnaire de Littré, au mot « fiacre ». L'explication don-
née par Berthoumieu ne paraît pas fondée. Il dit : « Ces voitures de louage
furent ainsi nommées parce qu'elles étaient d'abord destinées à voiturer
jusqu'à Saint-Fiacre-de-Brie la foule des Parisiens » (Fêtes et dévotions popu-
laires, Paris, 1873, p. 245). .
3. A. le Braz, Au pays des pardons, Paris [1900], p. 259 s. Dom
F. Plaine, Le tombeau monumental et le pèlerinage de saint Ronan (Revue de
l'art chrétien, 2esér., xi, 1879, p. 273-285).
Les saints irlandais. 221
teté au prieuré bénédictin de Lémenc en revenant de Rome,
en l'année 1175 '. La mémoire du saint archevêque est
demeurée en grande vénération dans le pays. « Depuis un
quart de siècle [disons maintenant depuis trois quarts de siècle],
on a vu plusieurs fois les archevêques d'Armagh, dans leurs
voyages d'Irlande à Rome, s'arrêter à Chambéry, en allant
ou en revenant, pour vénérer les restes de leur illustre prédé-
cesseur. L'un d'eux, Mgr Dixon [f 1866], a même sollicité
et obtenu de Mgr Billiet, archevêque de Chambéry, la permis-
sion d'emporter en Irlande une partie notable de l'un des osse-
ments du saint 2. »
Une confrérie de saint Concord a été établie à Lémenc en
1643. La fête du saint se célèbre le 4 juin, jour anniversaire
de sa mort.
C'est le second archevêque d'Armagh qui vint mourir en
France. Quelques années auparavant, en 1148, le célèbre
saint Malachie avait expiré à Clairvaux dans les bras de saint
Bernard, qui nous a laissé sa biographie.
V. — Saints spécialement honorés
DANS LES PAYS GERMANIQUES.
Saint Kilian, évêque de Wurtzbourg et apôtre de la Fran-
conie, fut mis à mort avec deux de ses compagnons, le prêtre
Coloman et le diacre Totnan, vers l'an 640. On l'honore
comme martyr. Des églises, chapelles, fontaines et montagnes
portent son nom en territoire allemand 3.
Schoenbach a publié un texte curieux donnant la liste
d'une série de saints qui seront appelés à présenter, lors du
jugement dernier, les peuples qu'ils ont respectivement évan-
1. Gams, Séries episcoporum, p. 207; Annales des quatre maîtres, sous
l'année 1 175, éd. O'Donovan, III, p. 22-23.
2. H. Gaidoz. Un saint irlandais en Savoie {Revue celtique, VIII, 1887,
p. 165-168) ; Trépier, Recherches historiques sur le décanat de Saint-André-de
Savoie, Chambéry, p. 201 (ouvrage cité par M. Gaidoz).
3. Beissel, p. 24 ; Korth, p. 108-109 ; Weinhold, p. 37 ; Hoefler,
p. 299.
Revue Celtique, XXXIX. 15
222 L. Gougaiid.
gélisés. Saint Pierre s'avancera avec la Judée, saint Paul avec
les Gentils, saint André avec l'Achaïe, saint Jean avec l'Asie,
saint Thomas avec l'Inde. Saint Rupert de Salzbourg présentera
les Bavarois et saint Kilian les Franconiens '.
On a fort peu de données précises sur saint Fridolin. Il
n'est pas absolument certain qu'il soit venu d'Irlande ; mais
on le regarde comme le fondateur de l'abbaye de Sackingen,
au vie siècle, sur le Rhin, au sud de la Forêt-Noire, d'où
son activité apostolique rayonna dans le Brisgau .
En Alsace-Lorraine, en Suisse, en Autriche, dans le sud de
l'Allemagne, et surtout dans la Forêt-Noire, les populations
rurales le tiennent en très haute vénération 2. Dans ces pays,
saint Fridolin est regardé, ainsi que plusieurs des saints irlandais
dont nous nous sommes précédemment occupé, comme pro-
tecteur des bêtes à cornes (Ri)iderheiliger^) et des chevaux.
Autrefois à Ewatingen, près de Bonndorf, le curé bénissait les
chevaux le jour de sa fête (6 mars). A Oberschwoerstadt, près
de Sackingen, à Ehrenstetten et à Kirchpofen, près de Staufen,
on attend la Friedhsfest pour imposer le joug aux jeunes bœufs
et pour conduire les veaux de l'étable à l'abreuvoir, à travers
le village. Le 6 mars, il y a une grande affluence de pèlerins à
Sackingen, où reposent les ossements de saint Fridolin 3.
Sous le nom de saint Monusou Mannus, on invoque encore,
dans les campagnes allemandes, un personnage soi-disant
irlandais, qui est représenté avec une clochette et un porc,
comme saint Antoine. Monus est le patron du mariage ; et il
partage, en outre, avec saint Fiacre et saint Léonard, dont la
vie n'est pas moins obscure que la sienne, le privilège de
guérir de la maladie que les paysans du Sud de l'Allemagne
appellent Sankt Monuskrankheit et qui n'est autre chose que la
i. Ms. 1756 de la bibl. de Vienne (fol. 4»). Nous avons vu, à propos de
saint Patrice, qu'une ancienne croyance irlandaise voulait qu'il serait appelé
à juger les Irlandais. D'après une croyance mitigée, Patrice serait seule-
ment, comme les saints susnommés, l'introducteur des Irlandais au juge-
ment dernier. Voir l'hymne de Fiacc (Irish Liber bymnorum, t. II, p. 33)
etj. B. Bury, The life of saint Patrick, London, 1905, p. 319-320.
2. Voir Hermann Léo, Der heiliçe Fridolin, Freib. i. Br., 1886, 1. v.
3. E. H. Meyer, Badisches Volksleben im neun^ehnten Jahrhundert, Strass-
burg, 1900, p. 406-407.
Les saints irlandais. 223
pire des maladies vénériennes. Sa fête est fixée au 12 juil-
let '.
La célèbre abbaye de Melk, qui domine le Danube, est un
des lieux de pèlerinage les plus fréquentés de l'Autriche. C'est
là que repose l'irlandais saint Coloman dans un tombeau que
lui fit élever l'empereur saint Henri2. Il se rendait en Terre-
Sainte, en 10 12, lorsqu'il fut assassiné à Stockerau près de
Vienne par des gens qui le prirent pour un espion '. On en a
fait un martyr.
Son culte n'est pas confiné à Melk. Dans le Palatinat, en
Souabe, en Bavière, en Autriche et en Hongrie, quand on ne
s'adresse pas à saint Fridolin, c'est à lui qu'on a recours pour
la protection ou la guérison des chevaux et des bêtes à cornes 4.
Les chapelles de saint Coloman sont très nombreuses en
ces pays. Elles s'élèvent généralement en pleine campagne, de
préférence sur les hauteurs. On y conduit les animaux, le
jour de la fête du saint (13 octobre) ou à d'autres jours de
l'année, pour recevoir la bénédiction du prêtre.
Dans les bois de Saint-Coloman près de Bôhmenkirch
(Wurtemberg), on voit une vieille chapelle qui tombe en
ruines. Jusqu'à la fin du xvme siècle, on y venait en pèlerinage
d'une dizaine de paroisses environnantes, le lundi de la Pen-
tecôte. Il n'était pas rare de compter de 400 à 500
chevaux dans le bois. La tête de saint Coloman était exposée
à la porte de l'église. Après la bénédiction traditionnelle, les
chevaux faisaient trois fois le tour de la chapelle.
A Hohenschwangau, près de Fiissen, en Bavière, la béné-
diction du bétail et des chevaux a lieu encore de nos jours,
le 13 octobre. Après la cérémonie, une trentaine de chevaux
montés, après avoir fait une seule fois le tour de la chapelle,
partent au galop dans la direction de Schwangau 5.
1. HOEFLER, Op. Cit., p. 299.
2. Voir Chrct. celtiques, p. 172.
3. Andrée, op. cit., p. 38 et 66 s. ; Kurgefasste Geschichte von âem fteil...
Kolomann..., Wien, 1774, p. 44-46 ; C. Juhaiz, Saint Kohvnan der elnstige
Scbittypatron Niederôsterreichs, Linz, 191 6.
4. Andrée, op. cit., p. 66.
5. Hoefler, p. 301-302 ; Weinhold, p. 37.
ïl\ L. Gongaud.
On trouve souvent des fontaines votives dédiées à saint
Coloman à proximité de ses chapelles .
Le saint irlandais est invoqué, en outre, par les filles à
marier, qui lui adressent la prière suivante :
a Heiliger Sankt Kolomann,
O schenk' mir auch ein' Mann,
Aber nur kein' Roten! » 1.
Enfin on a eu recours à saint Coloman contre la peste. En
17 13, Melk offrit à son saint patron [un cierge de cire de
70 livres pour obtenir que la population fût préservée de ce
fléau qui ravageait l'Autriche 2.
La passion des Irlandais pour les lointains voyages et les
expéditions aventureuses était si connue des écrivains conti-
nentaux du moyen âge et des siècles suivants qu'ils en ont
parlé, en quelque sorte, comme d'une vérité proverbiale. Le
sang du Celte l'emporte vers les terres lointaines :
Keltisch Blut treibt in die Ferne 5.
L'humour anglais a ramassé cette vérité d'expérience dans
un dicton familier : Pat is never at home but when he is abroad.
« Aucun peuple, en effet, constate Samuel Berger, n'a jamais
été plus voyageur ni plus noblement inspiré de l'ardeur mis-
sionnaire 4. »
Il faut bien reconnaître toutefois qu'il n'y eut pas que des
saints ou, si l'on veut, que des candidats à la sainteté, parmi
ceux que le flot de l'émigration entraîna loin de l'île natale .
Nous nous sommes occupé ailleurs de ces clercs et moines
gyrovagues, de ces episcopi vagantes, dont les extravagances et
1. HOEFLER, hc. cit.
2. Andrée, p. 81 ; G. Deppisch, Geschichte des hl. Coîbmanni, Wien
1734, p. 205.
3. Scheffel, Der Trompeter von Sàkhingen (3= chant : Der Fridolinustag),
Stuttgart, 1859, p. 45.
4. Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du moyen dge, Paris,
1893, p. 46.
Les saints irlandais. 225
l'originalité indisposèrent certains continentaux '. On se rap-
pelle les saillies de Nicolas de Bibera contre les Scotti d'Erfurt.
Environ deux siècles plus tôt (xe-xie siècle), un certain
Garnier de Rouen attaquait plus violemment encore un poète
irlandais aux mœurs équivoques du nom de Moriuh 2. Ici on
reproche à quelques-uns de ces étrangers errants leurs opinions
hétérodoxes ou trop audacieuses, là on se mcque de leur van-
tardise, de leur humeur querelleuse, de leur accoutrement
bizarre ou des dithyrambes hagiographiques que leur dictait un
chauvinisme ridicule 5. Mais toutes ces critiques, notons-le,
s'adressent à l'arrière-ban de la gent pérégrinante, aux
enfants perdus qui formaient le déchet de l'émigration. Aux Xe
et xic siècles, le sel de la charité s'était déjà affadi et l'ardeur
du prosélytisme s'était à peu près éteinte.
Au contraire, pour caractériser les grandes figures de l'âge
héroïque, un Colomban, un Gall, un Fursy et leurs émules,
les écrivains ecclésiastiques n'ont pas de termes assez lauda-
tifs 4. D'ailleurs, l'étude que nous venons de faire prouve
bien que les saints de cet âge exercèrent une profonde in-
fluence sur les populations qu'ils amenèrent, ou qu'ils rame-
nèrent, à la foi évangélique. De génération en génération, les
gens des campagnes se sont mystérieusement transmis les
noms de ces étrangers, invoquant leur puissance surnaturelle
pour la protection des hôtes de leurs étables, leur principale
richesse.
La mort même ne mettait pas un terme aux pérégrinations
de ces transmarini. Leurs reliques passaient de monastère en
monastère, d'église en église, et avec elles circulaient tous ces
traits de folk-lore qui restent attachés à leurs noms avec
1. Chrétientés celtiques, p. 153-160.
2. H. Omont, Satire de Gantier de Rouen contre le poète Moriuht
{Annuaire-bulletin delà soc. de l'histoire deFrance, XXXI, 1894, p. 193-210).
3. Nicolas de Bibera, op. cit. ; Garnier de Rouen, op. cit. ; Jocelin
de Brakelond, Chronica, 35. Cf. Chrét. celt., p. 160-161 et la satire ano-
nyme contre les fableurs de saint Brendan.
4. Voir Chrét. celt., p. 293-294, et encore Vita Santsonis, 4 (Boll. Jeta
Sanct., t. VI de juillet, p. 582), Thierry de Saint-Trond, Vita Rumoldi, I
(IbiJ. t. II, s. juillet, p. 215), Vita Sanctae Odae, II, 14 (Ghescluière, Acta
sanct. Belgii, 1783, VI. p. 629), etc.
226 L. Gougctud.
une étonnante persistance. Assurément, il se mêle une bonne
part de superstition à ce culte populaire dont sont l'objet les
vieux saints d'Irlande. Le vent qui emporte les bonnes
semences fait aussi voltiger de tous côtés les mauvaises
graines. Il n'en est pas moins acquis que ces ardents apôtres
firent passer de nouveaux courants de vie religieuse à travers
la chrétienté et que plusieurs d'entre eux se révélèrent d'in-
comparables entraîneurs d'âmes.
Leur zèle, leur courage, leurs vertus personnelles, l'ardeur
de leur foi ont, il est vrai, largement contribué à leur assurer
cette longue popularité, mais une autre chose encore explique
leur succès. Nul n'est prophète en son pays. L'histoire de
l'Église démontre la vérité de cet adage évangélique d'une
manière qui ne laisse pas de déconcerter un peu les concep-
tions humaines. Saint Martin, le grand apôtre de la Gaule,
nous est venu de Pannonie. Saint Boniface, le patron national
de l'Allemagne, était Anglais. L'Angleterre fut évangélisée
par le moine romain Augustin et par ses compagnons envoyés
par le pape saint Grégoire. Quant à l'Irlande, c'est à l'île voi-
sine qu'elle doit son saint Patrice.
Les missionnaires irlandais venaient d'un pays mystérieux,
perdu dans les brumes de l'Océan, aux confins du monde
habité. Il circulait sur cette terre de merveilleuses légendes.
On disait partout que la sainteté y fleurissait plus qu'ailleurs
et qu'elle y opérait des prodiges. « Locus vere sanctus fecun-
dusque sanctorum, copiosissime fructificans Deo », dit saint
Bernard en parlant du monastère de Bangor, le cloître de
saint Comgall et de saint Colomban. Et il ajoute que les
essaims de saints (examina sanctorum) qui se répandirent sur
l'Europe à la suite de ce dernier pouvaient faire croire que les
paroles de David : « Vous avez visité la terre, vous l'avez eni-
vrée et remplie de richesses » avaient été écrites spécialement
pour eux '.
Toutes ces raisons réunies expliquent comment les héros
de l'Irlande chrétienne sont arrivés à se faire une place unique
dans les traditions séculaires des peuples étrangers.
L. GOUGAUD.
i. Vita Malacbiae,Yl, 12 (Migne, P.L., CLXXXII, 1082).
BIBLIOGRAPHIE
Sommaire. I. Morgan Watkin, Thefrench Unguistic influence in mediaeval
Wales. — II. Ifor L. Evans et Henry Lewis, Cyfres y Werin. — III.
J. Morris-Jones, An elenientary Welsh g ranima r.
I
Le travail de Morgan Watkin J est, dans l'ensemble, neuf et mérite
d'attirer l'attention non seulement des celtistes, mais aussi des
romanistes, ainsi que de tous ceux qu'intéresse l'histoire de la
langue et de la civilisation française en Angleterre après la con-
quête de Guillaume de Normandie. Il part de l'idée en apparence
judicieuse qu'il est impossible que. pendant trois siècles de domi-
nation, c'est-à-dire depuis ioéé jusqu'au milieu du xive siècle,
période qu'on peut appeler française de l'histoire d'Angleterre, la
langue et la littérature française n'aient pas exercé une profonde
influence en Galles. Mais, comme je le fais remarquer plus loin,
la domination franco-normande en Galles n'est complète qu'à la
fin du xme siècle. Une question préalable d'ailleurs s'imposait et
il est fort regrettable que l'auteur n'y ait pas songé : dans quelle
situation se trouvait le Pays de Galles vis-à-vis de l'Angleterre au
moment de la conquête normande ?
Peu de temps avant, Harold avait réussi à soumettre momenta-
nément le pays et en avait détaché même des parties assez notables.
Les relations avec les Anglais étaient continuelles. Sur les confins,
les deux populations étaient plus ou moins mêlées. Grufiydd ab
Llywelyn, grand roi et grand guerrier, avait épousé Ealdgyth fille
de Aelfgar, qui devint la femme de Harold II, après sa mort qui
eut lieu vers 1060. Nous savons par Assar que le roi de Gwynedd
qui meurt en 910, Anarawd, avait été reçu avec honneur à la
cour d'Alfred le Grand. Howel Dda était en relations d'amitié
avec la cour d'Angleterre. En remontant plus loin, on pourrait
relever des faits semblables. Cadwallon qui fut tué en 635, après
1. Tiré à part des Transactions of the bon. Society of Cymmrodorion, ses-
sion 1918-1919.
228 Bibliographie.
avoir renversé le royaume de Northumbrie et s'être emparé d'York,
était l'allié de Penda, roi de Mercie. Les rois gallois fréquentent
les cours d'Aethelstan et d'Eadgar, et leurs assemblées (Witena-
gemot). En 931, 937, 949, plusieurs d'entre eux signent comme
témoins, dans des chartes anglo-saxonnes, en se qualifiant de
regulus et de stib-regulus. J'y relève les noms de Howel, Judzual,
Morcant, Eugenius (Ywein) (de Gray-Birch, Chari. saxonicum, 1,
p. 427; II, p. 360; III, p. 37). Aussi ne doit-on pas s'étonner
de voir dans les lois galloises l'héritier du trône porter le nom
â'edling (Aetheling). Si l'influence de la littérature anglaise n'appa-
raît pas dans la littérature galloise, il n'en est pas tout à fait de
même en ce qui concerne la civilisation et notamment l'ortho-
graphe. Il est reconnu par exemple que certains caractères pure-
ment anglais, Xtthorn et le signe runique pour w ont été employés
par les scribes Brittons. Le à paraît dans la note marginale 2 à
l'Evangéliaire de Lichfield oisoud (G. Evans, The Book of Llandav,
XIIII). Les caractères dits hiberno-saxons naturellement sont aussi
employés par les scribes, même par les scribes bretons-armoricains,
par exemple dans le Fragment de Leyde.
Les relations des Gallois avec les Anglais ont-elles été brusque-
ment et immédiatement rompues par les conquêtes normandes,
comme paraît en être convaincu l'auteur ? A priori, c'est peu vrai-
semblable. Assurément peu de temps après la conquête, les chefs
normands, plus exactement français, car c'est sous le nom de
Freine = Franci qu'ils sont connus des Gallois, commencent à
empiéter sur le territoire de leurs voisins. Dès 1093, le Glamor-
gan est conquis et au pouvoir de Robert Fitz-Hamon. Mais il
s'écoulera néanmoins 220 ans depuis la bataille de Hastings
avant que la conquête ne soit complète. Et encore fallut-il les
guerres intestines entre les chefs gallois pour amener à ce résultat,
après des alternatives de succès et de revers. C'est une lutte véri-
tablement émouvante et telle qu'on peut difficilement en signaler
d'aussi acharnée et d'aussi glorieuse pour les vaincus, quand on
songe à la disproportion du nombre et des moyens. L'explosion
du sentiment national se manifeste dès 1094 : c'est une insurrec-
tion générale. Aussi malgré les alliances continuelles et la pénétra-
tion des deux aristocraties, française et galloise, semble-t-il bien
peu probable en raison des révoltes et des guerres incessantes, que
la civilisation française ait pénétré les masses et que la langue
française ait été couramment parlée en dehors des châteaux forts des
chefs français. D'ailleurs les rois gallois, malgré leurs alliances,
restaient pénétrés du sentiment national. Il n'y en a pas d'exemple
Bibliographie. 229
plus éclatant que celui de Llywelyn ab Jorwerth, roi de Gwynedd,
aussi grand guerrier qu'habile politique, qui réussit à étendre sa
suprématie sur la plus grande partie du pays de Galles et sous le
règne duquel la nationalité galloise s'affirme avec une grande
vigueur. Or, il meurt en 1241 seulement. Il ne reste plus guère
d'indépendance après lui que dans le Nord, Anglesey, Carnarvon-
shire, une partie du Denbighshire et du Merionethshire. Mais la lutte
ne prend fin qu'en 1282. Ce n'est donc en réalité que vers la fin
du xme siècle que la culture française a chance de dominer sans
conteste.
L'influence religieuse franco-normande ne se manifeste pas
immédiatement. Le premier évêque normand est Bernard, évêque
de Saint-David's en 11 15. C'est lui qui introduit en Galles les
Cisterciens. La fondation de l'Abbaye de Strata Flarida est de
1146.
Il ne faut pas oublier que sur les marches galloises, les deux
langues, galloise et anglaise, étaient en usage. En Galles, il n'y
a guère de doute que les Flamands du Pembrokeshire n'aient été
très mêlés d'Anglais. La plus grande partie de la péninsule de
Gower a été de bonne heure anglicisée par immigration. Le fran-
çais a sûrement été parlé dans les châteaux et peut-être, surtout
en Glamorgan, s'est-il répandu autour de certaines demeures sei-
gneuriales dans un certain rayon. Il a dû en être de même autour
des monastères. L'anglais, langue de vaincus et de sujets, avait
certainement perdu tout prestige, mais il était assurément plus
répandu et mieux connu que le français ; c'était pour les Gallois,
la langue étrangère par excellence. C'est ainsi qu'un barde connu
Davyd Benvras, qui florissait dans la première moitié du xme siècle,
vantant la pureté de son gallois, déclare n'avoir jamais appris
saesnec, le saxon, c'est-à-dire l'anglais (M. A. 2212).
Un autre obstacle à la diffusion du français, c'est que le gallois
était la langue d'un peuple qui était sur un pied d'égalité avec
les conquérants. Il avait même à leurs yeux le prestige d'être la
langue des anciens maîtres de l'île. De plus, la littérature galloise
pouvait soutenir la comparaison avec la littérature française et lui
était même supérieure au point de vue lyrique. Le français ne
pouvait avoir aux yeux des Gallois le prestige qu'il acquit rapide-
ment chez les peuples de langue anglaise. Les Français ne tar-
dèrent pas eux-mêmes, surtout dans le sud, à s'intéresser aux tra-
ditions et légendes galloises. Nous en avons la preuve dans nos
romans de la Table Ronde. A ce propos M. Morgan Watkin
rappelle que Wauchier de Denain reconnaît que la matière de sa
230 Bibliographie.
continuation du Perceval de Chrétien a été fournie d'abord au
comte de Poitiers par Bleheris ' de Galles.
En revanche la littérature française s'imposa dans le cours du
xne et du xme siècle à l'attention des Gallois. Les romans français
finirent même par avoir plus de vogue que les légendes nationales.
On voit combien le sujet traité par Morgan Watkin est à la fois
intéressant et complexe. S'il réussit à l'élucider, comme j'en ai
le ferme espoir, il aura rendu à l'histoire et à la littérature de la
France et du pays de Galles un signalé service.
L'auteur examine d'abord la question de l'influence française
sur l'orthographe galloise ; son opuscule y est presque entièrement
consacré.
Il apparaît dès le début qu'il est obsédé par l'idée que l'influence
française dans le pays de Galles s'est manifestée plus tôt que dans
l'anglais du xn-xnie siècle, et qu'elle est due à un courant direct
établi entre les Français et les Gallois. On ne trouverait suivant
lui aucune trace des particularités orthographiques anglo-normandes
dans les coutumes graphiques anglaises avant 1250. C'est pour lui
un axiome qui influe sur toute son étude. Or, c'est une erreur,
ou tout au moins il y a là une forte part d'exagération. Sweet,
History of English sounds, p. 156 et suivantes, dont on ne saurait
contester la compétence, constate que, si l'évolution linguistique
du vieil-anglais en anglais-moyen se produit si graduellement qu'il
est difficile de dire où l'un finit et où l'autre commence, le chan-
gement orthographique est abrupt et complet.
Pendant un certain temps après la conquête, les deux ortho-
graphes avaient continué à être en usage côte à côte sans s'in-
fluencer grandement. Mais cependant l'influence française avait
commencé à se manifester du temps d'Edouard le Confesseur, dès
le début du xr siècle. Outre quelques emprunts comme sott et
capfin, l'orthographe française s'insinue dans des écrits en vieil-an-
glais : on a euen pour efen dans des mss. du xie siècle (Sweet, Hist.
of. E. S., p. 1 57). Les Anglo-normands eux-mêmes, d'un autre côté,
dans des actes authentiques emploient encore au xne siècle les
caractères anglais dits hiberno-saxons et l'orthographe anglaise.
Il y en a un exemple frappant dans le Book of Llandav, éd.
1 . Sur ce nom, je renvoie à la 2e éd. de ma traduction des Màbinogion,
p. 72-75, et surtout à mes Contributions à Vètude des romans de la Table
Ronde, p. 33. Morgan Watkin n'a pas eu connaissance de mes remarques
sur Bleheris = Bledri. Il y eût trouvé ce qu'il croit avoir découvert et
d'autres choses encore.
Bibliographie. 231
G. Evans, p. 27-28. Robert comte de Gloucester, bâtard de Henri I
par Nest fille de Rhys, roi du sud-Galles, était devenu par son
mariage avec Mabel, fille de Robert Fitz-Hamon, seigneur de Gla-
morgan. Il avait eu des démêlés avec l'évêque Urban au sujet de
terres dépendant de Llandaf. Par un acte de 11 26, dont G. Evans
donne le fac-similé, il conclut un accord avec l'évêque. On y
remarque entre autres caractères anglais, le symbole runique pour
w. A noter aussi y dans cybum, kybor. Sweet relève aussi des par-
ticularités françaises dans l'orthographe de textes où, d'après Mor-
gan Watkin, il n'en existe pas : dans YOrmulum (1200) ; Layamoii
(1205); Ancren Riivle (1237).
Morgan Watkin étudie spécialement le système orthographique
du Livre noir de Carmathen, du Livre Rouge et du Black Book of
Cbirk.
On sait que dans le Livre noir, t régulièrement = d. L'auteur
reproduit son explication de cet artifice d'orthographe et montre
qu'il est emprunté aux scribes français du commencement du
xiie : feit (fidem) ; citct (civitatem) ; charitet (caritatem). J'ai
adopté son opinion et lui ai fait remarquer que ce trait se retrou-
vait dans le vocab. coruicum dont le ms. est du xme siècle, mais
qui a été sûrement compilé au début du xne siècle. Ce trait se
retrouve dans divers textes gallois jusque vers le milieu du
xme siècle (Loth, Revue Celt., XXII, p. 13 ; Mabiu., p. 20).
Th = d serait dû à des scribes français : on le trouverait dans
des iiiss. écrits en Angleterre (Vie de saint Alexis, Vie de saint Bran-
dan'). L'auteur ne croit pas que ce soit un emprunt aux anglo-
saxons, et il renvoie à ce sujet à Sweet. Or, Sweet (Hist., p. iéo)
remarque que^ et d sont employés indifféremment dans Layamon.
Le thorn p finit par supplanter entièrement d. Il croit que le Th
aurait été amené par des scribes français qui Y employaient occasion-
nellement dans des mots latins savants. Il me semble plus simple et
plus logique d'admettre que les scribes français ont remplacé le
thorn qui leur était étranger par th avec la valeur même du thorn,
c'est-à-dire d. D'ailleurs //; était d'un emploi général dans les
plus anciens mss. anglo-saxons. En tout cas, Morgan Watkin com-
met une grave erreur, quand il avance, p. 167, que //; est large-
ment employé avec la valeur de d dans les textes gallois du xne
et du xme siècle. Dans tous les exemples de verbes qu'il donne
du Livre Noir, et du Mabiu. du Livre Blanc (rothei, llathei, chwar-
thei, clathei, haethei, latho, rothom, notho ; ymlatho, llatho), th
représente non d, mais une spirante dentale sourde. Ces formes
sont d'anciennes formes verbales, vieilles celtiques en -s-. La
232 Bibliographie.
sourde vient de la sonore d sous l'influence de -h- = -s-. Il est
facile de s'en convaincre par le contexte. L'emploi de d pour la
sourde aussi bien que pour la sonore a probablement pour cause
le fait que cbez les anglo-saxons d = d remplace souvent le tborn
à l'intérieur du mot, et se montre aussi à la finale et même à
l'initiale (Sweet, History of Engî. sounds, p. 138, §§ 516). En voici
quelques exemples au ixe siècle, dans les poèmes à Juvencus :
heiwid, (henoitb) et aussi eîbid (elvycT) ; dans les Gloses galloises
du ix-xe siècle : pard = parth ; ceniiolaidou = cenedlaetbou ; vocab.
corn, caid = caith ; gueid = gweiib ; neid = neitb. Le tborn anglo-
saxon était connu des scribes Brittons. Or, dans une glose d'Or-
léans, il a sûrement été employé avec la valeur d'une sonore :
arlnp gl. pedicam, est une graphie évidemment fautive pour arlup
= gallois arllud l.
Dd = d (p. 169). La graphie dd = d n'est commune qu'au xive-
xve siècle. Morgan Watkin la considère comme une conséquence
du redoublement des consonnes chez les scribes anglo-normands
(addubei, jaunie, jammes, jugger, nagger, middi, etc.). C'est insou-
tenable, et ici encore l'auteur confond des phénomènes très diffé-
rents. Pour dd = d, un seul des exemples qu'il cite dans le Livre
Noir peut être retenu : Cunedda 2. Car reddaud est un futur et
creddoe un subjonctif; ils sont pour redbaud, credboe; t indiquant d,
le scribe a usé du double dd pour marquer l'état sourd de la con-
sonne, mais plus souvent du redoublement de la ténue : cf. dans
le manuscrit le plus ancien des Lois de Gwynedd a bossodbo (An.
Owen, Ane. Laïus, I, 22, 19). Les exemples en pareil cas du redou-
blement de la ténue sont nombreux et conformes à la phonétique
galloise. Dans le seul Livre Noir, aux formes citées par l'auteur, on
peut ajouter : edmyecaur, dygetlaur, godriccaur, meecid, nottuy, otiid,
reiuitlor, britbottor. C'est un fait de prononciation qui se montre
aussi dans atlep, atteor, attrec, attregueb, llettcred, llettcint, atlpaur,
driccin, etc. >. Pour w = v, voir plus bas 4. Delli se justifie étymo-
logiquement ; il en est de même pour kyrriduen, kyrreiweint, kar-
reau, gwynnasset. Ymmared est une faute de scribe pour ymuared
(ymivared), comme l'a reconnu J. G. Evans dans une note de son
édition à la page 79, 18 (p. 133).
1. Une autre glose du ms. arlu gl. prohibuit, paraît inachevée.
2. On peut citer encore dans le même manuscrit beddeu et y ddiva ; l'écri-
ture dans ce passage paraît indiquer une autre main. Beddrael est pour
pedrael, pedryael; cf. ym hedryael byt « aux quatre coins du monde » (Mabin).
3. J. Morris-Jones, Grammar, p. 182-183.
4. fVuyf est une mutation de buyf; wuuf— buuf.
Bibliographie. 233
En vieux-gallois, dans les gloses à Martianus Capella, le redou-
blement des occlusives sourdes est de règle à la finale, plus rare à
l'intérieur. Pour les nasales, cf. aball broiiannou, meiintaul, Oxf. 2 ;
emmeni(ii), cenniu, Oxf. ; guiannuin. L'origine du redoublement de
», r après une voyelle accentuée en gallois n'est nullement fran-
çaise, comme le prétend l'auteur, p. 171. Le double rr est étymo-
logique. Ce qui est vrai pour un, c'est qu'il y avait une tendance,
lorsque l'accent s'est porté nettement sur la pénultième, à rempla-
cer nh par nn, tendance très ancienne comme le montre cannuill.
On trouve d'ailleurs aussi bien n simple que n double après voyelle
accentuée ; ainsi Livre Noir : baneu et banneu (bron au lieu de
bronn), kinill et kinnill, llaiieu,penaur, kitiull, gwinion. Le redou-
blement de il indique parfois que la voyelle est brève : Hetm-rit,
Henn-tre, Henn-pont dans le Book of Llandav ; cf. dans les gloses
mcnntaul.
Gutturales. K.
En vieux gallois k se trouve une seule fois, ce que l'auteur a
oublié de mentionner : ham dans l'alphabet dit de Nemnivus.
En revanche, on trouve sporadiquement k au lieu de c en anglo-
saxon dans certains cas (Bùlbring, Altengl. Elementarbi/ch, § 471,
rem. 2). k apparaît vers la fin du xne siècle à peu près aussi
tôt dans les textes anglais que dans les textes gallois (Sweet, Hist.,
p. 161, en cite des exemples de YOrmulum). D'un autre côté, il est
inexact que k soit employé dans le Livre Noir à l'exclusion de c
devant les palatales e, i, y. Cf. Skene, F. A. B. : celi, 13, 1 ; cymi-
naiic, 51, ié ; yscythricb 44, 14 ; am cylch, 20, 11 ; redcir, 21, 16;
cirrn, 22, 39 ; losci, 44, 13 ; ac ceisso, 21, 10; certenhin, 31, 11 ;
cirn, 48, 7 ; iscereint, 33, 26 ; circh, 56, 21 ; circhu, 24, 27. Devant
u (iï) on n'a que c.
cch = y. L'auteur n'en cite qu'un exemple : eirccheid « quéman-
deurs » dans le Livre Noir. Il n'est pas plus probant que Tunccetace
dans les Inscr. Brit. Christ. Ce sont là des accidents d'écriture. En
tout cas cela n'a rien à faire avec la graphie anglo-normande cch
dans pecché, où ch = ts.
h = 1 . Morgan Watkin signale h pour ch dans buhet l (Livre
Noir) et kyuerheis (White Book). Ce symbole aurait peut être été
transmis de l'anglais au gallois par la prose anglo-normande. Or
1. L'auteur écrit par erreur buchet, qui se trouve ailleurs; mais il y a
buhet dans le passage cité.
2^4 Bibliographie.
h avec cette valeur, sans être fréquent, se trouve en vieux gallois :
liho pour lichou, plur. de llwçb dans des gloses marginales à l'Evan-
géliaire de Saint-Chad ; Brobonwgli, au viie-vme siècle (Jnser. Brit.
Christ., 15, 158) ; cf. Mormarh (Notes marg.). En anglo-saxon., /;
est la règle (Bùlbring, Altengl, Elan, b., §§ 54-55, 480). Dans une
charte anglo-saxonne de 949 (de Gray-Birch, Chart. Saxon. 111,
p. 473), h est employé pour ch dans des noms comiques : Croit-
sureh, Caer Uureh.
G pour ng. C'est une graphie fréquente aux xiie-xme siècles.
Elle serait due aux scribes anglo-normands, qui, en effet, sup-
priment n devant certaines consonnes, surtout devant c et g (estra-
gers, cbagièrent).l\ y en a au moins un exemple en vieux gallois :
Oxf. 2, torcigel, uentris lora, pour torcingel, Dans les privilèges de
l'jtglise de Llandav, dont l'orthographe relève du vieux gallois, on
remarque loggou pour longon1. A remarquer dans le Book of Llan-
dav cg dans cecg, p. 73, Tralucg p. 213. C'est une graphie qui n'est
pas rare dans certains textes anglo-saxons pour gg, avec une autre
valeur qu'en gallois il est vrai (Bùlbring, Altengl. Elem . h, § 539
rem.). Dans les notes marginales à l'Evangéliaire de Saint Chad,
on a, au lieu de ne, gc dans tage « paix ». Dans le Livre Noir,
pour -ne- on a généralement gh, parfois g ; ngc dans ieuange; une
fois c dans dac pour danc (tanc).
Labiales, ph. L'extension de l'usage de ph pour /en gallois
serait due aussi à l'influence française. Cette extension en somme
se borne à la graphie ph dans les mutations initiales, concurrem-
ment avec /et ff. Or, ph est la mutation de p en spirante sourde :
c'est l'étymologie qui a ici dicté son emploi. Griphiud de même a
été amené par Gripiud (Notes Margin.) et Grippiud (Généalogies,
cf. J. Loth, Mal., 2e éd., II, p. 347). Aux ix-xe siècles, on savait
en Galles que les spirantes sourdes provenaient d'occlusives doubles;
de là les graphies comme Grippiud, Gripiud, Masguie Clop(p) dans
les Généalogies ; Lunar(c)hi Cocci dans les Inser. Brit. Christ.
(insc. des vne-vine siècles) ; anbicc guell (écrit anbiie guell) dans les
Gloses. Dans un des poèmes à Juvencus une neiu doit probablement
être lu ucc neiu. Dans le plus ancien manuscrit des Lois de Gwy-
nedd ce pour ch est fréquent; cf. Book of Llandav, p. 247, biean,
weiilhueeoyt 2. Il est très probable que la transformation des occlu-
1. Dans une autre charte (p. 148), où les noms propres ont le caractère
de ceux du du IXe s. plutôt que du x«, on trouve également Llyggesaul
pour Ltyngessaiul.
2. Nennius, Hist. Britt. LXIX : Guoloppum id est Catguoloph.
Bibliographie. 235
sives sourdes doubles en spirantes sourdes a eu lieu entre le ve-vi°
siècle et le vne. Longtemps après, la graphie primitive est restée
concurremment avecch, ih, ph, ou plus négligemment c, t, p. On la
relève dans une inscription chrétienne des vne-vnie siècles : Luuar-
(c)hi Cocci (Cocci gén. de *Coccos, gall. coch « rouge »).
ff. Le double ff apparaît en effet pour la première fois dans le
Livre Noir. Il y est très rare à l'initiale ; mais il n'est pas vrai qu'il
alterne avec ph en position médiane. Il n'y a qu'un seul exemple
de ph dans cette position : gorphen, et encore y a-t-il ici influence
depenn. D'après l'auteur, ce serait un emprunt au système anglo-
normand du redoublement des lettres. Nous avons vu ce qu'il fal-
lait penser de ce redoublement. Le doublement aurait pu se pro-
duire, par analogie avec ce, tt, pour exprimer l'aspiration depp ; mais
comme il n'existe pas avant la composition du Livre Noir, il est
plus simple d'y voir un artifice amené par le caractère de
spirante sonore de /intervocalique et final. .F/' existait en anglo-
saxon et y avait toujours la valeur d'une spirante sourde.
», v, w, f,ff = V.
Les graphies w, f, ff pour v seraient d'origine anglo-nor-
mande. Pour/, le contraire est certain. En vieux gallois, le son v
était toujours exprimé par h. La prononciation réelle n'a com-
mencé à se traduire dans l'écriture qu'au xie siècle. F me paraît
emprunté à l'anglo-saxon, où il avait la valeur de v à l'intérieur du
mot entre des sons sonores. Les Privilèges de l'église de Llandav
ont été sûrement rédigés d'abord en vieux gallois ou en tout cas
dans la langue de l'époque de transition. On y trouve cymreilh et
cyfreiih 1 (J. G. Evans, B. of Llandav, p. 120). Dans la charte
authentique de 1126, je relève TafÇjhid., p. 27). Cette charte est
en réalité anglo-normande, mais avec des caractères hiberno-saxons.
Elle concerne le Pays de Galles. C'est un indice que/= v relevé
par Morgan Watkin dans YEstorie des Englcs, écrite entre 1 145 et
1 1 5 1 , doit être attribué à l'influence anglo-saxonne. Fassal pour
vassal ne s'explique pas autrement.
La graphie -w, d'un usage fréquent dans le Livre Noir (ainsi que
parfois ;///), avec la valeur de v, me paraît en revanche attribuable
aux Anglo-normands. C'est chez ceux-ci une graphie fréquente ;
je l'ai d'ailleurs indiqué moi-même. A la finale dans le Livre Noir,
1. A la ligne 20, Lantam ; m a été gratté et remplacé par/ (notes à la
page 120).
23 e Bibliographie.
f est plus fréquent que w ; il était "préférable à 11 qui prétait à con-
fusion.
w.
w est passé des Anglo-saxons aux Anglo-normands. D'après
l'auteur, l'usage étendu de ce diagramme en gallois serait dû à
l'influence anglo-normande. Or, cet usage ne se montre guère en
somme au xne siècle. Dans le Livre Noir et jusqu'au milieu du xme
siècle,» pour w est en usage (J. Loth, Mab., 2e éd., I, p. 19-20).
En anglo-saxon, on trouve u, ou un, parfois ton, concurremment
avec le symbole runique (Bùlbring, op. cit., § 48).
% y-
L'introduction de y en gallois serait due aussi à des influences
anglo-normandes. Cependant ce n'est guère que dans des diph-
tongues que)' apparaît d'abord chez les Gallois. Il n'y aurait que des
traces de y pour i en dehors des diphtongues, d'après l'auteur lui-
même, au xne siècle. En vieux gallois, en dehors de quelques diph-
tongues dans YHistoria de Nennius et les Annales Cambriae, il n'y
aurait pas trace de y. Y était bien connu des scribes brittons, car on
trouve dans une note marginale à l'Evangéliaire de Saint-Chad le
nom de l'évêque anglo-saxon Wynsi. Dans les Annales Cambriae je
remarque Brendan Byror. S'ils ne l'ont employé que tardivement,
c'est que le son représenté par y ne répondait exactement à aucun
son du vieux gallois. Cependant, lorsque vers le xie-xne s. on com-
mence à mettre plus d'exactitude dans l'expression graphique des
sons, on le voit apparaître. Il existe dans un manuscrit du De Tri-
nitate de Saint-Augustin de la Bibliothèque G.C.C. de Cambridge,
manuscrit du xie siècle, un quatrain gallois incomplet où y est en
usage : trynit, tryeenn, amtrybann, Cyrguenn, atndifuys. D'après
M. Bradshaw, ce quatrain aurait été écrit par Johannes, fils de Sul-
gen, évêque de Saint-David de 1071 à 1089 (J. G. Evans, The Book
of Llandav, xxv). Dans le Livre Noir, y alterne avec i et même
avec e ; mais le plus souvent il exprime 0 bref ou une voyelle de
résonnance.
Voyelles irrationnelles.
Ici encore, en moyen gallois, nous serions en présence d'em-
prunts anglo-normands. Ce qui est vrai, c'est que l'on est en pré-
Bibliographie. 237
sence de mêmes causes produisant les mêmes effets. La voyelle de
résonance ou de transition se présente à peu près dans les mêmes
groupes, et il est naturel qu'on ait recours pour l'exprimer à la
voyelle qui à l'oreille s'en rapproche le plus. En vieux gallois on
ne l'écrit pas en général, mais on ne le fait pas davantage en gallois
moderne.
L'auteur traite ensuite de Y inter change des ténues et moyennes à
la finale et à la médiane, et il y voit encore des influences anglo-
normandes, parce qu'il relève çà et là des phénomènes semblables
en français et en anglo-normand. Il est de toute évidence que le flot-
tement est dû la plupart du temps à l'incertitude de la valeur exacte
des sonsconsonnantiques. En vieux gallois, on a systématiquement
là sourde à la finale et même à la médiane '. Dans les gloses à
Martianus Capella, c final est fréquemment doublé ; très rarement
au milieu du mot entre voyelles 2. Dans le Livre Noir, il n'y a
pas à tenir compte de d, t ayant la valeur de d. En revanche, à la
finale, on a toujours c ; à la médiane, c est encore fréquent : keredi-
ciaun, Morccanhuc, redecauc, emendiceid, lluricogion, arcoed (et
argoyd), gostecuir, kicleu.
P est également employé à la finale : ellyspp, hesgip, gulip, pop,
paup (mais aussi paub). A l'intérieur du mot : Uogporth et ïïog-
borth ; deheu-parth, diheu-porth. En revanche, on a régulièrement
mab'\ c'est que la finale était sourde ou demi-sourde, excepté dans
les monosyllabes où la voyelle n'était suivie primitivementque d'une
consonne ; dans ce dernier cas la voyelle était allongée et la consonne
finale était sonore. Le même fait se constate en comique, même
dans la prononciation actuelle des noms de lieu indigènes. Il en
est de même en breton, excepté dans les monosyllabes terminés
par c. Jusqu'au xvie siècle, on continue à écrire c à la finale. On
trouve encore t au xive siècle. Ce n'est qu'au xvie siècle qu'on
écrit assez régulièrement b d g -et encore trouve-t-on unie dans la
Bible de 1620. L'influence française n'est pour rien dans cette
affaire.
Il y a aussi des influences dialectales à considérer. John Rhys
avait déjà remarqué que le d intervocalique ordinaire dans le dia-
lecte de Gwent était plutôt encore un / à l'oreille, un / en marche
cependant vers d. En 1920, préoccupé de cette assertion et surtout
1. Ce redoublement systématique, qui n'existe pas ailleurs, me paraît dû
à l'influence de scribes irlandais. La graphie çoiliaucc, où -auc devait être
prononcé avec c ou g assourdi en est un indice.
2. Il y a de rares exceptions : or gam, hendat, gubennid, modreped.
Revue Celtique, XXXIX. ï6
238 Bibliographie.
du fait qu'à mon oreille /; d g et particulièrement g à l'initiale, dans
le dialecte de Carnarvon, me faisaient l'effet de sourdes, ce qui
rappelait le plood pour blood de Shakespeare, j'amenai au laboratoire
de l'abbé Rousselot Morgan Watkin, qui d'ailleurs désirait se mettre
au courant de la phonétique expérimentale. Le gallois de Glamor-
gan est sa langue maternelle. 11 se prêta intelligemment aux expé-
riences qui se poursuivirent pendant deux ans avec le concours de
M. Chlumsky, aujourd'hui chef du Laboratoire de phonétique à
l'Université tchèque de Prague. Pour les consonnes, le résultat est
certain : à l'initiale p t c sont des aspirées sourdes ; entre voyelles ce
sont des occlusives sourdes pures. A l'initiale, fr dg sont des moyennes
sourdes ou accompagnées de peu de vibrations laryngiennes », Mor-
gan Watkin, p. 210 et suiv., rappelle ces expériences et y ajoute
d'intéressantes remarques.
Il consacre, après sa revue générale de l'orthographe galloise
que je viens de discuter, un bon nombre de pages à l'orthographe
du Black Book of Chirk, le plus ancien manuscrit des lois en gal-
lois. Il adopte l'opinion de' Gwenogvryn Evans pour la date du
manuscrit qui aurait été écrit vers 1200. J'aurais aimé quelques
précisions à ce sujet. Le texte de la Myv. Arch., considérablement
rajeuni cependant, remonte à »un manuscrit tout aussi archaïque,
plus archaïque même à certains points de vue. Le manuscrit des
Leges Wallicae dont s'est servi Aneurin Owen (tome II, pp. '750-
814) serait, d'après Gwenogvryn Evans, du dernier quart du
xiie siècle ; il est en latin, mais les termes juridiques sont en gal-
lois. Je ne suivrai pas l'auteur dans son analyse ; je ne ferais que
me répéter. Je me bornerai à une remarque générale : l'orthographe
de ce manuscrit est très irrégulière ou plutôt très variée, parce que
le scribe y a introduit des graphies de plusieurs époques, et notam-
ment des graphies déjà archaïques de son temps. Sa plus grande
originalité, dit Morgan Watkin, se voit dans son traitement de ch,
th, dd et /; : de ch représenté par c, ce, ch, gh, h ; de //; par fh, dh,
t, d, h, s ; de dd par //;, dh, t, d, h. Or, dans le texte de la Myv.
Arch., on a ainsi et régulièrement c pour ch et/ pour th. Le double
ce apparaît dans les Inscript. Briit. Christ, des viie-vme siècles :
Lunarchi Cocci (cf. dans les Généalogies du Xe siècle : Gripiud,
Grippiud, MasguicClop(p) ; c se trouve aussi. Dans les deux poèmes
à Juvencus, d vaut //; et d. Pour dd, dh, voir plus haut ; h et s pour
th peuvent représenter des faits phonétiques. Dt se trouve pour //;
dans des gloses marginales à rÉvangéliaire de Saint Chad (luidt =
luith). Pour h = ch, voir plus haut.
1. Les tracés doivent paraître dans la Revue de phonétique.
Bibliographie. 239
En passant, je remarque que /; en hiatus se trouve en vieux gal-
lois : gurehic. Il n'y a là aucune trace d'influence française. De
même pour / dans digaunt ; dans les gloses bretonnes à Eutychius
on a eunt ; l'absence de / dans holan « ils réclament » est un fait de
phonétique.
Toute la partie concernant l'influence française sur l'orthographe
galloise au xne siècle a besoin d'être soumise à un nouvel examen.
La renaissance de la littérature galloise au xne siècle serait due
aussi d'après l'auteur à l'intrusion dans le pays à la fin du xie s. de
la civilisation et la littérature de la France. Il peut y avoir une
part de vérité dans cette assertion, et je ne demande pas mieux
pour ma part que d'en être convaincu. Je serais encore d'avis que
la renaissance littéraire galloise au xne s., sans être le résultat de la
lutte pour l'indépendance de 11 36 à 1140, comme le croit le Prof.
Lloyd, est due en partie à la surexcitatron du sentiment national.
Rien de plus frappant, quand on compulse les poésies des bardes.
Comme Morgan Watkin, je ne crois nullement à l'influence de
Rhys ap Tewdur qui aurait été puiser aux traditions et à l'art bre-
ton armoricain et les aurait popularisés à son retour en 1080. A la
fin du xie siècle, les princes bretons s'étaient établis dans les pays
de langue romane du Nantais et du Rennais, que leurs pères avaient
conquis au milieu et dans la seconde moitié du ixe siècle. La poé-
sie bardique des xne et xme siècles qui est de beaucoup la branche
la plus importante de la littérature galloise ne doit rien à la litté-
rature française. On parle de renaissance galloise comme si la lit-
térature galloise était tombée en décadence dans les siècles précé-
dents. Or, nous avons la preuve que la poésie notamment ne fait
que continuer au xne siècle le bardisme des xie, xe et ixe siècles.
Le deuxième poème à Juvencus a tous les caractères de l'art si par-
ticulier et si frappant des triplets et quatrains que Ton rencontre
'dans le Livre Noir et les parties anciennes du Livre Rouge. On
rencontre çà^t là dans le Livre Noir, le Livre de Taliésin, le Livre
Rouge, des poèmes incontestablement antérieurs au xne siècle.
Le .Gorchan Maelderiv, version indépendante du Gododin, a sûrement
été copié d'un manuscrit en vieux gallois ; il en a conservé un
bon nombre de formes. Le Gododin dont le noyau primitif peut
remonter au vne siècle, mais dont la rédaction conservée dans des
manuscrits assez récents ne peut remonter au delà de la fin du
ixe siècle, atteste une culture poétique remarquable. Enfin la
langue et la composition des Lois ne s'expliqueraient pas sans l'exis-
tence d'une classe de lettrés versés dans l'étude du droit. Si la lit-
térature galloise paraît pauvre avant le xne siècle, c'est que la plu-
240 Bibliographie.
part de ses œuvres ne nous a pas été transmise. 11 ne semble pas
que les scribes, du moins sans doute pour la plupart, se soient
intéressés à la littérature nationale, comme en Irlande. Des épo-
pées, seuls quelques morceaux en vers ont survécu. La littérature
écrite se développe considérablement au cours du xne siècle, sur-
tout vers la fin de ce siècle. Les archives des chefs gallois paraissent
mieux tenues. Il est fort probable que cet heureux résultat est dû
à l'influence française.
En résumé, je crois que l'influence française s'est manifestée
moins rapidement que ne le croit l'auteur et que sa part dans
l'évolution de la littérature galloise a été moins grande qu'il ne le
croit, au moins au xne et au xme siècle. Dans les mœurs, les cou-
tumes, et surtout la civilisation matérielle, elle me paraît plus sen-
sible, comme il fallait s'y attendre.
La documentation de l'auteur est en défaut sur plusieurs points;
mais ces lacunes et mêmes quelques erreurs ne sauraient surprendre
si on songe, comme il le fait modestement remarquer en terminant,
qu'il a composé son travail à Johannesburg, à 7.000 milles de toute
bibliothèque appropriée à de pareilles recherches.
J. Loth.
II
Ifor L. Evans et Henry Lewis, Cyfres y IVeriu. The Educational
Publishing Co. Ltd. Penarth Road, Cardiff.
MM. Ifor L. Evans et Henry Lewis ont eu l'excellente idée de
faire paraître sous leur direction et avec leur propre concours une
série, de traductions galloises d'ouvrages étrangers, constituant un
Recueil de littérature populaire.
Les gens du peuple, ouvriers et paysans, en Gal&Ks, sont sans
contredit les plus instruits des Iles Britanniques. Ils sont passion-
nés pour les choses de l'esprit, en particulier pour la poésie et la
musique, et... pour l'éloquence religieuse. La faculté d'absorp-
tion de sermons chez un Gallois défie toute comparaison : les
prédicateurs pourront se succéder pendant de longues heures : les
auditeurs eux ne broncheront pas. Il y a l'envers de la médaille.
Si le sentiment religieux est une grande force morale, infiniment
respectable, les passions religieuses sont de nature à fausser le juge-
ment. Un savant étranger qui connaît bien la France pour l'avoir
habitée plusieurs années dont deux en pleine guerre, revenait il n'y
Bibliographie. 24 1
a pas longtemps d'un séjour de quelques mois dans le Pays de
Galles, absolument surpris et même indigné des propos qu'il avait
entendus sur la France et les Français. Les idées les plus saugrenues
sur leur compte trouvaient créance, simplement, semble-t-il, parce
que le Français est considéré comme un impie, et, ce qui est plus
grave aux yeux de certaines gens, comme un papiste. Je me hâte
de dire que ce n'est pas un sentiment général, en particulier chez
les Gallois qui ont appris à nous connaître sur les champs de
bataille.
La littérature galloise contemporaine a produit, surtout en poé-
sie, des œuvres remarquables, dignes d'être connues à l'étranger.
Mais il est incontestable qu'elle est trop repliée sur elle-même,
qu'elle manque d'horizon. Dans les sciences philologiques et his-
toriques, il en est de même. En histoire, dans des œuvres utiles,
mais trop vantées ', en linguistique, la méthode est défectueuse ; il
est visible que les auteurs ne sont pas au courant du mouvement
scientifique continental. On ne peut pas citer une seule bonne édi-
tion critique de texte gallois. En science, comme en littérature, il en
est de même. La publication en question est de nature à élargir le
cercle des connaissances des Gallois et à leur faire connaître les
choses et les gens du continent.
J'ai sous les yeux quelques volumes de la série les plus récem-
ment parus. Ce sont de petits volumes in-12, élégamment carton-
nés, d'une impression soignée, qui font honneur au goût des édi-
teurs et des imprimeurs. MM. Ifor L. Evans et Henry Lewis se
sont montrés tort éclectiques, ce dont on ne saurait les blâmer.
N° 4. Moelona. Y Wers olaf (la dernière leçon : cette nouvelle
est suivie d'une autre nouvelle d'Alphonse Daudet).
N° 5. Gwilym A. T. Davies. Brenin yr Ellyïlon (Le roi des
Esprits ou fantômes, de Gogol).
N° 6. T. H. Parry Williams. Ystorïau Bohemian1 (Histoires de
Bohême : quatre de ces nouvelles sont de Y. Vrchlicky (Ervil Fri-
da) ; deux de Swatopluk Cech; une de Jan Neruda.
1. UHistory of Wales de J. E. Lloyd est une œuvre des plus remar-
quables, réserves faites en ce qui concerne la pré- et proto-histoire, témoi-
gnant d'un véritable esprit critique et de recherches aussi consciencieuses
qu'approfondies. Mais il n'est pas toujours au courant de la science conti-
nentale. De plus, il est visible qu'il n'est pas linguiste, ce qui est très regret-
table dans une œuvre de ce genre.
2. Ces nouvelles sont traduites non du tchèque, mais d'une Traduction
allemande du tchèque.
242 Bibliographie.
Autant que j'ai pu en juger, tout au moins pour les ouvrages
traduits du français, les traductions m'ont paru fidèles et d'une
bonne langue. On annonce pour paraître bientôt une traduction
des Paroles d'un Croyant de Lamennais par M. Ambrose Bebb et de
Y Avare de Molière par M. Ifor L. Evans. Il serait à désirer que ce
dernier fît connaître tout Molière à ses compatriotes : une traduc-
tion de Tartuffe, par exemple, serait sûrement bien accueillie et de
nature à frapper utilement leur esprit.
J. Loth.
III
J. Morris-Jones. An elementary Welsh grammar. Part I : Phono-
logy and accidence, Oxford, Clarendon Press, 1921.
Les grammaires élémentaires du gallois moderne ne manquent
pas. Celle de J. Morris-Jones est la plus complète sans contredit.
Dans sa Préface, il se propose, nous dit-il, d'exposer sous une forme
concise, mais néanmoins assez complète, la pure tradition gramma-
ticale en gallois moderne. Cette tradition, il la fait remonter cà Dafydd
ap Gwilym et aux poètes qui l'ont suivi. Le Dr tMorgan, dans sa
traduction de la Bible, qui a joué un si grand rôle, aurait adopté
la forme littéraire que l'on trouvait conservée pure chez les bardes,
mais se serait laissé influencer par les inventions de W. Salesbury,
dans une certaine mesure. Le Dr Davies, qui est responsable de la
révision de 1620, a bien corrigé les formes corrompues de Morgan
mais a laissé subsister ses néologismes. L'influence d'O. Pughe,
dont les théories étymologiques auraient rendu la langue écrite
encore plus artificielle et plus conventionnelle, a maintenant dis-
paru. Dans la cynghanedd la tradition littéraire a persisté. C'est
elle que veut codifier l'auteur.
Assurément la langue de Dafvdd ap Gwilym marque une ère
nouvelle, mais en poésie. La langue littéraire courante existait déjà
incontestablement dans la prose, en particulier dans les traductions
de romans français, comme Boivn 0 Hautiun, ou de textes latins.
La langue de certaines de ces traductions est excellente. La prose
même de quelques ntabinogiou a une grande valeur littéraire. Rien
ne serait, à mon avis, plus profitable aux Gallois lettrés, comme
correctif à de fâcheuses tendances de la prose actuelle, que la lec-
ture de ces textes. La langue de ces textes est encore plus éloignée
de celle des bardes de la même époque que la langue de la prose
anglaise de celle de la poésie.
Bibliographie. 243
Il y aurait eu aussi à faire une distinction entre la langue du Sud
Galles et celle du Nord. Au point de vue de la pro se, il me
parait plutôt fâcheux, comme je l'ai entendu dire aussi à John
Rhys, que ce soit la forme du Nord qui ait dominé.
Sur la nature exacte des sons gallois, il y aurait des réserves à
faire. Il est certain que les auteurs gallois ne s'en sont pas rendu
compte exactement. La publication des études expérimentales
faites sur le dialecte du Glamorgan au Collège de France l'éta-
blira. D'autres études analogues sont en cours. Mais comme il
s'agit d'une grammaire élémentaire faite pour des Gallois, je ne
songe pas à en faire un grief à l'auteur. Les seuls grammairiens
qui aient tenté sérieusement de définir exactement les sons gallois
sont John David Rees (sa grammaire, à ce point de vue, est encore
à consulter) et John Rhys, dans ses Lectures on IVelsh Philology,
qu'on ne consultera pas sans profit.
Çà et là, j'aurais à renouveler certaines critiques que j'ai adres-
sées à l'auteur pour sa IVelsh Grammar, historical and comparative ;
le lecteur pourra facilement s'y reporter, car les deux grammaires
sont construites sur le même plan et disposées de même ; mais en
somme, l'auteur connaît la langue des diverses époques dont il s'oc-
cupe et ses matériaux sont puisés à de bonnes sources, tant au moyen
âge qu'à l'époque moderne. Son exposition est concise, mais claire.
