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Full text of "Revue celtique"

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§1 


the  pResence  of  this  Book 


in 


thej.m.  kelly  liBRaRy 

has  Been  nuôe  possiBle 

thRouqh  the  qeneRosity 


of 


Stephen  B.  Roman 


From  the  Library  of  Daniel  Binchy 


LA 
BATAILLE    DE    LEITIR     RUIBHE 

(CATH    LEITREACH    RUIBHe). 


Cinq  manuscrits  nous  ont  conservé  le  récit  du  Cath  Leitreach 
Ruibhe  «  Bataille  de  Leitir  Ruibhe  » .  Trois  sont  à  Dublin, 
dans  la  Royal  Irish  Academy  : 

C.  i.  2.,  f°  19  b  (Stowe  Collection),  sur  parchemin  ; 

23.  K.  37,  p.  190-193,  sur  papier  ; 

E.  4.  3,  sur  papier. 

Un  est  à  Londres,  au  British  Muséum,  Egerton  106  f°  50 
v°,  et  le  dernier  à  Edimbourg  ',  Advocates'  Library  V  f °  1  b 
(Kilbride  Collection,  n°    1),  sur  parchemin. 

Le  manuscrit  C.  1.  2  de  la  R.  I.  A.  est  de  petit  format  ;  il 
contient  encore  d'autres  morceaux  inédits,  notamment  le 
Cath  Aonaigh  Mâcha.  Je  n'y  ai  trouvé  aucune  indication  de 
date  ou  de  nom  de  copiste;  mais  il  paraît  remonter  au  xve 
siècle.  Le  manuscrit  d'Edimbourg  est  probablement  plus 
ancien  (v.  Don.  Mackinnon,  Catalogue,  p.  79)  ;  mais  le  texte 
du  Cath  Leitreach  Ruibhe  y  est  incomplet  ;  il  y  manque  les 
premiers  paragraphes,  jusqu'aux  mots.  .  .  le  neach  dib  comnâm, 
etc.  (page  10).  En  outre,  une  partie  du  §  8  est  illisible.  Pour 
le  reste,  les  deux  textes  sont  semblables,  à  cette  différence 
près  que  la  langue  du  manuscrit  d'Edimbourg  est  plus  archaïque 
[que  celle  de  C.    1.2. 

Les  trois  autres  manuscrits  sont  du  xvme  siècle  ;  ils  con- 
tiennent du  récit  une  copie  incomplète,  qui  est  presque  iden- 

1.  Voir  Donald  Mackinnon,  a  descriptive  Catalogue  of  Gaelic  Manuscriph 
^jW*'1   Me  Advocates'    Library,   p.    129.    Je  n'ai    eu    connaissance  du  texte  du 
Vnanuscrit  d'Edimbourg   que   grâce   à  une    obligeante  communication  du 
Prof.  W.  J.  Watson. 
<à  Revue  Celtique,  XXXIX.  I 


1  Margantî  Ù.  Uobs. 

tique.  J'ai  collationné  moi-même  le  texte  de  23.  K.  37  et  de 
E.  4.  3  ;  Miss  Eleanor  Hull  a  eu  l'extrême  complaisance  de 
copier  pour  moi  le  texte  de  Eg.  ioé  ;  je  lui.  en  exprime  ici 
ma  sincère  gratitude. 

J'ai  pris  comme  base  de  mon  édition  le  texte  de  C.  1.2, 
comme  étant  le  plus  complet  et  comme  présentant  la  forme 
la  plus  ancienne  du  récit.  C'est  ce  texte  dont  je  donne  une 
traduction  française.  Mais  j'ai  cru  bon  de  publier  ensuite  en 
appendice  le  texte  du  manuscrit  23.  K.  37,  avec  les  variantes 
des  manuscrits  E.  4.  3  et  Eg.    106. 

Le  Cath  Lcitrcach  Ruibbe  offre  le  grand  intérêt  d'appartenir 
à  un  groupe  de  récits  relatifs  aux  événements  qui  précèdent 
l'expédition  de  la  Tâin  bô  Cuaiînge.  Ce  sont  les  pères  de  Medb 
et  de  Conchobar  qui  y  jouent  un  rôle.  Le  groupe  comprend 
les  morceaux  suivants: 

le  Cath  Leitreach  Ruibhe,  édité  ici  ; 

le  Cogad  Feargusa  7  Conchobair,  encore  inédit  ; 

le  Cath  Boinde,  édité  dans  Eriii,  t.  II,  p.  173  et  suiv.  ; 

le  Cath  Cuniair,  encore  inédit. 

Le  héros  de  notre  récit  est  le  roi  Eochaid  Feidlech,  père  de 
la  reine  Medb.  Sa  famille  était  originaire  du  Connaught  et  se 
rattachait  à  Cruachan.  On  le  représente  comme  un  grand 
soldat  qui  osa  faire  face  aux  redoutables  Ulates  et  sut  rabaisser 
leur  prestige  militaire.  Il  inaugura  à  Leitir  Ruibhe  la  guerre 
que  sa  fille  Medb  devait  poursuivre  en  lançant  contre  l'Ulster 
la  grande  offensive  connue  sous  le  nom  de  Tâin  Bô  Cuaiînge. 

Certains  synchronismes  (Laud  610  f°  112)  fixent  le  com- 
mencement de  son  règne  à  l'an  3  av.  J.-C.  D'autres  synchro- 
nismes (Livre  de  Ballymote)  lui  donnent  les  mêmes  dates 
qu'à  Jules  César  (mort  en  45  av.  J.-C).  Les  événements 
racontés  dans  la  Tâin  sont  généralement  rapportés  par  les 
modernes  au  premier  siècle  de  notre  ère  :  cela  s'accorde  assez 
bien  avec  les  dates  indiquées  pour  Eochaid  par  les  synchro- 
nistes.  Pour  expliquer  plusieurs  des  allusions  contenues  dans 
le  texte,  j'ai  cru  bon  de  placer  ici  les  tableaux  généalogiques 
suivants  ;  mais  naturellement  ce  n'est  pas  le  lieu  de  discuter 
la  valeur  historique  des  personnages  et  des  dates  qu'ils 
contiennent.  Malgré  les  contradictions  que  renferment  ces 
généalogies,  elles  aideront,  j'espère,  à  éclairer  le  texte. 


Ugaiiie  Moi 

(de  la  race  d'Erimon) 


Cobhtach  Caol,  Bregh 

I 
Melge  Molbtach 

4  noms 


Conall  CoLlamrach         Aongus  Turmech 
Eanna  Aignech 

^  noms 

I 
Roghen  Ruadh 

I 
Fionnlogh 

Fionn 

I 
Eochaid  Feidlech 


Laegaire  Lorc 

Labraid  Longseàch 
£   noms 

I 
Feargus  Fortamhail 

Feidlimid 

I 
Crimthand  Coscrach 

I 

12  noms 


Ros  Ruadh 


Clothru  Medb  Conall         Eochaid  Ailill         et  autres 

Argedmar 


(de  la  race  d'Ir) 


Cas 


Fomor 


Dearaan  Badurn  Fionntan 


Cerb       Dub        Fesar       Dithorba         Aed  Ruadh         Cimbaeth 


Bresal       Sithri         '    Eochaid  Eolcobar 

I  I 

Reochad     Rudraige 


Fathemon     Ginga      Congal  Clar.      Niall  Niamg.      Bresal  Bod 
Breas       Cappa 

Cas  Cathbad  Findtan 


Leide 


Fachtna  Fathach 
Conchobar 


AmtTgen  Iarguinafh 
Conall  Cernach 


Ros  =r  Roch 


Feargus 


4  Margaret  C.  Dobs, 

Le  texte  que  fournit  le  manuscrit  G.  î .  2  est  remarquable 
par  le  nombre  d'interpolations  qui  lui  sont  spéciales.  Il  y  en 
a  une  qui  contient  deux  commentaires  en  sens  opposé  (§4),  ce 
qui  indique,  à  mon  avis,  deux  rédactions  différentes  du  texte 
original.  Cet  original  devait  être  beaucoup  plus  ancien  que 
C.  1.  2. 

Le  nom  de  Leitir  Ruibhe  apparaît  ailleurs  sous  la  forme  de 
Leitir  Ruadh  ou  Ruidi  (voir  Y Onomasticon  Goed.  du  P.  Hogan, 
s.  u.).  Grâce  à  quelques  indications  données  dans  le  Cath 
Cumair,  j'en  ai  pu  identifier  l'emplacement  exact  près  du  lac 
Templehouse  (voir  note  60). 

Je  tiens  à  adresser  ici  mes  remerciements  à  Miss  Eleanor 
Knott  pour  toute  l'assistance  qu'elle  a  bien  voulu  me  prêter 
au  cours  de  mon  travail  dans  l'Académie  lorsque  je  préparais 
l'édition  qui  suit. 

CUSHENDALL.  MaIGHREAD  NI    CoNMHIDHE    DOBS. 


TEXTE  IRLANDAIS 

D'APRÈS    LE    MS.    C.     I.     2    DE     LA    ROYAL    IRISH     ACADEMY 
CATH    LEITftEACH  RUIBHE   ANDSO 

N.B.  —  Les  notes  ont  été  réunies  à  la  suite  du  texte. 

1.  Aird-rig  rogabastair  forlamus  for  Eirind  À.  Fachtna 
Fathach  ».  Oir  is  ag  sil  hlr  2  7  Eirmir  5  7  Laegaire  Luire  \  bui 
airdceannus  Eirend  o  re  Conaill  Colhmraich  5  co  haimsir 
Ezthach  Feïàlig.  Doronadh  morsluaigheadh  mor  la  Eochaid 
Eeidlech  7  domarbadh  coiceadhaigh  Eirend  lais.  Is  an;/  bai 
Fachtna  Fathach  an  tan  sin  ar  saer-cuairt  Ulad.  Gabais  Eochaid 
geill  Teamra  da  eisi.  Do  clos  a  nEamain6  an  sgel  sin.  Eeargusi 
mac  Roith  fa  leithrigh  for  Ulltaibh  7  Leide  mac  Eeargusa  m . 
Leide s  for  in  leath  tuaiscmrtai  do  Ulltaib,  Fim/tan  9  mac  Neill 
Nizmglonnaigh  m.  Kugraigi  a  nDun  Da-bean«  I0,  7  Conall  XI 
for  Caille  Conaill  12  7  Subaltach  '3  for  M///rtheinne  **,  7 
Clanna  Duinn  m.  Durrthachta  m.  Failbe  m.  Aengusa  m. 
Kugraigi  for  feadhaib  Eeamdmuigi  I5. 


La  bataille  de  Leitir  Ruibhc. 


TRADUCTION .  FRANÇAISE 

LA    BATAILLE    DE    LEITIR    RUIBHE 


1.  Un  roi  suprême  s'empnra  du  pouvoir  sur  l'Irlande: 
c'était  Fachtna  Fathach.  Car  c'est  à  la  race  d'Ir  et  (à  celle) 
d'Eimir  et  (à  celle)  de  Laegaire  Lorc  qu'appartint  la  supréma- 
tie en  Irlande  depuis  le  temps  de  Conall  Collamrach  jusqu'au 
temps  d'Eochaid  Feidlech.  Eochaid  Feidlech  fit  assembler 
une  immense  armée  et  les  rois  provinciaux  furent  mis  à  mort 
par  lui.  C'était  juste  à  ce  moment  que  Fachtna  Fathach  faisait 
une  tournée  royale  chez  les  Ulates.  Eochaid  Feidlech  prit  des 
otages  à  Tara  derrière  lui.  On  apprit  cette  nouvelle  à  Emain. 
Feargus  fils  de  Roth  était  demi-roi  des  Ulates  et  Leide,  fils  de 
Feargus  fils  de  Leide,  régnait  sur  la  moitié  septentrionale  de 
l'Ulster.  Findtan  fils  de  Niall  Niamglonnach  fils  de  Rudraige 
régnait   sur  Dun  Da-beann  et  Conall   sur    Caille  Conaill  et 


Marçarei  C.  Dobs. 


2.  Ls  ann  bai  Eochaid  a  coiceadh  Gezzairuf  I6  an  tan  sin  7 
is  ann  bai  righ  FÀrend  f/za  Eamain  atuaigh.  Doriacht  fis  an 
sgeil  sin  co  ri  Elrend.  Is  ann  do  raigh  Faehtna  Fathach  (n'a 
Ulltaib  tinol  7  toithistul  do  denam  7  isedh  do  raigh  riu, 
"  Doronad  faesam  finghaile  foraib-se  ag  fearaib  Eirend  7  ro 
atheirgidar  sil  Cobhtaid  Cail  Breagh  I7  7  tainic  tiûflaith 
cloinne  hlr  mu//  am-sa  ".  "  Toai,  a  Airdrig  "  ol  Clanna 
Rugraigi,  "  is  againne  ata  ceannus  gaischid  na  nGtfidheal  7 
urrlaighi  dainne  Milead  amal  airimthw  ar  ar  sinnsiearaib 
7  de//am  calma  7  cosnam  Eirend  7  innsaigim  coiceadh 
nGenaïnd.  " 

3.  Doronad  morsluaigeadh  mor  ag  Ulltaib  7  ag  rig  Eirend 
.i.  VII  catha  comora  do  leathri*  \J\adh  7  tri  catha  d'allmu- 
rachaib  7  deiccead  fab  gac  amus  do  muintir  in  righ,  7  tancadar 
tar  sit-b/7/g  na  hEamna  7  tar  Druim  Raitm  I&  (mara  ndor- 
caidh.  liait///  "'  ri  Muighi  Bolg20  ar  techt  do  loscad  na  hEamna 
7  ïsed  an  da//  a  ndorcair  la  hEogan  2I  macDui////  m.  Dunlbacht) 
7  do  Raith  Neachtai/z  21  7  taf  Sr//th  Sei/z  Eoclu/^zz  risi  raiter 
Daball 25  (ait  a  ndorchair  Eochaid  Eolcobar  2+  mac  Feag/7/V 
m.  Fo/z/air  m.  Airgeadmair) ,  7  tar  Dul  -na-carbat  risi  nabar 
Magh  Leamna25_,  7  tar  Cnoc  mB/7'is26  (bara  ndorcair  Br^as  2" 
mac  Faitheamain  m.  Reochada  m.  Breasail  m.  Cirb  m.  Cais 
m.  h'wgeadmaîr)  risi  nabar  Cnoc  mBaine,  7  tar  Sliabh  nDub  28 
(ait  a  ndorcair  Dub  29  mac  Oirs>°  m.  Eidhisd  3°  m.  Buidb 
m.  Eïïeisd  mie  ri  Lochlann  tainic  do  gabail  Eirmf)  risa  nabar 
Sliabh  Tuirm  5I,  7  lam  de  re  Loch  Laegaire  32  (mararbaidheadh 
Laeg/r/re  mac  Laegaire53  m.  Conaing  B///dhe  dia  ndeachaid 
do  snamh  7  caoga.  macamh  7  do  crithnaigh  an  loch  la  peist 
coradh  baideadh  iad  34)  7  gabsat  sosadh  7  longport  ann  ar 
faithee  Daine  Laegair  35 . 

4.  Tancadar  Ulaid  a  pupaill  righ  E'irend  7  doronad  cumairle 


a.  Lire  ici  fior  Ulltaib  avec  23  K.  37  et  E.  4.  3. 

/'.  Peut-être    l'original    portait-il     frecamus    =   coimeà    «  un    garde 
(O'Davoren)  ;  cf.  §  12.  Le  ms.  23  K.  37  porte  francavi us. 


La  bataille  de  Le i 'tir  Ruibbe.  y 

Subaltach  sur  Murthemne  et  les  fils  de  Donn  fils  de  Durrthacht 
fils  de  Failbe  sur  les  forêts  de  Farney. 

2.  Eochaid  se  trouvait  alors  dans  la  province  de  Genand  et 
le  roi  d'Irlande  à  Emain  au  nord.  Le  renseignement  parvint 
au  roi  d'Irlande.  C'est  alors  que  Fachtna  Fathach  dit  aux 
Ulates  de  convoquer  une  assemblée.  Voici  ses  paroles  :  «  Les 
hommes  d'Irlande  vous  ont  accordé  protection  d'un  meurtre 
de  parents  —  et  la  race  de  Cobhtach  Caol  Bregh  s'est  soulevée 
—  et  voilà  la  fin  de  la  suprématie  des  fils  d'Ir.  »  «  Ah,  grand 
roi  »,  dirent  les  fils  de  Rudraige,  «  c'est  à  nous  qu'appartient 
le  premier  rang  pour  la  valeur  guerrière  parmi  les  Gaels  et 
pour  le  combat  parmi  les  fils  de  Mile,  ainsi  qu'on  l'a  estimé 
de  nos  aïeux.  Soyons  braves  et  défendons  l'Irlande  et  attaquons 
la  province  de  Genand.  » 

3.  Le  roi  d'Irlande  et  les  Ulates  levèrent  une  immense 
armée  ;  sept  bataillons  d'égale  force  de  vrais  Ulates  et  trois 
bataillons  d'étrangers  et  mille  gardes  des  gens  du  roi.  Ils 
marchèrent  par  le  palais  magique  d'Emain  et  par  Druim 
Raitni  (où  est  tombé  Raitin,  roi  de  Magh  Bolg,  quand  il  vint 
pour  brûler  Emain.  Il  est  tombé  là  de  la  main  d'Eogan  fils  de 
Donn  fils  de  Durrthacht),  et  par  Rath  Neachtain,  et  par  le 
fleuve  de  Sen-Eochaid  qu'on  appelle  Daball  (où  est  tombé 
Eochaid  Eolcobar  fils  de  Feagar  etc.),  et  par  Dul  na  Carbat 
qu'on  appelle  la  plaine  de  Leamna,  et  par  la  colline  de  Breas 
qu'on  appelle  la  colline  de  Baine  (où  est  tombé  Breas  fils  de 
Fathemon  etc.),  et  par  la  montagne  Noire  qu'on  appelle  le 
mont  Truim  (où  est  tombé  Dub  fils  de  Horsa  etc.,  fils  du  roi 
de  Scandinavie  qui  vint  pour  conquérir  l'Irlande).  Ils  prirent 
ensuite  à  main  gauche  vers  le  lac  de  Laegaire  (où  s'est  noyé 
Laegaire  fils  de  Laegaire  etc.  Il  était  allé  se  baigner  avec  cin- 
quante garçons,  et  un  monstre  agita  le  lac  de  façon  qu'ils  se 
noyèrent).  Ils  vinrent  enfin  camper  et  s'établir  sur  le  terrain 
de  Dun  Laegaire. 

4.  Les  Ulates  vinrent  à  la  tente  du  roi  d'Irlande  pour  y  tenir 


8  Margaret  C.  Dobs. 

leo  7  is  iat  tainic  ann  .i.  Yeargits  56  mac  Rossa  m.  Rugraigi 
(m.  Thirtigh  m.  Duib  m.  Fomair  m.  Airgeadmair  m.  Sirlaim 
m.  Find  m.  Blaitachta  m.  Labmdha  m.  Cairpri  m.  Ollamam 
Fodla  m.  Fiacbaeh  Findsgothn/J  m.  Airtrigh  m.  Eibric 
ni.  Eimir  Ditinn  ni.  hlr  m.  Milead  Easpawe)  7  Leide  mac 
Ir  m.  Kughraige,  7  Uislinrf  mac  Congail  Clairïnnigh  m. 
Rughraige,  7  Cathbaidh  d/v/i  mac  Congail  Chirinnigh  m. 
Rughraige,  7  Findtan  mac  Neill  Nhmg\o?inaigh  m.  Rughraige, 
7  Aengus  3?  mac  Feargusa  m.  Leide,  7  Laegaire  Buaghach 
mac  Conaing  Buidhe  m.  Iliach  m.  Rughraige,  7  Irgak^38 
mac  Maclaiche  m.  Rughraige,  7  Monach  7  Buan  7  Year  Corb  59 
tri  mie  Cinge  m.  Rosa  m.  Rughraige  (a  quo  Monaigh  Aradh 
7  Dal  mBuain,  a  quo  Baile  Binrfberlach  m.  Bind,  a  quo  Traigh 
Baile  m.  Buain  4°),  7  Fear  Ciwg  7  Fear  Tlachtca4'  da  mac  do 
Roich  7  do  Rossa  m.  Rughraige,  7  Conall  Cernach  mac 
Aimirgin  Iarguin//aid  m.  Cais  m.  Cinga  m.  Rosa  m. 
Rughraige,  (7  adberaid  aroile  comadh  do  cloinn  Congail 
Clairi;/gid  m.  Rughraige  do  clannaibh  Durrthacht  7  is  follusa 
coro  iir  sin  amal  adub^rt  Catbuigh  annsin  rann  : 

"  Do  clainn  Congail  —  cruaid  an  smacht  — 
Cathbuigh  isclanna  Durrthacht 
is  mie  Uisleanrf  maraen  riû 
is  d'fir-Ulltaib  na  hEamnu  ". 

Agus  is  follusa  gura  brazg  sin,  ar  dob'  inann  m[a.]ïhair  do 
Uislind  7  do  Donn  mac  Durrtfhjtfc/?/  7  do  clandaib  Aengusa 
m.  Rughraige  do  cloiini  Duirt[h]acht,  amal  ata  san  rann  : 

"  Do  cloinn  Aengusa  gan  feall 
Mie  na  Durrthacht  na  mbeiw/enJ 
ann  robsat  —  caem  a  clu  — 
forsna  feagaibh  Fearnmuigiu'*2  "), 

7  Dumhannach45  mac  Imcadha  m.  Cais  m.  Rughraige; 
7tancadarann  .i.  Dair[e] 7 Furba/de 7  FeargusFoltsnaith^d;44 
tri  mie  Imrosa  m.  Laitim  m.  Leide  45  m.  Rughraige.  Et 
doronadh  comhairli  leo  cainw  gnidis  iûrta  7  airgnea  coiceadh 
GeanainJ. 

5.  Doraig  Cathbaid  âra'i  friu,  "  atçim  neill  caille  uasaib" 
ol  se  "  7   cwrtar  teachta    co    hEochaid  7    laircezr  a  rogha 


La  bataille  de  Leitir  Ruibhe.  9 

conseil.  Il  y  avait  là  :  Feargus  fils  de  Ros  fils  de  Rudraige 
etc.,  et  Leide fils  d'Ir  fils  de  Rudraige,  et  Uislend  fils  de  Congal 
Claringnech  fils  de  Rudraige,  et  Cathbad  le  druide  fils  de 
Congal  Claringnech  etc.,  et  Findtanfils  deNiallNiamglonnach, 
et  Aengùs  fils  de  Feargus  etc.,  et  Laegaire  Buadach  fil's  de 
Conang  Buidhe  etc.,  et  Irgalach  fils  de  Maclach,  et  Monach  et 
Buan  et  Fear  Corb,  les  trois  fils  de  Cing  fils  de  Ros  etc.  (de 
ceux-ci  dérivent  les  Monach  Aradh  et  les  Dal  Buan.  De  ces 
derniers  dérive  Baile  Bindberlach,  fils  de  Buan,  de  qui  dérive 
la  «  plage  de  Baile  mac  Buain  »)et  Fear  Cing  et  Fear  Tlachtca, 
les  deux  fils  de  Roch  et  de  Ros  fils  de  Rudraige,  et  Conall 
Cernach  fils  d'Aimergen  Iarguinnach  fils  de  Cas,  etc. 
(Certains  disent  que  la  famille  de  Durrthacht  descend  des  fils 
de  Congal  Claringnech  fils  de  Rudraige  et  il  est  clair  que  c'est 
la  vérité,  comme  l'a  dit  Cathbad  dans  le  vers  : 

«  Des  fils  de  Congal  —  dure  leur  condition  !  — 
sont  issus  Cathbad  et  les  fils  de  Durrthacht, 
et  les  fils  d'Uislend  avec  eux, 
et  les  vrais  Ulates  d'Emain.  » 

Il  est  clair  que  cela  est  une  mensonge,  puisque  Uislend  et 
Donn  fils  de  Durrthacht,  et  les  fils  d'Aengus  fils  de  Rudraige 
avaient  la  même  mère,  comme  il  est  dit  dans  le  vers  : 

«  Des  fils  d'Aengus  pleins  de  loyauté 
sont  issus  les  fils  de  Durrthacht  le  batailleur. 
Ils  étaient  là  —  belle  leur  renommée  — 
régnant  sur  les  forêts  de  Farney.  ») 

Etaient  venus  là  aussi  Dumhannach  fils  d'Imchad  etc.,  et 
Daire  et  Furbaide  et  Feargus  Foltsnaitheach  les  trois  fils 
d'Imros  fils  de  Laitim  etc.  Us  prirent  conseil  ensemble  pour 
décider  de  quel  côté  ils  feraient  ravager  et  saccager  la  pro- 
vince de  Genand. 


5.  Cathbad  le  druide  leur  dit  :  «  Je  vois  un  nuage  formant 
un   voile    au-dessus  de  vous  »,    dit-il.    «  Qu'on  envoie  des 


io  Margaret  C.  Dobs. 

urrainne  d'EinW  dô,  a  ceand  coicid  Genaind,  7  orlamus 
EÂrend  âuitse".  "  Toa,  a  Cathbaid  "  or  Ullto.  "As  briat[h]ar 
dam-sa  "  ol  Fachtna  Fathach  "  ani  nach  tucsa[t]  ar  sinnsir 
romann  nach  tuibriu/M  co  bmch  .i.  roinn  Eïrend  do  neach  eile 
ach  duinn  fein.  Ar  in  tan  do  roinn  Qnnna  7  Sobairchi'6  as 
atorra  fein  do  roinnsit  7  in  tan  do  ronn  Aed  Ruagh  mac 
Badhuirn  7  Ditorba  mac  Deamain  7  Cimaeth  mac  Finitain46 
is  atorrtha  fein  do  roinnsit  7  do  badh  anflath  duinne  a  roinn 
sin  osin  amach  na  roinn  s'iuni  l".  .  .  "  Truagh  sin,  a  Airdrigh  " 
ar  Ull/o  "  uair  gid  iat  fir  in  domain  do  beith  do  t'innsaigi  is 
comairce  duit-si  sinne  7  do  mzrbadh  coiceadhaigh  Eirend  leis 
an  iear  ut  7  ni  dutbracht  le  neach  dib  comnam  leis  ach[t]  a 
fuil  do  dibeargacaib  aisi  ". 


6.  Agus  do  eirgidar  Ulaid  7  tancadar  asa  longport  amach 
7  tancadar  co  srothaib  Sein-Eime  4?  7  tar  Magh  nltha|8  (mura 
fuair  Ithe,  gilla  Pantalon,  bas  49).  Ro  cr^acadh  7  ro  hughrad 
7  ro  hinnradh  7  ro  loimloisceadh  leo  o  Eas  Ruaigh  mie 
BaduirnJ50  co  Ceis  Corairm  SI,  7  is  and  rogabsat  sosad  7 
sithlongport  a  nDntim  na  nDrwagh  S2.  Adubairt  righ  Eirend: 
"  an  cualubair  an  tainic  Eochaid  a  coigeadh  nGeanaind  ?  " 
"  Tainic  ",  or  Cathbaidh  àrai,  "  7  tue  cath  a  meadhon  lae 
ane  7  domzrbadh  Airtidh  Uchtleathan  53  lais".  "  Laitcr 
teachta  uainne  ",  ol  ri  Eirend,  "  da  ragha  ris  Ere  d'faghbail 
no  cath  do  thabhairt  damsa  ".  "  Is  coir  sin  "  or  cach,  "  7  ce 
rachus  leis  an  aithesc  sin  ?  "  ar  siat.  "  Dub  7  Don<igus  7 
Diangus  54  raghusan^  ",  ar  siat(.i.  na  tri  dn/ithi  aD/^'btr/an  5Î 
Ulad,  tri  mie  Duib  m.  Imrossa  m.  Uisluinti  m.  Congail 
Clairingidh  m.  Rugraige).  Agus  do  cuireadh  d'agallim  rig 
Eirend  iad  7  do  raigh  riû:  k'  ca  airm  a  fuil  Eochaid  ?"  —  "A 
LeitzV  Saileach  >é  os  Crwachain 5?  "  ar  siat.  "  Eirgid  da 
aghallaim  "  ar  an  righ,  "  7  abraigh  ris  Eiri  d'ag[bail  |  dam-sa 
et  eirgid  a  puball  Rosa  Ruaigh  ^,  mac  righ  Laigan,  7  abraigh 
ris  ameasc  a  muint/ri  cummgeadb  a  eascairdeas   à'Echach  ". 

a.  Le  ms.  est  ici  illisible. 


La  bataille  de  Leilir  Ruibhe.  il 

ambassadeurs  chez  Eochaid  et  qu'on  lui  offre  son  choix  d'un 
partage  de  l'Irlande  :  qu'il  règne  sur  la  province  de  Genand  et 
que  la  suprématie  en  Irlande  soit  à  toi  ». —  «  Oh  !  Cathbad  !  » 
dirent  les  Ulates.  «  Je  donne  ma  parole  »,  ditFachtna  Fathach, 
«  que  ce  que  nos  aïeux  n'ont  pas  donné,  je  ne  le  donnerai 
jamais.  Je  n'admets  aucun  partage  de  l'Irlande  avec  d'autres 
que  nous-mêmes.  Ainsi,  lorsque  Cermna  et  Sobairche  ont 
fait  un  partage,  c'est  entre  eux-mêmes  qu'ils  ont  partagé. 
Lorsque  Aed  Ruadh  et  Dithorba  et  Cimbaeth  ont  fait  un 
partage,  c'est  entre  eux-mêmes  qu'ils  ont  partagé.  Ce  serait 
injustice  envers  nous-mêmes  ce  partage  désormais  que  le 
partage.  .  .  »  «  Ce  serait  dommage,  ô  grand  roi,  »  dirent  les 
Ulates,  «  car,  quand  bien  même  le  monde  entier  se  ruerait  sur 
toi,  c'est  nous  qui  te  protégerions.  Cet  homme  a  tué  les  rois 
provinciaux  et  aucun  d'eux  n'a  voulu  l'assister  sauf  les  proscrits 
qui  l'accompagnent.  » 

6.  Les  Ulates  se  levèrent  et  quittèrent  leur  camp.  Ils  arri- 
vèrent aux  fleuves  du  Sen-Erne  en  traversant  la  plaine  d'Ithe 
(où  mourut  Ithe  serviteur  de  Parthalon).  Ils  ravagèrent, 
attaquèrent,  dévastèrent,  brûlèrent  depuis  la  Cascade  de  Ruadh 
fils  de  Badurn  jusqu'à  Ceis  Corainn.  Puis  ils  firent  arrêt  et 
prirent  repos  à  Druim  na  nDruagh.  Le  roi  d'Irlande  demanda  : 
«  Avez-vous  entendu  dire  si  Eochaid  est  venu  de  la  province 
de  Genand?  »  —  «  Il  est  venu»,  dit  Cathbad  le  druide.  «  Il 
a  livré  bataille  à  midi  et  Airtidh  Uchtleathan  a  été  tué  par 
lui.  »  — ■  «  Envoyons  des  messagers  »,  dit  le  roi  d'Irlande, 
«  pour  lui  dire  qu'il  quitte  l'Irlande  ou  qu'il  me  livre  bataille.» 
—  «  Cela  est  juste  »,  dit  chacun,  «  mais  qui  donc  ira  lui  faire 
cette  requête  ?  »,  dirent-ils.  «  Ce  sont  Dub,  Dondgus  et 
Diangusqui  iront  »,  dirent-ils  (à  savoir,  les  trois  druides  de 
Duibtrian  en  Ulster,  les  trois  fils  de  Dub  fils  d'Imros  etc.). 
On  les  envoya  conférer  avec  le  roi  d'Irlande.  Il  leur  dit  : 
«  En  quel  endroit  se  trouve  Eochaid  ?»  —  «  A  Leitir  Saileach 
au-dessus  de  Cruachan,  »  répondirent-ils.  «  Levez-vous  et 
allez  lut  parler  »,  dit  le  roi,  «  et  dites-lui  de  me  céder  l'Irlande. 
Allez  aussi  à  la  tente  de  Ros  Ruadh,  fils  du  roi  de  Leinster,  et 
dites-lui  en  présence  de  ses  hommes  de  se  souvenir  de  sa 
vendetta  avec  Eochaid.  »   (C'est-à-dire  que  Laegaire  Lorc  et 


12  Margavct  C.  Dobs. 

(.i.  condorcair  Laegair[eJ  Lore  7  Ailill  Aine  re  Cobthach  Caeh 
Breagh  7  condorcair  Labraid  le  Meilghe  Molbtach  7  Feargus 
Fortàmtail  re  bEangus  Turmeach  7  Mw/gh  re  Muiwneacba/^, 
7  cor  crochûdb  Sem/a  Im/araigh  la  Si/y/on  mBreac,  7  gur 
m.wbadh  Duach  mac  Senna  la  hluireadhach  mBalgru/dh  7 
Eochaid,  Ua/rceas  la  G>//ai//g  mac  Muireadbaigh  Bolgraidh 
7  Art  mac  Luigdecb  Laimderg  la  Fiacha  mac  Muireadhaigh  >9). 

7.  Is  annsin  ro  imidsit  na  druithi  rompa  co  hairm  a  mbai 
Eochaid  co  Leitir  Saileach  os  Crz/achain  7  do  clos  teachta  righ 
Eirend  do  beith  ar  in  faithci.  Do  rucadh  a  pupaill  Eochadha 
iad.  Do  fbc/jtad  sgele  dibh.  Do  innisidar  a  n-atasca  .i.  Eochaid 
d'facbail  Eirend  no  cath  do  thabairt  don  rig  7  do  Uïïtaib. 
Asbert  Eochaid:  "  do  gebas  an  cath";  7  ro  fiarfaidsit  na 
druithi  cibsi  maigen  an  maigin  bhus  ail  le  ri  Eirend.  "  A 
Leitir  Ruibhe  6o  asin  Corain/z  ",  ar  na  druithi.  (Ait  ar  marbad 
Ruidhe  6l  mac  Imcadha  m.  Duib  m.  Daire  Downannaidh  m. 
Ilair  Ecbtâigh  m.  Fighda  m.  Raain  Rogloin  m.  Tuamathe// 
m.  Fir  Da  Bean/z  .i.  Beamz  Oigle  6z  7  Beann  Boirci65  uair  ba 
righ[e]  Eirend  atarra  sin).  "  Cuin  bus  aill  leibsi  an  cath  do 
thabairt  ?  "  ar  na  druithi.  "  A  cinn  tri  la  o'niûg  ",  ar 
Eochaid,  "  7  beitsa  lin  mo  sôchraiti  ann  7  innis  do  ri  Cur 
aith-eirgidar  sil  Cobthaigh  Cail  Breag  ".  Agus  tancadar  na 
druithi  tar  n-ais  dorighisi  7  ro  innsitar  a  n-athasca  don  righ. 

8.  Imthusa  Ezchach  Feidlig  :  do  eirigh  a  meadhon  a  long- 
pnin  7  do  iuàgair  d'à  cathaib  coimeirgi,  7  do  eirgidar  7 
tancatar  rompo  can  costagh  gan  comnaighi  air  gabsat  sosadh 
7  longport  ar  taib  Leitreach  Ruighi .  Is  andsin  adclos  an  sgel 
sin  a  pupall  righ  Eirend  ;  "  c'ait  a  fuigfinn  lucht  fisraigi  coa 
air/;/  a  fuilead  clanna  mie  Roigin  Riiaigh  6+  do  fis  câlin  sluaigh 
atait?"  — "  Rachmuidne  and"  arsiat  .i.  Ros  7  Daire  7  Imca- 
dha 65,  (tri  mie  Duilb  m.  Induilb  m.  Duib  m.  Fomair  m. 
Airgeadmair,  tri  rig-ewraigh  o  oirimlib  Easa  Ruaigh,  7  badara 
com-anwan«a  sa Cnzeb  Ruaigh  67aga  mbai  anDonwCuailgne68, 
7  do  Fearaib  Bolg  daib)  7  tancadar  rompo  co  hoir  in  long- 
puirt  7  do  saithsit  cle  a  sgiath  risna  sluaghaibh,  7  is  ann  bai 
Eochaid  7  maithi  a  muintiri  a  cocar  7  a  comairli  in  tan  sin 
.1.  Ailill  mac  Ezchacb  Feidlig,  7  Eochaid  mac  E.  F.,  7  Conall69 


Là  bataillé  dt  Ltitir  Ruldhe<  ïj 

Ailill  Aine  ont  été  tués  par1  Cobhtach  Cael  Breagh,  et  Labraid 
par  Melge  Molbtach,  et  Feargus  Fortamtail  par  Aengus 
Turmeach,  et  que  Senna  Innarach  a  été  pendu  par  Simon 
Breac,  et  que  Duach  fils  de  Senna  a  été  tué  par  Muireadhach 
Balgrach,  et  Art  fils  de  Lugaid  Lamderg  par  Fiacha  fils  de 
Muireadhach.) 

7.  Alors  les  druides  se  rendirent  à  l'endroit  où  se  trouvait 
Eochaid,  à  Leitir  Saileach  au-dessus  de  Cruachan.  On  fit 
annoncer  que  les  ambassadeurs  du  roi  d'Irlande  étaient  sur  la 
place.  On  les  conduisit  à  la  tente  d'Eochaid.  On  leur  demanda 
ce  qu'ils  voulaient.  Ils  présentèrent  leur  requête  :  qu'Eochaid 
quittât  l'Irlande  ou  qu'il  livrât  bataille  au  roi  et  aux  Ulates. 
Eochaid  dit  :  «  je  livrerai  bataille.  »  On  demanda  aux  druides 
quel  champ  était  le  champ  préféré  du  roi  d'Irlande.  «  Celui  de 
Leitir  Ruibhe  dans  le  Corann  »,  dirent  les  druides.  (C'était 
l'endroit  où  était  mort  Ruidhe  fils  d'Imchad  etc.,  fils  de 
Tuamathen  fils  de  l'homme  des  deux  pics;  c'est-à-dire  le  Pic 
d'Oigle  et  le  Pic  de  Boirche,  parce  que  le  royaume  d'Irlande 
était  entre  eux.)  «  Quand  vous  serait-il  agréable  de  livrer 
bataille  ?  »  dirent  les  druides.  «  Dans  trois  jours  à  partir 
d'aujourd'hui  »,  dit  Eochaid;  «  toute  mon  armée  sera  là  et  dites 
au  roi  que  la  race  de  Cobhtach  Cael  Breagh  s'est  soulevée  de 
nouveau.  »  Les  druides  revinrent  et  firent  leur  rapport  au  roi. 

8.  Quant  à  Eochaid  Feidlech,  il  se  leva  au  milieu  de  son 
camp  et  il  donna  l'ordre  à  ses  bataillons  de  se  lever  aussi.  Ce 
qu'ils  firent  pour  s'avancer  sans  obstacle  et  sans  halte  jusqu'à 
ce  qu'ils  vinrent  camper  et  s'établir  sur  le  côté  de  Leitir 
Ruibhe.  C'est  alors  que  cette  phrase  se  fit  entendre  dans  la 
tente  du  roi  d'Irlande:  «  Où  trouverais-je  des  éclaireurs  pour 
aller  à  l'endroit  où  sont  les  fils  du  fils  de  Rogen  Ruadh  afin 
de  découvrir  l'effectif  de  leur  armée  ?»  —  «  Nous,  nous 
irons  »,  dirent  Ros,  Daire  et  Imchad,  (les  trois  fils  de  Dolb 
fils  d'Indolb  etc.,  trois  grands  héros  des  marches  d'Eas  Ruadh. 
Leurs  homonymes  se  trouvaient  dans  la  Branche-Rouge  à 
laquelle  appartenait  le  Taureau  Brun  de  Cooley,  et  ceux-ci 
descendaient  des  Fir  Bolg).  Ils  s'avancèrent  jusqu'aux  limites 
du  camp  en  tournant  le  côté  gauche  de  leurs  boucliers  vers 


*4  Mctrgaret  C.  Ùobs. 

mac  E.  F.  7  Lugrt/d70  macMaghlaiw  m.  Cmntaiwf  Coscradidh-  ' 
7  laitb  Lâigen  lais  (ar  is  la  Rugraide  a  dorcair  Crimtam/ 
Cosc/'jch  7  badar  dibearga/V  Eirend  na  fazrad)  7  Eochaid72 
Innadhmar  mac  Niadh  Segamam  (oir  Breasal  Bodibaidh 
do  marb  Innadhmar),  7  Lngaid  ?3  mac  Luigne  Luaimne 
(oir.  Congal  Clairimzeach  m.  Rugran/i  do  marb  Lugaid)  7 
Crimtanfd]  caem  mac  Luigdech  Luaigne  74. 


9.  Do  raigh  Eochaid,  "  Is  ar  âmus  coz/zraic  7  comlaind 
tancadar  sut,  "  ar  se.  "  Fir"  ol  cach,  "  c'ait  a  mil  Eochaid  7 
Aedh  7  Eolarg75  ata  am  farradh-sa?"  (.i."é  tri  mie  E&chack 
m.  Urgalaigh  m.  Fhchacb  m.  Aezzgusa  m.  Duib  m.  Dolair 
m.  Guill  m.  Irguill  "  m.  Romain  m.  Reachadha  m..Pirm. 
Porga  m.  CiiW  m.  SithcinJ  m.  Feidhlimid  m.  Eachach  m.. 
Imgair  m.  Maghruaid  m.  Taidean  (o  fuilit  Tuatha  Taitin) 
m.  Eachach  m.  Lagha  m.  Luigdech  m.  Duinz  m.  Fiachach 
m.  Eachach  m.  Sigain  m.  Seangaind  m.  Deala  m.  Loich  et 
rel.  Is  uaitib  sin  atait  Ma/Vtine  7S  7  Sen-Erna 79  7  Tuatha 
Taiten80,  .i.  MflîVtine  ar  slicht  Eathacb  7  Sein-Erna  ar  slicht 
Aedha  7  Tuatha  Taiten  ar  slicht  Eolairg.  Is  ann  sin  do  eirgi- 
dar  7  n-airn'nda  n-armaib  ana  lamaibh  leo  7  donrf-sgatha  ar  a 
n^romannaib  7  tancadar  rompo  fo  n-inJo  sin  co  hairm  a 
mbadar  an  tiïar  oile  7  do  ro;zsat  comrac  fichmar  forranach 
7  adorcadar  an  triar  deagh-laech  sin  do  Connachtaib  an  fail 
ata  a  tri  \tchla  À.  carn  Eachach  7  cam  Aeda  7  carn  Eolairg  a 
Corrin;/.  Ro  lai  so<r/.tf  ior  Eochaid  on  sgel  sin  7  do  eirig 
meanma  \J\ad  de  sin  7  rugadar  ass  in  aghaidh  sin  mar  sin. 

10.  Ro  eirgidar  Ulaid  7  Fir  Eirend  inna  marach  7  tancadar 
a  ço'mne  a  ceili  7  ro  raigh  Eochaid  nach  tibread  cath  noco 
ticeadhâis  Downanwaig  8l  cuice,  (uair  is  iat  ro  oil  Eochaid).  Ro 
raigh  Ulaid  co  rachdais  a  longport  Eachach  7  na  tibritdis 
cairde  catha  do.  O  do  cuala  Eochaid  sin  robo  dubach  dobro- 
nacb  he.  Is  ann  sin  ro  toebadh  meirgi  righ  Eirend  7  airdrigh 
Ulad  d'innsaighi  Eachach  7  ro  eirigh  Eochaid  7  ro  coirigh  a 
cath.  Do  cuir  an  dara  c///ng  don  cath  ar  Eochaid  Aiream  82 
mac  ¥ind  m.  Roigi//  Ruaigh,  7  ar  Ailill  mac  Eachach  Ee'idligh, 
7  ar  Eochaid  mac  E.  F.,  7  ar  Conall  Anglon^ach  mac  E.  Fv 


La  bataille  de  Leifir  Ruibhe.      t  15 

l'armée.  Juste  à  ce  moment  s'y  tenait  un  conseil  privé  entre 
Eochaid  et  les  chefs  de  sa  suite  ;  c'est-à-dire  Ailill,  Eochaid  et 
Conall  les  fils  d'Eochaid  Feidlech,  et  Lugaid  fils  de  Maghlam 
etc.  et  les  héros  du  Leinster,  (car  c'est  Rudraige  qui  avait  tué 
Crimthand  Cosgrach  en  compagnie  des  proscrits  d'Irlande), 
et  Eochaid  [fils  d'JInnadhmar  fils  de  Nia  Segamuin  (parce 
que  Breasal  Bodibaidh  avait  tué  Innadhmar)  et  Lugaid  fils  de 
Luagne  Luamne  (parce  que  Congal  Clairingnech  avait  tué 
Lugaid)  et  Crimthand  le  beau,  fils  de  Lugaid  Luagne. 

9.  Eochaid  dit  :  «  C'est  pour  chercher  querelle  et  combat 
que  sont  venus  ceux-là.  » —  a  C'est  vrai  »,  dirent  tous  ;  «  où 
sont  nos  camarades  Eochaid  et  Aedh  et  Eolarg  ?  »  c'est-à-dire 
les  trois  fils  d'Eochaid  fils  d'Urgalach  etc.  fils  de  Taidean  (de 
qui  descendent  les  Tuatha  Taitin)  fils  d'Eochaid  etc.  De  ces 
trois  là  descendent  les  Mairtine,  les  Sen-Erna  et  les  Tuatha 
Taiten.  C'est-à-dire  que  les  Mairtine  descendent  d'Eochaid  et 
les  Sen-Erna  d'Aedh  et  les  Tuatha  Taiten  d'Eolarg.  C'est 
alors  qu'ils  se  levèrent,  leurs  fers  de  lance  à  la  main,  leurs 
boucliers  bruns  sur  le  dos,  et  qu'ils  s'avancèrent  ainsi  jusqu'à 
l'endroit  où  se  trouvaient  les  trois  autres.  Ils  livrèrent  un 
combat  féroce  et  terrible  et  ces  trois  bons  guerriers  du 
Connaught  tombèrent  là  où  sont  leurs  trois  tombeaux  ;  c'est- 
à-dire  le  tertre  d'Eochaid,  le  tertre  d'Aedh  et  le  tertre  d'Eolarg 
dans  le  Corann.  A  cette  nouvelle  Eochaid  demeura  interdit 
et  le  moral  des  Ulates  en  fut  accru.  Cette  nuit-là  ils  se  reti- 
rèrent ainsi. 


10.  Les  Ulates  et  les  Irlandais  se  levèrent  le  lendemain  et 
s'avancèrent  à  la  rencontre  des  autres.  Eochaid  déclara  qu'il  ne 
livrerait  la  bataille  que  lorsque  les  Domnannaig  seraient  venus. 
(C'étaient  eux  qui  l'avaient  élevé.)  Les  Ulates  dirent  qu'ils 
attaqueraient  le  camp  d'Eochaid  et  qu'ils  ne  lui  accorderaient 
aucune  trêve.  Quand  Eochaid  apprit  cela,  il  en  fut  troublé  et 
attristé.  Alors  on  fit  dresser  les  enseignes  du  roi  d'Irlande  et 
du  roi  suprême  des  Ulates  pour  attaquer  Eochaid,  et  Eochaid 
se  leva  et  rangea  son  armée  en  bataille.  Il  donna  des  comman- 
dements en  second  à   Eochaid    Aiream   fils   de  Find  fils   de 


i6  Margaret  C  bobs, 

7  ai!  Downantfcaibh  7arclannaibh  Uabhmoir8'  7  arTuathaib 
Taldean  7  ai:  Corca  Cuira8-1  Meadha  Siuil Ss  mac  ?  Ccidi»  m. 
Eargnau/  ni.  Ei//;ir  m.  Bnghe  m.  Aedha  Einrf  m.  Daire 
Do///an«aigh  m.  Ilir  Eichtaigh  m.  Fighdham.  Roain  Rogloin 
(ar  Corca  Cuir;/  mac  Eadha  Siuil  uw  Coi«  Cuirani  m. 
Midhuira  m.  Cuire  Cuirn  m.  Daire  Downannaigh). 

11.  Ro  irwsaigh  cach  a  ceile  dibh  ar  taeb  Leitreach  Ruighi 
7  do  ronad  gair  mor  aca.  Dorala  Fachtna  Fathaeh  (on  czthaib 
co  tarla  Ailill  mac  Eachach  Veidligh  dô  sin  cath  7  àorchair 
Ailill  ann,  amal  ata  : 

"  Ado/chair  LathazYne  hond 

7  Conaiwg  do/romlond 

7  Oilill  —  ard  a  gail  — 

ba  mac  mie  Find  m.  Roighin  "86. 

O'dconnairc  Eochaid  in  ain-igin  sin  do  innsaid  fo  cath  na 
nUlad  co  tarla  do  Ros  7  Daire  7  Imcadh  (.i.  tri  [mie] 
Dui[l]b  m.  Innduilb  m.  Dmb  m.  Fomoir  m.  Ahgeadhmair') 
7  dorchadar  a  triur  lais,  7  dorala  dô  Fear  Cmde  7  Fear 
Thcbtcs.  da  mac  Rosa  m.  Kughraighe  —  uair  ba  fearg  nathrach 
ar  mm  7  fa  gus  leowain  ar  na  lot  fiuchadh  fmrge  Lzchach  F. 
ar  marbadh  a  mie  —  7  adorchadar  an  disin  leis. 

O'deualid  Conall 87  7  Eogan  mac  Dumhacht  7  Findtan  mac 
Neill  Wnwigbnnaigh  na  trein-fir  ar  na  treaghdagh,  tancadar  a 
cath  Laigen  co  lan-dichra  co  tarrladar  tri  mie  righ  Laigen 
doibh,  .i.  Lugaid  7  Laighlind  7  Laèmach  88,  7  dorchair  tri 
mie  righ  Laigen  annsin  air///  atait  a  tri  [echta.  a  Lehir  Ruibhe. 
Ettainie  Feargus  mac  Rossa,  7  Leide  mac  Feargusa  m.  Leide,  7 
Feargus  mac  Leide  fow  cath  co  tarla  doibh  Fiacha  7  Fiamaira 89 
7  Forai,  tri  righ  iartair  coicid  Genain/i  (tri  mie  Ruighi  m. 
Daire  Downanwaigh)  —  7  Feargus  m.  Rossa  7  Fiacha  —  7 
Leide  7  Fia///ai«  —  7  Feargus  m.  Feargusa  7  Forai  —  co 
ndorchair  ceathrar  dib  comtoitim  ;  .  1 .  Feargus  (mac  Feargusa 
m.  Leide  \eathri  Uladh)  7  Forai,  7  Leide  mac  Feargusa  m. 
Leide  7  Fiamain .  Agus  àorchair  Fiacha  la  Feargus  m .  Roich 
7  dorchair  Eochaid  m .  Eachach  F.  lais  fos,  7  dorc[h]air 
Lugaid  9°  LonJmar  le  Feargus  fos. 


La  bataille  de  Leitir  Ruibhé.  X"j 

Rogeli  Ruadh,  et  à  Ailill,  Eochaid  et  Conall  Anglondach,  les 
fils  d'Eochaid  Feidlech,  et  aux  Domnannaigh,  aux  fils 
d'Uabhmor,  et  aux  Tuatha  Taidean,  et  à  Corc  Cuira  de 
Meadha  Siuil  etc. 


11.  —  Chacun  attaqua  son  adversaire  sur  le  côté  de  Leitir 
Ruibheet  une  grande  clameur  s'éleva.  Fachtna  Fathach  passait 
parmi  les  bataillons  jusqu'à  ce  qu'il  rencontrât  Ailill  fils 
d'Eochaid  Feidlech  dans  le  combat.  Ailill  tomba  là  comme  il 
est  dit  : 

«  Lathairne  le  furieux  et  Conaing 

tombèrent  dans  le  combat, 

et  Ailill  —  grande  sa  renommée  — 

qui  était  le  fils  du  fils  de  Find  fils  de  Roghen .  » 

Lorsqu'Eochaid  vit  cette  chose  atroce  il  attaqua  l'armée  des 
Ulates  jusqu'à  ce  qu'il  rencontrât  Ros  et  Daire  et  Imchad  (les 
trois  fils  de  Dub  fils  d'Inndolb  etc.)  et  tous  trois  tombèrent 
sous  sa  main.  Il  rencontra  Fear  Cinde  et  Fear  Tlachtga,  les 
deux  fils  de  Ros  etc.  et,  comme  le  courroux  'd'Eochaid 
bouillait  à  la  mort  de  son  fils  comme  le  courroux  d'un  serpent 
venimeux  ou  la  fureur  d'un  lion  blessé,  tous  deux  tombèrent 
sous  sa  main. 

Lorsque  Conall  et  Eogan  fils  de  Durrthacht,  et  Findtan 
fils  de  Niall  N.  entendirent  l'assaut  des  champions,  ils  se  ruèrent 
pleins  d'ardeur  sur  le  bataillon  des  Lagéniens  jusqu'à  ce  qu'ils 
rencontrèrent  les  trois  fils  du  roi  des  Lagéniens  ;  c'est-à-dire, 
Lugaid  et  Laighlind  et  Laemach,  et  les  trois  princes  lagéniens 
tombèrent  à  l'endroit  où  sont  leurs  trois  tombeaux  à  Leitir 
Ruibhe.  Feargus  fils  de  Ros,  et  Leide  (fils  de  Feargus  fils  de 
Leide),  et  Feargus  fils  de  Leide  arrivèrent  au  combat.  Ils 
rencontrèrent  Fiacha  et  Fiamain  et  Forai,  trois  rois  de  l'Ouest 
de  la  province  de  Genand  (trois  fils  de  Ruigh  fils  de  Daire 
Domnannach).  Feargus  fils  de  Ros  se  battit  avec  Fiacha,  et 
Leide  avec  Fiamain,  et  Feargus  fils  de  Feargus  avec  Forai  si 
bien  que  quatre  d'entre  eux  tombèrent  ensemble  :  à  savoir, 
Feargus  (fils  de  Feargus  demi-roi  des  Ulates),  Forai,  Leide  et 

Revue  Celtique,  XXXIX.  2 


i8  Margarei  G.  Dohs. 


12.  Imt[h]usa  Eachach  Eeidligh  :  o'dconnairc  a  mac  do 
m&rbadh  7  a  cath  do  clod,  tainic  a  cath  righ  Eirend  a  tri 
caoga.  fear  fir-calma  maille  (ris  do  iromodh  a  cathaib  7  a  com- 
laiwaibh.  Agus  is  iat  bai  a  coimed  riga  EXrend  annsin  .i. 
UisleanJ  7  Cathbaid  7  Aengus  mac  Leide  7  Daire  7  Fwrbaide 
7  Feargus  Foltsnaitheach  (tri  mie  Imrosa  m.  Flaithim  m. 
Feargusa)  7  Subaltach  mac  Roich  7  tri  caoga  francamus  a 
coimed  rig  Eirend.  Rodail  Eocbaid  lin  a  rn.uinX.irt  a  ceand 
ri  Eirend  7  do  gab  cach  a  fiV-cowraic  dona  curadhaibh  7  do 
innsaigh  Eochaid  airdri  Eirini  et  do  timcill  Eochaid  eisuw 
amtf/  timceallus  feigh-figh  7  dobert  beim  do  cor  digh  c'md,  ut 
poeta  dixit  : 

"  Fachtna  Fathach  —  fear  co  fich  — 
taet  le  Eochaid.  Fa  gmm  dur. 
A  Leitir  Ruighi  ata  a  lecht, 
Meraigh  a  {cari  is  a  mur  91  ". 


13.  Is  annsin  adeoncadar  Ulaid  righ  Eirend  ar  na  oirrleach 
do  [{\oggradar  d'Feargus  sciath  tar  lorg  do  thabairt  do  Ulltaib 
7  dorât  Feargus  sgiath  tar  lorg  do  thabairt  do  Ulltaib  7  dorât 
Feargus  sgiath  tar  lorg  doib.  Is  annsin  rofogair  Eochaid  o 
guth  mor  Ultit  do  leanmain  co  lan-dichra  7  rotogbad  meirgi 
Eachach  7  meirgeadha  righdamna  Eirend  7  coiceâach  Eirend 
ina  ndeadhaid  7  do  rucad  orra  7  as  iad  artus  ruesat  orra  .i. 
Luigid  mac  huigne  Luaighne  7  Eochaid  mac  Innadmair. 
Agus  do  impodar  triar  deaghlaech  d'Ulltaib  orro  .i.  Monach 
7  Buan  7  Fear  Corb  (tri  mie  Cinge  m.  Rosa  m.  Rughraige)  et 
doronsad  comrac  7  comlaiW  co  fichdha  /orranach  formata 
fr^acarach  cor  comtoitset  doid  ri  doid  7  oirbi  ri  oirbi  airm  atait 
a  tri  lechta.  don  taib  tuaigh  don  Corann,  7  doro;;ad  oirisim 
ag  fearaibh  Eirend  annsin. 

14.  Is  siadsa  as  uaisle  do  toit  d'Ull/fl//>  a  cath  Leit/V  Ruihhe 
À.  Fachtna  Fathach  righ  Eirend,  7  Leide  mac  Feargusa  m. 
Leide  (.1.  leathri  Ulad),  7  Feargus92  mac  Feargusa  m.  Leide, 


La  bataille  de  Leitir  Ruibhe.  i$ 

Fiamain.  Fiacha  tomba  sous  la  main  de  Feargus  fils  de  Roch, 
et  aussi  Eochaid  fils  d'Eochaid  Feidlech,  et  Lugaid  Londmar 
aussi. 

12.  Quant  à  Eochaid  Feidlech,  lorsqu'il  vit  son  fils  mort  et 
la  bataille  presque  perdue,  il  marcha  sur  le  bataillon  du  roi 
d'Irlande  avec  cent  cinquante  guerriers  très  vaillants  pour 
mettre  à  l'épreuve  leur  force  militaire.  Ceux  qui  montaient  la 
garde  autour  du  roi  d'Irlande  étaient:  Uisleand  et  Cathbad, 
et  Aengus  fils  de  Leide,  et  Daire  et  Furbaide  et  Feargus 
Foltsnaitheach  (trois  fils  d'Imros  etc.),  et  Subaltach  fils  de 
Roch,  et  cent  cinquante  mercenaires  qui  formaient  la  garde 
du  roi  d'Irlande.  Eochaid  distribua  toute  sa  force  pour  atta- 
quer le  roi  d'Irlande  et  chaque  homme  fit  un  assaut  furieux 
sur  les  guerriers.  Eochaid  assaillit  le  roi  suprême  et  l'enveloppa 
comme  le  chèvrefeuille  enveloppe  l'arbre.  Il  lui  porta  un 
coup  qui  lui  enleva  la  tête,  comme  dit  le  poète  : 

«  Fachtna  Fathach  —  homme  valeureux  — 

tomba  de  la  main  d'Eochaid  —  Ce  fut  un  acte  rude  ! 

Sa  tombe  est  à  Leitir  Ruibhe  ; 

son  tumulus  avec  le  rempart  subsiste.  » 

13.  Alors  les  Ulates,  voyant  le  roi  d'Irlande  abattu, 
sommèrent  Feargus  de  fermer  leur  retraite  et  Feargus  la  ferma. 
Alors  Eochaid  d'une  voix  tonnante  ordonna  de  poursuivre  les 
Ulates  sans  relâche.  On  dressa  les  enseignes  d'Eochaid,  du 
prince  héritier  d'Irlande,  du  roi  provincial  d'Irlande,  derrière 
eux  et  on  rattrapa  les  Ulates.  Les  premiers  qui  les  rattrapèrent 
furent  Lugaid  fils  de  Luagne  Luanme  et  Eochaid  fils  d'Inna- 
dhmar.  Trois  braves  guerriers  des  Ulates  se  retournèrent,  à 
savoir,  Monach  et  Buan  et  Fear  Corb  (les  trois  fils  de  Cing 
etc.).  Ils  se  battirent  avec  tant  de  fureur,  de  frénésie, 
d'héroïsme  et  de  résistance  qu'il  tombèrent  corps  à  corps  et 
côte  à  côte  là  où  sont  leurs  trois  tombeaux,  au  côté  nord  du 
Corann.  Les  Irlandais  firent  halte  là. 

14.  Les  plus  distingués  des  Ulates  qui  tombèrent  à  la  bataille 
de  Leitir  Ruibhe  sont  : 

Fachtna  Fathach  roi  d'Irlande  ;  Leide  fils  de  Feargus  fils  de 


îd  Margarct  C.  Dobs. 

i 
7  Aengus  mac  Le/Je,  7  Daire  7  Fwbaide  7  Feargus  Foltsrtai- 
theach    tri   mie    Imrosa,    7  Ros    7    Daire  7  Imcfhjad  tri  mie 
Duilb  m.  Innduilb,  7  Fear  Cingi  7  Fear  Tlar/;/dada  mac  Rosa 
m.  Rughraige. 

Is  iadso  is  uaisli  do  toit  do  muintir  Eachach  Feidlig  À. 
da  mac  Eachach  in  rig  .i.  Oilill  mac  E.  F.,  7  Eochaid  mac 
E.  F.,  7  tri  mie  rig  Laigen  .i.  Lugaid  7  Laighlind  7  Lawach, 
7  tri  ri  iartair  coicid  Geannaind  .i.  Fiacha  7  Fiamain  7  Forai 
tri  mie  Ruighe  m.  Daire  Domnarmaid,  7  Eochaid  7  Acd  7 
Eolairg  do  marbadh  re  fultucadh  an  cath  .i.  tri  mie  Eachach 
m.  Urgalaig  do  Fearaibh  Bolg  a  quo  Sen-Erna  7  Mairtine  7 
Tuatha  Taitin  et  rel. 

Et  as  annsin  do  eirgidar  an  Gamannrach  95  7  Fir  Craibe  9+ 
7  Dal  nDn/itne  95  7  Tuatha  Taiteaw  7  Garbnzide  9>  Suça  7 
Tuatha  Catraide  95  7  iarsma  Fear  mBolg  7  Laigen  7  sil 
Cobhtaid  Cail  Breag  7  tancadar  co  Teamrtfigh  7  do  nghead 
Eochaid  Ecidkch  leo  7  doronadh  coicid  for  Eir/wrf  aca. 


15.  Feargus  mac  Rosa  for  Ulltaib  {or  re  VII  mhhagan 9Ô 
cor  eirig  Concubar  7  dorât  Feargus  gradh  do  mathair  Con- 
cubair,  .i.  do  Neasa 97  ingen  Eachach  Salbuide  98,  7  doraid 
Neasa  nach  faighfedh  leis  ach  muna  fhaghad  in  aiscid  do 
iarrfadh  fair  gemadgar  in^gar,  7  do  raigh  Feargus  co  tibreadh 
di  7  dorât.  "  Agus  v=>ed  is  cuma  liom  "  ar  si  "  righ  Ulad  do 
Con^wbar  co  ceand  mbliadnd.  "  Agus  do  raig  Feargus  co  tibred 
7  dorât.  Et  bai  Concubar  bliadain  a  rigi  nUlad  7  fa  maith  tra 
rigi  Concubair.  Ba  mor  a  h-ith  7  a  blicht  7  a  meas  7  torad. 
Agus  do  iar  Feargus  a  righi  fein  a  cin<i  bliadna  7  do  raighsitar 
Ulaid  tiach  tibhridis  fein  a  righe  don  fir  dorât  a  tinwscra  mna 
iat  7  cor  fearr  do  righi  Concubar  na  eisean.  Do  righsit  Ulaid 
Concobar  7  dorinne  mor-cogadh  mor  frfa  Eochaid  Feidlech 
cor  tobaid  eraic  a  athar  fair  7  ba  don  eraic  sin  .i.  righ  nUlad 
do  thabairt  dô  tar  sarugad  cloinne  Kugraige,  7  cuit  mor 
don  Mighi  ",  7  ceathra  d'ingi«aibh  righ  Eirend  a  ndiaig  a 
ceile  aroilea  .i.  Meadb  7  Clotra  7  Eitne  7  Mumain  et  rel  I0°. 

FINIT 

a.  Une  de  ces  deux  expressions  est  superflue;  indiaid  a  celle  et  indiaid 
aroile  veulent  dire  la  même  chose  «  l'une  après  l'autre  ».  Le  copiste  s'est' 
répété  par  erreur. 


La  bai  aille  de  Leitir  Ruibhe.  21 

Leide,  demi-roi  des  Ulates;  Feargus  fils  de  Feargus,  fils  de 
Leide;  Aengus  fils  de  Leide;  Daire,  Furbaide,  Feargus 
Foltsnaitheach  les  trois  fils  d'Imros  ;  Ros,  Daire,  Imchad,  les 
trois  fils  de  Dolb  etc.  ;  Fear  Cinge  et  Fear  Tlachtca,  les  deux 
fils  de  Ros  etc. 

Les  plus  distingués  des  partisans  d'Eochaid  Feidlech  qui 
tombèrent  sont  :  les  deux  fils  du  roi  Eochaid  :  Ailill  et 
Eochaid  ;  les  trois  fils  du  roi  de  Leinster  :  Lugaid,  Laighlind 
et  Lamach  ;  les  trois  rois  de  l'Ouest  de  la  province  de  Genand, 
Fiacha  Fiamain  et  Forai  ;  les  trois  fils  de  Ruighe  etc.,  Eochaid, 
Aed  et  Eolarg,  qui  furent  tués  avant  que  la  bataille  devînt 
sanglante,  et  qui  étaient  les  trois  fils  d'Eochaid  fils  d'Urgalach 
des  Fir  Bolg  etc. 

C'est  alors  que  s'élevèrent  les  Gamanrach,  les  Fir  Craibe, 
les  Dal  Druithne,  les  Tuatha  Taiten,  les  Garbraide  du  Suc, 
les  Tuatha  Catraide  et  les  restes  des  Fir  Bolg,  les  Lagéniens  et 
la  race  de  Cobhtach  Caol  Breag,  et  ils  s'avancèrent  jusqu'à 
Tara.  Eochaid  Feidlech  fut  couronné  par  eux  et  l'Irlande 
divisée  en  provinces. 

15.  Feargus  fils  de  Ros  régna  sur  les  Ulates  pendant  sept 
années  jusqu'à  ce  que  fut  élevé  Conchobar.  Feargus  devint 
amoureux  de  la  mère  de  Conchobar,  Ness,  fille  d'Eochaid 
Salbuide.  Ness  lui  dit  qu'elle  ne  l'épouserait  qu'à  la  condi- 
tion qu'il  lui  accorderait  une  demande,  quelle  qu'elle  fût. 
Feargus  promit  de  l'accorder  et  il  l'accorda.  «  Voilà  le  don 
que  je  désire  »,  dit-elle,  «  le  trône  d'Ulster  pour  Conchobar 
pendant  une  année  entière.  »  Feargus  promit  de  l'accorder  et 
il  l'accorda.  Conchobar  régna  une  année  sur  les  Ulates  et  son 
règne  fut  vraiment  prospère.  Grands  furent  les  produits  de 
blé,  de  lait,  de  glands  et  des  fruits.  A  la  fin  de  l'année  Feargus 
redemanda  son  trône.  Les  Ulates  lui  répondirent  qu'ils  ne 
donneraient  pas  leur  royaume  à  un  homme  qui  se  servait 
d'eux  comme  d'un  douaire,  et  que  Conchobar  était  un 
meilleur  roi  que  lui.  Les  Ulates  firent  couronner  Conchobar. 
Celui-ci  fit  une  guerre  acharnée  à  Eochaid  Feidlech  jusqu'à 
ce  que  ce  dernier  lui  cédât  la  compensation  {traie)  de  la  mort 
de  son  père.  Cette  compensation  comprit:  le  don  du  royaume 
des  Ulates  en  dépit  des  fils  de  Rudraige,  une  grande  portion  de 
Meath  et  quatre  des  filles  du  roi  d'Irlande  l'une  après  l'autre, 
à  savoir  Medb,  Clothra,  Ethné  et  Mumain  etc. 

FIN. 


22  Margarei  C.  Dobs. 


NOTES 


i .  Roi  d'Irlande  en  1 58  av.  J.-C.  (d'après  les  Quatre  Maîtres),  en  51  av. 
J.-C.  (d'après  le  Livre  de  Ballymote).  Il  descendait  de  Rudraige,  et  appar- 
tenait ainsi  à  la  famille  royale  des  Ulates. 

2.  Autre  nom  des  Ulates,  c'est-à-dire  des  tribus  habitant  les  comtés 
d'Antrim,  de  Down,  et  d'Armagh  à  cette  époque. 

3 .  Ou  Eber.  Cette  race  habitait  le  Sud-Ouest  de  l'Irlande. 

4 .  Cette  partie  de  la  race  d'Erimon  habitait  le  Leinster.  Ce  sont  les 
mêmes  que  les  Lagéniens. 

5.  Roi  d'Irlande  en  150  av.  J.-C.  (d'après  le  Livre  de  Ballymote).  Il 
appartenait  à  la  même  famille  qu'Eochaid  Feidlech,  c'est-à-dire  à  la  race  de 
Cobhtach  C.  B. 

6.  Ancienne  capitale  de  l'Ulster,  détruite  en  332.  A.  D.  Les  restes  en 
subsistent  encore  près  de  la  ville  d'Armagh. 

7.  Feargus  et  les  noms  qui  suivent  sont  tous  bien  connus  par  la  Tdin. 
Le  Caithreim  Congbail  Ctairingnigh  (Irish  Texts  Society,  vol.  V)  donne  de 
nombreux  détails  sur  Feargus  et  la  division  de  l'Ulster. 

8.  Pour  Feargus  m.  Leide,  voyez  ibid.  On  trouvera  dans  Silva  Gadclica 
l'histoire  de  sa  mort . 

9.  Voir  le  Mesca  Ulad  (Todd  Lectures,  vol.  I)  et  l'épisode  du  «  Fiacal- 
gleo  »  dans  la  Tdin. 

10.  C'est  aujourd'hui  le  Mount  Sandel,  une  hauteur  fortifiée  près  de 
Coleraine.  Voir  Historvof  Down  and  Coitnor,  par  O'Laverty,  vol.  IV,  ainsi 
que  le  Caithreim  C.C.  et  le  Mesca  Ulad. 

1 1 .  C'est  le  célèbre  Conall  Cernach,  l'ami  de  Cuchullain. 

12.  Autre  nom  de  Fiodh  Conaill  Collamrach,  ou  Fiodh  Mor  «  la  grande 
forêt  ».  Ces  trois  noms  désignent  le  pays  situé  au  nord  de  Dundalk.  Voir 
le  Cogadh  Feargusa  dans  23  K.  37. 

1 3 .  Père  de  Cuchullain. 

14.  La  plaine  située  autour  du  Dundalk. 

15 .  Région  du  comté  de  Monaghan. 

16.  Nom  classique  du  Connaught. 

17.  D'après  le  Leabhar  Gabhâla  «  depuis  le  temps  d'Eanna  Aighnech 
jusqu'à  Eochaid  Feidlech,  la  race  de  Cobhthach  C.  B.  fut  assujettie  et  aucun 
d'eux  ne  fut  roi  ».  (Leabhar  Gabhàla  dans  23  K.  45.,  p.  247,  R.  I.  A.) 
Cette  race  habitait  le  Connaught. 

18.  Localité  inconnue,  apparemment  située  à  l'ouest  d'Armagh. 

19.  L'histoire  de  Raitin,  si  elle  a  jamais  existé,  est  perdue. 

20.  Il  y  avait  un  Magh  Bolg  dans  le  comté  de  Meath. 

21.  Un  des  meurtriers  des  fils  d'Uisneach.  Tué  en  expiation'  de  ce 
meurtre  par  Feargus  m .  Roich . 

22.  Localité  inconnue;  devait  se  trouver  sur  la  route  d'Armagh  vers  le 
fleuve  Blackwater. 


La  bataille  de  Leitir  Ritibbe.  23 

23.  Nom  du  fleuve  Blackwater.  Voir  C.  i.2.,i6(R.  I.  A.)  pour  l'origine 
du  nom  de  Daball. 

24.  Un  roi  d'Ulster  antérieur  au  Clann  Rudraige,  mais  de  la  même 
souche. 

25.  Ces  deux  noms  désignent  une  région  à  l'ouest  du  Blackwater, 
autour  de  la  ville  de  Clogher.  Les  autres  MSS  remplacent  le  premier  nom 
par  «  Tulach  na  Carbad  ». 

26 .  La  colline  de  Knockmany,  près  de  Clogher,  au  sud  du  comté  de 
Tyrone. 

27.  Ce  personnage  appartenait  à  une  famille  ancienne  qui  régna  sur 
l'Ulster  avant  le  Clann  Rudraige.  Ils  dérivaient  de  la  même  souche.  L'his- 
toire de  Breas  m'est  inconnue. 

28.  La  montagne  de  Bessie  Bell  dans  l'ouest  du  comté  de  Tyrone. 

29.  Personnage  inconnu. 

30.  A  savoir  Horsa  et  Hengist,  les  envahisseurs  de  l'Angleterre  au 
Ve  siècle. 

31 .  Plus  correctement  «  Truim  ». 

32.  Le  lac  Catherine  à  l'ouest  de  Bessie  Bell. 

33.  C'est-à-dire  Laegaire  Buadach. 

34.  Une  légende  pareille  se  trouve  dans  le  Livre  de  Fenagh  (fol.  30), 
relativement  à  un  autre  lac  situé  dans  Magh  Rein,  une  région  du  comté  de 
Leitrim.  Voyez  aussi  C.  IV.  3. 

35.  Des  restes  de  fortification  à  l'extrémité  septentrionale  du  Lac 
Catherine  s'appellent  encore  Dun  Laery. 

36.  Ce  nom  et  la  plupart  des  noms  qui  suivent  sont  bien  connus  par  la 
Tain.  Je  signale  seulement  ceux  qui  sont  insolites. 

37.  Personnage  inconnu. 

38.  Voir  le  Cath  Ross  na  rig  (Todd  Lectures  IV),  p.  21. 

39.  Trois  personnages  inconnus.  L'histoire  de  Bailé  Bimberlach  est 
donnée  dans  les  Manuscript  Materials  d'O'Curry,  p.  472. 

40.  La  plage  de  Dundalk. 

41 .  Deux  personnages  inconnus.  Les  généalogies  donnent  Fear  Tlachtga 
comme  un  fils  de  Feargus. 

42 .  Ces  deux  commentaires  contradictoires  indiquent  deux  éditions 
d'un  texte  original,  comme  je  l'ai  signalé  plus  haut,  p.  4. 

43  .   Personnage  inconnu . 

44.  Encore  trois  inconnus. 

45 .  D'ici  au  par.  12  les  autres  MSS.  font  défaut. 

46.  Les  histoires  qui  se  rapportent  à  la  race  d'Ir  commencent  avec  ces 
noms  légendaires. 

47.  Littéralement  «  fleuves  du  vieil  Erne  ».  Je  crois  que  ce  nom  doit 
venir  après  Magh  Itha. 

48.  La  grande  plaine  entre  Raphoe  et  Castlederg.  On  devait  la  traverser 
pour  arriver  aux  fleuves  du  Sen  Eirne. 

49.  Ce  détail  n'est  pas  dans  la  légende  de  Parthalon  que  donne  le 
Leabhar  Gabhala. 


24  Margeur!  C.  Dobs. 

50.  Le  cascade  d'Assaroe  à  Ballyshannon  à  l'embouchure  de  l'Erne. 

51 .  Une  montagne  près  de  Ballvmote  dans  le  comté  de  Sligo. 

52.  Localité  inconnue,  située  sans  doute  près  de  Keshcorran. 

53.  Un  prince  des  Domnands,  race  primitive  en  Connaught.  Son  terri- 
toire était  autour  du  Loch  Mannin.  Sa  fille  était  la  femme  d'Eochaid 
Feidlech.  Voir  le  Cath  Airtigh  (Book  of  Lecan  p.  342),  le  Cath  Comair 
23.  K.  37),  la  Tain  Bo  Fliiais  (Celtic  Revieiu,  III,  p.  18)  et  le  Ban-senchus 
(Livre  de  Ballvmote). 

54.  Ce  dernier  est  mentionné  dans  la  Tdin  Bo  Flidais  comme  parti  en 
exil  avec  Feargus  à  Cruachan  (Celtic  Review,  I,  p.  299). 

55 .  Baronnie  de  Dufferin,  dans  le  comté  de  Down. 
36.   Localité  dont  l'exact  emplacement  est  inconnu. 

57.  Selon  le  Senchus  na  Relec,  cette  localité  célèbre  fut  le  cimetière 
d'Eochaid  Feidlech  et  de  ses  ancêtres  pendant  des  siècles.  «  La  province 
de  Connaught  était  le  patrimoine  de  la  race  de  Cobhthach  C.  Breg.  C'est 
pourquoi  Medb  a  hérité  du  Connaught.  .  .  »  (Lebor  na  hUidrè). 

58.  Prince  de  la  famille  de  Laegaire  Lorc,  l'autre  moitié  de  la  race 
d'Eremon.  Ils  étaient  en  guerre  fréquente  avec  la  race  de  Cobhtach,  leurs 
cousins.  Son  fils  Ailill  épousa  la  célèbre  Medb. 

59.  Presque  tous  ces  noms  se  rencontrent  dans  les  Annales  des  Quatre 
Maîtres  et  dans  Keating.  Les  sept  premiers  noms  sont  ceux  de  rois  de 
Leinster.  Les  autres  proviennent  du  Munster. 

60 .  Cet  endroit  est  aujourd'hui  le  townland  de  Cunghill,  à  l'ouest  du 
lac  Templehouse,  dans  la  baronnie  d'Achonrv,  comté  de  Sligo. 

61.  Le  même  que  Ruighe  m.  DaireD.,§  11  et  14.  Sur  ce  personnage, 
voir  «  The  Domnaind  »  dans  le  Journal  of  R.  'Soc.  of  Ant.  of  Ir.,  Dec. 
1916,  p.   171.  Consulter  aussi  Mac  Firbis,  p.  65. 

62 .  La  montagne  de  Croaghpatrick,  comté  de  Mayo. 

63.  Les  montagnes  de  Mourne,  comté  de  Down. 

64.  C'est-à-dire,  Eochaid  Feidlech,  arrière-petit-fils  de  Rogen. 

65 .  Trois  personnages  inconnus. 

66.  Voir  la  note  50. 

67.  Voir  V Epopée  Celtique  de  d'Arbois  de  Jubainville,  t.  I,  p.  9. 

68 .  Cuailgne  est  le  nom  des  montagnes  du  nord  de  Dundalk.  Voir  la  Tain 
Bo  Cuailgne  (Livre  de  Leinster,  f°  54b  )  pour  Daré  et  son  taureau  célèbre. 

69.  Eochaid  F.  avait  trois  fils  illustres,  les  trois  Finneamhna,  dont 
l'histoire  est  contée  dans  le  Cath  Cumair  (23.  K.  37).  Les  noms  qu'ils 
portent  ici  ne  sont  pas  partout  les  mêmes.  Ainsi  Conall  est  appelé 
«  Anglonnach  »  dans  le  Cath  Boiinle  ;  cf.  Eriu,  t.  II,  p.  175. 

70.  Personnage  inconnu. 

71.  Roi  de  la  famille  de  Laegaire  Lorc  de  Leinster.  Voir  l'Histoire  de 
Keating,  II,  p.  181  (Irish  Texts  Society). 

72.  On  doit  lire  ici  «  fils  d'Innadhmar  ».  Voir  Keating,  ibid.,  pour 
Innadmar,  roi  de  Munster. 

73.  Personnage  inconnu. 

74.  Voir  le  Caithreim  Conghail  Cl.  (Irish  Texts  Society  V)  pourCongal, 


La  bataille  de  Leitir  Ruibhe.  25 

Lugaid   Luaimne    et    Crimthand.    On  notera  que  tous  ces  alliés  d'E.  F. 
avaient  à  se  venger  du  Clann  Rudraige. 

75 .  Personnages  inconnus. 

76.  Les  généalogies  des  Fir  Bolgsont  rares. 

77.  Ces  trois  noms  sont  donnés  comme  noms  de  Fomoriens  dans  la 
Rev.  Celt.,  XXI,  p.  160;  cf.  le  ms.  D.  2.  2.  de  la  R.  FA.,  p.  85. 

78.  Peuple  habitant  à  l'Est  du  comté  de  Limerick. 

79.  Peuple  très  ancien,  habitant  le  comté  de  Kerry. 

80.  Peuple  habitant  dans  le  voisinage  de  Cruachan.  Voir  la  Tdin  Bo 
Flidais  (Celtic  Review,  I,  p.  296)  et  Ogygia,  III,  chap.  XI. 

81.  Peuple  primitif  habitant  le  Connaught.  Voir  «  The  Domnaind  » 
dans  le  Journal  of  R.  Soc.  Ant.  Ireland,  Dec.  1916,  p.  168. 

82.  Ce  frère  d'E.  F.  est  le  héros  du  Tochmarc  Etaine  (lrische  Texte,  I, 
p.  117. 

83.  Peuple  primitif  habitant  le  Connaught.  Voir  le  Dinnsenchus  de 
Carn  Conaill  (Rev.  Celt.,  XV,  p.  478). 

84.  Il  y  avait  trois  tribus  de  ce  nom  en  Connaught. 

85.  Aujourd'hui  Knockmaa,  comté  de  Galway. 

86 .  Il  existait  apparemment  tout  un  poème,  dont  ce  vers  est  une  citation. 
Lathairne  et  Con&Ing  étant  des  noms  étrangers  à  notre  texte,  le  poème 
devait  appartenir  à  une  autre  rédaction. 

87 .  Sans  doute  Conall  Cernach . 

88.  Personnages  inconnus. 

89.  Un  nommé  Fiamain  m.  Foroi  était  un  camarade  de  Cuchullain. 
On  retrouve  ce  nom  dans  deux  sagas  différentes,  VAided  Fiamain  et 
l'Aited  Mugaine  re  Fiamain,  qui  sont  perdues  toutes  deux.  Il  s'agit  proba- 
blement du  même  personnage. 

90.  Personnage  inconnu.  Peut-être  le  poème  qui  nous  manque  l'aurait- 
il  identifié. 

91 .  Ici  se  termine  la  lacune  que  présentent  les  autres  MSS. 

92.  Personnage  inconnu. 

93.  Tribu  des  Dommaind  habitant  l'Erris,  comté  deMayo. 

94.  Tribu  habitant  le  sud  du  comté  de  Galway. 

95 .  Tribu  habitant  les  bords  du  Suck.  comté  de  Roscommon. 

96.  Voir  la  Tdin  Bo  Flidais  B.  IV.  1,  fol.  ï2j*(É>ïu,  VIII,  p.  134). 

97.  Voir  Y  Epopée  Celtique  de  d'Arbois  de  Jubainville,  t.  I,  p.  6,  pour 
une  autre  version  de  l'histoire  de  Neas  et  de  Conchobar. 

98.  Roi  d'Ulster,  de  la  famille  qui  précéda  le  Clann  Rudraige  à  Eamain. 
cf.  note  27. 

99.  Mide,  c'est-à-dire  la  région  centrale  de  l'Irlande,  comprenant  les 
comtés  de  Meath,  West  Meath,  Kings  Co.,  et  Longford. 

100.  Pour  cet  «  eraic  »,  voir  le  Cath  Boinde  (Eriu,  II,  p.   177). 


2é 


Maroarrf  C.  Dobs. 


TABLE 

(Les  chiffres  arabes   de  cette  table  correspondent  aux'  numéros  des  paragraphes 
du  texte  irlandais  reproduit  ci-dessus.) 


I.    —  NOMS    DE    PERSONNE 


Aed  mac  Eachach,  9,  14. 

—  Find  m.  Daire,  10. 

—  Ruadh  m.  Badhuirn,  5. 
Aengus  m.  Duib,  9. 

—  Feargusa,  4. 

—  Leide,  12,  14. 

—  Rudhraighe,  1,  4. 

—  Turmeach,  6. 
Ailill  Aine,  6. 

■ —    m.  Eachach  F.,  8,  10,  11,  14. 
Airtidh  Uchtleathan,  6. 
Airtrech,  4. 

Amirgen  Targuinnach,  4. 
Argeadmar,  3,  4,  8,  11. 
Art  m.  Luigdech,  6. 
Badhurn,  5,  6. 
Baile  Bindberlach,  4. 
Blathaeht  m.  Labrada,  4. 
Breas  m.  Faitheamain,   3. 
Breasal  Bodibadh,  8. 

—  m.  Cirb,  3. 
Brigh,  10. 

Bodb,  3. 
Buan,  4,  13. 
Cairbre,  4. 
Cas  m.  Cinge,  4. 

—  Rudraige,  4. 
Cathbad  draoi,  5,  6,  12. 
Ceiden,  10. 

Cermna,  5. 
Cimbaeth,  5. 
Cing  m.  Rosa,  4,  13. 
Cionn  m.  Sithcind,  9. 
Cirb,  3. 
Clothra,  15. 

Cobhthach  Cael  Breag,  2,  6. 
Conall  Anglonnach  m.  Eachach  F. 
8,  10. 


Conall  Cernach,  1,4,  11. 

—      Collamrach,  1. 
Conaing  Buidhe,  3,  4. 

—  m.  Muireadaigh,  6. 

—  11. 
Conchobar,  1 5. 

Congal  Clairingnech,  4,  6,  8. 
Crimthand  Coscrach,  8. 

—       m.  Luigdech  L.,  8. 
Corc  Cuirn  m.  Ceidin,  10. 
Daire  m.  Duilb,  8,  11,   14. 

—  Imrosa,  4,  12,  14. 

—  Domnanaidh,  7,    10,    11 
Deal  m.  Loich,  9. 

Deaman,  5. 

Diangus,  6. 

Dithorba,  5. 

Dolar  m.  Guill,  9. 

Dolb  m.  Induilb,  8,  II,  14. 

Donn  m.  Durthachta,  1,  3,  4. 

Dondgus,  6. 

Duach,  6. 

Dub  m.  Daire  D.,  7. 

—  Dolair,  9. 

—  Duib,  6. 

—  Fomair,  4,  8,  11. 

—  Imross,  6 

—  Oirs,  3. 
Dumhannach,  4. 
Durn  m.  Fiachach,  9. 
Durthacht,  1,3,  11. 
Eangus  (see  Aengus). 
Eargnaid,  10. 
Ebrec,  4. 

Edhisd,  3. 
Eithne,  15. 
Eleisd,  3. 
Emer  Donn,  4. 


La   bataille  de  Leitir  Ruibhe. 


27 


Ermer,  1. 

Ether  m.  Brighe,  10. 

Eochaid  Aiream,  10. 

—  Eolcobar,  3. 

—  m.  Eachach,  9,  14. 

—  —  Feidligh,     8, 
10,  11,  14. 

Eochaid  Feidlech,  1,7,  8,  9,  10,  11, 

12,  13,  14,  15. 
Eochaid  m.  Imgair,  9. 

—  —  Innadmar,  8,  13. 

—  —  Lagha,  9. 

—  Salbuidhe,  15. 

—  m.  Sigain,  9. 

—  Uairceas,  6. 

—  m.  Urgalaigh,  9,  11. 
Eogan  m.  Durthacht,  3,  11. 
Eolarg,  9,  14. 

Fachtna  Fathach,  1,  2,  5,  11,  14. 

Failbe,  1. 

Fatheamon,  3. 

Feagar,  3. 

Fear  Cing,  4,  il,  14. 

—  Corb,  4,  13. 

—  Tlachtca,  4,  11,  14. 

—  da-beann,  7. 

Feargus  Foltsnaitheach,  4,   12,  14. 

—  Fortamtail,  6. 

—  m.  Feargusa,  14. 

—  —  Leide,  1,  4,  11,  12,  14. 

—  —  Roith  )  1,  11. 

—  i —  Rossa  )  4,  11,  12,  15. 
Feidlimid,  9. 

Fiacha  m.  Aengusa,  9. 
■ — ■       Eachach,  9. 

—  Muireadaig,  6. 

—  Ruighi,  11,  14; 

—  Finnsgpthach,  4. 
Fiamain  m.  Ruighi,  11,  14. 
Fighda,  7,  10. 

Fionn  m.  Blaitachta,  4. 

—  Roigen  R.,  10,  11. 
Findtan,  5. 

—  m.  Neill  N.,  1,4,  11. 
Flaithim,  4,  12. 

Fomar,  3,  4,  8,  11. 


Forai,  II,  14. 
Furbaide,  4,  12,   14. 
Goll  m.  Irguill,  9. 
Ilar  Echtach,  7,  10. 
Iliach,  4. 
Imchad  m.  Cais,  4. 

—  Duib,  7. 

—  Duilb,  8,  11,  14. 
Imgar,  9. 

Imros  m.  Flaithim,  4,  12,  14. 

—  Uislind,  6. 
Indolb,  8,   11,  14. 
Innadmar,  8,  13. 

Ir  m.  Milead,  4. 

Ir  m.  Rudraighe,  4. 

Irgalach,  4. 

Irgoll,  9. 

Ithe,  6. 

Labraid  m.  Cairbri,  4. 

—  (Longseach),  6. 
Laegaire  Buagach  )  4. 

—  m.  Conaing  B.  j   3. 

—  m.  Laegaire,  3. 

—  Lorc,  6. 
Laemach,  11,  14. 
Lagha,  9. 
Laighlind,  il,  14. 
Laitim  (see  Flaitim),  4. 
Latharne  Lond,  II. 

Leide  m.  Feargusa,  1,  11,  14. 

—  L,4. 

—  Rughraighe,  1,  11,  14. 
Loch,  9. 

Luagne  Luamne,  8,  1 3 . 
Lugaid  m.  Duirn,  9. 

—  Laimderg.  6., 

—  Londmar,  11. 

—  m.  Luigne  L.,  8,  13. 

—  m.  Maghlaim,  8. 
Lugaid  m.  ri  Laigin,  11,  14. 
Luigid  (see  Lugaid  m.  Luigne). 
Maclach,  4. 

Maghlam . 
Maghruad,  9. 
Meadb,  15. 
Melge  Molbthach,  6, 


28 


Margaret  C.  Dobs. 


Midhurn  m.  Cuire,  10. 

Mil,  4. 

Monach,  4,  13. 

Muigh,  6. 

Muireadach  Balgrach,  6. 

Mumain,  15. 

Neas,  15. 

Niall  Niamglonnach,  1,  4,  11. 

Nia  Segamon,  8. 

Oilill  (see  Alilil). 

Ollam  Fodla,  4. 

Ors,  3. 

Parthalon,  6. 

Pir,  9. 

Porg,  9. 

Raan  Roglon,  7,  10. 

Raitin,  3. 

Reachad  m.  Pir,  9. 

Reochad  m.  Breasail,  3. 

Rach,  4,  12. 

Roghen  Ruadh,  8,  10,  11. 

Ronan,  9. 


Ros  m.  Duilb,  8,  11,  14. 

—  Ruadh,  6. 

—  m.  Rudhraighe,  4,  11,  13,  14, 

15- 
Roth. 

Rudhraighe,   1,  4,  6,  8,  11,  13,  14. 
Ruidhe  m.  Imchada,  7. 
Ruigh  m.  Daire  D.,  11,  14. 
Seangand,  9. 
Senna  Innarach,  6. 
Sigan,  9. 
Simon  Breac,  6. 
Sirlam,  4. 
Sithcind,  9. 
Sobairche,  5. 
Subaltach,  1,   12. 
Taidean,  9. 
Tirtech,  4. 
Tuamathen,  7. 
Uisleand,  4,  6,  12. 
Urgalach,  9,  14. 


II.     —    NOMS    DE     FAMILLE     ET     DE     RACE 


Clann  Aengusa,  4. 

—  Durthachta,  1 ,  4. 

—  hlr,  2. 

—  Milead,  2. 

—  Rudhraighe,  2,  15. 

—  Uabhmoir,  10. 
Dal  mBuain,  4. 

—  nDruithne,  14. 
Domnannaigh,  10. 
Fir  Bolg,  8,  14. 

—  Craibe,  14. 
Gamanrach,  14. 
Garbraide  Suça,  14. 


Laigen,  8,  11,  14. 

Mairtine,  9,  14. 

Monach  Aradh,  4. 

Muimneachu,  6. 

Sen  Erna,  9,  14. 

Sil  Cobhtaid  Caol  Bregh,  2,  7,  14. 

—  Emir,  1. 

—  Ir,  1. 

—  Laegaire  Luire,  1. 
Tuatha  Catraide,  13. 

—       Taiten,  9,  10,  14. 
Ulaid,  1,  2,  3,  4,  5,   6,  7,  .10,  n, 
13,  H,  15. 


III.   —    NOMS   DE   LIEU 


Beann  Boirche,  7 . 
Beann  Oigle,  7. 
Caille  Conaill,  1 . 


Ceis  Corainn,  6. 
Cnoc  Baine,  3. 
Cnoc  Breis,  3. 


La  bataille  de  Leitir  Ruibhe.                          î$ 

Coiceadh  Génaiiîd,  2,  4,  5,  6,   il,       Loch  Laeghaire,  3. 

14.  Lochlann,  3. 

an  Corann,  7,  9,  13.  Magh  Bolg,3- 

Cruachan,  6,  7.  Magh  nltha,  6. 

Daball,  3.  Magh  Leamna,  3. 

Druim  na  nDruagh,  6.  Meadha  Siuil,  10. 

Druim  Raitni,  3.  Mighe,  15. 

Duibtrian  Ulad,  6.  Murthemne,  1 . 

Dul-na-carbat,  3.  Rath  Neachtain,  3. 

Dun  Da-beann,  1.  Sliabh  nDub,  3. 

Dun  Laegaire,  3.  Sliabh  Tuirm,  3. 

Eamaio,  1,  2,  3,  4.  SrothaSein  Eirne,  6. 

Eas  Ruaigh,  6,  8.  Sruth  Sein  Eochada,  3. 

Fearnmuigi,  1,  4.  Temair,  1,  14. 

Leitir  Ruibhe,  7,  8,  11,  12,  14.  Traigh  Baile,  4. 

Leitir  Saileach,  6,  7.  Ulad,  1,  10,  11,  14,  15. 


APPENDICE 

Transcription  du  texte  du  Catb  Leitreach  Ruibhe  contenu 

DANS    LE  MS.  23.  K.   37.  AVEC  LES  VARIANTES  DES  MSS.  E.    4.  3 
ET    EGERTON    106. 

t 

Catb  Leithrech  Ruighe  sonn. 

1.  Airdrigh  ro  ghabh  flaithes  7  forlamus  for  Eiriraw  .i. 
Fachtna  Fathach  mac  Kughraighe  [mhô/r.  E.  4,  3]  7  is  ag  siol 
Eimhir  7  Ir  ro  bhi  ardchennus  Eireann  6  rae  Conaill  Chol- 
lamhra  (Collamhrach  Eg.)  go  haimsir  Eochacb  Feidhh'o-  7  do 
fmnedh  (do  roinnadh  sluaigh  Eg.)  sluagh  mor  le  hEochaid 
Ee'idhleacb  gur  marbadh  coigeadbaigb  Eireann  leis.  Is  ann  sin 
do  bhi  Fachtna  Fathach  ar  siorchûart  Ulad  7  gabhus  Eochaid 
géill  Temrach  da  éis.  Id  chlos  sin  a  nEmhain  Fergus  mac 
Rosa  Ruaidh  fa  leithrigh.  ar  Ulltaib  (Fergus  mac  Rosa  iona 
îeithrigh  Ulad.  E.  4.  3)7  Fionntainn  mac  Néill  Niamhghlon- 
naigb  mac  Rughraigbe  [môr.  E.  4.  3]  a  nDûn  da  bhenn  7 
Leide  mac  Ferghusa  mac  Leide  ar  an  leith  tuaisgcertach 
d'Ulltaib  7  (agus  Eg.)  Conall  ar  choill  Conaill  7  Subhaltach 
mac  Rôigh  (Roich  Eg.)  ar  Mhûirtheimhne  7  clanna  Duinn 
Duthrackach  mie  Ailne  (Ailine  Eg.,  Dùthrac/tfa  mie  A'ù'mne 
E.  4.  3)  mie  Aongusa  mie  Kughraighe. 


36  Margaret  C.  Dobs. 

2.  Is  ann  do  bhi  (Is  ann  bhi  Eg.)  Eochaid  a  gcôige 
Ghenain  7  bhi  righ  Ereann  fri  hEamhuin  a  ttuaigh  7  do  rainig 
fios  na  sgéal  sin  cuige.  Is  ansin  adubhairt  Fachtna  Fathach 
re  hUlltaibh  tinôl  (tionôil  Eg.)  7  toichiosdal  do  dheanamh, 
ôir  dorinnedh  feall  7  fiongiol  oruibh  ag  fearuibh  Eireann  7  do 
aithéirigh  [siad  Eg.]  siôl  Cobhthaigb  Caoil  mBregh  (do 
rinnsiod  sliocht  Chobhthaigh  Chaoil  mBregh  âitheirghe  E.  4.  3) 
7  thairnig  flaithes  cloinne  hlr  don  churso  (don  chorid  Eg.). 
Truagh  sin,  ar  clanna  Rughraigh  (Kughraighe  Eg.),  airdrigh 
(a  airdrigh  Eg.).  Is  aguinne  ata  cennus  [gaisge  na  Eg.] 
nGaodhal  7  ilrlaighe  çhlainne  Milead  amhail  arimhth^r  ar  ar 
senuibh  7  ar  ar  sinnsearibh  7  denam  calmacht  don  churso  (don 
chôrid  Eg.)  7  chosnam  Eire  dhuinn  féin  7  ionsoighiom 
(ionnsuidhiom  Eg.)  coiged  Ghenainn. 

3.  7  dorinnedh  sluagh  mor  leô  [7  bhâ  hé  a  lion  E.  4.  3] 
.i.  secht  ccatha  commôra  d'fior  Ulhaibh  7  tri  catha  d'âïïmura- 
chaibb  7  deich  ccatha  francamus  do  mmnntir  (theaghlach  E. 
4.  3)  righ  Eireann  7  thangadar  tar  Siôrbhrûg  (siodhbhruigh 
Eg.)  na  hEmhna  amach  7  tar  Druim  Raithrigh  7  do  Raith 
Nechtain  7  do  Dhubhall  7  tar  Thulacb  na  ccarbad  (gcarbatt 
Eg.)  7  tar  Senmhaigh  7  tar  Chnoc  mBréise  7  tar  Sliabh 
nDubh  7  lamh  cli  le  Loch  Laogaire  7  do  rinnedar  sosadh  7 
comhnuidbe  7  longport  (sosadh  7  iongport  Eg.)  annsin  ar 
(athach  Dhûna  Laoghaire. 

4.  7  thangad//;  [maithibh  E.  4.  3]  UW  a  bpobal  righ 
Eireann  7,  dorinnedh  comairle  leô  7  asiâd  (leô  ann  7  iâd  Eg.) 
thainig  ann  .i.  Fergus  mac  Rosa  mie  Kughraighe  7  Léide 
mac  Fergusa  mie  Leide,  mie  Kughraighe  7  Uislenn  mac 
Conaill  (Congail  Eg.)  Chlairiongnrt/cr/?  mie  Rughraighe  7 
Fionntainn  mac  Niamghlanwrt/^/;  mie  Kughraighe  7  Aongus 
mac  Fergusa  7  Laoghaire  Buadhach  mac  Conuing  Bhuidhe 
mie  Iliach  7  Iorghalach  mac  Néill  Wnmhgïomiaigb  7  Monach 
7  Bûan  7  Fear  Corb  mac  Ioghna  mie  Rosa  mie  Kughraighe,  a 
quo  Monaigb  krad  7  Dal  mBuâin  (Dal  mBuinne  mBuain 
E.  4.  3.)  a  quo  Baile  Binnbearlach  mac  Buâin  7  Traighi 
(Traigh  Eg.)  Bhaile,  7  Daire  7  Furbhuidhe  7  Fergus  Fols- 
woîtheach  (Foltsnaith^/;  Eg.)  tri  meic  Rosa  mie  Laitim  mie 
Fergusa  mie  Leide. 


La  bataille  de  Leitir  Ruibhe.  }î 

Ici  se  trouve  dans  les  trois  manuscrits  une  lacune  qui  s'étend 
jusqu'au  milieu  du  paragraphe  12. 

12.  7  Subhaltach  mac  Rôigh  (Rôich  Eg.)  7  tri  chaogad 
francamhus  maraan  le  righ  Eireann  7  do  dhàil  Eochaid  lion  a 
neirt  a  ccenn  righ  Eirionn1  7  doronnsad  comhlann  [calma 
Eg.]  croidhemhail  dana  doiligh  dûrchroidech  7  do  thimchiol- 
\us  Eochaid  eision  amhail  thimchiallus  feithlionn  fiodh  7  dorad 
béim  dhô  gur  bhain  a  chenn  de  amhail  adeir  an  file: 

Eochaid  Feidhlioch  fer  go  bhfioch 

do  mharbh  Fachtna  (Eochaid  E.  4.  3)  fa  gniômh  dûir. 

is  ann  rocloidhtW/;  a  lecht  (fhert  E.  4.  3.) 

mara  bhfuila  fert  anûir  (leacht  anûir  E.  4.  3.) 

13.  Is  annsoin  do  choncadtfr  Ulaid  righ  Eireann  ar  na 
oirlech  (artuitim  E.  4.  3)  do  iogradar  d'Fergus  sgiath  tar  lorg 
do  thabhairt  d'Ulhaib  7  do  thug  Fergus  sin  dôibh.  Is  annsin 
do  fhogair  Eochaid  do  ghuth  mhor  ardfhollus  ghlan  (guth 
ârdsollas  E.  4.  3)  airghe  athlam  aoin  fhir  do  dhenamh  7  Ulaid 
dolenmhuin  go  lâindiccrac/?  7  dotogbhmf  meirgadha  Eochach 
7  rioghdhamhna  a  gchoiglW  7  rugadur  orra  7  as  iadso  do  rug 
orra  ar  dtûs  .i.  Lughaid  mac  Lugbaid  Luaighne  7  Eochaid  mac 
Fionamhair  7  d'iompuigh  triar  deghlaoch  d'Ulltaibh  orra  .i. 
Monach,  7  Dubhân  no  Dûan  7  Fear  Chorb  mac  Cionga  mie 
Kughraigbe  7  doronsad  comhlann  fiochda  foirannach  fior- 
fergach  ionus  gur  comhthuitsaddoid  re  doid  7  bonn  re  bonn 
airm  attaid  a  bhferta  don  taoibh  ihuaidh  don  Chorann  7 
àorirmcdh  oirisim  ag  (le  Eg.)  fearuibh  Eireann. 

14.  7  as  iadso  is  uaisle  dona  hUlltaibh  do  thuit  ann  .1. 
Fachtna  Fathach  righ  Eireann  7  Leide  macFergusa  mhic  Leide 
7  Aongus  mac  Leide  mie  Kughraighe  7  Daire  7  Fwrbhuidhe 
7  Fergus  Foltsnath^c/j  7  Rosa  7  Daire  7  Jomchadh  tri  mie 
Duilbh  mhic  Foghmhair. 

Agus  as  iadso  is  uaisle  adtorchair  don  leith  oile  .i.  Ai/z'll 
mac  Oiliolh  mie  Eochach  Eheidhligh  7  Iolarg  (EolargEg.)  7 

1.  A  partir  d'ici  et  jusqu'aux  mots  7  dorad  béim  dhô,  le  texte  de  E.  4. 
3  est  le  suivant  :  7  do  ghabh  gach  fer  a  chomhrach  dona  cura?Waibh.  Dala 
Eochach  Feidhligh,  d'ionnsaigh  se  iirdrigh  Éiriôn  7  doronsad  an  dà 
âirdrigh  comhrac  calma  croidheamhaîl  dana  doiligh  durchroideach  7  do 
thimchill  Eochaid. 


$i  Margard  C.  Dobs. 

Lathairne  7  Conaing  7  Cimtdhach  mac  FaitenWn  7  Lugha/J 
mac  Laithim  mie  Ciombaoith  Chosgra/o-/;  7  [et  Eochaid 
Ionatmhair  7  LughazW  mac  Lughdacb  Luaighne.  Is  annsin  do 
rigedb  an  Gamanraidh7  E.  4.  «3  ;  7  Eochtfz'd  mac  Ionadhmhair 
7  Luiga/d*  mac  LuigoVf/;  Luaighne.  Is  ann  soin  deirgetar  an 
Ghàmha.nraid  7  Eg.]  Fir  na  Craoibhe  7  Dâl  nDruithne  7  Gair- 
bhrighe  Succa  7  Tuatha  Cathn'o-fe  7  iarsma  bFher  mbolg  7 
Laighen  7  siol  Chobhthaid  Chaoil  mBregh  7  thangad//r  go 
Temhraigh  7  do  riogharf/j  Eochaidh  Feidhleacb  leo  ann  7  do 
hôirn^aJ/;  rioghacbt  corgeadbacb  ar.  .  .  (riogha  ar  coigh&z- 
<f/;aibh  Eirionn  mar  an  gceadns.  E.  4 .  3  ;  riaghâ  côigedach 
ar  Erm  Eg.). 

15  .i.  Fergus  mac  Rosa  ar  Ulltaibh  re  rae  secht  (Ulltaibh 
réé  '  secht  Eg.)  mbliadhan  gur  e'mgb  Concubar  7  thug  Fergus 
gradh  egmhaisech  do  Nesa,  inghen  Eochacb  Salbhuidhe  7  do 
radh  Neasa  munadh  bhfaghadh  an  chumhadb  do  iartadh  cia 
mathigar  no  ionghar  i  (cia  inngur  no  iomghur  i  E.  4.  3.) 
nach  biadh  (buaidh  Eg.)  si  féin  aige,  no  go  bhfoghadb  i  7 
adubhairt  (Fergus  E.  4.  3.  et  Eg.)  go  ttiubradh.  As  i  cumha 
(Is  i  comhadEg.)  ataim  d'iarradb  (duarra/a'Eg.),  arsi,  [.i.  Eg.] 
rioghacht  UW  do  thabhairt  do 'Concubhair  go  cenn  bliadbna 
7  d'aontuigh  Fergus  sin.  Ionus  go  raibh  (raibhé  Eg.)  Con- 
cubhar  a  righe  U\ad  ar  ïeadb  bliadna  7  badb  maith  a  raith  7 
a  righe  7  badb  môr  ioth  7  blïocbt  7  mes  7  toradb  san  chrich 
re  a  linn.  Acht  chena  a  gcenn  bXiadna  d'iar  Fergus  an  rio- 
ghacht ar  Concubhar  7  adubradar  Ulaid  nach  (adubradar  nach 
Eg.)  ttiubhradis  an  rioghacht  don  fhior  do  rad  a  ttionnsgradh 
athmhna  i  7  gur  bba  îearra  leô  Concubhar  ar  an  adhbhar  sin 
nô  é  (iona  e  Eg.)  7  do  nogbadh  aca  Concubhar  7  àoxmnedb 
morchogadh  ar  Eochaid  Feidhleacb  a  ndioghail  a  athar 
(andioghâil  athar  Eg.)  .i.  Fachtna  Fathach  7  do  bhain  eiric  a 
athar  de.  Gonadb  é  sin  Cath  Leitrioch  Righe  go  nuige  sin. 

Finit. 

1 .   Le  premier  é  de  réé  raturé. 


ON    THE     CHARACTER 

OF    THE 

CELTIC      LANGUAGES 


Pedersen  (Vgl.  Gr.  d.  kelt.  Spr.,  I,  p.  25-27)  gives  a  short 
characteristic  of  the»structure  of  Celtic  languages  and  he  em- 
phasizes  especially  the  tact  that  the  Celtic  languages  hâve  pre- 
served  the  old  formulae  notwithstanding  the  phonetic  changes. 
He  regards  it  as  a  «  lautpsychologischer  Conservatism  ». 
Through  this  tendency,  he  says,  formations  arose  which  cannot 
be  compared  with  anything  bimilar  in  Europe  except  the 
Basque,  and  he  asks  whether  thèse  features  are  due  to  a  new 
admixture  of  foreign  blood  or  whether  they  are  réflexes  of 
old  Indo-European  tendencies. 

This  question  is  more  important,  because  there  are  tenden- 
cies to  use  thèse  features  for  the  purpose  of  proving  or  rather 
reconstructing  the  non-Aryan  éléments  in  Celtic. 

Undoubtedly  there  are  many  non-Aryan  éléments  in  West- 
European  languages,  yet  thèse  éléments  contributed  to  the 
further  development  ofthe  ancient  Indo-European  type  and 
consequently  it  is  always  doubtful  whether  a  particular  feature 
is  due  to  the  influence  ol  non-Aryan  speakers,  or  whether  it 
is  rather  a  mère  development  of  the  older  type,  an  évolution 
on  a  mainly  «  logical  »  basis.  Speaking  a  priori  it  is  probable, 
that  for  instance  the  analytic  tendency  of  Western  languages 
may  be  due  to  some  such  influence,  but  this  is  perhaps  ail  we 
can  say.  The  way  in  which  thèse  changes  operate  is  not 
simple,  and  we  hâve  not  yet  discovered  any  gênerai  rules 
which  would  help  to  investigate  this  question.  For  our  par- 
ticular subject  the  question  is  more  intricate:  Ifwe  admit  that 
the  Celts  migrated  to  Ireland  at  a  very  late  date,  say  in  the 

Revue  Celtique,  XXXIX.  3 


34  Joscf  Baudis. 

fourth  century  B.  C,  and  that  they  celticized  the  non-Aryan 
population  as  late  as  oui'  era,  then  we  should  expect  that 
thèse  particular  features  should  occur  much  earlier,  yet  the 
language  of  the  Ogmic  Inscriptions  does  not  differ  materially 
from  any  other  Indo-European  language,  and  even  if  there 
might  hâve  been  forms  like  *nu-te-birû  (O.  Ir.  notbiur)  thèse 
formations  would  not  surprise  us  any  more  than  Latin  ob  vos 
sacro  or  Greek  %pb  ^.'Izs^ev  (IL,  I,  442)  or  Vedic  prà  vah 
çamsàmi  (R.  V.,  viii,  27,  15).  The  striking  feature  is  rather 
that  this  archaic  way  of  expression  was  normalised  in  prehis- 
toric  times,  while  other  Indo-European  languages  dispensed 
with  it,  and  that  it  was  retained  notwithstanding  the  phone- 
tic  changes,  which  undoubtedly  obscured  this  System.  But 
this  happened  much  later,  at  least  four  centuries  after  the 
non-Aryans  were  celticized  and  we  should  be  naturally  sur- 
prised  that  they  introduced  their  linguistic  peculiarities  as  late 
as  that,  while  previously  retaining  the  very  archaic  features 
of  Indo-European  speech.  The  only  way  to  answer  this  ques- 
tion is  to  try  to  reconstruct  the  prehistoric  Irish  (that  is  the 
periôd  immediately  preceding  the  réduction  of  final  vowels) 
and  to  draw  conclusions  from  that.  Naturally  we  shall  be 
mainly  interested  in  the  verb. 


THE    ENDINGS    OF     PRIMARY    TENSES. 

The  old  Irish  verb  has  a  peculiarity  that  in  primary  tenses 
the  verbum  simplex  takes  a  longer  ending  while  a  compound 
verb  takes  the  shorter  one.  This  différence  has  been  explain- 
ed  in  two  différent  ways  : 

a)  either  the  longer  endings  havê  been  explained  as  due  to 
a  later  «  agglutination  »  of  pronominal  éléments  on  the  short- 
er endings  (Stokes,  K.  S.  B.,  VI,  465  f.)  or 

b)  the  différence  has  been  regarded  as  a  reflex  of  variation 
between  the  primary  and  secondary  Indo-European  endings 
(Zimmer,  K.Z.,  XXX,  p.  m,  note  1); 


OH  the  character  of  the  Cellic  languages.  35 

c)  Pedersen's  view  is  practically  that  of  Stokes,  yet  he  works 
upon  other  Unes  in  as  far  that  he  partly  accepts  Meillet's  (i?.  C, 
XXVIII,  369  ff.)  theory  of  the  primary  endings  in  the  Indo- 
European  parent  speech, 

d)  According  to  Meillet  the  primary  endings  were  : 

Sg.  1.  -mi  2.  -si  3.  -ti  in  athematic  verbs,  but 
»   -ô     »    -ti  »    -et  or  -e  in  thematic  verbs. 

The  secondary  endings  (r.  -m.  2.  -s.  3.  -t)  were  common 
to  both  classes.  If  this  theory  is  right,  there  would  be  very 
little  reason  for  the  theory  that  berid  :  -beir,  for  example  ' 
represents  the  Indo-European  interchange  of  primary  and 
secondary  endings;  it  would  be  an  interchange  between  the 
thematic  and  athematic  classes,  This  view  seems  to  be  sup- 
ported  by  the  fact  that  the  first  person  singular  is  not  bcrim 
but  Uni  beside  forms  like  melim  ;  demeccimm  beside  ni  déccu. 
Further  :  the  suffix  of  the  second  pers.  -i  ought  to  occur  (in 
old  e/o  verbs)  only  if  the  verb  was  simple,  yet  it  is  found  in 
compound  forms  as  well  (ZE.  429,  Thurneysen  Handbuch 
d.  Air.,  p.  337),  though,  of  course,  it  is  possible  to  think  of 
influence  of  forms  like  -léci.  [Moreover  :  if  it  were  really  pro- 
bable that  the  relative  was  *so  (not.  *io),  we  could  see  in  beres 
an  older  *bertso,  but  in  bertae  *berontiso  (as  <C  *estso).] 

Yet  even  thèse  new  considérations  cannot  prove  or  dis- 
prove  any  of  thèse  théories.  The  only  way  left  is  to  reexamine 
their  merits  and  drawbacks  in  every  particular. 

From  the  Irish  point  of  view  most  of  the  absolute  forms,  as 
they  exist  in  old  Irish,  could  be  at  the  same  time  identical 
with  forms  from  which  the  dépendent  forms  could  be  deriv- 
ed: 

e-  g- 


*binï 

-biur 

cp. 

absolute  biru 

*biri 

-bir 

» 

»        biri 

*berij> 

-beir 

)> 

»        berid 

*berefte 

-berid 

» 

»         berthe 

1.  One  might  then  doubt  whether  Ir.  -bir  goes  back  to  *bhcres  or  wfrefcH' 
er  we  should  explain  it  as  Meillet  does  from  *bherei  ;  see  latgr. 


3  à  Jôsef  Baudis, 

the  l'est  of  the  ioniis  (i.  e.  2  out  of  6*  vig.  i.  pi.  bertnmai  and 
3.  pi.  fenV)  differ  from  the  compound  forms  otily  by  addition 
of  a  palatal  vowel,  which  in  the  r.  pers.  pi.  was  retained  but  in 
the  31'd.  pi.  syncopated.  Now,  because  the  four  absolute 
forms,  which  seem  to  be  identical  with  the  original  forms  of 
the  compound  verb,  could  not  retain  their  final  vowels  un- 
syncopated  unless  they  were  followed  by  an  agglutinated 
particle,  it  seem  s  quite  possible  to  postulate  that  there  were 
such  particles,  which  followed  the  absolute  iorms . 

This  point  of  view  seems  to  be  quite  sufficient  to  explain 
most  of  the  Irish  primary  (absolute)  endings  in  the  rest  of 
Irish'  primary  tenses,  viz.  in  the  t-  preterite  in  the  s-  prete- 
rite1  and  in  the  s-  subjunctive  and  future  : 

*bertû  Ir.  -biitrt  cp.  W.  ceint 
*birti     »    -*lnrt 
*bertete  »  -*bertit 

1.  sg.  *carassû  Ir.  -carus  cp.  W.  cereis 

2.  »     *carassï    »  -curais 
«   pi.  *  car  a  s  set  e  »    -carsid 

cp.  absol.  carsu,  carsi,  *carsite 

*tèssû    ir.  tias  cp.    tiassu 

*tessï     »  téiss    »      téssi 

*tëssete  »  téssid  »      *  teste. 

(The  first  and  the  third  pers.  pi.  differ  in  the  same  way  as 
in  the  présent.) 

The  dépendent  third  person  sing.  is,  however,  in  ail  thèse 
formations  the  original  athematic  form  of  thèse  formations, 
and  it  became  a  basis  for  further  inflection.  The  independent 
form  could  hâve  been  derived  from  this  basis  plus  suff.  -et  or 
it  is  an  old  athematic  form  (from  the  original  s-  stem  ?)  with 

1.  The  basis,  of  the  s-preterite  isthe  dépendent  3.  pers.  singularis  which 
is  by  its  origin  an  athematic  form  of  the  3.  pers.  5-aor.  *carass  hom*carast 
(and  from  the  2nd.  sg.  carass)  ;  cp.  *tert-  from  *bhert  and  *têss  from  the  3 . 
sg.  *steighst  (and  2.  sg.  *steighss).  If  I  am  right  in  this  supposition  we  can 
easily  explain  why  in  the  -s-  preterite  the  intervocalic  -s  remained  :  the  reason 
was  that  the  athematic  3 .  pers.  *carass  (fr.  *carast)  was  regarded  as  the 
basis  of  the  formation. 


Ou  the  cha racler  of  the  Celtic  languages.  37 

the  primary  suffix  -H.  The  first  alternative  seems  to  me  more 
probable  because  it  is  supported  by  the  testimony  of  Gaulish 
legassit.  E.  W.  prêt,  prynessit  <C-ssiti  seems  to  be  the  same 
form  augmentée!  by  -i.  Consequently  we  may  reconstruct  the 
3rd.  pers.  sing.  asfollows: 

*carassè<j>  >  carats  :  *carast    >  *carass^>  -car. 

So  also 

iëssèfr  téiss     :  *steighst  >>  *tëss     >  -té(see  later). 

Yet  however  simple  this  System  may  appear,  we  must  ask 
whether  it  holds  good  for  Welsh  as  well,  and  hère  we  may 
accept  the  following  équations  : 


2.  Sg. 

W.  ceny     Ir. 

biri 

3.   » 

»     can       » 

-can  -beir 

eyl        » 

Ucid  berid. 

I.  PI. 

»     carwn  » 

Br.  queromp. 

*beram-ni 

3.  » 

»     queront   . 

either  berat, 
or     berait. 

(i.Sg. 

caraf  cp.  Ir.  caraim?) 

The  s- 

aor.  W.  cereis 

Ir.  -carus 

cereist 

»    -carats 

car  as 

»    carais. 

The  plural  may  be  equated  with  the  Ir.  dépendent  forms 
but  the  predesinential  a  (carassam  etc.)  proves  that  thèse 
forms  are  athematic  (so  also  the  Irish  forms). 

The  .r-subj.  gwares  (*vo-retset)=  ir.  rets  (duch,  fr.  *doucset). 

Consequently  the  Brythonic  has  in  the  présent  mostof  the 
absolute  endings  and  in  the  past  most  of  the  dépendent  en- 
dings.  The  interchange  between  the  absol.  and  dépendent  en- 
ding  isproved  only  for  the  3.  sg.  près,  andtaking  intoaccount 
that  the  3.  sg.  prêt,  has  a  form  corresponding  to  the  Ir.  abso- 
lute form,  similar  interchange  is  most  likely  for  the  3.  sg.  aor.  It 
may  be  admitted  for  the  3.  pi.,  but  the  Brythonic  cannot  prove 
it.  Considering  now  that  the  first  person  plur.  in  Welsh  and 
other   Brythonic  dialects  corresponds  to  the  Irish  dépendent 


38  Josef  Baudis. 

forms,  and  seeing  further  that  Latin  and  the  Italie  dialects  know 
only  onc  ending  for  this  person,  the  Welsh  conditions  may 
even  hère  be  more  original,  especially  considering  that  the 
Ir.  bcmuifi  lias  a  non-lenated  m  which  can  be  explained  only 
by  analogy  with  athem.  *£*/«/'  or  some  other  athem.  forms,  or 
there  must  hâve  been  agglutination  of  some  élément  (which 
desaspirated  the  linal  o\i.  from  -omos)  \  Consequently  \ve  can 
suggest  for  Ir.  the  following  System  : 

Praes.  Sg.  1.  -im  or  *-//,  pi.  -ain.  Past.  *-u  pi.  -am. 
2.  *-i'  *-te  *-i         *-te. 

5 .  *-i$  or  *c]>         *-nt(i)         *-cf>       *-nt. 

or-. 

This  System  would  be  simple  enough,  yet  \ve  must  not 
forget  that  it  is  quite  clear  that  it  is  rather  an  idéal  scheme  to 
which  the  sptrit  of  Celtic  gravi  tated,  but  that  there  persisted 
some  other  endings  (for  inst.  -ch  in  the  W.  subj.),  and  that 
sometimes  forms  of  quite  différent  origin  gave  the  same 
resuit.  Anyhow  it  is  reasonable  to  look  for  a  greater  variety 
of  forms  in  the  prehistoric  period  of  Irish. 

Examining  ail  the  possible  prototypes  of  Irish  endings,  we 
arrive  at  the  following  results  : 

1 .  Sg.  :  It  is  clear  that  Ô  >-  û  existed  in  the  thematic  pré- 
sent forms  and  in  the  .r-subjunctive,  but  in  the  preterite  *  car  as- 
sô  (W.  cereis)  it  is  obviously  an  innovation. 

Note. ù  in  the  prêt,  stands  either  for  *-m  or  tor  *-om,   I  think  that 

the  later  possibilitv  is  quite  likely  because  of  the  3.  sg.  *carasset.  Conse- 
quently the  O.  Ir.  -*ù  is  a)  an  old  primary  ending  of  themat.  verbs,  and  b) 
it  was  introduced  for  the  secondary  -om.  The  old  secondary  ending  is  sup- 
pose J  to  be  preserved  in  the  first  person  of  the  â-  subj.  *berâm  :  *bera  dep. 
-ber  ;  now,  one  of  thèse  forms  must  be  analogical,  and  considering  that 
*virôiu  became  fer,  it  seems  that  -ber  is  the  real  resuit  of  that  forrn  ;  bera 
would  be  consequently  an  analogical  form,  yet  it  is  a  question  when  this 
analogical  form  was  introduced.  One  could  think  of  the  historical  period, 
but  it  would  not  be  possible  to  suggest  any  starting  point  forsuch  an  inno- 
vation, consequently  one  must  infer  that  this  form  is  of  an  aider  date.  And 

1.  Cp.  also  Ir.  attifnl  fr.  *eSnieii  while  Welsh  ytn  goes  back  to  *esnws  (skr. 
ftnUSt;  s  mas) . 


On  the  char  acier  of  the  Ce!  tic  languages.  39 

there  it  see  lis  that  it  was  analogical  lo  the  thematic  -u  (*bcrû  :  *beni(i) 
■=.  x:  berat(i)  ;  x  =  *berâ).  This  berà  is  undoubtedlv  preserved  in  the  abso- 
lute  ending  owingto  some  following  particle  which  wasthen  lost.  Itmight 
be  well  that  the  real  ancestorof  ber  was  *berâ  or  *berô  (i.  e.  that  *berâm  was 
altogether  replaced  by  berâ  like  *carassom  was  replaced  bv  ^ùàràssÏÏ).  Tins 
wo.uld  be  the  more  probable  as  it  seems  that  there  were  in  the  first  perron 
some  thematic  forms  coexisting  withthe  â-  forms  cp.  Jéciub:  lécfea,  çigius  : 
gigsea,  though  it  is  difficult  to  say  whether  thèse  forms  are  archaic  survivais 
or  rather  innovations. 

^.  Sg.  The  third  pers.  berif  may  go  back  ïo*bereti  while  beir 
goes  back  to  *beret.  This  is  the  more  possible  as  it  seems  that 
*-et  could  be  used  in  présent  as  well.  The  modem  Slavonic 
languages  (e.  g.  Czeeh  ve%e,  ttesë)  at  least  postula  te  this  form. 
As  regards  the  subjunctive,  the  form  *retst  has  been  mentio- 
ned  belbre.  The  form  rcis  fro'm  *rdset  corresponds  to  Skr. 
darsat  (dr  «  split  »)  etc.  perfectly  well.  The  same  is  true  of 
the  3.  sg.  of  the  .f-pret.,  while  car  goes  back  to  *karast;  the 
form  car  aïs  (cp.  Gaul.  legasït)  may  be  compared  with  forms 
like  lat.  dixit,  gr.  s3si£s,  skr.  àdihat.  Hère  \\c  must  admit  an 
innovation,  yet  this'  is  not  more  surprising  than  gr.  Bgi|e 
(birt  is  of  course  an  analog.  form  :  *  ber  (et). 

Consequently  we  hâve  to  accept  : 

prim.  athem,  *-ti,  them.  *-et 
second.      »       *-t         »        ». 

Note.  —  Pedersen  postulâtes  only  one  ending,  viz.-et:  bcriJ,  according 
to  him,  is  *beret  is,  is  being  an  affixed  subject-  pronoun.  Yet  it  seems  that 
the  personal  pronouns  expressed  the  subject  only  if  emphasis  was  needed. 
Ol d  Irish  employed  even  in  such  cases  a  particle  and  not  a  pronoun  '.  It  is 
however  possible  that  berid  would  go  back  on  *berei-l,  i  being  a  particle  ; 
but  this  is  Lrmally  identical  with  the  form  *bi> ret i  a.nd  it  is  possible  that 
doublets  like  "berdi  :  *bêret  gave  the  i  of  the  first  form  a  certain  indepen- 
dence  and  a  particle  like  value. 

1.  PL  The  first  person  pi.  has  been  mentioned  before  : 
though  Ir.  -mi  may  correspond  to  Skr.  -masi,  it  must  hâve 
originated  in  athem.  forms  (e.g.  amnii).  Ir.  -am  cari  represent 

1.  Brythonic  forms  like  W.  carivn,  cereist  and  the  ending  of  the  2.  pi. 
-ch  may  be  of  later  origin  and  consequently  prove  nothing  to  the  point 


40  Josef  Bandis. 

Skr.  -mas  as  well  as  Skr.  -mfl  ;  anyhow  the  différence  bet- 
ween  -mi:  -a  m  does  not  go  back  to  the  différence  betwecn 
Indo-Eur.  primary  and  secondary  êndings.  (This  is  the 
morë  probable  because  Bryth.  -;//  in  primary  forais  so  far  they 
are  prcserved  seems  to  postulate  the  prim.  -me/os  '.) 

2.  PI.  The  second  pers.  pi.  -(e)te  corresponds  to  Skr.  -(a)ta 
and  -(a)tha  as  well.  The  Ir.  absolute  forai  differs  from  the 
dépendent  form  only  so  far  that  the  final  vowel  is  preserved, 
presumably  owing  to  some  following  particle  which  then 
disappeared. 

}.  PI.  In  the  third  pers.  pi.  the  absol.  ending  in  the  preter- 
ite  is  obviously  of  later  origin  ;  the  subjunctive  lias  in  Skr. 
a  secondary  ending  in  this  person  2.  The  primary  ending  was 
undoubtedly  regular  in  athem.  présent,  consequently  the 
dépendent  présent  form  may  be  an  innovation  :  see  also  Meil- 
let,  R.  C,  XXVIII,  371,  but  cp.  Ieel.  ero. 

Consequentlv  we  may  summarise  as  follows. 
1.  sg.  -mi  thematic.  -ô  >  Ir.  -'/;/  :  *-û. 

3.  sg.  -ti  thematic.  -et  >        -$  :*zéro. 

secondary.  .  .   / 

1.  pi.  -mcsi.  -mes  -mi  :  -dm. 

secondary  -ma* 

2.  pi.  -te  -'$>. 

3.  pi.  -nti 

secondary  -nt  -'d:  -"d. 

From  thèse  forais  only  the  3rd  pers.  pi.  can  be  safely  iden- 
tified  with  the  différence  between  the  primary  and  secondary 
endings;  the  yà  pers.  sing.  belongs  only  partly  there;  ail  the 
rest,  i.  e.  three  couples  out  of  five,  do  not  belong  there  at 
ail.  It  would  be,  however,  possible  to  infer  that  thèse  couples 
hâve  been  rearranged  symmetrically  to  the  division  -nti  :  -nt 
(primary  :  secondary)  or  to  the  division  -ti  (primary  athema- 
tic)  :   -et   (thematic).   Thèse    eventualities,  however,    appear 

1.  The  absolute  ending  in  the  prêt,  (and  perhaps  also  in  the  subj.  ?)  are 
an  innovation. 

2.  See  later. 


On  the  character  of  the  Celiic  lcmguages.  41 

more  or  less  probable  according  to  what  point  of  view  we 
take  with  regard  to  the  second  pers.  sing.  The  independent 
form  biri  can  be  of  course  derived  from  *beresi  <C  *bheresi  = 
skr.  bharasi l.  But  it  is  a  question  what  was  the  original  form 
from  which  the  dépendent  form  -bir  originated.  If  it  was 
*bheres,  the  scales  turn  in  favour  of  the  Indo-European  inter- 
change between  the  primary  and  secondary  endings  ;  if  it  was, 
however,  another  form,  for  instance  *bherei  (see  Meillet,  R.C., 
XXVIII,  p.  371),  we  could  as  well  give  up  this  theory.  The 
second  alternative  form  seenis  to  be  supported  by  the  Welsh 
2nd  sg.  aor.  cereis  :  if  the  change  a  >-  ei  is  neither  due  to  the 
analogical  influence  of  theflrst  person  (1  sg.  cereis  <C  carassu), 
nor  to  the  influence  of  the  suffixed  pronoun  *sn~>tï  we 
must  postulate  a  form  *carassi,  as  this  -ï  might  be  of 
diphthongical  origin,  we  might  infer  that  the  original  form 
was  *carassei,  the  ei  being  hère  introduced  from  the  présent, 
i.  e.  from  berei.  If  -bir  goes  back  to  *bherei  the  change  e~>i  need 
not  surprise  us  ;  whereas  if  it  actually  goes  back  on  bheres, 
this  change  is  rather  singular;  but  we  must  not  forget  that 
there  are  forms  like  -eim,  focheirt,  subj.  geiss,  etc.,  which  seem 
'to  postulate  rather  an  -es.  If  this  last  eventuality  be  true  it 
would  be  quite  sufficient  to  prove  that  in  the  2nd  person  sg. 
there  was  an  interchange  going  back  to  the  différence  between 
the  I.  E.  primary  and  secondary  endings.  Is  there  any  other 
évidence  in  this  respect  ?  The  old  injunctive  at-ré,  coméir 
postulâtes  an  athematic  form  *regs.  the  couple  -téiss  :  téssi  cor- 
responds to  skr.  vahsas  (i>ah  =  L.  veho)  :  darsasi  (dr  «  split  »). 
Considering  ail  thèse  circumstances  we  may  say  that  the 
ending  -ei  is  admissible  but  it  would  not  cover  the  whole 
ground,  .whereas  the  ending  -es  does.  As  soon  as  we  admit 
that,  we  must  admit  that  there  were  three  forms  out  of  six, 
where  the  différence  of  endings  can  be  conneaed  with  the 
différence  betwen  I.  E.  primary  and  secondary  endings.  This, 
however,  does  not  yet  mean  that  the  ratio  of  the  interchange 
needs  to  be  in  any  direct  connection  with  the  Indo-European, 
nor  are  we  justified  in  supposing  that  ProtoTrish  has  actually 

1.  So  too  subj.  *têssesi  >>  têssi  ;  cp.  skr.  dar$cisi  (dr-  «  split  »). 


42  Josef  Baiidii. 

preserved  the  distinction  between  the  two  sets  ;  on  the  con- 
trary,  the  fact  thattherest  of  the  forms(i.  c.  t.  sg.  pi.  2nd  pi.) 
cannot  be  explained  on  that  principle  makes  it  probable  that 
there  was  a  period  in  the  development  of  the  Celtic  languages, 
when  the  formai  différence  between  the  two  sets  survived 
only  in  some  forms.  For  this  reason  it  is  not  very  probable 
that  the  Old  Celtic  distribution  of  the  endings  was  in  immé- 
diate connection  with  the  original  Indo-European  rule,  which- 
ever  it  was,  for  if  it  were  so,  why  should  Celtic  hâve  abolished 
the  formai  distinction  in  some  of  the  forms  ?  If  this  distribu- 
tion was  not  Indo-European,  it  is  reasonable  to  ask  whether 
we  should  explain    it  from  Celtic,  and  how.  • 

Given  the  possibility  that  in  certain  forms  both  sets  of  suf- 
fixes could  occur,  it  is  easily  possible  to  imagine  that  a  ten- 
dency  could  be  developed  according  to  which  the  longer  form 
could  be  used  only  under  certain  circumstances. 