Cette grammaire est appelée à rendre de grands services et, il faut
l'espérer, à provoquer une réaction contre certaines fâcheuses ten-
dances qui se révèlent dans la prose des journaux et revues.
J. Loth.
CHRONIQUE
Sommaire. — I. The Sound s oj lvish par M. Shân O' Cuiv. — II. Œuvres
posthumes de Patrick Pearse. — III. Célébration du Cinquantenaire de
l'Ecole pratique des Hautes Etudes. — IV et V. Travaux récents de Dom
Gougaud sur les plus anciennes représentations du crucifix en Irlande
et sur l'ascétisme en pays celtique. — VI. Les Norvégiens dans le folk-
lore d'Irlande étudié par M. Sommerfelt. — VII. Ouvrages Técents de
linguistique générale. — VIII. Les études celtiques modernes, organisées
par M. Y. M. Goblet. — IX. Périodiques nouveaux. — X. Ouvrages
nouveaux.
I
The Sounds of Irish, tel est le titre d'un nouveau petit livre de
M. Shân O' Cuiv, qui mérite d'être chaudement recommandé1.
Ardent propagateur de la langue irlandaise, M. Shân O' Cuiv fait
porter son effort sur deux tâches préalables qui lui paraissent avec
raison essentielles : la simplification de l'orthographe et l'étude
de la phonétique. Mais M. S. O'Cuiv n'est pas un phonéticien
« sur le papier » ; il connaît à fond le mécanisme des sons de sa
langue et peut l'enseigner pratiquement. Avec son ami le Dr R. O'
Daly et grâce au concours du Prof. O. Bergin, il a contribué à
faire adopter la phonétique comme base de l'apprentissage de l'ir-
landais : dans les écoles où l'irlandais s'enseigne, l'usage des
méthodes phonétiques a donné d'excellents résultats. Quand on
veut apprendre une langue dont la prononciation est si particulière,
si différente surtout de celle de l'anglais, une bonne éducation
phonétique est en effet indispensable : « phonetic drill from the
start », c'est le seul remède aux difficultés de la prononciation,
comme le dit le Prof. Bergin dans sa préface.
Dans son nouveau livre, M. Shân O' Cuiv précise et complète
i. Shan O' Cuiv, The Sounds of Irish, with a Préface by Osborn Bergin.
Dublin, Browne and Nolan, 1921, 79 p. in-12.
Chronique. 245
l'enseignement qu'il a donné déjà dans Irish made easy et dans an
CônggUr « le Raccourci » (cf. Rcv. Celt., XXXII, p. 498). Il s'agit
toujours d'habituer l'élève à se rendre exactement compte de la
position des organes et de le guider dans les exercices nécessaires
à l'apprentissage de chaque son. Mais l'exposé est cette fois plus
scientifiquement ordonné ; l'auteur s'est efforcé de mettre en lumière
le système phonétique de l'irlandais et d'en ramener la complica-
tion à quelques principes généraux. L'enseignement gagne ainsi
beaucoup en précision et en clarté. La description des sons témoigne
d'une bonne pratique pédagogique : n'importe quel novice peut en
faire aisément son profit. Quelques figures illustrent les cas diffi-
cultueux et en simplifient l'étude. C'est naturellement en partant
de l'anglais que l'enseignement de la prononciation irlandaise est
donné : l'auteur tire un bon parti des fautes que les Irlandais com-
mettent en parlant anglais, et réciproquement. L'ouvrage se ter-
mine par une série d'exercices, méthodiquement progressifs, et par
un choix de textes où en regard de l'orthographe usuelle est placée
une orthographe simplifiée, offrant de la prononciation une image
moins déformée. M. Shân O' Cuiv nous donne un bon exemple à
suivre. Il serait à souhaiter que nos professeurs de langues vivantes
s'inspirent de son excellent petit livre et se décident à mettre la
phonétique en tête de leur enseignement ; il n'y a pas de meilleure
introduction à l'apprentissage d'une langue étrangère.
II
La librairie Maunsel and Roberts (50 Lower Baggot Street,
Dublin) a entrepris un recueil des Œuvres de Patrick Pearse (Scribb-
ni Phâdhraig Mhic Phiarais), le chef de la Rébellion de Pâques
1916. L'ensemble formera quatre volumes, comprenant des pièces
dramatiques, des poèmes, des contes, des écrits politiques. Le
second volume est une collection de chansons populaires, une
sorte d'anthologie irlandaise. P. Pearse les avait rencontrées çà et là
et publiées dans divers périodiques avec une traduction anglaise.
La plus grande partie de ces chansons sont d'un genre que les cir-
constances politiques ont trop souvent imposé à la littérature irlan-
daise, et qu'on -pourrait appeler le genre « rebelle » : ce sont des
cris de vengeance ou des appels au combat, des plaintes de con-
damnés ou des regrets d'exilés. L'Adieu à l'Irlande (Diombuadh
triall ô thulchaibh Fàil « il est pénible de s'éloigner des collines
de Fâl ») par lequel débute le recueil a été composé vers 1573 Par
Gerald Nugent (Gearôid Nuinsionn), un héros des guerres contre
246 Chronique.
Elisabeth. Ensuite viennent une pièce de Fearflatha O' Gnimh
(vers 1580), mo thruaigh mar laid Gaoidhil « l'état des Gaels fait ma
tristesse », puis une pièce de Aongus Mac Daighre O' Dalaigh
(vers 1580), Dia iibh, a laocbradh Ghaoidheal « Dieu soit avec vous,
guerriers Gaels ! » pleine d'ardeur belliqueuse ; puis la célèbre
Raisin Dubh, la Little Dark Rose, qui remonte au début du xvne s.,
mais dont l'auteur est inconnu ; puis une lamentation sur la mort
d'Oliver Grâce, par Seaghan Mac Walter Walsh (1604), et deux
autres sur l'oppression dont souffrait l'Irlande par Geoffroy Kea-
ting (Seathrûn Géitinn), l'une postérieure à 1607 (ôm sgeol ar ârd-
mhaigh Fâil ni chodlaim oidhche « le souci qui me vient de la noble
plaine de Fâl m'empêche de dormir la nuit »), l'autre des environs
de 1644 (mo thruaighe mar ta Éire), toutes deux d'une inspiration
noble et passionnée. Elles sont suivies de trois autres poèmes de
Geoffroy Keating, mo beannacht leat, a sgribhin, go hinis aoibhinu
Ealga « porte ma bénédiction, ô poème, à l'aimable île d'Irlande »
(vers 1606), empreint d'une sentimentalité touchante ; caoin thù
féin,a dbuine bhoicht, de chaoineadh chàich coisg do shûil « pleure sur toi-
même, pauvre être, retiens tes yeux de pleurer sur autrui » (vers
1640), a bbean làn de stuaim, congbhuigh uaim do'lâmb « ô femme
pleine d'astuce, retire de moi ta main » (vers 1642), qui montrent
le souple talent poétique de Keating sous des aspects très différents.
Le « Fantôme romain» (an Siogaidhe Rômhânach), d'auteur inconnu
(1650) et un poème du temps de Cromvell par Pierce Ferriter
(vers 1652), Do cbuala sgêal do cbèas ar lô nié is thug san oidhche
i ndaoirse bhrôin tué « j'ai entendu un récit qui m'a torturé le jour et
qui m'a la nuit enfermé dans le chagrin », terminent les chants de
rébellion ; le dernier est d'un lyrisme particulièrement sombre et
tumultueux. Pour en adoucir l'impression, on a réuni à la fin du
volume quelques pièces populaires modernes, recueillies par Pearse
dans la tradition orale ; ce sont des poèmes religieux, des ber-
ceuses,'des chansons d'amour (comme la célèbre Neili Bhân),
d'une note tendre et délicate. Afin que la pensée des malheurs de
l'Irlande ne quitte pas le lecteur, parmi ces chansons populaires
figure aussi la « lamentation pour le blond Donoghue » (Marbbna
Dhonncbadba Bhâiu), un jeune homme du Connaught pendu par les
Anglais.
Par la variété et la qualité des œuvres, ce recueil donne une
excellente idée de la poésie irlandaise moderne ; il faut lui sou-
haiter le plus grand nombre de lecteurs.
Chronique. 247
III
Le Ier décembre 1921. la section historique et philologique de
l'Ecole pratique des Hautes Etudes a fêté le cinquantenaire de sa
fondation. Cette fête a été quelque peu retardée par les événements
des dernières années; elle aurait dû avoir lieu en 19 18, puisque le
décret de fondation de l'Ecole, signé de Napoléon III sur la pro-
position de Victor Duruy, est daté du 31 juillet 1868.
A l'occasion de ce cinquantenaire, les directeurs d'études de la
section ont publié un beau volume de mélanges (Paris, Champion,
164-360 pages in-8°, i92i),qui forme le 23oerae volume de la Biblio-
thèque de l'Ecole. M. Gaidoz qui a déjà collaboré à deux recueils
de Mélanges précédemment publiés par les professeurs de la Section I
(en 1878, volume 35 de la Bibliothèque et en 1886, volume 73),
a donné à celui-ci une étude intitulée Cuchulain, Beowulf et Hercule
(pp. 131-156). C'est à la fois une étude de folk-lore et de littéra-
ture comparée, comme le savant auteur en a déjà produit quelques
modèles. Le point de départ de celle-ci est l'épisode de la Fled
Bricrend, dans lequel les trois héros Cuchulain, Loegaire Buadach
et Conall Cernach, arrivant au château de Curoi, y montent la
garde à tour de rôle pendant trois nuits de suite. C'est Blathnat,
la femme de Curoi, alors absent, qui leur demande ce service.
Loegaire, puis Conall accomplissent tant bien que mal leur temps
de faction et se tirent sans gloire des épreuves qui s'imposent à
eux. Cuchulain, qui affronte des épreuves autrement sévères, en tire
occasion d'exploits merveilleux et victorieux. Aussi Curoi à son
retour attribue-t-il à Cuchulain le curadmir (« morceau du héros »)
et la primauté des guerriers d'Irlande. Parmi les épreuves
imposées à Cuchulain une des plus redoutables est la lutte contre
un monstre (biasf) de taille gigantesque, qui sort d'un lac voisin et
menace d'engloutir tout ce qui l'approche. On retrouve des épi-
sodes semblables dans l'hagiographie : plus d'un saint eut à lutter
contre des monstres aquatiques. C'est un thème banal de folk-
lore irlandais. Or, comme le montre M. Gaidoz, la lutte de Cuchu-
lain contre la biast rappelle la lutte de Beowulf contre le monstre
Grendel et celle d'Hercule contre l'hydre de Lerne. Il y a même
entre l'épisode de la Fled Bricrend et le motif principal de Beowulf
1. Sans parler de l'article paru en 1902 dans V Annuaire de V Ecole des
Hautes Etudes sur « la Réquisition d'amour et le symbolisme de la pomme »
(v. R. Celt., t. XXIII, p. 90).
248 Chronique.
de nombreux traits communs (pp. 141-142) : la ressemblance des
deux récits est frappante. Plus frappante encore est la comparai-
son des illustrations que M. Gaidoz a jointes à son étude. Une
lampe romaine de la collection Oppermann, publiée par M. Frœh-
ner dans ses Mélanges itépigraphie (Paris, 1873), porte la représen-
tation d'un monstre à corps de femme, pourvu d'ailes et terminé
en queue de serpent, qui sort des ondes en vomissant du feu contre
un château fort, sur les remparts duquel sont postés trois légion-
naires casqués ; tous trois sont protégés par de longs boucliers,
l'un d'eux brandit un glaive. C'est l'illustration de l'épisode irlan-
dais. Il s'agit donc dans tous les cas d'un même thème de folk-
lore universel, roulant sur la lutte d'un homme très fort contre un
monstre aquatique. Ce monstre lui-même n'est pas purement ima-
ginaire : à en juger par certaines représentations de la légende
d'Hercule dans l'antiquité, comme M. Gaidoz en reproduit une
p. 153 S c'était une pieuvre, un poulpe, animal « dont la science
moderne ne dément ni les dimensions colossales ni le danger
qu'il fait courir aux marins2 ». Ulysse en rencontre un avant d'abor-
der à l'île des Phéniciens (e 432); déjà Scylla était un monstre de la
même espèce (ji 73 et ss.). C'est ainsi que la littérature conserve
le souvenir de cette faune gigantesque des temps préhistoriques,
qui dut être si redoutable à l'espèce humaine.
Dans le même volume de Mélanges figure un mémoire de M.Meil-
let, pp. 169-180. Ce mémoire roule sur les effets Je l'homonymie dans
les anciennes langues indo-européennes. M. Gilliéron a montré, par des
exemples tirés du vocabulaire gallo-roman, que les homonymes
sont évités toutes les fois qu'ils risquent de produire confusion.
M. Meillet estime qu'il s'agit là d'un fait général, attesté aussi, bien
qu'en des proportions moindres, sur le domaine indo-européen ; il
en donne comme exemples, entre autres, le traitement des noms
du « genou » et de la « mâchoire inférieure » (homonymes sous
la forme * genu-) et surtout celui de la racine *gem-, *gn&- qui
signifiait à la fois « naître » et « connaître ». Il est frappant de voir
comment les différentes langues se sont ingéniées à éviter les con-
fusions entre les deux homonymes. Bien des détails de la morpho-
logie de certaines langues s'éclairent à la lumière du principe posé
par M. Meillet. C'est probablement par ce principe qu'il faut
expliquer (p. 175) l'irlandais rogénariar « ils sont nés » (Wb. 4 c
12), au lieu de rogénalar, qui était régulièrement la 3eme pers. du
1. v. S. Reinach, Répertoire des vases peints, t. I (1899), p. 118.
2. A. Kums, Les choses naturelles dans Homère, Anvers, 1897, p. 94.
Chronique. 249
pluriel répondant à la fois aux singuliers rogct'iin « il a connu » et
rogénair « il est né » (cf. adgeuammar « nous avons connu » Wb.
14 d28).
Comme la plupart des travaux de M. Meillet, celui-ci n'a pas sa
fin en lui-même : il est gros de conséquences d'une grande portée.
L'idée qu'il enferme mérite d'être reprise et appliquée par chaque
linguiste à la langue dont il s'occupe spécialement ; les exemples
viendront en foule se présenter à l'esprit et confirmer la justesse
de la vue du maître. C'est une satisfaction à laquelle depuis long-
temps M. Meillet est habitué.
IV
L'idée de représenter la crucifixion, qui paraît aujourd'hui si
naturelle au monde catholique, n'est guère antérieure au vie siècle
de notre ère. C'est une idée qui naquit en Orient. Si elle se répan-
dit de bonne heure en Occident, ce ne fut pas sans résistance. Elle
heurtait trop vivement les sentiments intimes des chrétiens en éta-
lant aux yeux ce qu'il y avait d'horrible et d'infamant dans le
drame du Calvaire, la vue du Christ cloué au gibet. Mais l'histoire
du développement du crucifix n'a pas seulement un intérêt esthé-
tique ou moral ; c'est aussi l'affirmation d'une conception théolo-
gique : elle suppose que les fidèles se sont familiarisés avec le
dogme de l'incarnation et ont définitivement repoussé toute ten-
dance au monophysisme r.
Le crucifix apparaît dans les catacombes de Rome dès le
viie siècle. Le vine siècle en marque la diffusion dans tout l'Occi-
dent chrétien. En Ecosse, la croix de Ruthwell, qui remonte à un
des fils du roi de Northumbrie Oswy (mort en 670), porte bien
des séries de sculptures représentant des scènes de l'Evangile ;
mais l'image du Christ ne figure pas à la croisée (voir Leutzner,
dus Kreui Iki den Angdsachsen, Leipzig, 1890). Dans les siècles sui-
vants au contraire le Christ en croix devient un thème courant de
l'iconographie religieuse.
1. Voir à ce sujet la petite brochure de M. Louis Bréhier, Les origines
du Crucifix dans l'art religieux (Paris, Bloud, 190.1). Comme ouvrages
fondamentaux sur la question, on consultera : Fôrrer et Mùller, KrèU\ und
Kreu~igung Christ i in ïhrer Kunstentwickelutlg (Strassburg, 1894), M. Engels,
die Krea\igung Christ i in der biîdenâen Kunst (Luxembourg, 1899), Joh.
Reil, die frùhchristlichen Darstellungen der Kreu^igung Cliristi (Leipzig, 1904,
dans les Ficker's Studitn iïber chrislliche Detikmàfor).
250 Chronique.
Notre savant collaborateur Dom Louis Gougaud a récemment
étudié « the earliest Irish représentations ofthe Crucifixion » dans
un article du Journal of the Royal Society of Antiquaries of Ireland
(série VI, vol. X, pp. 128-139). Il en a relevé les plus anciens exem-
plaires sur des enluminures de manuscrits comme l'Evangéliaire de
de Saint-Gall (Rev. Celt., XXXVI, pp. 12-13), le Psautier de
Southampton ou les Epîtres de Saint-Paul de Wurzbourg, qui tous
sont du vme siècle. Les crucifix de pierre conservés en Irlande sont
moins anciens, ne remontant guère plus haut que le Xe siècle. Mais
il y en a d'admirables par la richesse des détails et la perfection du
dessin : tels ceux que l'on voit à Clonmacnois et surtout à Monas-
terboice (Margaret Stokes, Early Christian Art in Ireland, London,
1875). Dom Gougaud ne compte pas moins de quarante antiques
croix de pierre sculptée sur lesquelles est représentée la crucifixion
(p. 138). Or, une étude attentive de la représentation montre
qu'elle reposait en Irlande sur une tradition propre, si on en com-
pare les détails aux motifs similaires des autres pays. La forme de
la croix, la figure et le vêtement du Christ, la disposition des
membres sur le bois du supplice et la manière dont ils y sont atta-
chés ont dans l'iconographie irlandaise des caractères distinctifs.
Les personnages qui entourent la croix sont surtout caractéris-
tiques : il y a d'abord Longin, dont la lame perça le flanc du sau-
veur et qui fut éclairé de la lumière de la foi quand le sang sorti
de la divine blessure eut touché ses yeux ; il y a aussi Stephaton
ou Zefaton le soldat qui tendit pour boire au Christ altéré, non pas
une éponge, commele dit le textecanonique, maisun vase (iû.lestar),
suivant la traduction irlandaise de l'évangile de Nicodème (Atkin-
son, Passions and Homiîies, pp. 121 et 368) ; il y a enfin les deux
anges qui remplissent les deux angles supérieurs de la scène de la
crucifixion, parfois sous formes d'oiseaux. La plupart de ces carac-
tères ne sont pas spéciaux à l'Irlande : ainsi la substitution d'un
vase à l'éponge traditionnelle apparaît en d'autres endroits, notam-
ment sur une plaque de bronze de l'époque sassanide trouvée à
Perm, ou encore sur une des portes de la cathédrale d'Hildesheim
(commencement du xie siècle). Mais ce qui est particulier à l'Ir-
lande, c'est un ensemble de caractères qu'on ne trouve pas réunis
ailleurs. L'origine de ces caractères est à chercher dans la littéra-
ture : ils proviennent de récits évangéliques plus ou moins apo-
cryphes, de traditions liturgiques, de légendes, avec lesquelles
l'esprit des Irlandais était familiarisé. La littérature, dans tous les
pays, s'est inspirée souvent de l'image ; mais inversement l'image
a souvent emprunté ses motifs à la littérature. On sait combien
Chronique. 251
l'étude de l'iconographie de nos cathédrales, telle que l'a faite si
magistralement M. Mâle, démontre les relations réciproques du
texte écrit et de la représentation figurée. Le travail de Dom Gou-
gaud sur le crucifix eu Irlande fournit une preuve du même fait.
V
Le même Dom Louis Gougaud a récemment ajouté un nouvel
article à la série qu'il a consacrée aux anciennes traditions de
l'ascétisme chrétien (v. Rev. Celt., XXXVII, 405). Il s'agit cette
fois de l'usage du voyage à pied, auquel l'auteur a déjà fait allusion
dans ses Chrétientés celtiques, pp. 163-164. Parmi les Celtes qui
maintinrent cette pratique d'ascétisme, il faut citer saint Aidan,
le fameux moine cTIona devenu évêque de Lindisfarne (mort en
651), saint Kentigern, évêque écossais (mort vers 603), et saint
Malachie (mort en 1148), qui parcourait à pied les campagnes
d'Irlande avec ses disciples pour ramener les populations à la pra-
tique de l'évangile (v. Rev. Celt., t. XXXVIII, 338). La Régula
cuiusdam patris ad inonachos (Migne, Patr. Lat., LXVI, 991,
ch. 20-21), qui est d'inspiration celtique, et VOrdo Monasticus de
Kilros (id., ibid., LIX, 565) prescrivent la marche à pied aux
moines ; le dernier n'autorise l'usage de la monture qu'aux abbés
âgés. Il est intéressant de noter que dans les lois galloises attri-
buées à Howell Dda, on exige dans certains procès importants,
pour donner au témoignage plus de valeur, un certain nombre
de témoins (généralement trois) qui aient fait vœu d'abstinence de
viande, de femme et de cheval, a thri ohonunt yn diofredauc 0 gic
a giureic a uiarchogaeth (Wade Evans, Welsh Mcdiaeval Law,
p. 121, 1-2) ; dans un autre passage, on demande à certains
témoins de s'abstenir de femme, de linge et de cheval (id., ibid.,
p. 37, 19). Il est probable qu'ici encore un vieil usage d'interdic-
tion païenne, qu'on retrouverait sans doute aujourd'hui chez maint
peuple non-civilisé, a été adapté à des fins d'ascétisme chrétien.
L'article de Dom Gougaud a paru dans la Revue d'ascétique et de
mystique, t. III (1922), pp. 56-59.
VI
Pendant le long séjour qu'il a fait dans le Donegal en 1915
et 19 16, notre ami M. Alf Sommerfelt n'a pas seulement poursuivi
une vaste enquête linguistique dont les résultais, nous l'espérons,
1^1 Chronique.
paraîtront bientôt ; il a recueilli aussi de nombreux récits popu-
laires, intéressant le folk-lore. L'un a été publié en traduction
norvégienne dans le journal Morgenbladeï du 8 octobre 1916. Deux
autres ont paru en texte irlandais et en traduction norvégienne
dans la revue Maal og Minne [« Langue et tradition »] de 19 17
(4"'e cahier, pp. 153-155). Les trois récits ont ceci de commun
qu'il y est question de la Norvège et que les Norvégiens (Lochlan-
nuigti) y jouent un rôle. Dans le premier récit que contient Maal
og Minne, il s'agit d'un norvégien fait prisonnier avec son fils à
la suite d'un combat ; on leur promet la vie sauve à condition
qu'ils révèlent la façon dont on peut faire de la bière (Icami) avec
de la bruyère. « Tuez mon fils d'abord, et je vous le dirai », dit
le père ; le fils tué, le père déclara : « Tuez-moi maintenant, car
je ne vous dirai rien du tout ». C'est la variante d'un thème déve-
loppé dans une saga islandaise, l'Atlakvida : il est intéressant d'y
trouver la bière ; c'est un trait de couleur locale bien Scandinave.
Le héros du second récit est un guerrier venu de Scandinavie en
Irlande à travers les mers. Les gens d'Irlande (na fiannaidhe) en
sont effrayés. Le plus fort d'entre eux, Goll, imagine un strata-
gème ; il fait partir tous les hommes, laisse sa femme seule à la
maison en faisant ouvrir la « porte du vent » ', et se couche lui-
même dans le berceau d'un bébé de la maison. Le guerrier entre,
s'étonne de trouver ouverte la porte du vent. C'est, dit la femme,
que les hommes sont tous partis à la chasse et qu'il n'est resté
personne pour retourner la maison. L'étranger essaie en vain ce
tour de force et conçoit une haute idée des gens du pays, capables
de l'exécuter. Il s'avance alors vers le berceau ; le pseudo-bébé
lève la tête et le frappe violemment au pouce. Dégoûté d'un pays
où les hommes sont si vigoureux et les bébés si énergiques,
V étranger s'enfuit comme il était venu.
VII
Le développement des sciences s'accomplit par une progression
si mécanique, qu'il n'est pas rare devoir paraître en même temps,
venant de pays différents et d'auteurs qui n'ont pas entre eux de
1. Comme M. Sommerfelt l'indique en note, les maisons de paysan
en Donegal ont généralement deux portes, orientées chacune dans un
sens opposé ; on tient l'une ou l'autre fermée suivant la direction du vent ;
celle qui est fermée, parce qu'orientée vers la direction d'où vient le vent,
s'appelle la « porte du vent » (doras na gaoithe).
Chronique. 2$ 3
Contact personnel, des ouvrages de même nature, révélant les
mêmes préoccupations et répondant aux mêmes besoins. Il y a
un courant général qui entraîne les individus. La direction du tra-
vail de chacun est déterminée par les conditions du travail de tous.
Aussi l'histoire de chaque science se laisse-t-elle aisément diviser
en périodes, dont le rythme est à peu près régulier. Il est de fait
qu'à certains moments on éprouve le besoin de vérifier la valeur
des principes et la solidité des méthodes, de déplacer les points
de vue pour élargir les horizons. Après quoi, la troupe des tra-
vailleurs s'éparpille dans le champ des recherches. Mais ensuite,
au bout d'une période d'activité pendant laquelle sur tous les
points du domaine des équipes isolées ont fouillé le sol et mis au
jour diverses découvertes, il est naturel que l'on désire jeter sur
le travail accompli un vaste regard d'ensemble et mesurer le pro-
grès réalisé par l'effort commun.
Les linguistes en sont aujourd'hui à cette période où l'on cherche
à faire le compte des résultats obtenus. C'est-à-dire qu'ils
reviennent à la discussion des théories générales sur le langage,
qui avait été un peu négligée pour des besognes d'objet plus res-
treint depuis l'époque des Schleicher et des von der Gabelentz, des
Hovelacque, des Sayee et des Whitney. Au cours des derniers
mois il n'a pas paru moins de six ouvrages de linguistique géné-
rale. Trois sont en français, deux en anglais, le dernier en italien.
En voici la liste :
A. Meillet, Linguistique historique et linguistique générale, Paris, Cham-
pion, 1921, vin-355 p. in-8° 40 fr.
J. Marouzeau, La linguistique ou science du langage, Paris, Geuthner,
1921, 189 p. in-12 .
J. Vendryes, Le langage (Introduction linguistique à l'histoire), Paris,
la Renaissance du livre, 1921, xxvm-439 p.in-8° 15 fr.
Otto Jespersen, Language, its Nature, Development and Origiu, London,
Allen and Unwin, 1921 , in-8° 18 sh.
Edw. Sapir, Language, au Introduction to thé Study of speech, New-York,
1922, viij-258 p., petit in-8°.
A. Trombet'h, Elementi di Glottologia, Bologna, N. Zanichelli, 1922,
315 p. gr. in-8° (ire partie seulement).
L'ouvrage de M. Meillet n'est guère que la reproduction d'ar-
ticles déjà publiés dans divers périodiques ; mais la publication
en est des plus heureuses, car il marque avec éclat la part prise
par l'auteur dans le développement des études linguistiques et il
254 Chrunique.
illustre les points essentiels de sa doctrine, à laquelle se rattachent,
comme on sait, les deux autres ouvrages écrits en français. Nous
ne dirons rien des ouvrages de MM. Jespersen, Sapir ou Trom-
betti. Ce n'est pas le lieu d'en discuter le contenu ou de les com-
parer aux ouvrages précédents. Aussi bien ni les uns ni les autres
ne visent-ils spécialement les études celtiques. Il importait cepen-
dant de les signaler à nos lecteurs. Car chaque discipline a besoin
de s'alimenter d'idées générales ; pour diriger les recherches phi-
lologiques, une conception exacte des lois du langage est néces-
saire. Si limité que soit l'objet de son étude, le philologue peut
faire œuvre de science s'il y applique une saine méthode, inspirée
de principes généraux : mais il ne fait oeuvre de science qu'à cette
condition.
VIII
M. Y. M. Goblet a organisé en 1907 à l'Ecole Interalliée des
Hautes-Etudes Sociales (16, rue de la Sorbonne, Paris, ve) une sec-
tion d'études celtiques modernes, qu'il avait placée sous le haut
patronage de M. Joseph Loth, de Sir John Rhys et de M. Douglas
Hyde. Le programme pour 1921-1922 comprend une série de six
conférences qui ont lieu le mardi à 4 h. 1/2 et deux cours ; l'un
d'irlandais moderne par Lord Ashbourne (le vendredi à 8 h. 1, 2);
JL'autre de breton par M. Louis Weisse (le mardi à 8 h. 1/2). Pour
tout renseignement s'adresser au secrétariat de l'Ecole. Le droit
d'inscription à l'École est de 30 francs ; le droit spécial à chaque
section est de 20 fr. ; ces droits sont réduits de moitié pour les
professeurs, étudiants, journalistes, officiers et soldats.
IX
Les derniers mois ont vu paraître un certain nombre de pério-
diques nouveaux, qui intéressent plus ou moins les études cel-
tiques.
Il faut signaler avant tout thc Bulletin of thc Boarà of Celtic 57//-
dies of thc Universiiy of IFales, qui a commencé à paraître en
octobre 1921 (Oxford, University Press), au prix de 7 s. 6 d. par
fascicule. Il réalise un désir souvent exprimé de divers côtés, celui
de voir les universitaires gallois consacrer une œuvre d'ensemble
à l'étude scientifique de la langue, de la littérature, de l'histoire
et de l'archéologie de leur pays. Les deux premiers fascicules réu-
Chronique. 255
nissent les noms de MM. Ifor Williams, Gwynn Jones, J. Lloyd
Jones, Henry Lewis, T. Shankland, Mortimer Wheeler, Fynes-
Clinton, Parry-Williams, Robin Fiower, J. Fisher et sont d'un
contenu riche et varié ; il en sera rendu compte ultérieurement.
Philologica, Journal of Comparative Philology, est publié par la
Philological Society de Londres. Il n'est pas spécialement consa-
cré au celtique, mais le nom d'un des « editors », notre savant
collaborateur M. J. Baudis, donne l'assurance que le celtique y
sera souvent représenté.
On peut également espérer qu'il y aura parfois à prendre pour
les celtistes dans la Revue belge de philologie et d'histoire, recueil tri-
mestriel publié depuis 1922 à Bruxelles (maison d'édition Robert
Sand) ; le comité directeur compte parmi ses membres M. Victor
Tourneur, qui n'est pas un inconnu pour nos lecteurs. Parmi les
collaborateurs figurent MM. J. Feller et A. Vincent, qui s'occupent
de toponymie. Nous reparlerons de ce périodique,
Enfin, il convient de mentionner le Philological Quarterly, a
Journal devoted to scholarly investigation in the Classical and Modem
Languages and Literatures, publié par l'Université d'Iowa (lowa
City). Parmi les matières qu'il traitera, la littérature du moyen âge
occupe une bonne place ; et on sait qu'il est impossible de traiter
maint sujet de littérature médiévale sans tenir compte des pays
celtiques. Là aussi nous espérons donc trouver matière à compte-
rendu.
X
Ouvrages nouveaux dont il sera rendu compte ultérieurement :
The late T. K. Abbott, and E. J. Gwynn, Catalogue of the lrish
Manuscripts in the Lïbrary of Trinity Collège, Dublin, Hodges Figgis and
Co. 1921, xx-445 p. in-8°.
Thomas F. O'Rahilly, Dânfhocail, lrish Epigrams in verse. Dublin,
The Talbot Press. 1921. 115 p. in-12.
Mary Hayden et George A. Moonan, A short History of the lrish
people. Dublin, The Talbot Press. 1921, vm-580 p. in-8° 20 sh.
George Fletcher, The Provinces of Ireland, vol. I, Ulster xi-186 p. et
vol. II, Munster xi-176 p. Cambridge, University Press. 1921. 6 s. 6 d.
chaque volume.
A. Pauphilet, Études sur la Queste del Saint-Graal attribuée à Gautier
Map. Paris,- Champion, 1921, xxxv-207 p. 20 fr.
25 e Chronique.
W. J. Gruffydd, Llenyddiaeth Cyinru of 1450 hyd 1600. Liverpool,
Hugh Evans and Sons, 1922. 135 p. in-8° 3 s. 6 d.
F. Duine, La Mennais, sa vie* ses idées, ses ouvrages. Paris, Gamier,
1922, 389 p..
J. Vendryes.
Le Propriétaire-Gérant : Edouard CHAMPION.
MAÇON, TROTAT FRÈRES, IMPRIMEURS
THE CELTIC PENITENTIALS
CHAPTER I
Survey of the Literary Sources.
The extant penitential writings which emanate from the
Celtic churches of Britain and Ireland may be indicated by the
following titles. (The order followed in this list is, as will be
shown bel.ow, at least approximately chronological).
i. — The Earliest Irish Penitentials.
i ) The Canons of Saint-Patrick.
2) The Canones Hiberncnscs.
2. — Penitentials of Gildas and Finnian.
3) The Prefatio Gildac de Penitentia.
4) The Poenitentiale Vinniai.
3. — Penitentials Connected with Saint-David.
5) Excerpta qnaedam de libro Davidis.
6) Canons of the Sinodus Aquilonalis Britanniae.
7) Canons of the Sinodus Luci Victoriae.
4. — The Poenitentiale Columbani.
8) The Poenitentiale Columbani (de poenitentiarum uieu-
sura taxanda).
5. — Seventh Century Welsh and Irish Collections.
9) The Canones Wallici.
10) The Collectio Canonum Hibernensis.
1 1) The Canones Adamnani.
Revue Celtique, XXXIX. 17
258 John Thomas McNeiL.
The Celtic origin of the above-named books and fragments
will appear in the ensuing discussion. Notice may convenient-
ly be taken hère of a few additional works of the class, which
though not produced in any portion of the Celtic church,
yet give évidence of use by their authors of Celtic materials.
6. — RbLATED ANGLO-SAXON PeNITENTIALS.
12) The Poenitentiale Theodori.
13) The Poenitentiale Beàae.
14) The Poenitentiale Egberti.
7. — RELATED FRANKISH PENITENTIALS.
15) The Poenitentiale Cummeani.
16) The " Poenitentiale Bigotiannni ".
17) The Poenitentiale Valicellanum I.
The secondary list, comprising nos. 12 to 17, is selected
from a considerably larger group of penitentials, the basis
of sélection being that of approximation to the Celtic type.
Most of them are accessible to the reader in Wasserschleben1,
and Schmitz2. Nos. 12, 13 and 14 are of Anglo-Saxon, while
nos. 15, 16 and 17 are of Frankish origin. Thèse lists include
ail the works to be examined in this chapter. A few other
penitentials which exhibit Celtic influence will be referred to
in the development of the treatise.
We now proceed to examine thèse books in the order
named, with a view to détermine, wherever possible, ajithor-
ship and date, and to describe the outstanding features of
each work.
1 . Die Bussordnungen der abendlândischen Kirche.
2. Bussbûcher und Bussdisciplin der Kirche.
The Celtic Pemtentiaîs. 259
1. — The Earliest Ifish Penitentials.
1) The Canons of Saint-Patrick. ,
The Latin title is Incipit sinodus episcoporum, id est Patricii,
Auxilii, Isernini. This collection, consisting of 34 canons, is
given by Haddan and Stubbs '. The editors argue from inter-
nai évidence that thèse canons are not to be ascribed to
Patrick and his associâtes, but are a product ofthe eighth cen-
tury. The évidence for this is, however, far from conclusive.
The expression mos antiquns in can. 25 is taken as a proof of
long-existing Irish church tradition, whereas the context
leaves it quite possible that the référence is to a non-Irish
antiquity. Again the date is set by Haddan and Stubbs at a
time when the British and Irish churches had become estrang-
ed, for the reason that can. 33 refuses the privilège of minis-
try to British clericsin Ireland without letters of recommend-
ation2. But is not the implication rather that properly accre-
dited British clerics would be received without objection ?
The contrary hypothesis makes meaningless the qualification
sine epistola. On theother hand Bury has shown, from a care-
ful analysis of the références to the contents ofthis document
in the Collectio canomim Hibernensis (c. A. D. 700), and from
other tests, that the canons were very early accepted as the
work of Patrick, and fînds nothing to warrant their rejection 5.
Even the traces of a territorial episcopate shown in can. 30,
Bury + believes to be no anachronism for the time of. Patrick.
He regards the canons as having been promulgated in a "con-
clave " of Patrick and his two distinguished lieutenants, pro-
bably in Leinster, where Auxilius and Iserninus were then or
afterwards bishops. The three leaders would be likely to pro-
vide for the issue of instructions to the clergy in accordance
1. Councils and Ecumenical Documents, etc., Vol. II, p. 329 f.
2. Clericus qui de Britanis ad nos veuit sine epistola, etsi habitet in plèbe,
non licitum ministrare.
3. Life of St. Patrick, p. 168 and p. 236 f.
4. Ibid.,p. 243.
260 John Thomas McNeill;
with the décisions arrived at, and the canons may well be
simply the contents of a circulai' issued for this purpose.
The hypothesis that the document is a circular of instruc-
tions addressed to theclergy is well borne out by its contents.
Seventeen of the thirty-four canons deal with the discipline
of the elergy, and most of thèse are regulative rather thaï)
penitential. A number ' prescribe simple excommunication,
with no statement of a period of time. In the case of the
major sins of manslaughter, fornication, and ressorting to the
soothsayers, a period of penance is set. For each of thèse
offences, which are grouped together as equal in heinousness,
the term of penance is only one year. At the close of the year
during which apparently the culprit is regarded as excommu-
nicate, he is to bring witnesses and be reconciledby thepriest 2.
Only half a year is required for theft ; ; if possible what lias
been stolen is to be restored.
The historié relations of this document will appear when
we corne to distinguish between the ecclesiastical and the cul-
tural éléments which entered into the penitential System. It
is sufficient to note hère the absence of some of the characte-
ristics ot the penitentials subsequently produced. There is as
yet no récognition of the principle" of composition, nor is
reconciliation private, as later. Indeed the type of penance, so
far as can be determined, corresponds more nearly to that
employed in the early church than to that wThich was soon
to develop in Ireland 4.
2) The Canones Hibemenses.
This is the naine given to a group of six short sets of
canons, ail of which are contai ned in a Paris MS. together
1. Cans. 1, 6, 19, 21, 22, 26, 27, 32.
2. Can. 14.
3. Can. 13.
4. The thirty-one canons of a second synod attributed to St. Patrick are,
on the évidence for their sources adduced by Bury (op. cit. p. 238 f.),
compile J from the acts of synods held in Ireland in the seventh century in
connection with the Roman reforms then introduced. Can. 3 of the séries
refers to the power of binding and loosing as vested in the abbot, and
rccommends mildness where there is évidence of repentauce.
The Ccltic Penitentiaîs. 261
with other penitential materials yet to be noted, and in a
MS. of Saint-Germain1. Of the six sections only the first
four are penitential. No. I. bears the double title de disputa-
tione Hibernensis sinoâi S. Gregorii Nasaseni sermo de innume-
rabilis peccatis incipit ; but eontains nothing more than twenty-
nine canons of a penitential character. Hère the periods ot
penance assigned are on a much severer scale than in the
canons of Saint-Patrick. For parricide the term is fourteen
years 2. For ordinary homicide it is seven or ten years and
the authority of an otherwise unknown " Monochema " is
cited 5. The canon reads like an interpolation after the pre-
ceding one, where it is simply stated : Haec est poenitentiae
botuicidi, vit anni in pane et aqua agitur. The saint referred to
may hâve given his dicmm at a later date than that ot the
main part of the document. For adultery seven years is again
the term prescribed, and seven and a half years is the heavy
penalty for drinking blood or urine. For eating horse flesh
it is four years '. Lighter offences, chiefly in eating and drink-
ing, are given their proportional penalty of from five days to
a year. The formula " in pane et aqua " is used to describe
1. Cod. Par. 3182, formerly Bigot. 89 ; Cod. Sangerm. 121. Published
by Wasserschleben, op. cit., p. 136 f.
2. Can. I.
3. Poenitentia homicidi vii anni in pane et aqua vel x, ut àicit Monochema .
Can. 3. (No Celtic saint of the name Monochema appears. — Is the réfé-
rence to Mochumma, Bishop of St. Machay " probably in the fifth, sixth
orseventh century ", mentioned by O'Hanlon, Lives of the Irish Saints,
Vol. I, p. 580?)
4. Rendering aequii, as equi in can, 13 : Poenitentia esus carnis aequii
iiii anni i. p. e. a. For other évidence of the confusion of thèse two words
see Seybolt, R. T., Manuale Scholarium, Camb. 1921, p. 32, n. 7. The
language might possibly be taken to refer, though by an awkward interpré-
tation, to the eating of human flesh ; but for cannibabsm the penalty
seems too light. Among the ancient Saxons those suspected of witchcraft
were sometimes eaten ; as appears from the punishment of the practice
by Charlemagne with death. Cf. Capitularia De Partibus Saxoniae, VI.
— Si quis a diabolo deceptus crediderit, secundum morem pagano-
rum, virum aliquem aut feminam strigam esse homines commedere, &
propter hoc ipsam incenderit, vel carnem ejus ad commedendum dederit,
vel ipsam ederit, capitis sententia punietur. — Baluzius, Carol. Magn.
Capitul., Vol. 6, Col. 251 ; mon. Germ. Hi->t., Leges, T. II, p. 68.
262 John Thomas McNeilî.
the penance in ail but five of the twenty-nine canons ; in
most of them it is reduced to the initiais i. p. e. a. Mention is
made of the imposition of the bishop's hands at the close of a
season of penance \ In this practice vve recognize again the
memory of the ecclesiastical penance of the fourth centurv.
But in another respect we are startled todiscover a new devel-
opment in the direction of accommodation to national cus-
tom. We meet hère the use of the word ancilla as a unit
of payment. Çan. 10 reads : Practium animae de perditio-
nem filii et mulieris xii ancellae. Can. n gives as a penalty for
thesame offence xiianni in pane et aqua. Thus xii ancillae are
recognized as équivalent to xii anni, or one ancilla to one year
of bread and water penance. This early instance of composi-
tion is of spécial interest because is not only illustrâtes the
commutation of penance to payment, but gives us the
basis of most later schedules of composition, viz., one ancilla
(Irish cumhal, female slave) in lieu of one year 2. No. II. of
the collection is entitled De arreis incipit. Arreum is Latin for
O. Ir. arra, substitute, compensation, or légal équivalent5.
This section contains twelve canons, which constitute a list of
équivalents among the familial" penalties, with the aim of
shortening, by intensifying, the exercises of penance. Cans.
3 to n consist each of so many équivalents for one year's
penance. In can. 3 this period is commuted to three days
spent in the sepulchre of a saint, without food, drink, or
sleep, singing psalms and praying the horae. Can. 4 assigns
even moresevere ascetic tests, to be performed, however, not
n a sepulchre but in a church, during the same three-day
period4. Genuflections are 10 accompanj7 the singing and
1. Impositione manus episcopi, — can. 12.
2. Can. 9, which mav be an interprettive gloss, states the value of an
ancilla thus : — xii altilia vel xiii sicli praetium tumscujusque ancillae. Du
Cange (Glossarium, t. vii, p. 470) savs one si dus = two silver denarii.
According to tins the price of one ancilla would be équivalent to twentv-
six silver denarii. But Seebohm would read xii sicli. See his discussion of
the value of the cumhal, A. S. Lavv, p. 101 f.
3. K. Mever translates the word " équivalent, substitute, commuta-
tion". — Rev. Celt., Vol. XV, 1894, p. 486 note.
4. " sine cibu et potu et somtio et vestitn sine sede "
The Celtic Penitentials. 263
prayer. Can. 5 gives as the équivalent for a year's ordinary
penance xii dies et noctes super xii bucellos (Cod. Par. 3182 has
bucellas) de tribus panibus, qui efficiuntur de tertia parte coaid siir
troscho '. And can. 7 extends the commuted time to one
month in dolore magno, ut dubibus sit de vita. In other canons
it is forty, fifty, or a hundred days.
The section is of the greatest importance as illustrating the
principle of équivalents, by which any terni of penance could
be reduced by heightening the austerities undertaken. This
form of composition is quite as prominent in the later history
of penance as composition in money. The canons before us
illustrate the attempt to follow this principle with no relaxa-
tion of actual pains inflicted, such as was of course involved
in a money settlement.
The principle of composition is well illustrated by No. III.
of the séries, Sinodus Hibernensis decrevit. Indeed the section as
a whole bears the aspect of astate code for ciïminal oflences,
and gives us a typical example of how composition operated
in national customary law. Yet the canons hâve référence to
ecclesiastical persons, and indieate the great respect in which
the latter were held. As in the Brehon Law and in the Anglo-
Saxon codes, the punishments are graded according to the rank
of the party injured, not of the offender. The insertion, at the
end ot the set, of a dictum of Patrick which is also contained
in the Collectio canouum Hibernensis 2 indicates that the canons
were in ail probability used by churchmen, and helps to visua-
lize the adoption by the church of nation.il légal customs.
The dictum of Patrick is distinctly penitential, and makes an
interesting modification on native law. Can. 1 ascribes to the
" sapientes " the judgment that he who sheds the blood of a
bishop or " excelsus princeps " or " senba " 3 shall be
cfucified or render '• vii ancillas ". Can. 4, in the case in
which the bishop is assaulted but his blood does not run down
to the ground, provide > for the amputation of the assailant's
1. I can obtain no explanation of the OU Irish words.
2. Coll. can. Hib., lib. xlviii, c. 5.
3. On the fonctions of this officiai see Reeves, Adamnan, p. 365.
264 John Thomas McNeill.
hand, or half of the before-mentioned payment. For a priesl
the amount is half that fora bishop. The dictum of Patrick
amends thèse régulations so as to abolish the penalties of
death aud mutilation and substitute a period of penance. The
alternative is now stated : -vit ancillarum pretium reddat aut
vit annis peniteat eu m episcopo vel scriba. We observe that hère,
as in can. 1., one ar.cilla is équivalent to one year's penance.
It would be vain to attempt précision in regard to the date
of thèse canons, but the process which they picture of adapta-
tion and amalgamation of Christian and pre-Christian methods
of dealing with crimes, may safely be connected with the fifth
century, when Christianity becamegeneral inlreland. Further,
the authenticity of the dictum of Patrick is measurably corro-
borated by its appearance in the Coll. can. Hib. where it is
introduced by the phrase Sinodus Hibei nensis ait. It cannot ot
course be claimed that this amendment was attached to the
canons immediately on their compilation. It may hâve been
attached at any time before c. 700, the approximate date of
the Collectio. (See § 10) of the présent chapter). If it is really
Patrick's amendment that fact would itself be sufficient évi-
dence of the amalgamation spoken of as taking place before
the death of Patrick, c. 461 • .
No. IV, De Jectione, containsonly six canons, and deals with
the orfences of inhospitality and refusai to succour the hel-
pless. For refusing succour to a Bishop, and so causing his
death, the payment is L ancillas. As we should expect, this
is commutable into the same number of years 2.
1 . This is the date arrived at by Bury for Patrick's death. — Life ot
St. Patrick, p. 208. The principle expressed hère is one which is verv
early recognized, as shown by canon I of the section, and it may hâve
been approved by Patrick, or otherwise officially, during his life.
2. No. V, De canibus sinodus sapientium, has no ecclesiasiical termi-
nology. It contains only four canons, dealing with restitution to be made
for the depradations of dogs, and for the killing of watchdogs. Cf. The
Book of Aicill in Ane. Laws of Irel., Vol. III, p. 410 f. — Another sec-
tion, Item sinodus sapientia sic de decimis disputant, deals with tithes.
The Celtic Penitentials. 265
2. — The Penitentials of Gildas and Finnian.
3) The Prefatio Gildae de Penitentia.
This set of régulations, in twenty-seven canons, appears,
with nos. 5 and 6 following, in only one MS, the Parisian
Codex 3182, which is one of the sources for the Canones
Hihernenses l. There seems no reason to reject Gildas' author-
ship of the Prefatio, especially in view of that authors's known
connection with penitential literature 2. It is quoted in a
number of subsequently written penitentials. Its contents,
however, render it of comparatively slight value for the évo-
lution of the penitential literature. Schmitz points out 3 that
it resembles a monastic rule, and that most of its provisions
could be fulfilled only in a cloister. The penalties include the
nocturnal singing of psalms 4, and deprivation of the evening
meal K The Prefatio Gildae contains no provisions for the
laity. It has référence however to clerics not under monastic
rules f. Schmitz observes the lightness of the penalties im-
posée!, in comparison with later Roman usage. One illustra-
tion of this will suffice. Can. n mentkms, as subject to a
penance of three forty-day periods, an otfence for which from
fifteen years to a life sentence is the punishment prescribed in
the Poenitentiaie Haltigerii, can. 54. An examination of the
involved question of the dates of Gildas will be necessary
when we attempt to détermine the authorship of the Poeni-
tentiaie Vinniai.
1. Maassen has indicated (Gesch. der Quellen und der Literatur des
Kanonischen Rechts, p. 786) that this codex, the known history of which
goes back to a Norman cloister, is oflrish origin.
2. See below, p. 33 t.
3. Bussbùcher, I, p. 495.
4. Can. 22, " iii noctis horis stanto vigilet xxviii aut .v.v.v psalmos
canat.
5. Can. 10, coena privatur.
6. Can. 3, Si vero sine nionachi voto presbyte r aut diaconus peccauerit, sicut
monachus sine gradu sic peniteat.
26e John Thomas McNeill.
4) The Poenitenliah Vinniai.
Wassesrchleben bas publisbed tbis weighty document from
an eigbtb century MS (Sangerm. 121), two MSS of the ninth
century, and one oftbe eleventb or twelfth '. Let us address
ourselves to tbe question of its autborship.
The name " Vinniaus " appears as " Vennianus " in a letter
addressed by Columbanus to Gregory the Great 2. Thèse
forms are apparently variations of the more common " Fin-
nianus " 5, which also take the forms " Finian '*, " Finan ",
" Fintan ", " Findian ". Two outstanding Irish saints of
the sixth century bore this name, St. Finnian of Clonard
and St. Finnian of Moville. It is to the former of thèse
that Wassenschleben would asenbe the penitential, while
he admits that no direct évidence exists for the identification 4-
Schmitz opposes this view, and uses a twelfth century Vita
S. Fridiani given by Colgan, to prove that Finnian of Moville
brought penitential canons from Rome 5.The argument of
Schmitz is by no neans convincing, however, and is a striking
example of that writer's détermination to assert a Roman ori-
gin for the penitential literature.There is no basis for the iden-
tification of Colgan's St. Fridian of Lucca with this or any Fin-
nian, an identification which, suggested by Colgan, is assumed
without proof by Schmitz, who simply ealls the " Fridianus "
of Colgan's text "Finnian ",throughout the paragraph which
he professes to quote. Nor are the " canons " which St. Fri-
dian brought from Rome stated in the Vita to hâve been
penitential canons. It has been argued, on the contrary, that
1. Wasserschl., op. cit., p. 118 f.
2. Vennianus auclor Gïldam de bis interragavit et ellefrantissime illi rescrip-
sit. — Epistolae Columbani, éd. Gundlach, Wilh., in Mon. Ger. Hist.,
Ep. Mcrov. et Karol. Aevi, Tom. I, p. 159..
3. Bolland, Acta Sancl., Tom. VII (Mart. I.), p. 391, et al.
4. " Wiewohl wir niclit die geringste Notiz von einem Poenitential
dièses Vinniaus haben ". — Wasserschl., op. cit., p. 10.
5. Schmitz, Bussbùcher, I, p. 448-449. — Colgan, Acta SS. Hib.,
p. 642 f.
The Celfic Penilentials. 2dj
they may hâve been copies of the Gospels, to which the name
" canon " was sometimes applied '.
Neither Wasserschleben nor Schmitz, then, bas succeeded
in establîshing any real probability for either Finnian. The
case for Finnian of Moville, however, lias been given the sup-
port of another investigator 2. Seebass at first tried to solve the
question in agreement with Wasserschleben, by resorting to
an elder Gildas who d. 512, as the author referred to by
Columbanus. He found support for this distinction in Ussher,
who in his Britannicarnm Ecclesiarum Antiquitates broke up
the Vitae S. Gildae so as to produce a " Gildas Albanius
priorto " Gildas Badonicus " author of thel> Excidio Britan-
niae 5. Seebass, however, subsequently altered this opinion,
and identified " Vinniaus " of the penitential with Finnian
of Moville, and the Gildas of Columban's letter with " Gildas
Badonicus " 4. The so-called " Gildas Albanius " may be
excluded from our discussion, not only because Seebass dis-
carded the idea of his connection with the Finnian of the
penitential, but because lie is probably to be excluded from
history 5. The " Vennianus " of Columban's letter, may
fairly beassumed to be the author of the penitential, since on
the one hand, Columban hère calls him an " author ", and,
on the other hand, the Poenit. Col., in its authentic portions,
shows (as we shall see in a later paragraph) a copious use of
the Poenit. Vinn.
According to Columban this Vennianus asked for and obtain-
ed from Gildas a ruling on the question of monks Who
through exaggerated zeal disobey their abbots and leave the
1. Todd, St. Patrick, Apostle of Ireland, p. 123; Stokes, Tripartite
Life, Vol. II, p. 567 ; Ane. Laws of Ireland. Vol. I, pp. 16, 18.
2. ùber Columba von Luxeuils Klosterregel u. Bussbuch, p. 59.
3. Whole Works of the Most Revd. James Ussher, Lord Archbishop of
Armagh, Vol. V, p. 506, Vol. VI, p. 520. (The Antiquitates, which occu-
pies Vols. V and VI of the édition, was originallv published in 1639.) Cf.
Boll., Acta SS., Tom. III (Jan 3), p. 567 f.
4. Seebass, Das Poenitentiale Columbani, in Zeitschr. f. Kg., Bd. XIV,
(1894) p. 436-437.
5. Bradshaw, Collected Papers, p. 417 f. — Lloyd, History of Wales,
Vol. I, p. 134.
268 John Thomas McNeill.
monasteries for a hermit life '. Seebass finds in Haddan and
Stubbs 2 an " epistle " of Gildas, which he believes to be
Gildas' reply to the request ofFinnian. The editors of this
work argue 5 that the collection which includes this letter,
having been preserved in Ireland only, must hâve been writ-
ten in Ireland, and therefore assign a date during Gildas' con-
jectured visit there between 565 and ^70. Such a date would
exclude Finnian of Clonard as the correspondent of Gildas,
for this Finnian must hâve died about 550. Seebass, following
Reeves *, ascribes his death to 549. The Annals of the Four
Masters > give 548. It is purely by this process of inference,
and not on the ground of any historical connection ofFinnian
of Moville with Gildas or with the penitential literature, that
the conclusion is drawn of the latter's authorship 6. But there
are weak links in the chain of inference followed by Seebass.
In fact ail the links are weak. In the first place, the argument
of Haddan and Stubbs that because extant copies of the sup-
posed fragment of Gildas appear in Ireland alone it must hâve
been written in Ireland, falls to the ground when we remen-
ber the circumstances. Granting Seebass' assumption that this
is the answer of Gildas to the inquiry of Finnian, we hâve
surely as much reason to think that it was written in Britain
as in Ireland. It is not the writer but the récipient of a letter
for which request had been made, whom we should expect
to treasure the instructions it contained and secure its préser-
vation.
While we are without évidence of any acquaintance between
Gildas and Finnian of Moville, we are assured of the close
1. Ep. Columb., loc. cit.
2. Councils, etc., Vol. I, p. 110. De monachis qui veniunt de loco
viliore ad perfectiorem, etc.
3. Op. cit., p. 103.
4. Adamnan, Appendix to Préface, p. lxxxiii.
5. Apparently used by Schmitz, although he cites instead the Annals ot
Ulster, — Bussb., I, p. 498.
6. Schmitz, in the passage just cited, seeks to enforce the argument for
Finnian of Moville on the ground that he was a bishop while his name-
sake was not. But other penitential authors, such as Columban, were not
bishops.
The Celtic Peniiculials. 269
association of the Welsh saint with Finnian of Clonard.
According to the Lismore Life of Finnian of Clonard the lat-
ter was associate and pupil of David, Gildas and " Cathmael",
(Cadoc ?) during a thirty-year résidence in Britain prior to
the founding ol Clonard (c. 520 or 530) l. Even by a libéral
déduction from the period hère assigned 2 for his British stu-
dies we may safely trust the uniform tradition of his connec-
tion with Gildas. The instruction contained in the so-called
epistle of Gildas cited by Seebass, may well hâve been the fruit
of this association, and Finnian of Clonard may hâve received
it from his friend and teacher after his return to Ireland and
during his active monastic work there. This swings back the
possible date from Haddan and Stubbs' 562 to c. 520-550.
The death of Finnian of Clonard can hardly hâve been much
betore 550. If we are to accept the notice in the Chronicon
Scottorum, and in the Lismore Life of Finnian, Finnian died of
the plague at the close of the Visitation of 547-550 \ But it
is worth mentioning that the Aimais of Innisfallen, to which
O'Curry gives a high authority 4 place the death of Gildas
at 562 and that of Finnian of Clonard at 552.
Again, Seebass assumes dates for both the birth and death
of Gildas which are in ail probability later than those which
a critical account must assign. The date of Gildas' birth is by
his own statement involved with that of the Battle of Badon
Hill. This event, Gildas tells us », took place " in the forty-
fourth year ", which was the year of his birth, — quiet meae
nativitatis est. Now the date usually assigned for this battle.
1. Finnian spends " thirty years studying together with the British
elders who were along with him. " On one occasion, though an " un-
knownyouth, "he acts as arbiter in a dispute between David and Gildas. —
Stokes, Lives of Saints from the Book of Lismore, p. 223.
2. Colgan, Vita S. Finniani, in Acta SS. Hib.,p. 394 makes him thirty
years of âge on going to Britain and makes him remain there only eight
years .
3. " Findian died at Clonard for the sake of the people of the Gael, that
they might not ail die of the Yellow Plague ". — Stokes, Lives of Saints
from the Book of Lismore, p. 229.
4. Lectures on the Materials of Ane. Ir. Hist., p. 75 f.
5. De Excidio Britanniae, 26.
270 John Thomas McNeill.
viz 516, rests upon the frail évidence of the ninth century
Annales Cambriae, where it is said that Gildas was born in the
year 72, i, e, the seventy-second year from the beginning of
the Annales, conjecturally 444. (444 -\- 72 = 516.)
But the associâtes of Gildas, e. g. David and Cadoc, with
whom bis nameis often linked, as well as Finnian of Clonard,
require an earlier date than this for his birth \ And Bede,
who used a copy of Gildas, in a passage based on the DeExci-
dio 2 makes the date forty-four years from the seulement ol
the Saxons. As Bede's date for this event is 449, this testi-
mony yields the date 493 for the birth of Gildas. M. Arthur
de la Borderie has presentedastrong argument lor this date 3.
The phrase by which Bede détermines the date is " adventus
eorum in Brilanniam ". M. de la Borderie regards this phrase
as having been simply copied from the text of Gildas which
Bede possessed. It has been dropped, lie argues, from the
extant text, leaving the sensé incomplète, but with its restora-
tion the sensé is restored. The emendation is both brilliant
and reasonable. If it is permitted it settles the date of Gildas'
birth on the fairly relia ble ground of his own déclaration.
The date 516, or any later date, would not only make
impossible the relationship of senior and junior on the part of
Gildas and Finnian, bat would render highly improbable any
relation, between the two men. Independently of this considé-
ration, and also apparently of the argument of Borderie, the
later date for Gildas has been discarded by such récent writers
as Lloyd and Thurneysen 4. Williams accepts de la Borderie's
date, but regards the phrase " adventus etc. " as Bede's own
interprétation of the incomplète statement of Gildas s. Others
1. Cf. Vita Davidis, Boll. A. SS. Tom. VII (Mart. 1), p. 38.
2. Hist. eccles., I, 16.
3. Rev. Celt., Vol. VI, 1883, p. I f. — " La date de la naissance de
Gildas ".