It  is  îiow  a  question  whether  it  was  possible  for  certain 
forms  to  use  both  sets  of  suffixes  ?  I  think  it  was,  though,  of 
course,  the  conditions  of  the  variations  are  not  known.  Greek 
çici'.:,  8ei-/jvuç  proves  that  the  -s  suffix  could  be  used  in  pri- 
mary  tenses  as  well.  For  the  yd  person  Slavonic  nese  seems  to* 
point  in  the  same  direction,  but  above  ail  it  is  the  Vedic  subj. 
2nJ  or  3rd  pers.  sing.  where  both  the  primary  and  secondary 
endings  are  current.  If  the  Celtic  s-  subjunctive  were  forined 
similarly,  we  could  postulate  a  following  paradigm  : 

i.  sg.  Skr.  stosani  Celt.  (s)tt'ksô~>  -fiass. 

2.  sg.  àarsasi  J>     (syêksesi^>  -têssi. 

—  vahas  »     (s)tèkses  >  -têss. 

3.  sg.  nesati 

—  âksat  »     (s)lèkset >  Ir.  téis s. 
Injunct.  Siêksl  >-     »     té. 
Similarly  in  the  d-  subj. 

1.  sg.  * ber (hit  >  Ir.  ber 

2.  sg.  *benlsi^>h.  ber"e 

—  *benis         » 

3 .  sg.  *berâti  >  Ir.  beraid 

—  *berât  ~>  »  bera 


cp. 

Ved. 

bhavâsi. 

» 

» 

bhârâs. 

,, 

» 

bhâvâti. 

» 

» 

bhârât. 

Ou  the  character  of  the  Cellic  languages.  43 

It  is  probable  that  thèse  variations  were  not  systematic  !  but 
it  is  quite  probable  that  a  System  could  hâve  developed  out  of 
such  double  forms2. 

Taking  such  a  possibility  for  granted,  we  can  reconstruct  the 
development  as  follows  :  the  alternations  between  -âsi  :  -as  ; 
-sesi  :  -ses  ;  -âti  :  -al  were  associated  with  those  of  -eti  :  -et  ; 
-set  :  ~st  ;  -aset  :  -ast  ;  -mesi  :  -mes  and  finally  with  that  of 
.  .  .  nti  :  .  .  .  ni,  etc.  and  thèse  variations  were  generalised  and 
worked  out  on  the  principle  of  establishing  a  certain  set  of 
shorter  endings  and  longer  ones,  which  would  interçhange 
irrespective  of  their  origin. 

Note.  —  We  may  ask  how  it  came  about  that  absolute  -u  and  -te  were  ' 
preserved  in  Irish.  I  suggest  that  as  soon  as  there  wâs  a  tetidency  to  dis- 
tribute  the  endings  according  to  the  new  principle,  i  of  the  most  of  the 
longer  endings  became  for  the  speaker  a  sort  of  particle  (so  it  was  most 
probably  regarded  in  the  case  of  1  pi.  -innii  :  *-tno).  As  soon  as  there  was  a 
tendency  to  regard  the  absolute  form  as  compounded  with  a  particle,  it 
was  quite  natural  to  form  the  absolute  1  sg.  -9  and  2  pi.  -te  -t-  some  now 
lost  particle. 

This  seems  the  more  probable  because  the  verbum  simplex  was  undoub- 
tedly  often  followed  bv  a  particle,  as  proved  by  the  use  of  suffixed  pro- 
noun  and  the  use  of  relative.  In  this  connection  I  should  perhaps  state 
that  the  Welsh  which  does  not  know  any  use  of  a  suffixed  pronoun  (except 
the  relative  copula  syid  which  is  really  a  spécial  case,  because  the  copula  is 
treated  as  if  it  were  a  preverb)has  notan}r  svstem  of  absolute  forms  (except 
for  the  3.  pers.  praes.)  and  in  the  majorlty  of  cases  the  verb  is  preceded 
by  a  particle,  i.  e.  it  becomes  a  dépendent  form. 

Considering  ail  this,  we  are  perhaps  not  justified  to  présuppose  for  the 
Brythonic  branch  the  same  elaborate  System  of  absolute  and  dépendent 
endings  except  for  the  3.  pers.  sing.  Probably  the  whole  Irish  system  is 
comparatively  récent  and  perhaps  the  interchange  of  -ifn  :  -u  is  rather  an 
archaic  feature.  As  regards  the  2nd.  asberi,  condaigi,  etc.,  they  may  be 
regarded  as  an  extension  oidognr,  iwraidi,  etc.  (cp.  Strachan,  VSR.  p.  lo). 

The  principle  of  interchange  of  longer  and  shorter  endings 

1.  This  is  especially  clear  in  the  case  of  the  2nd  pers.  sg.  conj.  berae 
which  remains  the  same  both  in  the  absolute  and  in  the  dépendent  in- 
flexion and  in  both  cases  goes  back  on  the  primary  form  *berâsi. 

2.  Moreover  there  were  probably  doublets  due  to  other  reasons,  especially 
the  3 .  sg.  aorist.  *karast  >•  *karass  u.  Ir.  car,  beside  the  later  form  *carasset 
(cpr.  Gaulish  legasit)  :  Ir.  carais,W.  curas. 


44  Josef  Baudis. 

was  obviously  a  rhythmical  one,  as  it  was  probably  the  prin- 
ciple  that  an  absolute  fonn  of  verb  could  be  followcd  by  an 
enelitic.  And  so  I  think  probable  that  for  the  Celtic  speaker  a 
longer  ending  was  équivalent  to  an  ending  -f-  enelitic. 

This  attempt  at  an  explanation  dispenses  with  the  necessity 
to  assume  that  a  longer  verb  required  a  shorter  ending  (cp. 
Gr.  tiôyjç,  âsixvjç).  Obviously  an  Irish  compound  verb  is  not 
a  longer  word  because  it  is  not  a  compound  at  ail  (e.  g.  do 
biur,  see  later);  the  question  was  not  the  length  of  the  verb, 
but  the  position  of  what  was  considered  an  enelitic  part  of 
the  tact. 

Note.  —  Having  abolished  the  original  différence  between  the  primary 
and  secondary  ending,  Celtic  created  new  temporel  secundaria  as  did,  for 
instance,  Latin.  Thèse  Celtic  secondary  tenses  were  originally  destined  to 
express  a  past  of  the  respective  tempus  basis,  viz.,  the  past  of  the  présent, 
of  the  subjunctive,  of  the  future  ;  the  past  or  the  subjunctive  or  of  the  future 
developed  then  also  a  certain  modal  meaning  (corresponding  partly  to  the 
Greek  optativus  potentialis  or  irrealis  :  E.  would  or  should).  Thèse  endings 
are  partly  différent  from  the  prim.  endings  and  they  are  partly  characte- 
rized  by  an  affixed  élément  (ZE.  426  :  Praeterea  tempora  secundaria  auctis 
utique  terminationibus  difterunt  ut  in  activi  T.  et  3  pers.  pi.  addito  -is.  .  .  .). 
From  thèse  the  singular  has  its  parallel  in  Brythonic  dialects  betfirin  cp. 
-Bret.  -enn  (2.  -.  Jha  W.  -ut  ?)  ;  3.  sg.  bered  cp.  W.  adwaenat,  gwyddiat. 
The  third  pers.  pi.  ended  probably  in  a  long  vowel,  as  it  is  proved  by  W. 
cerynt  <<*carontï,  consequently  Ir.  bertis  would  represent  an  older  beron- 
fi-s.  ...  It  is  difficult  to  say  whether  the  1.  and  2.  pers.  pi.  were  originally 
différent  from  the  absolute  endings  of  the  près.,  but  so  much  is  clear  that 
the)  were  (in  Ir.)  followed  by  an  élément.  If  the  2.  and  the  3.  pers.  sg. 
actually  go  back  to  Indo-Eur.  secondary  ending  of  médium  —  and  they  most 
likely  do  — ,  it  does  not  yet  follow  that  the  rest  must  go  back  to  médium 
as  well,  so  for  inst.  3  pi.  -nto,  though  it  is  possible  enough.  It  is  difficult  to 
say  whether  the  ending  -iun  Bret.  -enn  is  related  to  Skr.  -âni  Avest  -âni 
med.  -ênê,  yet  this  diffîculty  arises  from  the  gemination  of  the  nasal  and 
not  from  the  fact  that  -âni  is  a  subjunctive  ending  (for  it  could  hâve  ori- 
ginated  in  subjunctive). 

The  secondary  tenses  (imperf.  futurum  sec,  and  the  past 
subj.)  occur  only  dependently  and  consequently  there  is  no 
absolute  flexion. 

Beside  ail  thèse  endings  there  are  some  others  which  belong 
to  the  original  perfect  formation  :  the  yd  pers.  was  undoub- 


On  tht  charatteï  of  m  Ctïiic  kngùàgei.  45 

edly  -é  as  it  ta  proved  by  bote  ',  if  ît  toefe  *bhouet . . ,  the  -/ 
ending  would  hâve  been  pfeserved  (*bêrte,  teiié  analogical  ?). 
Beside  this  ending,  there  was  probably  in  some  forms  -ï  from 
med.  -ai  ;  cp.  W.  etwyn  Skr.  jajné.  Considering,  now,  that  the 
Indo-European  perfectsystem  was  apart  from  the  I.-Eur.  aor. 
près,  system,  there  was  no  possibility  of  variation  of  endings, 
and  consequently  there  was  no  starting  point  for  the  Celtic  to 
develope  a  double  set  of  the  endings  and  so  it  kept  some  traces 
of  the  original  perfect  (though  some  endings  were  changed 
e.  g.  2nd  sg.  *-asQJ). 

The  Irish  Perfects  comprise  some  ancient  Aorists  as  well 
viz.  forms  like  :  lu'd  fr.  *ludct.  Gk.  =Xu8s  ;  do-cer  fr.  *-kerât 
(Skr.  açarlt}  but  cp.  also  âçarait,  A.  V.,  which  would  point 
rather  to  an  original  ai-  Basis  !)  ;  bi  fr.  <<  *bîtQ).  Thèse 
forms  must  hâve  been  associated  with  the  perfect  either  so 
early  that  they  did  not  develop  any  absolute  forms  or  this 
association  is  of  a  later  date  (though  prehistoric),  and  the 
forms  gave  up  the  absol.  forms  so  far  they  were  developed. 

Consequently  we  arrive  at  the  following  resuit  :  The  inter- 
change between  the  absolute  and  dépendent  inflexion  affects 
the  tempora  derived  from  the  I.-Eur.  Près. -Aor.  system.  It 
is  due  to  a  rhythmical  tendency.  The  endings  themselves  are 
a  resuit  of  an  intricate  development  : 

In  the  près,  and  subjunctive  it  is  due  to  the  mixture  of  dif- 
férent endings  and  partly  to  the  agglutination  of  some  par- 
ticles;  in  the  3rd  pers.  pi.  près.  ind.  it  is  probably  due  to 
analogy.  In  the  preterite  the  starting  point  was  the  parallel 
existence  of  thematic  *karasset  beside  the  original  *karasi. 
This  différence  was  then  carried  out  by  means  of  agglutinated 
particles  (ï.  sg.  and  2.  pi.)  and  by  analogy  (2.  sg.,  1.  and 
3.  pi.).  In  Brythonic  there  are  no  traces  of  this  development, 
but  we  must  postulate  *carasset  :  *carass  from  *karast.  We  see 
that  the  Celtic  languages  worked  on  Indo-European  lines,  and 
we  must  regard  the  Protolrish  as  much  or  as  little  archaic  as 
Latin  or  Italie  dialects.  As  regards  the  changes  of  the  system, 
we  cannot  attribute  them  to  any  nonAryan  influences,  nor  is 
it  probable  that  the  Celtic  distribution  of  the  endings  repré- 
senta the  original  I.-Eur.  conditions. 


4e  Josef  Bau dis. 

NOTE<  —  I  hâve  left  out  the  déponent  forms,  e.  g.  -the  <*-thés  and  the 
passive  forms,  ail  of  which  prove  our  point  that  Celtic  preserved  some  old 
forms,  yet  developed  them  in  the  manner  of  Western  European  languages. 

(To  be  continued.') 

Josef  Baudis. 


LE 
GALLO-ROMAN    BALMA 


Balma  a  été  l'objet,  récemment,  avec  quelques  autres 
termes  désignant  des  cavités  (creux,  grottes,  cavernes,  antres) 
dans  les. dialectes  romans  de  la  région  des  Alpes,  d'une  étude 
très  approfondie  de  M.  Paul  Scheuermeier  \  L'auteur  y  fait 
preuve  d'une  science  étendue  de  son  sujet,  d'une  critique 
sagace  et  pénétrante.  Il  étudie  balma  à  tous  les  points  de 
vue  :  phonétique,  sens  divers,  étendue  dans  l'usage  actuel, 
d'après  les  dictionnaires,  d'après  les  noms  de  lieu  et  docu- 
ments, origine. 

Les  formes  variées  qu'a  prises  ce  mot  dans  la  zone  très 
étendue  où  on  le  trouve,  se  réduisent  à  deux  formes  primi- 
tives :  balma  et  bar  ma.  Il  se  trouve  sous  la  forme  balma  dans 
les  vallées  occidentales  de  la  Haute-Italie. 

Barma  est  d'un  emploi  général  dans  le  Valais.  Les  formes 
avec  r  au  lieu  de  /  sont  constatées  dans  le  territoire  alpestre  du 
canton  de  Vaud,  dans  la  vallée  de  Joux,  à  Genève,  en  Savoie, 
à  Grenoble,  dans  le  Lyonnais,  dans  les  Alpes  Cottiennes,  en 
Franche-Comté,  en  Piémont. 

Boni?,  boni  est  la  forme  la  plus  répandue  du  reste  du  terri- 
toire de  la  Suisse  française  et  de  la  France. 

Bâma,  bâm  est  en  usage  dans  le  Jura  bernois,  à  Neuenburg, 
dans  le  val  de  Travers,  dans  les  départements  voisins  du  Jura 
et   du  Doubs.    Ces   formes   ne   peuvent  remonter  à  barma. 

i.  Einige  Beqiéhungen  fur  Jeu  Begriff  Hôhle  in  den  romanischen  Alpen- 
dialekten.  Ein  wortgeschichtlicher  Beitrag  %um  Studium  der  Alpincn  Gelânde- 
ausdrûcke.  Halle,  1920  (Beihelfe  zur  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie. 
Heft  69). 


48  },Lolh, 

D'abord,  un  r  après  un  a  accentué  devant  une  labiale  ne 
peut  tomber  (dans  le  Jura  bernois,  barbà  donne  b§rb  ;  garba 
>»  d%erb  ;  arma  >  êrtn)  ;  ensuite  dans  cette  zone,  le  change- 
ment franco- provençal  de  /  en  r  n'a  pas  lieu.  Bâm(a)  remonte 
directement  à  balma. 

Toutes  ces  formes,  comme  aussi  les  formes  de  la  France 
méridionale  baumo-,  remontent  régulièrement  à  une  base 
commune  *balma  qui  est  aussi  celle  de  l'allemand  Bal  m. 

La  forme  française  a  évincé  à  peu  près  complètement  la 
forme  indigène  barma  dans  les  hautes  régions  de  la  Suisse 
franco-provençale  '. 

Le  document  le  plus  ancien  où  figure  balma  est  un  testa- 
ment écrit  en  721,  par  l'abbé  de  Flavigny  :  in  pago  Paulia- 
cinse  (sic),  Balma  et  Coniiciaco.  Le  pagus  Pauliacensis,  comme 
le  montre  le  contexte,  relève  de  Pauliacum,  aujourd'hui 
Pouilly-en-Auxois  (Côte-d'Or).  L'auteur  cite  plusieurs  autres 
documents  du  vme  et  du  IXe  siècle,  touchant  Balma.  Le 
nombre  pourrait  facilement  en  être  accru.  L'auteur  en  dégage 
des  conclusions  intéressantes  au  point  de  vue  historique  et 
linguistique,  confirmées  d'ailleurs  par  des  documents  his- 
toriques :  c'est  que  dans  les  premiers  siècles  du  Christianisme, 
des  ascètes  élevés  depuis  à  la  sainteté,  vivaient  dans  des 
grottes  où  ils  étaient  la  plupart  du  temps  enterrés  ;  que  ces 
grottes  étaient  souvent  utilisées  comme  demeures  par  des 
congrégations  monastiques  au  début  de  leur  formation,  et  que 
dans  la  suite,  de  grands  cloîtres  et  de  grandes  églises  s'élevaient 
dans  le  voisinage  de  ces  lieux  sacrés. 

Balma  présente  des  sens  extrêmement  variés  suivant  les 
époques  et  les  régions.  On  peut  les  ramener  à  trois  principaux. 

Le  sens  le  plus  ancien  est  clairement  celui  de  creux,  cavité. 
Non  seulement  c'est  celui  que  l'on  trouve  dans  les  documents 
les  plus  anciens  et  pendant  tout  le  moyen  âge,  mais  c'est 
encore  aujourd'hui  de  beaucoup  le  plus  répandu.  On  le  trouve 
même  au  figuré  par  exemple  dans  le  wallon  abaumé,  creux 
en  parlant  des  voix  ;  enterré,  sombre,  obscur. 

1.  Il  y  a  aussi  quelques  formes  isolées  où  on  a  n  au  lieu  de  m.  Il  se 
peut  qu'il  y  ait  là,  dit  l'auteur,  p.  7,  un  tait  de  dissimilation  (b-m  >  b-n), 
mais  il  peut  y  avoir  influence  d'un  autre  mot  (p.  19). 


Le  Gallo-Roman  BALMA,  49 

Un  second  sens  assez  répandu  est  celui  de  endroit  abrupt, 
pic.  Dans  le  Dauphiné  et  les  Vosges,  baume,  outre  le  sens  de 
caverne,  a  celui  de  rochers  abrupts.  Dans  les  Alpes  Cottiennes, 
balme  sert  à  distinguer  indifféremment  une  grotte  ou  un  rocher 
à  pic.  Dans  le  Lyonnais,  bôrma,  bar  ma  est  un  endroit  escarpé 
dès  le  xie  siècle  ;  bar  mat  est  un  relief  de  terrain.  A  Létra 
(Rhône)  barma  s'applique  à  un  talus  au  fond  d'un  champ  ; 
dans  le  Forez,  barmat,  bormat,  désigne  une  haie  formée  de 
gros  arbres. 

Enfin  balma  est  arrivé  à  qualifier  un  endroit  saillant.  Balma 
dans  certaines  régions  n'indique  plus  la  caverne,  mais  plutôt 
les  rochers  qui  la  forment  ou  la  surplombent.  Parfois  même 
il  n'y  a  pas  du  tout  de  grotte  ou  cavité. 

Les  grottes  ou  cavernes  ayant  souvent  servi  dans  les  pays  de 
montagnes  d'abri  pour  les  hommes  et  de  greniers  même  pour 
la  conservation  du  foin  et  du  blé,  les  constructions  qui  plus 
tard  ont  servi  aux  mêmes  usages,  ont  pris  le  même  nom. 
C'est  ainsi  qu'on  trouve  à  Lens  (V.)  barma  dans  le  sens 
d'étable  à  porc  dans  la  montagne,  etc. 

Scheuermeier  en  constatant  l'usage  actuel,  les  dictionnaires 
et  glossaires,  les  documents  et  noms  de  lieu,  a  pu  donner  une 
carte  du  domaine  géographique  le  plus  étendu  de  balma. 

Il  s'est  demandé  à  quel  peuple  il  faut  attribuer  ce  mot.  Il 
exclut  les  Rhètes,  balma  n'existant  nulle  part  dans  les  dialectes 
rhéto-romans.  Il  est  faux  que  balma  se  trouve  en  Engadine 
avec  le  sens  de  cavité  ;  faux  aussi  que  pal f en  soit  suisse  alle- 
mand. Les  noms  de  lieux  bavarois  et  tyroliens  Palva,  Palven, 
Palfen,  invoqués  pour  la  reconstitution  d'un  rhétique  Pal- 
(a)va  sont  en  territoire  aujourd'hui  allemand  et  y  ont  été 
apportés  par  les  Allemands.  Le  rapprochement  qu'on  a  voulu 
établir  entre  l'anglais  spelm  et  les  noms  de  montagne  français 
Pelvo,  Pelvé,  Pelvoux  dans  les  Alpes  occidentales,  est  impos- 
sible ;  car  dans  les  Alpes  Cottiennes,  le  changement  de  la 
voyelle  du  thème,  ainsi  que  l'évolution  de  -lin-  en  -Iv-, 
donnant  pelv-  pour  balm-,  est  impossible  phonétiquement. 

Un  mot  dont  le  domaine  comprend  toute  la  France,  la 
Haute-Italie  occidentale,  toute  la  Suisse  moins  la  Rhétie  et 
presque  tout  le  Tessin,  l'Allemagne  du  Sud  dans  une  zone  qui 

Revue  Celtique,  XXXIX.  4 


3o  /.  Loth. 

s'étend  au  nord  de  la  Rhétie,  depuis  les  Vosges  jusqu'à  l'inn, 
est  sans  doute,  conclut  l'auteur,  un  mot  gaulois. 

Au  point  de  vue  ethnographique  comme  au  point  de  vue 
linguistique,  les  formes  en  usage  dans  le  Tyrol  allemand  et 
la  Bavière,  Balfeu  et  Pal/en  au  lieu  de  Bahiicn  et  Palmcn, 
méritaient  l'attention  et  soulevaient  une  question  délicate  que 
l'auteur  me  paraît  avoir  résolue.  Dans  les  cantons  nords  de  la 
Suisse  allemande  et  au  sud  de  Bade,  les  deux  formes  balm- 
et  balb  s'emploient  l'une  pour  l'autre.  Or,  si  dans  l'allemand 
de  ce  pays  le  changement  de  -Ib  en  -lin  est  possible,  constaté 
même,  en  revanche  celui  de  -Un  en  -Ib  est  totalement  impos- 
sible. La  forme  balb-  est  constatée  dès  le  ixe  siècle.  L'auteur  en 
conclut  avec  raison,  que  les  formes  de  l'Allemagne  du  Sud 
en  -Ib-,  -If-  supposent  une  prononciation  *Balba  évoluée  de 
Balma,  en  usage  chez  les  populations  celtiques  de  cette  région 
quand  les  Allemands  y  pénétrèrent.  Il  s'ensuivrait  que  non 
seulement  les  moyennes  intervocaliques  bdg  étaient  spirantes  ', 
lors  de  la  conquête  romaine,  mais  même  que  m  et  sans  doute 
b  après  /  participaient  à  cette  évolution,  tout  au  moins  dans 
une  partie  du  domaine  celtique  continental.  C'est  à  tort 
que  pris  de  scrupules,  l'auteur  se  demande  si  cette  évo- 
lution ne  serait  pas  ligure,  à  cause  des  formes  Borm-  et  Borv- 
(Bormoni  et  Borvoni).  Les  formes  avec  -m-  appartiennent 
surtout  à  la  Provence.  Les  formes  avec  -v-  sont  prépon- 
dérantes de  beaucoup  dans  le  reste  de  la  France.  Il  remarque 
dans  l'Allemagne  du  Sud,  Borbetomagos,  Worms.  Le  change- 
ment de  -rm-  en  -rv-  est  commun  à  tout  le  groupe  brittonique, 
mais  on  ne  peut  l'établir  qu'à  une  époque  assez  récente  2. 
M.   d'Arbois  de  Jubainville  explique  Borvo-  par  un  change- 

i.  Cf.  Cibenna,  Cevenna  et  K:;j.;j.:vov  (Cemmenice  regio,  dans  Avienus, 
Ora  maritima,  622-625).  Pour"-,  cî.vertragus,  vertraha,  Mouno  (Dco  niouno) 
du  CIL.  VII,  997  et  Mogouno  CIL.  XIII,  5315.  Le  g  intervocalique  avait 
totalement  disparu  au  xie  siècle  (mao  =  mago  ;  sur  des  vases  gallo-romains 
d'Auvergne,  Riomarus  =  Rigomarus). 

2.  Les  formes  comme  Arcantodan  pour  Argatitodan,  Vcrcobretc  semble- 
raient indiquer  un  durcissement  de^,  /'après  r.  11  est  possible  qu'il  s'agisse 
d'une  prononciation  dialectale.  Peut-être  est-ce  une  première  étape  du 
groupe  -rg,  vers  -rch,  qui  se  constate  en  breton  et  en  comique.  Pour  carpen- 
ttim,  il  est  vrai,  cette  dernière  explication  ne  peut  être  invoquée. 


Le  Gallo-Roman  BALMÀ.  j  i 

nient  de  suffixe  dû  à  l'influence  d'un  thème  berv-  (variante 
*borv-)  qui  a  donné  l'irlandais  berbhaim,  je  bous;  gall.-bret. 
berwi,  bouillir  ;  lat.  ferveo.  Bormo-  serait  ligure.  On  vient 
de  voir  qu'il  s'agit  d'un  changement  phonétique  pur  en 
territoire  celtique.  De  même  Cebenna  serait  celtique  mais 
Kqj.jj.cvov,  ligure.  C'est  à  priori  très  invraisemblable.  Il  est 
plus  logique  de  supposer  une  évolution  de  /;  ou  m  en  v. 
Quant  à  l'objection  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville  contre 
l'évolution  en  gaulois  de  m  en  v,  tirée  des  formes  comme 
Rémi,  Cenomanni  où  m  est  conservée,  elle  ne  saurait  nous 
arrêter.  On  pourrait  aussi  bien  soutenir  que  le  changement  de 
m  intervocalique  en  v,  n'existait  pas  en  gallois  comme  en 
breton  au  xe  siècle  de  notre  ère.  Or,  il  est  admis  par  tous  les 
celtistes  que  ce  changement  est  antérieur  de  plusieurs  siècles 
à  l'époque  où  il  se  produit  dans  l'écriture,  et  remonte  tout 
au  moins  à  une  époque  où  les  voyelles  étaient  conservées, 
c'est-à-dire  au  plus  tard  au  vie-vne  siècle.  Il  y  a  d'ailleurs 
un  argument  décisif  en  faveur  de  l'origine  celtique  de  baliua. 
On  peut  considérer  balma  comme  formé  d'un  thème  bah 
avec  le  suffixe  -mo,  -ma,  bien  connu  dans  les  langues 
celtiques  ;  on  trouve  ce  suffixe  avec  des  thèmes  mono- 
syllabiques terminés  par  une  voyelle  ou  une  consonne,  par 
exemple-r  '.  Or  bal-  se  retrouve  dans  le  comique  bal  très 
usité  dans  toute  la  région  des  mines  d'étain  du  Cornwall  dans 
le  sens  de  mine.  UEnglish  dialectal  Diclionary  de  Wright,  le 
donne  comme  propre  au  Cornwall,  ainsi  que  tous  les 
glossaires  de  ce  pays  -.  Au  cours  d'un  séjour  en  191 1  dans 
la  paroisse  très  riche  en  mines  d'étain  de  S'  Just-in-Penwith, 
près  du  cap  Lands'End,  j'ai  constaté  que  les  mines  étaient 
couramment  appelées  bal.  On  trouve  le  mot  plusieurs  fois 
dans  le  cadastre  de  cette  paroisse  toujours  en  rapport  avec 
une  mine  :  Haie  Bal  3  ;  Park  an  Bal,  le  champ  de  la  mine  ; 

1.  Cf.  Holger  Pedersen,  Vergl.  Gr.  der  kelt.  Spr.,  II,  p.  60. 

2.  Iago,  Glossary  of the  cornish  Dialect,  p.  ni  ;  il  cite  aussi  balmaid,  bal- 
girl,  fille  qui  travaille  à  la  surface  d'une  mine.  —  Miss  M.  A.  Courtnev, 
Glossary  of  words  in  use  in  Cornwall,  1880,  p.  }  :  bal,  a  mine  ;  bal-girl.  — 
Thomas  Q..  Couch,  East  Conituall  words,  p.  76  ;  cf.  Journal  of  the  Royal 
Institulc  of  Cornwall,  1864,  III,  47. 

3.  Haï  a  tous  les  sens  de  l'anglais  moor. 


j.  totk 

Zazou  a  Bal,  la  daVeitae  de  Fa  mine.  Zawn-,  gallois  safti,  bouche 
indique  des  grottes  ou  cavernes;  il  s'agit  ici  d'une  grotte 
sous  une  mine  d'étain  qui  s'avance  quelque  peu  sous  le  rivage. 

On  a  voulu  voir  dans  bal  une  forme  évoluée  de  pal,  bêche, 
dans  toutes  les  langues  brittoniques,  comique,  gallois,  breton. 
Pal  est  féminin  de  sorte  que,  suivant  une  loi  phonétique 
commune  à  toutes  les  langues,  précédé  de  l'article, pal  devient 
bal  ;  on  aurait  en  comique,  an  bal.  Mais  le  mot  se  trouve 
fréquemment,  indépendamment  de  l'article  sous  la  forme 
bal,  dans  des  noms  de  champ  et  dans  des  noms  de  paroisse 
comme  Baldue  {due,  noir)  '.  Or  le  sens  de  mine  est  un  de  ceux 
qui  ont  été  relevés  pour  bahua.  Beaume,  en  pays  wallon,  a 
le  sens  de  trou  de  mine  pénétrant  obliquement  dans  le  sol  2.  Mon 
collègue,  M.  A.  Thomas,  a  relevé  bal  ma,  avec  le  sens  de  mine 
dans  une  charte  latine  de  1266,  du  cartulaire  de  l'abbaye  de 
Silvanès,  en  Rouergue  3. 

Il  me  paraît  certain  que  bal,  avec  un  sens  analogue  à  un 
des  sens  primitifs  de  balma,  se  retrouve  dans  un  nom  de  lieu 
qui  figure  dans  une  charte  de  848-849,  du  cartulaire  de  Redon  : 
Bal-rit,  qui,  comme  je  vais  le  montrer,  doit  vraisemblable- 
ment être  lu  Bal-ruit.  Il  résulte  du  contexte  que  Balrit  était 
dans  la  paroisse  de  Bain,  aujourd'hui  Bains-de-Redon,  et 
que  c'était  une  sorte  de  port  ou  d'anse  sur  l'Out,  affluent  de 
la  Vilaine,  écrit  aujourd'hui  malencontreusement  Oust.  En 
effet,  la  charte  a  pour  objet  d'examiner  le  bien  fondé  d'une 
réclamation  de  deux  moines  du  monastère  de  Ballon,  deman- 
dant à  percevoir  une  part  des  droits  prélevés  à  Balrit  sur  les 
bateaux  et  les  commerçants.  L'éditeur  du  cartulaire  de  Redon, 
M.  de  Courson,  n'a  pu  identifier  Balrit  avec  aucun  nom  de 
lieu  actuel  en  Bains  ;  j'ai  été  plus  heureux,  mais  non  sans  de 
laborieuses  investigations.  Le  cas  vaut  la  peine  d'être  exposé, 
car  il  prouve  combien  il  faut  être  circonspect  en  pareille 
matière,  surtout  si  on  est  obligé  à  une  enquête  à  distance. 
Balrit  me  ménageait  de  singulières  surprises. 

1.  Williams,  qui  a  adopté  cette  étymologie  impossible,  l'oublie  au  mot 
pal,  dont  il  fait  cette  fois  un  masculin  !  (Lexicon  comte,  brit.  à  bal  et  pal.) 

2.  Scheuermeier,  p.  12. 

3.  P.  A.  Verlaguet,  Cart.,  pp.  446-44,  Rodez,  1910. 


Le  Gallo-Roman  BALMA.  53 

Bains  au  IXe  siècle  était  bilingue  ;  on  y  parlait  couram- 
ment breton  et  roman.  Or,  pour  des  raisons  que  j'ai  exposées 
dans  mon  travail  sur  Les  langues  romane  et  bretonne,  en  Arnio- 
rique,  le  breton  disparut  de  très  bonne  heure  dans  la  région 
de  Bains,  probablement  vers  le  xi-xne  siècle.  Supposant 
sincère  la  forme  Balrit,  je  conclus  logiquement  qu'après  avoir 
été  Balret  au  xe  siècle,  1  bref  se  confondant  avec  ë  bref  en 
breton  dès  le  ixe-xc  siècle,  ce  nom  avait  dû  évoluer  ensuite 
suivant  les  lois  de  la  phonétique  française  ;  il  avait  dû  se 
vocaliser,  comme  dans  toi-  pont  devenu  Taupont  (Morbihan), 
tandis  qu'en  breton  /  ne  se  vocalise  que  devant  /  ou  d  et  cela 
au  xme  siècle.  La  forme  -rit,  -ret  ne  pouvait  être  suspectée,  rit 
(jet)  étant  bien  connu  dans  toutes  les  langues  brittoniques  dans 
le  sens  de  gué  (gaulois  Augustorituni).  Logiquement  si  le  nom 
avait  persisté,  on  devait  le  retrouver  sous  la  forme  Bauré. 
J'écrivis  à  tout  hasard  à  l'instituteur  public  de  Bains  lui 
demandant  s'il  n'y  aurait  pas  un  endroit  du  nom  de  Bauré- 
sur-1'Out,  dans  la  commune  de  Bains  et  le  priant,  au  cas  où 
ma  supposition  serait  fondée,  de  me  le  décrire  sommaire- 
ment. Ce  fut  une  institutrice,  Mlle  Collin,  qui  fort  obligeam- 
ment me  répondit  que  Bauré  est  une  anse  de  100  mètres  de 
large  sur  l'Out,  avec  de  beaux  rochers  et  un  écho  très  fort  ; 
qu'il  y  avait  là  un  beau  panorama  ;  que  c'était  un  lieu  de 
promenade  favori  des  Redonnais,  si  bien  qu'un  petit  bateau 
à  vapeur  faisait  le  service  le  dimanche  entre  Redon  et  Bauré. 

Comme  j'avais  entendu  dire  vaguement  qu'on  avait  décou- 
vert des  traces  démines  exploitées  à  une  époque  fort  ancienne 
dans  cette  région  et  qu'il  n'était  pas  inutile  de  m'en  assurer 
.pour  préciser  le  sens  de  bal-,  je  m'adressais  à  l'homme  qui 
connaît  le  mieux  les  ressources  minières  de  la  Bretagne,  mon 
collègue  M.  Kerforn  de  la  Faculté  des  Sciences  de  Rennes. 
Il  me  répondit  qu'il  ne  connaissait  pas  de  Beauré-en-Bains, 
mais  qu'il  y  avait  un  Beauroc,  Beauro  sur  Ja  rive  droite  de 
l'Out,  vers  Saint-Perreux  (Morbihan)  et  qu'on  y  avait  trouvé 
dans  les  sables  des  parcelles  d'or.  Pris  de  scrupule,  je  m'in- 
formai de  Beauroc,  Beauro  auprès  de  Mlle  Collin.  En  réponse 
elle  m'envoya  un  relevé  avec  plan  du  cadastre  des  rochers  de 
Beauroc  ;   ces!  ainsi,   m'écrivait-elle,   que  ce   mot  est  écrit.   Il 


54  /•  Loth. 

résulte  du  plan,  comme  de  la  description  qu'elle  m'en  donnait, 
que  les  rochers  surplomblent  la  rivière  d'au  moins  20  à 
25  mètres  sur  une  assez  grande  longueur.  Persuadé  que  ma 
correspondante,  qui  d'après  sa  première  lettre  était  une  nou- 
velle venue  dans  le  pays,  devait  tenir  sa  première  information 
sur  Bauré,  prononcé  vraisemblablement  Borô  de  gens  du  peuple 
et  que  Beauroc  était  dû  à  une  fausse  étymologie  amenée 
par  les  beaux  rochers  en  question,  je  lui  demandai  pourquoi 
elle  ne  m'avait  dit  mot  de  Beanroc.  Voici  sa  réponse  :  «  Si  je 
vous  ai  parlé  d'abord  de  Bauré,  c'est  que  je  m'étais  renseignée 
près  de  la  population.  Sur  le  cadastre  il  y  a  écrit  Beanroc  ; 
c'est  le  nom  que  l'on  donne  aux  rochers  et  qui  se  prononce 
Beauro.  Maintenant  Bonrren,  c'est  ainsi  qu'il  est  encore  écrit 
sur  le  plan  cadastral,  comprend  les  marais  situés  aux  alen- 
tours de  Beauroc.  Les  gens  du  pays  disent  donc  Beauro  pour 
Beanroc  et  Bonrren  sans  presque  prononcer  Vu  final.  » 

Il  me  parut  dès  lors  probable  que  Beauro  et  Boureu  devaient 
désigner  un  seul  et  même  lieu  et  pouvaient,  en  faisant  la  part 
de  la  fausse  étymologie  pour  Beauroc,  se  ramener  à  Beauret= 
Baliet,  Balrit.  Néanmoins,  par  l'intermédiaire  de  M.  Pocquet 
du  Haut-Jussé,  je  m'enquis  auprès  de  M.  Bourde  de  la  Roge- 
rie,  archiviste  dllle-et-Vilaine,  des  formes  que  les  archives 
pouvaient  nous  révéler  à  une  époque  antérieure  pour  Beau  ré, 
Boureu.  Voici  le  relevé  que  je  dois  à  ses  obligeantes 
recherches  : 

Archives  d'Ille-et- Vilaine  : 

H.   6  bis.  Aveu   de  l'abbé  Scotti,  le  8  juin  1580,   f°  102. 

Rentes  sur  une  écluse  appelée  la  Beaurouie sur  une  autre 

écluse  «  souz  le  rocher  de  Baurouet. 

H.  7.  Aveu  de  l'abbé  de  Choiseul,  24  décembre  1677,  f° 
12  :  L'écluse  Bourouet. 

H.  86.  Table  des  fiefs  (écrite  au  xvne  siècle  d'après  un 
rentier  de  1448)  :  Baurouet. 

H.  86.  Aveu  à  l'abbaye,  13  avril  1731,  pour  une  terre 
jouxtant  «  aux  fausses  de  Beauroué  ». 

La  forme  du  xve-xvie  siècle  Baurouet  est  évidemment  sjn- 


Le  Gallo-Roman  BALMA.  55 

cère.  Devenu  Bauroué,  elle  a  régulièrement  évolué  en  Baureu, 
Boitreu  (Boniô,  BorÔ)1.  G.  Dottin  qui  a  étudié  spécialement 
le  patois  de  Pléchatel  (Ille-et- Vilaine),  me  signale  comme 
exemple  fort  répandu  de  wé  en  ô  :  krô  pour  croix.  Pour  rô,  il 
y  aurait  rô,  roue.  On  a  ô  pour  le  français  ui  :  lies,  kôs,  cuisse  ; 
and,  anuit  ;  kôr,  cuire.  Beauro  peut  à  la  rigueur  s'expliquer 
comme  doublet  de  prononciation  de  Bord.  Cependant  on  le 
trouve  assez  anciennement  ;  M.  de  Laigue,  dans  son  livre  sur 
La  noblesse  bretonne  au  xve  et  xvie  siècle,  tome  I,  donne 
Bouro  en  Saint-Vincent,  en  1536  et  Boro,  en  15 14.  Or  les 
marais  que  me  signalait  MIle  Collin  sous  le  nom  de  Boureu 
s'étendent,  d'après  elle,  vers  Saint-Vincent.  Me  rappelant 
qu'il  y  avait  un  autre  Beanroc  en  Saint-Congard  (Morbihan), 
dans  une  région  assez  peu  éloignée  et  ayant  eu  des  destinées 
linguistiques  analogues,  je  m'enquis  de  la  prononciation  de 
Beanroc  et  de  sa  situation,  cette  fois,  pour  éviter  une  erreur 
dans  la  personne,  auprès  du  curé  de  la  paroisse.  J'appris  par 
lui  que,  illettrés  comme  lettrés,  prononcent  Beauro  comme  s'il 
y  avait  accent  grave  sur  0,  que  Beauro  est  sur  une  des  coupures 
de  la  chaîne  de  collines  de  Malestroit,  juste  au  sud  du  bourg 
de  Saint-Congard,  et  surplombe  en  la  suivant  la  rivière  de 
l'Out. 

S'il  peut  rester  quelques  doutes  sur  l'origine  de  Beauro,  au 
moins  quant  à  la  prononciation,  il  est  en  revanche  certain 
que  Baurouet  en  Bains,  comme  situation,  représente  Balrit  et 
que  Balrit  est  une  faute  de  copiste  pour  Balruit.  La  confu- 
sion entre  i  et  ui,  est  loin  d'être  sans  exemple  dans  les  manu- 
scrits brittoniques  du  ixe-xe  siècle  ;  bit  est  pour  huit  dans  les 
gloses  à  Juvencus  (ms.  du  ixe  siècle)  ;  iechuit  doit  être  lue 
iechit  dans  l'Oxoniensis  prior  (même  époque)  2.  En  revanche, 
catalrid  dans  le  ms.  breton  de  Luxembourg,  est  à  lire  catalruid, 
gl.  avelloso  (cf.  catol  gl.  avelloso).  Le  Vocabularium  Cornicum, 
manuscrit  du  xiie-xme  siècle,  mais  qui  reproduit  sûrement 
un  texte  du  xie  siècle,  nous  donne  -rid  dans  bcnenrid  femina, 

1.  La  remarque  de  M1Ie  Collin  que  u  dans  Boureu  ne  se  prononce 
presque  pas  ferait  supposer  une  prononciation  BurÔW. 

2.  La  diphtongue  uine  produit  pas  infection  :  si  ui  était  sincère  on  eût 
eu  iachuit. 


56  /.  Loth. 

et  -niid  dans  gurruid  mas  1.  masculus.  Quelle  que  soit  la 
forme  que  l'on  doive  préférer,  il  y  a  en  tout  cas  confusion 
entre  ui  et  i  '.  Pour  le  sens  de  -mit,  -rouet,  cf.  Guen  -rouet2, 
commune  de  l'arrondissement  de  Saint-Nazaire,  sur  la  rivière 
L'Isac.  Ruit,  gall.  rhwyd,  breton  roued  est  emprunté  au  latin 
.rête,  filets,  et  doit  indiquer  un  barrage  sur  une  rivière. 

Le  sens  de  bal-  dans  Balruit,  Baurouet  est  celui  de  baume 
dans  la  Bresse  Louhannaise  :  bord  abrupt  d'une  rivière  ;  en 
montagne  :  rochers  abrupts  ;  au  xvne  siècle,  barmatà  a  le  sens 
de  suivre  les  bannes  d'une  rivière.  Cotgrave  donne  zbarme  le 
sens  de  :  the  bank  of  a  river,  la  berge  d'une  rivière. 

Bal  paraît  aussi  dans  les  noms  de  lieu  du  pays  de  Galles. 
D'après  les  dictionnaires,  il  aurait  le  sens  de  pic  d'une  colline. 
Il  faudrait  étudier  la  situation  des  lieux,  qui  portent  ce  nom 
pour  pouvoir  se  prononcer. 

En  Irlande,  comme  en  Ecosse,  bail,  baile  entrent  en  compo- 
sition de  nombreux  noms  de  lieu,  et  sont  connus  dans  le 
sens  de  lieu,  demeure,  bourgade,  ville.  J'avais  supposé  que  c'é- 
tait un  souvenir  de  l'époque  préhistorique  et  que  *bali  \ 
billion,  forme  vieille-celtique  de  bail,  baile,  avait  le  même 
thème  que  balina.  C'était  un  souvenir  de  l'époque  où  on 
habitait  dans  des  cavernes,  grottes  naturelles  ou  artificielles,  et 
à  une  époque  plus  récente,  à  l'époque  néolithique  et  même 
en  territoire  celtique,  d'après  Déchelette,  en  pleine  époque 
du  fer,  dans  des  chaumières  à  demi  enfouies  dans  le  sol. 


i .  La  forme  du  "comique  moyen  est  gorrytb,  mâle,  homme,  opposé  à 
benen  (O.  M.  2837  ;  R.  D.  420)  ;  y  représente  1  long.  Il  me  parait  certain 
qu'il  faut  voir  dans  -rid  :  rith,  forme  :  gur-rith,  signifie  :  masculin,  qui  a  la 
forme  d'un  homme  ;  benen-rith,  féminin,  qui  a  la  forme  de  femme.  Cf. 
pour  le  sens  le  gall.  gur-ryw,  comique  gorrow. 

2.  En  1090  on  a  Guenruth  :  il  est  évident  que  le  scribe  a  mal  lu  et  avait 
sous  les  yeux  Guen-ruit  ;  Genrut,  en  1094,  est  une  mauvaise  transcription 
de  Guenruth.  La  forme  évoluée  de  Guenruit  est,  en  1672,  Guerroit  :  cf. 
Gtierran,  v.  bret.  Wenran,  fâcheusement  écrit  Gnérande.  En  1287,  je 
relève  la  forme  Guenreth.  On  pourrait  supposer  qu'on  a  ici  -ret  (rit),  gué, 
bien  connu  en  pays  bretonnant  (cf.  Perret.  Côtes-du-Nord,  ancien  évèché 
de  Vannes,  au  »ie  siècle  Pcn-ret).  Mais  le  //;  m'incline  à  penser  que  le 
scribe  a  encore  ici  mal  lu. 

3.  Bail  est  neutre  en  Ecosse,  mapprendM.  Francis  C.  Diack. 


Le  Gallo-Roman  BALMA.  57 

Mon  savant  collaborateur,  Vendryes,  m'apprend  'que  les 
linguistes  Scandinaves  Falk  et  Hoxn(Worhchat{  der  german. 
Spracheinheit  et  Norwegisch-dânisches  Etym.  WôrtS)  ont 
rapproché  l'irl.  baile  d'un  germanique  primitif  *bôla-  '  dési- 
gnant la  demeure  de  l'homme  et  des  animaux.  Le  sens  pri- 
mitif a  varié  ;  en  norvégien  bal  signifie  nid  et  aussi  habitation 
Le  primitif  germanique  a  été  rapproché  de  çcoasôç.  Notre 
collaborateur,  M.  Francis  C.  Diack,  qui  connaît  à  fond  la 
toponomastique  celtique  de  l'Ecosse,  me  fait  à  ce  sujet  l'inté- 
ressante remarque  que  dans  le  Pictland  d'Ecosse,  les  souter- 
rains ont  été  utilisés  comme  demeures  jusqu'à  l'époque 
romaine  et  qu'il  y  en  a  encore  un  bon  nombre  de  bien  con- 
servés dans  le  comté  d'Aberdeen  2. 

Le  sens  de  bourgade,  agglomération,  ville  pour  baile  est  facile 
à  expliquer.  Les  chaumières,  même  à  l'époque  néolithique  et 
naturellement  aux  époques  postérieures,  étaient  généralement 
groupées  et  souvent  protégées  par  une  enceinte  plus  ou 
moins  fortifiée.  Si*ba[io-n  indiquait  une  demeure  particulière, 
le  pluriel  neutre  *ba[ia,  qui  aboutit  également  à  baile,  a  dû 
désigner  l'agglomération  ;  d'où  pour  baile,  les  deux  sens 
demeure,  maison  et  bourgade,  ville. 

Il  est  remarquable  que  dans  un  poème  du  xne  siècle  (Skene, 
Four  anc.  Books,  II,  p.  57),  un  héros  gallois  Ugnach  invitant 
le  barde-guerrier  Taliessin  à  l'accompagner  chez  lui,  emploie 
le  mot  tino  (tynd)  pour  désigner  sa  demeure.  Or  tyno, 
breton-moyen  tnou,  indique  un  wallon  encaissé,  probablement 
d'abord  un  creux5. 

Quoiqu'il  en  soit,  l'existence  du  thème  de  balma,  bal  en 
comique,  en  armoricain,  en  irlandais,  avec  un  sens  voisin  du 

1.  Mac  Bain,  dans  son  Gaelic  Dict.,  a  rapproché  baile  du  norrois  bol, 
mais  en  a  donné  une  étymologie  impossible. 

2.  Pour  l'importance  des  habitations  souterraines,  Vendryes  me  signale 
l'article  Unterirdische  IVohnungen  de  Schrader,  Reallexicon  et  Evans,  Cretan 
caves  and bypoaethral  sanctaaries  (Journ.  of  hell.  Stud.,  XXI,  1901,  p.  99). 
Comme  composé  de  bal  en  second  terme,  Francis  C.  Diack  nie  signale 
Conbhal  et  Muchal,  en  1268  mukual  (niùchan,  d'après  Joyce,  quagmire, 
morass). 

3.  Ce  mot  a-t-il  quelque  rapport  avec  le  gallo-roman  *tana,  terrier, 
trou,  abri  sous  roche,  grotte  ?Sur  *tana,  voir  Scheuermeier,  p.  84  et  suiv. 


5  8  /.  Lolh. 

sens  primitif,  suffit  à  prouver,  sans  conteste,  son  origine  cel- 
tique. 

Il  est  grandement  à  souhaiter  que  des  monographies  comme 
celles  de  M.  Scheuermeier  se  multiplient.  La  toponomas- 
tique  des  pays  gallo-romans  présente  un  terrain  de  recherches 
très  variées  qui  peuvent  donner  des  résultats  de  grande 
importance,  non  seulement  au  point  de  vue  linguistique  et 
sémantique,  mais  encore  au  point  de  vue  historique  et 
ethnographique.  Elle  soulève  de  nombreux  problèmes  fort 
complexes  et  que  les  efforts  combinés  des  celtistes  et  des 
romanistes  auront  souvent  peine  à  résoudre. 

J.  Loth. 


NOTES 
ÉTYMOLOGIQUES    ET    LEXICOGRAPHIQUES 

{suite) 


202.  Gallois  GORUGAW. 

Je  n'ai  trouvé  ce  mot  que  dans  Iolo  Goch,  p.  431.  Il  décrit 
sa  barbe  rude  qui  a  fait  fuir  une  jeune  fille  : 

llym  a  glew  yw  pob  blewyn 
grue  del  yngorugaw  dyn 

«  pointu  et  dur  est  chaque  poil,  comme  l'ajonc  déchirant  une 
personne  ». 

Il  me  paraît  très  probable  qu'il  faut  y  voir  *uo  -f  ruk  = 
*roik,  variante  de  reik  bien  connu  par  rhwygo,  bret.  moy. 
roegajf. 

203.  Irl.  moy.  an-foss,  mouvement  incessant,  turbulence; 

gall.  ANWAS,  ANGKYWAS. 

L'expression  angkywas galon  (M .  A.  2 1 2 , 2),  «  qui  ne  reste  pas 
avec  les  ennemis  (en  paix)  »  est  une  épithète  laudative  de 
Llywelyn  aplorwerth. 

Aniuas  par  une  fausse  étymologie,  est  traduit  dans  le  dic- 
tionnaire de  S.  Evans  par  «  lâche,  non  vaillant  »  ;  ce  qui  est, 
de  plus,  contraire  à  l'emploi  de  gwas;  on  oppose  chez  les 
poètes  gwr  «  homme,  guerrier  »  à  gwas  «  jeune  homme,  ser- 
viteur ».Les  deux  exemples  que  cite  Evans  ne  s'accommodent 
pas  de  ce  sens  : 

oet  anwas  cas  ead  ehorih  «  il  était  sans  trêve  désagréable, 
diligent  au  combat  » 

anwas  ry  gallas  pan  rygolled  «  il  s'en  alla  (mourut)  toujours 
sans  repos  quand  on  le  perdit  »T 


éo  ].  Loth. 

Cf.  le  nom  propre  Alignas  Edeinaïuc  L.  N.  51,  23.  C'est  un 
vaillant  guerrier.  Le  sens  est  indiqué  par  Edeinawc  «  l'ailé  ». 

Pour  le  sens  de  gwas,  cf.  : 

gwr yn  oed gzuas  (M.  A.  217,  2)  «  c'était  un  homme  à  l'âge 
d'un  adolescent  ». 

gredyf  gwr  oed  gwas  (L.A.  62,1)  «  tempérament  d'homme, 
âge  d'adolescent  ».  angkywas  indique  l'existence  d'une  forme 
*kywas  de  *com-uosta-  qu'il  faut  rapprocher  de  l'irl.  moy. 
cobsaid  stable,  ferme. 

204.  V.  Gallois  franc. 

Le  mot  se  rencontre  dans  : 

mi  telu  nit  gurmaur 

mi  am  franc  dam  an  calaur  (F.A.B.,  p.  2) 

«  ma  famille  n'est  pas  grande  ;   moi  et  mon  Franc  autour  de 
notre  chaudron  » . 

mi  am  franc  dam  am  patel 

«  moi  et  mon  Franc  autour  de  notre  plat  »  . 

Cf.  irl.  moy.  franc  amus  «  soldat  mercenaire  »  (Rev.  Celt., 
XIV,  443). 

205.  Irl.  dogar,  dogra  ;  gall.  dyar,  gorddyar. 

Ce  mot  est  bien  connu  surtout  en  poésie  ;  il  a  le  sens  de 
«  bruit  (de  voix,  de  chants),  gazouillement  d'oiseaux,  tapage  ». 
Il  est  à  la  fois  substantif  et  adjectif. 

dyar  adar  (L.N.  1 1,  26)  «  Les  oiseaux  sont  bruyants  » . 

lleis  adar,  dyar  eu  grid  (L.  N.  33,  I9)«  la  voix  des  oiseaux, 
au  cri  perçant  ».  Le  mot  est  composé  de  do  -f-  gar-  : 

Catbl  0  ar  adar  (M.  A.  143, 1)  léchant  des  oiseaux  bruyants. 

gorddyar  «  grand  bruit  »;  gorddyar  y  gwynt  (M.  A.  880,  2) 
«  le  fracas  du  vent  ». 

ton-iar  «  bruit  des  flots  »,irl.  tond-gar. 

Il  y  a  un  autre  dyar,  qui  désigne  la  «  tristesse  »  :  dial  dyar 
(Cynddelw),  llafn  dyar  (Gwalchmai). 

Le  second  sens  est  évident  dans  ces  passages  : 

pymhettyd  defnyd  dyar 


Noies  étymologiques  et  lexicographiqiies  t  éi 

«■  le  5e  jour,  motif  de  tristesse  »  (signes  précurseurs  du  juge- 
ment chez  S.  Evans). 

wythfed  dydd  dybydd  dyar 

«  le  8e  jour  viendra  tristesse  (ou  lamentation)  ». 

eglwysseu  Bassa  ynt  baruar  (L.R.  285,  5) 
heno  a  minneu  wyf  dyar 

«  Les  églises  de  Bassa  sont  charbons  ardents  ce  soir,  et  moi 
je  suis  triste  ». 

Le  composé  prend  son  sens  péjoratif  de  do-  ;  le  second  terme 
est  gar  «  cri  »,  «  bruit  »,  comme  le  montre  d'ailleurs  le 
substantil  irlandais  dograi.  «  lamentation  »,  et  l'adjectif  dogar 
«  triste»  (Lecan  Gl.121). 

206.  Irl.    GLÉINEACH  ;  gall.  TRYLWYN. 

L'adjectif  trylwyn  veut  dire  «  brillant  »  : 

Daiun  yssym  yn  yawn  yn  dyn  ethrylith 
a  trylwyn  bwy  II  ad  eu  M.  A.  231,   1 

«  J'ai  nettement  le  talent  d'un  lettré  et  des  pensées  très 
brillantes  ». 

Cf.  irl.  gléineach  «  distinct,  clair  »  =  *gleinako-  ;  try-lwyn 
=  *tri-gleino-. 

207.  Gall.  moy.  gwreith. 

Le  mot  est  attesté  dans  les  passages  suivants  : 

Brys  y  g  gwrys   yn  efnys  ovyn  wreith   (M.  A.   157,  1) 

«  Il  se  hâte  dans  le  combat,  dans  l'œuvre  hostile  de  crainte». 

dremrut prut  preityawr  rzay  can  wreith  (id.). 

gwreith' est  connu  par  ailleurs  comme  3e  pers.  sg.  du  parfait 
passif;  ici  c'est  un  substantif.  De  même  dans  ce  passage  du 
du  Livre  d'Aneurin  (106,4)  : 

Enuir  ith  elwir  od  gwir  guereit 
Rector  liuidur  mur  pob  kyvyeith 


62  }.  Loih. 

«  On  t'appellera  très  loyal  d'après  ton  œuvre  loyale,  régu-' 
lateur,  conducteur  sûr  de  tout  compatriote  ». 

Comme  le  fait  remarquer  J.  Morris  Jones,  guereit  doit  être 
pour  gureiih,  le  mot  rimant  avec  kyvyeith.  Le  passage  corres- 
pondant du  Gododin  (L.A.  82,  io)est: 

Kywir  yth  elivir  oth  enwir  weithret 
Ractaf  rwyvyadur  mur  calvilet. 
Gwraith  =  *urektu-. 

208.    Gallois  RHYS,  RHYSEDD,    RHYSW'R,  KYWRYS. 

Le  sens  de  ces  mots  est  fixé  par  les  exemples  suivants  : 
cyuirys  am  vwyd,  carant  am  ovid  (M.   A.  842,  2) 
«  en  discorde  pour  la  nourriture,  amis  pour  la  souffrance  » 
gwell  dyhuddo  no  rhysscdda  (M.  A.  847,  2) 

«  mieux  vaut  apaiser  que  quereller  ». 

Dans  le  Hanes  Gruffudd  ab  Cynan,  Arthur  est  qualifié  de 
rhyswr  honeit  (M. A.  725,  2)  «  guerrier  célèbre  ».  Dans  un 
poème  de  Cynddelw  kywryssed  est  nettement  distinct  de 
rysswr  »  guerrier  ». 

nit  kywreint  y  neb   kywryssed  am  rwyl  (M.    A.    175,    1    et  2) 
«  il  n'est  habile  à  personne  d'entrer  en  conflit  avec  mon  filet» 

(cf.  pour  rwyd  : 

dethohis  vy  rwyfyn  rwyl  rad  wasgar  (M. A.  176,  2). 
«  j'ai  choisi  mon  chef  comme  filet  dispensateur  de  grâces  »).. 

lyssiliàw  tervyn  gywryssed  (M.  A.  177,  2) 

«  Tyssilio  terme  (borne  qui  arrête)  des  conflits  ». 

Pour  la  mutation  sonore  du  génitif,  cf.  thervyn  gyivlat. 

Pour  kywryssed,  v.amrysson  ;  irl.  imresan. 

La  forme  ryse  est  à  prendre  en  considération  pour  rhysedd: 

gnawd  gwedi  rhyserch  ryse  (M.  A.  149,  2). 

«  C'est  chose  habituelle  qu'après  amour  excessif  il  y  a 
querelle  ». 

Le  breton  moyen  rese%  a  le  sens  de  conflit  (Cf.  J.  Loth,  R.  C. 
XXXII,  27). 


Motes  étymologiques  et  lexicographiques.  63 

209.  Gall.  ADIAN. 

adian  est  traduit  par  «  postérité,  descendance  ». 
(O.  Pughe,  John  Davies,  S.  Evans).  Un  exemple  d'un  poète 
du  xne  s.  paraît  confirmer  cesens  (M.  A.  145,  1)  : 

ardwyreaf  hael  0  hil  Grufud 
0  adian  Cynan  cynwydiawn  ud 

«  j'exalterai  le  généreux  de  la  race  deGrufîudd,  de  la  postérité 
de  Cynan,  seigneur  de  Cynwyd  ». 

addian  doit  être  rapproché  de  an-iàn  «  nature  »,  haut- 
vann.  agnen,  de  *andi-gannâ  (Pedersen,  V.  Gr.  I.  538).  adian 
suppose  ate-gannâ.  La  valeur  de  i  sortant  d'une  consonne  g 
est  attestée  par  l'absence  d'infection  dans  la  syllabe  précé- 
dente. 

210.  Gall.  moy.ELLWNG. 

Ce  mot  a  habituellement  le  sens  de  «  lâcher  »,  mais  c'est 
probablement  un  sens  secondaire.  Dansl' Ehicidariinn  (Anecdota 
Oxoniensid),  p.  25,  on  lit: 

a  allant  wy  elhug  neu  dillwg,  traduisant  possunt  solvere  vel 
ligare.  Comme  dilhung  signifie  sûrement  «  délier  »  (bret.moy. 
dilloenter  «  délier  »,  comique  dyllo),  ellw(n)g  paraît  bien  tra- 
duire ligare.  Il  est  vrai  qu'après  on  a  yn  rwymaio  neu  ym  elhug, 
où  ellwg  a  le  sens  de  solvere.  Le  Livre  noir  (Skene,  II,  45, 
17)  paraît  indiquer  la  façon  dont  la  transition  s'est  faite.  Le 
poète  prie  Dieu  de  ne  pas  l'abandonner  : 

nam  gollug  oth  laiv...  nain  ellug  gan  lin  digarad  «  ne  me 
lâche  pas  de  ta  main...  ne  me  laisse  pas  aller  avec  la  troupe 
noire  sans  affection  (primitivement  :  «  ne  m'introduis  pas 
dans  »).  Ce  mot  paraît  composé  comme  l'irl.  moy.  ellach 
«  union  »  ;  v.  irl.  i  n-cllug  inna  aecailse  «  dans  l'union  de 
l'Eglise  »,  Wb.  22  c.  20. 

Prêt.  3e  pers.  sg.,  prés,  inloing,  il  réclame  (introduit  une 
action)  :  O'Dav.  n°  1074  etv.  Pedersen,  Vergl.  Gr.  II,  571). 
L'irlandais  est  composé  de  in,  en  -\-  long.  On  ne  peut  guère 
songer  pour  le  gallois  â  es  ==  ex-  :  régulièrement  ex  devient 
ekeg-  devant  /  :  eg-hug,  clair.  On  doit  supposer  la  même  com- 
position qu'en  irlandais  :  \\gollwng,ynwllwng  (ci.v.  irl.  itnfo- 
lang,imfolung). 


^4  /■  Lot  h. 

211.  Gall.   EILLT. 

En  moyen  gallois,  ce  mot  a  eu  le  même  sens  que  l'irlandais 
al  te.  Il  se  retrouve  dans  le  composé  significatif  cyf-eïilt  =  irl. 
com-alte;  il  n'a  le  sens  ni  d'étranger,  ni  d'esclave,  mais  à  une 
certaine  époque,  celui  de  «  vilain,  serf  ».  Ce  qui  a  causé  ces 
confusions,  c'est  une  fausse  étymologie  (ail,  alltud)  ;  mais  il 
y  a  lieu  de  faire  des  distinctions  chronologiques.  Le  sens  du 
mot  a  évolué  dans  mab-eyllt,  eillt,  qui  a  un  sens  voisin  de 
«  colon  »,  puis  de  «  vilain  »,  comme  l'irlandais  aile,  ait  est 
arrivé  du  sens  de  «  nourri  »  {alwmnus)  à  celui  de  «  serviteur» 
dans  in-ailt  «  ancilla  »  et  «  esclave  ». 

La  période  la  plus  ancienne  nous  est  donnée  par  le  Livre 
d'Aneurin  et  la  Gorchan  Maelderw,  qui  est  une  forme  indé- 
pendante du  Gododin  et  présente  beaucoup  de  traces  d'une 
rédaction  en  vieux-gallois.  Le  sens  de  eillt  en  est  une  preuve 
d'antiquité  de  plus. 

dyrllydei  vedgyrn  eillt  Mynydawc  (L.  A.  74,  7) 

«  il  versait  des  cornes  d'hydromel,  Y  eillt  de  Mynyddawc  ». 
Il  s'agit  d'un  héros. 

Eillt  U'  yned  klywer  e  arderched 
Giuananhon  kyt  ved  (ibid .  85,  15). 

«  Le  nourri  (héros)  de  Gwynedd,  qu'on  écoute  sa  supério- 
rité, Gwananhon,  jusqu'à  la  tombe  ». 

oid  eilth  gur  giiinvaeth  callon  ehelaelh  (ibid.  103,  24) 

«  il  était  le  nourri  d'un  guerrier  nourri  au  vin, au  cœur  géné- 
reux »  (il  s'agit  d'un  héros  Naim,  fils  de  Nwython). 

De  l'époque  de  la  rédaction  de  ces  poèmes  à  l'époque  des 
Lois  telles  qu'elles  nous  sont  conservées  (du  VIIe  siècle,  ire  ré- 
daction, du  ixe,  2e  rédaction)  aux  xie-xne  siècles  eillt  est  devenu 
mabeillt;  sa  situation  a  changé  ;  ce  que  semble  indiquer  une 
prophétie  du  Livre  de  Taliesin  (148,  8): 

gwraged  a  vi  ffraelh 
eillon  a  vi  kaeth 

«  Les  femmes  seront  bruyantes,  les  eillt  seront  esclaves  ». 


Notes  étymologiques  et  lexicograpbiques,  65 

Dans  les  Lois  de  Gwynedd,  il  est  fait  une  différence  entre 
Y eillt  et  le  vilain;  en  cas  de  partage  d'héritage  entre  frères, 
12  enu  (sillon)  sont  attribués  avec  tyddyn  (maisons,  édifices 
avec  terres),  au  fils  à'uehehur  (noble),  8  au  fils  de  mab  eyllt  et 
4  au  godayauc  (go  a  un  sens  péjoratif;  cf.  goiur  homme  de  basse 
condition).  Un  mab  eillt  peut  devenir  intendant  (maer)  de 
terres  serviles  {Ane.  L.,  I,  94,  166,  192).  Dans  les  Leges 
■wallicae,  version  du  Black  Book  of  Chirk  (Ane.  L.,ll,  p.  769, 
31),  un  mab  eyllt  dans  certaines  conditions  a  la  même  valeur 
que  l'intendant. Le  Trituratorium  Villani  régis  vaut  XXV*num- 
mos;  celui  de  Y  eyllt  XLXVIIIW  nummis  redditur;  le  villanus 
régis  vaut  deux  fois  le  goiur,  vilain  ordinaire  (ibid.  774,  14  ; 
15  ;  789,  24).  Ailleurs,  le  mabeyllt  vaut  60  pence,  le  tayaut  30, 
c'est-à-dire  moitié  moins  (Ane.  L.  I,  308,  232  ;  234). 

Dans  le  Mabinogi  de  Math  Ab  Mathonwy,  Gwydyon  à  la 
recherche  de  Llew  descend  chez  un  mab  eillt  du  maynawr  de 
Pennardd  (Livre  Blanc,  col.  53).  Il  résulte  du  contexte  que  ce 
tenancier  a  une  maison,  des  terres  et  un  meiehat  (porcher). 

Dans  les  Anomalous  Lazvs,  Y  eillt,  en  plusieurs  passages,  est 
confondu  avec  le  tayaucv'ùâïn,  et  même  alltut  (II,  504,  66). 

T.  Lewis  a  rapproché  Y  eillt,  ou  mieux  mab  eillt  (on  trouve 
même  mab  mab  eyllt),  de  Y  irl.  ailt  «  maison  ».  Mais  Y  eillt  n'a 
rien  d'un  esclave  familial . 

Pour  l'irl.  al  te,  cf.  Marstrander,  R.  C . ,  XXXVI,  p.  335. 

Pour  le  sens  de  mab-eillt,  cf.  mab-dall  «  aveugle  de  nais- 
sance »,mab-sânt  «  patron  »  ;  mabdyn,  l'homme  (représentant 
de  l'humanité).  Cf.  irl.  mace-. 

212.    Gall.  GOLAITH. 

On  lit  dans  la  M.  A.,  808,  1  : 

bydded  imi  wyr  drygion 
a  phob  enaid  anghriston 
Hyd  olaith  yn  elynion. 

«  Puissé-je  avoir  jusqu'à  la  mort  pour  ennemis  des  hommes 
pervers  et  toute  âme  non  chrétienne  ».  V.  llailh;  irl.  lecht. 

Revue  Celtique,  XXXIX.  5 


66  /.   Loih. 

213.  Irl.  LÂlXEJgall.    LLOKYD. 

Le  vieil  et  moy.-irl.  làne,  mod.  laine,  f.  «  plénitude  », 
remonde  clairement  à  un  vieux-celt.  *lâniù.  Le  gallois  lloneâ 
n'a  jamais  que  le  sens  de  «  gaieté,  joie  »,  et  répond  à  l'irl. 
loinne  (v.  ci-dessous).  Llonydd,  dans  les  Dictionnaires,  est 
donné  avec  ce  sens.  Il  existe  cependant  avec  le  sens  de  «  plé- 
nitude »  dans  un  vers  de  Cynddelw  (xne  s.  ;  M.  A.,   165.  2)  : 

Buartb  liât  llonit  0  vragawà 

«  rendez-vous  de  la  faveur,  plénitude  d'hydromel  »  (brngget); 
c'est  un  éloge  du   roi  du  sud,  Rhys. 

Buartb  qui  signifie  proprement  «  enclos  aux  bœufs  »,  est 
appliqué  fréquemment  à  la  cour  des  chefs  :  c'est  une  épithète 
louangeuse  courante  :  buartb  bêirâ,  rendez-vous  des  bardes,  se 
trouve  dans  le  L.  de  Tal.  (F.  a  B.  ri.  115).  Liai  est  à  corriger 
en  llad  (t  =  â  dans  ce  poème)  et  a  été  amené  par  le  /  =  d 
de  llonit.  Or,  il  n'y  a  pas  d'allitération  entre  ces  deux  con- 
sonnes. L'allitération  est  entre  le  //  initial  de  llad  et  de  llonit; 
une  seule  allitération  entre  deux  mots  saillants,  un  dans  chaque 
hémistiche,  suffit;  cf.  le  vers  suivant  : 

Bûches  kyrt  kerlorion  wasgawd.  Llonyâ  supposerait  un 
thème  vieux-celt.  en  -iâ  ;  soit  v.-britt.  lâniiâ. 

214.  Irl.  mod.  loinne  ;  gall.  llonedd,  llonydd. 
L'irlandais  mod.  a  le  sens  de  »  joie,  transports  »,  et  aussi  de 

«  colère,  force,  violence  ».  En  vieil-irlandais  c  est  ce  dernier 
sens  que  l'on  trouve.  Dans  les  Gloses  de  Milan  (Ascoli,  G/. 
pal.,  CIXXIII)  lond  est  glosé  par  :  indignatus  (toto  be\e)cotn- 
motus  est  ;  Iniinl  «  immites  »  ;  comp.  luindiu  «commotior»; 
litinde,  londas  ont  un  sens  analogue.  En  irl.  moy.,  il  en  est  de 
même  (Atkinson,  Pasc.  and  Hom.). 

En  gallois,  llonydd,  adjectif  et  subst.  a  le  sens  habituel  de  ' 
«  joveux,  gai;  joie,  tranquillité  »  (L.  noir  25,  14;  M.  A. 
294-2  ;  Mo  Gocb,  éd.  Ashton,  p.  226).  C'est  le  seul  sens  men- 
tionné dans  les  dictionnaires.  Mais  on  trouve  aussi  llonn  dans 
deux  passages  du  L.  Rouge  avec  le  sens  du  vieil  et  moven- 
irl.  : 

F.  a  B.ll.  25e.  2  :  llonn  dar,  «  le  chêne  est  puissant  »; 
llonn  cavoat  (ibid.  258.  4).«  l'ondée  est  impétueuse  ». 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  67 

Si  l'on  a  affaire  pour  les  deux  sens  à  un  mot  de  même  ori- 
gine, ce  serait  le  sens  d'«  agitation,  émotion  très  vive  »  qui 
serait  le  sens  primitif. 

L'irl.  fond,  lonn  et  le  gall.  llonn  sortent  de  *londo-;  lloned 
comme  luinne  sort  de  londiâ  (v.-br.  londiiâ).  Si  llonyd  est  pri- 
mitif, ici  encore  on  aurait  un  thème  en  -ta. 

11^.  Irl.  lassar  «  flamme  »  ;  gall.  llachar  «  brillant  ». 

Exemples  du  mot  gallois  : 

oetun  tan  llachar  (L.  N.  8,  30)  «  j'étais  feu  éclatant  » 

lluryc  llachar  (L.  T.  179,  4)  «  cuirasse  brillante  » 

llyni  vym  par  llachar  ygryt  (L.  R.  261,  25)  «  aiguisée  ma 
lance,  étincelante  dans  la  clameur  (du  combat)  » 

llachar  fy  ngledyf  «  étincelante  mon  épée  »  (M.  A.  147,  1). 

Llachar  est  nom  propre  aussi  Llachar  mab  Run  (L.  N.  3  3 , 
10  et  probablement  3,  3). 

Lassar  et  llachar  sortent  de  lapsaro-. 

En  irl.  mod.  lasair  est  f. 

216.  Gall.  dile.  Ce  mot  paraît  dans  un  vers  moyen-gal- 
lois : 

Llywarch  yrn  gelwir .  .  . 

Lloegyr  dystry-w  distraïuch  dilawch  dile  (M.  A.  207,  1). 

«  On  m'appelle  Llywarch,  qui  n'aime  pas  flatter,  anéantis- 
sement des  Lloegriens  ». 

Le  sens  de  distraïuch  n'est  pas  fixé.  S.  Evans  traduit  dile 
dans  le  passage  précédent  par  «  sans  place  ».  Or  le  mot 
immédiatement  suivant,  dans  son  Dict.,  est  dilead  qu'il  tra- 
duit par  «  destruction  ».  C'est  aussi  le  sens  de  dilain  (irl. 
dilgend).  Dile  sort  de  *dilegâ  (tf.  irl.  m.  dilegint). 

217.  Gall.  moy.  llyveithin. 

Je  n'ai  rencontré  ce  mot  que  dans  un  proverbe  du  L.  Rouge 
(F.  a.  B.  II,  306,  25)  : 

Dychyvervyd  trwch  a  thrin 
Enghit  a  vo  llyveithin 

«  Le  violent  rencontre   le  combat,    il   s'échnppe   l'indirïé- 


hs      •  j,  Loti). 

rent  (le  faible,  mou  ?).  »  Le  sens  général  est  confirmé  par  cet 
autre  proverbe  (M.  A.  843,  2)  : 

Dieu  g  ici  gican,  erlid  rhygaâatn. 

«  le  faible  s'échappe,  le  très  fort  poursuit  ». 

Llyveitbin  (variante  llyferthin),  paraît  dérivé  d'un  substantif 
qu'on  ne  trouve  plus,  llyveilh,  qui  paraît  bien  identique  à  l'irl. 
mod.  leimheacht  «  insipidité,  au  moral,  enfantillage,  simplicité  ». 
C'est  un  dérivé  de  leamh,  «  insipide,  simple,  enfant  (au  moral)  » . 
Cf.  les  sens  de  l'anglais  silly.  Leamh  a  eu  aussi,  sans  doute,  le 
sens  de  «  doux  »  :  v.-irl.  lemlacht,  auj.  leainbnacbl,  gall.  Hefrith, 
lait  doux,  cf.  v.-irl.  lemnat  gl.  malvaceus.  Le  sens  primitif  paraît 
avoir  été  «  mou,  doux,  sans  goût  ou  caractère  marqué  ».  Lly- 
veith  comme  irl.  leimheacht  remonterai  cà  un  vieux-celt.  *lemektâ. 

O.  Pughe  a  tiré  de  Hyferlhin,  llyfertb  où  il  voit  Uy-martb, 
fatigue,  llyferthaidd,  un  peu  fatigué  ;  llyferthedd,  fatigue,  état 
de  fatigue  ;  llyferthiad,  qui  fatigue  ;  llyferthiazul,  défatigation  ; 
ilyferthineb,  état  de  fatigue  ;  llyferthog,  qui  a  la  fatigue  ;  llyfer- 
tbol,  fatigant  ;  llyferthrwydd,  fatigue  ;  llyferthu,  être  fatigué  ; 
llyferthus,  fatigant;  llyferlbuso,  devenir  fatigué  ;  llyferthusrwyd, 
fatigue  ;  llyfertbwr,  llyferlhydd,  qui  fatigue  :  le  tout  précédé 
d'un  astérisque,  sans  le  moindre  exemple. 

218.  Irl.  léir  ;  gall.  llwyr. 

En  vieil— irl.  léir  a  deuxàens  principaux  :  r°  «  diligent,  appli- 
qué, industrieux  »  ;  avec  co,  co  kir  celui  de  «  entièrement  »  ; 
2°  «  qui  est  en  vue  '  ». 

En  irl. -moyen,  léir  a  le  sens  de  «  visible,  en  vue  »  ; 
coleir  a  aussi  le  sens  de  «  entièrement  »  ;  1er-,  1er-  en  com- 
position apporte  au  composé  le  sens  de  «  complet  ».  Il  a 
aussi  le  sens  de  «  clair  »  (Atkinson,  Pass.  and  Hom.).  Ces 
sens  se  retrouvent  en  irl.  mod.  :  «  visible,  en  vue  »  et  «  soi- 
gneux ».  Le  préfixe  leir-  a  un  sens  intensif  (Dinneen). 

Le  gallois  llwyr  a  le  sens  habituel  de  «  entièrement  ».  Mais 


1.  Dans  son  glossaire  de  la  Tdin,  Windisch  donne  le  nom.  plur.  ïéiri 
1268  pour  riili  «  visible,  en  vue  ».  Il  me  semble  que  la  correction  est  inu- 
tile. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  69 

il  a  eu  aussi  celui  de  «  clair,  clairement  »  :  de  ce  sens  à  celui 
de  «  nettement,    parfaitement  »,  il  n'y  a  pas  loin  :  L.  N.  31, 

E  beteu  yn  hir  vynyt 
yn  llwyr  y  guyr  lluossit 

c  Les  tombes  sous  Hir  vynyd,  beaucoup  le  savent  clairement 
(ce  sont  les  tombes  de...)  ». 

L.  Rouge  301.2  :  a  synhwyr  llwyr  llyfreu  «  et  l'intelligence 
claire  des  livres  ». 

Ibid.  303.26  : 

ivyf  hen  wyf  neivyd  wyf  Gwion 
■wyh  llwyr  wyf  synnwyr  keinon 

«  Je  suis  vieux,  je  suis  jeune,  je  suis  Gwion  ;  je  suis  clair- 
voyant (ou  en  vue),  je  suis  la  fleur  de  l'intelligence  (pour  le 
sens  de  keinon,  v.  ceinion,  ap.  S.  Evans,  Welsh  Dict.f 

219.  Gall.  moy.  len. 

Le  mot  lien,  sans  doute  pour  llenn,  a  un  sens  parfois  très 
particulier  : 

llaw  0  vaint  arall  a  vu 

llazu  dan  len  asen  Jesu  (Ll.  Gl.  C.,  p.  96,  58). 

«  Un  autre  grande  main  fut 

une  main  sous  l'enveloppe  du  côté  de  Jésus  ». 

Cf.  hyt  len  (Ane.  L.  II,  190)  «  jusqu'à  la  taille  ». 

Cf.  gall.  et  bret.  barleu,  giron . 

220.  V.-irl.  lius  ;  gall.  llyssu. 

Le  vieil-irl.  lius  glose  fastidium  (Ml.  34  b  6)  ;  cf  ni  erlis- 
saigther  gl.  nunquam  fastiditur  (ibid.  62  a  9)  ;  apstal  liussa 
v  un  apôtre  de  répulsion  »  (Thés.  Pal.,  L  533,  15  «  a  loath- 
some  apostle  »  :  Paul.  Epist.  13  b  6  ;  cf.  Thés.  pal.  II,  415). 
C'est  sans  doute  le  même  mot,  lis,  que  glose  O'Cl.  par  oh 
(Threeir.  Hom.  Index). 

Dans  des  Lois  Gall.,  lis  a  le  sens  de  récusation  ;  llyssu  signi- 
fie récuser,  repousser  (Ane.  L.  1.160  ;  T.  Lewis,  gl.).  Cf. 
Cynddelw,  M.  A.  155.2  : 

a  lie  ni  llyssir  cynrann 


70  :  J.  Lof  h. 

«  endroit  où  on  ne  repousse  pas  les  chefs  »  (la  cour  de 
Cwm  Brwynaivg).  Llewis  Glyn  Cothi  s'était  vu,  lui  harpiste 
et  chanteur,  préférer  un  piper  par  les  grossiers  Saxons  de  Flint  : 

gwahuaru  llyssu  vy liais 

«  se  moquer  de,  rejeter  ma  voix  ». 

Il  semble  que  le  sens  propre  ait  été  d'abord  «  rejeter  avec 
dégoût  ».  Dans  ce  cas,  il  faut  faire  entrer  en  ligne  de  compte 
le  gallois  mod.  Uysnafedd,  pituite,  morve  et  vieux-breton 
lestnaued  gl.  nausiam  (Rhys)  ;  on  a  lu  aussi  naues  (Gl.  Lux. 
P.   12.5  ;  P.  1,1.20,361). 

C'est  peut-être  l'équivalent  de  gall.  et  irl .  lis  qu'on  trouve 
dans  le  composé  du  voc.  corn.  :  les-dcrlb  gl.  febrifugia  {-dcrlh 
abrégé  pour  ierthori), 

Irl.  lius,  mod.  lis,  et  gall.  llys  =  v.  celt.  lissa-,  *listu-. 

Lis  a  pris  en  irl.-moy.  le  sens  de  querelle,  débat  (Lecan 
Gl.  266-459)  sous  l'influence  de  lis,  mod.  lios  (OR.), 
emprunt  savant  peut-être  au  latin  lis  (Whitley  Stokes,  BB. 
XIX,  92)  :  O'Reilly  donne  liosda,  ennuyeux,  importun  ; 
Dinneen  écrit  liosta. 

221  .    Gall.  gwelyddyn  ;  bret.  guelezenn. 

Le  gall.  moyen  gwelydyn  a  le  sens  de  «  tombe  »,  avec 
l'idée  précise  d'  «  enterrement,  enfouissement  dans  la 
terre  »  :     ' 

Dans  le  L.  Noir  (29,  15)  la  tombe  de  Kynon  est  :  in  isel 
guelitin,  dans  la  tombe  basse,  et  isel  guelitin  est  opposé  à  in 
uchel  tytin,  «  haute  demeure  »  :  il  s'agit  vraisemblablement 
d'un  tumulus  élevé  (  v.  tygdyn),  M. A.  122. 1  : 

mi  wyfin  nhir  gwelyddyn 
0  leas  cynddylan. 

«  je  suis  dans  le  long  séjour  souterrain  depuis  la  mort  de 
Cynddylan  ».  Le  poète  se  dit  mort. 

Le  gallois  ne  suffit  pas  à  préciser  le  sens  primitif  du  mot. 
Le  breton  y  supplée  :  gwele^enn  signifie  :  «  lie,  limon, 
dépôt  ».  Ernault  (Gl.  moy.-bret.  à  goelel)  le  rapproche  du 
gallois  gwaelodion  qui  a  le  même  sens,  mais  pencherait  plutôt 


Notes  étymologiques  et  h:\icographiques.  71 

pour  le  gallois  giuaeledd,  bassesse.  S'il  avait  connu  gtuelyddyu 
il  n'eût  sûrement  pas  fait  ce  rapprochement.  D'ailleurs  le 
breton  suffit  à  le  faire  rejeter,  si  on  se  reporte  au  vannetais. 
Le  bas-vannetais  a  gïvele  «  lie  »,cf.  h2ul-va.r1n.gule,  «  délivre  » 
(Le  Goff,  Suppl.  au  Dict.  breton-vannet.  d'Ernault,  Vannes, 
1919). 

On  penserait  en  face  de  ces  sens  à  uo-legiio-  qui  eût  donné 
welyyâ  d'abord,  en  gallois  ;  mais  il  est  difficile  d'expliquer  la 
brièveté  de  -yd  qui  eût  dû  se  contracter  avec  y  précédent 
(par  wehid  ?). 

L'étymologie  de  Whitley  Stokes  pour  giuaelod,  bret.  goelet 
qu'il  tire  de  vaili-  est  impossible,  à  cause  du  comique 
moyen  goles,  golas  :  le  comique  ne  désarrondit  pas  va-. 

222.  Irl.  locc,  log  ;  gall.  loc  et  -log.  Le  v.  irl.  locc,  loc  tra- 
duit Jocus  (Ascoli,  GL  pal.,  CIXXVII)  ;  mais  irl.  moy.  loc 
paraît  aussi  avoir  eu  le  sens  de  «  tombeau  »  (Whitley  Stokes, 
à  loc,  O'Mulc.  Gl.  Arch.f.  c.  L.,l,  313). 

En  breton,  depuis  une  époque  assez  ancienne,  loc  a  un  sens 
religieux,  indique  un  endroit  consacré  (J.  Loth,  Chrest.j. 

Le  gallois-moyen  donnait  aussi  à  loc  le  sens  de  «  monastère, 
lieu  saint  ». 

L.  N.  8.  16. 

ni  phercheis  te  creireu  na  Hoc  na  llaucu 

«  tu  n'as  pas  respecté  les  reliques,  les  lieux  saints  ni  les  monas- 
tères (ou  églises)  ».  Llywelvn  Rirdd  qualifie  Llann  Gadvari 
de  :  ucbt'l  loc  (M.  A.  249).  Cynddehv  (ibid.  177.2)  célèbre 
comme  :  breiniauc  loc,  le  monastère  de  Tyssiliaw.  Cf.  :  mynach- 
log,  «  monastère  ». 

Mais  en  gallois  moderne,  loc  a  pris  le  sens  de  «  barrage, 
enclos  de  bétail  ».  Dans  ce  sens,  il  est  clairement  emprunté 
à  l'anglais  lock,  qui  a  ce  sens,  ainsi  que  celui  de  «  prison,  corps 
de  garde  ».  C'est  ce  dernier  sens  qui  paraît  déjà  chez  un 
poète  du  xme  s.  (M.  A.  229.2).  Le  c  final  de  loc,  à  l'époque 
moderne,  suffirait  à  dénoncer  l'emprunt. 

En  irl.  mod.  log  a  le  même  sens  que  l'irl.  anc.  loc;  mais  log 
a  aussi  le  sens  de  «  digue  »  (Dinneen  a  log  «  trou,  étang  »). 


72  /.  Loth. 

223.  Irl.  loch  ;  gall.  llug. 

Le  sens  de  «  noir,  sombre  »  pour  le  gallois  llug  paraît  assuré 
par  ce  passage  d'Einyawn  ab  Gwalchmai,  poète  du  xme siècle  : 

Duw  a  glyw  vy  Uef  ym  lluc  vrydyeu  (M.  A.  241,  1) 
«  Dieu  entend  ma  voix  dans  mes  sombres  pensées.  » 
Llocgrwys  y  11  lluc  vryd  (M.  A.  211,  2) 

«  Les  Anglais  en  sombre  pensée  »  (à  la  suite  des  victoires 
de  Llywelvn  ab  Iorwerth). 

Eg. 'Phillimore  (Cvmmrodov,  VII,  p.  118)  rapproche  Llug 
Vynydcl  (L.  N.  61,  14:  Lluc  vynit)  près  de  Clocaenog,  Den- 
bighshire, 'de  Lug  tor  en  East  Dartmoor,  Devonshire.  Il  y  a 
dans  cette  région  le  nom  de  lieu  équivalent  :  Black  Tor. 
Il  en  conclut  que  llug  a  le  sens  de  «  noir  »  et  rapproche  lug 
de  l'irlandais  loch  auquel  il  attribue  à  tort  un  0  long. 

Loch  =  *Uiko-  ;  lue  =  *louko-. 

O.  Pughe  cite  à  côté  de  llwg,  clair,  brillant  (cf.  eghug), 
llwg  «  livide  »  et  aussi  «  clavelée,  maladie  éruptive  chez  les 
moutons  »;  llwg  dans  ce  sens  me  paraît  à  rapprocher  de  l'irl. 
mod.  lochan,  tacheté  ;  cf.  luch,  souris;  gall.  llyg,  llygodeu  :  v. 
luch. 

Le  mot  llug,  en  gallois,  se  trouve,  en  composition,  avec  un 
sens  diminutif  :  llug-fcddw,  à  moitié  ivre;  llug-oer,  tiède  (voir 
plus  bas  le  n°  227). 

224.  Irl.  lorc;  gall.  -lwrch.  Dans  le  Lecan  Gl.  299.98, 
lorec  est  traduit  par  balb.  Whitley  Stokes  est  d'avis  que  c'est 
une  erreur.  Lorc,  en  effet,  est  traduit  par  angbaïd  no  laind 
«  cruel  ou  dur  »,  H.  3.  18,  p.  537  ;  O'Cl.  :  lorc  À.gnrg.  Din- 
neen  lui  donne  comme  subst.  le  sens  de  meurtre,  d'après  le 
dict.  ms.  de  O'Naughton  ;  comme  adj.,  celui  de  «  féroce, 
cruel  ». 

Ce  mot  semble  se  retrouver  dans  le  composé  moy.-gall. 
hy-lwrch  qui   apparaît  dans  un  poème  de  Cynddehv  (M.  A. 

174-0: 

Llan  hylat  ar  llafyn  hylurch 

«  la  main  qui  tue  facilement  sur  la  lame  facile  au  meurtre  ?  » 
O.  Pughe  traduit  hylwrch  par  v  poli   »  et  renvoie  à  llwrch 
qui  n'existe  pas  et  qu'il  ne  donne  pas  d'ailleurs. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  73 

225.  Irl.  lue  liath  ;  voc.  corn,  lewilloit.  Le  v.  irl.  lue 
liath  gl.  -splen  (Ml.  6^Ti 6)  ;  in  lu  îeiih,  gl.  splenem,  7r. 
G/.,  p.  142,  150  (Ascoli,  Gl.  pal.,  CIXXXI),  cf.  éc.  </«/>/>- 
//dtfft,  lien. 

Lewilloit  dans  le  voc.  corn.  gl.  splen.  Ce  mot  ne  se  retrouve 
pas  ensuite.  Le  comique  est  peut-être  à  lire  :  lewit-loil,  t  éga- 
lant d  dans  le  voc.  Liath,  gris,  et  -loit,  plus  tard,  loys,  los, 
gall.  Ikuyd  sont  bien"  connus  (*/^//o-).  Z,«e,  /m'/Vf,  en  revanche, 
sont  fort  énigmatiques.  Peut-être  faut-il  admettre  un  vieux- 
celt.  *louio-',  à  rapprocher  du  grec  îcX£u-[i.wv  (indo-eur.  *peleu- 
mon-,  Walde,  Lat.-etym.  W?)  ;  cf.  le  breton  lunach  «  rein  »  ; 
gall.  llun  (*/o?/-w-).  L'irlandais  a  de  même  un  mot  luan,  loan 
«  lombes  »  (Windisch,  T.  B.  C,  p.  315). 

226.  Gall.  GOLEUVER. 

ni  vydd  haivdd  esgus  ar  vynydd  goleitver  (M.  A.  757.2) 
«  l'excuse  ne  sera  pas  facile  sur  la  colline  de  la  lumière  ». 

Cf.    gall.   mod.  goleufer.  Lleufer,  lumière,   est   plus  connu  ; 

cf.  pour  -ber  v.  irl.  lésbaire,  lueur. 

227.  Irl.  luach;  gall.  llug. 

Le  gallois  llug  y  dydd  désigne  «  l'aube  »  ;  d'après  S.  Evans, 
cynllug  en  Gwent  a  le  sens  de  première  lumière;  il  est  employé 
au  sens  métaphorique  en  moyen  gallois  (L.  N.,  53,  5  ;  M.  A. 
291).  On  trouve  chez  Dafydd  Ab  Gwilym  :  wyth  lugddydd 
(p.  353)  «  huit  aurores  »  (en  parlant  du  visage  d'une  femme) 
tyiuyn  ,nfalch...  yn  lug  laïunQp.  375)  «  rayonne  superbement  à 
pleine  lumière  »  (en s'adressant au  soleil);  llug- en  composition 
a  le  sens  de  «  à  moitié  »:  llug-feddiu  «  à  moitié  ivre  »,  llug-oer 
«  tiède  »  chez  Dafydd  ab  Gwilym.  Il  est  peu  probable  qu'il  y 
ait  influence  de  l'anglais  «  luhewarm  ».  Comme  llug  a  pris  le 
sens  de  «  début  de  la  lumière  »,  «  aube  »  (cf.  diluculuni),  il  est 
possible  qu'en  composition  il  ait  un  sens  diminutif.  Irl.  moy. 
luach-té,  chauffé  à  blanc,  (Tel.  Irel.,  40)  ;  Lecan  Gl.  M.  266, 
luachair,  brilla. 

Luach,  llug  =*louko-. 

J.    LOTH. 


BIBLIOGRAPHIE 


Sommairk.  I.  John  Mac  Neill,  Phases  of  Irish  History.  —  II.  Abbé 
P.  Le  Goi-f,  Supplément  au  Dictionnaire  breton-français  du  dialecte  de 
Vannes.  —  III.  A.  O'Kelleher  et  G.  Schoepperle,  Betha  Colaim 
Chille.  —  IV.  G.  O'Nolan,  Studies  in  Modem  Irish,  Part  n.  —  V. 
Lady  Gregory,  Visions  and  Beliefs.  —  VI.  T.  Gwynn  Jones,  Llenyd- 
diaeth  Gymraeg  y  bedwaredd  ganrif  ar  bymtheg.  —  VII.  ].  P.  Cal- 
loch,  A  genoux. 

I 

John  Mac  Neill  (professor  of  Ancient  Irish  history  in  the  national 
University  of  Ireland).  Phases  of  Irish  History.  Dublin,  M.  H. 
Gill  and  Son,  1919,  364  p.  8°,  12  s.  6  d. 

John  Mac  Neill  n'a  pas  besoin  d'être  présenté  aux  lecteurs  de  la 
Revue  Celtique.  Personne  n'a  pénétré  plus  profondément  dans  le 
passé  de  l'Islande,  dont  il  a  sur  des  points  importants  renouvelé 
l'histoire.  C'est  un  esprit  pénétrant,  qui  unit  à  une  rr.re  originalité 
un  esprit  critique  toujours  en  éveil. 

Les  douze  chapitres  du  volume  représentent  autant  de  conférences 
publiques  faites  à  Dublin.  L'auteur  n'a  pas  eu  la  prétention  de 
faire  un  cours  complet  d'histoire  d'Irlande,  mais  simplement, 
comme  il  le  dit  lui-même,  d'y  apporter  des  corrections  et  des  supplé- 
ments. Les  unes  et  les  autres  méritent  l'attention  et  seront  étudiés 
avec  le  plus  grand  fruit,  même  si  on  n'adopte  pas  les  conclusions 
de  l'auteur. 

La  partie  préhistorique  est  celle  qui  prêterait  le  plus  à  la  contro- 
verse. Elle  abonde  cependant  en  observations  pénétrantes  et  en 
vues  originales.  On  ne  peut  qu'approuver  ce  que  dit  l'auteur  de 
la  race  (p.  1-2)  ;  de  l'inconvénient  d'appliquer  des  noms  histo- 
riques à  des  populations  préhistoriques  sur  des  a-priori  (p.  61)  ; 
sur  l'abus  fait  du  nom  des  Ibères  identifiés  aux  Basques  d'un  côté 


Bibliographie.  75 

et  de  l'autre  aux  Pietés  par  John  Rhys,  les  Ibères  jouant  en  somme 
le  rôle  de  bouche-trous  comme  les  Pélasges  dans  la  Méditerranée 
orientale  ;  de  l'inanité  de  la  division  des  Celtes  du  continent  due 
également  à  J.  Rhys  en  Celtes  à  O  et  en  Celtes  à  P.  Il  a  également 
raison  de  relever  la  fausseté  d'une  opinion  trop  répandue  con- 
cluant de  la  conquête  d'un  peuple  à  son  extermination  (p.  36-38). 
On  le  sait,  c'est  presque  un  axiome  chez  les  écrivains  anglais  en 
ce  qui  concerne  les  Bretons  insulaires.  Ce  n'est  pas  plus  vrai  d'eux 
que  des  populations  néolithiques  de  l'île  conquises  par  les  Celtes. 
Ses  remarques  sur  le  système  chronologique  en  Irlande  avant  et 
après  le  Christianisme  (p.  49,  p.  178),  sont  judicieuses  et  en 
partie  neuves. 

On  ne  peut  que  l'approuver  de  repousser  la  théorie  parfaitement 
insoutenable  de  J.  Rhys  sur  les  migrations  des  Celtes  dans  les 
Iles  Britanniques,  suivant  laquelle  les  habitants  de  ces  îles  à 
l'époque  néolithique  seraient  des  Ibères,  auxquels  à  l'époque  du 
bronze  auraient  succédé  les  Gôidels  ;  puis  à  l'époque  du  fer  les  Bry- 
thons  et  les  Belges. 

En  revanche,  les  dates  que  propose  J.  Mac  Neill  lui-même  pour 
l'apparition  des  Celtes  en  Bretagne,  en  Irlande,  et  même  en  Gaule, 
sont  en  complète  contradiction  avec  les  données  les  plus  sûres  de 
l'archéologie.  L'Irlande  et  l'île  de  Bretagne  n'auraient  pas  été  colo- 
nisées par  les  Celtes  avant  le  ive  siècle  avant  notre  ère  (p.  48  ; 
60)  ;  c'est-à-dire  à  la  fin  de  l'âge  du  bronze  en  Irlande  que  Coffey 
prolonge  jusqu'en  350  avant  notre  ère,  date  adoptée  par  l'auteur  et 
assurément  trop  tardive.  Pour  le  début  du  ive  siècle,  le  témoi- 
gnage seul  de  Pythéas  que  l'auteur  a  eu  le  tort  d'ignorer  suffirait 
à  rendre  très  probable  l'établissement  des  Celtes  en  Bretagne  à  une 
époque  sensiblement  antérieure.  Pour  éviter  des  redites,  je  ren- 
voie l'auteur  à  mon  étude  sur  La  première  apparition  des  Celtes 
dans  Vile  de  Bretagne  et  eu  Gaule,  récemment  parue  dans  la  Revue 
Celtique,  XXXVIII,  4,  p.  259  et  suiv.  Si  J.  Mac  Neill  connaissait 
mieux  la  littérature  européenne,  et  en  particulier  la  littérature  fran- 
çaise archéologique,  s'il  avait  compulsé  l'admirable  Manuel  d'Ar- 
chéologie celtique  et  gauloise  de  notre  regretté  Déchelette,  il  eût  été 
convaincu,  en  admettant  que  ma  théorie  pour  l'île  de  Bretagne  soit 
sujette  à  discussion,  que  les  Celtes,  dès  la  seconde  et  très  proba- 
blement la  première  époque  du  bronze,  étaient  aussi  bien  chez  eux 
en  Gaule  orientale  et  centrale  que  dans  les  pays  de  la  rive  droite 
du  Rhin.  En  ce  qui  concerne  l'époque  du  fer,  l'auteur  commet  une 
erreur  longtemps  assez  répandue  en  attribuant  la  civilisation  de 
Hallstatt  aux   Celtes.  Elle  est  plutôt  d'origine  illyrienne  (J.  Loth, 


*j6  Bibliographie. 

ibid.,  p.  284),  quoiqu'il  y  ait  dans  le  vaste  domaine  de  cette  civi- 
lisation une  zone  celtique,  le  groupe  rhéno-danubien  comprenant 
l'Allemagne  du  sud  et  de  l'ouest,  la  Suisse  du  nord,  la  France 
orientale  et  même  la  France  du  centre,  c'est-à-dire  le  Berry  et 
l'Auvergne. 

Sur  d'autres  points,  moins  importants  pour  la  plupart,  je 
ferais  des  réserves.  Les  Belges  seraient  des  Celtes,  mais  principa- 
lement des  Germains  (p.  21).  César  en  effet  dit,  d'après  le  témoi- 
gnage des  Rémi  (II,  p.  14),  que  la  plupart  des  Belges  sont  sortis 
des  Germains.  Mais  ce  sont  là  des  assertions  fort  sujettes  à  caution 
et  je  persiste  à  croire  que  cette  erreur  ethnographique  a  une  base 
géographique.  Il  est  très  remarquable,  en  effet,  que  César  lui- 
même  ne  reconnaît  comme  Germains  que  les  Condrusi,  Eburones, 
Caerœsi,  Paemani,  auxquels  il  faut  ajouter  les  Segni  (II,  14  ; 
VI,  31,  32).  Ce  ne  sont  pas  des  nouveaux  venus  et  ils  sont  vraisem- 
blablement celtisés,  à  en  juger  par  les  noms  des  chefs  des  Fburones, 
Ambiorix  et  Catuvolcus.  L'auteur  s'autorise  du  fait  que  M.  d'Ar- 
bois  de  Jubainville  interprète  comme  j'ai  fait  après  lui  la  phrase 
de  César  sur  l'origine  des  Belges  pour  avancer  (p.  22-23)  que  les 
écrivains  français  ont  une  tendance  facile  à  comprendre,  à  dimi- 
nuer la  part  de  l'élément  germanique  dans  la  composition  ethnique 
de  leur  nation.  Je  suis  obligé  de  constater  de  nouveau  que  J.  Mac 
Neill  n'est  guère  au  courant  de  la  science  historique  et  littéraire 
française.  C'est  tout  justement  le  contraire  qu'on  aurait  pu  jus- 
qu'à uneépoque  récente  reprocher  aux  savants  français.  La  réac- 
tion en  histoire  a  commencé,  avec  Fustel  de  Coulangcs  et  s'est 
continuée  avec  C.  Juilian  :  en  littérature  du  moyen  âge  avec 
J.  Bédier,  dont  la  théorie  sur  les  chansons  de  geste  avait  été  ébau- 
chée dans  ses  grandes  lignes  simultanément  par  C.  Juilian.  Les 
rapports  des  Belges  avec  les  Germains  n'ont  pas  été  plus  intimes 
que  ceux  de  bon  nombre  d'autres  tribus  celtiques  ;  mais  le  sou- 
venir d'une  commune  existence  au  delà  du  Rhin  était  encore  pour 
eux  plus  vivant,  parce  que  plus  récent,  du  temps  de  César.  Les 
Volcae  de  Gaule  avaient  encore  au  témoignage  de  César,  une 
fraction  de  leur  peuple  établie  autour  de  la  forêt  Hercynienne  : 
les  Tectosages  qui  de  son  temps  se  maintenaient  au  milieu  des 
Germains  et  avaient  une  haute  réputation  de  justice  et  de  valeur  guer- 
rière (VI,  24). 

Les  recherches  actuelles  des  ethnologues  et  anthropologistes  ne 
sont  pas  en  faveur  de  l'origine  germanique  des  Belges  et  ce  qui 
est  plus  frappant,  de  ceux  de  la  Belgique  actuelle.  Un  anthropologiste 
allemand,  Ammon,  était   d'avis  il  y  a  peu  d'années,  en  1898,  que 


Bibliographie  é  77 

la  Belgique  renfermait^  en  majeure  partie^  un  peuple  germanique  doli- 
chocéphale ;  un  anthropologiste  Belge  des  plus  compétents,  le  docteur 
Houzé,  a  fait  justice  de  cette  assertion  (Jj 'aryen et  l 'anthroposociologie . 
Institut  Solvay,  Notes  et  Mémoires,  1906,  p.  101).  Il  établit  que 
les  caractères  descriptifs,  les  caractères  anthropologiques,  montrent  au 
contraire  que  les  populations  belges  sont  intermédiaires,  penchant  plutôt 
vers  la  brachycéphalie.  La  taille  moyenne  chez  les  Wallons  est  de 
1  m.  64,  fort  inférieure  à  la  taille  de  nos  populations  des  départe- 
ments voisins  du  Pas-de-Calais,  du  Nord,  sans  parler  des  Ardennes, 
de  la  Lorraine  et  de  l'Alsace.  La  taille  moyenne  des  Flamands  n'est 
que  de  1  m.  66.  Et  cependant  on  a  relevé  dans  les  trois  provinces 
de  Liège,  Namur  et  Hainaut,  un  très  grand  nombre  de  cimetières 
francs  ;  ce  qui  prouve  qu'à  l'arrivée  des  Francs  dont  l'indice 
céphalique  moyen  dans  les  cimetières  est  de  76,  la  population 
devait  être  fortement  brachycéphale  et  de  taille  médiocre.  P.  27. 
L'auteur  avance  qu'il  n'y  avait  plus  de  rois  du  temps  de  César  en 
Gaule  Transalpine.  Il  en  restait  quelques-uns  :  les  Nitiobriges 
avaient  pour  roi  Teutomatus  (VII,  31)  ;  César  cite  aussi  Cavarinus 
qu'il  avait  intronisé  roi  des  Senones  à  la  place  de  son  frère  Mori- 
tasgus  (V,  54). Les  Eburones  avaient  deux  rois,  Ambiorix  et  Catu- 
volcus  (V.  24). 

Sur  les  territoires  occupés  par  les  Pietés  et  leur  extension  à 
l'époque  historique,  l'auteur  apporte  des  précisions  nouvelles.  En 
revanche,  il  se  range  à  l'opinion  de  ceux  qui  leur  refusent  une  ori- 
gine celtique,  en  grande  partie,  m'a-t-il  semblé,  à  cause  de  la  loi 
de  succession  en  vigueur  chez  eux.  Elle  a  été  expliquée  d'une 
façon  fort  plausible  par  M.  d'Arbois  de  Jubainville  dans  sa  Famille 
Celtique.  L'auteur  confond  le  matriarchat  avec  la  filiation  par  la  mère 
{MutlerrechC).  La  filiation  par  la  mère  peut  très  bien  se  concilier 
avec  la  puissance  même  despotique  du  père,  comme  c'est  le  cas 
chez  les  Touaregs  (voir  un  excellent  travail  paru  il  y  a  un  certain 
nombre  d'années,  de  von  Dargun  :  Mutterrecht  und  Vaterrechï).  Ce 
n'est  nullement  aussi  une  preuve  de  mauvaises  mœurs.  C'est  par- 
fois un  héritage  d'un  passé  lointain,  parfois  aussi  le  résultat  de 
circonstances  accidentelles.  Il  y  en  a  des  traces  jusque  dans  les 
Inscr.  oghamiques  :  dans  quelques-unes  l'ancêtre  de  la  lignée  est  une 
femme.  Des  traces  indubitables  de  la  filiation  par  la  mère  ont 
été  relevées  chez  les  Latins,  les  Grecs,  les  Germains.  Je  prépare 
sur  cette  question  un  travail  qui  paraîtra  dans  un  des  prochains 
fascicules  de  la  Revue  Celtique.  Ce  que  nous  possédons  de  docu- 
ments sur  les  Pietés  est  indubitablement  en  faveur  d'une  orieine 
celtique.  Par   inadvertance,  évidemment,  p.   142,   l'auteur  tire  le 


78  bibliographie. 

nom  de  Calcdones  de  caledos,  dur  :  la  forme  celtique,  comme  le 
prouvent  les  langues  brittoniques  est  *calclos.  La  forme  galloise 
est  Celydon,  ce  qui  suppose  *Calidones,  peut-être  plus  ancienne- 
ment Catldon-es, 

Page  202,  nous  lisons  que  les  Bretons  du  sud-ouest  de  la  Calé- 
donie  auraient  été  vivement  pressés  par  l'expansion  des  Scots  et 
des  Angles  de  Northumbrie  et  que  ce  serait  la  cause  de  l'émigra- 
tion des  Bretons  du  nord  qui  auraient  passé  en  Galles  sous 
Cunedda  et  ses  fils,  et  auraient  expulsé  les  Gaels  du  nord  de  ce 
pays  ;  ceux  du  sud  auraient  été  soumis.  Ce  serait  aussi  à  cette 
époque  que  des  Bretons  auraient  pris  du  service  en  Irlande,  sous 
des  rois  irlandais.  Il  y  a  là  une  grave  et  singulière  erreur.  L'époque 
où  ces  événements  se  produisent  en  Ecosse  est  la  seconde  moitié 
du  VIIe  siècle.  Or  incontestablement  l'invasion  de  Cunedda  et  de 
ses  fils  se  place  au  commencement  du  ve  siècle.  D'après  YHistoria 
Britomtm  de  Nennius  (cap.  vin  et  Geneal.),  Cunedda  et  ses  douze 
fils  seraient  venus  du  nord,  c'est-à-dire  du  pays  appelé  Manau 
Guotodin,  146  ans  le  règne  de  iMaelgwn  (Mailcun),  roi  de  Gwy- 
nedd,  qui  était  son  arrière-petit-fils.  Maelgun  était  contemporain 
de  Gildas  (Epistola  33).  Les  Annales  Cambriae  le  font  naître  en 
578  et  les  Afin.  Tig.  placent  sa  mort  en  570.  Quant  au  Manau 
Guotodin,  il  faut  y  voir  le  pays  des  (V)otadini  de  Ptolémée.  Guotodin 
est  le  Gododin  grand  poème  lyrico-épique  connu  sous  ce  nom, 
poème  dont  le  noyau  doit  remonter  au  vne  siècle  de  notre  ère, 
mais  dont  la  rédaction  que  nous  possédons  ne  peut  être  antérieure 
à  la  fin  du  IXe  siècle.  Ce  peuple  occupait  le  territoire  compris 
entre  le  Mur  d'Hadrien  et  le  Golfe  de  Bodotria  (Firth  of  Forth).  Il 
ne  peut  donc  ici,  être  question  d'une  pression  des  Angles  qui 
n'avaient  pas  encore  paru  à  cette  époque.  11  me  parait  probable 
que  Cunedda  et  ses  fils,  ou  ont  répondu  à  un  appei  des  Bretons 
de  l'ouest  que  rien  ne  séparait  d'eux  à  cette  époque,  ou  ne  se  sont 
pas  crus  suffisamment  protégés  contre  les  attaques  de  leurs  voisins 
du  nord  au  moment  du  départ  des  légions  romaines. 

Page  201,  l'auteur  parle  d'après  Bède  de  la  décadence  du  royaume 
de  Northumbrie  à  la  suite  de  la  défaite  du  roi  Ecgferth  battu  et  tué 
par  les  Pietés  vers  685.  Les  Pietés  recouvrent  une  partie  du  terri- 
toire qui  leur  avait  été  enlevé  par  les  Angles.  Il  n'eût  pas  été  inu- 
tile d'ajouter  que,  d'après  Bède,  une  partie  des  Bretons  recouvra  sa 
liberté  (Hist.  Eccl.,  IV,  26).  Il  s'agit  probablement  d'un  groupe 
de  Bretons  du  nord-est  de  l'Angleterre,  car  les  Bretons  de  Strat- 
Cloct  formaient  encore  à  cette  époque  et  assez  longtemps  après 
un   groupement   redoutable.   En   750   ils   battent   et  tuent  le  roi 


Èîbliographie.  79 

des  Pietés  Talargan  (Jiui.  Caj-nbr.  à  l'année  750).  Cette  défaite 
paraît  avoir  eu  un  sérieux  retentissement,  car  elle  est  mentionnée 
à  la  même  année  par  les  Annales  de  Tigernach.  Il  ne  faut  pas 
oublier  non  plus  que  la  puissance  desAngles  de  Northumbrie  avait 
été  déjà  fortement  ébranlée  vers  le  milieu  du  Vne  siècle.  Un  roi 
breton  Cadwallon,  allié  de  Penda  de  Mercie,  avait  battu  et  tué  le 
roi  de  Northumbrie  Oswald  en  642  et  s'était  même  emparé  d'York 
(Beda,  Hist.  Eccl,  III,  9). 

Parmi  les  parties  les  plus  importantes  de  l'ouvrage,  je  signalerai 
l'exposé  des  Institutions  irlandaises  au  moyen  âge  et  le  chapitre 
consacré  à  la  conquête  normande.  Il  n'y  a  pas  de  sujet  sur  lequel 
plus  d'erreurs  soient  répandues.  Des  thèses  comme  celles  d'Orpen, 
suivant  laquelle  la  conquête  a  tiré  l'Irlande  du  chaos  et  mit  fin 
à  un  véritable  état  de  barbarie,  trouvent  encore  faveur  et  sont 
acceptées  par  des  écrivains  de  valeur,  mais  mal  renseignés.  L'au- 
teur n'a  pas  de  peine  à  prouver  que  le  système  de  la  tribu  ou  du 
clan  avec  son  territoire  indivis  entre  tous  ses  membres,  ce  qui 
exclurait  en  Irlande  la  propriété  individuelle,  est  un  mythe.  Ce 
n'est  pas  plus  vrai  pour  l'Irlande  historique  que  pour  le  pays 
de  Galles.  Ce  n'est  même  pas  fondé  pour  la  Gaule,  comme  je  l'ai 
soutenu  contre  M.  d'Arbois  de  Jubainville  et  l'a  démontré 
C.  Jullian  dans  son  Histoire  de  la  Gaule. 

On  ne  lira  pas  non  plus  sans  fruit  le  chapitre  intitulé  The  Irish 
Rally.  Dès  la  fin  du  xme  siècle  la  conquête  normande  (qu'on  appel- 
lerait mieux  française,  car  c'est  sous  le  seul  nom  de  Franci, 
Francs  que  les  envahisseurs  sont  connus  en  Galles  comme  en 
Irlande),  commence  à  décliner  et  le  sentiment  national  irlandais 
à  se  réveiller.  L'auteur  en  donne  les  causes  et  signale  les  forces 
nouvelles  qui  viennent  appuyer  les  indigènes.  Au  xive  siècle  la 
situation  des  Anglais  en  Irlande  est  précaire  ;  leur  puissance  ne 
s'étend  guère  en  réalité  que  sur  un  territoire  limité,  Dublin  et 
ses  environs,  qu'un  cavalier  aurait  facilement  parcouru  en  un  jour, 
et  les  faubourgs  de  quelques  autres  villes.  Il  faudra  quatre  siècles 
plus  tard  une  nouvelle  conquête  pour  qu'on  puisse  parler  de  nou- 
veau d'une  Hibernia  pacata. 

Puisse  l'Irlande  recouvrer  une  paix  véritable  par  d'autres  moyens 
que  la  guerre  et  la  conquête  ! 

J.  Loth 


8o  Bibliographie. 


11 


Abbé  P.    Le   Goff.  Supplément  au  dictionnaire   breton-français  du 
dialecte  de  Vannes  par  Emile  Ernault.  Vannes,  Lafolye,  1919. 

L'abbé  Le  Goff  est  l'auteur,  en  collaboration  avec  l'abbé  Guil- 
levic,  d'une  grammaire  du  breton  de  Vannes  arrivée  à  sa  seconde 
édition  et  qui  marque  un  progrès  sérieux  sur  les  grammaires  pré- 
cédemment parues.  Son  nouvel  ouvrage  constitue  une  contribution 
précieuse  à  la  lexicographie  bretonne,  en  général,  et  à  celle  du 
vannetais,  en  particulier. 

On  peut  y  signaler  les  mêmes  lacunes  que  dans  le  dictionnaire 
d'Ernault. 

C'est  en  vain  qu'on  y  chercherait  une  explication  des  abrévia- 
tions employées.  Comme  je  lui  ai  exprimé  mes  regrets  à  ce  sujet, 
il  m'en  a  communiqué  une  liste  explicative  que  je  donne  ici  : 

ArY.  :  Arvor. 

Arg.  :  Argoed. 
Pl.  :  Plumeliau. 
Cl.  :  Cléguerec. 
BV.  :  Bas- Vannetais. 
HV.  :  Haut-Vannetais. 
Sk-E.  :  Skorff-Ellé. 
No  y.  :  Noyal-Pontivy. 
Naiz.  :  Naizin. 

Gr.  :  Groix  (communications  de  Bleimor,  nom  littéraire  de 
J.-P.  Calloc'h). 

S. -Th.  :  Saint-Thuriau. 

Neuill.  :  Neuilliac. 

Is.  :  Vie  de  saint  Isidore. 

L.  A.  :  Cillart  de  Kerampoul. 

Pont.  :  Pontivy. 

Lor.  :  Lorient. 

Lang.  :  Languidic. 

M.  :  Meslan. 

Même  munis  de  cette  liste  les  lecteurs  du  Dictionnaire  et  du 
Supplément  resteront  fort  embarrassés.  Pour  savoir  ce  qu'il  faut 
entendre  par  haut-vannelais  et  bas-vannelais,  par  Arvor  et  Argoed 


Bibliographie*  81 

il  leur  faudra  se  reporter1  à  la  2mi  édition  de  ia  Grammaire  bre- 
tonne. Ils  y  apprendraient  que  le  Bas-vannetais  est  la  partie  occi- 
dentale du  Vannetais,  la  zone  comprise  entre  le  cours  de  l'Ellé  et 
celui  du  Scorff,  en  y  rattachant  une  bande  de  terrain  plus  ou 
moins  étendue,  d'une  largeur  de  une  à  deux  lieues  en  moyenne, 
sur  la  rive  gauche  de  cette  dernière  rivière.  Au  nord,  le  Bas-van- 
netais  s'étend  à  peu  de  distance  du  Blavet.  Mur  le  borde;  Mellio- 
née,  Lescouet,  Plédauff,  Perret,  Sainte-Brigitts,  Mur,  communes 
des  Côtes-du-Nord,  parlent  le  bas-vannetais.  Neuillac  était 
avant  la  Révolution  dans  l'évêché  de  Cornouaille.  Sur  la  rive 
gauche  de  l'Ellé.  Arzano,  Guilligomarch,  Redené,  communes 
du  Finistère,  parlent  également  le  bas-vannetais.  L'abréviation 
•S/c.-f^Scorff-Ellé)  peut  induire  en  erreur.  Sur  la  rive  droite  de  l'Ellé 
(mieux  Elë),  le  breton  a  les  traits  caractéristiques  du  cornouaillais. 
Quant  à  l'Arvor  et  l'Argoed,  ce  sont  des  subdivisions  du  Haut- 
Vannetais.  VArvor  ou  groupe  maritime  comprend  la  côte  est, 
c'est-à-dire  la  presqu'île  de  Rhuys,  le  golfe  du  Morbihan  avec  les 
îles  de  Houat  et  Hœdic,  la  presqu'île  de  Quiberon  et  même  la 
zone  côtière  jusqu'aux  abords  de  l'embouchure  du  Blavet  avec  des 
traits  de  plus  en  plus  atténués.  L'Argoed  comprend  le  groupe  inté- 
rieur. 

Pour  les  communes  il  eût  été  utile  d'indiquer  à  quelle  variété 
du  Vannetais  elles  appartiennent.  Quelques  mots  sont  accompagnés 
dans  le  Dict.  d'Ernault,  de  l'indication  S:  Caradec-Trégomel. 
Si  le  lecteur  n'est  pas  Vannetais,  il  lui  faudra  consulter  un  Diction- 
naire des  Postes  ou  une  carte  pour  savoir  que  cette  commune  est 
du  canton  de  Guémené-sur-Scorff  et  par  conséquent  parle  bas- 
vannetais. 

Dans  le  Dict.  et  le  Supplément  on  trouve  un  certain  nombre  de 
variantes  dialectales.  Le  choix  en  est  arbitraire.  Il  n'eût  fallu  don- 
ner que  celles  qui  pouvaient  contribuer  à  la  connaissance  de  la 
forme  commune  à  tout  le  groupe  et  servir  à  rattacher  le  mot  visé 
aux  autres  dialectes.  Il  va  sans  dire  que  donner  toutes  les  variantes 
dialectales,  eût  été  impossible  ;  le  plus  simple  eût  été  de  donner  en 
quelques  mots  les  traits  caractéristiques  des  principaux  sous-dia- 
lectes, comme  les  abbés  Le  Goff  et  Guillevic  l'ont  tenté  dans  leur 
grammaire.  Leur  exposé,  qui  est  en  partie  le  mien,  est  loin  d'être 
complet,  notamment  en  ce  qui  concerne  le  consonnantisme.  C'est 
ainsi  qu'il  eût  été  important  de  faire  remarquer  qu'il  n'y  a  plus  de 
d  intervocalique  occlusif  en  vannetais  maritime  ni  dans  la  plus 
grande  partie  du  haut-vannetais  intérieur.  C'est  une  spirante  den- 
tale intervocalique.  A  l'Ile-aux-Moines,  comme  je  l'ai  indiqué  dans 

Revue  Celtique,  XXXIX.  6 


82  Bibliographie. 

mon  travail  sommaire  sur  ce  dialecte,  à  final  même  est  devenu  t  après 
avoir  été  spirant.  Pour  le  bas-vannetais,  j'ai  donné  en  regard  des 
formes  du  haut-vannetais,  celles  du  bas-vannetais,  ainsi  d'ailleurs 
que  les  formes  léonardes  et  même  galloises  correspondantes  dans 
ma  réédition  du  Dictionnaire  breton-français  de  Vannes,  de  Châlons. 

A  propos  de  bas-vannetais,  je  suis  cité  dans  le  Dict.  d'Ernault 
d'une  façon  parfois  inexacte.  On  m'attribue  en  im  angellein,  se 
baigner,  nager  ;  j'ai  dû  écrire  angellat,  mais  non  avec  a  nasale, 
comme  le  ferait  supposer  l'orthographe  habituelle  du  Dict.  :  -ng- 
est  une  nasale  palatale  », 

Ce  n'est  pas  antaou  (capable  de)  qu'il  faut  lire,  mais  an^ciw, 
avec  a  non  nasal  :  -aou  ou  ~çw  bas-vannetais  a  pour  correspondant 
-eu  (eib  ou  ôiù)  en  haut-vannetais  (voir  Suppl.).  Au  lieu  de  brehau, 
tacheté,  j'ai  donné  bribaou  ou  brihow  (Suppl.  bréheit,  nom  donné 
à  une  vache  tachetée)  Bigoad  n'est  pas  bas-vannetais  comme  on 
me  le  fait  dire  à  tort  dans  le  Dict.  d'Ernault,  mais  haut-cornouail- 
lais  (Faouët  et  environs,  par  exemple  Guiscriff),  le  bas-vannetais 
est  bugat.  On  a  de  même  en  haut-cornouaillais  du  Morbihan 
bigoalé,  enfants,  au  lieu  de  bugale. 

Qek  qui  m'est  attribué  pour  tieg,  père  de  famille,  laboureur, 
n'est  pas  exact  :  il  faut  lire  kyçk  Qek),  er  hyek. 

A  ira,  chose,  on  m'attribue  :  en  trè-mau,  en  trc-ié  ;  il  faut  lire 
en  drè-man,  eu  drè-%e  (^c  avec  e  ayant  la  valeur  de  e  dans  le  français 
petit).  Cette  variante,  telle  quelle,  peut  induire  en  erreur.  Ce 
changement  de  a  bref  en  s  n'existe  que  dans  le  groupe  -al,  -ar,  -ra 
quand  a  ne  porte  pas  .  l'accent  principal  ou  est  en  composition 
syntactique.  Ainsi  on  dira  :  en  drè-man  dra,  en  parlant  d'une 
chose  qu'on  ne  précise  pas,  dont  on  ne  se  souvient  pas  bien.  On 
dit  toujours  en  dehors  de  ces  cas,  ira,  on  dra,  une  chose. 

A  côté  de  treuk,  aigre,  on  m'attribue  tnrignk  :  il  faut  lire 
trëynk. 

A  tuent  on  ajoute  :  b.  v.  kyom,  boni.  Loth  :  je  ne  reconnais  que 
Icyom. 

Un  autre  desiderata,  c'est  qu'il  n'y  a  dans  le  Supplément  comme 
dans  le  Dictionnaire  aucune  indication  en  ce  qui  concerne  l'ortho- 
graphe. 11  faut  aller  en  chercher  la  clet  dans  la  Grammaire.  Le 
système    orthographique    de    la    Grammaire    est   loin    d'être    irré- 


i.   Le   Supplément    donne  ihngtlhU(uvi),  ce  qui  est  inexact.  J'ai  donné 
Pétymologie    e   ce  mot  dans  la   Rev.  Celt.  Le  sens  propre   est  :  nager  en 

yen, uant  les  bras. 


bibliographie .  83 

prochaine.  Les  auteurs  ont  eu  raison  d'adopter  k  et  g  à  l'initiale 
même  devant  les  voyelles  d'avant.  A  la  finale,  je  ne  vois  pas  de 
raison  pour  employer  k  pour  c.  La  règle  adoptée  pour  les  consonnes 
finales  n'est  pas  à  approuver.  Les  substantifs  et  infinitifs  sans 
suffixe  verbal  se  terminent  par  la  lettre  qui  apparaît  devant  les 
suffixes  de  flexion  :  dornadeu,  dornad.  Pour  les  autres  espèces  de 
mots,  on  est  convenu  de  préférer  dans  l'écriture  une  finale  forte 
aune  douce,  mat,  bon;  ridek,  courir.  Ces  règles  ont  le  tort  de 
dissimuler  la  prononciation  réelle  dans  beaucoup  de  cas.  D'ailleurs 
elle  n'est  pas  toujours  appliquée  :  dans  le  Dictionnaire  on  lit  : 
-ig  diminutif  de  subst.  et  plus  bas  -ik  diminutif  d'adjectif  et  subst. 
L'emploi  de  /  ou  d,  p  ou  b  à  la  finale  est  tout  aussi  arbitraire. 
D'une  façon  générale,  en  exceptant  les  monosyllabes  à  voyelle 
longue  terminés  par  t(d),  p(b),  l'occlusive  finale  surtout  en  haut- 
vannetais  est  sourde  en  dehors  de  la  construction  syntactique,  de 
l'union  de  prononciation  avec  un  mot  suivant  commençant  par 
une  voyelle  :  on  peut  s'en  assurer  en  lisant  les  livres  vannetais  du 
xviii"  et  de  la  première  moitié  du  xixe  siècle  où  l'auteur  écrit  en 
général  d'après  la  prononciation  :  l'occlusive  est  même  souvent 
redoublée  :  bett,  monde  ;  bouitt,  nourriture  ;  gzued,  sang,  en  bas- 
vannetais,  en  haut-vannetais  se  prononce  plutôt  giuet  ;  j'ai  constaté 
cette  prononciation  à  Persquen,  canton  de  Guémené-sur-Scorff, 
commune  du  Bas-Vannetais  limitrophe  du  Haut-Vannetais.  Il  y  a 
quelque  incertitude  dans  certains  cas. 

La  Grammaire  écrit  mal  «  bon  ».  Le  Dict.  donne  mai  et  mad (par 
a  long).  En  réalité,  a  est  tantôt  bref,  tantôt  long  ;  quand  a  est  long, 
on  entend  d.  On  a  mal  par  a  bref,  en  union  syntactique  :  deit  mat, 
bienvenu  ;  dén  mat,  brave  homme  ;  comme  adverbe,  ce  qui  rentre 
d'ailleurs  dans  le  cas  précédent,  c'est  mât  qui  est  correct.  Au 
contraire  on  a  mâd  quand  le  mot  porte  l'accent  principal,  par 
exemple  quand  il  est  attribut  ou  substantif  :  en  aval-man  e  i&  mâd, 
cette  pomme-ci  est  bonne.  Le  Dict.  d'ailleurs,  sous  la  lettre  v 
donne  avec  pleine  raison  :  vad  :  hun  61  vad,  notre  bonheur  (tout 
notre  bien)  ;  gober  vad,  faire  du  bien. 

11  est  regrettable  que  les  auteurs  aient  écrit  systématiquement  / 
à  la  finale.  Ils  écrivent  dal,  aveugle,  et  tal,  front.  Or,  comme  le 
spécifie  la  grammaire,  p.  2,  a  dans  dal  est  bref  et  long  dans  tal.  Les 
auteurs  oublient  que  c'est  justement  parce  que  a  était  suivi  de 
deux  //  dans  dall,  aveugle,  que  a  est  bref,  et  parce  qu'il  n'était 
suivi  que  d'une  seule  /,  qu'il  est  long  dans  iâl,  front. 

Je  trouve  également  dans  le  Suppl.,  hel,  bas-vannet.  compar- 
timent des  pourceaux  (dans  une  écurie).  Tout  autre  qu'un  Vanne- 


fc4  Bibliographie. 

tais  sera  tort  embarrassé  pour  connaître  la  prononciation ^  de  c6 
mot,  laquelle  est  indispensable  si  on  veut  connaître  l'origine  du 
mot  et  le  rapprocher  du  mot  correspondant  dans  des  autres  dia- 
lectes ;   or,  on  prononce   kel,   c'est-à-dire  keiî,  emprunté  au  latin 

cella. 

.  La  Grammaire  exprime  la  voyelle  nasale  en  surmontant  n  suivant 
d'un  trait.  Ce  signe  manque  assez  souvent  dans  le  Dici.  et  le  Sitppl.  ; 
en  haut-vannetais,  a  est  nasal  dans  anbassad,  anbrug,  reconduire, 
escorter;  anpei;  empois  :  le  signe  convenu  manque  sur?/.  Ici,  il 
eût  été  utile  de  citer  le  bas-vannetais  ambrouc,  ampé-x.  Man,  mousse 
terrestre  est  prononcé  mân  et  eût  dû  être  écrit  man.  J'ai  cherché 

.  en  vain  à  côté,  manu  :  manu  e  bel,  rien  du  tout. 

Van,  bas-vannet.  dans  le  Suppl.   eût  dû  être  écrit  van  {ne  bran 
bel  van,  je  ne  fais  pas  cas)  :  on  prononce  en  effet  van. 

Ae  d'après  la  Grammaire  est  diphtongue.  Or  baer,  beau,  est 
généralement  prononcé  ker  avec  k  guttural. 

°  kérî.  ville,  village,  avec  l'article  défini,  la  maison,  chez  soi  est 
invariablement  écrit  kir  dans  le  Dict.,  ce  qui' est  vrai  mais  en 
dehors  de  la  composition  syntactique  devant  certaines  consonnes  : 
ainsi  on  prononce  en  bas-vannetais  et  ailleurs  :  er  ger-man,  ce 
village-ci.  De  même  en  composition,  1er-  premier  terme,  se 
prononce  ker-  :  kerstrat,  etc.  En  bas-vannetais  k  est  guttural, 
excepté  quand  ker-  est  premier  terme  d'un  composé  ;  en  ce 
cas,  k  est  palatal.  Pour  exprimer  w  consonne,  les  auteurs  ont 
ado'pté  ù  avec  accent  grave,  ce  qui  constitue  une  heureuse  simpli- 
fication :  man),  mort,  au  lieu  de  l'usuel  marbue  (une  syllabe). 

Le  Supplément  comprend  plus  de  2000  mots  ;  on  y  trouve  non 
seulement  bon  nombre  de  mots  nouveaux  et  de  formes  nouvelles, 
mais  encore  pour  des  mots  connus  des  sens  inconnus  et  parfois 
importants  soit  au  point  de  vue  de  l'origine,  soit  au  point  de  vue 
sémantique.  Les  plus  importants  seront  l'objet  de  notes  ou  d'ar- 
ticles dans  la  Revue  Celtique.  Je  me  contenterai  pour  le  moment  de 
quelques  remarques. 

On  trouve  pêle-mêle  sous  bob  :  ur  bob  a  di,  une  grande  maison  ; 
bobaj,  facéties,  graves  plaisanteries.  Le  bas-vannetais  ici  a  bouc'h, 
c'est-à-dire  bouc  ;  boubaj  signifie  proprement  propos  de  bouc  :  boue  est 
l'animal  lascif.  Pour  le  sens  de  grand,  qui  ne  s'emploie  ailleurs  que 
pour  une  maison,  il  s'explique  facilement  par  la  situation  éminente 
du  bouc  dans  un  troupeau  de  chèvres.  Dans  certains  coins  du 
Haut-Vannetais,  bob  bouc,  s'emploie  sans  penser  à  mal.  J'ai 
entendu  à  Quiberon,  un  jeune  homme  saluer  ainsi  une  jeune  fille 


Bibliographie.  85 

de  sa  connaissance  :  Iah  oui,  gast,  tu  vas  bien,  garce  ?  A  quoi  la 
jeune  fille  répondit   tranquillement  :   ha   ti,   boch,   et   toi,   bouc? 

A  daràuein,  frapper,  l'auteur  eût  dû  renvoyer  à  tarUuein,  frotter 
le  blé,  qui  paraît  de  même  origine. 

-Dibi,  bas-vannet.,  alerte  ;  dibiein,  se  hâter,  se  prononce  plutôt 
dibiy,  dibiyein. 

-divacjj.,  émonder  (Meslan)  est  plutôt  divarch,  divarchein. 

-futugal,  bas-vannet.,  fureter,  se  prononce,  en  général,  futukal. 

-garbig,  chardon  ou  plutôt  fragon,  est  passé  dans  le  français 
de  Guémené-sur-Scorff,  et  est  très  recherché  pour  les  lapins,  on 
prononce  gorbik. 