4. Lloyd History of Wales, Vol. I, p. 136. Thurneysen, R., reviewing
Mommsen's édition ot" Gildas and Nennius, in the M. G. H. — Zeitschr.
f. Celt. Phil. Bd. I (1897), p. 147
5. Cymmrodorion Record Séries, No. 3, part I, p. 63. Cf. his Chris-
tianity in Early Britain, p. 367.
The Celtic Penitentiah. 271
hâve advanced a still earlier date. Baring-Gould and Fisher '
explain Gildas 26 so as to make the forty-four years measure
the period between the victory of Ambrosius Aurelianus,
mentioned in the previous section, and the Battle of Mount
Badon. The dates of two events are given as 476 and 520
respectively, and the birth of Gildas is connected with the
former date. This can hardly be regarded as the obvious mea-
ning of the passage, and it does not account for Bede's adven-
tus eorum in Britanniam. We know nothing directly of the
date of the birth of Finnian of Clonard. He niay easily hâve
been a few years junior to a man born in 493. While the date
476 for Gildas would make more certain the possibility of his
being Finnian's ad viser, that of493 isearly enough to satisfy the
relationship referred to, and to make possible the advicesent
by Gildas to Finnian, which is mentioned by Columbanus 2.
As to Finnian of Moville, there is no reason to connect
him either with Gildas or with Columbanus. Of noble or
royal Ulster parentage, he was born and labored in Ulster ;.
His more famous namesake of Clonard was like Columban a
Leinster man. Hisfamt would certainly be known to Colum-
ban. In 550 Columban was a boy about ten yeàrs of âge. His
first teacher was Sinnell, a pupil of Finnian of Clonard 4. He
subsequently became a pupil of Comgall ofBangor, one of Fin-
nian of Clonard's " Twelve Disciples ", and thus became heir
to the teachingof this Finnian. Comgall was Dalaradian Pict ;
1. Lives of the British Saints, Vol. III, p. 101 f.
2. Either 476 or 493 would agrée with the probable date of GUdas'
death, which is rather before than after 570. In the Annals of Tigernach,
éd. Whitley Stokes in Rev. Celt., Vol 17 (1896), p. 149, under date
apparently of 570, is the line
Ite Cluana Credil Gillasque (quierunt)
(Ite of Cluain Credil and Gildas died.)
The corresponding records inserted hère by Stokes from the Chronicon
Scottorum, the Annals of Innisfallen, and the Four Masters, are respectively
571, 562 and 569. The Bollandists give Gildas' dates as 493-583. — A.
SS., Tom. III (Jan. 3), p. 568.
3. Cf. John O'Hanlon, Lives of the Irish Saints, Vol. IX, p. 254.
4. Jonas, Vita Çolumbani 5, in Krusch, Mon. Ger. Hist., Sciïplores, Rev.
Mer. Tom. IV, p. 69.
272 John Thomas McNeill.
in early life he is said to hâve studied with David and Gildas '.
Thèse tacts render it highly probable that the author we
are seeking for the Poênitentiale Vinniai is no other than the
" Tutor of the Saints of Ireland ", Finnian of Clonard. His
authorship of the penitential explicitly removes ail trace of
direct and contemporary continental influence on that docu-
ment, such as would attach to it if it were the work of Finnian
of Moville. For the latter ' is credited with having visited
Rome and brought back with him certain writings 2. But the
former is definitely dissociated from Rome in the best source
we hâve for his life. The Lismore life of Findian (as his name
is there spelled), states that after spending thirty years in
Britain he had a désire to go to Rome, but God's angel came
to him and said : " What would be given to thee at Rome
will be given to thee hère. Go and renew faith and belief in
Ireland after Patrick "'. So he returned to Ireland according
to God's will \ Thus the penitential of Finnian is an Irish
product, written before the middle of the sixth century by an
Irishman under Welsh influence, and with no Roman asso-
ciations.
We now turn to an examination of the contents of this
important penitential. It is in fifty-three canons or paragraphs,
and divides itself naturally at the end of can. 34. The first
part deals with the offences of clerics, the second with those
of the laity. The opening paragraph makes a gênerai state-
ment about the guilt and penance connected with sins ot
the heart \
At the same time the principle of a mechanical prescription
of so much penance for so much sin prevails ; and the diffe-
rentiation of sins and penalties is more minute than in the
documents previously reviewed. In the case of clerics,
1. Williams, Cymmrodorion Record Séries, No. 3, part 2, p. 274.
2. Colgan, A. SS. Hib., p. 643, — Cf. Todd, St. Patrick, p. 101 f.
3. Stokes, Lives of Saints, etc., p. 224. — The version of the story in
the Cod. Salmanticensisis slightly différent. See De Smedt et de Backer,
A. SS. Hib., col. 194.
•' 4. Si quis in corde suo per cogitationem peccaverit et confestim penitueriti
perciititit pcc/ns siuint et petat a Dec veniatn et satisfociat, ut sanus sit.
The Cèliic Penitentials. 273
penalties are increased where there is scandai. One year
of penance is prescribed for fornication which is kept secret
(can. 10); the same crime when publicly known is punished
by a six-year terni (can. 21). Can. 25 prescribes one year
for theft by a cleric, " et rcddat quadruplum proximo suo ".
Penalties for clerics are generally considerably higher than
for laymen. Part of the penance consists, in certain instances,
of a payment to be made to a priest. A layman who is guilty
of fornication and the shedding of blood, when he turns
from his evil ways, is required to go unarmed and to be
deprived of his wife for three years, during the first year
of which his diet is to consist of bread and water. At
the end of the three year period he is to give money to the
priest before being restored to communion ', and pro-
vide a supper for the " servants " of God ". (can. 35.) Appa-
rently this is what is meant again in can. 36 by " det helimo-
sinam pro anima sua ". Considérable emphasis is laid upon
sexual sins. " Puclîae Det " are specially protected. The per-
manence of marriage, and continence within the married state,
are guarded under penalties.
The value of penance as absolving from guilt is forcibly
asserted in can. 47, where by way of comment on the pen-
nance assigned for the neglect of a child by its parents the
remark is made : " quia nulhwi-crimen, quod non potes! redimi
per penitentiam quamdiu suums in hoc corpore" .
Finnian closes his booklet with a paragraph addressed to
his " most dear brothers " in which he claims for the work
the sanction of scripture and of the opinions of the learned 2.
He is manifestly conscious of formulating rather than of ori-
ginating a tradition. His penitential probably does little more
than codify current usage. His " doctissimi " doubtless inclu-
ded some ofhis notable Welsh and Irish contemporaries. That
his principles constituted a total departure both from those of
1. pecuniam dabit pro redemptione anime sue et fructuin poenitenlie in
manu sacerdotis.
2. Haec, amantissimi fratres, secundum sententiam scripturarum vel opin-
ionem quorundam doctissimorum, pauca de penitentiae retnediis vestro atnore
conipulsus supra possibilitatem mcam potestatemque temptavi scribere*. Can. 53.
Revue Celtique, XXXIX. lS
274 J°1)U Thomas McNcill.
the ancient church and from those of èarlier and contempo-
rary non-Celtic monasticism, will appear in a later chapter '.
i. — Penitentials conkected with St. David.
5) Èxcerpta quaedam de libro Davidis.
6) Canons of the Sinodus Àquilonalis Britanniae.
7) Canons of the Sinodus Luci Victoriae.
The documents numbered 5, 6 and 7, of the penitential
séries given above, form a group of canons of Welsh synods
connected with the name of St. David, Patron of Wales.
Wasserschleben 2 lias adopted the date given by Ussher 5 and
by the Bollandists 4 for the death of David, viz., the year
544. Haddan and Stubbs, on the unreliable évidence oï the
Annales Canibriae s, place the event in the year 601 6.
J.E. Lloyd inclines toward a date of 588 or 589 7. But he
does not appear to hâve seen the argument of Nicholson 8
whô brings very strong palaeographical and chronological évi-
dence for a date o( 547.
Rhygyfareh, or Ricemarchus, who wrote (c. 1090) the
1. See Below, Ch. II.
2. Bussordn., p. 9.
3. Works, Vol. V, p. 274.
4. A.SS., Tom. 7 (Mart. I), pp. 40-41.
5. On the character of thèse armais see Nicholson's discussion in the
Zeitschrift f. Celt. Philol., Bd. 8 (1910), p. 121. (" The Annales Cambriae
and their so-called Exordium. ")
6. Councils, etc., Vol. I, p. 116.
7. Hist. of Wales, Vol. 1, p. 152 f.
8. Zeitschr. f. Celt. Philol., Bd. 6 (1908), p. 541 f. The article (" Remarks
on the date of the First Seulement ofthe Saxons in Britain "), is like that
just cited in Bd. 8 ofthe same publication, directed against the conclusions
of A. Anscombe whose long discussion ofthe date of the. Saxon Invasion
appeared in the Zeitschrift Bd.3. (Anscombe's radical revision of dates
would give us David's death iu yai, a palaeographical restoration for the
601 ofthe Ami. Catnb.).
The Celtic Penitentials. 275
earliestextant account of David ', makes David the dominating
figure at certain Welsh synods 2 and notes concerning the
canons of thèse synods that they were promulgated by David
as bishop, The language used 5 is of a pièce with the context,
in which extravagant assertion is made of the authority of
David in the British Church. It is impossible to assign spécifie
dates for the synods in question. Haddan and Stubbs give
569 as the date of the second of the two synods; but this is
based on the Annales Cambriac, and is excluded on the évi-
dence for an earlier date for the death of David. Ricemarchus
admits of a lapse of time, perhaps of years, between the
synods 4. The Bollandist account dates the Synod of Brevi
519, and that of the Grove of Victory 529, and thèse dates
are followed by Schmitz 5. Ricemarchus, writing at Menevia,
is not acquainted with the canons of thèse synods, and
believes them no longer extant. His view of the purpose of
the synods is that the were called for the suppression of
Pelagianism. But in France, apparently through Breton
channels, there hâve been preserved what purport to be the
canons in question, and they give a différent aspect to the
work of the synods. They indicate that the object in view
was not the suppression of heresy, but the reform of the
discipline of the Church.
With the canons of the Sinodus Aquilonalis Britanniae
(conjecturally that called by Ricemarchus " Brevi ") and those
of the Sinodus Luci Victoriae (called by Ricemarchus
"Sinodus Victorie ") are connected in the Paris MS 3182 a
group of similar canons which may safely be regarded as
belonging to the same reform movement, called Excerpta
quaedam de libro Davidis 6. The first-mentioned of the group
1. The document is published in Rees, Cambro-British Saints, p. 117 f. ,
with Eng. tr. p. 418 f.
2. Op. cit., p. 139.
3. Oitae ore firmavit solus ipse episcopus sua sancta manu Ktteris mandavit.
4. Succédante temporum série, op. cit., p. 139.
5. Bussbùcher, I, p. 490-491.
6. Marteneet Durand, Thésaurus Novus, Tom. IV, col. 9 ; Wasserschl.
Bussordn., p. 103 ; Haddan and Stubbs, Councils, etc., Vol. I, p. 118.
276 John Thomas McNeilî.
consists ot seven canons, the second of ni ne and the third ot
sixteen. In ail three there is little conflict and little répétition ;
nor on the other hand, is there any évidence of well-planned
arrangement. Certain passages suggest that the later of the
two synods made somewhat drastic changes in the direction
of greater severity, upon the provisions of the earlier synod.
Sin. Aq. Brit. can. 4, sets a graded scale of penance for thefr
of food, beginning with the period of a quadragesima for a
first offence. Sin. Luc. Vict. makes a gênerai rule for theft,
and extends to one year the penalty for one offence. A pecu-
liar feature of the Sin. Luc. Vict. is the final canon ' which
gives an automatic scale of réduction of penalties for the laity
in comparison with those assigned for the clergy.
The Excerpta begin with four canons on drunkenness. The
quest for the inner motive, which we saw to be characteristic
of the Poenit. Vinn. appears hère even in the case of drunk-
enness. Can. 2 assigns fifteen days for drunkenness " per
içnorantiam" , forty days where it takes place "per negligen-
tiam", and three quadragesimas if "per contemptum" 2.
The contact between penitential method and native law
appears in the Excerpta. Can. 6 requires compensation to the
parents of a dishonored virgin or widow, in addition to a
year's penance >. But, as in the dictum of Patrick attached
to the Canones Hibernenses, the church can commute this
payaient to a penance period. " Si non habuerit dotein iii annos
poeniteal", the canon cited adds. Thus the "dos" for séduc-
tion could be commuted into two years of penance.
The nocturnal singing of psalms, as a penitential exercise,
is prescribed in canons 8 and 9 of this set. It is to be observed
that the form of prescription apparently precludes the act of
confession between the offence and the penance +. The penance
1. Totum hoc quod diximus, si post votuni perfectionis fecerit homo, si autem
ante votum, annus diminuitur de omnibus (Jiis tribus, ad. Martene) ; de reli-
quis vero, ut débet, minuitur, dutn non vovit.
2. Cf. Cans. 8, 9, where the distinction ctm voluntate and situ voluntate
is made for pollution during sleep.
3. Dotem del parentibus ejus, et anno uno peniteat.
4. e. g., can. 8. Qui in son/puis euui voluntate pollutus est, surgat canatque
The Celtic Penitentidh. 2jy
in this case was evidently not imposed by a confessor,, but
assumed by the ofFender ; and the canon obviously applies to
monks and clerics who might be supposed to know its tenns.
An unusual penalty appears in can. n, where for a group
of grave offences the head is to be laid on the earth during
one year of penance, the second year on a stone and the third
on a board.
4. — The Poenitentiale Columbani.
The Poenitentiale Columbani or Liber S. Columbani abbatis
de poenilentiarum mensura taxanda ', lias been the subject of
considérable discussion. Wasserschleben regarded it as written
on the Continent and at most only partially the work of
Columban 2. Schmitz found no évidence to connect it with
Columban, but held it to be written in the eighth century by
some monk who was a follower of Columban's rule 3. Colum-
ban, Schmitz believed, cannot be credited with the authorship
of any penitential. Seebass, however, had no difficulty in
demolishing the argument of Schmitz in his particular, and
establishing an external probability that Columban wrote a
penitential. This he did 4 mainly by référence to the accepted
writings of Columban and to the Vit a Columbani of Jonas of
Bobbio >. Indeed one need hardly go beyond the Vita and the
letter of Columbanus to Gregory I. in order to reach this
viii psalmos ; et in die iïïo in pane et aqua vivat. Sin antein, .v.v.v psalinos
canat.
1. For the text see Wasserschl. Bussordn., p. 353 f. ; Schmitz, Buss-
bi'icher L, p. 588 f. ; Seebass, Zeitschr. f. Kg., Bd. 14 (1895), P- 441 f->
The work was first published in 1667 by Th. Sirinus from the till then
unpublished édition of Patrick Fleming niade in 1626 from one of the two
Bobbio MSS. in which the work is extant. Patricii Flemingi collectanea
sacra seu S. Columbani acta et opuscula, Lyons, 1667. A capy of this collec-
tion is given in Migne, Patr. Lat., Tom. 80, col. 209 f.
2. Bussordn., p. 54.
3. Bussbùcher Bd. I, p. 592 f.
4. Op. cit., p. 430 f.
5. Ed. Bruno Krusch, in M. G. H., Scriptores Renan Merovingicaruni.
Tom. 4, pp. 64-108,
278 John Thomas McNeill.
resuit. In the Vita Jonas twice refers to the poenitintiae medi-
camenta employée! by Columban. In one référence he informs
us of the previous neglect of penance in Gaul '. In the other
he notes that the people came from ail quarters to Columban
for penance 2. The évidence is convincing that Jonas regarded
Columban as the restorer of penitential discipline in the
Vosges région ; even more convincing perhaps than if Jonas
mentioned any particular penitential work from his hand, for
in that case we might hâve suspected that the références to
the exercise of penance by Columban were suggested by an
acquaintance with a book ascribed to Columban. Again the
acquaintance of Columban with the work of Gildas and of
Vinniaus 5 rests on passages in the letter to Gregory which
hâve to do with questions of discipline. Thèse passages there-
fore reinforce our assurance that Columban was interested in
promoting penance among his followers, and at the same
time indicate his respect for Celtic penitential writers of the
previous génération.
But if this is the case, it would then be surprising if he were
not also the author of a penitential. By the time of his acti-
vity, the last décade of the sixth century, the use of peniten-
tial books was already an established Celtic custom, as the
works ascribed to earlier author's show. We hâve every reason
to think that Columban followed the example of his honored
Celtic masters, and compiled some penitential work.
There are certain presuppositions with which we are justi-
fiée! in approaching any document claiming to be a penitential
written by him. First we should except to find in it, if it is
genuine, some évidence of a use of the models provided by
those Celtic masters who are referred to in his correspon-
dence. The failure of the document to exhibit this feature
might not be a conclusive argument against its genuineness,
but it would at once create a serious doubt. Again, we should
not be surprised to find traces of the influence of other Celtic
1. Vix vel paucis in Mis reperiebantur locis. Vita 11.
1. (Indique ad poenitentiae medicamenta plèbes concurrere. Vita 17.
3. See above, p. 33 f.
The Celtic Pmitentiah, 279
writers of penitentials, who had preceded Columban. And
furthermore, our assurance of the genuineness of the work
would be greatly increased by finding in the document some
évidence of the conditions of the time and place of Columban's
labors. Let us observe how the Poenitentiale Columbani meets
thèse presuppositions.
Let us note, in the first place, the gênerai structure of this
work. It consists of 42 canons, which fall into five natural
divisions. Thèse five sections are marked off by short expla-
natory headings, which occur as follows : —
1) Can. 1 consists of a statement of the purpose of a peni-
tential wrork : Poenitentia vera est poenitenda non admittere, sed
ad mis sa deflere. Sed quia banc mnltorum fragilitas, ut non dicam
omnium, rumpit, mensurae noscendae sunt poenitentiae, quarum
sic ordo a sanctis traditur patribus, ut juxta magnitudinem
culparum etiam longitudo statuatur poenitentiarum.
2) Between can. 8 and can. 9 occur the words : Haec de
causis casualibus ; ceterum de minutis morum inconditorum.
3) Between can. 12 and can. 13 is inserted an extended
paragraph introducing the next section : Diversiias culparum
diversitatem facit poenitentiarum ; nam et corporum medici diversis
medicamenta generibus componunt... So also the spiritual physi-
cian should with various kinds of treatment'heal the wounds,
diseases, pains, sicknesses and infirmities of soûls. The régu-
lations to follow are promulgated juxta seniorum traditiones et
juxta nostra ex parle inlelligentiam.
4) Between can. 24 and can. 25, the division is marked by
the words : Sed haec de clericis et monachis mixtim dicta sint ;
caeterum de laicis.
5) Between can. 37 and 38. The section following is
headed : Postremo de minutis monachorum agendum est sanclio-
nibus.
It becomes évident at once that the principal break in the
document occurs at the end of can. 12. The intervening para-
graph hère is of the nature of an independent introduction,
and this suggests that we are dealing not with one continuous
work, but with two books in juxtaposition. This will become
a more évident fact as we proceed ; but we may hère for the
280 John Thomas McNeill.
sake of convenience anticipate the data that are to follow and
adopt the device of the several editors ofthe penitential, who
speak of cans. 1-12 as Poenit. Col. A and the remaining
portion ofthe document as Poenit. Col. B. 1-30.'
The aîialysis now to be made is intended in the first place
to prove Columban's authorship of Poenit. Col. B ',and in the
second place to bring sorae hitherto unnoticed arguments for
ascribing Pomit. Col. A likewise to his authorship, while
probably written at différent date from B.
The following order of treatment will place before us the
évidence that is necessary :
1) Correspondences and divergences between Poenit. Col. B
and Poenit. Vinn.
2) Correspondences and divergences between Poenit. Col. B
and the Pref. Gild.
3) Correspondences between Poenit. Col. B and other Celtic
documents.
4) Remarks on the place of origin of Poenit. Col. B.
A similar treatment of Poenit. Col. A, and a comparison of
the contents of A and B will place before us the data for
favoring Columban's authorship of A.
1) Correspondences and divergences between Poenit. Col.
B and Poenit. Vinn.
Col. B 1 and Vinn. 2}. Col. B omits stages and détails of
ten year penance for homicide given in Vinn. Otherwise
provisions are identical.
Col. B 2 and Vinn. 12. As in Col. A 4, Col. B has hère
si guis for si guis deviens in Vinn. Col. B omits stages and
détails of penance.
Col. B 4 and Vinn. 11. Similar and in part identical provi-
sions re adultery of clerics.
Col. B S and Vinn. 22. Col. omits the remark of Vinn. on
1. With the exception of B 26-30. This portion may simplv be left out
of our argument. It is entirelv tnonastic, and may be an appended fragment
of a monastic rule. Seebass argues for its rétention as a part of B, by an
ingenious use of a parallel with Cassian's Collatio, XX. Zeitschr. f. Kg.,
Bd 18(1898), pp. 70-71. It contains no penitential régulations. For the
opinion of Seebass that the closing section of the Régula Coenobialis
The Çeïtic Penitentiah, 281
the diificulty of pardon for perjury, and the spécial conditions
imposed. Both assign a seven year penance, with no more
taking of oaths.
Col. B 6 and Finit. 1S-20. Phraseology différent, provisions
in part identical.
Col. B 7 and Vinn. 25-26. One year's penance for theft by a
cleric in both. Vinn. bas et reddat quadruplum proximo sito ;
Col. B omits quadruplum. For habituai offences both assign
three years.
Col. B S and Vinn. 27. Seven years penance in both for
returning to a mistress after vows. Some phrases identical,
others similar.
Col. B y and Vinn. S, y. Col. B appears to condense the
more extended statement of Vinn.
Col. B 11 and Vinn. 7. Col B changes penalty for concupis-
cence from forty days to one year.
Col. B i} and Vinn. }$. General structure suggests Col. B
modelled in Vinn.
Col. B 16 and Vinn. 36. Both prescribe one year for adultery.
Col. B adds permission of marriage si virgo virgini conjunctus
est, with a year's penance to follow.
Col.. B 20 and Vinn. 22. Col. B folio ws Vinn. roughly in
demanding libération of a slave and libéral alms for perjury.
Col. B 21 and Vinn. <?. Both demand forty days penance
with damages for assault. Col. B adds provision for the
injured during his convalescence r.
Col. B 2] and Vinn. 17. Col. B follows Vinn. and differs
from Col. B ri in assigning forty days for concupiscence.
In the above comparison it appears that no less than
fourteen out of the twenty-five capitula in the document
under considération show a marked resemblance to passages
in the Poenil. Vinn. It will readily be admitted that the resem-
blance, in some cases involving a common phraseology, is not
accidentai. It is sufficient for our purpose to indicate that the
ascribed to Columban really belongs hère, see his Uber Columba von
Luxeuils Klostenegel und Bussbuch, p. 49, and p. 283 below.
1. This may well be copied from Irish law. Cf. The Ancient Laws ot
Ireland, Vol. III, pp. 337, 471, 481 : Vol. V, pp. 301, 307, 333, etc.
282 John Thomas McNeill.
Poenit. Col. B préserves a memory of the Poenil. Vinn. But
the facts certainly suggest more thana memory. They entirely
justify the remark of Seebass, that the author had an exem-
plar of the Poenit. Vinn. before him '. At the same time
there is no slavish copying of the earlier writer. The diffé-
rences are marked. Not a single canon is identical in ail
respects. We are reminded by our comparison of the note in
which the author of Col. B describes the genesis of the work :
juxta senior uni traditiones et jn.xla noslram ex parte intelligeniiaw.
Thèse words indeed form a perfect description both of the
indebtedness to Finnian and of the independenee and origi-
nality which characterise the book. The author's seniorum
traditiones are manifestly not the usnges of remoter church
fathers, but those of his own Celtic masters, foremost among
Whom stands Finnian. Even in his independenee he is honor-
ing the spirit of the Poenit. Vinn. whose author freely says :
" If anyone will propose better rules we will accept and follow
them 2. " It is worth remembering that Columban's hrst
teacher was Sinell, a pupil of Finnian of Clonard \
2) Correspondences and divergences between Poenit. Col. B
and Pref. Gild.
It is not possible hère te show such an array of. similar
provisions as has just been observed ; but there are considé-
rable traces of influence. In Col. B 12 the offence of voraiting
the sacrament, through drunkenness or gluttony (z'oracitas),
is made punishable b}r a term of three quadragesinuie. In the
Pref. Gild. 7 the same offence calls for a penalty of " vii super-
po^itiones " 4 and deprivation of supper. Again Pref. Gild. 9
1. Uber Columba von Luxeuils Klosterregel und Bussbuch, p. 57.
2. Poenit. Vinn. Can. 53.
3. Jonas, Vita S. Col. 3rd éd. Krusch, Script. Rer. Merov. (Mon.
Germ. Hist), Vol. IV, p. 69. Margaret Stokes, Three Months in the
Appenines, p. 109-110.
4. Seebass, in another connection, thiuks superpositîo équivalent to
superpositio silentii. Zeitschr. f. Kg. Bd. 18 (1898), p. 65. This seems more
probable than superpositio jejunii (Cf. Sin. Elvir can XXIII), especially in
connection with " cenam suant non présumât". Pref. Gild. 8 has diei
superposilione et milita increpatione plectaiur ; apparently the culprit was to
be subjected to reproaches without permission to reply.
The Celtic Penitcntials. 283
prescribes three quadragesimae for losing the tokens of the
sacrament through carelessness : for this Col. B 12 prescribes
one year. Thus in each instance where the same ofTences are
treated in both, Poenit. Col. B assigns considerably heavier
penalties. This is not surprising when we recall the (already
noted) lightness of the penalties in the Prefatio. Thèse loose
parallels suggest, if they do not prove with certainty, that the
author of Col. B was acquainted with and hère seeking to
improve upon the Pref. Gild., recalling its régulations from
memory, if not using a MS.
3) Correspondences of Poenit. Col. B with other Celtic
documents.
In Col. B 4 we noted a parallel with Vinn. n. While the
parallel is a real one, the canon as a whole resembles more
closely Excerpta Quaedam 7, which has iv, vi, vii and
xiii years (on a slightly différent classification of clérical
ranks), for the iii, v, vii and xii years of Col. B 4. This
looks very much like a slight revision of the terms of the
canon in the Liber Davidis.
It was the opinion of Seebass 1 that the closing portion
(Ch. 10 f.) of the Régula coenobialis ascribed to Columban has
been detached from the last section of Poenit. Col. B. In
support of this view it is noteworthy that the section of the
Régula referred to is mainly penitential in character. It consists
of a list of penalties for offences characteristic of monastic
life. It is remarkable for its generous employment of corporal
punishment (percussiones and plagae). Still more prominent
is the feature of penitential singing of the psalms, a form of
penance employed for ail manner of trivial monastic failings 2.
This characteristic places the chapters in question in close
relationship with the Welsh penitentials in which, as we saw,
the penalty of psalm-singing was employed. If Seebass is
right in making this document an intégral part of Poenit. Col.
B, we hâve in the feature an additional claimfor the connec-
1. Ûber Columba von Luxeuils Klosterregel und Bussbuch, p. 49.
2. See the critical text of the Régula by Seebass in the Zeitschrift f. Kg.
Bd. 15 (1895), p. 366 f.
284 John Thomas McNeill.
tion of the whole work with the Celtic spiritual fathers of
Columban. We hâve thus ascertained that B was written by
some one who was clearly acquainted with Finnian's peni-
tential, and who very probably used also two Welsh docu-
ments credited respectively to Gildas and David. Col. B
manifestly springs from the heart of the Celtic Church, and
seems to reflect, in an extraordinary manner, the association
of those three Celtic saints of the early sixth century, to
whose friendship we had occasion to refer above.
Col. B then answers well to the presuppositions that would
suggest themselves for a penitential work from the pen of
St. Columban.
4) Remarks on the Place of Origin of Col. B. — From the
above considérations wemightfairly claim Columban's author-
ship of this part of the document which bears his name. But
an additional argument has been advanced, for which we are
mainly indebted to Hauck, who follows up a suggestion of
Seebass '. Hauck makes it clear that the référence to heathen
feasts in Col. B 2_/ (mensae demoniorum pro cultu demo-
num aut honore simulachrorum) answers to the stage in
religion of the inhabitants of the Luxeuil région in Colum-
ban's time. He further proves that the heretical Bonosiaci
mentioned in Col. B 25 appear in the same région about the
same time. The argument from the last mentioned paragraph,
it must be admitted, is insecure, as the canon contains
prescriptions for penance which are not Celtic but characteris-
tically Catholic, including a graded public discipline and
reconciliation by a Catholic Bishop 2. The canon appears to be
a rare instance of the survival in Gaul of the ancient discipline,
and may perhaps more safely be regarded as an interpolation
than as having been accepted by Columban himself. Yet it
1. Seebass, Zeitschr. f. Kg. Bd. 14 (1894), p. 435 ; Hauck, Kirchen-
gerch. Deutscblands, Bd. I, p. 277.
2. Post manu s impositionem Catholici episcopi altario jungatur. From
thèse " phrases which correspond to no practice at Luxeuil, and would
there be hardly intelligible " the canon has recently been pronounced
" due to some Gaelic source outside Columbanus, whether adopted into
the penitential by Columbanus himself or bv another "■ — Oscar
D. Watkins, A Historv of Penance, Vol. II, p. s 19.
The Celtic PénitenUali. 283
lias the value for our argument of added certainty of time
and place ; for even if an interpolation it could on Hauck's
évidence hâve been inserted only on the région of Luxeuil
and soon after Columban's work there.
Thus the cbain ol évidence for Columban's authorship of
B is complète. It consiste in the inhérent probability of his
writing a penitential ; in the use in the book of Celtic autho-
rities, and of just those Celtic writers who are otherwise
known to hâve been favored by Columban ; in the use of
thèse authors with just that degree of respect and of indepen-
dence with which writer of Poenit. Col. B claims to hâve used
his authorities ; and in références to two éléments in the
environment of Columban at Luxeuil. We may, therefore,
with assurance, ascribe the work to the author whose name
it bears.
5) The Authorship of Poenit. Col. A.
Let us now proceed >to subject to the same process the first
part of the combined penitential, Poenit. Col. A. The follow-
ing parallels to Poenit. Vinn. are to be noted :
Col. A 2 and Vinn. 1-3. Some phrases are common. Both
assign half a )^ear's penance for major sins of the heart.
Col. A 3 and Vinn. 12-13. Both hâve ten yearsfor homicide.
Otherwise the arrangement of the text forbids exact compa-
rison.
Col. A 4 and Vinn. 2/. Both assign one year's penance for
theft Col. omitting the restriction to clerics and the phrase
reddat quadruplum proximo sno found in Vinn.
Col. A j and Vinn. S. Vinn. has one year, Col. three years
for striking a brother cleric in a quarrel.
Col. A 12 and Vinn. 2S-2<). The lists of contraries in each,
though divergçnt in détail, illustrate a common principle.
From thèse parallels it appears that Col. A is as closely
connected with Vinn. as is Col. B. This statement applies, it
will be noted, especially to the section A 1-8. Yet the resem-
blance in A 12 is also noteworthy l. To this we shall require
to return in a moment.
1. This passage reads : Verbosus vero taciturnitate damnandus est,
286 John Thomas McNeill.
The author of Poenit. Col. A was therefore a close follower
of Vinnian. But the greatest difficulty in the way of Colum-
ban's own authorship of A now arises. The booklet is not
only independent of B, but shows one or two clear diver-
gences from B. A5 prescribes three years for assault, while
B9 bas one year. A6 punishes a drunken offence at the sacra-
ment with one quadragesima, while in B12 the term is with
three quadragesimas. There is also a variation in the penalty
for fornication by monks between A3 and B4, the former
requiring a three year penance, the latter five years.
On the other hand it may be noted that A4 agress with
B7 in prescribing one year for theft, and that one provision
in A6 is identical with one in B12. Furthermore, it cannot
be said that the discrepancies which appear between A and B
are such as to render a common authorship impossible. They
are no greater, for example, than those which appear in the
well authenticated canons of Basil the Great '. Seebass has
noted the probable connection between Col. Ai and Cassian's
Collât io, XX, 5 2. We know that Columbanus read and
followed Cassian from bis Instructiones XVII, de oclo principa-
libus vitiis* which is based on Cassian's Collationes V4. The
trace of Cassian therefore tends to support Columba'n's
authorship of A *. But Columban's authorship may be
inquietus mansuetudine, gulosus jejunio, somnolentius vigilia, superbus
carcere, destitutor repulsione, unusquisquejuxta quod meretur quoaequalia
sentira, ut justus juste vivat. Cf. Vinn., 28 : Haec est poenitentia ejus
crirninis, ut e contrariis contraria curet et emendet; Vinn., 29 : sed e
contrariis ut diximus festinenms curare contraria et vitia mundemus.
1. Cf. Basil, Ad. Amphiloch, VIII and LVII ; IV and L.
2. Zeitschr. f. Kg. Bd. 14, 1894, p. 441 n.
3. Migne, Patr. Lat,, Tom. 80, col. 259, 260.
4. Ibid., Tom. 49, col. 611.
5. This argument is weakened but not annulled by the fact that the
passage has other paiallels in early literature. A 1 reads : Poenitentia vera
est poenitenda non adniittere, sed admissa deflere. The parallel in Cassian
is Poenitentiae pcrfecta defmitio est ut peccata nequaquam
alterius admittamus. Cf. Ambrose, Serm. 9 de Quadragesima : Poenitentia
est et mala praeterita plangere, et plangenda iterum non admittere. This
définition is quoted in Gratian's Concordia, the section De Poenitentia, III,
can. I. (Migne, Patrol. Lat., Tom. 187, col. 1594), and the idea became
The Cettic Penitentials. 287
supportée! on other grounds, hitherto overlooked. Allusion
was made above to the influence of Vinn. 28, 29, on A 12.
Now Columban's Instructiones XVII shows high probability
of influence from the same passage in Vinnian. It contains a
detailed statement expounding Vinnian's principle that "con-
traries are to be cured by contraries 1 ". This common use by
Columban and by the author of Col. A of a principle asserted
by Vinnian, adds to those considérations which make for
Columban's authorship of A.
Probably the simplest explanation of the matter is to
suppose that both parts of the Pocnit. Col. were written by
Columban, but at différent times and in différent cir-
cumstances. When Columban came to the Luxeuil région he
had before him a career of quarter of a century, time for
considérable development (590-615). It has been supposed
that he made visits to Italy prior to lus éjection from Luxeuil 2.
In 610 he was ejected by Brunehild and Thierry; he then
labored for a time in Neustria, subsequently in Switzerland,
and finally founded his monastery of Bobbio in Italy, with
which he was connected for three years (612-615). During
thèse changes he may hâve prepared, or begun, a revised
penitential, adapted to the environment in which he found
himself and reflecting his ripening expérience. It is very
likely that Poenit. Col. A is a sketch, or fragment, of such a
revision.
It must be admitted, however, that other hypothèses are
not excluded. It is not impossible that A preceded B, and
came with Columban and his twelve disciples into Gaul from
Ireland. Columban may hâve received it, for example, from
St. Sinell, his exacting instructor as a youth 5, or from
a commonplace. A similar statement is ascribedto Augustine,but is proba-
bly from Gennadius, De dogmat. eccl., 54. See Gratian, op. cit., III, can. iii.
1. Haec igitur omnium origines et causae sunt malorum ; quae sic sunt
sananda per contraria. Gula triplex vincenda est per abstinentiam jejunii de
hora nona in horam nonam. Fornicatio... per castitatem et continentiam...
cupiditas vero nihil habendo proprium vincitur. . . Ira... patientia et
mansucta levitate superanda est. Tristitia vero laetitia spirituali. . . Vana
gloria. . . atque superbia. . . humilitate. . . et comritione.
2: M. Stokes, Six Mos. in the Appennines, Prcface, p. 1 1 f .
3. Jonas, où cil., 9.
288 John Thomas KicNeill.
Comgall of Bangor, the honored master whom he revcrentlv
mentions by the name Faustus in bis lnstructiones II j, '.
Both were pupils of Finnian of Clonard, and would be likely
to prépare penitential rulcs.
Nor can I refrain from suggesting the considération of the
name of Culumba of Iona, (d. 597). The exercise of penance
by Columba is a prominent feature in bis career as recorded
by Adamnan 2. He was a pupil of both Finnians 3, and a iife-
long fnend of Comgall 4. In the debate at the Synod of
Whitby (664) Wilfrid spoke of Columba's " régula et prae-
cepta " 5. It is nowshown to be probable that another impor-
tant document in the séries under review emanated from Iona
a century after Columba 6. The close. similarity, or identity,
of the names of the Iona and the Luxeuil saint might account
for the juxtaposition in one codex, as from one author, of
productions of the two. Next to the claim of Columban him-
self, that of Columba seems most capable of defence.
5. — Seventh Century Welsh and Irish Collections.
We may conveniently group nos. (9) (10) and (11) of
the titles noted above, each of which contains considérable
material not ol a penitential character.
9) The Canones W allie i.
This document appears in two slightly variant MSS, Saint-
Germain 121 (eighth century), and Paris 3 182, (eleventh or
twelfth century). A collation of thèse MSS, lias been published
by Wasserschleben " ; the later text had previously bee'n
published by Martene and Durand 8. Haddan and Stubbs hâve
edited the work adopting the numerical order of the Saint-
1. Migne, Patrol. Lat., Tom. 80, col. 253. Cf. Rceves, Adamnan
p. 220.
2. See e. g. Adamnan lih. II. c. XXIX, XXX, XLI.
3. Stokes, Three Middle Irish Homilies, p. 105.
4. Reeves, Adamnan, p. 220.
5. Bede, Hist. Eccles., lib. III, c. 25.
6. See the discussion of the Collectio canonum Hibernensis below, p. 290.
7. Bussordn., p. 124, f.
8. Thésaurus Novus Anecdotorum, Tom. IV, p. 13 f.
The Celtic Penitenitals. 289
Germain MS '. Although the Paris MS. entitles the work
" Incipiunt excerpta de libris Romanorum et Francorum "
the contents point unmistakably to a Welsh origin. Haddan
and Stubbs suggest a date of between 550 and 650 A. D.
The work consists mainly of a scale of fines for crimes and
injuries, illustrating the common Celtic features of composi-
tion. As Schmitz remarks thèse provisions cannot be regarded
as penitential canons 2. It is rather to be comparée! with the
mediaeval codes of Welsh Law, suc h as the Laws of Howel
Dda (907-940), and with the Ancient Laws of Ireland. It is
manifestly affected by Goidelic customs, as is indicated by the
fréquent référence to ancillae and servi as the unit of payment
in légal transactions, instead of the usual Brythonic unit of
cattle \ Payments are also made in argent i librac, sidgni librae,
vaccae, solîdi, etc. The évidence points to an origin in sou-
thern (Goidelic) Wales 4. Slavery is an accepted feature of
the social order. We shall later briefly revert to the bearing
of this work on the relation of the penitentials to native law\
The Canones Wallicl do not represent the findings ofchurch
councils. They are evidently civil and not ecclesiastical in
their character. But they give évidence ot the place of the
church as protected by the state, and assume the existence of
a church penitential discipline. A layman who has a charge
against a clericis required to bring the case before a bishop >.
Corning to a priest for confession after committing a fault, is
encouraged °. Assaults which take place in front of a church
are subject to spécial penalties in the form of " a'.ms " ".
When a layman beats a cleric he must " redeem his hand ",
and corne to penance s. (Cf. Can. Hib. Sect. III, can. 4,
1. Councils, etc., Vol. I, p. 127 f.
2. Bussbùcher, Bd. I, p. 501 . . . .enthâlt Compositions — Bestimmun-
gen, welche ebenfalls nicht als Busscanones abgesehen werden kônnen.
3. Seebohm, A. S. Law, pp. 107-108.
4. Ibid.
5. Can. 40.
6. Can. 46.
7. Cans. 52, 53.
8. Can. 65.
Revue Celtique, XXXIX. . j9
290 John Thomas McNeill.
matins percutientis abscidatur aut dimidium vit ancillarum red-
dal). No spécifie terms of penance are prescribed.
10) The Colkctio Canonum Hibernensis.
This document is of great importance in the history of the
Irish church, but its origin is a. matter of uncertainty. It has
been carefully edited by Wasserehleben ', and forms the sub-
ject of two interesting discussions by Bradshaw 2 ; but it still
lacks an adéquate introduction. Both the authorities named
place the date of the document about A. D. 700 and regard it
as the collected canons ofa séries of Irish synods. The latest
author named in the Collectio is Théodore of Tarsus
(d. 690) 5. Bradshaw, in an acute and technical argument,
gives reasons for believing that it was preserved in Brittany.
He also suggests that the compiler was Cummean, the author
oï Ùie-Poenit. Cummeani* ; butin the uncompleted draft of
his paper the proofof this identification is not presented. Brads-
haw's conjecture is suggested by the fact that Cummean,
though a contemporary writer, does not cite the Hibernensis.
The question of the authorship of the Collectio has morerecent-
ly been taken up in an article by E. W. B. Nicholson 5. By
a slight emendation of the O. Ir. colophon in which the scribe
of the Collectio names himself and the place in which he
wrote, Nicholson makes out that it was really compiled at
Iona. From the Romanizing tendency of the work, and from
the fact that in five MSS. it is followed immediately by the
Canones Adamnani and that a later exemplar contains one of
1. Die Irische Kanonensammlung, Giessen 1874. 2 nd éd. Leipzig 1885.
The document was partially given by d'Achéry, Specilegium, Tom. I,
p. 492, f. and by Martene, Thés. Nov. Anec, Tom. IV, p. 1 f.
2. Collected Papers of Henry Bradshaw, Camb. 1889, containing " Early
Collection of Canons commonly known as the Hibernensis, a Letter to
Wasserschleben, May 1885 " ; Bradshaw, Henry " The Early Collection of
Canons known as the Hibernensis, Two unfinished papers ", Camb. 1893.
3. Hence Maassen first suggested the now generally accepted date.
Gesch. der Quellen des Kanonischen Rechts, Bd. I, p.p. 954, 973 f.
4. Unfinished Papers, p. 38.
5. Zeitschr. f. Celt. Phil. Bd. III (1901), p. 99 f.
The Celtic Pcniteniials. 291
thèse canons, Nicholson insists thatthe compiler was no other
than Adamnan himself. The quotation from the Poenit. Theod.
contained in the Colkctio, would,. he points out, occur very
naturally in a Romanizing work of Adamnan, who is known
to hâve returned to Iona in 688 from a visit to the English
monasteries.
On the paleographical portion of this argument the présent
writer can offer no judgment. But the ascription of the work
to Adamnan seems historically a very possible solution. The
collected acta of the Romanizing Irish synods of the seventh
century, may well hâve been thought by Adamnan a valuable
instrument for his newly formed purpose of bringing resolute
and conservative Iona into the Roman union, and he may
hâve collected them mai-nly with that object in view. The
brilliant conjecture of Nicholson, in the absence of any other
plausible account of the origin of the document, may be regar-
ded as the likeliest hypothesis.
The Hibernensis is manifestly intended to bring Celtic and
and Catholic Cnristianity together. It représenta the process
of Romanization in Ireland, but does not thereby repudiate
the Celtic tradition. The fréquent use of the name of St.
Patrick as authority for canons, and the quotation of the
M Canons of St. Patrick " ' indicate the intention of con-
serving the traditional usages so far as possible 2. Welsh
canons, as well as Irish, are found, and fragments from Gildas
are quoted 5. Names are very frequently wrongly attached to
1. Canons of the (genuine) first Synod of St. Patrick reappear in the
Colkctio as follows :
Collectio xxvin, cap. 10, from Syn. I St. Patrick, can. 14
«
XXIX
«
8
«
«
«
15
«
XXXIII
«
1
«
«
«
1
((
• XXXIX
«
10
«
«
«
1 1
«
XXXIX
«
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«
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3
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XLII
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5,26
«
«
«
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«
XLIII
«
4
«•
«
«
28
«
lu
«
7
«
«
«
6
2. " Das
nationale Ki
irchenrecht
môgl
ichst
zu konservire
n '
' Wasserschl^
op. cit., p.
VI.
Cf. 2nd.
éd.,
p. XIII.
3. Lib. xii,
can. 5.
2^)2 John Thotrtas MiXcili.
the canons quoted, as e. g. when Patrick is credited with
passages from the Poeriit. Vinn. '. The mass of the material is
not Celtic in origin, however, but from a variety of non-
Celtic sources. The prominence of biblical, especially Old
Testament, éléments, is remarkable. The canons of Nicea,
Ancyra, Gangra, Antioch, Laodicea and Chalcedon are utili-
zed. A number of the church Fathers are quoted. Dionysius
(Exiguus) is twice mentioned by name 2, but it is doubtlul
whether the Dionysian Collection has been used, as its use
would likely hâve obviated the frequency of mistaken ascrip-
tions ofanthorship 3. A letter of Léo I. to Rusticus of Nar-
bonne is the only papal document used 4. The penitential
customs ofthe Celtic church are not greatly modified in the
CoUeclio. Spécifie rules of penance in the document are few,
and they tend in the main to confirm the usages which appear
in the penitentials. The seven year period for homicide, based
on theseven-fl/?n7/tf<'body-priceof Goidelic law, again appear >.
The dictum of Patrick which is appended to the Canoues
Hibernenses I, and which authorizes comnTutation in the
characteristic formula " vii ancillarum pretium aut vii annis ",
is' repeated in the CoJlectio 6. Exile as a penitential duty is
prescribed for violation of a bishop's or a martyr's relies 7.
The amputation of a hand or a foot is part of the penalty for
theft in a church, but this penalty of mutilation is commuted
to penance in an accompanying canon s.By scriptural examples
the church is made the place of penances 9. The validity of
penance in absolving from sin is asserted without qualifica-
tion I0. As between fasting and alms, superior value is laid
upon the latter, in a canon ascribed to St. Jérôme ".
i. Lib. lxvi, cap. 32, quoting Pœnit. Vinn., cans. 43, 45.
2. Lib. xxviii, cap. 5, cap. 10.
3. Wasserschleben, op. cit., p. vii.
4. Maassen, Gesch. d. Quellen, p. 881.
5. Lib. xxviii, cap. 10.
6. Lib. xlviii, cap. 5.
7. Lib. xliv, cap. 8.
8. Lib. xxix, cap. 1.
9. Lib. xlvii, cap. 13. De loco poenitentiae et orationis.
10. Penitentia aboleri peccata indubitatum credimus. Lib. xlvii, cap. 11.
1 1. Lib. xiii, cap. 8.
The Ccllic Penitenltals. 293
It may hère be observée! that the attitude of the Scotto-
Roman synods of the seventh century, as represented by the
Collectio, in supporting rather than suppressing the penance
of the penitentials, gave to the native penance freedom of
developement and expansion which another course taken at
tliis juncture would hâve denied it.
1 1) The Canones Adamnani.
This set of canons, if a genuine work of Adamnan abbot
of Iona (d. 704), must approximately synebronize with the
Collectio canonum Hibernensis. The document is notof sufficient
importance to call for any extended treatment. It consists of
twenty canons dealing with the question of clean and unclean
méats, making régulations under the sanction of religion
which reflect primitive and Old Testament restrictions regar-
ding animais to be eaten, together with some more enlighten-
ed sanitary rules. Animais that hâve been killed without
proper bleeding, swine that hâve fed on carcasses, and birds
and beasts of prey, are prohibited. While not strictly a peni-
tential work, thèse canons are on the border-line between
primitive prohibitions Qabit) and penitential conceptions.
The}^ are included in the Parisian Codex 3182 to which we
hâve frequently referred. Later penitentials like those of Thé-
odore and Cummean contain similar material \
6. — Related Anglo Saxon Penitentials.
12) The Poenitentiale Theodori.
The importance of this work, emanating from Théodore of
Tarsus (Archbishop of Canterbury 668-690) is generally
recognized. Perhaps the most original and valuable part of
Wasserschleben's essay on the history of the penitentials is
that in which he détermines the true Penitential of Théodore 2.
The tradition of .Theodore's authorship of a penitential of
1. Poenit. Theod. Lib. I, vii, cans. 6-12 ; Poenil. Cumin. I, cans. 14-38.
2. Bussordn., pp. 14-17.
294 John Thomas McNeill.
great influence goes back to the Poenitentiale Egberti (734-
766) and to the Liber Pontificalis (eighth century). But Bede
and other near contemporaries of Théodore ofter no corrobo-
ration ; and the work published by Spelmann from a Cam-
bridge MS. in 1639 as the Poenitentiale Theodori Archiepiscopi
showed late éléments. Joh. Morinus, in his classical history
of penitential discipline, rejected the portions of this work
authorizing composition, but regarded the remainder as the
genuine work of Théodore '. The whole document was
uncritically accepted by Thorpe and appears in full in his
" Ancient Laws and Institutes of England 2. Meanwhile, in
1677, Jacques Petit published 14 capitula of a Poenitentiale
Theodori from a MS. taken from the library of de Thou,
together with a collection of pseudo-Theodorean capitula 5.
Wasserschleben, however, discovered MSS. which led him to
adopt as the Poenit. Theod. a work in two books, of which the
first is a true penitential in fifteen .capitula, and the second is
the fourteen capitula of Petit 4. Haddan and Stubbs working
independently of Wasserschleben and using a Cambridge MS.
superior to any used by him, reached the same conclusion,
and hâve since published the newly-discovered Poenit. Theod.
ascribing it to Théodore " with the utmost confidence " s.
The Poenit. Theod. is not, and does not profess to be a
direct work of Théodore of Tarsus. It professes to be made
up mainly of answers given by the Archbishop to a certain
(otherwise unknown) presbyter, Eoda, and compiled by a
scribe who hides behind the vague pseudonym of Discipulus
Unibrensium. This mysterious intermediary, the original editor
or compiler of the penitential, is thought by Haddan and
Stubbs to hâve been " either a native of Northumbria who
had been a disciple of Théodore, or, more probably, an
1. Commentarius Historicus (1651), lib. x, ch. 17.
2. Vol. II, p. 227 f.
3. Petit's capitula will be found reprinted in Migne, P. L., Tom. 99,
col. 959 (1851).
4. For détails of the MSS. used see Wasserschl. Bussordn., p. 19 f. and
Haddan and Stubbs, Councils, etc. Vol. III, p. 174 f.
5. Haddan and Stubbs, op. cit., p. 173,
■The Celtic Penitentiaîs.] 295
Englishman of southern birth who had studied under the
northern scholars '. The corrupt text of the préface of the
work is read by Wasserschleben to mean that Eoda had deri-
ved some materials also from the study of a certain " libellus
scottorum ", the compiler of which was regarded by Théodore
as himself an ecclesiastic 2. Can we identify the " libellus
scottorum " or " Irish booklet " which yielded a contribution
to the Poenit. Theod ? We can, and with certainty. It is no
other than the Canones Hibernenses, or a part ol that document.
For this we hâve the évidence of the répétition in the Poenit.
Theod. of some of thèse canons. Thus Theod. Lib. I, c. IV,
can. 3, Homicida aulem x vel vii annos, is a répétition of
Can. Hib. I, can. 3. But there appears a more spécifie proof.
Theod. lib. I, c. vii can. 5 reads :
Item xii triduana pro anno pensanda, Theodorus laudavit. De egressis
(aegris) quaque pretium viri vel ancillae pro anno, vel dimidium omnium
quae possidet dare, et si quem frauderet reddere quadruplum, ut Christus
judicavit. Ista testimonia sunt de eo quod in prefatione diximus de libello
Scottorum.
That is to say Théodore approved Can. Hib. Il, can. 6, (arreum
anni xii triduani), and, forsick pénitents, favored composition
in money at the rate of pretium viri vel ancillae pro anno, a
principle exemplified in the same Irish document section III ;
(scriptural forms of restitution are mentioned as alternatives).
" Thèse are the proofs ", says Discipulus Umbrensium, " of
what we said in the préface about the libellus Scottorum ". The
évidence is as spécifie as we could désire.
The compiler, then, makes it quite clear that Théodore
himself, and not merely Eoda, responded to the Irish influ-
ence. Theodore's récognition of composition and commutation
in penance is based upon Irish penitential practice, and taken
directly from Iris-h written sources, not, be it observed, from
Anglo-Saxon national custom.
But Theodore's instructions to Eoda also reflected the
influence of other Celtic sources. Thus Theod. lib. I, c. IF.
1. Haddan and Stubbs, op. cit., p. 173.
2. Wasserschl., op. cit., p. 183.
296 John Thomas McNeill.
ci\n. I, which repeats the " vii vel x annos" of Can. Hib. I,
Cân. 3, adds : " Si lanien reddere vult propinquis pecuniam
aestiniationis, levior erit poenitentia, id est dimidio spatii. " This
half-and-half composition, the réduction of a ter m of penance
by a payment, is very similar in effect to Vomit. Col. B. 13.
A knowledge of Vinn. 37 is apparent in Theod. lib. I. c. XIV,
can. 11, and of Sin. Luc. Vict., can. 8, in Theod. lib. I, c. II,
can. 7.
13) The Poenitentiale Bedae and 14) The Poenitentiale Egberti.
A Poenitentiale Bedae given by Wasserschleben is regarded
by him as emanating from Beda Venerabilis (d. 735), but as
" a compilation of excerpts from the penitentials of Gildas,
Vinniaus, the Sin. Luc. Vict., the Sin. Aquil. Brit., the peni-
tential canons of Théodore, and the Ordo Romanus ' ".
Except for the introduction which has been prefixed from the
Ordo Romanus, the work consists of poenitential canons in
the ordinary form. It is totally lacking in originality, and
simply carries on the strain of the Celtic manuals. Schmitz
would dissociate it from Bede, and assign a ninth century
date ; as also to the related work ascribed to Egbert of York,
(d. 76e) 2. The Poenitentiale Egberti, while somewhat more
independent, bears the same gênerai character as the Poenit.
Bed., and is largely indebted to Théodore. The direct
influence of Celtic works is apparent, however, and in at least
one instance we find agreement with a Celtic authority, in
divergence from Théodore \ Albers in 1901 published a
text boaring the name of Bede which contains much material
in common with both thèse penitentials. Albers shows rea-
son for dating his form of the book within the pontificate of
1. Wasserschleben, Bussordnungen, p. 39. (The. earliest référence to
the Ordo Romanus is said to be in a letter of Alcuin to Eanbild of York,
c. 796. See Haddan and Stubbs, Councils, etc., vol. III, p. 503.)
2. Bussbùcher, Bd. I., p. 555.
3. Cap. IX (cans. 8, 9, 10, 11, 12) of the Pœnit. Egberti goes back to
Excerptà 0_uaedam, cans. 3, 9, 10, and imposes psalm-singing for pollu-
tion in sleep, on a scale little varied from the original. Cf. Wasserschleben,
Bussordn., p. 102 and p. 241.
The Ceîiic Penifentiah. 297
Gregory IL, a. d. 721-731, i. e. in the later period of Bede's
activity '. In this probably genuine work of Bede the Celtic
éléments appear not less prominently than in those just notic-
ed. The passage in the Egberti to which référence has been
made is identical in Albers text 2.
7. — Related Frankish Penitentials
15) The Poenitentiale Cnmmeani.
The Poenitentiale Cnmmeani présents a problem oi author-
ship which Wasserschleben has treated in an original and
fairly conclusive manner \ The close relationship in contents
between Poenit. Cumin, and Poenit. Theod., was formerly
accounted for on the ground that Cummean was a predecessor
of Théodore, and, (according to Theiner) 4 identical with the
well-known abbot of Iona, who died in éoi.
Wasserschleben however, from a description of the author
which appears in a ninth century St. Gall MS. ot the peni-
tential as " abbas in Scotia ortus ", argues that the work is
that of a Scot who at the time of writing is no longer in
his native country, but on the Continent. The work, he
points out, while extant in a number of continental MSS.
does not appear in England, an indication that it originated
on the Continent. Wasserschleben finds among the twenty-
one saints of his name mentioned by Colgan one who is
stated by Ughellus 5 to hâve died at Bobbio in the time of
King Luitprand (711-744). To this early eighth century
writer Wasserschleben would ascribe the penitential.
1. B. Albers, Wann sind die Beda-Egbert'schen Bussbùcher verfasst
worden, und Wer ist ihr Verfasser? Archiv f. Kathol. Kirchenrecht, Bd.
81, 1901, p. 393 f. Albers bases his argument mainly on the language
found near the end of the document, Item ex decreto pape gregoriijunioris
qui nunc romanam catholicam régit matrem ecclesiam \(lbii., p. 417). In
the MS (Codex Barbarinianus XL, 120) » nue » occurs for « nunc ».
2. Albers, op. cit., pp. 411-412.
3. Bussordn., p. 61 f. The text is given, p. 460 f.
4. Disquisitiones Criticae, p. 280.
5. Ital. Sacr,, Tom. IV, col. 949-960
298 John Thomas McNcill.
ié) The Poenitenîiâh Bigot ianum.
There is a close resemblance between the Poenit. Cumm.
and the anonymous eighth century Poenit. Bigotianum (so
called from the Codex Bigot. 89, now known as Paris 3182,
in which it appears). Ench of thèse works is prefaced by an
introduction in which elaborate scales of commutation of
penances to briefer terms, or into money payments, appear.
Both are also remarkable for the way in which the mediaeval
classification of sins is used in the framework l.
A recently published penitential in the Old Irish language
(unknown, of course, to Wasserschleben) exhibits both thèse
features, and seems closely related to Poenit. Cumm. A date
" not later than the eighth century " is ascribed to the MS.
of this penitential by Kuno Meyer 2 while E. G. Gwynn
would date it about 800 3. The Irish MS. is therefore earlier
than any MS. of Bigot, or Cumm., none of the MSS. of
which are earlier than the ninth century. It seems probable
that the basis of Poenit. Cumm. and its near relative Poenit.
Bigot., lies in this briefer Irish document; and that the features
of the latter were developed under the influence of Poenit.
Theod. and with due regard to earlier Celtic works. Otherwise
we should be obliged to regard the Irish treatise in question
as based upon Cummean, although it excludes the features
borrowed by Cummean from Théodore, a highly improbable
solution.
17) The Poenitentiale Valicellanum I.
Schmitz complains 4 that Wasserschleben did nothing to
1 . The subject of the " eight principal sins " is treated by Cassian,
who is followed by Columban. It is thèse writers wlio are used hère rather
than Gregory the Great. Cassian's complète list of the sins which anse
from the eight principal sins is quoted in the introduction to Poenit. Bigot.,
and the main body of this penitential is entitled, " De remediis vitiorum
capitula octo ".
2. The Old Irish Treatise " de Arreis ". Rev. Celt. Tom. XV (1894)
p. 485.
3. An Irish Penitential, Eriu, Vol. VII. (1914), p. 121.
4. Bussbùcher, Bd. I, p. 3.
The Ceîtic Penitentials. 299
clarify the question of the " Poenitentiale Romanum ", réfé-
rences to which occur as early as Poenit. Cumm. r. It is the
aim of Schmitz to prove that the original sources of the peni-
tential literature lie in the Roman church. In his twelfth
chapter Schmitz reviews the conclusions of Hildenbrand 2,
and Wasserschleben. Hildenbrand regarded the term Poeniten-
tiale Romanum as applying not to a single work but to ail the
various penitentials circulating in the Continental Church.
Wasserschleben agreed to this 3 and regarded the term as
signifying " kein einzelnes Beichtbuch sondern eine bestimmte
Qualitàt der Beichtbùcher ", the word " Romanum " referring
nottoan officiai authorization but to a gênerai one throughout
the Roman west. Schmitz argues, on the other hand, for the
implication of authority in the word " Romanum ". He makes
it équivalent to " canonical ", and uses the références to
" sinodus Romanum " in the CoUectio canonum Hibernensis +.
The document on which Schmitz specially relies, as a repré-
sentative early Roman penitential, is that called by him Poeni-
tentiale Valicellanum I. He publishes this document from a
tenth century MS 5. In his fourteenth chapter he notes a.
correspondence between the penitential and the ancient Lex
Dei attributed to Rufinus. Apart from the notorious unpopu-
larity of Rufinus at Rome, it may be replied that the alleged
resemblance is by no means close, as the table given by
Schmitz clearly shows, and that the appended text of the Lex
Dei is not analogous to this or any penitential in form or
content. It is simply a sélection of passages from the Penta-
teuch, with no penitential exercises prescribed.
The Poenit. Valicell. I. is obviously related, however, to
the British and Irish documents we hâve been studying. This
1. Poenit. Cumm. vii, can. 11 quotes Poenit. Theod. lib. II, c. x, can. 5.
as de Romano poenitentiale.
2. Untersuchungenùber die germanischen Poenitentialbùcher, Wiirzburg
1 8 5 1 .
3. Bussordn. p. 75.
4. The term " sinodus Romanum " in this connection no doubt really
refers to pro-Roman Irish synods. See Bury, Life of St. Patrick, p. 239.
5. Cod. Valicell. E 15. Bussbùcher, Bd. I, p. 239 f.
3oo John Thomas McNeill.
relation, which is apparent even on a casual reading, lias been
shown in a detailed analysis by Hinschius '. This analysis
indicates the use of Poenil. V'niu., Sin. Aquil. Bril., Excerpta
Ouaedam, Poehit. Bedae,Poenit. Egberti, and especially of Poenit.
Theod. As Schmitz himself places the earliest portion of the
compilation (the " hges canonicae "), in the early part of the
eighth century 2, there arises no question of the influence
indicated by Hinschius being from this penitential to thesixth
and seventh century works referred to, but it is évident that
the Poenit. Valicell. I. of Schmitz is dominated by Celtic
influence 3.
(To be continued.') John Thomas MacNeill.
i. Hinschius, F. H. P., System des Katholischen Kirchenrechis, mit
hesonderer Rùcksicht auf Deutschland, Berlin, 1869-1897, Bd. V., p. 92.
2. Bussbùcher, Bd. I, pp. 237-238.
3. The language of Schmitz in describing the nature of the Roman
influence on the penitentials is not always consistent. In his Bussbùcher
Bd. II, p. 140 he writes ; " Das Beiwort Romamim " bezeichnet, wie wir
sahen, die consuetudo und Tradition der rômischen Kirche in Beobachtung
der kanonischen Regel " ; and in the previous page he dénies any " authori-
tative Anerkennung der rômischen Kirche fur irgend ein Bussbuch ". But
authoritative récognition by the Roman church is clearly implied in his
Bussbùcher Bd. I, pp. 174-175 ; — Die Entstehung eines Poenitentiale
Romanum welches ja auch zu den Kirchenbùchern gehôrte, wird man sich
ebenfalls in Rom unter Oberaufsicht und Contrôle der Pàpste und der
rômischen Kirche zu denken haben. . . Das Beiwort " Romanum "zu Poen-
itentiale bezeichnet also unmittelbar den Ort der Entstehung, und in abge-
leiteten Sinne so vielals " commune "," gemeinkirchliches " Bussbuch. (This
contradiction has already been observed by Hauck.)
LA VIE LA PLUS ANCIENNE
DE
SAINT SAMSON
ABBÉ-ÉVÈQ.UE DE DOL
D'APRÈS DES TRAVAUX RÉCENTS
M. Fawtier a publié en 1912 un important ouvrage sur la
vie de saint Samson, plus exactement sur la vie la plus
ancienne de ce saint '. Il se divise en deux parties. L'une nous
donne une édition de la Vie d'après un manuscrit du xie siècle,
avec les variantes de dix-huit autres : M. Fawtier a rendu ainsi
un signalé service à l'hagiographie et aux études bretonnes.
L'autre porte sur l'ancienneté de la Vie et sur la véracité de
l'hagiographe. Cette partie a été l'objet d'un examen critique
détaillé de ma part 2 et de celle de mon savant ami l'abbé Duine 5.
Tous les deux, pour des raisons diverses, nous avions conclu,
tout en rendant justice aux recherches méritoires de l'auteur,
que sa thèse n'était pas fondée. M. Fawtier a entrepris de
réduire à néant nos critiques dans un opuscule récent, qui
devait paraître en 1913, mais que les événements de 1914-
19 18 l'avaient contraint d'abandonner, suivant son expression,
pour des travaux plus dangereux : Saint Samson, abbé deDol.
— Réponse à quelques objections. Rennes. 1921 (Extrait des
1. La vie de saint Samson. Essai de critique hagiographique, par Robert
Fawtier, agrégé d'histoire et de géographie, membre de l'Ecole française
de Rome. Paris. Champion. 19 12.
2. J. Loth, La vie la plus ancienne de saint Samson de Dol d'après des tra-
vaux récents : remarques et additions. Paris. 1914 (Extrait de la Revue Cel-
tique).
3. Abbé Duine, La vie de saint Samson à propos d'un ouvrage récent
(Annales de Bretagne), 1912-13, pp. 332-356; cf. abbé Duine, Origines bre-
tonnes. Etude des sources, 2e partie, La vie de saint Samson (Annales de Bre-
tagne), 1914-1915, pp. 123-149.
302 /. Loth.
Annales de Bretagne, tome XXXV, n° 2). Pour que la réfuta-
tion fût plus solennelle et notre confusion à l'abbé Duine et à
moi plus éclatante, il a porté la question devant l'auguste aréo-
page de la Sorbonne, en présentant sa Réponse comme deuxième
thèse pour le doctorat : le débat ne pouvait guère être contra-
dictoire, les principaux tenants de la cause adverse n'étant pas
représentés. Après une séance mémorable, dans laquelle, comme
il sied aune deuxième thèse, la Réponse a joué un rôle modeste,
M. Fawtier, pour l'ensemble de ses thèses, a été coifTé d'un
bonnet de docteur de première classe : distinction, je m'em-
presse de le dire, méritée.
L'abbé Duine a soumis sans retard celte Réponse à un examen
consciencieux dont le résultat paraîtra dans le fascicule de
juillet des Annales de Bretagne1. Comme le terrain de la con-
troverse nous est commun à tous les deux, pour éviter des
redites et des longueurs, il a bien voulu, à ma prière, me
communiquer une épreuve de son travail. Il a grandement
simplifié et facilité ma tâche, si bien que je pourrais sur plu-
sieurs points me contenter de renvoyer à sa réplique ceux de
nos lecteurs que la question intéresse. Néanmoins, comme mon
travail a. paru dans la Revue Celtique, je crois de mon devoir
d'y exposer clairement les points litigieux et de résumer le
débat, en groupant et discutant les arguments, tant du premier
travail de M. Fawtier que de sa Réponse : nos lecteurs auront,
eux, sous les yeux tous les éléments de la cause. J'ai d'ailleurs
moi aussi à répondre à certaines critiques et à éclairer certains
côtés de la question qui sont restés dans l'ombre 2.
La. Réponse de M. Fawtier m'ayant obligé à parcourir de
nouveau le texte qu'il nous adonné, à étudier tout particuliè-
rement certains passages sur lesquels reposait en partie sa
thèse, j'ai été plus vivement frappé encore des obscurités de ce
texte, des bizarreries, on peut dire, de la barbarie de la langue
et j'ai été amené à me demander si le manuscrit de la Biblio-
1. Saint Samson évêquedeDol : Objections à une Réponse.
2. Pour les citations, Vie désignera le premier travail de M. Fawtier;
Réponse le second. Objections se rapportera au second travail de l'abbé
Duine.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 303
thèque municipale de Metz qui lui a servi de base était bien
le meilleur parmi les dix-neuf qui ont été compulsés. M. Faw-
tierse défend d'avoir voulu faire une édition critique, et on
ne peut que l'en louer : il a fait preuve en cela de prudence
et d'une juste méfiance de ses forces. Mais on aurait voulu
connaître avec plus de précision les raisons de son choix. Il a
choisi le manuscrit de Metz, dit-il, non pas que ce soit celui qui
fournisse le texte le plus correct, mais parce que c'est celui qui lui
est apparu comme présentant le moins de traces de remanie-
ment. Il n'y paraît guère dans sa description des manuscrits1.
A vrai dire, la seule raison apparente, c'est que le manuscrit de
Metz a, en plus que cinq autres manuscrits dont quelques-
uns sont sensiblement de la même époque, uniquement la
table des chapitres du prologue ; et encore le manuscrit B
l'a-t-il.
Ce qui est plus grave, c'est que M. Fawtier ne s'est livré à
aucune étude critique sérieuse du texte, même lorsque sa
thèse y était directement intéressée, comme on le verra au cours
de cette étude, notamment à propos des sources de l'hagio-
graphe et des détails de l'ordination épiscopale du saint. Les
interpolations les plus évidentes n'ont pas attiré son atten-
tion.
Le regretté P. van Orthroy lui faisait remarquer récemment
dans les Analecta bollandiana, à propos de ses publications sur
sainte Catherine de Sienne, qu'il avait des distractions en
lisant les manuscrits. En aurait-il eu aussi en copiant le texte
du manuscrit de Metz ? Livre I, c. 2, on lit : in cujus domo,
ultra mare, ipse solus Samson fundaverat . On ne peut s'en tirer,
comme je l'ai fait en désespoir de cause, qu'en donnant à
fundare le sens inconnu par ailleurs et forcé d' habiter . L'édition
des Bollandistes fondée sur le manuscrit I, portant correcte-
ment d'après une communication de l'abbé Duine : in cujus domo
quant ultra mare ipse solus Samson fundaverat, et M. Fawtier
ne donnant pour ce passage aucune variante, j'en avais conclu
1. Il m'a semblé passim que les variantes donnaient fréquemment un
meilleur texte. En somme, le texte que nous donne M. Fawtier est diffici-
lement utilisable, si on n'a pas sous tes yeux l'ancienne édition Mabillon-Bol-
landistes.
304 J. Loi h.
que M. Fawtier, cette fois aussi, avait été un peu distrait.
Cependant pour plus de sûreté, je confiai mes doutes à
M. Roger-Clément, conservateur de la Bibliothèque et des
Musées de Metz, en le priant de vouloir bien me donner la
leçon du manuscrit. Mes doutes étaient fondés : M. Roger
Clément poussa l'obligeance jusqu'à m'envoyer un calque du
passage en question. On y lit : in cuius clomo quant ultra mare
ipse soins Samson fundaverat (quam, avec l'abréviation usuelle
quâ). On aurait pu croire à une correction des Bollandistes :
M. Omont m'apprend que le manuscrit I porte également
quam.
Une autre source grave d'erreurs, de nature à fausser le
jugement de M. Fawtier sur les moyens d'information de
l'hngiographe et par conséquent sur sa sincérité dans l'exposé
des actes les plus importants de la vie du saint, c'est qu'il ne
connaît que très superficiellement la situation des pays cel-
tiques d'outre-mer et de l'Armorique bretonne au milieu du
vie siècle. Quand il nous soutient qu'un siècle (ou deux
même) après la fondation du. monastère par l'insulaire Samsou,
on ne sait rien à Dol de ses actes dans l'île ni sur le continent,
il ne semble pas se douter que l'Armorique était une simple
province du celtisme, en rapports continuels et intimes, atout
point de vue, avec les pays celtiques d'outre-mer: comme le
dit excellemment l'abbé Duîne, le pan-celtisme, à cette époque
n'était pas un vain mot.
Lorsqu'il affirme qu'on ne pouvait, du temps de Samson,
sacrer trois évêques à la fois, comme cela se serait fait, d'après
l'hagiographe, lors du sacre du saint, parce que dans le Pays
de Galles, il n'y avait jamais eu plus de sept ou même de
quatre évêques à la fois, il raisonne comme s'il avait sous les
yeux une carte actuelle de l'Angleterre : au milieu du vie siècle,
comme je le montrerai en traitant de l'épiscopat de Samson,
les territoires bretons s'étendaient sans interruption du sud-
ouest au nord-ouest de l'île jusqu'aux terres des Pietés, et des
Scots immigrés d'Irlande, et comprenaient un vaste domaine,
où les besoins du culte et de l'apostolat pouvaient encore fort
bien exiger le maintien d'une coutume dont on comprend sans
peine plus anciennement l'établissement.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 305
Personne, avant M. Fawtier, n'avait contesté sérieusement
l'ancienneté et l'authenticité de la Vita prima de saint Samson.
Mgr Duchesne, après avoir établi que cette Vie avait été sûre-
ment rédigée entre le vne et le ixe siècle, inclinait à croire
qu'elle l'avait été à une époque assez rapprochée du commen-
cement de cet intervalle. « Cette conclusion s'imposerait tout
à fait, ajoutait-il, s'il était sûr que le vénérable octogénaire
dont il est question dans le Prologue eût été vraiment le
neveu d'Henoc, neveu lui-même de saint Samson'. » Il n'est
pas permis d'en douter devant l'affirmation très nette de
l'hagiographe, si on admet sa sincérité.
Pour tout esprit non prévenu, quoi qu'en dise M. Fawtier,
malgré d'évidents remaniements, la suspicion que peuvent
inspirer certaines informations provenant de diverses sources
orales en dépit des exagérations habituelles et comme obligées
chez des panégyristes de saints, toujours disposés à voir par-
tout des miracles et au besoin à les imaginer, la lecture de
la Vie donne, dans l'ensemble, une impression de bonne
foi.
L'hagiographe, moine au monastère de Dol, écrit à la prière
de son évêqueTigernomalus 2. Il s'est souvententretenu dans
le même monastère avec un vénérable octogénaire, venu
d'outre-mer, des faits et gestes de Saint Samson dans son pays
d'origine ; le vieillard tenait ses informations de son oncle
Henoc, cousin du saint, qui avait été documenté par la mère
même de Samson. Henoc avait aussi écrit une relation des
actes du saint congruis stilis polite, et le vieillard l'avait fait lire
souvent devant lui \ Henoc avait accompagné Samson en
Armorique 4. Il prend le Christ à témoin de sa sincérité
(Christum omnium nostrum salvatorem testent adhibeo) \ Il rap-
1. Fastes ép., 2e éd., II, 385, note 3.
2. Prologue 1 : 0 beatissimè apostolicae seâds episcope Tigernomale ; ibid. 3 :
0 beatissimè papa ; lib. II, 1 et 2 : 0 beatissimè papa Tigernomale (en outre 1 :
papa).
3. Légère faciebal est probablement la traduction d'un idiotisme breton
équivalant à legebat. Pour exprimer l'action verbale, on emploie le verbe à
l'infinitif avec l'auxiliaire faire.
4. Lib. I, 52.
5. Le texte de M. Fawtier porte : Christum omnium ttostrorum salvato-
Revuc Celtique, XXXIX. 20
306 /. Loth.
pelle la source écrite '. Il invoque également, outre le témoi-
gnage de gens religieux et très dignes de confiance, une
autre source écrite à propos de l'épisode du diacre Morin 2.
Il a lui-même séjourné en Galles et en Cornwall, habité le
monastère d'Eltut qui avait compté Samson parmi ses moines
(in cujus magnifiço monasterio ego fui) ' ; le monastère de Piron,
situé non loin de celui d'Eltut, que gouverna Samson pendant
un an et demi, a aussi reçu sa visite 4. L'ermitage près de la
Severn, où Samson avait établi ses frères, était encore un objet
de vénération pendant qu'il était dans l'île, ainsi que l'oratoire
où Samson venait tous les dimanches chanter la messe et
donner la communion 5. Il a visité en Cornwall la montagne
où se dressait le fameux siniulacruni : in quo monte et ego fui
signumque Crucis quod sanctus Samson sua manu cuni quodam
ferro in lapide s tante sculpsit adoravi et nna manu palpavi 6. lia
entendu lire Yindiculus ' qui invitait Samson à venir au synode
où il devait être ordonné évêque. Il est au courant des études
du saint sous la direction d'Eltut ; il signale une question de
haute théologie dont le maître et le disciple ne trouvaient pas
la solution ; une voix céleste la révéla à Samson pendant qu'il
était en oraison une nuit (I, 1 1). Lorsque ses recherches sont
infructueuses, il le reconnaît : nomen uescio (I, 38), — nonien
scirenon potui (I, 16).
Si l'évêque Tigernomalus lui a demandé d'être l'historio-
graphe de saint Samson, c'est vraisemblablement à cause de
son séjour en Galles et en Cornwall, dans des lieux où la
mémoire du saint était particulièrement en honneur et aussi
à cause de son intimité avec le vénérable neveu de Henoc.
rem ac testant habeo. Je cite d'après le ms. D. Ac qui est évidemment fautif
manque dans 4 mss.
1. Lib. I, 38.
2. Lib. II, 8. Le texte de M. Fawtiér n'a pas viri, 5 mss. ont religiosi
virique probatiss ifn i . ■ .
3. Lib. 1,7.
4. Ibid. , 20, 36.
5. Lib. I, 41.
6. Lib. I, 48.
7. M. Fawtier, Vie, p. 50, lui fait dire qu'il a vu Yindiculus : son texte
porte (lib. I, 42) : quod indiculum ego aiidivi lettum. Le ms. K (xne s.) a :
legi.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 307
Seul, M. Fawtier tient l'hagiographe pour un faussaire et
entend démontrer que son œuvre est une fabrication de basse
époque (vme-ixe siècle), pour une foule de raisons plus ou
moins graves que j'énumère en les résumant :
l'hagiographe, après avoir indiqué ses sources, se contredit
presque aussitôt ;
il veut nous faire croire à l'existence de Gesta emendatiora,
expression empruntée à Grégoire le Grand;
il ne sait pas le nom du vénérable vieillard, neveu de
Henoc ;
les noms des parents de Samson, il les a puisés dans des
litanies ; la stérilité d'Anna, mère du saint, est une répétition
de la stérilité d'Anna, mère de la Vierge Marie;
la Vit a secundo, du ixe siècle qui présente la leçon Widianus
au lieu de Gucdianus, sur laquelle on s'est appuyé pour sup-
poser une rédaction plus archaïque, est l'œuvre d'un clerc
neustrien ;
de ses voyages outre-mer l'hagiographe n'a guère rapporté
que des légendes topographiques et des traditions folkloriques :
il ne nous apprend rien de précis sur les actes de Samson dans
l'île de Bretagne ;
il y a de fortes raisons de mettre en doute l'ordination épis-
copale de saint Samson dans l'île ;
en tout cas, le Samson qui signe au Concile de Paris,
quoique du même temps (ce que conteste la Réponse), ne peut
être celui de Dol ; même réelle, son ordination n'eût pas été
tenue pour valable par les évêques francs ; ils ne l'eussent
pas admis à siéger avec eux, son ordination n'ayant pas été
faite suivant les règles canoniques. D'ailleurs le martyrologe
de Saint-Wandrille, dans le voisinage de Pental, lui donne
simplement le titre d'abbé ;
l'hagiographe ne sait à peu près rien de la vie du saint sur
le continent ; l'histoire de Commor {Cunomor dans la Vie, de
M. Fawtier) et de Iudwal ne soutient pas l'examen et d'ail-
leurs se passe en France ;
le style, le vocabulaire, la syntaxe de la Vie, qui, d'après
l'abbé Duine, s'accorderaient parfaitement avec l'idée qu'on
308 /. Loth.
pourrait se faire d'un compatriote de Gildas et d'un contem-
porain de Grégoire de Tours, ne prouvent rien ' ;
l'hagiographe ne nous parle pas de saint Martin de Tours,
ce qui serait un signe d'hostilité qui ne se comprendrait guère
que chez un auteur breton du IXe siècle ;
Fortunat dans sa Vie de saint Pair d'Avranches qui est
dans le voisinage de Dol, ne connaît pasSamson, qui pourrait
bien, en réalité, ne pas avoir vécu à la même époque :
en somme, de la Vita Samsonis, on ne retire à peu près
rien de certain sinon que Samson passe à juste titre, pour le
fondateur des monastères de Dol et de Pental, les circon-
stances de la fondation de Pental restant toutefois mysté^
rieuses.
C'est, on le voit, un réquisitoire complet, implacable :
impossible d'être plus net, plus tranchant. La condamnation,
heureusement, n'est pas sans appel et j'ai confiance que le
nouveau procès se terminera par l'acquittement de notre
innocent hagiographe.
La question des sources est, cela va sans dire, d'une impor-
tance capitale. Est-il vrai, comme l'avance M. Fawtier, qu'il
y ait une contradiction entre le C. 2 du Prologue et le C. 45
du livre premier ? L'hagiographe déclare qu'il a tiré parti de
ses conversations avec l'octogénaire neveu de Henoc et d'une
relation écrite de celui-ci. D'après M. Fawtier, la partie qui
concerne les actes du saint outre-mer est de source purement
orale ; la relation écrite ne porte que sur ses faits et gestes sur
le continent. « Comment se fait-il alors, dit notre critique,
que l'on trouve des expressions semblant dénoter un emprunt
à un texte écrit, comme : ut narrare poslca suum patrem audi-
vimus ? Ces paroles qui, de l'aveu même de l'auteur, devraient
se trouver dans la bouche d'Hénoc, ne peuvent être, en réa-
lité, attribuées qu'au vénérable vieillard, mais celui-ci n'est dit
nulle part avoir connu Amon. »
Au lieu de se livrer à une étude appprofondie du para-
graphe si important des sources, dont la langue est si embar-
rassée, M. Fawtier trouve plus expéditif de nous donner de
1. Réponse, p. 11.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 309
ce passage la traduction de La Borderie, après avoir pris tou-
tefois la précaution de la déclarer excellente '.
L'hagiographe, après avoir parlé de ses entretiens avec le
vieillard, poursuit en ces termes : et non solnni hoc, sed etiam
qnamplura ac délicat a de ejus prodigioribus actibus quae citra mare
in Britannia ac Remania mirabiliora fecit verba, supradietns
sanctus diaconus Henocus nomine, congruis sliîis polite ultra mare
adportavit, et ille de quo nuper praefati sumits venerabilis senex
semper an te nie in isto monasterio 2 connu an en s légère ac pie dili-
gente r faciebat.
Si on prenait le texte à la lettre, il faudrait admettre que
Henoe, après avoir écrit les merveilleuses actions du saint en
Armorique bretonne et en pays roman, a transporté sa rela-
tion outre-mer, ce qui ne s'expliquerait qu'en supposant qu'il
est retourné dans son pays natal après la mort de Samson, car
autrement sa narration eût été incomplète. Il en aurait toute-
fois laissé une copie à Dol, puisque son neveu l'y faisait lire
constamment. Il me semble qu'un fait aussi important que le
voyage d'un personnage si intimement mêlé à la vie du saint
son parent, qui avait tant contribué à le faire connaître, aurait
été mentionné par l'hagiographe, ne fût-ce qu'incidemment.
En tout cas, il serait a priori parfaitement invraisemblable que
Henoc qui a été documenté sur les faits etgestes du saint dans
l'île par la mère de Samson elle-même, se soit abstenu de les
consigner par écrit, s'en fiant à la mémoire de son neveu, et
se soit rigoureusement astreint à ne parler que des actes de
son héros de ce côté ci de la mer. Il est tout aussi invraisem-
blable que le vénérable vieillard n'ait fait lire au monastère
de Dol que ce qui touchait à la vie du saint sur le continent.
Et de fait il existait de Henoc une relation écrite plus ou
moins complète de la vie insulaire de Samson. Livre I, C. 38,
au sujet d'un energuminus guéri en Irlande par Samson et
devenu depuis son compagnon fidèle sur le continent, l'hagio-
graphe, qui avoue ne pas connaître son nom, tient pour cer-
1. Réponse, p. 4. La Borderie a pris de bien grandes libertés avec le texte :
sa traduction se range dans la catégorie des belles infidèles.
2. Le texte donne istud monusterium : var. isto monasterio. Romania est
une variante ; le texte a ; Romana.
3io /. Loth.
tain d'après des relations transmarines dont il a déjà été question,
que ce personnage est mort à Pental après avoir mené une
existence excellente et élevée : ...referenlibus autem rniki de eo
litteris transmarinis supra jam insignatis in Penetale monasterio '
quievisse atque inibi optimum et ardnam 2 vitam duxisse certum
teneo. L'energuminus était abbé de son monastère ; il n'est donc
nullement surprenant qu'on se soit occupé de ses faits et gestes
jusqu'eà sa mort, après son émigration. Il est de toute évidence
que par les lettres transmarines dont il a été question, l'hagio-
graphe désigne la relation de Henoc.
Un autre passage du lib. II, C. 8 semblerait indiquer une
relation écrite indépendante, conservée dans un monastère du
Pays de Galles, d'un épisode auquel a été mêlé Samson.
Il s'agit de la curieuse histoire du diacre Morin, mise par
écrit dans le monastère même où il habitait : ut mihi comperti
ac religiosi viri 3 et quod 4 ma jus est litlerae ipsius loco 5 ultra
mare catholice conscriptœ tradiderunt.
i . Texte : monasterium ; var. monasterio.
2. arditam traduit l'irl. ard, gall. ant, élevé : Buâoc est surnommé
arduus.
3. Je rétablis viri d'après les variantes : ut mihi religiosi virique probatis-
simt.
4. Texte : quid ; var. ruod.
5. Locus a fréquemment le sens de monastère, et aussi de cellule, ermi-
tage. Il a conservé ce sens dans le gallois mynach-îog, monastère. Dans les
poésies galloises du XIIe siècle, Hoc a le même sens que llann, qui a ce
sens. Mvv. areb., p. 177. L. 1, en parlant du monastère de saint Tyssiliaw,
le poète dit : brciniaivc toc, monastère privilégié; p. 178, 1 : balch y Hoc,
superbe est son monastère ; berth y Hoc, riche est son monastère ; le mona-
stère de Saint Cadvan (Lîan-gadvan) est qualifié aussi bien de Hoc que de
llann (ibid., 24.8.17 : uchel toc, ucbel lann (monastère élevé). Dans la Vita
Samson is, locus a assez 'souvent ce sens ; le monastère de Piron est appelé
locus (I, 23) ; de même l'habitation ou ermitage des frères du saint (I, 24);
le monastère d'Eltut (I, 7) ; le monastère de Morin (II, 10). Le monastère-
de Dol est qualifié de locus : in Mo eiiiiucntissimo atque optimo loco in quo
sanctus Samson quiescit inpace (lib. II, 15).
Dans le Rook of Llandav, le monastère de Mochros fondé par Dubric et
dont l'évêque Comereg fut aussi abbé est qualifié de locus ainsi d'ailleurs que
Llandav (p. 71) : Locus Mocrosi super ripant Guy ; il est donné à l'Église de
Llandav : ut ille prior locus posteriori semper serviret. Dans la charte du roi
Aethelred (994) adressée à l'évêque Ealdred, le monastère de saint Pe-
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 311
Il n'y a donc aucun doute que la source de l'hagiographe
pour la .vie de Saint Samson aussi bien outre-mer que sur le con-
tinent ait été à la fois orale et écrite, sans qu'on puisse préciser
dans quel cas l'hagiographe use de l'une ou de l'autre, la plu-
part du temps '. Il n'y a aucune contradiction entre le C. 2 du
Prologue et le C. 45. Au surplus M. Fawtier a corrigé inuti-
lement son texte, et l'a en tout cas mal interprété. Samson
voit en songe à ses côtés un grand homme brillant d'un grand
éclat et s'en effraie : ...qui (Samson) et ipse, ut narrare postea
suo pa(t)ri audivimus ...intremuit. Notre critique remplace,
sans le dire, suo patri que donnent le manuscrit de Metz et
cinq des manuscrits les plus anciens, par la variante suum pa-
trem, et veut que le vénérable vieillard représentant seul la
source orale pour les événements insulaires suivant une idée
dont je viens de faire justice, ait entendu le père du saint
raconter le fait par la suite. Or l'hagiographe parle ici en son
nom ; il faut traduire : et lui-même, comme nous avons entendu
dire qu'il (Samson) le racontait dans la suite à son père... trembla
(on peut sous-entendre eu m). Que si M. Fawtier tient à suum
patrem, on peut interpréter : « comme nous avons entendu dire
que son père ensuite le racontait. » Il s'agit vraisemblablement de
personnes avec lesquelles l'hagiographe s'est entretenu de ces
faits dans l'île.
Le texte du paragraphe des sources est trop corrompu pour
qu'on puisse, en l'absence de variantes importantes, le restituer
sans appréhension. Il est vraisemblable, si on met en regard
àelitteris transmarinis, l'expression ultra mare adportavit, qu'il
ne s'agit pas de relations écrites 2 que Henoc aurait transportées
trock est : locus atque regimen sancti Petroci (Haddan and Stubbs, Connais,
I, p. 687-6).
On sait la fortune qu'a eue toc dans l'onomastique bretonne armori-
caine.
1 . Cf. plus bas, les remarques au sujet de la femme de Childebert. Il ne faut
pas oublier que la source orale est assez variée. Elle ne repose pas seule-
ment sur les récits du neveu de Henoc. L'hagiographe nous parle, en divers
endroits, de conversations qu'il a eues dans l'île même dans les lieux fré-
quentés par le saint. Il tient par exemple le récit de' la mort d'Eltut des
moines du monastère du saint dans lequel il nous dit lui-même avoir été
(lib. 1,7). ,
2. T-ib. I, 45 ultra mare désigne l'Armorique.
3i2 J.Loih.
dans l'île, mais au contraire de relations qu'il aurait rapportées
d'outre-mer. En en usant vis-à-vis du texte d'une liberté
grande, je me hasarderais à proposer la lecture suivante : et
non solum hoc sed quamplurima ac delicata de ejus prodigioribus
actibus, quae citra mare in Britannia ac Romania mirabiliora
fecit, verba [et quae] ' suprad ictus sanclus diaconus Henocus no-
mine, congruis stilis polite ultra mare adportavit, il le 2 de quo
nuper praefati s'umus venerabilis senex semper ante me in isto mo-
nasterio 3 commanens pie légère ac diligenter faciebat. Je traduirais
mot à mot : « et non seulement cela, mais beaucoup et de
délicats récits au sujet des actions prodigieuses qu'il avait
merveilleusement accomplies de ce côté-ci de la mer en Bre-
tagne et en Romanie, et ceux qu'avait apportés d'outre-mer
[écrits] soigneusement en style congru le saint diacre du nom
de Henoc, le vénérable vieillard dont nous venons de parler
demeurant avec moi dans ce monastère les faisait continuelle-
ment lire devant moi avec un soin pieux et diligent. »
Il s'ensuivrait que le congruis stilis polite porterait surtout
sur la vie de Samson outre-mer et serait l'œuvre particulière
de Henoc, ce qui serait fort naturel. Quant aux récits des actes
du saint sur le continent, ils ont pu être rédigés par d'autres
que par lui. Le vénérable vieillard lui-même a pu y mettre
la main. Quoi qu'il en soit d'ailleurs, ma conclusion précé-
dente au sujet des sources orale et écrite reste inattaquable.
Quant aux Gesta emendatiora à l'existence desquels l'hagio-
graphe, d'après M. Fawtier voudrait nous faire croire, cette
expression, empruntée à Grégoire le Grand, que Mgr Duchesne
qualifiait justement d'incongrue, vise sans doute, suivant
l'hypothèse de l'abbé Duine, la vie rédigée par Henoc congruis
stilis polite. M. Fawtier n'y revient pas dans sa Réponse.
Comment l'hagiographe ne sait-il pas, se demande M. Faw-
tier, le nom du vénérable octogénaire lorsqu'il connaît celui
de son oncle ? L'abbé Duine lui a répondu qu'il n'eût eu
1. J'ajoute et quae ; \e-qiuie qui précède a pu contribuer à le faire
omettre.
2. Je supprime et devant ilîe.
3. Texte : istud monasterium ; var. de 5 des plus anciens mss. : isto
monasterio.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 313
aucune peine à lui donner un nom, s'il avait été un faus-
saire ; on peut même dire, si on en croyait notre soupçonneux
critique, un spécialiste en faux. Aussi n'y reviendrais- je pas,
s'il n'y avait peut-être là un trait de mœurs celtiques des
moins connus et des plus intéressants. L'oncle, surtout l'oncle
maternel, avait chez les anciens Celtes, insulaires et même
continentaux, une situation privilégiée et jouait souvent dans
la famille un rôle prépondérant. C'est un reste de la filiation
utérine, qu'il ne faut pas confondre avec le matriarchat, par-
faitement conciliable avec l'autorité du père de famille.
M. d'Arbois de Jubainville qui la repoussait, avec raison, en
ne tenant compte que des lois irlandaises, a mis le rôle de
l'oncle en relief dans son substantiel opuscule sur La Famille
Celtique.
Il en cite un exemple du ive siècle avant notre ère : Ambi-
catus Biturix confie le commandement de deux armées dont
il envoie l'une conquérir l'Italie, et l'autre le pays qui est
devenu la Bohème, à ses deux neveux, fils de sa sœur. Le Calé-
donien Lossio Veda, dans une inscription du 111e siècle trou-
vée à Colchester, donne pour toute filiation : nepos Vepogeni.
Un Britton,dans une inscription funéraire du ive siècle, décou-
verte à Winsford'Hill, Somersetshire, se trouve suffisamment
qualifié par : Carataci nepus \. L'hagiographe aurait pu correc-
tement, en faisant un peu d'archaïsme onomastique, se con-
tenter de l'épitaphe : Senaci nepos, mais j'y pense : pourquoi
M. Fawtier, si exigeant pour le moine dolois, ne lui reproche-
t-il pas de n'avoir pas fait connaître son propre nom ?
M. Fawtier {Vie, p. 75) qui soumet l'hagiographe à un
interrogatoire des plus serrés (on dirait d'un confesseur vis-
à-vis d'un pénitent peu communicatif), demande encore pour-
quoi il est allé prendre dans des litanies le nom du père et de
la mère de Samson, Ammon et Anna. Il faut que M. Faw-
tier ait lu bien légèrement son texte, qu'il soit en outre fort
peu au courant de la liturgie, pour lancer d'aussi imprudentes
affirmations.
1. J. Loth, Le sens île nepos dans deux inscriptions latines de Grande-Bre-
tagne (communication à l'Académie des Inscriptions, août 1922).
314 ]■ Loth.
Voici le texte (lib. I, i) : . . . et in nominibus offerentinm ittro-
rumque parentum notnina singula juxta sancti Samsonis allare ad
missctm caulandans légère qnainmullis vicibus audivi '. 11 s'agit
très évidemment de diptyques dont la lecture faisait partie de
la messe. « Rien n'est plus naturel que ce mémento des parents
de Samson à la messe célébrée près du tombeau du bienheu-
reux 2.» Forcé de reconnaître son erreur 3 M. Fawtier n'est pas
cependant satisfait (Réponse, p. 7-8) : « l'auteur ne dit pas que
ce soit à Dol et le fait qu'il emploie la première personne semble-
rait indiquer que cest lui et non son ou ses auditeurs, qui a entendu
celte lecture des diptyques. Dans ce cas, la valeur de cette confirma-
tion par un texte connu de tous les auditeurs disparaît. » L'auteur
ne dit pas que ce soit à Dol, parce que cest évident ; il est évi-
dent aussi qu'il n'était pas seul à entendre la messe, à moins
qu'à ce moment les assistants n'aient été frappés de surdité;
il serait cruel d'insister. Comme me le fait remarquer l'abbé
Duine, il n'y avait qu'une messe de communauté au
vie siècle ; c'est plus tard que tous les moines ou la plupart
du moins se mirent à célébrer la messe quotidienne.
J'ai soutenu que les noms d'Ammon et d'Anna étaient cel-
tiques, en citant à l'appui plusieurs inscriptions de pays cel-
tiques ou ayant fait partie de ce qu'on a appelé l'empire cel-
tique au moment de sa plus grande extension 4. M. Fawtier
constate l'existence du nom de Ammo (Amtnonis, Ammonï) dans
quatre inscriptions (à Alkofen, Allemagne ; Penalva de Cas-
1. Le ms. R donne une variante intéressante : offerendis : la messe, en
gallois comme en breton, se dit offeren du latin offerenda : mais offerentium
est la bonne leçon : il désigne ici les officiants ; le gal'ois offririat ou yffeir-
ial, a le sens de prêtre. Un ms. a in ore omnibus; le texte correct serait peut-
être : in ore omnium offerenlium : ou : et in omnibus offerendis.
2. Duine, Compte rendu, p. 338. M. Fawtier (Réponse, p. 9) fait observer
à l'abbé Duine qu'il ne s'agit pas du tombeau du saint ; aussi l'abbé Duine
n'a-t-il pas traduit ainsi *allare, mais l'a interprété ainsi. Il est évident
qu'ici c'est équivalent.
3. M. Fawtier (Réponse, p. 8) prétend que dans les diptyques que nous
possédons, il n'a vu aucun cas analogue à celui que rapporte la vifa. Il
n'avait pour se convaincre du contraire qu'à lire des diptyques du VIe siècle,
par exemple, chez Migne, P. L. 18, col. 395-398 (note de l'abbé Duine).
4. La vie plus ancienne des Samson, p. 13-15. Amiiius que l'on trouve
aussi a vraisemblablement la même origine que Ammon.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 315
tro, Espagne ; la Foux en Remoulins ',Gard; Irsch, province
de Trêves : inscription mutilée). La liste de M. Fawtier est
incomplète. Il eût trouvé dans le supplément de Holder : Amo
(Tours) CIL. XIII 1010, 2944 bis, Amo (Bavai) 3044 b, Amo
(près de Tongres) 30515. Voilà donc sept exemples à'Ammo
ou Amo, dont six au moins en pays incontestablement ancienne-
nement celtiques. Celle de la Foux est particulièrement inté-
ressante : Esâggorix Ammonis f. ApoUini. Rien de plus cel-
tique que le nom du fils. M. Fawtier s'en tire bien simple-
ment : c'est le cas d'un Gaulois dont le père avait pris un nom
romain : celui de Jupiter Ammon ! Ce serait donc là, logi-
quement, l'origine du nom des six autres Amnio des inscrip-
tions ? Pour Anna, M. Fawtier, tout en constatant que ce nom
se trouve dans quatre inscriptions d'Espagne, deux de Serbie,
une de Dalmatie, une de Bordeaux, deux de la province de
Trêves, nie aussi sa celticité. Il veut bien admettre que des
Celtes aient porté ces noms, « mais conclure que ces noms
sont celtiques, c'est exactement comme si de ce qu'en temps
de crise russophile le nom d'Olga fut donné à un certain
nombre de fillettes françaises, on voulait conclure qu'Olga est •
français ». Nous savons au moins d'où vient Olga ; si les noms
d'Ammon et Anna que l'on trouve sur des points fort éloi-
gnés du domaine celtique ne sont pas celtiques, que M. Faw-
tier veuille bien nous dire où les Celtes les ont pris. Il triomphe
de ce qu'on ne les a pas trouvés jusqu'ici dans l'île de Bre- *
tagne : je le renvoie à ce sujet aux Inscript. Britanniae lût.
d'E. Hùbner, quoique le nombre des inscriptions latines de ce
pays se soit depuis l'apparition de cet ouvrage sensiblement
accru. Il y verra que les seuls monuments abondants de la
Bretagne romaine sont militaires, que les manifestations de la
vie civile, sans excepter les Instrumenta domestica, sont plus
rares que dans les autres provinces de l'empire romain. A côté
d'Anna, des inscriptions donnent aussi 2 Annicus et même
Anniiis. Les A mmo et Anna des inscriptions n'ont évidemment
1. M. Fawtier (Réponse, p. 6) cite de façon incomplète : moulin de Foux,
Gard.
2. Mon confrère M. Blanchet en a trouvé des exemples dans V Année
èpigraptnque (Revue Archéologique).
3 ié /. Lolh.
rien à voir avec la Bible. L'exemple le plus ancien de l'in-
troduction des noms de l'Ancien Testament chez les chrétiens
d'Occident est de la fin du ive siècle ; il y en a un autre de
406 (Dictionnaire de Montigny, p. 236, 516).
Dans sa Réponse, p. 5, M.Fawtier fait la remarque que j'ai
insisté particulièrement sur la celticité de ses noms. Au point de
vue linguistique, j'ai apporté les arguments qui me paraissaient
militer en faveur de leur origine celtique : je viens, je crois,
de les renforcer encore, mais je n'y attache pas la moindre
importance au point de vue de la sincérité de notre hagio-
graphe : qu'ils soient celtiques ou bibliques, peu importe. Des
noms de l'Ancien Testament se sont introduits de bonne
heure chez les Brittons, d'après leur vocalisme surtout qui
est celui des mots latins empruntés du Ier au v° siècle de
notre ère. Ils remontent dans l'île à l'époque romano-chré-
tienne : le nominatif Salonw dont Yô long final a été traité
comme ô long celtique final, c'est-à-dire a pris la valeur d'/
long en passant par 0 fermé et /'/, a donné le vieux-gallois
Selini, moyen-gallois Selyv. Salomônem est devenu en vieux-
breton Salamùn, breton actuel Salaun ; Samsonem a donné
régulièrement Sam^un, nom courant sur les côtes du Morbi-
han, en particulier à Belle-Ile : cf. Loc-sam^un en Melrand.
Samuel se trouve en vieux-gallois sous la forme SamuiJ, moyen-
gallois Sazuyl. Dejacôbus, on a eu en breton Jegu, Jagtt. Le
nom -gallois Deinioel, breton Denouel remonte à Daniel.
David a donné en gallois et breton Demi. On trouvera plus
loin Jonas.
M. Fawtier m'invite obligeamment, pour achever de me
convertir à l'origine biblique des noms d'Ammon et d'Anna,
à parcourir l'Evangile de la Nativité. « Notre auteur a pillé ce
texte, y a pris l'histoire de la conception tardive d'Anna, et
peut-être même l'idée des verges *d'argent. Nous voyonsen effet
dans cet évangile apocryphe Joseph et les autres candidats à la
main de la Vierge venir au temple une verge à la main pour
donner à la prophétie, selon laquelle celui qui devait épouser
Marie verrait sa verge fleurir, l'occasion de se réaliser. 77 ne
me semble pas douteux 2 que notre hagiographe a pris là l'idée
1. On remarquera le crescendo de peut-être à il ne me semble pas douteux.
La vie la plus ancienne de Saint SatHSon. 317
des verges offertes par les parents du saint, seulement il a
donné une coutume celtique analogue ' ». A propos de l'Évangile
de la Nativité, je laisse la parole à l'abbé Duine 2. « J'avoue
ne pas voir la relation qu'il y a entre cet apocryphe et la Vita
Samsonis. D'ailleurs l'Evangile de la Nativité n'emploie pas le
nom d'Ammon. Quant à l'Ecriture, elle n'associe jamais ce
vocable à celui d'Anna. Le seul endroi'toù j'ai réussi à les trou-
ver réunis est la légende de S. Jude-Quiriac, évêque de Jéru-
salem, fêté au Ier mai. Sa mère s'appelait Anna et le martyre
qu'il endura sous l'empereur Julien convertit l'enchanteur
Ammon (encore faut-il observer que Vincantator porte le
nom d'un dieu païen). » Quant à l'emprunt à la Bible de
l'idée de la verge, il faut vraiment être bien à court d'argu-
ments pour le supposer. Il n'y a à peu près rien de commun
entre le récit de la Vit et celui de la Bible. Ce magisler auquel
les parents du saint ont recours pour faire cesser la stérilité
d'Anna, conseille au père d'offrir une verge d'argent de la taille
de sa femme (lib. I, 3). Mieux inspiré {Vie, p. 37), M. Faw-
tier reconnaissait que le sacrifice des verges d'argent est un
rite païen dont on a de nombreux exemples dans le folklore gal-
lois même 3.
Il n'y a qu'un seul point intéressant dans cette querelle :
y a-t-il véritablement parallélisme entre la Vie et la Bible en
ce qui concerne la stérilité d'Anna ? Je ne crois pas pouvoir
mieux faire que de reproduire la réponse que j'ai déjà faite à
cette question 4 : « J'irai jusqu'à admettre que le nom d'Anna
ait induit, non point peut-être Henoc, mais un admirateur du
saint plus éloigné de l'événement à crier au miracle pour la
naissance tardive de Samson et à instituer ainsi un parallé-
lisme flatteur pour le héros, mais, lorsqu'on y regarde de plus
près, on s'aperçoit bien vite qu'on est en présence d'un fait
I. Réponse, p 7.
2. Objections, p. 174. La forme Amtnwn qu'on trouve en moyen-gallois est
une forme relativement récente et littéraire. C. barwn, baron, etc. Régu-
lièrement ont eût eu : Atnmûn.
3. Dom Plaine avait déjà fait la remarque que l'histoire- des verges se
retrouve dans la vie de S1 Brieuc.
4. La vie la plus ancienne de s. S., p. 13-14.
3i8 /. Lotb.
qui n'a rien de surprenant. On a même là, il me semble, une
preuve frappante de la sincérité de Vhagiographe : l'événement
est hors de proportion avec les exagérations du commentaire ;
l'auteur nous donne impartialement l'histoire vraie et la légende.
En effet, si Ammon et Anna sont inquiets au sujet de leur
postérité, c'est qu'Afrella (Aurella), sœur d'Anna, a eu trois
fils, tandis qu'Anna reste stérile, et cependant, nous dit-il, elle
n'était pas plus âgée que sa sœur '. D'ailleurs ce qui le confirme
surabondamment et prouve que les époux n'étaient nullement
dans un âge avancé, c'est qu'après Samson, ils eurent encore
cinq fils et une fille 2. »
Avec un scrupule peut-être excessif en pareille matière,
M. Fawtier, ému du caractère légendaire et folklorique des
exploits attribués à Samson par son panégyriste, a fouillé
jusque dans la littérature Scandinave pour trouver à notre
saint un héros éponyme ! « Il n'est pas impossible qu'il y ait
eu un héros nommé Samson connu à cette époque. Il y eut
bien un peu plus tard Samson le Blond, fils d'Arthur, dont la
saga nous raconte les exploits en Irlande, en Angleterre et
dans le Bretland (Galles et Cornwall) ; on peut avec beau-
coup de hardiesse admettre <me notre rédacteur a enrichi le
saint brittonique des exploits de son homonyme celtique,
peut-être déjà en quelque sorte christianisé sous l'influence du
clergé indigène 3 ». Ce morceau de haute critique littéraire est
accompagné d'une note que je me reprocherais de ne pas
reproduire : après avoir cité les éditions de la saga en ques-
tion, M. Fawtier poursuit : « M. Henry G. Leach a eu l'obli-
geance de traduire pour moi ce texte Scandinave ; je dois recon-
naître que les exploits du fils d'Arthur, à part peut-être un com-
bat contre une sorcière des eaux, n'offrent aucune analogie avec
ceux de notre saint; néanmoins il est curieux de constater que
le théâtre de leur activité est le même 4. » Sans commentaire.
i. Lib. i, 2 : desperato, itaqite femiuei ateri fœtu, non pro aelatis sed natu-
rae inequalitate cum sorore. Je rétablis le texte d'après des variantes. Celui de
M. Fawtier a : desperato itaque feminini itteri fœtum.
2. Et non quatre fils et une fille comme je l'avaisditpar mégarde et comme
M. Fawtier me le fait remarquer.
3. Vie, p. 77-78.
4. Note 2 à la page 77.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 319
Je signalerai à M. Fawtier un autre homonyme de saint, et
cette fois dans te Pays de Galles : Samson Vinsych l ; mais pour
lui épargner une déconvenue, je m'empresse de déclarer qu'il
n'a rien de commun avec le nôtre.
A propos du nom de Henoc, je crois devoir citer intégrale-
ment la remarque de M. Fawtier dans sa réponse p. 8, note 6,
parce qu'elle est caractéristique de ses procédés de discussion
et de son tour d'esprit. « Qu'Henocsoit le nom celtique Senoc,
c'est possible; mais quand M. Loth déclare : « le nom d'He-
noc n'a rien de biblique », il fait erreur : on le trouve vingt
fois dans la Bible, comme on peut s'en rendre compte à
l'aide de la première concordance venue. » Or j'ai écrit :
« le nom du diacre Henoc n'a rien de biblique ; il est d'ail-
leurs hors de discussion. Il remonte à un vieux celtique
*senàco-s (irl. senacli) » et en note, je renvoie aux Inscr. Brit.
Christ, de Hiibner. Il saute aux yeux que j'ai voulu dire que
le nom de Henoc remontant à un vieux celtique stnâco-s (et
non senoc), nom d'ailleurs bien connu à l'époque chrétienne,
ne pouvait être assimilé à son quasi-homonyme de la Bible.
M. Fawtier affecte de n'avoir pas compris : il insinue que je
ne connais pas le nom biblique et que je n'ai jamais ouvert
une Bible ! je serais en droit de lui dire qu'il' est impertinent :
je me contenterai de lui prouver qu'il est léger et imprudent.
La forme Henoc est excessivement rare dans la Bible : il n'y
en a guère, je crois, qu'un exemple : Eccli : XLIV, 16 : Henoc
placuit... La forme courante est Henoch (Genèse : IV, 17,
18; V, 18, 19, 21, 22, 23; XXV, L; Exode : VI, 14;
Nombres : XXVI, 5 ; Eccli. XLIX, 16). Cf. Epître aux
Hébreux : XI, 5 : Henoch ; Epître de Jud, 14 : Enoch.
Dom Gougaud (Chrét.celt., p. 261) remarque que l'exception-
nel destin d'Elie et Enoch a extrêmement frappé l'imagination
celtique. Il donne (p. 263) des preuves de la circulation du
fameux livre d'Enoch chez les Celtes. Le fragment d'une
version de ce livre, ajoute-t-il, s'est conservé dans un manu-
scrit du vme siècle, d'origine bretonne. En vieil irlandais, on
trouve Enoch et Enôc 2 (-6c imité de la terminaison irlandaise
1. J. Loth, Mab., 2e éd., I, 267.
2. Whitley Stokes and Strachan, Thésaurus palaeob., I, 496, 505 ; II,
309;
320 /. Loi h.
bien connue -oc). En gallois, on peut citer Enoc (Livre de
Taliessin, Skene, Four anc. books of Wales, II, 123, 18).
Même page de la Réponse, note 3, à propos d'Umbraphcl,
M. Fawiier me rappelle aux saines méthodes linguistiques :
« je doute d'ailleurs qu'un nom quelconque soumis au traitement
auquel M. Lot h soumet celui d' Umbraphèl ne donne quelque chose de
brillonique ». Cette fois, c'est surtout de l'outrecuidance. Tout
celtiste, versé particulièrement dans l'étude du brittonique,
décomposera ce nom comme moi : il n'y a d'incertitude que
pour le sens et peut-être la forme de -phel. Les composés en
ambi-ro, forme vieille brittonique de umb-ra, sont bien connus
aussi bien en goidélique (*ctnbi-ro-) qu'en brittonique. La con-
servation de b est un trait archaïque intéressant. Au surplus, je
me suis assez clairement expliqué au sujet de ce nom pour
tout esprit ' attentif, sans qu'il soit nécessaire d'insister.
M. Fawtier (Réponse, p. 1-10) résume d'une façon incom-
plète et inexacte ce que j'ai dit du nom de l'évêque Tiger-
nomalus. « Selon M. Loth, ce nom se trouve avec la même
forme... dans une inscription chrétienne... du Cornwall 2...
les caractères, d'après Hùbner, sont du vii-vme siècle. M. Loth
remarque d'ailleurs lui-même que l'on trouve la forme Tiger-
nomaglus dans la vie de saint Paul Aurélien écrite en 884
par Wurmonoc. On ne peut donc se servir de la forme Tiger-
nomalus pour dater la VitaSamsonis du vi-vne siècle plutôt que
du ixe. » Le fait que le nom se trouve avec la même forme à
peu près à la même date, dans une inscription chrétienne du
Cornwall — fait déjà fort intéressant à constater — m'a fait
tout justement douter qu'il faille assimiler Tigernomalus à
Tigernomaglus : « il n'est cependant pas sûr que le second
terme soit maglo-s (chef), en raison de la concordance de la
forme comique et de la forme bretonne, évidemment indépendantes
l'une de l'autre \ » Contrairement à ce que les lecteurs de
1 . La vie la plus ancienne de s. S., p. 16.
2. Je l'ai citée : Conètoci fîli Tigernomaltif (La vie la plus ancienne de \. S.,
p. 18).
3. Une faute dans l'inscription latine pour un nom aussi connu est invrai-
semblable. On peut penser à un second terme -amali pour samali-, sem-
blable. Ces composés sont très communs en irlandais. En vieil irl. on a
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 321
M. Fawtier pourraient supposer, je n'ai pas fait état de la forme
Tigernomalus pour dater la vie.
Dans mon étude sur la vie la plus ancienne de saint Samson,
j'avais impartialement fait remarquer que la forme Guedianus,
nom du chef des adorateurs de la pierre levée en Cornwall, ne
pouvait guère être antérieure au ix-xe siècle, plus exactement
à la première moitié du ixe siècle ', et qu'il y avait là, à rien
juger que par les manuscrits, un argument en faveur de la thèse
de M. Fawtier. Mais l'abbé Duine m'ayant rappelé que la
forme Widianus existait dans la vita secundo, du ixe siècle, j'en
avais conclu que les manuscrits dont s'était servi l'auteur de
cette vie et Baudry 2 même étaient plus anciens que ceux sur
lesquels repose actuellement \z prima. M. Fawtier déclare tout
net que le rédacteur de la secundo, est un moine neustrien et
qu'il n'y a pas à tenir compte de la forme Widianus, les
scribes francs contondant constamment gu et un. Il va même
plus loin : s'emparant de la chronologie que j'ai indiquée
pour Guedianus, il y voit une confirmation de sa théorie.
« En définitive, si l'on doit attacher quelque importance à
la graphie de ce nom, nous avons le fait indiscutable des
17 manuscrits de la rédaction B (rédaction la plus ancienne),
nous ayant conservé le passage où intervient le comte cor-
nouaillais, qui tous l'appellent Guedianus, forme qui ne peut
être antérieure au ix-xe siècle 3. »
encore conscience du sens de -amail, mais le mot, en réalité, est devenu un
vrai suffixe : irl. -moderne : tighearnmhail (*tigeruo-saniali-), impérieux,
dominateur (semblable à un chef, primitivement). Notre Tigernomalus, dans
ce cas, devrait s'écrire Tigernatnalus. En vieux breton, il y a de ces com-
posés : Uur-hamàl, Uuiu-hamal (cart. Redon); cf. Book of Lelandav : Gur-
haval. Hamal, moyen bret. haval était usité isolément dans le sens de sem-
blable, d'où, par conscience étymologique, la conservation de h intervoca-
lique pour s. Mais il est fort possible qu'à une époque plus reculée, dans des
composés remontant au vieux celtique, s ait complètement disparu. Dans
les inscriptions oghamiques les plus anciennes (v* siècle), il n'v a plus trace
de s intervocalique.
1. L'exemple le plus ancien de gn- pour un- est de 835 dans le
Cart. de Redon, très riche en noms commençant ainsi : Guor-gomed ; cf.
834 Gulugan.
2. Baudry a pris le nom dans la secunda.
3. Réponse, p. 9.
Revue Celtique, XXXIX. 2j
322 /. Loth.
Je vais étonner M. Fawtier en lui prouvant qu'il n'a jamais
été plus mal inspiré : défaut de méthode, absence de critique
sur le texte même, conclusion hâtive, faussée par une étude
incomplète de la question en cause : voilà ce qui ressort de
son argumentation ; en un mot en raccourci les principaux-
défauts de sa thèse. Tout d'abord, l'accord des 17 manuscrits
prouverait qu'ils remontent à un manuscrit unique, et se sont
copiés les uns les autres. S'ils remontaient à des sources diffé-
rentes et donnaient des versions indépendantes, leur accord
sur la forme du nom en question serait plus impressionnant
et l'argument aurait plus de poids, sans être le moins du
monde décisif. Or M. Fawtier ne nous donne qu'un aperçu
très sommaire de ses 17 manuscrits; il n'a pas essayé de se
rendre compte des rapports de dépendance où ils peuvent se
trouver vis-à-vis les uns des autres et notamment vis-à-vis du
manuscrit de Metz. Ensuite, si la forme Guedianus est bien du
IXe siècle, il ne s'ensuit nullement que la vie le soit. L'abbé
Duine lui fait remarquer à ce propos qu'il pourrait -tout aussi
bien rejeter au ixe siècle (et plus sûrement au xe) la Vita Colum-
bani de Jonas de Bobbio, mort dans la deuxième moitié du
vnc siècle, car elle mentionne un disciple breton appelé
Gurgar, forme contemporaine de Guedian, comme Wrcar
serait une forme contemporaine de Widian '. La critique de
son propre texte, pour ne pas dire la critique des textes en géné-
ral si nécessaire cependant en hagiographie, ne paraît pas
préoccuper M. Fawtier, comme j'ai eu déjà le regret de le cons-
tater et comme j'aurai encore l'occasion de le faire. Mainte-
nant la forme Guedianus comme la seule sincère et en tirant
argument en faveur de sa thèse, il devait se demander si son
texte ne recelait pas quelque autre exemple de ce genre de
graphie. Or, il y en a un au chapitre premier du livre pre-
mier, qui prouve, sans conteste, que la forme sincère est non
pas Guedianus mais Wedianus. On y lit que le père de Samson,
Ammon est d'une famille Demetienne (Demetiano ex génère) et
que sa mère Anna est originaire: Dementia (ms. de Metz);
Deventia, (9 mss.). La leçon qu'il faut rétablir est Deuuentia,
1. Objections, p. 176 et note.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 323
décomposer en : de Uuentia : elle est de la province de
Gwent : sur ce point tout le monde est d'accord. Ce qui a
empêché le changement de Uuentia en Guentia, c'est que les
scribes qui ont rajeuni Wedianus en Guedianus ont pris deuuentia
pour un seul "mot, pour un nom propre Deuuentia l. J'espère
que M. Fawtier ne se croira plus obligé désormais de soutenir
contre toute vraisemblance que le rédacteur de la secundo, est
un moine neustrien. On ne saurait, en effet, suivant l'expres-
sion de l'abbé Duine, commettre une erreur plus achevée et,
on pourrait ajouter, moins excusable. « Le critique oublie que
nous avons insisté plusieurs fois, depuis la publication dont
il présente aujourd'hui la défense, sur le caractère entièrement
dolois de la secunda et il oublie, chose plus grave, que cette
rédaction de la seconde moitié du ixe siècle aurait été écrite
difficilement à Pental, monastère ruiné et ravagé par les Nor-
mands en 851 ». Pour saisir l'origine doloise de la seconde
rédaction samsonienne, il suffit de remarquer avec quel soin
l'hagiographe inscrit le nom de la petite rivière qui passe
auprès du monastère, et la légende du puits de la cathédrale,
et l'étymologie en calembour du nom de la localité. Il aug-
mente le nombre des miracles dans l'église ou dans la région
de Dol. Il insiste sur les rapports du bienheureux avec la
royauté bretonne et sur la reconnaissance de la métropole
nouvelle par l'autorité impériale du roi de Paris ; aussi, c'est
la secunda qu'a suivie le poète dolois du commencement du
Xe siècle; c'est la secunda que les clercs dolois ont répandue dans
leur exil ; c'est la seule qu'ils aient gardée dans leur exil ; c'est
celle qu'a retouchée littérairement l'archevêque Baudry; c'est
celle dont les manuscrits se rencontrent à la périphérie de la
Bretagne 2.