-haligatik  (Meslan)  à  qui  arrivera  le  premier,  se  prononce  : 
halegatek. 

riuh  :  cette  forme,  dit  l'auteur,  donnée  dans  le  Dict.  doit  être 
pour  (er)huh.  La  note  doit  viser  le  sens  de  complot  qui  est  pris 
dans  Châlons,  car  iuh  Çyûc'h^)  en  bas-vannetais,  est  bien  la  forme 
correspondante  au  haut-vannetais  ioh,  tas.  L'abbé  Le  Goff,  pour 
complot,  doit  avoir  raison,  mais  il  ne  donne  aucun  commencement 
de  preuve  ;  ce  qui  me  le  fait  supposer  c'est  qu'en  bas-vannetais 
on  dit  :  or.  hyuhat,  pour  kuhat,  cachette,  dans  le  même  sens  de 
trouvaille  :  cf.  er  hyure,  le  vicaire  (hure). 

-jest  (Groix),  pitre  ;  jest  est  employé  par  les  tailleurs  eux-mêmes 
pour  désigner  leur  argot  en  langage  secret  ;  c'est  le  français  geste. 

-killereu,  avant-train  de  la  charrue,  devrait  être  écrit  killerow  ou 
killeraou  ;  il  est  donné,  en  effet,  comme  usité  à  Meslan,  en  pleine 
zone  du  Bas-Vannetais. 

-rnalestoul,  inalestoar,  bas-vannet.,  sont  expliqués  comme  des 
sortes  de  jurons.  Ce  sont  en  effet  des  déformations  de  :  malestou, 
malédiction  de  Dieu,  usité  chez  les  voisins  de  Haute-Cornouailles. 
Les  formes  sincères  du  Bas-Vannetais  sont  :  malahtou,  malahloc. 
Chez  les  voisins  du  Haut-Vannetais,  on  entend  aussi  malohtoul  :  tout 
au  lieu  de  touè  pour  éviter  de  prononcer  le  nom  de  Dieu.  A  côté  de 
malastoar,  on  a  le  diminutif  pluriel  malastoar  egy  ow .  A  mankaniour, 
entremetteur,  qui  serait  pour  marh-kaniour  on  donne  :  bas-vannet. 
marh  dimein  qui  est,  en  effet,  usité  (marh  ilimigu,  plus  souvent 
marh  dimîgnow)  avec  marb-bonâl. 

-minocbeii,  sentier,  donné  comme  bas-vannetais,  est  plus  sou- 
vent minôjen. 

-niver,  dizeau  de  1 1  gerbes  à  Neulliac.  A  Lignol,  nihyer,  niyer 
{c  et  0  bref),  forme  régulière  de  niver,  indique  33  gerbes. 

-riotal,  bas-vannetais,  plaisanteries,  farces,  est  plus  exact  que  le 


86  Bibliographie. 

rihoteu  du  Dict.  On  prononce  violai  ou  plutôt  riyotal,  qui  a  le  sens 
de  gouaillèr  :  c'est  le  français  riol. 

-ritetl,  raie,  trou,  (plutôt  fente),  est  donné  comme  usité  à 
Meslan  :  je  ne  connais  que  rinnten. 

-rons,  bas-vannetais,  colline  couverte  de  bruyères  et  d'ajoncs, 
L'auteur  eût  dû  ajouter  que  c'est  le  ros,  bien  connu  :  Perros  (Pen- 
ros)  ;  on  prononce,  en  effet,  en  dehors  de  la  composition  rôs, 
quoique  rç>\  existe  aussi. 

-sert,  étonnement,  eût  dû  être  écrit  seh  avec  e  ouvert.  L'auteur 
s'en  est  d'ailleurs  douté  et  le  propose  àseah.  C'est  le  seab,  foudre, 
carreau,  du  Dictionnaire  qui  donne  aussi  :  ur  seah,  ur  séh  dans  le 
sens  cY  étonnement  ;  ur  seh,  étonnamment  ;  seheiu,  foudroyer  et  blas- 
phémer ;  séhet,  étonné. 

-sill,  côté,  de  champ,  tranchant;  l'auteur  a  raison  d'écrire  ainsi 
et  d'ajouter  :  et  non  s'il,  orthographe  du  Dict. 

-skogn,   bas-vannet.,    morceau  épais;  se  prononce  aussi  skoegn. 

-spurn,  bas-van.,  cloison  :  plutôt  speurn  (sporn). 

-strabouillein  (Meslan  ;  bas-van.),  affoler,  épouvanter.  Je  ne 
cacherai  pas  que  ce  sens  m'étonne.  En  bas-vannetais,  strabouillein 
(*slrabuyêyn)  a  le  sens  de  salir,  troubler  l'eau  particulièrement.  Le 
Dict.  donne  justement  strebouilhet,  (objet)  agité  dans  l'eau  :  ce  qui 
est  à  peu  près  le  sens  du  bas-vannet.  strabouillet.  D'ailleurs  le  Suppl. 
donne  à  côté  slrabouillad,  paquet  de  choses  sales  ;  slrabouillad, 
individu  sale,  salaud  ;  strabouillen,  féminin.  Ces  mots  sont  égale- 
ment en  usage  en  bas-vannetais. 

-stum,  bas-vannet.  penchant  ;  stumel  gel,  qui  a  du  goût  pour. 
Slumet  a  bien  ce  sens,  parfois  avec  plus  de  force  :  adonné  à,  occupé 
exclusivement  de.  Le  Dict.  donne  stumein,  corriger  un  enfant  ;  ce 
mot  serait  en  usage  avec  ce  sens  sur  les  bords  du  Scorff.  C'est,  à 
coup  sûr,  un  sens  très  rare.  Etant  né  sur  les  bords  du  Scoff,  je  puis 
assurer  qu'au  nord  tout  au  moins,  il  est  inconnu. 

-taroued,  deuxième  essaim  d'abeille  ;  variante  ierhoued.  Le  Dict. 
donne  Ierhoued,  deuxième  ou  troisième  essaim.  Le  mot  indique 
plus  précisément  le  deuxième  essaim. 

Taroued  ou  tarhoued  est  identique  au  gallois  tarwhaid,  deuxième 
essaim  ;   cf.  tar  gah,  matou  (tariu-gali)  ;  léonard  targa~x. 

-Ia~xeu  :  en  ta\euy  d'ici  longtemps.  En  bas-vannet.  en  ta^oiv-man 
signifie  :  ces  temps-ci,  d'ici  quelque  temps.  En  ta\ett  me  paraît  plus 
usité  que  le  ;/;/  ta^eu  du  Dict. 

-tredanu,  bas-vannet.  L'auteur  renvoie  avec  raison  à  trederauu. 
tiers;  c'est  conforme  à  la  phonétique  du  bas-vannet.  :  ci. pelé,  quelle 


Bibliographie.  87 

cho.re,  à  coté  de  petra  (peirè)  ;  nile  pour  nitrê  =  nitra.  Cf.  le  pro- 
verbe bas-vannet.  (Liguol)  : 

Goueî  Yann 

tue  kë gibelet  meyd  en  dreâann,  à  la  Saint-Jean,  on  ne  voit  que 
le  tiers  (de  ce  que  sera  la  récolte). 

-van,  bas-v.  :  ne  ran  kêt  van,  je  ne  fais  pas  cas.  Il  eût  fallu  van, 
c'est-à-dire  vân  avec  a  nasal. 

-vrê,  généreux,  lar^e,  lovai,  n'est  autre  chose  que  le  français 
vrai,  emprunté  au  français  de  l'Ouest. 

Quoique  très  copieux,  le  Suppl.  n'épuise  pas  les  ressources  de 
la  lexicographie  vannetaise.  On  pourrait  trouver  beaucoup  à  glaner 
au  point  de  vue  du  sens  et  des  idiotismes  dans  le  Dict.  manuscrit 
français-breton  attribué  à  Châlons.  Le  Dict.  de  Cilîard  de  Keram- 
poul,  même  après  le  Dict.  et  son  Suppl.,  est  encore  utile  à  consulter. 

J.  Loth. 


III 

A.  O'Kelleher  et  Miss  G.  Schoepperle.  Betha  Colaim  Chille  (Life 
of  Colum  Cille),  compiled  by  Manus  O'Donnell  in  1532,  edited 
and  translated,  with  Introduction,  Glossary,  Notes  and  Indices. 
(University  of  Illinois  Bulletin,  Vol.  XV).  Urbana.  1918.  Ixxviij- 
51e  p.  grand  8°.  Prix  :  $  3  .  50. 

Ce  gros  livre  a  une  histoire  instructive  à  plus  d'un  titre.  La  vie 
de  Colum  Cille  qui  y  est  éditée  avait  été  publiée  déjà  avec  tra- 
duction anglaise  dans  la  Zeitschrift  fur  celtische  Philologie,  d'abord 
par  les  soins  de  feu  Richard  Henebry  pour  les  157  premiers 
chapitres,  et  par  ceux  de  M.  O'Kelleher  pour  le  reste  (chapitres 
157  11232).  Par  suite  de  difficultés  diverses,  la  publication  avait 
marché  très  lentement  ;  elle  s'échelonne  de  1901  à  19 14  dans  les 
tomes  III  à  V  et  IX  à  X  de  la  Zeitschrift.  En  19 16,  l'Irish  Fellow- 
ship  Club  de  Chicago,  à  l'instigation  du  Président  de  l'Université 
d'Illinois,  M.  James,  voulut  encourager  les  études  irlandaises  dans 
les  Universités  américaines  en  entreprenant  la  publication  de  textes 
soit  inédits,  soit  difficilement  accessibles.  Une  société  fut  fondée 
à  cette  intention  sous  le  nom  d'  «  Irish  Foundation  of  Chicago  »  ; 
grâce  à  la  générosité  de  ses  membres,  une  somme  de  1200  dollars 
fut  offerte  à  un  Research  Fellow  in  Gaelic  pour  lui  permettre  de 
donner  tout  stth  temps  à  l'édition  de  textes  irlandais.  C'est  M.  A. 
O'Kelleher,  de  la  paroisse  de  Saint-Pierre  et  Saint-Paul  à  Great 


88  Bibliographie. 

Crosby  près  de  Liverpool  et  Lecturer  à  l'Université  de  Liverpool, 
qui  fut  désigné  dès  le  mois  de  novembre  1916  pour  bénéficier  de 
la  fondation.  Il  se  rendit  immédiatement  à  Chicago  et,  aidé  de 
Miss  Schoepperle  réussit  à  mettre  sur  pied  en  moins  de  deux  ans 
le  présent  volume. 

Il  eût  été  sans  doute  facile  aux  deux  éditeurs  de  trouver  un 
texte  irlandais  plus  important  ou  plus  utile  à  publier  que  celui 
qu'ils  ont  choisi.  Des  philologues  du  continent  auraient  peut-être 
été  attirés  par  quelque  autre  production  plus  originale  de  l'imagi- 
nation celtique.  Mais  il  faut  songer  à  la  place  que  tient  Colum  Cille 
dans  l'hagiographie  irlandaise  et  au  respect  dont  sa  mémoire  est 
entourée  dans  le  culte  des  fidèles.  La  publication  d'une  vie  de 
Colum  Cille  peut  passer  pour  une  entreprise  patriotique,  d'intérêt 
national.  Aux  yeux  d'un  croyant,  l'œuvre  de  Manus  O'Donnell 
offre  un  autre  avantage  :  c'est  que  l'auteur  y  a  entassé  une  masse 
de  matériaux.  La  liste  de  ses  sources  (v.  p.  xlvj)  est  imposante. 
En  compilant  la  littérature  des  siècles  précédents,  il  a  donc  donné 
a  la  biographie  de  Colum  Cille  une  ampleur  à  nulle  autre  pareille. 
C'est  un  vaste  réceptacle,  où  sont  venues  aboutir  des  traditions, 
païennes  ou  chrétiennes,  des  légendes,  même  mvthologiques, 
enfin  des  superstitions  qu'a  fait  naître  la  vie  des  saints  dans  l'ima- 
gination populaire.  Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  d'exprimer  une 
opinion  sur  les  vies  de  saints  (v.  Rev.  Celt.,  XXXII,  104  et 
XXXIII,  357).  C'est  un  genre  littéraire  des  plus  misérables.  Pour 
quiconque  ne  regarde  pas  cette  vie  de  Colum  Cille  avec  les  yeux 
de  la  foi,  elle  ne  dément  pas  le  jugement  sévère  que  mérite  en 
général  l'hagiographie  celtique.  Les  défauts  du  genre  y  apparaissent 
même  d'autant  plus  qu'elle  est  de  dimensions  plus  étendues. 

Il  ne  faut  pas  chercher  dans  les  vies  de  saints  une  valeur  histo- 
rique. Même  les  plus  anciennement  rédigées  sont  généralement 
trop  postérieures  aux  événements  qu'elles  racontent  pour  donner  à 
ceux-ci  un  caractère  d'authenticité.  Le  pire  est  qu'elles  n'ont  pas 
été  rédigées  comme  des  documents  historiques,  mais  comme  des 
œuvres  d'édification.  La  vie  de  Colum  Cille  de  Manus  O'Donnell 
a  sans  doute  des  prétentions  historiques.  Son  auteur,  qui  écrivait 
en  plein  xvie  siècle  et  appartenait  à  une  famille  illustre,  a  voulu 
fixer  définitivement  la  figure  du  grand  apôtre  et  il  a  procédé  en 
historien  consciencieux,  réunissant  sur  son  personnage  le  plus  de 
renseignements  qu'il  pouvait.  Malheureusement  il  manquait  de 
critique,  et  par  suite  il  n'échappe  pas  aux  reproches  que  méritent 
les  hagiographes  plus  anciens  dont  il  s'est  inspiré.  Il  a  même 
contre  eux  le  tort  qu'appartenant  à  un  siècle  plus  éclairé  il  a  donné 
crédit  à  leurs  inventions  les  plus  extravagantes. 


Bibliographie.  89 

Colum  Cille  méritait  mieux  que  les  4égendes  dont  on  l'a  gratifié. 
C'est  une  puissante  figure  d'apôtre,  qui  transparaît  derrière  les 
légendes,  si  opaques  qu'elles  soient.  La  vie  écrite  par  Adamnân, 
étant  presque  contemporaine,  en  donne  une  idée  imposante  '  ; 
et  l'on  pourrait  çà  et  là  glaner  dans  l'œuvre  de  Manus  O'Donnell 
des  traits  qui  serviraient  à  la  reconstituer.  M.  O'Kelleher  et  Miss 
Schoepperle,  prenant  leur  rôle  d'éditeurs  en  philologues  cons- 
ciencieux, ont  joint  au  texte  et  à  la  traduction  une  introduction 
copieuse  et  des  index  variés  qui  fournissent  d'abondantes  infor- 
mations. Leur  ouvrage  servira  donc,  comme  ils  le  souhaitaient, 
la  gloire  de  Colum  Cille  et  de  l'Irlande.  Une  œuvre  pie,  non 
moins  méritoire,  serait  de  réunir  aujourd'hui  les  poèmes  attribués 
par  la  tradition  à  Colum  Cille.  11  en  est  d'une  délicieuse  inspiration 
poétique,  et  quelques-uns  portent  la  marque  d'une  respectable 
antiquité.  Ce  qu'en  donnent  les  deux  éditeurs,  d'après  Manus 
O'Donnell,  ne  saurait  passer  pour  une  édition  complète,  ni 
définitive. 

J.  Vendryes. 


IV 

Rev.  Gerald  O'Nolan.  Siudies  in  Modem  Irish  (Part  II).  Con- 
tinuons prose  Composition.  Dublin.  The  Educational  Company 
of  Ireland.  1920.  iv-148  p.  120. 

Dans  cette  seconde  partie  de  son  ouvrage  (sur  la  première, 
voir  Rev.  Celt.,  t.  XXXVIII,  p.  192),  l'abbé  O'Nolan  vise  un  but 
avant  tout  pratique.  Il  n'y  a  fait  aucune  place  aux  discussions 
théoriques  ou  à  l'exposé  dogmatique  des  règles.  Seule,  une  courte 
introduction  présente  en  résumé  quelques  conseils  généraux  à 
l'usage  de  ceux  qui  font  des  traductions  d'anglais  en  irlandais.  Le 
reste  du  livre  ne  comprend  qu'une  série  d'exercices  :  d'abord 
cinquante  morceaux  de  prose  anglaise,  de  caractère  varié  (narratif, 
historique,  philosophique,  etc.),  accompagnés  d'une  traduction 
irlandaise,  avec  des  notes  explicatives,  renvoyant,  s'il  y  a  lieu,  au 
volume  précédent;  le  tout  disposé  de  façon  à  faire  passer  en  revue 
les  difficultés  et  particularités  de  la  syntaxe  irlandaise.  Un  choix  de 

1.  Cette  vie  est  à  lire  dans  l'admirable  édition  de  W.  Reeves,  The  Life 
of  St.  Columba,  founder  of  Hy,  written  by  Adamnan,  Dublin,  1857. 
Adamnan,  neuvième  abbé  de  Hy,  naquit  vers  624  et  mourut  en  704. 


90  Bibliographie. 

cinquante  autres  morceaux  anglais,  pouvant  servir  de  thèmes  dans 
les  écoles,  mais  non  accompagnés  de  traduction,  termine  le 
volume. 

L'abbé  O'Nolan  s'attache  autant  au  style  qu'à  la  syntaxe  ;  il  se 
pique  d'offrir  à  ses  élèves  des  modèles  de  prose  irlandaise.  Sentant 
très  finement  la  beauté  de  sa  langue,  il  en  veut  faire  ressortir 
toutes  les  qualités  esthétiques.  Féru  de  logique,  comme  l'a  montré 
déjà  son  premier  volume,  et  convaincu  que  l'irlandais  exige  de  la 
logique  dans  le  discours,  il  veut  enseigner  à  écrire  logiquement. 
Aussi  met-il  ses  élèves  en  garde  contre  les  sauts  de  pensée  ;  il  les 
exerce  à  dérouler  la  suite  des  idées  d'une  façon  uniforme  et  uni- 
formément progressive.  La  contrainte  qu'il  impose  ainsi  au  raison- 
nement est  bien  d'un  professeur  de  séminaire,  habitué  à  régenter 
les  esprits.  Elle  exclut  toute  spontanéité.  Certains  la  jugeront  trop 
scolaire.  Un  écrivain  original  s'en  accommoderait  difficilement. 
Mais  il  est  évident  que  l'abbé  O'Nolan  n'établit  pas  ses  règles 
pour  les  écrivains  de  génie  qui  naîtront  en  Irlande  ;  ceux-là 
sauront  bien  se  créer  un  style  personnel.  Il  s'adresse  aux  novices, 
aux  apprentis  qui  veulent  acquérir  l'art  d'écrire  suivant  des  règles 
toutes  faites. 

La  première  de  ces  règles  est  de  dépouiller  les  habitudes  de 
pensée  anglaise  pour  permettre  à  l'esprit  irlandais  de  se  montrer 
avec  toutes  ses  qualités  traditionnelles.  De  là  certains  principes  de 
traduction  qui  étonnent  d'abord  un  lecteur  français.  Lorsqu'un 
écolier  de  chez  nous  traduit 'dû  latin,  c'est  pour  s'exercer  à  couler 
sa  pensée  dans  le  moule  de  la  langue  classique;  c'est  pour  s'asser- 
vir et  se  discipliner.  Au  contraire  quand  il  fait  traduire  de  l'anglais 
à  ses  élèves,  l'abbé  O'Nolan  a  pour  objet  de  les  affranchir,  de  les 
libérer.  «  Traduttore  traditore  »  pourrait  servir  d'épigraphe  à  son 
livre  ;  l'infidélité  en  effet  y  est  érigée  en  principe.  Etre  infidèle  à 
l'anglais,  n'est-ce  pas  la  meilleure  façon  d'affirmer  sa  foi  irlandaise  ? 
«  Language  is  an  index  to  the  national  character  »,  dit-il  dès  la 
première  page.  Comme  le  caractère  irlandais  est  profondément 
différent  du  caractère  anglais,  il  ne  faut  pas  songer,  quand  on 
passe  d'une  lingue  à  l'autre,  à  faire  une  traduction  littérale;  au 
contraire,  il  faut  repenser  en  irlandais  le  morceau  que  l'on  veut 
traduire  et  en  enchaîner  les  idées  à  la  mode  irlandaise.  Il  faut 
procéder  à  un  réarrangement  des  phrases  pour  obtenir  une  com- 
position conforme  au  génie  de  la  langue  et  aux  habitudes  de 
pensée  de  ceux  qui  la  parlent.  Tels  sont  les  principes  d'après 
lesquels  il  convient  de  juger  les  traductions  que  donne  l'abbé 
O'Nolan.  Etant  donné  l'objet  qu'il  se  propose,  ils  sont  des  plus 
légitimes:  J.  Yexdryfs: 


Bibliographie.  91 


V 

Lady  Gregory.  Visions  and  Beliefs  in  the  West  of  Ireïand,  with  two 
Essays  and  Notes  by  W.  B.  Yeats.  London,  Putnam's  Sons, 
1920,  2  vol.,  vi-293  et  343  p.  8°  22  s.  6  d. 

C'est  une  bonne  fortune  pour  un  écrivain  doué  à  la  fois  d'une 
imagination  vive  et  d'un  sens  aigu  d'observation  que  de  vivre  dans 
un  pays  comme  l'Irlande.  On  y  est  naturellement  porté  à  la  poésie  : 
les  choses  parlent  à  l'âme,  les  gens  ont  une  originalité  pittoresque  et 
sympathique.  Ce  qui  complète  le  charme  de  ce  pays,  c'est  qu'on 
y  vit  en  dehors  du  temps.  Le  présent  se  confond  avec  le  passé  ; 
les  vivants  ne  sont  pas  séparés  des  morts.  Bien  plus,  il  n'y  a  pas 
de  limite  entre  le  monde  surnaturel  et  celui  de  la  nature  ;  les 
objets  réels  ont  un  sens  mystérieux,  auquel  on  s'initie  aisément  ; 
parmi  les  foules  circulent  des  êtres  venus  de  l'au-delà,  fantômes 
étranges,  qu'on  rencontre  parfois,  dont  chacun  parle  à  la  troisième 
personne  du  pluriel  :  «  Ce  sont  eux  »,  «  ils  ont  fait  ceci  ou  cela  », 
ou  qu'on  appelle  simplement  «  les  autres  ».  L'Irlande  est  un  pays 
où  il  y  a  toujours  des  fées. 

Lady  Gregory  doit  à  l'Irlande  une  bonne  part  de  son  talent  ;  ses 
dons  naturels  ont  été  accrus  et  embellis  par  l'ambiance.  La 
moitié  de  son  œuvre  se  compose  de  comédies  bouffonnes,  où  sa 
verve  a  créé  d'après  nature  des  types  saisissants  de  vérité.  Mais  elle 
a  aussi  un  sentiment  poétique  des  plus  profonds,  qui  s'est  épanché 
notamment  dans  son  évocation  du  héros  épique  Ciichalliii  of 
Murthemne.  On  lui  a  reproché  de  ne  pas  suffisamment  respecter  la 
tradition.  Certes  elle  n'a  pas  voulu  faire  dans  ce  livre  une  recons- 
titution philologique  ou  archéologique  ;  elle  a  traité  à  sa  manière, 
suivant  une  adaptation  personnelle,  un  sujet  très  ancien  qui  la 
séduisait.  L'ouvrage  en  deux  volumes  qu'elle  présente  aujourd'hui 
au  public  est  un  recueil  de  superstitions  et  de  croyances  répandues 
dans  l'Ouest  de  l'Irlande,  et  surtout  dans  le  comté  de  Galway.  Elle 
y  a  joint  quelques  notes  de  son  ami  M.  Yeats,  qui  depuis  quelques 
années  s'intéresse  fort  aux  sciences  occultes  et  qui  l'a  aidée  dans  sa 
documentation.  Les  folk-loristes  trouveront  dans  cet  ouvrage  une 
ample  provision  de  faits,  à  joindre  aux  nombreux  recueils  déjà 
publiés  sur  le  folk-lore  celtique.  Et  les  amis  de  l'Irlande  auront 
plaisir  à  y  prendre  connaissance  d'un  des  aspects  les  plus  curieux 
de  l'âme  irlandaise,  celui  qui  est  tourné  vers  l'au-delà.  C'est  un 
excellent  guide  pour  franchir  les  limites  du  monde  visible  et 
pénétrer  dans  le  royaume  des  f«esi 


92  Bibliographie. 

Il  n'est  pas  très  sûr  que  Lady  Gregory  ait  jamais  vu  de  fées  elle- 
même  ;  mais  elle  connaît  beaucoup  de  gens  qui  en  ont  vu  et  qui 
pouvaient  la  renseigner  sur  les  habitudes  de  ces  êtres  enchantés. 
Elle  a  donc  composé  son  livre  des  confidences  qu'elle  a  reçues  à 
leur  sujet  de  personnes  voisines  de  sa  résidence.  Ce  n'est  pas  elle 
qui  parle  ;  c'est  Mrs.  Casey  ou  Mrs.  Sheridan,  c'est  une  vieille  de 
Kinvana,  un  jeune  gardien  de  moutons,  un  pêcheur  des  îles 
(d'Aran),  et  beaucoup  d'autres  encore,  qui  grâce  à  elle  entreront 
dans  l'histoire  avec  le  témoignage  qu'ils  lui  ont  apporté.  Ils  ont 
tous  une  foi  si  naïve,  ils  racontent  avec  une  si  belle  assurance  les 
aventures  les  moins  vraisemblables  que  l'on  est  tenté  d'y  croire 
avec  eux.  Il  faut  faire  effort  pour  revenir  à  une  appréciation 
rationnelle  des  choses  du  monde.  Heureusement,  Lady  Gregorv 
nous  y  aide.  Elle  a  fait  précéder  les  différentes  sections  de  son  livre 
de  courtes  introductions,  dont  quelques-unes  sont  des  chefs- 
d'œuvre  d'humour.  L'humour  est  la  poésie  du  sens  commun. 
Quel  moyen  de  croire  aux  fées  après  que  Lady  Gregory  nous  a 
narré  sa  visite  à  la  maison  de  Biddy  Early  !  Quel  moyen  de  prendre 
au  sérieux  le  monde  surnaturel  de  Mr.  Saggarton,  quand,  avant 
de  nous  y  introduire,  Lady  Gregory  nous  raconte  l'impayable 
aventure  de  M.  Yeats  pris  pour  un  clergyman  à  cause  de  la  forme 
de  son  chapeau  !  D'un  mot  d'esprit  bien  placé,  elle  chasse  Amadân 
na  Briona,  le  Fool  of  the  Forth  après  l'avoir  évoqué  devant  nous. 
Une  délicieuse  ironie  glisse  à  travers  le  livre  ;  généralement  à 
peine  perceptible,  elle  éclate  par  endroits,  juste  à  point  pour 
dissiper  le  mystère  et  faire  envoler  les  fées. 

Le  style  est  un  des  plus  piquants  agréments  du  livre.  On  sait 
quelle  langue  savoureuse  Lady  Gregory  s'est  créée  et  avec  quelle 
perfection  elle  en  use.  C'est  un  nouveau  modèle  de  cette  langue 
qu'elle  donne  ici.  Son  livre  rappellera  à  maint  lecteur  la  Légende  de  la 
Mort  de  M.  Le  Braz,  où  l'auteur  se  retire  aussi  derrière  les  person- 
nages qu'il  met  en  scène  et  qu'il  fait  parler.  Mais  M.  Le  Braz  a  un 
verbe  splendide,  qui  se  reconnaît  immédiatement  ;  il  le  prête  à  ceux 
dont  il  traduit  les  pensées.  Lady  Gregory  donne  au  contraire 
l'impression  d'avoir  reproduit  le  récit  des  gens  qu'elle  a  consultés, 
tel  qu'elle  l'a  recueilli  sur  leurs  lèvres.  S'il  y  a  beaucoup  d'art  dans 
son  style,  c'est  un  art  discret,  qui  se  cache.  George  Sand  faisait 
parler  de  la  même  façon  les  pastoures  du  Berry.  La  seule  différence 
est  que  la  bonne  dame  de  Nohant  tirait  du  parler  rustique  de  sa 
province  des  effets  de  sentiment,  tandis  que  la  châtelaine  de  Coole 
Park  cherche  surtout  du  pittoresque  dans  la  brogue  de  Kiltartan. 
Mais   ce    n'est   pas  un   mince    honneur  pour  l'ouvrage  de    Lady 


Bibliographie,  93 

Gregory  que,  faisant  verni"  à  l'esprit  du  lecteur  les  noms  de  George 
Sand  et  d'Anatole  Le  Braz,  il  se  classe  avec  ses  qualités  propres 
auprès  des  meilleurs  ouvrages  de  ces  deux  bons  écrivains. 

J.  Vendryes. 


VI 

T.  Gwynn  Jones.  Llenyddiaeth  Gymrâeg  y  bedwaredd  ganrij  ar  bym- 
theg  [Littérature  galloise  du  xixe  siècle],  llawlyfr  at  wasanacth 
darllcniuyr  [Manuel  à  l'usage  de  ceux  qui  lisent].  Caernarfon, 
1920,  46  p.  gr.  8°. 

Tout  en  poursuivant  sa  carrière  de  poète  l,  M.  T.  Gwynn  Jones 
a  entrepris  la  tâche  fort  utile  d'historien  de  la  littérature.  En 
1915,  sous  le  titre  Llenyddiaeth  y  Cymry  hyd  ymdrech  y  Tuduriaid 
(Littérature  de  Galles  jusqu'à  l'avènement  des  Tudors),  il  réunissait 
en  volume  2  une  série  d'articles  publiés  par  lui  de  mois  en  mois 
dans  la  revue  Y  Faner  et  dont  l'ensemble  constitue  le  meilleur 
résumé  que  l'on  ait  de  la  première  et  plus  illustre  moitié  de  la 
littérature  galloise.  Son  nouveau  volume,  également  tiré  à  part 
d'une  revue,  Y  Genedl,  est  un  bon  exposé  des  grands  courants  de 
la  littérature  galloise  au  xixe  siècle  ainsi  qu'un  répertoire  des 
principaux  poètes  et  écrivains  qui  l'ont  illustrée.  I!  est  d'ordinaire 
assez  malaisé  de  se  renseigner  sur  la  littérature  galloise  du  siècle 
dernier.  L'œuvre  des  poètes,  qui  est  considérable  par  la  quantité, 
est  dispersée  dans  une  multitude  de  publications  locales,  de  petites 
revues,  de  recueils  plus  ou  moins  accessibles.  On  se  fait  difficilement 
idée  de  l'activité  poétique  du  pays  et  des  sujets  que  les  poètes  ont 
traités  de  préférence.  Les  renseignements  fournis  par  M.  Gwynn 
Jones  sont  exacts  et  brefs:  en  quelques  lignes  il  apprécie  la  valeur 
des  auteurs  qu'il  passe  en  revue,  cite  leurs  œuvres  marquantes, 
indique  leurs  caractéristiques  et  donne  un  ou  deux  courts  échantil- 
lons de  leur  style.  Les  titres  des  chapitres  du  livre  en  montrent  la 
composition  et  l'enchaînement  :  1.  Entre  deux  périodes  ;  2.  Le  nou- 

1.  Parmi  les  dernières  productions  poétiques  de  M.  Gwynn  Jones,  citons: 
Tr  nythgwagym  Mro  Gynin  («  Au  nid  vide  de  Bro  Gynin  [lieu  de  nais- 
sance de  DafyJdab  Gwilym]  »),  1910  ;  Tir  na  n-Og,  poème  dramatique  sur 
l'Irlande,  Cardiff,  1916  ;  Gwlad  Hud  («  Pays  enchanté  »)  ;  et  plus  récem- 
ment encore,  Pro  Patria  et  Madog,  ce  dernier  tiré  à  part  de  la  revue  y  Beir- 
niad. 

2.  A  Denbigh,  chez  l'éditeur  Gee  and  Son;  103  p.  gr.  8°  ;  prix:  3sh.6d. 


94  Bibliographie. 

veau  siècle;  3.  Prose  et  poésie;  4.  L'eisteddfod  (excellent chapitre 
où  l'auteur  montre  ce  qu'a  été  cette  institution  depuis  ses  débuts 
et  l'action  qu'elle  a  exercée  sur  le  développement  de  la  littérature)  ; 
5.  Les  poètes  de  la  première  moitié  du  siècle  (chapitre  de  beau- 
couple  plus  long)  ;  6.  Le  milieu  du  siècle  ;  7.  L'englyn  ;  8.  Les  lit- 
térateurs ;  9.  Les  traducteurs  ;  10.  Liste  des  poètes  et  des  littéra- 
teurs. Cette  liste  notamment  rendra  de  grands  services  :  elle  en 
rendrait  plus  encore  si  les  écrivains  cités  étaient  rangés  par  leur 
nom  bardique  et  non  par  leur  nom  de  famille.  Parmi  les  33 
Davies,  les  9  Edwards,  les  14  Evans,  les  n  Hughes,  les  39  Jones, 
les  25  Williams  de  la  liste,  on  a  peine  à  trouver  celui  qu'on 
cherche.  Une  double  liste  eût,  du  moins,  été  utile.  Ainsi  Ceiriog 
figure  sous  Hughes  ;  Talhaearn  sous  Jones,  Islwyn  sous  Thomas 
ainsi  qu'Eben  Fardd.  La  liste  de  M.  Gwynn  Jones  ne  renferme 
que  des  morts.  11  y  aurait  lieu  d'augmenter  sensiblement  l'ouvrage 
pour  compléter  l'histoire  littéraire  du  \ixL  siècle  si  l'on  voulait  y 
faire  figurer  les  auteurs  vivants. 

J.  Vekdryes 


VII 

Jean-Pierre  Calloc'h.  A  genoux,  lais  bretons  accompagnés  d'une 
traduction  française  de  M.  P.  Mocaër,  avec  une  introduction  de 
M.  René  Bazin  et  une  préface  bilingue  de  M.  J.  Loth.  Paris, 
Plon-Nourrit,  1921,  xxiij-234  p.  120  7  fr. 

Le  mardi  de  Pâques,  10  avril  1917,  devant  le  village  d'Urvillers 
(Aisne),  un  obus  ennemi  tua  net  le  sous-lieutenant  Jean-Pierre 
Calloc'Ji.  Ce  fut  un  coup  à  jamais  déplorable.  Le  destin  ce  jour-là 
priva  la  Bretagne  d'un  poète  qui,  dans  le  mouvement  actuel  de 
renaissance  littéraire,  avait  sa  place  au  tout  premier  rang.  Sous  le 
pseudonyme  de  «  Bleimor  »  (Loup  de  mer),  il  avait  publié  de  son 
vivant  quelques  poèmes  d'une  belle  facture  •  ;  mais  la  plupart  de 
ses  œuvres  étaient  inédites.  Le  recueil  intégral  qu'en  publie 
aujourd'hui  son  ami,  M.  Mocaër,  révèle  des  dons  poétiques  de  pre- 
mier ordre.  Calloc'h  mérite  de  passer  à  la  postérité  parmi  les 
plus  illustres  poètes  catholiques  de  tous  les  pays  et  de  tous  les 
temps.  On   pense,    en  le  lisant,   au    Corneille  de   Y  Imitation,   que 

1.  Notamment  dans  'Brittia  (t.  II,  n°  7,  p.  233  et  n°  9,  p.  354),  dans 
Dihunamb,  dans  le  Pays  Breton. 


bibliographie.  <)$ 

tempérerait  par  moments  le  Verlaine  cie  Sagesse  et  des  Liturgies 
intimes.  Mais  on  admire  surtout  en  lui  une  personnalité  vigoureuse 
et  originale.  Il  devait  son  génie  à  sa  race  et  à  son  éducation  bre- 
tonne. Le  contact  de  la  vie  parisienne  fortifia  en  lui  deux  senti- 
ments qui  tenaient  au  plus  profond  de  son  cœur,  l'amour  de  la 
Bretagne  et  la  foi  du  chrétien.  Enfin  la- guerre  l'exalta  jusqu'au 
sublime. 

Calloc'h  était  né  dans  l'île  de  Groix,  le  24  juillet  [888,  d'une 
famille  de  marins.  Tout  enfant,  il  apprit  à  connaître  la  mer  ; 
il  en  a  chanté  la  vie  formidable  en  des  accents  d'une  intensité  et 
d'une  couleur,  auprès  desquelles  la  littérature  même  d'un  Pierre 
Loti  paraît  molle  et  pâle.  La  misère  et  la  douleur  furent  ses  pre- 
mières éducatrices.  Une  série  de  deuils  désolèrent  le  foyer  :  son 
père  périt  en  mer,  ses  deux  sœurs  furent  enlevées  par  la  maladie. 
Comme  il  manifestait  d'heureuses  dispositions  pour  l'étude,  il  fut 
envoyé  à  l'âge  de  onze  ans  au  petit  séminaire  de  Sainte-Anne  ;  il  y 
reçut  une  bonne  éducation  classique  et  sentit  s'éveiller  en  lui  la 
vocation  sacerdotale.  Contrarié  dans  ses  désirs  de  la  suivre  par  une 
santé  délicate,  il  partit  pour  Paris,  en  1907,  afin  d'y  chercher  une 
situation,  n'ayant  pour  tout  bien  que  son  diplôme  de  bachelier  en 
poche.  11  occupa  d'abord  le  poste  de  maître  surveillant  dans  divers 
établissements  religieux  d'éducation  ,  puis,  après  l'accomplisse- 
ment de  son  service  militaire,  il  fut  pris  à  l'École  supérieure  de 
commerce  et  d'industrie,  toujours  en  qualité  de  maître  surveillant. 
C'est  là  que  la  guerre  le  trouva.  Quoique  classé  dans  le  service 
auxiliaire,  il  voulut  faire  la  campagne  et  demanda  à  passer  dans 
le  service  armé.  On  l'envoya  en  191 5  au  centre  d'instruction  de 
S'-Maixent,  d'où  il  sortit  le  20  août  avec  le  grade  d'aspirant.  Huit 
jours  après,  il  était  au  front  à  la  tête  d'une  section  de  Bretons, 
auxquels  il  donna  jusqu'au  dernier  jour  l'exemple  des  plus  belles 
vertus  patriotiques. 

Calloc'h  avait  reçu  de  Paris  un  premier  choc  qui  l'ébranla  for- 
tement. Les  Parisiens  de  naissance  comprennent  difficilement 
l'effet  produit  sur  un  provincial,  à  l'âge  où  les  passions  bouil- 
lonnent dans  un  cœur  resté  pur,  par  le  spectacle  du  Paris  cosmopo- 
lite, avec  son  luxe  insolent,  ses  plaisirs  frelatés  et  toute  cette  vaine 
pompe  uniquement  dressée  pour  l'amusement  des  oisifs.  Quand  on 
a  subi  depuis  l'enfance  et  goutte  à  goutte  le  poison  de  l'atmos- 
phère parisienne,  on  en  ressent  plutôt  de  bons  effets  ;  il  agit  à  la 
façon  d'un  élixir,  fortifiant  l'esprit,  en  y  répandant  la  philosophie 
du  bon  sens,  faite  d'indulgence  et  d'ironie,  et  le  scepticisme  qui 
sait  prendre  choses  et  gens  simplement  pour  ce  qu'ils  valent.  Mais 


9  b  Bibliographie. 

tout  autre  est  l'effet  produit  sur  un  provincial  de  20  ans  qui 
découvre  subitement  Paris  :  c  teiî  er  ger  vras  é  krcska  bleu  er  boén 
«  sur  le  fumier  de  la  grande  ville  croît  la  fleur  de  l'angoisse  » 
(p.  46.).  Calloc'h,  au  premier  regard  jeté  sur  le  tourbillon  de  la 
vie  parisienne,  en  conçut  une  indignation  mêlée  d'épouvante. 
Qu'on  se  représente  un  séminariste  devant  lequel  s'ouvrirait 
tout  à  coup  le  monde  décrit  par  Balzac.  Son  imagination  amplifia 
naturellement  l'idée  affreuse  qu'il  se  faisait  de  ce  monde,  qu'il 
ne  connaissait  pas  et  où,  d'ailleurs,  la  modestie  de  sa  condition 
lui  interdisait  de  pénétrer.  Pour  échapper  aux  visions  abomi- 
nables qui  le  hantaient,  il  se  jeta  dans  la  prière  ;  pour  préserver 
son  frêle  esquif  d'orages  qu'il  croyait  menaçants,  il  se  créa  un 
port  dans  trois  «  îles  »  (ene^enneu)  qu'il  aimait  par-dessus  tout,  File 
des  pauvres  (Notre-Dame  des  Victoires),  l'île  des  nations  (Le 
Sacré-Cœur  de  Montmartre),  et  l'île  des  anges  (La  chapelle  des 
Bénédictines  de  la  rue  Monsieur).  Son  âme  allait  s'y  plonger  dans 
le  mysticisme  (p.  9-26);  et  le  souvenir  de  sa  Bretagne,  de  sa 
petite  maison  blanche  dans  son  île  natale  et  de  la  vie  saine  des 
marins  répandait  sur  ses  rêveries  religieuses  l'amertume  du  mal 
du  pays.  Les  vers  qu'il  écrivit  sous  cette  double  inspiration  (pp.  81- 
119)  sont  impressionnants  :  ce  sont  des  cris  de  détresse  et  des 
actes  de  foi  d'une  poignante  sincérité. 

La  guerre  devait  porter  à  Calloc'h  un  dernier  choc  ;  son  mys- 
ticisme en  devint  plus  éperdu,  et  plus  âpre  son  horreur  de  la  vie  du 
monde.  Sans  doute,  il  a  trouvé,  pour  exprimer  l'angoisse  patrio- 
tique qui  l'étreignait  aux  jours  graves  de  1914,  des  accents  vrai- 
ment touchants  ;  sa  prière  du  guetteur,  composée  dans  la  tranchée 
(p.  203),  est  d'une  grandeur  tragique.  Mais  il  lança  aussi  des 
imprécations,  dans  le  style  d'Ezéchiel  ou  d'Isaïe,  contre  la  «  Catin 
Europe  »  (er  Gatcl  Europ,  p.  28)  ;  et  la  guerre  lui  apparut  comme 
le  juste  châtiment  des  crimes  de  l'humanité  :  Europ  ha  golhein  ri'n 
haaéd  ha  bèhedeu  ?  «  Europe,  laveras-tu  dans  ton  sang  tes  péchés  ?  » 
(p.  76)  ;  skopet  ha  poc  ar  Zrem  douéel  me  Hrist  é  kroe\,  ha  chelu  deit 
eur  er  Hasti  «  Tu  avais  craché  au  visage  divin  de  mon  Christ'  en 
croix,  et  voici  venue  l'heure  du  châtiment  »  (p.  35).  On  ne  peut 
guère  s'empêcher  de  protester  contre  des  maximes  aussi  barbares. 
C'est  en  expiation  que  tant  de  millions  d'hommes  jeunes  et  pleins 
de  force  (dont  plus  d'un  million  et  demi  de  Français)  auraient  été 
conduits  par  Dieu  â  une  boucherie  atroce  !  En  expiation  de  quoi  ? 
D'être  venus  au  monde,  sans  l'avoir  demandé  ?  Il  faut  avoir  meil- 
leure opinion  de  l'Etre  suprême,  et  se  garder  de  lui  prêter  les  pires 
vices  de  l'humanité.   C'est  bien   assez  que  certains  hommes   aient 


Bibliographie.  97 

plaisir  à  répandre  le  sang  ;  ne  taisons  pas  Dieu  à  leur  image.  Les 
païens  le  disaient  déjà:  Ne  credas  gaudere  deum  cum  caede  litatur. 
On  prétend  qu'aujourd'hui  les  Russes  acceptent  avec  un  fatalisme 
sombre  les  maux  terribles  dont  ils  souffrent  comme  un  châtiment 
mérité,  que  Dieu  leur  impose.  Cette  philosophie  résignée  con- 
vient peut-être  aux  compatriotes  de  Tolstoï  ;  elle  a  peu  de  chance 
de  prévaloir  dans  le  pays  de  Voltaire. 

Si  attachante  que  soit  pour  le  moraliste  et  le  psychologue  l'œuvre 
de  Calloc'h,  elle  réserve  au  philologue  un  attrait  non  moins 
vif.  Ce  poète  fut  un  maître  ouvrier  en  langue  bretonne  :  cette 
œuvre  si  courte  restera  comme  un  modèle  du  vannetais  et  répandra 
sur  ce  dialecte,  jusqu'ici  un  peu  négligé,  une  gloire  que  les  autres 
rattraperont  malaisément.  Calloc'h  écrit  une  belle  langue,  solide 
comme  le  roc  des  falaises,  sonore  et  harmonieuse  comme  le  bruit 
des  flots.  Il  a  des  images  magnifiques,  il  sait  peindre  en  quelques 
mots, dans  leurs  nuances  les  plus  délicates,  les  sentiments  violents 
ou  tendres  qui  l'animent.  Il  prouve  que  sa  langue  maternelle, 
quand  on  sait  la  manier,  se  prête  à  l'expression  de  toutes  les  idées 
poétiques.  Il  est  vrai  que,  grâce  à  sa  connaissance  de  la  lexicogra- 
phie bretonne,  il  a  enrichi  son  vocabulaire  de  quelques  mots 
que  l'usage  avait  perdus,  ou  bien  de  mots  nouveaux  formés 
de  toutes  pièces  avec  des  éléments  vivants  ;  les  uns  et  les  autres 
sont  aisément  intelligibles.  On  a  plaisir  à  retrouver,  enchâssés 
dans  ses  vers,  klod  «  gloire  »,  kevrin  «  mystère»,  ko^gor  «  escorte, 
cortège  »  '  (gall.  gosgordd),  et  autres  beaux  vieux  mots  du  pur 
fonds  celtique.  M.  J.  Loth  dans  sa  préface2  a  rendu  justice  avec 
autorité  aux  mérites  littéraires  de  Calloc'h  autant  qu'à  ses  qualités 
morales.  On  ne  peut  que  souscrire  au  bel  éloge  qu'il  fait  du  poète 
fauché  dans  sa  fleur,  en  lui  appliquant  les  vers  adressés  à  Dieu  par 
le  barde  Y  Prydydd  bychan,  pleurant  la  mort  de  Rhys  fab  Llywe- 
lyn  (M\f.  Arch.,  264  a  13)  : 

Ducost  Rvs  ar  urys  oe  uro, 
dicym  oe  dwyn  g^yn  gyfle  ; 
da  y  dewisseis  li  hwnnw 
yth  vytin,  Grist  urenhin  vry. 

J.  Vendryes. 

1.  que  le  traducteur  rend  bizarrement  par  «  esclaves  »  (p.  122). 

2.  Il  est  fâcheux  que  cette  préface,  aussi  bien  en  breton  qu'en  français, 
soit  déparée  de  tant  de  fautes  d'impression:  «  heureux  »  (p.  ix,  1.  3)  au 
lieu  de  «  honteux  »  dénature  complètement  le  sens. 

Revue  Celtique,  XXXIX.     .  - 


CHRONIQUE 


Sommaire.  —  I.  Election  de  M.  John  Fraser  à  la  chaire  de  philologie 
celtique  de  l'Université  d'Oxford.  —  II.  M.  Pokorny  successeur  de  Kuno 
Meyer  à  l'Université  de  Berlin.  —  III.  Soutenance  des  thèses  de  M.  Alf 
Soinmerfelt.  —  IV.  Création  de  certificats  de  celtique  à  la  licence  es 
lettres.  —  V.  Les  formes  sigmatiques  du  latin  et  le  futur  indo-européen, 
d'après  M.  Pedersen.  —  VI.  Les  travaux  de  M.  Tud  sur  quelques 
substrats  celtiques  en  roman.  —  VIL  Dernieis  travaux  de  M.  Espo- 
sito.  —  VIII.  Fin  de  la  collection  de  chants  populaires  irlandais  de 
M.  Freeman.  —  IX.  Encore  un  mot  sur  les  Notennou  diwar-benn  ar 
Gelted  Koy.  — X.  Nouvelles  brochures  sur  l'Irlande.  —  XL  Reprise  de  la 
publication  de  The  Cellic  Revicw.  —  XII.  Annonce  d'un  ouvrage  pos- 
thume d'A.  Macbain.  —  XIII.  Livres  nouveaux. 


1 


La  chaire  de  celtique  de  FUniversité  d'Oxford,  que  la  mort  de  sir 
John  Rhys  laissait  vacante,  vient  d'être  pourvue  d'un  titulaire  en 
la  personne  de  notre  collaborateur  M.  John  Fraser,  professeur 
à  l'Université  d'Aberdeen.  C'est  un  excellent  choix,  qui  promet 
beaucoup  pour  nos  études.  M.  Fraser  possède  en  effet  une 
culture  générale,  qui  le  met  en  état  d'embrasser  à  la  fois  les  pro- 
blèmes si  variés  de  la  linguistique  sur  toutes  les  parties  du 
domaine  celtique.  Il  est  âgé  de  trente-neuf  ans  et  appartient  à 
l'Ecosse,  dont 'il  parle  de  naissance  le  dialecte  gaélique.  A  l'Uni- 
versité d'Aberdeen  (i 899-1 903),  puis  à  celle  de  Cambridge 
(I903-I901)),  il  s'adonna  à  la  philologie  classique  et  à  la  gram- 
maire comparée,  étant  élève  à  Aberdeen  des  professeurs  sir 
William  Ramsay,  Alex.  Souter,  John  Harrower,  H.  J.  C.  Grierson, 
et  à  Cambridge  des  professeurs  Giles,  Bendall  et  Rapson.  Il  passa 


Chronique,  99 

l'année  190e  à  l'Université  d'Iéna,  où  il  étudia  notamment  le  litua- 
nien et  le  sanskrit  sous  la  direction  de  Berthold  Delbrùck  et  de 
Cari  Cappeller.  Rentré  en  Grande-Bretagne,  il  s'y  mit  à  l'étude 
du  celtique,  à  laquelle  l'encourageait  le  regretté  Quiggin  ;  au 
cours  de  voyages  en  Galles  et  en  Bretagne,  il  acquit  une  bonne 
connaissance  des  parlers  brittoniques  modernes  ;  enfin,  il  fit  dans 
les  régions  gaéliques  de  l'Irlande  des  séjours  répétés  d'où  il 
rapporta  la  pratique  du  langage  parlé.  En  1908,  il  avait  été  nommé 
à  l'Université  d'Aberdeen  Lecturer  in  Latin  and  Comparative  Phi- 
lology  en  même  temps  qu'il  obtenait  au  Training  Centre  de  la 
même  ville  le  poste  de  Lecturer  in  Gaelic.  Les  mérites  de  son 
enseignement  lui  avaient  valu  il  y  a  quelques  années  une  chaire 
magistrale.  La  liste  de  ses  travaux  est  déjà  longue  :  elle  comprend 
des  études  sur  la  philologie  classique,  mais  surtout  sur  le  celtique. 
On  trouvera  ces  dernières  dans  Êriu,  dans  la  Zeitschrift  fur 
celtische  Philologie  et  dans  la  Revue  Celtique,  qui  a  l'honneur  depuis 
1913  de  compter  M.  Fraser  au  nombre  de  ses  collaborateurs.  Le 
successeur  de  sir  John  Rhys  est  des  mieux  préparés  à  remplir 
avec  succès  la  tâche  qui  lui  est  confiée,  dans  la  première  chaire  de 
celtique  des  Iles  Britanniques. 


Il 


Nous  apprenons  qu'à  la  chaire  de  philologie  celtique,  vacante  à 
l'Université  de  Berlin  par  la  mort  de  Kuno  Meyer,  a  été  appelé 
M.Julius  Pokorny  en  qualité  de  professeur  extraordinaire.  D'ori- 
gine tchèque,  comme  son  nom  l'indique,  M.  Pokorny  avant  la 
guerre  habitait  Vienne,  d'où  il  a  daté  nombre  d'articles  touchant 
à  la  mythologie  comparée,  à  la  linguistique  celtique  et  à  la  philo- 
logie irlandaise  ;  deux  ont  paru  dans  la  Revue  Celtique,  tome 
XXXIII,  p.  s8  et  66.  Son  principal  ouvrage  est  a  Concise  OUI 
Irish  Grammar,  publiée  par  morceaux  dans  The  Celtic  Review  avant 
d'être  réunie  en  volume  (124  p.  8°,  Halle  et  Dublin,  19 14).  Un 
Old  Irish  Reader,  qui  devait  la  compléter,  n'a,  croyons-nous,  jamais 
vu  le  jour. 


III 
Le  23  juillet  1921,  M.  Alf Sommerfelt,  chargé  de  coursa  l'Uni- 


ioo  ChroniqUi . 

versité  de  Christiania,  a  soutenu  en  Sorbonne  ses  thèses  de  docto- 
rat es  lettres  sur  les  sujets  suivants  : 

thèse  complémentaire  :  Le  breton  parlé  à  Saint-Pol-de-Léon . 

thèse  principale  :  «  De  »  en  italo-celtique  :  son  rôle  clans  l'évolu- 
tion ila  système  morphologique  des  langues  italiques  et  celtiques. 

Nous  rendrons  compte  ultérieurement  de  ces  deux  importants 
ouvrages  ;  mais  il  convient  dès  aujourd'hui  de  faire  ressortir  les 
mérites  du  nouveau  docteur.  Rares  sont  les  étrangers  qui  ont  osé 
affronter  !e  doctorat  es  lettres  français,  avec  la  pratique  de  la 
langue  qu'il  suppose  et  les  deux  grosses  thèses  qu'il  exige.  Nous 
avons  plaisir  à  féliciter  en  la  personne  de  M.  Sommerfelt  un 
Norvégien  qui  a  suivi  pendant  plusieurs  années  l'enseignement  du 
Collège  de  France,  de  la  Faculté  des  lettres  et  de  l'Ecole  des 
Hautes  Etudes  et  qui  a  désiré  obtenir  comme  couronnement  de  ses 
études  le  plus  haut  grade  universitaire  français.  Cet  événement 
aura  certainement  sur  l'avenir  des  relations  scientifiques  franco- 
norvégiennes  une  influence  des.  plus  heureuses. 


IV 

Le  régime  de  la  licence  es  lettres  vient  de  subir  une  réforme 
complète.  Il  a  été  à  la  fois  élargi  et  assoupli.  On  l'a  élargi  pour  y 
faire  entrer  nombre  de  disciplines  enseignées  dans  les  Facultés  et 
qui  ne  comportaient  jusqu'ici  l'obtention  d'aucun  diplôme  ;  on  l'a 
assoupli  pour  permettre  aux  jeunes  Français  qui  ne  se  destinent 
pas  à  la  carrière  d£.  l'enseignement  de  prendre  la  licence  es  lettres 
comme  un  brevet  d'études  supérieures  et  de  haute  culture.  Il  va 
sans  dire  que  les  étrangers  tireront  de  nombreux  avantages  de  la 
réforme  adoptée. 

A  l'examen  unique  d'autrefois  est  substitué  un  groupement  de 
certificats,  portant  chacun  sur  une  seule  discipline,  mais  représen- 
tant dans  leur  variété  tous  les  enseignements  donnés  à  la  Faculté. 
La  réunion  de  quatre  certificats  confère  le  diplôme  de  licencié.  Il 
y  aura  toutefois  deux  licences,  l'une  générale  ou  libre,  l'autre  pro- 
fessionnelle et  dite  d'enseignement  (licentia  docendi).  Le  choix 
des  quatre  certificats  n'est  laissé  à  la  volonté  des  candidats  que 
pour  la  licence  générale  ;  pour  la  licence  d'enseignement,  les  certi- 
ficats sont  fixés  obligatoirement  dans  les  quatre  ordres  profession- 
nels (philosophie,  lettres,  histoire  et  langues  vivantes). 

Parmi  les  certificats  qui  peuvent  constituer  la  licence  générale, 
figure  à  la  Faculté  des  Lettres  de   l'Université  de  Paris  un  eerti- 


Chronique.  roi 

ficat  de  grammaire  comparée  des  langues  celtiques.  Il  se  compose  des 
épreuves  suivantes  I  : 

Écrit.  Deux  épreuves  :  i°  Traduction  et  commentaire  gramma- 
tical d'un  ou  plusieurs  textes  en  langues  celtiques.  —  2°  Compo- 
sition sur  une  question  de  grammaire  comparée  des  langues  cel- 
tiques. 

Oral.  Deux  épreuves  :  i°  Explication  d'un  texte  facile  grec  ou 
latin  (au  choix  du  candidat)  et  allemand  ou  anglais  (au  choix  du 
candidat).  —  2°  Interrogation  sur  la  grammaire  d'une  des  langues 
celtiques  (au  choix  du  candidat). 

La  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de  Rennes,  qui  a  déjà 
depuis  plusieurs  années  des  examens  à  l'usage  des  jeunes  celtistes  2, 
vient  également  d'instituer  un  certificat  de  langues  et  littératures 
celtiques  en  vue  de  la  nouvelle  licence  générale.  Cet  examen  com- 
prend les  épreuves  suivantes  : 

Écrit.  Deux  épreuves  :  i°  Traduction  en  breton  d'un  texte  de 
français,  d'irlandais  ou  de  gallois.  —  2°  Version  .irlandaise  ou 
galloise. 

Oral.  Deux  épreuves  :  i°  Explication  d'un  texte  breton.  —  2° 
Interrogation  sur  les  littératures  et  les  peuples  celtiques. 


V 

Il  y  a  toujours  beaucoup  à  apprendre  dans  les  travaux  de 
M.  Pedersen  ;  car  peu  de  linguistes  ont  une  puissance  cons- 
tructive  semblable  à  la  sienne  et  disposent  d'une  richesse  de  maté- 

i.  Pour  l'année  scolaire  1921-1922,  le  programme  des  questions  et  des 
textes  a  été  fixé  ainsi  qu'il  suit  : 

Questions.  i°  La  métaphonie  en  brittonique.  2°  La  nasalisation  svntac- 
tique  en  celtique.  3°  L'article  irlandais.  4°  Le  déponent  en  cehique.  50 
L'emploi  grammatical  des  préverbes  ro  et  ry.  6°  L'expression  de  la  relation 
aux  cas  obliques. 

Textes.  1°  Notes  in  the  Book  of  Armagh  (Thésaurus  Palaeohibernicus,  II, 
238-243).  20  Poèmes  du  manuscrit  Je  Saint-Paul,  nos  2  et  3  (Thés.  Pal.  II, 
213-214).  30  Scél  Mucci  Maie  Dathô  (Irische  Texte,  t.  I,  96-112).  4^  Extrait 
des  Ancient  Laivs  of  II  aies  dans  Strachan,  Introduction  to  Early  Welsh, 
p.  208-221.  50  Breudwyt  Maxen  Wleiic,  éd.  Ifor  Williams,  Bangor,  1908. 
6°  Extraits  de  Bue\  Sautes  Xouu,  dans  Loth,  Chrestomathie  bretonne, 
p.  242-250. 

2.  Sur  le  diplôme  d'études  celtiques  de  l'Université  de  Rennes,  voir 
Revue  Celtique,  t.  XXXIII,  p.  494. 


ro2  Chronique. 

riaux  aussi  variés.  L'article  qu'il  a  publié  en  français  dans  les 
Historisk-filoîogiske  Meddelelser  de  la  Société  des  Sciences  Danoise 
(vol.  III,  n°  5,  192 1  ;  31  pages)  sur  les  formes  sigmatiques  du  verbe 
latin  et  h  problème  du  futur  indo-européen  est  plein  de  vues  sédui- 
santes. Il  est  impossible  de  les  exposer  ici  dans  le  détail  ;  il 
suffira  de  signaler  l'explication  proposée  pour  l'imparfait  du 
subjonctif  latin  (p.  14),  auquel  l'imparfait  du  subjonctif  celtique 
est  ingénieusement  rattaché  (p.  29). 

M.  Pedefseii  croit  à  l'antiquité  du  futur  sigmatique  ;  il  le  fait 
remonter  à  l'indo-européen,  où  le  futur  sigmatique  se  serait  de  très 
bonne  heure  différencié  de  l'aoriste  sigmatique.  Tous  deux  ne 
seraient  que  les  deux  aspects  d'une  même  formation,  dont  l'un 
(l'aoriste)  représenterait  le  temps  passé,  l'autre  (le  futur)  le  temps 
non  passé.  Une  fois  la  différenciation  accomplie,  les  deux  a  temps  » 
auraient  d'ailleurs  évolué  de  façon  différente.  Ce  système  original 
a  le  défaut  de  ne  pas  tenir  compte  de  certains  caractères  du  futur  ; 
il  n'explique  pas  l'indépendance  complète  que  les  deux  temps 
présentent  dans  la  morphologie  du  grec  ancien.  M.  Pedersen  nous 
paraît  faire  trop  bon  marché  des  différences,  qu'il  signale  lui-même 
(p.  10  n.),  entre  le  futur  et  l'aoriste  grecs.  Quand  on  a  lu  l'ou- 
vrage de  M.  Magnin,  il  parait  impossible  de  contester  que  le  futur 
grec  ne  soit,  pour  la  plus  grande  partie  de  ses  formes  et  de  ses 
emplois,  un  ancien  désidératif.  Il  n'est  pas  question  du  désidératif 
dans  le  travail  de  M.  Pedersen,  sauf  à  la  dernière  page,  où  il 
remarque  incidemment  que  le  redoublement  du  futur  sigmatique 
irlandais  a  pu  en  être  emprunté.  L'importance  des  formations  dési- 
dératives  parait  avoir  été  très  grande  en  indo-européen  (v.  Meillet, 
Rev.  des  Et.  grecques,  XXXII,  384);  le  futur  sigmatique  irlandais 
s'y  rattache  aussi  bien  que  le  futur  lituanien,  le  futur  sanskrit  ou 
le  futur  grec.  Telle  est  l'a  doctrine  à  laquelle,  croyons-nous, 
maint  linguiste  se  tiendra,  même  après  avoir  lu  l'article  de 
M.  Pedersen. 


VI 

La  Revue  Celtique  a  déjà  signalé  certains  travaux  de  M.  J.  Jud, 
qui  enseigne  à  l'Université  de  Zurich  et  qui  appartient  à  cette 
brillante  pléiade  de  romanistes  dont  s'honore  aujourd'hui  la  Suisse. 
Il  compte  d'ailleurs  parmi  ses  maîtres  la  plupart  des  romanistes 
français.  Au  cours  des  vastes  enquêtes  linguistiques  qu'il  poursuit, 
il  a  parfois  la  bonne  fortune  de  rencontrer  la  trace  d'anciens  mots 


Chronique.  103 

celtiques  passés  eu  roman  et  conservés  dans  les  parlera  locaux 
(cf.  Rev.  Ce//.,  XXXIV,  p.  116).  C'est  lui  qui  a  signalé  à  M.  A. 
Thomas  le  mot  ambostâ  «  jointée  »,  où  il  a  reconnu  l'irlandais  boss 
«  paume  de  la  main  »  (v.  l'appui  donné  à  cette  hypothèse  par 
M.  Loth  dans  la  Rev.  Geît.,  XXXVII,  p.  311).  Il  est  revenu  sur  la 
question  dans  un  article  de  ia  Revista  de  Filologia  Espafiola,  t.  Vil 
(1920),  p.  339-350,  intitulé  ÂCefca  de  «  arHbuesta  »  y  «  atmucr\a  », 
où  il  se  montre  bien  informé  des  faits  celtiques  qui  y  touchent. 

Il  vient  de  découvrir  un  autre  mot  celtique  dans  le  parler  de 
Brigels  (canton  des  Grisons)  sous  la  forme  rétoromane  Ufhbla^ 
qui  désigne  la  corde  servant  à  fixer  le  joug  au  timon.  Dans  le  dia- 
lecte allemand  de  la  région,  cette  corde  est  appelée  aiubla^.  Mais 
le  mot  n'est  pas  limité  à  ce  coin  de  Suisse.  Il  a  même  une  exten- 
sion assez  grande  sur  le  domaine  français  :  ûnblyi  en  Savoie,  atnblâ 
dans  le  Morvan,  emiblvé  en  Berry,  amblet  en  Saintonge,  amblé, 
atnblyèt,  orHblyet  en  Poitou,  anbyè  dans  le  Maine,  amblet  en  Gàti- 
nais,  etc.  tous  mots  désignant  un  lien  fixant  le  joug,  sont  d'accord 
avec  ambyè  du  patois  de  Blonay  en  Suisse  et  anboltis  des  patois  du 
Piémont.  M.  Jud  propose  un  prototype  ambi-lalliiun  «  Umrute  », 
composé  de  deux  éléments  celtiques  bien  connus  :  le  préfixe  ambi- 
et  le  mot  lai  ta,  conservé  dans  le  vieux  français  laie  (auj.  latte),  et 
passé  en  germanique  sous  la  forme  lalla  (eri  v.h.  ail.).  Dans  les 
dialectes  celtiques  on  a  irl.  slat,  gall.  llatb,  bret.  la^.  Il  s'agit  donc 
d'un  vieux  mot  *slalltl.  Cette  ingénieuse  et  convaincante  explica- 
tion a  paru  dans  le  Biïudiierisches  Monatsblatl,  192 1,  p.  37-51. 


VII 

Nous  avons  reçu  de  M.  Mario  Esposito  différents  articles,  où  il 
montre,  comme  d'habitude,  toute  la  finesse  de  son  sens  critique. 
Le  premier  a  été  publié  dans  le  Didaskaleiou,  Studi  filologici  di 
lelleraliira  cristiana  ivlica,  revue  qui  paraît  à  Turin  sous  la  direc- 
tion de  M.  Paolo  Ubaldi.  M.  Max  Manitius,  dans  sa  Gcsehichte  der 
lateinischeH  Litteratur  des  Millelallers,  t.  I  (191 1),  p.  502  et  525, 
parle  d'un  commentaire  sur  Martianus  Capella,  composé  au 
ixe  siècle  par  un  Irlandais  du  nom  de  Dunchad  ;  et  il  en  cite  deux 
manuscrits,  conservés  à  Paris  (Bibl.  Mat.  Lat.  12960)  et  à  Londres 
(Br.  Mus.  Reg.  15.  A.  xxxiii).  11  a  même  publié  quelques  extraits 
du  manuscrit  de  Paris  dans  le  Nenes  Archiv,  t.  XXXVI  (1910), 
p.  57  et  dans  le  Didaikaleion,  t.  I  (1912),  p.  138  Mais  M.  Mario 
Esposito,  ayant  étudié  depuis  le  manuscrit  de  Londres,  s'est  aperçu 


104  Chronique. 

que  l'attribution  du  commentaire  à  l'irlandais  Duncliad  reposait 
sur  une  erreur  :  si  le  nom  de  Dunchad  (écrit  Dinicahl)  est  bien 
dans  le  manuscrit,  il  s'y  rapporte  seulement  à  des  notes  de  com- 
put,  qui  n'ont  rien  à  faire  avec  le  tex.te  du  commentaire  (v.  Z.  f. 
Cclt.  Phil.,Vll,  p.  501  et  IX,  p.  iéo).  Dans  le  Didashaîeion,  t.  III 
(1914),  p.  173-181,  M.  Esposito  revient  sur  la  question  ;  il 
émet  l'avis  que  le  commentaire  contenu  dans  le  manuscrit  de 
Londres  est  simplement  l'ouvrage  de  Rémi  d'Auxerre  (cf.  Mani- 
tius,  op.  cit.,  p.  513).  Il  n'y  a  donc,  conclut-il,  aucune  raison  pour 
attribuer  à  Dunchad  le  commentaire  anonyme  du  manuscrit  12960 
de  Paris.  Cette  conclusion  négative  est  bien  dans  le  goût  du 
savant  auteur.  Il  la  renforce  encore  dans  la  note  finale,  où  il  con- 
teste que  l'ouvrage  de  Martianus  Capella  ait  été  employé  comme 
livre  d'enseignement  dans  les  écoles  irlandaises  du  moyen  âge  : 
«  cette  assertion,  dit-il,  comme  tant  d'autres  relatives  à  la  préten- 
due culture  classique  des  Irlandais,  ne  repose  sur  aucune  preuve 
solide.  » 

Après  Dunchad,  Dicuil.  M.  Esposito,  qui  a  consacré  aux  écrits 
de  cet  Irlandais  un  important  article  des  Studies  (t.  III  [1914J, 
p.  651-676),  a  donné  à  la  Modem  Philology  de  Chicago  (t.  XVIII, 
August  1920),  un  article  de  12  pages  sur  un  manuscrit  du  Compu- 
îits  de  Dicuil,  conservé  à  la  Bibliothèque  de  Yalenciennes  (N.  4. 
.  43,.f°  66a-n8a).  Il  fait  de  ce  manuscrit,  qui  date  de  la  fin  du 
ixe  siècle,  une  description  minutieuse  et  étudie  le  texte  du  Compti- 
ons au  point  de  vue  de  la  graphie  et  de  la  langue  ;  besogne  ingrate, 
mais  tort  utile  pour  ceux  qui  s'intéressent  au  latin  des  bas  temps. 
Dans  le  numéro  de  July  1920  du  Journal  of  Theological  Studies, 
périodique  qui  paraît  à  Oxford,  M.  Esposito  étudie  «  a  seventh- 
Century  Commentarv  on  the  Catholic  Epistles  ».  Il  s'agit  d'un 
ouvrage  anonyme,  conservé  dans  un  manuscrit  de  Reichenau, 
aujourd'hui  à  Caiisruhe,  et  qui  offre  l'intérêt  de  mentionner  les 
noms  de  six  Irlandais.  Feu  Holder  avait  identifié  deux  de  ces 
noms.  M.  Esposito  a  réussi  à  identifier  les  six  :  Breccannus,  Bercan- 
mis  fils  d'Aed,  Manchianus,  Banbanus,  Lodcen  et  Laih.  Les  deux  der- 
niers se  rapportent  à  un  seul  et  même  personnage,  Laidhggen 
Mac  Baith  Bannaig,  moine  de  Clonfertmulloe  (Queen's  Co.), 
mort  en  661.  Banbanus  est  Banban  le  sage,  lecteur  de  Kildare, 
mort  en  686.  Manchianus  est  sans  doute  le  Manchen,  abbé  de 
Mondrehid,  près  Borris  (Queen's  Co.)  dont  la  mort  est  signalée  en 
652.  M.  Esposito  croit  que  l'auteur  inconnu  du  commentaire  en 
question  pourrait  bien  être  le  même  que  celui  d'un  traité  de  Mira- 
biîibus  Santtqe   Scripturae  écrit  en  Irlande  en  655.  Ce  traité  a  été 


Chronique.  105 

étudié  par  lui   dans  les  Proceedîngs  of  the  Royal  Irish  Acudemy,  vol. 
XXXV,  section  C,  n°  2  (191 9). 


VIII 

• 

La  cinquième  et  dernière  partie  du  volume  VI  du  Journal  of 
the  Folk-Song  Society  (formant  le  n°  25  de  la  collection)  contient  la 
fin  du  recueil  de  chansons  populaires  irlandaises  de  M.  A.  M. 
Freeman  (voir  Rev.  Cell.,  t.  XXXVIII,  p.  77  et  227).  Trente 
nouvelles  chansons  s'ajoutent  aux  cinquante-quatre  déjà  publiées, 
toutes  recueillies  dans  la  région  de  Ballyvourney  (Co.  Cork), 
notamment  à  Derrynasaggart,  à  Ballymakeery  et  à  Coolae.  Admi- 
rable floraison,  qui  montre  combien  le  sentiment  poétique  et 
musical  reste  vivace  en  Munster.  La  plupart  de  ces  chansons  sont 
anciennes  ;  quelques-unes  remontent  au  début  du  xvme  siècle  et 
appartiennent  à  cette  école  de  poètes  du  terroir,  qui  depuis  Egan 
O'Rahilly  se  continue  par  Owen  Roe  (Eoghan  Ruadh  O'Sûille- 
bhâin,  de  Meentogue  près  Killarney,  1748- 1784),  par  Patrick  et 
David  O'Herhhy,  par  James  O'Kennedy,  par  les  O'Scannels.  Il  y 
a  même  des  chansons  d'inspiration  probablement  jacobite,  comme 
les  fameuses  qui  ont  pour  titre  Seàn  O'Dhuibhir  a  ghleanna  'ou 
Eamonn  a  chnuic,  mais  remaniées,  modifiées  dans  la  mélodie 
comme  dans  les  paroles  et  qu'on  a  plaisir  à  retrouver  sous  la 
forme  que  M.  Freeman  a  recueillie.  La  dernière  partie  de  sa  collec- 
tion contient  plusieurs  autres  chansons  également  célèbres, 
Eibbîin  aRiiiin,  Bearta  cruaâha,  An  Pâisdin  Fionn,  an  Cailin  donn 
deas,  etc.  Toutes  sont  notées  en  écriture  phonétique.  Un  des 
mérites  de  ce  recueil  est  donc  de  fournir  des  spécimens  de  pronon- 
ciation et  de  rythme  des  parlers  actuels  du  Munster. 

Il  y  a,  il  est  vrai,  une  réserve  à  taire.  M.  Freeman  observe, 
p.  317  et  s.,  que  les  chanteurs  lui  ont  fait  entendre  parfois  des 
prononciations  insolites,  tantôt  archaïques,  tantôt  franchement 
incorrectes.  Les  meilleurs  Irish-speakers  n'étaient  pas  ceux  qui  en 
avaient  le  moins.  Ce  n'était  donc  pas  faute  de  savoir  la  langue 
qu'ils  les  laissaient  échapper.  Ces  prononciations  ne  résultaient 
pas  d'accidents  ou  de  lapsus  ;  elles  étaient  conscientes  et  inten- 
tionnelles. Elles  représentaient  une  tradition  que  les  chanteurs 
suivaient  servilement  et  qui  elle-même  tirait  souvent  son  origine 
d'une  erreur  de  lecture  ou  d'un  respect  exagéré  pour  un  manu- 
scrit incorrect.  Cette  observation  est  bonne  à  retenir  pour  ceux 
qui  se    mêlent   de   recueillir    des   parlers    vivants.   Les    gens  qui 


ioé.  Chronique. 

chantent  ont  le  sentiment  que  la  langue  du  chant  rt'e9t  pas  la 
langue  de  l'usage  habituel  ;  c'est  une  manière  de  langue  spéciale, 
qui  a  ses  traditions  et  ses  règles  propres.  Quand  M.  Freeman 
signalait  à  ses  chanteurs  une  prononciation  ou  une  forme  aber- 
rante, ils  n'en  étaient  ni  émus  ni  froissés  ;  ils  en  reconnaissaient 
même  le  caractère  anormal,  mais  ils  la  maintenaient  au  nom  de  la 
tradition.  C'est  un  cas  remarquable  d'adaptation  du  langage  à  ses 
différentes  fins  et  un  beau  sujet  de  réflexion  pour  les  linguistes. 


IX 


L'année  192 1  a  vu  paraître  le  fascicule  YIII  des  Notennou  diiuar- 
bcuii  âf  Gelted  ko%,  0  istor  bai?  osevenadur  (v.  R.  Celt.,  XXXVIII, 
p.  371).  Ce  fascicule  s'intercale  entre  les  numéros  IX  et  X  précé- 
demment parus  et  complète  l'utile  collection  de  MM,  Abherve  et 
Mévefi  Mordiem.  Consacré  à  l'agriculture  et  aux  animaux  domes- 
tiques, il  contient  un  bon  résumé  des  données  les  plus  récentes  de 
la  linguistique  et  de  l'archéologie.  Les  meilleurs  auteurs  qui  aient 
écrit  sur  la  matière,  MM.  Loth  et  Jullian,  Déchelette,  S.  Reinach 
et  Dottin,  ont  été  consciencieusement  et  exactement  reproduits.  Il 
faut  louer  cette  entreprise  de  vulgarisation  qui  met  à  la  portée  des 
Bretons  bretonnants  des  connaissances  qu'on  souhaiterait  de  voir 
plus  répandues  même  parmi  les  Français.  Sur  quelques  détails  il  y 
aurait  sans  doute  à  discuter.  C'est  un  défaut  commun  à  tous  les 
manuels  primaires  que  de  présenter  comme  sûres  des  doctrines 
simplement  hypothétiques  et  d'affirmer  là  où  il  convient  de  douter. 
Les  deux  écrivains  bretons  n'y  échappent  pas.  Ils  ont  trop  cédé 
aussi  à  l'habitude  de  reconstruire  des  formes  indo-européennes  ; 
le  procédé  est  commode,  mais  dangereux,  surtout  quand  on  s'a- 
dresse à  des  profanes  et  à  des  novices  ;  parmi  les  prototypes  indo- 
européens qu'ils  admettent,  plus  d'un  prêterait  à  contestation . 
Mais  ce  sont  là  chicanes  de  détail,  qu'il  serait  injuste  de  poursuivre. 
L'intérêt  delà  collection  est  dans  la  tentative  de  créer  en  breto  n 
une  langue  savante,  capable  d'exprimer  clairement  des  notions 
littéraires  et  scientifiques  ;  il  faut  dire  bien  haut  que  cette  entre- 
prise originale  et  délicate  a  pleinement  réussi. 

Une  remarque  toutefois  s'impose.  Peur  créer  cette  langue 
savante,  qui  manquait  jusqu'ici  au  breton,  les  ressources  du  voca- 
bulaire courant  étaient  naturellement  insuffisantes:  il  a  fallu  détour- 
ner le  sens  de  certains  mots  usuels,  aller  chercher  dans  le  passé 
des  mens  sortis  de  l'usage,  et  enfin  créer  des  néoloyismes.  Le  fasci- 


Chronique.  107 

cule  VIII  est  pourvu,  comme  les  précédents,  d'un  lexique  des 
mots  rares  qui  y  sont  employés,  avec  traduction  française.  Le 
néologisme  est  une  nécessité  dans  une  entreprise  comme  celle  qui 
était  faite  ici.  Encore  faut-il  être  prudent  dans  le  choix  des  néolo- 
gismes.  Ils  peuvent  provenir  de  deux  sources  différentes  :  être 
formés  de  mots  indigènes  ou  empruntés  de  l'étranger.  Le  second 
procédé  ne  doit  pas  être  systématiquement  écarté.  Il  y  a  certains 
vocabulaires  techniques  et  savants  qui  sont  communs  à  toutes  les 
grandes  langues  de  l'Europe;  quelle  que  soit  la  source  d'où  les  mots 
qu'ils  renferment  sont  sortis,  ces  mots  n'appartiennent  plus  en 
réalité  à  aucune  langue  en  propre.  Il  n'y  a  pas  intérêt,  sous  pré- 
texte de  nationalisme,  à  interdire  l'accès  du  breton  à  ces  mots 
européens.  Au  contraire  :  le  breton  s'isole  et  par  conséquent  se 
diminue  à  vouloir  tirer  artificiellement  de  son  propre  fonds  des 
mots  qui  existent  partout  sous  une  forme  commune.  M.  Meillet 
(Leslangues  dans  V Europe  nouvelle,  p.  241)  a  cité  le  cas  du  tchèque, 
qui  exprime  par  un  mot  indigène,  artificiellement  créé,  ce  que 
presque  toutes  les  langues  de  l'Europe  expriment  par  un  mot 
emprunté  du  latin  Ihealruiu  (lui-même  emprunté  au  grec).  Quel 
bénéfice  retire  le  tchèque  à  traduire  «  théâtre  »  par  divadlo  ?  Celui 
de  rester  incompréhensible  à  quiconque  n'a  pas  appris  le  tchèque. 
Au  moment  où,  grâce  à  des  hommes  comme  MM.  Vallée  ou 
René  Le  Roux,  essaie  de  se  constituer  en  Bretagne  une  langue  de 
culture  et  de  science,  il  convient  de  les  mettre  en  garde  contre  un 
excès  de  nationalisme  linguistique.  Ils  ont  trop  peur  de  l'em- 
prunt. La  grammaire  par  exemple  est  une  science  internationale  ; 
depuis  le  moyen  âge  elle  a  dans  les  écoles  d'Europe  un  vocabu- 
laire, qui  remonte  au  latin  et  par  le  latin  en  grande  partie  au  grec. 
Il  faut  le  conserver.  Des  pédants  allemands  ont  poussé  le  chauvi- 
nisme jusqu'à  vouloir  traduire  les  termes  grammaticaux  par  des 
mots  tirés  du  fonds  germanique  :  ils  n'ont  généralement  pas  été 
suivis  par  leurs  compatriotes.  Et  cela  est  fort  bien  fait.  Pourquoi 
les  imiter  en  breton  ?  Pourquoi  par  exemple  dire  goure!  «  mas- 
culin »,  gwregel  «  féminin  »,  liesder  «  pluriel  »  ?  Les  termes 
qu'emploie'  le  français  étaient  meilleurs  à  garder  en  breton.  Des 
créations  comme  auo-kadaru  (m.  à  m.  «  nom  fort  »)  pour 
«  substantif  »  et  ano-gwau  (m.  à  m.  «  nom  faible  »)  pour 
«  adjectif  »  sont  des  plus  discutables  ;  hr'rx-oberiad  pour  (verbe) 
«  neutre  »  est  franchement  mauvais.  Et  il  faut  en  dire  autant  de 
tro-envel  «  nominatif  »  et  Iro-chenel  «  génitif  ».  Le  breton,  qui  n'a 
pas  plus  de  génitif  que  de  nominatif —  au  sens  que  ces  mots  ont 
en  latin,  —  pouvait  s'épargner  la  création  de  ces  termes  barbares. 


io8  Chronique. 

En  matière  de  vocabulaire  on  peut  s'en  tenir  au  principe  suivant. 
Il  faut  conserver  soigneusement  les  mots  indigènes  partout  où  ils 
existent  et  s'interdire  de  leur  substituer  des  mots  étrangers  ;  il 
convient  même  de  faire  revivre  de  vieux  mots  sortis  de  l'usage, 
lorsqu'ils  expriment  des  idées  familières,  habituelles  à  ceux  qui 
parlent.  Mais  pour  toutes  les  notions  nouvelles  et  importées, 
d'ordre  scientifique  ou  technique,  il  n'y  a  pas  à  craindre  l'em- 
prunt, surtout  quand  l'emprunt  a  pour  résultat  de  faire  entrer  la 
langue  dans  le  commerce  international  et  de  la  mettre  ainsi  de 
plain  pied,  sur  tous  les  terrains  communs,  avec  les  principales 
langues  de  l'Europe. 


X 

Aux  publications  françaises  relatives  à  la  crise  irlandaise  actuelle 
(v.  Rev.  Celt.,  t.  XXXVIII,  p.  373),  il  convient  de  joindre  un 
article  de  M.  Paul  Hamelle,  TIrlande  enchaînée  dans  la  Revue  poli- 
tique et  parlementaire,  du  10  mars  1920  ;  et  deux  brochures  de 
M.  Xavier  Moisant,  Pour  comprendre  F  Irlande,  Vejjbrt  anglais  (Paris, 
G.  Beauchesne,  1920)  et  V Ame  de  l'Irlande  (Jbid.,  1921). 

Le  même  M.  Moisant  vient  de  traduire  en  français  le  premier 
rapport  de  la  Commission  d'enquête  américaine  sur  la  situation  de 
l'Irlande  (Paris,  Société  d'édition  et  de  propagande  «  la  Démocra- 
tie »,  34  boul.  Raspail  ;  200  p.,  in-lé,  4  fr.).  Ce  premier  rapport 
s'arrête  au  mois  de  mars  1921.  L'enquête  avait  pour  objet  d'appré- 
cier, non  pas  le  bien  fondé  des  revendications  irlandaises,  mais  la 
valeur  morale  des  procédés  employés  par  les  deux  parties  adverses. 
En  fait,  par  suite  de  l'abstention  des  autorités  anglaises  et  des 
partisans  de  l'Union,  le  rapport  fait  surtout  entendre  des  voix 
hostiles  à  l'Angleterre.  C'est  un  réquisitoire  des  Sinn-feiners 
contre  le  régime  de  terreur  auquel  l'Irlande  a  été  soumise.  Il  est 
accablant.  On  y  voit  à  quels  abominables  excès  peut  se  porter  la 
soldatesque,  lorsqu'une  malheureuse  population  civile  est  livrée  à 
sa  merci.  Cela  est  aussi  poignant  que  les  enquêtes  faites  après 
l'armistice  dans  les  régions  de  France  et  de  Belgique  qui  avaient 
eu  le  malheur  de  subir  l'occupation  ennemie.  On  doit  reconnaître 
cependant  que  les  forces  de  la  Couronne  en  Irlande  —  au  nombre 
de  78.000  hommes  — ,  bien  que  composées  principalement,  dit  le 
rapport,  d'éléments  d'une  moralité  douteuse,  sont  restées  loin  de 
la  cruauté  des  armées  allemandes. 

Le  rapport  n'a  pas   que  le  triste  intérêt   d'offrir   une  collection 


Chronique.  109 

d'atrocités.  Il  renseigne  sur  la  situation  intérieure  de  l'île  au 
cours  de  l'année  1920,  sur  le  plan  de  résistance  des  Sinn  Feiners 
et  sur  leur  organisation  civile  et  militaire,  sur  l'attitude  intransi- 
geante des  Ulstériens  et  sur  la  faillite  de  la  politique  du  terrorisme. 
Les  événements  des  mois  suivants  devaient  justifier  les  prévisions 
que  l'on  tire  de  la  lecture  de  ce  rapport  ;  il  sera  pour  les  historiens 
de  l'avenir  un  document  des  plus  précieux. 


XI 


On  annonce  que  The  Celtic  Review  va  reprendre  sa  publication. 
Fondée  en  1904,  elle  avait  été  interrompue  en  19 16,  au  fascicule 
40,  qui  terminait  le  Xe  volume  (v.  Rev .  Celt.,  t.  XXXVII,  p. 
283).  Pendant  cette  première  période  de  son  existence  elle  avait 
joué  un  rôle  utile,  groupant  autour  de  son  «  editor  »,  feu  Donald 
Mackinnon,  les  principaux  celtistes  d'Ecosse,  les  professeurs 
Watson  (et  Mrs.  Watson,  née  Carmichael),  Henderson,  John 
Fraser,  Calder,  etc.  C'était  eu  Ecosse  le  seul  périodique  consacré 
aux  études  celtiques  ;  la  littérature  voisinait  avec  la  philologie,  la 
poésie  avec  la  science .  Tout  en  faisant  une  place  prépondérante 
aux  questions  qui  touchent  à  l'Ecosse,  elle  s'ouvrait  volontiers  aux 
travaux  relatifs  à  l'Irlande  et  aux  pays  de  langue  brittonique  : 
parmi  les  noms  de  ses  collaborateurs  on  relève  ceux  de  Whitley 
Stokes,  de  sir  Edward  Anwyl,  de  Misses  Eleanor  Hull  et  Maud 
Joynt,  de  MM.  Douglas  Hyde,  Glyn  Davies,  Wade  Evans,  W.  J. 
Gruffydd,  Louis  Gougaud,  Henry  Jenner,  Julius  Pokorny,  etc. 
Elle  était  éditée  jusqu'ici  parla  maison  Constable,  11  Thistle 
Street,  Edimbourg,  et  soutenue  par  la  générosité  du  chef  de  cette 
maison,  M.  W.  B.  Blaikie  (v.  The  Celtic  Review,  t.  IX,  p.  71). 
Elle  passe  désormais  entre  les  mains  de  l'éditeur  Eneas  Mackay, 
de  Stirling  (43,  Murray  Place),  et  paraîtra  trois  fois  par  an.  Le 
prix  de  l'abonnement  est  fixé  à  21  shillings. 


XII 


La  même  librairie  Eneas  Mackay  va  prochainement  publier  un 
ouvrage  posthume  du  regretté  Alex.  Macbain,  accompagné  d'une 
préface  du  professeur  William  J.  Watson,  Place  Naines,  Highlands 
and  Islands  of  Scotland,  300  p.  8°,  21  sh. 


lio  Chronique. 


XIII 


Livres  nouveaux  dont  il  sera  rendu  compte  ultérieurement  : 
Shân  O'Cuiv,  The  Soumis  of  Irish.  Dublin,  Browne  and  Nolan, 

1921,  79  p.  16°.  _ 

R.  Thurneysen,  Die  irische  Helden-  und  Komgsagc  bis  %um  sieb- 
lehnten  Jahrhundert.  Teil  I  und  IL  Halle,  Max  Niemeyer.  1921. 
708  pages  8°.  50  M. 

Y.  M.  Goblet  (Louis  Treguiz),  V Irlande  dans  la  crise  universelle 
(1914-1920),  2e  édition.  Paris,  Alcan  1921.  462  p.  8°  20  fr. 

R.  A.  Stewart  Macalister,    The  Latin  and  Irish  Lires  of  Ciarau 

(Society  for  Promoting  Christian  Knowledge).  London  and  New 

York.  1921.  190  p.  8°  10  sh. 

J.  Vexdryes. 


BULLETIN  DES  PUBLICATIONS 
ARCHÉOLOGIQUES . 


Quelles  étranges  rêveries  1'Anthropologie(XXX,  p.  233)  vient- 
elle  de  donner  à  M.  Louis  Siret,  qui  est  pourtantun  excellent  archéo- 
logue, l'occasion  de  publier  !  La  Dame  de  l'Erable,  M.  Siret  pense 
qu'elle  a  été  adorée,  elle  ou  quelque  sœur,  en  Occident  comme 
en  Egypte.  Les  symboles  de  son  culte  sont  les  statues-menhirs, 
les  figures  sculptées  sur  les  dolmens,  les  plaquettes  de  schiste 
gravées  de  la  péninsule  ibérique.  Ces  diverses  figures  sont  des  ima- 
ges symboliques  des  arbres,  ou  des  copies  plus  réalistes  des  cica- 
trices laissées  sur  les  arbres  par  la  chute  des  feuilles  et  des  petites 
branches.  Ces  symboles  suggèrent  un  culte  de  la  Vie,  de  l'Unité 
de  la  Vie.  Les  druides  ont  été  les  prophètes  d'un  pareil  culte.  Ils 
le  tiennent  de  l'Orient  et  ils  donnent  la  main  aux  Etrusques.  Tout 
cela  est  fort  intéressant,  j'admets  même  que  ce  soit  plausible.  Mais 
la  preuve?  Déduction,  dira-t-on.  Mais  que  la  déduction  soit  cor- 
recte et  logique  !  Il  y  a  tant  de  travail  à  faire  qu'il  est  fâcheux  de 
voir  une  grave  revue  consacrer  près  de  cent  pages  à  des  travaux 
aussi  vides  de  substance. 


Notre  ami,  M.  J.  Vendryes,  a  été  amené,  A  propos  du  mot 
7.2(077;;,  dans  le  volume  du  Cinquantenaire  de  V 'Association  des  Études 
grecques,  Revue  des  études  grecques,  t.  XXXII,  p.  495,  à  parler 
de  la  parenté  des  Celtes  et  des  Ligures.  Le  mot  jtpoxjaôç,  cruche,  a 
été  emprunté  au  sicule  ;  or  sicule  et  ligure  ne  font  sans  doute  à 
peu  près  qu'un.  Ce  mot  ligure  est  un  mot  du  vocabulaire  occiden- 
tal, représenté  en  celtique  par  l'irlandais  croccan\  gl.  olla,  et  le  gallois 
crochan,  pot  (thème  *krouk,  tumulus:  irlandais  cruaçh]  gallois crûg). 
Les  représentants  germaniques  et  slaves  de  la  famille  doivent  venir, 


tu  bulletin  des  publications  archéologiques. 

pense  M.  Vendryes,  en  dernière  analyse,  du  celtique.  Il  semble 
que  le  ligure  ait  eu  avec  le  celtique  beaucoup  de  vocabulaire  com- 
mun. Les  Ligures  sont  les  avant-coureurs  des  Italo-Celtes  dans 
l'Europe  occidentale.  Etaient-ils  des  Italo-Celtes,  c'est  une  autre 
affaire  et  je  n'aime  pas  beaucoup  le  nom  de  Préceltes  que  M.  Ven- 
dryes croit  pouvoir  leur  donner.  Je  ne  dirai  pas  en  tous  cas  qu'ils 
sont  «  peu  différents  de  ceux  qui  vinrent  après  eux  ».  Dans  la 
mesure  où  l'archéologie  préhistorique  peut  représenter  des  civilisa- 
tions et  faire  conjecturer  des  parentés  de  civilisations,  elle  ne  con- 
duit pas  dans  cette  direction. 

M.  Victor  Chapot,  dans  le  même  volume  (Ibid.,  p.  66  sqq., 
Albion  remotd)  donne  une  idée  de  l'incertitude  des  anciens  sur  la 
configuration  des  pays  celtiques  ;  il  écrit  à  ce  propos  d'intéres- 
santes pages  sur  Pytheas  et  la  méthode  qu'il  a  suivie  pour  calculer 
ies  dimensions  de  la  Bretagne. 


Dans  le  Boletin  de  la  real  academia  de  la  historia  de  juin 
1921  (t.  LXXYIII,  p.  515),  M.  George  Bonsor  commence  un 
travail  sur  Tartessos,  qui  promet  d'être  important.  C'est  d'abord 
une  description  du  littoral,  et  il  fait  appel  à  YOra  maritima 
d'Avienus.  Il  reprend  à  ce  propos  une  thèse  déjà  soutenue  en  1919 
par  M.  A.  Blazquez.  Le  Carthaginois  Himilcon  dont  Avienus  re- 
produit en  partie  le  périple,  n'aurait  pas  dépassé  le  cap  St-Vincent. 
C'est  là  qu'il  faudrait  placer  YOestrymnis.  Il  s'ensuit,  d'une  part,  que 
le  pays  des  Ligures,  dévasté  par  les  Celtes,  doit  être  le  Portugal  ; 
d'autre  part  que  l'Ile  Sacrée  où  habitent  les  Hiberniens  et  l'île  des 
Albions  ne  doivent  pas  être  assimilées  à  l'Irlande  et  à  la  Bretagne. 
Faut-il  reconnaître  les  iles  Oestrymniques,  et  parmi  elles  ces  deux 
îles,  dans  la  chaîne  de  petites  îles,  dont  l'une  porte  le  cap  Santa 
Maria  qui  s'allongent  le  long  de  la  côte,  à  l'ouest  de  l'embouchure 
de  la  Guadiana  ?J'y  vois,  pour  ma  part,  quelques  difficultés.  Sans 
doute  Pytheas  a  appelé  la  Grande-Bretagne  B-elanin.  Mais  est-ce 
à-dire  que  les  noms  d'Erin  et  d'Albion  aient  été  donnés  aux  Iles- 
Britanniques  par  suite  d'une  erreur  littéraire  d'interprétation  sur 
le  texte  d'un  auteur  peu  lu  ?  Ces  noms  me  paraissent  anciens  et 
leur  groupement  est  significatif.  Il  est  inutile  d'aller  le  chercher 
ailleurs  que  là  où  elles  sont.  Il  faudrait  aussi  vieillir  la  grande  inva- 
sion celtique  dans  la  péninsule  ibérique. 


Bulletin  des  publications  archéologiques.  ir, 

M.  J.  Loth  a  montré  dans  le  volume  XXXVIII  de  la  Revue  Cel- 
tique, p.  259  et  suiv.,  quel  intérêt  les  celtistes  pouvaient  porter 
à  la  question  des  apports  nouveaux  de  population  reçus  par  les 
Iles  Britanniques  à  l'âge  du  bronze.  M.  A.  Keith  a  traité  la  ques- 
tion eu  anthropologue  dans  sa  Presidential  address  de  191 5  à  l'Ins- 
titut anthropologique  de  Londres.  Il  y  a  parlé  des  Bronze  ageinvaders 
ofBritain  (Journal  of  the royal  anthropological  Institute,  191 5, 
p.  12  sqq).  Ces  envahisseurs,  c'est  le  beaker-people,  le  peuple  des 
gobelets,  qui  enterrait  des  morts  sous  des  tumulus  ronds,  en  posi- 
tion repliée,  avec  des  gobelets  caractéristiques,  cintrés  et  décorés 
en  zones  de  gravures  gémétriques,  et  quelques  autres  objets  qui 
constituent  un  outillage  particulier  et  singulièrement  constant.  Les 
squelettes  trouvés  dans  ces  tombes  sont,  en  très  forte  proportion, 
d'un  type  nouveau  en  Grande-Bretagne.  Ce  sont  des  brachycé- 
phales  de  grande  taille,  aux  traits  nettement  marqués.  Ces  brachy- 
céphales,  leurs  restes  et  leur  mobilier  funéraire  ont  été  trouvés, 
par  petits  groupes,  dans  la  vallée  du  Rhin  et  jusqu'en  Bohême. 
Leur  type  se  rencontre  dans  les  tombes  néolithiques  du  Danemark  ; 
il  subsiste  en  Suède  et  en  Norvège.  M.  Keith  le  suppose  originaire 
des  pentes  septentrionales  du  massif  montagneux  européen.  En 
Angleterre,  ils  auraient  formé  deux  grands  établissements  autour 
de  leurs  principaux  débarcadères,  dans  le  Yorkshire  et  sur  les  rives 
du  Firth  of  Forth  ;  mais  ils  se  sont  répandus  dans  tous  les  comtés 
de  l'Est  et  du  Sud  depuis  le  Caithness,  jusqu'au  Dorset.  Ils  y  sub- 
sistent. C'étaient  évidemment  des  navigateurs  et  ils  ont  atteint 
les  Orkney,  les  Hébrides  et  l'Irlande.  Ils  paraissent  s'être  présentés 
en  conquérants,  en  dominateurs.  Ils  formaient  et  ils  ont  laissé  une 
aristocratie. 

MM.  H.  J.  Fleure  et  T.  C.  James  traitent  de  ces  mêmes  envahis- 
seurs et  de  bien  d'autres  choses  dans  un  travail  d'anthropologie, 
limité  sans  doute  au  pays  de  Galles,  mais  qui  jette  une  vive  lu- 
mière sur  l'anthropologie  de  toute  l'Angleterre  (Geographical distri- 
bution of  anthropological  types  in  IVales,  Ibid.,  1916,  pp.  95-153). 
C'est  d'ailleurs  un  modèle  de  travail  anthropologique,  où  le  calcul 
des  index  n'est  qu'un  des  éléments  de  la  définition  des  types  et  où 
la  réduction  des  données  numériques  en  tables  n'a  pas  pour  objet 
la  constitution  de  moyennes  trompeuses.  En  outre  les  auteurs  s'ap- 
pliquent à  expliquer  la  répartition  des  types  par  l'histoire  du  peu- 
plement et  celle-ci  remonte  jusqu'à  la  préhistoire.  Ils  sont  servis 
dans  cette  reconstitution  par  une  représentation  très  vive  du  milieu 
et  des  conditions  de  la  vie  humaine,  qui  ôte  toute  apparence  de 
sécheresse  au  commentaire  de  leurs  cartes  et  de  leurs  tableaux.  — 

Revue  Celtique,  XXXIX.  8 


ii4  Bulletin  des  publications  archéologiques. 

Ils  ne  distinguent  pas  moins  de  cinq  types  qu'ils  appellent  méditer- 
ranéens ;  il  s'agit  de  dolichocéphales  bruns,  de  taille  médiocre  ; 
trois  de  ces  types  remontent  jusqu'aux  ancêtres  paléolithiques  de 
l'Europe  occidentale  ;  fait  à  noter,  ils  habitent  les  hauteurs  stériles, 
où  ils  semblent  s'être  réfugiés.  Une  bonne  partie  de  ces  dolichocé- 
phales méditerranéens  sont  arrivés  sans  doute  au  cours  des  temps 
néolithiques  avec  les  divers  courants  de  civilisation  qui  se  sont 
produits  alors.  Les  brachycéphales  de  type  alpin  sont  très  faible- 
ment représentés  et  seulement  dans  les  vallées  de  l'Ouest  ouvrant 
sur  l'Angleterre.  Un  autre  type  de  brachycéphales,  très  brun, 
fortement  bâti,  à  face  large  et  aux  mâchoires  carrées  est  répandu 
dans  la  région  côtière,  en  particuliers  chez  les  pêcheurs  et  les 
agriculteurs.  Comme  la  répartition  de  ce  type  correspond  à  celle 
des  monuments  mégalithiques,  nos  auteurs  le  cherchent  et  le 
trouvent  le  long  des  côtes  de  la  Méditerranée.  Ils  rattachent  aux 
types  septentrionaux  le  petit  groupe  de  brachycéphales  blonds  can- 
tonnés dans  certaines  vallées  du  Merionethshire;  ce  seraient  des 
représentants  du  beaker-people  ;  ces  envahisseurs  ne  sont  évidem- 
ment pas  arrivés  en  forces  sur  la  côte  Ouest  de  la  Grande  Bretagne, 
mais  ils  ont  traversé  l'île  en  voyageurs  et  en  commerçants,  par 
petits  groupes  qui  ont  laissé  des  descendants.  Les  dolichocéphales 
septentrionaux  sont  probablement  arrivés  dans  le  pays  de  Galles 
avec  l'invasion  britonnique,  c'est-à-dire  assez  tard,  et  leur  nombre 
s'est  accru  plus  tard  encore,  des  envahisseurs  Scandinaves  qui  se 
sont  fixés  sur  ces  côtes.  Leur  répartition  sur  la  carte  les  montre 
largement  répandus  dans  la  vallée  de  la  Severn  et  contournant  les 
ilôts  de  population  néolithique.  Il  est  fort  possible  que  le  bri- 
tonnique n'ait  pas  été  parlé  dans  le  pays  de  Galles  bien  longtemps 
avant  la  conquête  romaine  et  qu'il  y  ait  supplanté  une  autre  langue 
celtique  de  la  famille  goidélique.  MM.  Fleure  et  James  ne  nous 
disent  pas  par  qui  cette  langue  aurait  été  importée. 

M.  J.  H.  Fleure  et  Miss  L.  Winstanley  associent  l'anthropologie 
a  l'histoire  (Anthropology  and  our  older  historiés  :  I,  A  Reviens  0}  some 
archaeological  and  anthropologicaï  évidences  ;  II,  A  Sketch  of  références  to 
early  movements of  peoples  in  the  older  historiés.  Ibid . ,  19 18,  p.  155- 
199).  On  distingue  dans  la  population  actuelle  des  Iles  Britanniques 
un  type  de  brachycéphales  bruns  de  grande  taillé.  Ce  type  ne 
lui  est  pas  spécial.  Il  se  trouve  répandu  de  l'Est  à  l'Ouest  le  long 
des  côtes  de  la  Méditerranée  et  de  l'Atlantique,  à  Athènes  et  à  Alex- 
andrie, à  Tunis  et  à  Salerne,  en  Espagne  et  à  l'embouchure  de  la 
Loire.  Les  crânes  anciens  de  ce  type  ont  la  même  distribution. 
C'est  précisément  celle   des   monuments   mégalithiques.   Avec    la 


Bulletin  îles  publications  archéologiques.  1 1  3 

civilisation  qu'ils  caractérisent  a  voyagé  un  type  de  brachycéphales 
méditerranéens. 

Le  2e  article  parcourt  les  auteurs  anciens,  puis  Nennius,  Geof- 
froy de  Monmouth  et  le  Lehar  na  Gahaia  pour  y  relever,  histoire 
ou  légende,  toutes  les  inentions  des  peuples  venus  d'outremer 
dans  les  Iles  Britanniques,  c'est-à-dire  venus  d'Espagne  ou  d'Orient. 
Travail  utile,  certes.  Mais  l'auteur  n'est-il  pas  tenté  de  suivre  le 
mauvais  exemple  de  ses  textes  ?  Comparer  les  Brigantes  aux  Bri- 
ges  de  Phrygie,  c'est  beaucoup  trop  ajouter  à  Hérodote,  qui  était 
un  auteur  sérieux. 


M.  H.  T.  Knox  publie  dans  Thk  journal  or  the  royal  society 
of  axtiquaries  of  irelaxd,  1914,  p.  i  sqq.,  une  description  des 
ruines  de  Cruachan  Ai.  Elles  constituent  un  ensemble  curieux 
d'enceintes  de  diverses  formes,  en  terre  et  en  pierre  qui  se  grou- 
pent autour  d'un  monument  principal,  Rathcroghan  ;  des  plans 
de  détail  nous  font  apercevoir  des  traces  de  constructions  acces- 
soires, d'avenues  et  de  routes  antiques  rejoignant  les  forts  et 
passant  entre  les  murs. 

Le  même  auteur  traite  de  ces  accès  dans  le  2L'  fascicule  de  19 18, 
p.  [36,  Cruachan  Ai  Ronds  and  Avenues.  11  pense  que  ces  avenues 
servaient  aux  mouvements  du  bétail  emmené  le  matin  au  pâturage 
et  ramené  le  soir.  11  part  pour  une  démonstration,  mais  il  s'arrête 
à  la  description  des  groupes  d'enceintes  de  Creeve  et  de  Knock- 
famaght.  Il  prétend  qu'ils  sont  funéraires.  Fort  bien  !  La  discus- 
sion est  facile  à  trancher. 

Dans  le  Ier  fascicule  de  19 14,  M.  Goddard  H.  Orpen  nous 
donne  des  notes  sur  l'histoire  de  l'Ulster  (The  earldom  of  Ulster  ; 
111,  Inquisitions  touching  Doiun  and  Ncwtoiunards),  p.  51    sqq. 

M.  Th.  Johnson  Westropp  y  continue  son  étude  sur  les  forts 
préhistoriques  (The  promontory  forts  and  en  ri  y  remains  of  the  coast  of 
county  Mayo  ;  III,  The  Mullet),  p.  67  sqq  ;  à  noter,  p.  79,  la 
comparaison  qu'il  fait  entre  le  fort  de  Dunadell  et  les  dun  inacces- 
sibles des  amazones  Scathach  et  Aile  où  le  Tochmarc  Etnire  conduit 
Cuchulainn  ;  p.  82,  des  cistes  funéraires  contenues  dans  les  murs 
attesteraient  des  sacrifices  humains  à  la  fondation  (cf.  Bulletin  de 
la  Société  préhistorique  française,  vol.  X,  p.  700). 

Il  a  complété  son  étude  topographique  sur  le  comté  de  Mayo 
(Ibid.,  19 14,  p.  148)  par  une  analyse  de  la  Tâin  Ro  Flidhais,  ou 
plutôt  d'une  version  de  cette  épopée,  publiée  dans  la  Celtic  Review, 


1 1 6  Bnl  If  lin  îles  publications  archéologiques. 

t.  I,  II,  III  et  IV,  par  M.  Mackinnon,  singulièrement  plus  dévelop- 
pée que  la  version  classique  des  Jrische  Texte,  II,  2,  pp.  206-223. 
Flidhais,  femme  de  Ailill  Finn,  roi  des  Gamanraighe,  possède  une 
vache  sans  cornes,  qui  donne  par  jour  du  lait  pour  trois  cents 
hommes.  D'autre  part,  Fergus  Mac  Roigh  après  l'assassinat  par 
trahison  des  fils  d'Usnech  est  venu  s'établir  à  la  cour  de  Medb  et 
d'Ailill.  Il  trompe  Ailill,  qui  se  contente  de  lui  remplacer  par 
surprise  son  épée  par  un  sabre  de  bois.  Bricne,  la  mauvaise 
langue,  se  met  en  tète  de  dresser  l'un  contre  l'autre  Fergus 
et  Ailill  Finn.  Il  part.  M.  Westropp  le  suit  de  place  en  place.  Il 
voit  Flidhais,  dont  il  excite  la  curiosité,  et  Ailill  Finn.  A  peine  re- 
venu il  entraîne  Fergus.  Nouvelle  description  et  identification 
d'itinéraire.  Fergus,  trahi  par  son  sabre  de  bois,  est  t'ait  prisonnier. 
Medb  se  met  en  route  pour  le  venger.  Troisième  itinéraire.  Les 
incidents  de  la  route  se  mirent  dans  les  noms  de  lieux.  Ailill  con- 
voque ses  alliés  et  le  poème  ne  fait  grâce  d'aucun.  Il  est  enfin 
battu  et  tué.  Flidhais  et  sa  vache  sont  enlevées.  Mais  la  retraite  ne 
tarde  pas  à  se  changer  en  déroute  et  les  étapes  de  la  déroute  sont 
également  marquées  une  à  une.  C'est  donc  un  texte  d'une  impor- 
tance particulière  pour  M.  Westropp,  qui  s'applique  à  établir  la 
concordance  de  la  toponymie  ancienne  et  de  la  toponymie  moderne, 
de  la  légende  et  de  l'archéologie. 

Dans  le  dernier  fascicule  de  l'année  19 14,  M.  Westropp  passe 
de  ia  grande  terre  aux  petites  îles  (The  promontory  forts  and  early 
remains  of  the  îslands  of  Connacht,  p.  297).  Il  observe  que,  du 
Mullet  au  comté  de  Gare,  les  forts  côtiersv  sont  confinés,  la  côte 
opposée  étant  basse  et  sableuse.  Ces  îles  ont  été  fort  mal  explorées 
par  les  archéologues.  La  liste  de  M.  Westropp  est  presque  entière- 
ment nouvelle. 

Notre  auteur  donne  dans  les  deux  fascicules  suivants  la  12*" 
partie  de  ses  Vrehistoric  remains  {Forts  ami  dolmens)  in  Burren  ami  ils 
south-western  border,  co.  Clare  (Ibid.  1 9 1 5 ,  p.  45  sqq.,  p.  249  sqq.). 
En  1916  (Ibid.  p.  97  sqq.),  il  continue  par  l'inventaire  de  deux 
districts  négligés,  ceux  de  Inagh  et  de  Killeimer;  les  légendes  lo- 
cales v  conservent  le  souvenir  de  Grainne  et  de  Finn.  En  1 9 17, 
il  termine  son  étude  du  comté  de  Clare  par  deux  séries  d'addenda 
f  Ibid,  p.  1.  Notes  on  the  primitive  remains,  forts  and  dolmens,  in  central 
eo.  Clare,  et  p.  67,  Prehistoric  remains  in  north-western  and  central 
Clare).  Mais  nous  devons  encore  attendre  l'essai  de  classification, 
le  rudiment  d'étude  générale  indispensable  pour  tirer  une  leçon 
d'histoire  de  ces  énumérations  de  monuments  de  tout  âge  et  dont 
presque  aucun  n'a  été  fouillé. 


Bulletin  des  publications  archéologiques.  r  1 7 

En  1918,  M.  Westropp  transporte  ses  lecteurs  habituels  dans  le 
comté  de  Wexford.  Il  y  décrit  Fivc  large  earthworks  in  the  baronx 
of  Shelburne,  co.  Wexford  (Ibid . ,  1918,  p.  1  sqq.).  Le  plus  impor- 
tant est  celui  de  Kilmokea,  à  propos  duquel  se  pose  la  question  des 
«  temple  mounds  <>,  des  sidh,  associés  aux  grands  forts,  soit  à 
Emain  Mâcha,  soit  à  Tara,  soit  à  Ailech. 


Deux  mémoires  publiés  par  M.  Westropp  dans  les  Proceedings 
of  the  royal  IRISH  academy,  mettent  en  bonne  lumière  les  idées 
qui  le  guident  dans  son  relevé  des  anciens  forts,  des  emplace- 
ments de  sépultures  et  autres  monuments  du  passé  de  l'Irlande 
(1917-18,  vol.  XXXIV,  p.  17  sqq  :  Theancient  sanctuaries  of  Knoc- 
kainey  andClogher,  co.  Limerick, and  their  goddesses  ;  p.  127  sqq  ;  The 
earthworks,  traditions,  ami  the  Godsof  south-eastern  co.  Limerick, 
especiallx  front  Knocklong  lo  Temair  Eranri).  Passé  indéterminé  ; 
origines  inconnues  !  M.  Westropp  s'applique  à  limiter  cet  inconnu 
en  essayant  d'identifier  les  monuments  avec  ceux,  de  même  nature, 
qui  sont  mentionnés  dans  l'ancienne  littérature  irlandaise.  Aussi 
bien  cette  littérature  est-elle  tout  particulièrement  topographique. 
Non  seulement,  elle  se  préoccupe  des  lieux,  non  seulement  elle 
situe  ses  épisodes  avec  minutie,  mais  elle  sait  décrire  et  taire  recon- 
naître sa  mise  en  scène.  Cette  détermination  du  milieu  de  la  légende 
historique,  de  l'épopée  et  de  la  mythologie  a  comportantes  consé- 
quences. Pour  ce  qui  est  de  l'histoire,  par  exemple  celle  de  Eogan- 
nacht  de  Cashel,  dont  il  est  question  à  plusieurs  reprises,  est  plus 
intelligible  quand  on  la  situe,  comme  fait  M.  Westropp,  sur  le 
terrain.  Mais  c'est  de  religion  qu'il  s'agit  surtout.  M.  Wes 
tropp  localise  les  dieux.  Cette  localisation  amène  à  les  classer,  à 
les  classer  ethnographiquement,  suivant  les  tribus  auxquelles  ils 
étaient  liés  et  les  peuples  divers  qui  se  sont  superposés  en 
Irlande.  Parmi  les  dieux  du  Munster,  il  y  a  des  dieux  qui  se 
retrouvent  en  Gaule  ou  en  pays  britonnique  :  Lug,  Nuada, 
Segomo,  etc.  ;  d'autres  sont  particulièrement  irlandais:  Oengus, 
Bodb  Berg.  Parmi  ceux-là,  il  y  en  a  qui  comptent  parmi  les 
Tuatha  De  Danann,  c'est  le  cas  d'Aine  ou  Anu  ;  mais  d'autres  ne 
sont  rangés  dans  aucune  famille  et  ceux-là  sont  tout  particulière- 
ment des  dieux  locaux,  à  telles  enseignes  que  leurs  noms  sont  des 
noms  de  lieux  :  Cliu,  Câin,  Cuil,  Sinann.  M.  Westropp  pense 
que  ce  sont  les  plus  anciens  dieux  de  l'Irlande,  ses  dieux  précel- 
tiques. 


ii  (S  Bulletin  des  publications  archéologiques. 

Il  reconnaît  le  sanctuaire  principal  d'Aine  à  Knockainev  sur 
l'une  des  petites  chaînes  qui  limitent  au  S.  E.  le  comte  de  Lime- 
rick.  L'histoire  d'Aine  raconte  comment  sa  famille  et  elles  en  ont 
dépossédé  un  groupe  de  tribus  Fir-Bolg.  Elle  y  est  par  droit  de 
conquête. 

Dans  le  groupe  des  monuments  de  Clogherbeg  et  de  Rahcenamad- 
dra,  il  reconnaît  l'Oenach  Clochair  ou  Oenach  Culi,  qui  était  le 
cimetière  de  Dergthene  et  leur  lieu  d'assemblée.  La  place  était  restée 
sous  l'invocation  d'un  déesse  locale,  bien  qu'ils  tussent  des  con- 
quérants. 

Les  sanctuaires  des  dieux  irlandais  étaient  précisément  semblable 
à  ces  monuments    que   M.  Westropp   décrit   avec  une  inlassable 
patience,  tumulus   associés   à    des   enceintes,  forteresses  fondées 
par   les  dieux,   palais   souterrains,  ou  tombeaux  quand  les  dieux 
furent  héroïsés. 


Dans  un  important  mémoire  publié  la  même  année  par  le  Jour- 
nal OFTHE   ROYAL  SOCIETY   OF  AXTIQUARIES  OF  IRELAKD,    p.    I  I  I    sqq, 

Temair  Etann,  an  ancieut  cimetery  of  the  Eniai  ou  Slievereagh, 
co.  Liincrick,  M\  Westropp  fait  effort  pour  rattacher  un  important 
groupe  de  tombeaux  situés  sur  les  pentes  du  Slievereagh,  à  une 
tribu  déterminée,  celle  des  Erriai  du  Munster.  Le  poème  relatif 
à  Cend  Febrat  dans  le  Dindsenchas  (Metrical  Dindsenchas..., 
pp.  226-233)  énumère  une  série  de  tombeaux,  qu'il  essaie,  non 
sans  succès,  d'identifier.  On  regrette  toujours  que  cet  intéressant 
travail  historique  ne  soit  pas  suivi  de  quelque  bonne  fouille. 

Le  mémoire  suivant  traite  des  lieux  d'assemblée  des  comtés  de 
Limcrick  et  de  Clare  {The  ancieut  placer  of  assembîy  in  the  counties 
Limerick  and  Clare,  Ibid.,  1 9 1 9 ,  p.  1  sqq)  qu'il  compare  aux 
autres  places  d'assemblée,  Tara,  Tailltiu,  Rathcroghan,  etc.  Elles 
comportent  toutes  un  certain  nombre  de  monuments,  enceintes  ou 
tumulus,  qui  sont  des  lieux  saints  et  des  résidences  divines. 

En  191 9  et  1920,  M.  Westropp  a  publié  encore  dans  le  même 
journal  deux  articles  (Ibid.,  1919,  p.  167,  Notes  ou  ieveràl  forts  in 
Dunkellui  and  nther parts  of  souihertï  co.  Gahvay  ;  1920,  p.  140,  The 
promoutorx  forts  and  traditions  of  the  districts  of  Beare  and  Bautry) 
qui  sont  près  de  terminer  son  exploration  topographique  de  la 
moitié  Sud-Ouest  des  côtes  irlandaises,  entre  Wexlord  et  Sligo. 
'Le  deuxième  s'étend  longuement  sur  l'histoire  religieuse  et  légen- 
daire de  l'extension  en  Munster  des  tribus  milésiennes. 


Bulletin  des  publications  archéologiques.  119 

M.  J.  P.  Condon  a  donné,  dans  le  Ier  fascicule  de  l'année  191e, 
un  catalogue  des  monuments  mégalithiques  de  la  partie  nord  du 
comté  de  Cork  (Ibid.,  19 16,  p.  55,  Rude  stoue  monuments of  the 
nortberri  portion  of  Cork  county;  id.  p.  196;  19 17,  p.  15};  1918 
p.  121.)  Beaucoup  sont  signalés  pour  la  première  fois. 

M.  H.  T.  Knox  décrit  le  Rath  Brenaiuu  (Ibid.,  1915,  p.  289)  à 
2  milles  à  l'ouest  de  Roscommon.  11  est  formé  de  deux  enceintes 
circulaires  accolées  en  forme  de  8  et  flanquées  d'un  rempart  laté- 
ral. Saint  Patrick  y  vint  avec  Cailte  ;  ils  s'assirent  sur  un  tumulus 
qui  touche  à  l'enceinte  du  plus  grand  des  deux  cercles.  La  question 
discutée  est  celle  de  l'association  de  la  résidence  et  du  tombeau 
dans  un  certain  nombre  de  monuments  fameux.  Mais  que  n'ouvre- 
t-on  quelque  tranchée  dans  ces  enceintes  et  ces  tumulus  qu'on 
nous  décrit. 

M.  H.  C.  Tierney  décrit  dans  le  2'  fascicule  de  1918,  p.  150, 
The  Giants  graves  ai  Ballvreagb,  remarkable  prehistoric  structure 
in  co.   Fermanagh.    «  C'est  une  allée  couverte  »  à  deux  chambres. 

M.  P.  J.  Lynch,  en  1920,  p.  97  sqq,  publie  un  mémoire  topo- 
graphico-historique  sur  une  partie  du  comté  de  Limerick,  le  baronie 
de  Coshlea  (Topographical  Notes  ou  the  barony  of  Coshlea,  co.  Limèrù  k, 
including  Lockelly,  the  Lake  District,  Cenn  Abrat,  Claire,  Taeare 
Luachra,  etc.).  Il  est  intéressant  de  comparer  ses  notes  avec  celles 
de  M.  T.  J.  Westropp. 

Bron\e  Age  Hislorx  iu  Ireland  !  (Ibid.,  r  9 1 4 ,  p .  214).  Miss  Marga- 
ret  E.  Dobbs  y  place  le  roi  Tighearumas,  inventeur  de  l'orfèvrerie 
irlandaise  et  du  culte  de  Crom  Cruaidh.  Les  dates  traditionnelles 
oscillent  pour  ce  roi  fabuleux  entre  1620  et  103(1  a\ .  |  .-C. Ces  dates 
tombent  évidemmentdans  l'âge  du  bronze  de  l'Europe  occidentale. 
Elles  ont  une  apparence  de  vérité  historique.  L'archéologie  irlan- 
daise témoigne  d'une  richesse  d'or  considérable  à  l'âge  du  bronze. 
Malgré  l'autorité  du  regretté  Cofl'ey,  je  crois  qu'elle  date  de  plus 
loin  que  les  dates  les  plus  hautes  assignées  a  Tighearumas.  C'est  le 
cas  en  particulier  des  fameuses  lunules  d'or  de  l'Irlande.  Elles 
sont  de  la  lre  période  de  l'âge  du  bronze  et  doivent  être  vieillies  de 
près  d'un  millénaire.  Miss  Dobbs  fait  remarquer  très  justement  que 
les  grandes  découvertes  d'or  ont  toujours  été  l'origine  de  mouve- 
ments fort  importants  et  elle  appelle  à  juste  titre  l'attention  sur  le 
fait  que  l'institution  dû  culte  de  Crom  Cruaidh  est  attribuée  au 
grand  prospecteur  que  fut  Tighearnmas.  La  découverte  de  l'or  dut 
provoquer  en  Irlande  un  essor  de  civilisation. 

Miss  Margaret  L.  Dobbs  continue  ses  études  sui  tes  croisements 
de  l'histoire  et  de  l'archéologie  par  un  mémoire  sur  la  généalogie 


i2o  Bulletin  des  publications  archéologiques. 

des  Eoganacht  de  Cashel  en  Munster  {The  Pedigree  of  the  Eoganachi 
o/Cashel,  Ibid.,  1917.  p.  37  ^qq-j-  Cette  généalogie,  qui  nous  est 
arrivée  à  sept  exemplaires,  contient  des  notes  d'histoire  de  la  civi- 
lisation, dont  Miss  Dobbs  s'applique  à  nous  montrer  qu'elles  ne 
sont  pas  sans  intérêt,  et  elle  présente  avec  un  groupe  d'inscriptions 
oghamiques  du  comté  de  Waterford  des  rapports  étroits  qui  pa- 
raissent d'une  grande  importance.  Elle  remonte  àEber,  fils  de  Mile. 
Voici  dans  l'ordre  chronologique  les  innovations  dues  à  sa  descen- 
dance : 

i°  L'invention  du  torques  d'or,  attribuée  à  Muncmon  par 
les  Annales  des  Quatre  Maîtres,  et  datant  de  1 32cS  av.  J.-C. 

2°  L'invention  du  bracelet  d'or  attribuée  à  Aildergdoit,  son 
h  1  s .  11  faut  noter  que  les  deux  inventeurs  sont  les  descendants  a  la 
septième  génération  de  Nuadat  Declam,  c'est-à-dire  sans  doute 
Nuadu  Argatlam,  contemporain  du  Tighearnmas  de  la  tradition  du 
Leinster.  Celle  du  Munster  divise  et  développe. 

3°  Le  fils  et  le  petit-fils  de  Aildergdoit,  Cetcumnech  et  Failbe 
Ucorach  inventent  les  Oghams  et  implantent  l'usage  de  dresser  des 
menhirs.  Chose  singulière,  on  peut  les  recon naître,  mais  dans 
l'ordre  inverse,  sur  un  ogham  de  Ballvvellan,  Co.  de  Waterford  : 
('.muni  maqi  mucoi  Valuvi. 

4°  Le  fils  de  celui-ci,  Roan  Rigalach,  invente  les  chars.  D'après 
le  Coir  Anmann,  il  semble  s'agir  de  chars  à  quatre  roues. 

5°  Art  Imlech,  six  générations  après  lui,  invente  les  fortifica- 
tions. 

6°  Enfin  Lugaid  Luaighnc  introduit  en  Irlande  la  fabrication  des 
lances  et  l'émaillerie.  Ici,  l'identification,  archéologique  est  très 
sûre  :  les  lances  de  fer,  l'emploi  de  l'émail  caractérisent  la  civili- 
sation de  La  Tène  introduite  vers  300  av.  J.-C.  en  Irlande  par  des 
colons  britanniques. 

L'ensemble,  que  complètent  d'autres  traits,  ne  manque  pas  de 
.  vraisemblance  et  porte  le  caractère  d'une  réelle  tradition. 

Va-t-il  falloir  vieillir  les  oghams  et  les  rapprocher  des  plus 
vieux  menhirs  ?  Il  semble  que  Miss  Dobbs  ne  demande  qu'à  se 
laisser  tenter. 

En  tous  cas,  la  répartition  des  inscriptions  oghamiques,  leur 
abondance  dans  quelques  districts  du  Munster,  lui  donnent  à  penser 
qu'elles  lurent  une  invention  tribale,  jalousement  conservée. 

Les  inscriptions  oghamiques  du  Munster,  et  particulièrement  du 
comté  de  Waterford,  contiennent  des  noms  comme  Cutnni,Amadu, 
Meta  Segamonas,  qui  sont  tout  à  fait  rares  et  qui  se  retrouvent, 
plus  ou  moins  déguisés,    dans    la    généalogie.    Trois    inscriptions 


Bulletin  des  publications  archéologiques.  121 

oghamiques  se  trouvent  à  Ardmore,  port  du  comté  de  Water- 
ford  et  nomment  Amadu,  Neta  Segamonas,  Lugudeccas.  C'est  préci- 
sément là  qu'en  d'autres  temps  aborda  saint  Declan,  qui  se  rendait 
de  Galles  en  Irlande. C'était  sans  doute  une  des  principales  entrées 
du  pays,  et  c'est  par  là  qu'arrivèrent  les  colons  Gaulois,  les  ado- 
rateurs du  dieu  Gaulois  Segomo,  qui  formèrent  un  élément  inté- 
ressant de  la  population  irlandaise  et  dont  la  part  n'est  pas  encore 
fixée. 

Miss  M.  E.  Dobbs  s'est  demandé  ce  que  sont  les  Fir  Domnann 
(The  Damnaind.  Ibid.,  1916,  p.  168).  Ce  sont  peut-être  les  Aoujxvôvtot 
ou  Aajfcvovioi  de  Ptolémée,  les  Dumnonii  de  la  Cornouailles,  mais 
alors  une  tribu  de  Bretons  égarée  en  Irlande.  Il  se  peut  aussi  qu'il 
s'agisse  de  prédécesseurs  des  Celtes,  affublés  d'un  nom  celtique  et 
subjugués  par  les  Goidels.  Miss  M.  E.  Dobbs,  pour  résoudre  le 
problème,  a  résumé  et  numéroté  les  fragments  épars  de  la  tradi- 
tion. Ils  sont  épars,  mais  cohérents.  D'une  part,  les  Domnaind  sont 
inséparables  des  Galieain  et  des  Fir  Bolg  ;  d'autre  part,  ils  sont 
principalement  localisés  dans  le  Leinster.  De  là  ils  ont  voyagé  à 
travers  l'Irlande  ;  mariages,  expéditions  y  ont  servi.  Flidhais, 
femme  de  Ailill  Find,  est  du  peuple  de  Domnaind,  de  même 
Ferdiad  et  Cet,  champions  du  Connaùght.  Miss  M.  E.  Dobbs  ne 
conclut  pas. 

M.  Henry  S.  Crawford  a  retrouvé  dans  les  Archives  de  l'Académie 
de  fort  importants  dessins  représentant  des  objets  d'os,  couteaux, 
peignes,  aiguilles,  trouvés  en  1865  Par  E.  Conwell  à  Lough  Crew, 
et  perdus  depuis  lors.  Les  poignées  de  ces  couteaux  d'os  sont 
gravées  de  dessins,  tracés  au  compas,  d'un  style  qui  est,  à  mon 
avis,  indubitablement  celtique.  C'est  l'art  celtique  du  11e  et  du  ier 
siècle  avant  J.-C.  (Ibid.,  1914,  p.  162). 

M.  E.  C.R.  Armstrong  a  fait  un  minutieux  travail  sur  la  grande 
trouvaille  d'or  faite  à  Ballykiltv,  dans  le  comté  de  Gare,  en  1854. 
Un  trésor  considérable  d'objets  d'or  fut  trouvé  par  des  terrassiers 
dans  une  petite  ciste  recouverte  par  un  cairn  de  pierres.  L'immense 
majorité  des  objets  est  perdue.  Le  Musée  national  de  Dublin  possède 
les  moulages  de  150  pièces,  exposées  parle  D1'  Todd,  en  1854,  à 
la  Royal  frish  Academy.  D'autre  part  ii  s'est  procuré  13  originaux. 
Le  British  Muséum  en  a  également  13  ou  14.  Un  petit  nombre 
d'objets, dont  M.E.C.R.  Armstrong  a  fait  le  relevé, se  trouvent  entre 
les  mains  de  quelques  particuliers.  La  trouvaille  se  composait  degor- 
gerins  en  plaques  d'or  aux  extrémités  formées  par  des  boutons 
creusés  en  coupes,  de  torques,  de  bracelets,  d'anneaux  terminés 
de  la  même  façon,  de  quelques  pièces  dites   fibules,  avec  des  ter- 


122  Bulletin  des  publications  archéologiques. 

minaisons  plus  volumineuses,  de  deux  boucles  d'oreilles  et  de 
deux  petits  lingots.  Deux  gorgerins  sont  décorés  très  sommaire- 
ment de  quelques  traits  de  gravure,  en  arêtes  de  poisson.  Tous  ces 
objets  sont  de  la  même  époque  et  c'est  la  dernière  période  de  l'âge 
du  bronze,  qui  descend,  comme  chacun  sait,  assez  bas  dans  les 
lies  Britanniques. Qu'était  ce  dépôt?  Dépôt  votif?  Tribut  ?  Trésor? 
M.  Armstrong  s'abstient  de  se  prononcer.  Il  la  compare  au  dépôt 
allemand  de  Messingwerk,  près  d'Eberswald  en  Brandebourg  et  il 
donne  un  dessin  d'un  fragment  de  vase  d'or  décoré,  comme  les  vases 
de  ce  dépôt,  de  zones  de  cercles  concentriques,  que  possède  le 
National  Muséum  de  Dublin  et  qui  provient  d'Irlande.  Une  même 
mode  décorative  régnait  au  même  temps  en  Irlande  et  sur  le 
continent  {The  Grtat  Clare  Find  of  1854,  Ibid.,  1917,  p.  21). 


M.  E.  C.  R.  Armstrong  a    publié  en   1920   un  Catalogue of  Irish 

Goki  ornatntnts  in  the  Collection  of  the  Royal  lrish  Academw  Dublin, 
Browne  et  Nolan,  abondamment  illustré,  qui  donne  une  idée  de 
la  grande  richesse  en  or  de  l'Irlande  préhistorique.  Deux  cartes 
indiquent  la  répartition  dans  l'Europe  occidentale  des  lunules 
d'or  et  des  torques  du  type  de  Tara  aux  extrémités  repliées.  Le 
catalogue  est  précédé  d'une  longue  introduction  qui  contient,  sous 
forme  de  chapitres  distincts,  des  études  particulières  sur  chaque 
série  d'objets,  lunules,  gorgerins,  torques,  etc.,  et  sur  les  grandes 
trouvailles.  On  y  retrouve  l'étude  sur  la  trouvaille  du  comté  de 
Clare.  Il  y  en  a  une  autre  sur  la  trouvaille  de  Broighter,  le  torque 
celtique  de  Clonmacnois.  En  ce  qui  concerne  les  lunules,  M.  Arm- 
strong les  considère  comme  des  gorgerins  dé  même  que  Cofrey  ;  il 
les  compare  aux  larges  colliers  de  javet,  trouvés  dans  les  tombeaux 
britanniques  du  début  de  l'âge  de  bronze  . 


M.  Reginald  A.  Smith  a  donné  dans  The  Axtiquaries  Journal, 
1 92 1 ,  p.  131  sqq,  un  article  sur  les  Irish  Golà  Crescents,  où  après  en 
avoir  publié  deux  qui  sont  inédits  il  en  fait  à  son  tourla  théorie.  Ces 

croissants  d'or  sont  à  rapprocher  des  croissants  de  terre  cuite  trou- 
vés dans  les  palalhttes  suisses  et  des  autels  à  cornes  du  monde 
égéen  et  de  la  Palestine.  Cornes  et  croissants  représentent  la  lune. 
Culte  lunaire  par  conséquent,  qui  va  de  pair  généralement  avec  un 
culte  solaire.  Ce  culte  lunaire  et   ses  symboles    seraient  venus  en 


Bulletin  des  publications  archéologiques.  123 

Irlande  de  l'Espagne.  Les  druides  ont  pratiqué  un  pareil  culte.  La 
cérémonie  de  la  cueillette  du  gui  (Pline,  H.N.,  XVI,  249,  51)  en 
était  un  rite  ;  le  gui,  la  faucille  d'or,  les  cornes  des  taureaux  sacri- 
fiés, la  période  choisie  étaient  symboliques.  M.  Reginald  A.Smith 
signale  comme  symbole  lunaire  un  curieux  objet  de  bronze  trouvé 
dans  un  tumulus  de  la  ire  partie  de  l'âge  du  bronze  à  Wilsford, 
Wielts.  ;  il  comporte  deux  cornes  torses  et  devait  être  rivé  sur  une 
hampe  de  bois. 