Je viens de faire la preuve qu'il a existé des manuscrits plus
anciens que ceux que nous possédons. Je signalerai à l'appui,
1. Il faut remarquer que pour Ammon, une ligne plus haut, on lit qu'il
est : Demetiano ex génère et que ex manque dans 6 mss. Les formes correctes
au lieu de Demetia et Uuentia seraient : Demetâ ou Denietâs et Uuentd ou
Uuentâs. Gwent représente Venta. La forme v. gall. Démet, moyen gall.
Dyved suppose également Demetâ.
2. Objection p. 176.
524 /• Lotk.
dans la table des chapitres du livre premier, le nom Preïannia
(mieux Pretania), forme très archaïque et parfaitement correcte
du nom indigène de l'île de Bretagne '. Elle a été évidem-
ment prise pour un barbarisme par les scribes de nos manus-
crits et remplacée dans le corps de l'ouvrage par la forme cou-
rante Britannia. On la chercherait en vain dans le Book of
Llandav et dans les Lives of Cambro-briîish saints. J'irai plus
loin : on peut affirmer sans trop de témérité que nous ne
possédons pas la rédaction primitive dans toute sa pureté.
Dans une lettre récente, M. l'abbé Duineme donne les raisons
qu'il a lui aussi de croire à une rédaction antérieure. « Je
croirais volontiers que l'amplificateur du vne siècle qui a fait
son travail en deux fois (la deuxième partie n'est qu'un
sermo) n'a pas développé toutes les indications qu'il avait sous
les yeux. Ainsi n'a-t-il rien dit du contrat de Saint-Germain-
des-Prés avec Pental (Vilasec. lib. 2, c. 10, 11), contrat qui
devait être mentionné dans la vita primigenia, car le synchro-
nisme est exact, et il est inouï de trouver un synchronisme
exact dans les vitœ qui ne sont pas à peu près contemporaines
du héros. On trouve des fautes chronologiques même dans
des pièces comme les Gesta sanctorum rolonensium. Et la meil-
leure preuve que l'Anonyme s'est lassé dans ses efforts de
rédaction, c'est qu'il n'a pas littérature tout ce qu'il avait sous
les yeux, par exemple la mort du saint (et la secunda au con-
traire, n'a pas manqué de faire le morceau que la primdawah
négligé). La prima annonce la destruction de 4 serpents,
mais ne s'arrête à peindre que le cas de 3 serpents. 'Évidem-
ment l'auteur faisait du développement et trouvait que c'était
très difficile. Vers la fin du liber I, il marche plus rapidement
et peut-être en quelques endroits ne fait-il que reproduire la
notice plus brève du diacre Henoc ».
Il y a aussi dans la rédaction que nous possédons des traces
évidentes de remaniements et d'interpolations. Le miracle de
la colombe envoyée du ciel, se posant sur la tête du saint
1. Cf. p. Loth, La première apparition des Celtes en Gante et (tans l'île Je
Bretagne, Revue Celt., 1922. Deux des mss. de M. Fawtier seulement donnent
la table des chapitres qui paraît assez altérée. L'abbé Duine me fait
remarquer : ad a mores pour ad Ammonem (Fawtier, Vie, p. 93, ligne 8).
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 32^
pendant qu'on l'ordonne diacre, est reproduit dans le récit de
l'ordination épiscopale dans des termes parfois absolument
semblables, mais avec de curieuses différences : le narrateur
a voulu mettre un peu de variété dans la réédition qu'il en
donne, son imagination est courte : je mets les deux textes
en regard :
-?>'
LIB I. 13 LIB I. 44
Vidit sanctus papa una cum magis- Omnes ibi adstantes viderunt
tro Eltuto columbam avlilus emissam columbam œlitus emissam vocem s
per fenestram sursum apertam des- consuetam reddere atque super euni
cendere ■ et super Samsonem, non ut tamdiu immobiliter stare usquequo
est moris avi, fugitare vel volitare, perfunctus + perfecte est atque ordi-
sed semper sine ullo penniculi mo- natus episcopus, non ut est avibus
tu, discurrentibus ubique - per ecclè- moris, pro adstantium tumultu et
siam ministris immobiliter stare. pro ministris per ecclesiam discurren-
tibus loco movebatur.
On remarquera que le miracle de la colombe, lors de l'or-
dination épiscopale, est vu par tons les assistants. Mais il s'en
produit aussitôt un autre, qui lui n'est vu que par trois privi-
légiés (lib. I, 44): caillante autemillo ÇSamsone) eodem die mis-
sam praesentibus omnibus, visumest Dubricio papae et duobus egre-
giis monachis quasi igncin de ore ac naribus erumpere atque,
quod est majus omnibus, ab eo die quando présbyter fuit usque ad
felicem fiiiein suum, quando missam cantabat, angeli semper Dei
sancti minisiri altaris ac sacrifiai apud ipsitm fiebant oblatio-
ncmque cum suis manibus illo solo vidente frangebant .
Ce dernier miracle eût été à sa place dans le récit de l'ordi-
nation de Samson comme prêtre : on le chercherait en vain
dans le chapitre qui en traite (lib. I, 15). C'est une addition ou
transposition évidente. Le miracle de la colombe en revanche,
y est rappelé ; quale signum quod cœlitus visum est quando dia-
1. Manque dans texte : var. descendere dans 3 mss.
2. Var undique.
3. Texte : vicevi ; var. vocem.
4. Il v a plusieurs variantes à perfunctus très voisines Tune de l'autre; j'en
cite une : quoadusque ordinatio episcopalis expleretur atque ita ordinatus
episcopus est (L. M.). Ce sont des explications de perfunctus est qui est la
bonne leçon : cf. lib. I, 43 ; perfuncto itaque ab eis seatiuliini iiioreiu inlegro
episcopo.
326 /. Loth.
conalus accepit officium, laie cl ia m quando presbiteratus functnrain
accepit, isdem tantum tribus quibus prius fuerat visum compa-
rait. Il est plus compliqué lors de l'ordination au diaconat. En
effet, tout d'abord, la colombe lorsqu'elle se pose sur la tête
de Samson, n'est vue que de Dubrice et Eltut. Elle n'est vue par
trois personnes que lorsqu'elle se place sur l'épaule de Dubrice
pendant qu'il lève la main pour le confirmer diacre '.
Le comte Guedianus ayant prié Samson de le débarrasser
d'un serpent qui désolait la contrée, Samson, avec un seul
compagnon, se rend à l'antre du serpent sur le bord d'un
fleuve, y pénètre, lui jette autour du cou sa ceinture et le
précipite d'une grande hauteur en le condamnant à mort au
nom de Jésus-Christ. Pour reconnaître ce service, le comte
fait bâtir un monastère près de l'antre (lib. I, 80). Ce miracle
est reproduit dans ses principaux traits, dans le récit de la
fondation de Pental. Le roi Childebert, qui a entendu parler
de l'histoire du serpent du Cornwall, et qui lui aussi voit ses
domaines ravagés par un serpent également, demande à
Samson de l'en délivrer. Celui-ci, avec deux compagnons, se
rend à l'antre du monstre situé près de la Seine (Sigonam). Il
somme le serpent de venir le trouver, lui jette son pallium
autour du cou, l'entraîne et lui ordonne de traverser la Seine
et de se cacher sous un rocher. Le roi reconnaissant fait édifier
//;/ magnifique monastère à l'endroit où Samson avait chassé le ser-
pent (lib. I, 58, 59). Il est clair que le nom du monastère
devait se trouver dans la rédaction primitive.
Il y a aussi d'évidentes lacunes. J'en ai signalé une impor-
tante plus haut d'après l'abbé Duine. Il y en a d'autres si on
se rapporte à la secunda 2.
1. Et non solum hoc, sed etiam episcopo manum ad firmandum eum
diaconem super eum levante, illa, quod est mirabilius, colurriba, cxtitus, ut
jam dixi, emissa in scapulam dexterte ejus, descendit et, ibi constanter
mansit tamdiu donec officium ab episcopo consummaretur totum. Hoc
nemini in eccksia admirabile fuit quippe quia non i ni visibile fuit nisi tan-
tum episcopo ac magistro supradicto cl uni iiçicono qui calicem tenebat. Le texte
porte levanlon ; var. levante. Au lieu de ibi le texte a : ibit ; aucune variante
n'est cependant indiquée. (Lib. 3, 13). Jam dixi est à noter.
2. Sur la valeur de la secunda, cf. J. Loth, La vie la plus ancienne de
s. S, p. 2-3.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 327
Eltut joue un rôle important dans la formation et la vie de
Samson. On s'attendait à voir mentionner sa mort peu de
temps après l'ordination de son disciple à la prêtrise et aussitôt
après son passage au monastère de Piron, en tout cas avant
son élévation à l'épiscopat. Il disparaît brusquement de la
scène. C'est au contraire, aussitôt après que Samson enfant
lui a été confié, que l'hagiographie nous fait le récit de la mort
du vieillard accompagnée de circonstances merveilleuses (lib.
I. 8) : il tient ses renseignements des moines du monastère
d'Eltut où il nous dit avoir été lui aussi (ibid. 7).
L'hagiographe ne mentionne pas davantage la mort de
Dubrice qui, il est vrai, a pu avoir lieu après l'émigration de
Samson.
Les redites et incohérences de la vie, les lacunes même,
peuvent être mises sur le compte de la tradition orale dont les
méfaits, chez les écrivains les plus sincères, ont été maintes
fois constatés '.
Mais il n'est pas moins incontestable, d'après ce qui pré-
cède, que nous ne possédons pas la rédaction du moine de
Dol, vivant dans le même monastère avec le vieillard octogé-
naire, neveu de Henoc, dans toute son intégrité. Y! ancienneté
de la Vie n'en est pas atteinte, mais je ne me dissimule pas
que son autorité, dans une certaine mesure, surtout pour des
faits d'importance secondaire, en est quelque peu diminuée.
C'est avec une singulière disposition d'esprit, semble-t-il,
que M. Fawtier aborde la question des voyages de l'hagio-
graphe aux lieux habités ou visités par Samson en Galles et
1. La mémoire est en jeu chez celui qui rapporte les faits soit par ouï-
dire soit comme témoin oailaire, et chez celui qui les recueille et les met
par écrit ; double source d'erreur, même si les souvenirs sont ri1 cents. «La
mémoire même la plus sûre et la plus tenace, est toujours fuyante par
quelque endroit et en même temps invinciblement créatrice. Je sens que je serais
fort empêché, à l'heure qu'il est, de raconter avec fidélité, les choses de
mon enfance et de ma jeunesse et les faits même où j'ai été le plus direc-
tement et le plus douloureusement intéressé. — Tout acte de la mémoire
altère son objet. — Personne n'est seulement capable d'écrire avec vérité
sa propre histoire, il arrive même que, de très bonne foi, nous donnions
successivement de notre vie, des versions différentes ». (Jules Lemaître.
Contemporains, sixième série, p. 98-99.)
328 /. Loi h.
en Çornwall. On dirait qu'il assimile le moine de Dol à un
voyageur moderne partant pour un voyage d'exploration à la
recherche des traces d'un personnage depuis longtemps disparu,
dont le souvenir était à peu près complètement effacé : tel cer-
tain jeune savant, intimement connu de M. Fawtier, qui n'a
rapporté de son expédition dans les mêmes contrées que des
hypothèses et des racontars topographiques. Les conditions
étaient tout autres pour l'hagiographe. Les relations entre
Dol et l'île devaient être continuelles, intimes. Notre moine
n'allait pas à l'aventure, son itinéraire était tout tracé. Il n'al-
lait pas dans un pays étranger : dans l'île bretonne il trouvait
la même langue, les mêmes mœurs, des traditions et souve-
nirs communs, de communes aspirations, les mêmes habitudes
religieuses.
Bien des siècles après, les rapports ont continué, presque
aussi intimes entre l'Armorique bretonne et le Çornwall. J'ai
prouvé, dans la Revue Celtique, d'après un document officiel,
qu'au temps même de Henri VIII, le cinquième de la popu-
lation mâle susceptible de payer l'impôt dans la Hundred de
Penwith, était originaire d'Armorique.
D'après M. Fawtier, l'hagiographe ne nous apprend guère,
en dehors de quelques traditions folkloriques, que des légendes
topographiques r. Il me semble, au contraire, que ce que veut
nous faire connaître notre Dolois, est suffisamment précis. Il
n'est pas allé en Irlande, quoique les relations entre ce pays
et le pays de Galles fussent faciles et continuelles. Le Sud de
Galles avait reçu des colonies scotiques. On admet comme un
fait certain l'immigration dans cette zone, vers le IIIe siècle de
notre ère d'une importance fraction de la tribu des Dési.
La Cell Maine, le Mouiit du vieux gallois, plus tard Mynyw
(Saint David), est mentionné fréquemment dans les vies des
saints irlandais. La vie légendaire de saint David nous l'y
montre en lutte avec un magus et satrapa, Scotus génère, du
nom deBoia. Certaines inscriptions oghamiques où paraissent
i. J'avais pense que M. Fawtier mettait en doute la réalité du voyage de
l'hagiographe. Il me fait remarquer qu'il n'en est rien (réponse, p. 70).
M. Fawtier est vraiment bien indulgent ; s'il a affaire à un faussaire, pour-
quoi l'admettre ?
La vie la plus ancienne de Saint Santson. 329
des noms incontestablement irlandais prouvent la persistance
au v-vie siècle de certains éléments de cette nation ou peut-
être des établissements nouveaux, sporadiquement, dans le
Sud \ C'est en Galles que l'hagiographe a appris qu'au cours
de son voyage en Irlande Samson avait séjourné in arce Etri 2.
Suivant une suggestion de mon ami R. I. Best, le savant
bibliothécaire de la national Library de Dublin, j'ai pu l'iden-
tifier avec un des endroits les plus célèbres de l'Irlande, Dûn
Ét(a)ir{Dûn Ed(a)ir), aujourd'hui le promontoire de Howth,
à l'extrémité de la baie de Dublin. Benn Edair est également
bien connu et devait désigner plus spécialement le sommet
du promontoire {benn, pointe). Raith Edair est également
dans le voisinage.
Dûn Édair répond parfaitement aux données de la Vita.
L'arx Etri était sur les bords de la mer ; Samson s'y embarque
et retourne dans le Sud du pays de Galles vento aquilone; sa
navigation dure deux jours. M. Fawtier veut bien avouer qu'il
est très probable que j'ai raison.
Passant de Galles en Cornwall, Samson, par une navigation
heureuse arrive ad monasterium Docco (var. Doccovf) \ Il avait
ses raisons pour s'y rendre. Il y avait, en effet, un monas-
tère du même nom dans le Pays de Galles, qui a subsisté long-
temps, le souvenir en reste encore fort clair dans le nom de
deux paroisses : Llan-Docha Fawr (Llan-dochau le Grand) et
Llan-docha Fach {Llan-dochau le Petit) près de Cowbridge.
1. M. Fawtier remarquant {Vie, p. 40) que l'alphabet qu'apprend Samson
contient vicenas eleas, c'est-à-dire vingt kl 1res, en admettant que eleas soit
une abréviation d'ekmenta, a supposé qu'il s'agissait de l'alphabet ogha-
mique, qui comptait 20 lettres. Il n'est pas prouvé que cet alphabet ait
compté exactement vingt lettres (John Macneill, Notes on ir. ogh. [user. :
Proc. oftbe roy. Ir. AC. XXVII, S. C. no 15) ; vicenas comme en convient
M. Fawtier, ne signifie pas vingt ; eleas pour elementa est bien risqué :
s'agirait-il de la numération par vingt ? Eteas rappelle le vieil- \x\-èle, prière,
incantation (Windisch, Tain bô Cûalngne,p. 344).
2. Etri, avec e long, remonte à une forme plus ancienne *Entri. Le
groupe intervocalique nt, dans les inscriptions oghamiques les plus anciennes
(ye siècle), est réduit àd. Dans les inscriptions bilingues du Pavs deGalles,
en latin, nt réduit est écrit t, comme plus tard en vieil-irlandais.
3. Les chartes du Bookof Lhuiâav mentionnent comme témoins plusieurs
330 /. Lolh.
Saint Docco était abbé et évêque d'après les Annales
d'Ulster à l'année 472 : quies Docci episcopi sancti abbatis Brilo-
num. Le monasterium Doccovi du Cornwall était sans doute une
filiale du monastère gallois. On fait généralement débarquer
saint Samson dans l'anse de Padstow, dans l'estuaire de la
Heyl sur la côte Ouest. J'ai montré que les objections de
M. Fawtier à cette opinion étaient sans valeur '. Ce n'est
pas cependant précisément dans l'anse même de Padstow que
le saint débarque. En effet, quand il se décide à partir pour
l'Armorique et à aller s'embarquer sur la côte est, il laisse son
navire au monastère où il a abordé 2.
Il avait simplement remonté un bras du fleuve qui part de
la rive nord de l'estuaire et atteint la paroisse de Saint-Kew ;
il est navigable jusqu'à Amble et Penpont ; une barque, un
coracle, par exemple, pourrait même remonter un peu plus
loin. Amble esta 1 mille 3/4 de l'église actuelle de Saint-
Kew et 2 milles deLanhoe 5. Les terres même du monastère
pouvaient toucher le fleuve. D'après une vie de saint Petroc,
abbés du monastère de St Dochov ou Docguinn (génitif Docguinni, Docu-
nni ; sur ces formes, cf. f. J. Loth, La vie la plus ancienne de s. S., p. 25) ;
p. 140 Eutigirn, abbas Docguinnî ; p. 145 Saturn abbas Dochou ; p. 147
Sulgen abbas Docguinni ; p. 148 Sulgen abbas Docunni; p. 149 Iudhurb
abbas Docunni; p. 152 id. ; p. 175-8 ; 184-7 Saturn abbas Docunni (id.
p. 198, 196). Un Saturn abbas Docunni signe dans deux chartes avec
l'évêque Trichanus qui paraît avoir vécu au vu Ie siècle. Du temps de
l'évêque Joseph et de son successeur Herwald, sacré en 1049 et mort en
1104, iln'y a plus d'abbé ; il y a un sacerdos ouprêsbyter : p. 249 Tecguaret
sacerdos Docunni; p. 258, id. ; p. 261 (du temps de Herwald). Catguaret
presbiter s. Docunni ; p. 272, Iohannes presbiter S. Docunni. Docha dans
Llan-dochau représente une prononciation populaire de Dochau, v. gallois
Dochou.
1. La vie la plus ancienne de s. S., p. 22-24.
2. Lib. I, 47 : dimittens (texte dimittente, var. dinritteiis) in eodem loco
naveni suant ; cf. c. 46 : audientes autem fratres, quierant in hoc loco ; deux
lignes plus haut, on lit : ad monesteriuin quoi vocalur Docco... felici per<-
irxil ihnere. Inutile de dire que M. Fawtier n'v a rien vu.
3. A ma prière, le Rev. Tho. Taylor avait demandé des renseignements
à ce sujet à son confrère, le Rev. J. D. Jackson, vicar de Saint-Kew. C'est
la communication de ce dernier que j'ai utilisée. On a découvert dans le
vicaraqe même de Saint-Kew une fontaine sacrée (a holy welï), ce qui en
Cornwal n'est pas sans importance.
La vie la plus ancienne de Saint Samson. 331
conservée dans un manuscrit de xv-xvie siècle, très pauvre en
faits précis, Samson aurait séjourné quelque temps dans le
voisinage. Petroc et son compatriote cohabitent quelque temps.
L'ermitage de Samson était situé : secus littus juxta amnem
Hailem : Hail, au moyen âge Heyl, était le nom que portaient
les rivières Camel et Alan (Allen) réunies en rencontrant le flot
de la ;;w(Norris, Comish Dramasll, p. 503).
Echappant un moment à la hantise des légendes topographiques,
M. Fawtier s'était écrié à propos du monasterium Docco :
« voilà une précision topographique ' » mais après de labo-
rieuses investigations, il est allé chercher le lieu d'atterrissage
du saint « sur la côte septentrionale du Devonshire, non loin
d'Ilfracombe, près de la baie de Barnstaple, où commence la
grande voie naturelle, suivie aujourd'hui par la ligne du chemin
de fer Barustaple-Exeler qui mène sur la côte méridionale presque
exactement en face de la région de Dol 2 ». Ce qui achève de
déterminer son choix, c'est qu'il y a là une petite baie portant
le nom du saint : Sampson's Bay : « c'est là, croyons-nous,
qu'il faut chercher le lieu d'atterrissage de saint Samson».
Voilà M. Fawtier, à son tour, victime d'une légende topogra-
phique !
Dans sa Réponse p. ro, note 4, M. Fawtier reconnaît que
dans mon identification de Docco avec Lanowe près de Saint-
Kew, j'ai philologiquement raison, mais cette fort intéressante
identification se heurterait à des difficultés topographiques. « En
effet de Lanowe à Saint-Sampson de Golant, où M. Loth
s'accorde avec moi > pour placer le lieu d'embarquement de notre saint
1. Vie, p. 59.
2. Ibid., p. 60. La ligne Barnstaple-Exeter se raccorde à Exeter avec
d'autres lignes plus importantes.
3. L'étude de M. Fawtier n'est pour rien dans l'opinion que j'ai émise sur
le lieu d'embarquement du saint, pour une bonne raison : c'est qu'Un y a rien
{Vie, p. 60-62). Je me trompe : il y. a le nom de la paroisse de saint Sampson
sur la rivière Fowey, mais c'est encore une légende topographique , J'ai en
revanche, montré que V embouchure de la Fotuey est très vraisemblablement
l'endroit d'où Samson s'est embarqué pour l'Armorique. Au xvie siècle au
témoignage de Lelant, le trajet considéré comme le plus court du Cornwall
en Armorique, était de Fowey au passage du Four. Le souvenir de cet évé-
nement est marqué par le nom de la paroisse de Saint-Sampson, bien connu
332 /. Lotb.
pour l'Armorique, il y a 25 kilomètres ', une petite journée
de marche. Or la Vita indique incontestablement que Samson
fait un assez long voyage pour aller de Docco à son lieu d'em-
barquement. C'est pendant ce voyage que se produit le miracle
de la résurrection du jockey dans le Pagiis Tricurius ; le texte
s'exprime ainsi : quadam autem die cum per quendam pagum
quem Tricurium vocantdeambularetS\ Docco est Lanowe, il fau-
drait que l'hagiographe fût peu au courant de la topographie,
car Lanowe est dans le Pagus Tricurius et en se dirigeant vers
le mare austreum, on sort du Pagus Tricurius, après 10 km.
de marche.
Comme M. Fawtier semble parler sérieusement, je me
résigne à faire taire ses scrupules. Il ne ressort nullement du
texte que Samson se soit proposé de se rendre en droite ligne,
par le plus court chemin, du monasîerium Docco à son lieu
d'embarquement. L'expression cum deambularet indiquerait le
contraire : il n'a pas de contrat fait, avec délai fixé pour le
temps du voyage, avec une entreprise de déménagement, ou
de transports : il voyage avec ses propres impedimenta, assez
sérieux pour s'opposer à une marche rapide : un plaustrum
pour : spiritualia utensilia sua atque voJumina : une voiture
apportée d'Irlande attelée de deux chevaux 2. Il faut y ajouter
par le roman de Tristan. La demeure du roi Marc, Lancien, est dans cette
paroisse, et c'était à l'église de Saint-Samson que Iseut et Marc allaientfaire
leurs dévotions. En face, de l'autre côté de la rivière est Sains-Winnow ;
dans le voisinage sont des paroisses portant le nom de Meiven et Austole,
deux compagnons, dit-on, de Samson, honorés aussi en Armorique. Si
l'hagiographe ne mentionne pas ces lieux, c'est indirectement une preuve
de l'antiquité de ces sources. Les paroisses portant les noms de ces saints
n'étaient pas encore établies ou ne leur étaient pas encore dédiées (La vie la
plus ancienne de s. S., p. 28). Le nom de la paroisse de Saint-Sampson con-
serve le souvenir d'un fait historique ; c'est tout le contraire d'une légende
topographique. Dans les gloses comiques à Smaragdus, gloses du ix<= siècle,
au-dessus de pleps, le glosateur a écrit Galant.
1. De Lanowe à Saint-Sampson (via Bodmiu ; M. Fawtier ne précise pas),
il y a, m'écrit le Rev. Tho. Taylor, 17 milles 1/2. Il faut en compter
3 de plus, c'est-à-dire 20 milles 12 jusqu'à l'embouchure de la rivière
Fowey.
2. Ce détail n'est pas sans intérêt. L'auteur aurait pu en faire état, sans
cloute avec d'autres, pour corser le récit du voyage en Irlande.
La vie la plus ancienne de Saint Samsoti. 333
les bagages de ses compagnons. Divers accidents ont pu
ralentir sa marche, l'obliger à plus d'un détour. Il n'a pu, par
exemple, se soustraire à une oeuvre d'apostolat, comme le
renversement de la fameuse idole et la conversion de ses
adorateurs. C'est après cet exploit qu'il détruit le serpent qui
dévastait le pavs ; un monastère est construit près de l'antre
du serpent et Samson, pendant la construction, séjourne
quelque temps dans l'antre même (Lib. I, 50, 51, 52).
(A suivre.) J. Loth.
TANNOIALUM
Sans prétendre à être complet, Auguste Longnon a recueilli
un assez grand nombre de noms de lieu terminés, sous leur
forme la plus ancienne, en -oialum, et dont le premier terme
est manifestement emprunté au règne végétal : Aballoia-
lum « pommeraie », Cassanoialum « chênaie », Lemoia-
lum « ormaie », Vernoialum « aunaie », etc. '.Je crois
pouvoir ajouter à cette série un type *Tannoialum, dont le
sens, plus que vraisemblable, doit être « chênaie », du radical
tann-, commun au celtique et au germanique2.
De l'existence de ce type onomastique on trouve au moins
deux témoignages assurés :
I. — Dans le département de la Haute-Loire, arr. du Puy,
canton de Vorey, commune de Saint-Pierre-Duchamp, un
hameau porte le nom de Tanai'ts. Les anciennes formes rele-
vées dans le Dict. topogr. de ce département3 sont les sui-
vantes : Tanoiyolh, 13 n ; Tanneol, 13 14; Tanneyol, 1325;
de Tanolio, 1406; Taneoux, Tannoux, 1500; Taneaux, 1522;
Tanayoux, 1695 ; Tanahits, 1820.
Une grande analogie se remarque entre l'évolution de ce
nom de lieu et celle du hameau de Couteaux, commune de
Lantriac, canton de Saint-Julien-Chapteuil, arrondissement
du Puy, pour lequel le Dict. top. donne les formes suivantes :
de Coltejolo, v. 970; villa que dicitur Coltigido, villa Cultiguli,
v. 1100; Villa de Coytcol, 1280; Couteyol, 1283 ; Couteol,
1. Les noms de lieu de lu France (Paris, 1920), p. 65-71.
2. Cf. J. Loth, dans Rev. Ceit., XXIX, 71.
3. Rédigé par Chassaing, complété et publié par Jacotin, 1907.
*Tannoiaîum. 335
Cotuols, 1389; Couteual^, 1455; Couteal^, 1522; locus de
Coutellis, 1525 ; Coteaulx, 1544 ; Couteaulx, 1547.
Couteaux a certainement le même type étymologique que
Couteuges, commune du canton de Paulhaguet, arrondisse-
ment de Brioude, nom pour lequel on trouve, dans le cartu-
laire de Brioude, Cullolole, et ailleurs, plus récemment, Coul-
teughol, 1379, etc. ; finalement Couteuge en 1720. Les auteurs
du Die t. topogr. ont relevé Couteuges, mais non Couteaux et
Tanaiis, dans la liste, très incomplète, qu'ils ont donnée des
représentants actuels du suffixe celtique -oialos1.
IL — Thénioux, dans le département du Cher, arrondisse-
ment de Bourges, canton de Vierzon-ville, figure dans un di-
plôme du roi Charles le Chauve, non daté, mais probablement
de 833, où il est question de la forêt voisine, appelée silvani de
villa Tanologio. Ce diplôme n'est connu que par la transcrip-
tion qu'en donne, au fol. 2, le cartulaire de Vierzon (Bibl. Nat.,
lat. 9865), exécuté vers 1155 2. De là provient, par l'intermé-
diaire d'une copie de Dom Estiennot, l'édition donnée par
Mabillon, Acla sanctorum ordinis S. Benedicti, sasc. IV, pars
2, p. 160. Mabillon a lu à tort : VilJa-Canologio. Le même
cartulaire contient un acte de 1052, où l'église de Thénioux
est appelée ecclesia Tanogilensis. Des textes plus récents donnent
Tenuiî, 1210; Taneolum, 1213 ; Tenoliuin, 1245 ; Teneo, 1462,
etc. 3. Il est certain que la forme Tanologio, du di-plôme de 843,
est due à une métathèse graphique ; cette étourderie se trouve
dans le même acte pour le nom de Mareuil-sur-Arnon, énoncé
Marologio. Est-ce le scribe du diplôme original qui en est res-
ponsable, ou celui du cartulaire de Vierzon ? La question est
insoluble. Toujours est-il que cette métathèse apparaît dans
d'autres actes, dès le xe siècle. Ainsi pour Vouneuil-sur-
Vienne,arr. de Châtelleraut,à côté des formes normales Vode-
nogilo, 909, Vodonogilo, v. 942, nous avons Vodonolo^ium, v.
960. Pour Vouneuil-sous-Biard, canton sud de Poitiers, les
1. Introd., p. iv.
2. Article de M. Jacques de Font-Réaulx, dans les Mèm. de ta Soc. des
Antiq. du Centre, 38e vol., 1919, p. 17.
5. Dict. top. du Cher, par H. Boyer et R. Latouche, article en placards,
dont je dois la communication à mon confrère Latouche.
336 A. Thomas.
scribes hésitent entre Voginolio, 9(89, Vodonolio et Vonoîcgio, 988-
103 1 '. Marvejols, chef-lieu d'arrondissement de la Lozère, n'est
mentionné qu'au xic siècle. Dans un acte daté de 1060, mais
dont nous n'avons qu'une copie de la main de Dom Chantelou
(mort en 1664), on lit : dono villam mcam qnae vocatur Mai-
rogal ; dans un acte non daté, mais qui est de la même époque,
on trouve : in Maroiulio2, et, quelques lignes après, apparaît
la forme purement romane, Maroiol 5.Plus récemment, Maro-
logium est la seule forme latine qu'emploient les documents
officiels 4.
Revenant maintenant à la désinence de Thénioux, je
remarquerai qu'elle est celle du nom d'une commune de la
Creuse, Mourioux, canton de Bénévent-l'Abbaye, arrondis-
sement de Bourganeuf : le cartulaire de Bénévent (entre 1080
et 1125) flotte entre les formes Moriogilo et Moriolo 5. Un
hameau du même départemental, dont le nom s'écrit aujour-
d'hui Boissieux (canton de Chàtelus-le-Marcheix, arrondisse-
ment de Bourganeuf) est ordinairement appelé Boissioux aux
xviie et xvin0 siècles : c'est certainement un représentant du type
bien connu Buxoialum, pour lequel Longnon ne cite que
Bnxcuil (Aube, Vienne) et Bisseiiil (Marne), mais qui se trouve
aussi dans BoisseitiJ (Haute- Vienne) et dans Busseau-d Ahun,
station de chemin de fer, c"e d'Ahun (Creuse).
En terminant, je tiens à mettre le lecteur en garde contre
le rattachement du nom inexpliqué de la variété de chêne dite
lait~jn 6 au radical tann-, que je crois reconnaître dans Tanaiïs
1. Dicl. top. tic la Vienne, par Rédet.
2. Et non Marojulia, comme il est dit dans une Notice historique sur la
ville de Marvejols, signée : L. Denisy (Bull, de la Soc. d'agriculture... delà
Lo%ère,t. XXIV, 2e partie, 1873, p. 64).
3. Bibl. nat.,lat. 13845, f. 36 et 37 v°.
4. Cf. un testament du 18 mars 1256 (anc. st.), où on lit : apud Maro-
logium (Bull, cité, p. 14^) et un acte de décembre 126s, où on lit : super
Castro de Marologio (Layettes du Trésor des Chartes, n° 5 126, t. IV, p. 164-
165).
5. A. Lecler, Dict.top., archèol. et hist. de la Creuse, p. 462.
6. Littré donne tau%e à côté de taurin ; c'est une forme sans réalité. Il
a aussi un article taussin « un des noms vulgaires du chêne cerris, à
Mantes, Beau vais, etc. » ; c'est une altération graphique, sans valeur éty-
Tannoialum. 337
et Thénioux l. Le mot tannin est originairement gascon 2, et je
ne crois pas qu'il soit possible, sans violenter la phonétique,
de le tirer du radical tann-.
Antoine Thomas.
mologique, mais qui doit quelque lustre à sa présence dans Littré (Cf. la
note 2, ci-dessous).
1. Et peut-être aussi dans Theneuil (Indre-et-Loire) et Theneuille (Allier)
2. Cf. Rolland, Flore pop., X, 176-178. Les textes du moyen âge
écrivent taitsin et (dans la région béarnaise) tausii. Il est curieux de consta-
ter que Lespy et Raymond, dans leur Dictionnaire béarnais, traduisent par
« taussin », comme si ce tanssin de mauvais aloi (cf. la note 6, ci-dessus,
p. 336) était un mot du français commun.
Revue Celtique, XXXIX.
CHRONIQUE
DE
NUMISMATIQUE CELTIQUE
Après une interruption de huit années ', je reprends ce
travail de bibliographie critique, qui a paru de nature à
rendre quelques services, et je tiens à remercier d'abord les
directeurs de cette revue, qui ont bien voulu se souvenir de
ma collaboration déjà ancienne.
Au début de cette chronique, je signalerai un ouvrage
général, dont la première partie, publiée de 1867 à 1878, servit
longtemps de guide à ceux qui étudiaient les monnaies cel-
tiques. Les fascicules, récemment publiés, contiennent de
nombreuses indications de provenances de monnaies gauloises,
particulièrement dans le 5e fascicule du tome second2. Mais
plusieurs de ces mentions ont fort peu d'intérêt, à cause du
manque de précision des renseignements. Exemple : « Saint-
Denis, canton de Sens. En 185e, à Sainte-Colombe, dans le
jardin de l'ancienne abbaye, l'abbé Brûlée a recueilli une
monnaie gauloise, fruste, en bronze. » On pourrait faire
encore un autre reproche à la publication, où le continua-
teur a voulu évidemment se borner à terminer l'œuvre, en
s'arrêtant à peu près à la même date pour l'ensemble. Ce plan
est admissible. Mais il eût fallu s'y tenir et s'abstenir de citer
des publications de 1904, 1906 et 1907 5, alors que d'impor-
1. Les six premières chroniques ont paru dans cette revue de 1907 à
I9I3-
2. Dictionnaire archéologique de la Gaule (continué par Emile Cartailhac).
Paris, 1921, p. 489 à 648 (Saint-Cézaire à Soumensac).
3. P. 536, 572, 581, et d'autres encore. — Je ne veux pas écrire ces
lignes de critique, qui paraissent entièrement à l'adresse d'un bon travailleur,
Chronique de numismatique celtique. 339
tants travaux, parus dans la même période, ont été laissés de
côté.
M. J. Loth a repris l'étude du mot arcantodan qui, comme
on le sait, est inscrit sur des monnaies des Meldi, des Medio-
matrici et des Lexovii, et dont Charles Robert avait assimilé la
dernière syllabe au mot dan, équivalent de Judex dans le
glossaire d'Endlicher. M. Loth, tout en citant l'irlandais dan,
quia les sens de « talent », « aptitude », « profession »,
n'oublie pas le terme danniis, associé à un nom bien gaulois
dans une inscription de la région de Sarrelouis (C.I.L.,
t. XIII, n° 4228 : per dannum Giamillnm), et qui paraît bien
indiquer un fonctionnaire. Le sens peut donc être tenu pour
certain. Arcanto doit être traduit par un sens général de
« monnaie », bien que ce soit le mot vieux-celtique dont le
sens est argent ' .
V Arcantodan peut être le personnage chargé de surveiller
la fabrication de la monnaie et cette monnaie n'est pas néces-
sairement d'argent. De même, C. Asinius Gallus, à Rome,
sous Auguste, prend le titre de triumvir monétaire pour les
trois métaux, bien qu'il n'ait frappé que des espèces de
bronze.
La question du portrait de Vercingétorix a été reprise par
un écrivain qui accepte l'hypothèse affirmative2. Mais il fau-
drait au moins connaître la bibliographie de la question. Cet
article n'apporte rien de nouveau, pas plus qu'un autre con-
sacré à l'explication des types dits de Pavor et de Pallor, sur les
deniers de L. Hostilius Saserna. Des travaux littéraires de ce
genre alourdissent la science dans sa marche, au lieu de l'aider
à progresser.
Je citerai aussi un travail qui touche à la numismatique
resté sur la brèche jusqu'à son dernier soupir : Le travail, dont on lui avait
confié l'achèvement, aurait dû certainement dépasser les bornes qu'on dési-
rait lui donner en 1904.
1. J. Loth, le gantois « Arcantodan », te nomde l'argent che% les Celtes, dans
Rev. éludes anciennes, t. XXI, 1919^.263-269.
2. G. Pierfitte, Le portrait numismatique de Vercingétorix, dans Bull.
Soc. Archéol. du Midi de la France, nouvelle série, n°44, 1914-191 5, p. 47
à 56, pi. I (bas).
340 A. Blanchet.
armoricaine, car l'auteur, reprenant le texte de Lucien, a conclu
en faveur du dieu Ogmius1. Il trouve que la figure allégo-
rique des chaînes, réunissant des petites têtes autour d'une
plus grande, s'accorde avec ce que nous connaissons de l'art
gaulois. Je crois que la question reste obscure.
M. R. Forrer 2 est revenu sur la question de l'analyse des
monnaies celtiques, d'après les résultats obtenus par le Dr C.
Virchow. Il s'agit en particulier du potin. On voit, d'après le
tableau publié, que le cuivre, l'étain, l'antimoine, l'arsenic,
le plomb, l'argent, le zinc, le nickel et le fer, se rencontrent
à des doses variables dans beaucoup de pièces de l'alliage dit
potin; mais le cuivre, l'étain et le plomb forment la base de
cet alliage.
Ces recherches ont toujours quelque intérêt. Mais il faut,
en les présentant, tenir compte de l'état probable de la métal-
lurgie aux époques, souvent troublées, qui ont donné nais-
sance à des émissions monétaires précipitées.
Si le Lacydon était le port de Massalia pour les contempo-
rains de César, est-il possible que ce nom ait désigné vrai-
ment le port dès l'origine ? Les petites monnaies, qui
portent le nom, ont une tête de jeune dieu cornu : M. Camille
Jullian remarque, à juste titre, que, dans l'antiquité, les
ruisseaux et fleuves sont ainsi figurés. « Lacydon a dû,. par
conséquent, être primitivement le dieu du ruisseau sacré, de
la source sainte où s'alimentait Marseille » et ce ruisseau
serait celui de la « Pierre qui rage »(= coule) 5. Cette hypo-
thèse est bien séduisante.
On a cru reconnaître la clochette ou sounaio au cou d'un
taureau représenté sur une monnaie des Volques Areco-
miques et cette remarque a porté à croire que ce peuple aurait
i. Friedrich Koepp, dans Bonner Jahrbûcher, f. 125, 1919, p. 38 à73,fig.
de ni.
2. Berïiner Mûn^blâtter, t. XXXIV, 11° 140, août 191 3, p. 651 à 656. Le
même auteur avait déjà signalé les résultats des analyses dans hZeitschrift
/. Ethnologie, t. XLI, 1909, p. 458-462. Sans s'attacher aux quelques lignes
que j'ai consacrées à la question dans le Manuel de Numism. française
(t. Ier, 1912, p. 5), on pourrait relire les pages 42 à 44 de mon Traite des
monnaies gauloises (1905), qui renferment des rapprochements utiles.
3. Académie des [user, et b.-lettres, Comptes Rendus. 1921, p. 76.
Chronique de numismatique celtique. 341
transformé le type massaliète1. Pour être précis, disons que
cette imitation fut très répandue en Gaule dans la première
moitié du premier siècle avant notre ère.
Gabriel Amardel, mort il y a peu d'années, étudiant des
monnaies trouvées à Montlaurès 2, a remarqué particulière-
ment un groupe de 8 exemplaires d'une imitation de l'obole
de Massalia (avec MA et fleuron) 3 et 1 1 exemplaires d'une
obole à la croix, cantonnée d'un croissant les pointes en dedans
aux 1, 2 et 4, et d'une hache dans le 3e canton.
Pour le regretté Amardel, ces pièces en nombre, trouvées
dans les fouilles d'un oppidum si voisin de Narbonne, indi-
quent que nous avons plusieurs des premières monnaies de
cette cité, qui se trouvait entre Rhoda et Massalia et qui dut
par conséquent imiter le numéraire de ces deux ports 4.
M. H. Rouzaud, à propos d'un trésor de deniers de la
République romaine, découvert en 191 6, à Peyriac-de-Mer
(Aude), s'est trouvé amené à étudier de nouveau le trésor de
Bompas (à 6 klm. de Perpignan) 5, qui contenait 650 mon-
naies gauloises à la croix et 13 deniers de la République, dont
le plus récent serait celui du monétaire P. Satrienus, dont on
a placé l'émission vers 74 av. J.-C. é. M. Rouzaud est porté à
croire que ces cachettes doivent être contemporaines de la
guerre de Sertorius et des répressions exercées ensuite par
Pompée 7 et Fonteius. Cette hypothèse est plausible et devien-
drait très vraisemblable si d'autres dépôts contemporains
étaient encore signalés.
*&'
1. Ed. Bret, dans Rhodania, 1919, p. 45, n° 53.
2. J'ai déjà parlé de ce gisement monétaire dans ma cinquième chro-
nique, publiée en 191 1.
3. J'en ai donné un exemplaire au Cabinet de France (Voy. mon
Traité des monnaies gauloises, 1905, p. 241).
4. Bull, delà Commission archéol. de Narbonne, 1916, p. 1 à 17.
5. Bull, de la Commission archéologique de Narbonne, 1921, p. 176 à 178.
6. J'avais déjà démontré que ce trésor, contenant deux deniers de
C. Valerius Flaccus (dont la conservation était excellente), devait avoir
été enfoui peu de temps après 83 av. J.-C. {Bull. Soc. des antiq. de France,
1911, p. 133 et 134, et ma chronique de numism. celtique, publiée en
1911).
7. J'avais déjà indiqué cette explication.
342 A. Blanchit.
Au cours de travaux exécutés dans la commune de La
Tronche, près de Grenoble, au Pré Marguin, on trouva, en
191 1, un vase de terre grise contenant une soixantaine (?) de
pièces d'argent, qui appartenaient surtout aux séries Ialikovasi
et Kasios, avec la tête laurée et la tête de cheval. Deux pièces
seulement portaient le bouquetin et il y avait aussi sept
oboles de Massalia, de bon style, par conséquent anciennes.
Les pièces recueillies ont été étudiées soigneusement par M.
Millier, bibliothécaire de l'École de Médecine de Grenoble,
qui a constaté que les espèces à la légende Ialikovasi étaient
plus légères et plus usées que les pièces Kasios '.
A la Société bourguignonne d'Histoire naturelle et de pré-
histoire, M. Ernest Bertrand a présenté des monnaies gau-
loises de la région de Dijon, en s'attachant plus particulière-
ment à celles qui représentent un sanglier et dont le rappro-
chement n'est pas sans intérêt 2.
M. A. Changarnier a donné une édition développée de sa
note relative au dépôt de monnaies celtiques de bronze,
découvert à Siaugues-Saint-Romain >. Je ne saurais accepter
la plupart des comparaisons et des attributions de M. Chan-
garnier ; mais le grand âge de l'auteur m'interdit d'entrer
dans une polémique inutile 4. Pour l'essentiel, je renvoie à
ce que j'ai écrit, ici, 6111913.
Dans la propriété de La Meilleraie (canton de Pouzauges,
Vendée), un vase de terre contenait des monnaies de bronze
avec les légendes Viretios (15), Viretios déformé (130 dont 2
avec le cheval ailé), Virt (85), Contoutos (60), Atectori (70),
Sact (2 ex. très usés), Dr do ri (2 ex. beaux), Vandelos (1 ex.
beau), Conno-Epillos (1 fruste), Andugovoni (1 assez usé),
quelques pièces anépigraphes, et une à l'autel de Lyon, de
1 . Un petit trésor de monnaies gauloises associées à quelques oboles marseil-
laises, de La Tronche {Isère), dans Bull, société dauphinoise d'ethnologie et
d'anthropologie, 1913-1919, n° 4 (Extr., 9 p., fig.).
2. Le Bien public de Dijon, 31 décembre 1920.
3. Monnaies des Boiens de la Germanie ; Trésor de S.-S.-R. (Haute-Loire),
Dijon, 1914, in-8°, 18 p., 1 pi.
4. Je note seulement les sic dont l'auteur émaille, — sans indulgence à
l'égard de confrères du Centre, — un texte qui en mérite peut-être davan-
tage.
Chronique de numismatique celtique. 343
petit module, qui permet de dater l'enfouissement des der-
nières années du premier siècle av. J.-C. (environ) '. Ce
dépôt contenait aussi deux disques de bronze, à faces lisses,
dont le diamètre répond à celui des bronzes de Nemausus, et
neuf moitiés de flans du même module. On sait que les
bronzes de la colonie de Nîmes ont été souvent coupés en
deux parties, pour faire des monnaies divisionnaires 2. L'étude
minutieuse, consacrée par M. Chauvet à ce dépôt, permet de
confirmer et de préciser la localisation des pièces des groupes
Viretios et Contoutos ; la pièce à l'autel de Lyon fournit une
date assez précise et démontre que la circulation de certaines
espèces gauloises continua sous le règne d'Auguste, surtout
dans l'Ouest. C'est à l'aide de travaux de ce genre que l'étude
de la Numismatique celtique fera encore des progrès.
Comme addition au trésor de la Chapelle-Laurent (Can-
tal) 5 on a publié une pièce d'argent du type des statères
arvernes de la dernière période et qui porte un cv3 au dessus
du cheval et une large feuille au dessous 4. On connaissait
déjà des variétés de ce groupe qui me paraît mériter une
étude complète en tenant compte des exemplaires publiés
par Peghoux et M. Changarnier.
On a signalé un statère d'or au type de l'androcéphale, qui
a été trouvé dans la commune de Boresse-Martron (canton de
Montguyon, arr. de Jonzac, Ch.-Inf.), en novembre 1912.
Bien qu'il ne s'agisse pas -d'un type nouveau, il y a toujours
un véritable intérêt à signaler les découvertes locales de
monnaies gauloises, quelles qu'elles soient 5.Pour cette raison
1 . Gustave Chauvet, Monnaies gauloises ; La Cachette de la Meilleraie- Til-
lay (Vendée); Analyses chimiques par Gabriel Chesneau. Poitiers, 1922, in-
8°, 43 p., fig. (Extr. des Bull, de la Soc. des Antiquaires de l'Ouest, 192 1,
p. 661 à 703).
2. Voy. mon article sur Les monnaies coupées, dans Rev. Numism., 1897,
p. 1 à 13, et dans htudes de Numismatique, t. II, 1901, p. 113 a 125.
3. J'ai signalé cette trouvaill-j dans ma quatrième chronique, publiée en
1910.
4. Dr G. Charvilhat, J. Pages- Allary et A. Aymar, M. arverne inédite
provenant du trésor du Suc de la Pè%e (commune de la Ch.-L.), dans la Rev.
de la Haute-Auvergne, 1917-1918, p. 266 à 268, fig.
5. Rev. de Saintonge et d'Aunis, 1913, p. 3.
344 A. Manchet.
je signalerai aussi un statère des Atrébates, trouvé à Bon-
Secours, près de Peruwelz (commune de Vieux-Condé, canton
de Condé-sur-1'Escaut, arr. de Valenciennes) '.
En 19 13, dans un domaine de Castillon (canton de Balleroy,
arr. de Bayeux), appartenant à M. Vavasseur, on a découvert
un dépôt de 58 statères d'électrum à bas titre, très usés, de la
série attribuée aux Baïocasses. Sur 29 pièces entrées en pos-
session de l'auteur d'une note :, 17 portent une lyre, au droit,
au dessus de la tête, et au revers, sous le cheval ; les 12 autres
présentent le sanglier disposé de la même manière. Parmi les
pièces à la lyre, généralement plus usées, 4 seulement ont un
cheval androcéphale ; les autres, un cheval ordinaire ; au
contraire, les pièces au sanglier ont toutes le cheval androcé-
phale.
La nouvelle trouvaille confirme l'attribution admise; elle
est intéressante, parce que Castillon a déjà fourni des mon-
naies du même genre (avec des divisions. Voy. mon Traité
des ni. g., p. 316 et 546). Il est regrettable que la dernière
trouvaille de Castillon n'ait pas été étudiée en entier.
Un répertoire archéologique du département de l'Eure
contient des renseignements relatifs à des provenances de
monnaies gauloises 5. L'auteur n'est pas toujours maître de
son sujet ; mais je préfère m 'abstenir de critiquer et recon-
naître qu'il a fourni, depuis de longues années, avec le plus
grand zèle, un travail considérable, qui est une base utile pour
des recherches complémentaires.
Je reviendrai ultérieurement sur la question des statères
attribués aux Éburovices *.
Sir Arthur Evans a donné au British Muséum la riche
1. L. Théry, dans Rev. belge de Numism., 1914, p. 366.
2. Comte de Castellane, dans Procès-verb. Soc. fr. de Numismatique
(dans la Rev. Niun.), 192 1, p. VI à VIII.
3. Léon Coutil, Départ, de Y Eure. Archéologie gauloise, gallo-romaine,
franque et carolingienne ; II, Arr. de Louviers(Louviers, 1 898-1 921, gr. in-
8°, 323 p. ; p. 29,86, 92, 167, etc.) ; III, arr.de Bernay (Évreux, 1917 ;
210 p.; p. 90-91, etc.) ; IV, arr. d'Évreux (Paris et Evreux, 1921, 379p. ;
p. 7 à 16, 347, 365, etc.), fig.
4. Une note relative à un trésor de ces monnaies doit paraître prochai-
nement dans la Revue Numismatique .
Chronique de uunii 's m ah 'que celtique. 345
collection de monnaies celto-bretonnes formée par son père,
le regretté Sir John Evans. M. G. -F. Hill en a publié une
série qu'il considère comme une partie d'une trouvaille, qui
aurait été composée de statères aux types classés ordinairement
aux Belîovaci, aux Atrebates et aux Morini '. On sait que ces
monnaies tardives, où l'œil prend la forme d'un epsilon et où
le cheval déformé est souvent désarticulé, se rencontrent aussi
oien sur le littoral français que sur celui d'Angleterre. La
note de M. Hill, qui signale d'intéressantes variétés, est donc
une utile contribution à l'étude d'un groupe dont l'histoire
est encore à faire.
Etudiant l'atelier monétaire d'Auguste à Lyon, M. Lodo-
vico LafTranchi 2 élargit le champ que M. Gabrici avait cul-
tivé d'abord. On y trouvera quelques remarques sur le type
du taureau, des comparaisons de style que je ne saurais
admettre toutes (p. ex. un rapprochement entre un « moyen
bronze » et un aurais), des variétés inédites et l'attribution
nouvelle de certaines piècesau sujet desquelles on peut encore
discuter (pièces avec le revers de Caius et de Lucius Césars,
etc.). Dans l'ensemble, le travail de M. LafTranchi est digne
de retenir l'attention.
Un autre mémoire consacré à l'atelier monétaire de Lyon
réunit de nombreux renseignements et discute les classements
de quelques-uns des auteurs antérieurs 5. Mais il est regret-
table que des travaux importants aient été laissés de côté et
que, pour cela-même, la première monnaie de Lyon, aujour-
d'hui si bien connue cependant, ait été omise. De plus,
l'auteur professe des opinions difficiles à admettre. Ainsi le
style local de Lugdunum serait caractérisé par le manque
de relief dans le portrait. La série considérable des pièces à
1. A Find of ancient British çold coins, dans The Numismatic Chronicle,
1919, p. 172 à 178, pi. VIII. (Observations utiles sur les poids et les degrés
d'usure.)
2. La Moneta\ione di Auguste, dans Riv. ital. di Numistnatica, 191 3,
303 à 316, pi. II et III.
3. E. A. Sydenham, The Mini of Luçdunum, dans The Numismatic Chro-
nicle, 191 7, p. 55 à 96, pi. V et VI. Cf. du même, The Coinages qf Augustus,
même revue, 1920, p. 2} et 24,
346 A. Blanche l.
l'autel de Lyon constitue une preuve suffisante de l'exagéra-
tion d'une telle assertion.
Au sujet du type du taureau des monnaies d'Auguste, dont
la comparaison avec celui des monnaies de Massalia s'impose
toujours, il y a lieu de consulter l'article que j'ai publié \
Près de Verdello, sur la route de Bergame, on a fait une
trouvaille dont 152 pièces 2 sont entrées au musée Brera, à
Milan. Sur 67 monnaies, assez bien conservées, On en a relevé
36 avec le nom (ou des variantes) de Virekos, et une dizaine
avec le nom de Toulioioros (c'est du moins la lecture qu'on
peut en donner actuellement) ; il y avait aussi des imitations
de Massalia 3.
Les prototypes des monnaies barbares de la série Biatec
ont fait l'objet d'une étude particulière *. Le cavalier avec la
palme, la centauresse, l'Hercule étouffant le lion, la lionne,
le griffon, le sanglier, présentent des ressemblances avec des
types monétaires de l'Italie, de la Sicile, de l'Espagne et de la
Gaule. Le choix a pu dépendre de nombreuses raisons. Mais je
ne crois pas que les traditions aient pu avoir l'influence que
l'auteur paraît porté à reconnaître dans ces imitations, d'ailleurs
libres. La question reste évidemment toujours à l'ordre du jour.
Je signalerai brièvement encore quelques notices sur des
monnaies barbares des régions danubiennes : Trouvaille de
Kricsova (comitat de Krasso-Szôreny) 5 ; trouvaille de Dunaz-
ckesô (comitat de Baranya), composée de 900 m. de bronze,
apparentées à des séries barbares, émises dans la partie orientale
de la Pannonie, au cours du Ier siècle av. J.-C. 6. On a aussi
1. « Thurinus », surnom de Vemp. Auguste, dans les comptes rendus
Acad. des Inscr. et b. -lettres, 1919,9. 134 et 142, et Mémoires et notes de
Numism., 2e série, 1920, p. 287 à 294.
2. Ce n'est pas la totalité du dépôt, car j'en ai vu qui avaient été acquises
à Milan par un collectionneur hongrois.
3 . Serafino Ricci, // tesoretto monetale gallico ai Verdello, dans la Rivista
ital.di Numisinatica, 191 3, p. 245 à 249.
4. Edmond Gohl, A Biateccsoportbeli barharpenqek prototipusai, dans le
Numi~)iialikai Ko^lôuy (organe num.de Budapest), t. XX, 192 1, p. 9 à
17 et 63.
5. E. Gohl, dans le Numismatikai Kô{lôny, 1914, 1 31-134.
6. Du même, même recueil, 191 5, p. 2 à 10;
Chronique de numismatique celtique 347
étudié un autre groupe de monnaies barbares de la Haute-
Hongrie ' et publié des variétés de pièces attribuées aux
Coistoboci 2. Les Celtes auraient aussi imité les monnaies
d'argent de Damastium et de Pelagia 5. Mais, si ces imitations
ont été émises par les Celtes, il me paraît assez difficile de
préciser la région où elles ont été fabriquées.
La Numismatique celtique est toujours la victime de fan-
taisistes. Pour la curiosité du fait, je signalerai une phrase d'un
écrivain qui considère « les médailles dites gauloises... comme
plus récentes que la conquête romaine » et qui ajoute : « Sur
les médailles de la Gaule, on voit môme de ces faux Jupiter
dont toutes les boucles de la chevelure et de la barbe se com-
posent uniquement de petits cygnes artistement ajustés. »
Plus haut il était question « d'une enfilade de cygnes ou
d'oies 4 ».
En lisant ces fantaisies, on pensera peut-être à des chapitres
de Rabelais, mais beaucoup moins aux monnaies gauloises,
dont certains « amateurs » méconnaissent encore si complète-
ment le développement historique et la transformation des
types.
Adrien Blanchet.
1. M. M. Dessewffy, dans le même recueil, 1914, p. 121, pi.
2. Du même, ibid., 191 5, p. 12 à 14.
3. R. Forrer, Die KeUo-itlyrischen Nachpràgungen . . . v.D.u. Pet., dans
Bcrtiner Mïm\bl., 1914, p. 156 et 198-205.
4. Je m'abstiens de citer le nom de l'auteur de la notice, qui touche
d'ailleurs à bien d'autres questions et qui n'est pas une œuvre française.
LE NOMINATIF PLURIEL GAULOIS
DES
THEMES EN -0-
On a cru en général que l'inscription bien connue de Bri-
ona ', trouvée en 1859 et maintenant conservée dans la cano-
nica de la cathédrale de Novare, fournissait dans la forme Tano-
tûliknoi un exemple unique en gaulois de la survivance du
nominatif pluriel des thèmes en -0- du celtique ancien, à savoir
-oi. Cette désinence, empruntée aux thèmes pronominaux en
celtique ainsi qu'en grec, en latin et en balto-slaveest régulière-
ment devenue -i en celtique 2 comme en latin. En gaulois,
elle se présente sous la forme -i partout ailleurs ; on lit même
dans notre inscription, à côté de Tanolalihnoi (ligne 2), Esane-
hoti (ligne 7) \
J 'ai examiné cette inscription avec grand soin le 10 avril 1922,
et encore une seconde fois le jour suivant, à la demande de
monami M. R. S. Conway, Litt. D., professeur de latin à l'Uni-
versité de Manchester ; on la trouvera dans son livre The Pre-
Italic Dialects of Italy qui va paraître bientôt, édité pour « The
British Academy ».
Moi, qui ne suis pasceltiste, je n'avais jusque là vu de l'ins-
cription que la simple transcription de Mommsen dans le C.
1. Dottin, la Langue gauloise, p. 154.
2. Brugmann, Grundriss,2e éd., II 2 pp. 212-3, I PP- 227> 239-
3. A la ligne 1, la forme asoioi, imprimée par Stokes, CelticDeclensioii no.
2, et acceptée par Rhys, Celtic Inscriptions of France and ltaly ,p. 63, est une
« vox nihili », qui résulte à la fois d'une division arbitraire des mots, géné-
ralement abandonnée aujourd'hui, et d'une transcription incertaine de lettres
en partie oblitérées. Les ccltistes n'admettent plus ce mot,
Thèmes en -0-. 349
/. L. Fparsii, p. 7 19, et je n'avais connaissance d'aucune étude,
soit sur l'inscription même, soit sur des formes qu'elle est sup-
posée contenir ; je n'en ai abordé l'examen que comme épi-
graphiste. L'alphabet m'en était familier, pour avoir examiné
déjà d'autres inscriptions écrites dans le même alphabet ou dans
un alphabet très semblable. Evidemment mon témoignage quant
aux formes des lettres est d'une plus grande valeur que celui
des celtistes, parce que je ne suis influencé par aucune idée sur
les désinences celtiques.
Revenu en Angleterre, j'ai montré mes notes avec le texte
de cette inscription à mon distingué collègue, le professeur sir
John Morris-Jones ; celui-ci a immédiatement remarqué que
ma transcription portait à la deuxième ligne Tanotaliknos, et
que cela faisait disparaître Tunique exemple allégué de -oi
comme nominatif pluriel des thèmes en -0-.
Or, premièrement la lettre i dans cette inscription est régu-
lièrement I, absolument droite comme généralement dans les
alphabets des dialectes italiques et pré-italiques, l'alphabet latin
non excepté. En effet, l'iota tortu, si fréquent dans quelques-
unes des plus vieilles formes des alphabets grecs ', est absolu-
ment inconnu dans les alphabets italiques, bien qu'on le trouve
— cela va sans dire — dans les alphabets des inscriptions grecques
de l'Italie 2. Mais l'alphabet de notre inscription est sans aucun
doute un alphabet nord-italique, de la même famille que
l'alphabet étrusque sinon absolument identique à celui-ci : il
serait donc irrationnel d'y chercher un iota tortu.