Le  Ier  numéro  du  même  journal,  1921,  p.  19  sqq,  consacre  un 
article  à  Stonehenge  (Lieut.-col.  W.  Hawley,  Stonehenge  :  Intérim 
report  on  the  exploration).  Les  travaux  de  restauration,  qui  ont  lieu  en 
ce  moment,  permettent  une  exploration  archéologique  très  métho- 
dique, que  dirige  le  lieutenant-colonel  Hawley.  Il  étudie  d'abord  la 
façon  dont  les  piliers  étaient  dressés  et  fixés.  D'autre  part  il  s'est 
occupé  avec  beaucoup  de  soin  d'une  série  de  trous,  signalés  en  1666 
sur  le  plan  d'Aubrey,  et  qu'il  appelle,  en  son  honneur,  les  Aubrey 
holes.  Ces  trous  sont  répartis  à  intervalles  à  peu  près  réguliers,  à 
l'intérieur  du  uallum.  Ils  paraissent  avoir  servi  à  planter  les  pierres 
d'un  troisième  cercle  ;  les  bords  ont  été  écrasés  par  l'abattement 
des  pierres  ;  à  l'intérieur  le  remplissage  du  fond  paraît  tassé  par  un 
poids  considérable.  Mais  les  pierres  ont  dû  être  enlevées,  car  les 
trous  ont  servi  à  enterrer  des  débris  d'incinérations  ;  ces  incinérations 
sont  malheureusement  difficiles  à  dater.  Le  lieut.-col onelHawley 
pense  que  le  cercle  des  Aubrey  holes  était  plus  ancien  que  Stone- 
henge. J'observe  qu'il  signale  un  peu  partout  de  la  poterie 
romano-bretonne  ;  une  monnaie  de  Claude  le  Gothique  a  été  trou- 
vée sous  la  pierre  aux  sacrifices.  L'endroit  paraît  donc  avoir  été  très 
fréquenté  encore  sous  l'empire  romain. 

H.  Hubert. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  Edouard  CHAMPION. 


MAÇON,  PROTAT  FRÈRES,  IMPRIMEURS 


PLACE-NAMES    OF    PICTLAND 
(suite)  l 


II 
Eclipsis. 

25.  Before  proceeding  further,  it  will  be  necessary  to  give 
some  account  of  eclipsis  in  Scottish  Gaelic,  more  particu- 
larly  in  the  districts  from  which  our  place-names  are  largely 
drawn. 

The  particles  in  -n  (-/«  before  b,  p,  f,  ni)  regularly  causing 
eclipsis  are  (1)  an,  nan,  of  the  article,  (2)  the  relative  an, 
with  the  conjunctions  gun,  that,  gus  an,  ach  an,  till,  miin, 
before,  (3)  na'n,  if,  (4)  an,  interrogative  particle,  (5)  the 
possessive  pronoun  an,  their,  (6)  the  préposition  an,  in, 
(7)  the  préposition  gun,  without,  éclipses  only  à  and  t. 

26.  The  consonants  subject  to  nasal  infection  after  thèse 
particles  are  the  stops  and  the  spirants/and  s.  The  changes 
they  undergo  are  as  follows  : 

ORIGINAL  2  ECLIPSED 

(1)  k,  y,  t,  tf,  p  (written  c,  t,  p)         g,  g',  à,  d(,  b 

(2)  g,  g',  à,  df,  b  (written  g,  d,  b)         g,  g',  à,  d^,  b 

(3)7 

(4)  s  (broad,  written  s)  ^ 

/(palatal,  written  s)  dj 

1.  Voir  R.  Celt.,  t.  XXXVIII,  p.   109. 

2.  The  phonetic  notation  given  in  §  3  is  inadéquate  as  regards  the  stops, 
and  it  was  intended  to  substitute  the  following  in  proof. 

(1)  k,  k  ,t  tf,p  (aspirâtes),  initially  in  accented  syllabes,  coire,  cinn, 
tlachd,  till,  pàirt. 

(2)  k,  k',  t,  tf,  p,  non-initially  ;  sgath,  sgith,  uisg,  caileag,  ait, 
amadan,  crùb.  In  most  dialects  thèse  stops,  when  they  are  in  accented 
syllables  and  immediately  follow  the  vowel,  develop  a  spirant  before  them, 

Revue  Celtique,  XXXIX.  9 


ne  Francis  C.  Diack. 

Examples  :  i)  Am  bheil  sibh  cinnteach  gu'n  cômhlaich 
mi  e  an  comhnuidh  aig  coig  uairean  ?  m  vel'  fi  k'iN':tfay  gm 
gJ'.Liç  mi  a  n  go\ni  ek'  koik'  unm,  Are  you  sure  that  I  shall  al- 
ways  meet  him  at  5  6  clock  ?  Môran  taing  dô'n  tàillear,  mo:ran 
taink  àdn  da:iL'ar,  Many  thanks  to  the  tailor  !  Mu '11  tig  iad, 
teannaidh  mi  ris,  mvn  djik'  alf  (faNi  mi  ris,  Before  they 
corne,  I  will  set  about  it.  Chluich  am  pîobair  port  ùr,  «  Poil 
air  chùl  nam  preas  »,  yLuiç  m  b'r.pdr  porst  u:r,  poL-  er  yic.l 
ndm  brzs,  the  piper  played  a  new  tune,  «  Hole  behind  the 
bushes  »  .  2)  Is  gann  is  urra  dha  an  gnothach  so  a  dheanamh, 
ïs  gUN  îs  11R  ya  n  gràsyfi  ienu,  He  can  scarcely  manage  this 
affair.  Dh'fhàg  an  duine  sporran  dubh,  ya:k  ij  dun  spoRan  du, 
The  rnan  left  a  black  purse.  Dean  suidhe  gus  an  dean  mi  so, 
djen  sui  gusn  djen  mi  fi,  Sit  down  till  I  do  this.  Is  tagh  leam 
bainne,  ach  cha  tagh  leam  am  bainne  blàth  so,  ïs  talutii  baiN' 
ay  ya  tahim  m  baiN'  bLa:  fi  3)  Fuirich  gus  am  faigh  mi  am 
fàiune,  furiç  gus  m  voi  mi  m  va:iN',  wait  till  I  get  the  ring.  In 
rapid  speech  the  nasal  is  often  dropped  and  only  the  eclipsed 
consonantheard:  Bha  am  fear  bu  shine  dh'mbh,etc.,vavsr h  hin 
iu,  The  oldest  of  them  was,  etc.  In  some  parts,  for  example  in 
Abernethy,  Strathspey,  /  often  becomes  b,  i.  e.  b  not  b,  in 
eclipsis  ;  cp.  the  very  gênerai  am  beil  ?,  i.  e.  am  b-feil  ?,  as  well 
disam  bheil,  i.e.  am  bh-feil}  4)  s  when  followed  by  consonant 
is  in  most  parts  unaffected,  but  always  nasalised  when  before 
vowels.  Tha  na  saighdearan  'nan  suidhe,  ha  tP  saitfanj  rtin 
%ui,  The  soldiers  are  sitting.  Seasadh  an  seachdamh  duine, 
fespk  n  djayku  dun,  Let  the  seventh  man  stop. 

27.  It  will  be  seen  from  the  foregoing  that  the  eclipsis  of 
c,  t,  p,  f,  resembles  Irish  usage,  while  g,  d,  b,  are  treated 
differently.  The   différence,  however,  in  the  two  languages 

h,  ç,  or  /.  Tlius  mac,  litir,  ap  are  nnr/k,  L'içtjïr,  ayp,  whereas  mag,  idir, 
stob,  arc  mak,  itjïr,  stop.  Where  the  spirant  is  absent,  g,  d,  b,are  iudistin- 
guishable  from  c,  t,  p  in  this  position  ;  e.  g.  aige,  at  him,  ek' ,  aice,  at  lier,  ïk '. 

(l)g,g  df,d,b,  initially  ;  guth,  gille,  dorus,  dia,  bog.  Henderson 
remarks  that  the  peculiarity  of  thèse  sounds  lies  in  this,  that  though  the  glot- 
tis  is  in  the  position  for  voice  during  the  stop,  no  air  is  driven  in,  but  voice 
begins  the  moment  the  stop  is  loosened  (Zeitsch.  f.  celt.  Pbil.,  IV,  507). 
Thèse  three  classes  are  ail  voiceless. 

(4)  g,  g' ',  d,  d%,  b,  voiced,  in  eclipsis. 


Place-Nantes  of  Pictîand.  nj 

does  not  arise  at  the  eclipsing  stage  but  lies  further  back. 
In  Irish,  g,  d,  b,  are  voiced  stops,  in  Scottish  Gaelic  voiceless, 
g,  d,  b,  and  it  is  only  in  eclipsis  that  they  become  g,  d,  b, 
and  reach  the  stage  at  which  the  Irish  sounds  start.  The 
whole  phenomenon  of  nasal  infection  as  given  above  consists 
in  changing  voiceless  into  the  corresponding  voiced  sounds. 
The  only  exception  is  that/ (5  palatal)  becomes  dj,  not;, 
the  intrusion  of  d  between  n  and  /  being  an  easy  develop- 
ment  ;  and  it  should  be  noted  too  that  in  actual  pronuncia- 
tion  the  /  part  of  the  sound  is  more  prominent  than  the  d. 

28.  Except  in  the  north  and  north-west,  the  nasal  in  thèse 
eclipsing  proclitics  is  présent  before  the  liquids  /  and  r  ;  a 
noteworthy  feature,  in  contrast  with  old  and  new  Irish. 
Before  m  it  is  changed  to  m  :  'nam  measg,  nain  mtsk,  among 
the  m. 

Before  palatal  vowels  -n  is  N'  :  an  ith  mi  so,  J-N'i  mi  p 
Shah1  I  eat  this  ?  Cp.  Quiggin,  Dialect  of  Donegal,  §253. 

29.  The  area  over  which  eclipsis  in  the  form  given  above 
is  systematically  présent  is  what  may  be  called  the  east  cen- 
tral. It  begins  some  miles  north  of  Grantown-on-Spey,  that 
is  at  the  furthest  north  point  in  the  Spey  valley  where  Gae- 
lic is  spoken  ;  the  southern  limit  of  this  speech,  in  Perthshire, 
I  hâve  not  yet  ascertained.  Besides  forming  a  unity  in  respect 
of  eclipsis  this  area  is  homogeneous  in  certain  other  important 
features,  which,  however,  do  not  concern  us  hère.  There  is 
also  évidence  from  the  toponomy  that  this  dialectical  unity 
extended  in  pre-English  days  east  to  the  seaboard. 

30.  As  regards  eclipsis  in  the  rest  of  Gaeldom,  it  is  impos- 
sible to  give  detailed  particulars  till  the  subject  has  received 
some  attention  from  students  of  Scottish  Gaelic.  The  infec- 
tion of  s  seems  to  be  confined  in  present-day  speech  to  the 
east  central  parts,  but,  as  in  the  case  of  /  and  r,  it  is  only  in 
the  north  and  north-west  that  the  n  of  eclipsing  particles  is 
not  présent.  In  most  parts/ is  also  unaffected.  This,  however, 
is  probably  a  late  development,  since.  infected  /  is  found 
sporadically  in  many  parts,  and  regularly,  as  we  hâve  seen, 
in  some. 

The  eclipsis  of  the  tenues  aspiratae,  k,  t,  p,  does  not  eve- 


128  Francis  C.  Diack. 

rywhere  resuit  in  g,  d,  b  precisely,  but  in  compound  sounds 
which'  begin  voiced  and  end  voieeless.  In  some  ofthe  north- 
western  islands  the  eclipsis  of  the  g,  d,  b  séries  is  said  to 
follow  the  Irish  form  (Celtic  Review,  V,  86). 

31.  Misled  by  the  native  grammarians,  who  almost  ail 
either  rnake  no  référence  to  eclipsis  or  deny  its  existence, 
Pedersen  (V. G.  I,  400)  erroneously  says  that  there  are  only 
remnants  of  the  phenomenon  in  Scotland.  Macbain  writes  ', 
«  Eclipsis  by  n  is  practically  unknown  »,  a  statement  which 
can  only  be  set  down  as  inexplicable  in  such  a  work.  Simi- 
larly  W.F.  Skene  says,  «  Scotch  Gaelic  does  not  use  that 
phonetic  change  of  the  initial  consonant  called  eclipsis  2  ». 
Gillies,  however,  among  some  confused  and  incorrect  remarks 
on  the  subject,  rightly  says,  «  Eclipsis  is  an  essential  feature 
of  the  spoken  language  in  Scottish  Gaelic  as  truly  as  in 
Irish  3  »  ;  and  C.  M.  Robertson  calls  attention  to  its  «  cons- 
tant and  regular  »  présence  in  Perthshire  Gaelic4.  The  failure 
of  most  Scottish  grammarians  and  writers  on  Gaelic  to  reco- 
gnise  so  marked  a  phonetic  process  in  their  own  language  is 
doubtless  due  in  part  to  the  Scottish  System  of  orthography, 
which,  unlike  the  Irish,  does  not  show  when  a  consonant  is 
or  is  not  nasalised,  and  also  perhaps  to  the  fact  that  Scottish 
eclipsis  in  not  identical  with  Irish,  and  probably  never  was, 
at  least  with  in  historical  times.  But  this  question  need  not 
be  entered  into  hère  ;  only  it  may  be  said  that  the  whole 
subject  of  eclipsis  in  the  two  languages  will  probably  be 
found  to  be  of  importance  for  the  question  of  their  histori- 
cal relationship. 

Neuter  Gender  in  Place-Names. 

32.  Though  Irish  has  long  lost  the  neuter  gender,  Hogan 
pointed  out  that  it  is  often  preserved  in  place-names  5,  and 

1.  Etymological  Dict.,  p.  vi. 

2.  Celtic  Scotland,  II,  454. 

3.  Gaelic Grammar,  pp.  17-20. 

4.  Trans.  Gacl.  Soc.  of  Inverness,  vol.  XXII. 

5.  Royal  Ir.  Acad.,  Todd  lect.,  IV,  108-110. 


Placé-Nantes  of  Pictland.  129 

following  him  Joyce  produced  many  examples  in  his  Irish 
Names  of  Places,  vol.  III,  pp.  8-10,  and  passim.  Similar 
archaic  survivais  can  be  given  from  Scotland. 

A  —  Nasal  preserved  or  nasal   influence  remaining. 

1)  before  vowels  : 

33.  Poil  n-each,  Polneach,  1540  Poldinacht  (N.,  Cawdor), 
paul-N'ay,  'horse  pool'  ;  each  is  nom.  sing.  For  the  nom.  case 
hère  and  in  many  of  the  succeeding  examples,  see  §  ^9 
below.  Poil  n-eun  (B.,  Kirkmichael),  pol-N'z:n  'bird  pool'. 
Creag  n-iolair,  O.S. M.  Creag  na  Eolaire,  (P.,  Kirkmichael), 
fcrek-N'ufar,  'eagle  rock'.  Names  showing  the  gen.  fem.  of 
the  article,  such  as  Sgôr  na  h-iolair,  'the  eagle's  rock',  are 
of  course  common,  and  evidently  the  map  form,  Creag  na 
Eolaire,  is  an  attempted  'improvement'  on  the  local  pronun- 
ciation.  Cam  n-eilirig,  Carn  Elrick  (A.,  Braemar),  karn- 
N'ei'rïk.  Carn  occurs  as  neut.  as  well  as  masc.  in  the  old 
language,  e.g.  Cia  carn  ngel  inso  '  ?  For  eilirig  see  Macbain, 
Dict.  ;  gen.,  with  the  article,  is  na  h-eilirig  and  is  common 
in  the  place-names.  Ritigh  n-eilirig  (I.,  Abernethy)  ;  ruigh, 
sheiling,  'elrick  sheiling'.  Creag  n-ôrdaidh,  k'rek-nr.RH,  (A., 
Crathie)  Craignordie,  'hammer  (shaped)  hill',  a  derivative 
in  -aidh,  for  which  see  below,  from  àrd.  Creag  n-uathbhaidh , 
(B.,  Kirkmichael),  'dreadml  rock'  ;  on  the  Aven,  explained 
locally  as  a  place  where  cattle  sometimes  fell  over  and  were 
hurt  or  drowned.  For  uathbhaidh,  see  §  75  below.  Aclf  n-allt, 
Achanalt  (R.,  Contin),  ayn-auL'.t,  'burn  field'.  Achadh  is 
masc.  in  O.  Ir.,  but  there  are  many  cases  of  nasalisation 
after  it  in  the  Scottish  toponomy  (see  §  38),  and  neut.  gen- 
der  must  also  hâve  existed  ;  cp.  the  numerous  instances  in 
Hogan's  list  of  Irish  neuter  substantives  which  show  varia- 
tion of  gender,  sliab,  âth,  bir,  carn,  gnim,  etc.  Bail  n-allt,  Balnald 
(P.,  Kirkmichael  twice,  Glen  Fincastle  ;  R.  ;  and  elsewhere), 
bal'-naL'.t,  b.-nauL:t,  according  to  dialect,    'burn  town'.   In 

1.  Strachan,  Stories  from  the  Tain,  p.  17. 


1 30  Francis  C.  Diack. 

Ireland  also  baile  must  hâve  been  neuter  as  well  as  masc, 
as  Joyce  infers  from  the  number  of  cases  of  eclipsis  he  finds 
after  it1.  Tom  n-allt,  Tominald  (P.,  Strath  Tummel),  'burn 
hillock'  ;  loin,  'hillock',  rare  in  Irish  nomenclature  but  extre- 
mely  common  in  Pictland.  Druim  n-allt,  Driniinault  (R., 
Kilmuir  Easter)  ;  'burn  ridge1,  druim  neut.  in  O.I.  also. 
Cul  n-allt,  Culinaid,  (R.,  Nigg),  1634  Culnald  (Watson, 
P.N.  of  Ross,  p.  52)  ;  the  first  tenu  being  unstressed,  the 
original  length  of  the  vowel  is  doubtful  and  the  word  uncer- 
tain,  but  the  gender  is  clear.  Cumbernald  (Dumbartonshire), 
1300  Cumbrenald  (Johnston's  P.N.  of  Scolland)  is  obsolète 
in  Gaelic,  but  can  be  restored  as  O.G.  *Combar  n-alld, 
'burn  mouth' ;  combar  is  neut.  in  old  Irish  also.  Cnoc  n-brd 
(I.,  Kiltarlity),  which  the  O.S. M.  changes  to  Cnoc  an  uird 
under  ideas  of  improved  grammar  ;  'hammer  hill'.  Cnoc  was 
masc.  in  older  Irish,  and  probably  in  S. G.  also,  but  other 
instances  of  neuter  gender  occur  ;  Cnoc  n-eireachd  (R.,  Killear- 
nan),  'assembly'  or  'meeting  hill'.  Bad  n-earb,  (P.,  Glen 
Taitnich)  bat-Ner<i:p  2  ;  bad,  thicket,  clump  of  bushes,  'roe 
thicket'.  Bail  n-ianlaith  (R.,  Tain);  ianlaith  is  the  northern 
form  of  eunlaith,  birds.  This  is  not  a  case  of  baile  as  neuter, 


1.  Ir.  Naines  of  Places,  III,  68. 

2.  The  writing  of  the  svarabhakti  vowel  in  ira  :p  as  long  requires  expia- 
nation.  Certain  consonantal  groups  beginning  with  a  liquid  and  immedia- 
tely  following  a  short  accented  vowel  develop  a  svar.  vowel  between  the 
liquid  and  the  following  consonant  (which  may  be  another  liquid);  e.  g. 
balg,  dearbh,  ainm,  gorm,  cainb  arephonetically  of  two  syllables,  timchioll, 
soirbheas,  earball,  Murchadh,  onfhadh,  of  three.  The  quality  of  the  deve- 
loped  vowel  varies  in  différent  districts  ;  often  it  is  ?.  A  feature  of  north- 
western  Gaelic  is  that  the  svar.  follows  the  quality  of  the  primary  vowel  ; 
see  the  article  by  C.  M.  Robertson  in  the  CeUic  Revieiu,  III,  327  ff.  It  is 
not,  however,  in  the  quality  of  the  vowel  that  the  interest  of  thèse  words 
lies,  but  in  its  length.  In  Gaelic  in  ail  words  of  more  than  one  syllable 
(excluding  some  compounds  where  the  second  term  is  felt  as  a  separate 
word)  the  stress  is  on  the  first  syllable,  and  vowels,  of  whatever  quality, 
in  secondary  syllables  are  short.  But  in  this  type  of  word  this  law  of 
vowel-length  does  not  operate  or  radier  is  directly  contravened.  The  svara- 
bhakti is  long,  though  still  remaining  unstressed.  The  length  varies  some- 
what  in  différent  words  and  especially  according  to  the  position  of  the 
word  in  the  rhythm  of  the  sentence,  but  the  vowel  is  always  longer  than 


Place-Names  of  Pictland.  1 3 1 

for  the  English  is  Pitnellie(s),  showing  that  the  former  Gae- 
lic was  *Peit  n-ianlaith,  with  the  usual  modem  change  ot 
peit  to  baile.  O.G.  pet,  portion,  farm,  thus  was,  or  might 
be,  neuter. 

2)  before  t  : 

34.  a)  in  phrase  compounds  '  :  Bail  n-tom,  Ballintomb, 
1676  Ballintome  (E.,  near  Grantown,  and  B.,  Strathaven), 
'hillock-town',  tom  being  nom.,  and  n  the  neut.  nasal,  not 
the  article  .  In  the  same  neighbourhood  are  Bail  '«  tuim  and 
Cul  '«  tuim,  where  n  is  the  gen.  of  the  article  and  tuim  gen. 
of  tom. 

35.  b)  in  proper  compounds  :  Garntulaich  2,   Grandtully 

it  would  be  if  it  were  the  ordinary  vowel  of  an  unstressed  syllable.  Com- 
pare, for  example,  balg,  bag,  and  sgalag,  servant":  the  one  is  bala'-k  or 
bala:dk,  the  other  skalak. 

This  view  differs  from  Mr  Robertson's  in  the  article  mentioned  above  ; 
he  regards  the  liquid  that  précèdes  the  svarabhakti  as  having  a  «  sustained 
or  lengthened  prononciation  ».  While  reluctant  to  disagree  withso  weighty 
an  authority,  I  think  it  quite  certain  that  it  is  the  svar.  vowel  that  lias  the 
"  lengthened  pronunciation  "  which  he  notes,  and  not  the  liquid  ;  there  is 
even  a  case  where  there  is  no  liquid  to  carry  length,  as  at  Gairloch, 
where  palatal  r  is  /.  The  long,  but  unstressed,  vowel  is  heard  particularly 
well  when  the  liquid  is  followed  by  a  silent  leuited  consonant,  e.  g.  onfhadh, 
storm,  ôno:jk,  morbhaich,  sea-flat,  môiv.iç. 

When  the  word  containing  this  liquid  svar.  is  in  proclitic  position,  the 
vowel  loses  its  length  and  is  indistinguishable  from  the  vowel  of  an  ordi- 
nary unstressed  syllable:  balg,  bâla'jk,  but  balg-séididh,  bellows,  bal  oh- 
fe  :tfi. 

To  a  non-native  ear,  there  is  no  fèature  in  Gaelic  speech  more  striking 
phonetically  than  this  form  of  svarabhakti,  nor  more  attractive,  it  may  be 
added  as  a  personal  opinion,  to  listen  to.  Its  importance  as  a  guide  in 
Gaelic  phonetics  and  philology  in  gênerai  can  hardly  be  overstated. 

1.  Proper  compounds,  those  in  which  the  first  élément  bears  the  main 
stress  ;  phrase  compounds,  those  in  which  the  second  does  and  stands  in 
syntactical  relation  to  the  first. 

2.  Where  the  nasal  is  preserved  the  orthography  of  thèse  words  is 
awkward.  The  Scottish  rule,  differently  from  Irish,  is  that  in  compounds 
where  the  main  stress  is  on  the  first  syllable,  no  hyphen  is  used,  an  glastu- 
lachan,  the  grey  hillock  ;  where  the  stress  is  equal  or  on  the  second  élé- 
ment, a  hyphen  divides  the   members   of  the  compound,   or  sometimes 


132  Francis  C.  Diack. 

(P.,  Aberfeldy)  garydoliç  ;  locally  Uilaicb  is  tolaich  in  compo- 
sition. The  first  terni  gar,  neut.,  is  doubtful  in  meaning,  but 
probably  it  is  the  stem  gar  from  which  gar  an,  thicket,  cornes, 
and  of  much  the  same  meaning  ;  'thicket  hillock'.  The  Aber- 
deenshire  Gartly  is  the  same  word,  as  is  évident  from  the 
I4th  and  1 5th  century  spellings,  Grantuly,  Garintuly, 
Garnetoly,  etc.  Eas'ntulaîcb,  Ashintully,  also  Ashindullie, 
in  an  early  spelling  (P.,  Strath  Ardle)  ;  esudiiliç  and  esn- 
tuliç  are  both  to  be  heard  ;  eas,  waterfall,  sometimes 
ravine,  occurs  as  neut.  in  Hogan,  On.  Goidelicum,  and  in  his 
list  of  neuters  ;  'ravine  hillock'.  Neas'ntulaicb,  Nessintullich, 
(L,  Badenoch)  is  most  likely  the  same  word  as  the  preceding, 
the  initial  n  being  the  article,  phonetically  N'esnduliç.  There 
is  an  English  spelling  of  1645,  Essintulich.  I  hâve  heard 
N'esijtiiliç,  but  less  frequently.  Arfntulaich,  Arndilly  (B., 
Strathspey)  artnduliç  ;  art,  stone,  is  given  by  Hogan  as 
neuter  in  Irish,  with  a  query  ;  'stone  hillock'.  English  spel- 
lings, as  early  as  the  1 3th  century,  give  Artendol,  Artendul 
for  this  place,  which  suggest  that  the  présent  Gaelic  tulach 
is  corrupt  and  that  the  word  is  really  dol,  dut  (see  §  4).  In 
any  case  the  first  part  is  arl  n-,  stone,  eclipsing. 

36.  Thèse  are  the  first  examples  of  a  noteworthy  class  of 
names,  of  which  many  other  instances  will  presently  be 
given.  They  are  proper  compounds,  as  the  first  term  bears 
the  stress,  and  their  peculiarity  lies  in  this  that  it  is  neuter 
and  éclipses  the  initial  consonant  of  the  second.  The  regular 
rule  in  the  language  is  that  in  compounds  the  second  term 
is  lenited  (except  of  course  when  homorganic  consonants 
corne  together  or  th,  db,  folio w  /,  //,  5,),  showing  that  ori- 
ginally  the  ending  of  the  first  term  was  vocalic  for  neuters 
as  well  as  for  other  genders  ;  thus  dobbar,  water,  from 
*dubro-n,  dobbarchu,  otter,  from  *dubro-kuô.  Neuter  compounds 

they  are  written  separately.  Though  not  always  observed  in  older  books, 
this  rule  is  conveuient  for  showing  at  once  the  position  of  the  accent,  and 
is  followed  hère.  To  write  Gar  n-tulaich  would  imply  that  tulaich  has  the 
stress  ;  on  the  other  hand  Garntulatch,  Easntulaich  are  unsatisfactory,  or 
Garantulaich,  Easantulaich.  The  expédient  ofusing  an  apostrophe  before  the 
nasal  has  been  adopted.  In  the  phonetic  notation  n  means  syllabic  ». 


Place-Names  of  Pictlaud.  1 3  3 

like  Garntidaich  thus  show  quite  a  différent  formation.  The 
Irish  place-name  Nôinântinim  (Hogan,  O.G.)  may  be  com- 
parée!, where  the  nasal  after  nôi,  nine,  is  preserved,  «  nine 
ridges  »  ;  and  see  also  §  48. 

37.  In  thèse  neuter  compounds,  the  eclipsis  is  in  many 
cases  either  unstable  or  gone  altog-ether  in  present-day  Gaelic. 
Its  efîect  remains,  however,  in  preserving  the  second  term 
from  lenition  where  it  would  otherwise  be  expected.  Some- 
times  too,  early  English  spellings  show  the  nasalisation  that 
was  still  présent  in  the  Gaelic  of  the  time.  A  similar  disap- 
pearance  of  eclipsis  is  seen,  for  example  in  the  possessive 
pronouns  ar,  bhur,  our,  your,  (eclipsing  in  Irish)  ;  thèse 
show  nasalisation  before  a  vowel,  ar  n-iasg,  our  fish,  but 
before  consonants  it  is  lost,  the  consonants  being  unlenited. 
The  numerals  seachd,  ochd,  naoi,  deich,  must  once  hâve  caused 
eclipsis,  as  still  in  Irish  ;  they  are  now  followed  by  unlenited 
consonants. 

3)  before  d  : 

38.  (a)  in  phrase  compounds  :  Glac  n-darach  (R.,  Gair- 
loch),  gLaykn-daroy,  darach  nom.,  'oak  défile'  or  'hollow'. 
Also  Achadh  n-darach,  Achan-darach  (R.,  Loch  Alsh),  ayu- 
daray,  'oak  field'.  Achadh  is  masc.  now  but  in  place  names 
variation  of  gender  is  found  ;  An  t-achadh  môr,  masc. ,  An 
achadh  mhor,  fem.  Former  neuters  frequently  occur  both  as 
masc.  and  fem.  in  the  modem  language  ;  druim,  inbhir, 
muir,  innis,  etc.  The  English  Auchendare  (E.,  Edinkillie) 
shows  former  neuter  eclipsis  ;  the  présent  Gaelic  is  Achadh- 
tàrr;  tàrr,  back  or  lower  part.  Loch  n-doirb,  Lochindorb 
(E.,  Edinkillie)  Loyn-dard-.p.  The  river  which  flows  out  of 
the  loch  is  Doirbeag,  no  article.  The  n  hère  is  the  neuter, 
as  thèse  river  and  loch  names  do  not  take  the  article.  For 
Doirbeag,  the  stream,  alongside  of  Doirb,  the  loch,  cp.  Brua- 
chag  flowing  out  of  Loch  Bruach  (L,  p.  Moy).  loin  n-dath 
(P.,  Kirkmichael)  tomn-da,  with  clipped  a  ;  tom,  'hillock', 
hère  'hill',  dath,  colour  ;  cp.  étach  n-datha,  Windisch,  Ir. 
Texte,  I,  SergligeConculaind,  p.  219,  clothing  of  colour.  The 


134  Francis  C.  Diack. 

variegateJ  colouring  of  this  hill  is  prominent.  Tom  n-dùr 
(P.,  Strath  Ardle),  tomn-du'.r,  'hard  hillock'.  Bail  n-druim, 
Balindruim,  (R.,  Fearn),  'ridge  town',  druim,  nom.  (§  49). 
b)  proper  compound  :  Camdail,  Campdale,  (B.,  Stratha- 
ven),  kamdaï ,  with  d  eclipsed  ;  'bent  haugh' ;  for  dail  as 
neut.,  cp.  §  42  (a).  The  final  vowel  a  and  not  9,  as  might  be 
expected,  is  due  to  -daï  being  felt  as  dail  and  significant. 

4)  before  g  : 

39.  (a)  in  phrase  compounds  :  Carn  («-)  guaill,  O.S. M. 
Carn  na  gualainn  (I.,  Duthil),  lzarn-guaiL'  ;  guaill ,  for  guailne, 
gen.  of  guala,  'shoulder  cairn' .  Achadh  (rî)-giad,  Achagate 
(I.,  Glen  Affric)  ayd-g'idt.  Eclipsis  after  achadh,  but  it  is 
doubtful  whether  the  original  consonant  in  g'Î9t  is  c  or  g. 
Carn  (m)  geàidh,  (P.,  Glen  Taitnich)  karn-g'p:i,  'goose 
cairn'.  In  thèse  names  the  eclipsing  nasal  is  not  sounded. 

b)  in  proper  compounds  :  Feur  gach,  Fergach  (A.,  p.  Glen- 
gairn),  fz:r'ka%  ;  feur,  grass,  neut.  also  in  Hogan  ;  eclipsis 
no  longer  présent,  but  second  term  preserved  from  lenition 
(§  37)-  Whether  this  term  is  gach  or  cach  it  is  not  possible 
to  say,  owing  to  its  position  (§  26,  note).  It  occurs  also 
in  An  gach,  Angach  (E.,  nr.  Grantown),  a:nkay,  where  the 
first  term  is  probably  àth  n-,  'ford'.  Cp.  Liathghach,  Lia- 
thach  (R.,  Applecross),  heard  in  Gairloch  as  L'iayayr,  'grey 
gacli .  If  this  last  is  the  word  that  is  présent  in  Feur  gach 
and  Art  gach,  then  thèse  are  the  correct  spellings  and  not 
cach  \ 


1.  As  explainedin  §26,  note,  c,  t,  p  are  not  phonetically  distinguishable 
from  g,  d,  b  except  in  the  stressed  syllable.  This  often  causes  difficultv  in 
etymologising  place-names.  It  will  be  found,  however,  from  practice  that 
the  English  forms,  if  they  are  not  merely  récent,  are  a  valuable  guide  in 
determining  the  proper  consonant  historically,  a  fact  that  suggests  that  in 
older  Gaelic  there  was  not  the  same  phonetic  ambiguity  that  there  is  to- 
day.  Certain  équivalences  are  worth  noting  :  présent  Gaelic  d  from  -;//  is 
usually  found  as  t,  and  g  from  -ne  as  c,  k,  in  early  English.  This  can 
hardly  be  accidentai.     . 


Place-Names  of  Pictland.  135 

5)  before  p  : 

40.  p  examples  are  naturally  scarce.  The  Gaelic  for  Api- 
tauld  (R.,  Kilmuir  E.)  is  given  by  Watson,  P.N.  of  Ross,  as 
Ath-pil-allt,  'the  kiln  of  Pitallt'.  I  hâve  not  heard  the  name 
and  do  not  know  whether  the  p  of  -pit-allt  is  eclipsed,  but 
the  English  pronunciation  «  Abijald  »  shows  that  it  once  was. 
An  teimbir,  Tempar  (P.,  Kinlochrannoch)  m-djembïr,  con-' 
tains  an  interior  p  eclipsed  or  nasalised.  The  first  part  is 
obscure  ;  the  second  is  par,  a  word  that  enters  into  a  consi- 
dérable number  of  names  in  central  and  eastern  Pictland. 
For  Brythonic  parr,  found  by  Loth  in  Brittany  and  Wales 
and  explained  by  him  as  'enclosed  place',  'parcelle  de  terre', 
see  his  note  in  Mélanges  H.  D' Artois  de  Jub.,  p.  226.  With 
An  teimbir  compare  The  Shamphir  (Kincardine,  Strachan)  ; 
this  probably  represents  *An  Seanphar,  'the  oid  enclosure', 
with  English  change  of  n  to  ni,  as  usual,  before  the  labial, 
the  second  term  showing  normal  lenition.  Teimbir  is  most 
probably  a  neuter  proper  compound  i.  e.  Teimpar.  Ambail, 
Ample  (P.,  Loch  Earn)  ambïl' ,  looks  like  another,  with  eclip- 
sed p,  i.  e.  A'mpail. 

6)  before  b  : 

41.  a)  in  phrase  compound  :  innis  m-bobart,  O.S. M. 
Inshnabobart,  but  in  English  speech  Inshbobart  (A.,  Glen- 
muick),  iN'f-bopart  ;  innis,  'haugh',  'meadow',  occurs  as  neut. 
in  other  names  ;  bobart  is  obscure. 

b)  in  proper  compounds  :  Liathbinn,  O.S. M.  Liath 
Bheinn  (B.,  Strathaven)  L'iapiN  ;  liath,  grey,  and  binn, 
peak  ;  binn  occurs  as  neuter  elsewhere  and  Joyce  finds  it 
eclipsing  in  Ireland  (TV.  N.  of  PL,  III.,  139);  liathbinn  foi- 
original  liath  m-binn.  Another  instance,  showing  an  adj.  in 
the  neuter  before  a  neut.  noun,  is  Carnnaruabraich,  O.S. M. 
Carn  Ruadh  Bhruaich  (B.,  Allnack  water)  ritPpriç,  ritadh,  red, 
and  bruihach,  brae,  hillside,  'red  brae',  for  original  ruadh  m- 
bruthaich.  For  bruthach  neut.,  see  §  44  below  ;  in  the  modem 
language  it  is  both  masc.  and  fem.,  a  sign  of  former  neuter 
gender. 


13e  Francis  C.  Diack. 

7)  before  /  : 

42.  a)  in  phrase  compounds  :  Dail-bhrbgaid ,  i.e.  Dail  (wi)- 
bhfrbgaid,  Dailabhrogat  (B.,  Glenlochy)  ;  d.-vro-.hatf  ;  dail, 
haugh,  frogaid,  derivative  oifrbg,  also  rôg,  fen,  marsb  (§  13), 
'marshy  haugh'.  Cp.  Bail  na  frôig  (L,  Dores)  and  Ruigb  na 
ràig  (L,  Badenoch).  Dail-bheart ,  i.  e.  Dail  (iii)-bbfeart,  Dal- 
navert  (I.,  Badenoch)  d.-viaRst,  less  commonly  -viarftf,  i. 
e.  feairt  ;  feart,  O.I.  /ërf,  grave;  'grave-haugh'.  The  Gaelic 
form  Dail  na-bhfeart  (Deà-gréine,  Aug.,  1 917)  does  not  exist 
and  is  merely  the  English  Dalnavert.  The  n  of  the  English 
form,  in  1338  Dalnafert  with  the  eclipsis  neglected,  repré- 
senta the  edipsing  nasal  not.now  heard  in  the  Gaelic  (§26) 
Creag-bbiann,'\.  e.  Creag  (m)-bbfiann,  O.S. M.  Creag  Mheann 
(B.,  Glen  Aven),  k'.-viaN;  locally  the  black  heath-berry  is 
fia/m,  cp.  Torr  nam  fiann  (A.,  Braemar);  for  creag  as  neut. 
cp.  §  33.  Dail-bboraisd,  i.  e.  Dail-bhforaisd,  O.S. M.  Dail 
Mhoraisd  (P.,  Glen  Tilt),  dal'-vorftf  ;  foraisd,  'solid,  firm 
meadow',  see  Macbain,  Dict.,  forasda,  Ir.  forasda,  solid, 
settled.  For  the  opposite  idea  of  treacherous,  boggy  ground, 
cp.  Dail-bbreugacbaidb  (A.,  Braemar),  from  breug,  falsehood. 
Foraisd  occurs  again  in  the  same  sensé  and  with  similar  eclip- 
sis after  the  neuter  dùn,  fort,  in  Dun  (jii)-bbforaisd,  Dunvo- 
rist  (P.,  Grandtully).  Loch  Bhàilligean,  i.  e.  Loch  (m)-bhfàilli- 
gcan,  Loch  Valican  (P.,  Glen  Girnaig),  L.-va:L'dkan.  The  rule 
for  loch,  formerly  neut.,  is  that  the  name  following  is  not 
lenited,  unless  it  is  the  name  of  a  place  transferred  to  the 
loch.  As  there  is  no  place  Bàilligean  hère,  the  word  is  Fàil- 
ligean  eclipsed,  and  is  so  understood  locally  ;  the  popular 
etymology  being  from  fàilgbe,  'ring',  'round  thing'.  This 
is  correct,  the  word  being  fàilgbe  with  the  diminutive  com- 
pound  suffix  -gan  (see  below).  It  occurs  also  in  Fàillidh  (I., 
Strath  Nairn),  Artair -fàillidh  (R.),  Knock  Failly,  *Cnoc  Fàil- 
lidh (B.,  nr.  Cullen)  ;  see  §  66,  note.  Loch  Valican  is  a  small 
round  sheet  of  water. 

b)  in  proper  compound  :  Tuilbhinn  (A.,  Braemar)  applies 
to  a  'stripe'  of  water  on  the  steep  face  of  Morrone,  which  in 


Place-Names  of  Pictïand.  137 

wet  weather  becomes  a  white  cataract.  The  word  is  felt  as 
a  compound,  the  pronunciation  being  tul'viN',  sonietimes 
tul'dviN  ;  but  not  Hil'r.viN'  which  the  combination  tuilbh- 
should  give  (§33,  note).  It  is  a  proper  compound  of  the 
type  noun  +  adj.,  e.  g.  caisfhionn,  white-footed,  cas  + 
fhionn,  viz.  tuil,  flood,  neut.  in  O.  Ir.,  -\-  fionn,  in  palatal 
form  ;  'white  torrent'.  Tuilbhinn  thus  represents  tuil(m)- 
bhfinn,  with  accent  on  first. 

8)  before  /,  (§  28)  : 

43.  in  phrase  compunds  :  Magh  n-lochaidh,  Magh-locbaidh, 
Munlochy,  (Cromarty)  mdn-Liyi,  ntf-Liyi,  the  first  form 
being  heard  on  the  south  side  of  the  Inverness  firth  in 
a  district  where  eclipsing  n  iskept  before  liquids.  This,  along 
with  the  pronunciation  elsewhere  without  the  n,  proves  what 
the  n  is  and  rules  out  such  spellings  as  Mun-lochaidh.  Magh 
plain,  neut.  in  O.  I.  also  ;  lochaidh,  derivative  either  of  loch, 
lake,  or,  more  probably  of  O.  G.  loch,  black.  The  name  of 
the  whole  peninsula,  the  Black  Isle,  doubtless  originates  hère. 
For  loch,  black,  see  §  66,  note.  There  is  also  Poll-lochaidh, 
at  first  the  name  of  the  whole  sea-inlet  but  now  extended  to 
the  place,  and  the  usual  name  for  Munlochy.  Bail  n-lag,  Bal- 
linlagg  (E.,  Cromdale),  bal'n-Lak,  'hollow  town'.  Not  far  oft 
is  Bail  an  luig  (twice),  with  the  article  and  gen.  of  lag. 
Meall  n-hinndan,  (A.,  Braemar)  miaL  n-LiiN:tan  ;  lunndan,  a 
green  place,  still  dialectically  in  use  as  a  common  noun  (C. 
M.  Roltertson),  '  green  lump  '.  Lurg  n-loman,  Lurgloman 
(P.,  Loch  Tay)  Lurdkn-Loman  ;  lorg,lurg,  track,  path;  loman, 
from  loin,  bare,  '  bare  path  '.  The  last  two  names  are  also 
heard  without  the  n,  which  instability  in  this  and  other  cases 
that  could  be  given  is  not  surprising  with  an  archaic  survi- 
val  like  the  neuter.  Kttigh  n-leàid,  Raon  Leoid  (I.,  Aberne- 
thy),  rui  n-L'j\tf;  niigh,  sheiling  ;  for  Leàid,  cp.  Lude  (P., 
Blair  Athole),  without  the  art.  (§  9,  note). 

9)  before  r,  (§  28)  : 

44.  Bruthach  n-roid,  Broughanraid  (P.,  Glen  Shee),  bruayji- 


138  Francis  C.  Diàck. 

roitf,  '  bog  myrtle  brae  ',  a  phrase  compound.  For  bruthach 
as  neut.  cp.  §  4 i(b).  Bail  n-raid,  Balnaroid  (N.,  Cawdor) 
Inil'n-raitJ,  'bog-myrtle  town'.  As  roid  is  fem.,  gen. 
with  the  article  na  roid,  the  n  in  both  thèse  names 
must  be  the  neuter.  Dail  n-rosaich  (A.,  Glen  Lui) 
daïn-rosiç  ;  rosaich,  from  ros,  '  point  '  or  '  wood  ',  is  most 
likely  fem.  (§  55,  below),  and  therefore  n  is  not  the  article; 
for  dail  as  neut.,  cp.  §  42  (a). 

Proper  compound  :  Dealg'nros,  Dalcross  (I.,  Strath  Nairn), 
djola:hiros\  dealg,  thorn,  O.  I.  delc,  neut.,  ros,  wood,  '  thorn 
wood  \  Henderson,  not  understanding  the  word,  speaks  of 
the  stress  on  the  first  syllable  as  an  "  erroneous  pronuncia- 
tion  "  r,  and  similarly  Macbain  treats  it  as  if  it  were  Dealg 
an  ros,  with  stress  on  ros,  and  translates  '  prickle  of  the  pro- 
montory  '  2.  There  are  other  two  occurrences,  one  in  Glen 
Tilt,  Perthshire,  Dealgros,  Dalginross,  dfala:kns,  and  one 
near  Comrie,  Dalginross,  which  I  hâve  not  heard  in  Gaelic.  It 
will  be  noticed  that  in  the  Inverness  name  the  English  has 
lost  the  original  nasal  while  the  Gaelic  has  kept  it,  in  the 
Glen  Tilt  example  the  reverse  takes  place.  In  Adamnan,  Vita 
Cohtmbae,  there  is  Delcros,  the  locality  of  which  is  unfortu- 
nately  unknown.  If  it  is  in  Scotland,  the  word  is  interesting 
as  showing  the  suppression  of  the  neut.  n  of  Pictish  usage. 

10)  before  m,  (§  28)  : 

45.  Meall  m-madadh  (R.,  Kincardine),  the  pronunciation 
indicated  in  Watson's  P.  N.  of  Ross,  p.  15,  being  fiùaLm- 
iiiatzk,  '  fox  '  or  '  dog-lump  '  ;  cp.  meall  neut.  in  Mcal  n-htnn- 
dan  above.  Proper  compound  :  Airgiodmeall,  O.  S.  M.  Air- 
giod-meall  (I.,  Rothiemurcus)  ara:hdtmiaL,  '  silver  hill  '  ; 
locally  airgiod  is  argod. 

1 1)  before  s,  (§  30)  : 

46.  Creag  n-sian  (P.,  Glen  Fernate)  k'rckij-djian  ;  sian, 
storm.  The  map  gives  Creag  an  t-sithein,  Craigof  the  slthean 

1.  Ztschf.f.  ceît.  Phih,  IV.  p.  207. 

2.  Trans.  Invss.  Gael.  Soc,  XXV,  p.  68. 


Place-Names  of  Pidland.  139 

or  fairy  hill  ;  this  may  be  right,  for  phonetically  the  sound 
would  be  the  same,  and  sitheàn  is  sometimes  found  applied 
to  big  mountains  like  this.  But  the  probability  is  Creag  n- 
sian,  '  stormy  hill  '.  Beinn  n-sgiath,  improvedon  the  O.  S.  M. 
into  Beinn  na  sgeith  (I.,  Badenoch)  beN'n-sk'ia  ;  sgiath, 
e  wing,  shoulder,  shield  ',  from  something  in  its  appearance, 
which  I  hâve  not  learnt.  For  beinn  as  neut.  cp.  §  41  (b). 
Bun  n-sgaod,  Bonskied  (P.,  Strath  Tummel),  bunn-sk^t;  bun, 
bottom  ;  sgaod  is  obscure  to  me.  Bun,  masc.  in  old  Irish, 
occurs  as  neut.  again  in  Buntait  (I.,  G.  Urquhart)  Bun-tait, 
with  t  eclipsed. 

47.  As  stated  before,  s  is  regularly  eclipsed  only  in  the 
eastern  dialects.  There  seems  to  be  évidence,  however,  in 
the  place-names  that  s-  eclipsis  may  formerly  hâve  had  a 
wider  extension.  The  following  instances  of  eclipsis  after  old 
neuters  hâve  been  noted  in  districts  where  s  is  unaftected 
after  the  ordinary  eclipsing  proclitics  in  the  language  to-day. 
Achadh  tseamrag,  Achtemrack  (I,  Glen  Urquhart)  ayd-tfïmo: 
rùk,  '  shamrock  field  \.  The  earlier  English  spellings  show 
the  former  présence  of  the  eclipsing  nasal,  Auchintemarag,  etc. 
For  achadh  as  neut.  see  §§  33,38.  Dun-tseilcheag,  Duntelchaig 
(I.,  east  of  Loch  Ness).  Three  forms  are  to  be  heard  in  the 
surrounding  districts,  dun-tfel'i:çak,  d-fel'r.çak,  and,  on 
the  authority  of  Dwelly's  Dictionary,  d-df.  ;  dùn,  neut.  in 
O.  I.  also;  '  snail  fort  ',  whatever  the  allusion  may  be.  An 
t-innis  tseilich,  Inchtellich  (L,  Loch  Ness),  '  the  willow 
haugh  '. 

In  the  eastern  dialects  the  infection  of  s  after  neuters  results 
in  some  cases  at  least,  in  place-names,  in  à  (phonetic),  not 
^  (phonetic)  as  in  regular  eclipsis  to-day.  Corn  tsabhal,  Cairn- 
toul  (A.,  Braemar),  karn-dnul,  '  barn  hill  '  ;  carn  neut.  in 
§§  33>  39-  Carn  tsùikag,  Carn  Dulack  (B.,  Conglass  water), 
fc.-du:l'ak  '  spring  hill  ',  and  so  understood  locally,  from  the 
prominent  sùileag  or  well  on  one  of  its  faces.  Tom  tsabhal, 
Tomintoul  (B.,  and  A.,  Braemar)  tom-daul,  '  barn  hill  ',  tom 
neut.  as  in  §§  33,  38  ;  tomn-d.  is  sometimes  heard,  cp.  the 
Eng.  Tom//ztoul.  Carn  n-tsaobhaidh,  O.  S.  M.  Carn  na  sao- 
bhaidhe  (L,  head  of  Findhorn)  fcii-dti:vi  ;  saobhaidh,  den  of 
a  wild  beast,  genitive  with  article  na  saobhaidh. 


140  Francis  C.  Diack. 

48.  Interior  eclipsis,  or  the  remains  of  it,  in  compounds 
whose  first  élément  bears  the  stress,  as  exemplified  in  the 
preceding  pages,  is  thus  a  well-marked  feature  in  the  topo- 
nomy.  The  same  type  of  composition  will  be  found  in  con- 
nection with  the  -aidh  suffix  below.  For  Ireland,  the  word 
nôindruimm  has  already  been  mentioned  as  a  parallel  (§  36). 
Additional  instances  from  Joyce  are  as  follows.  Leath-gcoill  », 
'  half  wood  '  (III.  461),  also  a  numerical  combination.  Mor- 
meall,  '  great  hillock  ',  with  m  not  mh  (III.  512)  ;  cp.  meall 
neut.  in  §  45  above.  The  unlenited  second  ternis  in  Sean-caedh, 
Sean-caoile,  Cam-doire  (III.  553,  160)  must  be  due  to  neuter 
gender,  though  eclipsis  is  not  présent.  In  all-these  the  first 
terni  is  either  numerical  or  an  adjective  ;  I  hâve  not  noticed 
an  instance  ofa  noun,  which  is  markedly  différent  from  Pic- 
tish  practice. 

49.  Syntax  of  phrase  compounds.  Collecting  some  of  the 
names  in  §§  33-46,  we  hâve  Poil  n-eun,  Poil  n-each,  Bail  n- 
allt  and  others  m-allt,  Bail  n-tom,  Bail  n-lag,  Glac  n-darach, 
Cnoc  n-ord,  Meall  m-madadh,  Beinn  u-sgialh,  etc.,  in  which 
the  second  terni  of  the  phrase  is  in  the  nominative,  where 
the  genitive  would  nonnally  be  expected.  This  peculiarity, 
however,  is  not  connected  with  the  neuter  gender  of  the 
first  terni.  It  occurs  with  the  other  genders.  In  phrases  consis- 
ting  of  noun-|-noun,  where  the  second  is  without  the  article, 
the  rule,  in  place-names  and  in  the  language  generally,  is 
that  the  second  is  in  the  genitive  case,  usually  lenited  if  the 
first  is  fem.  and  unlenited  if  masc.  ;  breac-mara,  sea  trout, 
clach-chriche,  mardi  stone.  But  along  with  thèse  regular  forms 
there  is  another  type,  widespread  in  the  topography  at  any 
rate,  in  which  the  second  terni  is  in  the  nom.  Bad-call  (R.)> 
'  hazel  clump  '.  Achadh-tulach  (L,  Kiltarlity),  '  hillock  field '. 
Ton  buidheag  (N.  Cawdor),  buidhcag,  some  yellow  plant  ; 
similarly  most  nouns  in  -ag  in  phrase  compounds  are  in  the 
nom.    Cruachan  beann,   Ben  Cruachan   (Ar.),  '  peak  hill  ', 


1.  The  name  Lentran,  near  Inverness,  which  unfortunately  exists  only 
in  English,  probably  involves  kth  n-  as  its  first  terni  ;  for  the  second, 
-taran,  see  the  section  on  Compounds  later. 


Place-Namcs  of  Pictland.  141 

where  beann  may  be  the  old  nominative  singular,  or  more 
likely  is  the  old  nominative  plural,  as  it  is  a  hill  of  many 
peaks,  and  not  the  genitive  plural,  as  sometimes  explained, 
which  would  give  Cruachan-bheann.  An  t-aUtan-seileach  (A., 
Braemar),  '  the  willow  streamlet  '.,  whereas  near  it  is  Ruigh 
an  t-seilich  (gen.),  '  sheiling  of  the  willow  '.  Loch  Damh 
(R.,  Applecross  and  elsewhere),  '  stag  loch  '.  An  cirean-drum, 
Kirrandrum  (P.,  Strath  Tummel)  '  the  ridge  crest  '.  An 
crà-clach,  Crociach  (A.,  Braemar),  '  the  stone  fold  '.  An  t- 
àth  darach  (R.,  Applecross),  '  the  oak  ford.  '  Siiil-bà  (R., 
Nigg),  '  cows  '  well  ',  bà  plural.  Similarly,  the  numerous 
group  of  names  made  up  of  cill  or  eaglais,  church,  followed 
by  saint's  name  in  the  diminutive  -an,  or  -ag,  do  not  show 
inflection.  Mackinnon  remarks  on  this  \  pointing  out  that 
though  the  books  write  -ain,  the  words  really  are  in  the 
nominative,  e.  g.  "  Cill-Chatan,  C.-Choman,  C.-Charan- 
Odhran,  etc.  "  ;  and  so  with  those  written  -aig. 

The  explanation  of  the  nominative  that  suggests  itself  is 
that  the  second  term  in  the  phrase  is  felt  as  adjectival. 

As  regards  the  absence  of  genitives  after  neuters  in  thefore- 
going  examples  of  phrase  compounds,  it  is  due  to  the  diffi- 
culty,  or  impossibility  of  distinguishing  them  from  genitives 
with  the  article,  whether  the  word  begins  with  a  vowel  or  a 
consonant,  seeing  that  an  of  the  article  also  éclipses.  Thus, 
Tigh  an  uillt,  '  the  burn  town  ',  where  an  is  article,  would  be 
identical  phonetically  with  Tigh  n-iiillt,  where  n  is  preserved 
neuter,  and  so  with  such  names  as  Bail  an  luig  and  Bail  n- 
luig,  Acli  an  droma  and  Ad)  n-droma,  Dorus  an  t-silidh  and 
Dorus  n-silidh(A.,  Glen  Muick),  '  dripping  opening  '.  But  the 
nasal  in  Tigh  an  dalach  (R.,  Urray)  is  neuter  n,  for  the  article 
would  be  na  dalach. 

50.  To  exhibit  together  the  various  forms  in  which  thèse 
phrase  compounds  consisting  of  noun-f-noun  are  foundin  the 
place-names,  possible  combinations  oîtotn,  hillock,  and  darach, 
oak,  expressing  the  idea  of  '  oakhillock  '  are  as  follows  : 

1.  Cp.  Celtic  Revieiu,  III,  p.  90. 

Revue  Celtique,  XXXIX.  10 


1^1  Francis  C.  Diach. 

I.  With  the  article  :  i.  Tom  an  daraich,  gen.  sing. 

2.  Tom  nan  darach,  gen.  plur. 

3.  An  tom-daraich,  gen.  sing. 

4.  An  tom-darach,  nom.  sing. 
IL  Without  the  article  :      5.  Tom  daraich,  gen.  sing. 

6.  Tom  dharach,  gen.  plur. 

7.  Tom  darach,  nom.  sing. 

8.  Tom  daraich,  nom.  plur. 

9.  Tomn-daraich,  neut.,gen.  sing. 
10.  Tom n-darach,neut., nom. sing. 

With  a  fem.  noun  as  the  flrst  term,  the  second  in  3  and  5 
would  usually  be  found  lenited,  and  4,  I  think,  is  only  a 
masc.  combination. 

This  is  indeed  a  curious  maze  ;  and  yet  every  one  of  the 
types  is  abundantly  represented  in  the  place-names,  except 
that  8  seems  to  be  rare,  though  certain  enough,  cp.  Sùil  bà, 
Cniachan  bcami  above.  Probably  also  there  are  11  and  12  to 
add,  if  they  could  be  disentangled  and  distinguished  from  9  and 
10,  viz.  Tom  n-darach,  neut.,  gen.  plur.  and  Tom  n-daraich, 
neut.,  nom.  plur.  It  would  be  interesting  and  instructive  if  a 
corresponding  conspectus  were  available  for  the  Irish  nomen- 
clature. 

B.  —  neuter  n  changed  to  r. 

51.  The  change  of  one  liquid  to  another  is  a  common 
enough  occurrence  in  the  language  '  ;  11  appears  dialectically 
as  r,  for  example  in  ainm,  name,  meanbh,  small,  inghean, 
daughter  (irinn),  teillean,  bee .  In  place-names  compare  such 
interchanges  as  A'Chorb,  Corb,  along  with  AChonb  (P.,  Glen 
Shee)  ;  Cladh  Churadain  2,  and  sometimes  Churadair  ; 
Inbhîr-laidrean  and  *  I.  -Jaiduan,  Eng.  Inverlaidnan  (I)  ; 
Morar  (west  I.),  in  some  old  spellings,  both  Gaelic  and 
English,  with  final  n. 

In  the  followino;  the  original   neuter  n  has  chançred  to  r. 


"o 


1.  Cp.  Celtic  Revieiv,  IV,  pp.  78-80,  167-169. 

2.  Watson,  P.  N.  of  Ross,  p.  LXX. 


Place-Names  of  Pictland.  143 

Mar-siarlaich,  Muirshirlich  (I.,  Kilmallie),  mctr-prliç.  Mr.  C. 
M.  Robertson  says,  and  I  think  rightly,,  that  "  the  old  English 
spellings  Misch-,  Mesch-,  and  Moysch-,  show  that  the  first 
term  is  magh  "  ;  in  better  spelling,  therefore,  Magh  r-siarlaich, 
with  rfor  n;  magh,  plain,  neuter  as  in  §  43  and  inO.  I.  The 
second  term  contains  siar,  western.  Glaic  ar  dubhag,  Glaickar- 
duich  (R.,  Knockbain)  ;  glaic,  hollow,  and  dubhag  from  dubh, 
blackj  repeated  in  Glaic  ar  dubhag  in  the  parish  of  Urray. 
Both  are  Glaic  n-ditbhag,  as  the  change  of  the  article  to  r 
would  be,  1  think,  impossible  ;  glac,  neuter  in  §  38.  Cnoc  ar 
Icacachan  (R.,  Alness)  is  for  Cnoc  n-leacachan,  "  flag-stone  hill'; 
cnoc  neuter  in  §  38.  Ard-radnaig,  Ardradnaig  (P.,  LochTay)  ; 
the  first  syllable  is  art  and  arst  according  to  dialect  ;  art-ral- 
naïH ',  also  artr-atnaik',  i.e.  Ard  n-adnaig  ;  àrd,  '  height  ',  neu- 
ter, as  in  O.  I.,  and  a  formation  from  stem  ad-,  of  unknown 
meaning,  seen  also  in  Bail-admuinn  (P.,  Moulin).  Airtir-jail- 
lidh,  Artafaillie  (R.,  Killearnan)  arftfïr-fa:L'i,  sometimes 
the  r  is  hardly  heard  ;  i.  e.  Airt  m-jaillidh  ;  art,  stone,  neuter 
in  §  35  ;  for  fàillidh  see  §§  42  (a)  and  66  note.  Fartairchill, 
Fortingall  (P.,  Glen  Lyon),  farstrçiL',  and  in  some  districts 
simply  farstçiL'  ;  to  be  explained  as  a  proper  compound,  the 
first  term  originally  with  neuter  n.  Fortingall  représenta  an 
original  Gaelic  *  Fart'nceall,  with  eclipsis  as  in  the  proper 
compounds  in  §  3  5  ff.  With  change  of  n  to  r  eclipsis  disap- 
pears  and  lenition  follows,  original  -gceall  or  -gcill  >>  -chill, 
the  second  term  being  ceall,  later  cill,  church.  The  correctness 
of  this  analysis  dépends  on  whether  the  n  of  English  Fortin- 
gall is  a  phonetic  change  developed  in  the  English  form  or 
whether  it  cornes  from  original  Gaelic.  The  second  alterna- 
tive is  préférable  and  for  this  reason.  Fortingall  is  not  the 
only  English  form  ;  early  spellings  are  often  of  the  type  For- 
tirgil,  with  r,  but  always,  or  almost  always,  with  eclipsed 
consonant,  g  not  c.  Thus,  only  an  original  Gaelic  *  Fart 
nceall  or  -cill  will  explain  both  the  English  form  and  the 
modem  Gaelic.  As  regards  the  etymology  of  the  first  term,  it 
is  doubtful.  The  word  is  obsolète,  but  fairly  common  in  eas- 
tern  and  north-eastern  Pictland.  It  probably  is  présent  as  the 
second  term  in  the  folio wing  three  compounds.  Ràfart,  Ràlh- 


144  Francis  C.  Diack. 

fhart,  Rafford,  but  in  1 3th  century  spellings  and  onwards 
Raffort  and  so  pronounced  (E.),  Ra:firt  ;  ràth,  fort,  résidence. 
Àfart,  Àthfhart,  Alford  with  silent  /  (A.)  aifirt  ;  àth,  ford. 
Though  early  English  spellings  hâve  -rd,  the  pronunciation 
locally  is  -rt  '.  Dàisgart,  Deskford  (B.)  da:ffort  ;  i.  e. 
Dàisgfhart  ;  dàisg,  of  unknown  meaning,  seen  also  in  Dàisg- 
idh,  Deskie  (B.,  G.  Livet)  and  *  Dàisg,  Dess,  formerly  Desk 
(A.).  Cf.  also  Fartair,  Forter  (F.,  Glen  Isla),  farstsr  and 
faurstdr;  Fortrose  (Cromarty),  with  accent  onfirst,  the  second 
terni  being  ros,  wood  or  point  ;  Forme  (A.,  Kinedward), 
Gaelic  unknown.  The  etymology  of  this  stem  may  lie  in 
the  I.  E.  root  *verl,  Latin  ver  1ère,  turn,  Welsh  gwarlhaf, 
'vertex',  M. H. G.  ivirlel,  spindle-ring  ;  the  .meaning  being 
'  ring  '  or  '  circle  '  or  something  'round'.  Cuairt,  circle,  also 
contains  the  root  if  Pedersen's  suggestion  that  it  may  be 
explained  as  *  com-\-*  vert  -is  correct  (V.  G.  I,  205). 

Meudar-loch,  Benderloch,  the  name  of  a  district,  not  a 
place,  in  north  Argyll,  uiv.tr-Loy,  originally  Meud  n-locb  ; 
meud,  extent,  neut.  also  in  O.  I.,  and  loch,  black  (§  66  note), 
'  the  black  extent  '  or  '  district  '.  Gillies  (P.  N.  of  Argyll) 
and  others  take  Meudar-loch  as  a  corruption  and  accept  the 
popular  etymology  of  Beinn  eadar  dhà  loch,  '  hill  between 
two  lochs  '.  It  is  true  that  the  English  form  Benedardaloch 
appears  as  early  as  1355,  but  this  only  proves  the  antiquity  of 
the  popular  efymology.  The  form  and  accentuation  of  Meu- 
dar-loch are  décisive  against  it  2.  The  b  of  the  English  is  to  be 
explained  as  dating  from  a  time  when  meud  was,  or  perhaps 
only  dialectically  might  be,  heard  as  beud;  alternation  between 
b  and  m  initially  would  be  easy  to  parallel.  The  existence  of 
the  popular  etymology  at  ail  implies  that  the  adj.  loch  had 
become  obsolète  and  its  meaning  been  lost. 

Ardna-saor ,  Ardersier  (I.,  p.)  see  §  54  below. 


1.  This  place  is  outside  the  Gaelic  area,  but,  as  it  lias  always  been  of  some 
importance,  the  Gaelic  form  heard  further  west  can  betaken  as  historically 
correct,  and  not  a  mère  Gaelicising  of  the  English. 

2.  For  names  really  involving  -eadar  dhà-  see  Celtic  Revieiv,  VII,  72, 
where,  however,  Meudar-loch  is  written  wrongly  accented. 


Place-Names  of  Pictland.  145 

C.  —  neuter  before  dà,  two. 

52.  The  comparative  frequency  of  names  showing  this 
numéral  is  noticeable  in  the  nomenclature.  When  dà  is  pré- 
servée! from  lenition  by  following  a  word  ending  in  t,  d,  (th, 
dh,)  l,  n,  s,  or  in  some  instances  a  former  neuter,  it  is  easily 
recognised,  but  when  it  is  lenited  the  case  is  différent  ;  dhà  in 
this  unaccented  position  practically  becomes  a,  and  vn  hen  old 
forms  are  not  available,  the  présence  of  the  numéral  111  the 
phrase  often  cannot  be  determined  with  certainty.  The  fol- 
lowing will  serve  for  some  examples  of  place-names  in  dà . 

Dùn  dà  làimh  (L,  Badenoch),  '  fort  of  two  hands  '.  Tout  dà 
choill,  (P.,  nr.  Pitlochry),  '  hillock  of  two  woods  '  ;  tom 
neut.  Ruigh  dà  ros  (L,  Rothiemurcus),  '  sheiling  of  two 
woods  '  ;  ruigh  neut.  Achadh  dà  mheann  (A.,  Crathie),  field  of 
two  kids  ' .  Bail  dà  ràth,  Daltra  (N.,  Ardclach)  dalla-Ra  : 
'  flat  of  two  raths  '.  Achadh  dà  tiobart,  Achtatipper  (L,  Duthil) 
ayta-tfipart,  '  field  of  two  wells  '  ;  the  unlenited  t  points  to 
neut.  gender  for  tiobart.  Cul  dà  losgainn,  Cuiltaloskin  (P., 
Struan),  '  back  oftwo  frogs  '.  Druim  dà  ghamhain,  Drumna- 
gowan  (P.,  Glen  Fincastle),  '  ridge  oftwo  stirks  '. 

53.  Joyce  in  his  interesting  discussion  of  names  in  dà  points 
out  their  frequency  both  in  the  modem  nomenclature  and  in 
ancient  sources  (see  Hogan,  Onom.  Goid.,  under  such  entries 
as  achadh,  àth,  cluain,  loch,  magh),  and  in  seeking  for  the 
origin  of  '  this  curious  custom  '  goes  on  to  say  finally  :  "  I 
confess  myself  wholly  in  the  dark,  I  hâve  never  met  anything 
that  I  can  call  to  mind  tending  in  the  least  degree  to  eluci- 
date  it  "  '.  He  has,  however,  a  remark  in  his  third  volume 
under  Lahard  which  possibly  indicates  a  partial  explanation  : 
"  leath,  half,  is  often  used  to  dénote  a  diminution  of  the 
usual  condition,  so  that  leath-ard,  half  height,  means  a  very 
gentle  slope".  This  is  truealso  of  our  district  ;  cp.,  for  example, 
allt,  a  mountain  burn  with  steep  sides,  lethallt,  a  burn  with 
one  side  not  so.  Conversely,  in  some  of  the  dà  names  the 
function  of  the  numéral  seems  to  be  not  to  enumerate  lite- 

1.  Ir.  Names  of  Places,  I,  p.  261. 


146  Francis  C.  Didck. 

rally  but  to  augment  the  extent  or  notion  of  the  word  it 
qualifies.  Achadh  dà  sgaillt,  "  field  of  two  bald  places  »  ',  may 
imply  simply  "  very  bare  field  "  ;  Tom  dà  choill,  "  well-wood- 
ed  hillock  ".  Other  examples  will  follow. 

54.  When.  dà  is  preceded  by  an  old  neuter  the  combina- 
tion  -n-da  is  found  often  occurring  as  na,  mistaken,  so  lar 
as  I  hâve  observed,  in  place-name  work  for  na,  gen.  sing. 
fem.  of  the  article  or  na(ji),  gen.  plural.  This  assimilation 
however  is  undoubted,  the  phonetic  process  being  the  same 
as  what  takes  place  with  the  verbal  particle  do  when  preceded 
by  the  eclipsing  proclitic  an,  interrogative  or  relative.  Thus, 
An  dochunnaic  sibh  e  ?  Did  you  see  him  ?  becomes  Na  chunnaic 
sibh  e  ?  ;  Seall  an  do  ghabh  i  e,  Look  if  she  took  it,  JoL  no  yau 
i  a  2.  English  Drumnagowan  above  (§  52)  as  against  G. 
Druim  dà  ghamhtin  proves  a  former  Gaelic  pronunciation 
of  n-dà-  as  na. 

Tom  na  rainich,  Toumnarannich  (E.,  p.  Cromdale)  taumna- 
Raniç,  also  ttiumda-R.,  with  eclipsed  d,  originally  Tom  n-dà 
rainich,  '  hillock  of  two  ferns  '.  Tom  ra  rainich  is  also  heard, 
with  change  of  n  to  r  as  in  §  5 1.  With  such  a  thing  as  ferns, 
"  two  "  numerically  seems  hardly  likely.  Is  the  meaning 
simply  "  ferny  hillock  "  ?  Tom  is  neut.  as  in  previous  examples. 

Ruigh  na  bealaich,  Rynabeallich  (E.,  p.  Cromdale)  ruina- 
bialiç,  "  sheiling  of  two  passes  "  3  ;  originally  ruigh  n-dà  m- 
bcalaich  4,  both  ruigh  and  bealach  being  neuter  (§§  33,  43  and 
Hogan's  list).  The  present-day  b  is  uneclipsed,  but  it  is  unle- 
nited. 


1.  Watson,  P.  N.  of  Ross,  p.  246. 

2.  Cp.  Munro,  Gael.  Gwni.,  p.  207,  and  C.  M.  Robertson,  Celt.  Rez1., 
V,  p.  84. 

3.  It  is  still  known  locally  that  Ruigh  na  bealaich  somehow  contains  dà. 
"  Ruigh  eadardhà  bhealaich"  was  offered  as  the  correct  form  of  thename. 

4.  The  form  bealaich  is  to  be  remarked.  There  is  différence  of  opinion 
among  grammarians  as  to  what  Scottish  usage  is,  or  perhaps  rather  was,  in 
dual  inflection.  Mackinnon  holds  that  the  gen.  differs  from  Irish  (Celt. 
Rev.,  VII,  7).  Place-names  in  dà  (gen.)  should  supply  évidence  of  former 
inflection.  Hère  the  form  is  the  same  as  that  of  the  gen.  sing.  ;  so  with 
rainich  above. 


Pïctce-Names  of  Picthuid.  147 

Dail  na  sneachd,  Dalnasnaught(F.,  Glen  Isla)  dal'na-sN'zyk; 
sneachd,  snow,  is  masc.  in  the  modem  language,  and  also  in 
the  place-names  in  the  few  cases  I  hâve  found  where  its  gen- 
der  is  shown.  Also  the  na  is  phonetically  na,  not  nv.  Thus 
the  name  is  for  Dail  n-dà  n-sneachd  ;  sneachd,  neut.  and  unle- 
nited,  neut.  also  in  Hogan.  The  meaning  is  literally  "  haugh 
of  two  snows  ",  that  is,  "  snowy  haugh  ",  a  place  perhaps 
exposed  to  drifting  snow  or  where  it  lay  long. 

Gleann  da  mail,  Glendaruel  (Ar.).  Old  spellings  in  the  Glen 
Masan  MS.  (Reliquiae  Celticae,  II.  pp.  432,  467)  are  Gleann 
na  ruadh  and  Glend  daruadh,  as  if  'glen  of  two  reds'.  An 
English  spelling  of  13 14  is  Glenarewale.  The  modem  Ruai 
or  Ruail  is  obscure,  but  the  spellings  in  na  arise  from  -n-da 
as  above. 

Ardna  murchan.  Ardnamurchan(n.  w.  Argyll)  artna-muRu: 
ym.  The  name  is  on  record  as  early  as  Adamnan's  Vita  Colum- 
bae.  There  the  following  références  occur  :-  regionem  quae 
dicitur  Artda  muirchol  ;  in  Artdaib  muirchol  ;  in  loco  qui  voci- 
tatur  Aithchambas  sive  Art  Muirchol,  v.  1.  Ard  muircoll;  Mac- 
Vurich,  T7  th  cent.,  Aird  na  murchann,  aird  gen.;  MacFirbis, 
Ard  na  murchon.  Anglicised  spelling,  1309,  Ardnamurchan. 
The  change  of  final  liquid  in  the  modem  from  présents  no  dif- 
ficulty,  as  interchange  of  /  and  n  is  not  unusual.  But  the  rela- 
tion of  the  modem  name  to  the  forms  in  Adamnan  is  not  clear. 
Ard  na  murchan  is  for  Ard  n-dà  m-murchan{ï)  ;  àrd,  height, 
neut.,  and  da,  gen.  neut.  ;  thus  muirchol  was  neut.,*  height 
of  two  muirchol  ».  On  the  other  hand  Artda  of  Adamnan 
seems  nom.  plur.  and  Artdaib  dat.  plur.,  but  Art  nom.  sing. 
This  variation  in  number  raises  some  suspicion  as  to  the  trust- 
worthiness  of  thèse  forms.  Reeves  takes  muirchol  as  a  com- 
pound,  'sea-hazel'  ;  coll,  hazel,  neut.  ;  and  this  may  be  right. 
If  so,  hère  again  da  would  hardly  be  literally  numerical. 

Tom  na  chiùraich,  Tomnahuirich  (nr.  Inverness  town).  Two 
pronunciations  are  heard,  tniim?id-çiu:riç  and  /.  -hiir.riç  (Tom 
na  h-iubhraich),  the  first,  according  to  my  observation,  the 
commoner.  It  is  to  be  preferred,  for  the  development  -na 
ch-  >>  -na  h-  is  more  likely  than  the  converse,  which  indeed 
is  hardly  possible.  An  English  spelling  of  the  I7th  cent.,  Tom 


148  Francis  C.  Diack. 

ni  Fyrich,  implies  ch  in  the  Gaelic  '.  The  name  is  probably 
Tom  n-dà  chiùraich,  from  ciùrach,  drizzling  rain  ;  literally  «  hill 
of  the  two  drizzles»,  équivalent  to  «  showery  hill  ». 

Ardna  saor,  Ardersier  (L,  p.  )artiP-sJ{:r  ;  1226  Ardrosser, 
i.  e.  Ardro-ser.  The  Gaelic  to-day  sounds  the  same  as  Ard 
na'  saor,  'height  of  the  carpenters',  and  a  popular  etymology 
of  carpenters  drowned  in  the  sea  there  naturally  follows.  The 
name  is  for  Ard  n-dà  saor,  dà  neuter,  'height  of  two  saor. 
Saor  is  obscure,  but  O.  I  sâethar,  neut.,  labour,  difficulty, 
'height  of  two  difficulties',  is  possible  ;  such  allusive  names 
are  not  uncommon,  their  original  point  being  often  irrecove- 
rable.  The  r  of  the  English  Ardersier  shows  hésitation  at  some 
period  in  the  Gaelic  betwen  -na  and  -ra  ;  cp.  §  51  and  Tom 
na  rainich  in  §  54. 

-ACH,     -AICH 

55.  This  ending,  either  by  itself  or  in  combinations,  is  pro- 
bably the  commonest  suffix  in  the  place-names,  just  as  inlre- 
land.  So  also  in  the  O.  C.  names  of  the  continent  the  -c-  suf- 
fix has  a  very  wide  extension.  The  force  is  primarily  adjecti- 
val, but  it  is  used  to  form  nouns,  as  in  the  language  to-day 
and  at  ail  periods. 

Joined  to  nouns  :  An  aitionnaich,  aitionn,  Juniper,  also 
Aitionnach;  Crannach,  A'Chrannaich,  crann,  tree  ;  A'bbadaicb, 
bad,  clump  ;  Luachrach,  luachar,  rushes  ;  An  t-shJataich,  slat, 
osier  ;  A'ghinthasaicb,  giuthas,  fir  ;  An  socach,  soc,  snout  ; 
Altach,  ait,  joint;  An  lianaich,  lian,  wet  meadow.  Joined  to 
adjectives  :  —  An  seanach,  sean,  old  ;  Labhrach,  river  name, 

1.  Gaelic  ch  in  this  position  continually  passed  into  English  (Northern 
Scots)  as  /,  while  Gaelic  na  h-  of  the  article  did  not.  If  it  is  objected  that 
this/  is  found  only  in  the  Lowlands  south  of  the  Moray  Firth,  this  is  only 
true  of  modem  speech  (and  not  entirely  true  of  it)  ;  in  the  Inverness  area 
there  are  old  English  spellings  where/is  from  Gaelic  ch,  e.  g.  Ochdair-chlb, 
Auchterflow,  Blàr-choid,  Blairfoid.  Tom  ni  Fyrich  is  normal  as  Middle  or 
Early  Scots  for  Tomna-chiàraich,  but  not  for  Tom  na  h-iubhraich.  Gaelic  na  h-, 
gen.  fera,  of  art.  before  a  vowel,  regulary  remains;  Auchnahyle,  Auchin- 
hove,  Balnaheklish,  etc. 


Place-Namcs  of  Pictland.  H9 

from  labbar,  loud(§  n);  Ancaolach,  caol,  narrow  ;  Fionnaich, 
fionn,  white  ;  Liathach,  liath,  grey.  A  verbal  stem  lies  in 
A'phronnaich,  The  Prony  (A.,  Glen  Gaim)  ;  cp.  Tillypronie 
(A.,  Cromar)  ;  from  pronn,  pound,  mash,  alluding  to  the 
broken  nature  of  the  ground. 

«  This  termination  very  often  appears  in  the  oblique  form 
-aigh  »  in  Ireland  (Joyce).  In  Scotland  the  oblique  -aich  is 
as  common  as  -ach,  and  the  usage,  where  the  gender  can  be 
distinguished,  is  that  the  former  isgenerally  féminine,  the  latter 
masculine.  Quiggin  remarks  forDonegal  that  there  is  a  gêne- 
rai tendency  to  make  féminine  substantives  end  in  a  palatal 
sound  ' .  Both  -ach  and  -(a)ich  are  unchanged  for  case  in  the 
place-names  (§  3). 

56.  The  voiceless  spirant  -aich,  -ich  as  against  the  voiced 
spirant  -aigh,  -igh  in  Irish  is  of  course  according  to  rule  in 
Scottish  Gaelic  and  would  call  for  no  remark,  were  it  not  that 
the  form  -aigh  from  a  nom.  in  -ach  is  held,  in  some  récent 
works,  to  occur  in  Scottish  names.  Thus  Macbain  writes  for 
Cluanaidh,  Cluny,  «  Cluanaigh  a  locative  of  Cluanach  »  ;  lie 
gives  Cruaidhlaigh  as  a  loc.  of  Cruadhlach,  Odharaigh  as  an 
old  gen.  of  Odharach  2.  Watson  takes  the  same  view  :  «  In 
old  Gaelic,  as  is  still  the  case  in  Irish,  the  dative  or  locative, 
andalso  the  genitive  case  ofnouns  ending  in  -ach  was  formed 
in  -aigh  (pronounced  nearly  -ie),  and  this  old  formation  sur- 
vives in  a  considérable  numberof  names  »  3  ;  thus  explaining 
Dàirnidh,  Blàraidh,  Draighnidh,  etc.  as  oblique  cases  of  Dôir- 
neach,  Blàrach,  Draighneach,  etc. 

There  seem  to  be  very  serious  difficulties  involved  in  this 
position.  In  the  language  of  to-day  the  rule  as  regards  pala- 
tal ch  in  an  unstressed  syllable  is  that  where  Irish,  in  any  part 
of  speech  —  noun,  verb,  adjective,  etc. — ,  hasthe  voiced  spi- 
rant gh  (silent  in  pronunciation),  S.  Gaelic  has  the  corres- 
ponding  voiceless  ch.  This  is  universallytrue,  with  the  excep- 
tion of  the  dialects  of  some  districts  nearest  Ireland  —  those 

1.  Dialect  of  Donegal,  p.  46. 

2.  Trans.  Gael  Soc.  of  Invss.,XXV,  p.  78  ;  XVI,  pp.  187,  189.  At  p.  194 
Breacachaidh  is  spelt  Breacachaigh  and  analysed  as  from  nom.  Breac-ach-ach. 

3.  P.  N.  of  Ross,  p.  xxxiv. 


150  Francis  C.  Diack. 

of  Arran  and  partly  of  Kintyreand  Islay  '.  Cases  where  Arran 
etc.,  retain  ch,  or  conversely,  where  the  rest  of  Scotland  loses 
it,  are  exceptional  and  subject  to  spécial  explanation.  In  Irish 
this  unvoicing  of  an  unstressed  original  lenited  c  is  as  old  as 
the  Old  Irish  period,  but  not  as  the  Ogham  period  (at  least 
in  writing),  and  has  remained  ever  since,  while  in  Scotland 
the  change  of  voiceless  to  voiced  did  not  take  place.  This 
seems  to  be  the  mostnatural  view  to  take  for  Scottish  Gaelic, 
for  otherwise  we  should  hâve  to  hold  that  in  Scottish  Gael- 
dom  ch  universally  became  gh  and  finally  silent,  as  in  Irish, 
and  that  at  a  later  period  the  original  çh  was  (except  in  the 
southern  fringe)  universally  restored.  Strong  évidence  would 
be  required  before  this  could  be  accepted,  and  none  has  been 
offered.  At  least,  in  dealing  with  the  names  which  they  spell 
Cluanaigh,  Odharaigh,  etc.,  thèse  scholars  give  none,  nor 
does  Meyer  when  he  writes  Longphortaigh  as  the  oblique 
case  of  Longphortach,  a  place-name  in  Perth  2. 

The  Book  of  Deer  certainly  has  spellings  like  Muredig,  toi- 
sig,  gen.  of  Muredach,  toisech,  and  others,  but  thèse  by  them- 
selves  will  not  prove  that  the  sounds  were  voiced  in  S.  Gae- 
lic at  the  period.  The  absolute  dominance  of  Irish  influence 
in  ail  early  documents  of  Scottish  provenance  must  be  taken 
into  account.  Macbain's  remark  is  strictly  relevant  hère, 
«  The  burden  of  proof  must  rest  with  suspicious  weight  on 
the  person  who  asserts  that  old  Scotch  Gaelic  exists  in  any 
document  at  ail  3.  » 

Further,  some  explanation  is  wanted  of  how  it  cornes  that 
-aigh  has  survived  only  in  place-names  and  in  them  only 
sporadically.  The  case  is  différent  hère  from  the  survival  of 
such  petrifactions  as  neuter  n.  To  write  Droighnaigh,  Odha- 
raigh, Easaigh,  Blàraigh,  Breacaigh,  etc.,  without  accounting 
for  the  existence  in  the  same  area  and  at  the  same  time  of 
Droighnaich,  Odharaich,  Easaich,  Blàraich,  Breacaich,  etc.,  is 
hardly  satisfactory. 


1.  Cp.  C.  M.  Robertson,  Cellic  Revieiu,  IV,  p.  277  ft. 

2.  Zur  kelt.  IVortkunde,  64. 

5.   Tram.  Gael.  Soc.  of  lnvss.,Xl,  p.  141. 


Place-N cimes  of  Pictland.  151 

The  spelling  therefore  -aigh,  -igh  cannot  be  accepted  for  S. 
Gaelic.  The  palatal  form  of  the  -ach  suffix  îs-aich. 

-AIDH,     -IDH 

57.  Acursory  examination  of  any  part  of  our  area  will  reveal 
thestriking  frequency  of  names  m-(a)idh.  It  is  doubthilindeed 
whether  in  some  districts  it  is  not  the  commonest  of  ail  suf- 
fixes. It  has  by  no  means  always  the  same  history,  and  some 
attempt  will  be  made  in  the  following  pages  to  separate  out 
the  chief  sources.  They  are  arranged  under  five  heads,  A-E. 

A.  —  -adh,  -aidh. 

58.  The  abstract  and  verbal  noun  ending  in  -adh  <C  *-ato 
déclines  as  an  0-  stem  in  S.  Gaelic,  in  Irish  most  commonly 
as  a  u-  stem  <C  *-atu-.  Hence  names  of  the  type  Caislean 
clartha,  Magb  cromtha  in  Ireland  would  be  Scotland  C.  clâ- 
raidh,  M.  cromaidh.  Another  source  for  -adh  is  the  O.  C.  .suf- 
fix *-eto,  forming  nouns  and  adjectives  (Pedersen,  V.  G.  II, 
37)  ;  caladh,  hard,  <C  *cal-eto-,  dligheadh,  law,  <C  *dlig-eto—n. 
Cp.  continental  Nem-eto-n,  Lob-eto-n,  Or-eto-n,  Alb-eta,  Berl- 
eta,  etc. 

Besides  thegen.,  this  suffix  has  the  locative,  in  -aidh.  This 
palatal  ending  seems  to  be  due  to  change  of  original  -oi  to 
-ï  (I.  E.  loc.  ending  -oi),  as  -ai,  dat.  and  loc.  of -à-  stem  > 
-î  '  . 

In  the  eastern  dialects  the -adh  of  the  nom.  is  lost  (§  3  (a)), 
the  suffix  reappearing  in  the  oblique  -aidh. 

1)  In  names  consisting  of  single  words  : 

59.  Ileadh.  Isla,  rivers  (E.  and  B.)/:/',  very  rarely  /:/'?. 
The  f  of  the  English  is  silent,  and  is  an  artificial  spelling 
based  on   'island'.  The   Gaelic  spelling  might  be  île,  but  the 

1.  See  Pedersen,  V.  G.,  §431,  and  Thurneysen,  Hdb.,  §  295  . 


I52  Francis  C.  Dinck. 

early  English  forms,  Ilef,  Yliff  and  the  like,  show  a  final  spi- 
rant;  hence  the  word  must  be  Ileadh.  The  root  may  be  *//, 
swell  ;  cp.  Gaulish  Hiatus,  Amb-ïliati,  etc.  (Holder).  As  river 
names  the  feature  referred  to  is  their  liability  to  spates. 

An  Garbhadh,  gen.  A'Gharbhaidh,  Garrow(P.,  Glen  Quai- 
ch),  from  garbh,  rough.  The  inflection  for  case  is  to  be 
noted.  This  is  the  only  suffix  that  in  some  instances,  espe- 
cially  when  the  article  is  présent,  is  not  stereotyped  in  one 
case.  Fasadh,  gen.  Fasaidh,  andalso  AniFasadb,  gen.  An  Fha- 
saidh,  rather  common,  e.  g.  Foss  (P.),  'resting  place,  station'; 
O.  I.  fossad.  An  Asaireadh,  The  Assarow(R.,  Alness)  ;  asair, 
asarum  europaeum. 

Drùthadh,  Drùihaidh,  dRit:,  dRn:i,  Druie,  river  (L,  Rothie- 
murcus).  Thèse  forms  occur  thus  :  —  the  river  is  Allt  drù- 
thadh, the  confluence  Inbhir-drùthaidh,  the  pass  at  the  head 
of  the  river  Làirg  dhrùthadh  on  Deeside,  L.-grùihadh  on 
Speyside,  with  dh-  >  g-,  and  Tulach  dhrùthadh  Çgr-  again  on 
Speyside),  Tullochgrue  farm.  For  the  nominative  in  thèse 
phrases  see  §  49.  The  word  may  be  drùdhadh,  oozing,  but 
much  more  likely  the  stem  is  drùth,  tierce,  violent,  and  the 
formation  originally  abstract  in  force.  Strachan  explains  O.  I. 
drus,  violence,  as  an  «  abstract  formation  from  an  adj.  drûth, 
which  probably  gives  drûth,  fool  ;  also  Welsh  drud,  violent  '  ». 
This  is  an  impetuous  torrential  stream. 

Garadh,  Garry,  rivers(P.  and  L).  For  the  Inverness  one  the 
forms  are  Garaidh,  Loch  garaidh,  Inbhir  garadh,  Gleann  garadh 
(so  also  in  17  th  cent.);  for  the  Perthshire,  Uisg gharaidh  (i.  e. 
the  river  Garry),  Gleann  garadh,  Loch  garadh,  S rath  gharaidh. 
«  Glen  gar  »,  Gaelicphonetic  spelling  in  the  Book  of  the  Dean 
of  Lismore,  shows  fall  of  -adh  already  in  the  i6th  centurv. 
From  the  root  *gar,  'to  cry  out,  to  speak',  which  is  possibly 
tha  stem  in  Garumna,  the  Garonne;  cp.,  for  the  notion  of 
noisiness,  the  streams  Labhar  (§11)  and  Labhrach(§  55)  and 
the  next  example. 

Blaadh,  bLa:,  Blye,  river  (B.)  and  Inbhir-blaadh,  Inver- 
blye.  The  English  Blye  is  from  Blaaidh,  which  case  is  not 

1.  S  tories  from  the  Tdin,  p.  78. 


Place-Names  of  Picthuid.  153 

now  heard  in  the  Gaelic.  O.  I.  blà,  noise,  din  (Meyer,  Con- 
tributions) ;  Blaadh,  anabstract. 

CJuanaidh  and  Loch  Cluanadh,  Clunie  and  Loch  ofC.  (P., 
Blairgowrie),  cluan,  meadow  ;  Cluanaidh,  loc. 

Bealaidh,  loc.  of  bealadh,  pass,  passage,  see  §§  60  (b)  and  61 

2)  in  phrase  compounds  : 

6o.  (a)  in  the  second  term  :  Carn  easadh,  kam-es,  but  the 
stream  from  the  hill,  Allt  Easaidh  (A.,  Braemar)  ;  eas,  water- 
fall.  Sneachdadh,  an  abstract  from  sneachd,  snow,  is  rather 
common,  e.  g.  Iomair  ant-sneachdaidh,  'snowy  ridgeof  land'. 
Allt  lorgaidh  (L,  Dulnan),  gen.  of  lorgadh,  tracing,  track, 
from  lorg,  pat  h. 

(b)  in  the  first  term  :  Camasadh  mhaigh,  Cambus  o'May, 
(A.,  nr.  Ballater)  kamds  -vît.  Cambus  o'May,  and  the  older 
Cammisamay  and  the  like,  show  the  former  présence  of 
-adh  in  the  Gaelic,  also  indicated  by  kamds  ;  aimas  alone 
would  give  kams  in  the  dialect.  From  camas,  bend,  and  magh, 
plain  'bending  of  plain'.  The  well-marked  narrow  fiât  on  the 
north  side  of  the  river  is  thrown  over  to  the  south  side  in 
the  course  of  a  deep  bend. 

Ràtadh-mhoin,  Rothiemoon  (L,  Abernethy,  rayt-vô:n  ;ràth, 
rath,  fort,  gives  with  the  -d  suffix  (see  later)  ràt,  obi. 
mit,  in  historical  spelling  ràthd-,  ràithd  ;  ràtadh  abstract,  then 
concrète,  'fortification';  main,  'moss'.  Ràt,  Ràit,  Ràtadh  are 
widely  spread,  especially  in  central  and  east  Pict'and.  Thus: 
Ràt,  Raitt(s)  (L,  Badenoch);  Ràtadh-tuhurchais,  Rothiemur- 
cus  (L,  p.)  rayt-vuRu :yïf  m  Strathspey,  rayp-v.  in  Badenoch 
where  final  -adh  is  kept  ;  murchais  obscure  to  me;  Ràit-mhill, 
Rotmel  (P.,  Dunkeld),  mhill gen.  of  meall,  lump;  Ràit-chnuic, 
Raitknock  (N.)  cnoc,  hillock  ;  also  Rothiemay  (B.),  Rothie- 
brisbane(A.)  and  many  others  in  the  north-eastern  lowlands. 

Daileadh-phàr ,Delliefure  (E.,  Castle  Grant),  dal'-fw.r,  from 
dail,  meadow,  and  pur,  pasture?;  but  Dailidh-phùr,  Dalliefure 
(A.,  Glen  Muick),  probably  belongsto  §  71. 

Bealadh-chraisg,  Ballachrask  (L,  Kilmorack),  biah-yrafk  ; 
crasg,  a   crossing;    'path  or  pass  of  (the)    crossing'.   Besides 


154  Francis  C.  Diach. 

bealach,  'a  pass',  there  is  also,  and  apparently  from  the  same  stem, 
bealadh,  'passage,  road  through',  obsolète,  and  hhherto  unno- 
ticed  I  believe.  Bealach  is  primarily  a  mountain  pass,  bealadh 
is  sometimes  found  applied  to  a  passage  through  a  river,  and 
in  this  case  équivalent  to  'ford'.  It  is  not,  however,  to  be 
confounded  with  beul-àth  and  beul-àith,  also  beul-àthain,  'ford- 
mouth,  ford',  still  in  living  use,  and  found  in  place-names, 
e.  g.  Beul  an  àthain,  Balnain,  (I.,  Duthil)  and  another  (A., 
Glen  Gairn)  ;  Beul-àth  na  Làirg  Dhrùthadh,  'ford  of  the  L.  Ru' 
(A.,  Braemar). 

Some  instances  o(  bealadh  are  :-Bealaidh,  biali  ',  Bellie  (E.), 
loc.  case.  A'  Bhealadh  bhuidhe,  O.S. M.  Beul  Buidhe  (L, 
Abernethy)  vial-vui,  'the  yellow  passage'.  Bealadh  an  àthain, 
Balnain  (L,  Badenoch)  biah-na-.'m,  'passage  of  the  ford',  an 
possibly  being  the  article.  Quite  as  likely,  however,  bealadh 
may  be  neuter  hère  (cp.  the  many  neuters  in  -adh,  o-  stems, 
in  Hogan's  list)  and  the  word  Bealadh  n-athain.  Bealadh 
n-Aigh,  (A.,  Braemar)  biah-mi  2.  This  name  applies  to  the 
place  where  the  high  road  passed  through  the  river  Ey  before 
there  was  a  bridge.  The  neuter  n  is  certain  hère,  because  the 
article  is  quite  unknown  with  river  names  in  Pictland.  There 
is  a  pass  somewhere  in  the  Trosachs  which  appears  in  Scott's 
Lady  of  the  Lake,  canto  vi.  as  Beaïan  duine,  that  seems  to 

i .  This  is  the  Gaelic  for  Bellie  that  I  heard  on  middle  Speyside  and  is  con- 
firmed  by  whatShaw  says  in  his  History  of  Moray,  in  the  i8th  century: 
"  Theparish  in  Irish  [i.  e.  Gaelic]  is  called  Bealidh".  Thewriter  intheStatis- 
tical  Account  mentions  the  popular  etymology  beid-àilh,  which  is  wrong, 
but  shows  that  the  true  meaning  of  Bealaidh  had  still  survived.  At  Bellie 
church,  to  the  site  of  which  the  name  properly  applies,  "  there  was  one  of 
the  fin  est  fords  upon  Spey  ". 

2.  The  river  is  phonetically  eï  or,  better,  a  sound  intermediate  between 
ti  and  ai.  This  may  be  spelt  Eigh(dh)  or  Aigh(dh)  ;  there  are  no  old  Gaelic 
spellings  to  help.  The  neut.  n,  however,  décides  ;  the  sound  hère  is  n, 
notN'  (§  28),  showing  that  the  following  vowel  is  non-palatal.  Hence  the 
word  is  Aidh  or  Aigh;  probably  the  latter,  as  there  is  an  Irish  river  Aige 
(Hogan,  O.  G.).  Both  may  be  from  root  *ag,  togo,  to  drive,  with  -esuffix 
<*--/o,  *-ia,  the  meaning  being  the  racing,  "  rapid stream  "  ;  comparent^, 
race,  Cormac's  glossary.  The  continental  god-name  Ageio  (Holder)  may 
be  connected.  For  the  notion,  compare  the  Irish  river  Lingaun,  from  ling, 
leap  forward . 


Phce-Names  of  Pictlanâ.  15$ 

Contain  bealadh,,  but  I  hâve  not  heard  the  word  in  Gaelic. 
For  bealadh  in  proper  compounds  see  §  61 . 

Colladh-ldnaidh,  Cultalonie  (P.,  S.  Ardle)  hlt-LJ:ni',  when 
the  short  form  of  the  name  is  used,  without  lônaidb,  it  is 
Coltaidh,  loc.  The  stem  coït  or  col-t-is  doubtful  ;  Vonaidh, 
from  Von,  marsh. 

Lorgadh  n-dùr,  Lairgindour  (I.,  Strath  Nairn)  lordhn-du:r , 
also  -dul;  lorgadh  neut.  ;  chard  path'  or  'track',  i.  e.  not 
boggy;  cp.  Allt  Lorgaidh,  §  60  (a). 

3)  in  proper  compounds: 

61.  Deireadhcamas ,  Dericambus  (P.,  Glen  Lyon,  on  the 
nvQï)dferdkamds,  fend  turn'  or  '  bend' ,  deireadh,  neut.,  no  leni- 
tion  in  camas  ;  cp.  O.I.  dered,  neut. 

Bealadrum,  Belladrum(I.,Kiltarlity),/;mZ,^/'?//z  and biaLtmu; 
i.  e.  bealadh  and  drum,  'ford  ridge'  ;  cp.  Balladrum  (Kincar- 
dine,  p.  Durris)  at  a  former  ford. 

Bealadar,  Ballater  (A.,  Deeside)  b'iaLttr,  earlier  English 
spellings  almost  invariably  Ballader,  with  d.  The  second  term 
is  dur,  door  passage,  for  which  see  Meyer  on  Gaulish  duros, 
O.I.  dor  (Zur  hit.  Wortkunde,  19  r).  As  Meyer-Lubke  saw, 
the  vowel  in  duros  is  short,  and  the  word  has  nothing  to  do 
with  Ir.,  S.  G.  dur,  hard.  It  is  glossed  osteum  in  Endlichers 
glossary.  Meyer  finds  it  in  thè  Irish  place-name  Doraib,  dat. 
plur.,  and  in  Cuan  Dor,  gen.  plur.,  Glandore.  It  is  an  0- 
stem,  nom.  sing.  dor.,  nom.  plur.  ditir,  which  plural  seems 
to  answer  in  meaning  to  the  Latin  place-name  Ostia.  Bealadar 
i.  e.  bealadh-]- dur,  =1  'pass  door'  r. 

Whether  Meyer  is  right  in  thinking  that  dur  is  rare  in  Ire- 
land  I  do  not  know;  it  seems  to  be.  It  certainly  is  familiar  in 
Pictland  ;  as  follows.  Caladar,  Callender  (E.,  Strathspey,  on 
the  river)  kaLtsr,  i.  e.  caladh,  ferry,  landing-place,  and  dur  ; 
a  proper  compound.  The  first  was  neut.,   as  the  n  of  the 

1 .  The  original  Ballater  was  not  at  the  site  of  the  présent  village,  but 
east  of  it,  exactly  at  the  mouth  of  the  great  cleft  now  known  in  English  as 
the  Pass  of  Ballater,  which  formerly  was  the  only  passage  on  the  north 
side  of  the  river  between  upper  and  middle  Deeside. 


156  Francis  C.  Diack. 

English  shows,  and  the  name  once  CaladVndur  (cp.  §  36  etc.), 
'ferry  door'  ;  cp.  Gaulish  Brivodurum,  'bridge  door'.  There  is 
another  Callendar  in  Perthshire,  obviously  the  same  word, 
though  the  Gaelic  of  it  is  now  Caladhsraid  'ferry  street'.  Pro- 
bably  there  were  two  names  at  one  time,  one  in  -dur  which 
h  as  gone  obsolète  in  Gaelic,  the  other  in  -sraid,  obsolète  or 
never  usedin  English.  Duras,  Dores,  (near  Inverness)  durs  s  '  ; 
dur,  with  -as  suffix  (§  4)  ;  at  a  crossing  on  Loch  Ness;  cp. 
Durris  (K.)  atone  on  the  Dee.  Caoldar,  Coultree  (L,  Laggan), 
'narrow  passage'.  Cùldar,  Culdare  (P.,  Fortingall)  hv.Lttr, 
cid  and  dur,  'back  door'  or  'passage'.  The  plural  of  dur,  more 
probably  than  the  locative,  occurs  in  Duir-aisginn,  Duireaskinn 
(P.,  Aberfeldy)  duir  ajk'iN' ;  aisginn,  connected  \xhh  aiseag, 
ferry;  «  ostia  transitus  ».  See  also  Caoldar  aidh  and  Leathan- 
draidh,  §  76.  Other  instances,  probable  though  less  certain, 
are  omitted. 

Sgànadbporl,  Scaniport  (L,  river  Ness)  ska:niport  ;  neuter 
proper-compound,  'ferry  of  the  cleft/.  Lasantulaich,  Lassintul- 
lich  (P.,  Kinlochrannoch)  Lasijtuliç,  also  heard  asduliç,  i.  e. 
neut.  proper  cpd.  Lasadh'ntulaich,  'flaming hillock'  ;  las,  blaze, 
burn,  perhaps  where  Halloweven  or  other  magie  Ares  wère 
kindled,  or  beaconfires.  Claonaboth,  Claonboth,  (R.,  Kintail) 
JyLy{:n3po,  clâonadh  'sloping,  squint',  bot  h,  but,  neut.  proper 
compound. 

B.  —  idhe  (adjectival) 

62.  A  second  source  for  names  in  -aidh  is  the  adjectival 
suffix  corresponding  to  O.  I.  -ide  2.  In  S.  G.  the  final  -e  is 
gone  in  the  modem  language.  It  seems  difficult,  if  not  impos- 
sible, to  know  what  extension  this  suffix  had  in  old  Gaelic 
and  how  far  it  is  to  be  expected  in  the  toponomy.  In  the 
présent  language,  adjectives  that  are  best  regarded  as  belong- 

1 .  It  is  important,  for  the  etymology  of  O.  C.  duras,  to  notice  that  the 
modem  Gaelic  of  àuro-  with  the  -si-  suffix  is  duras  or  durits,  a  différent 
word  from  dorus,  door. 

2.  Cp.  Pedersen,  V.  G.,$  374  (2),  Thurneysen,  Hdb.,  pp.  212-3. 


Placc-Names  of  Picthind.  157 

ing  hère  are  extremely  rare,  e.g.  àillidh,  beautiful,  from  aille, 
beauty,  deamhnaidh,  devilish,  from  dcamhan.  Most  adjectives 
in  -aidh  hâve  a  différent  origin,  see  §  63  below,  and  it  is  to 
be  inferred  that  the  same  will  hold  good  in  the  place-names  ; 
but  -(à)idh  from  older  -idhe  doubtless  does  exist,  e.  g.  Dail- 
radaidh,  Dalraddie  (L,  Badenoch  and  A.,  Crathie)  ;  radaidh 
from  rad,  rod,  iron  scum,  cp.  O.  I.  rotaide,  reddish  (Stokes, 
Ir.  Glosscs).  In  the  folio wing  three,  by  the  help  of  early 
English  spellings,  the  endingseems  certain.  Muileann  duinidh, 
also-doinidh,  Mill  of  Dinnet(A.,  Deeside)  mul'N-ditni.  Dinnet 
is  the  English  to-day,  but  formerly  it  was  trisyllabic,  Dinna- 
tie  ;  hence  duinidh  or  dunaidh  (indistinguishable  in  sound)  is 
for  duinidhc  '.  Achadh  mhunaidh,  or  -mhuiniàh,  Achmonie 
(L,  G.  Urquhart)  cï/d-vuni.  In  1370  Achmunedy  =  ach(adli) 
-mhninidhe;  stem  asinO.I.  ntuine,  bush,shrub  ; 'bushy  field  ; 
cp.  -munedy  in  Kinmundie,  Kinmunedy  (A.)  and  others. 
Calaidh,  Cally  (P.,  Strath  Ardle)  kali  ;  before  16  th  century, 
Kalathin  (for  n  see  §  70),  Calady  ;  i.  e.  Cala  idhe  ;  stem  cal 
uncertain. 

Ç. (a)idh   as  secondary    ending. 

1)  after  -da,  -dha 

63.  The  adjectival  ending  -da,  -dha  <C  *-adio-,  a  phoneti- 
cally  ?,  appears  in  S.  G.  as  in  Irish  :  granda,  ugly,  Gallda, 
foreigner,  furasda,  easy,  nàdurra,  i.  e.  nàdurdha,  affectionate, 
etc.  In  another  type,  however,  Irish  -da,  -dha  is  represented 
in  S.  G.  by  -daidh,  -dhaidh  ;  cp.  Macbain,  Dict.  p.  xxxiii. 
Irish  banda,  féminine,  seanda,  old,  O.  I.  tiamda,  dark,  neam- 
dha,  heavenly,  crannda,  feeble,  fuardha,  chilly,  are  in  S.  G. 

1.  The  stem  hère,  is  obscure.  Duinidb(e)  also  occurs  in  Aràmach-duinidh 
or  -doiiiidh,  Ardmach-donie  (I.,  Kirkhill),  and  is  common  in  Anglicised 
forms,  such  as  Craigendinny,  Blairindinny,  Auchindinnie  ;  and  the  stem 
in  Creag  an  duin  (P.,  Strath  Ardle),  Glaic  an  duin  (N.,  Braeval)  (whieh 
may  be  Creag  n-duin  and  Glaic  n-duiri),  with  popular  etymologv  duine, 
"  man  "in  each  case.  ?  Cp.  Inchidony  in  Cork,  luis-Daine,  "  tîieisland 
of  the  man  "  (Joyce,  II,  121). 

Revue  Celtique,  XXXIX.  1  r 


158  Francis  C,   Dicte  h. 

baindidh,  seandaidh,  tiamhaidh,  neamhdhaidh,  cranndaidh, 
fuarraidh,  i.  e.  fuardhaidh.  So  also  in  place-names. 

CrôcLhiull.1,  a  stream  (P.,  Gïen  Tilt)  h'J:yi,  better  Crô- 
chdijaidJ);  cp.  O.  l.crochda,  red  (Meyer,   Contrib.) 

Blàr-fionndaidh,  Blairfmdie  (B.,  Glen  Livet)  b.-fiuN:ti  ; 
blàr,  a  mossy  flat,  and  stem  fonn,  hair;  referring  to  rough 
grass.     * 

Niataidh,  Neaty  (L,  Strath  Glass),  a  loch  name,  but  no 
doubt  the  proper  name  of  the  river  also  out  ofthe  loch,  now 
called  Allt  gart>h,  rough  burn  ;  N'hyti.  Cp.  Ir.  niata,  strong, 
fierce,  and  Macbain,  Dict.,  s.v.  As  the  word  is  absent  from 
the  dictionaries  of  Mac  Eachan  and  Mac  Alpine,  and  has  no 
proper  authority  in  the  H.  S.  D.,  the  form  niata  for  S.  G. 
may  be  taken  as  an  Irishism,  the  native  form  being  given  in 
this  place-name,  viz.,  niataidh.  The  stem  is  old  common-Goid- 
elic  m'rt,  gen.  niath,  niad,  'champion'1;  niata,  with  adj.  suffix, 
from  niathda,  t  from  thdh  2  ;  Scottish  niataidh  being  niata 
-J-  aidh.  O.C.  *nèts  >•  nia  occurs  several  times  in  the  Irish 
oghams  :  Nela-Segantonas,  'champion  of  Segomo',  the  Gau- 
lish  Mars.  With  Niataidh  as  a  river  name,  we  are  no  doubt 
in  the  circle  of  river-worship  as  usual.  Aoother  instance  of 
the  word  is  in  Creag  Niataidh,  Craig  Niety  (F.,  Glen  Isla) 
k'.-niati,  with  n  lenited,  i.  e.  Craig  of  Niety,  which  suggests 
that  the  name  Niataidh  properly  belongs  to  the  adjoining 
stream,  now  known  only  as  the  Muckle  Burn,  that  is,  it  is 
nameless  5. 


1.  Cp.  Pokorny,  Zeitsch.  f.  cett.  Plut.,  X,  405-. 

2.  Thurneysen,  Zeitsch.  f.  ectt.  l'hit.,  XII,  254. 

3.  The  river  Neitie  in  Strathdon  (A.)  is  différent.  The  confluence  Inver- 
nettie  is  to  be  heard  in  Gaelic,  EH?r-N'z:ti  ;  hence  the  stream  is  NcinLiitih . 
The  stem  suggests  connection  with  C).  I.  Net.  gen.  Néit,  the  Goidelic  god 
of  war,  which  Stokes  takes  from  *Nijlo-s  and  connects  with  Gaulish  Nanto- 
and  Gothic  ana-nanbjan,  "  to  dare  "  (Airh.  f.  celt.  Lcx.,  Il,  424).  Cp. 
Niii  a  o-S've  II  a,  a  goddess  name.  There  is  another  Nettie  at  Burnhaven,  Peter- 
head  (A.),  seen  in  Invemettie  there  ;  the  Gaelic  is  unknown,  but  was  pre- 
sumably  the  same. 


Place-Names  of  Pictîand.  1  $ 9 

2)  after  the  passive  parti clple. 

64.  In  Irish  the  suffix  of  the  passive  part,  is  lenited  ',  while 
in  S.  G.  it  is  not  ;  toghta,  lifted,  curtha,  put,  S. G,  togta, 
cuirte. 

On  this  participial  suffix  further  extensions  may  be  formed. 
Marbhtach,  'deadly',  against  Ir.  marbhthach,  is  to  be  explained 
as  containing  not  the  suffix  group  -tach  from  *-taco-,  which 
would  give  marbhthach,  but  the  participle  marbhta  plus  iht-ach 
suffix.  Srmîlarly,  cobhartach,  'helptul.',  from  the  part,  cobharta  ; 
Ir.  cabharthach,  O.  I.  part,  cobarthe. 

The  addition  of  an  -{a)idh  suffix  to  the  participle  is  seen  in 
cairtidh.  The  part,  is  cairte,  i.  e.  cairt-te,  'barked'  ;  cairt-idh bas 
thesecondary  meaning  of  cbark-coloured',  'tawny'.  Seunta,  in 
northern  dialect  sianta,  'defended  from  enchantment',  part. 
of  seun  ;  sianl-aidh,  'hardy  man,  hero'.  Reodhta  and  rebidhte, 
'frozen',  part,  of  reodh  ;  reôdht-aidh,  Trosty'  2. 

Examples  in  place-names  : 

65.  Nochdtaidh,  Noehty,  river  (A.,  Strathdon)  NJyji  ; 
nochdta,  part,  of  nochd,  make  bare.  River  names  are  occasio- 
nally  founded  on  the  physical  features  of  their  valleys. 

Brachiaidh  in  Dallas-brachty  (E.,  Edinkillie),    so  called  to 

1.  Except  of  course  after  /,  //;,  d,  dh,  n,  l,  s,  and  after  ch  and  gh  (in  verbs 
of  one  syllable). 

2.  Foirfe,  "  perfect  ",  of  the  diçtior.aries  is  not,  as  far  as  I  can  learn, 
S.  Gaelic  ;  the  word  is  everywherefoirfidb.  O.ï.foirbthe,  perfectus,  should, 
be  represented  in  S.  G.  byfoirbhte,  with  /,  and  (with  the  suffix)  foi rbbtidb, 
whereas  what  we  hâve  is  foirbhlhidb,  with  //;,  spelt  foirfidh  (f  <  /'/;//;).  But 
O.  I.  shows  irregularity  too.  The  pass.  part,  of  forfess  is  the  irregular  for- 
haide,  "  finished  ",  while  the  regular  form  foirbthe  is  used  as  an  ad j .  in  the 
sensé  of  "perfect  "  (see  Thurneysen,  Hdb.,  p.  407)  Again,  curraidh, 
"  exhausted  "  (wrongly  explained  in  Macbain,  Dit  t.)  is  turthaidh,  better 
cuirthidh,  where  cuirtidh  might  be  expected,  answering  to  Ir.  curtha,  "  des- 
patched,  accomplished  ",  participle,  in  form,  oLcuir,  put,  but  adjectival  in 
meaning. 

Thèse  words  suggest  that  in  old  S.  G.  the  t  of  the  participle  was  unle- 
nited  only  when  the  word  was  strictly  verbal  in  force  ;  when  it  became  an 
adj.  there  was,  or  might  be,  lenition.  At  the  same  time,  words  like  foir- 
bhthidh  and  cuirthidh  might  be  explained  as  early  borrowings  into  S.  G- 
from  Irish,  the  -idh  suffix  being  added.  But  this  seems  less  likely. 


160  Francis  C.  Diack. 

distinguish  it  frotn  another  Dallas  not  far  off  (§  4)  ;  brayti, 
from  brachta,  part,  oibrach,  to  rot,  with  suffix  ;  'rotten  place'; 
cp.  grod  and  breun,  'rotten',  in  place-names.  The  explaination 
sometimes  heard  of  brachtaidh  as  a  compound  of  braich,  malt, 
and  tigh,  house,  is  impossible  in  every  way.  The  stem  is 
brach,  not  braich,  the  second  term  would  be  lenited,  and 
-tigh  does  not  appear  in  old  compounds  of  noun  +  noun, 
but  -teach,  e.g.  cùil  teach  'back  house'. 

Coire-ghealtaidh,  Coire  Yeltie  (A.,  Glen  Clunie),  k.-iaLli, 
'grassy  corry'  ;  gealtaidh,  from  gealta  participle  of  the  verb 
seen  in  O.  I.  gclim,  'graze'  ;  cp.  O.  I.  geltboth,  gl.  pabulum  ; 
for   cehbaidi   {c  for  g),  'to    pastures'   (Thésaurus  Palaeohib. 

h  339)- 

Athain-ghaoichtidh,  also  Fàthain-,  with  prothetic  /,  For- 
nighty(N.,  Ardclach),  a\in-y(i:çtfi.  The  first  term  is  àthain, 
ford  ;  the  stem  of  the  second,  gaoich,  is  obscure  to  me,  but 
gaoicht-  is  a  participial  form.  Similary  Fodhairtidh,  Fodderty, 
faurtfi,  (R.,  p.)  contains  a  pass.  part.,  but  I  cannot  identify 
the  verb. 

Dail-bàididh ,  Dalbagie  (  g  =  dz)(A.,  nr.  Ballater)  d.-ba:tji; 
bàid-,  in  better  spelling  bàidht-  ',  part,  of  bâti),  drown  -|-  suf- 
fix. The  flat  is  liable  to  flooding. 

Prominent  attention  has  sometimes  been  called  to  this 
ending  in  -taidh,  -tidh,  English  -ty,  as  being  Brythonic  and 
«  non-Gaelic  »,  with  how  little  foundation  the  above  analy- 
sis,  I  think,  makes  clear. 

3)  after  -a,  -e. 

66.  -aidh  is  found  added  to  unaccented  -a,  -e,  i.e.  ?,  ot 
other  origin  than  in  1)  and  2).  Cùbhraidh,  better  cûmhraidh, 
'sweet',  Ir.  cumhra;  or  does  this  belongto  §62  ?  cp.  cutnraide, 
sweet  (Meyer,  Contrib.).  Ir.  eachtra,  gen.and  dat.  the  same, 
'adventure',  'history',  from  eachtar  ;  S.  G.  eachdraidh.  Faoighe, 
faighdhe,  'begging',  so  spelt  in  the  dictionaries,  is  fâighdhidh ; 

1.  The  part,  of  bàthis  written  balte  in  the  dictionaries,  and  this  may  be 
the  usual  pronunciation  ;  but  I  am  familiar  with  bàiàe  as  hère,  the  word 
being  bàidhtc,  cp.  Ir.  ;  -dht  >  d  not  /.  Phonetically  bdide  =  baitfe, 
bàite  =  ba'.htp. 


Place-Nivurs  of  Pictland.  161 

e.  g.  in  Gairloch  the  word  is  fn:hi,  dissyllabic,  in  Lewis /i:  7; 
faighdhidh  is  the  abstract  faighdhe,  (from  fo-guid,  beg,  O.  I. 
foigde)  plus  -/d/;.  Ubaidh,  charm,  sorcery,  for  upthaidh,  cp.  Ir. 
uptha  (Dineen,  Dict.,  and  cp.  Pedersen,  V.  G.,  I,  339)  '. 

Lôchaidh  is  an  instance  of  the  same  extension,  from  the 
place-names.  There  are  at  least  four  rivers  so  called  in  our 
area.  (1)  Lochy  in  Lochaber  (I.),  river  and  loch,  (2)  Lochay 
entering  Loch  Tay  (P.),  (3)  Lochy,  tributary  of  Orchy 
(Ar.),  (4)  Lochy,  tributary  of  Aven  (B.).  The  Gaelic  for  ail 
is  the  same,  Lôchaidh,  Lo:yi.  The  first  two  are  also  heard  as 
Lbchath,  see  §  78  below,  Lo\ya,  apparently  nominative  ot 
Lôchaidh,  but  the  distinction  of  nom.  andgen.  is  not  kept  and 
the  forms  are  indiscriminately  used.  The  Banffshire  one  is 
heard  only  as  Lôchaidh.  As  has  been  long  ago  pointedout,  Ido 
not  know  first  by  whom,  the  Lochaber  river  is  mentioned  in 
Adamnan,  Vita  Columbae,  Bk.  I.  chap.  28,  «  fluvio  qui  Latine 
dici  potest  Nigra  Dea  »  and  the  loch  appears  in  the  chapier 
heading  as  «  stagnum  Loch-dae  »  {Thésaurus  Palacohib.,  II, 
272).  «Nigra  dea  »  is  evidently  a  translation  by  popular  ety- 


1.  Ir.  suirghe,  wooing,  is  in  Scottish  dictionaries  spelt  suiridh(e),  and 
rightly,  I  think,  as  to  the  last  syllable.  Quiggin  gives  Ir.  suirghe  phoneti- 
cally  as  sir'i;  "  M.  Ir.  suirge  became  sir'i'p  and  finally  sir'i  (generally 
with  short  vowel)  "  (Dialect  of  Donegal,  p.  46).  The  -i  thus  arises  from 
~ip  and  includes  the  svarabhakti.  In  S.  G.  the  case  is  différent,  and 
indeed  in  this  class  of  word  generally  the  Scottish  svar.  seems  to  be  quite 
différent  from  Irish.  To  take  West  Coast  pronunciations  where  the  long 
liquid-svarabhakti  (§33,  note)  is  heard  in  full  perfection,  at  Gairloch  the 
word  is  saiii:i,  in  Lewis  Siir,i:i  (with  r  trilled).  The  final  -i  is  thus  not 
the  svar.  The  only  question  is  whether  it  represents  the  -gh  vocal ised  or 
whether  it  is  an  added  ending.  Compare  in  the  same  dialects  gairbhe,  tairbh, 
deilbh,  etc.,  which  are  gaia: i ,  etc.  (bh  =  i  phonetically),  and  it  will  be 
noticed,  I  think,  that  the  -i  of  suiridh  is  longer.  If  so,  the  word  is  suirghidh, 
with  added  suffix  as  in  §  66.  Foirfidh,  Foirbhthidh,  fard:  fi,  is  a  clear  case, 
because  there  is  f  (phonetic)  between  the  svar.  and  the  -;'. 

As  regards  e'irigh,  rising,  e:ri,  diridh,  sheiling,  a:ri.,  Ir.  êirgbe,  airghe 
(but  also  in  E.  Ir.  àirge),  the  liquid-svar.  never  came  into  play  as  the 
vowels  are  and  were  long.  Is  the  -i  a  vocalisation  of  -gh  merely  or  is  there 
an  additionnai  ending,  i.e.,  are  the  words  èirghidh,  àirghidhl  Probably  they 
are.  Fàillidh  (§  42),  fa:L'i,  Itake  to  be  fàilgbe,  ring,  +  -idh,  i.e.  Fàilghidh  ; 
L  from  -Igh-,  cp.  àilleas,  pleasure,  a:L'9stfiomàilgheas. 


i62  Francis  C.  Diack. 

mology  of  Loch-dan  '.  In  the  Armais  of  Ulster,  a.  728,  the 
loch  is  stagnum  Loogdae  (T.  C.  D.  MS.), Loegdae (Rawl.  MS.); 
00  written  for  ô.  The  modem  Gaelic  shows  the  secondary 
-aidh  of  the  foregoing  sections  and  the  name  should  be  ety- 
mologically  written  Làchdhaidh,  which  spelling  is  indeed 
implied  in  the  early  English  form  Lochty. 

Eliminating  then  the  secondary  ending,  we  are  left  with 
Lbchdha,  O.G.  Loogdae,  Loegdae,  Loch-dae,  to  explain.  The 
root,  *leuko-,  *louko-,  white,  bright,  is  the  same  as  in  O.  I. 
lôchet,  lightning,  -nt-  stem,  lôcharn,  luacham,  Gaelic  lôchran, 
light,  lamp,  <  *  louk-arnâ  ;  cp.  Latin  lûcêre,  shine,  Greek 
Xsoy.'ji:,  white.  Loogdae,  Lochdae,  Lbchdha  is  from  *leuk-, 
*louk-adiâ  or  more  probably  *louk-idiâ,  'the  bright  one'  2. 
Compare  Gaulish  Leucetios,  god  of  lightning,  a  by-name  of 
Mars,  and  Latin  Juno  Leucetia.  The  fourfold  survival  of  the 
name  in  the  modem  toponomy,  and  over  a  wide  area,  shows 
the  ancient  importance  of  this  particular  river  divinity  and 
may  be  compared  with  the  four  or  five  Eire-nameâ  rivers. 
(§  22). 

1.  It  is  perh.ips  hardly  right  to  call  Nigra  Dea  a  popular  etymology  in 
the  ordinary  sensé.  It  may  hâve  been  prompted  by  a  religious  motive 
and  may  hâve  been  a  deliberately  depreciatory  stroke  at  the  river  worship 
of  Pictish  pàganism.  Cp.  Vita  Columhae,  II,  chap.  10.  The  editors  of  the 
Thésaurus  Paîaeohibemicus,  II,  279,  followed  by  Marstrander  in  Dictionary, 
col.  168,  suppose  that  Nigra  Dea  is  for  some  Dubdea.  This  vox  nihili 
Marstrander  further  identifies  with  the  River  Dee.  For  this  latter  see  §  12 
above. 

2.  Macbain  discusses  Lôcbdhaidh  in  Traits.  Gael.  Soc.  of  Invss .  XXV,  p.  63, 
and  Dictionary,  s.  v.  luch.  Founding  on  Adamnan's  "  Nigra  "  tor  loch-, 
he  turns  O.  I.  loch,  black  (loch  i.  dub.,  Cormac's  gloss.)  into  loch.  Loch, 
black,  is  from  *luko-,  loch,  bright,  from  *leuio-  ;  see  Stokes,  Urhelt.  Spr., 
pp.  242-3,  Pedersen,  V.  G.,  I,  54,  576.  For  loch,  black,  with  short  vowel, 
cp.  Mavh  n-lochaidh  (§  43)  ;  Meudar-loch($  51);  Strath  loch,  Straloch,  sra-Loy 
(P.,  Strath  Ardle),  no  lake  there,  "  black  strath  ".  A  river  with  stem  loch, 
but  belonging  to  the  -//«-declension,  is  Lochainn,  Lr/iN',  which  cornes 
out  of  Loch  Loch  (P.  Glen  Tilt)  Lj/-L.r/  ;  this  shows  a  declension,  nom. 
Loch(a),  gen.  or  dat.  Lochainn. 

It  may  be  remarked  that,  apart  from  philology,  the  explanation  of  thèse 
Highland  rivers  Làchdhaidh  as  involving  "  black  "  might  hâve  been  suspi- 
cious  ;  the  Banffshire  one  in  particular  isofthe  same  crystal  clearness  for 
which  the  Aven,  which  it  joins,  is  famous. 


Place-Names  of  Pictîand.  163 

The  stem  also  occurs  in  Làchsaidh,  a  stream  at  the  top  ot 
Glen  Shee  (P.),  marked  in  error  on  the  map  Lochy,  contain- 
ing  the  sufRx  group  -saidh;  and  in  PoJl-lôchag,  Polochaig  (I., 
on  the  Findhorn)  paul-Lo:yak,  Lôchag,  being  the  burn, 
'clear  streamlet'.  The  Gaelic  for  the  Lochty  or  Black  burn 
(E.)  is  not  obtainable  and  the  original  length  of  the  vowel 
unknown  ;  and  so  with  Lochty  burn,  tributary  of  Ore,  Fife. 

For  another  class  in  which  Old  Gaelic  -e,  -i,  nom.  of  -«-stem, 
has   landed  in  the  modem    language  in  -(a)idh,   see  §    70. 

D. (a)idh,  i-  stem,  <  -ati. 

67.  Agaidh  mhôr,  Aviemore  (I.,  S.  Spey)  aki-vo:r.  This  is 
the  pronunciation  in  the  Spey  valley,  and  the  Gaelic  stop  g 
against  the  spirant  v  of  the  English  in  indeed  «  very  extraor- 
dinary  »,  as  has  been  remarked  \  It  can  however  be  simply 
explained.  Aviemore  lies  near  the  end  of  the  greatpass  through 
the  mountains  between  the  valleys  of  Spey  and  Dee,  and  the 
name  is  equally  well-known  on  the  upper  Dee.  There  the 
Gaelic  is  a:yi,  Aghaidh.  Evidently  this  is  the  form  from  which 
Avie  of  the  English  originally  came  and  is  older  than  agaidh, 
the  development  -gh-  >  -g-  on  Speyside  being  secondary, 
and  easily  paralleled.  The  stem  àgh  is  obscure  to  me,  but  the 
interest  of  the  name  lies  in  its  form,  for  beside  Aviemore 
(accent  on  last)  is  Avinlochan  (accent  on  first),  in  Gaelic 
ahihyan  (firstrtat  least  halflong),  a  proper  compound,^7nW// 
nlochan  (cp.  §§  35-6,  etc.)  2,  the  first  term  qualifying  the 
second,  'the  Agie  Iochlet' ;  agaidh  is  neut.,  with  «  preserved 
before  /  as  usual  (§  28). 

Along  with  this  name  goes  Creichidb,  Crathie  (A.),  k'reçi, 
(cp.  Creicheis  §  4),  now  a  parish  name,  but  originating,  as 
usual,  as  à  place  name  at  the  site  of  the  parish  church.  Not 
far  off,  and  on  higher  ground,  is  Creichidb  n-àird,  k'reçn-awtf 
Crathienaird,   1451   Crachenardy;  àird,  formerly  âirde  as  in 

1.  Trctns.  Gael.  Soc.  of  Invss.,  XVI,  p.   193. 

2.  In  Trans.  Gael.  Soc.  of  Invss.,  XXV,  p.  82,  the  word  is  misaccented 
and  misunderstood. 


164  Francis  C.   Diach . 

145 1,  with  -c  lost  as  ùsual,  'height'  ;  a  phrase  compound 
meaning,  'Upper  Crathie'.  Creichidh,  neut.,  with  n  before  a 
vowel  '. 

The  two  preceding  names,  it  can  be  seen,  are  particularly 
valuable.  If  Agaidh,  Aghaidh,  and  Creichidh  had  ocçurred  only 
by  themselves,  the  précise  origin  of  the  suffix  would  hâve 
remained  uncertain.  It  might  be,  for  example,  a  loc.  oî-adh, 
or  ofsome  other-/-  suffix,  or  the  adj.  *-idio,  *-adio-,  etc.,  but 
the  lucky  survival  of  tbe  compounds  proves  that  \ve  hâve 
hère  nominatives  of  the  neuter  i-  stem.  This  definitely  esta- 
blishes  for  one  source  of  the  -aidh  suffix  the  O.  C.  -ate,  ati, 
neut.;  cp.  the  mass  of  continental  names  in  that  ending  in 
Holder.  Its  function  seems  tobe  usually  to  express  the  mean- 
ing of  'place  of  ;  e.  g.  Rati-ate,  from  ratis,  'terri,  Briv-ate, 
from  brivâ,  'bridge'.  The  same  meaning  is  found  in  Pictland  : 
Collaidh,  'place  of  hazel',  coll  ;  Corcaidh,  'place  of  oats',  corc; 
Athaidh,  'ford  place',  àth  ;  Lagaidh,  'hollow  place',  lag  ;  Cuma- 
raidh,  'confluence  place',  comar  ;  Braonaidh  Svet  place',  braon, 
drop  ;  Mucaidh,  'place  of  pigs',  mue  ;  Crasgaidh,  'crossing 
place',  crasg  ;  and  so  on. 

Though  Agaidh 'nlochan  and  Creichidh  n-àird  are  the  only 
examples  I  happen  to  hâve  where  the  nasal  is  actually  still 
preserved,  there  are  many  proper  compounds  where  its  former 
présence  can  be  inferred  from  the  non-lenition  of  the  second 
term  (cp.  §  37.  etc.).  Examples  :  — 

68.  Conaidhgais,  Congash  (I.  nr.  Grantown),  k.viikaf.  An 
English  spelling  ofc.  1281,  Conynges,  shows  the  neuter;/  still 
there.  Both  éléments  are  obscure  ;  conaidh  possibly  <C  *  kun- 
ate,  from  *  kuno-s,  high  ;  -gais  is  quite  doubtful,  even  the  g  is 
not  certain,  though  likely  (§  39,  note).  The  final  a  (phoneti- 
cally)  in  this  position  can  represent  long  a,  0,  e,  or  ao. 

Athaidhgais,  Aigas  (I.,  at  a  ford  on  the  Beauly  river), 
a:'ikaf;  àthaidh  from  hth  ford  ;  -gais  as  in  preceding  name  2. 
Congash  is  also  near  a  river. 

1.  There  can  be  no  question  hère  of  what  the  n  is.  The  gen.  of  the  art. 
would  give  -na  h-àird,  common  in  p.  n.,  Englished  -nàharà. 

2.  Etvmologised  as  Norse  eik-àss,  oak-ridge!  (Zeilsch.  f.  celt.  Pbil.,  V, 
480). 


Place-Names  of  Picîîand.  165 

Çuilidhgaran,  Culligran  (I.,  Strath  Farrar),  htl'ikaran,  a 
compound  of  cuilidh  and  garan,  'thicket'.  Though  cnilidh  is 
common  topographically,  its  meaning  is  not  quite  certain, 
Macbain  says  'hollow,  recess'  ;  'thicket  of  the  hollow'. 

Minidhgag,  Minigag  ',  a  pass  through  the  Grampians  from 
Glen  Tromie  (I.)  to  Glen  Bruar  (P.),  minikak  ;  the  second 
term  is  gàg  'cleft,  gap',  hère  practically  'pass'  ;  niimdb,  the 
palatal  form  of  mion,  uiean,  small,  with  -idh,  is  possible,  but 
not  very  satisfactory  as  to  meaning  ;  more  likely  from  meann, 
kid,  cp.  minicionn  2,  kidskin,  which  is  identical  in  sound  , 
'kid  pass'  ;  passes  named  from  animais  are  common  enough. 

Faraidhgeag,  Farigaig  (L,  Loch  Ness),  farik'ak,  with  pala- 
tal k  from  influence  of  preceding  vowel  ;  now  the  marne  of 
a  river,  but  not  originally  so  ;  'faraidh  cleft'.  The  stem  far-  is 
uncertain,  possibly  it  is  the  préposition  far,  over. 

Sinidhgag,  Shinigag  (P.,  Glen  Girnag),  Jinikak  ;  sinidb, 
from  sean,  'old'  ;  cp.,  for  the  palatal  form,  sinead,  seniority  ; 
'old  pass'. 

In  phrase  compounds  : 

69.  Màgaidh-boireann  (A.,  Braemar  ;  once  a  croftat  Corrie- 
mulzie)  maki-borN  ;  màg,  a  bit  of  arable  land,  boireann,  obso- 
lète, 'rock',  nom.  hère  (§  49),  'rock  field'.  Creichidh  n-aird, 
see  §  67.  *Dùnaidh  n-alll  ;  this  is  the  practically  certain 
restoration  ofDuninald  (F.,  nr.  Montrose),  on  record  from  I2th 
century  ;  allt  nom.  (§  49);  dùnaidh  from  dùn,  'fort-place  of 
the  burn'  ;  neuter  hère.  Dunaidh  from  *  dûn-ate  is  one  of  the 
commonest  naines,  singly  and  in  composition. 

E. (a)idh  as  new  nom.  to  -n  stem. 

70.  The  Book  of  Deer  has  the  following  names.  (1)  Alteri, 

1 .  The  word  has  been  written  Miongag  and  explained  as  a  compound  of 
mion  simply  and  gàg,  but  this  would  give  minr.kak,  with  liquid  svar., 
whereas  the  word  is  simply  minikak,  no  svar.  ;  and  Miongag  would  be 
Mionghag,  as  in  the  neighbouring  name  Garbbghag,  "  rough  cleft  ". 

2.  The  non-lenition  of  -cionn  is  to  be  explained  as  in  the  place-names. 
The  possibility  of  neuter  influence  on  the  second  term  should  be  remem- 
bered  in  the  case  of  some  anomalous  cpds.,  e.  g.  muilceann,  Ir.  muil- 
cheann  ;  laosboc. 


1 66  Francis  C.   Diach. 

dat.  ;  Alterin,  ace.  and  ace.  dual,  now  Altrie  ;  from  al  ter,  'the 
otherside';  cp.  O.  I.  aîtar  (Pedersen,  V.  G.  II,  44,  196).  (2) 
Orti,  dat.  ;  the  name  now  obsolète  ;  from  ort,  modem 
G.  àrd,  gen.  uird,  'hammer'.  (3)  Bibdin,  ace.  and  dat.,  now 
Biffie  from  nom.  *Bidbi  (4)  Eldanin,  ace.  ;  not  identified  by 
the  editors,  but  the  place  is  Ednie,  some  miles  east  of  Deer  ; 
Ednie  from  nom.  * Etdani.  The  stem  is  était,  'face',  modem  G. 
aodann,  common  in  place-names.  (5)  Aldin  Alenn,  dat.,  now 
A(l)den  '  ;  stem  ald,  'stream',  modem  G.  allt,  or  in  better 
spelling,  as  will  be  shown  later,  alla,  gen.  uilld. 

Thèse  are  stems  in  lenited-«,  the  declension  being  :  nom. 
-/  2,  dat.  -i  or  -in  (as  in  O.  I.),  ace.  -in,  the  suffix  being  O. 
C.  nom.  *  -io,  dat.  *-ioni,  *-ion,  ace.  *-ion-n.  Cp.  Ogham 
genitive  Iniss-ion-as. 

There  is  no  modem  Gaelic  for  the  above  place-names,  but 
similarwords  exist  in  the  Gaelic  area.  For  (2)  there  is  Ordaidh 
and  for  (5)  the  common  Alltaidh,  which  are  to  be  explained 
as  -aidh  formations  upon  the  original  e,  (2),  as  in  §  6y6  above. 
There  is  also  direct,  not  inferential  évidence,  of  this  develop 
ment. 

Moin-altraidh,  Monaltrie  (A.,  Crathie)  ;  man-aLtri,  is  the 
Deeside  Gaelic,  butin  Glengairn  Moin-aJtiain,ni.-aLtrm.  This 
is  the  same  word  as  (1)  above,  the  Glengairn  form  keeping 
the  original  flexion. 

Leargaidh,  Largie  (Ar.,  Kintyre).  Older  Gaelic  Spellings 
are:  nom.  An  Learg  (for  An  Learga  ?),  gen.  na  Leargan 
and  na  Leargadh  (RcÏÏquia. >  Celticœ  II.  206,  202,  21e),  from 
learg,  gen.  kir  g,  'hillside'. 

Urchaidh,  Orchy,  river  and  glen  (Ar.),  nRu  :  yi,  also 
Urchalh,  for  which  see  §78;  in  the  Glen  Masan  MS  5  Glend 
Vrchain,  nom.  *Urcba. 

1.  The  English  form  to  be  expected  is  the  common  A(l)die,  but  the  n 
has  remained  owing  to  the  following  Alenn,  now  dropped.  Kinaldie  con- 
tains  Atdi  ;  it  is  at  the  head  of  the  stream  near  the  mouth  of  which  is 
A(l)den. 

2.  In  this  text  "  i  and  e  are  confused  in  auslaut  "  (Stokes),  and  -*  may 
be  for  -e;  later  it  becomes  -n  (Y),  as  in  Irish,  after  non-palatal  consonants. 

3.  Celtic  Review,  I,  p.  110. 


Place-Naines  of  Picïlav.à.  167 

The  history  in  the  modem  language  ot  this  -n  suffix 
<L* -ion-  is  that  the  new  nom.  in  -(a)idh,  formed  on  -e,  -a, 
was  used  for  ail  cases  and  the  -n  flexion  disappeared,  except 
in  a  few  survivais  such  as  Moin-Altrain  and  some  others.  Its 
former extent  cannot  therefore  be  determined  '  ;  it  has  become 
merged  in  -aidh.  It  was,  however,  probably  a  prolific  ending, 
if  the  number  of  times  it  appears  in  the  Book  of  Deer,  out 
of  a  total  of  some  forty  names,  isanything  like  a  safe  guide  2. 
It  is  prolific  also  in  the  Old  Celtic  of  the  continent. 

As  to  the  meaning  of  the  lenited  -n  suffix,  in  the  Book  of 
Deer  names  the  fonction  seems  to  be  to  form  nomina  loci  ; 
Alter-i,  'the  place  on  the  other  side',  Etdan-i,  'the  face-like 
place',  Ort-i,  cthe  hammer  (like)  place',  Ald-i,  'the  place  at 
the  burn'.  At  the  same  time  there  are  some  instances  of 
Alltaidh  and  others  in  -aidh  where  a  diminutive  force  seems 
to  suit  best,  but  this  is  doubtful  5. 

71.  1)  In  phrase  compouds  :  Bogain-ghaoith,  Bog  o'  Gicht, 
former  name  of  Gordon  Castle  (E.),  bohn-y&'À\  this  is  the 
unpremeditated  pronunciation  ;  under  ideas  of  grammatical 
improvement  Bog  na  gaoith  may  be  heard,  which  is  also  the 
form  in  MacVurich  (Reliquix  Celt.,  II.  p.  186),  whose  names 

1.  It  is  well-known  that  in  early  English  documents,  from  the  i2th  to 
the  I4th  or  1 5th  centuries,  nearly  ail  place-names  ending  in  -te,  -y,  ifthey 
occur  often  enough,  will  be  found  spelt  also  -in,  -yn.  It  has  sometimes 
been  inferred  (for  example  in  Celtic  Review,  I,  p.  91)  that  this  -n  of  the 
English  represents  only  the  -n  declension  in  the  Gaelic  ;  but  it  has  other 
sources.  Itmay  corne  from  the  neuter  -n  of  the  Gaelic,  as  has  been  already 
seen.  For  example.  Braonaidh,  Birnie  (E.)  occurs  in  English  as  Birneth,  a 
good  spelling,  and  also  Brenv»,  where  n  has  nothing  to  do  with  the  -n 
declension.  Dunaidh,  a  neut.  i-  stem,  appears  as  Dunyn  and  Dunie.  The 
aecusative  n  no  doubt  often  occurs  also.  Thus  "  Rutherin,  son  of  Gille- 
michel  ",  in  a  charter  of  c.  1 165,  can  only  be  the  ace.  of  O.  G.  and  O.  I. 
Ruaidri,  gen.  Ruadrach.  So  also  the  personal  name  Duncan  has  by  some 
chance  perpetuated  the  ace.  Donnchadh  n-,  for  in  O.  G.  it  was  of  the  o- 
declension.  CJnanadh,  nom.,  Cluanaidh,  loc.  (§  59),  Clunie  (P.)  is  in  the 
Pictish  Chronicle  Cluanan  (ace),  an  Anglicised  form. 

2.  I  hâve  no  examples  ot  nominatives  in  -a,  -e,  of  unlenited  -n  stems, 
developing  this  secondary  -aidh.  The  original  declension  remains. 

3.  Stokes  lakes  Aldin,  Alterin  as  possibly  diminutives  in  -in  (Goidelica, 
p.  113),  He  leaves  Aldi,  Alteri  unexplained.  But  apart  from  this,  the  Irish 
diminutive  in  -in  does  not  exist  in  S.  G.,  nor  in  the  place-names. 


1 68  Francis  C.    Diack. 

in  eastern  Scotland  are  not  always  to  be  trustée!.  The  full 
stem  is  used  in  bog-ain,  from  bog,  a  marsh  ;  leniting;  'bog 
place  of  wind'.  The  English  Bog  o'  Gicht  cornes  from  the 
nom.,  O.  G.  *  Boga-ghaoith. 

Dailidh-phï'tir,  Dalliefour  (A.,  Glen  Muick),  dal'i-fn:r,  pro- 
bably  belongs  hère;  daihdh  for  older  * daile,  leniting,  'haugh 
place',  or  perhaps  'little  haugh'  from  dail  ;  for  pur  see  §  21. 

Cearain-Mhoir ,  Kirriemuir  (F.),  k'irn-vo'r.  This  Gaelic  can 
be  trusted,  as  it  is  heard  independently  in  Braemar  and  Strath 
Ardle.  The  second  term  is  Moir(i),  the  Virgin  Mary  ;  an 
alternative  name  for  the  place  is  Cill-Mhoir,  Mary's  church. 
The  English  spellingsare  plentiful  for  I2thand  1 3th  centuries 
and  are  the  same  as  to-day,  Kerimor  or  the  like.  The  stem 
cear-  I  cannot  identify,  but  the  présence  of  the  -n  suffi x  is 
clear  ;  O.  G.  nom.  *ceri,  *cere,  whence  the  English  form  ; 
oblique  cases  *cerin.  The  stem  of  course  may  contain  a  long 
vowel,  for  in  this  proclitic  portion  it  would  be  shortened. 

Croitin-eas,  Croftness  (P.,  Aberfeldy),  hnt'u-zs.  This  is  a 
clear  case  ;  for,  to  take  the  possibilities,  Croit  n-eas,  neut.  n, 
and  Croit  an  cas,  gen.  of  article  would  give  k-N'es,  while 
*  Croitean-eas,  -an  diminutive,  would  give  kmt'an-  or  at  least 
kraùn-zs.  Eas,  waterfall  ;  croit,  croft.  This  word  shows 
that  the  -n  suffix  was  still  living  at  the  time  of  English  borro- 
wing,  for  croit  is  a  loan-word. 

2)  In  proper  compounds  :  Taranaich,  Darnaway  (E.), 
tardniç.  The  English  shows  that  -magh,  plain,  is  the  second 
term  (see  section  on  compounds  later),  and  the  early 
English  spellings,  showing  hésitation  between  Tarnaway  and 
Darnaway,  suggest  tar,  préposition,  'across',  for  the  stem 
of  the  first.  The  word  is  Taranmbaich,  'the  plain  across' 
probably  referring  to  there  being  a  passage  through  the  Find- 
horn  there.  Similarly,  Aganmhaich,  Aikenway,  1229,  Agyn- 
way,  (E.,  Rothes)  a:kmiç  ;  with  the  stem  of  àg-an  cp.  Poil 
n-àgaidh,  neuter  n,  and  Cnoc  Agaidh  (A.  Braemar). 

72.  To  one  or  other  of  thèse  five  groups  A-E  the  great 
majority  of  names  in  -(a)idh  can  be  assigned,  but  to  which 
of  them  it  must,  I  think,  be  left  undecided  in  a  great  many 


Place-Naines  of  Pictland.  169 

cases.  A  sixth  source  can  also  lie  in  the  oblique  cases  (dat.  or 
loc.)  of  -t-  stems,  cp.  teangaidh,  tongue,  filidh,  poet,  used  as 
nominatives  '.  A  few  miscellaneous  examples  will  now  be 
given,  which  may  be  interesting  apart  from  the  ending,  or  at 
least  which  will  help  to  illustrate  Pictish  nomenclature  gene- 
rally. 

Miscellaneous  : 

73.  1)  rivers  :  Bruthaidb,  brut,  (A.,  Glen  Clunie),  bruth, 
boil,  cp.  Bruthar  (§11).  TromaidhQ..,  Badenoch),  trom,  alder- 
tree.  ConaidhÇA.,  Braemar),  O.C.  *  kuno-s,  high,  cp.  Conaid 
(§  13).  Cromaidh  (common),  crom,  bent.  Marcaidh,  (com- 
mon),  marc,  horse.  Tarbhaidh (common),  tarbb,  bull.  Màilidb, 
mad'i,  Maillie  ;  there  are  some  four  or  five  rivers  so  named, 
from  Sutherland  to  Argyll,  also  Màiligan,  with  -gan  suffix  ; 
mail  <*  magli-  2,  cp.  O.  I.  mal,  gen.  mail,  noble,  and  the 
personal  name  Mal.  The  wide  range  of  the  name,  the  meaning, 
and  the  personal  Mal  indicate  a  river  cuit  as  in  Lbchdhaidh 
(§  66)  and  others.  It  does  not  apparently  exist  as  a  river  name  in 
Ireland.  Cingidh,  Kingie  (I.,  Glen  Garry),  k'iN'ki  ;  cp.  O.  I, 
cingiin,  go  forward  ;  named  from  the  notion  of  speed  as  in 
Aigheǧ  66)  ;  cp.  also  the  Spanish  river  Cinca,  O.  C.  Cinga 
(Holder),  and  Cing,  gen.  Cinge,  man'sname  (Meyer,  Contre.). 
Or  Cingidh  may  be  a  dat. -loc.  of  the  dental  stem  *cingel-, 
O.  I.  cing,  gen.  cinged,  cthe  marcher  forward,  the  champion', 
as  in  Cingeto-rix,  Cinget-ius.  Finnidh,  Fenzie,  z  =  i  (A.,  Glen 
Gairn), yziV'f  ;  cp.  the  Donegal  river  An  Fhinn,  gen.  Na  Firme, 
perhaps  also  Ogham  Vindi-ami  (Macalister,  Ir.  Epig.  II.  45), 
Ldaidh,  Loy  ;  loch  (N.),  Lo'i,  see  Laine,  §  20.  Another  wide- 
spread  river  name  is  Geallaidh,  e.g.  Obair-gheallaidh,  opir-ioLi, 
Abergeldie  (A,).  It  occurs  in  Nairn,  Inverness,  Perth,   etc. 

1.  The  oblique  case  of  the  ending  -(e)anib  gives  -i  and  the  palatal  form 
is  often  used  for  the  nominative  rather  than  the  non-palatal,  e.  g.  gainimh 
sand,  fàlaimh,  empty,  claidhimh,  sword.  But  words  in  -i  from  this  source 
cannot  be  numerous. 

2.  Watson,  P.  N.  of  Ross,  p.  175. 


170  Francis  C.  Diach. 

There  is  also  Bail-ghcallais,  b.-ioLJ,  Pityoulish  (I.,  Rothie- 
murcus  (cp.  §  4).  For  the  stem,  O.  C.  *gello-s  brown,  Breton 
gel\,  Latin  helvns  (Holder,  s.  v.),  seems  to  suit.  Eireacbdaiclb, 
Erochy  (P.,  Blair  Atholl),  besides  river  and  loch  Eireachd, 
Ericht  (I.)  and  river  Ericht  (F.)  ;  stem  tir-  with  abstract 
-achd,  nobility,  excellence,  cp.  O.  I.  aire,  cire,  noble.  Bal- 
gai  Jh,  Bogie  (A.,  and  common),  bala:ki  ;  bal  g,  bubble,  cp. 
O.I.  bol  g  uisce,  a  bubble  of  water,  and  bolgaigim,  to  bubble 
(Cormac).  Gobraidh,  Gowrie  (R.)  ;  gobhar,  goat  or  horse, 
O.I.  gabitr,  cp.  continental  Gabreta.  Iubhir-bôinnidh,  Inver- 
boyndie  (B.).  Bôinnidh  is  evidently  identical  as  to  stem  with 
the  Irish  Boyne,  Boand,  gen.  Boind,  see  Hogan,  O.  G.,  and 
Holder,  Bitvinda.  Mathaisidh,  Mashie  (I.,  Badenoch),  matfi. 
Macbain's  own  suggestion,  which  he  rejects,  is,  I  think,  right  ; 
mathais,  abstract  of  math,  'good',  with  suffix  ;  cp.  Eircachdaidh 
above,  and  Maithig,  river  (P.,  Glen  Lednock)  mtdti '. 

74.  2)  other  names  :  Cùl-bhàrdaidh  (I.,  Abernethy),  cùl, 
back,  bàrd,  meadow,  a  native  word,  différent  from  Ir.  bàrd, 
garrison,  cp.  Glcann  bârdaidh  (A.,  GlenGairn).  Peitidh,  Petty 
(I.)  and  Blàr-phcilidb,  Blairfettie  (P.,  G.  Erochy),  O.  G.  pet 
(Book  of  Deer),  part,  fann.  Bad  sgilaidh,  Badinscallie  (R., 
Loch  Broom),  batJ-ska:Ii  ;  bad,  clump,  neut.  as  in  previous 
examples;  eclipsing  n  is  now  lost  in  this  northern  dialect 
before  s  (§  28),  but  was  présent  when  the  English  word  ori- 
ginated,  *  Bad  n-sgàlaidh  ;  sgàl,  hur,  shelter.  Many  examples 
like  this  could  be  given,  from  the  English  forms,  to  prove 
that  this  loss  of  eclipsing  n  before  /,  a,  s  in  the  north  is  not 
ancient.  Ruigh-charcaraidh,  Richarkrie(A.,  Glen  Gairn)  ;  ruigh, 
sheiling  ;  carcair,  from  Latin  carcer,  prison,  in  Ireland  often 
means  a  narrowpass  between  hills  (Joyce,  II,  229);  'a  narrow 
road'  is  the  meaning  hère  ;  cp.  Carcary  near  Montrose  (F.) 
Neamhaidh.  Watson,  P.  N.  of  Ross,  p.  lxii,  in  discussing 
Dalnavie,  Cnocnavie,  etc.,  gives  them  only-  in  their  English 
forms  but  implies  that  the  Gaelic  is  Dail-neamhidh,  etc.,  and 
compares  O.I.  nemed,  sacellum,  Gaulish  nemeion,  consecrated 
place.  The  places  involving  this  word,  and  they  are  numerous, 
seem  to  hâve  been  ail  church-land  in  early  times,  and,  as 
Watson  points  out,  we  hâve  no  doubt  hère  a  pagan  term  graf- 


Place-Names  of  Picthnâ.  iji 

ted  on  to  Christian  usage.  The  nom.  neamhadh  is  seen  in 
Neamh'  na  cille,  Nonakiln  'and  An  neamh'  mhôr,  and  means 
glebe-land  in  thèse  names  ;  gen.  neamhaidh  in  Dail-neam- 
haidh,  etc.  Rosneath  in  Dumbarton  is  in  Gaelic  Ros-neo'idh 
(Watson),  i.e.  R. -neamhaidh.  There  are  Nevay  and  Neu-tyle 
in  Forfarshire  and  Nevie  in  Banff,  ail  old  ecclesiastical  sites. 
The  Gaelic  for  the  last  is  very  puzzling,  Neimhridh,  N'ïiri. 
Neamhaitidh,  Navity  (Cromarty),  also  ecclesiastical  land  when 
first  on  record,  isa  participial  formation  as  in  §.65  ;  *neainhta, 
consecrated,  from  neamh,  with  palatal  /  usurping  the  original 
non-palatal  as  it  lias  mostly  done  in  participles,  -| — idh.  Cp. 
Navity  in  Kinross . 

-aidh  in  suffix  groups. 

75.  1)  -n-aidh,  a  comraon  combination,  sometimes  with 
collective  force.  Deilgnidh,  Delny  (R.,  Kilmuir),  dealg,  'thorn'. 
Eilgnidh  (S.,  Brora)  a  stream  ;  cp.  §  21. 

2)  -r-aidh,  common  ;  is  usually  the  gen.  of  the  collective- 
and  abstract-forming  group  -r-adh.  Preas-mucaraidh  (L,  Drum- 
mochter),  preas,  clump,  mucaradh,  collective  from  mue,  pig, 
w'hich,  with  other  suffixes,  gives  Muc-rach  (various  places), 
Muc-rachd  (L,  Duthil),  Mnc-raidh,  a  stream  (P.,  Loch  Tay) 
Mnc-lach  (P.,  Strath  Bran),  *  Mue-art,  Muckart  (Fife.). 
t  3)  -ad-aidh;  cp.  §  13  ;  a  common  group.  Cairidh  àthadaidh 
(L,  Aviemore),  a  pool  on  the  Spey  ;  cairidh,  spawning  bed  ; 
àth,  ford.  Gearbadaidh,  Garbity(E.,  lower  Spey),  gearb  (obso- 
lète), 'scab'  ;  cp.  carr,  of  same  meaning,  in  place-names. 

4)-saidh;  fairly  common.  Parsaidh,  Percy  (P.,  Blairgowrie, 
and  A.)  ;  par,  see  §40.  Duhaidb,  Dulsie  (N.,  Ardclach)  ;  dul, 
plateau  ?  This  name  has  been  explained  as  a  compound  of  dul 
and  fasadh,  stopping-place,  but  Dulfhasaidh  would  give 
duU-.si  in  sound  (§  33,  note),  whereas  the  word  is  with 
short  svar.,  or  none  ;  cp.  also  Petdulsie  (A.,  Turriff). 
*  Inbhir-amsaidh,  Inveramsay  (A.),  ani  <C*  ambo-  :  «  ambe, 
rivo  »  (Endlicher's  Glossary).  With  a  différent  suffix,  there 
is  the  river  Aman,  Almond  (P.);  cp.  continental  Ambra. 

Ç)-bh-aidh:  a  compound  suffix,  -bhadb,  of  collective  force, 


172  Francis  C.  Diack. 

is  seen  in  cûthadh,  snow  drift,  better  spelling  cathbhadh.  Sron- 
chathbhaidh,  Stronehavie(B.,  Glen  Lochy  and  P.,  Glen  Brera- 
chan),  both  Hills,  mose  of  snow  drift'.  Cp.  Ir.  Fiodhbhadh, 
'wood',  from  fiodh.  The  group  is  adjectival  in  eangbhaidh, 
'high-mettled',  from  eang,  step,  daobhaidh,  'thrawn',  from 
dao,  and  in  the  name  Créa  g  11-nalbbbaidb  (§  33),  from  uath, 
dread. 

-aidh  added  to  compounds. 

76.  O.  I.  has  tbe  adj.  suffix  -acb  added  to  noun  stems  in 
compounds  ;  coel-chossach,  'thin-legged',  lebor-mongach, 
'long-maned',  etc.  (Pedersen,  V .G.  II,  5).  Similar  forma- 
tions in  -aidh,  probably  the  adj.  suffix  (§  62),  oecur  in  our 
area.  CaoJdaraidh,  Kildary,  (R.  Kilmuir)  ;  caoldar,  cpd.  01 
caol,  narrow,  and  dur,  passage  (§  61)  :  cp.  Caoldar  (I.,  Lag- 
gan).  Leathandraidh, L'&ntri ,  Lethendry  (I.,  Duthil  and  Crom- 
dale);  Icathan,  broad,  and  daraidh,  as  in  Caoldaraidb.  Lethall- 
taidb,  Lealty  (R.,  Alness)  ;  letballt,  halfburn. 

-aidh  as  «  Pictish  »  suffix. 

77.  It  has  seemed  désirable  to  go  into  this  -aidh  ending, 
as  a  so-called  «  Pictish  »  suffix,  in  considérable  détail.  Its  fre.- 
quency  in  ihe  toponomy  is  certainly  noteworthy  ;  even  in  Dal- 
riada  this  is  so.  Probably  it  is  the  first  feature  that  would 
strike  anyone  familiar  with  Irish  nomenclature  in  passing  to 
Pictish,  a  fact  that  has  been  duly  emphasised  in  works  on 
Scottish  place-names.  The  inference  that  has  sometimes  been 
drawn  from  this,  however,  is  another  matter.  With  some 
writers  the  rule  practically  cornes  to  be  that,  wherever  the 
toponomy  of  Pictland  can  be  shown  to  differ  from  of  Ireland, 
that  feature  ipso  facto  becomes  suspect  of  non-Goidelism. 
This  is  a  position  which  it  is  impossible  to  accept,  but  the 
question  had  better  be  reserved  for  discussion  in  connection 
whith  the  toponomy  as  a  whole.  The  first  thing  necessary 
regarding  -aidh  isobviously  to  ascertain  what  the  ending  actu- 


Place-Names  of  Pirtland.  173 

ally  is  philologically.  If  the  foregoing  analysisis  correct,  there  is 
not  the  least  trace  of  anything  that  can  be  called  un-Goidelic 
in  the  history  of  any  of  the  sources  from  which  it  is  derived. 
There  is  plenty,  is  true,  that  is  un-Irish,  but  that  is  merely 
an  awkward  fact  for  the  theory  that  explainsScottish  Goidelic, 
language  and  place-names,  as  an  importation  from  Ireland 
within  historical  times. 


-ATH 

78.  We  hâve  seen,  in  C  and  E  above,  a  final  syllable  in  9 
becoming,  by  the  addition  of  -aidh  phonetically  /.  By  the 
addition  of  -adh  the  résultant  is  phonetically  a.  The  river 
name  Lbchdhaidh,  dealt  with  in  §  66,  is  heard  also,  as  there 
stated,  as  Lochdhafh.  Thèse  forms  are  not  used  with  gramma- 
tical distinction  to-day,  but  must  hâve  originally  stood  in 
the  relation  of  nom.  and  gen.,  or  dative.  The  nom.  of  the 
added  -aidh  suffix  would  be  -adh,  and  thus  Làchdath,  Lv.ya, 
represents  O.  G.  Lochdha  -j-  adh.  The  vowel  a  (phonetic) 
resulting  from  2'?  is  seen,  for  example,  in  the  adjectival  ending 
-ail,  phonetically  al,  from  -amhuil;  fanaid,  mocking,  fanatf, 
Ir.  fonomhad  ;  amhlair,  fool,  aîilar,  O.  I.  amlabar  ;  fastath, 
binding,  Ir.  fastughadh. 

This  a  from  9'v  plays  a  great  rôle  in  the  place-names,  thé* 
function  of  the  additional  -adh  being  apparently  to  form  a 
place-name.  Caiineath,  Kymah  (B.,  G.  Livet,  and  A.,  Cra- 
thie),  haima.  The  Aberdeen  one  refers  to  a  crooked  bit  of  road  ; 
caime,  crookedness,  -j-  -adh.  Malath,  iiiala,  Mause  (for 
Mais,  with  Eng.  plural)  (P.,  Blairgowrie),  from  mala,  brow. 
A'  Chùlath,  The  Coolah  (A.,  Braemar,  P.,  Glen  Shee,  and 
elsewhere)  ;  cp.  O.  I.  culad,  the  back  part  of  the  head;  topo- 
graphically,  'back  place'.  GleannSiarath,  Shirra(L,  Badenoch), 
from  siaradh,  'obliquity'.  An  Glaiseath,  The  Glasha  (I.,  Gui- 
sachan  forest;  B.,  head  of  Caiplich),  from  glaise,  greyness  ; 
'the  grey  place'. 

This  new  ending  is  rather  fréquent  withthecompoundsuffix 
-radh,  which  forms  abstracts  and  collectives.  The  original  -radh, 

Revue  Celtique,  XXXIX.  12 


174  Francis  C.  Diack. 

r9  or  rvk,  is  found  in  the  nomenclature  ;  generally  if  not 
always,  with  the  article.  An  Sneachdradh  (I.,  Badenoeh,  etc.), 
sneachd,  snow  ;  An  Criomradh,  Cromra  (I.,  Laggan),  ygrïmï'.rd, 
stem  criom,  creitn,  nibble,  as  in  creimneach,  knotty-surfaced, 
scarred.  But  when  -radh  is  developed  by  the  secondary  -adh 
into-rath  (-r/a  >  -ra),  the  article  does  not  appear,  as  in  the 
following. 

Cinn-ràihralh,  Kinrara,  (L,  Badenoeh);  ràthrath,  collective 
oîràth,  rath.  Mîograth,  Micra(s)  (A.,  Crathie),  mï.akra,  occa- 
sionally  snir.ikra  ;  stem  miog,  smile  ;  mïogradh,  smilingness; 
hence'cheerful,  sunny place'.  Diinrath,Do\vmeay  (Caithness), 
dîr.ra,  from  dûnradh,  collective  of  diin,  fort.  Bruthralh, 
Brora,  river  (S.^)brura,  brnhdra  and  bruzra;  I  hâve  not  heard 
Brùra,  as  often  written  ;  from  bruthradh,  an  abstract  from 
bruth,  ardour. 

Aberdeen  Francis  C.  Diack. 


CARL  MARSTRANDER  :    RECHERCHES   SUR   L'HISTOIRE 

DU 

VIEUX-NORROIS    EN    IRLANDE 

RÉSUMÉES    PAR    ALF    SOMMERFELT 


Le  Biârag  til  det  uorske  sprogs  historié  i  Irland,  publié  à  Christiania  en 
1915  par  M.  Cari  Marstrander,  est  l'ouvrage  le  plus  important  qui  ait  été 
écrit  sur  l'histoire  du  vieux-norrois  en  Irlande.  Nous  pensons  rendre  ser- 
vice à  ceux  de  nos  lecteurs  auxquels  les  langues  Scandinaves  sont  peu 
familières  en  en  publiant  un  résumé,  qu'a  bien  voulu  faire  pour  nous  M.  Alf 
Sommerfelt,  avec  l'agrément  de  l'auteur.  Il  va  sans  dire  que  ce  résumé 
présente  seulement  les  résultats  principaux  du  travail.  Ceux  qui  voudront 
connaître  la  documentation  très  détaillée  sur  laquelle  repose  la  démons- 
tration devront  la  chercher  dans  l'ouvrage  norvégien  lui-même.  [La  Rédac- 
tion.] 

i°  Remarques  générales. 

Zimmer  a  essayé  de  démontrer  que  les  expéditions  des 
Vikings  ont  commencé  dès  le  début  du  vne  siècle,  les  îles  de 
Eigg  et  de  Tory  ayant  été  dévastées  par  une  flotte  de  pillards 
en  617.  Cette  supposition  paraît  justifiée,  mais  il  semble 
toutefois  plus  probable  que  la  flotte  en  question  est  partie 
des  Orcades  et  des  îles  Shetland.  Car  il  est  très  vraisemblable 
que  les  Orcades  et  les  Shetland  avaient  été  conquises  par  des 
tribus  norvégiennes  vers  la  fin  du  vie  siècle. 

Mais  ces  faits  sont  sans  importance  quand  il  s'agit  de 
rechercher  les  rapports  qui  ont  existé  entre  l'irlandais  et  le 
vieux-norrois.  C'est  à  la  fin  du  vme  siècle  que  les  Scandinaves 
apparaissent  brusquement  en  Irlande.  Si  l'on  met  à  part 
l'attaque  de  617,  la  tradition  irlandaise  —  sur  ce  point  le 
témoignage  des  annales  est  décisif  —  ne  connaît  pas  d'expé- 
dition Scandinave  en  Irlande  avant  795. 

A  partir  de  795  les  attaques  se  répètent  constamment  :  il  n'y 


176  Alf  Sommerfclt. 

a  guère  d'années  où  les  annales  n'en  mentionnent  pas.  Les 
pirates  du  Nord  s'emparent  de  tous  les  ports  principaux  de 
l'île  et  pénètrent  partout  à  l'intérieur. 

On  peut  fixer  le  moment  où  les  deux  langues  ont  com- 
mencé à  s'influencer  mutuellement,  en  examinant  les  tra- 
ditions qui  se  rapportent  au  nom  des  Gall  Gâidil.  Ce  nom 
désigne,  comme  on  le  sait,  une  partie  de  la  côte  écossaise 
(Gnlloway),  aussi  bien  dans  les  sources  irlandaises  que  dans 
les  sources  norvégiennes  ou  islandaises.  Plusieurs  fois 
cependant  dans  les  annales  irlandaises  le  nom  ne  peut  se 
référer  à  l'Ecosse;  voir  p.  ex.  Annales  d'Ulster  855,  85e, 
Annales  des  Quatre  Maîtres  85  e,  Three Fragments  of  Irish  Annals 
858,  où  il  est  question  de  certains  Gall  Gâidil,  qui  tantôt 
s'allient  avec  les  Scandinaves  contre  les  Irlandais,  tantôt  avec 
ces  derniers  contre  les  Scandinaves.  Il  est  significatif  que  ces 
Gall  Gâidil  apparaissent  dans  des  districts  où  les  Scandinaves 
s'étaient  fortement  établis.  Ils  proviennent  sans  doute  d'un 
mélange  d'Irlandais  et  de  Scandinaves  ;  d'autres  Irlandais  ont 
pu  se  joindre  à  eux.  Ce  peuple  mixte  a  joué  un  rôle  politique 
et  militaire  des  plus  importants. 

En  Irlande  le  nom  des  Gall  Gâidil  semble  appartenir  au 
ixe  siècle  ;  il  n'apparaît  pas  dans  les  Annales  en  dehors  des 
années  855  à  858.  On  doit  en  conclure  que  l'existence  des 
Gall  Gâidil  en  tant  que  peuple  distinct  des  deux  autres  n'a 
eu  que  peu  de  durée.  Ils  ne  sont  que  le  produit  du  premier 
désarroi  général  et  ils  ont  été  absorbés  par  les  Irlandais  ou 
par  les  Scandinaves  vers  la  fin  du  ixe  siècle,  quand  la  situation 
du  pays  se  fut  stabilisée. 

Il  y  a  donc  eu,  au  ixe  siècle,  une  population  mixte  en 
Irlande';  et  cette  population  a  dû  être  bilingue,  sachant  aussi 
bien  le  vieux-norrois  que  l'irlandais.  Ceci  nous  conduit  à 
supposer  que  déjà  vers  820  des  mots  vieux-norrois  ont  été 
empruntés  par  l'irlandais.  Cette  supposition  s'accorde  bien 
avec  le  témoignage  des  Annales  qui,  à  cette  époque,  nous 
montrent  des  Norvégiens  fixés  en  Irlande.  Les  années  S20  et 
suivantes  marquent  le  commencement  des  contacts  entre  l'irlandais 
et  le  vieux-norrois.  L'autre  limite  se  trouve  vers  1200.  A  cette 
époque,  les  Scandinaves  perdent  ce  qui  leur  restait  de  droits 


Vieux-Norrois  en  Irlande.  177 

politiques  particuliers,  principalement  par  suite  de  l'invasion 
anglaise,  et  sont  absorbés  par  la  population  irlandaise.  Mais 
jusqu'à  cette  époque,  ils  ont  constitué  un  élément  distinct  de 
la  population  de  l'Irlande,  surtout  dans  les  ports  où  ils  étaient 
maîtres  du  commerce.  Le  royaume  norvégien  de  Dublin  a 
duré,  comme  l'on  sait,  jusqu'à  1171. 

Les  Gall  Gâidil  écossais  ne  sont  connus  que  150  ans  plus 
tard  ;  ils  apparaissent  dans  les  Annales  pour  la  première  fois 
en  1034.  L'hypothèse  de  K.  Meyer  suivant  laquelle  ils  ne 
seraient  que  des  Gall  Gâidil  irlandais  émigrés  en  Ecosse,  se 
heurte  aux  témoignages  historiques.  D'autre  part,  la  date 
tardive  de  leur  apparition  exclut  l'hypothèse  qu'ils  provien- 
draient d'un  mélange  de  Pietés  et  d'Ecossais. 

On  ne  possède  aucun  témoignage  irlandais  sur  la  langue 
que  parlaient  ces  Gall  Gâidil  irlandais  et  écossais.  Mais  il  est 
évident  qu'ils  ont  été  en  grande  partie  bilingues,  on  l'a  déjà 
indiqué.  Les  vocabulaires,  les  syntaxes  et  les  types  de  phrases 
irlandais  et  vieux-norrois  ont  dû  se  mélanger,  de  la  même 
façon  que  l'anglais  influe  sur  l'irlandais  là  où  passe  la  frontière 
linguistique  dans  l'Irlande  actuelle.  Les  noms  de  lieu  ou  de 
tribu  d'origine  norvégienne  qui  sont  si  nombreux  dans 
l'Ouest  de  l'Ecosse  et  dans  les  Hébrides,  témoignent  de  la 
force  de  l'influence  Scandinave.  Les  noms  de  personne  qui 
nous  ont  été  transmis  en  témoignent  également. 

En  fait  de  noms  de  personne  irlandais  parmi  les  Gall 
Gâidil,  on  peut  citer  :  Sâmaisc  7  Arti'tr  (Acallam  na  Sénorach, 
4560,  xne  siècle)  et  Suibnemac  Cinaeda  (AU.  1034). 

Inber  (prononcé  inver  ;  Acallam  na  Sénorach  4560)  et 
Rolant  mac  Uchtraigh  sont  probablement  d'origine  anglo- 
saxonne.  Pour  Ucbtrach,  cf.  anglo-sax.   Uhtred. 

Les  suivants  sont  d'origine  Scandinave  : 

Caittil  Find  =  Ketill  Hvite  (AU.  857,  Caitill  mac  Rittrach 
TFr.,  p.  224). 

Mac  Sceliing  (FM.,  Cron.  Hyense  115  4)  ;  cf.  islandais 
Skeliungr. 

Bressal  Mac  Eirgi  (Acallam  7951)  ;  Erge  (ib.  1807);  cf. 
vieux-norrois  Herhr. 

Toirbheand  (pron.  tor'vJiïn;  FM.  1209)=:  v.-nor.  :  fôrfiun  ; 


iy8  '       Alf  Sommerjelt. 

cf.  Torbend  Dub  (Cog.  164).  Toutefois,  ACL.  1210-11,  on 
lit  Toirbeard  (cf.  ACM.  qui  a  Torvearan)  ;  dans  ce  cas  le  nom 
aurait  pour  origine  un  nom  anglo-saxon  *Tbor-iveard  =  v.- 
norr.  ftôrvardr. 

2°  Emprunts  non  signalés  jusqu'ici. 

On  a  déjà  identifié  un  grand  nombre  de  mots  irlandais 
empruntés  au  vieux-norrois.  Un  examen  attentif  des  textes 
permet  d'en  relever  beaucoup  d'autres.  Voici  les  plus  impor- 
tants. 

rang,  ub,  àbur,  as. 

Tous  ces  mots  sont  des  termes  nautiques  qui  se  trouvent 
au  commencement  de  la  version  du  Cath  Fintragha  contenue 
dans  le  manuscrit  Rawlinson  B.  487.  Ce  texte  date  probable- 
ment du  xive  siècle,  mais  le  passage  en  question  peut  être 
considérablement  plus  ancien,  étant  un  de  ces  morceaux  tout 
faits  qui  passent  d'un  texte  à  l'autre. 

rang  apparaît  dans  le  composé  rang-briseadh  et  représente  le 
v.-norr.  rçng . 

ub  (prononcé  ûv)  correspond  phonétiquement  à  v.-norr. 
hûjr,  norv.  mod.  (dial.)  hûv  «  le  ventre  du  travers  ». 

àbur  (nominatif  àbor  ou  abur)  provient  de  v.-norr.  bâbora 
«  trou  d'aviron  ». 

as  (c.-à-d.  as)  est  le  v.-norr.  âss  «  mât  sur  lequel  on  fixe 
la  partie  intérieure  de  la  voile  quand  le  vent  est  favorable  ». 
La  voile  est  alors  sur  le  travers  du  bateau,  le  mât  dépasse  le 
plat  bord  et  s'immerge  dans  l'eau,  ainsi  que  l'indique  le  texte  : 
Ni  raïbhi  imorro  acusun  annsin  long.  .  .  gan  tuarcain  na  as .  .  . 
«  il  n'y  avait  pas  chez  eux  de  bateau .  .  .  dont  le  mât  ne  fût 
fouetté  ». 

lunnta. 

Ce  mot  apparaît  dans  le  Livre  de  Ballymote  22  b  12  :  Se 
lunnta  in  reama  dochuaidh  a  tarbha  sliasta  (Rawl.  B.  512, 76  a  2 


Vieux- Norrois  en  Irlande.  iy6 

Vanta).  Il  est  évident  que  le  passage  doit  se  traduire  ainsi  :  «  la 
poignée  de  l'aviron  lui  pénétra  dans  la  cuisse  ».  La  poignée 
d'aviron  avait  probablement  la  forme  qu'elle  a  encore  en  Nor- 
vège. Les  avirons  du  bateau  trouvé  à  Oseberg  ont  la  poignée 
taillée  en  pointe  à  partir  d'un  point  situé  peu  au-dessus  du 
trou  du  travers. 

lunnta  ne  peut  pas  être  séparé  du  mot  écossais  lunn  «  centre 
d'une  poignée  d'aviron,  poignée  d'aviron  ;  rouleau  ».  L'irlan- 
dais lonn  a  également  ce  dernier  sens.  Mais  ni  l'irlandais  ni 
l'écossais  n'ont  pu  développer  lunnta  (prononcé  lunft)  d'un 
plus  ancien  lunu  (lonn).  Les  deux  formes  sont  des  emprunts 
faits  à  des  dates  différentes  au  même  mot  norvégien  hlunnr 
<C  vieux-scandinave  *hlunfaR  «  rouleau  servant  à  transporter 
des  bateaux  ».  Sous  la  forme  lunnta,  l'emprunt  est  antérieur 
à  950,  car  à  cette  date  *-n$-  avait  évolué  en  -un-  en  Scan- 
dinave. Les  rouleaux  en  question  étaient  connus  en  Irlande 
au  xe  siècle,  cf.  AU.  962.  Le  singulier  lunnta  s'explique  par 
le  datif  singulier  *hlunfie  et  par  le  pluriel  *hlunftar  <  v.- 
scand.  *hlun$ôR.  Le  groupe  -ni  n'apparaissait  pas  en  fin  de 
mot  dans  l'irlandais  le  plus  ancien  et  à  l'intérieur  -n$-  s'est 
régulièrement  différencié  en  -ni-. 

Le  sens  de  «  poignée  d'aviron  »  vient  d'une  confusion 
entre  les  mots  v.-norr.  hlunnr  et  hlumr  (hlummr).  Cette  con- 
fusion peut  être  attribuée  aux  Norvégiens  eux-mêmes  ;  car 
hlumr  a  quelquefois  ce  sens  en  vieux-norrois  (voir  Fritzner, 
Ordbog,  s.  u.). 

slagbrand. 

La  version  de  l'Enéide  qui  se  trouve  dans  le  Livre  de 
Ballymote  contient  un  mot  slabrand,  slagrann,  slagbrand 
(éd.  Calder,  2057,  2209,  2789).  Ce  texte  date  du  xne  siècle; 
le  manuscrit  du  xive.  On  trouve  également  le  mot  dans  BB. 
472  b  23.  Il  vient  directement  de  v.-norr.  slagbraudr  ;  le  sens 
qu'il  a  en  irlandais  est  le  même  que  l'on  connaît  par  le  Spécu- 
lum Regale  (p.  89). 

En  vieux-norrois,  slagbrandr  peut  aussi  avoir  le  sens  de 
«  verrou  »  (voir  Flateyarbôk,  II,  257)  et  ce  sens  se  retrouve 
dans  le  manuscrit  irlandais  de  Leide,  1,  fol.  col.  1. 


180  Ali  Sommer fcll. 

scipad. 

Il  y  a,  en  moyen-irlandais,  plusieurs  exemples  d'un  verbe 
scipaim,  sciplm,  inf.  scipad.  A  ces  formes  correspondent  en 
irlandais  moderne  sciobaim,  scibim,  inf.  sciobadh.  On  doit  dis- 
tinguer entre  plusieurs  sens. 

A.  «  équiper  un  bateau,  faire  les  apprêts  pour  le  départ 
d'un  bateau  ». 

Exemples  :  BB.457  b  14,20  (version  de  l'Enéide,  xne  siècle); 
Cath  Cath.  1919  (texte  du  xnL' siècle)  ;  Cathréim  Congail 
Clâringnig  72.6  (manuscrit  du  xvne  siècle)  ;  cf.  également 
Cath  Cath.  2252. 

Le  mot  correspond,  aussi  bien  pour  la  forme  que  pour  le 
sens,  à  v.-norr.  skipa.  L'expression  long  do  scipad  reproduit 
exactement  v.-norr.  skipa  skip.  Irl.  mod.  et  écoss.  sciobadh 
lui 'tige  correspond  pour  le  sens  à  v.-norr.  skipan  «  équipage  ». 

V.-norr.  shpari  a  été  emprunté  par  l'irlandais  sous  la 
forme  de  scipaire,  en  irlandais  moderne  sciobaire  (écossais 
sciobair),  scibire  «  marin  ». 

B.  Irl.  mod.  sciobadh  beathadh  «  the  course  or  order  of 
life  »,  P.  O'Connel,  cf.  v.-norr.  skipa  «  ranger,  régler  », 
norv.  dial.  skipnad  «  ordre,  règlement,  destin  ».  On  pourrait 
également  citer  Cath  Cath.  2091  scibud,  si  toutefois  le  b  de 
cette  forme  n'est  pas  un  b.  Il  resterait  à  déterminer  s'il  a 
vraiment  existé  un  mot  sciobhaini. 

G.  «  déplacer,  mouvoir,  changer  de  place  »,  développé  de 
skipa  au  sens  de  «  arranger,  mettre  en  place  ». 

Exemples  :  Cath  Cath.  2375,  2492,  2579,  2646;  Cogad 
Gaedel  re  Gallaib  (xie  siècle)  170.2  ;  BB.  7  a  18.  • 

beirling,  birling. 

Ce  mot  appartient  aussi  bien  à  l'irlandais  qu'à  l'écossais. 
Le    dictionnaire  de    Dinneen  connaît  également  une   forme 

buirling. 

On  est  d'accord  pour  faire  remonter  ce  mot  à  v.-norr. 
byriïingr  (cf.  Macbain,  Etyrn.  Dict.  ;  K.  Meyer,  Contributions  ; 
Henderson,    Norse   Influence  on    Celtic  Scotland  p.    138  ;   A. 


Vieux-Norrois  en   Irlande.  1 8 1 

Bugge,  Miscelïany  présentai  to  Kuno  Meyer,  s.  u.  ;  Hj.  Falk, 
Altnordisches  Seezuesen,  etc.). 

Mais  byrQingr  n'aurait  jamais  pu  donner  birîing,  comme  on 
le  verra  plus  loin.  En  outre  le  sens  de  byritingr  ne  correspond 
pas  du  tout  à  celui  de  beirling,  birîing.  En  islandais,  byrdingr 
désigne  un  bateau  de  transport,  surtout  un  bateau  chargé  à 
fret,  qui  faisait  les  côtes,  mais  pouvait,  à  l'occasion,  traverser 
la  Mer  du  Nord  (cf.  Falk,  /.  c,  p.  ni).  Le  byrdingr  était  de 
fortes  dimensions,  tandis  que  le  birîing  était  un  bateau  de 
plaisance  assez  petit,  à  12  ou  16  avirons,  employé  surtout  par 
les  chefs  écossais  des  îles.  Il  ne  faisait  jamais  fonction  de 
bateau  à  fret. 

Néanmoins,  le  mot  birîing  est  d'origine  Scandinave.  Son 
sens  premier  se  laisse  déterminer  par  le  passage  suivant  (en 
irlandais  je  ne  le  connais  que  par  ce  passage)  : 

Cath  Finntragha,  Egerton  149,  1.  23  :  nach  raibh  aco  long 
gan  leonadh  nâ  athbha  gan  fosgla  nâ  tlusdais  gan  tiiargaint  nâ 
beirling  gan  brise  nâ  folann  gan  fâsga  nâ  taruinge  gan  truailio- 
ghudh  nâ  standard  gan  stûaidhléini.  «  Il  n'y  avait  pas  un  de 
leurs  bateaux  qui  ne  fût  endommagé,  ou  tête  de  bateau  qui  ne 
se  défit,  ou  mât  de  tente  que  la  mer  ne  fouettât,  ou  beirling 
qui  ne  fût  cassé.  .  .  ou  clou  qui  ne  se  relâchât.  .  .  » 

Meyer  traduit  «  a  birîing,  galley  »,  mais  le  contexte  montre 
d'une  façon  évidente  que  beirling  désigne  une  partie  du  bateau. 
Il  correspond  donc  à  norv.  dial.  berling  «  petit  bâton  ou 
poutre  sous  le  bas-fond  d'un  bateau  »  (Aasen).  Il  existe  égale- 
ment en  vieux-norrois  (cf.  Flateyarbôk,  I,  531  :  berlingsâss 
digr  13  alna  lang)-)  et  est  un  dérivé  d'un  mot  correspondant 
à  m. -h. -a.  bar  et  à  anglais  bar. 

En  écossais  comme  en  irlandais,  e  devant  consonne  palatale 
évolue  souvent  en  i  et  écossais  birîing  recouvre  ainsi  exacte- 
ment irl.  beirling.  Le  mot  a  dû  désigner  un  bateau  dans  lequel 
cette  poutre  jouait  un  rôle  important  et  provient  sans  doute 
des  Norvégiens  des  Iles  Ecossaises  et  de  Galloway. 

gunnfunn,  gunnbuinne. 

Alex.  IT.,II2,  102,  4  :  iar  ninipud  na  ngitnnfitnd.Le  mot  vient 


182  Alf  Sommet feîî. 

de  v.-norr.  gnnnfani,  cas  oblique  gunnfana,  «  drapeau  de 
bataille,  de  procession  »  ;  —  gunnèuinde  .1.  sleagh,  Gloss.  de 
Lecan,  392  (A.  f.  C.  L.,  I,  58  ;  ce  sens  est  une  pure  conjecture) 
a  été  déformé  d'après  irl.  buinne  «  branche  fraîche  »,  probable- 
ment aussi  «  lance  »,  cf.  bunnsach. 

Dans  le  glossaire  d'O'Clery  on  trouve  gunnbhuinne  n'iadh 
.1.  sleagh  ghaisgeadhaigh  :  c'est  dans  le  texte  moyen-irlandais 
In  Cath  Catharda  que  O'Clery  a  pris  cette  expression  (cf. 
Cath  Cath.  4937,  5759,  5851)-  Dans  ce  texte,  gunnfainne 
désigne  une  lance  d'étendard  avec  l'enseigne  du  chef  à  la 
pointe.  Le  contexte  montre  que  cette  Lmce  pouvait  s'employer 
aussi  comme  arme  tranchante  ;  on  la  brandissait  pour  «  fra 
casser  les  épaules  et  les  crânes  des  ennemis  ».  L'interprétation 
de  Stokes  qui  explique  le  mot  comme  un  composé  de  buinne 
(voir  l'index  de  son  édition  du  texte,  s.  u.)  est  erronée. 

confing  (LL,  172  b  28)  est  emprunté  du  français. 

sreng. 

L'irl.  mod.  sreang,  streang  «  corde,  cordon  »  a  été  emprunté 
au  vieux-norrois,  qui  connaît  ce  mot  sous  la  forme  strengr.  Il 
a  été  emprunté  en  même  temps  que  boga  (v.-norr.  bogi)  et  ne 
désigne  que  la  corde  de  l'arc  dans  les  textes  anciens  (cf.  TT. 
1573,  C  Cath.  4640,  exemples  du  xie  et  du  xne  siècle). 

feiter,  langphiter,  -phitil, 
lancaidir,  langaid,  langal,  laincis-. 

En  irlandais,  en  écossais,  dans  le  gaélique  de  l'île  de  Man 
et  dans  les  dialectes  anglais  du  Nord  on  trouve  un  grand 
nombre  de  mots  commençant  par  lang  qui  ont  le  sens  de 
«  entrave  (placée  entre  les  pieds  de  devant  et  les  pieds  de 
derrière)  ». 

Voici  les  formes  que  j'ai  trouvées  dans  les  textes  anciens  ou 
modernes  et  dans  les  dialectes  actuels. 

A.  Irl.  langfiter,  langfetir,  Cormac  (ixe  siècle  ;  langfiter 
LBr.,  langpeitir  YBL.  272  a  34,  langphetir  Laud.  610).  De  même 
langfiter  dans  les  lois  (SM.  V  478.17).  C'est  dans  ces  textes 
que  O'Clery  a  pris  son  langphetir. 


Vieux-Norrois  ai  Irlande.  183 

Lonncaidir,  en  Connaught,  désigne  un  lien  placé  entre  les 
pieds  de  devant  et  les  pieds  de  derrière  des  chèvres  (cf.  Finck, 
Araner  Mundart,  II,  181).  Dinneen  a  enregistré  le  motlonncairt. 

B.  Irl.  langaid  f.  et  langaide  (Dinneen),  même  sens  que  les 
précédents.  Ces  formes  sont  fréquentes  en  Waterford  et  en 
Tipperary  (cf.  Seanchaint  na  nDéise,  98).  Ëcoss.  langaid  f. 
(pour  les  chevaux,  cf.  Highl.  Soc.  Dict.  ;  Mac  Alpine  le  cite 
comme  employé  à  Isly).  Gaélique  de  l'île  de  Man  langeid 
(pour  les  moutons,  cf.  John  Kelly,  117);  adjectif  langàdagh 
'==■  écoss.  langaid each. 

Identique  à  cette  forme  sont  :  anglais  d'Ecosse,  de  l'île  de 
Man  et  de  l'Angleterre  du  Nord  langet  (Northumberland, 
Yorkshire,  Cumberland),  langaet,  langit  (Northumberland), 
lanket  (Cumberland,  île  de  Man,  cf.  Hall  Caine,  Manxman, 
3 13  :  a  few  oxen  also  tetbered  and  lanketted).  Irl.  laincide  (Clare, 
Kerry  prononcé  lawCKid'i  sur  l'île  de  Great  Blasket). 

G-  Irl.  langal  «  lien  entre  les  pieds  de  devant  et  les  pieds 
de  derrière  »  (Dinneen,  provenant  d'Ulster)  :  ;  orthographié 
à  l'anglaise  :  langit  (Antrim  and  Down  Glossary,  1880).  De 
ce  dernier  mot  on  a  tiré  un  verbe  l angle  (ib.~).  En  1737  on  le 
trouve  dans  les  Scotch  Proverbs  de  Ramsay  (95),  en  1790 
dans  le  Provincial  Glossary  de  Grose  (cité  comme  appartenant 
à  un  dialecte  de  l'Angleterre  du  Nord). 

Ecoss.  langal  (Caithness,  Renfrew),  langel  (cf.  Jamieson, 
Et.  Dict.  Se.  Lang.\  langle  (Buchan,  Galloway),  langel 
(Durham,  Cumberland,  Yorkshire,  Lancashire,  East  Anglia, 
cf.  Wright,  Engl.  Dial.  Dict.),  longel  (East  Lancashire,  ib.). 

langelt,  langlit  (Roxburgh),  langlet  (Aberdeen). 

Des  formes  plus  anciennes  se  trouvent  dans  des  textes 
anglais  des  xive  au  xvne  siècles.  Ainsi  1394-5  :  langaid 
(Durham  Ace.  Rolls,  599);  1398  :  langhalde  (cf.  Trevisa 
«  Barth.  De  P.  R.  »,  XVIII.  XIV,  774).  1650  :  langoldÇTrapp, 
Commentaire  à  la  Genèse  IV,  2).  Cf.  Murray,  New  English  Dic- 
tionary,  VI,  56. 

D.  laincis  f.  «  a  spancel,  a  rope  for  tying  a  beast  by   the 


1.  La  forme  employée  à   Torr  en  Gweedore,    Co.  Donegal  est  laingeal 
(prononcée  LapA).  [Note  de  l'auteur  du  résumé]. 


1 84  Àlf  Sommerfetî. 

feet  »  (Dineen).  Écoss.  langais  f.  «  corde  de  chasse,  câble  de 
remorque  »  (Henderson,  Ardnamurchaiï).  De  ce  mot  a  été 
dérivé  langaiseachadh  «  tirer  un  bateau  le  long  de  la  grève  par 
une  corde  de  chasse  »  (Macdon.,  Macbain). 

Remarque  A.  Cormac  donne  langjelir  comme  un  mot 
anglais.  Le  terme  qu'il  emploie,  angliss,  désigne  sans  doute 
l'anglo-saxon  en  général,  car  c'est  le  seul  sens  du  mot  eng  H  se 
qu'on  puisse  constater  à  l'époque  de  Cormac.  Le  mot  se 
trouve  dans  tous,  les  manuscrits  ;  il  est  donc  authentique. 
Cormac  était  le  premier  linguiste  de  son  temps  et  il  est  exclu 
qu'il  ait  pu  confondre  l'anglo-saxon  et  le  norrois.  Il  a  été 
élevé  en  Tipperary,  un  des  districts  où  les  Norvégiens  étaient 
les  plus  nombreux  et  il  connaissait  le  norrois,  au  moins 
superficiellement.  Il  parle  d'une  lingna  Galleorum  ou  nort- 
mannica  lingua  et  des  phrases  de  cette  langue  figurent  dans 
plusieurs  manuscrits  du  texte  de  son  glossaire.  La  forme  elle- 
même  fournit  la  preuve  concluante  de  l'exactitude  de  l'affir- 
mation de  Cormac.  Ni  le  v.-norr.  *lang-fioturr,  ni  l'anglo- 
sax.  *Jang-fetor  (dont  K.  Meyer  tire  le  mot  irlandais,  A 
Primer  of  Irish  Metrics,  p.  61)  n'auraient  pu  devenir  lang-filer 
en  irlandais.  Mais  l'irlandais  -fêter  correspond  régulièrement 
à  l'anglo-sax.  fêter  f.,  connu  à  partir  au  moins  de  la  fin  du 
xe  siècle.  L'existence  d'un  moy.  gallois  lawethyr  (Lois  galloises, 
I,  558)  prouve  qu'il  y  a  bien  eu  un  composé  anglo-saxon 
lang -fêter. 

Ce  que  dit  Cormac  ensuite  :  .1.  glass  na  nGall  «  fers  des 
étrangers  »  peut  sembler  contredire  notre  hypothèse.  Car,  de 
son  temps,  Gall  ne  pouvait  désigner  qu'un  Gaulois  ou  un 
Scandinave.  Mais  j'estime  que  les  mots  na  nGall  ne  viennent 
pas  de  Cormac.  Si  l'on  se  reporte  aux  manuscrits,  on  voit  en 
effet  que  ces  mots  manquent  dans  les  meilleurs  d'entre  eux, 
dans  le  Livre  Jaune  de  Lecan  et  dans  Laud.  610  qui  con- 
tiennent deux  versions  indépendantes  Tune  de  l'autre  et  qui 
tous  les  deux  lisent phetir  .1.  glass.  L'addition  na  nGallne  peut 
dater  que  de  la  fin  du  xne  siècle,  au  plus  tôt,  car  c'est  à  cette 
époque  que  Gall  prend  le  sens  d'Anglais,  à  la  suite  de  l'in- 
vasion anglaise. 

Irl.  mod.  lonncaidir  (Connaught)  provient,  à  cause  de  son 


Vicux-Norrois  en  Irlande.  185 

0,  de  moy.  angl.  longphetir.  L'évolution  de  v.-irl.  gg  -|-/en 
irl.  mod.  k  est  des  plus  régulières. 

On  n'a  pas  constaté  l'existence  d'un  lang-fetor,  -fêler  en 
anglo-saxon  ou  en  anglais.  Le  composé  n'est  pas  un  vieux 
mot  anglo-saxon,  mais  un  emprunt  au  vieux-norrois.  Je  vais 
essayer  de  le  démontrer.  La  forme  du  vieux-norrois  a  dû  être 
*lang-fjoturr  bien  que  cette  forme  soit,  autant  que  je  sache, 
inconnue  dans  les  dialectes  Scandinaves  modernes.  Cependant, 
il  est  possible  de  démontrer  qu'elle  a  existé  dans  le  norvégien 
de  l'Irlande.  Le  Senchus  Môr  énumère  (SM.,  I,  168.4)  des 
amendes  à  payer  pour  avoir  «  lié  des  chevaux  d'une  façon 
illégale  et  cruelle  sans  nécessité  »  et  le  commentaire  nous 
informe  qu'on  comprend  par  là  langfilil  itir  a  c[h]eiui  7  a 
c[h]ossa  «  [de  mettre]  une  chaîne  entre  les  pieds  et  la  tête  du 
cheval  »  (p.  174.4).  Cette  alternance  irlandaise  reflète  sûre- 
ment la  relation  qu'il  y  a  entre  v.-norr.  fjoturr  (v. -danois 
fjœder)  et  norv.  dial.  Jitel,  fikjel  (fytel,  fnlul).  Cette  dernière 
forme  provient  d'une  contamination  de  fjoturr  avec  fetill 
«  épaulière  ». 

Remarques  B-C.  Les  synonymes  norvégiens  lang-hofi  etlang- 
helda  (opposés  à  stutt-hoft,  slutt-helda,  islandais  hiiapp-belda, 
«  entrave  entre  les  pieds  de  devant  »)  indiquent  que  l'origine 
du  mot  lang-feter  est  bien  norvégienne.  De  bonne  heure,  ces 
synonymes  ont  dû  faire  disparaître  *lang-fjoturr.  —  Le  mot 
lang-hofi  ne  semble  pas  avoir  laissé  de  traces  dans  les  Iles 
Britanniques;  mais  lang-helda  s'est  répandu  dans  toutes  les 
colonies  norvégiennes  à  l'Ouest  de  l'Ecosse,  dans  toute 
l'Ecosse,  l'Angleterre  du  Nord  et  l'Irlande  du  Nord. 

Les  formes  les  plus  anciennes  se  trouvent  mentionnées  sous 
C.  Elles  n'ont  pas  besoin  de  commentaire.  M.  Henry  Bradley 
a  commis  l'erreur  (voir  Murray,  New  English  Dictionary,  VI, 
56)  de  les  tirer  d'un  vieux-français  *langle  <C  latin  lingula 
«  courroie  d'attache  ». 

Les  formes  mentionnées  sous  B,  montrent  une  disparition 
surprenante  de  Yl  final  ;  on  peut  comparer  celle  qui  s'est 
produite  dans  Técoss.  Raonaid  pour  Raonaild,  de  v.-norr. 
Ragnhildr.  L'irlandais  langaid(e)  a  eu  un  intermédiaire  anglais, 
car  v.-norr.   lang-helda  aurait   donné  irl.   lainm/I.   La  forme 


î8é  Alf  Sommerfell. 

parallèle  laincide  (Gare,  Kerry),  correspondant  à  lanket,  lan- 
kit  (Mari,  Anglais  d'Ecosse,  Cumberland),  et  le  timbre  x  de 
la  voyelle  radicale  de  laincide,  tel  qu'on  prononce  ce  mot  en 
Kerry,  indiquent  la  même  chose. 

Il  n'est  pas  possible  de  déterminer  la  date  de  l'emprunt 
de  lang-helda.  Les  premiers  exemples  du  mot  ne  sont  connus 
qu'au  xive  siècle.  Si  l'emprunt  avait  été  fait  dès  l'époque  des 
Vikings,  on  s'attendrait  à  écoss.  et  irl.  Icuigall  (groupe  C.).  En 
tout  cas,  les  formes  écossaises  et  irlandaises  avec  -d  (-/)  sont 
dues  à  l'influence  des  districts  norvégiens  de  l'Ecosse  où  le 
groupe  -M-  se  maintient,  comme  en  Norvège  même. 

Remarque  D.  —  Les  formes  avec  -s-  viennent  évidemment 
d'un  v.-norr.  lang-festr.  D'après  Fritzner,  festr  désigne  jus- 
tement «  une  corde  ou  câble  par  laquelle  quelque  chose  est. 
attaché  »  et  s'emploie  surtout  d'un  «  câble  servant  à  amarrer 
un  bateau  ».  Le  sens  écossais  correspond  parfaitement  à 
celui-ci.  En  irlandais  le  mot  semble  un  synonyme  de  langaid  ; 
le  sens  de  festr  est  dans  ce  cas  celui  de  v.-norr.  jarn  festr  = 
jarn-hlekkir  «  menottes  ou  fers  »  (Didrikssaga,  34.1). 

allsmann. 

Le   mot   apparaît  dans  l'Aislinge  Meic  Conglinne   p.   39  : 

Muinnter  enig  înîchin 

d'ôcaib   dercaib   tennsadehib 

im    thenid   astig. 

secht  n-alîsmaind,  secht  n-espisle 

do  chdisib,  do  choelanaib 

fo  bragait  cech  fhir 

«  Les  gens  de  la  maison  étaient  assis  à  l'intérieur,  autour  du 
feu  ;  c'étaient  des  hommes  jeunes,  aux  joues  roses,  fortes. 
Sept  allsmaind  et  sept  amulettes  de  fromage  (m.  à  m.  de  fro- 
mages) et  de  tripe  autour  du  cou  de  chacun  d'eux.  » 

Les  manuscrits  de  ces  textes  datent  des  xive,  xve  et  xvie 
siècles;  le  texte  lui-même  est  de  la  fin  du  xie.  Le  vers  qui 
contient  allsmann  se  trouve  dans  les  deux  versions  du  texte 
et  appartient  donc  à  la  première  rédaction  poétique  de  la 
légende,  sur  laquelle  a  été  fait  le  récit  en  prose. 


Vieux-Norrois  en  Irlande.  187 

Le  texte  contient  beaucoup  d'emprunts  Scandinaves  ; 
allsmann  en  est  un  et  correspond  régulièrement  à  v.-norr. 
hals-men  (qu'on  trouve,  par  ex.,  dans  l'Atlamâl).  Comme  les 
Irlandais  avaient  un  grand  nombre  de  mots  signifiant 
«  collier  »,  il  est  clair  que  allsmann  a  dû  désigner  un  collier 
d'un  type  particulier,  fréquent  dans  les  districts  norvégiens  de 
l'île,  peut-être  un  collier  composé  de  pierres  et  de  morceaux 
de  verre,  un  des  steinasorvi  qu'on  trouve  si  souvent  dans  les 
fouilles.  Cette  supposition  s'accorderait  bien  avec  le  texte  où 
la  corde  se  transforme  en  tripes  et  les  pierres  en  morceaux  de 
fromage. 

Il  est  impossible  de  déterminer  la  date  de  l'emprunt  et 
quelle  extension  il  a  eu  en  Irlande.  Mais  il  est  sûr  qu'il  a  été 
vivant  en  Ulster  a  la  fin  du  xie  siècle  et  il  est  même  probable 
qu'il  est  considérablement  plus  ancien. 

Irl.  birbell,  écoss.,  v.-norr.  biafal. 

Dans  le  manuscrit  H.  3.  18  (Trinity  Collège,  Dublin)  fol. 
64  b  on  trouve,  dans  un  vieux  glossaire  un  mot  birbill,  tra- 
duit par  brat.  Ce  dernier  mot  désigne  toujours,  on  le  sait,  un 
manteau  couvrant  la  partie  supérieure  du  corps.  Birbell  se 
prononçait  sans  doute  birvsll ,bir?vdll  et  remonte  vraisemblable- 
ment à  v.-norr.  berfell  (prononcé  bervelï)  berfiall  (cf.  Volundar- 
kvicîa,  10)  =:  biarnfell  «peau  d'ours  ».  Il  vient  régulièrement 
de  berbell  comme  birling  de  berling.  La  forme  birbill  pour 
birbell  est  probablement  due  au  lexicographe,  qui  a  pris  la  forme 
du  génitif  (ou  du  datit)  avec  la  glose  brat  du  texte  où  il  l'a 
trouvée  sans  la  changer.  On  connaît  plusieurs  exemples  ana- 
logues. Une  autre  explication  est  également  possible.  Le  mot 
a  pu  être  emprunté  à  une  époque  où  le  neutre  irlandais  était 
encore  vivant,  c.-à-d.  avant  la  fin  du  xe  siècle,  et  a  pu  ensuite 
passer  au  féminin.  Or,  parmi  les  féminins  il  arrive  constam- 
ment que  la  forme  du  génitif-datif,  qui  serait  ici  birbill, 
serve  également  de  nominatif. 

Cette  explication,  qui  montre  que  le  vieux-norrois  berfjall 
a  été  connu  en  Irlande,  éclaire  un  passage  important  de 
Eiriks  Saga  Rauùa,  chap.  VIII.  Il  y  est  dit  que  le  roi  de  Norvège 


188  Alf  Sommerjeli. 

Olav  Tryggvason  donna  à  Leiv  Eiriksson  deux  coureurs  écos- 
sais, un  homme  du  nom  de  Haki  et  une  femme  nommée 
Hekja: 

fan  vâru  svâ  bùln  at  fan  hofôu  fat  kleefài  er  fan  kçlluthi 
biafal  (piaf al,  Hauksbôk).  fat  var  svâ  gert  ai  hottrinn  var  à  app 
ok  opit  athlffium  oh  engar  ermarâ  oh  ktiept  i  tnillifôta.  bellt  far 
saman  knappr  oh  nc~la  en  ber  vâru  annars  stàÔar.  «  Ils  étaient 
équipés  de  façon  qu'ils  portaient  le  vêtement  qu'ils  appelaient 
biafal.  Ce  vêtement,  muni  d'un  capuchon  et  ouvert  sur  les 
côtés,  n'avait  pas  de  manches  et  était  boutonné  entre  les 
jambes.  Il  y  avait  là  pour  le  tenir  un  bouton  et  une  attache. 
Pour  le  reste,  ils  étaient  nus.  » 

Il  est  évident  que  ce  mot  biafal,  ciafal  est  un  mot  écossais. 
Le  contexte  montre  qu'il  désignait  un  vêtement,  que  les 
Ecossais  devaient  appeler  brat.  C'était  une  espèce  de  vêtement 
en  forme  de  sac  avec  capuchon,  qui  tombait  droit  des  épaules 
et  qui  était  réuni  entre  les  jambes  par  une  attache  et  un  bouton. 
Dès  lors,  il  faut  conclure  que  ce  biafal  n'était  pas  d'origine 
écossaise.  C'était  un  manteau  de  fourrure:  sa  coupe  particulière 
l'indique  clairement  ;  biafal  provient  sans  doute  d'une  défor- 
mation de  v.-norr.  berfjall,  correspondant  à  irlandais  bcirbcll. 
Cela  est  d'autant  plus  vraisemblable  qu'on  ne  trouve  ni  en 
irlandais  ni  en  écossais,  aucun  mot  qui  ressemble,  même  de 
loin,  au  biafal,  ciafal  de  la  saga. 

Cependant,  on  s'attend  en  écossais  comme  en  irlandais  à 
berbell  (birbell,  -felï)  ou  —  ce  qui  est  moins  probable  —  à 
berfal(l)  avec  un  groupe  -rf-  non -palatal.  Cela  donnerait  en 
vieux-norrois  biarfal  (ë  devant  un  groupe  de  consonnes  non- 
palatales  >>  v.-norr.  ta  ;  cf.  bianah  <C  bennacht,  etc.  ;  même 
en  syllabe  inaccentuée  ingian  <C  ingen).  Mais  les  manuscrits 
ont  biafal.  Cette  forme  ne  peut  être  que  le  résultat  d'une 
contamination  de  ber-fjall,  bjarn-fell  avec  le  v.-norr.  bialfi 
v  peau,  fourrure  ».  Ce  dernier  mot  est  ancien  en  Scandinave  ; 
il  est  identique  au  nom  de  personne  Bjalfi,  attesté  dès  le  vuie 
siècle  (Egilssaga). 

Un  /  cacuminal  s'amuit  devant  une  consonne  labiale  dans 
plusieurs  dialectes  de  l'Ouest  de  la  Norvège.  Or,  par  un  heu- 
reux hasard,    on  connaît    la   forme  sans  /  du  mot  dans   une 


Vieux-Norrois  en  Irlande.  189 

inscription  runique  de  Helland  en  Sole,  qu'on  s'accorde  à 
fixer  aux  environs  de  l'an  1000  (ace.  biafa).  Le  nom  Bjafi  pour 
Bjalfi  est  également  attesté  à  Sogndal  en  Sogn  (Diplomatarium 
Noruegicum,  VI,  84). 

On  montrera  plus  loin  que  les  formes  irlandaises  et  écossaises 
des  thèmes  masculins  vieux-norrois  en  -n-  remontent  sans 
exception  aux  cas  obliques.  Le  mot  biafi  aurait  donc  dû  donner 
en  écossais  *biava  ;  cette  forme  a  été  transformée  en  biava-l 
sous  l'influence  de  biarn-fell,  ber-fell  (écoss.  *bervell,  *biarvalï). 
La  contamination  remonte  probablement  aux  G  ail  Gaèdil  de 
l'Ouest  de  l'Ecosse. 

linscôit. 

Ce  mot  se  rencontre  fréquemment  en  moyen-irlandais  (cf. 
Aislinge  Meic  Conglinne,  103.  15,  PH.  2619  ;  YBL.  148  b  7; 
BL.  229  a  6).  Le  sens  de  linscôit  est  «  toile  »  et  spécialement 
«  suaire  de  toile  ».  Il  correspond  exactement  à  v.-norr. 
lin-skauti  qui,  comme  lin-dûkr,  se  dit  surtout  du  «  suaire  » 
{sveipa  lik  linskauta  :   corp  do  chengal  de  linscôit). 

Les  manuscrits  datent  du  xive  siècle,  les  textes  du  xie.  Il  est 
probable  que  le  mot  n'a  été  emprunté  que  quand  les  Scandi- 
naves avaient  adopté  le  christianisme  et  les  usages  funéraires 
chrétiens.  L'emprunt  remonterait  donc  au  xie  siècle.  Dans  les 
PH.  le  mot  emprunté  s'emploie  côte  à  côte  avec  le  vieux  mot 
irlandais  lin-anart  qui  n'était  pas  encore  éliminé  à  la  fin  du 
xie  siècle.  Plusieurs  exemples  sont  là  pour  montrer  que  lin- 
scôit s'est  substituée!  lin-anart  (cf.  PH.  1870  et  suiv.,  3688, 
5244;  LL.  256  b  1,  LB.  158  a,  b). 

Pour  linscôit,  on  s'attend  à  linscôt.  Mais  le  mot  a  été  associé 
avec  les  noms  irlandais  en  -ait,  gén.  -ôta  (orôit,  etc.);  et  le 
nominatif  linscôit  a  été  fait  sur  le  génitif  linscôta  (v.-norr. 
linskauta). 

sçâlân,  scâthlân. 

Le  composé  bél-scâlân  apparaît  dans  bon  nombre  de  textes 
moyen-irlandais,  à   partir  du  xie  siècle:  LL.  (TBC)  57  a  10 

Revue  Celtique,  XXXIX.  ■  13 


190  Alf  Sommerfell. 

et  suiv.,  ib.  (Cath  Ruis  na  Rig)    174  a    42,  ib.  174  b  38,  ib, 

174  b  42. 

Le  diminutif  ttrt/flw  suppose  scâl  ou  solda.  Ce  dernier  corres- 
pond régulièrement  à  v.-norr.  skâli,  cas  oblique  skâla.  Dans 
les  textes  irlandais  scàlân  apparaît  presque  toujours  zvecpttpal 
et  both  ;  il  désignait,  dans  la  langue  militaire,  une  construc- 
tion légère  dans  un  camp.  Il  est  évident  que  ce  sens  vient 
du  norvégien,  bien  que  le  mot  en  question  ne  soit  pas  attesté 
dans  les  textes  norvégiens  ou  islandais.  Dès  lors,  le  sens  de 
«  remise  isolée,  maison  ouverte  »  (le  premier  terme  du 
composé  irlandais  bel-  indique  également  que  le  mot  a  désigné 
une  construction  ouverte),  si  fréquent  dans  les  dialectes 
norvégiens  actuels,  doit  remonter  à  l'époque  des  Vikings.  Si, 
parmi  les  Norvégiens  d'Irlande,  le  mot  skâli  n'avait  eu  que  le 
sens  de  setstofa  ou  de  for  skâli,  il  n'aurait  jamais  été  emprunté. 

Ce  n'est  pas  tout.  En  Telemarken,  skaale  a  encore  le  sens  de 
«  cabinet  en  poutres  ou  en  lambris  à  l'intérieur  d'une  grande 
remise  »  (cf.  Ross).  Un  sens  analogue  apparaît  pour  le  mot 
emprunté  dans  les  Annales  des  Quatre  Maîtres,  à  l'année  1244 
(bél-scâlâna  bâtar  isin  teampall  histigli). 

L'irlandais  scàlân  semble  avoir  été  fait  de  perches  et  de 
branches  flexibles;  on  bouchait  les  trous  avec  des  joncs  et  des 
herbes  de  marais.  Ceci  ressort  de  deux  passages,  l'un  dans  le 
Cath  Maige  Lena,  p.  76,  l'autre  dans  le  récit  appelé  Echtra. 
Cloinne  Righ  na  Hioruaidhe 

Le  mot  simple,  sans  bel,  se  trouve  Cath  Maige  Lena,  76.  3  : 
n.  pi.  scâthlâin.  L'orthographe  a  été  influencée  par  scàth 
«  ombre  ».  Dinneen  enregistre  scathlûnn;  ce  mot  vient  de 
P.  O'Conell,  qui  l'a  pris  pour  un  composé  de  lann.  Le  mot 
scàlân  «  a  hut,  a  stage,  a  scaffald  »,  qui  se  rencontre  dans  les 
dictionnaires  irlandais  et  écossais  modernes  (Dinneen,  Highl. 
Soc.  Dict.),  est  tiré  de  manuscrits  récents  ;  mais  il  est  sorti 
de  l'usage  dans  les  dialectes  actuels. 

Windisch  a  commis  l'erreur  de  rapprocher  bél-scàlân  de 
bél-scâiltc  (TBC,  p.  50  note  5)  ;  ce  dernier  contient,  comme 
on  sait,  la  diphtongue  ai. 


Vieux-Norrois  en  Irlande.  I9Î 

slipad. 

Ce  verbe  apparaît  dans  plusieurs  textes  irlandais,  à  partir  du 
xie  siècle  (cf.  TTr.  602,  H.  2.  17,  Ir.  Texte,  II;  Cogad  Gàedel 
162.  13  ;.  Egerton  1782,  23  b2;  BB.  425  a  33  ;  TBC  (Stowe  et 
H.  1.  13),  5997  ;  Ca'th  Finntraga,  25 1  ;  Keating,  Three  Shafts  : 
biora  bldith-ilioptha) . 

Comme  il  ne  semble  pas  être  attesté  avant  le  XIe  siècle,  ce 
verbe  ne  peut  pas  être  d'origine  anglo-saxonne.  Il  vient  de 
v.-norr.  slipa. 

Stokes  a  eu  tort  de  lui  donner  une  origine  celtique  (KZ., 
XLI,  388).  Mais  le  synonyme  Umad(  =  l'unadh,  gall.  ////"-) 
est  bien  irlandais.  Si  l'on  peut  se  fier  à  la  forme  sliobhadh  qui 
est  citée  à-côté  de  sliôbadh  dans  le  dictionnaire  de  Dinneen, 
elle  doit  provenir  d'une  contamination  avec  llomhadh,  liobhadh 
<  m.-irl.  îinuul. 

crupad. 

L'irl.  mod.  crupaim signifie  «  je  me  ratatine,  je  me  resserre  »  ; 
l'écoss.  crup  (HSD.;  Mac  Alpine)  a  le  même  sens.  Cf.  Irl. 
crupôg  «  ride  »,  écoss.  crupag;  irl.  crupaidhe,  crupacb  «  ratatiné, 
défait,  ridé  ». 

Ces  formes  sont  d'origine  Scandinave;  cf.  norv.  dial. 
krnpp  «  arbre  tortu  »  ;  kruppen,  kroppen  «  ratatiné,  ayant  les 
membres  tortus  ». 

L'écoss.  crùb  «  sit,  squab,  crouch  »  (HSD.  ;  Mac  Alpine)  n'a 
rien  à  faire  avec  crupad,  mais  remonte  à  v.-norr.  krjûpa,  hrùpa. 
L'explication  qu'a  donnée  de  ce  mot  Craigie,  Arhiv  for 
nordisk  floîogi,  X,  est  erronée. 

ruadmarg . 

Dans  la  partie  la  plus  récente  du  Di'til  Laiihne,  'Liber 
Latiniensis',  cet  étrange  glossaire  copié  par  Duald  Mac  Firbis 
en  1643  (H.  2.  15,  Trinity  Collège,  Dublin),  on  trouve  un 
emprunt  au  vieux-norrois.  C'est  ruodhmarg  À.  nwiii,  locus  palus- 
trisÇn"  145)  qui  correspond  à  norv.  raitâ-mork(cî.  Dan-niork^> 


192  A  If  Sommerfelt. 

irl.  Dan-marg);  ce  dernier  a  le  même  sens  que  norv.  dial. 
raud-myr.  Le  composé  raud-mork  est  tellement  naturel  qu'il 
doit  exister  dans  des  dialectes  actuels,  bien  que  Aasen  et  Ross 
ne  le  mentionnent  pas.  D'ailleurs,  ces  deux  lexicographes 
norvégiens  ne  notent  pas  raudmyr  non  plus,  évidemment 
parce  que  ce  mot  est  un  des  «  composés  dont  les  termes  se 
comprennent  facilement  »  (Aasen,  Préface,  VI). 

On  s'attend  à  irl.  rôdhmarg,  car  v.-norr.  au  donne  irl.  ô.  Le 
mot  a  pris  la  forme  ruadhmarg  sous  l'influence  de  ruadh,  qui 
étymologiquement  est  identique  à  v.-norr.  rauiïr.  De  même, 
Hrôdmwidr  devient  Ruadh-mand  et  le  surnom  Rauftr,  Ruadh. 

L'emprunt  présente  un  certain  intérêt  pour  l'histoire  de 
la  civilisation  irlandaise;  car  il  semble  confirmer  ce  que 
l'Orkneyasaga  dit  de  Torf-Einarr  :  hann  fann  fyrstr  manna  at 
shera  torf  ôr  iorHu  til  eldivfâar  à  ïorfnesi  â  Shotlandi  j>uiat  illt 
var  til  viïïar  i  eyiunum  (éd.  Vigfusson,  §  7)  «  il  était  le 
premier  homme  qui  eut  l'idée  de  couper  de  la  tourbe  du  sol 
pour  l'employer  comme  combustible,  car  on  manquait  de  bois 
sur  les  îles  ».  Les  Norvégiens  ont  sans  doute  appris  aux 
Irlandais  et  aux  Ecossais  à  utiliser  la  tourbe. 


scor. 

Il  est  universellement  connu  que  l'irlandais  scor  «coupure» 
est  un  emprunt  au  vieux-norrois  (cf.  Bugge,  Norse  Loanwords, 
304);  mais  l'on  n'a  pas  encore  expliqué  comment  les  Irlandais 
ont  pu  emprunter  un  mot  d'un  sens  aussi  général . 

La  raison  en  est  que  les  Irlandais  ont  emprunté  en  même 
temps  le  scoru-kefli  et  la  vieille  coutume,  si  vivante  en  Norvège, 
de  graver  des  skorar,  dans  le  montant  de  la  porte  ou  dans  une 
des  barrières  de  la  ferme  pour  commémorer  un  événement 
extraordinaire  (cf.  Gulatiugslov,  §  1 3 1,  Frostatingslov,  VII,  10). 
La  coutume  existe  encore  en  Irlande  de  marquer  avec  un 
couteau  la  poutre  au-dessus  de  la  cheminée  ou  le  montant 
de  la  porte  quand  un  événement  important  s'est  produit,  et 
cette  marque  garde  son  nom  vieux-norrois,  scor;  cf.  Dinneen, 
p.  614  :  scor  a  chur  san  chlabhar. 


Vieux-Norroù  en  Irlande.  193 


raobann. 


Le  mot  raobann,  gén.  -ainn  «  a  loop,  an  eyelet  ;  one  of  the 
loops  by  which  sali  is  laced  to  the  mast  »,  Dinneen  (Tory 
Island),  vient  régulièrement  de  v.-mrr.  *reipa-band;  cf.  reipa- 
reidi;  Fornmannasogur,  VI,  380.  Cette  comparaison  devient  plus 
probable  encore  quand  on  se  souvient  du  mot  des  Shetlands 
repiband  «  corde  avec  laquelle  on  ferme  l'ouverture  d'une 
corbeille  »  et  qui  est  identique  à  v.  norr.  *reipa-band.  Shetl. 
repistring  a  le  même  sens. 

Le  mot  raobann  est  sûrement  venu  en  Irlande  des  îles 
écossaises.  Il  n'a  rien  à  faire  avec  le  norr.  dial.  raaband  (cf.  le 
verbe  vieux-norrois  ràbendd).  L'écossais  raoib  remonte  à  v.- 
norr.  reip. 

30  Calques 

L'influence  du  vieux-norrois  sur  l'irlandais  ne  se  borne  pas 
aux  mots  seulement.  Il  est  très  probable  que  les  Irlandais  ont 
traduit,  à  partir  du  ixe  siècle,  des  termes  et  des  expressions 
Scandinaves.  On  ne  s'est  pas  occupé  de  cette  question  ;  elle 
est  très  délicate  et  demande  une  circonspection  particulière. 
Rien  ne  prouve,  par  exemple,  que  mun-torc  ait  été  calqué  sur 
hals-men,  ni  que  iarnn  «  fer  à  cheval  »  ait  reçu  ce  sens  parti- 
culier du  v.-norr.  iarn.  D'autre  part,  beo  n'a  pas  pris  les  sens 
de  «  génisse  »  et  de  «  bétail  »  sous  l'influence  Scandinave,  car 
le  premier  au  moins  de  ces  sens  semble  remonter  à  l'indo- 
européen.  Mais  voici  quelques  expressions  dont  l'origine  ne 
peut  être  douteuse.  Les  composés  dont  l'un  des  termes  est  un 
mot  d'emprunt  tandis  que  l'autre  est  indigène  offrent  un  inté- 
rêt particulier.  Ce  type  a  dû  être  assez  fréquent;  il  se  retrouve 
en  écossais,  cf.  gad-luinne,  «  saumon  après  le  frai  »,  composé 
de  luinne,  v.-irl.  linne  (Trip.  Life,  88,  28)  «  saumon  »  et  pro- 
bablement du  v.-norr.  got  ;  cf.  norv.  got-laks,  got-fisk  (Aasen, 
Ross). 

gaeth  etir  dâ  scôt. 

Cette   expression   apparaît  dans  le  récit  irlandais  moderne 


194  -Alf  Sommerfell. 

«  Giolla  an  Fiugha  »,  publié  par  M.  Douglas  Hyde  (IrishText 
Society,  I,  p.  25)  et  où  il  est  question  d'une  expédition  en 
Norvège.  On  lit  :  deirigh  gaoth  idir  dà  sgôd  orrain  «  nous  eûmes 
le  vent  entre  les  deux  écoutes  ».  Le  mot  sgôd  correspond 
parfaitement  à  v.-norr.  skaut .  L'expression  vient  du  v.-norrois, 
cf.  Biskupa  Sogur,  II,  48.  35  :  byrr  beggja  skatita,  m.  à  m.  «vent 
(favorable)  des  deux  écoutes  »,  c.-à-d.  «  vent  droit  derrière 
dans  les  deux  écoutes  ». 

piast,  fuaigim. 

Cath  Maige  Lena,  44.  23  et  suiv.  :  dochuircadar  amach  a 
bpiasda  uathmara  iongantacha  7  a  scûdadha  slearhna  a  laoidheanga 
fuaighte  «  ils  mirent  à  l'eau  leurs  serpents  terribles  et  merveil- 
leux, leurs  navires  lisses  et  leurs  bateaux  de  hidang  cousus». 

piast  est  une  traduction  de  onnr  et  fuaighte  de  syja  ;  cf.  écoss. 
sûdb  =  v.-norr.  sût  «  action  de  joindre  ensemble  les  bords 
d'un  bateau  »,  v.  Festskrift  iil  Alf  Torp,  p.  240. 

raael-att. 

Ce  composé  apparaît  dans  le  texte  moyen-irlandais  In  Cath 
Catharda  (4695  et  5261)  et  désigne  un  capuchon  bien  collant, 
attaché  au  haubert  et  sur  lequel  repose  le  casque.  Comme 
dans  att  cluic,  cloc-att  et  cennat,  att  reproduit  le  v.-norr.  hattr 
ou  hottr,  qui  se  dit  de  plusieurs  espèces  de  couvre-chefs  «aussi 
bien  de  ceux  qui  sont  indépendants  du  vêtement  que  de  ceux 
qui  y  sont  attachés  »  (Fritzner). 

mael-att  a  été  calqué  sur  le  v.-norr.  koll-hottr  (=koll-hetta). 

Dubchenn,  Glûniairnn,  Glûntradna. 

Le  nom  propre  irlandais  Dub-chenn  est  antérieur  à  l'époque 
des  Vikings  et  n'est  pas  d'origine  Scandinave.  Mais  il  a  été 
associé  à  v.-norr.  Svarthojdi,  car  il  est  fréquemment  porté  par 
des  Norvégiens  au  xe  siècle.  Un  certain  Dubchenn,  père 
d'Amond  (Hâiuundr),  est  mentionné  dans  le  Cogad  Gâedel, 
p.  206.  Il  est  identique  à  Dubchenn,  fils  de  Ivar  de  Limerick 
(Tigernach,  année  776;  Cogad,  p.  275). 


Vieux-Norrois  en  Irlande.  195 

Gh'in  Iairnn  n'est  pas  irlandais  mais  recouvre  un  v.-norr. 
*Iarn-knê  (le  nom  semble  indiquer  que  dès  le  commencement 
du  IXe  siècle,  les  Vikings  portaient  des  genouillères  de  fer 
saillantes).  Le  nom  irlandais  date  de  l'époque  des  Vikings  et 
est  porté  surtout  par  des  Scandinaves  'ou  des  personnes 
d'origine  Scandinave.  Sous  sa  forme  irlando-scandinave  lerene, 
Ergne,  il  apparaît  dans  les  Annales  d'Ulster  (852,  882,  885 
et  886).  A  partir  du  896  on  ne  trouve  que  la  forme  irlan- 
daise (896,  984,  990,  1014,  1070).  L'alternance  lerene;  Glûn 
Iairnn  est  un  témoignage  sûr  des  rapports  linguistiques  très 
intimes  qui  existaient  entre  les  Scandinaves  et  les  Irlandais  à 
la  fin  du  ixe  siècle.  Les  Annales  d'Ulster  sont,  on  le  sait,  des 
documents  contemporains. 

Glân  Iairnn  avait  un  fils  nommé  Glûntradna  qui,  d'après  les 
Quatre  Maîtres,  fut  tué  en  891.  Le  second  terme  du  composé 
est  identique  à  l'irlandais  moderne  traona  «  râle  de  genêt  », 
en  Munster  tradhna  (pron.  treini):  le  nom  semble  être  une 
adaptation  entière  du  sobriquet  vieux-norrois  Trpnu-kné,  cf. 
Tronu-beina  frœh  dôllir  dans  le  poème  eddique  Rigsfiula. 

Parmi  d'autres  traductions,  on  peut  mentionner  irl.  fidehatt 
«  souricière  »  :  amal  charas  in  luch  biad  in  fidehaitt  «  comme 
la  souris  aime  la  pâture  de  la  souricière  »,  cf.  v.-norr.  son 
mus  undir  trêkeiti  «  comme  une  souris  sous  une  souricière  » 
(m.  à  m.  sous  un  chat  de  bois),  Heilagra  Manna  Sogur,  II,  5 .  10  ; 
15.6  (voir  Sophus  Bugge,  cité  par  Stokes,  Be^:  Beitr.,  xvin, 
123,  note).  Le  synonyme  vieux-norrois  fjala-kottr  montre 
d'une  façon  évidente  que  l'expression  est  d'origine  Scandinave. 

40  Noms  propres. 

Les  noms  de  personne  sont  précieux,  car  ils  sont  presque 
tous  datés  et  fournissent  ainsi  des  données  sûres.  Voici  ceux 
qui  offrent  le  plus  d'intérêt  parmi  les  derniers  identifiés. 

Amlaide . 

Dans  les  Three  Fragments  of  Irish  Aimais,  à  l'année  909, 
et   dans  les  Annales  des  Quatre  Maîtres,   à  l'année  904,  on 


196  Alf  Sommerfelt. 

trouve  un  petit  poème  de  Kormlod,  fille  de  Flann  Sinna.  Elle 
l'aurait  composé  à  la  mémoire  de  ses  deux  époux,  Cerbhall  et 
Niall  Glundubh,  tués  par  les  Scandinaves  au  commencement 
du  xe  siècle.  Voici  une  des  strophes  : 

olc  ormsa  cumaoin  dd  g  hall 

marbsat  Niall  7  Cearbhall  ; 

Cerbhall  la  hUlbh comall  ngle 

Niall  Glundubh  la  hAmlaidhe  (hArhlaidhe  FM.). 

Amlaide  suppose  une  prononciation  Avlav$3  qui  reproduit 
régulièrement  le  v.-norr.  Hafliiïi,  nom  fréquent  en  Islande. 
Ce  Haflic5i  vainquit  le  roi  Niall  en  919.  C'est.donc  le  premier 
de  ce  nom  que  nous  connaissons. 

Hafliiïi  est  un  nom  du  même  type  que  Sumarliùi,  irl. 
Somarlid,  Vetrltôi,  Vestltôi.  Ces  noms  datent  tous  de  l'époque 
des  Vikings. 

Les  éditeurs  du  texte  ont  eu  le  tort  d'identifier  ce  nom  avec 
Amlaib.  La  rime  de  débide  avec  glé  exige  Amlaide  qui  est  la 
seule  forme  transmise  par  les  manuscrits. 

Aufer. 

D'après  les  Annales  Irlandaises,  un  Scandinave  de  ce  nom 
fut  tué  en  925,  en  même  temps  que  Roald  et  Halfdan,  fils  de 
Gudrœd.  Les  manuscrits  sont  parfaitement  d'accord  ;  FM1, 
CS.,  AI.  ont  Aufer  ;  ACM.,  921  porte  Awjer. 

Pour  des  raisons  phonétiques  le  nom  ne  peut  pas  être  iden- 
tifié avec  Alfr  ainsi  que  l'a  proposé  Faraday,  ou  avec  v.-norr. 
Afvirïïr,  isl.  Auvirïïr,  anglo-sax.  sEfwyrd (Stokes,  Be%{.  Beitr., 
XVIII,  116).  Vf  irlandais  ainsi  que  IV  non-palatal  excluent 
toute  comparaison  avec  le  v.-norr.  Aulttir  =  0luir  ou  avec  le 
nom  propre  Auf  que  Sophus  Bugge  a  constaté  dans  l'inscri- 
ption unique  de  l'église  de  Gran  et  qui,  à  cause  du  nom 
anglo-saxon  Eafa  (  =  germanique  commun  *  Autan),  ne  peut 
pas  être  un  nom  en  -ver. 

On  pourrait  penser  à  un  v.-norr.  *Auft-bere  =  AuWiorn\ 
mais  il  faudrait  alors  .supposer  que  dans  tous  les  manuscrits  le 
mot  a  été  écrit  phonétiquement.  Il  est  plus  probable  que  Vf 


Pieux-Norrois  en  Irlande.  197 

représente  v.-norr.  /.  Dès  lors,  le  nom  reproduit  réguliè- 
rement v.-norr.  Eyfari,  cas  oblique  Eyfara  (pour  ey  >  au, 
irl.  e  pour  v.-norr.  a,  disparition  de  l'a  final,  cf.  ci-dessous). 
D'après  Lind, Norsk-islàndska  dôpnamn  (Uppsa\,  1905),  254,  ce 
nom  a  été  employé  dans  les  Hébrides.  C'est  un  nom  du  même 
type  que  Hlymrehfari,  Irfari,  Englandsfari,  Holmgarftsfari 
«  celui  qui  voyage  à  Limerick  »,  etc. 

Ce  nom  prouve  que  Aiifer  était  de  nationalité  norvégienne. 
Il  le  devait  à  ses  voyages  dans  les  îles  écossaises. 

Putrall. 

C'est  le  surnom  de  Roalt,  qui  tomba  à  Lemain  au  commen- 
cement du  xe  siècle  {Roalt  Putrall,  Cog.  LL.,  Rolt  Pudarill, 
manuscrit  de  Dublin). 

Ce  nom  Putrall  vient  régulièrement  du  v.-norr.  Butraldi, 
cas  oblique  Butralda.  C'est  un  nom  rare  qui  n'est  attesté  qu'en 
Islande  où  il  est  sorti  de  l'usage  au  XIe  siècle.  Un  nom  de 
même  type  est  évidemment  Digraldi  (R.igsf?ula). 

L'hypothèse  de  Stokes  (BBr.,  XVIII,  119)  est  erronée. 

Smurull. 

On  lit  :  cath  cile  forru  (c'est-à-dire  les  Norvégiens)  dû  i  tor- 
chair  Roalt 7  Smurull  dans  le  Cog.,  28,  LL.  Un  manu- 
scrit de  date  plus  récente  a  :  ocus  Muraill.  Il  suit  de  là  qu'il  y  a 
eu  deux  formes  :  Smurull  et  Smurill,  tirées  du  v.-norr.  smyrill 
(falco  lanarius),  pi.  smurlar,  avec  la  même  alternance  de  suf- 
fixes -il  :  -ul  qu'on  observe  dans  drasill  :  dat.  drçsle,  vafiill  : 
pi.  vofilar  (vçfila  Sturlungasaga,  II,  38.  39),  runique  erilar  : 
lat.  Endos.  Il  est  probable  que  des  formes  parallèles  sont  nées 
de  cette  alternance  :  smyrill  (>>  irl.  Smurill  régulièrement)  et 
*smurull  (>>  irl.  Smurull),  de  la  même  façon  qu'on  a  eu 
bitill  :  bitull,  ferill  :  foroll,  gymbill  :  Gumbull  (qui  comme  irl. 
Smurull  fait  fonction  de  surnom). 

Ce  Smurull  a  été  tué  au  commencement  du  xe  siècle;  smy- 
rill était  donc  employé  comme  surnom  à  cette  époque. 


198  Alf  Sommerfelt. 

Sûdiam. 

On  lit  :  co  Siugraid  Soga  rig  Sûdiam,  dans  le  Cath  Ruis 
na  Rig,  §  7  (LL.,  manuscrit  de  la  fin  du  xnc  siècle). 

Sûdiam  représente  le  datif  pluriel  vieux-norrois  (d,  af,  ï) 
Sufteyjiim  =  Suftreyum  ;  cf.  sufiland  =  sudrland . 

Siugraid  Soga  est  le  iarl  des  Orcades  Sigurïïr  Hlodvissour, 
tombé  à  Clontarf  en  10 14.  Il  avait  le  surnom  de  Digri  «  le 
gros  ».  Soga,  c'est-à-dire  Sogga,  reproduit  probablement 
v.-norr.  soggi,  suggi,  cas  oblique  sogga,  forme  faible  parallèle 
au  norv.  dial.  sugg,  sogg  «  homme  gros  et  grand  ».  Le  fémi- 
nin faible  correspondant  est  toujours  vivant  dans  les  dialectes 
norvégiens. 

Pendant  quelque  temps,  l'empire  de  SigurO  Hloùvisson 
s'étendait  de  Caithness  sur  les  Orcades,  sur  les  îles  Shetland  et 
jusqu'aux  Hébrides. 

Hiruaith,  Lochalnn. 

L'origine  de  ces  deux  noms  reste  mystérieuse.  Mais  ils  rap- 
pellent d'une  façon  étrange  les  noms  des  deux  districts  voisins 
de  l'Ouest  de  la  Norvège,  le  Hordnland  et  le  Rogaland.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  est  significatif  que  ces  parties  de  la  Norvège 
ont  fourni  un  très  grand  nombre  de  Vikings. 

(A  suivre).  A.  Sommerfelt. 


LES    SAINTS    IRLANDAIS 

DANS     LES 
TRADITIONS    POPULAIRES  DES   PAYS   CONTINENTAUX. 


Maint  territoire  de  l'Europe  continentale  conserve  les  traces 
du  passage  des  saints  venus  d'Irlande.  L'abbaye  de  Luxeuil, 
fondée  par  S.  Colomban  en  585,  fut  à  l'époque  mérovingienne, 
une  pépinière  d'abbés,  d'évêques  et  de  missionnaires.  Deux 
des  plus  célèbres  monastères  du  haut  moyen  âge,  les  deux 
centres  d'études  les  plus  importants  de  l'époque,  Bobbio  et 
Saint-Gall,  durent  leur  fondation,  le  premier  au  même  Colom- 
ban, le  second  aux  premiers  disciples  de  saint. Gall,  lui-même 
disciple  de  Colomban  et  qui  a  laissé  son  nom  à  une  ville  et 
à  l'un  des  cantons  de  la  confédération  helvétique.  Le  diocèse 
de  Wurtzbourg  s'est  placé  sous  le  patronage  d'un  autre  Irlan- 
dais, saint  Kilian,  et  la  Basse-Autriche  sous  celui  de  saint 
Coloman,  dont  les  restes  reposent  à  l'abbaye  de  Melk,  sur  le 
Danube.  Le  tombeau  de  saint  Fursy  à  Péronne  attira  les  com- 
patriotes du  saint  en  ce  lieu,  qui  était  encore  connu,  au 
xe  siècle,  sous  le  nom  de  Perrona  Scottorum  l. 

Pendant  près  de  quatre  cents  ans,  les  saints  irlandais,  animés 
d'un  ardent  esprit  de  prosélytisme,  ont  travaillé  à  la  diffusion 
de  la  foi  chrétienne  et  de  la  discipline  monastique  en  Gaule, 
en  Belgique,  en  Alsace,  en  Alemanie,  en  Franconie,  en  Italie, 
sur  le  Danube  et  sur  le  Rhin. 

L'Irlande  a  certes  continué  d'être  une  terre  de  haut  renom 
chrétien  ;  mais  à  aucune  époque  de  son  histoire,  non  pas 
même  au  temps  de  la  persécution  protestante,  elle  ne  mérita 
mieux  le  nom  d'île  des  saints. 


1.  Voir  L.  Traube,  Perrona  Scottorum  (Acad.  de  Munich,  Comptes  rendus 
de  la  classe  de  phil.  et  de  philol.  1900,  p.  469  s). 


200  L.  Gougaud. 

L'histoire  de  l'étonnante  activité  des  Irlandais  sur  le  conti- 
nent européen  est  bien  connue  dans  ses  grandes  lignes  '.Nous 
ne  voulons  pas  revenir  sur  ce  sujet.  Mais  il  peut  être  intéres- 
sant de  rechercher  les  traces  que  ces  étrangers  ont  laissées 
dans  les  traditions  et  usages  populaires  des  régions  qu'ils  ont 
parcourues  et  des  lieux  où  ils  ont  fondé  des  établissements 
durables.  Pèlerinages  et  dévotions  en  vigueur  dans  les  sanc- 
tuaires qui  conservent  —  ou  qui  prétendent  conserver  —  de 
leurs  reliques,  prières  où  ils  sont  invoqués,  dictons  où  ils 
sont  nommés,  fêtes  locales  qui  perpétuent  leur  souvenir,  voilà 
ce  qui  constitue  la  matière  de  la  présente  étude. 

Feu  Margaret  Stokes,  la  sœur  du  grand  celtiste  Whitley 
Stokes,  qui  s'est  appliquée  avec  zèle  à  retrouver  en  France  et 
en  Italie  les  vestiges  des  peregrini  insulaires,  a  frayé  la  voie 
aux  archéologues  et  auxfolkloristes.  Ses  deux  livres,  Six  months 
in  the  Apennines  in  search  of  the  vestiges  of  Irish  Saints  in  Italy 
(Londres,  1892)  et  Three  months  in  the  Forests  oj  France:  a 
Pilgrimage  in  search  of  vestiges  of  Irish  Saints  in  France 
(Londres,  1895),  ont  le  mérite  de  reposer  sur  une  documen- 
tation abondante  et  pittoresque,  recueillie  sur  les  lieux  mêmes 
qui  furent  illustrés  par  le  passage  des  saints  d'Irlande.  Toute- 
fois on  peut  leur  reprocher  d'être  assez  bizarrement  compo- 
sés et  surtout  de  mettre  trop  souvent  la  légende  à  la  place 
de  l'histoire. 

Certes,  il  serait  impossible  de  traiter  un  sujet  de  folk-lore 
religieux  comme  celui-ci,  sans  tenir  compte  des  traits  légen- 
daires; mais,  tout  en  montrant  l'influence  que  les  légendes 
ont  exercée  sur  le  développement  des  croyances,  des  dévo- 
tions et  des  coutumes  populaires,  on  doit  se  garder  de  les 
mettre  sur  le  même  plan  que  les  faits  historiques.  Notre  soin 
sera  d'éviter  cet  écueil. 


1.  Voir  Wh.  Levison,  Die  Iren  und  die  frânkische  Kirche  (Historiscbe 
Zeitschrift,  CIX,  1912,  p.  1-22),  notre  étude  :  L'œuvre  des  Scotti  dans 
V Europe  continentale  (Revue  d'histoire  ecclésiastique,  IX,  1908,  p.  21-37, 
255-277)  et  nos  Chrétientés  celtiques,  Paris,  191 1,  ch.  V,  Les  expansions 
irlandaises. 


Les  saints  irlandais.  201 

I.  —  Les  trois   grands  saints  nationaux. 

Les  trois  patrons  et  thaumaturges  à  qui,  dès  l'origine,  l'Ir- 
lande voua  un  culte  de  prédilection  sont  saint  Patrice, 
l'apôtre  de  l'île,  la  vierge  de  Kildare  Brigide  et  S.  Columcille, 
abbé  d'Iona. 

Saint  Patrice  a  parcouru  la  Gaule,  mais  c'est  seulement  en 
Irlande  que  son  apostolat  s'est  exercé.  Son  culte  fut  introduit 
dans  nos  pays  continentaux  par  les  tout  premiers  mission- 
naires d'outre-mer.  Son  natale  au  17  mars,  jour  demeuré 
sacré  entre  tous  pour  les  fils  d'Erin,  était  célébré  dès  le 
vme  siècle  à  Luxeuil,  à  Péronné  et  à  Fosses,  en  Belgique;  à 
Echternach,  Corbie,  Nivelles,  Reichenau  et  Péronne  proba- 
blement dès  la  fondation  de  ces  abbayes.  La  célébration  du 
17  mars  est  attestée  à  Trêves  et  à  Landévennec,  en  Bretagne, 
aux  xe  et  xie  siècles  *. 

Quand  on  connaît  l'ancienneté  et  la  large  diffusion  de  ce 
culte  liturgique,  on  ne  peut  s'étonner  que  la  piété  populaire 
se  soit  emparée  à  son  tour  de  ce  saint  étranger  pour  en  faire 
un  de  ses  héros  préférés. 

Beaucoup  d'églises  et  de  monastères  se  vantaient  de  possé- 
der de  ses  reliques  :  Saint-Pierre  de  Reims,  Lisieux,  Issou- 
dun,  Pfâvers,  en  Suisse,  Lumiar,  près  de  Lisbonne.  Le  village 
de  Neubronn,  à  une  demi-lieue  de  Hohenstadt,  près  d'Aalen 
(Wurtemberg),  possède  une  image  du  saint  qui  est  l'objet 
d'une  grande  vénération  dans  le  pays  2.  Patrice  est   invoqué 


1.  Vita  Gertrudis  (M.  G.  H.,  Script,  ver.  merov.,  II,  p.  462-463)  pour 
Fosses)  ;  L.  Gougaud,  art.  Celtiques,  (liturgies),  dans  le  Dict.  d'Arcbe'ol. 
de  Cabrol  et  Leclercq,  col.  3005  (pour  Luxeuil,  Nivelles,  Reichenau,  Landé- 
vennec) ;  Br.  Krusch,  Chronologisches  ans  Handschri/ten  (Neues  Archiv.,X, 
1885,  p.  92)  (pour  Corbie)  ;  The  Calendar  of  saint  IV illibrord ,  éd.  H.  A. 
Wilson  (H.  Bradshaw  Soc),  London,  1918,  p.  5  (pour  Echternach); 
P.  Miesges,  Der  Trier  Festkalender  (Trierisches  Archiv.,  Ergànzungsheft 
XV,  191 5,  p.  38);Kuno  Meyer,  Verses  front  a  chapel  dedicated  to  saint 
Patrick  at  Péronne  (Eriu,  V,  191 1,  p.  100). 

2.  A.  Birlinger,  Ans  Schwaben  :  Sagen,  LegenJcn,  Aberglauben,  Sitten, 
Wiesbaden,  1874,  p.  67-68. 


202  L.  Gougaud. 

comme  protecteur  du  bétail  dans  la  Haute-Styrie  ';  ailleurs, 
on  le  prie  pour  la  guérison  des  sourds-muets  - .  D'après  un 
dicton  breton,  celui  qui  tue  un  perce-oreille  avec  son  doigt 
a  la  bénédiction  de  saint  Patrice  \  Cela  s'explique  sans  doute 
par  la  croyance  invétérée  qui  voulait  que  l'apôtre  de  l'Irlande 
eût  chassé  de  l'île  les  serpents  et  toutes  les  bêtes  venimeuses. 

Les  Irlandais  professaient  de  singulières  opinions  sur  leurs 
saints.  Ils  n'hésitaient  pas  à  leur  attribuer  les  rôles  les  plus 
extraordinaires  et  à  leur  assigner,  dans  la  hiérarchie  des  Bien- 
heureux, les  tout  premiers  rangs.  Ainsi  l'opinion  que  saint 
Patrice  serait  appelé  à  juger  tous  les  Irlandais  au  jour  du  juge- 
ment s'était  accréditée  parmi  eux  4.  Quant  à  Brigidê  de  Kil- 
dare,  la  piété  irlandaise  allait  jusqu'à  la  confondre  en  quelque 
sorte  avec  la  Mère  de  Dieu  :  ses  fidèles  l'appelaient  «  la  Marie 
des  Gaëls  »  et  même  «  Mère  de  Jésus  »  5 . 

La  sainte  de  Kildare  jouit  d'une  extraordinaire  popularité 
dans  toute  l'Europe  occidentale.  Il  n'est  pas  douteux  que  cette 
célébrité  ne  soit  attribuable  à  l'intense  propagande  qu'organi- 
sèrent, partout  où  ils  pénétrèrent,  les  moines,  missionnaires 
et  peregrini  irlandais  en  faveur  de  leurs  saints  nationaux. 

Un  écrivain  allemand  du  xme  siècle,  Nicolas  de  Bibera,  se 
raille  de  certains  travers  de  ces  étrangers  et  notamment  des 
exagérations  auxquelles  les  conduisait  leur  admiration  sans 
limite  pour  les  saints  de  leur  race.  Voici  ce  qu'il  écrit  des 
Scotti  qui  peuplaient  encore  de  son  temps  l'abbaye  de  saint 
Jacques  à  Erfurt  : 

i.  Richard  Andrée,  Votive  Weihgaben  des  katholischen  Volks  in  Si'td- 
deutscbland,  Braunschweig,  1904,  p.  38. 

2.  Voir  le  Tàblet  du  29  mars  1890,  p.  486  ex.  Notes  and  Oueries,  7*  sér. 
X,  1890,  p.  9  et  97. 

3.  «  An  hini  a  lac'b  etir  gàflôSten  g  and  e  vis  —  En  eus  benno\  \ûnt  Patris  » 
(E.  Ernault,  Dictons  et  proverbes  bretons,  dans  Mélusine,  XI,  col.  310.) 

4.  Livre  d'Armagh,  fol.  8  a  (Cf.  Vie  tripartite  de  Patrice,  éd.  Whitley 
Stokes,  London,  1887,  p.  296);  Liber  Angeli,  ibid.,  p.  355  ;  Seconde  Vision 
d'Adamnan  (Revue  celtique,  XII,  p.  420);  Homélie  du  Lebar  Breac  sur  Patrice 
(Vie  Irip.,  p.  477)  ;  Prière  de  Ninine  (The  Irish  Liber  hyninormn,  éd.  Ber- 
nard et  Atkinson,  London,  1898,  II,  p.  36);  Vie  tripartite,  p.  31,  258- 
261. 

5.  V.  Chrétientés  Celtiques,  p.  261  ;  G.  L.  Hamilton,  The  Sources  of  the 
Fates  of  the  Apostles  and  Andréas  (Modem  Language  Notes,  XXXV,  1920, 
P-  394). 


Les  saints  irlandais.  203 

Sunt  et  ibi  Scoti,  qui  cum  fuerint  bene  poti, 
Sanctum  Brandanunl  proclamant  esse  decanum 
In  grege  sanctorum,  vel  quod  Deus  ipse  deorum 
Brandani  frater  sit  et  eius  Brigida  mater. 
Sed  vulgus  miserum  non  credens.hoc  fore  verum 
Estimât  insanos  Scotos  simul  atque  profanos 
Talia  dicentes...  *. 

Le  satirique  d'Erfurt  ajoute  que,  si  l'on  demandait  à  ces 
5co/// d'expliquer  ces  étrange  tés  théologiques,  ils  alléguaient 
la  parole  du  Seigneur:  «  Mater  mea  et  fr  aires  mei  hi  sunt  qui 
verbum  Dei  audiunt et  jaciunt  »  (Luc  vin,  21),  et  ils  concluaient 
ainsi  : 

Sic  Brigidam  matrem,  Brandanum  dicite  fratrem, 
Nam  perfecerunt  quecunque  Deo  placuerunt. 

Sainte  Brigide  était  fêtée  le  Ier  février,  au  vme  siècle,  à 
Reichenau  et  à  Echternach,  au  ixe  siècle,  à  Nivelles  et  peut-être 
aussi  à  Rheinau  2.  Pour  suivre  le  développement  de  son  culte, 
tant  officiel  que  populaire,  il  n'est  besoin  que  de  parcourir  la 
carte  des  établissements  des  Scolti  sur  le  continent  K  On  cons- 
tatera que  partout  où  Brigide  a  été  vénérée,  il  ,a  existé  une 
fondation  religieuse  ou  une  colonie  irlandaise. 

Dans  la  région  de  Saint-Omer,  zone  d'influence  irlandaise  4, 
les  paysans  vont  «  servir  sainte  Brigide  »  dans  une  église  où 
se  trouve  une  statue  de  la  sainte  (à  Wavrans-sur-1'Aa,  à  Leu- 
bringhen,  à  Norbecourt,  à  Givenchy-le-Noble,  à  Lumbres,  à 
Saint-Denis  de  Saint-Omer),  quand  ils  ont  besoin  de  son 

1.  Nicolaus  de  Bibera,  Carmen  satificum,èd.>ÏH.  Fischer  (Geschichts- 
quellen  der  Provins  Sachsen,  I,  1870,  v.  1 5  50- 1 565,  p.  90).  Cf.  Winterfeld, 
Deutsche  Dichter,  p.  420-430. 

2.  V.  mon  art.  Celtiques  (liturgies),  rec .  cité,  col.  3005  ;  Calendrier  de 
S.  Willibrord,  éd.  Wilson,  p.  4;  L.  Delisle,  Mémoire  sur  d'anciens  sacra- 
nte nt  aires,  p.  311.  Le  fragment  de  calendrier  contenu  dans  le  Codex  Rhe- 
naug.  N°  30  de  Zurich  fut  apporté  de  Nivelles  à  Rheinau  par  S.  Fintan.  Cf. 
E.  Egli,  Das  sog.  Fintan-Martyrologium  (Anieiger  f.  schivei^erische  Gcschi- 
chte,  nouv.  sér.  VI,  1890-93^.  1 36-141). 

3.  V.  la  carie  placée  à  la  fin  de  mes  Chrétientés  celtiques. 

4.  Chrétientés  celtiques,  p.  149,  Wh.  Levison,  Die  Iren,  p.  5. 


204  L.  Gougaud. 

secours  pour  obtenir  la  guérison  de  leurs  bêtes  '.  Les  paysans 
wallons  viennent  également  invoquer  la  sainte  pour  leur  bétail 
dans  la  chapelle  qui  lui  est  dédiée  sur  la  colline  qui  domine 
la  ville  de  Fosses,  laquelle  doit  son  origine  à  une  abbaye 
fondée  au  vme  siècle  par  l'irlandais  S.  Feuillen.  Les  pèlerins  y 
font  bénir  des  baguettes  dont  ils  touchent  leurs  vaches 
malades2. 

Liège,  où  il  exista,  au  ixe  siècle,  une  colonie  irlandaise  3,  a 
une  église  sous  le  vocable  de  la  sainte  4. 

La  création  de  l'église  paroissiale  de  sainte  Brigide  (main- 
tenant supprimée)  à  Cologne  remonte  à  l'époque  où  les  abbayes 
de  saint  Martin  et  de  saint  Pantaléon  échurent  aux  Scotti  (xe- 
xie  siècles)  >.  Cette  église  de  sainte  Brigide  se  trouvait  située 
dans  le  voisinage  de  la  première  de  ces  abbayes6.  Quatre 
autres  églises  paroissiales  et  sept  chapelles  du  diocèse  de 
Cologne  sont  encore  dédiées  à  la  vierge  de  Kildare  sous  le 
patronage  de  laquelle  les  paysans  de  la  région  placent  leurs 
animaux  domestiques  7. 

Une  chapelle  et  un  bénéfice  de  sainte  Brigide  sont  signalés 
à  Mayence.  Ils  se  rattachaient  à  l'ancienne  église  Saint-Paul, 
qu'on  donne  comme  une  Schottenkirche.  Cette  chapelle  était 
située  dans  l'Altenmùnstergasse  8. 


i.  Communication  de  M.  l'Abbé  E.  Guibert,  auteur  d'une  brochure  sur 
le  culte  local  de  sainte  Brigide  dans  la  région  deSaint-Omer,  publiée  à  Saint- 
Omer  en  1921. 

2.  Cahier,  Caractéristiques  des  saints,  p.  140.  Sur  les  autres  églises  ou 
chapelles  dédiées  à  sainte  Brigide,  voir  T.  A.  Walsh,  Irish  Saints  in  Bel- 
gium  (Ecclesiastical  Revieiv,  XXXIX,  1908,  p.    133-134). 

3.  Chrét.  celt.,p.  165,  289-290. 

4.  J.  Brassinne,  Analecta  Leodiensia,  Liège,  1907,  p.  82. 

5.  Chrétientés  celt.,  p.  1 70-171. 

6.  K.  H.  Schaefer,  Kirchen  und  Christentum  in  dem  spdtroinischen  uni 
frûmittelalttrlichen  Kôln  (Annalen  d.  hist.  Ver.  f.  den  Niederrbein,  XCVIII, 
1916,  p.  m).  L'église  Saint-Martin  de  Cologne  garde  des  reliques  delà 
sainte.  Elle  était  honorée  à  Trêves  dès  le  xe  siècle.  (Miesges,  op.  cit., 
p.  26.) 

7.  L.  Korth,  Die  Patrocinien  der  Kirchen  und  Kapellen  in  Eijbistum 
Kohi,  Dùsseldorf,  1904,  p.  39  s.  ;  Adam  Wrede,  Rbeinische  Volkskitnde, 
Leipzig,  1919,  p.  155. 

8.  F.  J.  Bodmann,  Rheingauischi  Alterthùmer,  Mainz,  1819,  II,  p.  593. 


Les  saints  irlandais.  205 

Parlant  de  la  collégiale  de  Saint-Pierre-le-Vieux,  Grandi- 
dier  écrit  dans  son  Histoire  de  ï église  et  des  évéques  de  Stras- 
bourg :  «  On  y  révère,  le  Ier  février,  les  reliques  de  sainte  Bri- 
gitte de  Kildare.  On  appelle  encore  de  nos  jours  certains  can- 
tons, qui  appartiennent  à  la  collégiale,  les  dîmes  de  sainte 
Brigitte,  non  pas,  comme  quelques  papiers  semblent  l'assurer, 
pour  avoir  été  données  à  l'église  de  Honau  par  cette  sainte, 
mais  parce  que  les  Ecossais  ou  Irlandais  qui  vinrent  l'habiter 
y  apportèrent  de  leurs  pays  une  partie  de  ses  reliques,  ce  qui 
engagea  les  peuples  à  honorer  du  nom  de  sainte  Brigitte  les 
biens  qu'ils  lui  consacrèrent.  Les  chanoines  de  Saint-Pierre-le- 
vieux  [à  Strasbourg]  ont  dans  leur  compétence  les  pains  de 
sainte  Brigitte,  et  leurs  meilleurs  vins  portent  aussi  la  rubrique 
de  cette  sainte  '  ». 

L'église  de  Saint-Michel  à  Schotten,  ville  du  Grand-Duché 
de  Hesse  qui  tire  son  nom  d'une  colonie  de  Scotti,  a  un  de 
ses  autels  dédié  à  sainte  Brigide  et  un  autre  au  saint  breton 
Josse  2. 

Les.  archives  de  l'église  de  Liestal,  près  de  Bâle,  conservent 
la  trace  des  donations  faites  à  sainte  Brigide  au  commencement 
du  xme  siècle  et  d'un  lumen  sanctae  Brigidae  >.  Un  document 
de  l'année  1507  compte  l'abbesse  de  Kildare  au  nombre  des 
patrons  de  cette  église,  et  un  autre  de  1608,  mentionne  une 
«  Gotteshaus  sankt  Prigithae  zu  Liestal  ».  «  Par  quel  canal  ce 
culte  a-t-il  pu  d'Irlande  atteindre  Liestal  ?  C'est  pour  moi  un 
mystère  »  déclare  l'auteur  d'une  récente  étude  sur  les  saints 
et  les  églises  du  pays  de  Bâle  4.  Cependant,  sans  recourir  à 
l'abbaye  de  Saint-Gall,  qui  est  assez   éloignée    de  Liestal s, 

1.  Grandidier,  Histoire  de  l'église  et  des  êvèques  de  Strasbourg,  Strasbourg, 
1878,  I,  p.  406. 

2.  S.  A.  Wùrdtwein,  Diocesis  Moguntina  in  archidiaconatus  distincta, 
Mannhemii,  1777,  III,  p.  87  ;  Heber,  Dieneun  vormaligen  Scottenkirchen  in 
Main^und  in  Oberhessen  (Archiv.  f.  hessische  Geschichte  u.  Alterthumskunde, 
IX,  1861,  p.  319-348). 

3.  Un  feu  perpétuel  fut  entretenu  à  Kildare  en  l'honneur  de  sainte  Bri- 
gide, jusqu'à  la  Réforme. 

4.  Karl  Gauss,  Die  Heiligen  der  Gotteshàuser  von  Baselland  (Basler 
Zeitschiift  filr  Geschichte  und  Altertumskunde,  II,   1902,  p.  152-153). 

5.  Le  P.  Poncelet,  bollandiste,  a  fait  remarquer  qu'une  légende  acclima- 
Revue  Celtique,  XXXIX.  14 


2o6  L.  Gougaud. 

pour  trouver  la  solution  de  ce  problème,  on  peut  mentionner 
l'abbaye  voisine  de  Sâckingen,  qui  est  considérée  comme  de 
fondation  irlandaise,  et  aussi,  à  quelque  distance  en  amont  sur 
le  Rhin,  l'abbaye  de  Rheinau,  où  vécut  S.  Fintan. 

Les  livres  liturgiques  de  Gênes  attestent  aussi  que  le  culte 
de  Brigide  fleurit  en  Ligurie.  Le  voisinage  de  Bobbio  fourni- 
rait une  explication  naturelle  de  ce  fait;  mais  M.  Cambiaso 
nous  en  offre  une  autre  dans  son  ouvrage,  Lïanno  ecclesiastico  e 
le  /este  dei  santi  in  Genova,  publié  en  1917.  Ce  culte  aurait 
été  implanté  dans  cette  région  par  les  chanoines  réguliers  du 
Latran,  lesquels  comptent  sainte  Brigide  parmi  leurs  chanoi- 
nesses1.  En  effet,  si  étrange  que  cela  paraisse,  les  chanoines 
réguliers  ont  bel  et  bien  prétendu  que  saint  Patrice  fut  un  des 
leurs  et  que  sainte  Brigide  se  sanctifia  pareillement  dans  leur 
ordre  2. 

Il  a  été  fait  mention  ci-dessus  de  vignobles  et  d'autres  terres 
consacrés  à  notre  sainte.  Les  paysans  d'Amay,  village  situé 
entre  Huy  et  Liège,  croient  encore  aujourd'hui  que  la  terre 
bénite  de  sainte  Brigide  guérit  les  bestiaux  et  qu'elle  éloigne 
des  étables  les  méchantes  gens  et  les  sorcières.  «  On  y  croit 
tellement  qu'on  répand  de  cette  terre  ci  dix  lieues  à  la  ronde  3.  » 

Sainte  Brigide,  qui  est  invoquée  dans  la  prière  irlandaise  de 
S.  Molling  pour  la  protection  des  voyageurs,  l'est  pareillement 
dans  un  Rcisesegen  allemand  du  xve  siècle  4.  Son  nom  figure 
aussi  dans  des  formules  de  bénédictions  contre  les  intempéries  >. 

tée  à  l'abbaye  de  Saint-Gall  faisait  de  sainte  Brigide  une  parente  de  saint 
Gall  lui-même  (Anaîecta  Bollaniiana,  XXIII,  1904,  p.  335).  L'abbaye  de 
Pfàvers  ou  Pfafers  (cant.  de  Saint-Gall,  Suisse)  possédait  des  reliques  de 
sainte  Brigide  et  d'autres  saints  irlandais.  Voir  E.  A.  Stueckelberg,  Ges- 
chichtè  dcr  Reliquicn  in  der  Schwefy,  Zurich,  1902,  p.  7-8. 

1.  Cambiaso,  op.  cit.,  p.  122. 

2.  V.  l'art.  Canons  and  Canonesses  fègular  du  Révérendissime  A.  Alla- 
ria,  abbé  de  San  Teodoro  de  Gênes,  dans  la  Catholic  Encyclopaediu,  col. 
290-291. 

3.  Auguste  Hock,  Croyances  et  remèdes  populaires  du  pays jk  Liège,  Liège, 
[1873],  p.  84. 

4.  A.  Schoenbach,  Zuvi  Tdbiassegen  (Zettschrift  fi'ir  deatsches  Alterliau, 
XXIV,  p.  185).  Cf.  L.  Gougaud,  Etude  sur  les  loricae  celtiques  (Bulletin 
d'anc.  lit.  et  d'archéol.  chrétiennes,  II,  191 2,  p.  125). 

5.  Ad.  Franz,  Die  Kirchiichen  Beuediktionen,  Freiburg  i.  Br.,  1909, 
p.  100,  101,  104. 


Les  saints  irlandais.  ïoj 

Dans  les  campagnes  bretonnes,  la  popularité  de  sainte  Bri- 
gide  se  manifeste  encore  de  nos  jours  sous  diverses  formes  '. 
Il  y  a  quelques  années,  il  y  avait  dans  une  des  chapelles  frai- 
riales  du  Morbihan  qui  lui  est  dédiée,  une  très  vieille  statue 
en  bois,  toute  vermoulue,  avec  les  caractéristiques  bien  recon- 
naissables  de  la  sainte  irlandaise.  Le  recteur  acheta,  pour  la 
remplacer,  une  statue  neuve,  en  beau  plâtre,  cà  filets  d'or, 
représentant  sainte  Brigitte  la  suédoise.  La  population  de  la 
frairie  protesta,  disant  :  «  On  nous  a  changé  notre  sainte 
Bréhet  ;  nous  ne  voulons  pas  de  celle-ci  et  nous  ne  lui  appor- 
terons aucune  offrande  ».  Et  ce  qui  fut  dit  fut  fait.  Le  pro- 
cureur de  la  chapelle  en  donna  sa  démission  2. 

S.  Columbaou  Columcille,  abbé  d'Iona  (*{-  597),  fut  moins 
connu  sur  le  continent  que  les  deux  précédents.  Cependant 
Adamnan,  son  biographe  et  son  successeur,  affirme  qu'à  la  fin 
du  viie  siècle  son  nom  avait  déjà  pénétré  en  Espagne,  dans  les 
Gaules,  au-delà  des  Alpes  pennines  et  jusqu'à  Rome,  capitale 
de  toutes  les  cités  3.  D'autre  part,  le  nom  du  saint  abbé  est 
inscrit  dans  le  calendrier  de  S.  Willibrord,  qui  date  des  pre- 
mières années  du  vme  siècle,  au  9  juin,  jour  de  son  natale. 
L'éditeur  dudit  calendrier,  M.  Wilson,  remarque  à  ce  propos 
que  cette  commémoration  est  probablement  due  aux  rapports 
que  S.  Willibrord  eut  avec  l'Irlande,  où  il  passa  une  douzaine 
d'années4. 

On  trouve  le  nom  du  saint  associé  à  diverses  pratiques 
superstitieuses  ayant  pour  but  d'obtenir  sa  protection  soit 
contre  les  tempêtes,  soit  contre  le  feu,  soit  contre  les  rats  des 
champs. 

Voici  d'abord  un  charme  que  nous  a  conservé  un  manu- 
scrit de  la  bibliothèque  de  Munich,  du  xive  siècle  : 


1.  Voir  A.  Le  Braz,  Les  saints  bretons  d'après  la  tradition  populaire 
(Annales de  Bretagne,  IX,  1893-94,  p.  44  s.);  Paul  Sebillot,  Petite  légende 
dorée  de  la  Haute-Bretagne,  Nantes,  1897,  p.  115  s. 

2 .  Je  tiens  ces  détails  de  M.  le  Chanoine  Buléon,  curé  de  la  cathé- 
drale de  Vannes,  qui  me  les  a  obligeamment  communiqués  le  6  novembre 
1921. 

3.  Vita  Columbae,  III,  23,  éd.  Fowler,  p.  164-165. 

4.  Wilson,  op.  cit.,  p.  32. 


208  L.  Gougaud. 

Contra  tempestatem  isti  très  versus 
scribantur  in  cedulas  quatuor  et  ponantur 
subter  terrain  in  quatuor  partes  provincie  : 
-J-  sancte  Columquille,  remove  mala  queque  procelle, 
-j-  ut  tune  orasti,  de  mundo  quando  niigrasti, 
-j-  quodtibi  de  celis  promisit  vox  Michaelis  ». 

Adamnan  parle  bien  du  pouvoir  que  le  saint  obtint  du  ciel 
de  commander  aux  vents  et  qu'il  exerça  dans  différentes  cir- 
constances, mais  il  ne  dit  nulle  part  que  ce  privilège  lui  fut 
communiqué  par  l'archange  saint  Michel2. 

On  a  des  variantes  très  intéressantes  de  la  formule  précé- 
cédente.  L'une  d'elles  est  ainsi  conçue  : 

Sancte  Columquille,  remove  dampna  favilla, 
Atque  Columquillus  salvet  ab  igné  domus  3. 

Comme  on  le  voit,  c'est  contre  le  feu  qu'on  invoque  ici 
saint  Columcille.  D'après  une  légende  irlandaise,  il  aurait  en 
effet  éteint  un  incendie  en  chantant  l'hymne  Noli  pater,  dont 
on  lui  attribue  le  composition4. 

Un  manuscrit  du  xvic  siècle,  conservé  à  la  bibliothèque  de 
Linkôping,  en  Suède,  donne  la  formule  suivante  : 

Sancta  Kakwkylla, 

remove  dampnosa  facilla  vel  favilla 

quod  tibi  de  celis 

concessit  vox  micaelis  5. 

Dans  ce  charme,  calqué  sur  celui  de  Munich,  le  mot  favilla 
a  été  substitué,  comme  dans  le  précédent,  à  procclla,  et,  de 


i.  A.   Schoenbach,  .  Etne  Auslese  altdeuscher     Segensformeln   (Analecta 
Graeciensia,  Graz,   1893,  p.  45)(Cod.  lat.  Monacensis  7021,  xive  s.). 

2.  Vita  Columbae,  III,  24,  p.  163.  Une  autre  fois,  la  tempête  fut  apaisée 
grâce  à  la  prière  de  S.  Cainnech  (II,  1 3,  p.  82-83). 

3.  Ms.  de  Pembroke  Collège  à  Oxford  (xive  siècle).  Mowat,  Anecdota 
Oxoniensia  (Mediaeval  and  modem  Séries) ,  Oxford,   1882,  p.  3. 