Quant à la lettre S, elle se présente sous une grande variété
de formes, mais toujours d'un tracé tortueux ; le 1 racé est quel-
quefois angulaire, (par exemple, aux lignes 3, 6 — la première
s — , 10), quelquefois arrondi (lignes 4, 5}, quelquefois à
moitié arrondi (lignes 7, 8). Dans les lignes 3 et 10, la lettre
est tracée à l'envers. Quelquefois enfin elle n'est que très peu
arrondie, comme par exemple à la première ligne : dans ce cas
la courbe est si légère que, sans l'observer très soigneusement,
on pourrait prendre la lettre pour un i. Ainsi Mommsen a
1. Voir Roberts, Greek Epigraphy, vol. I, pp. 30, 36, 49, 98, 120, etc.
2. Par exemple, Roberts, ibid., pp. 303-4, no. 306, 307.
550 /• Whatmough
écrit -aioi- par erreur pour -asoi- : la transcription corrigée se
trouve dans les ouvrages de Stokes et de Rhys. Dans une
autre inscription Mommsen litietupk alors qu'il faut lire setupk
(voir Pauli, Altital. Forsch., I, p. n, n° 24).
Or dans la deuxième ligne la dernière lettre est légèrement
arrondie, particulièrement en bas ; celui qui examinera l'ins-
cription elle-même (tout épigraphiste éprouvé sait le peu de
valeur qu'ont les facsimilés ou les photographies pour décider
une telle question) verra tout de suite qu'elle doit être lue s et
non i. L'erreur est exactement la même que dans la lecture
-tfwf-pour -asoi- à la ligne précédente. La désinence du nomi-
natif pluriel en-oi, qui est toujours regardée comme presque
anomale dans une inscription du second siècle avant J.-C,
disparaît dès lors ; au lieu de Tanoialiknoi, nous avons Tanota-
liknos, nom patronymique au singulier, comme le gaulois
Ouepatxvoç, Oppianicnos et tant d'autres '.
On se demandera peut-être si un patronymique, qui doit
signifier « fils de » peut être employé seul comme nom propre.
Il semble y en avoir quelques exemples même en gaulois :
C. I. L. III 4849, Marias Ructini [/.] miles cohortis Montanoram
pritnae, c'est-à-dire « Marius fils de Ructicnus » (au contraire,
dans l'inscription bilingue de Todi, C. I. L. I, 2e éd., 2103,
Trucliknos est traduit par Dr uti filins) ; Becker ioé, 148 (cité
par Holder, s. v.) Olkcnos, tout seul, comme nom propre ;
encore Loucotiknos sans prénom, nom d'un prince sur une
monnaie en bronze de Sicile 2 ; peut-êtreaussi un nom de dieu,
C. I. L. XIII 609*4 et 6478 dco Taranucno. En grec les patro-
nymiques sont ainsi employés fréquemment, particulièrement
dans les inscriptions, et au masculin et au féminin, par exemple
IIoX'j;$vxîa ï\x\)i{Co\\\vi-^>e.chtQ\Saminhing d. gr. Dialektinschr.
I 343, Insc. Graec. IX ii 662, stèle thessalienne du cinquième
siècle avant J. C), IïtaiSwpioaç (pour Ileigi-, Béotie, Coronea,
Roehl Insc. Graec. Antiqniss. 212, seul mot de l'inscription,
1. Dottin, la Langue gauloise, p. 39 ;voir aussi Holder, Alt-kelt. Spracbsch-
s. v. -ic-no-.
2. Muret-Chabouillet, Catalogue des monnaies gauloises 2368, deLongos-
taleten, près de Marseille, fin du second siècle avant J.-C, Obv. AOYK-
ODIKNOC R*- AOrroC TAAHTHN.
Thèmes en -0-. 351
évidemment le nom Ju mort). L'emploi de l'adjectif patrony-
mique au lieu du nom du père au génitif singulier comme
TsXafAWVt'oç Aïaç (Hom. //. XI, 591 TsAay.wviov u-.iv) est rare
dans la littérature grecque, mais normal dans les dialectes de
Thessalie, de Béotie et de Lesbos ' ; et un tel adjectif peut faci*-
lement être employé tout seul comme substantif; cf. par exemple
le nom propre 'E-ay.sivwvoa; (formé avec le suffixe patrony-
mique -('.)5ac). On voit aussi en examinant les patronymiques
doubles chez Homère, par exemple, //. I, 1 II^X^taoÉo), (-tcç
et -aoï]; étant tous les deux suffixes patronymiques) et //.
II, 56e TaXa't.'ovtoao (avec -uavet -ior,ç) qu'une telle formation
pouvait être employée seule comme nom propre. Nous trou-
vons aussi en vénétique, dialecte pré-italique, un patronymique
leme iïorna ; (d'après lemetor), ou un matronymique v/;(?//-/0«//ïa/i:tf
(d'après vhouyiia) 2.
En latin nous avons Julius, nom propre qui est vraiment
patronymique, servant à indiquer la famille {gens) et formé
de Juins ; de la même façon, Claudius est tiré de Claudus et
signifie proprement « fils de Boiteux », comme Albius « f. de
de Blanc », Opimius « f. de Gros », Septimius « f. de Septième »,
Flavius « f. de Jaune », etc. 3 Une illustration excellente du
changement en question est fournie par la littérature latine, où
presque tous les patronymiques, qu'on avait employés en grec
comme adjectifs, sont employés commesubstautifs ; par exemple
(il y en a des vingtaines) AtlantidesÇ les Pléiades), Virgile Georg.
1, 221, înaisengrec'A-uAxvT^MaÎY; Hés. Théog. 938. Enlatin nous
avons même des formations telles que Scipiades (Lucil., Lucr.,
Virg., Hor.), Memmiadae (Lucr.), Apulidac (Lucil.), Tuscoli-
darum (Lucil.,) Romulidae (= Romani ; Lucr., Virg., Pers.
etc.), Daunias (Hor.), Appias (Ovide) — tous noms propres
employés comme substantifs.
Enfin, en anglais moderne, Johnson ne signifie plus « fils de
John » ; un Johnson pourrait être fils de Guillaume ou d'Edouard
1. Voir Buck, Greek Dialects,p. 123, cf. Larfeld, Syll. Insc. Boeot. Ipp. xii
etc. par exemple paat'8a;j.os Qei'ôwvs'.oç, Roehl, Insc. Gr. Antiqu. no. 328.
2. Voir Conway Journal of the Royal Aulhropological Institute,vol. XL VI,
1916, p. 225.
3. Roby, Lai. Gram., vol. i, p. 363.
352 /. IVhatnwitgh.
aussi bien que de Jean. Et de même en gallois moderne Wil-
liams n'est plus nécessairement « ap Gtuilyni », ni Price « ap
Rhys » , pas plus qu'en écossais Mac Adam n'est nécessaire-
ment « fils à' Adam ». Dans la partie Est du Lancashire, il y
a une cinquantaine d'années, on pouvait constater que la cou-
tume n'avait pas encore entièrement disparu de donner à un
membre d'une famille un sobriquet comme Bill o' Jacks (Bill
« fils de J. ») et à un autre de la même famille Ailse d Toms,
même quand le nom du père n'était ni 'Jack' ni 'Tom' ! Je
pourrais facilement multiplier de tels exemples ; et sans doute
les celtistes peuvent en trouver eux-mêmes dans les langues
celtiques anciennes.
La question que j'ai tirée de mon étude de l'inscription de
Novare pour l'examiner ici avec quelque détail me parait seule
digne d'intérêt pour les celtistes ; pour le reste de mon déchiffre-
ment et notamment pour les nouvelles lectures que je propose
aux lignes I et II, je me permets de renvoyer à mon rapport,
que publiera M.Conway.
University Collège, Bangor
J. Whatmough,
Lecturer in Greek and Latin.
IRISH ARU "ARAN"
Attempts to explain this name (which is probably identical
withdru, g. sg. drann, âirne "kidney ") hâve, so far as I know,
neglected one pièce of évidence which seems décisive. In K.
Z. L, 46 ff., Pokorny seeks to prove 1) that dru is not con-
nected with Gk. veçpô; but belongs to the group Ir. âirne ' csloe '',
Goth. akrau ; and 2) that the word was, originally, an-â stern.
So far as the latter contention isconcerned, it is difficult to see
how Pokorny 's casecan bedefinitely proved. There hasclearly
been a mixture of -à stem and -j'en- stem forms, but this varia-
tion (which is corn mon) takes place in the one direction as
often as in the other(cf. Pedersen, Vergl. Gramm. II. no if.),
and in the n. sg. the -j'en- stem form dru, àra alone appears.
To judgefrom the available évidence, the word is more likely
to hâve been originally a -j'en- stem.
Ptolemy in his description of Britain mentions among the
islands offthe coast one which he calls Acpou 'épr,[j.o; i. e. A.
a désert island. The mistaken idea thztïpr^.o; was a substanti-
ve evidently led Holder, Allcelt, Sprachschat^ s. v., as it may
hâve led Pliny, into giving the name of the island as Adros
(Pliny has Andros) ; but there can be no doubt whatever that
the nameis Adrû. So Macbain, Ptolemy s Geography of Scotland,
191 1. From the so-called map of Ptolemy it will appear that
this island is approximately in the latitude of the CheshireDee;
hence the inévitable identification with Benn Edair, Howth
Head. But Adrû is also in the latitude of the Selgovae, who
were probably settled tothe North of theSolway Firth, and of
the Firth of Clyde. The composite character of Ptolemy' s map
Revue Celtique, XXXIX. 23
3$4 /• Fraser.
is well known and accounts for the distortion which puts the
Solway Firth and the Firth of Clyde on the same latitude ins-
teadof, roughly, on the saine longitude. Ptolemy's sources did,
ho\veverIbelieve,givethe same longitude for ^dn* and the Firth
of Clyde; and the island ought to be identified with Arran,
Gael. Arainn d. sg. of Am, Ara.
This involves some conclusions of linguistic interest. In the
first place, the island name was, at latest in the second cen-
tury A. D, of the form ofthen. sg. of a -jen- stem. Ptolemy's
'AXouiwv, as the rétention of the final -n shows, cf. Gaulish
Seboââu, dates from an earlier period. It is, therefore, possible
that ; had already disappeared after the group dr ; its absence
may, however, be due to Ptolemy' s authorities. In the second
place, it must be assumed that the treatment of the group dr
in intervocalic position was in the Goidelic, as in the British,
dialects, parallel to that of gr. The view that dr became in
Irish tr (Pedersen, o. c. I, 1 12) rests on a weakfoundation.
J. Fraser.
LES SAINTS IRLANDAIS
DANS LES
TRADITIONS POPULAIRES DES PAYS CONTINENTAUX
(NOTES ADDITIONNELLES)
La plupart des notes qui suivent ont été recueillies au cours
d'un voyage en Allemagne, pendant lequel j'ai pu poursuivre
mes investigations sur les vestiges des saints irlandais dans
ce pays.
S. Brendan (voir Rev. celt., XXXIX, 1922, p. 209 s.) fut
honoré à Bâle, à Constance, mais spécialement dans le
Mecklembourg-Schwerin et sur d'autres points du littoral de
la Baltique r.
Il est mentionné dans là litanie d'un pontifical, conservé
actuellement à la bibliothèque de l'université de Fribourg-en-
Brisgau (Cod. 363), lequel fut écrit dans la région de Bâle,
dans la première moitié du ixe siècle, et qui fut en usage au
Munster de Bâle 2 .
La légende du cierge qui s'alluma tout seul (voir p. 211)
est racontée dans un livre écrit en bas-allemand, Lèvent der
Hylgen, qui tut publié à Bâle, en 15 17 ; mais ce texte ne
localise pas la légende à Gùstrow.
Brendan avait un autel dans le Dom de Gùstrow et un
autre dans l'église de Malchin (Mecklembourg-Schwerin). Il
1. Tous les renseignements qui suivent sans référence spéciale sur S.
Brendan sont tirés du Dr Grotefend, Dus Fest des heiliçeu Braiidanus (Kor-
responden^lilatt der deutschen Geschichts-und Altertumsvereine, 57e année, 1909,
col. 395-396).
2. Max J. Metzger, Zwei karolingische Pontificalien vont Oberrhein
(Freiburger theol. Studien, XVII), Freib. i. Br., 1914. p. 15, 22, 31-32
etc.
356 L. Gougauâ.
y avait une Brandaniskerke à Terschelling, une des longues
îles de la mer du Nord qui forment barrage au nord du
Zuiderzee.
« Brandan » était un nom de baptême commun, dans le
Mecklembourg, du xive au xvie siècle ; et les fêtes de S.
Brendan, au 1 6 ou 17 mai et au 29 décembre, étaient des
dates presque aussi populaires, sur la côte de la Baltique,
que le sont dans nos pays la Saint-Michel ou la Saint-Mar-
tin.
Ste Brigide (p. 202 s.). — L'église qui lui était ancienne-
ment dédiée à Cologne touchait l'église abbatiale de Saint-
Martin. Voir la pi. III de l'ouvrage de H. Keussen, Kohi im
Mitlelalter (Bonn, 1918).
Ce que rapporte Giraud le Cambrien, dans sa Topographie!
hibernica, au sujet des « campeslria pitlcherrima, quae Brigi-
dae pascua vocantur », est à rapprocher de ce que nous avons
dit des vignobles et autres terres consacrées à Brigide
(p. 206) '.
L'abbaye de Saint-Arnoul de Metz posséda des reliques
de la sainte, ainsi que de S. Gall. et de Ste Gertrude de
Nivelles 2.
Brigide est invoquée dans la litanie du pontifical de Fribourg-
en-Brisgau, dont nous venons de parler à propos de S. Bren-
dan, de même que Ste Darerca, autre sainte irlandaise.
Disons ici, pour n'y plus revenir, que le même texte renferme
les noms de deux S. Kilian, un martyr, celui de Wurzbourg,
et un confesseur, celui d'Aubignv, et d'un S. Colomban,
martyr, ce qui doit être une erreur pour S. Coloman. Rele-
vons encore les noms suivants : Colomban, abbé, Patrice,
Columcille, Comgall, Cainnech, Ciaran, Brendan, Finnian,
Fursy, Ultain etFeuillen 3.
S. Cainnech, qui vient d'être mentionné, fut abbé d'Agha-
boe (Quenn's Co). Il figure aussi, au 11 octobre, dans le
calendrier d'un missel de Freising, du xe siècle (ms. 6421
1. Top. hib., II, 36, éd. J. F. Dimock, p. 121-122.
2. Dedicat. eccl.S. Amulfi (M. G. Script., XXIV, 547-548).
3. M. J. METZGER fait de ces trois derniers saints des Belges
(P- 2V-
Les saints irlandais. 357
de Munich), où l'on trouve aussi Brigide (itr février), Alto,
le fondateur d'Altomùnster (9 février), Patrice et Gertrude
(17 mars) et Columcille (7 juin)1.
S. Coloman (p. 223-224). — Sur son iconographie, voir
le travail du P. Gregor Reitlechner, Bdtrâge ^iir kirchlichen
Bilderkunde 2.
S. Feuillen (p. 215-215). — Le psautier d'Hastière (ms.
13067 de Munich), du xie-xne siècle, qui contient la prière de
S. Brendan (fol. 9-16 v), est précédé d'un calendrier dans
lequel figurent Brigide (1 févr.), Patrice et Gertrude (17 mars)
et Feuillen (31 octobre) K
La plus ancienne mention qu'on ait trouvée de l'église de
Saint-Feuillen à Aix-la-Chapelle se lit dans un document daté
du 24 mars 1166 *.
S. Fintan avait encore une chapelle sous son vocable à
Rheinau en 1573 5.
S. Gall (p. 211 s,). — Un autel du Dom d'Halberstadt
lui fut dédié é. Sur son iconographie, voir Gregor Reitlechner,
art. cité (XXXIX, 1918, p. 423-424).
Ste Gertrude de Nivelles, amie des Irlandais (p. 216s.). —
A Ratisbonne, ville qu'un écrivain irlandais appelle « urbs
inclyta, pia mater peregrinorum praecipueque Scottorum 7 »,
l'abbaye de Saint -Jacques, peuplée de moines irlandais, avait
Ste Gertrude de Nivelles comme patronne secondaire8.
S. Kilian (p. 222). — Un autel de la collégiale d'Essen
1 . Anton Lechner, Mittelalteriiche lui chenfeste wid Kaleiidarieti in Bayent,
Freib. i. Br., 1891, p. 9-20.
2. Dans Slndien und Mitteilungen ^ttr Geschichte des Benediktinerordens
(XXXIX. 1918, p. 156-158).
3. A. Lechner, Op. cit., p. 207 s. On trouve, dans ce calendrier, au
IV Id. Nov., la mention suivante : « Dedicatio novae ecclesiae in hasteria ».
Hastière (Belgique) eut un abbé irlandais, Forannan, au xe siècle (voir mes
Chrétientés celtiques, p. 169).
4. C Rhoen, Geschichte der St. Folianshirche %u Aachen, Aachen, 1892,
p. 6. '
5. Voir Carl Lange, Die lateinischen Osterfeiern, Mùnchen, 1887,
p. 68.
6. Gesla episcopor. Halberstadensium (M. G., Script., XXIII, p. 88).
7. Vita B. Mariant Ratisp., I, 1 (Boi.l., Febr. II, 365).
8. Vita B. Mariant, IV, 16, p. 369.
358 L. Gongaud.
était dédié à ce saint, et, avant la translation des reliques de
S. Liboireà Paderborn (836), le martyr irlandais était copatron
du Mariendora de cette dernière ville '.
S. Magnus ou Moxus (p. 222-223). — Sur ses reliques et
son iconographie, voir Gr. Reitlechner, art. cité (XL, 1919-
1920, p. I93-Ï94)-
SS. Nimius, Zimius et Marinus. — Ces trois saints obscurs
qu'on donne comme Irlandais, sont encore vénérés de nos
jours, sous l'appellation d' 6 elende Heilige » à Grie-
stetten, dans la paroisse d'Altmùhlmunster, au diocèse de
Ratisbonne 2.
S. Virgile de Salzbourg. — Sur son iconographie, voir
Gr. Reitlechner, art. cité (XL, p. 229-230).
L. Gougaud.
1. Fr. Arexs, Der Liber ordinarius der Essener Stiftskirche, Essen,
1901, p. 257.
2. Alfons Bellèsheim, Geschichte der katholischen Kirche in Irland,
Mainz, 1890, I, p. 343. Cf. Heuser, art. Elend (Kirchenlexikon, IV, 359).
BIBLIOGRAPHIE
Sommaire. I. R. Thurneysen, Die irische Helden- und Kônigsage, I.
— II. A. Longnon, Les noms de lieu de la France. — III. R. A. S.
Macalister, The Latin and Irish Lives of Ciaran. — IV. T. F.
O'Rahilly, Ddnfhocail. — V. G. Fletcher, The Provinces of Ire-
land. I. Ulster ; II, Munster. — VI. A. Stanburrough Cook, The
possible begetter of the Old English Beowulf and Widsith. — VIL
A. Pauphilet, Etudes sur la Queste del Saint-Graal, attribuée à Gautier
Map.
1
Rudolf Thurneysen. Die irische Helden- und Kônigsage bis \um sieb-
lehnten Jahrhundert, Teil l und II. Halle, Max Niemeyer, 1921,
xi-708 p. 8° (publié avec l'aide du département de langue
gaélique de l'Etat libre d'Irlande).
Lorsqu'en 1883 d'Arbois de Jubainville publia son Catalogue
de la littérature épique de V Irlande, il fournit aux celtistes un ins-
trument de travail dont l'usage a prouvé la valeur. Ce n'était pas
seulement un répertoire, très utile parce que très complet, et
auquel après tant d'années on ne trouve relativement que peu
de corrections à faire (v. le supplément publié par M. Dottin dans
la Revue Celtique, t. XXXIII, p. 1-40). C'était aussi un travail
qui ouvrait une voie nouvelle. Pour la première fois, la saine
méthode critique était appliquée à débrouiller le chaos de la
littérature irlandaise médiévale. L'effort de d'Arbois réalisait la
tâche préalable à toute étude philologique : le classement des
sources manuscrites. Les Lectures on the Manuscript Materials
d'Eugène O'Curry étaient dépassées. La vaste compilation exé-
cutée par le même et publiée après sa mort sous le titre On the
360 Bibliographie.
Manners and Customs of the ancieni Irish était condamnée dans son
principe, parce qu'elle reposait sur une érudition, très méritoire
sans doute par l'étendue, mais aventureuse et dénuée de critique
(cf. Rev. Celt., t. II, p. 260 et ss.). L'œuvre de d'Arbois, beau-
coup plus modeste dans son objet et dans ses proportions, était
une date plus importante dans l'histoire de la philologie celtique.
Quarante ans après le Catalogue de d'Arbois, l'ouvrage de
M. Thurneysen marque une nouvelle étape, qui permet d'appré-
cier les progrès accomplis. On en peut définir l'importance d'un
mot : ce n'est rien de moins qu'un classement et une étude cri-
tique des diverses versions des légendes. Sans doute quelques
unes de ces légendes ont fait l'objet de travaux de détail, parfois
fort estimables. Sans parler de Whitley Stokes ou de Zimmer,
de Kuno Meyer ou de Windisch, des hommes comme Nettlau,
Stern, W. M. Hennessv, E. Hogan, O'Beirne Crowe ont préparé
l'étude critique de nombreuses légendes. Des œuvres d'érudition
solide comme le Dindsenchas de M. Edw. Gwvnn, les recherches
de toponomastique de M. Paul Walsh, les belles découvertes
paléographiques de M. R. I. Best ont aidé à l'intelligence et à
l'interprétation des textes. Mais le travail accompli par ses devan-
ciers ne diminue en rien les difficultés de la tâche de M. Thur-
neysen ni le mérite des résultats qu'il a obtenus. Car son œuvre
est à la fois une œuvre d'ensemble et une œuvre personnelle.
Partant de l'étude directe des manuscrits, il applique en grand
une méthode dont il a donné des modèles dans ses Abhandlungen
~» irischen Handschriften und Literaîur-denkmâlern (cf. Rev. Celt.,
XXXIV, p. 88 et 333) et dans plusieurs autres articles (cf. notam-
ment Rev. Celt. t XXXVII, 368). Moins téméraire que Zimmer, dont
les hardiesses ont souvent quelque chose de désordonné, moins
timide que Windisch, dont l'érudition prudente reste trop
abritée derrière les faits, M. Thurneysen réalise le type com-
plet que ses deux devanciers faisaient seulement désirer : il est
aujourd'hui sans conteste le maître des études de philologie irlan-
daise.
Suivant une division déjà ancienne, dont d'Arbois s'était lui-
même servi, il a réparti les légendes épiques de l'Irlande médié-
vale en quatre groupes ou cycles : le cycle d'Ulster, le cycle de
Finn ou d'Ossian, le cvcle historico-mythologique (y compris
les légendes des rois) et le cycle des légendes étrangères (com-
prenant à la fois les remaniements et les traductions). Ce premier
volume ne traite que du cycle d'Ulster, c'est-à-dire des légendes
qui se rapportent aux héros de la Branche-rouge, parmi lesquels
Bibliographie. 361
Conchobor et Cuchullin sont des figures de premier plan. M. Thur-
neysen y a joint les légendes qui se rapportent à Etain et à
Conaire, bien qu'elles rentrent originellement dans le cycle des
légendes des rois, parce que de bonne heure des héros du cycle
d'Ulster y ont été introduits. L'ensemble se compose de 84 cha-
pitres, consacrés chacun à l'étude d'un des récits épiques qui
rentrent dans le cycle. L'étendue des chapitres varie naturelle-
ment avec celle des textes eux-mêmes, qui est fort inégale : à
côté. de brèves narrations, de fragments de Dindsenchas en vers
ou en prose, se trouvent des compositions épiques aussi déve-
loppées que la Tâin bô Cuailnge ou la Togaïl Bruidne Ui Dergae.
Mais le plan des chapitres est sensiblement le même ; une étude
critique des sources et un résumé analytique de chaque récit,
suivant les divisions adoptées par les premiers éditeurs. Lors-
qu'un même récit est conservé dans plusieurs recensions, chacune
d'elle fait l'objet, s'il y a lieu, d'une étude spéciale.
L'auteur n'a tenu compte que des récits copiés sur parchemin.
Il a arrêté son examen au début de « l'ère du papier », qui
coïncide avec l'époque où la conquête anglaise réduit peu à peu
l'irlandais à une langue de proscrits ou de classes inférieures (p. 74).
Il se produit alors une révolution dans la littérature irlandaise. L'ère
du papier mérite d'être étudiée pour elle-même. C'est de la litté-
rature sur papier, qui a sa source dans les grandes compilations
sur parchemin de la fin du moyen âge, que dérivent les récits
qui sont recueillis aujourd'hui dans la tradition orale populaire.
Cette dernière ne remonte pas au delà de l'ère du papier ; elle
ne contient rien qui nous renseigne sur l'état antérieur des
légendes. Il était fort sage de se limiter à la littérature sur parche-
min, qui forme un ensemble bien défini, et qui d'ailleurs par sa
richesse et sa variété offre une tâche assez considérable à l'acti-
vité d'un seul travailleur. Toutefois, nous ne possédons pas toute
la littérature sur parchemin. Il y a certains récits épiques qui n'ont
été conservés que dans des manuscrits sur papier du xvne ou
xvine siècles. D'Arbois leur avait fait place dans son Catalogue ;
mais on ne les trouvera pas mentionnés dans ce livre.
Sous cette réserve, c'est l'ensemble de la production épique du
moyen âge irlandais que M. Thurneysen présente au public. Par
l'exactitude minutieuse des analyses, la précision et la commodité
des références, l'abondance des notes et des index, l'ouvrage, une
fois terminé, sera un instrument de travail indispensable à tous
ceux qui s'intéressent aux littératures et traditions populaires,
autant qu'aux celtistes et aux médiévistes. Ce premier volume, où
362 Bibliographie.
tout le cycle d'Ulster est magistralement étudié, fait vivement
désirer la suite.
Plutôt que d'insister sur des mérites qui sont éclatants, il vaut
mieux peut-être essayer ici d'anticiper l'avenir et d'indiquer en
quelque sorte la direction des travaux futurs que ce livre doit
inspirer. L'étude des récits du cycle d'Ulster pourra sans doute
recevoir de découvertes nouvelles quelques corrections ou addi-
tions de détail ; mais dans l'ensemble, toutes les conclusions de
M. Thurneysen sur le classement des manuscrits, la répartition
.des versions ou l'histoire des textes paraissent définitives. On a
l'impression qu'une nouvelle étape décisive est maintenant fran-
chie. Mais cette étude, qui forme la partie essentielle du présent
volume, est précédée d'une première partie de caractère général,
qui sert en quelque sorte d'introduction à l'ouvrage entier. Il y
est question de la façon dont les légendes ont été formées, rédi-
gées et transcrites, des auteurs qui leur ont donné forme et du
public auquel ils s'adressaient. Sur cet ensemble de problèmes
complexes, M. Thurneysen ne donne que quelques indications
sommaires; dans l'état actuel de nos connaissances, il eût été
imprudent d'aller plus loin. Mais on peut espérer que les idées
enfermées dans cette brève introduction, fécondées par les
recherches des nouveaux travailleurs, produiront de belles mois-
sons dans la science de demain.
Une tâche qui s'imposera aux futurs celtistes sera de faire le
triage des traditions, de distinguer la part des influences exté-
rieures plus ou moins récentes, de dégager ce qui appartient au
fonds le plus ancien de la race. Pour cela, l'analyse des traditions
elles-mêmes est insuffisante ; l'interprétation exige des lumières
empruntées d'ailleurs. On commence à entrevoir ce qu'était l'or-
ganisation, la culture, la mentalité de l'humanité préhistorique.
Plus on pénètre le vocabulaire de l'indo-européen, plus on y
reconnaît de termes précis se rapportant à des notions qui révèlent
un état social défini, très différent du nôtre. L'étude des civilisa-
tions dites inférieures a fourni nombre de documents d'où l'on
tire peu à peu la connaissance d'un folklore universel. Les pre-
miers documents de l'humanité, en Egypte par exemple, gagnent
singulièrement à être éclairés par l'étude des « primitifs » de nos
jours. On sait combien cette étude a renouvelé déjà, est appelée
à renouveler encore notre interprétation de nombreux textes de
l'antiquité classique. Ce n'est pas que les Grecs et les Romains
soient tellement rapprochés de l'âge des clans, des totems et des
potlatchs. C'est que l'humanité est éminemment conservatrice,
Bibliographie. 363
que le présent est fait des restes du passé, et que des formes de
pensée traditionnelle conservent la trace d'idées vieilles comme
le monde. Or, entre toutes les races, celle des Celtes est parti-
culièrement attachée aux vieilles formules et aux vieux usages ;
elle entoure le passé d'un culte mystique, par opposition à cer-
taines autres que l'action pratique sollicite davantage. On ne
peut s'étonner de rencontrer dans les légendes des pays celtiques
bien des détails portant la marque d'un caractère « primitif ». Ce
mot n'a rien d'injurieux et ne saurait blesser les susceptibilités de
l'amour propre national. Le fait est qu'aucun pays du moyen âge
ne conserve dans sa littérature autant de souvenirs d'une organi-
sation par clans ou par tribus, d'un culte des forces mystérieuses
de la nature et d'une observance des interdictions sociales (tabous).
Beaucoup d'épisodes qui nous paraissent inexplicables et qui
l'étaient sans doute aussi pour ceux qui les ont mis par écrit
peuvent recevoir leur explication de la mentalité « primitive ».
Un recueil et un classement de toutes les « interdictions » men-
tionnées dans l'épopée irlandaise serait un travail utile et dont se
dégageraient d'intéressantes conclusions.
La détermination du fonds primitif est toutefois rendue délicate
par l'action des influences ultérieures. Aux temps préhistoriques,
les peuples ont vécu en des contacts constants ; chaque perfec-
tionnement de là civilisation s'est rapidement étendu d'un bout
du monde à l'autre. L'extension des arts et des lettres classiques
a suivi des routes tracées depuis longtemps et qui sont restées
fréquentées longtemps encore. Dans les premiers siècles de l'ère
chrétienne les échanges de tout genre se sont poursuivis entre
peuples barbares. Or, une légende se transporte aussi aisément
qu'un objet de verre ou de métal. Bien des similitudes dans les
thèmes légendaires de pays différents peuvent s'expliquer par des
relations réciproques, postérieures à l'époque d'une lointaine
unité de civilisation. L'épisode de la lutte du père et du fils est
un thème de folk-lore universel, qui répond peut-être à certaines
conditions d'un état social primitif. Il figure, comme on sait, dans
la légende de Cuchulainn (Aided Aenfir Aife), mais pas avant le
vme siècle (Thurneysen, p. 403) ; il y a probablement été intro-
duit après coup, et venait d'ailleurs. Le classement chronologique
des éléments de la légende permet ici une précision, qui fait sou-
vent défaut. Mais la présomption subsiste que beaucoup de
légendes qui paraissent unes contiennent des éléments postiches
ou secondairement amalgamés.
Parmi les influences extérieures qui ont agi sur l'épopée irlan-
3&4 Bibliographie.
daisc, il faut mettre à part deux puissants courants, dont nous
connaissons la source et le développement, le courant classique
et le courant chrétien. L'étude des influences classiques en Irlande
est encore à faire. En dehors des traductions ou des imitations
directes, on sait combien de réminiscences des légendes grecques
sont éparses dans la littérature épique de l'Irlande (cf. Rcv. Cell.,
XXXI, 393). Cuchullin a certaines analogies frappantes avec
Achille (7\ B. C, éd. Windisch, p. 132). Hercule apparaît nom-
mément dans la Fled Bricrend (Thurnèysen, p. 464), comme les
Furies dans la Fhadh Dûin na ugéadh (1. 235 ; cf. Êriu, V, 229)
et les Amazones dans la Tain bô Cuailnge (éd. Windisch, 1. 1478).
On pourrait rattacher l'histoire de Labraid aux oreilles de cheval
(Rev. Celt.,11, i97et Keating, t. II, p. 172 éd. Dinneen) à celle
de Midas, si la même ne se rencontrait pas dans le folk-lore
d'autres pays. Il y aurait à rechercher quels sont les textes clas-
siques que l'Irlande a connus et sous quelle forme ils lui sont
venus.
Les influences chrétiennes se manifestent par des additions
et des interpolations, qui sont souvent des plus gauches ; le sacre-
ment du baptême apparaît de façon bien inattendue dans le Scél
Mucci Meic Dathô (Ir. Texte, I, p. 102, 1. 29) comme dans tel récit
des Mabinogion (R. B., I, p. 21, 18). Mais en général, les narra-
teurs irlandais ont observé une sage distinction entre les sujets
sacrés et les sujets profanes ; quand on songe que beaucoup des
recueils épiques ont été copiés par des moines et dans des cou-
vents, on peut être surpris que les idées chrétiennes n'y aient pas
pénétré davantage.
Il y aura aussi à étudier les rapports de l'Irlande avec les pays
voisins au point de vue littéraire. Le contact qui a duré plusieurs
siècles entre les pays Scandinaves et l'Irlande a laissé de nom-
breuses traces dans la langue : les travaux de Sophus Bugge sur
les influences des deux littératures sont à reprendre et à continuer.
On trouvera sans doute aussi des traits communs entre les
légendes anglo-saxonnes et celles de l'Irlande (v. ci dessous,
p. 381 et s.). Quant au Pays de Galles, il a eu avec l'Irlande des
relations suivies dont la littérature porte maintes traces. Il y a
des légendes communes ; le Mabinogi de Branwen est plein de
détails relatifs à l'Irlande et contient notamment un même épisode
que le Mesca Ulad (Thurnèysen, p. 481). Blâthnat (« Fleurette »)
joue entre Curôi son mari et Cuchullin son amant le même rôle
que Blodeuwedd (« Visage de fleur ») entre Llew Llaw Gyffes
et Gronw Pebyr (cf.- Loth. Mab.. 2e éd., I, T99-208). Le contact
Bibliographie. ^65
est évident ; on sait d'ailleurs que la légende de Curôi était bien
connue en Galles (cf. Thurneysen, p. 44e ; et v. B. of Taliesin,
p. 67, 5, Ev.). Conchobor est mentionné dans Kulhwch ag Olweu
(R. B,, I, 106, 18) sous le nom de Knychwr ab Nés ; et Cuchul-
lin sous celui de Cocholyn, dans le Book of Taliesin (p. 66, Ev.) ;
cf. J. Loth, R. Celt., t. XXXII, p. 436. La poursuite du Twrch
Trwyth de la légende arthurienne a un parallèle dans l'épisode de
Dumae Selga «la colline de la chasse » (Thurneysen. p. 503-504).
On ne peut dire si l'épopée irlandaise a emprunté au gallois,
et encore moins dans quelle mesure. Pourtant, quand le Fochonn
loingse Fergusa met en scène le type du butor arrogant et provoca-
teur, qui est si fréquent dans les romans du cycle arthurien, on
pourrait songer à une influence galloise (Thurneysen, p. 321).
Un même procédé de description est employé dans la Tâin bô
Cuailnge (éd. Windisch, 1. 2744 et suiv.) et dans le Mabinogi de
Branwen (R. B., I, 35 ; cf. Loth, Mab., 2e éd., I, .1 37) ; mais les
auteurs des deux récits ont pu le tirer d'un même modèle (Thur-
neysen, p. 61).
Les influences extérieures n'ont eu souvent pour effet que
d'introduire de nouveaux épisodes ou de nouveaux personnages.
Les vieilles légendes ont subi sur place des influences qui, en les
rajeunissant, les ont plus gravement transformées. Il est naturel
que suivant les lieux et les circonstances, elles aient été remaniées
par ceux qui les colportaient. On aura donc profit à dépouiller les
généalogies des héros, souvent contradictoires, à relever les
légendes étymologiques relatives aux noms d'homme et de lieu.
Des poèmes comme ceux du Dwdsenchas, des traités comme le
Coir Anman fournissent à cet égard une mine de renseignements.
Les minutieuses recherches de M. P. Walsh peuvent servir de
modèle à ce genre d'enquête. Miss M. C. Dobbs (cf. R. Celt.,
XXXVII, p. 364), M. Thomas J. Shaw(/. of the R. Soc. ofJntiqu.
of Ireland, t. LL p. 133) en ont publié de très utiles sur la topo-
graphie de la Tâin. Appliquées à l'ensemble des récits épiques, de
semblables recherches permettront de localiser plus étroitement
le point de formation et de développement des légendes, de déter-
miner le milieu politique, social, intellectuel dans lequel vivaient
ceux qui les ont transcrites.
Alors on pourra entreprendre une histoire de la littérature
irlandaise médiévale, qui ne sera pas seulement un classement de
manuscrits ou une liste de textes minutieusement analysés, mais
qui mettra en pleine lumière l'activité des gens de lettres, poètes
ou conteurs, et les goûts du public auquel ils s'adressaient. On
36e Bibliographie.
a cessé de considérer l'œuvre littéraire comme une création spon-
tanée, faillie d'un cerveau divin à la façon de Pallas Athéné. C'est
un produit social, élaboré par un individu, mais toujours déter-
miné par un temps et par un milieu. Celui qui écrit exprime sa
mentalité propre, mais la mentalité de l'écrivain dépend de celle
de ses lecteurs. Il s'agit d'amuser, de flatter ou de convaincre.
Les fables sont nées de l'oisiveté, de la superstition ou de l'inté-
rêt. L'historien n'a pas achevé sa tâche, tant qu'il n'a pas réussi
à dégager des œuvres littéraires ce qu'elles révèlent sur les
auteurs et sur le public.
Sans doute M. Thurneysen a touché à cette double question.
Il a résumé les conclusions des belles études qui lui ont permis
d'esquisser la personnalité du « compilateur », auquel on doit
la Tain bô Cuailnge sous sa forme actuelle et plusieurs autres
récits (p. 24 et ss.). Il a précisé le rôle de 1' « interpolateur » du
Leabhar na h-Uidhre, d'après les savantes recherches de M. Best.
Il a signalé les traces de remaniements originaux dans des récits
comme 'le Cath Rais na Rig (p. 363) ou le Tochmarc Etaine
(p. 598 et 610). Il a montré les transformations que le change-
ment des goûts et la différence des talents avaient amenées dans
la tradition de cette touchante légende qu'est le Longas mac
n-Uislenn (p. 327). Mais il a été surtout guidé dans cette étude
par un souci de philologue : son dessein était avant tout d'établir
les rapports des récits et la chronologie des recensions. Il s'est
servi de données littéraires pour dater les textes, comme on peut
faire de données grammaticales, telles que l'usage du déponent
ou des pronoms infixes, la présence de certaines formes de pré-
térit ou de 3e pers. sg. de présent en -enn (p. 103). Or il ne
suffit pas de marquer les vicissitudes de la tradition des textes.
Un jour vient où l'on considérera ceux-ci non plus comme des
matières à discussion pour les philologues, mais comme des
documents humains qui renseignent sur les mœurs et l'esprit des
nations. Rien de varié comme l'épopée irlandaise ; on y trouve
du merveilleux et du grossier, du tragique et du plaisant, du
lyrisme et de la bouffonnerie. A côté de figures surhumaines,
conservées d'un passé mythique, elle renferme des portraits
humains, pris dans la vie de tous les jours. Le sage Sencha est
très réel, comme Bricriu le schadenfroh. L'aventure de Clothru
s'explique sans doute par un trait de mœurs primitives ; mais
l'épisode où Medb se met en posture derrière son bouclier n'est
qu'une invention comique, et pas des plus relevées. Pourquoi
tout cela se trouve-t-il amalgamé sous la forme que nous con-
Bibliographie. 367
naissons ? Quel dessein se proposaient les auteurs ? Comment
concevaient-ils la vie ? Quelle attitude était la leur devant les
grands problèmes du monde ? Il est possible que ces questions
ne comportent pas de réponse. Les gens du moyen âge n'avaient
pas de la littérature l'idée que nous nous en faisons ; ils n'y met-
taient ni les préoccupations de leur esprit ni les besoins de leur
cœur. Ils n'y cherchaient qu'un divertissement. Mais cela seul
est une indication : s'ils voulaient s'échapper du monde réel,
c'est apparemment qu'ils n'y trouvaient pas les satisfactions qu'ils
souhaitaient. En tout cas les procédés d'évasion qu'ils ont choisis
valent d'être étudiés d'un point de vue humain. Ils sont précieux
par ce qu'ils ajoutent à notre connaissance de l'homme.
Les celtistes de l'avenir auront à dégager l'idéal humain qui se
cache sous le gros tas poudreux des manuscrits irlandais. S'ils
réussissent dans cette tâche, ils le devront à M. Thurneysen,
qui leur a préparé la route. Son ouvrage marque aujourd'hui le
point ultime que la science a pu atteindre. En attendant les
ouvrages futurs qui le dépasseront, il remplace ou il annule tous
les précédents.
J. Vendryes.
II
Auguste Longnon. Les noms de lieu de la France, leur origine, leur
signification, leurs transformations (publié par Paul Marichal et
Léon Mirot). Ier fascicule : Noms de lieu d'origine phénicienne,
grecque, ligure, gauloise et romaine. Paris, Champion, 1920, p.
.1-177. 2eme fascicule : Noms de lieu d'origine saxonne, bur-
gonde, wisigothique, franque, Scandinave, bretonne et basque.
1922, p. 178-336.
Auguste Longnon a été chez nous l'initiateur d'une discipline,
la toponomastique, dont il a fondé les principes et fixé la méthode,
et qui est devenue grâce à lui une auxiliaire indispensable de
l'histoire et de la linguistique. Patiemment, minutieusement, il a
dépouillé les vieux textes pour relever les anciennes formes des
noms de lieu. Il a classé par date et par région tous ces noms,
humbles témoins des âges disparus, rappelant les races qui se sont
succédé sur notre sol, les vicissitudes des invasions, des peuple-
ments, des mouvements sociaux. Il a montré tout ce qu'on pou-
vait tirer de cette mine si riche. Il a mené à bonne fin l'œuvre
qu'avaient pressentie ou même ébauchée des hommes comme
368 Bibliographie.
Auguste Le Prévost ', Houzé 2, Quicherat > et Cocheris *. Tous
ceux qui se sont occupés d'histoire locale, les chartistes, les roma-
nistes ont été, plus ou moins longtemps, les auditeurs d'Auguste
Longnon à son cours de l'École des Hautes Études et du Collège
de France. Mais ce cours, qui s'étendait sur plusieurs années d'en-
seignement, qui a été repris, remanié, corrigé, augmenté par le
maître jusqu'à ses derniers jours, n'a jamais été imprimé. Deux de
ses anciens élèves, MM. Marichal et Mirot, ont entrepris la tâche
pieuse et délicate de le faire connaître au public. Il faut les en
remercier sincèrement. L'ouvrage, qui sera complet en quatre fasci-
cules, est de nature à répandre des lumières utiles sur la « géo-
graphie humaine » de notre pays ; et d'autre part il fournira une
base solide aux nombreux chercheurs isolés qui travaillent sur les
noms de lieu.
On est toujours embarrassé de faire la critique des publications
posthumes. On ignore en effet ce qui est imputable à l'auteur lui-
même ou à ses exécuteurs; et on ressent quelque scrupule à con-
damner comme actuelles des doctrines qui étaient justes ou excu-
sables il y a vingt ou trente ans. Du moins, n'est-ce pas manquer
de respect à la mémoire d'Auguste Longnon que de présumer
qu'avant de livrer au public un enseignement auquel il avait tra-
vaillé toute sa vie, il aurait pris la peine de le réviser jusqu'au
moindre détail et de redresser les parties caduques, en sollicitant
au besoin l'aide de spécialistes compétents. Il avait infiniment d'es-
time pour d'Arbois de Jubainville, qui le lui rendait bien ; il sui-
vait avec soin les travaux des celtistes, parce qu'il savait que la
toponomastique française peut recevoir de la philologie celtique
autant de secours qu'elle lui en fournit. Or, ce cours de Longnon,
publié en 1920, présente au point de vue celtique un état de la
science de bien des années antérieur; on est choqué d'y rencontrer
tant d'erreurs et en même temps d'y constater tant de lacunes.
La partie celtique serait à revoir d'un bout à l'autre.
Quelques observations suffiront à le prouver. Les dialectes
celtiques modernes ne sont pas utilisés comme ils devraient l'être.
C'est une singulière méthode de faire intervenir l'anglais ou l'alle-
mand pour justifier une forme gauloise alors que l'irlandais et le
1. Dictionnaire des anciens noms de lieu du département de Pliure, Evreux,
1859.
2. Etude sur la signification des noms de heu en France, 1864.
3. De la formation française des anciens noms de lieu, 1867.
4. Origine et formation des noms de lieu, 1874.
Bibliographie. 369
gallois suffisent à l'établir : p. 28, irl. dùn, gall. diu prouvent la
forme dûnos (thème en -es-) du gaulois ; p. 49, l'irlandais -rith, le
gallois rhyd « gué » étaient à citer, à l'appui d'un gaulois rilu- (et
non ritos), qui est le même mot que l'allemand ////'/, anglais ford
(la quantité de Yi de ritu- ne saurait faire de doute, il s'agit certai-
nement d'un i bref); p. 43, il suffisait de citer l'irlandais niag
« champ » (thème en -es-), gallois ma (le breton mea\, anc. maes
est un dérivé); p. 52, il fallait citer le gallois liant « ruisseau »,
et p. 50, le gallois dzvfr « eau ». P. 35, duras ayant un u bref,
comme le dit Longnon lui-même, ne peut être l'équivalent du
latin dûrus. P. 54, malgré la forme onuo du glossaire d'Endlicher, il
est douteux que la finale -ouna soit autre chose qu'un suffixe. En re-
vanche, p. 65, il ne faut pas parler d'un suffixe -oialos, mais bien d'un
mot ialos conservé en gallois (ial « espace découvert » ; cf. Thur-
neysen Z. f. roui, Phil. XV, 268) ; la toponomastique écossaise
conserve peut-être le même mot dans des noms comme Morile (de
*Mor-ialo~) et dans Balmoral ; cf. A. Maebai.n, Place Naines oj
Highlauds and Islai'ds ofScotlaiid, p. 182. — P. 66, le nom celtique
Petroi\ci\lum ne peut signifier « lieu pierreux », mais sans doute
« les quatre champs » ou plutôt « champ carré » (cf. J. Loth, cité
R. Celt., t. XXXVIII, p. 86). P. 68, un Novoialum est attesté dans
Nuejols, auj. Neuf jours en Corrèze (A. Thomas, Nouveaux essais,
p. 60). — P. 38 et 99, il est question de Bajocasses, alors que la
forme celtique, comme d'Arbois de Jubainville l'a toujours ensei-
gné, était Bodiocasses. — P. 46, ajouter Uroniagus , cf. Rev. Celt.,
XXXVIII, 363. — P. 267, la forme la plus ancienne du nom de
la Saône, Souconua,aétè fournie par une inscription; cf. Rev. Celt.,
XXXIV, p. 347.
Il y a une indication utile, p. 18, sur la substitution d'un suf-
fixe celtique à un suffixe ligure; et p. 43, sur la double appellation
de la ville de Néris. Mais il eût fallu rappeler le nom de la ville
de Metz, de Mettis remplaçant l'ancien ethnique Medioniatrici, et
celui de la ville de Melun, pour laquelle le nom de Metloduuuin
s'est substitué à un plus ancien Metlosedum (cf. Méni. Soc. Liugu.,
XIII, p. 225 ; corriger en conséquence ce qui est dit p. 32).
P. 23, il est bien douteux que alisos soit un mot ibère; les noms
de lieu qui contiennent ce mot peuvent remonter d'ailleurs à deux
sources différentes, v. Rev. Celt., XXXVIII, p. 184. — P. 25,
le nom de lieu La Jarrie existe également en Vendée (communes
deDompierre et de Saligny). — P. 28, il ne faut pas dire que l'al-
lemand Berg est une « variante » de Burg. — P. 136, on trouve
encore des localités portant le nom de Bretagne dans la Somme
Revue Celtique, XXXIX. 24
370 Bibliographie.
(près de l'embouchure de cette rivière) et dans Seine-ei-Oise (à
l'Est d'Etampes).
Le breton armoricain est souvent bien maltraité : ucel « élevé »,
p. 34 est un monstre ! Leschapitres consacrés aux origines bretonnes
p. 301 et ss., laissent fort à désirer. A vrai dire l'histoire des noms
de lieu bretons reste à faire; c'est un sujet difficile, et qui devrait
bien tenter quelque jeune celtiste bretonnant. Dans un livre sur les
noms de lieu de la France, on pouvait laisser de côté l'étude de la
toponomastique armoricaine, dans la mesure du moins où elle est
brittonique; mais du moment qu'on l'entreprenait, il fallait la
faire aussi complète que possible et s'entourer de garanties pour
l'exactitude desfaits. Or, les chapitres en question pèchent beaucoup
à ce double point de vue ; des noms importants manquent, et
parmi ceux qui sont cités, les fautes matérielles ou les erreurs
abondent. Un seul exemple suffira : il est dit p. 320 que dans ker-
nilis « la maison de l'église » 1';/ joue le rôle de la préposition
« de » ! Comment les auteurs n'ont-ils pas songé à soumettre au
moins les épreuves de leur travail au premier bretonnant venu ;
il leur aurait épargné cette bévue et quelques autres.
Depuis l'époque où Longnon enseignait, il a paru nombre de
travaux, quelques-uns fort importants, sur les noms de lieu cel-
tiques. Les éditeurs en sont restés à Henri Martin, dont l'autorité
est invoquée et discutée p. 61 ; cela date l'ouvrage. En revanche
ils paraissent ignorer les noms de Meyer-Lùbke, ou de Grôhler,
et même de MM. J. Loth ou Dottin. La lecture de la Revue Celtique
leur aurait été profitable à bien des égards.
J. Vexdryes.
III
R. A. Stewart Macalister, The Latin and Irish Lives of Ciaran .
Societv for Promoting Christian Knowledge (Translations of
Christian Literature, séries Y, Lives of the Celtic Saints). Lon-
don and New York, The Macmillan Company, 1921. 190 p. 1 6°
10 sh.
11 y a toujours un parallèle instructif à établir entre les vies de
saints d'Irlande suivant qu'elles sont écrites en latin ou en irlan-
dais. Le caractère en est généralement différent, parce qu'elles ne
s'adressaient pas au même public. Les vies latines étaient destinées
à perpétuer dans le monastère et à l'usage des clercs les hauts
faits des thaumaturges auxquels la maison devait sa célébrité. Les
Bibliographie. 371
vies irlandaises s'adressaient au peuple. Ce sont beaucoup moins
des biographies que des homélies sur la vie des saints; elles ont
la forme du discours prononcé, comprenant généralement un
exorde et une péroraison (qui sont souvent d'un même modèle
pour toutes les vies). Il est vraisemblable qu'on les prononçait en
effet chaque année pour la fête du saint, sous réserve des modifi-
cations, abrègements ou surcharges que comportaient les circon-
stances ou les auditoires. Elles donnent en tout cas de ces derniers
une idée assez peu flatteuse. Les contradictions, les invraisem-
blances y abondent ; les contes les plus absurdes y sont développés
avec une tranquille assurance ; les miracles traditionnels des grands
personnages bibliques, ceux de Jésus lui-même, y sont reproduits
avec candeur à l'actif du saint local, sans que l'orateur cherche à dissi-
muler l'emprunt. Cet orateur connaissait son public ; il savait qu'on
pouvait lui faire tout accepter. Des naïvetés aussi grossières se
rencontrent sans doute aussi dans les vies latines. Mais elles
s'étalent dans les vies irlandaises avec moins de retenue ; elles y
passent à la faveur d'un ton simple, familier, en accord avec l'in-
tention d'édification qui est dominante. Enfin on constate dans
les vies irlandaises la préoccupation de rattacher les événements
merveilleux du récit à des lieux ou des faits connus des auditeurs.
Les allusions, les détails topiques y sont plus nombreux, plus
précis que dans les vies latines. C'est en effet un bon moyen de
retenir l'attention du public et d'agir sur lui.
On peut aisément se rendre compte des différences indiquées
ici en lisant le petit livre que M. Macalister consacre à saint Cia-
ran. Nous possédons en effet plusieurs vies de ce saint. Il y en a
trois en latin et qui présentent d'assez notables divergences. La
première, qui est la plus complète, est conservée dans un manuscrit
de la Marsh's Library à Dublin, du début du xve s. ; c'est celle que
M. C. Plummer a publiée dans son bel ouvrage, Vitae Sandorum
Hiberuiae I, 200 (cf. Rev. Celt., XXXII, 104). La seconde est con-
tenue dans deux manuscrits de la Bodléienne (Rawl. B 485 et
Rawl. B 505), dont l'un est copié sur l'autre; le plus ancien peut
remonter au xiues. M. Plummer n'en a donné que des extraits en
notes à son édition de la précédente. La troisième vie latine est
celle du fameux Codex Salmaticensis, aujourd'hui à Bruxelles;
elle a été publiée par les P. P. de Smedt et de Backer dans leur
édition de ce manuscrit, col. 1 5 5-160. Il y a d'autre part une vie
irlandaise, qui est conservée dans le Book of Lismore et dans un
manuscrit de Bruxelles; elle a étépubliée par WhitleyStokes (Lives
of Saints from the Book of Lismore, p. n 7- 13 4).
§ji Bibliographie .
L'ouvrage de M. Macalister comprend la traduction de trois vies
latines et de la vie irlandaise, et, en appendice, le texte complet
de la seconde vie latine dont seuls des fragments avaient été
publiés jusqu'ici (voir ci-dessus). Ce qui donne à l'ouvrage une
valeur originale, c'est d'une part une substantielle introduction et
d'autre part une série abondante de notes érudites. St Ciaran d'ail-
leurs méritait l'honneur qui lui est fait. C'est un des plus grands
noms de l'hagiographieirlandaise. Il estsans doute moins connu que
Patrice ouColumba. Mais il a sur le sol irlandais plus d'attaches que
ces deux apôtres, dont l'un, Patrice, était étranger, dont l'autre,
Columba, exerça son apostolat surtout en dehors de l'île. Pour être
d'expansion plus limitée, sa gloire n'en est peut-être que plus pro-
fondément enfoncée dans la tradition irlandaise. Comme Brigitte a
fondé le monastère de Kildare, Brendan celui de Clonfert et Kevin
(Coemgen) celui de Glendalougb, Ciaran est l'immortel fondateur
de Clonmacnois.
Ce nom dit tout. Il n'en est guère de plus illustre dans les an-
nales de l'Irlande chrétienne. Les poètes ont célébré à l'envi la
splendeur de ce monastère, où les fidèles se rendaient en foule :
L'auteur du Félire, Oengus fils d'Oenguba, oppose les ruines des
palais des rois païens aux établissements des moines chrétiens :
« Rath Cruachan s'est évanoui avec la descendance victorieuse
d'Ailill ; la noble souveraineté sur les princes appartient à la
cité de Clonmacnois »,
Ràth Cbruachan ro scàichi
la hAilill geiri tnbùada,
câin ordan ùas flathïb
fil icaihir Chluana. (Prologue, v. 177 et ss.)
Ce thème revient dans maint poème (cf. K. Meyer, H ail Brigil).
Il en est un, attribué à Colum Cille et récemment publié dans
la Zeilschrift fur celtische Philologie (XIII, 9), qui commence
par :
Temair bregh,
gidh linmar libb lin a fer,
ni cian go mbia na fisacb,
gè lit si àniugh a sâsadh.
« Tara la belle, si grand que vous semble le nombre de ses habi-
tants, sera bientôt vide, bien qu'elle soit pleine aujourd'hui. »
Cette prophétie pouvait être faite aussi de Clonmacnois. Le floris-
Bibliographie. 373
sant monastère,, riche des offrandes de pèlerins innombrables,
a subi à son tour le sort des sanctuaires païens. C'est aujourd'hui
le cimetière d'un cimetière : quandoquidem data sunt ipsis quoque
fata sepulcris.
Il n'est rien de plus impressionnant qu'une visite à Clonmac-
nois. Quand on part de la petite ville d'Athlone, centre animé de
commerce et d'affaires, on a quelque treize milles à parcourir
avant d'y atteindre. Le paysage est d'abord riant et sympathique.
Vers la fin du trajet, la route s'engage sur une étroite chaussée, qui
paraît interminable entre deux immenses tourbières s'étendant à
perte de vue. On dirait le pont qu'Adamnan vit en rêve, qui fait
communiquer deux mondes. Au delà de cette chaussée en effet
on pénètre dans le monde des morts. Un vieux château en ruines,
détruit par Cromwell, à l'air de faire sentinelle à l'entrée. Il est
planté sur une hauteur derrière laquelle le Shannon coule ses
vastes ondes paisibles. A droite s'étend ce qui reste de Clonmac-
nois, le monastère de Ciaran. Dès qu'on a franchi le petit mur de
clôture, l'œil ne découvre plus qu'un horizon de pierres tombales,
toutes nues, toutes semblables et si pressées qu'elles se touchent.
Leur teinte grise uniforme est à peine variée par la mousse qui
ronge les inscriptions funéraires. Çà et là quelques maigres ronces
percent les interstices des tombes. De cette mer de pierres sur-
gissent trois lourdes croix, recouvertes d'emblèmes sculptés et sept
chapelles, dont quelques-unes n'ont plus que les quatre murs. Le
spectacle est saisissant et retiendrait l'œil fixé au sol si, dominant
l'immense cimetière, deux tours rondes, gracieux symbole des
aspirations de l'âme irlandaise, n'entraînaient le regard vers les
deux. Seul le silence règne dans cette solitude ; mais il y est empreint
d'une majesté grave et sereine. Ce n'est pas le décor d'une scène
de sabbat. C'est un site préparé d'avance pour le jour où la trom-
pette du jugement dernier réveillera tout d'un couples milliers de
corps qui reposent dans ces tombes abandonnées.
Des ruines de Clonmacnois les souvenirs surgissent en foule à
l'esprit du visiteur. L'histoire et la légende s'y mêlent. La première
évoque à la fois les soldats de Cromwell, qui mirent la dernière
main à l'œuvre de destruction accomplie par le temps, Dervorgilla,
l'épouse infidèle, cause indirecte de la conquête anglaise, qui fit
construire une chapelle à un demi-mille plus au Nord, Alcuin, qui
fit connaître la gloire du monastère jusqu'à la cour de Charlemagne
et tous les moines auxquels nous devons notamment le Leabhor
na h-Uidhre ou les Annales de Tigernach. La légende rappelle
nombre de personnages, clercs ou laïques, qui furent mis en rapport
374 Bibliographie.
avec Ciaran, comme Coirpre Cromm mac Fer-adaig (R. Celt.,
XXVI, 368 et A. f. celt. Lex., III, 225) ou comme St. Senan
(Macalister, p. 86-87, 139-141) et toute la série des princes et des
rois qu'on lui donna pour ancêtres. M. Macalister a reproduit p.
103 ces généalogies fantaisistes. Ciaran Mac int Sair (« fils de l'arti-
san »), dont la naissance était sans doute des plus humbles, est
rattaché tantôt à Tigernmas, le fabuleux roi milésien de Tara,
tantôt à Fergus Mac Roich, héros de la Branche Rouge d'Ulster.