4.  Préface  du   Noli  Pater  dans  l'Irish  Liber  Hymiiorum,  éd.   citée,  II, 
p.  28. 

5.  A.  G.  Noreen,  Altscbwediscbes  Lesebuch,  Halle,    1892-94,  p.  98   s. 
(No  180). 


Les  saints  irlandais.  209 

plus,  une  sainte  par  ailleurs  inconnue,  sancta  Kakwkylla,  a 
piis  la  place  de  saint  Columcille.  Ce  nouveau  personnage  n'a 
pas  laissé  d'intriguer  les  folkloristes  \  Maintenant  ils  savent 
que  ce  nom,  absolument  inconnu  autrement,  est  né  de  la 
déformation  graphique  de  celui  de  Columcille.  C'est  en  Alle- 
magne que  la  déformation  s'est  produite.  Ce  qui  le  prouve, 
c'est  premièrement  la  recette  suivante  contre  les  rats  : 

Fur  die  ratzen  schreib  dise  wort  an  vier  ort  in  das  haws 
«  Sanctus  Kaku-kabilla 1.  » 

Et  c'est,  en  second  lieu,  l'image  d'une  sainte  (ici  le  chan- 
gement de  sexe  a  eu  lieu)  qui  figure  sur  un  autel  de  l'église  de 
l'ancien  monastère  de  Saint-Ulrich  à  Adelberg ,  dans  le  Wur- 
temberg, et  dont  l'inscription  porte  Cutubilla.  Une  peinture  de 
Zeitldorn  (Basse-Bavière)  représente  la  même  sainte  mysté- 
rieuse; Dans  les  deux  cas,  sainte  Cutubilla  a  deux  souris  à  ses 
pieds  5. 

Comme  le  nom  de  l'abbé  d'Iona  s'écrivait  en  latin  Colum- 
cilla,  témoin  l'inscription  du  calendrier  de  S.  Willibrord,  on 
en  aura  conclu  que  ce  nom  désignait  une  sainte.  Voilà  com- 
ment l'intruse  Cutubilla  ou  Kakwkylla  est  devenue,  dans  le 
folklore  germanique,  une  concurrente  de  sainte  Gertrude  de 
Nivelles  pour  la  destruction  des  souris,  des  rats  et  des 
mulots  4. 


IL  —  Saint  Brendan  le  Navigateur. 

Quand  et  sous  quelle  forme  l'histoire  merveilleuse  des 
fabuleuses  navigations  de  saint  Brendan  fut-elle  apportée  sur 
le  continent  ?  Il  est  difficile  de  le  dire  avec  précision.  Le  plus 

1.  W.  Drexler,  Noch  einmal  Sancta  Kakukabiïïa-Cutubilla  (Zeit.  des 
Vereins  fur  V olhhmde ,  VIII,  1898,  p.  341-342).  Cf.  H.  Gaidoz,  dans 
Mèlusine,  XI,  col.  3. 

2.  W.  Drexler,  toc.  cit. 

3.  Heinrich  Otte,  Handbuch  der  kirchiichen  Kunst-Archaeologie  des  deut- 
schen  Mittelalters,  Leipzig,  1883,  I,  566  ;  R.  Andrée,  Votive  Weihgaben, 
p.  16  ;  J.  ZiNGERLE  dans  l.i  Zeitsch.  des  Ver.f.  Volkskunde,  I,  p.  444. 

4.  Drexler,  toc.  cit.  ;  R.  Andrée,  toc.  cit. 


210  L.  Gouverna. 

ancien  récit  delà  légende  est,  semble-t-il,  celui  de  la  Navigaiio 
Brendani,  composition  latine  qui  remonte  au  xe  ou  au  XIe 
siècle.  Le  chroniqueur  bénédictin  Raoul  Glaber,  qui  vivait  au 
xie  siècle,  était  déjà  au  courant  de  l'odyssée  de  saint  Bren- 
dan  l.  La  plus  ancienne  adaptation  anglo-normande  en  vers 
de  la  Navigaiio  date  de  1120,  et  le  Von  Sente  Brandan,  la  plus 
ancienne  version  allemande,  remonte  aussi  au  xne  siècle2. 
Ensuite  la  Navigaiio  fut  traduite  en  prose  ou  mise  en  vers 
dans  presque  tous  les  idiomes  de  l'Occident. 

Il  est  vraisemblable  que  les  Irlandais,  disséminés  un  peu  par- 
tout, travaillèrent  à  répandre  le  récit  des  aventures  de  l'intré- 
pide navigateur,  dont  ils  faisaient  «  le  doyen  de  l'assemblée 
des  saints  »  et  même  le  frère  du  Christ  5.  Mais  les  histoires 
merveilleuses  dont  Brendan  était  le  héros  ne  furent  pas  accueil- 
lies partout  favorablement.  Il  nous  est  parvenu  un  poème  du 
xme  siècle  où  ces  débauches  d'imagination  sont  jugées  sévè- 
rement. Les  auteurs  de  ces  contes  feraient  bien  mieux,  suivant 
l'anonyme  qui  a  écrit  cette  pièce,  de  passer  leur  temps  à  copier 
les  psaumes  de  David  ou  à  les  réciter  pour  l'expiation  de 
leurs  propres  péchés  ou  de  ceux  de  leurs  frères,  plutôt  que  de 
les  repaître  de  pareilles  fables  : 

Expediret  magis  fratrem  psallos  David  scribere 
Vel  pro  suis  atque  fratrum  culpis  Deo  psallere 
Quam  scripturis  tam  impuris  idiotas  fallere*. 

Saint  Brendan,  dont  la  légende  occupa  une  si  grande  place 
dans  la  littérature  du  moyen  âge,  ne  joua  pas  un  grand  rôle 
dans  les  traditions  populaires  de  nos  pays. 

1 .  Raoul  Glaber,  Historiarim  libri  quinque,  II,  2  (Migne,  P.  L., 
CXLII,  629  s.).  Voir  Carl  Steinweg,  Die  handschriftlichen  Gestaltungen  der 
lateinischen  Navigatio Brendani (Romanische  Forschungen,Vïl,  1893,  p.  1  s.). 

2.  W.  Meyer,  Die  Uèberlieferung  der  deutschen  Brandanlegende,  Gôt- 
tingen,  1918,  p.  125. 

3.  Voir  plus  haut.  On  lit  encore,  dans  une  poésie  irlandaise  du  XIe 
siècle,  ces  mots  qui  s'adressent  à  S.  Brendan  :  «  L'antique  Rome,  pleine  de 
délices,  et  Tours  demeurent  sous  ta  protection,  etc.  »  (Kuko  Meyer,  Ein 
mittelinsches  Gedicht  auf  Brendan  den  Meerfahrer  dans  les  Comptes  rendus 
de  l'Ac.  de  Berlin,  Cl.  de  philos,  et  d'hist.,  XXV,  1912,  p.  440). 

4.  Ed.  Paul  Meyer  dans  la  Roman ia,  XXXI,  1902,  p.  378  ;  éd.  Ch. 
Plummer,  dans  Vitàefanctorum  Hiberniae,  Oxonii,  1910,  II,  p.  294, 


Les  sainis  irlandais.  21 1 

Dans  la  cathédrale  de  Gùstrow  (Mecklembourg-Schwerin), 
le  saint  est  représenté  avec  un  cierge,  qui,  d'après  la  légende, 
se  serait,  un  jour,  allumé  tout  seul.  En  1495,  au  cours  d'un 
incendie  qui  éclata  à  Wittstock  (Brandebourg),  les  gens  du 
pays  dont  la  profession  avait  des  rapports  avec  le  feu,  firent 
vœu  de  célébrer  annuellement  la  fête  du  saint,  le  26  décembre  '. 
On  l'a  déjà  pressenti,  l'association  du  nom  de  Brendan  avec 
la  flamme  d'un  cierge  et  avec  l'incendie  de  Wittstock  a  tout 
simplement  son  origine  dans  le  rapprochement  du  nom  du 
saint,  écrit  Brandon  ou  Brandan  en  Allemagne,  avec  le  mot 
Brand  —-  feu,  mot  quia  donné  le  vocable  français  «brandon». 

Quelques  manuscrits  conservés  dans  les  bibliothèques  du 
Continent  contiennent  une  Oratio  Brundani  composée  dans  le 
style  des  loricae  irlandaises.  Cette  prière,  d'une  saveur  supers- 
titieuse très  prononcée,  semble  avoir  joui  d'une  certaine  popu- 
larité au  moyen  cage  2. 

Saint  Brendan  a  été  invoqué  par  les  gens  mordus  par  une 
vipère.  Son  nom  figure  aussi  dans  des  formules  de  l'ordalie 
par  le  psautier  3. 

III.    — -  Les    moines   missionnaires  : 
Saint  Colomban  et  Saint  Gall 

S.  Colomban,  le  fondateur  des  monastères  d'Annegray,  de 
Luxeuil,  de  Fontaines  et  de  Bobbio,  et  l'auteur  d'une  règle 
monastique  qui  eut  quelque  faveur  en  Gaule,  marqua  de  sa 
forte  empreinte  les  moines  qui  passèrent  sous  sa  rude  disci- 
pline. Après  sa  mort,  son  influence  continua  de  se  faire  sen- 
tir grâce  à  ses  nombreux  disciples,  dont  beaucoup  jouèrent 
un  rôle  de  première  importance  dans  l'Église  et  dans  la  société 
au  viiie  siècle  4. 


1.  A.  Otte;  op.  cit.,  I,  p.  563. 

2.  Voir  mon  Etude   sur  les  loricae  celtiques  (Bul.  d'aiic.  lit.  et  cVarchèol. 
chrét.,  191 1,  p.  265  s.). 

3.  A.  Franz,  Benediktionen,  II,  p.  174,  363,   391. 

4.  Voir  Chrét.  Celtiques,  p.  148  s.  Levison,  Die  Iren,  p.  6. 


212  L.  Gougaud. 

Colomban  parcourut  la  Neustrie  et  l'Austrasie,  les  bords 
de  la  Loire,  de  la  Marne  et  du  Rhin,  et  il  traversa  la  Suisse 
pour  venir  mourir  à  Bobbio,  en  Italie,  en  l'année  615.  C'est 
là  qu'est  son  tombeau. 

Les  abba)'-es  de  Pfàvers  et  d'Einsiedeln,  en  Suisse,  possé- 
dèrent des  reliques  du  saint1.  L'empereur  Henri  II  le  Saint 
fit  placer  sous  son  vocable  un  autel  de  la  cathédrale  de  Bam- 
berg,  et  un  autel  de  l'église  abbatiale  d'Hirschau,  au  diocèse  de 
Spire,  fut  dédié,  en  1901,  «  aux  Saints  Pères  Benoît,  Columba, 
Colomban,  Gall  et  Magnus»  2.  Des  vers  en  l'honneur  de 
Colomban  figurent  dans  les  tituli  que  Raban  Maur  composa 
pour  l'église  de  Fulda  3. 

Une  caverne,  située  dans  un  lieu  élevé,  à  environ 
1500  mètres  au  N.-E.  d'Annegray,  passe  pour  avoir  servi 
d'ermitage  au  moine  irlandais.  Elle  porte  encore  son  nom, 
et  l'eau  qui  coule  au  pied  du  rocher  est  regardée  comme  mira- 
culeuse +. 

Le  souvenir  de  S.  Colomban  demeure  également  attaché 
à  deux  autres  cavernes  situées  aux  environs  de  Bobbio.  L'une 
d'elles  se  voit  dans  la  montagne,  à  la  Spanna.  Le  saint, 
d'après  la  tradition  populaire,  avait  coutume  de  s'y  retirer  de 
temps  à  autre.  On  remarque  un  creux  dans  le  roc  que  les 
gens  du  pays  considèrent  comme  l'empreinte  miraculeuse  de 
sa  main  s.  L'autre  grotte,  située  au  N.-O.  de  Bobbio,  serait 
le  lieu  où  l'abbé  rendit  le  dernier  soupir  6. 

1.  Stueckelberg,  Geschichte der  Reliquienin  der  Schuei%,p.  7,  8,  13. 

2.  St  Beissel,  Die  Verehrung  der  Heiligen  und  ihrer  Reliquien  in 
Deutschland  wàhrend  der  yweiten  Hàlfte  des  Mittelalters ,  Freiburg  i.  Br., 
1892,  p.  24. 

3.  M. G. H.,  Poet.  caro!.,  II,  p.  208,  216. 

4.  V.  mon  art.  du  Dict .  d'arch.  chrét.,  Colomban  (Archéologie  dé  saint), 
col.  2196,  Annegray,  com.  de  Voivre,  arr.  de  Lure  (Haute-Saône). 

5.  Art.  précité.  Cf.  D.  Cambiaso,  San  Colombano,  sua  opéra  e  suo  citlto  in 
Liguria  (Rivista  diocesanaGenovese,  VI,  1916,  t.  121-125).  Notons,  à  propos 
de  cette  empreinte,  que  saint  Magnus,  que  la  tradition  donne  comme  un 
disciple  de  saint  Gall,  ayant  traversé  le  Lech  pour  aller  évangéliser  l'Algàu, 
se  bâtit  une  cellule  au  lieu  appelé  ensuite  Mangstritt  (empreinte  de  saint 
Magnus),  où  s'éleva  plus  tard  le  monastère  deFùssen(M.  Ott,  art.  Magnus, 
dans  la  Cath.  Encyclopedia). 

6.  Art.  précité  du  Dict.  d'arch.  'chrét. 


Les  suints  irlandais.  1 1 3 

Les  fontaines  dédiées  à  S.  Colomban  en  Allemagne  et  une 
prière  en  vieil  allemand  (Segen  des  hl.  Columbanus),  qui  fait 
partie  d'un  recueil  de  prières  superstitieuses  du  xvie  siècle, 
prouvent  que  le  saint  fut  également  l'objet  d'un  culte  populaire 
en  terre  germanique  '. 

En  Bretagne  armoricaine,  pays  que  Colomban  n'a  pourtant 
pas  traversé  2,  il  a  été  anciennement  honoré,  comme  l'attestent 
d'assez  nombreuses  dédicaces  d'églises  et  de  chapelles  et  aussi 
les  anciens  livres  liturgiques  bretons3.  On  l'invoque,  depuis 
des  siècles,  à  Locminé  (Morbihan)  pour  la  guérison  des  fous 
et  des  épileptiques.  C'est  ce  qui  explique  l'expression  «  Kas 
'nan  de  Lominé  »  (il  faut  le  mener  à  Locminé),  pour  dire  : 
Il  est  fou  4. 

Dans  beaucoup  de  pays,  le  culte  de  S.  Gall  a  marché  de 
pair  avec  celui  de  son  maître,  S.  Colomban,  par  exemple  à 
Pfavers,  à  Einsiedeln,  à  Bamberg,  à  Hirschau  et  en  Ligurie  ;. 
Par  ailleurs,  M.  Stueckelberg  signale  une  soixantaine  de  loca- 
lités helvétiques  où  S.  Gall  est  (ou  a  été)  vénéré  et  plus 
d'une  douzaine  d'églises  allemandes,  alsaciennes  et  lorraines  qui 
conservent  de  ses  reliques  ou  qui  ont  été  placées  sous  son 
vocable  6. 

i .  A.  Weinhold,  Die  Verehrung  der  Quellen  in  Deutschland  (Abhandlun- 
gen  de  l'Acad.  de  Berlin,  188,  p.  37);  J.  Bolte,  Deutsche  Segen  des  16. 
Jahrhunderts  (Zeit.  d.  Vereins  f.  Vokshinde,  XIV,  1904,  p.  435).  La  même 
formule  se  rencontre  chez  Nisard,  Histoire  des  livres  populaires  (Paris,  1854, 
II,  p.  50)  avec  le  nom  de  Coloman,  fils  du  roi  Tibery  (sic)  d'Hibernie.  On 
possède  aussi  une  prière  latine  attribuée  à  saint  Colomban  (V.  mon  art. 
Celtiques  (liturgies)  dans  le  Dict.  d'arch.,  col.  2986). 

2.  Chassé  de  Luxeuil,  en  610,  par  Thierry  II  et  Brunehaut,  Colomban 
suivit  la  Loire  jusqu'à  Nantes  ;  mais,  en  venant  d'Irlande  en  Gaule,  il  n'est 
pas  passé  par  la  Bretagne  armoricaine,  comme  je  crois  l'avoir  démontré  dans 
mon  art.  sur  L'itinéraire  de  saint  Colomban  venant  en  Gaule  (Annales  de 
Bretagne,  XXXI,  1907,  p.  327-343).  Cf.  Neues  Archiv  (XXXII,  p.  5 18- 
519)  et  Analecta  Bollandiana  (XXVI,  p.  477). 

3.  Voir  Colomban  (Archéologie  de  saint),  col.  2196  ;  J.  Loth,  Les  noms 
des  saints  bretons,  Paris,  1910,  p.  25  ;  [F.  Duine],  Mémento  des  sources  hagio- 
graphiques de  l'histoire  de  Bretagne,  Rennes,   19 18,  p.  120  s. 

4.  E.  Ernault,  dans  Mélusine,  XI,  208. 

5.  Stueckelbekg,  loc.cit.;BEissEL,loc. cit.  ;D .  Cambiaso,  L'anno  ecclesias- 
tico  e  le  [este  dei  santî  in  Genova,  Genova,  19 17,  p.  248. 

6.  Wittnau  (en   809),  Weissenau  (en    1172),  Gallenweiler  (en  1173), 


214  -£■•  Gougaud. 

S.  Gall  occupe  une  place  importante  dans  les  dévotions 
populaires  de  l'Allemagne.  On  le  trouve  parmi  les  génies  de 
fontaines  (Brunnenheiligen')  \  On  l'invoque  aussi,  notamment 
en  Bavière,  comme  saint  nourricier  (Speisespender^)  2.  C'est  à 
ce  titre,  qu'il  figure  dans  un  Tobiassegen,  ou  bénédiction  à 
l'usage  des  voyageurs  : 

Santé  Galle  dîner  spise  pflege. 
Sanie  Gêrdrût  dir  herberge  gebe. 
(Que  S.  Gall  te  donne  le  vivre  et  Stc  Gertrude  le  gîte.)  ' 

Le  jour  de  sa  fête  (16  octobre)  est  une  date  cardinale  du 
calendrier  rustique  de  l'Alsace,  comme  l'indiquent  les  dic- 
tons suivants  : 

Selon  que  S.  Gall  le  voudra, 
L'été  prochain  se  montrera. 

Au  jour  de  S.  Gall,  crac  ! 
La  pomme  doit  être  au  sac. 

A  la  Saint-Gall  la  vache 
Dans  l'écurie  se  cache. 

S.  Gall,  Dieu  nous  protège  ! 
Laisse  tomber  la  neige  *. 

IV.  —  Saints  spécialement  honorés 
en  Belgique  et  en  France. 

L'histoire  de  sainte  Dimplme  ou  Dympna  est  remplie  de 
points  obscurs.  Son  irlandicité  elle-même  reste  douteuse .  La 
légende  en  fait  la  fille  d'un  roi  païen  d'Irlande.  Secrètement 

Murbach,  Constance,  Ueberlingen,  (en  ijoo),  Reichenau,  Metz,  Seefelden, 
Zimmern,  Biethingen,  Gutestein,  Saint-Biaise  (Ë.  A.  Stueckelberg,  Die 
schivei^erischen  Heiligen  des  Mitteîalters,  Zurich,  1903,  p.  51). 

1.  Weinhold,  loc.cit. 

2.  M.Hoefler,  Die  Kalènder-heïligen  als  Krankheits-patrone  beim  bayer- 
ischen  Volk  (Zeitsch.  d.  Ver.j.    Volkshinde,  1,  1891,  p.  302). 

3.  Mùllenhoff  et  Scherer,  Denkmâler  deutscher  Poésie  undProsa,  Ber- 
lin, 1892,  I,  p.  189.  Le  16  octobre,  on  bénissait  du  vin  destiné  à  soulager 
les  fiévreux.  Voir  la  formule  chez  Franz,  Benediktionen,  II,  p.  478-479. 

4.  P.  Ristelhuber,  La  Saint-Gall  (Revue  des  traditions  populaires,  X, 
1895,  p.  602). 


Les  saints  irlandais.  215 

baptisée,  elle  aurait  fui  sa  patrie  pour  éluder  un  infâme  des- 
tin. Elle  aurait  abordé  à  Anvers  et  se  serait  fixée  à  Gheel. 
Son  père,  ayant  découvert  le  lieu  de  sa  retraite,  aurait  passé 
les  mers  pour  la  rejoindre  et  finalement  l'aurait  mise  à  mort 
de  sa  propre  main.  La  sainte  est  supposée  avoir  vécu  au  vie 
ou  au  viie  siècle,  mais  le  plus  ancien  témoignage  de  la  véné- 
ration de  la  vierge  et  martyre  ne  remonte  pas  plus  haut  que  le 
milieu  du  xme  siècle  ' . 

Elle  a  un  autel  au  béguinage  de  Hasselt  (Limbourg  belge), 
un  autre  dans  l'église  de  Saint-Quentin  de  la  même  ville,  un 
troisième  à  Herck-la-Ville  2  ;  mais  elle  est  tout  particulière- 
ment vénérée  à  Gheel  (province  d'Anvers),  où  on  l'invoque  pour 
la  guérison  des  aliénés,  dont  cette  ville  possède  une  colonie. 

Autrefois  on  faisait  subir  aux  fous  un  traitement  qui  con- 
sistait à  passer  neuf  fois  en  rampant  sous  le  cénotaphe  de  Dim- 
phne.  Le  lieu  où  s'accomplit  le  rite  est  appelé  par  les  gens 
du  pays  kruip.huise (la  maison  où  l'on  passe  en  rampant).  «  Le 
1 5  mai,  jour  de  la  fête  de  la  martyre,  il  y  a  ganging  (pèlerinage 
général),  et  des  centaines  de  paysans  et  de  paysannes  des 
environs,  qui  ne  sont  ni  des  aliénés  ni  des  malades,  passent 
sous  le  cénotaphe  3.» 

Sur  les  pas  de  S.  Fursy  (f  v.  650)  et  de  ses  deux  frères 
Feuillen  et  Ultain,  on  foule  un  terrain  plus  solide  4. 

Le  culte  officiel  de  Fursy  remonte  à  l'époque  mérovin- 
gienne 5.  Il  est  le  patron  de  Péronne,  qui  conserve  sa  sépul- 
ture, ainsi  que  de  sept  autres  paroisses  du  diocèse  d'Amiens. 
Plusieurs  chapelles  et  fontaines  perpétuent  aussi  sa  mémoire 
en  Picardie  é. 

Le  tombeau  de  Fursy  fut  un  lieu  cher  à  la  piété  irlandaise. 
Feuillen  et  Ultain  furent  parmi  les  premiers  qui  passèrent  la 


1.  L.  Van  der  Essen,  Étude  critique  et  littéraire  sur    les  vitae  des  saints 
mérovingiens  de  V ancienne  Belgique,  Louvain,  1907,  p.   316. 

2.  J.  Brassinne,  op.  cit.,  p.  85. 

3.  H.  Gaidoz,  Un  vieuxrite  médical  (Mélusine,  VIII,  252). 

4.  V.  Chrétientés  celtiques,  p.  150  s. 

5.  L.  Delisle,  op.  cit.,  p.  310. 

6.  Norbert  Friart,  Histoire  de  saint  Fursy,  de  saint  Feuillen  et  de  saint 
Ultain,  Lille  [191 3],  p.  462. 


2i 6  L.  Gongaud. 

mer  pour  s'y  rendre  en  pèlerinage.  Feuillen  ne  séjourna  pas 
longtemps  au  monastère  de  Péronne,  il  vint  bientôt  résider  à 
Nivelles,  attiré  là  par  Itte,  femme  du  maire  du  palais  Pépin  II, 
et  par  sa  fille  l'abbesse  Gertrude,  auprès  desquelles  les  Scotti 
étaient  personne  grataè  l. 

Feuillen  reçut  d'Itte  en  donation  la  terre  de  Fosses,  où  il 
fonda  un  monastère.  Il  périt,  assassiné  par  des  brigands,  dans 
la  forêt  de  SenefTe.  La  ville  de  Fosses  tient  encore  sa  mémoire 
en  grande  vénération.  Elle  célèbre  tous  les  sept  ans,  avec  un 
grand  concours  de  pèlerins  et  en  grand  arroi,  la  procession  ou 
marche  de  S.  Feuillen.  Les  localité  voisines  y  délèguent  des 
«  compagnies  »  en  armes.  Il  faut  presque  une  journée  pour 
faire  parcourir  au  buste  du  saint,  porté  sur  un  brancard,  l'iti- 
néraire traditionnel.  A  chaque  station  —  il  y  en  a  sept  —  les 
«  compagnies  »  font  parler  la  poudre  2. 

Liège,  qui  a  une  église  dédiée  à  sainte  Brigide,  en  a  une 
autre  sous  le  vocable  de  saint  Feuillen,  et  aussi  Omezée  et 
d'autres  villes  ou  villages  belges  5.  Le  culte  de  Feuillen  a 
même  gagné  Aix-la-Chapelle,  où  une  église  paroissiale  et  une 
guilde,  toutes  les  deux  anciennes,  sont  placées  sous  son  patro- 
nage 4. 

La  plus  ancienne  Vita  Gertrudis  fut  écrite,  peu  après  la 
mort  de  l'abbesse,  par  un  moine  du  monastère  double  de 
Nivelles.  L'auteur  raconte  que,  la  veille  de  sa  mort,  Gertrude 
dépêcha  un  frère  à  Ultain,  abbé  de  Fosses,  pour  lui  demander 
s'il  pouvait  prédire  quand  elle  rendrait  son  âme  à  Dieu.  Ultain 
fit  la  réponse  suivante  au  messager  :  «  C'est  aujourd'hui  le 
17  des  calendes  d'avril,  demain  l'âme  de  la  vierge  Gertrude 
émigrera  de  son   corps.  Dis-lui  qu'elle  n'ait  aucune  crainte. 

1.  Van  der  Essen,  op.  cit.,  p.  2,  82,  151.  Cf.  Wh.  Levison,  dans  la 
Westdcutsche  Zeitschrift  f.  Geschichteu.  Kunst,  XXVII,  1909^.50}. 

2.  E.C.  Delchambre,  Vie  de  saint  Feuillen,  Namur,  1861,  p.  211  s.  Cf. 
Félix  Rousseau,  Légendes  et  coutumes  du  pays  de  Namur,  Bruxelles,  1920, 
p.  108  s.  La  procession  septennale  de  s.  F.  s'est  célébrée  le  25  sept.  1921 
(communication  de  Dom  Ursmer  Berlière,  qui  a  eu  l'amabilité  de  m'adres- 
ser  le  programme  détaillé  de  la  fête). 

3.  Brassinne,  op.  cit.,  p.  87  ;  T.  A.  Walsh,  Irish  saints  in  Belgium 
(Eccks.  rev.,  XXXIX,  1908,  p.  125). 

4.  Korth,  op.  cit.,  p.  64-65. 


Les  saints  irlandais.  217 

Elle  peut  mourir  sans  trembler  et  s'en  aller  joyeusement,  car 
le  bienheureux  évêque  Patrice  s'apprête,  avec  les  anges  élus 
de  Dieu,  à  la  recevoir  dans  la  gloire  '.  »  La  prophétie  se  véri- 
fia le  lendemain  :  Gertrude  trépassa  le  17  mars  de  l'année  659. 
Dès  le  haut  moyen  âge,  son  culte  était  répandu,  non  seu- 
lement dans  le  Brabant,  dans  les  Flandres  et  dans  le  nord  de 
la  France,  mais  aussi  sur  les  bords  du  Rhin  et  en  Allemagne. 
De  très  nombreuses  églises  et  chapelles  lui  sont  dédiées  dans 
tous  ces  pays  2.  Quant  à  son  culte  populaire,  on  n'en  ren- 
contre guère  de  plus  florissants.  Gardienne  des  fontaines  3, 
annonciatrice  du  printemps  ■*,  .patronne  des  jardiniers  s,  des- 
tructrice des  rats  et  des  souris  des  champs  6,  artisane  de  paix 7, 
elle  fut  surtout  invoquée  comme  protectrice  des  voyageurs 
et  pourvoyeuse  de  bons  gîtes8.  Pour  s'assurer  sa  protection 
on  buvait,  avant  d'entreprendre  un  voyage,  le  viatique 
connu  sous  le  nom  de  Gertrudis  amoreni,  le  Sinte  Geerls  Minne 
des  pays  flamands,  le  Gertrudenminne  de  l'Allemagne,  usage 
qui  remonte  très  haut  et  qui  rappelle  la  Johannisminne,  tou- 
jours en  faveur,  surtout  dans  les  pays  allemands  du  sud  9. 

1.  Vita,  éd.    Br.  Krusch,  M. G. H.  Script .  rer .  Merov.,  II,  p.  462-463. 

2.  Brassinne,  op.  cit.,  p.  89  ;  Korth,  op.  cit.,  p.  75  ;  P.  Miesges,  Der 
trierer  Festkalender,  p.  38. 

3.  Weinhold,  loc.  cit. 

4.  «  Am  Gertrudentage  steht  der  Bar  auf  »  (Tyrol)  ;  «  Uni  Gertraud 
geht  die  Wàrm  von  der  Erd'  auf  »  (Bavière),  dictons  cités  par  J.  Zingerle, 
Johannissegen  unà  Gertrudenminne  (C.-rend.  de  l'Acad.  de  Vienne  ,  cl.  de 
philos,  etd'hist.,  XL,  1862,  p.  221). 

5.  Zingerle,  op.  cit.,  p.  222  ;  Andrée,  Votive  Weihgaben,  p.  12. 

6.  Zingerle,  op.  cit.,  p.  221-222. 

7.  Voir  la  note  de  Th.  Fischer,  à  la  page  104  de  son  édit.  précitée  de 
Carmen  satiricum  de  Nicolas  de  Bibera  ;  Grimm,  Deutsche  Mythologie, 
2e  édit.,  p.  53,  797,  798. 

8.  «  Santé  Gêrdrût  dir  herbege  gebe  »  MuLLENHOFFet  Scherer,  op.  cit., 
I,  p.  189  ;  Zingerle,  op.  cit.,  p.  225  ;  J.  Werner,  Beilriige  %ur  Kunde  der 
lateinischen  Literatur  des  Mittelalters,  Aarau,  1905,  p.  182. 

9.  Sur  l'antiquité  de  cet  usage,  voir  Zingerle,  op.  cit.,  et  surtout  Franz, 
Benediktionen,  I,  p.  289-290.  D'après  une  addition  [postérieure  au 
xie  siècle]  àla  Vita  Gertrudis  IripartitaJ^ch.  xiv),  l'usage  de  boire  «  à  l'amour 
de  Gertrude  »  se  pratiquait  déjà  :  in  tocius  Austriae  et  Alimaniae  partibus 
«Cuncti  pêne  volentes  peregre  proficisci  seu  de  loco  ad  locum  peragrare 
devotionis  gratia  in  sanctae  Gertrudis  amore  et  honore  vini  seu  alterius 


218  L.   Gongaud* 

Gertrude  de  Nivelles  passait  aussi  pour  accueillir  les  défunts 
au  sortir  de  ce  monde  :  «  Aliqui  dicunt  quod  quando  anima 
egressa  est,  tune  prima  nocte  pernoctabit  cum  beata  Gertrude, 
secunda  nocte  cum  Archangelis,  sed  tertia  nocte  vadit  sicut 
definitum  est  de  ea  '.  »  Aussi  l'invoquait-on  comme  patronne 
de  la  bonne  mort  : 

O  pia  Gertrudis,  quae  pacis  commoda  cudis 
Bellaque  concludis,  nos  cœli  mergitoludis  2. 

Il  faut  probablement  chercher  l'explication  de  cette  dévo- 
tion dans  les  circonstances  de*  la  mort  de  l'abbesse.  à  qui 
saint  Patrice  aurait  servi  d'introducteur  avec  les  anges  dans  la 
cour  céleste. 

La  coïncidence  de  la  fête  de  la  vierge  de  Nivelles  avec  celle 
du  patron  de  l'Irlande  et  le  souvenir  de  la  protection  particu- 
lière qu'elle  accorda  aux  moines  d'Erin  durent  rendre  sa 
mémoire  chère  à  tous  les  Irlandais  ;  et  il  est  permis  de  sup- 
poser que  ceux-ci,  remarquables  agents  de  propagande,  ne 
furent  pas  étrangers  à  la  si  large  et  si  profonde  diffusion  de 
son  culte. 

C'est  ici  le  lieu  de  mentionner  les  noms  de  quelques  pere- 
grini  minores,  disciples  de  saint  Colomban,  comme  saint  Desle 
(ou  Deicole),  ou  compagnons  de  saint  Fursy  et  de  ses  frères 
comme  saint  Algise,  saint  Mauguille  et  saint  Gobain  3.  On 
est  à  peu  près  complètement  privé  de  données  historiques  sur 
ces  personnages  secondaires  ;  mais  ils  occupent  encore  une 
certaine  place  dans  le  folk-lore  du  nord  et  de  l'est  de  la  France, 
et  à  ce  titre  ils  méritent  une  mention. 

Au  cours  de  ses  pérégrinations  dans  ces  régions,  Margaret 
Stokes  a  rencontré  deux  fontaines  de  saint  Desle,  près  du  vil- 


liquoris  potabilis  haustum,  qui  sente  Gertrud  minne  theutonice,  latine  amor 
sanctae  Gertrudis  dicitur,  abscedeudo  sumere  consuevissent.  »  (Van  der 
Essen,  op.  cit.,  p.   II.) 

i.  Ms.   du  XVe  s.  Cf.  J.A.  Schmeller,  dans  la  Zeit.  J.  deutsches  Alter 
tum,  I,  1841,  p.  423. 

2.  Voir  la  note  précitée  de  Th  .  Fischer. 

3.  Chrét.  celtiques,  p.  151. 


Les  saints  irlandais.  iiy 

lage  de  Saint-Germain,  à  5  kilomètres  de  Liire  (Haute-Saône), 
ville  qui  doit  son  origine  à  un  monastère  dont  saint  Desle 
fut.  le  premier  abbé.  Les  eaux  de  l'une  de  ces  fontaines  ont 
une  vertu  curative  pour  les  maladies  de  l'enfance,  comme  l'at- 
testent les  débris  de  vêtements  d'enfants  qui  sont  suspendus 
tout  autour  en  manière  d'ex-voto.  Miss  Stokes  donne  une  vue 
de  cette  fontaine.  D'autres  illustrations  de  son  livre  nous 
montrent  la  fontaine  de  Saint-Algise,  au  village  du  canton  de 
Vervins  (Aisne)  qui  porte  le  nom  de  ce  saint,  et  trois  fon- 
taines de  Saint-Fursy,  l'une  à  Lagny  (Seine-et-Marne),  où 
l'abbé  demeura  quelque  temps,  à  son  arrivée  en  Gaule,  l'autre 
à  Frohen  (Somme),  où  il  mourut,  et  la  troisième  à  Péronne  \ 

L'Irlandais  saint  Fiacre  Qf  v.  670),  contemporain  de  sainte 
Gertrude,  partage  avec  elle  le  patronage  des  jardiniers.  On 
a  peu  de  détails  certains  sur  sa  carrière.  On  sait  seulement 
qu'il  trouva  un  protecteur  en  saint  Faron,  évêque  de  Meaux, 
lequel  avait  déjà  encouragé  un  autre  Irlandais,  saint  Kilian,  à 
se  fixer  àAubigny,  aux  environs  d'Arras.  Faron  donna  à  Fiacre 
un  terrain  situé  à  Breuil,  où  il  établit  son  ermitage  et  cons- 
truisit un  hospice  pour  les  voyageurs  étrangers  \  C'est  le 
village  actuel  de  Saint-Fiacre,  où  se  rendent,  depuis  des  siècles, 
un  grand  nombre  de  pèlerins  qui  viennent  y  chercher  la 
santé  3. 

Saint  Fiacre  fut  un  des  saints  les  plus  populaires  de  l'an- 
cienne France.  On  l'invoquait  pour  la  guérison  d'une  grande 
variété  de  maux.  En  Alsace,  ceux  qui  sont  affligés  de  la 
maladie  dont  nous  parlerons  plus  loin  à  propos  de  saint  Monus, 
ont  recours  à  lui  4.  En  Bretagne,  le  saint  irlandais  a  sous  son 
vocable  une  chapelle  bien  connue  pour  l'élégance  de  son  archi- 
tecture et  de   son  jubé.    Autour  de  cette   chapelle,    située  à 


1.  M.  Stokes,  Forests  of  France,  p.  ni,  177,  196,  203  et  229. 

2.  Chrét.  celt.,  p.  147. 

3.  Canton  de  Crécy  (Seine-et-Marne). 

4.  L.  DU  Broc  de  Segange,  Les  saints  patrons  des  corporations  et  protec- 
teurs spécialement  invoqués  dans  les  maladies,  Paris,  1888,  II,  p.  204  s.  «  Fia 
crius  ist  der  typische  Syphilisheilige  des  Elsasses  »  (L.  Pfleger,  Dos 
Anftreten  der  Syphilis  in  Slrassburg...  nnd  der  Kult  des  M.  Fiacrius,  dans  la 
Zeit.  f.  die  Geschichte  des  Oberrheins,  nouv.   série,  XXXIII,  1918,  p.    169.) 


220  L.  Gougaud. 

2  kilomètres  du  Faouët,  se  tient  l'un  des  plus  renommés  par- 
dons du  Morbihan  \ 

Peu  de  personnes  se  doutent  que  le  véhicule  que  les  taxi- 
autos  sont  en  train  d'éclipser  de  nos  jours,  doit  son  nom  à 
cet  ermite  irlandais  du  vne  siècle.  Un  nommé  Sauvage  établit, 
le  premier,  en  1640,  les  voitures  de  louage  dites  d'abord 
carrosses  à  cinq  sous  (on  ne  payait  que  cinq  sous  par  heure), 
rue  Saint-Martin,  dans  une  grande  maison  nommée  l'hôtel 
Saint-Fiacre,  parce  qu'une  image  du  saint  y  était  suspendue. 
De  l'hôtel  le  nom  passa  aux  voitures2. 

Un  chef-lieu  de  canton  du  Finistère  porte  le  nom  de  Saint- 
Renan.  Dans  son  beau  livre  Au  pays  des  pardons,  M.  Anatole 
Le  Braz  esquisse  la  légende  de  saint  Ronan,  ou  Renan,  soli- 
taire du  vne  siècle  qui  serait  venu  d'Irlande  en  Armorique  et 
dont  on  vénère  les  restes  à  Locronan. 

Une  procession  septennale,  qu'on  appelle  la  Troménie  de 
saint  Ronan,  se  déroule,  le  second  dimanche  de  juillet,  aux 
flancs  du  Ménez-Hom,  sur  le  territoire  de  quatre  paroisses  : 
Locronan,  Quéménéven,  Plogonnec  et  Plounévez-Porzay.  Les 
pèlerins  de  la  Troménie  suivent  une  ligne  traditionnelle,  qui 
ne  varie  pas  depuis  des  siècles,  et  qui  emprunte  les  vagues  sen- 
tiers que  saint  Ronan  avait  coutume  de  parcourir  lui-même  à 
jeun  3. 

Pour  rencontrer  un  dernier  saint  irlandais  encore  vénéré  de 
nos  jours  sur  le  sol  français,  il  nous  faut  passer  des  bords  de 
l'Océan  en  Savoie.  Dans  la  vieille  église  de  Lémenc,  située 
sur  une  hauteur  qui  domine  la  ville  de  Chambéry,  on  con- 
serve la  châsse  de  Concord,  de  son  vrai  nom  Conchobar  Mac 
Concoille,  archevêque  d'Armagh,  qui  mourut  en  odeur  de  sain- 

1 .  Il  y  a  aussi  un  village  de  Saint-Fiacre  dans  le  canton  de  Plouagat, 
arrond.  de  Guingamp  (Côtes-du-Nord). 

2.  Voir  le  dictionnaire  de  Littré,  au  mot  «  fiacre  ».  L'explication  don- 
née par  Berthoumieu  ne  paraît  pas  fondée.  Il  dit  :  «  Ces  voitures  de  louage 
furent  ainsi  nommées  parce  qu'elles  étaient  d'abord  destinées  à  voiturer 
jusqu'à  Saint-Fiacre-de-Brie  la  foule  des  Parisiens  »  (Fêtes  et  dévotions  popu- 
laires, Paris,  1873,  p.  245).  . 

3.  A.  le  Braz,  Au  pays  des  pardons,  Paris  [1900],  p.  259  s.  Dom 
F.  Plaine,  Le  tombeau  monumental  et  le  pèlerinage  de  saint  Ronan  (Revue  de 
l'art  chrétien,  2esér.,  xi,  1879,  p.  273-285). 


Les  saints  irlandais.  221 

teté  au  prieuré  bénédictin  de  Lémenc  en  revenant  de  Rome, 
en  l'année  1175  '.  La  mémoire  du  saint  archevêque  est 
demeurée  en  grande  vénération  dans  le  pays.  «  Depuis  un 
quart  de  siècle  [disons  maintenant  depuis  trois  quarts  de  siècle], 
on  a  vu  plusieurs  fois  les  archevêques  d'Armagh,  dans  leurs 
voyages  d'Irlande  à  Rome,  s'arrêter  à  Chambéry,  en  allant 
ou  en  revenant,  pour  vénérer  les  restes  de  leur  illustre  prédé- 
cesseur. L'un  d'eux,  Mgr  Dixon  [f  1866],  a  même  sollicité 
et  obtenu  de  Mgr  Billiet,  archevêque  de  Chambéry,  la  permis- 
sion d'emporter  en  Irlande  une  partie  notable  de  l'un  des  osse- 
ments du  saint  2.  » 

Une  confrérie  de  saint  Concord  a  été  établie  à  Lémenc  en 
1643.  La  fête  du  saint  se  célèbre  le  4  juin,  jour  anniversaire 
de  sa  mort. 

C'est  le  second  archevêque  d'Armagh  qui  vint  mourir  en 
France.  Quelques  années  auparavant,  en  1148,  le  célèbre 
saint  Malachie  avait  expiré  à  Clairvaux  dans  les  bras  de  saint 
Bernard,  qui  nous  a  laissé  sa  biographie. 

V.   —  Saints  spécialement  honorés 

DANS    LES    PAYS    GERMANIQUES. 

Saint  Kilian,  évêque  de  Wurtzbourg  et  apôtre  de  la  Fran- 
conie,  fut  mis  à  mort  avec  deux  de  ses  compagnons,  le  prêtre 
Coloman  et  le  diacre  Totnan,  vers  l'an  640.  On  l'honore 
comme  martyr.  Des  églises,  chapelles,  fontaines  et  montagnes 
portent  son  nom  en  territoire  allemand  3. 

Schoenbach  a  publié  un  texte  curieux  donnant  la  liste 
d'une  série  de  saints  qui  seront  appelés  à  présenter,  lors  du 
jugement  dernier,  les  peuples  qu'ils  ont  respectivement  évan- 

1.  Gams,  Séries  episcoporum,  p.  207;  Annales  des  quatre  maîtres,  sous 
l'année  1 175,  éd.  O'Donovan,  III,  p.  22-23. 

2.  H.  Gaidoz.  Un  saint  irlandais  en  Savoie  {Revue  celtique,  VIII,  1887, 
p.  165-168)  ;  Trépier,  Recherches  historiques  sur  le  décanat  de  Saint-André-de 
Savoie,  Chambéry,  p.  201  (ouvrage  cité  par  M.  Gaidoz). 

3.  Beissel,  p.  24  ;  Korth,  p.  108-109  ;  Weinhold,  p.  37  ;  Hoefler, 
p.  299. 

Revue  Celtique,  XXXIX.  15 


222  L.  Gougaiid. 

gélisés.  Saint  Pierre  s'avancera  avec  la  Judée,  saint  Paul  avec 
les  Gentils,  saint  André  avec  l'Achaïe,  saint  Jean  avec  l'Asie, 
saint  Thomas  avec  l'Inde.  Saint  Rupert  de  Salzbourg  présentera 
les  Bavarois  et  saint  Kilian  les  Franconiens  '. 

On  a  fort  peu  de  données  précises  sur  saint  Fridolin.  Il 
n'est  pas  absolument  certain  qu'il  soit  venu  d'Irlande  ;  mais 
on  le  regarde  comme  le  fondateur  de  l'abbaye  de  Sackingen, 
au  vie  siècle,  sur  le  Rhin,  au  sud  de  la  Forêt-Noire,  d'où 
son  activité  apostolique  rayonna  dans  le  Brisgau . 

En  Alsace-Lorraine,  en  Suisse,  en  Autriche,  dans  le  sud  de 
l'Allemagne,  et  surtout  dans  la  Forêt-Noire,  les  populations 
rurales  le  tiennent  en  très  haute  vénération  2.  Dans  ces  pays, 
saint  Fridolin  est  regardé,  ainsi  que  plusieurs  des  saints  irlandais 
dont  nous  nous  sommes  précédemment  occupé,  comme  pro- 
tecteur des  bêtes  à  cornes  (Ri)iderheiliger^)  et  des  chevaux. 
Autrefois  à  Ewatingen,  près  de  Bonndorf,  le  curé  bénissait  les 
chevaux  le  jour  de  sa  fête  (6  mars).  A  Oberschwoerstadt,  près 
de  Sackingen,  à  Ehrenstetten  et  à  Kirchpofen,  près  de  Staufen, 
on  attend  la  Friedhsfest  pour  imposer  le  joug  aux  jeunes  bœufs 
et  pour  conduire  les  veaux  de  l'étable  à  l'abreuvoir,  à  travers 
le  village.  Le  6  mars,  il  y  a  une  grande  affluence  de  pèlerins  à 
Sackingen,  où  reposent  les  ossements  de  saint  Fridolin  3. 

Sous  le  nom  de  saint  Monusou  Mannus,  on  invoque  encore, 
dans  les  campagnes  allemandes,  un  personnage  soi-disant 
irlandais,  qui  est  représenté  avec  une  clochette  et  un  porc, 
comme  saint  Antoine.  Monus  est  le  patron  du  mariage  ;  et  il 
partage,  en  outre,  avec  saint  Fiacre  et  saint  Léonard,  dont  la 
vie  n'est  pas  moins  obscure  que  la  sienne,  le  privilège  de 
guérir  de  la  maladie  que  les  paysans  du  Sud  de  l'Allemagne 
appellent  Sankt  Monuskrankheit  et  qui  n'est  autre  chose  que  la 

i.  Ms.  1756  de  la  bibl.  de  Vienne  (fol.  4»).  Nous  avons  vu,  à  propos  de 
saint  Patrice,  qu'une  ancienne  croyance  irlandaise  voulait  qu'il  serait  appelé 
à  juger  les  Irlandais.  D'après  une  croyance  mitigée,  Patrice  serait  seule- 
ment, comme  les  saints  susnommés,  l'introducteur  des  Irlandais  au  juge- 
ment dernier.  Voir  l'hymne  de  Fiacc  (Irish  Liber  bymnorum,  t.  II,  p.  33) 
etj.  B.  Bury,  The  life  of  saint  Patrick,  London,  1905,   p.  319-320. 

2.  Voir  Hermann  Léo,  Der  heiliçe  Fridolin,  Freib.  i.  Br.,  1886,  1.  v. 

3.  E.  H.  Meyer,  Badisches  Volksleben  im  neun^ehnten  Jahrhundert,  Strass- 
burg,  1900,  p.  406-407. 


Les  saints  irlandais.  223 

pire  des  maladies  vénériennes.  Sa  fête  est  fixée  au  12  juil- 
let '. 

La  célèbre  abbaye  de  Melk,  qui  domine  le  Danube,  est  un 
des  lieux  de  pèlerinage  les  plus  fréquentés  de  l'Autriche.  C'est 
là  que  repose  l'irlandais  saint  Coloman  dans  un  tombeau  que 
lui  fit  élever  l'empereur  saint  Henri2.  Il  se  rendait  en  Terre- 
Sainte,  en  10 12,  lorsqu'il  fut  assassiné  à  Stockerau  près  de 
Vienne  par  des  gens  qui  le  prirent  pour  un  espion  '.  On  en  a 
fait  un  martyr. 

Son  culte  n'est  pas  confiné  à  Melk.  Dans  le  Palatinat,  en 
Souabe,  en  Bavière,  en  Autriche  et  en  Hongrie,  quand  on  ne 
s'adresse  pas  à  saint  Fridolin,  c'est  à  lui  qu'on  a  recours  pour 
la  protection  ou  la  guérison  des  chevaux  et  des  bêtes  à  cornes  4. 

Les  chapelles  de  saint  Coloman  sont  très  nombreuses  en 
ces  pays.  Elles  s'élèvent  généralement  en  pleine  campagne,  de 
préférence  sur  les  hauteurs.  On  y  conduit  les  animaux,  le 
jour  de  la  fête  du  saint  (13  octobre)  ou  à  d'autres  jours  de 
l'année,  pour  recevoir  la  bénédiction  du  prêtre. 

Dans  les  bois  de  Saint-Coloman  près  de  Bôhmenkirch 
(Wurtemberg),  on  voit  une  vieille  chapelle  qui  tombe  en 
ruines.  Jusqu'à  la  fin  du  xvme  siècle,  on  y  venait  en  pèlerinage 
d'une  dizaine  de  paroisses  environnantes,  le  lundi  de  la  Pen- 
tecôte. Il  n'était  pas  rare  de  compter  de  400  à  500 
chevaux  dans  le  bois.  La  tête  de  saint  Coloman  était  exposée 
à  la  porte  de  l'église.  Après  la  bénédiction  traditionnelle,  les 
chevaux  faisaient  trois  fois  le  tour  de  la  chapelle. 

A  Hohenschwangau,  près  de  Fiissen,  en  Bavière,  la  béné- 
diction du  bétail  et  des  chevaux  a  lieu  encore  de  nos  jours, 
le  13  octobre.  Après  la  cérémonie,  une  trentaine  de  chevaux 
montés,  après  avoir  fait  une  seule  fois  le  tour  de  la  chapelle, 
partent  au  galop  dans  la  direction  de  Schwangau  5. 

1.  HOEFLER,  Op.  Cit.,  p.   299. 

2.  Voir  Chrct.  celtiques,  p.  172. 

3.  Andrée,  op.  cit.,  p.  38  et  66  s.  ;  Kurgefasste Geschichte  von  âem  fteil... 
Kolomann...,  Wien,  1774,  p.  44-46  ;  C.  Juhaiz,  Saint  Kohvnan  der  elnstige 
Scbittypatron  Niederôsterreichs,  Linz,  191 6. 

4.  Andrée,  op.  cit.,  p.  66. 

5.  Hoefler,  p.   301-302  ;  Weinhold,  p.  37. 


ïl\  L.  Gongaud. 

On  trouve  souvent  des  fontaines  votives  dédiées  à  saint 
Coloman  à  proximité  de  ses  chapelles  . 

Le  saint  irlandais  est  invoqué,  en  outre,  par  les  filles  à 
marier,  qui  lui  adressent  la  prière  suivante  : 

a  Heiliger  Sankt  Kolomann, 
O  schenk'  mir  auch  ein'  Mann, 
Aber  nur  kein'  Roten!  »  1. 

Enfin  on  a  eu  recours  à  saint  Coloman  contre  la  peste.  En 
17 13,  Melk  offrit  à  son  saint  patron  [un  cierge  de  cire  de 
70  livres  pour  obtenir  que  la  population  fût  préservée  de  ce 
fléau  qui  ravageait  l'Autriche  2. 

La  passion  des  Irlandais  pour  les  lointains  voyages  et  les 
expéditions  aventureuses  était  si  connue  des  écrivains  conti- 
nentaux du  moyen  âge  et  des  siècles  suivants  qu'ils  en  ont 
parlé,  en  quelque  sorte,  comme  d'une  vérité  proverbiale.  Le 
sang  du  Celte  l'emporte  vers  les  terres  lointaines  : 

Keltisch  Blut  treibt  in  die  Ferne  5. 

L'humour  anglais  a  ramassé  cette  vérité  d'expérience  dans 
un  dicton  familier  :  Pat  is  never  at  home  but  when  he  is  abroad. 
«  Aucun  peuple,  en  effet,  constate  Samuel  Berger,  n'a  jamais 
été  plus  voyageur  ni  plus  noblement  inspiré  de  l'ardeur  mis- 
sionnaire 4.  » 

Il  faut  bien  reconnaître  toutefois  qu'il  n'y  eut  pas  que  des 
saints  ou,  si  l'on  veut,  que  des  candidats  à  la  sainteté,  parmi 
ceux  que  le  flot  de  l'émigration  entraîna  loin  de  l'île  natale . 
Nous  nous  sommes  occupé  ailleurs  de  ces  clercs  et  moines 
gyrovagues,  de  ces  episcopi  vagantes,  dont  les  extravagances  et 

1.  HOEFLER,  hc.   cit. 

2.  Andrée,  p.  81  ;  G.  Deppisch,  Geschichte  des  hl.  Coîbmanni,  Wien 
1734,  p.  205. 

3.  Scheffel,  Der  Trompeter  von  Sàkhingen  (3=  chant  :  Der  Fridolinustag), 
Stuttgart,  1859,  p.  45. 

4.  Histoire  de  la  Vulgate  pendant  les  premiers  siècles  du  moyen  dge,  Paris, 
1893,  p.  46. 


Les  saints  irlandais.  225 

l'originalité  indisposèrent  certains  continentaux  '.  On  se  rap- 
pelle les  saillies  de  Nicolas  de  Bibera  contre  les  Scotti  d'Erfurt. 
Environ  deux  siècles  plus  tôt  (xe-xie  siècle),  un  certain 
Garnier  de  Rouen  attaquait  plus  violemment  encore  un  poète 
irlandais  aux  mœurs  équivoques  du  nom  de  Moriuh  2.  Ici  on 
reproche  à  quelques-uns  de  ces  étrangers  errants  leurs  opinions 
hétérodoxes  ou  trop  audacieuses,  là  on  se  mcque  de  leur  van- 
tardise, de  leur  humeur  querelleuse,  de  leur  accoutrement 
bizarre  ou  des  dithyrambes  hagiographiques  que  leur  dictait  un 
chauvinisme  ridicule  5.  Mais  toutes  ces  critiques,  notons-le, 
s'adressent  à  l'arrière-ban  de  la  gent  pérégrinante,  aux 
enfants  perdus  qui  formaient  le  déchet  de  l'émigration.  Aux  Xe 
et  xic  siècles,  le  sel  de  la  charité  s'était  déjà  affadi  et  l'ardeur 
du  prosélytisme  s'était  à  peu  près  éteinte. 

Au  contraire,  pour  caractériser  les  grandes  figures  de  l'âge 
héroïque,  un  Colomban,  un  Gall,  un  Fursy  et  leurs  émules, 
les  écrivains  ecclésiastiques  n'ont  pas  de  termes  assez  lauda- 
tifs  4.  D'ailleurs,  l'étude  que  nous  venons  de  faire  prouve 
bien  que  les  saints  de  cet  âge  exercèrent  une  profonde  in- 
fluence sur  les  populations  qu'ils  amenèrent,  ou  qu'ils  rame- 
nèrent, à  la  foi  évangélique.  De  génération  en  génération,  les 
gens  des  campagnes  se  sont  mystérieusement  transmis  les 
noms  de  ces  étrangers,  invoquant  leur  puissance  surnaturelle 
pour  la  protection  des  hôtes  de  leurs  étables,  leur  principale 
richesse. 

La  mort  même  ne  mettait  pas  un  terme  aux  pérégrinations 
de  ces  transmarini.  Leurs  reliques  passaient  de  monastère  en 
monastère,  d'église  en  église,  et  avec  elles  circulaient  tous  ces 
traits  de   folk-lore  qui  restent  attachés  à   leurs   noms  avec 

1.  Chrétientés  celtiques,  p.  153-160. 

2.  H.  Omont,  Satire  de  Gantier  de  Rouen  contre  le  poète  Moriuht 
{Annuaire-bulletin  delà  soc.  de  l'histoire  deFrance,  XXXI,  1894,  p.  193-210). 

3.  Nicolas  de  Bibera,  op.  cit.  ;  Garnier  de  Rouen,  op.  cit.  ;  Jocelin 
de  Brakelond,  Chronica,  35.  Cf.  Chrét.  celt.,  p.  160-161  et  la  satire  ano- 
nyme contre  les  fableurs  de  saint  Brendan. 

4.  Voir  Chrét.  celt.,  p.  293-294,  et  encore  Vita  Santsonis,  4  (Boll.  Jeta 
Sanct.,  t.  VI  de  juillet,  p.  582),  Thierry  de  Saint-Trond,  Vita  Rumoldi,  I 
(IbiJ.  t.  II,  s.  juillet,  p.  215),  Vita  Sanctae  Odae,  II,  14  (Ghescluière,  Acta 
sanct.  Belgii,  1783,  VI.  p.  629),  etc. 


226  L.  Gougctud. 

une  étonnante  persistance.  Assurément,  il  se  mêle  une  bonne 
part  de  superstition  à  ce  culte  populaire  dont  sont  l'objet  les 
vieux  saints  d'Irlande.  Le  vent  qui  emporte  les  bonnes 
semences  fait  aussi  voltiger  de  tous  côtés  les  mauvaises 
graines.  Il  n'en  est  pas  moins  acquis  que  ces  ardents  apôtres 
firent  passer  de  nouveaux  courants  de  vie  religieuse  à  travers 
la  chrétienté  et  que  plusieurs  d'entre  eux  se  révélèrent  d'in- 
comparables entraîneurs  d'âmes. 

Leur  zèle,  leur  courage,  leurs  vertus  personnelles,  l'ardeur 
de  leur  foi  ont,  il  est  vrai,  largement  contribué  à  leur  assurer 
cette  longue  popularité,  mais  une  autre  chose  encore  explique 
leur  succès.  Nul  n'est  prophète  en  son  pays.  L'histoire  de 
l'Église  démontre  la  vérité  de  cet  adage  évangélique  d'une 
manière  qui  ne  laisse  pas  de  déconcerter  un  peu  les  concep- 
tions humaines.  Saint  Martin,  le  grand  apôtre  de  la  Gaule, 
nous  est  venu  de  Pannonie.  Saint  Boniface,  le  patron  national 
de  l'Allemagne,  était  Anglais.  L'Angleterre  fut  évangélisée 
par  le  moine  romain  Augustin  et  par  ses  compagnons  envoyés 
par  le  pape  saint  Grégoire.  Quant  à  l'Irlande,  c'est  à  l'île  voi- 
sine qu'elle  doit  son  saint  Patrice. 

Les  missionnaires  irlandais  venaient  d'un  pays  mystérieux, 
perdu  dans  les  brumes  de  l'Océan,  aux  confins  du  monde 
habité.  Il  circulait  sur  cette  terre  de  merveilleuses  légendes. 
On  disait  partout  que  la  sainteté  y  fleurissait  plus  qu'ailleurs 
et  qu'elle  y  opérait  des  prodiges.  «  Locus  vere  sanctus  fecun- 
dusque  sanctorum,  copiosissime  fructificans  Deo  »,  dit  saint 
Bernard  en  parlant  du  monastère  de  Bangor,  le  cloître  de 
saint  Comgall  et  de  saint  Colomban.  Et  il  ajoute  que  les 
essaims  de  saints  (examina  sanctorum)  qui  se  répandirent  sur 
l'Europe  à  la  suite  de  ce  dernier  pouvaient  faire  croire  que  les 
paroles  de  David  :  «  Vous  avez  visité  la  terre,  vous  l'avez  eni- 
vrée et  remplie  de  richesses  »  avaient  été  écrites  spécialement 
pour  eux  '. 

Toutes  ces  raisons  réunies  expliquent  comment  les  héros 
de  l'Irlande  chrétienne  sont  arrivés  à  se  faire  une  place  unique 
dans  les  traditions  séculaires  des  peuples  étrangers. 

L.   GOUGAUD. 

i.    Vita  Malacbiae,Yl,  12  (Migne,  P.L.,  CLXXXII,  1082). 


BIBLIOGRAPHIE 


Sommaire.  I.  Morgan  Watkin,  Thefrench  Unguistic  influence  in  mediaeval 
Wales.  —  II.  Ifor  L.  Evans  et  Henry  Lewis,  Cyfres  y  Werin.  —  III. 
J.  Morris-Jones,  An  elenientary  Welsh  g  ranima  r. 

I 

Le  travail  de  Morgan  Watkin  J  est,  dans  l'ensemble,  neuf  et  mérite 
d'attirer  l'attention  non  seulement  des  celtistes,  mais  aussi  des 
romanistes,  ainsi  que  de  tous  ceux  qu'intéresse  l'histoire  de  la 
langue  et  de  la  civilisation  française  en  Angleterre  après  la  con- 
quête de  Guillaume  de  Normandie.  Il  part  de  l'idée  en  apparence 
judicieuse  qu'il  est  impossible  que.  pendant  trois  siècles  de  domi- 
nation, c'est-à-dire  depuis  ioéé  jusqu'au  milieu  du  xive  siècle, 
période  qu'on  peut  appeler  française  de  l'histoire  d'Angleterre,  la 
langue  et  la  littérature  française  n'aient  pas  exercé  une  profonde 
influence  en  Galles.  Mais,  comme  je  le  fais  remarquer  plus  loin, 
la  domination  franco-normande  en  Galles  n'est  complète  qu'à  la 
fin  du  xme  siècle.  Une  question  préalable  d'ailleurs  s'imposait  et 
il  est  fort  regrettable  que  l'auteur  n'y  ait  pas  songé  :  dans  quelle 
situation  se  trouvait  le  Pays  de  Galles  vis-à-vis  de  l'Angleterre  au 
moment  de  la  conquête  normande  ? 

Peu  de  temps  avant,  Harold  avait  réussi  à  soumettre  momenta- 
nément le  pays  et  en  avait  détaché  même  des  parties  assez  notables. 
Les  relations  avec  les  Anglais  étaient  continuelles.  Sur  les  confins, 
les  deux  populations  étaient  plus  ou  moins  mêlées.  Grufiydd  ab 
Llywelyn,  grand  roi  et  grand  guerrier,  avait  épousé  Ealdgyth  fille 
de  Aelfgar,  qui  devint  la  femme  de  Harold  II,  après  sa  mort  qui 
eut  lieu  vers  1060.  Nous  savons  par  Assar  que  le  roi  de  Gwynedd 
qui  meurt  en  910,  Anarawd,  avait  été  reçu  avec  honneur  à  la 
cour  d'Alfred  le  Grand.  Howel  Dda  était  en  relations  d'amitié 
avec  la  cour  d'Angleterre.  En  remontant  plus  loin,  on  pourrait 
relever  des  faits  semblables.  Cadwallon  qui  fut  tué  en   635,  après 

1.  Tiré  à  part  des  Transactions  of  the  bon.  Society  of  Cymmrodorion,  ses- 
sion  1918-1919. 


228  Bibliographie. 

avoir  renversé  le  royaume  de  Northumbrie  et  s'être  emparé  d'York, 
était  l'allié  de  Penda,  roi  de  Mercie.  Les  rois  gallois  fréquentent 
les  cours  d'Aethelstan  et  d'Eadgar,  et  leurs  assemblées  (Witena- 
gemot).  En  931,  937,  949,  plusieurs  d'entre  eux  signent  comme 
témoins,  dans  des  chartes  anglo-saxonnes,  en  se  qualifiant  de 
regulus  et  de  stib-regulus.  J'y  relève  les  noms  de  Howel,  Judzual, 
Morcant,  Eugenius  (Ywein)  (de  Gray-Birch,  Chari.  saxonicum,  1, 
p.  427;  II,  p.  360;  III,  p.  37).  Aussi  ne  doit-on  pas  s'étonner 
de  voir  dans  les  lois  galloises  l'héritier  du  trône  porter  le  nom 
â'edling  (Aetheling).  Si  l'influence  de  la  littérature  anglaise  n'appa- 
raît pas  dans  la  littérature  galloise,  il  n'en  est  pas  tout  à  fait  de 
même  en  ce  qui  concerne  la  civilisation  et  notamment  l'ortho- 
graphe. Il  est  reconnu  par  exemple  que  certains  caractères  pure- 
ment anglais,  Xtthorn  et  le  signe  runique  pour  w  ont  été  employés 
par  les  scribes  Brittons.  Le  à  paraît  dans  la  note  marginale  2  à 
l'Evangéliaire  de  Lichfield  oisoud  (G.  Evans,  The  Book  of  Llandav, 
XIIII).  Les  caractères  dits  hiberno-saxons  naturellement  sont  aussi 
employés  par  les  scribes,  même  par  les  scribes  bretons-armoricains, 
par  exemple  dans  le  Fragment  de  Leyde. 

Les  relations  des  Gallois  avec  les  Anglais  ont-elles  été  brusque- 
ment et  immédiatement  rompues  par  les  conquêtes  normandes, 
comme  paraît  en  être  convaincu  l'auteur  ?  A  priori,  c'est  peu  vrai- 
semblable. Assurément  peu  de  temps  après  la  conquête,  les  chefs 
normands,  plus  exactement  français,  car  c'est  sous  le  nom  de 
Freine  =  Franci  qu'ils  sont  connus  des  Gallois,  commencent  à 
empiéter  sur  le  territoire  de  leurs  voisins.  Dès  1093,  le  Glamor- 
gan  est  conquis  et  au  pouvoir  de  Robert  Fitz-Hamon.  Mais  il 
s'écoulera  néanmoins  220  ans  depuis  la  bataille  de  Hastings 
avant  que  la  conquête  ne  soit  complète.  Et  encore  fallut-il  les 
guerres  intestines  entre  les  chefs  gallois  pour  amener  à  ce  résultat, 
après  des  alternatives  de  succès  et  de  revers.  C'est  une  lutte  véri- 
tablement émouvante  et  telle  qu'on  peut  difficilement  en  signaler 
d'aussi  acharnée  et  d'aussi  glorieuse  pour  les  vaincus,  quand  on 
songe  à  la  disproportion  du  nombre  et  des  moyens.  L'explosion 
du  sentiment  national  se  manifeste  dès  1094  :  c'est  une  insurrec- 
tion générale.  Aussi  malgré  les  alliances  continuelles  et  la  pénétra- 
tion des  deux  aristocraties,  française  et  galloise,  semble-t-il  bien 
peu  probable  en  raison  des  révoltes  et  des  guerres  incessantes,  que 
la  civilisation  française  ait  pénétré  les  masses  et  que  la  langue 
française  ait  été  couramment  parlée  en  dehors  des  châteaux  forts  des 
chefs  français.  D'ailleurs  les  rois  gallois,  malgré  leurs  alliances, 
restaient  pénétrés  du  sentiment  national.  Il  n'y  en  a  pas  d'exemple 


Bibliographie.  229 

plus  éclatant  que  celui  de  Llywelyn  ab  Jorwerth,  roi  de  Gwynedd, 
aussi  grand  guerrier  qu'habile  politique,  qui  réussit  à  étendre  sa 
suprématie  sur  la  plus  grande  partie  du  pays  de  Galles  et  sous  le 
règne  duquel  la  nationalité  galloise  s'affirme  avec  une  grande 
vigueur.  Or,  il  meurt  en  1241  seulement.  Il  ne  reste  plus  guère 
d'indépendance  après  lui  que  dans  le  Nord,  Anglesey,  Carnarvon- 
shire,  une  partie  du  Denbighshire  et  du  Merionethshire.  Mais  la  lutte 
ne  prend  fin  qu'en  1282.  Ce  n'est  donc  en  réalité  que  vers  la  fin 
du  xme  siècle  que  la  culture  française  a  chance  de  dominer  sans 
conteste. 

L'influence  religieuse  franco-normande  ne  se  manifeste  pas 
immédiatement.  Le  premier  évêque  normand  est  Bernard,  évêque 
de  Saint-David's  en  11 15.  C'est  lui  qui  introduit  en  Galles  les 
Cisterciens.  La  fondation  de  l'Abbaye  de  Strata  Flarida  est  de 
1146. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  sur  les  marches  galloises,  les  deux 
langues,  galloise  et  anglaise,  étaient  en  usage.  En  Galles,  il  n'y 
a  guère  de  doute  que  les  Flamands  du  Pembrokeshire  n'aient  été 
très  mêlés  d'Anglais.  La  plus  grande  partie  de  la  péninsule  de 
Gower  a  été  de  bonne  heure  anglicisée  par  immigration.  Le  fran- 
çais a  sûrement  été  parlé  dans  les  châteaux  et  peut-être,  surtout 
en  Glamorgan,  s'est-il  répandu  autour  de  certaines  demeures  sei- 
gneuriales dans  un  certain  rayon.  Il  a  dû  en  être  de  même  autour 
des  monastères.  L'anglais,  langue  de  vaincus  et  de  sujets,  avait 
certainement  perdu  tout  prestige,  mais  il  était  assurément  plus 
répandu  et  mieux  connu  que  le  français  ;  c'était  pour  les  Gallois, 
la  langue  étrangère  par  excellence.  C'est  ainsi  qu'un  barde  connu 
Davyd  Benvras,  qui  florissait  dans  la  première  moitié  du  xme  siècle, 
vantant  la  pureté  de  son  gallois,  déclare  n'avoir  jamais  appris 
saesnec,  le  saxon,  c'est-à-dire  l'anglais  (M.  A.  2212). 

Un  autre  obstacle  à  la  diffusion  du  français,  c'est  que  le  gallois 
était  la  langue  d'un  peuple  qui  était  sur  un  pied  d'égalité  avec 
les  conquérants.  Il  avait  même  à  leurs  yeux  le  prestige  d'être  la 
langue  des  anciens  maîtres  de  l'île.  De  plus,  la  littérature  galloise 
pouvait  soutenir  la  comparaison  avec  la  littérature  française  et  lui 
était  même  supérieure  au  point  de  vue  lyrique.  Le  français  ne 
pouvait  avoir  aux  yeux  des  Gallois  le  prestige  qu'il  acquit  rapide- 
ment chez  les  peuples  de  langue  anglaise.  Les  Français  ne  tar- 
dèrent pas  eux-mêmes,  surtout  dans  le  sud,  à  s'intéresser  aux  tra- 
ditions et  légendes  galloises.  Nous  en  avons  la  preuve  dans  nos 
romans  de  la  Table  Ronde.  A  ce  propos  M.  Morgan  Watkin 
rappelle  que  Wauchier  de  Denain  reconnaît  que  la  matière  de  sa 


230  Bibliographie. 

continuation   du   Perceval  de  Chrétien  a  été  fournie    d'abord    au 
comte  de  Poitiers  par  Bleheris  '  de  Galles. 

En  revanche  la  littérature  française  s'imposa  dans  le  cours  du 
xne  et  du  xme  siècle  à  l'attention  des  Gallois.  Les  romans  français 
finirent  même  par  avoir  plus  de  vogue  que  les  légendes  nationales. 

On  voit  combien  le  sujet  traité  par  Morgan  Watkin  est  à  la  fois 
intéressant  et  complexe.  S'il  réussit  à  l'élucider,  comme  j'en  ai 
le  ferme  espoir,  il  aura  rendu  à  l'histoire  et  à  la  littérature  de  la 
France  et  du  pays  de  Galles  un  signalé  service. 

L'auteur  examine  d'abord  la  question  de  l'influence  française 
sur  l'orthographe  galloise  ;  son  opuscule  y  est  presque  entièrement 
consacré. 

Il  apparaît  dès  le  début  qu'il  est  obsédé  par  l'idée  que  l'influence 
française  dans  le  pays  de  Galles  s'est  manifestée  plus  tôt  que  dans 
l'anglais  du  xn-xnie  siècle,  et  qu'elle  est  due  à  un  courant  direct 
établi  entre  les  Français  et  les  Gallois.  On  ne  trouverait  suivant 
lui  aucune  trace  des  particularités  orthographiques  anglo-normandes 
dans  les  coutumes  graphiques  anglaises  avant  1250.  C'est  pour  lui 
un  axiome  qui  influe  sur  toute  son  étude.  Or,  c'est  une  erreur, 
ou  tout  au  moins  il  y  a  là  une  forte  part  d'exagération.  Sweet, 
History  of  English  sounds,  p.  156  et  suivantes,  dont  on  ne  saurait 
contester  la  compétence,  constate  que,  si  l'évolution  linguistique 
du  vieil-anglais  en  anglais-moyen  se  produit  si  graduellement  qu'il 
est  difficile  de  dire  où  l'un  finit  et  où  l'autre  commence,  le  chan- 
gement orthographique  est  abrupt  et  complet. 

Pendant  un  certain  temps  après  la  conquête,  les  deux  ortho- 
graphes avaient  continué  à  être  en  usage  côte  à  côte  sans  s'in- 
fluencer grandement.  Mais  cependant  l'influence  française  avait 
commencé  à  se  manifester  du  temps  d'Edouard  le  Confesseur,  dès 
le  début  du  xr  siècle.  Outre  quelques  emprunts  comme  sott  et 
capfin,  l'orthographe  française  s'insinue  dans  des  écrits  en  vieil-an- 
glais :  on  a  euen  pour  efen  dans  des  mss.  du  xie  siècle  (Sweet,  Hist. 
of.  E.  S., p.  1 57).  Les  Anglo-normands  eux-mêmes,  d'un  autre  côté, 
dans  des  actes  authentiques  emploient  encore  au  xne  siècle  les 
caractères  anglais  dits  hiberno-saxons  et  l'orthographe  anglaise. 
Il  y   en   a   un   exemple   frappant   dans  le    Book   of  Llandav,   éd. 

1 .  Sur  ce  nom,  je  renvoie  à  la  2e  éd.  de  ma  traduction  des  Màbinogion, 
p.  72-75,  et  surtout  à  mes  Contributions  à  Vètude  des  romans  de  la  Table 
Ronde,  p.  33.  Morgan  Watkin  n'a  pas  eu  connaissance  de  mes  remarques 
sur  Bleheris  =  Bledri.  Il  y  eût  trouvé  ce  qu'il  croit  avoir  découvert  et 
d'autres  choses  encore. 


Bibliographie.  231 

G.  Evans,  p.  27-28.  Robert  comte  de  Gloucester,  bâtard  de  Henri  I 
par  Nest  fille  de  Rhys,  roi  du  sud-Galles,  était  devenu  par  son 
mariage  avec  Mabel,  fille  de  Robert  Fitz-Hamon,  seigneur  de  Gla- 
morgan.  Il  avait  eu  des  démêlés  avec  l'évêque  Urban  au  sujet  de 
terres  dépendant  de  Llandaf.  Par  un  acte  de  11 26,  dont  G.  Evans 
donne  le  fac-similé,  il  conclut  un  accord  avec  l'évêque.  On  y 
remarque  entre  autres  caractères  anglais,  le  symbole  runique  pour 
w.  A  noter  aussi  y  dans  cybum,  kybor.  Sweet  relève  aussi  des  par- 
ticularités françaises  dans  l'orthographe  de  textes  où,  d'après  Mor- 
gan Watkin,  il  n'en  existe  pas  :  dans  YOrmulum  (1200)  ;  Layamoii 
(1205);  Ancren  Riivle  (1237). 

Morgan  Watkin  étudie  spécialement  le  système  orthographique 
du  Livre  noir  de  Carmathen,  du  Livre  Rouge  et  du  Black  Book  of 
Cbirk. 

On  sait  que  dans  le  Livre  noir,  t  régulièrement  =  d.  L'auteur 
reproduit  son  explication  de  cet  artifice  d'orthographe  et  montre 
qu'il  est  emprunté  aux  scribes  français  du  commencement  du 
xiie  :  feit  (fidem)  ;  citct  (civitatem)  ;  charitet  (caritatem).  J'ai 
adopté  son  opinion  et  lui  ai  fait  remarquer  que  ce  trait  se  retrou- 
vait dans  le  vocab.  coruicum  dont  le  ms.  est  du  xme  siècle,  mais 
qui  a  été  sûrement  compilé  au  début  du  xne  siècle.  Ce  trait  se 
retrouve  dans  divers  textes  gallois  jusque  vers  le  milieu  du 
xme  siècle  (Loth,  Revue  Celt.,  XXII,  p.  13  ;  Mabiu.,  p.  20). 

Th  =  d  serait  dû  à  des  scribes  français  :  on  le  trouverait  dans 
des  iiiss.  écrits  en  Angleterre  (Vie  de  saint  Alexis,  Vie  de  saint  Bran- 
dan').  L'auteur  ne  croit  pas  que  ce  soit  un  emprunt  aux  anglo- 
saxons,  et  il  renvoie  à  ce  sujet  à  Sweet.  Or,  Sweet  (Hist.,  p.  iéo) 
remarque  que^  et  d  sont  employés  indifféremment  dans  Layamon. 
Le  thorn p  finit  par  supplanter  entièrement  d.  Il  croit  que  le  Th 
aurait  été  amené  par  des  scribes  français  qui  Y  employaient  occasion- 
nellement dans  des  mots  latins  savants.  Il  me  semble  plus  simple  et 
plus  logique  d'admettre  que  les  scribes  français  ont  remplacé  le 
thorn  qui  leur  était  étranger  par  th  avec  la  valeur  même  du  thorn, 
c'est-à-dire  d.  D'ailleurs  //;  était  d'un  emploi  général  dans  les 
plus  anciens  mss.  anglo-saxons.  En  tout  cas,  Morgan  Watkin  com- 
met une  grave  erreur,  quand  il  avance,  p.  167,  que  //;  est  large- 
ment employé  avec  la  valeur  de  d  dans  les  textes  gallois  du  xne 
et  du  xme  siècle.  Dans  tous  les  exemples  de  verbes  qu'il  donne 
du  Livre  Noir,  et  du  Mabiu.  du  Livre  Blanc  (rothei,  llathei,  chwar- 
thei,  clathei,  haethei,  latho,  rothom,  notho  ;  ymlatho,  llatho),  th 
représente  non  d,  mais  une  spirante  dentale  sourde.  Ces  formes 
sont  d'anciennes  formes   verbales,  vieilles   celtiques    en    -s-.    La 


232  Bibliographie. 

sourde  vient  de  la  sonore  d  sous  l'influence  de  -h-  =  -s-.  Il  est 
facile  de  s'en  convaincre  par  le  contexte.  L'emploi  de  d  pour  la 
sourde  aussi  bien  que  pour  la  sonore  a  probablement  pour  cause 
le  fait  que  cbez  les  anglo-saxons  d  =  d  remplace  souvent  le  tborn 
à  l'intérieur  du  mot,  et  se  montre  aussi  à  la  finale  et  même  à 
l'initiale  (Sweet,  History  of  Engî.  sounds,  p.  138,  §§  516).  En  voici 
quelques  exemples  au  ixe  siècle,  dans  les  poèmes  à  Juvencus  : 
heiwid,  (henoitb)  et  aussi  eîbid  (elvycT)  ;  dans  les  Gloses  galloises 
du  ix-xe  siècle  :  pard  =  parth  ;  ceniiolaidou  =  cenedlaetbou  ;  vocab. 
corn,  caid  =  caith  ;  gueid  =  gweiib  ;  neid  =  neitb.  Le  tborn  anglo- 
saxon  était  connu  des  scribes  Brittons.  Or,  dans  une  glose  d'Or- 
léans, il  a  sûrement  été  employé  avec  la  valeur  d'une  sonore  : 
arlnp  gl.  pedicam,  est  une  graphie  évidemment  fautive  pour  arlup 
=  gallois  arllud  l. 

Dd  =  d  (p.  169).  La  graphie  dd  =  d  n'est  commune  qu'au  xive- 
xve  siècle.  Morgan  Watkin  la  considère  comme  une  conséquence 
du  redoublement  des  consonnes  chez  les  scribes  anglo-normands 
(addubei,  jaunie,  jammes,  jugger,  nagger,  middi,  etc.).  C'est  insou- 
tenable, et  ici  encore  l'auteur  confond  des  phénomènes  très  diffé- 
rents. Pour  dd  =  d,  un  seul  des  exemples  qu'il  cite  dans  le  Livre 
Noir  peut  être  retenu  :  Cunedda  2.  Car  reddaud  est  un  futur  et 
creddoe  un  subjonctif;  ils  sont  pour  redbaud,  credboe;  t  indiquant  d, 
le  scribe  a  usé  du  double  dd  pour  marquer  l'état  sourd  de  la  con- 
sonne, mais  plus  souvent  du  redoublement  de  la  ténue  :  cf.  dans 
le  manuscrit  le  plus  ancien  des  Lois  de  Gwynedd  a  bossodbo  (An. 
Owen,  Ane.  Laïus,  I,  22,  19).  Les  exemples  en  pareil  cas  du  redou- 
blement de  la  ténue  sont  nombreux  et  conformes  à  la  phonétique 
galloise.  Dans  le  seul  Livre  Noir,  aux  formes  citées  par  l'auteur,  on 
peut  ajouter  :  edmyecaur,  dygetlaur,  godriccaur,  meecid,  nottuy,  otiid, 
reiuitlor,  britbottor.  C'est  un  fait  de  prononciation  qui  se  montre 
aussi  dans  atlep,  atteor,  attrec,  attregueb,  llettcred,  llettcint,  atlpaur, 
driccin,  etc.  >.  Pour  w  =  v,  voir  plus  bas  4.  Delli  se  justifie  étymo- 
logiquement  ;  il  en  est  de  même  pour  kyrriduen,  kyrreiweint,  kar- 
reau,  gwynnasset.  Ymmared  est  une  faute  de  scribe  pour  ymuared 
(ymivared),  comme  l'a  reconnu  J.  G.  Evans  dans  une  note  de  son 
édition  à  la  page  79,  18  (p.  133). 

1.  Une  autre  glose  du  ms.  arlu  gl.  prohibuit,  paraît  inachevée. 

2.  On  peut  citer  encore  dans  le  même  manuscrit  beddeu  et  y  ddiva  ;  l'écri- 
ture dans  ce  passage  paraît  indiquer  une  autre  main.  Beddrael  est  pour 
pedrael,  pedryael;  cf.  ym  hedryael  byt  «  aux  quatre  coins  du  monde  »  (Mabin). 

3.  J.  Morris-Jones,  Grammar,  p.  182-183. 

4.  fVuyf  est  une  mutation  de  buyf;  wuuf—  buuf. 


Bibliographie.  233 

En  vieux-gallois,  dans  les  gloses  à  Martianus  Capella,  le  redou- 
blement des  occlusives  sourdes  est  de  règle  à  la  finale,  plus  rare  à 
l'intérieur.  Pour  les  nasales,  cf.  aball  broiiannou,  meiintaul,  Oxf.  2  ; 
emmeni(ii),  cenniu,  Oxf.  ;  guiannuin.  L'origine  du  redoublement  de 
»,  r  après  une  voyelle  accentuée  en  gallois  n'est  nullement  fran- 
çaise, comme  le  prétend  l'auteur,  p.  171.  Le  double  rr  est  étymo- 
logique. Ce  qui  est  vrai  pour  un,  c'est  qu'il  y  avait  une  tendance, 
lorsque  l'accent  s'est  porté  nettement  sur  la  pénultième,  à  rempla- 
cer nh  par  nn,  tendance  très  ancienne  comme  le  montre  cannuill. 
On  trouve  d'ailleurs  aussi  bien  n  simple  que  n  double  après  voyelle 
accentuée  ;  ainsi  Livre  Noir  :  baneu  et  banneu  (bron  au  lieu  de 
bronn),  kinill  et  kinnill,  llaiieu,penaur,  kitiull,  gwinion.  Le  redou- 
blement de  il  indique  parfois  que  la  voyelle  est  brève  :  Hetm-rit, 
Henn-tre,  Henn-pont  dans  le  Book  of  Llandav  ;  cf.  dans  les  gloses 
mcnntaul. 

Gutturales.  K. 

En  vieux  gallois  k  se  trouve  une  seule  fois,  ce  que  l'auteur  a 
oublié  de  mentionner  :  ham  dans  l'alphabet  dit  de  Nemnivus. 
En  revanche,  on  trouve  sporadiquement  k  au  lieu  de  c  en  anglo- 
saxon  dans  certains  cas  (Bùlbring,  Altengl.  Elementarbi/ch,  §  471, 
rem.  2).  k  apparaît  vers  la  fin  du  xne  siècle  à  peu  près  aussi 
tôt  dans  les  textes  anglais  que  dans  les  textes  gallois  (Sweet,  Hist., 
p.  161,  en  cite  des  exemples  de  YOrmulum).  D'un  autre  côté,  il  est 
inexact  que  k  soit  employé  dans  le  Livre  Noir  à  l'exclusion  de  c 
devant  les  palatales  e,  i,  y.  Cf.  Skene,  F.  A.  B.  :  celi,  13,  1  ;  cymi- 
naiic,  51,  ié  ;  yscythricb  44,  14  ;  am  cylch,  20,  11  ;  redcir,  21,  16; 
cirrn,  22,  39  ;  losci,  44,  13  ;  ac  ceisso,  21,  10;  certenhin,  31,  11  ; 
cirn,  48,  7  ;  iscereint,  33,  26  ;  circh,  56,  21  ;  circhu,  24,  27.  Devant 
u  (iï)  on  n'a  que  c. 

cch  =  y.  L'auteur  n'en  cite  qu'un  exemple  :  eirccheid  «  quéman- 
deurs »  dans  le  Livre  Noir.  Il  n'est  pas  plus  probant  que  Tunccetace 
dans  les  Inscr.  Brit.  Christ.  Ce  sont  là  des  accidents  d'écriture.  En 
tout  cas  cela  n'a  rien  à  faire  avec  la  graphie  anglo-normande  cch 
dans  pecché,  où  ch  =  ts. 

h  =  1 .  Morgan  Watkin  signale  h  pour  ch  dans  buhet  l  (Livre 
Noir)  et  kyuerheis  (White  Book).  Ce  symbole  aurait  peut  être  été 
transmis  de  l'anglais  au  gallois  par  la  prose  anglo-normande.   Or 

1.  L'auteur  écrit  par  erreur  buchet,  qui  se  trouve  ailleurs;  mais  il  y  a 
buhet  dans  le  passage  cité. 


2^4  Bibliographie. 

h  avec  cette  valeur,  sans  être  fréquent,  se  trouve  en  vieux  gallois  : 
liho  pour  lichou,  plur.  de  llwçb  dans  des  gloses  marginales  à  l'Evan- 
géliaire  de  Saint-Chad  ;  Brobonwgli,  au  viie-vme  siècle  (Jnser.  Brit. 
Christ.,  15,  158)  ;  cf.  Mormarh  (Notes  marg.).  En  anglo-saxon.,  /; 
est  la  règle  (Bùlbring,  Altengl,  Elan,  b.,  §§  54-55,  480).  Dans  une 
charte  anglo-saxonne  de  949  (de  Gray-Birch,  Chart.  Saxon.  111, 
p.  473),  h  est  employé  pour  ch  dans  des  noms  comiques  :  Croit- 
sureh,  Caer  Uureh. 

G  pour  ng.  C'est  une  graphie  fréquente  aux  xiie-xme  siècles. 
Elle  serait  due  aux  scribes  anglo-normands,  qui,  en  effet,  sup- 
priment n  devant  certaines  consonnes,  surtout  devant  c  et  g  (estra- 
gers,  cbagièrent).l\  y  en  a  au  moins  un  exemple  en  vieux  gallois  : 
Oxf.  2,  torcigel,  uentris  lora,  pour  torcingel,  Dans  les  privilèges  de 
l'jtglise  de  Llandav,  dont  l'orthographe  relève  du  vieux  gallois,  on 
remarque  loggou  pour  longon1.  A  remarquer  dans  le  Book  of  Llan- 
dav cg  dans  cecg,  p.  73,  Tralucg  p.  213.  C'est  une  graphie  qui  n'est 
pas  rare  dans  certains  textes  anglo-saxons  pour  gg,  avec  une  autre 
valeur  qu'en  gallois  il  est  vrai  (Bùlbring,  Altengl.  Elem .  h,  §  539 
rem.).  Dans  les  notes  marginales  à  l'Evangéliaire  de  Saint  Chad, 
on  a,  au  lieu  de  ne,  gc  dans  tage  «  paix  ».  Dans  le  Livre  Noir, 
pour  -ne-  on  a  généralement  gh,  parfois  g  ;  ngc  dans  ieuange;  une 
fois  c  dans  dac  pour  danc  (tanc). 

Labiales,  ph.  L'extension  de  l'usage  de  ph  pour  /en  gallois 
serait  due  aussi  à  l'influence  française.  Cette  extension  en  somme 
se  borne  à  la  graphie  ph  dans  les  mutations  initiales,  concurrem- 
ment avec /et  ff.  Or,  ph  est  la  mutation  de  p  en  spirante  sourde  : 
c'est  l'étymologie  qui  a  ici  dicté  son  emploi.  Griphiud  de  même  a 
été  amené  par  Gripiud  (Notes  Margin.)  et  Grippiud  (Généalogies, 
cf.  J.  Loth,  Mal.,  2e  éd.,  II,  p.  347).  Aux  ix-xe  siècles,  on  savait 
en  Galles  que  les  spirantes  sourdes  provenaient  d'occlusives  doubles; 
de  là  les  graphies  comme  Grippiud,  Gripiud,  Masguie  Clop(p)  dans 
les  Généalogies  ;  Lunar(c)hi  Cocci  dans  les  Inser.  Brit.  Christ. 
(insc.  des  vne-vine  siècles)  ;  anbicc  guell  (écrit  anbiie  guell)  dans  les 
Gloses.  Dans  un  des  poèmes  à  Juvencus  une  neiu  doit  probablement 
être  lu  ucc  neiu.  Dans  le  plus  ancien  manuscrit  des  Lois  de  Gwy- 
nedd  ce  pour  ch  est  fréquent;  cf.  Book  of  Llandav,  p.  247,  biean, 
weiilhueeoyt 2.  Il  est  très  probable  que  la  transformation  des  occlu- 

1.  Dans  une  autre  charte  (p.  148),  où  les  noms  propres  ont  le  caractère 
de  ceux  du  du  IXe  s.  plutôt  que  du  x«,  on  trouve  également  Llyggesaul 
pour  Ltyngessaiul. 

2.  Nennius,  Hist.  Britt.  LXIX  :  Guoloppum  id  est  Catguoloph. 


Bibliographie.  235 

sives  sourdes  doubles  en  spirantes  sourdes  a  eu  lieu  entre  le  ve-vi° 
siècle  et  le  vne.  Longtemps  après,  la  graphie  primitive  est  restée 
concurremment  avecch,  ih,  ph,  ou  plus  négligemment  c,  t,  p.  On  la 
relève  dans  une  inscription  chrétienne  des  vne-vnie  siècles  :  Luuar- 
(c)hi  Cocci  (Cocci  gén.  de  *Coccos,  gall.  coch  «  rouge  »). 

ff.  Le  double  ff  apparaît  en  effet  pour  la  première  fois  dans  le 
Livre  Noir.  Il  y  est  très  rare  à  l'initiale  ;  mais  il  n'est  pas  vrai  qu'il 
alterne  avec  ph  en  position  médiane.  Il  n'y  a  qu'un  seul  exemple 
de  ph  dans  cette  position  :  gorphen,  et  encore  y  a-t-il  ici  influence 
depenn.  D'après  l'auteur,  ce  serait  un  emprunt  au  système  anglo- 
normand  du  redoublement  des  lettres.  Nous  avons  vu  ce  qu'il  fal- 
lait penser  de  ce  redoublement.  Le  doublement  aurait  pu  se  pro- 
duire, par  analogie  avec  ce,  tt,  pour  exprimer  l'aspiration  depp  ;  mais 
comme  il  n'existe  pas  avant  la  composition  du  Livre  Noir,  il  est 
plus  simple  d'y  voir  un  artifice  amené  par  le  caractère  de 
spirante  sonore  de  /intervocalique  et  final.  .F/' existait  en  anglo- 
saxon  et  y  avait  toujours  la  valeur  d'une  spirante  sourde. 

»,  v,  w,  f,ff  =  V. 

Les  graphies  w,  f,  ff  pour  v  seraient  d'origine  anglo-nor- 
mande. Pour/,  le  contraire  est  certain.  En  vieux  gallois,  le  son  v 
était  toujours  exprimé  par  h.  La  prononciation  réelle  n'a  com- 
mencé à  se  traduire  dans  l'écriture  qu'au  xie  siècle.  F  me  paraît 
emprunté  à  l'anglo-saxon,  où  il  avait  la  valeur  de  v  à  l'intérieur  du 
mot  entre  des  sons  sonores.  Les  Privilèges  de  l'église  de  Llandav 
ont  été  sûrement  rédigés  d'abord  en  vieux  gallois  ou  en  tout  cas 
dans  la  langue  de  l'époque  de  transition.  On  y  trouve  cymreilh  et 
cyfreiih  1  (J.  G.  Evans,  B.  of  Llandav,  p.  120).  Dans  la  charte 
authentique  de  1126,  je  relève  TafÇjhid.,  p.  27).  Cette  charte  est 
en  réalité  anglo-normande,  mais  avec  des  caractères  hiberno-saxons. 
Elle  concerne  le  Pays  de  Galles.  C'est  un  indice  que/=  v  relevé 
par  Morgan  Watkin  dans  YEstorie  des  Englcs,  écrite  entre  1 145  et 
1 1 5 1 ,  doit  être  attribué  à  l'influence  anglo-saxonne.  Fassal  pour 
vassal  ne  s'explique  pas  autrement. 

La  graphie  -w,  d'un  usage  fréquent  dans  le  Livre  Noir  (ainsi  que 
parfois  ;///),  avec  la  valeur  de  v,  me  paraît  en  revanche  attribuable 
aux  Anglo-normands.  C'est  chez  ceux-ci  une  graphie  fréquente  ; 
je  l'ai  d'ailleurs  indiqué  moi-même.  A  la  finale  dans  le  Livre  Noir, 

1.  A  la  ligne  20,  Lantam  ;  m  a  été  gratté  et  remplacé  par/  (notes  à  la 
page  120). 


23  e  Bibliographie. 

f  est  plus  fréquent  que  w  ;  il  était  "préférable  à  11  qui  prétait  à  con- 
fusion. 

w. 

w  est  passé  des  Anglo-saxons  aux  Anglo-normands.  D'après 
l'auteur,  l'usage  étendu  de  ce  diagramme  en  gallois  serait  dû  à 
l'influence  anglo-normande.  Or,  cet  usage  ne  se  montre  guère  en 
somme  au  xne  siècle.  Dans  le  Livre  Noir  et  jusqu'au  milieu  du  xme 
siècle,»  pour  w  est  en  usage  (J.  Loth,  Mab.,  2e  éd.,  I,  p.  19-20). 
En  anglo-saxon,  on  trouve  u,  ou  un,  parfois  ton,  concurremment 
avec  le  symbole  runique  (Bùlbring,  op.  cit.,  §  48). 

%  y- 

L'introduction  de  y  en  gallois  serait  due  aussi  à  des  influences 
anglo-normandes.  Cependant  ce  n'est  guère  que  dans  des  diph- 
tongues que)' apparaît  d'abord  chez  les  Gallois.  Il  n'y  aurait  que  des 
traces  de  y  pour  i  en  dehors  des  diphtongues,  d'après  l'auteur  lui- 
même,  au  xne  siècle.  En  vieux  gallois,  en  dehors  de  quelques  diph- 
tongues dans  YHistoria  de  Nennius  et  les  Annales  Cambriae,  il  n'y 
aurait  pas  trace  de  y.  Y  était  bien  connu  des  scribes  brittons,  car  on 
trouve  dans  une  note  marginale  à  l'Evangéliaire  de  Saint-Chad  le 
nom  de  l'évêque  anglo-saxon  Wynsi.  Dans  les  Annales  Cambriae  je 
remarque  Brendan  Byror.  S'ils  ne  l'ont  employé  que  tardivement, 
c'est  que  le  son  représenté  par  y  ne  répondait  exactement  à  aucun 
son  du  vieux  gallois.  Cependant,  lorsque  vers  le  xie-xne  s.  on  com- 
mence à  mettre  plus  d'exactitude  dans  l'expression  graphique  des 
sons,  on  le  voit  apparaître.  Il  existe  dans  un  manuscrit  du  De  Tri- 
nitate  de  Saint-Augustin  de  la  Bibliothèque  G.C.C.  de  Cambridge, 
manuscrit  du  xie  siècle,  un  quatrain  gallois  incomplet  où  y  est  en 
usage  :  trynit,  tryeenn,  amtrybann,  Cyrguenn,  atndifuys.  D'après 
M.  Bradshaw,  ce  quatrain  aurait  été  écrit  par  Johannes,  fils  de  Sul- 
gen,  évêque  de  Saint-David  de  1071  à  1089  (J.  G.  Evans,  The  Book 
of  Llandav,  xxv).  Dans  le  Livre  Noir,  y  alterne  avec  i  et  même 
avec  e  ;  mais  le  plus  souvent  il  exprime  0  bref  ou  une  voyelle  de 
résonnance. 

Voyelles  irrationnelles. 

Ici  encore,  en  moyen  gallois,  nous  serions  en  présence  d'em- 
prunts anglo-normands.  Ce  qui  est  vrai,  c'est  que  l'on  est  en  pré- 


Bibliographie.  237 

sence  de  mêmes  causes  produisant  les  mêmes  effets.  La  voyelle  de 
résonance  ou  de  transition  se  présente  à  peu  près  dans  les  mêmes 
groupes,  et  il  est  naturel  qu'on  ait  recours  pour  l'exprimer  à  la 
voyelle  qui  à  l'oreille  s'en  rapproche  le  plus.  En  vieux  gallois  on 
ne  l'écrit  pas  en  général,  mais  on  ne  le  fait  pas  davantage  en  gallois 
moderne. 

L'auteur  traite  ensuite  de  Y inter change  des  ténues  et  moyennes  à 
la  finale  et  à  la  médiane,  et  il  y  voit  encore  des  influences  anglo- 
normandes,  parce  qu'il  relève  çà  et  là  des  phénomènes  semblables 
en  français  et  en  anglo-normand.  Il  est  de  toute  évidence  que  le  flot- 
tement est  dû  la  plupart  du  temps  à  l'incertitude  de  la  valeur  exacte 
des  sonsconsonnantiques.  En  vieux  gallois,  on  a  systématiquement 
là  sourde  à  la  finale  et  même  à  la  médiane  '.  Dans  les  gloses  à 
Martianus  Capella,  c  final  est  fréquemment  doublé  ;  très  rarement 
au  milieu  du  mot  entre  voyelles  2.  Dans  le  Livre  Noir,  il  n'y  a 
pas  à  tenir  compte  de  d,  t  ayant  la  valeur  de  d.  En  revanche,  à  la 
finale,  on  a  toujours  c  ;  à  la  médiane,  c  est  encore  fréquent  :  keredi- 
ciaun,  Morccanhuc,  redecauc,  emendiceid,  lluricogion,  arcoed  (et 
argoyd),  gostecuir,  kicleu. 

P  est  également  employé  à  la  finale  :  ellyspp,  hesgip,  gulip,  pop, 
paup  (mais  aussi  paub).  A  l'intérieur  du  mot  :  Uogporth  et  ïïog- 
borth  ;  deheu-parth,  diheu-porth.  En  revanche,  on  a  régulièrement 
mab'\  c'est  que  la  finale  était  sourde  ou  demi-sourde,  excepté  dans 
les  monosyllabes  où  la  voyelle  n'était  suivie  primitivementque  d'une 
consonne  ;  dans  ce  dernier  cas  la  voyelle  était  allongée  et  la  consonne 
finale  était  sonore.  Le  même  fait  se  constate  en  comique,  même 
dans  la  prononciation  actuelle  des  noms  de  lieu  indigènes.  Il  en 
est  de  même  en  breton,  excepté  dans  les  monosyllabes  terminés 
par  c.  Jusqu'au  xvie  siècle,  on  continue  à  écrire  c  à  la  finale.  On 
trouve  encore  t  au  xive  siècle.  Ce  n'est  qu'au  xvie  siècle  qu'on 
écrit  assez  régulièrement  b  d  g -et  encore  trouve-t-on  unie  dans  la 
Bible  de  1620.  L'influence  française  n'est  pour  rien  dans  cette 
affaire. 

Il  y  a  aussi  des  influences  dialectales  à  considérer.  John  Rhys 
avait  déjà  remarqué  que  le  d  intervocalique  ordinaire  dans  le  dia- 
lecte de  Gwent  était  plutôt  encore  un  /  à  l'oreille,  un  /  en  marche 
cependant  vers  d.  En  1920,  préoccupé  de  cette  assertion  et  surtout 

1.  Ce  redoublement  systématique,  qui  n'existe  pas  ailleurs,  me  paraît  dû 
à  l'influence  de  scribes  irlandais.  La  graphie  çoiliaucc,  où  -auc  devait  être 
prononcé  avec  c  ou  g  assourdi  en  est  un  indice. 

2.  Il  y  a  de  rares  exceptions  :  or  gam,  hendat,  gubennid,  modreped. 
Revue  Celtique,  XXXIX.  ï6 


238  Bibliographie. 

du  fait  qu'à  mon  oreille  /;  d  g  et  particulièrement  g  à  l'initiale,  dans 
le  dialecte  de  Carnarvon,  me  faisaient  l'effet  de  sourdes,  ce  qui 
rappelait  le  plood  pour  blood  de  Shakespeare,  j'amenai  au  laboratoire 
de  l'abbé  Rousselot  Morgan  Watkin,  qui  d'ailleurs  désirait  se  mettre 
au  courant  de  la  phonétique  expérimentale.  Le  gallois  de  Glamor- 
gan  est  sa  langue  maternelle.  11  se  prêta  intelligemment  aux  expé- 
riences qui  se  poursuivirent  pendant  deux  ans  avec  le  concours  de 
M.  Chlumsky,  aujourd'hui  chef  du  Laboratoire  de  phonétique  à 
l'Université  tchèque  de  Prague.  Pour  les  consonnes,  le  résultat  est 
certain  :  à  l'initiale  p  t  c  sont  des  aspirées  sourdes  ;  entre  voyelles  ce 
sont  des  occlusives  sourdes  pures.  A  l'initiale, fr  dg  sont  des  moyennes 
sourdes  ou  accompagnées  de  peu  de  vibrations  laryngiennes  »,  Mor- 
gan Watkin,  p.  210  et  suiv.,  rappelle  ces  expériences  et  y  ajoute 
d'intéressantes  remarques. 

Il  consacre,  après  sa  revue  générale  de  l'orthographe  galloise 
que  je  viens  de  discuter,  un  bon  nombre  de  pages  à  l'orthographe 
du  Black  Book  of  Chirk,  le  plus  ancien  manuscrit  des  lois  en  gal- 
lois. Il  adopte  l'opinion  de'  Gwenogvryn  Evans  pour  la  date  du 
manuscrit  qui  aurait  été  écrit  vers  1200.  J'aurais  aimé  quelques 
précisions  à  ce  sujet.  Le  texte  de  la  Myv.  Arch.,  considérablement 
rajeuni  cependant,  remonte  à  »un  manuscrit  tout  aussi  archaïque, 
plus  archaïque  même  à  certains  points  de  vue.  Le  manuscrit  des 
Leges  Wallicae  dont  s'est  servi  Aneurin  Owen  (tome  II,  pp. '750- 
814)  serait,  d'après  Gwenogvryn  Evans,  du  dernier  quart  du 
xiie  siècle  ;  il  est  en  latin,  mais  les  termes  juridiques  sont  en  gal- 
lois. Je  ne  suivrai  pas  l'auteur  dans  son  analyse  ;  je  ne  ferais  que 
me  répéter.  Je  me  bornerai  à  une  remarque  générale  :  l'orthographe 
de  ce  manuscrit  est  très  irrégulière  ou  plutôt  très  variée,  parce  que 
le  scribe  y  a  introduit  des  graphies  de  plusieurs  époques,  et  notam- 
ment des  graphies  déjà  archaïques  de  son  temps.  Sa  plus  grande 
originalité,  dit  Morgan  Watkin,  se  voit  dans  son  traitement  de  ch, 
th,  dd  et  /;  :  de  ch  représenté  par  c,  ce,  ch,  gh,  h  ;  de  //;  par  fh,  dh, 
t,  d,  h,  s  ;  de  dd  par  //;,  dh,  t,  d,  h.  Or,  dans  le  texte  de  la  Myv. 
Arch.,  on  a  ainsi  et  régulièrement  c  pour  ch  et/  pour  th.  Le  double 
ce  apparaît  dans  les  Inscript.  Briit.  Christ,  des  viie-vme  siècles  : 
Lunarchi  Cocci  (cf.  dans  les  Généalogies  du  Xe  siècle  :  Gripiud, 
Grippiud,  MasguicClop(p)  ;  c  se  trouve  aussi.  Dans  les  deux  poèmes 
à  Juvencus,  d  vaut  //;  et  d.  Pour  dd,  dh,  voir  plus  haut  ;  h  et  s  pour 
th  peuvent  représenter  des  faits  phonétiques.  Dt  se  trouve  pour  //; 
dans  des  gloses  marginales  à  rÉvangéliaire  de  Saint  Chad  (luidt  = 
luith).  Pour  h  =  ch,  voir  plus  haut. 

1.  Les  tracés  doivent  paraître  dans  la  Revue  de  phonétique. 


Bibliographie.  239 

En  passant,  je  remarque  que  /;  en  hiatus  se  trouve  en  vieux  gal- 
lois :  gurehic.  Il  n'y  a  là  aucune  trace  d'influence  française.  De 
même  pour  /  dans  digaunt  ;  dans  les  gloses  bretonnes  à  Eutychius 
on  a  eunt  ;  l'absence  de  /  dans  holan  «  ils  réclament  »  est  un  fait  de 
phonétique. 

Toute  la  partie  concernant  l'influence  française  sur  l'orthographe 
galloise  au  xne  siècle  a  besoin  d'être  soumise  à  un  nouvel  examen. 
La  renaissance  de  la  littérature  galloise  au  xne  siècle  serait  due 
aussi  d'après  l'auteur  à  l'intrusion  dans  le  pays  à  la  fin  du  xie  s.  de 
la  civilisation  et  la  littérature  de  la  France.  Il  peut  y  avoir  une 
part  de  vérité  dans  cette  assertion,  et  je  ne  demande  pas  mieux 
pour  ma  part  que  d'en  être  convaincu.  Je  serais  encore  d'avis  que 
la  renaissance  littéraire  galloise  au  xne  s.,  sans  être  le  résultat  de  la 
lutte  pour  l'indépendance  de  11 36  à  1140,  comme  le  croit  le  Prof. 
Lloyd,  est  due  en  partie  à  la  surexcitatron  du  sentiment  national. 
Rien  de  plus  frappant,  quand  on  compulse  les  poésies  des  bardes. 
Comme  Morgan  Watkin,  je  ne  crois  nullement  à  l'influence  de 
Rhys  ap  Tewdur  qui  aurait  été  puiser  aux  traditions  et  à  l'art  bre- 
ton armoricain  et  les  aurait  popularisés  à  son  retour  en  1080.  A  la 
fin  du  xie  siècle,  les  princes  bretons  s'étaient  établis  dans  les  pays 
de  langue  romane  du  Nantais  et  du  Rennais,  que  leurs  pères  avaient 
conquis  au  milieu  et  dans  la  seconde  moitié  du  ixe  siècle.  La  poé- 
sie bardique  des  xne  et  xme  siècles  qui  est  de  beaucoup  la  branche 
la  plus  importante  de  la  littérature  galloise  ne  doit  rien  à  la  litté- 
rature française.  On  parle  de  renaissance  galloise  comme  si  la  lit- 
térature galloise  était  tombée  en  décadence  dans  les  siècles  précé- 
dents. Or,  nous  avons  la  preuve  que  la  poésie  notamment  ne  fait 
que  continuer  au  xne  siècle  le  bardisme  des  xie,  xe  et  ixe  siècles. 
Le  deuxième  poème  à  Juvencus  a  tous  les  caractères  de  l'art  si  par- 
ticulier et  si  frappant  des  triplets  et  quatrains  que  Ton  rencontre 
'dans  le  Livre  Noir  et  les  parties  anciennes  du  Livre  Rouge.  On 
rencontre  çà^t  là  dans  le  Livre  Noir,  le  Livre  de  Taliésin,  le  Livre 
Rouge,  des  poèmes  incontestablement  antérieurs  au  xne  siècle. 
Le  .Gorchan  Maelderiv,  version  indépendante  du  Gododin,  a  sûrement 
été  copié  d'un  manuscrit  en  vieux  gallois  ;  il  en  a  conservé  un 
bon  nombre  de  formes.  Le  Gododin  dont  le  noyau  primitif  peut 
remonter  au  vne  siècle,  mais  dont  la  rédaction  conservée  dans  des 
manuscrits  assez  récents  ne  peut  remonter  au  delà  de  la  fin  du 
ixe  siècle,  atteste  une  culture  poétique  remarquable.  Enfin  la 
langue  et  la  composition  des  Lois  ne  s'expliqueraient  pas  sans  l'exis- 
tence d'une  classe  de  lettrés  versés  dans  l'étude  du  droit.  Si  la  lit- 
térature galloise  paraît  pauvre  avant  le  xne  siècle,  c'est  que  la  plu- 


240  Bibliographie. 

part  de  ses  œuvres  ne  nous  a  pas  été  transmise.  11  ne  semble  pas 
que  les  scribes,  du  moins  sans  doute  pour  la  plupart,  se  soient 
intéressés  à  la  littérature  nationale,  comme  en  Irlande.  Des  épo- 
pées, seuls  quelques  morceaux  en  vers  ont  survécu.  La  littérature 
écrite  se  développe  considérablement  au  cours  du  xne  siècle,  sur- 
tout vers  la  fin  de  ce  siècle.  Les  archives  des  chefs  gallois  paraissent 
mieux  tenues.  Il  est  fort  probable  que  cet  heureux  résultat  est  dû 
à  l'influence  française. 

En  résumé,  je  crois  que  l'influence  française  s'est  manifestée 
moins  rapidement  que  ne  le  croit  l'auteur  et  que  sa  part  dans 
l'évolution  de  la  littérature  galloise  a  été  moins  grande  qu'il  ne  le 
croit,  au  moins  au  xne  et  au  xme  siècle.  Dans  les  mœurs,  les  cou- 
tumes, et  surtout  la  civilisation  matérielle,  elle  me  paraît  plus  sen- 
sible, comme  il  fallait  s'y  attendre. 

La  documentation  de  l'auteur  est  en  défaut  sur  plusieurs  points; 
mais  ces  lacunes  et  mêmes  quelques  erreurs  ne  sauraient  surprendre 
si  on  songe,  comme  il  le  fait  modestement  remarquer  en  terminant, 
qu'il  a  composé  son  travail  à  Johannesburg,  à  7.000  milles  de  toute 
bibliothèque  appropriée  à  de  pareilles  recherches. 

J.  Loth. 


II 

Ifor  L.  Evans  et  Henry  Lewis,  Cyfres  y  IVeriu.  The  Educational 
Publishing  Co.  Ltd.  Penarth  Road,  Cardiff. 

MM.  Ifor  L.  Evans  et  Henry  Lewis  ont  eu  l'excellente  idée  de 
faire  paraître  sous  leur  direction  et  avec  leur  propre  concours  une 
série,  de  traductions  galloises  d'ouvrages  étrangers,  constituant  un 
Recueil  de  littérature  populaire. 

Les  gens  du  peuple,  ouvriers  et  paysans,  en  Gal&Ks,  sont  sans 
contredit  les  plus  instruits  des  Iles  Britanniques.  Ils  sont  passion- 
nés pour  les  choses  de  l'esprit,  en  particulier  pour  la  poésie  et  la 
musique,  et...  pour  l'éloquence  religieuse.  La  faculté  d'absorp- 
tion de  sermons  chez  un  Gallois  défie  toute  comparaison  :  les 
prédicateurs  pourront  se  succéder  pendant  de  longues  heures  :  les 
auditeurs  eux  ne  broncheront  pas.  Il  y  a  l'envers  de  la  médaille. 
Si  le  sentiment  religieux  est  une  grande  force  morale,  infiniment 
respectable,  les  passions  religieuses  sont  de  nature  à  fausser  le  juge- 
ment. Un  savant  étranger  qui  connaît  bien  la  France  pour  l'avoir 
habitée  plusieurs  années  dont  deux  en  pleine  guerre,  revenait  il  n'y 


Bibliographie.  24 1 

a  pas  longtemps  d'un  séjour  de  quelques  mois  dans  le  Pays  de 
Galles,  absolument  surpris  et  même  indigné  des  propos  qu'il  avait 
entendus  sur  la  France  et  les  Français.  Les  idées  les  plus  saugrenues 
sur  leur  compte  trouvaient  créance,  simplement,  semble-t-il,  parce 
que  le  Français  est  considéré  comme  un  impie,  et,  ce  qui  est  plus 
grave  aux  yeux  de  certaines  gens,  comme  un  papiste.  Je  me  hâte 
de  dire  que  ce  n'est  pas  un  sentiment  général,  en  particulier  chez 
les  Gallois  qui  ont  appris  à  nous  connaître  sur  les  champs  de 
bataille. 

La  littérature  galloise  contemporaine  a  produit,  surtout  en  poé- 
sie, des  œuvres  remarquables,  dignes  d'être  connues  à  l'étranger. 
Mais  il  est  incontestable  qu'elle  est  trop  repliée  sur  elle-même, 
qu'elle  manque  d'horizon.  Dans  les  sciences  philologiques  et  his- 
toriques, il  en  est  de  même.  En  histoire,  dans  des  œuvres  utiles, 
mais  trop  vantées  ',  en  linguistique,  la  méthode  est  défectueuse  ;  il 
est  visible  que  les  auteurs  ne  sont  pas  au  courant  du  mouvement 
scientifique  continental.  On  ne  peut  pas  citer  une  seule  bonne  édi- 
tion critique  de  texte  gallois.  En  science,  comme  en  littérature,  il  en 
est  de  même.  La  publication  en  question  est  de  nature  à  élargir  le 
cercle  des  connaissances  des  Gallois  et  à  leur  faire  connaître  les 
choses  et  les  gens  du  continent. 

J'ai  sous  les  yeux  quelques  volumes  de  la  série  les  plus  récem- 
ment parus.  Ce  sont  de  petits  volumes  in-12,  élégamment  carton- 
nés, d'une  impression  soignée,  qui  font  honneur  au  goût  des  édi- 
teurs et  des  imprimeurs.  MM.  Ifor  L.  Evans  et  Henry  Lewis  se 
sont  montrés  tort  éclectiques,  ce  dont  on  ne  saurait  les  blâmer. 

N°  4.  Moelona.  Y  Wers  olaf  (la  dernière  leçon  :  cette  nouvelle 
est  suivie  d'une  autre  nouvelle  d'Alphonse  Daudet). 

N°  5.  Gwilym  A.  T.  Davies.  Brenin  yr  Ellyïlon  (Le  roi  des 
Esprits  ou  fantômes,  de  Gogol). 

N°  6.  T.  H.  Parry  Williams.  Ystorïau  Bohemian1  (Histoires  de 
Bohême  :  quatre  de  ces  nouvelles  sont  de  Y.  Vrchlicky  (Ervil  Fri- 
da)  ;  deux  de  Swatopluk  Cech;  une  de  Jan  Neruda. 


1.  UHistory  of  Wales  de  J.  E.  Lloyd  est  une  œuvre  des  plus  remar- 
quables, réserves  faites  en  ce  qui  concerne  la  pré-  et  proto-histoire,  témoi- 
gnant d'un  véritable  esprit  critique  et  de  recherches  aussi  consciencieuses 
qu'approfondies.  Mais  il  n'est  pas  toujours  au  courant  de  la  science  conti- 
nentale. De  plus,  il  est  visible  qu'il  n'est  pas  linguiste,  ce  qui  est  très  regret- 
table dans  une  œuvre  de  ce  genre. 

2.  Ces  nouvelles  sont  traduites  non  du  tchèque,  mais  d'une  Traduction 
allemande  du  tchèque. 


242  Bibliographie. 

Autant  que  j'ai  pu  en  juger,  tout  au  moins  pour  les  ouvrages 
traduits  du  français,  les  traductions  m'ont  paru  fidèles  et  d'une 
bonne  langue.  On  annonce  pour  paraître  bientôt  une  traduction 
des  Paroles  d'un  Croyant  de  Lamennais  par  M.  Ambrose  Bebb  et  de 
Y  Avare  de  Molière  par  M.  Ifor  L.  Evans.  Il  serait  à  désirer  que  ce 
dernier  fît  connaître  tout  Molière  à  ses  compatriotes  :  une  traduc- 
tion de  Tartuffe,  par  exemple,  serait  sûrement  bien  accueillie  et  de 
nature  à  frapper  utilement  leur  esprit. 

J.  Loth. 

III 

J.   Morris-Jones.  An  elementary  Welsh  grammar.   Part  I  :  Phono- 
logy  and  accidence,  Oxford,  Clarendon  Press,  1921. 

Les  grammaires  élémentaires  du  gallois  moderne  ne  manquent 
pas.  Celle  de  J.  Morris-Jones  est  la  plus  complète  sans  contredit. 
Dans  sa  Préface,  il  se  propose,  nous  dit-il,  d'exposer  sous  une  forme 
concise,  mais  néanmoins  assez  complète,  la  pure  tradition  gramma- 
ticale en  gallois  moderne.  Cette  tradition,  il  la  fait  remonter  cà  Dafydd 
ap  Gwilym  et  aux  poètes  qui  l'ont  suivi.  Le  Dr  tMorgan,  dans  sa 
traduction  de  la  Bible,  qui  a  joué  un  si  grand  rôle,  aurait  adopté 
la  forme  littéraire  que  l'on  trouvait  conservée  pure  chez  les  bardes, 
mais  se  serait  laissé  influencer  par  les  inventions  de  W.  Salesbury, 
dans  une  certaine  mesure.  Le  Dr  Davies,  qui  est  responsable  de  la 
révision  de  1620,  a  bien  corrigé  les  formes  corrompues  de  Morgan 
mais  a  laissé  subsister  ses  néologismes.  L'influence  d'O.  Pughe, 
dont  les  théories  étymologiques  auraient  rendu  la  langue  écrite 
encore  plus  artificielle  et  plus  conventionnelle,  a  maintenant  dis- 
paru. Dans  la  cynghanedd  la  tradition  littéraire  a  persisté.  C'est 
elle  que  veut  codifier  l'auteur. 

Assurément  la  langue  de  Dafvdd  ap  Gwilym  marque  une  ère 
nouvelle,  mais  en  poésie.  La  langue  littéraire  courante  existait  déjà 
incontestablement  dans  la  prose,  en  particulier  dans  les  traductions 
de  romans  français,  comme  Boivn  0  Hautiun,  ou  de  textes  latins. 
La  langue  de  certaines  de  ces  traductions  est  excellente.  La  prose 
même  de  quelques  ntabinogiou  a  une  grande  valeur  littéraire.  Rien 
ne  serait,  à  mon  avis,  plus  profitable  aux  Gallois  lettrés,  comme 
correctif  à  de  fâcheuses  tendances  de  la  prose  actuelle,  que  la  lec- 
ture de  ces  textes.  La  langue  de  ces  textes  est  encore  plus  éloignée 
de  celle  des  bardes  de  la  même  époque  que  la  langue  de  la  prose 
anglaise  de  celle  de  la  poésie. 


Bibliographie.  243 

Il  y  aurait  eu  aussi  à  faire  une  distinction  entre  la  langue  du  Sud 
Galles  et  celle  du  Nord.  Au  point  de  vue  de  la  pro  se,  il  me 
parait  plutôt  fâcheux,  comme  je  l'ai  entendu  dire  aussi  à  John 
Rhys,  que  ce  soit  la  forme  du  Nord  qui  ait  dominé. 

Sur  la  nature  exacte  des  sons  gallois,  il  y  aurait  des  réserves  à 
faire.  Il  est  certain  que  les  auteurs  gallois  ne  s'en  sont  pas  rendu 
compte  exactement.  La  publication  des  études  expérimentales 
faites  sur  le  dialecte  du  Glamorgan  au  Collège  de  France  l'éta- 
blira.  D'autres  études  analogues  sont  en  cours.  Mais  comme  il 
s'agit  d'une  grammaire  élémentaire  faite  pour  des  Gallois,  je  ne 
songe  pas  à  en  faire  un  grief  à  l'auteur.  Les  seuls  grammairiens 
qui  aient  tenté  sérieusement  de  définir  exactement  les  sons  gallois 
sont  John  David  Rees  (sa  grammaire,  à  ce  point  de  vue,  est  encore 
à  consulter)  et  John  Rhys,  dans  ses  Lectures  on  IVelsh  Philology, 
qu'on  ne  consultera  pas  sans  profit. 

Çà  et  là,  j'aurais  à  renouveler  certaines  critiques  que  j'ai  adres- 
sées à  l'auteur  pour  sa  IVelsh  Grammar,  historical  and  comparative  ; 
le  lecteur  pourra  facilement  s'y  reporter,  car  les  deux  grammaires 
sont  construites  sur  le  même  plan  et  disposées  de  même  ;  mais  en 
somme,  l'auteur  connaît  la  langue  des  diverses  époques  dont  il  s'oc- 
cupe et  ses  matériaux  sont  puisés  à  de  bonnes  sources,  tant  au  moyen 
âge  qu'à  l'époque  moderne.  Son  exposition  est  concise,  mais  claire. 
Cette  grammaire  est  appelée  à  rendre  de  grands  services  et,  il  faut 
l'espérer,  à  provoquer  une  réaction  contre  certaines  fâcheuses  ten- 
dances qui  se  révèlent  dans  la  prose  des  journaux  et  revues. 

J.  Loth. 


CHRONIQUE 


Sommaire.  —  I.  The  Sound  s  oj  lvish  par  M.  Shân  O'  Cuiv.  —  II.  Œuvres 
posthumes  de  Patrick  Pearse.  —  III.  Célébration  du  Cinquantenaire  de 
l'Ecole  pratique  des  Hautes  Etudes.  —  IV  et  V.  Travaux  récents  de  Dom 
Gougaud  sur  les  plus  anciennes  représentations  du  crucifix  en  Irlande 
et  sur  l'ascétisme  en  pays  celtique.  —  VI.  Les  Norvégiens  dans  le  folk- 
lore d'Irlande  étudié  par  M.  Sommerfelt.  —  VII.  Ouvrages  Técents  de 
linguistique  générale.  —  VIII.  Les  études  celtiques  modernes,  organisées 
par  M.  Y.  M.  Goblet.  —  IX.  Périodiques  nouveaux.  —  X.  Ouvrages 
nouveaux. 

I 

The  Sounds  of  Irish,  tel  est  le  titre  d'un  nouveau  petit  livre  de 
M.  Shân  O'  Cuiv,  qui  mérite  d'être  chaudement  recommandé1. 
Ardent  propagateur  de  la  langue  irlandaise,  M.  Shân  O'  Cuiv  fait 
porter  son  effort  sur  deux  tâches  préalables  qui  lui  paraissent  avec 
raison  essentielles  :  la  simplification  de  l'orthographe  et  l'étude 
de  la  phonétique.  Mais  M.  S.  O'Cuiv  n'est  pas  un  phonéticien 
«  sur  le  papier  »  ;  il  connaît  à  fond  le  mécanisme  des  sons  de  sa 
langue  et  peut  l'enseigner  pratiquement.  Avec  son  ami  le  Dr  R.  O' 
Daly  et  grâce  au  concours  du  Prof.  O.  Bergin,  il  a  contribué  à 
faire  adopter  la  phonétique  comme  base  de  l'apprentissage  de  l'ir- 
landais :  dans  les  écoles  où  l'irlandais  s'enseigne,  l'usage  des 
méthodes  phonétiques  a  donné  d'excellents  résultats.  Quand  on 
veut  apprendre  une  langue  dont  la  prononciation  est  si  particulière, 
si  différente  surtout  de  celle  de  l'anglais,  une  bonne  éducation 
phonétique  est  en  effet  indispensable  :  «  phonetic  drill  from  the 
start  »,  c'est  le  seul  remède  aux  difficultés  de  la  prononciation, 
comme  le  dit  le  Prof.  Bergin  dans  sa  préface. 

Dans  son  nouveau  livre,  M.  Shân  O'  Cuiv  précise  et  complète 

i.  Shan  O'  Cuiv,  The  Sounds  of  Irish,  with  a  Préface  by  Osborn  Bergin. 
Dublin,  Browne  and  Nolan,  1921,  79  p.  in-12. 


Chronique.  245 

l'enseignement  qu'il  a  donné  déjà  dans  Irish  made  easy  et  dans  an 
CônggUr  «  le  Raccourci  »  (cf.  Rcv.  Celt.,  XXXII,  p.  498).  Il  s'agit 
toujours  d'habituer  l'élève  à  se  rendre  exactement  compte  de  la 
position  des  organes  et  de  le  guider  dans  les  exercices  nécessaires 
à  l'apprentissage  de  chaque  son.  Mais  l'exposé  est  cette  fois  plus 
scientifiquement  ordonné  ;  l'auteur  s'est  efforcé  de  mettre  en  lumière 
le  système  phonétique  de  l'irlandais  et  d'en  ramener  la  complica- 
tion à  quelques  principes  généraux.  L'enseignement  gagne  ainsi 
beaucoup  en  précision  et  en  clarté.  La  description  des  sons  témoigne 
d'une  bonne  pratique  pédagogique  :  n'importe  quel  novice  peut  en 
faire  aisément  son  profit.  Quelques  figures  illustrent  les  cas  diffi- 
cultueux  et  en  simplifient  l'étude.  C'est  naturellement  en  partant 
de  l'anglais  que  l'enseignement  de  la  prononciation  irlandaise  est 
donné  :  l'auteur  tire  un  bon  parti  des  fautes  que  les  Irlandais  com- 
mettent en  parlant  anglais,  et  réciproquement.  L'ouvrage  se  ter- 
mine par  une  série  d'exercices,  méthodiquement  progressifs,  et  par 
un  choix  de  textes  où  en  regard  de  l'orthographe  usuelle  est  placée 
une  orthographe  simplifiée,  offrant  de  la  prononciation  une  image 
moins  déformée.  M.  Shân  O'  Cuiv  nous  donne  un  bon  exemple  à 
suivre.  Il  serait  à  souhaiter  que  nos  professeurs  de  langues  vivantes 
s'inspirent  de  son  excellent  petit  livre  et  se  décident  à  mettre  la 
phonétique  en  tête  de  leur  enseignement  ;  il  n'y  a  pas  de  meilleure 
introduction  à  l'apprentissage  d'une  langue  étrangère. 

II 

La  librairie  Maunsel  and  Roberts  (50  Lower  Baggot  Street, 
Dublin)  a  entrepris  un  recueil  des  Œuvres  de  Patrick  Pearse  (Scribb- 
ni  Phâdhraig  Mhic  Phiarais),  le  chef  de  la  Rébellion  de  Pâques 
1916.  L'ensemble  formera  quatre  volumes,  comprenant  des  pièces 
dramatiques,  des  poèmes,  des  contes,  des  écrits  politiques.  Le 
second  volume  est  une  collection  de  chansons  populaires,  une 
sorte  d'anthologie  irlandaise.  P.  Pearse  les  avait  rencontrées  çà  et  là 
et  publiées  dans  divers  périodiques  avec  une  traduction  anglaise. 
La  plus  grande  partie  de  ces  chansons  sont  d'un  genre  que  les  cir- 
constances politiques  ont  trop  souvent  imposé  à  la  littérature  irlan- 
daise, et  qu'on -pourrait  appeler  le  genre  «  rebelle  »  :  ce  sont  des 
cris  de  vengeance  ou  des  appels  au  combat,  des  plaintes  de  con- 
damnés ou  des  regrets  d'exilés.  L'Adieu  à  l'Irlande  (Diombuadh 
triall  ô  thulchaibh  Fàil  «  il  est  pénible  de  s'éloigner  des  collines 
de  Fâl  »)  par  lequel  débute  le  recueil  a  été  composé  vers  1573  Par 
Gerald  Nugent  (Gearôid  Nuinsionn),  un  héros  des  guerres  contre 


246  Chronique. 

Elisabeth.  Ensuite  viennent  une  pièce  de  Fearflatha  O'  Gnimh 
(vers  1580),  mo  thruaigh  mar  laid  Gaoidhil  «  l'état  des  Gaels  fait  ma 
tristesse  »,  puis  une  pièce  de  Aongus  Mac  Daighre  O'  Dalaigh 
(vers  1580),  Dia  iibh,  a  laocbradh  Ghaoidheal  «  Dieu  soit  avec  vous, 
guerriers  Gaels  !  »  pleine  d'ardeur  belliqueuse  ;  puis  la  célèbre 
Raisin  Dubh,  la  Little  Dark  Rose,  qui  remonte  au  début  du  xvne  s., 
mais  dont  l'auteur  est  inconnu  ;  puis  une  lamentation  sur  la  mort 
d'Oliver  Grâce,  par  Seaghan  Mac  Walter  Walsh  (1604),  et  deux 
autres  sur  l'oppression  dont  souffrait  l'Irlande  par  Geoffroy  Kea- 
ting  (Seathrûn  Géitinn),  l'une  postérieure  à  1607  (ôm  sgeol  ar  ârd- 
mhaigh  Fâil  ni  chodlaim  oidhche  «  le  souci  qui  me  vient  de  la  noble 
plaine  de  Fâl  m'empêche  de  dormir  la  nuit  »),  l'autre  des  environs 
de  1644  (mo  thruaighe  mar  ta  Éire),  toutes  deux  d'une  inspiration 
noble  et  passionnée.  Elles  sont  suivies  de  trois  autres  poèmes  de 
Geoffroy  Keating,  mo  beannacht  leat,  a  sgribhin,  go  hinis  aoibhinu 
Ealga  «  porte  ma  bénédiction,  ô  poème,  à  l'aimable  île  d'Irlande  » 
(vers  1606),  empreint  d'une  sentimentalité  touchante  ;  caoin  thù 
féin,a  dbuine  bhoicht,  de  chaoineadh  chàich  coisg  do  shûil  «  pleure  sur  toi- 
même,  pauvre  être,  retiens  tes  yeux  de  pleurer  sur  autrui  »  (vers 
1640),  a  bbean  làn  de  stuaim,  congbhuigh  uaim  do'lâmb  «  ô  femme 
pleine  d'astuce,  retire  de  moi  ta  main  »  (vers  1642),  qui  montrent 
le  souple  talent  poétique  de  Keating  sous  des  aspects  très  différents. 
Le  «  Fantôme  romain»  (an  Siogaidhe  Rômhânach),  d'auteur  inconnu 
(1650)  et  un  poème  du  temps  de  Cromvell  par  Pierce  Ferriter 
(vers  1652),  Do  cbuala  sgêal  do  cbèas  ar  lô  nié  is  thug  san  oidhche 
i  ndaoirse  bhrôin  tué  «  j'ai  entendu  un  récit  qui  m'a  torturé  le  jour  et 
qui  m'a  la  nuit  enfermé  dans  le  chagrin  »,  terminent  les  chants  de 
rébellion  ;  le  dernier  est  d'un  lyrisme  particulièrement  sombre  et 
tumultueux.  Pour  en  adoucir  l'impression,  on  a  réuni  à  la  fin  du 
volume  quelques  pièces  populaires  modernes,  recueillies  par  Pearse 
dans  la  tradition  orale  ;  ce  sont  des  poèmes  religieux,  des  ber- 
ceuses,'des  chansons  d'amour  (comme  la  célèbre  Neili  Bhân), 
d'une  note  tendre  et  délicate.  Afin  que  la  pensée  des  malheurs  de 
l'Irlande  ne  quitte  pas  le  lecteur,  parmi  ces  chansons  populaires 
figure  aussi  la  «  lamentation  pour  le  blond  Donoghue  »  (Marbbna 
Dhonncbadba  Bhâiu),  un  jeune  homme  du  Connaught  pendu  par  les 
Anglais. 

Par  la  variété  et  la  qualité  des  œuvres,  ce  recueil  donne  une 
excellente  idée  de  la  poésie  irlandaise  moderne  ;  il  faut  lui  sou- 
haiter le  plus  grand  nombre  de  lecteurs. 


Chronique.  247 

III 

Le  Ier  décembre  1921.  la  section  historique  et  philologique  de 
l'Ecole  pratique  des  Hautes  Etudes  a  fêté  le  cinquantenaire  de  sa 
fondation.  Cette  fête  a  été  quelque  peu  retardée  par  les  événements 
des  dernières  années;  elle  aurait  dû  avoir  lieu  en  19 18,  puisque  le 
décret  de  fondation  de  l'Ecole,  signé  de  Napoléon  III  sur  la  pro- 
position de  Victor  Duruy,  est  daté  du  31  juillet  1868. 

A  l'occasion  de  ce  cinquantenaire,  les  directeurs  d'études  de  la 
section  ont  publié  un  beau  volume  de  mélanges  (Paris,  Champion, 
164-360  pages  in-8°,  i92i),qui  forme  le  23oerae  volume  de  la  Biblio- 
thèque de  l'Ecole.  M.  Gaidoz  qui  a  déjà  collaboré  à  deux  recueils 
de  Mélanges  précédemment  publiés  par  les  professeurs  de  la  Section I 
(en  1878,  volume  35  de  la  Bibliothèque  et  en  1886,  volume  73), 
a  donné  à  celui-ci  une  étude  intitulée  Cuchulain,  Beowulf  et  Hercule 
(pp.  131-156).  C'est  à  la  fois  une  étude  de  folk-lore  et  de  littéra- 
ture comparée,  comme  le  savant  auteur  en  a  déjà  produit  quelques 
modèles.  Le  point  de  départ  de  celle-ci  est  l'épisode  de  la  Fled 
Bricrend,  dans  lequel  les  trois  héros  Cuchulain,  Loegaire  Buadach 
et  Conall  Cernach,  arrivant  au  château  de  Curoi,  y  montent  la 
garde  à  tour  de  rôle  pendant  trois  nuits  de  suite.  C'est  Blathnat, 
la  femme  de  Curoi,  alors  absent,  qui  leur  demande  ce  service. 
Loegaire,  puis  Conall  accomplissent  tant  bien  que  mal  leur  temps 
de  faction  et  se  tirent  sans  gloire  des  épreuves  qui  s'imposent  à 
eux.  Cuchulain,  qui  affronte  des  épreuves  autrement  sévères,  en  tire 
occasion  d'exploits  merveilleux  et  victorieux.  Aussi  Curoi  à  son 
retour  attribue-t-il  à  Cuchulain  le  curadmir  («  morceau  du  héros  ») 
et  la  primauté  des  guerriers  d'Irlande.  Parmi  les  épreuves 
imposées  à  Cuchulain  une  des  plus  redoutables  est  la  lutte  contre 
un  monstre  (biasf)  de  taille  gigantesque,  qui  sort  d'un  lac  voisin  et 
menace  d'engloutir  tout  ce  qui  l'approche.  On  retrouve  des  épi- 
sodes semblables  dans  l'hagiographie  :  plus  d'un  saint  eut  à  lutter 
contre  des  monstres  aquatiques.  C'est  un  thème  banal  de  folk- 
lore irlandais.  Or,  comme  le  montre  M.  Gaidoz,  la  lutte  de  Cuchu- 
lain contre  la  biast  rappelle  la  lutte  de  Beowulf  contre  le  monstre 
Grendel  et  celle  d'Hercule  contre  l'hydre  de  Lerne.  Il  y  a  même 
entre  l'épisode  de  la  Fled  Bricrend  et  le  motif  principal  de  Beowulf 

1.  Sans  parler  de  l'article  paru  en  1902  dans  V Annuaire  de  V Ecole  des 
Hautes  Etudes  sur  «  la  Réquisition  d'amour  et  le  symbolisme  de  la  pomme  » 
(v.  R.  Celt.,  t.  XXIII,  p.  90). 


248  Chronique. 

de  nombreux  traits  communs  (pp.  141-142)  :  la  ressemblance  des 
deux  récits  est  frappante.  Plus  frappante  encore  est  la  comparai- 
son des  illustrations  que  M.  Gaidoz  a  jointes  à  son  étude.  Une 
lampe  romaine  de  la  collection  Oppermann,  publiée  par  M.  Frœh- 
ner  dans  ses  Mélanges  itépigraphie  (Paris,  1873),  porte  la  représen- 
tation d'un  monstre  à  corps  de  femme,  pourvu  d'ailes  et  terminé 
en  queue  de  serpent,  qui  sort  des  ondes  en  vomissant  du  feu  contre 
un  château  fort,  sur  les  remparts  duquel  sont  postés  trois  légion- 
naires casqués  ;  tous  trois  sont  protégés  par  de  longs  boucliers, 
l'un  d'eux  brandit  un  glaive.  C'est  l'illustration  de  l'épisode  irlan- 
dais. Il  s'agit  donc  dans  tous  les  cas  d'un  même  thème  de  folk- 
lore universel,  roulant  sur  la  lutte  d'un  homme  très  fort  contre  un 
monstre  aquatique.  Ce  monstre  lui-même  n'est  pas  purement  ima- 
ginaire :  à  en  juger  par  certaines  représentations  de  la  légende 
d'Hercule  dans  l'antiquité,  comme  M.  Gaidoz  en  reproduit  une 
p.  153  S  c'était  une  pieuvre,  un  poulpe,  animal  «  dont  la  science 
moderne  ne  dément  ni  les  dimensions  colossales  ni  le  danger 
qu'il  fait  courir  aux  marins2  ».  Ulysse  en  rencontre  un  avant  d'abor- 
der à  l'île  des  Phéniciens  (e  432);  déjà  Scylla  était  un  monstre  de  la 
même  espèce  (ji  73  et  ss.).  C'est  ainsi  que  la  littérature  conserve 
le  souvenir  de  cette  faune  gigantesque  des  temps  préhistoriques, 
qui  dut  être  si  redoutable  à  l'espèce  humaine. 

Dans  le  même  volume  de  Mélanges  figure  un  mémoire  de  M.Meil- 
let,  pp.  169-180.  Ce  mémoire  roule  sur  les  effets  Je  l'homonymie  dans 
les  anciennes  langues  indo-européennes.  M.  Gilliéron  a  montré,  par  des 
exemples  tirés  du  vocabulaire  gallo-roman,  que  les  homonymes 
sont  évités  toutes  les  fois  qu'ils  risquent  de  produire  confusion. 
M.  Meillet  estime  qu'il  s'agit  là  d'un  fait  général,  attesté  aussi,  bien 
qu'en  des  proportions  moindres,  sur  le  domaine  indo-européen  ;  il 
en  donne  comme  exemples,  entre  autres,  le  traitement  des  noms 
du  «  genou  »  et  de  la  «  mâchoire  inférieure  »  (homonymes  sous 
la  forme  * genu-)  et  surtout  celui  de  la  racine  *gem-,  *gn&-  qui 
signifiait  à  la  fois  «  naître  »  et  «  connaître  ».  Il  est  frappant  de  voir 
comment  les  différentes  langues  se  sont  ingéniées  à  éviter  les  con- 
fusions entre  les  deux  homonymes.  Bien  des  détails  de  la  morpho- 
logie de  certaines  langues  s'éclairent  à  la  lumière  du  principe  posé 
par  M.  Meillet.  C'est  probablement  par  ce  principe  qu'il  faut 
expliquer  (p.  175)  l'irlandais  rogénariar  «  ils  sont  nés  »  (Wb.  4  c 
12),  au  lieu  de  rogénalar,  qui  était  régulièrement  la  3eme  pers.  du 

1.  v.  S.  Reinach,  Répertoire  des  vases  peints,  t.  I  (1899),  p.  118. 

2.  A.  Kums,  Les  choses  naturelles  dans  Homère,  Anvers,   1897,  p.  94. 


Chronique.  249 

pluriel  répondant  à  la  fois  aux  singuliers  rogct'iin  «  il  a  connu  »  et 
rogénair  «  il  est  né  »  (cf.  adgeuammar  «  nous  avons  connu  »  Wb. 
14  d28). 

Comme  la  plupart  des  travaux  de  M.  Meillet,  celui-ci  n'a  pas  sa 
fin  en  lui-même  :  il  est  gros  de  conséquences  d'une  grande  portée. 
L'idée  qu'il  enferme  mérite  d'être  reprise  et  appliquée  par  chaque 
linguiste  à  la  langue  dont  il  s'occupe  spécialement  ;  les  exemples 
viendront  en  foule  se  présenter  à  l'esprit  et  confirmer  la  justesse 
de  la  vue  du  maître.  C'est  une  satisfaction  à  laquelle  depuis  long- 
temps M.  Meillet  est  habitué. 

IV 

L'idée  de  représenter  la  crucifixion,  qui  paraît  aujourd'hui  si 
naturelle  au  monde  catholique,  n'est  guère  antérieure  au  vie  siècle 
de  notre  ère.  C'est  une  idée  qui  naquit  en  Orient.  Si  elle  se  répan- 
dit de  bonne  heure  en  Occident,  ce  ne  fut  pas  sans  résistance.  Elle 
heurtait  trop  vivement  les  sentiments  intimes  des  chrétiens  en  éta- 
lant aux  yeux  ce  qu'il  y  avait  d'horrible  et  d'infamant  dans  le 
drame  du  Calvaire,  la  vue  du  Christ  cloué  au  gibet.  Mais  l'histoire 
du  développement  du  crucifix  n'a  pas  seulement  un  intérêt  esthé- 
tique ou  moral  ;  c'est  aussi  l'affirmation  d'une  conception  théolo- 
gique :  elle  suppose  que  les  fidèles  se  sont  familiarisés  avec  le 
dogme  de  l'incarnation  et  ont  définitivement  repoussé  toute  ten- 
dance au  monophysisme  r. 

Le  crucifix  apparaît  dans  les  catacombes  de  Rome  dès  le 
viie  siècle.  Le  vine  siècle  en  marque  la  diffusion  dans  tout  l'Occi- 
dent chrétien.  En  Ecosse,  la  croix  de  Ruthwell,  qui  remonte  à  un 
des  fils  du  roi  de  Northumbrie  Oswy  (mort  en  670),  porte  bien 
des  séries  de  sculptures  représentant  des  scènes  de  l'Evangile  ; 
mais  l'image  du  Christ  ne  figure  pas  à  la  croisée  (voir  Leutzner, 
dus  Kreui  Iki  den  Angdsachsen,  Leipzig,  1890).  Dans  les  siècles  sui- 
vants au  contraire  le  Christ  en  croix  devient  un  thème  courant  de 
l'iconographie  religieuse. 

1.  Voir  à  ce  sujet  la  petite  brochure  de  M.  Louis  Bréhier,  Les  origines 
du  Crucifix  dans  l'art  religieux  (Paris,  Bloud,  190.1).  Comme  ouvrages 
fondamentaux  sur  la  question,  on  consultera  :  Fôrrer  et  Mùller,  KrèU\  und 
Kreu~igung  Christ i  in  ïhrer  Kunstentwickelutlg  (Strassburg,  1894),  M.  Engels, 
die  Krea\igung  Christ  i  in  der  biîdenâen  Kunst  (Luxembourg,  1899),  Joh. 
Reil,  die  frùhchristlichen  Darstellungen  der  Kreu^igung  Cliristi  (Leipzig,  1904, 
dans  les  Ficker's  Studitn  iïber  chrislliche  Detikmàfor). 


250  Chronique. 

Notre  savant  collaborateur  Dom  Louis  Gougaud  a  récemment 
étudié  «  the  earliest  Irish  représentations  ofthe  Crucifixion  »  dans 
un  article  du  Journal  of  the  Royal  Society  of  Antiquaries  of  Ireland 
(série  VI,  vol.  X,  pp.  128-139).  Il  en  a  relevé  les  plus  anciens  exem- 
plaires sur  des  enluminures  de  manuscrits  comme  l'Evangéliaire  de 
de  Saint-Gall  (Rev.  Celt.,  XXXVI,  pp.  12-13),  le  Psautier  de 
Southampton  ou  les  Epîtres  de  Saint-Paul  de  Wurzbourg,  qui  tous 
sont  du  vme  siècle.  Les  crucifix  de  pierre  conservés  en  Irlande  sont 
moins  anciens,  ne  remontant  guère  plus  haut  que  le  Xe  siècle.  Mais 
il  y  en  a  d'admirables  par  la  richesse  des  détails  et  la  perfection  du 
dessin  :  tels  ceux  que  l'on  voit  à  Clonmacnois  et  surtout  à  Monas- 
terboice  (Margaret  Stokes,  Early  Christian  Art  in  Ireland,  London, 
1875).  Dom  Gougaud  ne  compte  pas  moins  de  quarante  antiques 
croix  de  pierre  sculptée  sur  lesquelles  est  représentée  la  crucifixion 
(p.  138).  Or,  une  étude  attentive  de  la  représentation  montre 
qu'elle  reposait  en  Irlande  sur  une  tradition  propre,  si  on  en  com- 
pare les  détails  aux  motifs  similaires  des  autres  pays.  La  forme  de 
la  croix,  la  figure  et  le  vêtement  du  Christ,  la  disposition  des 
membres  sur  le  bois  du  supplice  et  la  manière  dont  ils  y  sont  atta- 
chés ont  dans  l'iconographie  irlandaise  des  caractères  distinctifs. 
Les  personnages  qui  entourent  la  croix  sont  surtout  caractéris- 
tiques :  il  y  a  d'abord  Longin,  dont  la  lame  perça  le  flanc  du  sau- 
veur et  qui  fut  éclairé  de  la  lumière  de  la  foi  quand  le  sang  sorti 
de  la  divine  blessure  eut  touché  ses  yeux  ;  il  y  a  aussi  Stephaton 
ou  Zefaton  le  soldat  qui  tendit  pour  boire  au  Christ  altéré,  non  pas 
une  éponge,  commele  dit  le  textecanonique,  maisun  vase  (iû.lestar), 
suivant  la  traduction  irlandaise  de  l'évangile  de  Nicodème  (Atkin- 
son,  Passions  and  Homiîies,  pp.  121  et  368)  ;  il  y  a  enfin  les  deux 
anges  qui  remplissent  les  deux  angles  supérieurs  de  la  scène  de  la 
crucifixion,  parfois  sous  formes  d'oiseaux.  La  plupart  de  ces  carac- 
tères ne  sont  pas  spéciaux  à  l'Irlande  :  ainsi  la  substitution  d'un 
vase  à  l'éponge  traditionnelle  apparaît  en  d'autres  endroits,  notam- 
ment sur  une  plaque  de  bronze  de  l'époque  sassanide  trouvée  à 
Perm,  ou  encore  sur  une  des  portes  de  la  cathédrale  d'Hildesheim 
(commencement  du  xie  siècle).  Mais  ce  qui  est  particulier  à  l'Ir- 
lande, c'est  un  ensemble  de  caractères  qu'on  ne  trouve  pas  réunis 
ailleurs.  L'origine  de  ces  caractères  est  à  chercher  dans  la  littéra- 
ture :  ils  proviennent  de  récits  évangéliques  plus  ou  moins  apo- 
cryphes, de  traditions  liturgiques,  de  légendes,  avec  lesquelles 
l'esprit  des  Irlandais  était  familiarisé.  La  littérature,  dans  tous  les 
pays,  s'est  inspirée  souvent  de  l'image  ;  mais  inversement  l'image 
a  souvent  emprunté  ses  motifs   à  la   littérature.  On   sait  combien 


Chronique.  251 

l'étude  de  l'iconographie  de  nos  cathédrales,  telle  que  l'a  faite  si 
magistralement  M.  Mâle,  démontre  les  relations  réciproques  du 
texte  écrit  et  de  la  représentation  figurée.  Le  travail  de  Dom  Gou- 
gaud  sur  le  crucifix  eu  Irlande  fournit  une  preuve  du  même  fait. 

V 

Le  même  Dom  Louis  Gougaud  a  récemment  ajouté  un  nouvel 
article  à  la  série  qu'il  a  consacrée  aux  anciennes  traditions  de 
l'ascétisme  chrétien  (v.  Rev.  Celt.,  XXXVII,  405).  Il  s'agit  cette 
fois  de  l'usage  du  voyage  à  pied,  auquel  l'auteur  a  déjà  fait  allusion 
dans  ses  Chrétientés  celtiques,  pp.  163-164.  Parmi  les  Celtes  qui 
maintinrent  cette  pratique  d'ascétisme,  il  faut  citer  saint  Aidan, 
le  fameux  moine  cTIona  devenu  évêque  de  Lindisfarne  (mort  en 
651),  saint  Kentigern,  évêque  écossais  (mort  vers  603),  et  saint 
Malachie  (mort  en  1148),  qui  parcourait  à  pied  les  campagnes 
d'Irlande  avec  ses  disciples  pour  ramener  les  populations  à  la  pra- 
tique de  l'évangile  (v.  Rev.  Celt.,  t.  XXXVIII,  338).  La  Régula 
cuiusdam  patris  ad  inonachos  (Migne,  Patr.  Lat.,  LXVI,  991, 
ch.  20-21),  qui  est  d'inspiration  celtique,  et  VOrdo  Monasticus  de 
Kilros  (id.,  ibid.,  LIX,  565)  prescrivent  la  marche  à  pied  aux 
moines  ;  le  dernier  n'autorise  l'usage  de  la  monture  qu'aux  abbés 
âgés.  Il  est  intéressant  de  noter  que  dans  les  lois  galloises  attri- 
buées à  Howell  Dda,  on  exige  dans  certains  procès  importants, 
pour  donner  au  témoignage  plus  de  valeur,  un  certain  nombre 
de  témoins  (généralement  trois)  qui  aient  fait  vœu  d'abstinence  de 
viande,  de  femme  et  de  cheval,  a  thri  ohonunt  yn  diofredauc  0  gic 
a  giureic  a  uiarchogaeth  (Wade  Evans,  Welsh  Mcdiaeval  Law, 
p.  121,  1-2)  ;  dans  un  autre  passage,  on  demande  à  certains 
témoins  de  s'abstenir  de  femme,  de  linge  et  de  cheval  (id.,  ibid., 
p.  37,  19).  Il  est  probable  qu'ici  encore  un  vieil  usage  d'interdic- 
tion païenne,  qu'on  retrouverait  sans  doute  aujourd'hui  chez  maint 
peuple  non-civilisé,  a  été  adapté  à  des  fins  d'ascétisme  chrétien. 

L'article  de  Dom  Gougaud  a  paru  dans  la  Revue  d'ascétique  et  de 
mystique,  t.  III  (1922),  pp.  56-59. 

VI 

Pendant  le  long  séjour  qu'il  a  fait  dans  le  Donegal  en  1915 
et  19 16,  notre  ami  M.  Alf  Sommerfelt  n'a  pas  seulement  poursuivi 
une  vaste  enquête  linguistique  dont  les  résultais,  nous  l'espérons, 


1^1  Chronique. 

paraîtront  bientôt  ;  il  a  recueilli  aussi  de  nombreux  récits  popu- 
laires, intéressant  le  folk-lore.  L'un  a  été  publié  en  traduction 
norvégienne  dans  le  journal  Morgenbladeï  du  8  octobre  1916.  Deux 
autres  ont  paru  en  texte  irlandais  et  en  traduction  norvégienne 
dans  la  revue  Maal  og  Minne  [«  Langue  et  tradition  »]  de  19 17 
(4"'e  cahier,  pp.  153-155).  Les  trois  récits  ont  ceci  de  commun 
qu'il  y  est  question  de  la  Norvège  et  que  les  Norvégiens  (Lochlan- 
nuigti)  y  jouent  un  rôle.  Dans  le  premier  récit  que  contient  Maal 
og  Minne,  il  s'agit  d'un  norvégien  fait  prisonnier  avec  son  fils  à 
la  suite  d'un  combat  ;  on  leur  promet  la  vie  sauve  à  condition 
qu'ils  révèlent  la  façon  dont  on  peut  faire  de  la  bière  (Icami)  avec 
de  la  bruyère.  «  Tuez  mon  fils  d'abord,  et  je  vous  le  dirai  »,  dit 
le  père  ;  le  fils  tué,  le  père  déclara  :  «  Tuez-moi  maintenant,  car 
je  ne  vous  dirai  rien  du  tout  ».  C'est  la  variante  d'un  thème  déve- 
loppé dans  une  saga  islandaise,  l'Atlakvida  :  il  est  intéressant  d'y 
trouver  la  bière  ;  c'est  un  trait  de  couleur  locale  bien  Scandinave. 
Le  héros  du  second  récit  est  un  guerrier  venu  de  Scandinavie  en 
Irlande  à  travers  les  mers.  Les  gens  d'Irlande  (na  fiannaidhe)  en 
sont  effrayés.  Le  plus  fort  d'entre  eux,  Goll,  imagine  un  strata- 
gème ;  il  fait  partir  tous  les  hommes,  laisse  sa  femme  seule  à  la 
maison  en  faisant  ouvrir  la  «  porte  du  vent  »  ',  et  se  couche  lui- 
même  dans  le  berceau  d'un  bébé  de  la  maison.  Le  guerrier  entre, 
s'étonne  de  trouver  ouverte  la  porte  du  vent.  C'est,  dit  la  femme, 
que  les  hommes  sont  tous  partis  à  la  chasse  et  qu'il  n'est  resté 
personne  pour  retourner  la  maison.  L'étranger  essaie  en  vain  ce 
tour  de  force  et  conçoit  une  haute  idée  des  gens  du  pays,  capables 
de  l'exécuter.  Il  s'avance  alors  vers  le  berceau  ;  le  pseudo-bébé 
lève  la  tête  et  le  frappe  violemment  au  pouce.  Dégoûté  d'un  pays 
où  les  hommes  sont  si  vigoureux  et  les  bébés  si  énergiques, 
V étranger  s'enfuit  comme  il  était  venu. 


VII 

Le  développement  des  sciences  s'accomplit  par  une  progression 
si  mécanique,  qu'il  n'est  pas  rare  devoir  paraître  en  même  temps, 
venant  de  pays  différents  et  d'auteurs  qui  n'ont  pas  entre  eux  de 

1.  Comme  M.  Sommerfelt  l'indique  en  note,  les  maisons  de  paysan 
en  Donegal  ont  généralement  deux  portes,  orientées  chacune  dans  un 
sens  opposé  ;  on  tient  l'une  ou  l'autre  fermée  suivant  la  direction  du  vent  ; 
celle  qui  est  fermée,  parce  qu'orientée  vers  la  direction  d'où  vient  le  vent, 
s'appelle  la  «  porte  du  vent  »  (doras  na  gaoithe). 


Chronique.  2$  3 

Contact  personnel,  des  ouvrages  de  même  nature,  révélant  les 
mêmes  préoccupations  et  répondant  aux  mêmes  besoins.  Il  y  a 
un  courant  général  qui  entraîne  les  individus.  La  direction  du  tra- 
vail de  chacun  est  déterminée  par  les  conditions  du  travail  de  tous. 
Aussi  l'histoire  de  chaque  science  se  laisse-t-elle  aisément  diviser 
en  périodes,  dont  le  rythme  est  à  peu  près  régulier.  Il  est  de  fait 
qu'à  certains  moments  on  éprouve  le  besoin  de  vérifier  la  valeur 
des  principes  et  la  solidité  des  méthodes,  de  déplacer  les  points 
de  vue  pour  élargir  les  horizons.  Après  quoi,  la  troupe  des  tra- 
vailleurs s'éparpille  dans  le  champ  des  recherches.  Mais  ensuite, 
au  bout  d'une  période  d'activité  pendant  laquelle  sur  tous  les 
points  du  domaine  des  équipes  isolées  ont  fouillé  le  sol  et  mis  au 
jour  diverses  découvertes,  il  est  naturel  que  l'on  désire  jeter  sur 
le  travail  accompli  un  vaste  regard  d'ensemble  et  mesurer  le  pro- 
grès réalisé  par  l'effort  commun. 

Les  linguistes  en  sont  aujourd'hui  à  cette  période  où  l'on  cherche 
à  faire  le  compte  des  résultats  obtenus.  C'est-à-dire  qu'ils 
reviennent  à  la  discussion  des  théories  générales  sur  le  langage, 
qui  avait  été  un  peu  négligée  pour  des  besognes  d'objet  plus  res- 
treint depuis  l'époque  des  Schleicher  et  des  von  der  Gabelentz,  des 
Hovelacque,  des  Sayee  et  des  Whitney.  Au  cours  des  derniers 
mois  il  n'a  pas  paru  moins  de  six  ouvrages  de  linguistique  géné- 
rale. Trois  sont  en  français,  deux  en  anglais,  le  dernier  en  italien. 
En  voici  la  liste  : 

A.  Meillet,  Linguistique  historique  et  linguistique  générale,  Paris,  Cham- 
pion,   1921,  vin-355  p.  in-8°  40  fr. 

J.  Marouzeau,  La  linguistique  ou  science  du  langage,    Paris,  Geuthner, 

1921,  189  p.  in-12 . 

J.  Vendryes,  Le  langage  (Introduction  linguistique  à  l'histoire),  Paris, 
la  Renaissance  du  livre,  1921,  xxvm-439  p.in-8°  15  fr. 

Otto  Jespersen,  Language,  its  Nature,  Development  and  Origiu,  London, 
Allen  and  Unwin,  1921 ,  in-8°  18  sh. 

Edw.  Sapir,  Language,  au  Introduction  to  thé  Study  of  speech,  New-York, 

1922,  viij-258  p.,  petit  in-8°. 

A.  Trombet'h,  Elementi  di  Glottologia,  Bologna,  N.  Zanichelli,  1922, 
315  p.  gr.  in-8°  (ire  partie  seulement). 

L'ouvrage  de  M.  Meillet  n'est  guère  que  la  reproduction  d'ar- 
ticles déjà  publiés  dans  divers  périodiques  ;  mais  la  publication 
en  est  des  plus  heureuses,  car  il  marque  avec  éclat  la  part  prise 
par  l'auteur  dans  le  développement  des  études  linguistiques  et  il 


254  Chrunique. 

illustre  les  points  essentiels  de  sa  doctrine,  à  laquelle  se  rattachent, 
comme  on  sait,  les  deux  autres  ouvrages  écrits  en  français.  Nous 
ne  dirons  rien  des  ouvrages  de  MM.  Jespersen,  Sapir  ou  Trom- 
betti.  Ce  n'est  pas  le  lieu  d'en  discuter  le  contenu  ou  de  les  com- 
parer aux  ouvrages  précédents.  Aussi  bien  ni  les  uns  ni  les  autres 
ne  visent-ils  spécialement  les  études  celtiques.  Il  importait  cepen- 
dant de  les  signaler  à  nos  lecteurs.  Car  chaque  discipline  a  besoin 
de  s'alimenter  d'idées  générales  ;  pour  diriger  les  recherches  phi- 
lologiques, une  conception  exacte  des  lois  du  langage  est  néces- 
saire. Si  limité  que  soit  l'objet  de  son  étude,  le  philologue  peut 
faire  œuvre  de  science  s'il  y  applique  une  saine  méthode,  inspirée 
de  principes  généraux  :  mais  il  ne  fait  oeuvre  de  science  qu'à  cette 
condition. 

VIII 

M.  Y.  M.  Goblet  a  organisé  en  1907  à  l'Ecole  Interalliée  des 
Hautes-Etudes  Sociales  (16,  rue  de  la  Sorbonne,  Paris,  ve)  une  sec- 
tion d'études  celtiques  modernes,  qu'il  avait  placée  sous  le  haut 
patronage  de  M.  Joseph  Loth,  de  Sir  John  Rhys  et  de  M.  Douglas 
Hyde.  Le  programme  pour  1921-1922  comprend  une  série  de  six 
conférences  qui  ont  lieu  le  mardi  à  4  h.  1/2  et  deux  cours  ;  l'un 
d'irlandais  moderne  par  Lord  Ashbourne  (le  vendredi  à  8  h.  1,  2); 
JL'autre  de  breton  par  M.  Louis  Weisse  (le  mardi  à  8  h.  1/2).  Pour 
tout  renseignement  s'adresser  au  secrétariat  de  l'Ecole.  Le  droit 
d'inscription  à  l'École  est  de  30  francs  ;  le  droit  spécial  à  chaque 
section  est  de  20  fr.  ;  ces  droits  sont  réduits  de  moitié  pour  les 
professeurs,  étudiants,  journalistes,  officiers  et  soldats. 

IX 

Les  derniers  mois  ont  vu  paraître  un  certain  nombre  de  pério- 
diques nouveaux,  qui  intéressent  plus  ou  moins  les  études  cel- 
tiques. 

Il  faut  signaler  avant  tout  thc  Bulletin  of  thc  Boarà  of  Celtic  57//- 
dies  of  thc  Universiiy  of  IFales,  qui  a  commencé  à  paraître  en 
octobre  1921  (Oxford,  University  Press),  au  prix  de  7  s.  6  d.  par 
fascicule.  Il  réalise  un  désir  souvent  exprimé  de  divers  côtés,  celui 
de  voir  les  universitaires  gallois  consacrer  une  œuvre  d'ensemble 
à  l'étude  scientifique  de  la  langue,  de  la  littérature,  de  l'histoire 
et  de  l'archéologie  de  leur  pays.  Les  deux  premiers  fascicules  réu- 


Chronique.  255 

nissent  les  noms  de  MM.  Ifor  Williams,  Gwynn  Jones,  J.  Lloyd 
Jones,  Henry  Lewis,  T.  Shankland,  Mortimer  Wheeler,  Fynes- 
Clinton,  Parry-Williams,  Robin  Fiower,  J.  Fisher  et  sont  d'un 
contenu  riche   et  varié  ;  il  en  sera  rendu  compte  ultérieurement. 

Philologica,  Journal  of  Comparative  Philology,  est  publié  par  la 
Philological  Society  de  Londres.  Il  n'est  pas  spécialement  consa- 
cré au  celtique,  mais  le  nom  d'un  des  «  editors  »,  notre  savant 
collaborateur  M.  J.  Baudis,  donne  l'assurance  que  le  celtique  y 
sera  souvent  représenté. 

On  peut  également  espérer  qu'il  y  aura  parfois  à  prendre  pour 
les  celtistes  dans  la  Revue  belge  de  philologie  et  d'histoire,  recueil  tri- 
mestriel publié  depuis  1922  à  Bruxelles  (maison  d'édition  Robert 
Sand)  ;  le  comité  directeur  compte  parmi  ses  membres  M.  Victor 
Tourneur,  qui  n'est  pas  un  inconnu  pour  nos  lecteurs.  Parmi  les 
collaborateurs  figurent  MM.  J.  Feller  et  A.  Vincent,  qui  s'occupent 
de  toponymie.  Nous  reparlerons  de  ce  périodique, 

Enfin,  il  convient  de  mentionner  le  Philological  Quarterly,  a 
Journal  devoted  to  scholarly  investigation  in  the  Classical  and  Modem 
Languages  and  Literatures,  publié  par  l'Université  d'Iowa  (lowa 
City).  Parmi  les  matières  qu'il  traitera,  la  littérature  du  moyen  âge 
occupe  une  bonne  place  ;  et  on  sait  qu'il  est  impossible  de  traiter 
maint  sujet  de  littérature  médiévale  sans  tenir  compte  des  pays 
celtiques.  Là  aussi  nous  espérons  donc  trouver  matière  à  compte- 
rendu. 


X 

Ouvrages  nouveaux  dont  il  sera  rendu  compte  ultérieurement  : 

The  late  T.  K.  Abbott,  and  E.  J.  Gwynn,  Catalogue  of  the  lrish 
Manuscripts  in  the  Lïbrary  of  Trinity  Collège,  Dublin,  Hodges  Figgis  and 
Co.  1921,  xx-445  p.  in-8°. 

Thomas  F.  O'Rahilly,  Dânfhocail,  lrish  Epigrams  in  verse.  Dublin, 
The  Talbot  Press.  1921.  115  p.  in-12. 

Mary  Hayden  et  George  A.  Moonan,  A  short  History  of  the  lrish 
people.  Dublin,  The  Talbot  Press.  1921,  vm-580  p.  in-8°  20  sh. 

George  Fletcher,  The  Provinces  of  Ireland,  vol.  I,  Ulster  xi-186  p.  et 
vol.  II,  Munster  xi-176  p.  Cambridge,  University  Press.  1921.  6  s.  6  d. 
chaque  volume. 

A.  Pauphilet,  Études  sur  la  Queste  del  Saint-Graal  attribuée  à  Gautier 
Map.  Paris,- Champion,  1921,  xxxv-207  p.  20  fr. 


25  e  Chronique. 

W.  J.   Gruffydd,    Llenyddiaeth  Cyinru   of  1450  hyd  1600.    Liverpool, 
Hugh  Evans  and  Sons,  1922.  135  p.  in-8°  3  s.  6  d. 

F.  Duine,  La   Mennais,  sa  vie*  ses  idées,  ses  ouvrages.    Paris,  Gamier, 
1922,  389  p.. 

J.  Vendryes. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  Edouard  CHAMPION. 


MAÇON,   TROTAT   FRÈRES,    IMPRIMEURS 


THE    CELTIC   PENITENTIALS 


CHAPTER  I 
Survey  of  the  Literary  Sources. 

The  extant  penitential  writings  which  emanate  from  the 
Celtic  churches  of  Britain  and  Ireland  may  be  indicated  by  the 
following  titles.  (The  order  followed  in  this  list  is,  as  will  be 
shown  bel.ow,  at  least  approximately  chronological). 

i.  —  The  Earliest  Irish  Penitentials. 

i  )   The  Canons  of  Saint-Patrick. 

2)  The  Canones  Hiberncnscs. 

2.  —  Penitentials  of  Gildas  and  Finnian. 

3)  The  Prefatio  Gildac  de  Penitentia. 

4)  The  Poenitentiale  Vinniai. 

3.  —  Penitentials  Connected  with  Saint-David. 

5)  Excerpta  qnaedam  de  libro  Davidis. 

6)  Canons  of  the  Sinodus  Aquilonalis  Britanniae. 

7)  Canons  of  the  Sinodus  Luci  Victoriae. 

4.  —  The  Poenitentiale  Columbani. 

8)  The  Poenitentiale  Columbani  (de  poenitentiarum  uieu- 
sura  taxanda). 

5.  —  Seventh  Century  Welsh  and  Irish  Collections. 

9)  The  Canones  Wallici. 

10)  The  Collectio  Canonum  Hibernensis. 

1 1)  The  Canones  Adamnani. 

Revue  Celtique,  XXXIX.  17 


258  John   Thomas  McNeiL. 

The  Celtic  origin  of  the  above-named  books  and  fragments 
will  appear  in  the  ensuing  discussion.  Notice  may  convenient- 
ly  be  taken  hère  of  a  few  additional  works  of  the  class,  which 
though  not  produced  in  any  portion  of  the  Celtic  church, 
yet  give  évidence  of  use  by  their  authors  of  Celtic  materials. 

6.  —    RbLATED  ANGLO-SAXON   PeNITENTIALS. 

12)  The  Poenitentiale  Theodori. 

13)  The  Poenitentiale  Beàae. 

14)  The  Poenitentiale  Egberti. 

7.  —    RELATED    FRANKISH  PENITENTIALS. 

15)  The  Poenitentiale  Cummeani. 

16)  The  "  Poenitentiale  Bigotiannni  ". 

17)  The  Poenitentiale  Valicellanum  I. 

The  secondary  list,  comprising  nos.  12  to  17,  is  selected 
from  a  considerably  larger  group  of  penitentials,  the  basis 
of  sélection  being  that  of  approximation  to  the  Celtic  type. 
Most  of  them  are  accessible  to  the  reader  in  Wasserschleben1, 
and  Schmitz2.  Nos.  12,  13  and  14  are  of  Anglo-Saxon,  while 
nos.  15,  16  and  17  are  of  Frankish  origin.  Thèse  lists  include 
ail  the  works  to  be  examined  in  this  chapter.  A  few  other 
penitentials  which  exhibit  Celtic  influence  will  be  referred  to 
in  the  development  of  the  treatise. 

We  now  proceed  to  examine  thèse  books  in  the  order 
named,  with  a  view  to  détermine,  wherever  possible,  ajithor- 
ship  and  date,  and  to  describe  the  outstanding  features  of 
each  work. 


1 .  Die  Bussordnungen  der  abendlândischen  Kirche. 

2.  Bussbûcher  und  Bussdisciplin  der  Kirche. 


The  Celtic  Pemtentiaîs.  259 

1.  —  The  Earliest  Ifish  Penitentials. 

1)   The  Canons  of  Saint-Patrick.       , 

The  Latin  title  is  Incipit  sinodus  episcoporum,  id  est  Patricii, 
Auxilii,  Isernini.  This  collection,  consisting  of  34  canons,  is 
given  by  Haddan  and  Stubbs  '.  The  editors  argue  from  inter- 
nai évidence  that  thèse  canons  are  not  to  be  ascribed  to 
Patrick  and  his  associâtes,  but  are  a  product  ofthe  eighth  cen- 
tury.  The  évidence  for  this  is,  however,  far  from  conclusive. 
The  expression  mos  antiquns  in  can.  25  is  taken  as  a  proof  of 
long-existing  Irish  church  tradition,  whereas  the  context 
leaves  it  quite  possible  that  the  référence  is  to  a  non-Irish 
antiquity.  Again  the  date  is  set  by  Haddan  and  Stubbs  at  a 
time  when  the  British  and  Irish  churches  had  become  estrang- 
ed,  for  the  reason  that  can.  33  refuses  the  privilège  of  minis- 
try  to  British  clericsin  Ireland  without  letters  of  recommend- 
ation2.  But  is  not  the  implication  rather  that  properly  accre- 
dited  British  clerics  would  be  received  without  objection  ? 
The  contrary  hypothesis  makes  meaningless  the  qualification 
sine  epistola.  On  theother  hand  Bury  has  shown,  from  a  care- 
ful  analysis  of  the  références  to  the  contents  ofthis  document 
in  the  Collectio  canomim  Hibernensis  (c.  A.  D.  700),  and  from 
other  tests,  that  the  canons  were  very  early  accepted  as  the 
work  of  Patrick,  and  fînds  nothing  to  warrant  their  rejection  5. 
Even  the  traces  of  a  territorial  episcopate  shown  in  can.  30, 
Bury  +  believes  to  be  no  anachronism  for  the  time  of.  Patrick. 
He  regards  the  canons  as  having  been  promulgated  in  a  "con- 
clave "  of  Patrick  and  his  two  distinguished  lieutenants,  pro- 
bably  in  Leinster,  where  Auxilius  and  Iserninus  were  then  or 
afterwards  bishops.  The  three  leaders  would  be  likely  to  pro- 
vide for  the  issue  of  instructions  to  the  clergy  in  accordance 

1.  Councils  and  Ecumenical  Documents,  etc.,  Vol.  II,  p.  329  f. 

2.  Clericus  qui  de  Britanis  ad  nos  veuit  sine  epistola,  etsi  habitet  in  plèbe, 
non  licitum  ministrare. 

3.  Life  of  St.  Patrick,  p.  168  and  p.  236  f. 

4.  Ibid.,p.  243. 


260  John   Thomas  McNeill; 

with  the  décisions  arrived  at,  and  the  canons  may  well  be 
simply  the  contents  of  a  circulai'  issued  for  this  purpose. 

The  hypothesis  that  the  document  is  a  circular  of  instruc- 
tions addressed  to  theclergy  is  well  borne  out  by  its  contents. 
Seventeen  of  the  thirty-four  canons  deal  with  the  discipline 
of  the  elergy,  and  most  of  thèse  are  regulative  rather  thaï) 
penitential.  A  number  '  prescribe  simple  excommunication, 
with  no  statement  of  a  period  of  time.  In  the  case  of  the 
major  sins  of  manslaughter,  fornication,  and  ressorting  to  the 
soothsayers,  a  period  of  penance  is  set.  For  each  of  thèse 
offences,  which  are  grouped  together  as  equal  in  heinousness, 
the  term  of  penance  is  only  one  year.  At  the  close  of  the  year 
during  which  apparently  the  culprit  is  regarded  as  excommu- 
nicate, he  is  to  bring  witnesses  and  be  reconciledby  thepriest 2. 
Only  half  a  year  is  required  for  theft ;  ;  if  possible  what  lias 
been  stolen  is  to  be  restored. 

The  historié  relations  of  this  document  will  appear  when 
we  corne  to  distinguish  between  the  ecclesiastical  and  the  cul- 
tural  éléments  which  entered  into  the  penitential  System.  It 
is  sufficient  to  note  hère  the  absence  of  some  of  the  characte- 
ristics  ot  the  penitentials  subsequently  produced.  There  is  as 
yet  no  récognition  of  the  principle"  of  composition,  nor  is 
reconciliation  private,  as  later.  Indeed  the  type  of  penance,  so 
far  as  can  be  determined,  corresponds  more  nearly  to  that 
employed  in  the  early  church  than  to  that  wThich  was  soon 
to  develop  in  Ireland  4. 

2)  The  Canones  Hibemenses. 

This  is  the  naine  given  to  a  group  of  six  short  sets  of 
canons,  ail  of  which  are  contai ned    in  a  Paris  MS.  together 

1.  Cans.  1,  6,  19,  21,  22,  26,  27,  32. 

2.  Can.   14. 

3.  Can.    13. 

4.  The  thirty-one  canons  of  a  second  synod  attributed  to  St.  Patrick  are, 
on  the  évidence  for  their  sources  adduced  by  Bury  (op.  cit.  p.  238  f.), 
compile  J  from  the  acts  of  synods  held  in  Ireland  in  the  seventh  century  in 
connection  with  the  Roman  reforms  then  introduced.  Can.  3  of  the  séries 
refers  to  the  power  of  binding  and  loosing  as  vested  in  the  abbot,  and 
rccommends  mildness  where  there  is  évidence  of  repentauce. 


The  Ccltic  Penitentiaîs.  261 

with  other  penitential  materials  yet  to  be  noted,  and  in  a 
MS.  of  Saint-Germain1.  Of  the  six  sections  only  the  first 
four  are  penitential.  No.  I.  bears  the  double  title  de  disputa- 
tione  Hibernensis  sinoâi  S.  Gregorii  Nasaseni  sermo  de  innume- 
rabilis  peccatis  incipit  ;  but  eontains  nothing  more  than  twenty- 
nine  canons  of  a  penitential  character.  Hère  the  periods  ot 
penance  assigned  are  on  a  much  severer  scale  than  in  the 
canons  of  Saint-Patrick.  For  parricide  the  term  is  fourteen 
years  2.  For  ordinary  homicide  it  is  seven  or  ten  years  and 
the  authority  of  an  otherwise  unknown  "  Monochema  "  is 
cited  5.  The  canon  reads  like  an  interpolation  after  the  pre- 
ceding  one,  where  it  is  simply  stated  :  Haec  est  poenitentiae 
botuicidi,  vit  anni  in  pane  et  aqua  agitur.  The  saint  referred  to 
may  hâve  given  his  dicmm  at  a  later  date  than  that  ot  the 
main  part  of  the  document.  For  adultery  seven  years  is  again 
the  term  prescribed,  and  seven  and  a  half  years  is  the  heavy 
penalty  for  drinking  blood  or  urine.  For  eating  horse  flesh 
it  is  four  years  '.  Lighter  offences,  chiefly  in  eating  and  drink- 
ing, are  given  their  proportional  penalty  of  from  five  days  to 
a  year.  The  formula  "  in  pane  et  aqua  "  is  used  to  describe 

1.  Cod.  Par.  3182,  formerly  Bigot.  89  ;  Cod.  Sangerm.  121.  Published 
by  Wasserschleben,  op.  cit.,  p.  136  f. 

2.  Can.  I. 

3.  Poenitentia  homicidi  vii  anni  in  pane  et  aqua  vel  x,  ut  àicit  Monochema  . 
Can.  3.  (No  Celtic  saint  of  the  name  Monochema  appears.  —  Is  the  réfé- 
rence to  Mochumma,  Bishop  of  St.  Machay  "  probably  in  the  fifth,  sixth 
orseventh  century  ",  mentioned  by  O'Hanlon,  Lives  of  the  Irish  Saints, 
Vol.  I,  p.  580?) 

4.  Rendering  aequii,  as  equi  in  can,  13  :  Poenitentia  esus  carnis  aequii 
iiii  anni  i.  p.  e.  a.  For  other  évidence  of  the  confusion  of  thèse  two  words 
see  Seybolt,  R.  T.,  Manuale  Scholarium,  Camb.  1921,  p.  32,  n.  7.  The 
language  might  possibly  be  taken  to  refer,  though  by  an  awkward  interpré- 
tation, to  the  eating  of  human  flesh  ;  but  for  cannibabsm  the  penalty 
seems  too  light.  Among  the  ancient  Saxons  those  suspected  of  witchcraft 
were  sometimes  eaten  ;  as  appears  from  the  punishment  of  the  practice 
by  Charlemagne  with  death.  Cf.  Capitularia  De  Partibus  Saxoniae,  VI. 
—  Si  quis  a  diabolo  deceptus  crediderit,  secundum  morem  pagano- 
rum,  virum  aliquem  aut  feminam  strigam  esse  homines  commedere,  & 
propter  hoc  ipsam  incenderit,  vel  carnem  ejus  ad  commedendum  dederit, 
vel  ipsam  ederit,  capitis  sententia  punietur.  —  Baluzius,  Carol.  Magn. 
Capitul.,  Vol.  6,  Col.  251  ;  mon.  Germ.  Hi->t.,  Leges,  T.  II,  p.  68. 


262  John   Thomas  McNeilî. 

the  penance  in  ail  but  five  of  the  twenty-nine  canons  ;  in 
most  of  them  it  is  reduced  to  the  initiais  i.  p.  e.  a.  Mention  is 
made  of  the  imposition  of  the  bishop's  hands  at  the  close  of  a 
season  of  penance  \  In  this  practice  vve  recognize  again  the 
memory  of  the  ecclesiastical  penance  of  the  fourth  centurv. 
But  in  another  respect  we  are  startled  todiscover  a  new  devel- 
opment  in  the  direction  of  accommodation  to  national  cus- 
tom.  We  meet  hère  the  use  of  the  word  ancilla  as  a  unit 
of  payment.  Çan.  10  reads  :  Practium  animae  de  perditio- 
nem  filii  et  mulieris  xii  ancellae.  Can.  n  gives  as  a  penalty  for 
thesame  offence  xiianni  in  pane  et  aqua.  Thus  xii  ancillae  are 
recognized  as  équivalent  to  xii  anni,  or  one  ancilla  to  one  year 
of  bread  and  water  penance.  This  early  instance  of  composi- 
tion is  of  spécial  interest  because  is  not  only  illustrâtes  the 
commutation  of  penance  to  payment,  but  gives  us  the 
basis  of  most  later  schedules  of  composition,  viz.,  one  ancilla 
(Irish  cumhal,  female  slave)  in  lieu  of  one  year  2.  No.  II.  of 
the  collection  is  entitled  De  arreis  incipit.  Arreum  is  Latin  for 
O.  Ir.  arra,  substitute,  compensation,  or  légal  équivalent5. 
This  section  contains  twelve  canons,  which  constitute  a  list  of 
équivalents  among  the  familial"  penalties,  with  the  aim  of 
shortening,  by  intensifying,  the  exercises  of  penance.  Cans. 
3  to  n  consist  each  of  so  many  équivalents  for  one  year's 
penance.  In  can.  3  this  period  is  commuted  to  three  days 
spent  in  the  sepulchre  of  a  saint,  without  food,  drink,  or 
sleep,  singing  psalms  and  praying  the  horae.  Can.  4  assigns 
even  moresevere  ascetic  tests,  to  be  performed,  however,  not 
n  a  sepulchre  but  in  a  church,  during  the  same  three-day 
period4.   Genuflections  are  10  accompanj7  the  singing   and 

1.  Impositione  manus  episcopi,  — can.    12. 

2.  Can.  9,  which  mav  be  an  interprettive  gloss,  states  the  value  of  an 
ancilla  thus  :  —  xii  altilia  vel  xiii  sicli  praetium  tumscujusque  ancillae.  Du 
Cange  (Glossarium,  t.  vii,  p.  470)  savs  one  si  dus  =  two  silver  denarii. 
According  to  tins  the  price  of  one  ancilla  would  be  équivalent  to  twentv- 
six  silver  denarii.  But  Seebohm  would  read  xii  sicli.  See  his  discussion  of 
the  value  of  the  cumhal,  A.  S.  Lavv,  p.  101  f. 

3.  K.  Mever  translates  the  word  "  équivalent,  substitute,  commuta- 
tion". —  Rev.  Celt.,  Vol.  XV,  1894,  p.  486  note. 

4.  "  sine  cibu  et  potu  et  somtio  et  vestitn  sine  sede  " 


The  Celtic  Penitentials.  263 

prayer.  Can.  5  gives  as  the  équivalent  for  a  year's  ordinary 
penance  xii  dies  et  noctes  super  xii  bucellos  (Cod.  Par.  3182  has 
bucellas)  de  tribus  panibus,  qui  efficiuntur  de  tertia  parte  coaid  siir 
troscho  '.  And  can.  7  extends  the  commuted  time  to  one 
month  in  dolore  magno,  ut  dubibus  sit  de  vita.  In  other  canons 
it  is  forty,  fifty,  or  a  hundred  days. 

The  section  is  of  the  greatest  importance  as  illustrating  the 
principle  of  équivalents,  by  which  any  terni  of  penance  could 
be  reduced  by  heightening  the  austerities  undertaken.  This 
form  of  composition  is  quite  as  prominent  in  the  later  history 
of  penance  as  composition  in  money.  The  canons  before  us 
illustrate  the  attempt  to  follow  this  principle  with  no  relaxa- 
tion of  actual  pains  inflicted,  such  as  was  of  course  involved 
in  a  money  settlement. 

The  principle  of  composition  is  well  illustrated  by  No.  III. 
of  the  séries,  Sinodus  Hibernensis  decrevit.  Indeed  the  section  as 
a  whole  bears  the  aspect  of  astate  code  for  ciïminal  oflences, 
and  gives  us  a  typical  example  of  how  composition  operated 
in  national  customary  law.  Yet  the  canons  hâve  référence  to 
ecclesiastical  persons,  and  indieate  the  great  respect  in  which 
the  latter  were  held.  As  in  the  Brehon  Law  and  in  the  Anglo- 
Saxon  codes,  the  punishments  are  graded  according  to  the  rank 
of  the  party  injured,  not  of  the  offender.  The  insertion,  at  the 
end  ot  the  set,  of  a  dictum  of  Patrick  which  is  also  contained 
in  the  Collectio  canouum  Hibernensis  2  indicates  that  the  canons 
were  in  ail  probability  used  by  churchmen,  and  helps  to  visua- 
lize  the  adoption  by  the  church  of  nation.il  légal  customs. 
The  dictum  of  Patrick  is  distinctly  penitential,  and  makes  an 
interesting  modification  on  native  law.  Can.  1  ascribes  to  the 
"  sapientes  "  the  judgment  that  he  who  sheds  the  blood  of  a 
bishop  or  "  excelsus  princeps  "  or  "  senba  "  3  shall  be 
cfucified  or  render  '•  vii  ancillas  ".  Can.  4,  in  the  case  in 
which  the  bishop  is  assaulted  but  his  blood  does  not  run  down 
to  the  ground,  provide >  for  the  amputation  of  the  assailant's 


1.  I  can  obtain  no  explanation  of  the  OU  Irish  words. 

2.  Coll.  can.  Hib.,  lib.  xlviii,  c.  5. 

3.  On  the  fonctions  of  this  officiai  see  Reeves,  Adamnan,  p.  365. 


264  John   Thomas  McNeill. 

hand,  or  half  of  the  before-mentioned  payment.  For  a  priesl 
the  amount  is  half  that  fora  bishop.  The  dictum  of  Patrick 
amends  thèse  régulations  so  as  to  abolish  the  penalties  of 
death  aud  mutilation  and  substitute  a  period  of  penance.  The 
alternative  is  now  stated  :  -vit  ancillarum  pretium  reddat  aut 
vit  annis  peniteat  eu  m  episcopo  vel  scriba.  We  observe  that  hère, 
as  in  can.   1.,  one  ar.cilla  is  équivalent  to  one  year's  penance. 

It  would  be  vain  to  attempt  précision  in  regard  to  the  date 
of  thèse  canons,  but  the  process  which  they  picture  of  adapta- 
tion and  amalgamation  of  Christian  and  pre-Christian  methods 
of  dealing  with  crimes,  may  safely  be  connected  with  the  fifth 
century,  when  Christianity  becamegeneral  inlreland.  Further, 
the  authenticity  of  the  dictum  of  Patrick  is  measurably  corro- 
borated  by  its  appearance  in  the  Coll.  can.  Hib.  where  it  is 
introduced  by  the  phrase  Sinodus  Hibei nensis  ait.  It  cannot  ot 
course  be  claimed  that  this  amendment  was  attached  to  the 
canons  immediately  on  their  compilation.  It  may  hâve  been 
attached  at  any  time  before  c.  700,  the  approximate  date  of 
the  Collectio.  (See  §  10)  of  the  présent  chapter).  If  it  is  really 
Patrick's  amendment  that  fact  would  itself  be  sufficient  évi- 
dence of  the  amalgamation  spoken  of  as  taking  place  before 
the  death  of  Patrick,  c.  461  • . 

No.  IV,  De  Jectione,  containsonly  six  canons,  and  deals  with 
the  orfences  of  inhospitality  and  refusai  to  succour  the  hel- 
pless.  For  refusing  succour  to  a  Bishop,  and  so  causing  his 
death,  the  payment  is  L  ancillas.  As  we  should  expect,  this 
is  commutable  into  the  same  number  of  years  2. 


1 .  This  is  the  date  arrived  at  by  Bury  for  Patrick's  death.  —  Life  ot 
St.  Patrick,  p.  208.  The  principle  expressed  hère  is  one  which  is  verv 
early  recognized,  as  shown  by  canon  I  of  the  section,  and  it  may  hâve 
been  approved  by  Patrick,  or  otherwise  officially,  during  his  life. 

2.  No.  V,  De  canibus  sinodus  sapientium,  has  no  ecclesiasiical  termi- 
nology.  It  contains  only  four  canons,  dealing  with  restitution  to  be  made 
for  the  depradations  of  dogs,  and  for  the  killing  of  watchdogs.  Cf.  The 
Book  of  Aicill  in  Ane.  Laws  of  Irel.,  Vol.  III,  p.  410  f.  —  Another  sec- 
tion, Item  sinodus  sapientia  sic  de  decimis  disputant,  deals  with  tithes. 


The  Celtic  Penitentials.  265 


2.   —  The  Penitentials  of  Gildas  and  Finnian. 

3)   The  Prefatio  Gildae  de  Penitentia. 

This  set  of  régulations,  in  twenty-seven  canons,  appears, 
with  nos.  5  and  6  following,  in  only  one  MS,  the  Parisian 
Codex  3182,  which  is  one  of  the  sources  for  the  Canones 
Hihernenses  l.  There  seems  no  reason  to  reject  Gildas'  author- 
ship  of  the  Prefatio,  especially  in  view  of  that  authors's  known 
connection  with  penitential  literature  2.  It  is  quoted  in  a 
number  of  subsequently  written  penitentials.  Its  contents, 
however,  render  it  of  comparatively  slight  value  for  the  évo- 
lution of  the  penitential  literature.  Schmitz  points  out  3  that 
it  resembles  a  monastic  rule,  and  that  most  of  its  provisions 
could  be  fulfilled  only  in  a  cloister.  The  penalties  include  the 
nocturnal  singing  of  psalms  4,  and  deprivation  of  the  evening 
meal  K  The  Prefatio  Gildae  contains  no  provisions  for  the 
laity.  It  has  référence  however  to  clerics  not  under  monastic 
rules  f.  Schmitz  observes  the  lightness  of  the  penalties  im- 
posée!, in  comparison  with  later  Roman  usage.  One  illustra- 
tion of  this  will  suffice.  Can.  n  mentkms,  as  subject  to  a 
penance  of  three  forty-day  periods,  an  otfence  for  which  from 
fifteen  years  to  a  life  sentence  is  the  punishment  prescribed  in 
the  Poenitentiaie  Haltigerii,  can.  54.  An  examination  of  the 
involved  question  of  the  dates  of  Gildas  will  be  necessary 
when  we  attempt  to  détermine  the  authorship  of  the  Poeni- 
tentiaie Vinniai. 


1.  Maassen  has  indicated  (Gesch.  der  Quellen  und  der  Literatur  des 
Kanonischen  Rechts,  p.  786)  that  this  codex,  the  known  history  of  which 
goes  back  to  a  Norman  cloister,  is  oflrish  origin. 

2.  See  below,  p.  33  t. 

3.  Bussbùcher,  I,  p.  495. 

4.  Can.  22,  "  iii  noctis  horis  stanto  vigilet xxviii  aut  .v.v.v  psalmos 

canat. 

5.  Can.  10,  coena privatur. 

6.  Can.  3,  Si  vero  sine  nionachi  voto  presbyte r  aut  diaconus  peccauerit,  sicut 
monachus  sine  gradu  sic  peniteat. 


26e  John  Thomas  McNeill. 

4)   The  Poenitenliah  Vinniai. 

Wassesrchleben  bas  publisbed  tbis  weighty  document  from 
an  eigbtb  century  MS  (Sangerm.  121),  two  MSS  of  the  ninth 
century,  and  one  oftbe  eleventb  or  twelfth  '.  Let  us  address 
ourselves  to  tbe  question  of  its  autborship. 

The  name  "  Vinniaus  "  appears  as  "  Vennianus  "  in  a  letter 
addressed  by  Columbanus  to  Gregory  the  Great  2.  Thèse 
forms  are  apparently  variations  of  the  more  common  "  Fin- 
nianus  "  5,  which  also  take  the  forms  "  Finian  '*,  "  Finan  ", 
"  Fintan  ",  "  Findian  ".  Two  outstanding  Irish  saints  of 
the  sixth  century  bore  this  name,  St.  Finnian  of  Clonard 
and  St.  Finnian  of  Moville.  It  is  to  the  former  of  thèse 
that  Wassenschleben  would  asenbe  the  penitential,  while 
he  admits  that  no  direct  évidence  exists  for  the  identification  4- 
Schmitz  opposes  this  view,  and  uses  a  twelfth  century  Vita 
S.  Fridiani  given  by  Colgan,  to  prove  that  Finnian  of  Moville 
brought  penitential  canons  from  Rome  5.The  argument  of 
Schmitz  is  by  no  neans  convincing,  however,  and  is  a  striking 
example  of  that  writer's  détermination  to  assert  a  Roman  ori- 
gin  for  the  penitential  literature.There  is  no  basis  for  the  iden- 
tification of  Colgan's  St.  Fridian  of  Lucca  with  this  or  any  Fin- 
nian, an  identification  which,  suggested  by  Colgan,  is  assumed 
without  proof  by  Schmitz,  who  simply  ealls  the  "  Fridianus  " 
of  Colgan's  text  "Finnian  ",throughout  the  paragraph  which 
he  professes  to  quote.  Nor  are  the  "  canons  "  which  St.  Fri- 
dian brought  from  Rome  stated  in  the  Vita  to  hâve  been 
penitential  canons.  It  has  been  argued,  on  the  contrary,  that 


1.  Wasserschl.,  op.  cit.,  p.  118  f. 

2.  Vennianus  auclor  Gïldam  de  bis  interragavit  et  ellefrantissime  illi  rescrip- 
sit.  —  Epistolae  Columbani,  éd.  Gundlach,  Wilh.,  in  Mon.  Ger.  Hist., 
Ep.  Mcrov.  et  Karol.  Aevi,  Tom.  I,  p.  159.. 

3.  Bolland,  Acta  Sancl.,  Tom.  VII  (Mart.  I.),  p.  391,  et  al. 

4.  "  Wiewohl  wir  niclit  die  geringste  Notiz  von  einem  Poenitential 
dièses  Vinniaus  haben  ".  —  Wasserschl.,  op.  cit.,  p.    10. 

5.  Schmitz,  Bussbùcher,  I,  p.  448-449.  —  Colgan,  Acta  SS.  Hib., 
p.  642  f. 


The  Celfic  Penilentials.  2dj 

they  may  hâve  been  copies  of  the  Gospels,  to  which  the  name 
"  canon  "  was  sometimes  applied  '. 

Neither  Wasserschleben  nor  Schmitz,  then,  bas  succeeded 
in  establîshing  any  real  probability  for  either  Finnian.  The 
case  for  Finnian  of  Moville,  however,  lias  been  given  the  sup- 
port of  another  investigator  2.  Seebass  at  first  tried  to  solve  the 
question  in  agreement  with  Wasserschleben,  by  resorting  to 
an  elder  Gildas  who  d.  512,  as  the  author  referred  to  by 
Columbanus.  He  found  support  for  this  distinction  in  Ussher, 
who  in  his  Britannicarnm  Ecclesiarum  Antiquitates  broke  up 
the  Vitae  S.  Gildae  so  as  to  produce  a  "  Gildas  Albanius 
priorto  "  Gildas  Badonicus  "  author  of  thel>  Excidio  Britan- 
niae  5.  Seebass,  however,  subsequently  altered  this  opinion, 
and  identified  "  Vinniaus  "  of  the  penitential  with  Finnian 
of  Moville,  and  the  Gildas  of  Columban's  letter  with  "  Gildas 
Badonicus  "  4.  The  so-called  "  Gildas  Albanius  "  may  be 
excluded  from  our  discussion,  not  only  because  Seebass  dis- 
carded  the  idea  of  his  connection  with  the  Finnian  of  the 
penitential,  but  because  lie  is  probably  to  be  excluded  from 
history  5.  The  "  Vennianus  "  of  Columban's  letter,  may 
fairly  beassumed  to  be  the  author  of  the  penitential,  since  on 
the  one  hand,  Columban  hère  calls  him  an  "  author  ",  and, 
on  the  other  hand,  the  Poenit.  Col.,  in  its  authentic  portions, 
shows  (as  we  shall  see  in  a  later  paragraph)  a  copious  use  of 
the  Poenit.  Vinn. 

According  to  Columban  this  Vennianus  asked  for  and  obtain- 
ed  from  Gildas  a  ruling  on  the  question  of  monks  Who 
through  exaggerated  zeal  disobey  their  abbots  and  leave  the 

1.  Todd,  St.  Patrick,  Apostle  of  Ireland,  p.  123;  Stokes,  Tripartite 
Life,  Vol.  II,  p.  567  ;  Ane.  Laws  of  Ireland.  Vol.  I,  pp.  16,  18. 

2.  ùber  Columba  von  Luxeuils  Klosterregel  u.  Bussbuch,  p.  59. 

3.  Whole  Works  of  the  Most  Revd.  James  Ussher,  Lord  Archbishop  of 
Armagh,  Vol.  V,  p.  506,  Vol.  VI,  p.  520.  (The  Antiquitates,  which  occu- 
pies  Vols.  V  and  VI  of  the  édition,  was  originallv  published  in  1639.)  Cf. 
Boll.,  Acta  SS.,  Tom.  III  (Jan  3),  p.  567  f. 

4.  Seebass,  Das  Poenitentiale  Columbani,  in  Zeitschr.  f.  Kg.,  Bd.  XIV, 
(1894)  p.  436-437. 

5.  Bradshaw,  Collected  Papers,  p.  417  f.  —  Lloyd,  History  of  Wales, 
Vol.  I,  p.  134. 


268  John   Thomas  McNeill. 

monasteries  for  a  hermit  life  '.  Seebass  finds  in  Haddan  and 
Stubbs  2  an  "  epistle  "  of  Gildas,  which  he  believes  to  be 
Gildas'  reply  to  the  request  ofFinnian.  The  editors  of  this 
work  argue  5  that  the  collection  which  includes  this  letter, 
having  been  preserved  in  Ireland  only,  must  hâve  been  writ- 
ten  in  Ireland,  and  therefore  assign  a  date  during  Gildas'  con- 
jectured  visit  there  between  565  and  ^70.  Such  a  date  would 
exclude  Finnian  of  Clonard  as  the  correspondent  of  Gildas, 
for  this  Finnian  must  hâve  died  about  550.  Seebass,  following 
Reeves  *,  ascribes  his  death  to  549.  The  Annals  of  the  Four 
Masters  >  give  548.  It  is  purely  by  this  process  of  inference, 
and  not  on  the  ground  of  any  historical  connection  ofFinnian 
of  Moville  with  Gildas  or  with  the  penitential  literature,  that 
the  conclusion  is  drawn  of  the  latter's  authorship  6.  But  there 
are  weak  links  in  the  chain  of  inference  followed  by  Seebass. 
In  fact  ail  the  links  are  weak.  In  the  first  place,  the  argument 
of  Haddan  and  Stubbs  that  because  extant  copies  of  the  sup- 
posed  fragment  of  Gildas  appear  in  Ireland  alone  it  must  hâve 
been  written  in  Ireland,  falls  to  the  ground  when  we  remen- 
ber  the  circumstances.  Granting  Seebass'  assumption  that  this 
is  the  answer  of  Gildas  to  the  inquiry  of  Finnian,  we  hâve 
surely  as  much  reason  to  think  that  it  was  written  in  Britain 
as  in  Ireland.  It  is  not  the  writer  but  the  récipient  of  a  letter 
for  which  request  had  been  made,  whom  we  should  expect 
to  treasure  the  instructions  it  contained  and  secure  its  préser- 
vation. 

While  we  are  without  évidence  of  any  acquaintance  between 
Gildas  and  Finnian  of  Moville,  we  are  assured  of  the  close 

1.  Ep.  Columb.,  loc.  cit. 

2.  Councils,  etc.,  Vol.  I,  p.  110.  De  monachis  qui  veniunt  de  loco 
viliore  ad   perfectiorem,  etc. 

3.  Op.  cit.,  p.    103. 

4.  Adamnan,  Appendix  to  Préface,  p.  lxxxiii. 

5.  Apparently  used  by  Schmitz,  although  he  cites  instead  the  Annals  ot 
Ulster,  —  Bussb.,  I,  p.  498. 

6.  Schmitz,  in  the  passage  just  cited,  seeks  to  enforce  the  argument  for 
Finnian  of  Moville  on  the  ground  that  he  was  a  bishop  while  his  name- 
sake  was  not.  But  other  penitential  authors,  such  as  Columban,  were  not 
bishops. 


The  Celtic  Peniiculials.  269 

association  of  the  Welsh  saint  with  Finnian  of  Clonard. 
According  to  the  Lismore  Life  of  Finnian  of  Clonard  the  lat- 
ter  was  associate  and  pupil  of  David,  Gildas  and  "  Cathmael", 
(Cadoc  ?)  during  a  thirty-year  résidence  in  Britain  prior  to 
the  founding  ol  Clonard  (c.  520  or  530)  l.  Even  by  a  libéral 
déduction  from  the  period  hère  assigned  2  for  his  British  stu- 
dies  we  may  safely  trust  the  uniform  tradition  of  his  connec- 
tion with  Gildas.  The  instruction  contained  in  the  so-called 
epistle  of  Gildas  cited  by  Seebass,  may  well  hâve  been  the  fruit 
of  this  association,  and  Finnian  of  Clonard  may  hâve  received 
it  from  his  friend  and  teacher  after  his  return  to  Ireland  and 
during  his  active  monastic  work  there.  This  swings  back  the 
possible  date  from  Haddan  and  Stubbs'  562  to  c.  520-550. 
The  death  of  Finnian  of  Clonard  can  hardly  hâve  been  much 
betore  550.  If  we  are  to  accept  the  notice  in  the  Chronicon 
Scottorum,  and  in  the  Lismore  Life  of  Finnian,  Finnian  died  of 
the  plague  at  the  close  of  the  Visitation  of  547-550  \  But  it 
is  worth  mentioning  that  the  Aimais  of  Innisfallen,  to  which 
O'Curry  gives  a  high  authority  4  place  the  death  of  Gildas 
at  562  and  that  of  Finnian  of  Clonard  at  552. 

Again,  Seebass  assumes  dates  for  both  the  birth  and  death 
of  Gildas  which  are  in  ail  probability  later  than  those  which 
a  critical  account  must  assign.  The  date  of  Gildas'  birth  is  by 
his  own  statement  involved  with  that  of  the  Battle  of  Badon 
Hill.  This  event,  Gildas  tells  us  »,  took  place  "  in  the  forty- 
fourth  year  ",  which  was  the  year  of  his  birth,  —  quiet  meae 
nativitatis  est.  Now  the  date  usually  assigned  for  this  battle. 

1.  Finnian  spends  "  thirty  years  studying  together  with  the  British 
elders  who  were  along  with  him.  "  On  one  occasion,  though  an  "  un- 
knownyouth,  "he  acts  as  arbiter  in  a  dispute  between  David  and  Gildas. — 
Stokes,  Lives  of  Saints  from  the  Book  of  Lismore,  p.  223. 

2.  Colgan,  Vita  S.  Finniani,  in  Acta  SS.  Hib.,p.  394  makes  him  thirty 
years  of  âge  on  going  to  Britain  and  makes  him  remain  there  only  eight 
years . 

3.  "  Findian  died  at  Clonard  for  the  sake  of  the  people  of  the  Gael,  that 
they  might  not  ail  die  of  the  Yellow  Plague  ".  —  Stokes,  Lives  of  Saints 
from  the  Book  of  Lismore,  p.  229. 

4.  Lectures  on  the  Materials  of  Ane.  Ir.  Hist.,  p.  75  f. 

5.  De  Excidio  Britanniae,   26. 


270  John   Thomas  McNeill. 

viz  516,  rests  upon  the  frail  évidence  of  the  ninth  century 
Annales  Cambriae,  where  it  is  said  that  Gildas  was  born  in  the 
year  72,  i,  e,  the  seventy-second  year  from  the  beginning  of 
the  Annales,  conjecturally  444.  (444  -\-  72  =  516.) 

But  the  associâtes  of  Gildas,  e.  g.  David  and  Cadoc,  with 
whom  bis  nameis  often  linked,  as  well  as  Finnian  of  Clonard, 
require  an  earlier  date  than  this  for  his  birth  \  And  Bede, 
who  used  a  copy  of  Gildas,  in  a  passage  based  on  the  DeExci- 
dio  2  makes  the  date  forty-four  years  from  the  seulement  ol 
the  Saxons.  As  Bede's  date  for  this  event  is  449,  this  testi- 
mony  yields  the  date  493  for  the  birth  of  Gildas.  M.  Arthur 
de  la  Borderie  has  presentedastrong  argument  lor  this  date  3. 
The  phrase  by  which  Bede  détermines  the  date  is  "  adventus 
eorum  in  Brilanniam  ".  M.  de  la  Borderie  regards  this  phrase 
as  having  been  simply  copied  from  the  text  of  Gildas  which 
Bede  possessed.  It  has  been  dropped,  lie  argues,  from  the 
extant  text,  leaving  the  sensé  incomplète,  but  with  its  restora- 
tion  the  sensé  is  restored.  The  emendation  is  both  brilliant 
and  reasonable.  If  it  is  permitted  it  settles  the  date  of  Gildas' 
birth  on  the  fairly  relia ble  ground  of  his  own  déclaration. 

The  date  516,  or  any  later  date,  would  not  only  make 
impossible  the  relationship  of  senior  and  junior  on  the  part  of 
Gildas  and  Finnian,  bat  would  render  highly  improbable  any 
relation,  between  the  two  men.  Independently  of  this  considé- 
ration, and  also  apparently  of  the  argument  of  Borderie,  the 
later  date  for  Gildas  has  been  discarded  by  such  récent  writers 
as  Lloyd  and  Thurneysen  4.  Williams  accepts  de  la  Borderie's 
date,  but  regards  the  phrase  "  adventus  etc.  "  as  Bede's  own 
interprétation  of  the  incomplète  statement  of  Gildas  s.  Others 


1.  Cf.  Vita  Davidis,  Boll.  A.  SS.  Tom.  VII  (Mart.  1),  p.  38. 

2.  Hist.  eccles.,  I,  16. 

3.  Rev.  Celt.,  Vol.  VI,  1883,  p.  I  f.  —  "  La  date  de  la  naissance  de 
Gildas  ". 

4.  Lloyd  History  of  Wales,  Vol.  I,  p.  136.  Thurneysen,  R.,  reviewing 
Mommsen's  édition  ot"  Gildas  and  Nennius,  in  the  M.  G.  H.  —  Zeitschr. 
f.  Celt.  Phil.  Bd.  I  (1897),  p.   147 

5.  Cymmrodorion  Record  Séries,  No.  3,  part  I,  p.  63.  Cf.  his  Chris- 
tianity  in  Early  Britain,  p.  367. 


The  Celtic  Penitentiah.  271 

hâve  advanced  a  still  earlier  date.  Baring-Gould  and  Fisher  ' 
explain  Gildas  26  so  as  to  make  the  forty-four  years  measure 
the  period  between  the  victory  of  Ambrosius  Aurelianus, 
mentioned  in  the  previous  section,  and  the  Battle  of  Mount 
Badon.  The  dates  of  two  events  are  given  as  476  and  520 
respectively,  and  the  birth  of  Gildas  is  connected  with  the 
former  date.  This  can  hardly  be  regarded  as  the  obvious  mea- 
ning  of  the  passage,  and  it  does  not  account  for  Bede's  adven- 
tus  eorum  in  Britanniam.  We  know  nothing  directly  of  the 
date  of  the  birth  of  Finnian  of  Clonard.  He  niay  easily  hâve 
been  a  few  years  junior  to  a  man  born  in  493.  While  the  date 
476  for  Gildas  would  make  more  certain  the  possibility  of  his 
being  Finnian's  ad  viser,  that  of493  isearly  enough  to  satisfy  the 
relationship  referred  to,  and  to  make  possible  the  advicesent 
by  Gildas  to  Finnian,  which  is  mentioned  by  Columbanus  2. 
As  to  Finnian  of  Moville,  there  is  no  reason  to  connect 
him  either  with  Gildas  or  with  Columbanus.  Of  noble  or 
royal  Ulster  parentage,  he  was  born  and  labored  in  Ulster  ;. 
His  more  famous  namesake  of  Clonard  was  like  Columban  a 
Leinster  man.  Hisfamt  would  certainly  be  known  to  Colum- 
ban. In  550  Columban  was  a  boy  about  ten  yeàrs  of  âge.  His 
first  teacher  was  Sinnell,  a  pupil  of  Finnian  of  Clonard  4.  He 
subsequently  became  a  pupil  of  Comgall  ofBangor,  one  of  Fin- 
nian of  Clonard's  "  Twelve  Disciples  ",  and  thus  became  heir 
to  the  teachingof  this  Finnian.  Comgall  was  Dalaradian  Pict  ; 


1.  Lives  of  the  British  Saints,  Vol.  III,  p.  101  f. 

2.  Either  476  or  493  would  agrée  with  the  probable  date  of  GUdas' 
death,  which  is  rather  before  than  after  570.  In  the  Annals  of  Tigernach, 
éd.  Whitley  Stokes  in  Rev.  Celt.,  Vol  17  (1896),  p.  149,  under  date 
apparently  of  570,  is  the  line 

Ite  Cluana  Credil  Gillasque  (quierunt) 
(Ite  of  Cluain  Credil  and  Gildas  died.) 
The  corresponding  records  inserted  hère  by  Stokes  from  the  Chronicon 
Scottorum,  the  Annals  of  Innisfallen,  and  the  Four  Masters,  are  respectively 
571,    562  and  569.  The  Bollandists  give  Gildas'  dates  as  493-583.  —  A. 
SS.,  Tom.  III  (Jan.  3),   p.  568. 

3.  Cf.  John  O'Hanlon,  Lives  of  the  Irish  Saints,  Vol.  IX,  p.  254. 

4.  Jonas,  Vita  Çolumbani  5,  in  Krusch,  Mon.  Ger.  Hist.,  Sciïplores,  Rev. 
Mer.  Tom.  IV,  p.  69. 


272  John   Thomas  McNeill. 

in  early  life  he  is  said  to  hâve  studied  with  David  and  Gildas  '. 

Thèse  tacts  render  it  highly  probable  that  the  author  we 
are  seeking  for  the  Poênitentiale  Vinniai  is  no  other  than  the 
"  Tutor  of  the  Saints  of  Ireland  ",  Finnian  of  Clonard.  His 
authorship  of  the  penitential  explicitly  removes  ail  trace  of 
direct  and  contemporary  continental  influence  on  that  docu- 
ment, such  as  would  attach  to  it  if  it  were  the  work  of  Finnian 
of  Moville.  For  the  latter  '  is  credited  with  having  visited 
Rome  and  brought  back  with  him  certain  writings  2.  But  the 
former  is  definitely  dissociated  from  Rome  in  the  best  source 
we  hâve  for  his  life.  The  Lismore  life  of  Findian  (as  his  name 
is  there  spelled),  states  that  after  spending  thirty  years  in 
Britain  he  had  a  désire  to  go  to  Rome,  but  God's  angel  came 
to  him  and  said  :  "  What  would  be  given  to  thee  at  Rome 
will  be  given  to  thee  hère.  Go  and  renew  faith  and  belief  in 
Ireland  after  Patrick  "'.  So  he  returned  to  Ireland  according 
to  God's  will  \  Thus  the  penitential  of  Finnian  is  an  Irish 
product,  written  before  the  middle  of  the  sixth  century  by  an 
Irishman  under  Welsh  influence,  and  with  no  Roman  asso- 
ciations. 

We  now  turn  to  an  examination  of  the  contents  of  this 
important  penitential.  It  is  in  fifty-three  canons  or  paragraphs, 
and  divides  itself  naturally  at  the  end  of  can.  34.  The  first 
part  deals  with  the  offences  of  clerics,  the  second  with  those 
of  the  laity.  The  opening  paragraph  makes  a  gênerai  state- 
ment  about  the  guilt  and  penance  connected  with  sins  ot 
the  heart  \ 

At  the  same  time  the  principle  of  a  mechanical  prescription 
of  so  much  penance  for  so  much  sin  prevails  ;  and  the  diffe- 
rentiation  of  sins  and  penalties  is  more  minute  than  in  the 
documents    previously    reviewed.    In    the    case    of    clerics, 

1.  Williams,  Cymmrodorion  Record  Séries,  No.  3,  part  2,  p.  274. 

2.  Colgan,  A.  SS.  Hib.,  p.  643,  —   Cf.  Todd,  St.   Patrick,  p.   101   f. 

3.  Stokes,  Lives  of  Saints,  etc.,  p.  224.  —  The  version  of  the  story  in 
the  Cod.  Salmanticensisis  slightly  différent.  See  De  Smedt  et  de  Backer, 
A.  SS.  Hib.,  col.   194. 

•'   4.  Si  quis  in  corde  suo  per  cogitationem  peccaverit  et  confestim  penitueriti 
perciititit  pcc/ns  siuint  et  petat  a  Dec  veniatn  et  satisfociat,  ut  sanus  sit. 


The  Cèliic  Penitentials.  273 

penalties  are  increased  where  there  is  scandai.  One  year 
of  penance  is  prescribed  for  fornication  which  is  kept  secret 
(can.  10);  the  same  crime  when  publicly  known  is  punished 
by  a  six-year  terni  (can.  21).  Can.  25  prescribes  one  year 
for  theft  by  a  cleric,  "  et  rcddat  quadruplum  proximo  suo  ". 
Penalties  for  clerics  are  generally  considerably  higher  than 
for  laymen.  Part  of  the  penance  consists,  in  certain  instances, 
of  a  payment  to  be  made  to  a  priest.  A  layman  who  is  guilty 
of  fornication  and  the  shedding  of  blood,  when  he  turns 
from  his  evil  ways,  is  required  to  go  unarmed  and  to  be 
deprived  of  his  wife  for  three  years,  during  the  first  year 
of  which  his  diet  is  to  consist  of  bread  and  water.  At 
the  end  of  the  three  year  period  he  is  to  give  money  to  the 
priest  before  being  restored  to  communion  ',  and  pro- 
vide a  supper  for  the  "  servants  "  of  God  ".  (can.  35.)  Appa- 
rently  this  is  what  is  meant  again  in  can.  36  by  "  det  helimo- 
sinam  pro  anima  sua  ".  Considérable  emphasis  is  laid  upon 
sexual  sins.  "  Puclîae  Det  "  are  specially  protected.  The  per- 
manence of  marriage,  and  continence  within  the  married  state, 
are  guarded  under  penalties. 

The  value  of  penance  as  absolving  from  guilt  is  forcibly 
asserted  in  can.  47,  where  by  way  of  comment  on  the  pen- 
nance  assigned  for  the  neglect  of  a  child  by  its  parents  the 
remark  is  made  :  "  quia  nulhwi-crimen,  quod  non  potes!  redimi 
per  penitentiam  quamdiu  suums  in  hoc  corpore" . 

Finnian  closes  his  booklet  with  a  paragraph  addressed  to 
his  "  most  dear  brothers  "  in  which  he  claims  for  the  work 
the  sanction  of  scripture  and  of  the  opinions  of  the  learned  2. 
He  is  manifestly  conscious  of  formulating  rather  than  of  ori- 
ginating  a  tradition.  His  penitential  probably  does  little  more 
than  codify  current  usage.  His  "  doctissimi  "  doubtless  inclu- 
ded  some  ofhis  notable  Welsh  and  Irish  contemporaries.  That 
his  principles  constituted  a  total  departure  both  from  those  of 

1.  pecuniam  dabit  pro  redemptione  anime  sue  et  fructuin  poenitenlie  in 
manu  sacerdotis. 

2.  Haec,  amantissimi  fratres,  secundum  sententiam  scripturarum  vel  opin- 
ionem  quorundam  doctissimorum,  pauca  de  penitentiae  retnediis  vestro  atnore 
conipulsus  supra possibilitatem  mcam  potestatemque  temptavi  scribere*.  Can.  53. 

Revue  Celtique,  XXXIX.  lS 


274  J°1)U   Thomas  McNcill. 

the  ancient  church  and  from  those   of  èarlier  and  contempo- 
rary  non-Celtic  monasticism,  will  appear  in  a  later  chapter  '. 

i.  —  Penitentials  conkected  with  St.  David. 


5)  Èxcerpta  quaedam  de  libro  Davidis. 

6)  Canons  of  the  Sinodus  Àquilonalis  Britanniae. 

7)  Canons  of  the  Sinodus  Luci  Victoriae. 

The  documents  numbered  5,  6  and  7,  of  the  penitential 
séries  given  above,  form  a  group  of  canons  of  Welsh  synods 
connected  with  the  name  of  St.  David,  Patron  of  Wales. 
Wasserschleben  2  lias  adopted  the  date  given  by  Ussher  5  and 
by  the  Bollandists  4  for  the  death  of  David,  viz.,  the  year 
544.  Haddan  and  Stubbs,  on  the  unreliable  évidence  oï  the 
Annales  Canibriae  s,  place  the  event  in  the  year  601  6. 
J.E.  Lloyd  inclines  toward  a  date  of  588  or  589  7.  But  he 
does  not  appear  to  hâve  seen  the  argument  of  Nicholson  8 
whô  brings  very  strong  palaeographical  and  chronological  évi- 
dence for  a  date  o(  547. 

Rhygyfareh,  or   Ricemarchus,   who  wrote  (c.    1090)   the 


1.  See  Below,  Ch.  II. 

2.  Bussordn.,  p.  9. 

3.  Works,  Vol.  V,  p.  274. 

4.  A.SS.,  Tom.  7  (Mart.  I),  pp.  40-41. 

5.  On  the  character  of  thèse  armais  see  Nicholson's  discussion  in  the 
Zeitschrift  f.  Celt.  Philol.,  Bd.  8  (1910),  p.  121.  ("  The  Annales  Cambriae 
and  their  so-called  Exordium.  ") 

6.  Councils,  etc.,  Vol.  I,  p.  116. 

7.  Hist.  of  Wales,  Vol.  1,  p.  152  f. 

8.  Zeitschr.  f.  Celt.  Philol.,  Bd.  6  (1908),  p.  541  f.  The  article  ("  Remarks 
on  the  date  of  the  First  Seulement  ofthe  Saxons  in  Britain  "),  is  like  that 
just  cited  in  Bd.  8  ofthe  same  publication,  directed  against  the  conclusions 
of  A.  Anscombe  whose  long  discussion  ofthe  date  of  the.  Saxon  Invasion 
appeared  in  the  Zeitschrift  Bd.3.  (Anscombe's  radical  revision  of  dates 
would  give  us  David's  death  iu  yai,  a  palaeographical  restoration  for  the 
601  ofthe  Ami.  Catnb.). 


The  Celtic  Penitentials.  275 

earliestextant  account  of  David  ',  makes  David  the  dominating 
figure  at  certain  Welsh  synods  2  and  notes  concerning  the 
canons  of  thèse  synods  that  they  were  promulgated  by  David 
as  bishop,  The  language  used  5  is  of  a  pièce  with  the  context, 
in  which  extravagant  assertion  is  made  of  the  authority  of 
David  in  the  British  Church.  It  is  impossible  to  assign  spécifie 
dates  for  the  synods  in  question.  Haddan  and  Stubbs  give 
569  as  the  date  of  the  second  of  the  two  synods;  but  this  is 
based  on  the  Annales  Cambriac,  and  is  excluded  on  the  évi- 
dence for  an  earlier  date  for  the  death  of  David.  Ricemarchus 
admits  of  a  lapse  of  time,  perhaps  of  years,  between  the 
synods  4.  The  Bollandist  account  dates  the  Synod  of  Brevi 
519,  and  that  of  the  Grove  of  Victory  529,  and  thèse  dates 
are  followed  by  Schmitz  5.  Ricemarchus,  writing  at  Menevia, 
is  not  acquainted  with  the  canons  of  thèse  synods,  and 
believes  them  no  longer  extant.  His  view  of  the  purpose  of 
the  synods  is  that  the  were  called  for  the  suppression  of 
Pelagianism.  But  in  France,  apparently  through  Breton 
channels,  there  hâve  been  preserved  what  purport  to  be  the 
canons  in  question,  and  they  give  a  différent  aspect  to  the 
work  of  the  synods.  They  indicate  that  the  object  in  view 
was  not  the  suppression  of  heresy,  but  the  reform  of  the 
discipline  of  the  Church. 

With  the  canons  of  the  Sinodus  Aquilonalis  Britanniae 
(conjecturally  that  called  by  Ricemarchus  "  Brevi  ")  and  those 
of  the  Sinodus  Luci  Victoriae  (called  by  Ricemarchus 
"Sinodus  Victorie  ")  are  connected  in  the  Paris  MS  3182  a 
group  of  similar  canons  which  may  safely  be  regarded  as 
belonging  to  the  same  reform  movement,  called  Excerpta 
quaedam  de  libro  Davidis  6.  The  first-mentioned  of  the  group 


1.  The  document  is  published  in  Rees,  Cambro-British  Saints,  p.  117  f. , 
with  Eng.  tr.  p.  418  f. 

2.  Op.  cit.,  p.  139. 

3.  Oitae  ore  firmavit  solus  ipse  episcopus  sua  sancta  manu  Ktteris  mandavit. 

4.  Succédante  temporum  série,  op.  cit.,  p.   139. 

5.  Bussbùcher,  I,  p.  490-491. 

6.  Marteneet  Durand,  Thésaurus  Novus,  Tom.  IV,  col.  9  ;  Wasserschl. 
Bussordn.,  p.  103  ;  Haddan  and  Stubbs,  Councils,  etc.,  Vol.  I,  p.  118. 


276  John   Thomas  McNeilî. 

consists  ot  seven  canons,  the  second  of  ni  ne  and  the  third  ot 
sixteen.  In  ail  three  there  is  little  conflict  and  little  répétition  ; 
nor  on  the  other  hand,  is  there  any  évidence  of  well-planned 
arrangement.  Certain  passages  suggest  that  the  later  of  the 
two  synods  made  somewhat  drastic  changes  in  the  direction 
of  greater  severity,  upon  the  provisions  of  the  earlier  synod. 
Sin.  Aq.  Brit.  can.  4,  sets  a  graded  scale  of  penance  for  thefr 
of  food,  beginning  with  the  period  of  a  quadragesima  for  a 
first  offence.  Sin.  Luc.  Vict.  makes  a  gênerai  rule  for  theft, 
and  extends  to  one  year  the  penalty  for  one  offence.  A  pecu- 
liar  feature  of  the  Sin.  Luc.  Vict.  is  the  final  canon  '  which 
gives  an  automatic  scale  of  réduction  of  penalties  for  the  laity 
in  comparison  with  those  assigned  for  the  clergy. 

The  Excerpta  begin  with  four  canons  on  drunkenness.  The 
quest  for  the  inner  motive,  which  we  saw  to  be  characteristic 
of  the  Poenit.  Vinn.  appears  hère  even  in  the  case  of  drunk- 
enness. Can.  2  assigns  fifteen  days  for  drunkenness  "  per 
içnorantiam" ,  forty  days  where  it  takes  place  "per  negligen- 
tiam",  and  three  quadragesimas  if  "per  contemptum"  2. 

The  contact  between  penitential  method  and  native  law 
appears  in  the  Excerpta.  Can.  6  requires  compensation  to  the 
parents  of  a  dishonored  virgin  or  widow,  in  addition  to  a 
year's  penance  >.  But,  as  in  the  dictum  of  Patrick  attached 
to  the  Canones  Hibernenses,  the  church  can  commute  this 
payaient  to  a  penance  period.  "  Si  non  habuerit  dotein  iii  annos 
poeniteal",  the  canon  cited  adds.  Thus  the  "dos"  for  séduc- 
tion could  be  commuted  into  two  years  of  penance. 

The  nocturnal  singing  of  psalms,  as  a  penitential  exercise, 
is  prescribed  in  canons  8  and  9  of  this  set.  It  is  to  be  observed 
that  the  form  of  prescription  apparently  precludes  the  act  of 
confession  between  the  offence  and  the  penance  +.  The  penance 

1.  Totum  hoc  quod  diximus,  si  post  votuni  perfectionis  fecerit  homo,  si  autem 
ante  votum,  annus  diminuitur  de  omnibus  (Jiis  tribus,  ad.  Martene)  ;  de  reli- 
quis  vero,  ut  débet,  minuitur,  dutn  non  vovit. 

2.  Cf.  Cans.  8,  9,  where  the  distinction  ctm  voluntate  and  situ  voluntate 
is  made  for  pollution  during  sleep. 

3.  Dotem  del  parentibus  ejus,  et  anno  uno peniteat. 

4.  e.  g.,  can.  8.  Qui  in  son/puis  euui  voluntate pollutus  est,  surgat  canatque 


The  Celtic  Penitentidh.  2jy 

in  this  case  was  evidently  not  imposed  by  a  confessor,,  but 
assumed  by  the  ofFender  ;  and  the  canon  obviously  applies  to 
monks  and  clerics  who  might  be  supposed  to  know  its  tenns. 
An  unusual  penalty  appears  in  can.  n,  where  for  a  group 
of  grave  offences  the  head  is  to  be  laid  on  the  earth  during 
one  year  of  penance,  the  second  year  on  a  stone  and  the  third 
on  a  board. 

4.  —  The  Poenitentiale  Columbani. 

The  Poenitentiale  Columbani  or  Liber  S.  Columbani  abbatis 
de  poenilentiarum  mensura  taxanda  ',  lias  been  the  subject  of 
considérable  discussion.  Wasserschleben  regarded  it  as  written 
on  the  Continent  and  at  most  only  partially  the  work  of 
Columban  2.  Schmitz  found  no  évidence  to  connect  it  with 
Columban,  but  held  it  to  be  written  in  the  eighth  century  by 
some  monk  who  was  a  follower  of  Columban's  rule  3.  Colum- 
ban, Schmitz  believed,  cannot  be  credited  with  the  authorship 
of  any  penitential.  Seebass,  however,  had  no  difficulty  in 
demolishing  the  argument  of  Schmitz  in  his  particular,  and 
establishing  an  external  probability  that  Columban  wrote  a 
penitential.  This  he  did  4  mainly  by  référence  to  the  accepted 
writings  of  Columban  and  to  the  Vit  a  Columbani  of  Jonas  of 
Bobbio  >.  Indeed  one  need  hardly  go  beyond  the  Vita  and  the 
letter  of  Columbanus  to  Gregory  I.   in  order  to  reach  this 

viii  psalmos  ;  et  in  die  iïïo  in   pane  et  aqua  vivat.  Sin  antein,    .v.v.v  psalinos 
canat. 

1.  For  the  text  see  Wasserschl.  Bussordn.,  p.  353  f.  ;  Schmitz,  Buss- 
bi'icher  L,  p.  588  f.  ;  Seebass,  Zeitschr.  f.  Kg.,  Bd.  14  (1895),  P-  441  f-> 
The  work  was  first  published  in  1667  by  Th.  Sirinus  from  the  till  then 
unpublished  édition  of  Patrick  Fleming  niade  in  1626  from  one  of  the  two 
Bobbio  MSS.  in  which  the  work  is  extant.  Patricii  Flemingi  collectanea 
sacra  seu  S.  Columbani  acta  et  opuscula,  Lyons,  1667.  A  capy  of  this  collec- 
tion is  given  in  Migne,  Patr.  Lat.,  Tom.  80,  col.  209  f. 

2.  Bussordn.,  p.  54. 

3.  Bussbùcher  Bd.  I,  p.  592  f. 

4.  Op.  cit.,  p.  430  f. 

5.  Ed.  Bruno  Krusch,  in  M. G. H.,  Scriptores  Renan  Merovingicaruni. 
Tom.  4,  pp.  64-108, 


278  John  Thomas  McNeill. 

resuit.  In  the  Vita  Jonas  twice  refers  to  the  poenitintiae  medi- 
camenta  employée!  by  Columban.  In  one  référence  he  informs 
us  of  the  previous  neglect  of  penance  in  Gaul  '.  In  the  other 
he  notes  that  the  people  came  from  ail  quarters  to  Columban 
for  penance  2.  The  évidence  is  convincing  that  Jonas  regarded 
Columban  as  the  restorer  of  penitential  discipline  in  the 
Vosges  région  ;  even  more  convincing  perhaps  than  if  Jonas 
mentioned  any  particular  penitential  work  from  his  hand,  for 
in  that  case  we  might  hâve  suspected  that  the  références  to 
the  exercise  of  penance  by  Columban  were  suggested  by  an 
acquaintance  with  a  book  ascribed  to  Columban.  Again  the 
acquaintance  of  Columban  with  the  work  of  Gildas  and  of 
Vinniaus  5  rests  on  passages  in  the  letter  to  Gregory  which 
hâve  to  do  with  questions  of  discipline.  Thèse  passages  there- 
fore  reinforce  our  assurance  that  Columban  was  interested  in 
promoting  penance  among  his  followers,  and  at  the  same 
time  indicate  his  respect  for  Celtic  penitential  writers  of  the 
previous  génération. 

But  if  this  is  the  case,  it  would  then  be  surprising  if  he  were 
not  also  the  author  of  a  penitential.  By  the  time  of  his  acti- 
vity,  the  last  décade  of  the  sixth  century,  the  use  of  peniten- 
tial books  was  already  an  established  Celtic  custom,  as  the 
works  ascribed  to  earlier  author's  show.  We  hâve  every  reason 
to  think  that  Columban  followed  the  example  of  his  honored 
Celtic  masters,  and  compiled  some  penitential  work. 

There  are  certain  presuppositions  with  which  we  are  justi- 
fiée! in  approaching  any  document  claiming  to  be  a  penitential 
written  by  him.  First  we  should  except  to  find  in  it,  if  it  is 
genuine,  some  évidence  of  a  use  of  the  models  provided  by 
those  Celtic  masters  who  are  referred  to  in  his  correspon- 
dence.  The  failure  of  the  document  to  exhibit  this  feature 
might  not  be  a  conclusive  argument  against  its  genuineness, 
but  it  would  at  once  create  a  serious  doubt.  Again,  we  should 
not  be  surprised  to  find  traces  of  the  influence  of  other  Celtic 

1.   Vix  vel  paucis  in  Mis  reperiebantur  locis.  Vita  11. 

1.   (Indique  ad  poenitentiae  medicamenta  plèbes  concurrere.  Vita  17. 

3.  See  above,  p.  33  f. 


The  Celtic  Pmitentiah,  279 

writers  of  penitentials,  who  had  preceded  Columban.  And 
furthermore,  our  assurance  of  the  genuineness  of  the  work 
would  be  greatly  increased  by  finding  in  the  document  some 
évidence  of  the  conditions  of  the  time  and  place  of  Columban's 
labors.  Let  us  observe  how  the  Poenitentiale  Columbani  meets 
thèse  presuppositions. 

Let  us  note,  in  the  first  place,  the  gênerai  structure  of  this 
work.  It  consists  of  42  canons,  which  fall  into  five  natural 
divisions.  Thèse  five  sections  are  marked  off  by  short  expla- 
natory  headings,  which  occur  as  follows  : — 

1)  Can.  1  consists  of  a  statement  of  the  purpose  of  a  peni- 
tential  wrork  :  Poenitentia  vera  est  poenitenda  non  admittere,  sed 
ad  mis  sa  deflere.  Sed  quia  banc  mnltorum  fragilitas,  ut  non  dicam 
omnium,  rumpit,  mensurae  noscendae  sunt  poenitentiae,  quarum 
sic  ordo  a  sanctis  traditur  patribus,  ut  juxta  magnitudinem 
culparum  etiam  longitudo  statuatur  poenitentiarum. 

2)  Between  can.  8  and  can.  9  occur  the  words  :  Haec  de 
causis  casualibus  ;  ceterum  de  minutis  morum  inconditorum. 

3)  Between  can.  12  and  can.  13  is  inserted  an  extended 
paragraph  introducing  the  next  section  :  Diversiias  culparum 
diversitatem  facit  poenitentiarum  ;  nam  et  corporum  medici  diversis 
medicamenta  generibus  componunt...  So  also  the  spiritual  physi- 
cian  should  with  various  kinds  of  treatment'heal  the  wounds, 
diseases,  pains,  sicknesses  and  infirmities  of  soûls.  The  régu- 
lations to  follow  are  promulgated  juxta  seniorum  traditiones  et 
juxta  nostra  ex  parle  inlelligentiam. 

4)  Between  can.  24  and  can.  25,  the  division  is  marked  by 
the  words  :  Sed  haec  de  clericis  et  monachis  mixtim  dicta  sint  ; 
caeterum  de  laicis. 

5)  Between  can.  37  and  38.  The  section  following  is 
headed  :  Postremo  de  minutis  monachorum  agendum  est  sanclio- 
nibus. 

It  becomes  évident  at  once  that  the  principal  break  in  the 
document  occurs  at  the  end  of  can.  12.  The  intervening  para- 
graph hère  is  of  the  nature  of  an  independent  introduction, 
and  this  suggests  that  we  are  dealing  not  with  one  continuous 
work,  but  with  two  books  in  juxtaposition.  This  will  become 
a  more  évident  fact  as  we  proceed  ;  but  we  may  hère  for  the 


280  John   Thomas  McNeill. 

sake  of  convenience  anticipate  the  data  that  are  to  follow  and 
adopt  the  device  of  the  several  editors  ofthe  penitential,  who 
speak  of  cans.  1-12  as  Poenit.  Col.  A  and  the  remaining 
portion  ofthe  document  as  Poenit.  Col.  B.  1-30.' 

The  aîialysis  now  to  be  made  is  intended  in  the  first  place 
to  prove  Columban's  authorship  of  Poenit.  Col.  B  ',and  in  the 
second  place  to  bring  sorae  hitherto  unnoticed  arguments  for 
ascribing  Pomit.  Col.  A  likewise  to  his  authorship,  while 
probably  written  at  différent  date  from  B. 

The  following  order  of  treatment  will  place  before  us  the 
évidence  that  is  necessary  : 

1)  Correspondences  and  divergences  between  Poenit.  Col.  B 
and  Poenit.  Vinn. 

2)  Correspondences  and  divergences  between  Poenit.  Col.  B 
and  the  Pref.  Gild. 

3)  Correspondences  between  Poenit.  Col.  B  and  other  Celtic 
documents. 

4)  Remarks  on  the  place  of  origin  of  Poenit.  Col.  B. 

A  similar  treatment  of  Poenit.  Col.  A,  and  a  comparison  of 
the  contents  of  A  and  B  will  place  before  us  the  data  for 
favoring  Columban's  authorship  of  A. 

1)  Correspondences  and  divergences  between  Poenit.  Col. 
B  and  Poenit.  Vinn. 

Col.  B  1  and  Vinn.  2}.  Col.  B  omits  stages  and  détails  of 
ten  year  penance  for  homicide  given  in  Vinn.  Otherwise 
provisions  are  identical. 

Col.  B  2  and  Vinn.  12.  As  in  Col.  A  4,  Col.  B  has  hère 
si  guis  for  si  guis  deviens  in  Vinn.  Col.  B  omits  stages  and 
détails  of  penance. 

Col.  B  4  and  Vinn.  11.  Similar  and  in  part  identical  provi- 
sions re  adultery  of  clerics. 

Col.  B  S  and  Vinn.  22.  Col.  omits  the  remark  of  Vinn.  on 

1.  With  the  exception  of  B  26-30.  This  portion  may  simplv  be  left  out 
of  our  argument.  It  is  entirelv  tnonastic,  and  may  be  an  appended  fragment 
of  a  monastic  rule.  Seebass  argues  for  its  rétention  as  a  part  of  B,  by  an 
ingenious  use  of  a  parallel  with  Cassian's  Collatio,  XX.  Zeitschr.  f.  Kg., 
Bd  18(1898),  pp.  70-71.  It  contains  no  penitential  régulations.  For  the 
opinion  of  Seebass  that  the  closing  section  of  the   Régula   Coenobialis 


The  Çeïtic  Penitentiah,  281 

the  diificulty  of  pardon  for  perjury,  and  the  spécial  conditions 
imposed.  Both  assign  a  seven  year  penance,  with  no  more 
taking  of  oaths. 

Col.  B  6  and  Finit.  1S-20.  Phraseology  différent,  provisions 
in  part  identical. 

Col.  B  7  and  Vinn.  25-26.  One  year's  penance  for  theft  by  a 
cleric  in  both.  Vinn.  bas  et  reddat  quadruplum  proximo  sito  ; 
Col.  B  omits  quadruplum.  For  habituai  offences  both  assign 
three  years. 

Col.  B  S  and  Vinn.  27.  Seven  years  penance  in  both  for 
returning  to  a  mistress  after  vows.  Some  phrases  identical, 
others  similar. 

Col.  B  y  and  Vinn.  S,  y.  Col.  B  appears  to  condense  the 
more  extended  statement  of  Vinn. 

Col.  B  11  and  Vinn.  7.  Col  B  changes  penalty  for  concupis- 
cence from  forty  days  to  one  year. 

Col.  B  i}  and  Vinn.  }$.  General  structure  suggests  Col.  B 
modelled  in  Vinn. 

Col.  B 16 and  Vinn.  36.  Both  prescribe  one  year  for  adultery. 
Col.  B  adds  permission  of  marriage  si  virgo  virgini  conjunctus 
est,  with  a  year's  penance  to  follow. 

Col..  B  20  and  Vinn.  22.  Col.  B  folio ws  Vinn.  roughly  in 
demanding  libération  of  a  slave  and  libéral  alms  for  perjury. 

Col.  B  21  and  Vinn.  <?.  Both  demand  forty  days  penance 
with  damages  for  assault.  Col.  B  adds  provision  for  the 
injured  during  his  convalescence  r. 

Col.  B  2]  and  Vinn.  17.  Col.  B  follows  Vinn.  and  differs 
from  Col.  B  ri  in  assigning  forty  days  for  concupiscence. 

In  the  above  comparison  it  appears  that  no  less  than 
fourteen  out  of  the  twenty-five  capitula  in  the  document 
under  considération  show  a  marked  resemblance  to  passages 
in  the  Poenil.  Vinn.  It  will  readily  be  admitted  that  the  resem- 
blance, in  some  cases  involving  a  common  phraseology,  is  not 
accidentai.  It  is  sufficient  for  our  purpose  to  indicate  that  the 

ascribed  to  Columban  really  belongs  hère,  see  his  Uber  Columba  von 
Luxeuils  Klostenegel  und  Bussbuch,  p.  49,  and  p.  283  below. 

1.  This  may  well  be  copied  from  Irish  law.  Cf.  The  Ancient  Laws  ot 
Ireland,  Vol.  III,  pp.  337,  471,  481  :  Vol.  V,  pp.  301,  307,  333,  etc. 


282  John    Thomas  McNeill. 

Poenit.  Col.  B  préserves  a  memory  of  the  Poenil.  Vinn.  But 
the  facts  certainly  suggest  more  thana  memory.  They  entirely 
justify  the  remark  of  Seebass,  that  the  author  had  an  exem- 
plar  of  the  Poenit.  Vinn.  before  him  '.  At  the  same  time 
there  is  no  slavish  copying  of  the  earlier  writer.  The  diffé- 
rences are  marked.  Not  a  single  canon  is  identical  in  ail 
respects.  We  are  reminded  by  our  comparison  of  the  note  in 
which  the  author  of  Col.  B  describes  the  genesis  of  the  work  : 
juxta  senior  uni  traditiones  et  jn.xla  noslram  ex  parte  intelligeniiaw. 
Thèse  words  indeed  form  a  perfect  description  both  of  the 
indebtedness  to  Finnian  and  of  the  independenee  and  origi- 
nality  which  characterise  the  book.  The  author's  seniorum 
traditiones  are  manifestly  not  the  usnges  of  remoter  church 
fathers,  but  those  of  his  own  Celtic  masters,  foremost  among 
Whom  stands  Finnian.  Even  in  his  independenee  he  is  honor- 
ing  the  spirit  of  the  Poenit.  Vinn.  whose  author  freely  says  : 
"  If  anyone  will  propose  better  rules  we  will  accept  and  follow 
them  2.  "  It  is  worth  remembering  that  Columban's  hrst 
teacher  was  Sinell,  a  pupil  of  Finnian  of  Clonard  \ 

2)  Correspondences  and  divergences  between  Poenit.  Col.  B 
and  Pref.  Gild. 

It  is  not  possible  hère  te  show  such  an  array  of.  similar 
provisions  as  has  just  been  observed  ;  but  there  are  considé- 
rable traces  of  influence.  In  Col.  B  12  the  offence  of  voraiting 
the  sacrament,  through  drunkenness  or  gluttony  (z'oracitas), 
is  made  punishable  b}r  a  term  of  three  quadragesinuie.  In  the 
Pref.  Gild.  7  the  same  offence  calls  for  a  penalty  of  "  vii  super- 
po^itiones  "  4  and  deprivation  of  supper.  Again  Pref.  Gild.  9 

1.  Uber  Columba  von  Luxeuils  Klosterregel  und  Bussbuch,  p.  57. 

2.  Poenit.  Vinn.  Can.  53. 

3.  Jonas,  Vita  S.  Col.  3rd  éd.  Krusch,  Script.  Rer.  Merov.  (Mon. 
Germ.  Hist),  Vol.  IV,  p.  69.  Margaret  Stokes,  Three  Months  in  the 
Appenines,  p.  109-110. 

4.  Seebass,  in  another  connection,  thiuks  superpositîo  équivalent  to 
superpositio  silentii.  Zeitschr.  f.  Kg.  Bd.  18  (1898),  p.  65.  This  seems  more 
probable  than  superpositio  jejunii  (Cf.  Sin.  Elvir  can  XXIII),  especially  in 
connection  with  "  cenam  suant  non  présumât".  Pref.  Gild.  8  has  diei 
superposilione  et  milita  increpatione  plectaiur  ;  apparently  the  culprit  was  to 
be  subjected  to  reproaches  without  permission  to  reply. 


The  Celtic  Penitcntials.  283 

prescribes  three  quadragesimae  for  losing  the  tokens  of  the 
sacrament  through  carelessness  :  for  this  Col.  B  12  prescribes 
one  year.  Thus  in  each  instance  where  the  same  ofTences  are 
treated  in  both,  Poenit.  Col.  B  assigns  considerably  heavier 
penalties.  This  is  not  surprising  when  we  recall  the  (already 
noted)  lightness  of  the  penalties  in  the  Prefatio.  Thèse  loose 
parallels  suggest,  if  they  do  not  prove  with  certainty,  that  the 
author  of  Col.  B  was  acquainted  with  and  hère  seeking  to 
improve  upon  the  Pref.  Gild.,  recalling  its  régulations  from 
memory,  if  not  using  a  MS. 

3)  Correspondences  of  Poenit.  Col.  B  with  other  Celtic 
documents. 

In  Col.  B  4  we  noted  a  parallel  with  Vinn.  n.  While  the 
parallel  is  a  real  one,  the  canon  as  a  whole  resembles  more 
closely  Excerpta  Quaedam  7,  which  has  iv,  vi,  vii  and 
xiii  years  (on  a  slightly  différent  classification  of  clérical 
ranks),  for  the  iii,  v,  vii  and  xii  years  of  Col.  B  4.  This 
looks  very  much  like  a  slight  revision  of  the  terms  of  the 
canon  in  the  Liber  Davidis. 

It  was  the  opinion  of  Seebass  1  that  the  closing  portion 
(Ch.  10  f.)  of  the  Régula  coenobialis  ascribed  to  Columban  has 
been  detached  from  the  last  section  of  Poenit.  Col.  B.  In 
support  of  this  view  it  is  noteworthy  that  the  section  of  the 
Régula  referred  to  is  mainly  penitential  in  character.  It  consists 
of  a  list  of  penalties  for  offences  characteristic  of  monastic 
life.  It  is  remarkable  for  its  generous  employment  of  corporal 
punishment  (percussiones  and  plagae).  Still  more  prominent 
is  the  feature  of  penitential  singing  of  the  psalms,  a  form  of 
penance  employed  for  ail  manner  of  trivial  monastic  failings  2. 
This  characteristic  places  the  chapters  in  question  in  close 
relationship  with  the  Welsh  penitentials  in  which,  as  we  saw, 
the  penalty  of  psalm-singing  was  employed.  If  Seebass  is 
right  in  making  this  document  an  intégral  part  of  Poenit.  Col. 
B,  we  hâve  in  the  feature  an  additional  claimfor  the  connec- 


1.  Ûber  Columba  von  Luxeuils  Klosterregel  und  Bussbuch,  p.  49. 

2.  See  the  critical  text  of  the  Régula  by  Seebass  in  the  Zeitschrift  f.  Kg. 
Bd.  15  (1895),  p.  366  f. 


284  John  Thomas  McNeill. 

tion  of  the  whole  work  with  the  Celtic  spiritual  fathers  of 
Columban.  We  hâve  thus  ascertained  that  B  was  written  by 
some  one  who  was  clearly  acquainted  with  Finnian's  peni- 
tential,  and  who  very  probably  used  also  two  Welsh  docu- 
ments credited  respectively  to  Gildas  and  David.  Col.  B 
manifestly  springs  from  the  heart  of  the  Celtic  Church,  and 
seems  to  reflect,  in  an  extraordinary  manner,  the  association 
of  those  three  Celtic  saints  of  the  early  sixth  century,  to 
whose  friendship  we  had  occasion  to  refer  above. 

Col.  B  then  answers  well  to  the  presuppositions  that  would 
suggest  themselves  for  a  penitential  work  from  the  pen  of 
St.  Columban. 

4)  Remarks  on  the  Place  of  Origin  of  Col.  B.  — From  the 
above  considérations  wemightfairly  claim  Columban's  author- 
ship  of  this  part  of  the  document  which  bears  his  name.  But 
an  additional  argument  has  been  advanced,  for  which  we  are 
mainly  indebted  to  Hauck,  who  follows  up  a  suggestion  of 
Seebass  '.  Hauck  makes  it  clear  that  the  référence  to  heathen 

feasts  in  Col.  B  2_/  (mensae  demoniorum pro  cultu  demo- 

num  aut  honore  simulachrorum)  answers  to  the  stage  in 
religion  of  the  inhabitants  of  the  Luxeuil  région  in  Colum- 
ban's time.  He  further  proves  that  the  heretical  Bonosiaci 
mentioned  in  Col.  B  25  appear  in  the  same  région  about  the 
same  time.  The  argument  from  the  last  mentioned  paragraph, 
it  must  be  admitted,  is  insecure,  as  the  canon  contains 
prescriptions  for  penance  which  are  not  Celtic  but  characteris- 
tically  Catholic,  including  a  graded  public  discipline  and 
reconciliation  by  a  Catholic  Bishop  2.  The  canon  appears  to  be 
a  rare  instance  of  the  survival  in  Gaul  of  the  ancient  discipline, 
and  may  perhaps  more  safely  be  regarded  as  an  interpolation 
than  as  having  been  accepted  by  Columban  himself.  Yet  it 


1.  Seebass,  Zeitschr.  f.  Kg.  Bd.  14  (1894),  p.  435  ;  Hauck,  Kirchen- 
gerch.  Deutscblands,  Bd.  I,  p.  277. 

2.  Post  manu  s  impositionem  Catholici  episcopi  altario  jungatur.  From 
thèse  "  phrases  which  correspond  to  no  practice  at  Luxeuil,  and  would 
there  be  hardly  intelligible  "  the  canon  has  recently  been  pronounced 
"  due  to  some  Gaelic  source  outside  Columbanus,  whether  adopted  into 
the  penitential  by  Columbanus  himself  or  bv  another  "■  —  Oscar 
D.  Watkins,  A  Historv  of  Penance,  Vol.  II,  p.  s  19. 


The  Celtic  PénitenUali.  283 

lias  the  value  for  our  argument  of  added  certainty  of  time 
and  place  ;  for  even  if  an  interpolation  it  could  on  Hauck's 
évidence  hâve  been  inserted  only  on  the  région  of  Luxeuil 
and  soon  after  Columban's  work  there. 

Thus  the  cbain  ol  évidence  for  Columban's  authorship  of 
B  is  complète.  It  consiste  in  the  inhérent  probability  of  his 
writing  a  penitential  ;  in  the  use  in  the  book  of  Celtic  autho- 
rities,  and  of  just  those  Celtic  writers  who  are  otherwise 
known  to  hâve  been  favored  by  Columban  ;  in  the  use  of 
thèse  authors  with  just  that  degree  of  respect  and  of  indepen- 
dence  with  which  writer  of  Poenit.  Col.  B  claims  to  hâve  used 
his  authorities  ;  and  in  références  to  two  éléments  in  the 
environment  of  Columban  at  Luxeuil.  We  may,  therefore, 
with  assurance,  ascribe  the  work  to  the  author  whose  name 
it  bears. 

5)  The  Authorship  of  Poenit.  Col.  A. 

Let  us  now  proceed  >to  subject  to  the  same  process  the  first 
part  of  the  combined  penitential,  Poenit.  Col.  A.  The  follow- 
ing  parallels  to  Poenit.  Vinn.  are  to  be  noted  : 

Col.  A  2  and  Vinn.  1-3.  Some  phrases  are  common.  Both 
assign  half  a  )^ear's  penance  for  major  sins  of  the  heart. 

Col.  A  3  and  Vinn.  12-13.  Both  hâve  ten  yearsfor  homicide. 
Otherwise  the  arrangement  of  the  text  forbids  exact  compa- 
rison. 

Col.  A  4  and  Vinn.  2/.  Both  assign  one  year's  penance  for 
theft  Col.  omitting  the  restriction  to  clerics  and  the  phrase 
reddat  quadruplum  proximo  sno  found  in  Vinn. 

Col.  A  j  and  Vinn.  S.  Vinn.  has  one  year,  Col.  three  years 
for  striking  a  brother  cleric  in  a  quarrel. 

Col.  A  12  and  Vinn.  2S-2<).  The  lists  of  contraries  in  each, 
though  divergçnt  in  détail,  illustrate  a  common  principle. 

From  thèse  parallels  it  appears  that  Col.  A  is  as  closely 
connected  with  Vinn.  as  is  Col.  B.  This  statement  applies,  it 
will  be  noted,  especially  to  the  section  A  1-8.  Yet  the  resem- 
blance  in  A  12  is  also  noteworthy  l.  To  this  we  shall  require 
to  return  in  a  moment. 

1.  This  passage  reads   :  Verbosus  vero   taciturnitate   damnandus   est, 


286  John  Thomas  McNeill. 

The  author  of  Poenit.  Col.  A  was  therefore  a  close  follower 
of  Vinnian.  But  the  greatest  difficulty  in  the  way  of  Colum- 
ban's  own  authorship  of  A  now  arises.  The  booklet  is  not 
only  independent  of  B,  but  shows  one  or  two  clear  diver- 
gences from  B.  A5  prescribes  three  years  for  assault,  while 
B9  bas  one  year.  A6  punishes  a  drunken  offence  at  the  sacra- 
ment  with  one  quadragesima,  while  in  B12  the  term  is  with 
three  quadragesimas.  There  is  also  a  variation  in  the  penalty 
for  fornication  by  monks  between  A3  and  B4,  the  former 
requiring  a  three  year  penance,  the  latter  five  years. 

On  the  other  hand  it  may  be  noted  that  A4  agress  with 
B7  in  prescribing  one  year  for  theft,  and  that  one  provision 
in  A6  is  identical  with  one  in  B12.  Furthermore,  it  cannot 
be  said  that  the  discrepancies  which  appear  between  A  and  B 
are  such  as  to  render  a  common  authorship  impossible.  They 
are  no  greater,  for  example,  than  those  which  appear  in  the 
well  authenticated  canons  of  Basil  the  Great  '.  Seebass  has 
noted  the  probable  connection  between  Col.  Ai  and  Cassian's 
Collât  io,  XX,  5  2.  We  know  that  Columbanus  read  and 
followed  Cassian  from  bis  Instructiones  XVII,  de  oclo  principa- 
libus  vitiis*  which  is  based  on  Cassian's  Collationes  V4.  The 
trace  of  Cassian  therefore  tends  to  support  Columba'n's 
authorship    of   A  *.    But    Columban's    authorship    may    be 

inquietus  mansuetudine,  gulosus  jejunio,  somnolentius  vigilia,  superbus 
carcere,  destitutor  repulsione,  unusquisquejuxta  quod  meretur  quoaequalia 
sentira,  ut  justus  juste  vivat.  Cf.  Vinn.,  28  :  Haec  est  poenitentia  ejus 
crirninis,  ut  e  contrariis  contraria  curet  et  emendet;  Vinn.,  29  :  sed  e 
contrariis  ut  diximus  festinenms  curare  contraria  et  vitia  mundemus. 

1.  Cf.  Basil,  Ad.  Amphiloch,  VIII  and  LVII  ;  IV  and  L. 

2.  Zeitschr.  f.  Kg.  Bd.  14,  1894,  p.  441  n. 

3.  Migne,  Patr.  Lat,,  Tom.  80,  col.  259,  260. 

4.  Ibid.,  Tom.  49,  col.  611. 

5.  This  argument  is  weakened  but  not  annulled  by  the  fact  that  the 
passage  has  other  paiallels  in  early  literature.  A  1  reads  :  Poenitentia  vera 
est  poenitenda  non  adniittere,  sed  admissa  deflere.  The  parallel  in  Cassian 

is  Poenitentiae pcrfecta   defmitio   est   ut  peccata nequaquam 

alterius  admittamus.  Cf.  Ambrose,  Serm.  9  de  Quadragesima  :  Poenitentia 
est  et  mala  praeterita  plangere,  et  plangenda  iterum  non  admittere.  This 
définition  is  quoted  in  Gratian's  Concordia,  the  section  De  Poenitentia,  III, 
can.  I.  (Migne,  Patrol.  Lat.,  Tom.  187,  col.   1594),  and  the  idea  became 


The  Cettic  Penitentials.  287 

supportée!  on  other  grounds,  hitherto  overlooked.  Allusion 
was  made  above  to  the  influence  of  Vinn.  28,  29,  on  A  12. 
Now  Columban's  Instructiones  XVII  shows  high  probability 
of  influence  from  the  same  passage  in  Vinnian.  It  contains  a 
detailed  statement  expounding  Vinnian's  principle  that  "con- 
traries are  to  be  cured  by  contraries  1  ".  This  common  use  by 
Columban  and  by  the  author  of  Col.  A  of  a  principle  asserted 
by  Vinnian,  adds  to  those  considérations  which  make  for 
Columban's  authorship  of  A. 

Probably  the  simplest  explanation  of  the  matter  is  to 
suppose  that  both  parts  of  the  Pocnit.  Col.  were  written  by 
Columban,  but  at  différent  times  and  in  différent  cir- 
cumstances.  When  Columban  came  to  the  Luxeuil  région  he 
had  before  him  a  career  of  quarter  of  a  century,  time  for 
considérable  development  (590-615).  It  has  been  supposed 
that  he  made  visits  to  Italy  prior  to  lus  éjection  from  Luxeuil  2. 
In  610  he  was  ejected  by  Brunehild  and  Thierry;  he  then 
labored  for  a  time  in  Neustria,  subsequently  in  Switzerland, 
and  finally  founded  his  monastery  of  Bobbio  in  Italy,  with 
which  he  was  connected  for  three  years  (612-615).  During 
thèse  changes  he  may  hâve  prepared,  or  begun,  a  revised 
penitential,  adapted  to  the  environment  in  which  he  found 
himself  and  reflecting  his  ripening  expérience.  It  is  very 
likely  that  Poenit.  Col.  A  is  a  sketch,  or  fragment,  of  such  a 
revision. 

It  must  be  admitted,  however,  that  other  hypothèses  are 
not  excluded.  It  is  not  impossible  that  A  preceded  B,  and 
came  with  Columban  and  his  twelve  disciples  into  Gaul  from 
Ireland.  Columban  may  hâve  received  it,  for  example,  from 
St.    Sinell,    his   exacting   instructor  as   a  youth  5,    or   from 

a  commonplace.  A  similar  statement  is  ascribedto  Augustine,but  is  proba- 
bly from  Gennadius,  De  dogmat.  eccl.,  54.  See  Gratian,  op.  cit.,  III,  can.  iii. 

1.  Haec  igitur  omnium  origines  et  causae  sunt  malorum  ;  quae  sic  sunt 
sananda  per  contraria.  Gula  triplex  vincenda  est  per  abstinentiam  jejunii  de 
hora  nona  in  horam  nonam.  Fornicatio...  per  castitatem  et  continentiam... 
cupiditas  vero  nihil  habendo  proprium  vincitur.  .  .  Ira...  patientia  et 
mansucta  levitate  superanda  est.  Tristitia  vero  laetitia  spirituali.  .  .  Vana 
gloria.  .  .  atque  superbia.  .  .  humilitate. .  .  et  comritione. 

2:  M.  Stokes,  Six  Mos.  in  the  Appennines,  Prcface,  p.  1 1  f . 

3.  Jonas,  où  cil.,  9. 


288  John   Thomas  KicNeill. 

Comgall  of  Bangor,  the  honored  master  whom  he  revcrentlv 
mentions  by  the  name  Faustus  in  bis  lnstructiones  II  j,  '. 
Both  were  pupils  of  Finnian  of  Clonard,  and  would  be  likely 
to  prépare  penitential  rulcs. 

Nor  can  I  refrain  from  suggesting  the  considération  of  the 
name  of  Culumba  of  Iona,  (d.  597).  The  exercise  of  penance 
by  Columba  is  a  prominent  feature  in  bis  career  as  recorded 
by  Adamnan  2.  He  was  a  pupil  of  both  Finnians  3,  and  a  iife- 
long  fnend  of  Comgall  4.  In  the  debate  at  the  Synod  of 
Whitby  (664)  Wilfrid  spoke  of  Columba's  "  régula  et  prae- 
cepta  "  5.  It  is  nowshown  to  be  probable  that  another  impor- 
tant document  in  the  séries  under  review  emanated  from  Iona 
a  century  after  Columba  6.  The  close. similarity,  or  identity, 
of  the  names  of  the  Iona  and  the  Luxeuil  saint  might  account 
for  the  juxtaposition  in  one  codex,  as  from  one  author,  of 
productions  of  the  two.  Next  to  the  claim  of  Columban  him- 
self,  that  of  Columba  seems  most  capable  of  defence. 

5.  —  Seventh  Century  Welsh  and  Irish  Collections. 

We  may  conveniently  group  nos.  (9)  (10)  and  (11)  of 
the  titles  noted  above,  each  of  which  contains  considérable 
material  not  ol  a  penitential  character. 

9)   The  Canones  W allie i. 

This  document  appears  in  two  slightly  variant  MSS,  Saint- 
Germain  121  (eighth  century),  and  Paris  3 182,  (eleventh  or 
twelfth  century).  A  collation  of  thèse  MSS,  lias  been  published 
by  Wasserschleben  "  ;  the  later  text  had  previously  bee'n 
published  by  Martene  and  Durand  8.  Haddan  and  Stubbs  hâve 
edited  the  work  adopting  the  numerical  order  of  the  Saint- 

1.  Migne,  Patrol.  Lat.,  Tom.  80,  col.  253.  Cf.  Rceves,  Adamnan 
p.  220. 

2.  See  e.  g.  Adamnan  lih.  II.  c.  XXIX,  XXX,  XLI. 

3.  Stokes,  Three  Middle  Irish  Homilies,  p.  105. 

4.  Reeves,  Adamnan,  p.  220. 

5.  Bede,  Hist.  Eccles.,  lib.  III,  c.  25. 

6.  See  the  discussion  of  the  Collectio  canonum  Hibernensis  below,  p.  290. 

7.  Bussordn.,  p.  124,  f. 

8.  Thésaurus  Novus  Anecdotorum,  Tom.  IV,  p.  13  f. 


The  Celtic  Penitenitals.  289 

Germain  MS  '.  Although  the  Paris  MS.  entitles  the  work 
"  Incipiunt  excerpta  de  libris  Romanorum  et  Francorum  " 
the  contents  point  unmistakably  to  a  Welsh  origin.  Haddan 
and  Stubbs  suggest  a  date  of  between  550  and  650  A.  D. 

The  work  consists  mainly  of  a  scale  of  fines  for  crimes  and 
injuries,  illustrating  the  common  Celtic  features  of  composi- 
tion. As  Schmitz  remarks  thèse  provisions  cannot  be  regarded 
as  penitential  canons  2.  It  is  rather  to  be  comparée!  with  the 
mediaeval  codes  of  Welsh  Law,  suc  h  as  the  Laws  of  Howel 
Dda  (907-940),  and  with  the  Ancient  Laws  of  Ireland.  It  is 
manifestly  affected  by  Goidelic  customs,  as  is  indicated  by  the 
fréquent  référence  to  ancillae  and  servi  as  the  unit  of  payment 
in  légal  transactions,  instead  of  the  usual  Brythonic  unit  of 
cattle  \  Payments  are  also  made  in  argent i  librac,  sidgni  librae, 
vaccae,  solîdi,  etc.  The  évidence  points  to  an  origin  in  sou- 
thern  (Goidelic)  Wales  4.  Slavery  is  an  accepted  feature  of 
the  social  order.  We  shall  later  briefly  revert  to  the  bearing 
of  this  work  on  the  relation  of  the  penitentials  to  native  law\ 

The  Canones  Wallicl  do  not  represent  the  findings  ofchurch 
councils.  They  are  evidently  civil  and  not  ecclesiastical  in 
their  character.  But  they  give  évidence  ot  the  place  of  the 
church  as  protected  by  the  state,  and  assume  the  existence  of 
a  church  penitential  discipline.  A  layman  who  has  a  charge 
against  a  clericis  required  to  bring  the  case  before  a  bishop  >. 
Corning  to  a  priest  for  confession  after  committing  a  fault,  is 
encouraged  °.  Assaults  which  take  place  in  front  of  a  church 
are  subject  to  spécial  penalties  in  the  form  of  "  a'.ms  "  ". 
When  a  layman  beats  a  cleric  he  must  "  redeem  his  hand  ", 
and  corne   to    penance  s.  (Cf.  Can.  Hib.    Sect.   III,   can.    4, 


1.  Councils,  etc.,  Vol.  I,  p.  127  f. 

2.  Bussbùcher,  Bd.  I,  p.    501 .  .  .  .enthâlt  Compositions  —  Bestimmun- 
gen,  welche  ebenfalls  nicht  als  Busscanones  abgesehen  werden  kônnen. 

3.  Seebohm,  A.  S.  Law,  pp.  107-108. 

4.  Ibid. 

5.  Can.  40. 

6.  Can.  46. 

7.  Cans.  52,  53. 

8.  Can.  65. 

Revue  Celtique,  XXXIX.  .  j9 


290  John   Thomas  McNeill. 

matins  percutientis  abscidatur  aut  dimidium  vit  ancillarum  red- 
dal).  No  spécifie  terms  of  penance  are  prescribed. 

10)   The  Colkctio  Canonum  Hibernensis. 

This  document  is  of  great  importance  in  the  history  of  the 
Irish  church,  but  its  origin  is  a.  matter  of  uncertainty.  It  has 
been  carefully  edited  by  Wasserehleben  ',  and  forms  the  sub- 
ject  of  two  interesting  discussions  by  Bradshaw  2  ;  but  it  still 
lacks  an  adéquate  introduction.  Both  the  authorities  named 
place  the  date  of  the  document  about  A.  D.  700  and  regard  it 
as  the  collected  canons  ofa  séries  of  Irish  synods.  The  latest 
author  named  in  the  Collectio  is  Théodore  of  Tarsus 
(d.  690)  5.  Bradshaw,  in  an  acute  and  technical  argument, 
gives  reasons  for  believing  that  it  was  preserved  in  Brittany. 
He  also  suggests  that  the  compiler  was  Cummean,  the  author 
oï  Ùie-Poenit.  Cummeani*  ;  butin  the  uncompleted  draft  of 
his  paper  the  proofof  this  identification  is  not  presented.  Brads- 
haw's  conjecture  is  suggested  by  the  fact  that  Cummean, 
though  a  contemporary  writer,  does  not  cite  the  Hibernensis. 
The  question  of  the  authorship  of  the  Collectio  has  morerecent- 
ly  been  taken  up  in  an  article  by  E.  W.  B.  Nicholson  5.  By 
a  slight  emendation  of  the  O.  Ir.  colophon  in  which  the  scribe 
of  the  Collectio  names  himself  and  the  place  in  which  he 
wrote,  Nicholson  makes  out  that  it  was  really  compiled  at 
Iona.  From  the  Romanizing  tendency  of  the  work,  and  from 
the  fact  that  in  five  MSS.  it  is  followed  immediately  by  the 
Canones  Adamnani  and  that  a  later  exemplar  contains  one  of 

1.  Die  Irische  Kanonensammlung,  Giessen  1874.  2  nd  éd.  Leipzig  1885. 
The  document  was  partially  given  by  d'Achéry,  Specilegium,  Tom.  I, 
p.  492,  f.  and  by  Martene,  Thés.  Nov.  Anec,  Tom.  IV,  p.  1  f. 

2.  Collected  Papers of  Henry  Bradshaw,  Camb.  1889,  containing  "  Early 
Collection  of  Canons  commonly  known  as  the  Hibernensis,  a  Letter  to 
Wasserschleben,  May  1885  "  ;  Bradshaw,  Henry  "  The  Early  Collection  of 
Canons  known  as  the  Hibernensis,  Two  unfinished  papers  ",  Camb.  1893. 

3.  Hence  Maassen  first  suggested  the  now  generally  accepted  date. 
Gesch.  der  Quellen  des  Kanonischen  Rechts,  Bd.  I,  p.p.  954,  973  f. 

4.  Unfinished  Papers,  p.  38. 

5.  Zeitschr.  f.  Celt.  Phil.  Bd.  III  (1901),  p.  99  f. 


The  Celtic  Pcniteniials.  291 

thèse  canons,  Nicholson  insists  thatthe  compiler  was  no  other 
than  Adamnan  himself.  The  quotation  from  the  Poenit.  Theod. 
contained  in  the  Colkctio,  would,.  he  points  out,  occur  very 
naturally  in  a  Romanizing  work  of  Adamnan,  who  is  known 
to  hâve  returned  to  Iona  in  688  from  a  visit  to  the  English 
monasteries. 

On  the  paleographical  portion  of  this  argument  the  présent 
writer  can  offer  no  judgment.  But  the  ascription  of  the  work 
to  Adamnan  seems  historically  a  very  possible  solution.  The 
collected  acta  of  the  Romanizing  Irish  synods  of  the  seventh 
century,  may  well  hâve  been  thought  by  Adamnan  a  valuable 
instrument  for  his  newly  formed  purpose  of  bringing  resolute 
and  conservative  Iona  into  the  Roman  union,  and  he  may 
hâve  collected  them  mai-nly  with  that  object  in  view.  The 
brilliant  conjecture  of  Nicholson,  in  the  absence  of  any  other 
plausible  account  of  the  origin  of  the  document,  may  be  regar- 
ded  as  the  likeliest  hypothesis. 