Cette prétendue parenté avec Fergus explique qu'on ait mêlé Cia-
ran à la révélation du récit de la Titiii. Dans l'extravagante bouf-
fonnerie qui porte le titre à'Imthecht na Tromdaime, on voit Ciaran
écrivant sur la peau de sa fameuse vache brune le récit que lui fait
Fergus. Mais il a échappé à M. Macalister que les noms de Fergus
et de Ciaran sont associés ailleurs encore. Senchan Torpéist, con-
traint parle roi de Connaught Guaire de retrouver le récit perdu,
avait d'abord invoqué le secours de Brendan de Clonfert. Celui-ci
apparut en songe à l'un de ses moines pour le prier d'avertir Sen-
chan que c'était à Ciaran qu'il fallait s'adresser : « la prière qu'il
adresse, ce n'est pas ici qu'il l'obtiendra, c'est à Clonmacnois
auprès de Ciaran fils de l'artisan », in eitchi connaigb1 ni siinn atâ
dhô, acht a Ch'tain mie Nois la Ciaran mac in tsàir(A. f. celt. Lex.
III, 4). Comme le remarque M. Thurneysen (Irische Helden- und
Kônigsage, I, 253), ce passage s'explique par le fait que Ciaran
était un des saints de la race de Fergus. Et Ciaran effet envoie
Senchan à Fergus, qui lui fait connaître le détail de la célèbre
expédition.
J. Vendryes.
IV
Thomas F. O'Rahilly, Dânfhocail, Irish Epigrams in Verse. Dublin,
The Talbot Press, 1921, 115 p. 120 5 sh.
Le quatrain est la forme la plus habituelle de la poésie irlandaise.
Les plus longues pièces de vers, même à l'intérieur des récits
suivis de l'épopée, sont généralement composées de séries de
strophes de quatre vers, dont chacune fournit un sens complet.
Quiconque a un peu pratiqué la littérature du moyen irlandais sait
1. Lire in itge connaig. La forme connaig « il demande » est à coitdaig
(Wb. 8 d 20. Ml. 35 c 21) comme connagam « nous demandons » (L. L.
jo8 b 12) à condegam (Ml. 107 c 8).
Bibliographie. 375
combien les textes en prose de cette période, quel qu'en soit le
caractère, sont émaillés de quatrains, groupés ou isolés. Le qua-
train vient naturellement à l'esprit du conteur, quand il veut
résumer d'une façon frappante une situation ou faire parler un de
ses personnages avec noblesse et splendeur. Il y a d'ailleurs des
formes variées de quatrains. Ce que l'on appelle quatrain en irlan-
dais (cethramlhu, a.u\. ceathramha ou rann) n'est généralement que la
réunion de deux « Langzeilen » ; et chacune de celles-ci comporte
des variétés de mètres assez nombreuses (voir K. Meyer, a Primer
of Irish Metrics, Dublin, 1909, p. 13 et ss.). Un mètre des plus
répandus est celui qui porte le nom de debide (id. ibid., p. 8).
Fréquemment, pour remplir les blancs des manuscrits, lesscribes
y ont inséré des quatrains, qui leur revenaient à la mémoire ou
qu'ils copiaient de droite et de gauche. Cela s'est produit surtout
dans les derniers siècles. Alors que l'anglais oppresseur entravait la
libre expansion de la langue et de la pensée irlandaises, le manuscrit,
à défaut du livre imprimé, a servi de réceptacle et de véhicule à la
littérature nationale. Innombrables sont les cahiers de papier sur
lesquels, aux xvne, xvme et même xixe siècles, d'humbles
scribes, souvent inconnus, ont fixé des traditions orales restées
vivaces, des récits, des poèmes qu'on se passait de main en main,
Les jeunes érudits d'Irlande sont particulièrement attirés aujour-
d'hui par l'étude de cette littérature, qui évoque le souvenir des
siècles d'épreuve et porte le témoignage des qualités morales et
intellectuelles d'un peuple qui ne voulait pas mourir.
M. Thomas O'Rahilly est de ceux qui se sont fait connaître le
plus avantageusement par leur zèle et leur compétence à dépouiller
les manuscrits irlandais des derniers siècles. Au cours de ses
dépouillements, il a eu l'occasion de rencontrer un nombre considé-
rable de quatrains, sur les sujets les plus variés. De ces quatrains
il a fait un choix, qu'il publie sous le nom de Dàiifhocail, c'est-à-
dire à peu près « épigrammes en vers »'. Pour la forme, on y
observe divers mètres classiques, debide, rannaigecht, ae freslige.
Pour le fond, ce recueil constitue une anthologie qui a le mérite
de faire connaître les idées les plus familières aux Irlandais sur le
monde et sur la vie. C'est un abrégé de la sagesse populaire. La
forme poétique y renouvelle souvent des proverbes qui ont cours
dans tousles pays ; parfois le fonds même a une saveur proprement
1. De ddn « poésie» et de focal « mot, parole », au sens où l'on dit
« mot historique », « p.irole de soldat », etc. On pourrait traduire ddnjho-
cal par « pensée ou phrase en vers ».
376 Bibliographie.
irlandaise. Les quatrains sont rangés suivant le sujet dans une
quinzaine de rubriques (générosité et avarice, richesse et pauvreté,
les femmes et l'amour, jeunesse et vieillesse, la mort et l'éternité,
le clergé et la religion, etc.). Il y en a en tout 290. Ils remontent en
grande majorité à lapériodequi s'étend de 1400a 1700; quelques-
uns peuvent être plus anciens, ilyen a qui sont seulementdu xixc
siècle. M. T. O'Rahilly a uniformisé la langue de façon à rendre
son recueil intelligible à quiconque ne connaît que l'irlandais
moderne. Il a d'ailleurs joint à son texte des notes abondantes, rensei-
gnant sur la provenance de chaque quatrain, sur les circonstances
auxquelles il se rapporte, et sur l'auteur, s'il y a lieu, enfin expli-
quant les principales difficultés de la langue. L'ouvrage se termine
en outre par un petit lexique des mots rares et par un index des
auteurs cités, depuis Cormac MacAirt etColum Cille jusqu'à Olivier
Plunkett et David Do Barra.
On sait combien la littérature des proverbes est abondante en
Irlande à toutes les époques. Plusieurs collections ont été faites,
dont on trouvera la liste dans la Bibliographie de Best, p. 263-264.
Le pays de Galles ' et la Bretagne 2 ont également fourni aux collec-
teurs et éditeurs une abondante moisson. Parmi tous les recueils qui
ont été publiés en Irlande, celui de M. F. O'Rahilly se distingue
par l'excellence du choix et par la valeur littéraire des quatrains
choisis.
J. Vendryes.
V
George Fletcher. The provinces of Ireland, Cambridge, University
Press. 1921 : Ulster, xi-186 p., Munster, xi-176 p. 8°. 6 s. 6
d. chaque volume.
Ces deux volumes sont les premiers d'une série de monographies
consacrée aux quatre provinces d'Irlande et qui se terminera par
un volume d'ensemble sur l'Irlande en général. Le directeur de
l'entreprise, M. Fletcher, attaché au Department of Agriculture and
Technical Instruction de Dublin, a fait appel au concours de
1. Voir surtout the Myfyrian Archaioloçy ', 2<* éd . , p. 754-Sn et 838-867,
les Iolo MSS., p. 154-194 et 224-227. Ce qui rappelle le mieux l'œuvre de
M. F. O'Rahilly, c'est d'une part Penillion Telyn de M. W. Jenkyn Tho-
mas (Carnarfon, 1894) et d'autre part Blodeuglum oEnglynion de M. W.J.
Gruffydd (R. Celt., XXXVIII, p. 208).
2. Voir Revue celtique, t. XXXIII, p. 492 et XXXIV, p. 108.
Bibliographie. 377
savants compétents pour donner à ces volumes une documentation
choisie. Ainsi ce qui concerne la préhistoire est dû à la plume de
M. Macalister, l'archéologie et l'histoire de l'art à celle de M.
Armstrong, la biographie des grands hommes à celle de M. Best.
La géographie physique, la botanique et la zoologie sont traitées
par M. Lloyd Praeger, la géologie par M. Isaac Swin, la géo-
graphie économique et administrative par M. Fletcher lui-même.
Chaque monographie est illustrée de nombreuses figures, accompa-
gnée de cartes.
En un moment où l'Irlande est à un tournant décisif de son his-
toire, où le passé s'éclipse rapidement pour faire place à un ave-
nir encore incertain, il est excellent qu'une description exacte et
impartialefixe les traits du pays sous sa forme actuelle. M. Fletcher
s'estplacéau-dessus de toute discussion politiqueou confessionnelle :
c'est la figure de l'Irlande elle-même qu'il a voulu peindre, du
pays dont l'âme éternelle survit aux vicissitudes politiques, et qui
garde sa splendeur malgré les taches qui momentanément l'assom-
brissent. La collection peut être accueillie avec intérêt aussi bien
à Dublin qu'à Cork et à Belfast. Elle doit recevoir aussi un bon
accueil à l'étranger. L'Irlande n'est pas assez connue : les curiosi-
tés naturelles, les monuments artistiques et archéologiques, les
souvenirs historiques y offrent pourtant des attraits nombreux. Les
volumes de la collection de M. Fletcher, à en juger par les deux
premiers, forment un complément indispensable aux guides du
voyageur ; ils ont tout ce qui est nécessaire pour faire connaître
et aimer l'Irlande et pour engager les touristes à la visiter.
J. Vendryes.
VI
Albert Stanburrough Cook [Professor Emeritus of the English Lan-
guage and Literature in Yale University], The Possible Begetter
of the OUI English Beowulf and Widsith (extrait des Tran-
sactions of the Connecticut Academy of Arts and Sciences, vol. XXV,
p. 281-346). New Haven, Connecticut. Yale University Press.
1922 . % 1.00.
La composition du poème de Beowulf pose une série de pro-
blèmes délicats qui ne sont pas encore entièrement résolus. On
discute toujours sur la date à laquelle il a été rédigé et sur la région
d'où il est sorti. Le manuscrit unique qui nous l'a conservé (Bri-
tish Muséum, Cottonian MSS, Vitellius A. 15) est de la seconde
378 Bibliographie.
moitié du xc siècle; il provient du Wessex et a été copié par quel-
qu'un de cette région. Mais le texte est d'une date bien antérieure,
des environs de l'an 700 suivant A. Brandi (Geschichte der altengli-
scben Literatur dans le Grundriss de Paul, 2me édition) ouChambers
(Beowulf, 1921, p. 332), du début même du vne siècle, suivant
certains autres. Comme la plupart des monuments poétiques du
vieil-anglais, il appartient sans aucun doute au domaine des
Angles et non à celui des Saxons. Mais on peut hésiter à l'attri-
buer aux Northumbriens ou bien aux Merciens.
Seule une analyse minutieuse du poème permet d'en éclaircir la
formation. Cette analyse a été faite jadis par M. Ten Brink avec
une rare sagacité, parfois un peu trop subtile dans le détail (Beo-
ivulf, Strassburg, 1888; Qiiellen und Forschiuigen, n° LXII). Le
poème est consacré à la gloire du héros Beowulf, le vaillant marin,
se môdega merefara, de la race des Geâtas ; on y raconte ses prin-
cipaux exploits, sa mort, ses funérailles. L'ensemble, qui est
arrangé avec beaucoup d'art, comprend deux parties principales
respectivement consacrées à la lutte de Beowulf contre le monstre
Grendel et à la lutte de Beowulf contre le dragon. Ces deux par-
ties sont adroitement coupées d'épisodes secondaires, présentés
sous forme de récits, comme la Course à la nage entre Beowulf et
Breca, qui était sans doute à l'origine un autre épisode de la
légende, ou bien comme les voyages de Beowulf, où sont racon-
tés des exploits présentés ailleurs en action, et qui proviennent
sans doute d'autres développements de la légende primitive. L'au-
teur qui a combiné tout cela a mis en tête de son œuvre une
introduction, ajouté une conclusion, et répandu sur le tout un ver-
nis uniforme si bien que les différents éléments dont il a tiré parti
se laissent malaisément discerner.
On peut admettre avec B. Ten Brink que parmi le peuple des
Angles, avant même qu'ils ne quittassent le continent, il courait
diverses légendes, relatives aux exploits du héros Beowulf. Ces
légendes furent introduites en Grande-Bretagne lors des expéditions
qui aboutirent à la fondation des royaumes de Bernicie en 547 et
de Deire en 559, dont l'ensemble constitue la Northumbrie. Mais
les Angles de Mercie, au sud de l'Humber, pouvaient les connaître
aussi. Sur le sol breton, elles prirent corps et formèrent divers
récits épiques indépendants les uns des autres. Est-il possible de
localiser chacun de ces récits ? B. Ten Brink l'a tenté, attribuant
par exemple à la Bernicie le combat de Beowulf eontre le dragon, à
la Deire le voyage de Beowulf vers le palais de Heorot, basa sêlest,
et son combat contre Grendel, à la Mercie plusieurs des épisodes
Bibliographie. 379
incorporés secondairement au poème. Cette répartition est bien
arbitraire, et les raisons qu'il donne pour la justifier paraissent
contestables. D'autre part, tandis que le poème se constituait par
la combinaison de morceaux de légende purement païens, il se
teinta de christianisme par l'addition de digressions théologiques
ou de discours édifiants. Sous l'influence du dogme et de la morale
chrétienne, la rudesse presque barbare des mœurs primitives s'adou-
cit; la légende s'humanisa. La forme définitive donnée au poème
trahit une autre influence, l'influence de l'antiquité classique. La
composition est ordonnée avec goût, les épisodes bien coupés,
les discours habilement mêlés au récit, selon les meilleures recettes
de l'épopée. Dans le détail on a pu relever des réminiscences,
sinon des imitations d'Homère. Celui qui a composé le poème
de Beowulf était un clerc lettré; il n'a pu l'écrire que dans un
milieu relativement poli, près d'une cour où la vie de société était
garantie par un pouvoir politique solide. Le public auquel il s'adres-
sait possédait sans doute des vertus guerrières et un fort sentiment
national, il restait attaché à ses traditions de race, mais il était
déjà pénétré de christianisme, et par le christianisme il avait une
certaine idée de la littérature gréco-latine.
Ces conclusions permettent-elles de déterminer la région où le
poème fut composé ? Pour des raisons somme toute assez fragiles,
Ten Brink inclinait à croire que cette région était la Mercie. Cette
opinion ne paraît soutenable qu'à condition de retarder d'un bon
siècle la date de composition. Si l'on s'en tient au vne siècle, et
en particulier à la seconde moitié du vne siècle, c'est bien plutôt
à la Northumbrie qu'il faut songer. Ce pays réalise alors d'une
façon remarquable l'ensemble des conditions qui viennent d'être
indiquées. Sous les rois Aethelfrith (593-617), Edwin (617-633),
Oswald (634-642), qu'ils fussent de Bernicie ou de Deire, l'his-
toire delà Northumbrie est remplie par la lutte contre les Bretons
et les Merciens. Aethelfrith avait battu à Chester en 614 les Bre-
tons de Brochfael Yskithrawc. Mais en 633 les Bretons de Cadwal-
lon,unis aux Merciens de Peanda, écrasèrent à Heathfield (gallois
Meigen) les troupes du roi Edwin, qui fut tué dans la bataille.
Deux ans après, Oswald infligeait à ses ennemis une revanche à
Heavenfield (gallois Maes Nefawl, 7 à 8 milles au N. d'Hexham).
Cadwallon y périt. A partir de ce moment, comme dit le Brut y
Tywyssogion, les Bretons perdirent la couronne du royaume, qui
fut gagnée par les Saxons (0 hynny allan y colles y Brytanyeit goron y
teyrnas, ac yd ennillawd y Saeson hi, R. B., II, 257). D'autre part, à
la mort du roi Peanda, tué en 651 à la bataille de Winwaed par le roi
j8o Bibliographie.
de Norlhumbrie'Oswy, la suprématie sur les Merciens fut assurée à
ce dernier. Les Merciens essayèrent à plusieurs reprises de secouer
le joug; ils n'y réussirent pleinement qu'en 705. Il est vrai que
l'année 685 où les Northumbriens subirent la défaite de N'echtans-
mere marque pour eux le début de la décadence. Cependant durant
près de soixante ans, sous les princes Oswy (642-671), Ecgfritb
(671-685) et Aldfrith (685-705), de tous les royaumes de Grande-
Bretagne, c'est la Nortbumbrie qui brilla du plus vif éclat. Elle
était chrétienne depuis 627 (date de la conversion du roi Edwin),
tandis que Peanda et ses Merciens restaient attachés au paganisme.
L'ordre y régnait, les lettres y étaient cultivées, la religion y floris-
sait grâce à Théodore de Tarse et à Wilfrid, évêque d'York. C'est
dans ce milieu northumbrien que le poème de Beowulf a dû
prendre la forme que nous connaissons.
Telle est la doctrine que M. A. S. Cook expose dans la brochure
dont le titre est donné plus haut. Cette doctrine est importante
pour les études celtiques, car la période où régnèrent Oswy,
Ecgfrith et Aldfrith est marquée par l'influence irlandaise en Nor-
thumbrie. Ces trois princes étaient en étroits rapports avec le
monastère de Iona. Déjà, Oswald, frère et prédécesseur d'Oswy,
y avait séjourné; c'est lui qui appela en Northumbrie St. Aidan'et
l'installa comme évêque à Lindisfame. La Vita Sancti Calumbae
d'Adamnan raconte comment la veille de la bataille d'Heavenfield
Columba apparut en songe à Oswald et lui prédit la victoire (éd.
Reeves, p. 14-15); c'est ainsi que Dieu lui-même fit d'Oswald le
roi de toute la Bretagne : totius Britanniae imperator a Depordinatûs
est (ibid, p. 16). Oswy savait l'irlandais (Bède, E. H., III, 25) et
avait vécu exilé en Irlande (id., ibid. III, 1). C'est pendant son
séjour dans ce pays qu'il eut avec une fille duClannNeill, nommée
Fina, des relations d'où naquit Alfrith. Revenu en Northumbrie,
il épousa en justes noces Eanfled, qui lui donna Ecgfrith comme
fils ; Ecgfrith succéda sur le trône à son père Oswy, mais à la
mort d'Ecgfrith, c'est au bâtard Aldfrith que la couronne fut don-
née. Bien qu'il fût enterré aussi à Iona, après une malheureuse
guerre contre les Pietés, où il fut tué à la bataille de Dun-Nechtain
(Vita sancti Calumbae, éd. Reeves, p. 186), Ecgfrith ne montra pas
toujours à l'égard des monastères irlandais des dispositions paci-
fiques : il avait en 684 envoyé en Irlande une armée qui ravagea
Mag Breg et la côte de Dublin à Drogheda, sans épargner les
églises (id., ibid.; et B*ede, E. H., IV, 26). Son demi-frère et
successeur Aldfrith fut au contraire un prince pieux et instruit,
ami des lettres qu'il encouragea dans son royaume. Mac Firbis
Bibliographie . j8l
l'appelle « l'admirable savant, disciple d'Adamnan » an t-egnaiâ
ambra, dalta Adhamhnain (Reeves, op. cit., p. xliv). Il eut en effet
des relations suivies avec Adamnan, qui vint le voir en Northum-
brie au moins à deux reprises (ici., ibid., 187). Il en eutaussi avec
le célèbre Aldhelm de Malmesbury, 'un des plus savants hommes
de son temps, et qui avait lui-même subi l'influence de la culture
irlandaise. Pendant le règne de son frère, Aldfrith s'était tenu exi-
lé en Irlande, et la littérature irlandaise a conservé son souvenir.
Sous le nom de Flann Fina Mac Ossa, on lui attribue divers
poèmes en irlandais, qui sont venus jusqu'à nous. L'un, consacré
à la louange des diverses contrées de l'Irlande, a été publié par M.
P. Walsh dans Ériu, VIII, 64 et ss. (v. R. Celt., XXXVIII, 94);
l'auteur s'y appelle lui-même le beau Flann Fina fils d'Oswy, le
premier savant d'Irlande, Fland fuid Fina mac Ossa, ardsui hErend
eolossaOv. 89-90). Un autre poème, sur la décollation de st. Jean-
Baptiste, a été publié par Miss Annie Scarre dans Ériu, IV, 173.
Enfin, on prête encore à Flann Fina des « sentences » (briathra),
analogues à celles qui sont attribuées à Cormac Mac.Airt (K.
Meyer, Tecosca Cormaic, p. vi) ou à Fitbal (Thurneysen, Zu iri-
seben Handschriften und Literaturdeukmdleru,\, p. 21-22); il y a sou-
vent confusion entre les unes et les autres. Des briathra Flainn ont
été éditées par K. Meyer dans les Anecdota from Irish MSS, III,
p. 10-20 et dans la Zeitschrift fur celtische Philologie, t. VIII, p. 112.
C'est Aldfrith, aidé d'Aldhelmque M. S. Cook soupçonne d'avoir
été le « begetter » du poème de Beowulf, et aussi d'un autre
poème vieil-anglais, Widsith, qui est contemporain. L'hypothèse
est des plus séduisantes. Il faut laisser aux spécialistes du vieil-
anglais le soin de l'examiner à leur point de vue. Mais il importe
de marquer ici combien au point de vue celtique elle ouvre de
perspectives intéressantes. Tout récemment M. Gaidoz (v. ci des-
sus p. 247) signalait des similitudes entre le Beowulf et tel récit
épique irlandais incorporé à la Fled Bricreud '. Ces similitudes se
comprennent aisément si l'on admet l'hypothèse de M. S. Cook ;
un examen plus attentif en découvrirait peut-être d'autres. Il n'est
pas indifférent qu'à propos de Beowulf la question des rapports de
la littérature irlandaise et de la littérature du vieil-anglais soit posée
simultanément par deux savants travaillantdans des directions diffé-
rentes -. Elle mérite d'être traitée d'ensemble. On peut la recom-
1. Voir toutefois A. G. van Hamel, De ouJste keltiscbe en angelsaksische
Geschiedbronnen,p. vin et 196 (Rev. Celt. XXXII, 348).
2. En dehors des « Saxons , nommés dans la Tdiu ho Cuailnqe (11. 821,
382 Bibliographie.
mander à l'étude d'un philologue, qui se serait familiarisé avec
les deux domaines; il en obtiendrait sans doute des résultats nou-
veaux et féconds.
J. Vexdryes.
VII
Albert Pauphilet, Études sur la Oueste del Saint GraaL attribuée à
Gautier Map. Paris, Champion, 1921. xxxv-207 p. 8° 20 frs.
L'histoire de la littérature française au moyen âge a fait en M.
Albert Pauphilet une excellente recrue. Dans cet ouvrage sur la
Queste del Saint Graat, qu'il a présenté comme thèse de doctorat
à la Faculté des Lettres de Paris, il se révèle en pleine possession
d'un talent déjà mùr et qui promet beaucoup encore. La doc-
trine est ferme, l'exposé clair et aisé ; dès le début, le sujet est
bien saisi et d'un bout à l'autredu livre il est traité avec justesse,
élégance et bon goût. A toutes ces qualités on reconnaît l'ensei-
gnement que M. Pauphilet a reçu: il s'honore en effet d'avoir été
l'élève de M. Bédier. Ce n'est pas le moindre intérêt de ce livre
que de donner l'assurance que la méthode inaugurée par le maître
de notre littérature médiévale sera continuée après lui et appliquée
à de nouveaux objets.
Les romans français du cycle arthurien offrent cette difficulté à
celui qui les étudie que la matière en est empruntée à l'étranger.
Les personnages qui y figurent sont nés en Grande-Bretagne, et
dans les régions celtiques de Grande-Bretagne. Beaucoup des traits
qu'ils présentent se retrouvent même en Irlande. Il s'agit donc
d'un vieux fonds de légendes celtiques qui ont été transplantées
chez nous. M. Pauphilet y cherche avant tout ce que ces récits
ont de français, au sens national du terme, dans le choix des épi-
sodes, dans la disposition des matières, dans l'esprit; et après une
analyse très minutieuse il n'y découvre somme toute rien que de
français. Cela n'est pas étonnant. On sait sur quels principes
repose cette interprétationhistorique, dontM. Bédier, M.C.Jullian,
M. Ferdinand Lot ont donné, chacun dans leur genre, d'excellents
modèles. Une œuvre représente toujours un auteur, une époque
2680 éd. Windisch), il est question de trois « Saxons » dans la Toqail
Bruidneda Derga, § 116 (R. Celt. XXII, 291) : Osait, Osbrit aux longs
bras et Lindas (ou Ouït) qui avaient leur « chambre » (itnda) dans le palais
de Conaire Môr.
Bibliographie. 383
et un milieu. Celui qui prend la peine d'écrire met naturellement
dans son œuvre sa propre sensibilité et son propre esprit, môme
s'il emprunte son sujet à des littératures étrangères ou s'il raconte
les aventures d'un passé lointain. De plus, comme un écrivain
appartient toujours à un certain monde et qu'il écrit toujours pour
être lu et apprécié d'un certain public, c'est en somme l'esprit
actuel du milieu dans lequel il vit que son œuvre exprime.
En étudiant la Oueste del Saint Graal, M. Pauphilet a été juste-
ment frappé de deux faits. C'est d'abord que le milieu dans lequel
évolue la pensée de l'auteur est un milieu ecclésiastique ; les préoc-
cupations que pouvaient avoir alors les gens d'église se reflètent
presque toutes dans son œuvre. Bien mieux, l'atmosphère du récit
est monastique, et plus précisément cistercienne ; le roman réunit
la « fleur des histoires » merveilleuses de l'ordre de Cîteaux,
exprime sa doctrine morale, ses rêves politiques. D'autre part, M.
Pauphilet a l'impression que l'auteur, voulant faire paraître Dieu
dans son œuvre, s'est inspiré des plus belles descriptions du monde
divin qu'il connaissait. Il a combiné les différents thèmes du mys-
ticisme de son temps, tels qu'ils se présentaient à lui, consacrés
par le pinceau, par le ciseau ou par la plume. Sa manière est faite
d'un mélange de réminiscences littéraires et artistiques. Cela sug-
gère un rapprochement avec les beaux travaux de M. Mâle. Il est
inévitable en effet que les œuvres plastiques s'imposent aux ima-
ginations et prêtent leur forme aux rêves des poètes. La Oueste del
Saint Graal est une œuvre française, jusque dans la façon dont le
christianisme y est conçu et représenté.
Les celtistes seraient mal venus à chicaner M. Pauphilet sur ses
conclusions. Us doivent être convaincus eux-mêmes que la méthode
qu'il a suivie est seule capable de renouveler l'étude de l'épopée
irlandaise, le jour où le travail philologique sera suffisamment
avancé pour en permettre l'emploi (v. ci-dessus p. 362 et ss.). Que
Lancelot et Gauvain, que le Graal et la Table ronde aient pris dans
nos romans français une tournure française, il ne pouvait en être
autrement. Les héros de notre cycle arthurien ne sont pas plus
celtiques que le Cid n'est espagnol ou Auguste romain, Phèdre
grecque ou Joad hébreu. Le mérite des personnages de Corneille
et de Racine est d'incarner l'éternelle vérité humaine sous l'aspect
de leur époque. L'imitation étrangère, les souvenirs classiques ne
fournissaient qu'un cadre, un moule: c'est l'esprit français de leur
temps que nos grands tragiques y ont versé.
Dans nos romans de la Table ronde, les éléments celtiques sont
relégués au second plan, parfois même éliminés. Ce qui donne à
|84
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uioorapbie
ph
la Queste del Si Graal le souffle de la vie, ce sont les préoccupa-
tions d'un moine français du xnr- siècle. L'intérêt se concentre si
bien sur la scène du Graal, qui n'est qu'une transposition de la
scène de l'Eucharistie, que le récit tout entier en a dû être trans-
formé, dénaturé. On s'en aperçoit aisément. Voici un détail bien
caractéristique. Le Roi Pêcheur ne joue en somme dans le récit
français aucun rôle utile. C'est une figure traditionnelle et que le
respect de la tradition a seul fait garder. Mais elle est parfois
gênante, si gênante qu'au moment essentiel de l'aventure, quand
les préoccupations chrétiennes s'imposent et dominent, elle dispa-
raît. Or, ce Roi Pêcheur était certainement un personnage de haut
rang dans la vieille mythologie celtique. Je ne crois pas avoir
jamais vu signalé un rapprochement qui m'a frappé depuis long-
temps. Sur le fameux monument de Lydney Park, consacré au
dieu Nodons ou Nodms, figure un pêcheur dans l'exercice de sa pro-
fession '. Or, le celtique Nodons (irlandais Nuadu, gén. Nuadat ;
gall. Nitdd) est proprement le dérivé en -ni- de la racine à laquelle
se rattache le gotique mita (pi. milans) qui traduit le grec y.livjç, 2.
Il n'est pas douteux que Nodons ne soit originellement un dieu
pêcheur. C'est probablement lui qui est devenu le Roi Pêcheur de
nos romans arthuriens. Quelle déchéance, quand on passe du dieu
de Lydney Park à ce vieillard inerte et encombrant ! Mais n'est-
ce pas une déchéance analogue qu'a subie Arthur? V « empereur
Arthur » joue un rôle peu actif, peu digne de sa renommée, dans
nos romans français ; il y apparaît même parfois comme un Jupin
de comédie. Il avait certes une autre allure dans les récits primitifs
qu'on fit en Galles, si nous en jugeons par les rares fragments de
poèmes où il est question de lui. Nos conteurs doivent être en
en partie responsables de la déchéance d'Arthur. C'est à l'imitation
des romans français que les romans gallois de Peredur, d'Owein,
de Gereint nous présentent à leur tour un Arthur si affadi. Il n'y a
donc pas lieu d'être surpris que le sujet de la Oncsie del Saint
Graal se soit transformé entre les mains de nos conteurs. Ils l'ont
taillé à la mesure de leur goûts littéraires, ils y ont introduit leur
mentalité. Quelque puissance de vision que l'on ait, on ne voit
jamais que du point de vue de son temps.
i. « in the act of hookinga fine salmon », dit Rhys dans la description
qu'il fait du monument (Celtic Folk-Lore, Oxford, 1901, t. II, p. 445 et
suiv. ; cf. du même, Hibbert Lectures, Lectures on the Origin and Growth oj
Religion as illustratedby Cellic Heatheniom, London 1888, p. 127).
2. Sur le développement de cette racine en germanique, voir Meringer,
lndog. Fschg., XVIII, 234 et s.
Bibliographie. 385
Mais cette conclusion ne résout pas la question des rapports entre
la littérature française du moyen âge et les littératures celtiques.
Quand on passe de la forme primitive d'une légende, telle qu'on
peut la reconstituer par des analogies, des comparaisons et des
hypothèses, à la forme que présente un roman français, il faut
admettre que hien des intermédiaires sont possibles. La transfor-
mation des traits originaux, l'adaptation 'de motifs très anciens à des
conceptions modernes, n'est pas nécessairement le fait des seuls
Français. Il est admis que tel roman nous est connu sous la forme
que lui a donnée une main française ; mais d'après quel original
travaillait cette main ? quel modèle a-t-elle suivi ? C'est une ques-
tion que les romanistes ne peuvent trancher par leurs propres
moyens. Leurs conclusions s'arrêtent à une limite qu'ils n'ont pas
le droit de franchir. Il faudrait d'abord expliquer pourquoi les
légendes celtiques ontexercé sur les romanciers français un si grand
attrait. C'est apparemment qu'il y avait des affinités entre le con-
tenu des unes et l'esprit des autres. Il est juste de soutenir que le
Cid de Corneille est français. Mais ce n'est pas sans raison, qu'entre
tant de héros Corneille est allé choisir l'amant de Chimène. S'il
a été attiré par l'œuvre espagnole, c'est qu'il y trouvait une
matière adaptée à son génie autant qu'aux goûts de son public.
L'Espagne est donc en droit de revendiquer la paternité même du
personnage que Corneille a créé pour la scène française. Quand
il s'agit de décider si les caractères généraux de la Queste del Saint
Graal pourraient ou non provenir d'un original celtique, nous
sommes réduits à des conjectures, puisque l'existence de cet original,
je veux dire d'un original composé à la manière du roman français,
n'est rien moins que prouvée. Mais l'expérience qui a été faite pour
le roman de Tristan doit nous rendre circonspects et nous garder
des affirmations trop promptes. Tandis que certains s'obstinaient
à voir dans le Tristan de Béroul surtout des éléments français, tout
comme M. Pauphilet dans la Queste del Saint Graal, M. J. Loth a
montré d'un seul coup toute la fausseté de leur point de vue : la
légende d'où Béroul a tiré son roman avait pris forme en Corn-
wall; c'est sur une matière de Cornwall qu'il a travaillé (Rev. Ceit.,
t. XXXIII, p. 258 et ss.). Certains des traits que nous jugeons les
plus français dans son œuvre sont peut-être pris au celtique,
de même que quelques-unes des répliques les plus françaises du
Cid sont traduites de l'espagnol.
Lorsque deux civilisations sont aussi voisines que celles de
France et de Grande-Bretagne, et qu'elles ont entre elles des con-
tacts aussi fréquents et aussi prolongés que nous le trouvons au
Revue Celtique, XXXIX. 2"
38e Bibliographie.
moyen âge, il est malaisé défaire le départ de ce qui appartient à
chacune d'elles. Il conviendrait donc que lesdeux philologiess'igno-
rassent moins qu'elles ne font. Au moyen âge les rapports intellec-
tuels étaient constants entre moines, lettrés, savants de la terre de
France et des pays celtiques. St. Bernard et St. Malachie vivaient
dans une étroite intimité de pensée. Pour bien apprécier les
œuvres du moyen âge, il faut établir aujourd'hui une union sem-
blable entre les romanistes et les celtistes.
J. Vendryes.
CHRONIQUE
Sommaire I. M. J. Loth et la langue gauloise. — II. Études de M. Fran-
cis C. Diack sur la Newton Stone et autres Inscriptions pietés. — III.
La question des évèques abbés traitée par Dom Louis Gougaud. — IV.
Publication des romans du cycle arthurien par M. O. Sommer. — V.
Edition du Purgatoire de Saint-Patrice par M1Ie M. Môrner. — VI.
M. James F. Kenney sur la légende de Saint-Brendan. — VIL Un
ouvrage inédit de Gruffydd Roberts à la Bibliothèque de Cardiff. — VIIL
Traduction galloise des Paroles d'un Croyant par M. Ambrose Bebb. —
IX. Un nouveau texte en moyen-breton découvert par M. Thomas. —
X. Le livre de M. Esnault sur Le Laé. — XI et XII. Deux nouveaux
périodiques irlandais, An Réult et Earua.
I
M. J. Loth a donné à la Revue archéologique de 1922 (t. XIII,
p. 108-119) un compte rendu du livre de M. Dottin sur la langue
gauloise (v. Rev. CelL, XXXVIII, 179). Par ses dimensions et
l'importance de son contenu, ce compte rendu a la valeur d'un
article original. L'auteur s'est proposé en particulier d'y corriger
la tendance que manifeste M. Dottin à séparer le gaulois, celtique
continental, des dialectes celtiques insulaires (gaéliques et britto-
niques). Il montre qu'en réalité il n'y a qu'un celtique. C'est le
même que l'on rencontre en Gaule et dans les îles Britanniques ;
il a sur toute l'étendue du domaine les mêmes traits caractéris-
tiques dans sa phonétique, dans sa morphologie, même dans sa
syntaxe. Malheureusement nous ne connaissons le gaulois que très
imparfaitement, et nous le connaissons plusieurs siècles avant l'ir-
landais et le gallois. C'est là pour la comparaison un double incon-
vénient. L'insuffisance de la documentation expose à refuser au
gaulois les catégories ou les formes qui n'y sont pas attestées ; la
conclusion est téméraire, comme une récente découverte Ta mon-
tré en ce qui concerne le déponent (marcosior, v. Rev. CelL,
388 Chronique.
XXXVIII, 87). D'autre part la différence de date entre les docu-
ments gaulois et les plus anciens textes irlandais ou gallois fait
illusion sur le degré d'évolution des faits de chaque langue. Il
faut rectifier la perspective en replaçant chacun d"eux à l'époque
où il apparaît dans l'histoire. On se rend compte alors que le gau-
lois est simplement en retard, comme il est naturel, sur les dia-
lectes connus à date plus basse, mais qu'il contient en germe la
plupart des transformations que la langue devait subir dans les Iles
Britanniques. M. J. Loth développe à l'appui de cette doctrine
quelques preuves qui sont concluantes.
II
En regard de l'Irlande, l'Ecosse est pauvre en anciens documents
de la langue celtique. Antérieurement au Book of Deer, qui est
des xie-xne siècles, on ne connaît en Ecosse que quelques rares
inscriptions ou plutôt fragments d'inscriptions, la plupart en écri-
ture oghamique, et d'une date relativement basse. Le monument
le plus ancien est la fameuse Newton Stone, dans le comté d'Aber-
deen, bien connue depuis plus de 100 ans des archéologues et des
épigraphistes (v. le tome XVII des Proceedings of tbe Society of
Antiquaries of Scolland). Elle porte deux inscriptions séparées, l'une
en lettres latines, l'autre en ogham. Notre collaborateur M. Francis
C. Diack a consacré une étude à l'une et à l'autre dans le numéro
du 6 février 1922 du Scotsman (p. 9, col. 1-2).
L'inscription en lettres latines est double et comprend en réalité
deux inscriptions ; l'une :
EVAGAINXIAS
CI(N)GONOVO COI
ETTE
que M. C. Diack traduit : « Ette, son of Evagainna, descendant
ofCingo, hère » ; l'autre, immédiatement au-dessous de la pre-
mière :
MAOQI
NOVIOGRUTA
URAELISI
dont la traduction serait : « The grave of Elisos, son of Novio-
grus ».
L'inscription en caractères oghamiques doit se transcrire :
iddaiqnnn vorrenni ci osist
Chronique. 389
et signifierait : « Iddaiqrmn, son of Vorrennos, hère, descendant
of Os ».
La comparaison de ces trois inscriptions entre elles et avec les
inscriptions trouvées en Irlande permet d'établir que les deux
écrites en lettres latines sont les plus anciennes ; on peut les dater
d'environ 400 après J.-C. L'inscription en ogham serait d'un siècle
environ plus récente. Il va sans dire qu'il faut renoncer à voir sur
la Newton stone un texte bilingue, comparable à ceux ,que le Pays
de Galles a fournis. La ressemblance que ces trois inscriptions
présentent avec les inscriptions contemporaines trouvées en Irlande
est frappante. Cependant M. C. Diack relève avec raison quelques
différences qui ne sont pas moins frappantes. Une phrase comme
Elle Evagainnias Cingonovo serait d'après l'usage irlandais Ettos
(gén. sg.) maqqi Evagainnias coi avi (ou maqqi, ou mucoï) Chigonas.
C'est à dire que l'écossais emploie le nominatif pour designer le
défunt au lieu du génitif qu'emploie l'irlandais, le nom du père
étant exprimé ensuite au génitif sans le secours de maqqos ([maqqi) ;
de même dans le cas de Iddaiqunn Vorrenni. Si le mot maqqi
figure dans la seconde inscription latine, c'est parce que la formule
en est tout autre, le mot « tombe », ura, étant exprimé. Enfin,
l'écossais fait usage de suffixes patronymiques, comme le celtique
de Gaule et contrairement à l'irlandais. Les inscriptions de New-
ton offrent les deux noms Cingonovo et Osist ainsi formés.
En conclusion, M. C. Diack fait ressortir l'exemple de parenté
par la mère qui présente la formule Ette Evagainnias ; cela est con-
forme à l'usage des Pietés. Il signale aussi dans ces inscriptions
où l'on trouve employés des caractères latins, sinon des mots
latins, l'absence de toute trace de christianisme ; or, à la date où
elles furent gravées, les Pietés de cette région étaient déjà pénétrés
d'influence romaine, mais ils restaient encore et pour longtemps
païens. Enfin, il remarque que plusieurs des noms propres de ces
inscriptions se retrouvent dans les chroniques comme ayant été
portés par des rois pietés. Nous trouvons donc sur la Newton
Stone un échantillon de la civilisation picte, telle qu'elle florissait
au Nord des Grampians il y a quinze ou seize cents ans. C'est le
plus ancien titre de noblesse des habitants de cette région ; c'est
au point de vue linguistique leur « Serment de Strasbourg ».
M. Francis C. Diack a également exposé ses idées sur la New-
ton Stone dans une série d'articles publiés en février 1922 dans
The Aberdeen Free Press. Il y a joint quelques remarques sur d'autres
inscriptions oghamiques du pays des Pietés, inscriptions plus
récentes que celles de la Newton Stone et d'un caractère différent.
390 Chronique.
L'écriture oghamique, introduite d'Irlande dans le pays des Pietés,
y est représentée par une quinzaine d'inscriptions, échelonnées du
comté de Fifeaux Iles Shetland. Les plus intéressantes sont celles
d'Aboyne, de Brandsbutt (Inverurie) et de Logie-Elphinstone.
M. Diack en tire d'utiles comparaisons avec l'inscription de New
Stone.
Il a depuis réuni ses divers articles en une brochure de 64 pages,
comprenant de nombreuses remarques et notes additionnelles, et
publiée à Paisley chez l'éditeur Alexander Gardner.
III
On sait qu'à la suite de la publication de la vie de saint Samson par
M. Robert Fawtier, une polémique s'est engagée entre ce dernier
et divers savants au sujet des évêques abbés en pays celtique (v. ci-
dessus, p. 301). Notre savant collaborateur Dom Louis Gougaud
vient d'exprimer son avis sur « la question des abbayes-évêchés
bretonnes » dans la Revue Ma billon de 1922, p. 90-104. Les con-
clusions de son article ne sont pas favorables à la thèse de M. Faw-
tier. Il constate l'existence d'une abbaye-évêché à Lindisfarne
(fondé en 63 5 par des moines scots venus d'Iona avec Saint Aidan),
et rappelle que la lettre de Bède à Ecgbert de York, écrite en
734, contient la description d'une abbaye-évêché anglo-saxonne.
En Bretagne armoricaine il trouve le système de l'abbaye-évêché
établi à Dol et peut-être aussi à Tréguier.
Poursuivant ses recherches sur le continent, il relève notam-
ment dans la région du Rhin et jusqu'en Bavière des évêques qui
étaient en même temps chefs d'abbayes ou même des abbés-prêtres
ayant juridiction sur les évêques à la manière irlandaise ; mais
d'abbayes-évêchés proprement dites, pas la moindre trace (p. 99).
C'est là une distinction importante ; on peut également l'appliquer
à l'Irlande, où parmi les très nombreux évêques certains n'avaient
pas toujours de circonscriptions diocésaines et n'exerçaient leurs
pouvoirs que dans une « cité » (cathair) abbatiale à la tête de la
« familia » (muinter) monastique.
IV
L'année 1916 a vu se terminer la publication des romans fran-
çais du Cycle arthurien, entreprise par M. H. Oskar Sommer.
On doit être reconnaissant à la Carneo;ie Institution de Washin°;-
Chronique. 391
ton, sous les auspices et aux frais de laquelle M. Sommer a pu
mener sa tâche à bonne fin. Comme toutes les publications de la
Carnegie Institution, celle-ci est grandiose et monumentale, for-
mant sept gros volumes de belle impression, sur beau papier.
Les romans français du cycle arthurien, qu'on peut appeler aussi
cycle de Lancelot-Graal ou encore cycle de Gautier Map, bien que
tous ne soient pas nommément attribués à ce personnage, se com-
posent des suivants : YEstoire del Saint Graal, YEstoire de Merlin
(rédaction en prose de Robert de Borron), dont la seconde partie
porte le nom de Livre d'Artus, le Livre de Lancelot du Lac, la
Queste del Saint Graal et la mort le roi Artus. Cet ensemble ne se
trouve conservé intégralement que dans six manuscrits, dont quatre
sont à la Bibliothèque Nationale (Ms. F. Fr. nos 98, du xve s., 1 10,
du xme s., 1 17-120, du xive s. et 344, du xme s.), un à la Biblio-
thèque de l'Arsenal (n° 3479-3480, du xve s.) et un au British
Muséum (Nos 10292-10294, du xive s.). Pour des motifs de com-
modité personnelle, M. Sommer a choisi, pour l'éditer, le texte
conservé au British Muséum. Son œuvre n'est pas une édition
critique. C'est simplement la copie d'un manuscrit et d'un
manuscrit qui n'est peut-être pas le meilleur. Le mérite d'un
pareil travail est dans l'exactitude de la copie. M. Sommer affirme
dans sa préface qu'il a donné tous ses soins à obtenir l'exactitude.
Malheureusement pour nous, et pour lui — car cela lui a coûté
une peine supplémentaire — il ne s'est pas tenu à ce rôle de copiste :
il a çà et là introduit dans son texte des corrections et même des
variantes empruntées à divers autres manuscrits. Ces corrections
et ces variantes n'auraient de valeur scientifique que si l'auteur
avait établi au préalable un classement méthodique des manuscrits.
Ce n'est pas le cas1. Il convient donc de n'utiliser l'œuvre de
M. Sommer que comme la copie d'un manuscrit. Elle pourra
rendre un bon service au philologue futur qui entreprendra une
édition critique du cycle du Graal : après avoir collationné tous
les manuscrits, complets et incomplets, il en notera les variantes
en regard du texte qu'a copié M. Sommer.
Les différentes parties de la publication de M. Sommer s'éche-
lonnent de la façon suivante :
Tome I. L'estoire del Saint Graal, 1909.
Tome II. L'estoire de Merlin, 1909.
Tomes III-V. Le livre de Lancelot du Lac, 1910-1912.
1. Voir notamment ce qu'en dit M. Pauphilet dans ses Etudes sur la
Queste del saint Graal, p. xxiij (ci-dessus, p. 382).
392 Chronique.
Tome VI. La queste del Saint Graal et la mort le roi Artus,
1913.
Tome VII. Le livre d'Artus, 191 3.
Index of Names and Places to Volumes I-V1I, 1916.
V
C'est aussi la publication d'un texte manuscrit qu'a faite Made-
moiselle Marianne Môrner dans la Collection de l'Université de
Lund, en 1920 (Lunds Universitets Arsskrifl, N. F. Avd. 1, Bd. 16,
Nr. 4 ; xxvij-62 p. gr. 8°) ; mais comme elle a joint à cette publi-
cation une étude philologique sur les sources, la versification et la
langue, des notes grammaticales et un glossaire, son travail a une
valeur scientifique incontestable et admet des conclusions fermes.
Il s'agit d'un poème sur le Purgatoire de Saint Patrice, conservé dans
un manuscrit unique qui est à la Bibliothèque Nationale (F. Fr.
n° 25345, Ier quart du xivc s.).
Cet épisode de la légende de saint Patrice est devenu au
Moyen Age un thème littéraire fort répandu ; il y en a des versions
anglaises (Kolbing, Englische Studièn I, 57-121); on en a publié
trois versions françaises (sans compter celle que publie Mllc Môr-
ner) ; il a passé en Italie et en Espagne. Il a été mis en vogue par
le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii, composé entre 1 180 et
1190 par un moine bénédictin, Henri, de l'abbaye de Saltrey, en
Huntingdonshire. C'est de ce texte latin que dérivent plus ou
moins directement toutes les compositions en langue vulgaire.
La légende peut se résumer en quelques mots '. Dans un lac du
comté de Donegal, le Lough Derg, il y a une île rocheuse, et
dans cette île une caverne, qui au temps de saint Patrice inspi-
rait de l'effroi à tous les habitants d'alentour, parce qu'ils la consi-
déraient comme la demeure d'esprits malfaisants. Saint Patrice,
passant par là, entreprit de délivrer ces braves gens de leur ter-
reur. Il entra dans la caverne et y resta quarante jours en prière.
Non seulement il en chassa les mauvais esprits, mais il y obtint
la faveur insigne de voir comment les péchés sont expiés en pur-
gatoire. C'est un thème de folklore modifié par l'esprit chrétien :
le saint a ouvert l'entrée d'une région souterraine ; quiconque y
1. Voir Selmar Eckleben, die atteste Scbitderung vpm Fegefeuer des beili-
gen Pal ricins, Halle a. S. 1885 ; Ph. de Félice, Vautre monde, Paris 1906 ;
Marianne Môrner, édition du Purgatoire de saint Patrice de Beroul, Lund
1917, avec une bibliographie, p. XV.
Chronique. 393
pénètre en état de grâce et sort victorieux des épreuves qui l'at-
tendent est certain d'avoir sa place marquée en paradis.
Il n'est pas question de cette aventure dans les plus anciennes
vies de saint Patrice. La légende a dû se former en Irlande même
à une date impossible à préciser. Giraud de Cambrie fait allusion
au Purgatoire de saint Patrice dans sa Topograpbia Hiberniae ;
Froissart le décrit d'après un récit que lui avait fait sir William
Lisle, qui l'avait visité. Mathieu Paris le mentionne dans son His-
toria Maior Augliae, qui va de io66 à 1259, et où il copie Roger
de Vendover en le continuant. On pourrait écrire un volume sur
l'histoire de la légende à travers les âges ; la caverne de saint Patrice
est encore aujourd'hui un lieu de pèlerinage, que l'on fréquente en
été, du Ier juin au 15 août.
VI
Le peu de renseignements historiques que fournissent les
Annales Irlandaises sur saint Brendan se résume en ceci qu'il
fonda le monastère de Clonfert à l'O. du Shannon (Co. Galway)
en 558 ou 564, et qu'il mourut en 577 ou 583, âgé de 95 ans.
Adamnan dans sa vie de Colum Cille le mentionne en deux pas-
sages sous le nom de Brendemis Mocu Aîti, et signale qu'il serait
venu rendre visite à Columba dans l'île de Hinba. Mocu Alti est un
« tribal naine » qui se réfère aux Altraige, formant eux-mêmes
une division des Ciarraige, dont le Comté de Kerry tire son nom.
Le district des Altraige était le N. O. du Kerry, aux alentours de
la ville actuelle de Tralee : on y trouve aujourd'hui des noms
comme Brandon Bay, Brandon Point, Brandon Headland, Bran-
don Hill, qui attestent la survivance des traditions locales concer-
nant saint Brendan ».
1. La forme la plus ancienne du nom de Brendan est Brinaind, mot
composé qui se ramène étymologiquement à Brén-find « cheveux pour-
ris » ou « cheveux puants » (cf. K. Mever, Sitqber. der preuss. Akad. 191 2,
p. 436) ; on trouve d'ailleurs encore la graphie Brénfind (Bn?nfind on Broen-
find) dans des manuscrits irlandais de la fin du moyen âge. Mais de ce
nom composé a été tiré un hypocoristique, de type Brénddn ou Brèndén (cf.
K. Meyer, Zur keltischen Wortkunde, n° 33, dans les Situer, der preuss.
Akad., 1912, p. 1 148) ; c'est sous la forme de l'hvpocoristique que le
nom a été vulgarisé. La graphie Broenfind au lieu de Brénfind est due à
une tantaisie étymologique : on tirait le nom du saint de broeti « goutte »,
eo quod multus in die baptismi eius ros esset (C. Plunvner, Vit. Sanct.
Hib., t. I, p. 99),
394 Chronique.
Commentée cénobite irlandais, connu en son temps pour avoir
fondé un monastère au même titre que ses contemporains Ciaran
ou Finnian, Congall ou Enda, est-il devenu, dans l'imagination et
la tradition populaires, Brendan le navigateur, héros de lointaines
expéditions maritimes? Comment en est-on venu à lui attribuer la
gloire d'avoir découvert l'Amérique 900 ans avant Christophe
Colomb ? C'est à cette question que répond un article de M. James
F. Kenney, The Legend oj Saint Brendan, publié dans les Transac-
tions of the Royal Society of Canada (section II, 1920, p. 5 1-67). L'article
n'est guère qu'un résumé des nombreux travaux antérieurs, mais
il est clair, composé avec méthode et avec goût. M. James F. Ken-
ney fixe au plus tard au ixe siècle la date où s'est constituée la
légende. On en trouve déjà les traits essentiels dans la Vita Brendani
(dont le plus ancien manuscrit est du Xe siècle ; Cf. Plummer, Vit.
Sanct. Hib., I, p. 98-151). C'est toutefois dans la Navigatio Bren-
dani, véritable composition épique, sorte d'Odyssée du christia-
nisme irlandais, qu'elle prend une forme littéraire complète '.
L'auteur inconnu qui la composa y combina avec art les données
de la géographie de son temps avec certaines traditions de la
mythologie celtique, mélangées de souvenirs bibliques et de thèmes
de folklore universel. Cet auteur devait être un moine, et un moine
irlandais; il a eu rapidement des traducteurs et des imitateurs en
beaucoup de langues. La Navigation de saint Brendan est devenu
un sujet favori de la littérature médiévale européenne.
Ce qu'il y a de proprement irlandais dans le récit se laisse
aisément discerner. Le fonds en rappelle celui des i/nnirama,
sujet rebattu de la littérature irlandaise. Bran, Maelduin, les Hui
Corra, Snedgus et Mac Riagla ont été les héros de voyages sem-
blables, racontés en vers et en prose (v. Best, Bibliographv, p. 115).
Le but du voyage est toujours un pays merveilleux, situé au delà
de l'Océan, un autre monde fortuné, mag inell, tir na mbeo, tir
na Fer Fionn, tir taimgiri ; on ne s'en approche qu'au prix d'aven-
tures extraordinaires, et souvent on n'en revient pas. Il va sans
dire que c'est un voyage dans le rêve, une fiction, et que l'auteur
ne se préoccupe pas de donner l'impression de la réalité. Pourtant
1. A consulter surtout : Achille Jubinal, La légende latine de saint Bran-
daines, Paris, 1836 ; Cari Schrôder, Sanct Braudan, Ein lateiniseber iind
drei deutsche Texte, Erlangen, 1871 ; P. F. Moran, Aetn S. Brendani,
Dublin, 1872 ; Gustav Schirmer, Znr Brendanus-Legende, Leipzig, 1888 ;
H. Zimmer, Z.J. d. Alt., XXXIII, p. 129-220 et 257-338 ; C. Steinweg,
Romaniscbe Forschungen, VII, p. 1-48 : C. Plummer, Z. f. celt. Phil., V,
1 24-141 ; A. Schulze, Z. f. rom. Phil., XXX, 257-279.
Chronique. 395
l'idée même de semblables récits, et le succès qu'ils obtinrent en
Irlande, où ils constituèrent de bonne heure un genre littéraire,
ne peuvent s'expliquer par le simple hasard. Il est assez frappant
que la naissance de la légende de saint Brendan coïncide à peu
près avec l'époque où l'Irlande entre en contact avec le monde
Scandinave. On est tenté de penser que, sous le nom de Brendan
le navigateur, un vieux thème de mythologie celtique a été renou-
velé par des événements contemporains, qui devaient frapper
l'imagination irlandaise. Au commencement du ixe siècle, le géo-
graphe Dicuil mentionne l'établissement de moines irlandais dans
les îles Féroé et même en Islande (De mensura orbis terrae, VII,
2 et 3). Nansen a supposé que le voyage de saint Brendan avait
servi de modèle à certaines compositions de la littérature Scandi-
nave (Jw Northern Mists, London, 191 1, 2 vol., chap. ix). Il a pu
se constituer en effet, au temps des expéditions aventureuses sur
les mers lointaines, un fonds de légendes qui prit forme en Irlande
en se coulant dans un moule traditionnel, et en s'imprégnant
d'esprit chrétien. Mais pourquoi le nom de Brendan s'est-il atta-
ché à ces légendes ? Nous savons que saint Brendan visita les côtes
de l'Ecosse : prit-il part lui-même à quelque traversée plus
longue, ou fut-il des premiers à engager ses disciples à en tenter ?
Une médaille, frappée en Amérique il y a quelques années, porte
à la face l'image de saint Brendan, develator Americae priscus.
Rien ne justifie pareille assertion. Si saint Brendan a découvert
l'Amérique, c'est tout au plus de la même façon que Sénèque,
disant dans un chœur de Médée (v. 375 et ss.) :
Venient annis saecula seris
quibus Oceanus uincula rerum
laxet et ingens pateat tellus,
Tethysque nouos detegat orbes,
nec sit terris ultima Thule.
VII
Dans le numéro du ^septembre 1922 du journal Western Mail,
de Cardiff, page 9, col. 1 et 2, M. Ifano Jones, conservateur de
la section galloise de la Bibliothèque de cette ville, a publié un
intéressant article sur « un manuscrit gallois depuis longtemps
perdu » (A long lost Welsh MS.) dont la Bibliothèque de Cardiff
a fait l'acquisition en 1919.
Ce manuscrit fut achevé de copier le 30 juillet 1600; il est de
39*> Chronique.
la main de Llewelyn Shôn de Llangewydd et comprend deux
ouvrages différents. Le second (fos 183-371) est la traduction
galloise d'un dialogue Diuesei Pauper, composé par Henry Parker,
Carme de Doncaster, et imprimé pour la première fois en 1493.
La traduction commence par les mots : Llyma lyfr a elwir Dires
a Phawper, nid atngen na'r kxvoethog a'r tlaïud yn ymgivesiiwno a'i
gilydd « Voici le livre qu'on appelle Dives et Pauper, c'est-à-dire
le Riche ei le Pauvre se questionnant mutuellement ». Le premier
ouvrage est au contraire un original, et la valeur en est d'autant
plus grande que la première partie seule, sur les trois qu'il con-
tient, avait été imprimée jusqu'ici.
Il s'agit d'un ouvrage de Gruffydd Roberts, le célèbre auteur d'une
grammaire galloise, imprimée à Milan en 1567 et dont deux seuls
exemplaires étaient connus, lorsque M. Gaidoz eut l'heureuse idée
d'en publier une reproduction comme supplément à la Revue
Celtique (Paris, Vieweg, 1870-1883). Ce Gruffydd Roberts était
un prêtre catholique que les rigueurs de la persécution protestante
au temps d'Elisabeth avaient contraint à s'expatrier. A Milan, où
il vivait, il composa un ouvrage d'édification, qu'il intitula Y
drych cristianogawl ; yn yr hwn y âichon pob Cristiaiun ganfod givrei-
dhin a dechreuad pob daioni sprydawî « Le miroir chrétien; dans
lequel tout chrétien peut apercevoir la racine et le principe de
tous les biens spirituels ». Il avait le plus vif désir de faire
pénétrer cet ouvrage en Galles ; mais les ressources lui manquaient
pour le faire imprimer. Un de ses disciples, Roger Smith, égale-
ment prêtre catholique, en fit faire deux copies, dont il garda l'une
par devers lui, tandis qu'il envoyait l'autre en Galles. Bien mieux,
alors qu'il se trouvait à Rouen, il y fit imprimer la première par-
tie de l'ouvrage, en 1585. Un exemplaire de cet imprimé se trouve
aujourd'hui à la National Library of Wales d'Aberystwyth (voir
(Catalogue of Manusoripts and Rare Books exhibifed in Ihe gréai bail
of ihe Library, 19 16, p. 22), un autre à la Welsh Librarv de Car-
diff. Mais les deux autres parties, pour une raison inconnue,
sans doute faute de fonds, restèrent inédites. Le manuscrit envoyé
par Roger Smith en Galles y arriva en fort mauvais état, après
une tempête où l'eau salée l'endommagea fortement. Il y fut séché,
réparé avec le plus grand soin, « dried and lovingly and eagerly
cared for », raconte Roger Smith, et accueilli partout avec fer-
veur et respect. Mainte copie en fut faite. C'est sans doute une
de ces copies qui a été reproduite en iéoo dans le manuscrit de
Llewelyn Shôn. La première partie de l'ouvrage y occupe les
folios 8-48, la seconde et la troisième respectivement les folios
Chronique. $97
48-108 et 109-182. On peut suivre l'histoire du manuscrit de
Llewelyn Shôn depuis environ un siècle; il fut acquis en 1841
par John Henry Vivian, père du premier Lord Swansea. qui
habitait Singleton Abbey (près Swansea) ; mais c'est seulement
en octobre 19 19, à la vente des collections de Singleton Abbey,
qu'il devint accessible au public en entrant à la Bibliothèque de
Cardiff. Il serait utile de reprendre et de terminer aujourd'hui l'édi-
tion que désirait Gruffyd Roberts et que Roger Smith n'avait pu
exécuter qu'en partie.
VIII
La collection populaire galloise, Cyfres y Werin, dont la Revue
Celtique a annoncé l'an dernier le premier volume (t. XXXVIII,
p. 208), et cette année même plusieurs des volumes suivants
(ci-dessus, p. 240) vient de s'enrichir d'une traduction des Paroles
d'un Croyant de Lamennais.
On notera avec satisfaction la place accordée aux œuvres fran-
çaises : un choix de nouvelles de Maupassant forme le deuxième
volume, les Lettres de mon moulin le sixième, les Paroles d'un
Croyant le septième, le huitième volume sera Y Avare de Molière.
Ce choix est des plus sages. Maupassant et Daudet, avec des qua-
lités très françaises, ont une vision assez largement humaine pour
être appréciés de l'étranger. Molière est un des génies les plus
représentatifs de notre race ; mais beaucoup de ses œuvres, et
Y Avare en particulier, ont une portée générale et éternelle. Il est
temps qu'il pénètre en Galles, après que Lady Gregory l'a fait
passer dans l'irlandais de Kiltartan.
Quant à Lamennais, il est sûr d'être bien accueilli dans un pays
de foi et de piété, plein de zèle à glorifier le Seigneur,
gwlad ry eurglod i'r Arglwydd.
Ce Celte d'Armorique a tout ce qu'il faut pour plaire à ses
frères de Galles ; et aucune de ses œuvres n'est plus galloise que
les Paroles d'un Croyant. Il est même étrange qu'ayant été traduit
en anglais dès 1854, l'année même de sa publication en France,
l'ouvrage ait attendu près de 90 ans pour l'être en gallois. L'in-
fluence biblique y est si marquée que les lecteurs de la traduc-
tion galloise y retrouveront le style, les images, l'esprit de leurs
lectures familières. Ils seront séduits par le souffle de fraternité
démocratique qui l'anime, par ces élans oratoires qui soulèvent
398 Chronique.
l'âme jusqu'à Dieu, par ces prosopopées, ces prophéties, ces
visions dont ils sont si friands dans leur propre littérature, par ce
que le livre contient à la fois de ferveur évangélique et d'exaltation
romantique. Tel de ses chapitres, comme le vingt-troisième,
semble naturellement appeler le hwyl. Les orateurs y trouveront
en abondance des thèmes a développer soit dans la chaire des
églises soit à la tribune des assemblées politiques.
Nous avons entre les mains cette traduction qui a pour titre
Geiriau Credadun et pour auteur M. W. Ambrose Bebb. Elle se
recommande par un grand souci d'exactitude. Elle est remplie de
réminiscences bibliques, si bien que, tout en se moulant sur le
texte français, elle est capable de donner à des lecteurs gallois une
impression originale. Voici seulement quelques observations faites
au courant de la lecture :
P. 20 : car fcî y'tb carer « aime pour qu'on t'aime » (le texte
porte : aime qui tu dois aimer, car yr hivn y dylit ei garu).
P. 23 : awydd dial « désir de vengeance » (le texte porte : sen-
timent de haine).
P. 48 : après la ligne 6, une phrase du texte français a été
sautée.
P. 48 : dernier alinéa ; il faut rétablir la ponctuation comme
suit : Rhoes Duw i ni, yn Ei ddaioni, cin bara beunyddiol ; a pha
nifer sydd nad oes ganddynt? un cysgod; a pha nifer na ivyr y m mha
le i roddi eu peu i hvwr ?
P. 50 : ni luclwch ouid ychydig or avyn a deifl y don ar y traefb
« vous ne voyez qu'un peu de l'écume que le flot jette sur le
rivage » (le texte porte : ...qu'un peu d'écume... ; il faudrait
tourner autrement : ni welwch onid ychydig 0 eiuyn ivedi ei daflu
gan y don ar y traeth).
P. 54 : i gofnodi eich alltud'uit'/h ddirgcl « pour commémorer
votre exil secret » (le texte porte : pour célébrer vos mystères
proscrits).
P. 65 : ol golcu « une trace lumineuse » (le texte porte : une
marque livide).
Lors d'une seconde édition, qui ne se fera sans doute pas long-
temps attendre, ces menues erreurs seront aisément corrigées.
Il conviendra que l'édition future contienne aussi la traduction
de la préface, qui a été négligée dans celle-ci. La préface adressée
« au peuple » et tout imprégnée d'esprit chrétien donne à l'ou-
vrage sa vraie signification ; elle ne peut qu'attirer à Lamennais
dans le Pays de Galles plus de lecteurs encore et d'admirateurs.
Chronique. 399
IX
Grâce à M. Antoine Thomas, la littérature du moyen» breton
vient de s'enrichir d'un nouveau texte signé d'un nouvel auteur.
Après Ivonet Omnès (v. Rev. Celt., XXXIV, 241 et XXXV, 129)
et Henri Dahelou (v. Rev. Celt., XXXVII, 408), un troisième
scribe breton, Henri Bossec, a été découvert par le savant membre
de l'Institut. C'est dans un manuscrit de la Bibliothèque Sainte-
Geneviève qu'apparaît le nom de Bossec. Ce manuscrit qui se
compose de trois tomes épais, portant les numéros 34-36, contient
les Postilles sur la Bible du cordelier théologien Nicolas de Lyre
(mort en 1340). M. Thomas a relevé dans le troisième tome les
deux phrases suivantes en breton :
f° 299. Henri Bossec alauar mar car doe me ambe\o auantur mat
ha quarij (lire quae%f).
et
f° 26 id. Henri Bossec ascrivas aman.
Ce qui se traduit sans difficulté aucune : « Henri Bossec dit :
si Dieu le veut, j'aurai fortune bonne et belle » et « Henri Bossec
a écrit ici » .
Il est fâcheux qu'Henri Bossec n'ait pas jugé à propos d'écrire
davantage. Il est vrai que ses confrères Omnès et Dahelou n'avaient
guère été mieux inspirés. De son côté Bossec laisse un petit pro-
blème à résoudre à la sagacité des chercheurs. Le deuxième tome
du manuscrit porte la note finale suivante : H. Bossec diocessi Cor-
nubie natus in uillula uocata Tresfrauc. Ce nom de lieu reste à iden-
tifier.
Pour la date, les « textes » de Bossec ne sont guère postérieurs à
ceux dont les celtistes doivent déjà la découverte à M. Thomas.
La Postille sur le second livre d'Esdras est datée dans le manu-
scrit copié par Bossec du 20 mars 1 3 3 1 . L'ensemble du manuscrit
paraît à M. Thomas avoir été copié vers la fin du xive siècle.
X
Nous avons signalé en leur temps, à mesure qu'ils paraissaient
dans les Annales de Bretagne les divers chapitres de l'étude con-
sacrée par M. Gaston Esnault au poète breton Le Laé. Ils ont paru
à part, réunis en un beau volume de 292 pages, chez l'éditeur
Champion en 1921, sous le titre : La Vie et les œuvres comiques de
400 Chronique.
Claude Marie Le Lue (1745-1791). Ce volume aura une suite. Il
ne comprend que deux poèmes français Les trois Bretons, VOttes-
sanlide et un poème breton, le burlesque Sur mou war ar maro a
Vikeal J'oriu « Oraison funèbre de Michel Morin ». Or Le Laé a
laissé encore un poème satirique, ar Chi (« le chien «), des
épigrammes, des poésies diverses ; tout cela sera compris dans un
second volume.
On sait avec quel soin méticuleux M. Gaston Esnault accomplit
sa tâche d'éditeur. Peu satisfait des éditions, dont la plus ancienne
ne remonte pas plus haut que 1795, il a revu minutieusement les
manuscrits de son auteur pour établir le texte avec toute garantie
d'exactitude. Le texte breton du Morin est donné sur les pages
paires sous forme diplomatique, avec un apparat critique des plus
complets. Le texte corrigé, mis au net, ponctué, figure sur les
pages impaires avec une traduction française et des remarques.
M. G. Esnault se fait une haute idée de la valeur littéraire de
Le Laé; il le compare aux plus grands dont les littératures d'autres
pays s'enorgueillissent ; il rêve de voir un jour Ar chi et le Morin
figurer comme textes d'explication dans l'enseignement des
« humanités celtiques » (p. 100). Si ce jour arrive jamais, des
travaux comme le sien sont dignes d'en préparer la venue. En
attendant, cette édition peut servir de modèle de critique verbale
à bien des philologues, qui ne sont pas celtistes.
La traduction appellerait quelques réserves. Pour rendre le ton
rustique de l'orateur et imiter son vocabulaire burlesque,
M. Esnault a recouru tantôt aux archaïsmes, tantôt aux provincia-
lismes, ou bien il s'est inspiré des expressions les plus savoureuses
du français populaire moderne. Il a tenté d'autre part de rendre
les bouffonneries pédantes de son auteur par des « latinismes de
luxe ». L'entreprise était difficile ; elle n'a pas complètement
réussi. En maint endroit le traducteur n'a pas trouvé la note juste;
et en somme il n'est guère croyable que l'impression produite
sur les Bretons par le texte de Le Laé ait été semblable à celle
qu'emporteront les lecteurs français de la traduction. Celle-ci est
surchargée de tout ce que la recherche la plus laborieuse peut
imaginer dans le genre précieux et affecté. Le procédé tient de la
gageure ; il n'a rien de spontané, rien de coulant, rien qui puisse
satisfaire un auditoire populaire.
P. 147 : au vers 40e, M. Esnault rend sarpaut par serpillière,
imaginant une confusion volontaire du poète entre le radical de
serpent et celui de serpe (cf. p. 101). J'ai dans la mémoire une
vieille locution, mainte fois entendue dans mon enfance aux
Chronique. 401
environs de Paris : « coupant comme un petit serpent » (en parlant
d'un couteau, d'un canif).
.XI
Sous le titre An Réult « l'Étoile », l'University Collège de
Dublin a fait paraître en 1922 un nouveau périodique, entièrement
rédigé en irlandais. An Réult a pour sous-titre Irisleabhar na
h-ollscoile « Journal de l'Université » ; ce sera un organe universi-
taire, mais, à en juger par le numéro que nous avons entre les
mains, la poésie et les oeuvres d'imagination y tiendront une large
place. Dans ce numéro en effet, qui est le second (mars 1922),
à côté d'un article historique de M. Eoin Mac Neill sur les Eogha-
nachta Mumhan et d'un récit de la bataille de Fontenoy par
M. S. P. Mac Enri, on trouve une « Mort d'Ossian » (Bas Oisin)
signée Gearoid O'Murchadha, une étude sur la houille en Irlande
(Cûrsai guail i n-Eirinn) avec des documents statistiques par
M. Mac Ionnraic, une autre de M. Diolûn sur l'enseignement de
l'histoire à l'usage des Irlandais (Cursa staire le h-aghaidh Eirean-
nach) et enfin une série de pièces de vers, signées de noms uni-
versitaires bien connus, comme « an Craoibhin » (M.Douglas Hyde)
ou « Tôrna » (M. T. O'Donoghue). Parmi les poèmes de Tôrna,
figure p. 24 une traduction en vers irlandais de la chanson fran-
çaise du « Compère Guillery ». Les vers sont adaptés à la mélodie ;
grâce à Tôrna, le répertoire déjà si riche des chansons irlandaises
pourra s'augmenter d'un joli air de chez nous.
XII
Pour faire pendant, plutôt que concurrence, à An Réult, et en
même temps pour remplacer l'ancien Ivernian Journal, l'University
Collège de Cork vient de fonder un périodique nouveau, qui
porte le nom de Éarna ', et paraît à Cork chez l'éditeur Guy and
Co, au prix de 1 sh. le fascicule, à raison de quatre fascicules par
an. Le premier est daté de mars 1922. C'est sous les auspices de
1. Ce nom est l'accusatif du nom Eraind, Éarainn qui désigne une des
anciennes populations du Munster (v. Hogan, Onomasticon, p. 400). Torna
explique dans une note du premier numéro qu'il a choisi la forme Earna
(courante d'ailleurs en moyen-irlandais) plutôt que la forme plus correcte
Éarainn, pour éviter une confusion avec le nom de l'Irlande, Eirinn.
Rrvue Celtique, XXXIX. 26
402 Chronique.
la Faculté celtique de l'.Université de Cork que Êarna est publié :
tout ce qui intéresse l'Irlande en fait de science, de littérature et
d'art y sera donc bien accueilli. L'article de début, Féachaint rôinn
« Un regard devant nous » montre la tâche qui s'impose à l'Ir-
lande pour l'utilisation de ses ressources matérielles, pour son
commerce et son industrie. On trouve dans ce premier fascicule
de la philosophie, de l'histoire, de l'imagination et aussi de la
fantaisie poétique. Le poète Tôrna en particulier y a mis quelques
poésies, dont l'une, Tôg do cbeanit « Lève ta tête », figure égale-
ment dans le numéro 2 de An Réult. A la fin du fascicule, p. 49
et suiv., un petit lexique des mots irlandais les moins usuels ou
les moins connus (quelques-uns sont des néologismes) est à recom-
mander aux lecteurs.
J. Vendryes.
PÉRIODIQUES
Sommaire. — I. Annales de Bretagne. — II. Revue des Études anciennes.
— III. Mémoires de la Société de Linguistique. -*- IV. Le Fureteur
breton. — V. Eriu. — VI. Zeitschrift fur celtische Philologie. — VII.
Indogermanische Forschungen. — VIII. The Journal of the Welsh
Bibliographical Society. — IX. The American Journal of Philology.
I
Au dernier fascicule du tome XXXIV des Annales de Bretagne,
M. l'abbé Duine a donné un article sur « l'évêque Haelrit » (p. 492-
503). L'auteur y défend, contre l'autorité de Mgr Duchesne, l'exis-
tence de cet évêque qu'il avait été le premier à signaler dans son
étude sur le schisme brelonÇAnn. de Br., rîov. 1915) ; il maintient
Haelrit dans le catalogue épiscopal de Dol (à la date de 842), mais
sans refuser d'ajouter à son histoire un point d'interrogation.
Aux pages 504-507 du même périodique se trouve un conte
breton, au Ilii digoi- « l'église ouverte » recueilli par Ivonic Picard
d'un vieillard de La Feuillée et accompagné d'une traduction
française.
A signaler dans le tome XXXV du même périodique, fascicule
Ier, p. 32-49 un article de M. Daniel Bernard sur « le Breton dans
les actes publics » à la fin du xvme siècle.
II
Le tome XXII de la Revue des Études anciennes (1920) con-
tient p. 39-40 une note de M. Dottin sur « le celtique clocca ».
L'existence en celtique de cette forme, qui est l'original commun
des mots v. irl. cloc, gall. cloeb, bret. cloch et d'où sont empruntés
les mots germaniques (ail. Cloche, angl. dock, dan. Klakke), semble
404 Périodiques.
attestée par un texte des vine-ixe s. qui appartient au sacramen-
taire de l'église d'Angoulêrhe. L'aire de répartition des représen-
tants de clocca sur le domaine roman s'accorde bien avec l'hypothèse
d'une origine celtique (Mcyer Lùbke, Rom. Elym. IVtb., p. 159).
D'autre part on connaît l'importance des cloches chez les Celtes
des Iles Britanniques et d'Irlande aussi bien que de la Gaule
ancienne. Le mot clocca paraît donc pouvoir être ajouté au lexique
du celtique commun.
Il faut signaler aux pages 118-120 une note très suggestive de
M. L. Havet, qui à propos de l'expression « Camp de César »
montre de façon lumineuse combien il faut se méfier en topono-
mastique des prétendues traditions relatives aux noms propres. Un
nom de lieu comme « Camp de César » se dénonce comme un
nom d'origine savante et livresque, sans tradition vivante : la
phonétique l'indique aussi bien que l'histoire de la pratique mili-
taire.
P. 1 21-122, M. J. Loth, revenant sur l'étymologie du gallo-
latin brigantes « uermiculi » proposée jadis par M. Zupitza (Ida.
Forschg. An\. XIII, 51 ; cf. Rev. Celt., XXXVIII, p. 67 n.), y signale
la particularité très intéressante de l'évolution *ijr-, *///'/- en bri- ;
il en trouve un autre exemple dans le nom de la « bruyère », pré-
celt. *uroiko- (irl. moy.froech, gall. grug) donnant en gallo-roman
brftca. C'est ce mot qui a fourni au français le mot « bruyère » (de
brucaria) et quia été euîprunté par les Bretons d'Armorique sous la
tormebruk. Il y a en irlandais un nom d'homme Froccb « bruyère » ;
il n'est pas rare de voir ainsi employés des noms d'arbustes :
cf. Mac Cairlhin « fils de l'alisier », Mac Citill « fils du coudrier »,
Mac Dregin « fils de l'épine noire », Mac Ib.rir « fils de l'if »,
Mac Cuilinn « fils du houx », MacDara « fils du chêne », etc. Le
gallo-roman brfica suppose que l'ancienne diphtongue oi a évolué
en gaulois comme en brittonique.
Aux pages 283-290 se trouve un intéressant article de M. Piga-
niol.Une plaque de marbre trouvée à Sardes en 1906 contient le
fragment d'un discours impérial se rapportant à un sénatus-consulte
rendu vers 177 pour réduire les frais des jeux de gladiateurs.
Une table de bronze trouvée en 1888 près de Séville nous avait
déjà fourni, sous une forme d'ailleurs assez altérée, le discours pro-
noncé par un sénateur à cette occasion. Relevant dans le fragment
de Sardes le mot trincus trois fois répété (trincos deux fois et une
fois trinqua), M. Piganiol a eu l'idée de corriger en trincos sur la
table de Séville un princeps qui ne fournit pas de sens. On aurait
donc en tout quatre exemples de ce mot nouveau, qui parait dési-
Périodiques. 405
gner une certaine catégorie de gladiateurs provenant de la Gaule.
Nous connaissions déjà l'es audabatae et les cruppellarii ; la Gaule
aurait en outre fourni aux jeux du cirque des trinci. Pour diverses
raisons M.Piganiol conjecture qu'il s'agit de gladiateurs qui devaient
combattre jusqu'à la décollation ». Ce rôle odieux et répugnant
explique que le sénatus consulte se soit préoccupé d'en limiter
l'emploi. Mais voilà qui donne à la découverte de M. Piganiol un
intérêt linguistique. Le mot gaulois latinisé en trincus (trinquas)
ainsi défini quant au sens comporte une étymologie. Il doit se
rattacher à la racine qui a fourni entre autres le lituanien trenkfi
« frapper violemment » et le latin truneus (proprement «tronqué»);
en celtique en effet, comme en germanique et en latin (Havet,
Mém. Soc. Liugu., VI, 34), la voyelles tend à se fermer devant
nasale suivie d'occlusive, et notamment de gutturale (Pedersen,
Vgl. Gr., I, 37) ; donc un ancien gaulois *trenkos tendait à passer à
trinkos. La graphie trinquus qui n'est pas possible en gaulois, où la
vélaire est représentée par une labiale, peut s'expliquer en latin
même comme une graphie analogique ; le marbre de Sardes porte
d'ailleurs deux fois trincos. Mais avons-nous bien à faire à un mot
celtique ? Ne pourrait-ce pas être aussi bien un mot italique appli-
qué par les Latins à une catégorie de gladiateurs Gaulois ? Il est
possible d'autre part que trincus soit un mot tronqué, premier
terme d'un composé quiaurait signifié par exemple «tranche-tête»
et aurait été bâti sur le type uerli-cordia, uinci-pes ou flex-animus.
La langue populaire raccourcit fréquemment des composés de cette
façon. Si trincus représente un ancien thème verbal *trenkejQ-, les
romanistes seront sans doute mieux disposés encore à y voir la
base des formes romanes v. fr. trenchier, it. trinciarê, esp. trincar,
comme le leur propose M. Piganiol.
Dans chacun des fascicules du tome XXII de la Revue des Études
Anciennes, M. C. Jullian continue ses précieuses Notes gallo-romaines
et sa non moins précieuse Chronique gallo-romaine ; à voir particu-
lièrement ce que le savant auteur dit pp. 53 et 56 des déesses mères
(en y joignant une note de M. A. Cuny, p. 3 10-3 11).
111
M. Holy,er Pedersen a donné aux Mémoires de la Société de
1. On sait que dans la tradition celtique, conservée en maint passage
de l'épopée irlandaise, un adversaire n'était considéré comme vaincu que
lorsqu'on lui avait tranché la tête.
40 6 Périodiques.
linguistique, t. XXII, p. I-I2 des notes étymologiques, parmi
lesquelles il y a à relever une interprétation fort séduisante du mot
latin sospes; ayant établi le sens exact de ce mot, à savoir « qui
échappe à un danger, qui achève heureusement un voyage, qui
revient chez lui », il y voit un composé dont le second terme est
la racine de petere et le premier un mot* sodés- comparable au grec
eôoç, au skr. svadbâ, à l'irlandais sossad « domicile »(de *swodbs-) ;
cf. d'ailleurs le latin sodàlis. Lemotsospes peut indifféremment sortir
de *siuedhcs-pet-s d'où *sodes-pet-s, ou de *svodbso-pet-s, et le sens
serait « qui regagne son domicile, qui rentre à bon port chez lui ».
Aux pages 230-233 du même volume des Mémoires, M. A. Som-
merfelt suggère une très séduisante explication du futur en }
irlandais. On sait quelle est la difficulté à laquelle se heurte la
comparaison du futur en Matin et du futur en/ irlandais; c'est
qu'elle laisse dans ce dernier la spirante sourde / inexplicable.
Cette difficulté a paru si grave à M. Thurneysen qu'il s'est résigné
à briser tout lien entre les deux formations et à imaginer pour le
futur en/ irlandais une origine particulière, d'ailleurs difficilement
acceptable. L'hypothèse de M. Sommerfelt a d'abord le grand
mérite de maintenir le rapprochement du latin et de l'irlandais, qui
s'impose à tant d'égards ; mais elle a en outre le mérite plus rare
de s'appuyer à la fois sur des principes de phonétique générale et
sur une connaissance minutieuse de la phonétique irlandaise et
enfin de se justifier p.ir les tendances mêmes de la langue. La
forme dont il part est du type *b(h)we/0- précédé de voyelle (cf.
lat. uidcbô de *uidê-bhwô). Or, en irlandais, le groupe intervoca-
lique *-b(J))w- doit nécessairement donner -iuu'-, car l'articulation
du b se relâche entre voyelle et -u>- ; et du coup les conditions
dans lesquelles se trouve l'ancien *-&(/;)- sont changées. Il v a en
effet dans le système phonétique irlandais une opposition entre les
consonnes simples et les consonnes longues et en partie géminées.
Les premières s'affaiblissent, mais les secondes, par réaction, se
renforcent. Cet état est encore apparent aujourd'hui dans les parlers
du Donegal, dont l'auteur a étudié de très près la phonétique.
L'articulation forte a sa place en position initiale. Du moment que
l'ancien w- devient/- à l'initiale, c'es.t donc f- (/")- que l'on est en
droit d'attendre à l'intervocalique comme traitement du -ww-. Cette
lumineuse démonstration nous parait décisive. Elle permettra
d'interpréter certains faits, encore inexpliqués, de la phonétique
d'autres langues. Le principe posé par M. Sommerfelt pour l'irlan-
dais que l'articulation des consonnes qui ne se trouvaient pas en
position d'affaiblissement a été renforcée peut en effet se véri-
fier ailleurs.
■Périodiques. 407
IV
A signaler dans le numéro 62 du Fureteur breton (XIe- année,
août-octobre 1921), p. 42-44 la reproduction d'une pièce de vers
anonyme, en anglais, qui figure aux Archives du département du
Morbihan sous la cote bc 482+. Elle a pour sujet le siège de Belle-
Isle, accompli avec succès, mais non sans peine, par les Anglais,
au printemps de 1761.
V
Le volume IX de Ériu débute par un article de M. E.J.Gwynn,
intitulé « Tomâs Costelloe and O'Rourke's wife » (p. 1-11) : il
s'agit de la publication d'un poème de 128 vers, conservé aux
pages27-32 du manuscrit H. 5.9 deTrinity Collège qui a été copié
vers 1684. C'est un poème d'amour, dans lequel la femme d'un
certain Aodh O'Rourke expose le drame qui se joue dans son cœur
entre la foi qu'elle a jurée à son mari et l'amour que lui inspire
Tomâs Costelloe. Malgré les allusions mythologiques et les sou-
venirs légendaires, trop abondants à notre goût, le poème est
empreint d'une sincérité émouvante et contient quelques beaux
accents. Il faut remercier M. Gwynn d'avoir tiré de l'oubli les
plaintes de cette amoureuse éplorée.
Une autre publication de texte, p. 43-54 est due à M. Tadhg
O'Donoghue : c'est un poème « Advice to a Prince », conservé
dans une dizaine de manuscrits, dont le Book of Leinster, p. 147
b. 1. L'auteur en paraît être Fingein Mac Flainn, qui florissait vers
850 et était en relation avec Cashel. Ce sont, en partie sous forme
de maximes, des préceptes à l'usage d'un prince. I! lui est recom-
mandé d'être juste, avisé, généreux, pacifique, etc. Beaucoup de ces
maximes se retrouvent ailleurs et notamment dans les Tecosca
Cormaic. On notera à la strophe 3 la recommandation d'avoir toujours
chez soi des otages en vue de négociations possibles et à la strophe
2 celle de se méfier du bavardage des femmes : ///' innisfind i jail ban
in sccl bad âil dam dochhith « je ne dirais pas en présence de
femmes quelque chose que je voudrais tenir caché » ; la même
précaution était habituelle au fameux Mesroida Mac Dathô (Jrische
Texte, I, p. 97), et on la retrouve en plus d'un endroit (Rev.Celt.,
VI, 188, n. 3; Ériu II, 34, 1. 5 ; Z.f. celt. Pbil., IX, 192, §11).
— A la strophe 18, on pourrait lire int ara fastas cechech (ou a ech
408 Périodiques.
avec plusieurs mss.) « le cocher qui retient tout cheval » ou «son
cheval » [« c'est sa promptitude qui vaut le mieux », ellma subs-
tantif dérivé de eïlotn « prompt, prêt à »] ; cf. êssi \J]astuda ech
« rênes à retenir les chevaux », T. B.C. éd. Windisch, 1. 2540.
M. Tomàs O'Mâille étudie p. 71-76 le sens du mot Cuîmen
employé à désigner un ouvrage d'où toute science est issue. On
rencontre ce mot avec cette acception dans le Folllsigud na Tàna
(L.L. 245 b 2-7; cf. Arch. f. Cdt. Lexic. III, 5) et dans quelques
autres textes. Zimmer en avait proposé une interprétation qui n'est
pas soutenable (Nennius Findicatus, p. 253-257). M. T. O'Mâille
prouve par d'excellentes raisons que c'est tout simplement le mot
latin cuîmen au sens de « comble de toute science, somme d'éru-
dition », et que par ce mot cuîmen on désignait en Irlande le grand
ouvrage étymologique d'Isidore de Séville. Esodir in Chulmin
« Isidore auteur de la Somme » (L. Br. p. 79) est équivalent de
Isidorus Etymologiarum (ib. p. 78; cf. Stokes, Fèlire Oenguso, ie
édit. , p. xxxj). La réputation d'Isidore en Irlande a été énorme;
ses Origines, composées entre 622 et 633, y étaient connues dès le
milieu du viie siècle, à peine vingt-cinq ans après qu'elles eurent
été publiées. Un détail que M. O'Mâille ne donne pas, et qui con-
firme sa thèse, c'est que le Sanas Cormaic doit énormément au
livre d'Isidore, notamment en ce qui concerne les mots qu'il fait
venir du grec.
A signaler encore la suite des notes de M.C. Plummer On sotne
passages in the Brehou laws(p. 31-42 ; émendations et interprétations
de ce texte difficile) et un article de M. Robin Flower, Popular science
in mediaeval Ireland (p. 61-67; étude de textes sur la physiologie
des émotions et sur l'époque où il convient de cueillir les simples).
M.PaulWalsh étudie p. 55-60 la généalogie des Ui Maccn Nais
et il tire de cette étude la double conclusion que les Annales
irlandaises ont besoin d'être confrontées avec les généalogies, et que
les Index des Annales d'Ulster aussi bien que des Annales des
Quatre Maîtres sont sujets à révision.
La grammaire proprement dite est représentée dans ce cahier
par des notes ou articles de MM. A. Sommerfelt (Modem Irish
Jmperative pi. 2 in-gi, p. 68; a Reflex of the prehistoric change of ai :
a, p. 70), Osbom Bergin (Metrica : III. The alleged unvoicing of
dh- d-; IV. The Allitération of th ; V. The principles of allitération ;
p. 77-S4; Nominative and Vocative, p. 92-94) et T. F. O'Rahillv
(The Vocative in Modem Irish, p. 85-91). Le même M. O'Rahilly a
donné au fascicule des Miscellanea (p 12-26 et 95), ainsi que
M. E.J. Gwynn (p. 27-50).
Périodiques. 409
Enfin, M. Bergin continue son importante publication des Irish
grammatical Tracts (p. 61-92).
VI
La Revue Celtique est fort en retard avec la Zeitschrift fur
celtische Philologie, qui pendant les années de guerre a continué
régulièrement sa publication et dont le tome XIII est en cours.
Dans le dernier fascicule le tome IX, deux articles grammaticaux
sont à signaler : l'un de M. Tomâs O'Mâille, Some cases of delenition
in Irish (p. 341-352), l'autre de M. Josef Baudis, Zum Gebrauch
der Verbalnomina im Irischen (p. 380-419). Les conclusions du
premier sont résumées à la dernière page ; il s'agit particulièrement
du passage des groupes rgCh) et rch à rc dans la seconde syllabe
ou la syllabe inaccentuée de certains mots quand ces groupes sont
de position « mince », des groupes ng(h) et nch à ne; th-gh à c ;
chth et eth à cht,chd quand la position est « large » ; de dh intervo-
calique et « large » à g ; de //; et dh à d ; de gh mince ou de y h g
entre voyelles. L'étude de M. Baudis est une étude de syntaxe. Il
s'est proposé d'examiner l'emploi des substantifs verbaux en irlan-
dais. On sait que l'un des traits les plus originaux des langues
celtiques est d'avoir conservé à ces mots le caractère nominal (dans
la forme et dans l'emploi) tout en les affectant à l'expression d'un
fait en action. Le brittonique, qui a perdu la flexion dans les noms,
est arrivé à en faire des infinitifs à peu près comparables à ceux du
latin ou du français. L'irlandais au contraire les emploie toujours
comme des noms et il en use très librement; c'est à cet emploi
surtout qu'il doit son caractère de langue « nominale » par oppo-
sition à une langue comme le grec ancien, qui est surtout « ver-
bale ». Le substantif verbal de l'irlandais peut former à lui seul
une proposition indépendante, donnant l'indication d'un événement
ou exprimant un ordre ; mais il s'emploie le plus souvent avec une
valeur équivalente à celle d'une proposition subordonnée, décla-
rative, explicative, circonstancielle, finale ou consécutive : la pré-
position devant le substantif verbal joue le rôle de la conjonction
devant le verbe; quant au sujet de la proposition, il est indiqué
par une préposition (0, la ou do). Ce sont ces emplois très variés
que M. Baudis passe en revue, en fournissant à l'appui de chacun
des listes d'exemples, empruntés surtout aux anciens textes. Il sera
intéressant de comparer l'usage établi par M. Baudis avec celui
qu'enseigne l'abbé O'Nolan dans sa syntaxe de l'irlandais moderne
410 Périodiques.
(cf. R. Celt., t. XXXVIII, p. 192). On sait d'autre part que l'in-
finitif de l'irlandais ancien a déjà fait l'objet d'un important travail
de Windiscb (Ben. Beilr., II, 72 et ss.).
Comme précédemment, l'inédit tient une place assez grande
dans ce cahier de la Zeilscbrift. Kuno Meyer y a inséré divers
morceaux tirés de divers manuscrits ; il faut signaler notamment
les « Synchronismes » du manuscrit Laud 610 (f° ii2ai-n6 b 1),
qui sont publiés aux pages 471-485 ; et la Balle Bricin (« Vision de
Bricin »), publiée aux pages 449-457. Saint Bricin, abbé de
Tomregan (Tuaim Reccon ou Drecan) près Bannyconnell (Co.
Cavan), qui florissait, dit-on, au début du vne siècle, vit s'appro-
cher de lui la nuit de Pâques un ange du seigneur, qui lui ouvrit
le ciel ; à la demande de Bricin, l'envoyé céleste lui fit connaître
les élus qui prendraient place autour du trône de Dieu. Curieux récit
rempli de noms propres et d'allusions historiques; K. Meyer en
donne le texte d'après deux manuscrits, mais sans traduction ni
commentaire.
Aux pages 418-443, se trouve un article magistral de M. Thur-
neysen sur la tradition manuscrite de la Tàiù bô Cùailnge. Nous y
insisterions davantage si les résultats ne s'en trouvaient pas utilisés
maintenant dans le livre dont il est rendu compte plus haut (p. 359).
Il conviendra en tout cas de ne jamais négliger les pénétrantes
analyses sur lesquelles reposent les conclusions du savant pro-
fesseur. Le tableau généalogique dressé p. 441 les résume très
clairement; les philologues qui travailleront sur le texte de la Tarn
devront toujours l'avoir sous les yeux. Le principal résultat en est
de prouver que la version du Book of Leinster, bien loin de pro-
venir d'une autre source que celle du Leabhar na h-Uidhre, est en
réalité la version du Leabhar na hUidhre elle-même, mais unifiée
et arrangée. Cette conclusion ruine les théories qu'avaient émises
aussi bien Zimmer que Nettlau.
Le Tochmarc Etaine fait l'objet d'une étude signée Lucius Gwynn
et datée de Freiburg i. B. (p. 352-357). La conclusion en est que
la version de ce texte contenue dans le manuscrit Egerton (publiée
par Windisch, Irische Texte, I, p. 117) est une compilation, qu'on
peut fixer au xne ou xmc siècle d'après la langue et qui se com-
pose d'un délayage du vieux récit, dans lequel a été introduit
l'épisode du début de la Togail Bvuidne Da Derga et auquel a été
ajoutée une version en prose de l'enlèvement d'Etain, tirée du
Dindshenchas de Râth Crûachan. Tout cela illustre bien les procédés
de composition des narrateurs irlandais.
A. signaler enfin un article de M. Oluf Kolsrud sur les évêques
Périodiques. 41 1
celtes de l'île de-Man, des Hébrides et des Orcades (p. 3 57"379)-
Le tome X de la Zeifscbrift est dédié à Ernst Windisch, comme
l'avait été le tome XXXV de la Revue Celtique. Parmi les nom-
breuses publications de textes qu'il contient, il faut signaler :
C. Plummer, Miorbuile Senain « Les miracles de saint Senan »
(p. 1-35), d'après deux manuscrits de Bruxelles. Ce texte, qui se
rapporte à des événements bien postérieurs à la vie du saint,
fournit d'intéressants détails sur l'Irlande monastique du xive siècle.
Douglas Hvde, Trachtad ar an aibidil « Traité sur l'alphabet »
(p. 223-224), curieuses règles de divination au sujet du sens caché
dans la lettre initiale du nom des inconnus que l'on rencontre.
Annie M. Scarre, The meaning of birth-days (p. 225-227), pronos-
tics tirés des jours de la semaine, publiés avec traduction anglaise
d'après le manuscrit H. 3 . 17 de Trinity Collège.
Robin Flower, afirua hegna d'iarroigh (p. 266-268), poème de
5 strophes sur la nécessité de joindre la piété à l'art de la poésie ;
le premier vers signifie : « ô homme qui poursuis la poésie ».
R. I. Best, Comhrag Fir Diadh ocus Chon Cculainn « Rencontre
de Fer Diad et de Cuchullin » (p. 274-308). Cet important
épisode de la Tâin n'était jusqu'ici connu que sous la forme où
Nettlau l'avait étudié dans la Revue Celtique, t. X, p. 330 et t. XI,
p. 23 et 318. Deux versions en restaient inédites, celle du Ms.
n° 16 du couvent des Franciscains de Dublin et du Ms. Egerton
n° 106. Notre savant ami M. Best publie ici le texte du Ms. des
Franciscains ; il y a joint un court fragment du même récit, con-
tenu dans le Ms. H. 2.12 de Trinity Collège.
R. Thurneysen, Eiue Variante der Brendan- Légende (p. 408-420).
Il s'agit d'un texte contenu dans un manuscrit de Bruxelles et
dans le Liber Flavus Fergusiorum. Il correspond en partie à la
vie de saint Brendan, publiée par Whitley Stokes d'après le Book
of Lismore. On sait que cette vie se trouve également dans le
manuscrit de Paris (v. Rev. Celt., t. XI, p. 400). Whitley Stokes
n'a utilisé que très superficiellement le texte du manuscrit de Paris.
Il peut être intéressant de donner la leçon de ce manuscrit dans
deux passages où M. Thurneysen signale des variantes. Au lieu
de rofethnuig (Lismore Lives, 1. 3623), le ms. de Paris porte : is
ahnsin tra minighes in muir focétoir. Et au lieu de loiscnecha (L.
L., 1. 3662), le manuscrit de Paris porte : muighe lomma loiscthe-
chrt (c'est-à-dire Joiscta avec un signe d'abréviation sur le /).
K. Meyer continue ses précieuses Mitteiluiigeu ans irischen Hand-
schriften (p. 37-54, P- 33S-348).
412 Périodiques.
P< 7 3-77, M- Paul Walsh étudie les noms de lieu de la Vita
Finniani. On connaît les précédentes études du même sur la topo-
nomastique et on sait quelles lumières il en a tirées pour l'inter-
prétation de certains textes.
P. 205-208, M. Thurneysen revient sur la tradition manuscrite
de la Tàin bô Cûailnge pour ajouter quelques remarques à son
article précédent (v. ci-dessus, p. 410).
P. 209-222, M. Lùcius Gwynn démêle avec beaucoup de sagacité
la q estion embrouillée des recensions de la Togail Brnidne Da
Derga. Son travail fait ressortir l'importance de la découverte de
M. R. I. Best sur les interpolations du Leabhar na hUidhre. Depuis
une vingtaine d'années, l'étude de la Togail Bruidne Da Derga
était restée stationnaire, faute de pouvoir déterminer la valeur du
texte de L. U. M. Lucius Gwynn prouve que ce texte n'est qu'une
compilation à beaucoup d'égards moins ancienne que le texte des
autres manuscrits. C'est le Yellow Book of Lecan, pur de toute
interpolation, qui fournit, sous une forme d'ailleurs complète, la
tradition la plus ancienne.
P. 81-96 se trouve un article historique de M. John Mac Neill
on the reconstruction and date of the Laud Synchronisais.
Le travail le plus long de tout le volume est dû à M. A. G. van
Hamel ; il est consacré au Lebor Gabâla (p. 96-197). On ne saurait
entrer ici dans le détail de cette étude très fouillée des dix manus-
crits qui contiennent les quatre versions du texte. M. van Hamel
modifie sur quelques points essentiels les conclusions formulées
par M. Thurneysen au sujet du Lebor Gabala (jji irischen Hand-
schriften uud Literattirdenkmâlern, 2e série). Il estime que la forme
la plus ancienne de ce grand ouvrage est fournie notamment par
le Livre de Lecan et le Ms. Rawlinson B 512 dans la partie qui a
pour titre : Miniugud gabâl nÉrenu 7 a senchas 7 a remmena rigraide
innso sis etc.
L'étymologie fait l'objet d'un certain nombre de notes dues à
MM. Pokorny, J. Fraser et A. Meillet. La note de ce dernier
(p. 309) signale un rapprochement saisissant entre le nom du
« saint » en celtique (v. irl. nôeb, irl. mod. naonib) et en grec
(îscir). Les deux mots se rattachent en effet chacun à une racine
désignant la force agissante (v. irl. niab « vigueur, excitation »,
gall. nwyf « id. » ; skr. isirah « fort, florissant »). On sait que la
racine des mots celtiques en question ne se retrouve qu'en iranien :
v. perse naiba « bon, beau », persan nëw « fort, énergique ». C'est
un fait à ajouter aux communautés de vocabulaire des deux
groupes dialectaux sur le domaine religieux.
Périodiques. 41 J
A la grammaire proprement dite se rapportent un article de M.
J. Fraser sur « le présent et le futur dans le verbe gaélique » (p. 55-
66), des notes de M. Pokorny et une importante étude signée
Hans Hessen sur la Concise oldlrish Grammar de ce dernier (Beitràge
Tjir altiriscbeu Grammaiik, p. 315-337)- Cette étude, datée du
Ier septembre 1914, est sans doute la dernière qu'ait publiée l'au-
teur; elle permet de mesurer la perte que la linguistique celtique
a éprouvée en la personne de ce jeune érudit si bien doué, si cons-
ciencieux, si modeste (cf. R. CeJt.,x. XXXVII, p. 420).
VII
Dans les Indogermanische Forschungen, tome XXXIX, p. 123-
125, M. E. Kieckers revient sur le moyen-gallois heb « dit-il ».
Il conteste l'étymologie proposée pour ce mot par M. Thurneysen
(Z.C.Ph. XII, 413) et maintient le rapprochement de gall. heb,
lat. inseque et inquit, v. isl. segja, gr. à'ws-s. Cela est conforme à
la doctrine qui a été déjà enseignée ici : le cas particulier de hebyr
paraît toujours pouvoir s'expliquer comme cela a été fait R. Celt.,
XXXIV, p. 141 ; cf. J. Morris-Jones, a JVelsh Grammar, p. 376-
377-
Dans le second fascicule du même tome, p. 217-220, M. J.
Pokorny étudie l'origine de l'article irlandais. Ce qu'en ont dit
MM. Thurneysen (Hdb., § 462) et Pedersen (Vgl. Gr., II, 193) ne
le satisfait pas ; il reproche à ces deux maîtres du celtisme des
& invraisemblances phonétiques » ou des constructions par trop
« fantastiques ». Il se déclare mieux disposé à l'égard de l'explica-
tion proposée par sir John Morris-jones pour l'article irlandais Ça
iVelsh Grammar, p. 299) ; cependant il n'en est pas convaincu davan-
tage. La première condition d'une explication valable des formes
de l'article lui paraît être de s'appliquer également au gaulois, au
brittonique et à l'irlandais. C'est débuter par une singulière affir-
mation, et qui fera hocher la tête à plus d'un lecteur. Eh quoi ! le
gaulois, le brittonique et le gaélique n'auraient-ils pu chacun de
leur côté par des moyens différents se créer un outil grammatical
comme l'article ? La saine méthode ne permettrait à cette question
une réponse catégorique que si les formes des trois langues se
recouvraient exactement et comportaient une interprétation unique,
absolument convaincante. Celle que M. Pokorny a imaginée est
fantaisie pure. Il part d'un indo-européen %sem, état allongé du
thème qu'on a en grec dans le numéral vc (*sem-s), et qui serait
4T4 Périodiques.
devenu en celtique le neutre de. l'article défini, gaulois -sin, irlan-
dais (j)a 11- ! A cette forme neutre aurait été ajouté un élément -dhe
ou -de ; puis de *si>i-de on aurait tiré le thème flexionnel *sind-o-s.
Le gallois hwnn « celui-ci » représenterait *son-do-, d'un plus
ancien *som-d(Jj)e avec le degré vocalique o du thème *sem-; etc.
Si l'on met à part l'hypothèse d'un thème neutre indo-européen
*sêm, qui est en l'air, et la difficulté sémantique de l'emploi du
terme de l'unité en fonction d'article défini (cf. Meillet, M. S. L.,
XXII, 144), il n'y a peut-être pas à cette explication compliquée
d'objection formelle à. faire : mais sur aucun point elle n'emporte
la conviction, et l'on répugne d'autant plus à l'accepter qu'elle est
présentée sur un ton plus péremptoire. Quand donc la linguistique
renoncera-t-elle à ces jeux puérils de reconstructions artificielles,
qui n'ont ni base ni portée, et qui ne peuvent que la compromettre
auprès de tous les bons esprits ?
P. 220-223, M. Wackernagel examine le cas du vieil-irlandais
-fitir « il sait ». M. Pokorny avait dans YAn^eiger du même pério-
dique (t. XXXVIII-XXXIX, p. 10) expliqué v. irl. -fitir (gall.
gwyr) comme issu d'une anc. 3e pers. pi. de parfait moyen
*itiiiidrai (skr. vividre) qui aurait passé au présent en perdant son
redoublement. M. Wackernagel exprime deux doutes sur l'exac-
titude de cette hypothèse.
Le premier est relatif à la reconstruction de *uiuidrai qui est
personnelle à M. Pokorny : le sanskrit vividré (ou vividrire)
appartient à la racine vid- « trouver » ; la racine vid- « savoir » est
attestée au parfait exclusivement sous la forme active (le seul
exemple contraire du Rig-Yeda, VII, 56, 2 ne fait exception qu'en
apparence : vidre y présente la valeur spéciale de réfléchi qui était
celle du moyen : « ils se connaissent ») ; si l'irlandais -fitir doit
être rattaché à une ancienne forme verbale en -r, ce ne peut donc
être qu'au skr. vidnh.
C'est d'ailleurs l'interprétation qu'admet M. Pedersen, Vgl. Gr.,
II, 406. Mais M. Wackernagel y voit également une difficulté,
dans le fait que vidnh est un pluriel et -fitir un singulier. Tous les
moyens proposés pour sortir de cette difficulté lui paraissent des
échappatoires dénuées de valeur. Il se hasarde à comparer plutôt
le grec (F)îop'.ç « qui sait » employé parfois comme prédicat (par
ex. tj 108, Agamemn. v. 44e) en phrase nominale sans verbe être.
Les scrupules de M. Wackernagel à admettre l'hypothèse courante
nous paraissent exagérés : l'irl. -fitir, comme on a essayé de le
montrer ailleurs (Rev. Cell., XXXIV, 141), rentre dans l'ensemble
des formations en -r de l'italo-celtique, qui semblent toutes
remonter originellement à une 3e personne du pluriel.
Périodiques. 415
VIII
Avec The Journal of the Welsh Bibliographical Society
nous avons aussi de l'arriéré à réparer. Depuis notre dernière
notice (t. XXXV, p. 399) nous sont parvenus les deux fascicules
(numérotés 7 et 8, août 1914-juillet 191 5) qui terminent le tome
premier et les six premiers fascicules du tome second (juillet 1916,
octobre 19 17, décembre 1918, mai 1920, janvier et décembre 1921).
Dans le fascicule 7 du volume I on trouvera une Bibliograpby of
Quaker Literature in the Euglish Language relating to traies (p. 203-
225) : c'est une utile contribution à l'histoire de la secte des
Quakers, qui a, toujours eu, comme on sait, de solides attaches en
Galles. Dans le fascicule 8, une notice sur Thomas Jones the
Almanacer ; ce personnage, né le Ier mai 1648 près de Corwen et
venu à Londres à l'âge de 18 ans pour y exercer le métier de
tailleur, est le premier qui ait publié un almanach en langue
galloise. Cette publication, qui fait date dans un pays où YAlmanac
y Miloedd devait avoir tant de succès, est de l'année 1679. La notice
sur Thomas Jones est continuée dans le fascicule 3 du tome II
(p. 97-no).
Le fascicule Ier du tome II contient une étude de M. D. Rhys
Phillips sur A forgotten Welsh Historian, William Davies^ 1756-1823
(p. 1-43)- L'étude est instructive et présente sous un jour sym-
pathique le personnage en question, qui était de ces hommes
vivant hors des cadres de la hiérarchie officielle, loin des cénacles
où les réputations se fondent, ignorés des académies où se con-
sacrent souvent des gloires éphémères. Celle que lui vaudra l'étude
de M. Rhys Phillips mérite d'être durable.
Dans le fascicule 4 du même tome II se trouvent un article du
Professor J. E. Lloyd sur John Thomas, a forgotten Antiquary 1736-
1769 (p. 129-135), et une lettre écrite en 1806 par Humphrev
Parry à David Thomas (Dafydd Ddu Eryri). Dans cette lettre
Humphrey Parry, un gallois de Cwm Mawr (Carnarvonshire)
installé à Londres, apprécie de façon fort intelligente et fort juste
les innovations incohérentes que tentait alors William Owen Pughe
dans la grammaire et l'orthographe du gallois.
Enfin dans les deux plus récents fascicules, on peut signaler une
liste de Welsh books entêred in the Stalioners' Company s Registers de
1554a 1708 par M. William Ll. Davies (p. 167-174 et p. 204-
210) et une Short-title list of Welsh books de 1546 à 1700 (p. 176-
189 et 210-229). Un article du Canon Fisher sur the Old-time Welsh
4 1 6 Périodiques.
School-boy's Bocks (p. 193-201) est à recommander à ceux qu'in-
téresse l'histoire de l'éducation pédagogique et de l'instruction
religieuse.
Chacun des fascicules contient en outre des Bildiographical noies
ou des Notes and Guéries.
IX
Le fameux Psautier conservé à la Bibliothèque Nationale (Fonds
Lat. Ms. 8824, de la première moitié du \ic siècle) a comme on
sait un extrême intérêt par les relations qu'on lui a toujours suppo-
sées avec les psautiers anglo-saxons. M. Robert L. Ramsay, qui
est un spécialiste des études bibliques (voir ses articles sur l'œuvre
liturgique de Théodore de Mopsuestia dans la Zeitschrift fur cel-
tische Philologie, t. VIII, p. 421 et 450), publie dans 1' American
Journal of Philology, t. XLI, p. 147-176, une collation du
texte latin du Psautier de Paris. Il se dégage de son travail cette
conclusion importante, que le Psautier de Paris offre un texte plus
ancien que la plupart des psautiers anglo-saxons, le « Royal » par
exemple ou le « Bosworth », et qu'il a plusieurs traits communs
avec le « Vespasian Psalter » qui est du début du vme siècle. Un
détail de l'exposé (p. 168-169) nous intéresse particulièrement.
C'est qu'on ne trouve dans le Psautier de Paris aucune trace de la
division des psaumes en trois groupes (de cinquante chacun), qui
est proprement irlandaise et qui des écoles d'Irlande s'est ultérieure-
ment répandue largement en Grande-Bretagne et sur le Continent.
La division tripartite à la mode irlandaise est celle du Psautier de
Wessex (West Saxon Psalms) ; le Psautier de Paris n'a aucun
rapport avec ce dernier.
Dans le même volume, p. 283-286, M. W. Sherwood Fox
établit par de nouvelles preuves le caractère chthonien de la déesse
grecque Aphrodite. Il insiste particulièrement sur la récente trou-
vaille faite à Delphes dans les ruines d'un monument qui paraît
être le fameux àBirrov, le sanctuaire impénétrable, d'un omphalos
« intérieur », différent de l'omphalos « extérieur » bien connu, et
qui porte en caractères très archaïques le nom de la terre, ya
(F. Courby, C.R. deVAcad. des Inscr., 1914, p. 268). Miss J.
E. Harrison déclare que cet omphalos est la plus grande trouvaille
religieuse du siècle (Classical Studies, 191 5, p. 73). Cette trouvaille
ajoute en tout cas une preuve à l'hypothèse suivant laquelle les
omphaloi seraient des symboles de la terre mère, de la déesse
Périodiques. 4 1 7
chthonienne. Or, il y avait à Paphos' un omphalos célèbre, qui
passait pour représenter Aphrodite (Servius, ad Aen. I, 720;
Tacite, Hist., II, 2-3 ; Maxime de Tyr, Diss., II, vu Hobein).
M. W. Sherwood Fox conclut de ces faits qu'Aphrodite n'était à
l'origine qu'une personnification de la Terre Mère. Il paraît bien
au courant des données que fournissent à ce sujet la philologie et
l'archéologie classiques (cf. Dieterich, Militer Erde, 1913); il con-
naît également l'article qu'a donné feu Quiggin aux Essays and
Studies presented to William Ridgeway. Il est regrettable que l'article
de M. J. Loth sur Y Omphalos chei les Celtes lui ait échappé ÇR. des
Et. Ane, XVII, 193 ; v. R. Celt. XXXVII, p. 142).
Enfin, le même volume contient en deux parties un travail de
M. Francis A. Wood, Naines of stinging, gnawing and rending
animais p. 223-239 et 336-354. Il paraît peu original, au moins en
ce qui concerne le celtique, dont les données sont toutes de
seconde main ; elles sont d'ailleurs incomplètes (p. 344 manque le
gaulois luernos, bret. louant) et souvent contestables (p. 228 irl.
dergnat, p. 342 irl. luch, gall. llyg admettent une autre étymologie).
J. Vendryes.
ADDENDA ET CORRIGENDA
AU TOME XXXIX
P. 64, 1. 21 au lieu de kyt ved lire hyt ved.
P. 66, 1. 12 du bas, au lieu de cixxin lire clxxiij, et au lieu
de toto bêle lire toto fêle.
P. 71, 1. ir. Remplacer l'alinéa par le suivant : L'étymologie
de givaelbd tiré de *vaili-, proposée par Wh. Stokes, est plau-
sible; elle se justifie par le v. gallois guoilaut (notes àl'évan-
géliaire de saint Chad) et est confirmée par le comique
goles. Le comique en effet ne désarrondit pas *uo- comme
le gallois et réduit oi (v. celt. ai) et ui (v. celt. et) à 0.
P. 73, 1. 1. Noter que déjà Ascoli (G/. Pal., clxxxj) a
comparé lue-liad, lua-liath à leivi-lloil.
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS LE TOME XXXIX
ARTICLES DE FOND
Pages
La bataille de Leitir Ruibhe, par Margaret C. Dobs i
On the character of the Celtic Languages, par Josef Baudis 33
Le gallo-roman baltna, par J. Loth 47
Notes étymologiques et lexicographiques (suite), par J. Loth 59
Place Names of Pictland (suite), par F. C. Diack 125
Résumé des « Recherches sur l'histoire du vieux norrois en Irlande »
• de Cari Marstander, par A. Sommerfelt 175
Les saints irlandais dans les traditions populaires des pays continen-
taux, par Dom Louis Gougaud 199, 3 3 >
The Celtic Penitentials, par John Thomas MacNeill ■ 257
La vie la plus ancienne de saint Samson, par J. Loth 301
*Tannoialum, par A. Thomas 334
Chronique de numismatique celtique, par A. Blanchet 338
Le nominatif pluriel gaulois des thèmes en -0-, par J.Whatmough. 348
Irish Aru « Arau », par J. Fraser 353
BIBLIOGRAPHIE
Armstrong (E. C. R.), Catalogue of Irish gold ornaments in the
collection of the Royal Irish Academy (H. Hubert) 122
Calloch (P.), A genoux (J. Vendryes) 94
Evans (Ifor L.) et Lewis (Henry j, Cyfres y Werin (J. Loth) 240
Fletcher (George), The provinces of Ireland, Ulster, Munster (J.
Vendryes) 376
Gregory (Lady), Visions and Beliefs (J. Vendryes) 91
Gwynn-Jones (T.), Lleuyddiaeth Gymraeg y bedwaredd ganrif ar
bymtheg (J. Vendryes) 93
Le Goff (P.), Supplément au dictionnaire breton-français du dialecte
de Vannes (J. Loth) 80
Longnox (A.), Les noms de lieu de la France (J. Vendryes) 367
Ta bîe ' des ma itères . 419
Macalister (R. A. Stewart), The latin and Irish lives of Ciaran
(J . Vendryes) 370
MacNeill (Eoin), Phases of Irish Hisiory (J. Loth). 74
Morris-Jones (John), An Elementary Welsh Grammar I, (J. Loth). 242
O'Kelleher (A.) et Schoepperle (Gertrude), Betha Colaim Chille
(J. Vendryes) 87
O'Nolan (Gerald), Studies in Modem Irish, Part II (J. Vendryes). . 89
O'Rahilly (Thomas F.), Dânfhocail (J. Vendryes) 374
Pauphilet (A.), Études sur la Queste del Saint Graal attribuée à
Gauthier Map (J. Vendryes^ 382
Stanburrough Cook (A.), The possible begetter of the Old English
Beowulf and Widsith (J. Vendryes). 377
Thurneysen (R.), Irische Helden- und Kônigsage bis zum i7ten Iahr-
hundert (J. Vendryes) 359
Watkin (Morgan), The French linguistic influence in mediaeval
Wales (j. Loth) 227
CHRONIQUE
Bebb (Ambrose), traduction galloise des Paroles d'un Croyant 396
Bulletin of the Board of Celtic Studies of the University of Wales 254
Celtic Review (The), reprise de la publication 109
Diack (Francis C.) et les inscriptions pietés 388
Earna 40 1
Ecole pratique des Hautes-Etudes (Cinquantenaire de F) 247
Esnault (G.) ; son ouvrage sur Le Laé 399
Esposito (M.) ; ses travaux 103
Examens de celtique à la licence es-lettres 100
Fraser (John) nommé professeur à Oxford 98
Freeman (A. M.) ; suite de sa collection de chants populaires irlan-
dais 105
Gaidoz (H.), Cuchulain, Beowulf et Hercule 247
Goblet (Yann Morvran) et les études celtiques modernes 254
Gougaud (Dom Louis) ; les plus anciennes représentations du cruci-
fix en irlande 249
— ; l'ascétisme en pays celtique 251
— ; la question des évêques abbés 390
Gruffyd Roberts (ouvrage inédit de) 395
Irlande (brochures sur 1') 108
Jud (J.); quelques substrats celtiques en roman 102
Kenney (M. James F.) et la légende de St Brendan 393
Linguistique générale (ouvrages récents de) 252
Loth (J.) et la langue gauloise 387
Macbain (A.) ; annonce de la publication de ses Places-Names 109
Meillet (A.), les effets de l'homonymie dans les anciennes langues
indo-européennes 248
420 Table des matières.
Mordiern (Meven) et Abhervé, Notennou diu-arbenn ar GelteJ Ko^. 106
Môrker (M.), édition du Purgatoire de St Patrice 392
O'Cuiv (S.), The Sounds of Irish 244
Ouvrages nouveaux 1 1 0, 255
Pearse (Patrick), œuvres posthumes 245
Pedersen (H.), les formes sigmatiques du latin et le futur indo-
européen 1 o 1
Périodiques nouveaux 254
Philologica 255
Philological Quarterly (The) 253
Pokorny (Dr Julius), nommé professeur à Berlin 99
Réult (An) 40 1
Revue belge de philologie et d'histoire 255
Sommer (O.), publication des romans du style arthurien 390
Sommerfelt (Alf.) les Norvégiens dans le folk-lore d'Irlande 251
— ; ses thèses de doctorat 99
Thomas (A.), nouvelle découverte d'un texte en breton moyen 399
PÉRIODIQUES
American Journal of Philology (The), t. XLI 416
Annales de Bretagne, t. XXXIV-XXXV 403
Anthropologie (L'), t. XXX 1 1 1
Antiquaries Journal (The), 192 1 122
Boletin de la Real Academia de la Historia, t. LXXVIII 112
Ériu, t. IX 407
Fureteur breton (Le), 1921 407
Indogermanische Forschungen, t. XXXIX 413
Journal of the Royal Anthropological Institute (The), 1915-1918. . 113
Journal of the Royal Society of Antiquaries of Ireland (The), 1914-
1 920 ii), 118
Journal of the Welsh bibliographical Society (The), 1914-1921 415
Mémoires de la Société de linguistique, t. XXII 405
Proceedings of the Royal Irish Academy, t. XXXIV 117
Revue des études anciennes, t. XXII 403
Revue des études grecques, t. XXXII ni
Zeitschrift fur celtische Philologie, t. IX-X 409
Le Propriétaire-Gérant, Edouard CHAMPION.
MAÇON, PROTAT F? ERES, IMPRIMEURS.
PB 1001 ,R5 V.39 SMC
Revue celtique
Does Not Circulate