The  Hibernensis  is  manifestly  intended  to  bring  Celtic  and 
and  Catholic  Cnristianity  together.  It  représenta  the  process 
of  Romanization  in  Ireland,  but  does  not  thereby  repudiate 
the  Celtic  tradition.  The  fréquent  use  of  the  name  of  St. 
Patrick  as  authority  for  canons,  and  the  quotation  of  the 
M  Canons  of  St.  Patrick  "  '  indicate  the  intention  of  con- 
serving  the  traditional  usages  so  far  as  possible  2.  Welsh 
canons,  as  well  as  Irish,  are  found,  and  fragments  from  Gildas 
are   quoted  5.  Names  are  very  frequently  wrongly  attached  to 

1.  Canons  of  the  (genuine)  first  Synod  of  St.  Patrick  reappear  in  the 
Colkctio  as  follows  : 

Collectio  xxvin,  cap.    10,   from  Syn.  I  St.  Patrick,  can.   14 


« 

XXIX 

« 

8 

« 

« 

« 

15 

« 

XXXIII 

« 

1 

« 

« 

« 

1 

(( 

•     XXXIX 

« 

10 

« 

« 

« 

1 1 

« 

XXXIX 

« 

1 1 

« 

« 

<( 

3 

« 

XLII 

«2 

5,26 

« 

« 

« 

i,   3,  4, 

« 

XLIII 

« 

4 

«• 

« 

« 

28 

« 

lu 

« 

7 

« 

« 

« 

6 

2.  "  Das 

nationale  Ki 

irchenrecht 

môgl 

ichst 

zu  konservire 

n  ' 

'  Wasserschl^ 

op.  cit.,  p. 

VI. 

Cf.  2nd. 

éd., 

p.   XIII. 

3.  Lib.  xii, 

can.  5. 

2^)2  John   Thotrtas  MiXcili. 

the  canons  quoted,  as  e.  g.  when  Patrick  is  credited  with 
passages  from  the  Poeriit.  Vinn.  '.  The  mass  of  the  material  is 
not  Celtic  in  origin,  however,  but  from  a  variety  of  non- 
Celtic  sources.  The  prominence  of  biblical,  especially  Old 
Testament,  éléments,  is  remarkable.  The  canons  of  Nicea, 
Ancyra,  Gangra,  Antioch,  Laodicea  and  Chalcedon  are  utili- 
zed.  A  number  of  the  church  Fathers  are  quoted.  Dionysius 
(Exiguus)  is  twice  mentioned  by  name  2,  but  it  is  doubtlul 
whether  the  Dionysian  Collection  has  been  used,  as  its  use 
would  likely  hâve  obviated  the  frequency  of  mistaken  ascrip- 
tions  ofanthorship  3.  A  letter  of  Léo  I.  to  Rusticus  of  Nar- 
bonne  is  the  only  papal  document  used  4.  The  penitential 
customs  ofthe  Celtic  church  are  not  greatly  modified  in  the 
CoUeclio.  Spécifie  rules  of  penance  in  the  document  are  few, 
and  they  tend  in  the  main  to  confirm  the  usages  which  appear 
in  the  penitentials.  The  seven  year  period  for  homicide,  based 
on  theseven-fl/?n7/tf<'body-priceof  Goidelic  law,  again  appear  >. 
The  dictum  of  Patrick  which  is  appended  to  the  Canoues 
Hibernenses  I,  and  which  authorizes  comnTutation  in  the 
characteristic  formula  "  vii  ancillarum  pretium  aut  vii  annis  ", 
is' repeated  in  the  CoJlectio  6.  Exile  as  a  penitential  duty  is 
prescribed  for  violation  of  a  bishop's  or  a  martyr's  relies  7. 
The  amputation  of  a  hand  or  a  foot  is  part  of  the  penalty  for 
theft  in  a  church,  but  this  penalty  of  mutilation  is  commuted 
to  penance  in  an  accompanying  canon  s.By  scriptural  examples 
the  church  is  made  the  place  of  penances  9.  The  validity  of 
penance  in  absolving  from  sin  is  asserted  without  qualifica- 
tion I0.  As  between  fasting  and  alms,  superior  value  is  laid 
upon  the  latter,  in  a  canon  ascribed  to  St.  Jérôme  ". 

i.   Lib.  lxvi,  cap.  32,  quoting  Pœnit.    Vinn.,  cans.  43,  45. 

2.  Lib.  xxviii,  cap.  5,  cap.  10. 

3.  Wasserschleben,  op.  cit.,  p.  vii. 

4.  Maassen,  Gesch.  d.  Quellen,  p.  881. 

5.  Lib.  xxviii,  cap.    10. 

6.  Lib.  xlviii,  cap.  5. 

7.  Lib.  xliv,  cap.  8. 

8.  Lib.  xxix,  cap.  1. 

9.  Lib.  xlvii,  cap.  13.  De  loco  poenitentiae  et  orationis. 

10.  Penitentia  aboleri  peccata  indubitatum  credimus.  Lib.  xlvii,  cap.  11. 

1 1.  Lib.  xiii,  cap.  8. 


The  Ccllic  Penitenltals.  293 

It  may  hère  be  observée!  that  the  attitude  of  the  Scotto- 
Roman  synods  of  the  seventh  century,  as  represented  by  the 
Collectio,  in  supporting  rather  than  suppressing  the  penance 
of  the  penitentials,  gave  to  the  native  penance  freedom  of 
developement  and  expansion  which  another  course  taken  at 
tliis  juncture  would  hâve  denied  it. 

1 1)  The  Canones  Adamnani. 

This  set  of  canons,  if  a  genuine  work  of  Adamnan  abbot 
of  Iona  (d.  704),  must  approximately  synebronize  with  the 
Collectio  canonum  Hibernensis.  The  document  is  notof  sufficient 
importance  to  call  for  any  extended  treatment.  It  consists  of 
twenty  canons  dealing  with  the  question  of  clean  and  unclean 
méats,  making  régulations  under  the  sanction  of  religion 
which  reflect  primitive  and  Old  Testament  restrictions  regar- 
ding animais  to  be  eaten,  together  with  some more  enlighten- 
ed  sanitary  rules.  Animais  that  hâve  been  killed  without 
proper  bleeding,  swine  that  hâve  fed  on  carcasses,  and  birds 
and  beasts  of  prey,  are  prohibited.  While  not  strictly  a  peni- 
tential  work,  thèse  canons  are  on  the  border-line  between 
primitive  prohibitions  Qabit)  and  penitential  conceptions. 
The}^  are  included  in  the  Parisian  Codex  3182  to  which  we 
hâve  frequently  referred.  Later  penitentials  like  those  of  Thé- 
odore and  Cummean  contain  similar  material  \ 

6.  —  Related  Anglo  Saxon  Penitentials. 

12)   The  Poenitentiale  Theodori. 

The  importance  of  this  work,  emanating  from  Théodore  of 
Tarsus  (Archbishop  of  Canterbury  668-690)  is  generally 
recognized.  Perhaps  the  most  original  and  valuable  part  of 
Wasserschleben's  essay  on  the  history  of  the  penitentials  is 
that  in  which  he  détermines  the  true  Penitential  of  Théodore  2. 
The  tradition  of  .Theodore's  authorship  of  a   penitential  of 

1.  Poenit.  Theod.  Lib.  I,  vii,  cans.  6-12  ;  Poenil.  Cumin.  I,  cans.  14-38. 

2.  Bussordn.,  pp.  14-17. 


294  John  Thomas  McNeill. 

great  influence  goes  back  to  the  Poenitentiale  Egberti  (734- 
766)  and  to  the  Liber  Pontificalis  (eighth  century).  But  Bede 
and  other  near  contemporaries  of  Théodore  ofter  no  corrobo- 
ration  ;  and  the  work  published  by  Spelmann  from  a  Cam- 
bridge MS.  in  1639  as  the  Poenitentiale  Theodori  Archiepiscopi 
showed  late  éléments.  Joh.  Morinus,  in  his  classical  history 
of  penitential  discipline,  rejected  the  portions  of  this  work 
authorizing  composition,  but  regarded  the  remainder  as  the 
genuine  work  of  Théodore  '.  The  whole  document  was 
uncritically  accepted  by  Thorpe  and  appears  in  full  in  his 
"  Ancient  Laws  and  Institutes  of  England  2.  Meanwhile,  in 
1677,  Jacques  Petit  published  14  capitula  of  a  Poenitentiale 
Theodori  from  a  MS.  taken  from  the  library  of  de  Thou, 
together  with  a  collection  of  pseudo-Theodorean  capitula  5. 
Wasserschleben,  however,  discovered  MSS.  which  led  him  to 
adopt  as  the  Poenit.  Theod.  a  work  in  two  books,  of  which  the 
first  is  a  true  penitential  in  fifteen  .capitula,  and  the  second  is 
the  fourteen  capitula  of  Petit  4.  Haddan  and  Stubbs  working 
independently  of  Wasserschleben  and  using  a  Cambridge  MS. 
superior  to  any  used  by  him,  reached  the  same  conclusion, 
and  hâve  since  published  the  newly-discovered  Poenit.  Theod. 
ascribing  it  to  Théodore  "  with  the  utmost  confidence  "  s. 
The  Poenit.  Theod.  is  not,  and  does  not  profess  to  be  a 
direct  work  of  Théodore  of  Tarsus.  It  professes  to  be  made 
up  mainly  of  answers  given  by  the  Archbishop  to  a  certain 
(otherwise  unknown)  presbyter,  Eoda,  and  compiled  by  a 
scribe  who  hides  behind  the  vague  pseudonym  of  Discipulus 
Unibrensium.  This  mysterious  intermediary,  the  original  editor 
or  compiler  of  the  penitential,  is  thought  by  Haddan  and 
Stubbs  to  hâve  been  "  either  a  native  of  Northumbria  who 
had   been   a   disciple    of  Théodore,  or,   more    probably,  an 


1.  Commentarius  Historicus  (1651),  lib.  x,  ch.  17. 

2.  Vol.  II,  p.  227  f. 

3.  Petit's    capitula  will  be  found  reprinted  in  Migne,  P.  L.,  Tom.  99, 
col.  959  (1851). 

4.  For  détails  of  the  MSS.  used  see  Wasserschl.  Bussordn.,  p.  19  f.  and 
Haddan  and  Stubbs,  Councils,  etc.  Vol.  III,  p.  174  f. 

5.  Haddan  and  Stubbs,  op.  cit.,  p.  173, 


■The  Celtic  Penitentiaîs.]  295 

Englishman  of  southern  birth  who  had  studied  under  the 
northern  scholars  '.  The  corrupt  text  of  the  préface  of  the 
work  is  read  by  Wasserschleben  to  mean  that  Eoda  had  deri- 
ved  some  materials  also  from  the  study  of  a  certain  "  libellus 
scottorum  ",  the  compiler  of  which  was  regarded  by  Théodore 
as  himself  an  ecclesiastic  2.  Can  we  identify  the  "  libellus 
scottorum  "  or  "  Irish  booklet  "  which  yielded  a  contribution 
to  the  Poenit.  Theod  ?  We  can,  and  with  certainty.  It  is  no 
other  than  the  Canones  Hibernenses,  or  a  part  ol  that  document. 
For  this  we  hâve  the  évidence  of  the  répétition  in  the  Poenit. 
Theod.  of  some  of  thèse  canons.  Thus  Theod.  Lib.  I,  c.  IV, 
can.  3,  Homicida  aulem  x  vel  vii  annos,  is  a  répétition  of 
Can.  Hib.  I,  can.  3.  But  there  appears  a  more  spécifie  proof. 
Theod.  lib.  I,  c.  vii  can.  5  reads  : 

Item  xii  triduana  pro  anno  pensanda,  Theodorus  laudavit.  De  egressis 
(aegris)  quaque  pretium  viri  vel  ancillae  pro  anno,  vel  dimidium  omnium 
quae  possidet  dare,  et  si  quem  frauderet  reddere  quadruplum,  ut  Christus 
judicavit.  Ista  testimonia  sunt  de  eo  quod  in  prefatione  diximus  de  libello 
Scottorum. 

That  is  to  say  Théodore  approved  Can.  Hib.  Il,  can.  6,  (arreum 
anni  xii  triduani),  and,  forsick  pénitents,  favored  composition 
in  money  at  the  rate  of  pretium  viri  vel  ancillae  pro  anno,  a 
principle  exemplified  in  the  same  Irish  document  section  III  ; 
(scriptural  forms  of  restitution  are  mentioned  as  alternatives). 
"  Thèse  are  the  proofs  ",  says  Discipulus  Umbrensium,  "  of 
what  we  said  in  the  préface  about  the  libellus  Scottorum  ".  The 
évidence  is  as  spécifie  as  we  could  désire. 

The  compiler,  then,  makes  it  quite  clear  that  Théodore 
himself,  and  not  merely  Eoda,  responded  to  the  Irish  influ- 
ence. Theodore's  récognition  of  composition  and  commutation 
in  penance  is  based  upon  Irish  penitential  practice,  and  taken 
directly  from  Iris-h  written  sources,  not,  be  it  observed,  from 
Anglo-Saxon  national  custom. 

But  Theodore's  instructions  to  Eoda  also  reflected  the 
influence   of  other  Celtic  sources.  Thus   Theod.  lib.  I,  c.  IF. 

1.  Haddan  and  Stubbs,  op.  cit.,  p.  173. 

2.  Wasserschl.,  op.  cit.,  p.  183. 


296  John   Thomas  McNeill. 

ci\n.  I,  which  repeats  the  "  vii  vel  x  annos"  of  Can.  Hib.  I, 
Cân.   3,   adds  :   "   Si  lanien  reddere  vult  propinquis  pecuniam 

aestiniationis,  levior  erit  poenitentia,  id  est  dimidio  spatii.  "  This 
half-and-half  composition,  the  réduction  of  a  ter  m  of  penance 
by  a  payment,  is  very  similar  in  effect  to  Vomit.  Col.  B.  13. 
A  knowledge  of  Vinn.  37  is  apparent  in  Theod.  lib.  I.  c.  XIV, 
can.  11,  and  of  Sin.  Luc.  Vict.,  can.  8,  in  Theod.  lib.  I,  c.  II, 
can.  7. 

13)  The  Poenitentiale  Bedae  and  14)  The  Poenitentiale  Egberti. 

A  Poenitentiale  Bedae  given  by  Wasserschleben  is  regarded 
by  him  as  emanating  from  Beda  Venerabilis  (d.  735),  but  as 
"  a  compilation  of  excerpts  from  the  penitentials  of  Gildas, 
Vinniaus,  the  Sin.  Luc.  Vict.,  the  Sin.  Aquil.  Brit.,  the  peni- 
tential  canons  of  Théodore,  and  the  Ordo  Romanus  '  ". 
Except  for  the  introduction  which  has  been  prefixed  from  the 
Ordo  Romanus,  the  work  consists  of  poenitential  canons  in 
the  ordinary  form.  It  is  totally  lacking  in  originality,  and 
simply  carries  on  the  strain  of  the  Celtic  manuals.  Schmitz 
would  dissociate  it  from  Bede,  and  assign  a  ninth  century 
date  ;  as  also  to  the  related  work  ascribed  to  Egbert  of  York, 
(d.  76e)  2.  The  Poenitentiale  Egberti,  while  somewhat  more 
independent,  bears  the  same  gênerai  character  as  the  Poenit. 
Bed.,  and  is  largely  indebted  to  Théodore.  The  direct 
influence  of  Celtic  works  is  apparent,  however,  and  in  at  least 
one  instance  we  find  agreement  with  a  Celtic  authority,  in 
divergence  from  Théodore  \  Albers  in  1901  published  a 
text  boaring  the  name  of  Bede  which  contains  much  material 
in  common  with  both  thèse  penitentials.  Albers  shows  rea- 
son  for  dating  his  form  of  the  book  within  the  pontificate  of 

1.  Wasserschleben,  Bussordnungen,  p.  39.  (The.  earliest  référence  to 
the  Ordo  Romanus  is  said  to  be  in  a  letter  of  Alcuin  to  Eanbild  of  York, 
c.  796.  See  Haddan  and  Stubbs,  Councils,  etc.,  vol.  III,  p.  503.) 

2.  Bussbùcher,   Bd.  I.,  p.  555. 

3.  Cap.  IX  (cans.  8,  9,  10,  11,  12)  of  the  Pœnit.  Egberti  goes  back  to 
Excerptà  0_uaedam,  cans.  3,  9,  10,  and  imposes  psalm-singing  for  pollu- 
tion in  sleep,  on  a  scale  little  varied  from  the  original.  Cf.  Wasserschleben, 
Bussordn.,  p.    102  and  p.  241. 


The  Ceîiic  Penifentiah.  297 

Gregory  IL,  a.  d.  721-731,  i.  e.  in  the  later  period  of  Bede's 
activity  '.  In  this  probably  genuine  work  of  Bede  the  Celtic 
éléments  appear  not  less  prominently  than  in  those  just  notic- 
ed.  The  passage  in  the  Egberti  to  which  référence  has  been 
made  is  identical  in  Albers  text  2. 


7.  —  Related  Frankish   Penitentials 

15)   The  Poenitentiale  Cnmmeani. 

The  Poenitentiale  Cnmmeani  présents  a  problem  oi  author- 
ship  which  Wasserschleben  has  treated  in  an  original  and 
fairly  conclusive  manner  \  The  close  relationship  in  contents 
between  Poenit.  Cumin,  and  Poenit.  Theod.,  was  formerly 
accounted  for  on  the  ground  that  Cummean  was  a  predecessor 
of  Théodore,  and,  (according  to  Theiner)  4  identical  with  the 
well-known  abbot  of  Iona,  who  died  in  éoi. 

Wasserschleben  however,  from  a  description  of  the  author 
which  appears  in  a  ninth  century  St.  Gall  MS.  ot  the  peni- 
tential  as  "  abbas  in  Scotia  ortus  ",  argues  that  the  work  is 
that  of  a  Scot  who  at  the  time  of  writing  is  no  longer  in 
his  native  country,  but  on  the  Continent.  The  work,  he 
points  out,  while  extant  in  a  number  of  continental  MSS. 
does  not  appear  in  England,  an  indication  that  it  originated 
on  the  Continent.  Wasserschleben  finds  among  the  twenty- 
one  saints  of  his  name  mentioned  by  Colgan  one  who  is 
stated  by  Ughellus  5  to  hâve  died  at  Bobbio  in  the  time  of 
King  Luitprand  (711-744).  To  this  early  eighth  century 
writer  Wasserschleben  would  ascribe  the  penitential. 

1.  B.  Albers,  Wann  sind  die  Beda-Egbert'schen  Bussbùcher  verfasst 
worden,  und  Wer  ist  ihr  Verfasser?  Archiv  f.  Kathol.  Kirchenrecht,  Bd. 
81,  1901,  p.  393  f.  Albers  bases  his  argument  mainly  on  the  language 
found  near  the  end  of  the  document,  Item  ex  decreto  pape  gregoriijunioris 
qui  nunc  romanam  catholicam  régit  matrem  ecclesiam  \(lbii.,  p.  417).  In 
the  MS  (Codex  Barbarinianus  XL,  120)  »  nue  »  occurs  for  «  nunc  ». 

2.  Albers,  op.  cit.,  pp.  411-412. 

3.  Bussordn.,  p.  61  f.  The  text  is  given,  p.  460  f. 

4.  Disquisitiones  Criticae,  p.  280. 

5.  Ital.  Sacr,,  Tom.   IV,  col.  949-960 


298  John   Thomas  McNcill. 

ié)  The  Poenitenîiâh  Bigot ianum. 

There  is  a  close  resemblance  between  the  Poenit.  Cumm. 
and  the  anonymous  eighth  century  Poenit.  Bigotianum  (so 
called  from  the  Codex  Bigot.  89,  now  known  as  Paris  3182, 
in  which  it  appears).  Ench  of  thèse  works  is  prefaced  by  an 
introduction  in  which  elaborate  scales  of  commutation  of 
penances  to  briefer  terms,  or  into  money  payments,  appear. 
Both  are  also  remarkable  for  the  way  in  which  the  mediaeval 
classification  of  sins  is  used  in  the  framework  l. 

A  recently  published  penitential  in  the  Old  Irish  language 
(unknown,  of  course,  to  Wasserschleben)  exhibits  both  thèse 
features,  and  seems  closely  related  to  Poenit.  Cumm.  A  date 
"  not  later  than  the  eighth  century  "  is  ascribed  to  the  MS. 
of  this  penitential  by  Kuno  Meyer  2  while  E.  G.  Gwynn 
would  date  it  about  800  3.  The  Irish  MS.  is  therefore  earlier 
than  any  MS.  of  Bigot,  or  Cumm.,  none  of  the  MSS.  of 
which  are  earlier  than  the  ninth  century.  It  seems  probable 
that  the  basis  of  Poenit.  Cumm.  and  its  near  relative  Poenit. 
Bigot.,  lies  in  this  briefer  Irish  document;  and  that  the  features 
of  the  latter  were  developed  under  the  influence  of  Poenit. 
Theod.  and  with  due  regard  to  earlier  Celtic  works.  Otherwise 
we  should  be  obliged  to  regard  the  Irish  treatise  in  question 
as  based  upon  Cummean,  although  it  excludes  the  features 
borrowed  by  Cummean  from  Théodore,  a  highly  improbable 
solution. 

17)   The  Poenitentiale  Valicellanum  I. 

Schmitz  complains  4  that  Wasserschleben  did   nothing  to 

1 .  The  subject  of  the  "  eight  principal  sins  "  is  treated  by  Cassian, 
who  is  followed  by  Columban.  It  is  thèse  writers  wlio  are  used  hère  rather 
than  Gregory  the  Great.  Cassian's  complète  list  of  the  sins  which  anse 
from  the  eight  principal  sins  is  quoted  in  the  introduction  to  Poenit.  Bigot., 
and  the  main  body  of  this  penitential  is  entitled,  "  De  remediis  vitiorum 
capitula  octo  ". 

2.  The  Old  Irish  Treatise  "  de  Arreis  ".  Rev.  Celt.  Tom.  XV  (1894) 
p.  485. 

3.  An  Irish  Penitential,  Eriu,  Vol.  VII.  (1914),  p.   121. 

4.  Bussbùcher,  Bd.  I,  p.  3. 


The  Ceîtic  Penitentials.  299 

clarify  the  question  of  the  "  Poenitentiale  Romanum  ",  réfé- 
rences to  which  occur  as  early  as  Poenit.  Cumm.  r.  It  is  the 
aim  of  Schmitz  to  prove  that  the  original  sources  of  the  peni- 
tential  literature  lie  in  the  Roman  church.  In  his  twelfth 
chapter  Schmitz  reviews  the  conclusions  of  Hildenbrand  2, 
and  Wasserschleben.  Hildenbrand  regarded  the  term  Poeniten- 
tiale Romanum  as  applying  not  to  a  single  work  but  to  ail  the 
various  penitentials  circulating  in  the  Continental  Church. 
Wasserschleben  agreed  to  this  3  and  regarded  the  term  as 
signifying  "  kein  einzelnes  Beichtbuch  sondern  eine  bestimmte 
Qualitàt  der  Beichtbùcher  ",  the  word  "  Romanum  "  referring 
nottoan  officiai  authorization  but  to  a  gênerai  one  throughout 
the  Roman  west.  Schmitz  argues,  on  the  other  hand,  for  the 
implication  of  authority  in  the  word  "  Romanum  ".  He  makes 
it  équivalent  to  "  canonical  ",  and  uses  the  références  to 
"  sinodus  Romanum  "  in  the  CoUectio  canonum  Hibernensis  +. 
The  document  on  which  Schmitz  specially  relies,  as  a  repré- 
sentative early  Roman  penitential,  is  that  called  by  him  Poeni- 
tentiale Valicellanum  I.  He  publishes  this  document  from  a 
tenth  century  MS  5.  In  his  fourteenth  chapter  he  notes  a. 
correspondence  between  the  penitential  and  the  ancient  Lex 
Dei  attributed  to  Rufinus.  Apart  from  the  notorious  unpopu- 
larity  of  Rufinus  at  Rome,  it  may  be  replied  that  the  alleged 
resemblance  is  by  no  means  close,  as  the  table  given  by 
Schmitz  clearly  shows,  and  that  the  appended  text  of  the  Lex 
Dei  is  not  analogous  to  this  or  any  penitential  in  form  or 
content.  It  is  simply  a  sélection  of  passages  from  the  Penta- 
teuch,  with  no  penitential  exercises  prescribed. 

The  Poenit.    Valicell.  I.  is  obviously  related,  however,  to 
the  British  and  Irish  documents  we  hâve  been  studying.  This 


1.  Poenit.  Cumm.  vii,  can.  11  quotes  Poenit.  Theod.  lib.  II,  c.  x,  can.  5. 
as  de  Romano  poenitentiale. 

2.  Untersuchungenùber  die  germanischen  Poenitentialbùcher,  Wiirzburg 
1 8  5 1 . 

3.  Bussordn.  p.  75. 

4.  The  term  "  sinodus  Romanum  "  in  this  connection  no  doubt  really 
refers  to  pro-Roman  Irish  synods.  See  Bury,  Life  of  St.   Patrick,  p.  239. 

5.  Cod.  Valicell.  E  15.  Bussbùcher,  Bd.  I,  p.  239  f. 


3oo  John   Thomas  McNeill. 

relation,  which  is  apparent  even  on  a  casual  reading,  lias  been 
shown  in  a  detailed  analysis  by  Hinschius  '.  This  analysis 
indicates  the  use  of  Poenil.  V'niu.,  Sin.  Aquil.  Bril.,  Excerpta 
Ouaedam,  Poehit.  Bedae,Poenit.  Egberti,  and  especially  of  Poenit. 
Theod.  As  Schmitz  himself  places  the  earliest  portion  of  the 
compilation  (the  "  hges  canonicae  "),  in  the  early  part  of  the 
eighth  century  2,  there  arises  no  question  of  the  influence 
indicated  by  Hinschius  being  from  this  penitential  to  thesixth 
and  seventh  century  works  referred  to,  but  it  is  évident  that 
the  Poenit.  Valicell.  I.  of  Schmitz  is  dominated  by  Celtic 
influence  3. 

(To  be  continued.')  John  Thomas  MacNeill. 

i.  Hinschius,  F.  H.  P.,  System  des  Katholischen  Kirchenrechis,  mit 
hesonderer  Rùcksicht  auf  Deutschland,  Berlin,  1869-1897,  Bd.  V.,  p.  92. 

2.  Bussbùcher,  Bd.  I,  pp.  237-238. 

3.  The  language  of  Schmitz  in  describing  the  nature  of  the  Roman 
influence  on  the  penitentials  is  not  always  consistent.  In  his  Bussbùcher 
Bd.  II,  p.  140  he  writes  ;  "  Das  Beiwort  Romamim  "  bezeichnet,  wie  wir 
sahen,  die  consuetudo  und  Tradition  der  rômischen  Kirche  in  Beobachtung 
der  kanonischen  Regel  "  ;  and  in  the  previous  page  he  dénies  any  "  authori- 
tative  Anerkennung  der  rômischen  Kirche  fur  irgend  ein  Bussbuch  ".  But 
authoritative  récognition  by  the  Roman  church  is  clearly  implied  in  his 
Bussbùcher  Bd.  I,  pp.  174-175  ;  —  Die  Entstehung  eines  Poenitentiale 
Romanum  welches  ja  auch  zu  den  Kirchenbùchern  gehôrte,  wird  man  sich 
ebenfalls  in  Rom  unter  Oberaufsicht  und  Contrôle  der  Pàpste  und  der 
rômischen  Kirche  zu  denken  haben.  .  .  Das  Beiwort  "  Romanum  "zu  Poen- 
itentiale bezeichnet  also  unmittelbar  den  Ort  der  Entstehung,  und  in  abge- 
leiteten  Sinne  so  vielals  "  commune  ","  gemeinkirchliches  "  Bussbuch. (This 
contradiction  has  already  been  observed  by  Hauck.) 


LA    VIE    LA    PLUS    ANCIENNE 

DE 

SAINT    SAMSON 

ABBÉ-ÉVÈQ.UE    DE     DOL 

D'APRÈS   DES   TRAVAUX  RÉCENTS 


M.  Fawtier  a  publié  en  1912  un  important  ouvrage  sur  la 
vie  de  saint  Samson,  plus  exactement  sur  la  vie  la  plus 
ancienne  de  ce  saint  '.  Il  se  divise  en  deux  parties.  L'une  nous 
donne  une  édition  de  la  Vie  d'après  un  manuscrit  du  xie  siècle, 
avec  les  variantes  de  dix-huit  autres  :  M.  Fawtier  a  rendu  ainsi 
un  signalé  service  à  l'hagiographie  et  aux  études  bretonnes. 
L'autre  porte  sur  l'ancienneté  de  la  Vie  et  sur  la  véracité  de 
l'hagiographe.  Cette  partie  a  été  l'objet  d'un  examen  critique 
détaillé  de  ma  part 2  et  de  celle  de  mon  savant  ami  l'abbé  Duine  5. 
Tous  les  deux,  pour  des  raisons  diverses,  nous  avions  conclu, 
tout  en  rendant  justice  aux  recherches  méritoires  de  l'auteur, 
que  sa  thèse  n'était  pas  fondée.  M.  Fawtier  a  entrepris  de 
réduire  à  néant  nos  critiques  dans  un  opuscule  récent,  qui 
devait  paraître  en  1913,  mais  que  les  événements  de  1914- 
19 18  l'avaient  contraint  d'abandonner,  suivant  son  expression, 
pour  des  travaux  plus  dangereux  :  Saint  Samson,  abbé  deDol. 
—  Réponse   à  quelques   objections.    Rennes.     1921  (Extrait  des 

1.  La  vie  de  saint  Samson.  Essai  de  critique  hagiographique,  par  Robert 
Fawtier,  agrégé  d'histoire  et  de  géographie,  membre  de  l'Ecole  française 
de  Rome.  Paris.  Champion.  19 12. 

2.  J.  Loth,  La  vie  la  plus  ancienne  de  saint  Samson  de  Dol  d'après  des  tra- 
vaux récents  :  remarques  et  additions.  Paris.  1914  (Extrait  de  la  Revue  Cel- 
tique). 

3.  Abbé  Duine,  La  vie  de  saint  Samson  à  propos  d'un  ouvrage  récent 
(Annales  de  Bretagne),  1912-13,  pp.  332-356;  cf.  abbé  Duine,  Origines  bre- 
tonnes. Etude  des  sources,  2e  partie,  La  vie  de  saint  Samson  (Annales  de  Bre- 
tagne),  1914-1915,  pp.   123-149. 


302  /.  Loth. 

Annales  de  Bretagne,  tome  XXXV,  n°  2).  Pour  que  la  réfuta- 
tion fût  plus  solennelle  et  notre  confusion  à  l'abbé  Duine  et  à 
moi  plus  éclatante,  il  a  porté  la  question  devant  l'auguste  aréo- 
page de  la  Sorbonne,  en  présentant  sa  Réponse  comme  deuxième 
thèse  pour  le  doctorat  :  le  débat  ne  pouvait  guère  être  contra- 
dictoire, les  principaux  tenants  de  la  cause  adverse  n'étant  pas 
représentés.  Après  une  séance  mémorable,  dans  laquelle,  comme 
il  sied  aune  deuxième  thèse,  la  Réponse  a  joué  un  rôle  modeste, 
M.  Fawtier,  pour  l'ensemble  de  ses  thèses,  a  été  coifTé  d'un 
bonnet  de  docteur  de  première  classe  :  distinction,  je  m'em- 
presse de  le  dire,  méritée. 

L'abbé  Duine  a  soumis  sans  retard  celte  Réponse  à  un  examen 
consciencieux  dont  le  résultat  paraîtra  dans  le  fascicule  de 
juillet  des  Annales  de  Bretagne1.  Comme  le  terrain  de  la  con- 
troverse nous  est  commun  à  tous  les  deux,  pour  éviter  des 
redites  et  des  longueurs,  il  a  bien  voulu,  à  ma  prière,  me 
communiquer  une  épreuve  de  son  travail.  Il  a  grandement 
simplifié  et  facilité  ma  tâche,  si  bien  que  je  pourrais  sur  plu- 
sieurs points  me  contenter  de  renvoyer  à  sa  réplique  ceux  de 
nos  lecteurs  que  la  question  intéresse.  Néanmoins,  comme  mon 
travail  a.  paru  dans  la  Revue  Celtique,  je  crois  de  mon  devoir 
d'y  exposer  clairement  les  points  litigieux  et  de  résumer  le 
débat,  en  groupant  et  discutant  les  arguments,  tant  du  premier 
travail  de  M.  Fawtier  que  de  sa  Réponse  :  nos  lecteurs  auront, 
eux,  sous  les  yeux  tous  les  éléments  de  la  cause.  J'ai  d'ailleurs 
moi  aussi  à  répondre  à  certaines  critiques  et  à  éclairer  certains 
côtés  de  la  question  qui  sont  restés  dans  l'ombre  2. 

La.  Réponse  de  M.  Fawtier  m'ayant  obligé  à  parcourir  de 
nouveau  le  texte  qu'il  nous  adonné,  à  étudier  tout  particuliè- 
rement certains  passages  sur  lesquels  reposait  en  partie  sa 
thèse,  j'ai  été  plus  vivement  frappé  encore  des  obscurités  de  ce 
texte,  des  bizarreries,  on  peut  dire,  de  la  barbarie  de  la  langue 
et  j'ai  été  amené  à  me  demander  si  le  manuscrit  de  la  Biblio- 


1.  Saint  Samson  évêquedeDol  :  Objections  à  une  Réponse. 

2.  Pour  les  citations,  Vie  désignera  le  premier  travail  de  M.  Fawtier; 
Réponse  le  second.  Objections  se  rapportera  au  second  travail  de  l'abbé 
Duine. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  303 

thèque  municipale  de  Metz  qui  lui  a  servi  de  base  était  bien 
le  meilleur  parmi  les  dix-neuf  qui  ont  été  compulsés.  M.  Faw- 
tierse  défend  d'avoir  voulu  faire  une  édition  critique,  et  on 
ne  peut  que  l'en  louer  :  il  a  fait  preuve  en  cela  de  prudence 
et  d'une  juste  méfiance  de  ses  forces.  Mais  on  aurait  voulu 
connaître  avec  plus  de  précision  les  raisons  de  son  choix.  Il  a 
choisi  le  manuscrit  de  Metz,  dit-il,  non  pas  que  ce  soit  celui  qui 
fournisse  le  texte  le  plus  correct,  mais  parce  que  c'est  celui  qui  lui 
est  apparu  comme  présentant  le  moins  de  traces  de  remanie- 
ment. Il  n'y  paraît  guère  dans  sa  description  des  manuscrits1. 
A  vrai  dire,  la  seule  raison  apparente,  c'est  que  le  manuscrit  de 
Metz  a,  en  plus  que  cinq  autres  manuscrits  dont  quelques- 
uns  sont  sensiblement  de  la  même  époque,  uniquement  la 
table  des  chapitres  du  prologue  ;  et  encore  le  manuscrit  B 
l'a-t-il. 

Ce  qui  est  plus  grave,  c'est  que  M.  Fawtier  ne  s'est  livré  à 
aucune  étude  critique  sérieuse  du  texte,  même  lorsque  sa 
thèse  y  était  directement  intéressée,  comme  on  le  verra  au  cours 
de  cette  étude,  notamment  à  propos  des  sources  de  l'hagio- 
graphe  et  des  détails  de  l'ordination  épiscopale  du  saint.  Les 
interpolations  les  plus  évidentes  n'ont  pas  attiré  son  atten- 
tion. 

Le  regretté  P.  van  Orthroy  lui  faisait  remarquer  récemment 
dans  les  Analecta  bollandiana,  à  propos  de  ses  publications  sur 
sainte  Catherine  de  Sienne,  qu'il  avait  des  distractions  en 
lisant  les  manuscrits.  En  aurait-il  eu  aussi  en  copiant  le  texte 
du  manuscrit  de  Metz  ?  Livre  I,  c.  2,  on  lit  :  in  cujus  domo, 
ultra  mare,  ipse  solus  Samson  fundaverat .  On  ne  peut  s'en  tirer, 
comme  je  l'ai  fait  en  désespoir  de  cause,  qu'en  donnant  à 
fundare  le  sens  inconnu  par  ailleurs  et  forcé  d' habiter .  L'édition 
des  Bollandistes  fondée  sur  le  manuscrit  I,  portant  correcte- 
ment d'après  une  communication  de  l'abbé  Duine  :  in  cujus  domo 
quant  ultra  mare  ipse  solus  Samson  fundaverat,  et  M.  Fawtier 
ne  donnant  pour  ce  passage  aucune  variante,  j'en  avais  conclu 

1.  Il  m'a  semblé  passim  que  les  variantes  donnaient  fréquemment  un 
meilleur  texte.  En  somme,  le  texte  que  nous  donne  M.  Fawtier  est  diffici- 
lement utilisable,  si  on  n'a  pas  sous  tes  yeux  l'ancienne  édition  Mabillon-Bol- 
landistes. 


304  J.   Loi  h. 

que  M.  Fawtier,  cette  fois  aussi,  avait  été  un  peu  distrait. 
Cependant  pour  plus  de  sûreté,  je  confiai  mes  doutes  à 
M.  Roger-Clément,  conservateur  de  la  Bibliothèque  et  des 
Musées  de  Metz,  en  le  priant  de  vouloir  bien  me  donner  la 
leçon  du  manuscrit.  Mes  doutes  étaient  fondés  :  M.  Roger 
Clément  poussa  l'obligeance  jusqu'à  m'envoyer  un  calque  du 
passage  en  question.  On  y  lit  :  in  cuius  clomo  quant  ultra  mare 
ipse  soins  Samson  fundaverat  (quam,  avec  l'abréviation  usuelle 
quâ).  On  aurait  pu  croire  à  une  correction  des  Bollandistes  : 
M.  Omont  m'apprend  que  le  manuscrit  I  porte  également 
quam. 

Une  autre  source  grave  d'erreurs,  de  nature  à  fausser  le 
jugement  de  M.  Fawtier  sur  les  moyens  d'information  de 
l'hngiographe  et  par  conséquent  sur  sa  sincérité  dans  l'exposé 
des  actes  les  plus  importants  de  la  vie  du  saint,  c'est  qu'il  ne 
connaît  que  très  superficiellement  la  situation  des  pays  cel- 
tiques d'outre-mer  et  de  l'Armorique  bretonne  au  milieu  du 
vie  siècle.  Quand  il  nous  soutient  qu'un  siècle  (ou  deux 
même)  après  la  fondation  du. monastère  par  l'insulaire  Samsou, 
on  ne  sait  rien  à  Dol  de  ses  actes  dans  l'île  ni  sur  le  continent, 
il  ne  semble  pas  se  douter  que  l'Armorique  était  une  simple 
province  du  celtisme,  en  rapports  continuels  et  intimes,  atout 
point  de  vue,  avec  les  pays  celtiques  d'outre-mer:  comme  le 
dit  excellemment  l'abbé  Duîne,  le  pan-celtisme,  à  cette  époque 
n'était  pas  un  vain  mot. 

Lorsqu'il  affirme  qu'on  ne  pouvait,  du  temps  de  Samson, 
sacrer  trois  évêques  à  la  fois,  comme  cela  se  serait  fait,  d'après 
l'hagiographe,  lors  du  sacre  du  saint,  parce  que  dans  le  Pays 
de  Galles,  il  n'y  avait  jamais  eu  plus  de  sept  ou  même  de 
quatre  évêques  à  la  fois,  il  raisonne  comme  s'il  avait  sous  les 
yeux  une  carte  actuelle  de  l'Angleterre  :  au  milieu  du  vie  siècle, 
comme  je  le  montrerai  en  traitant  de  l'épiscopat  de  Samson, 
les  territoires  bretons  s'étendaient  sans  interruption  du  sud- 
ouest  au  nord-ouest  de  l'île  jusqu'aux  terres  des  Pietés,  et  des 
Scots  immigrés  d'Irlande,  et  comprenaient  un  vaste  domaine, 
où  les  besoins  du  culte  et  de  l'apostolat  pouvaient  encore  fort 
bien  exiger  le  maintien  d'une  coutume  dont  on  comprend  sans 
peine  plus  anciennement  l'établissement. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  305 

Personne,  avant  M.  Fawtier,  n'avait  contesté  sérieusement 
l'ancienneté  et  l'authenticité  de  la  Vita  prima  de  saint  Samson. 
Mgr  Duchesne,  après  avoir  établi  que  cette  Vie  avait  été  sûre- 
ment rédigée  entre  le  vne  et  le  ixe  siècle,  inclinait  à  croire 
qu'elle  l'avait  été  à  une  époque  assez  rapprochée  du  commen- 
cement de  cet  intervalle.  «  Cette  conclusion  s'imposerait  tout 
à  fait,  ajoutait-il,  s'il  était  sûr  que  le  vénérable  octogénaire 
dont  il  est  question  dans  le  Prologue  eût  été  vraiment  le 
neveu  d'Henoc,  neveu  lui-même  de  saint  Samson'.  »  Il  n'est 
pas  permis  d'en  douter  devant  l'affirmation  très  nette  de 
l'hagiographe,  si  on  admet  sa  sincérité. 

Pour  tout  esprit  non  prévenu,  quoi  qu'en  dise  M.  Fawtier, 
malgré  d'évidents  remaniements,  la  suspicion  que  peuvent 
inspirer  certaines  informations  provenant  de  diverses  sources 
orales  en  dépit  des  exagérations  habituelles  et  comme  obligées 
chez  des  panégyristes  de  saints,  toujours  disposés  à  voir  par- 
tout des  miracles  et  au  besoin  à  les  imaginer,  la  lecture  de 
la  Vie  donne,  dans  l'ensemble,  une  impression  de  bonne 
foi. 

L'hagiographe,  moine  au  monastère  de  Dol,  écrit  à  la  prière 
de  son  évêqueTigernomalus  2.  Il  s'est  souvententretenu  dans 
le  même  monastère  avec  un  vénérable  octogénaire,  venu 
d'outre-mer,  des  faits  et  gestes  de  Saint  Samson  dans  son  pays 
d'origine  ;  le  vieillard  tenait  ses  informations  de  son  oncle 
Henoc,  cousin  du  saint,  qui  avait  été  documenté  par  la  mère 
même  de  Samson.  Henoc  avait  aussi  écrit  une  relation  des 
actes  du  saint  congruis  stilis  polite,  et  le  vieillard  l'avait  fait  lire 
souvent  devant  lui  \  Henoc  avait  accompagné  Samson  en 
Armorique  4.  Il  prend  le  Christ  à  témoin  de  sa  sincérité 
(Christum  omnium  nostrum  salvatorem  testent  adhibeo)  \  Il  rap- 

1.  Fastes  ép.,  2e  éd.,  II,  385,  note  3. 

2.  Prologue  1  :  0  beatissimè  apostolicae  seâds  episcope  Tigernomale  ;  ibid.  3  : 
0  beatissimè  papa  ;  lib.  II,  1  et  2  :  0  beatissimè  papa  Tigernomale  (en  outre  1  : 
papa). 

3.  Légère  faciebal  est  probablement  la  traduction  d'un  idiotisme  breton 
équivalant  à  legebat.  Pour  exprimer  l'action  verbale,  on  emploie  le  verbe  à 
l'infinitif  avec  l'auxiliaire  faire. 

4.  Lib.  I,  52. 

5.  Le  texte  de  M.  Fawtier  porte  :    Christum  omnium  ttostrorum  salvato- 
Revuc  Celtique,  XXXIX.  20 


306  /.  Loth. 

pelle  la  source  écrite  '.  Il  invoque  également,  outre  le  témoi- 
gnage de  gens  religieux  et  très  dignes  de  confiance,  une 
autre  source  écrite  à  propos  de  l'épisode  du  diacre  Morin  2. 
Il  a  lui-même  séjourné  en  Galles  et  en  Cornwall,  habité  le 
monastère  d'Eltut  qui  avait  compté  Samson  parmi  ses  moines 
(in  cujus  magnifiço  monasterio  ego  fui)  '  ;  le  monastère  de  Piron, 
situé  non  loin  de  celui  d'Eltut,  que  gouverna  Samson  pendant 
un  an  et  demi,  a  aussi  reçu  sa  visite  4.  L'ermitage  près  de  la 
Severn,  où  Samson  avait  établi  ses  frères,  était  encore  un  objet 
de  vénération  pendant  qu'il  était  dans  l'île,  ainsi  que  l'oratoire 
où  Samson  venait  tous  les  dimanches  chanter  la  messe  et 
donner  la  communion  5.  Il  a  visité  en  Cornwall  la  montagne 
où  se  dressait  le  fameux  siniulacruni  :  in  quo  monte  et  ego  fui 
signumque  Crucis  quod  sanctus  Samson  sua  manu  cuni  quodam 
ferro  in  lapide  s  tante  sculpsit  adoravi  et  nna  manu  palpavi  6.  lia 
entendu  lire  Yindiculus  '  qui  invitait  Samson  à  venir  au  synode 
où  il  devait  être  ordonné  évêque.  Il  est  au  courant  des  études 
du  saint  sous  la  direction  d'Eltut  ;  il  signale  une  question  de 
haute  théologie  dont  le  maître  et  le  disciple  ne  trouvaient  pas 
la  solution  ;  une  voix  céleste  la  révéla  à  Samson  pendant  qu'il 
était  en  oraison  une  nuit  (I,  1 1).  Lorsque  ses  recherches  sont 
infructueuses,  il  le  reconnaît  :  nomen  uescio  (I,  38),  —  nonien 
scirenon  potui  (I,  16). 

Si  l'évêque  Tigernomalus  lui  a  demandé  d'être  l'historio- 
graphe de  saint  Samson,  c'est  vraisemblablement  à  cause  de 
son  séjour  en  Galles  et  en  Cornwall,  dans  des  lieux  où  la 
mémoire  du  saint  était  particulièrement  en  honneur  et  aussi 
à  cause  de  son  intimité  avec  le  vénérable  neveu  de  Henoc. 

rem  ac  testant  habeo.  Je  cite  d'après  le  ms.  D.  Ac  qui  est  évidemment  fautif 
manque  dans  4  mss. 

1.  Lib.  I,  38. 

2.  Lib.  II,  8.  Le  texte  de  M.  Fawtiér  n'a  pas  viri,  5  mss.  ont  religiosi 
virique  probatiss  ifn  i .  ■ . 

3.  Lib.  1,7. 

4.  Ibid. ,  20,  36. 

5.  Lib.  I,  41. 

6.  Lib.  I,  48. 

7.  M.  Fawtier,  Vie,  p.  50,  lui  fait  dire  qu'il  a  vu  Yindiculus  :  son  texte 
porte  (lib.  I,  42)  :  quod  indiculum  ego  aiidivi  lettum.  Le  ms.  K  (xne  s.)  a  : 
legi. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  307 

Seul,  M.  Fawtier  tient  l'hagiographe  pour  un  faussaire  et 
entend  démontrer  que  son  œuvre  est  une  fabrication  de  basse 
époque  (vme-ixe  siècle),  pour  une  foule  de  raisons  plus  ou 
moins  graves  que  j'énumère  en  les  résumant  : 

l'hagiographe,  après  avoir  indiqué  ses  sources,  se  contredit 
presque  aussitôt  ; 

il  veut  nous  faire  croire  à  l'existence  de  Gesta  emendatiora, 
expression  empruntée  à  Grégoire  le  Grand; 

il  ne  sait  pas  le  nom  du  vénérable  vieillard,  neveu  de 
Henoc  ; 

les  noms  des  parents  de  Samson,  il  les  a  puisés  dans  des 
litanies  ;  la  stérilité  d'Anna,  mère  du  saint,  est  une  répétition 
de  la  stérilité  d'Anna,  mère  de  la  Vierge  Marie; 

la  Vit  a  secundo,  du  ixe  siècle  qui  présente  la  leçon  Widianus 
au  lieu  de  Gucdianus,  sur  laquelle  on  s'est  appuyé  pour  sup- 
poser une  rédaction  plus  archaïque,  est  l'œuvre  d'un  clerc 
neustrien  ; 

de  ses  voyages  outre-mer  l'hagiographe  n'a  guère  rapporté 
que  des  légendes  topographiques  et  des  traditions  folkloriques  : 
il  ne  nous  apprend  rien  de  précis  sur  les  actes  de  Samson  dans 
l'île  de  Bretagne  ; 

il  y  a  de  fortes  raisons  de  mettre  en  doute  l'ordination  épis- 
copale  de  saint  Samson  dans  l'île  ; 

en  tout  cas,  le  Samson  qui  signe  au  Concile  de  Paris, 
quoique  du  même  temps  (ce  que  conteste  la  Réponse),  ne  peut 
être  celui  de  Dol  ;  même  réelle,  son  ordination  n'eût  pas  été 
tenue  pour  valable  par  les  évêques  francs  ;  ils  ne  l'eussent 
pas  admis  à  siéger  avec  eux,  son  ordination  n'ayant  pas  été 
faite  suivant  les  règles  canoniques.  D'ailleurs  le  martyrologe 
de  Saint-Wandrille,  dans  le  voisinage  de  Pental,  lui  donne 
simplement  le  titre  d'abbé  ; 

l'hagiographe  ne  sait  à  peu  près  rien  de  la  vie  du  saint  sur 
le  continent  ;  l'histoire  de  Commor  {Cunomor  dans  la  Vie,  de 
M.  Fawtier)  et  de  Iudwal  ne  soutient  pas  l'examen  et  d'ail- 
leurs se  passe  en  France  ; 

le  style,  le  vocabulaire,  la  syntaxe  de  la  Vie,  qui,  d'après 
l'abbé  Duine,    s'accorderaient  parfaitement  avec  l'idée  qu'on 


308  /.  Loth. 

pourrait  se  faire  d'un  compatriote  de  Gildas  et  d'un  contem- 
porain de  Grégoire  de  Tours,  ne  prouvent  rien  '  ; 

l'hagiographe  ne  nous  parle  pas  de  saint  Martin  de  Tours, 
ce  qui  serait  un  signe  d'hostilité  qui  ne  se  comprendrait  guère 
que  chez  un  auteur  breton  du  IXe  siècle  ; 

Fortunat  dans  sa  Vie  de  saint  Pair  d'Avranches  qui  est 
dans  le  voisinage  de  Dol,  ne  connaît  pasSamson,  qui  pourrait 
bien,  en  réalité,  ne  pas  avoir  vécu  à  la  même  époque  : 

en  somme,  de  la  Vita  Samsonis,  on  ne  retire  à  peu  près 
rien  de  certain  sinon  que  Samson  passe  à  juste  titre,  pour  le 
fondateur  des  monastères  de  Dol  et  de  Pental,  les  circon- 
stances de  la  fondation  de  Pental  restant  toutefois  mysté^ 
rieuses. 

C'est,  on  le  voit,  un  réquisitoire  complet,  implacable  : 
impossible  d'être  plus  net,  plus  tranchant.  La  condamnation, 
heureusement,  n'est  pas  sans  appel  et  j'ai  confiance  que  le 
nouveau  procès  se  terminera  par  l'acquittement  de  notre 
innocent  hagiographe. 

La  question  des  sources  est,  cela  va  sans  dire,  d'une  impor- 
tance capitale.  Est-il  vrai,  comme  l'avance  M.  Fawtier,  qu'il 
y  ait  une  contradiction  entre  le  C.  2  du  Prologue  et  le  C.  45 
du  livre  premier  ?  L'hagiographe  déclare  qu'il  a  tiré  parti  de 
ses  conversations  avec  l'octogénaire  neveu  de  Henoc  et  d'une 
relation  écrite  de  celui-ci.  D'après  M.  Fawtier,  la  partie  qui 
concerne  les  actes  du  saint  outre-mer  est  de  source  purement 
orale  ;  la  relation  écrite  ne  porte  que  sur  ses  faits  et  gestes  sur 
le  continent.  «  Comment  se  fait-il  alors,  dit  notre  critique, 
que  l'on  trouve  des  expressions  semblant  dénoter  un  emprunt 
à  un  texte  écrit,  comme  :  ut  narrare  poslca  suum  patrem  audi- 
vimus  ?  Ces  paroles  qui,  de  l'aveu  même  de  l'auteur,  devraient 
se  trouver  dans  la  bouche  d'Hénoc,  ne  peuvent  être,  en  réa- 
lité, attribuées  qu'au  vénérable  vieillard,  mais  celui-ci  n'est  dit 
nulle  part  avoir  connu  Amon.  » 

Au  lieu  de  se  livrer  à  une  étude  appprofondie  du  para- 
graphe si  important  des  sources,  dont  la  langue  est  si  embar- 
rassée, M.  Fawtier  trouve  plus  expéditif  de  nous  donner  de 

1.   Réponse,  p.  11. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  309 

ce  passage  la  traduction  de  La  Borderie,  après  avoir  pris  tou- 
tefois la  précaution  de  la  déclarer  excellente  '. 

L'hagiographe,  après  avoir  parlé  de  ses  entretiens  avec  le 
vieillard,  poursuit  en  ces  termes  :  et  non  solnni  hoc,  sed  etiam 
qnamplura  ac  délicat  a  de  ejus  prodigioribus  actibus  quae  citra  mare 
in  Britannia  ac  Remania  mirabiliora  fecit  verba,  supradietns 
sanctus  diaconus  Henocus  nomine,  congruis  sliîis  polite  ultra  mare 
adportavit,  et  ille  de  quo  nuper  praefati  sumits  venerabilis  senex 
semper  an  te  nie  in  isto  monasterio  2  connu  an  en  s  légère  ac  pie  dili- 
gente r  faciebat. 

Si  on  prenait  le  texte  à  la  lettre,  il  faudrait  admettre  que 
Henoe,  après  avoir  écrit  les  merveilleuses  actions  du  saint  en 
Armorique  bretonne  et  en  pays  roman,  a  transporté  sa  rela- 
tion outre-mer,  ce  qui  ne  s'expliquerait  qu'en  supposant  qu'il 
est  retourné  dans  son  pays  natal  après  la  mort  de  Samson,  car 
autrement  sa  narration  eût  été  incomplète.  Il  en  aurait  toute- 
fois laissé  une  copie  à  Dol,  puisque  son  neveu  l'y  faisait  lire 
constamment.  Il  me  semble  qu'un  fait  aussi  important  que  le 
voyage  d'un  personnage  si  intimement  mêlé  à  la  vie  du  saint 
son  parent,  qui  avait  tant  contribué  à  le  faire  connaître,  aurait 
été  mentionné  par  l'hagiographe,  ne  fût-ce  qu'incidemment. 
En  tout  cas,  il  serait  a  priori  parfaitement  invraisemblable  que 
Henoc  qui  a  été  documenté  sur  les  faits  etgestes  du  saint  dans 
l'île  par  la  mère  de  Samson  elle-même,  se  soit  abstenu  de  les 
consigner  par  écrit,  s'en  fiant  à  la  mémoire  de  son  neveu,  et 
se  soit  rigoureusement  astreint  à  ne  parler  que  des  actes  de 
son  héros  de  ce  côté  ci  de  la  mer.  Il  est  tout  aussi  invraisem- 
blable que  le  vénérable  vieillard  n'ait  fait  lire  au  monastère 
de  Dol  que  ce  qui  touchait  à  la  vie  du  saint  sur  le  continent. 
Et  de  fait  il  existait  de  Henoc  une  relation  écrite  plus  ou 
moins  complète  de  la  vie  insulaire  de  Samson.  Livre  I,  C.  38, 
au  sujet  d'un  energuminus  guéri  en  Irlande  par  Samson  et 
devenu  depuis  son  compagnon  fidèle  sur  le  continent,  l'hagio- 
graphe, qui  avoue  ne  pas  connaître  son  nom,  tient  pour  cer- 

1.  Réponse,  p.  4.  La  Borderie  a  pris  de  bien  grandes  libertés  avec  le  texte  : 
sa  traduction  se  range  dans  la  catégorie  des  belles  infidèles. 

2.  Le  texte  donne  istud  monusterium  :  var.  isto  monasterio.  Romania  est 
une  variante  ;  le  texte  a  ;  Romana. 


3io  /.  Loth. 

tain  d'après  des  relations  transmarines  dont  il  a  déjà  été  question, 
que  ce  personnage  est  mort  à  Pental  après  avoir  mené  une 
existence  excellente  et  élevée  :  ...referenlibus  autem  rniki  de  eo 
litteris  transmarinis  supra  jam  insignatis  in  Penetale  monasterio  ' 
quievisse  atque  inibi  optimum  et  ardnam  2  vitam  duxisse  certum 
teneo.  L'energuminus  était  abbé  de  son  monastère  ;  il  n'est  donc 
nullement  surprenant  qu'on  se  soit  occupé  de  ses  faits  et  gestes 
jusqu'eà  sa  mort,  après  son  émigration.  Il  est  de  toute  évidence 
que  par  les  lettres  transmarines  dont  il  a  été  question,  l'hagio- 
graphe  désigne  la  relation  de  Henoc. 

Un  autre  passage  du  lib.  II,  C.  8  semblerait  indiquer  une 
relation  écrite  indépendante,  conservée  dans  un  monastère  du 
Pays  de  Galles,  d'un  épisode  auquel  a  été  mêlé  Samson. 

Il  s'agit  de  la  curieuse  histoire  du  diacre  Morin,  mise  par 
écrit  dans  le  monastère  même  où  il  habitait  :  ut  mihi  comperti 
ac  religiosi  viri  3  et  quod  4  ma  jus  est  litlerae  ipsius  loco  5  ultra 
mare  catholice  conscriptœ  tradiderunt. 


i .  Texte  :  monasterium  ;  var.  monasterio. 

2.  arditam  traduit  l'irl.  ard,  gall.  ant,  élevé  :  Buâoc  est  surnommé 
arduus. 

3.  Je  rétablis  viri  d'après  les  variantes  :  ut  mihi  religiosi  virique  probatis- 
simt. 

4.  Texte  :  quid  ;  var.  ruod. 

5.  Locus  a  fréquemment  le  sens  de  monastère,  et  aussi  de  cellule,  ermi- 
tage. Il  a  conservé  ce  sens  dans  le  gallois  mynach-îog,  monastère.  Dans  les 
poésies  galloises  du  XIIe  siècle,  Hoc  a  le  même  sens  que  llann,  qui  a  ce 
sens.  Mvv.  areb.,  p.  177.  L.  1,  en  parlant  du  monastère  de  saint  Tyssiliaw, 
le  poète  dit  :  brciniaivc  toc,  monastère  privilégié;  p.  178,  1  :  balch  y  Hoc, 
superbe  est  son  monastère  ;  berth  y  Hoc,  riche  est  son  monastère  ;  le  mona- 
stère de  Saint  Cadvan  (Lîan-gadvan)  est  qualifié  aussi  bien  de  Hoc  que  de 
llann  (ibid.,  24.8.17  :  uchel  toc,  ucbel  lann  (monastère  élevé).  Dans  la  Vita 
Samson  is,  locus  a  assez 'souvent  ce  sens  ;  le  monastère  de  Piron  est  appelé 
locus  (I,  23)  ;  de  même  l'habitation  ou  ermitage  des  frères  du  saint  (I,  24); 
le  monastère  d'Eltut  (I,  7)  ;  le  monastère  de  Morin  (II,  10).  Le  monastère- 
de  Dol  est  qualifié  de  locus  :  in  Mo  eiiiiucntissimo  atque  optimo  loco  in  quo 
sanctus  Samson  quiescit  inpace  (lib.  II,  15). 

Dans  le  Rook  of  Llandav,  le  monastère  de  Mochros  fondé  par  Dubric  et 
dont  l'évêque  Comereg  fut  aussi  abbé  est  qualifié  de  locus  ainsi  d'ailleurs  que 
Llandav  (p.  71)  :  Locus  Mocrosi  super  ripant  Guy  ;  il  est  donné  à  l'Église  de 
Llandav  :  ut  ille  prior  locus  posteriori  semper  serviret.  Dans  la  charte  du  roi 
Aethelred  (994)   adressée  à  l'évêque    Ealdred,   le  monastère  de  saint  Pe- 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  311 

Il  n'y  a  donc  aucun  doute  que  la  source  de  l'hagiographe 
pour  la  .vie  de  Saint  Samson  aussi  bien  outre-mer  que  sur  le  con- 
tinent ait  été  à  la  fois  orale  et  écrite,  sans  qu'on  puisse  préciser 
dans  quel  cas  l'hagiographe  use  de  l'une  ou  de  l'autre,  la  plu- 
part du  temps  '.  Il  n'y  a  aucune  contradiction  entre  le  C.  2  du 
Prologue  et  le  C.  45.  Au  surplus  M.  Fawtier  a  corrigé  inuti- 
lement son  texte,  et  l'a  en  tout  cas  mal  interprété.  Samson 
voit  en  songe  à  ses  côtés  un  grand  homme  brillant  d'un  grand 
éclat  et  s'en  effraie  :  ...qui  (Samson)  et  ipse,  ut  narrare  postea 
suo  pa(t)ri  audivimus  ...intremuit.  Notre  critique  remplace, 
sans  le  dire,  suo  patri  que  donnent  le  manuscrit  de  Metz  et 
cinq  des  manuscrits  les  plus  anciens,  par  la  variante  suum  pa- 
trem,  et  veut  que  le  vénérable  vieillard  représentant  seul  la 
source  orale  pour  les  événements  insulaires  suivant  une  idée 
dont  je  viens  de  faire  justice,  ait  entendu  le  père  du  saint 
raconter  le  fait  par  la  suite.  Or  l'hagiographe  parle  ici  en  son 
nom  ;  il  faut  traduire  :  et  lui-même,  comme  nous  avons  entendu 
dire  qu'il  (Samson)  le  racontait  dans  la  suite  à  son  père...  trembla 
(on  peut  sous-entendre  eu  m).  Que  si  M.  Fawtier  tient  à  suum 
patrem,  on  peut  interpréter  :  «  comme  nous  avons  entendu  dire 
que  son  père  ensuite  le  racontait.  »  Il  s'agit  vraisemblablement  de 
personnes  avec  lesquelles  l'hagiographe  s'est  entretenu  de  ces 
faits  dans  l'île. 

Le  texte  du  paragraphe  des  sources  est  trop  corrompu  pour 
qu'on  puisse,  en  l'absence  de  variantes  importantes,  le  restituer 
sans  appréhension.  Il  est  vraisemblable,  si  on  met  en  regard 
àelitteris  transmarinis,  l'expression  ultra  mare  adportavit,  qu'il 
ne  s'agit  pas  de  relations  écrites  2  que  Henoc  aurait  transportées 

trock  est  :  locus  atque  regimen  sancti  Petroci  (Haddan  and  Stubbs,  Connais, 
I,  p.  687-6). 

On  sait  la  fortune  qu'a  eue  toc  dans  l'onomastique  bretonne  armori- 
caine. 

1 .  Cf.  plus  bas,  les  remarques  au  sujet  de  la  femme  de  Childebert.  Il  ne  faut 
pas  oublier  que  la  source  orale  est  assez  variée.  Elle  ne  repose  pas  seule- 
ment sur  les  récits  du  neveu  de  Henoc.  L'hagiographe  nous  parle,  en  divers 
endroits,  de  conversations  qu'il  a  eues  dans  l'île  même  dans  les  lieux  fré- 
quentés par  le  saint.  Il  tient  par  exemple  le  récit  de'  la  mort  d'Eltut  des 
moines  du  monastère  du  saint  dans  lequel  il  nous  dit  lui-même  avoir  été 
(lib.  1,7).        , 

2.  T-ib.  I,  45  ultra  mare  désigne  l'Armorique. 


3i2  J.Loih. 

dans  l'île,  mais  au  contraire  de  relations  qu'il  aurait  rapportées 
d'outre-mer.  En  en  usant  vis-à-vis  du  texte  d'une  liberté 
grande,  je  me  hasarderais  à  proposer  la  lecture  suivante  :  et 
non  solum  hoc  sed  quamplurima  ac  delicata  de  ejus  prodigioribus 
actibus,  quae  citra  mare  in  Britannia  ac  Romania  mirabiliora 
fecit,  verba  [et  quae]  '  suprad ictus  sanclus  diaconus  Henocus  no- 
mine,  congruis  stilis  polite  ultra  mare  adportavit,  il  le  2  de  quo 
nuper  praefati  s'umus  venerabilis  senex  semper  ante  me  in  isto  mo- 
nasterio  3  commanens  pie  légère  ac  diligenter  faciebat.  Je  traduirais 
mot  à  mot  :  «  et  non  seulement  cela,  mais  beaucoup  et  de 
délicats  récits  au  sujet  des  actions  prodigieuses  qu'il  avait 
merveilleusement  accomplies  de  ce  côté-ci  de  la  mer  en  Bre- 
tagne et  en  Romanie,  et  ceux  qu'avait  apportés  d'outre-mer 
[écrits]  soigneusement  en  style  congru  le  saint  diacre  du  nom 
de  Henoc,  le  vénérable  vieillard  dont  nous  venons  de  parler 
demeurant  avec  moi  dans  ce  monastère  les  faisait  continuelle- 
ment lire  devant  moi  avec  un  soin  pieux  et  diligent.  » 

Il  s'ensuivrait  que  le  congruis  stilis  polite  porterait  surtout 
sur  la  vie  de  Samson  outre-mer  et  serait  l'œuvre  particulière 
de  Henoc,  ce  qui  serait  fort  naturel.  Quant  aux  récits  des  actes 
du  saint  sur  le  continent,  ils  ont  pu  être  rédigés  par  d'autres 
que  par  lui.  Le  vénérable  vieillard  lui-même  a  pu  y  mettre 
la  main.  Quoi  qu'il  en  soit  d'ailleurs,  ma  conclusion  précé- 
dente au  sujet  des  sources  orale  et  écrite  reste  inattaquable. 
Quant  aux  Gesta  emendatiora  à  l'existence  desquels  l'hagio- 
graphe,  d'après  M.  Fawtier  voudrait  nous  faire  croire,  cette 
expression,  empruntée  à  Grégoire  le  Grand,  que  Mgr  Duchesne 
qualifiait  justement  d'incongrue,  vise  sans  doute,  suivant 
l'hypothèse  de  l'abbé  Duine,  la  vie  rédigée  par  Henoc  congruis 
stilis  polite.  M.  Fawtier  n'y  revient  pas  dans  sa  Réponse. 

Comment  l'hagiographe  ne  sait-il  pas,  se  demande  M.  Faw- 
tier, le  nom  du  vénérable  octogénaire  lorsqu'il  connaît  celui 
de    son  oncle  ?  L'abbé  Duine  lui  a  répondu  qu'il    n'eût    eu 

1.  J'ajoute  et  quae  ;  \e-qiuie  qui  précède  a  pu  contribuer  à  le  faire 
omettre. 

2.  Je  supprime  et  devant  ilîe. 

3.  Texte  :  istud  monasterium  ;  var.  de  5  des  plus  anciens  mss.  :  isto 
monasterio. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  313 

aucune  peine  à  lui  donner  un  nom,  s'il  avait  été  un  faus- 
saire ;  on  peut  même  dire,  si  on  en  croyait  notre  soupçonneux 
critique,  un  spécialiste  en  faux.  Aussi  n'y  reviendrais- je  pas, 
s'il  n'y  avait  peut-être  là  un  trait  de  mœurs  celtiques  des 
moins  connus  et  des  plus  intéressants.  L'oncle,  surtout  l'oncle 
maternel,  avait  chez  les  anciens  Celtes,  insulaires  et  même 
continentaux,  une  situation  privilégiée  et  jouait  souvent  dans 
la  famille  un  rôle  prépondérant.  C'est  un  reste  de  la  filiation 
utérine,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  matriarchat,  par- 
faitement conciliable  avec  l'autorité  du  père  de  famille. 
M.  d'Arbois  de  Jubainville  qui  la  repoussait,  avec  raison,  en 
ne  tenant  compte  que  des  lois  irlandaises,  a  mis  le  rôle  de 
l'oncle  en  relief  dans  son  substantiel  opuscule  sur  La  Famille 
Celtique. 

Il  en  cite  un  exemple  du  ive  siècle  avant  notre  ère  :  Ambi- 
catus  Biturix  confie  le  commandement  de  deux  armées  dont 
il  envoie  l'une  conquérir  l'Italie,  et  l'autre  le  pays  qui  est 
devenu  la  Bohème,  à  ses  deux  neveux,  fils  de  sa  sœur.  Le  Calé- 
donien Lossio  Veda,  dans  une  inscription  du  111e  siècle  trou- 
vée à  Colchester,  donne  pour  toute  filiation  :  nepos  Vepogeni. 
Un  Britton,dans  une  inscription  funéraire  du  ive  siècle,  décou- 
verte à  Winsford'Hill,  Somersetshire,  se  trouve  suffisamment 
qualifié  par  :  Carataci  nepus  \.  L'hagiographe  aurait  pu  correc- 
tement, en  faisant  un  peu  d'archaïsme  onomastique,  se  con- 
tenter de  l'épitaphe  :  Senaci  nepos,  mais  j'y  pense  :  pourquoi 
M.  Fawtier,  si  exigeant  pour  le  moine  dolois,  ne  lui  reproche- 
t-il  pas  de  n'avoir  pas  fait  connaître  son  propre  nom  ? 

M.  Fawtier  {Vie,  p.  75)  qui  soumet  l'hagiographe  à  un 
interrogatoire  des  plus  serrés  (on  dirait  d'un  confesseur  vis- 
à-vis  d'un  pénitent  peu  communicatif),  demande  encore  pour- 
quoi il  est  allé  prendre  dans  des  litanies  le  nom  du  père  et  de 
la  mère  de  Samson,  Ammon  et  Anna.  Il  faut  que  M.  Faw- 
tier ait  lu  bien  légèrement  son  texte,  qu'il  soit  en  outre  fort 
peu  au  courant  de  la  liturgie,  pour  lancer  d'aussi  imprudentes 
affirmations. 


1.  J.  Loth,  Le  sens  île  nepos  dans  deux  inscriptions  latines  de  Grande-Bre- 
tagne (communication  à  l'Académie  des  Inscriptions,  août  1922). 


314  ]■  Loth. 

Voici  le  texte  (lib.  I,  i)  :  .  .  .  et  in  nominibus  offerentinm  ittro- 
rumque  parentum  notnina  singula  juxta  sancti  Samsonis  allare  ad 
missctm  caulandans  légère  qnainmullis  vicibus  audivi  '.  11  s'agit 
très  évidemment  de  diptyques  dont  la  lecture  faisait  partie  de 
la  messe.  «  Rien  n'est  plus  naturel  que  ce  mémento  des  parents 
de  Samson  à  la  messe  célébrée  près  du  tombeau  du  bienheu- 
reux 2.»  Forcé  de  reconnaître  son  erreur  3  M.  Fawtier  n'est  pas 
cependant  satisfait  (Réponse,  p.  7-8)  :  «  l'auteur  ne  dit  pas  que 
ce  soit  à  Dol  et  le  fait  qu'il  emploie  la  première  personne  semble- 
rait indiquer  que  cest  lui  et  non  son  ou  ses  auditeurs,  qui  a  entendu 
celte  lecture  des  diptyques.  Dans  ce  cas,  la  valeur  de  cette  confirma- 
tion par  un  texte  connu  de  tous  les  auditeurs  disparaît.  »  L'auteur 
ne  dit  pas  que  ce  soit  à  Dol,  parce  que  cest  évident  ;  il  est  évi- 
dent aussi  qu'il  n'était  pas  seul  à  entendre  la  messe,  à  moins 
qu'à  ce  moment  les  assistants  n'aient  été  frappés  de  surdité; 
il  serait  cruel  d'insister.  Comme  me  le  fait  remarquer  l'abbé 
Duine,  il  n'y  avait  qu'une  messe  de  communauté  au 
vie  siècle  ;  c'est  plus  tard  que  tous  les  moines  ou  la  plupart 
du  moins  se  mirent  à  célébrer  la  messe  quotidienne. 

J'ai  soutenu  que  les  noms  d'Ammon  et  d'Anna  étaient  cel- 
tiques, en  citant  à  l'appui  plusieurs  inscriptions  de  pays  cel- 
tiques ou  ayant  fait  partie  de  ce  qu'on  a  appelé  l'empire  cel- 
tique au  moment  de  sa  plus  grande  extension  4.  M.  Fawtier 
constate  l'existence  du  nom  de  Ammo  (Amtnonis,  Ammonï)  dans 
quatre  inscriptions  (à  Alkofen,  Allemagne  ;  Penalva  de  Cas- 

1.  Le  ms.  R  donne  une  variante  intéressante  :  offerendis  :  la  messe,  en 
gallois  comme  en  breton,  se  dit  offeren  du  latin  offerenda  :  mais  offerentium 
est  la  bonne  leçon  :  il  désigne  ici  les  officiants  ;  le  gal'ois  offririat  ou  yffeir- 
ial,  a  le  sens  de  prêtre.  Un  ms.  a  in  ore  omnibus;  le  texte  correct  serait  peut- 
être  :  in  ore  omnium  offerenlium  :  ou  :  et  in  omnibus  offerendis. 

2.  Duine,  Compte  rendu,  p.  338.  M.  Fawtier  (Réponse,  p.  9)  fait  observer 
à  l'abbé  Duine  qu'il  ne  s'agit  pas  du  tombeau  du  saint  ;  aussi  l'abbé  Duine 
n'a-t-il  pas  traduit  ainsi  *allare,  mais  l'a  interprété  ainsi.  Il  est  évident 
qu'ici  c'est  équivalent. 

3.  M.  Fawtier  (Réponse,  p.  8)  prétend  que  dans  les  diptyques  que  nous 
possédons,  il  n'a  vu  aucun  cas  analogue  à  celui  que  rapporte  la  vifa.  Il 
n'avait  pour  se  convaincre  du  contraire  qu'à  lire  des  diptyques  du  VIe  siècle, 
par  exemple,  chez  Migne,  P.  L.  18,  col.   395-398  (note  de  l'abbé   Duine). 

4.  La  vie  plus  ancienne  des  Samson,  p.  13-15.  Amiiius  que  l'on  trouve 
aussi  a  vraisemblablement  la  même  origine  que  Ammon. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  315 

tro,  Espagne  ;  la  Foux  en  Remoulins  ',Gard;  Irsch,  province 
de  Trêves  :  inscription  mutilée).  La  liste  de  M.  Fawtier  est 
incomplète.  Il  eût  trouvé  dans  le  supplément  de  Holder  :  Amo 
(Tours)  CIL.  XIII  1010,  2944  bis,  Amo  (Bavai)  3044  b,  Amo 
(près  de  Tongres)  30515.  Voilà  donc  sept  exemples  à'Ammo 
ou  Amo,  dont  six  au  moins  en  pays  incontestablement  ancienne- 
nement  celtiques.  Celle  de  la  Foux  est  particulièrement  inté- 
ressante :  Esâggorix  Ammonis  f.  ApoUini.  Rien  de  plus  cel- 
tique que  le  nom  du  fils.  M.  Fawtier  s'en  tire  bien  simple- 
ment :  c'est  le  cas  d'un  Gaulois  dont  le  père  avait  pris  un  nom 
romain  :  celui  de  Jupiter  Ammon  !  Ce  serait  donc  là,  logi- 
quement, l'origine  du  nom  des  six  autres  Amnio  des  inscrip- 
tions ?  Pour  Anna,  M.  Fawtier,  tout  en  constatant  que  ce  nom 
se  trouve  dans  quatre  inscriptions  d'Espagne,  deux  de  Serbie, 
une  de  Dalmatie,  une  de  Bordeaux,  deux  de  la  province  de 
Trêves,  nie  aussi  sa  celticité.  Il  veut  bien  admettre  que  des 
Celtes  aient  porté  ces  noms,  «  mais  conclure  que  ces  noms 
sont  celtiques,  c'est  exactement  comme  si  de  ce  qu'en  temps 
de  crise  russophile  le  nom  d'Olga  fut  donné  à  un  certain 
nombre  de  fillettes  françaises,  on  voulait  conclure  qu'Olga  est  • 
français  ».  Nous  savons  au  moins  d'où  vient  Olga  ;  si  les  noms 
d'Ammon  et  Anna  que  l'on  trouve  sur  des  points  fort  éloi- 
gnés du  domaine  celtique  ne  sont  pas  celtiques,  que  M.  Faw- 
tier veuille  bien  nous  dire  où  les  Celtes  les  ont  pris.  Il  triomphe 
de  ce  qu'on  ne  les  a  pas  trouvés  jusqu'ici  dans  l'île  de  Bre-  * 
tagne  :  je  le  renvoie  à  ce  sujet  aux  Inscript.  Britanniae  lût. 
d'E.  Hùbner,  quoique  le  nombre  des  inscriptions  latines  de  ce 
pays  se  soit  depuis  l'apparition  de  cet  ouvrage  sensiblement 
accru.  Il  y  verra  que  les  seuls  monuments  abondants  de  la 
Bretagne  romaine  sont  militaires,  que  les  manifestations  de  la 
vie  civile,  sans  excepter  les  Instrumenta  domestica,  sont  plus 
rares  que  dans  les  autres  provinces  de  l'empire  romain.  A  côté 
d'Anna,  des  inscriptions  donnent  aussi  2  Annicus  et  même 
Anniiis.  Les  A mmo  et  Anna  des  inscriptions  n'ont  évidemment 


1.  M.  Fawtier  (Réponse,  p.  6)  cite  de  façon  incomplète  :  moulin  de  Foux, 
Gard. 

2.  Mon  confrère  M.   Blanchet  en  a  trouvé    des  exemples  dans  V Année 
èpigraptnque  (Revue  Archéologique). 


3 ié  /.  Lolh. 

rien  à  voir  avec  la  Bible.  L'exemple  le  plus  ancien  de  l'in- 
troduction des  noms  de  l'Ancien  Testament  chez  les  chrétiens 
d'Occident  est  de  la  fin  du  ive  siècle  ;  il  y  en  a  un  autre  de 
406  (Dictionnaire  de  Montigny,  p.  236,  516). 

Dans  sa  Réponse,  p.  5,  M.Fawtier  fait  la  remarque  que  j'ai 
insisté  particulièrement  sur  la  celticité  de  ses  noms.  Au  point  de 
vue  linguistique,  j'ai  apporté  les  arguments  qui  me  paraissaient 
militer  en  faveur  de  leur  origine  celtique  :  je  viens,  je  crois, 
de  les  renforcer  encore,  mais  je  n'y  attache  pas  la  moindre 
importance  au  point  de  vue  de  la  sincérité  de  notre  hagio- 
graphe  :  qu'ils  soient  celtiques  ou  bibliques,  peu  importe.  Des 
noms  de  l'Ancien  Testament  se  sont  introduits  de  bonne 
heure  chez  les  Brittons,  d'après  leur  vocalisme  surtout  qui 
est  celui  des  mots  latins  empruntés  du  Ier  au  v°  siècle  de 
notre  ère.  Ils  remontent  dans  l'île  à  l'époque  romano-chré- 
tienne  :  le  nominatif  Salonw  dont  Yô  long  final  a  été  traité 
comme  ô  long  celtique  final,  c'est-à-dire  a  pris  la  valeur  d'/ 
long  en  passant  par  0  fermé  et  /'/,  a  donné  le  vieux-gallois 
Selini,  moyen-gallois  Selyv.  Salomônem  est  devenu  en  vieux- 
breton  Salamùn,  breton  actuel  Salaun  ;  Samsonem  a  donné 
régulièrement  Sam^un,  nom  courant  sur  les  côtes  du  Morbi- 
han, en  particulier  à  Belle-Ile  :  cf.  Loc-sam^un  en  Melrand. 
Samuel  se  trouve  en  vieux-gallois  sous  la  forme  SamuiJ,  moyen- 
gallois  Sazuyl.  Dejacôbus,  on  a  eu  en  breton  Jegu,  Jagtt.  Le 
nom  -gallois  Deinioel,  breton  Denouel  remonte  à  Daniel. 
David  a  donné  en  gallois  et  breton  Demi.  On  trouvera  plus 
loin  Jonas. 

M.  Fawtier  m'invite  obligeamment,  pour  achever  de  me 
convertir  à  l'origine  biblique  des  noms  d'Ammon  et  d'Anna, 
à  parcourir  l'Evangile  de  la  Nativité.  «  Notre  auteur  a  pillé  ce 
texte,  y  a  pris  l'histoire  de  la  conception  tardive  d'Anna,  et 
peut-être  même  l'idée  des  verges *d'argent.  Nous  voyonsen  effet 
dans  cet  évangile  apocryphe  Joseph  et  les  autres  candidats  à  la 
main  de  la  Vierge  venir  au  temple  une  verge  à  la  main  pour 
donner  à  la  prophétie,  selon  laquelle  celui  qui  devait  épouser 
Marie  verrait  sa  verge  fleurir,  l'occasion  de  se  réaliser.  77  ne 
me  semble  pas  douteux  2  que  notre  hagiographe  a  pris  là  l'idée 

1.  On  remarquera  le  crescendo  de  peut-être  à  il  ne  me  semble  pas  douteux. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  SatHSon.  317 

des  verges  offertes  par  les  parents  du  saint,  seulement  il  a 
donné  une  coutume  celtique  analogue  '  ».  A  propos  de  l'Évangile 
de  la  Nativité,  je  laisse  la  parole  à  l'abbé  Duine  2.  «  J'avoue 
ne  pas  voir  la  relation  qu'il  y  a  entre  cet  apocryphe  et  la  Vita 
Samsonis.  D'ailleurs  l'Evangile  de  la  Nativité  n'emploie  pas  le 
nom  d'Ammon.  Quant  à  l'Ecriture,  elle  n'associe  jamais  ce 
vocable  à  celui  d'Anna.  Le  seul  endroi'toù  j'ai  réussi  à  les  trou- 
ver réunis  est  la  légende  de  S.  Jude-Quiriac,  évêque  de  Jéru- 
salem, fêté  au  Ier  mai.  Sa  mère  s'appelait  Anna  et  le  martyre 
qu'il  endura  sous  l'empereur  Julien  convertit  l'enchanteur 
Ammon  (encore  faut-il  observer  que  Vincantator  porte  le 
nom  d'un  dieu  païen).  »  Quant  à  l'emprunt  à  la  Bible  de 
l'idée  de  la  verge,  il  faut  vraiment  être  bien  à  court  d'argu- 
ments pour  le  supposer.  Il  n'y  a  à  peu  près  rien  de  commun 
entre  le  récit  de  la  Vit  et  celui  de  la  Bible.  Ce  magisler  auquel 
les  parents  du  saint  ont  recours  pour  faire  cesser  la  stérilité 
d'Anna,  conseille  au  père  d'offrir  une  verge  d'argent  de  la  taille 
de  sa  femme  (lib.  I,  3).  Mieux  inspiré  {Vie,  p.  37),  M.  Faw- 
tier  reconnaissait  que  le  sacrifice  des  verges  d'argent  est  un 
rite  païen  dont  on  a  de  nombreux  exemples  dans  le  folklore  gal- 
lois même  3. 

Il  n'y  a  qu'un  seul  point  intéressant  dans  cette  querelle  : 
y  a-t-il  véritablement  parallélisme  entre  la  Vie  et  la  Bible  en 
ce  qui  concerne  la  stérilité  d'Anna  ?  Je  ne  crois  pas  pouvoir 
mieux  faire  que  de  reproduire  la  réponse  que  j'ai  déjà  faite  à 
cette  question  4  :  «  J'irai  jusqu'à  admettre  que  le  nom  d'Anna 
ait  induit,  non  point  peut-être  Henoc,  mais  un  admirateur  du 
saint  plus  éloigné  de  l'événement  à  crier  au  miracle  pour  la 
naissance  tardive  de  Samson  et  à  instituer  ainsi  un  parallé- 
lisme flatteur  pour  le  héros,  mais,  lorsqu'on  y  regarde  de  plus 
près,  on  s'aperçoit  bien  vite  qu'on  est  en  présence  d'un  fait 

I.   Réponse,  p    7. 

2.  Objections,  p.  174.  La  forme  Amtnwn  qu'on  trouve  en  moyen-gallois  est 
une  forme  relativement  récente  et  littéraire.  C.  barwn,  baron,  etc.  Régu- 
lièrement ont  eût  eu  :  Atnmûn. 

3.  Dom  Plaine  avait  déjà  fait  la  remarque  que  l'histoire- des  verges  se 
retrouve  dans  la  vie  de  S1  Brieuc. 

4.  La  vie  la  plus  ancienne  de  s.  S.,  p.  13-14. 


3i8  /.  Lotb. 

qui  n'a  rien  de  surprenant.  On  a  même  là,  il  me  semble,  une 
preuve  frappante  de  la  sincérité  de  Vhagiographe  :  l'événement 
est  hors  de  proportion  avec  les  exagérations  du  commentaire  ; 
l'auteur  nous  donne  impartialement  l'histoire  vraie  et  la  légende. 
En  effet,  si  Ammon  et  Anna  sont  inquiets  au  sujet  de  leur 
postérité,  c'est  qu'Afrella  (Aurella),  sœur  d'Anna,  a  eu  trois 
fils,  tandis  qu'Anna  reste  stérile,  et  cependant,  nous  dit-il,  elle 
n'était  pas  plus  âgée  que  sa  sœur  '.  D'ailleurs  ce  qui  le  confirme 
surabondamment  et  prouve  que  les  époux  n'étaient  nullement 
dans  un  âge  avancé,  c'est  qu'après  Samson,  ils  eurent  encore 
cinq  fils  et  une  fille  2.  » 

Avec  un  scrupule  peut-être  excessif  en  pareille  matière, 
M.  Fawtier,  ému  du  caractère  légendaire  et  folklorique  des 
exploits  attribués  à  Samson  par  son  panégyriste,  a  fouillé 
jusque  dans  la  littérature  Scandinave  pour  trouver  à  notre 
saint  un  héros  éponyme  !  «  Il  n'est  pas  impossible  qu'il  y  ait 
eu  un  héros  nommé  Samson  connu  à  cette  époque.  Il  y  eut 
bien  un  peu  plus  tard  Samson  le  Blond,  fils  d'Arthur,  dont  la 
saga  nous  raconte  les  exploits  en  Irlande,  en  Angleterre  et 
dans  le  Bretland  (Galles  et  Cornwall)  ;  on  peut  avec  beau- 
coup de  hardiesse  admettre  <me  notre  rédacteur  a  enrichi  le 
saint  brittonique  des  exploits  de  son  homonyme  celtique, 
peut-être  déjà  en  quelque  sorte  christianisé  sous  l'influence  du 
clergé  indigène  3  ».  Ce  morceau  de  haute  critique  littéraire  est 
accompagné  d'une  note  que  je  me  reprocherais  de  ne  pas 
reproduire  :  après  avoir  cité  les  éditions  de  la  saga  en  ques- 
tion, M.  Fawtier  poursuit  :  «  M.  Henry  G.  Leach  a  eu  l'obli- 
geance de  traduire  pour  moi  ce  texte  Scandinave  ;  je  dois  recon- 
naître que  les  exploits  du  fils  d'Arthur,  à  part  peut-être  un  com- 
bat contre  une  sorcière  des  eaux,  n'offrent  aucune  analogie  avec 
ceux  de  notre  saint;  néanmoins  il  est  curieux  de  constater  que 
le  théâtre  de  leur  activité  est  le  même  4.  »  Sans  commentaire. 

i.  Lib.  i,  2  :  desperato,  itaqite  femiuei  ateri  fœtu,  non  pro  aelatis  sed  natu- 
rae  inequalitate  cum  sorore.  Je  rétablis  le  texte  d'après  des  variantes.  Celui  de 
M.  Fawtier  a  :  desperato  itaque  feminini  itteri fœtum. 

2.  Et  non  quatre  fils  et  une  fille  comme  je  l'avaisditpar  mégarde  et  comme 
M.  Fawtier  me  le  fait  remarquer. 

3.  Vie,  p.  77-78. 

4.  Note  2  à  la  page  77. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  319 

Je  signalerai  à  M.  Fawtier  un  autre  homonyme  de  saint,  et 
cette  fois  dans  te  Pays  de  Galles  :  Samson  Vinsych  l  ;  mais  pour 
lui  épargner  une  déconvenue,  je  m'empresse  de  déclarer  qu'il 
n'a  rien  de  commun  avec  le  nôtre. 

A  propos  du  nom  de  Henoc,  je  crois  devoir  citer  intégrale- 
ment la  remarque  de  M.  Fawtier  dans  sa  réponse  p.  8,  note  6, 
parce  qu'elle  est  caractéristique  de  ses  procédés  de  discussion 
et  de  son  tour  d'esprit.  «  Qu'Henocsoit  le  nom  celtique  Senoc, 
c'est  possible;   mais  quand  M.  Loth  déclare  :  «  le  nom  d'He- 
noc  n'a  rien   de  biblique  »,  il  fait  erreur  :  on  le  trouve  vingt 
fois  dans    la  Bible,    comme   on   peut   s'en    rendre  compte  à 
l'aide  de   la    première  concordance  venue.  »   Or  j'ai  écrit   : 
«  le  nom  du  diacre  Henoc  n'a  rien  de  biblique  ;    il  est  d'ail- 
leurs   hors   de    discussion.  Il  remonte  à    un    vieux    celtique 
*senàco-s  (irl.  senacli)  »  et  en  note,  je  renvoie  aux  Inscr.  Brit. 
Christ,  de  Hiibner.  Il  saute  aux  yeux  que  j'ai  voulu  dire  que 
le  nom  de  Henoc  remontant  à  un  vieux  celtique  stnâco-s  (et 
non  senoc),  nom  d'ailleurs  bien  connu  à   l'époque  chrétienne, 
ne  pouvait  être  assimilé  à  son  quasi-homonyme  de  la  Bible. 
M.  Fawtier  affecte  de  n'avoir  pas  compris  :  il  insinue  que  je 
ne  connais  pas  le  nom  biblique  et  que  je  n'ai  jamais  ouvert 
une  Bible  !  je  serais  en  droit  de  lui  dire  qu'il' est  impertinent  : 
je  me  contenterai  de  lui  prouver  qu'il  est  léger  et  imprudent. 
La  forme  Henoc  est  excessivement  rare  dans  la  Bible  :  il  n'y 
en  a  guère,  je  crois,  qu'un  exemple  :  Eccli  :  XLIV,  16  :  Henoc 
placuit...  La  forme  courante   est  Henoch  (Genèse  :  IV,   17, 
18;  V,    18,   19,  21,    22,  23;    XXV,  L;    Exode   :    VI,    14; 
Nombres  :   XXVI,    5  ;  Eccli.    XLIX,    16).    Cf.   Epître   aux 
Hébreux  :  XI,  5    :  Henoch  ;   Epître  de    Jud,    14   :   Enoch. 
Dom  Gougaud  (Chrét.celt.,  p.  261)  remarque  que  l'exception- 
nel destin  d'Elie  et  Enoch  a  extrêmement  frappé  l'imagination 
celtique.  Il  donne  (p.  263)  des  preuves  de  la  circulation  du 
fameux  livre  d'Enoch   chez    les    Celtes.   Le    fragment   d'une 
version  de  ce  livre,  ajoute-t-il,    s'est  conservé  dans  un  manu- 
scrit du  vme  siècle,  d'origine  bretonne.  En  vieil  irlandais,  on 
trouve  Enoch  et  Enôc  2  (-6c  imité  de  la  terminaison  irlandaise 

1.  J.  Loth,  Mab.,  2e  éd.,  I,  267. 

2.  Whitley  Stokes  and  Strachan,  Thésaurus  palaeob.,   I,   496,   505  ;  II, 
309; 


320  /.  Loi  h. 

bien  connue  -oc).  En  gallois,  on  peut  citer  Enoc  (Livre  de 
Taliessin,  Skene,  Four  anc.  books  of  Wales,  II,  123,  18). 

Même  page  de  la  Réponse,  note  3,  à  propos  d'Umbraphcl, 
M.  Fawiier  me  rappelle  aux  saines  méthodes  linguistiques  : 
«  je  doute  d'ailleurs  qu'un  nom  quelconque  soumis  au  traitement 
auquel  M.  Lot  h  soumet  celui  d' Umbraphèl  ne  donne  quelque  chose  de 
brillonique  ».  Cette  fois,  c'est  surtout  de  l'outrecuidance.  Tout 
celtiste,  versé  particulièrement  dans  l'étude  du  brittonique, 
décomposera  ce  nom  comme  moi  :  il  n'y  a  d'incertitude  que 
pour  le  sens  et  peut-être  la  forme  de  -phel.  Les  composés  en 
ambi-ro,  forme  vieille  brittonique  de  umb-ra,  sont  bien  connus 
aussi  bien  en  goidélique  (*ctnbi-ro-)  qu'en  brittonique.  La  con- 
servation de  b  est  un  trait  archaïque  intéressant.  Au  surplus,  je 
me  suis  assez  clairement  expliqué  au  sujet  de  ce  nom  pour 
tout  esprit  '  attentif,  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'insister. 

M.  Fawtier  (Réponse,  p.  1-10)  résume  d'une  façon  incom- 
plète et  inexacte  ce  que  j'ai  dit  du  nom  de  l'évêque  Tiger- 
nomalus.  «  Selon  M.  Loth,  ce  nom  se  trouve  avec  la  même 
forme...  dans  une  inscription  chrétienne...  du  Cornwall  2... 
les  caractères,  d'après  Hùbner,  sont  du  vii-vme  siècle.  M.  Loth 
remarque  d'ailleurs  lui-même  que  l'on  trouve  la  forme  Tiger- 
nomaglus  dans  la  vie  de  saint  Paul  Aurélien  écrite  en  884 
par  Wurmonoc.  On  ne  peut  donc  se  servir  de  la  forme  Tiger- 
nomalus  pour  dater  la  VitaSamsonis  du  vi-vne  siècle  plutôt  que 
du  ixe.  »  Le  fait  que  le  nom  se  trouve  avec  la  même  forme  à 
peu  près  à  la  même  date,  dans  une  inscription  chrétienne  du 
Cornwall  —  fait  déjà  fort  intéressant  à  constater  —  m'a  fait 
tout  justement  douter  qu'il  faille  assimiler  Tigernomalus  à 
Tigernomaglus  :  «  il  n'est  cependant  pas  sûr  que  le  second 
terme  soit  maglo-s  (chef),  en  raison  de  la  concordance  de  la 
forme  comique  et  de  la  forme  bretonne,  évidemment  indépendantes 
l'une  de  l'autre  \   »  Contrairement  à  ce  que  les  lecteurs  de 

1 .  La  vie  la  plus  ancienne  de  s.  S.,  p.   16. 

2.  Je  l'ai  citée  :  Conètoci  fîli  Tigernomaltif  (La  vie  la  plus  ancienne  de  \.  S., 
p.  18). 

3.  Une  faute  dans  l'inscription  latine  pour  un  nom  aussi  connu  est  invrai- 
semblable. On  peut  penser  à  un  second  terme  -amali  pour  samali-,  sem- 
blable. Ces  composés  sont  très  communs  en  irlandais.    En  vieil  irl.  on   a 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  321 

M.  Fawtier  pourraient  supposer,  je  n'ai  pas  fait  état  de  la  forme 
Tigernomalus  pour  dater  la  vie. 

Dans  mon  étude  sur  la  vie  la  plus  ancienne  de  saint  Samson, 
j'avais  impartialement  fait  remarquer  que  la  forme  Guedianus, 
nom  du  chef  des  adorateurs  de  la  pierre  levée  en  Cornwall,  ne 
pouvait  guère  être  antérieure  au  ix-xe  siècle,  plus  exactement 
à  la  première  moitié  du  ixe  siècle  ',  et  qu'il  y  avait  là,  à  rien 
juger  que  par  les  manuscrits,  un  argument  en  faveur  de  la  thèse 
de  M.  Fawtier.  Mais  l'abbé  Duine  m'ayant  rappelé  que  la 
forme  Widianus  existait  dans  la  vita  secundo,  du  ixe  siècle,  j'en 
avais  conclu  que  les  manuscrits  dont  s'était  servi  l'auteur  de 
cette  vie  et  Baudry  2  même  étaient  plus  anciens  que  ceux  sur 
lesquels  repose  actuellement  \z  prima.  M.  Fawtier  déclare  tout 
net  que  le  rédacteur  de  la  secundo,  est  un  moine  neustrien  et 
qu'il  n'y  a  pas  à  tenir  compte  de  la  forme  Widianus,  les 
scribes  francs  contondant  constamment  gu  et  un.  Il  va  même 
plus  loin  :  s'emparant  de  la  chronologie  que  j'ai  indiquée 
pour  Guedianus,  il  y  voit  une  confirmation  de  sa  théorie. 

«  En  définitive,  si  l'on  doit  attacher  quelque  importance  à 
la  graphie  de  ce  nom,  nous  avons  le  fait  indiscutable  des 
17  manuscrits  de  la  rédaction  B  (rédaction  la  plus  ancienne), 
nous  ayant  conservé  le  passage  où  intervient  le  comte  cor- 
nouaillais,  qui  tous  l'appellent  Guedianus,  forme  qui  ne  peut 
être  antérieure  au  ix-xe  siècle  3.  » 

encore  conscience  du  sens  de  -amail,  mais  le  mot,  en  réalité,  est  devenu  un 
vrai  suffixe  :  irl. -moderne  :  tighearnmhail  (*tigeruo-saniali-),  impérieux, 
dominateur  (semblable  à  un  chef,  primitivement).  Notre  Tigernomalus,  dans 
ce  cas,  devrait  s'écrire  Tigernatnalus.  En  vieux  breton,  il  y  a  de  ces  com- 
posés :  Uur-hamàl,  Uuiu-hamal  (cart.  Redon);  cf.  Book  of  Lelandav  :  Gur- 
haval.  Hamal,  moyen  bret.  haval  était  usité  isolément  dans  le  sens  de  sem- 
blable, d'où,  par  conscience  étymologique,  la  conservation  de  h  intervoca- 
lique  pour  s.  Mais  il  est  fort  possible  qu'à  une  époque  plus  reculée,  dans  des 
composés  remontant  au  vieux  celtique,  s  ait  complètement  disparu.  Dans 
les  inscriptions  oghamiques  les  plus  anciennes  (v*  siècle),  il  n'v  a  plus  trace 
de  s  intervocalique. 

1.  L'exemple  le  plus  ancien  de  gn-  pour  un-  est  de  835  dans  le 
Cart.  de  Redon,  très  riche  en  noms  commençant  ainsi  :  Guor-gomed  ;  cf. 
834  Gulugan. 

2.  Baudry  a  pris  le  nom  dans  la  secunda. 

3.  Réponse,  p.  9. 

Revue  Celtique,  XXXIX.  2j 


322  /.  Loth. 

Je  vais  étonner  M.  Fawtier  en  lui  prouvant  qu'il  n'a  jamais 
été  plus  mal  inspiré  :  défaut  de  méthode,  absence  de  critique 
sur  le  texte  même,  conclusion  hâtive,  faussée  par  une  étude 
incomplète  de  la  question  en  cause  :  voilà  ce  qui  ressort  de 
son  argumentation  ;  en  un  mot  en  raccourci  les  principaux- 
défauts  de  sa  thèse.  Tout  d'abord,  l'accord  des  17  manuscrits 
prouverait  qu'ils  remontent  à  un  manuscrit  unique,  et  se  sont 
copiés  les  uns  les  autres.  S'ils  remontaient  à  des  sources  diffé- 
rentes et  donnaient  des  versions  indépendantes,  leur  accord 
sur  la  forme  du  nom  en  question  serait  plus  impressionnant 
et  l'argument  aurait  plus  de  poids,  sans  être  le  moins  du 
monde  décisif.  Or  M.  Fawtier  ne  nous  donne  qu'un  aperçu 
très  sommaire  de  ses  17  manuscrits;  il  n'a  pas  essayé  de  se 
rendre  compte  des  rapports  de  dépendance  où  ils  peuvent  se 
trouver  vis-à-vis  les  uns  des  autres  et  notamment  vis-à-vis  du 
manuscrit  de  Metz.  Ensuite,  si  la  forme  Guedianus  est  bien  du 
IXe  siècle,  il  ne  s'ensuit  nullement  que  la  vie  le  soit.  L'abbé 
Duine  lui  fait  remarquer  à  ce  propos  qu'il  pourrait  -tout  aussi 
bien  rejeter  au  ixe  siècle  (et  plus  sûrement  au  xe)  la  Vita  Colum- 
bani  de  Jonas  de  Bobbio,  mort  dans  la  deuxième  moitié  du 
vnc  siècle,  car  elle  mentionne  un  disciple  breton  appelé 
Gurgar,  forme  contemporaine  de  Guedian,  comme  Wrcar 
serait  une  forme  contemporaine  de  Widian  '.  La  critique  de 
son  propre  texte,  pour  ne  pas  dire  la  critique  des  textes  en  géné- 
ral si  nécessaire  cependant  en  hagiographie,  ne  paraît  pas 
préoccuper  M.  Fawtier,  comme  j'ai  eu  déjà  le  regret  de  le  cons- 
tater et  comme  j'aurai  encore  l'occasion  de  le  faire.  Mainte- 
nant la  forme  Guedianus  comme  la  seule  sincère  et  en  tirant 
argument  en  faveur  de  sa  thèse,  il  devait  se  demander  si  son 
texte  ne  recelait  pas  quelque  autre  exemple  de  ce  genre  de 
graphie.  Or,  il  y  en  a  un  au  chapitre  premier  du  livre  pre- 
mier, qui  prouve,  sans  conteste,  que  la  forme  sincère  est  non 
pas  Guedianus  mais  Wedianus.  On  y  lit  que  le  père  de  Samson, 
Ammon  est  d'une  famille  Demetienne  (Demetiano  ex  génère)  et 
que  sa  mère  Anna  est  originaire:  Dementia  (ms.  de  Metz); 
Deventia,  (9  mss.).  La  leçon  qu'il  faut  rétablir  est  Deuuentia, 

1.  Objections,  p.  176  et  note. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  323 

décomposer  en  :  de  Uuentia  :  elle  est  de  la  province  de 
Gwent  :  sur  ce  point  tout  le  monde  est  d'accord.  Ce  qui  a 
empêché  le  changement  de  Uuentia  en  Guentia,  c'est  que  les 
scribes  qui  ont  rajeuni  Wedianus  en  Guedianus  ont  pris  deuuentia 
pour  un  seul  "mot,  pour  un  nom  propre  Deuuentia  l.  J'espère 
que  M.  Fawtier  ne  se  croira  plus  obligé  désormais  de  soutenir 
contre  toute  vraisemblance  que  le  rédacteur  de  la  secundo,  est 
un  moine  neustrien.  On  ne  saurait,  en  effet,  suivant  l'expres- 
sion de  l'abbé  Duine,  commettre  une  erreur  plus  achevée  et, 
on  pourrait  ajouter,  moins  excusable.  «  Le  critique  oublie  que 
nous  avons  insisté  plusieurs  fois,  depuis  la  publication  dont 
il  présente  aujourd'hui  la  défense,  sur  le  caractère  entièrement 
dolois  de  la  secunda  et  il  oublie,  chose  plus  grave,  que  cette 
rédaction  de  la  seconde  moitié  du  ixe  siècle  aurait  été  écrite 
difficilement  à  Pental,  monastère  ruiné  et  ravagé  par  les  Nor- 
mands en  851  ».  Pour  saisir  l'origine  doloise  de  la  seconde 
rédaction  samsonienne,  il  suffit  de  remarquer  avec  quel  soin 
l'hagiographe  inscrit  le  nom  de  la  petite  rivière  qui  passe 
auprès  du  monastère,  et  la  légende  du  puits  de  la  cathédrale, 
et  l'étymologie  en  calembour  du  nom  de  la  localité.  Il  aug- 
mente le  nombre  des  miracles  dans  l'église  ou  dans  la  région 
de  Dol.  Il  insiste  sur  les  rapports  du  bienheureux  avec  la 
royauté  bretonne  et  sur  la  reconnaissance  de  la  métropole 
nouvelle  par  l'autorité  impériale  du  roi  de  Paris  ;  aussi,  c'est 
la  secunda  qu'a  suivie  le  poète  dolois  du  commencement  du 
Xe  siècle;  c'est  la  secunda  que  les  clercs  dolois  ont  répandue  dans 
leur  exil  ;  c'est  la  seule  qu'ils  aient  gardée  dans  leur  exil  ;  c'est 
celle  qu'a  retouchée  littérairement  l'archevêque  Baudry;  c'est 
celle  dont  les  manuscrits  se  rencontrent  à  la  périphérie  de  la 
Bretagne  2. 

Je  viens  de  faire  la  preuve  qu'il  a  existé  des  manuscrits  plus 
anciens  que  ceux  que  nous  possédons.  Je  signalerai  à  l'appui, 

1.  Il  faut  remarquer  que  pour  Ammon,  une  ligne  plus  haut,  on  lit  qu'il 
est  :  Demetiano  ex  génère  et  que  ex  manque  dans  6  mss.  Les  formes  correctes 
au  lieu  de  Demetia  et  Uuentia  seraient  :  Demetâ  ou  Denietâs  et  Uuentd  ou 
Uuentâs.  Gwent  représente  Venta.  La  forme  v.  gall.  Démet,  moyen  gall. 
Dyved  suppose  également  Demetâ. 

2.  Objection  p.  176. 


524  /•  Lotk. 

dans  la  table  des  chapitres  du  livre  premier,  le  nom  Preïannia 
(mieux  Pretania),  forme  très  archaïque  et  parfaitement  correcte 
du  nom  indigène  de  l'île  de  Bretagne  '.  Elle  a  été  évidem- 
ment prise  pour  un  barbarisme  par  les  scribes  de  nos  manus- 
crits et  remplacée  dans  le  corps  de  l'ouvrage  par  la  forme  cou- 
rante Britannia.  On  la  chercherait  en  vain  dans  le  Book  of 
Llandav  et  dans  les  Lives  of  Cambro-briîish  saints.  J'irai  plus 
loin  :  on  peut  affirmer  sans  trop  de  témérité  que  nous  ne 
possédons  pas  la  rédaction  primitive  dans  toute  sa  pureté. 
Dans  une  lettre  récente,  M.  l'abbé  Duineme  donne  les  raisons 
qu'il  a  lui  aussi  de  croire  à  une  rédaction  antérieure.  «  Je 
croirais  volontiers  que  l'amplificateur  du  vne  siècle  qui  a  fait 
son  travail  en  deux  fois  (la  deuxième  partie  n'est  qu'un 
sermo)  n'a  pas  développé  toutes  les  indications  qu'il  avait  sous 
les  yeux.  Ainsi  n'a-t-il  rien  dit  du  contrat  de  Saint-Germain- 
des-Prés  avec  Pental  (Vilasec.  lib.  2,  c.  10,  11),  contrat  qui 
devait  être  mentionné  dans  la  vita  primigenia,  car  le  synchro- 
nisme est  exact,  et  il  est  inouï  de  trouver  un  synchronisme 
exact  dans  les  vitœ  qui  ne  sont  pas  à  peu  près  contemporaines 
du  héros.  On  trouve  des  fautes  chronologiques  même  dans 
des  pièces  comme  les  Gesta  sanctorum  rolonensium.  Et  la  meil- 
leure preuve  que  l'Anonyme  s'est  lassé  dans  ses  efforts  de 
rédaction,  c'est  qu'il  n'a  pas  littérature  tout  ce  qu'il  avait  sous 
les  yeux,  par  exemple  la  mort  du  saint  (et  la  secunda  au  con- 
traire, n'a  pas  manqué  de  faire  le  morceau  que  la  primdawah 
négligé).  La  prima  annonce  la  destruction  de  4  serpents, 
mais  ne  s'arrête  à  peindre  que  le  cas  de  3  serpents.  'Évidem- 
ment l'auteur  faisait  du  développement  et  trouvait  que  c'était 
très  difficile.  Vers  la  fin  du  liber  I,  il  marche  plus  rapidement 
et  peut-être  en  quelques  endroits  ne  fait-il  que  reproduire  la 
notice  plus  brève  du  diacre  Henoc  ». 

Il  y  a  aussi  dans  la  rédaction  que  nous  possédons  des  traces 
évidentes  de  remaniements  et  d'interpolations.  Le  miracle  de 
la  colombe  envoyée  du  ciel,  se  posant  sur  la   tête  du  saint 

1.  Cf.  p.  Loth,  La  première  apparition  des  Celtes  en  Gante  et  (tans  l'île  Je 
Bretagne,  Revue  Celt.,  1922.  Deux  des  mss.  de  M.  Fawtier  seulement  donnent 
la  table  des  chapitres  qui  paraît  assez  altérée.  L'abbé  Duine  me  fait 
remarquer  :  ad  a  mores  pour  ad  Ammonem  (Fawtier,  Vie,  p.  93,  ligne  8). 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  32^ 

pendant  qu'on  l'ordonne  diacre,  est  reproduit  dans  le  récit  de 
l'ordination  épiscopale  dans  des  termes  parfois  absolument 
semblables,  mais  avec  de  curieuses  différences  :  le  narrateur 
a  voulu  mettre  un  peu  de  variété  dans  la  réédition  qu'il  en 
donne,  son  imagination  est  courte  :  je  mets  les  deux  textes 
en  regard  : 


-?>' 


LIB  I.  13  LIB  I.  44 

Vidit  sanctus  papa  una  cum  magis-  Omnes    ibi     adstantes    viderunt 

tro  Eltuto  columbam  avlilus  emissam  columbam    œlitus  emissam   vocem  s 

per  fenestram  sursum  apertam  des-  consuetam  reddere  atque  super  euni 

cendere  ■  et  super  Samsonem,  non  ut  tamdiu  immobiliter  stare  usquequo 

est  moris   avi,  fugitare  vel  volitare,  perfunctus  +  perfecte  est  atque  ordi- 

sed  semper  sine  ullo  penniculi  mo-  natus    episcopus,  non  ut  est  avibus 

tu,   discurrentibus  ubique  -  per  ecclè-  moris,  pro    adstantium   tumultu    et 

siam  ministris  immobiliter  stare.  pro  ministris  per  ecclesiam  discurren- 
tibus loco  movebatur. 

On  remarquera  que  le  miracle  de  la  colombe,  lors  de  l'or- 
dination épiscopale,  est  vu  par  tons  les  assistants.  Mais  il  s'en 
produit  aussitôt  un  autre,  qui  lui  n'est  vu  que  par  trois  privi- 
légiés (lib.  I,  44):  caillante  autemillo  ÇSamsone)  eodem  die  mis- 
sam  praesentibus  omnibus,  visumest  Dubricio  papae  et  duobus  egre- 
giis  monachis  quasi  igncin  de  ore  ac  naribus  erumpere  atque, 
quod  est  majus  omnibus,  ab  eo  die  quando  présbyter  fuit  usque  ad 
felicem  fiiiein  suum,  quando  missam  cantabat,  angeli  semper  Dei 
sancti  minisiri  altaris  ac  sacrifiai  apud  ipsitm  fiebant  oblatio- 
ncmque  cum  suis  manibus  illo  solo  vidente  frangebant . 

Ce  dernier  miracle  eût  été  à  sa  place  dans  le  récit  de  l'ordi- 
nation de  Samson  comme  prêtre  :  on  le  chercherait  en  vain 
dans  le  chapitre  qui  en  traite  (lib.  I,  15).  C'est  une  addition  ou 
transposition  évidente.  Le  miracle  de  la  colombe  en  revanche, 
y  est  rappelé  ;  quale  signum  quod  cœlitus  visum  est  quando  dia- 

1.  Manque  dans  texte  :  var.  descendere  dans  3  mss. 

2.  Var  undique. 

3.  Texte  :  vicevi  ;  var.  vocem. 

4.  Il  v  a  plusieurs  variantes  à  perfunctus  très  voisines  Tune  de  l'autre;  j'en 
cite  une  :  quoadusque  ordinatio  episcopalis  expleretur  atque  ita  ordinatus 
episcopus  est  (L.  M.).  Ce  sont  des  explications  de  perfunctus  est  qui  est  la 
bonne  leçon  :  cf.  lib.  I,  43  ;  perfuncto  itaque  ab  eis  seatiuliini  iiioreiu  inlegro 
episcopo. 


326  /.  Loth. 

conalus  accepit  officium,  laie  cl ia  m  quando  presbiteratus  functnrain 
accepit,  isdem  tantum  tribus  quibus  prius  fuerat  visum compa- 
rait. Il  est  plus  compliqué  lors  de  l'ordination  au  diaconat.  En 
effet,  tout  d'abord,  la  colombe  lorsqu'elle  se  pose  sur  la  tête 
de  Samson,  n'est  vue  que  de  Dubrice  et  Eltut.  Elle  n'est  vue  par 
trois  personnes  que  lorsqu'elle  se  place  sur  l'épaule  de  Dubrice 
pendant  qu'il  lève  la  main  pour  le  confirmer  diacre  '. 

Le  comte  Guedianus  ayant  prié  Samson  de  le  débarrasser 
d'un  serpent  qui  désolait  la  contrée,  Samson,  avec  un  seul 
compagnon,  se  rend  à  l'antre  du  serpent  sur  le  bord  d'un 
fleuve,  y  pénètre,  lui  jette  autour  du  cou  sa  ceinture  et  le 
précipite  d'une  grande  hauteur  en  le  condamnant  à  mort  au 
nom  de  Jésus-Christ.  Pour  reconnaître  ce  service,  le  comte 
fait  bâtir  un  monastère  près  de  l'antre  (lib.  I,  80).  Ce  miracle 
est  reproduit  dans  ses  principaux  traits,  dans  le  récit  de  la 
fondation  de  Pental.  Le  roi  Childebert,  qui  a  entendu  parler 
de  l'histoire  du  serpent  du  Cornwall,  et  qui  lui  aussi  voit  ses 
domaines  ravagés  par  un  serpent  également,  demande  à 
Samson  de  l'en  délivrer.  Celui-ci,  avec  deux  compagnons,  se 
rend  à  l'antre  du  monstre  situé  près  de  la  Seine  (Sigonam).  Il 
somme  le  serpent  de  venir  le  trouver,  lui  jette  son  pallium 
autour  du  cou,  l'entraîne  et  lui  ordonne  de  traverser  la  Seine 
et  de  se  cacher  sous  un  rocher.  Le  roi  reconnaissant  fait  édifier 
//;/  magnifique  monastère  à  l'endroit  où  Samson  avait  chassé  le  ser- 
pent (lib.  I,  58,  59).  Il  est  clair  que  le  nom  du  monastère 
devait  se  trouver  dans  la  rédaction  primitive. 

Il  y  a  aussi  d'évidentes  lacunes.  J'en  ai  signalé  une  impor- 
tante plus  haut  d'après  l'abbé  Duine.  Il  y  en  a  d'autres  si  on 
se  rapporte  à  la  secunda  2. 

1.  Et  non  solum  hoc,  sed  etiam  episcopo  manum  ad  firmandum  eum 
diaconem  super  eum  levante,  illa,  quod  est  mirabilius,  colurriba,  cxtitus,  ut 
jam  dixi,  emissa  in  scapulam  dexterte  ejus,  descendit  et,  ibi  constanter 
mansit  tamdiu  donec  officium  ab  episcopo  consummaretur  totum.  Hoc 
nemini  in  eccksia  admirabile  fuit  quippe  quia  non i ni  visibile  fuit  nisi  tan- 
tum episcopo  ac  magistro  supradicto  cl  uni  iiçicono  qui  calicem  tenebat.  Le  texte 
porte  levanlon  ;  var.  levante.  Au  lieu  de  ibi  le  texte  a  :  ibit  ;  aucune  variante 
n'est  cependant  indiquée.  (Lib.  3,  13).  Jam  dixi  est  à  noter. 

2.  Sur  la  valeur  de  la  secunda,  cf.  J.  Loth,  La  vie  la  plus  ancienne  de 
s.  S,  p.  2-3. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  327 

Eltut  joue  un  rôle  important  dans  la  formation  et  la  vie  de 
Samson.  On  s'attendait  à  voir  mentionner  sa  mort  peu  de 
temps  après  l'ordination  de  son  disciple  à  la  prêtrise  et  aussitôt 
après  son  passage  au  monastère  de  Piron,  en  tout  cas  avant 
son  élévation  à  l'épiscopat.  Il  disparaît  brusquement  de  la 
scène.  C'est  au  contraire,  aussitôt  après  que  Samson  enfant 
lui  a  été  confié,  que  l'hagiographie  nous  fait  le  récit  de  la  mort 
du  vieillard  accompagnée  de  circonstances  merveilleuses  (lib. 
I.  8)  :  il  tient  ses  renseignements  des  moines  du  monastère 
d'Eltut  où  il  nous  dit  avoir  été  lui  aussi  (ibid.  7). 

L'hagiographe  ne  mentionne  pas  davantage  la  mort  de 
Dubrice  qui,  il  est  vrai,  a  pu  avoir  lieu  après  l'émigration  de 
Samson. 

Les  redites  et  incohérences  de  la  vie,  les  lacunes  même, 
peuvent  être  mises  sur  le  compte  de  la  tradition  orale  dont  les 
méfaits,  chez  les  écrivains  les  plus  sincères,  ont  été  maintes 
fois  constatés  '. 

Mais  il  n'est  pas  moins  incontestable,  d'après  ce  qui  pré- 
cède, que  nous  ne  possédons  pas  la  rédaction  du  moine  de 
Dol,  vivant  dans  le  même  monastère  avec  le  vieillard  octogé- 
naire, neveu  de  Henoc,  dans  toute  son  intégrité.  Y! ancienneté 
de  la  Vie  n'en  est  pas  atteinte,  mais  je  ne  me  dissimule  pas 
que  son  autorité,  dans  une  certaine  mesure,  surtout  pour  des 
faits  d'importance  secondaire,  en  est  quelque  peu  diminuée. 

C'est  avec  une  singulière  disposition  d'esprit,  semble-t-il, 
que  M.  Fawtier  aborde  la  question  des  voyages  de  l'hagio- 
graphe aux  lieux  habités   ou  visités  par  Samson  en  Galles  et 

1.  La  mémoire  est  en  jeu  chez  celui  qui  rapporte  les  faits  soit  par  ouï- 
dire  soit  comme  témoin  oailaire,  et  chez  celui  qui  les  recueille  et  les  met 
par  écrit  ;  double  source  d'erreur,  même  si  les  souvenirs  sont  ri1  cents.  «La 
mémoire  même  la  plus  sûre  et  la  plus  tenace,  est  toujours  fuyante  par 
quelque  endroit  et  en  même  temps  invinciblement  créatrice.  Je  sens  que  je  serais 
fort  empêché,  à  l'heure  qu'il  est,  de  raconter  avec  fidélité,  les  choses  de 
mon  enfance  et  de  ma  jeunesse  et  les  faits  même  où  j'ai  été  le  plus  direc- 
tement et  le  plus  douloureusement  intéressé.  —  Tout  acte  de  la  mémoire 
altère  son  objet.  —  Personne  n'est  seulement  capable  d'écrire  avec  vérité 
sa  propre  histoire,  il  arrive  même  que,  de  très  bonne  foi,  nous  donnions 
successivement  de  notre  vie,  des  versions  différentes  ».  (Jules  Lemaître. 
Contemporains,  sixième  série,  p.  98-99.) 


328  /.   Loi  h. 

en  Çornwall.  On  dirait  qu'il  assimile  le  moine  de  Dol  à  un 
voyageur  moderne  partant  pour  un  voyage  d'exploration  à  la 
recherche  des  traces  d'un  personnage  depuis  longtemps  disparu, 
dont  le  souvenir  était  à  peu  près  complètement  effacé  :  tel  cer- 
tain jeune  savant,  intimement  connu  de  M.  Fawtier,  qui  n'a 
rapporté  de  son  expédition  dans  les  mêmes  contrées  que  des 
hypothèses  et  des  racontars  topographiques.  Les  conditions 
étaient  tout  autres  pour  l'hagiographe.  Les  relations  entre 
Dol  et  l'île  devaient  être  continuelles,  intimes.  Notre  moine 
n'allait  pas  à  l'aventure,  son  itinéraire  était  tout  tracé.  Il  n'al- 
lait pas  dans  un  pays  étranger  :  dans  l'île  bretonne  il  trouvait 
la  même  langue,  les  mêmes  mœurs,  des  traditions  et  souve- 
nirs communs,  de  communes  aspirations,  les  mêmes  habitudes 
religieuses. 

Bien  des  siècles  après,  les  rapports  ont  continué,  presque 
aussi  intimes  entre  l'Armorique  bretonne  et  le  Çornwall.  J'ai 
prouvé,  dans  la  Revue  Celtique,  d'après  un  document  officiel, 
qu'au  temps  même  de  Henri  VIII,  le  cinquième  de  la  popu- 
lation mâle  susceptible  de  payer  l'impôt  dans  la  Hundred  de 
Penwith,  était  originaire  d'Armorique. 

D'après  M.  Fawtier,  l'hagiographe  ne  nous  apprend  guère, 
en  dehors  de  quelques  traditions  folkloriques,  que  des  légendes 
topographiques  r.  Il  me  semble,  au  contraire,  que  ce  que  veut 
nous  faire  connaître  notre  Dolois,  est  suffisamment  précis.  Il 
n'est  pas  allé  en  Irlande,  quoique  les  relations  entre  ce  pays 
et  le  pays  de  Galles  fussent  faciles  et  continuelles.  Le  Sud  de 
Galles  avait  reçu  des  colonies  scotiques.  On  admet  comme  un 
fait  certain  l'immigration  dans  cette  zone,  vers  le  IIIe  siècle  de 
notre  ère  d'une  importance  fraction  de  la  tribu  des  Dési. 

La  Cell  Maine,  le  Mouiit  du  vieux  gallois,  plus  tard  Mynyw 
(Saint  David),  est  mentionné  fréquemment  dans  les  vies  des 
saints  irlandais.  La  vie  légendaire  de  saint  David  nous  l'y 
montre  en  lutte  avec  un  magus  et  satrapa,  Scotus  génère,  du 
nom  deBoia.  Certaines  inscriptions  oghamiques  où  paraissent 

i.  J'avais  pense  que  M.  Fawtier  mettait  en  doute  la  réalité  du  voyage  de 
l'hagiographe.  Il  me  fait  remarquer  qu'il  n'en  est  rien  (réponse,  p.  70). 
M.  Fawtier  est  vraiment  bien  indulgent  ;  s'il  a  affaire  à  un  faussaire,  pour- 
quoi l'admettre  ? 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Santson.  329 

des  noms  incontestablement  irlandais  prouvent  la  persistance 
au  v-vie  siècle  de  certains  éléments  de  cette  nation  ou  peut- 
être  des  établissements  nouveaux,  sporadiquement,  dans  le 
Sud  \  C'est  en  Galles  que  l'hagiographe  a  appris  qu'au  cours 
de  son  voyage  en  Irlande  Samson  avait  séjourné  in  arce  Etri  2. 
Suivant  une  suggestion  de  mon  ami  R.  I.  Best,  le  savant 
bibliothécaire  de  la  national  Library  de  Dublin,  j'ai  pu  l'iden- 
tifier avec  un  des  endroits  les  plus  célèbres  de  l'Irlande,  Dûn 
Ét(a)ir{Dûn  Ed(a)ir),  aujourd'hui  le  promontoire  de  Howth, 
à  l'extrémité  de  la  baie  de  Dublin.  Benn  Edair  est  également 
bien  connu  et  devait  désigner  plus  spécialement  le  sommet 
du  promontoire  {benn,  pointe).  Raith  Edair  est  également 
dans  le  voisinage. 

Dûn  Édair  répond  parfaitement  aux  données  de  la  Vita. 
L'arx  Etri  était  sur  les  bords  de  la  mer  ;  Samson  s'y  embarque 
et  retourne  dans  le  Sud  du  pays  de  Galles  vento  aquilone;  sa 
navigation  dure  deux  jours.  M.  Fawtier  veut  bien  avouer  qu'il 
est  très  probable  que  j'ai  raison. 

Passant  de  Galles  en  Cornwall,  Samson,  par  une  navigation 
heureuse  arrive  ad  monasterium  Docco  (var.  Doccovf)  \  Il  avait 
ses  raisons  pour  s'y  rendre.  Il  y  avait,  en  effet,  un  monas- 
tère du  même  nom  dans  le  Pays  de  Galles,  qui  a  subsisté  long- 
temps, le  souvenir  en  reste  encore  fort  clair  dans  le  nom  de 
deux  paroisses  :  Llan-Docha  Fawr  (Llan-dochau  le  Grand)  et 
Llan-docha  Fach  {Llan-dochau  le  Petit)  près  de  Cowbridge. 


1.  M.  Fawtier  remarquant  {Vie,  p.  40)  que  l'alphabet  qu'apprend  Samson 
contient  vicenas  eleas,  c'est-à-dire  vingt  kl  1res,  en  admettant  que  eleas  soit 
une  abréviation  d'ekmenta,  a  supposé  qu'il  s'agissait  de  l'alphabet  ogha- 
mique,  qui  comptait  20  lettres.  Il  n'est  pas  prouvé  que  cet  alphabet  ait 
compté  exactement  vingt  lettres  (John  Macneill,  Notes  on  ir.  ogh.  [user.  : 
Proc.  oftbe  roy.  Ir.  AC.  XXVII,  S.  C.  no  15)  ;  vicenas  comme  en  convient 
M.  Fawtier,  ne  signifie  pas  vingt  ;  eleas  pour  elementa  est  bien  risqué  : 
s'agirait-il  de  la  numération  par  vingt  ?  Eteas  rappelle  le  vieil- \x\-èle,  prière, 
incantation  (Windisch,  Tain  bô  Cûalngne,p.  344). 

2.  Etri,  avec  e  long,  remonte  à  une  forme  plus  ancienne  *Entri.  Le 
groupe  intervocalique  nt,  dans  les  inscriptions  oghamiques  les  plus  anciennes 
(ye  siècle),  est  réduit  àd.  Dans  les  inscriptions  bilingues  du  Pavs  deGalles, 
en  latin,  nt  réduit  est  écrit  t,  comme  plus  tard  en  vieil-irlandais. 

3.  Les  chartes  du  Bookof  Lhuiâav  mentionnent  comme  témoins  plusieurs 


330  /.  Lolh. 

Saint  Docco  était  abbé  et  évêque  d'après  les  Annales 
d'Ulster  à  l'année  472  :  quies  Docci  episcopi  sancti  abbatis  Brilo- 
num.  Le  monasterium  Doccovi  du  Cornwall  était  sans  doute  une 
filiale  du  monastère  gallois.  On  fait  généralement  débarquer 
saint  Samson  dans  l'anse  de  Padstow,  dans  l'estuaire  de  la 
Heyl  sur  la  côte  Ouest.  J'ai  montré  que  les  objections  de 
M.  Fawtier  à  cette  opinion  étaient  sans  valeur  '.  Ce  n'est 
pas  cependant  précisément  dans  l'anse  même  de  Padstow  que 
le  saint  débarque.  En  effet,  quand  il  se  décide  à  partir  pour 
l'Armorique  et  à  aller  s'embarquer  sur  la  côte  est,  il  laisse  son 
navire  au  monastère  où  il  a  abordé  2. 

Il  avait  simplement  remonté  un  bras  du  fleuve  qui  part  de 
la  rive  nord  de  l'estuaire  et  atteint  la  paroisse  de  Saint-Kew  ; 
il  est  navigable  jusqu'à  Amble  et  Penpont  ;  une  barque,  un 
coracle,  par  exemple,  pourrait  même  remonter  un  peu  plus 
loin.  Amble  esta  1  mille  3/4  de  l'église  actuelle  de  Saint- 
Kew  et  2  milles  deLanhoe  5.  Les  terres  même  du  monastère 
pouvaient  toucher  le  fleuve.  D'après  une  vie  de  saint  Petroc, 

abbés  du  monastère  de  St  Dochov  ou  Docguinn  (génitif  Docguinni,  Docu- 
nni ;  sur  ces  formes,  cf.  f.  J.  Loth,  La  vie  la  plus  ancienne  de  s.  S.,  p.  25)  ; 
p.  140  Eutigirn,  abbas  Docguinnî  ;  p.  145  Saturn  abbas  Dochou  ;  p.  147 
Sulgen  abbas  Docguinni  ;  p.  148  Sulgen  abbas  Docunni;  p.  149  Iudhurb 
abbas  Docunni;  p.  152  id.  ;  p.  175-8  ;  184-7  Saturn  abbas  Docunni  (id. 
p.  198,  196).  Un  Saturn  abbas  Docunni  signe  dans  deux  chartes  avec 
l'évêque  Trichanus  qui  paraît  avoir  vécu  au  vu Ie  siècle.  Du  temps  de 
l'évêque  Joseph  et  de  son  successeur  Herwald,  sacré  en  1049  et  mort  en 
1104,  iln'y  a  plus  d'abbé  ;  il  y  a  un  sacerdos  ouprêsbyter  :  p.  249  Tecguaret 
sacerdos  Docunni;  p.  258,  id.  ;  p.  261  (du  temps  de  Herwald).  Catguaret 
presbiter  s.  Docunni  ;  p.  272,  Iohannes  presbiter  S.  Docunni.  Docha  dans 
Llan-dochau  représente  une  prononciation  populaire  de  Dochau,  v.  gallois 
Dochou. 

1.  La  vie  la  plus  ancienne  de  s.  S.,  p.  22-24. 

2.  Lib.  I,  47  :  dimittens  (texte  dimittente,  var.  dinritteiis)  in  eodem  loco 
naveni  suant  ;  cf.  c.  46  :  audientes  autem  fratres,  quierant  in  hoc  loco  ;  deux 
lignes  plus  haut,  on  lit  :  ad  monesteriuin  quoi  vocalur  Docco...  felici  per<- 
irxil  ihnere.  Inutile  de  dire  que  M.   Fawtier  n'v  a  rien  vu. 

3.  A  ma  prière,  le  Rev.  Tho.  Taylor  avait  demandé  des  renseignements 
à  ce  sujet  à  son  confrère,  le  Rev.  J.  D.  Jackson,  vicar  de  Saint-Kew.  C'est 
la  communication  de  ce  dernier  que  j'ai  utilisée.  On  a  découvert  dans  le 
vicaraqe  même  de  Saint-Kew  une  fontaine  sacrée  (a  holy  welï),  ce  qui  en 
Cornwal  n'est  pas  sans  importance. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samson.  331 

conservée  dans  un  manuscrit  de  xv-xvie  siècle,  très  pauvre  en 
faits  précis,  Samson  aurait  séjourné  quelque  temps  dans  le 
voisinage.  Petroc  et  son  compatriote  cohabitent  quelque  temps. 
L'ermitage  de  Samson  était  situé  :  secus  littus  juxta  amnem 
Hailem  :  Hail,  au  moyen  âge  Heyl,  était  le  nom  que  portaient 
les  rivières  Camel  et  Alan  (Allen)  réunies  en  rencontrant  le  flot 
de  la  ;;w(Norris,  Comish  Dramasll,  p.  503). 

Echappant  un  moment  à  la  hantise  des  légendes  topographiques, 
M.  Fawtier  s'était  écrié  à  propos  du  monasterium  Docco  : 
«  voilà  une  précision  topographique  '  »  mais  après  de  labo- 
rieuses investigations,  il  est  allé  chercher  le  lieu  d'atterrissage 
du  saint  «  sur  la  côte  septentrionale  du  Devonshire,  non  loin 
d'Ilfracombe,  près  de  la  baie  de  Barnstaple,  où  commence  la 
grande  voie  naturelle,  suivie  aujourd'hui  par  la  ligne  du  chemin 
de  fer  Barustaple-Exeler  qui  mène  sur  la  côte  méridionale  presque 
exactement  en  face  de  la  région  de  Dol  2  ».  Ce  qui  achève  de 
déterminer  son  choix,  c'est  qu'il  y  a  là  une  petite  baie  portant 
le  nom  du  saint  :  Sampson's  Bay  :  «  c'est  là,  croyons-nous, 
qu'il  faut  chercher  le  lieu  d'atterrissage  de  saint  Samson». 
Voilà  M.  Fawtier,  à  son  tour,  victime  d'une  légende  topogra- 
phique ! 

Dans  sa  Réponse  p.  ro,  note  4,  M.  Fawtier  reconnaît  que 
dans  mon  identification  de  Docco  avec  Lanowe  près  de  Saint- 
Kew,  j'ai  philologiquement  raison,  mais  cette  fort  intéressante 
identification  se  heurterait  à  des  difficultés  topographiques.  «  En 
effet  de  Lanowe  à  Saint-Sampson  de  Golant,  où  M.  Loth 
s'accorde  avec  moi  >  pour  placer  le  lieu  d'embarquement  de  notre  saint 

1.  Vie,  p.   59. 

2.  Ibid.,  p.  60.  La  ligne  Barnstaple-Exeter  se  raccorde  à  Exeter  avec 
d'autres  lignes  plus  importantes. 

3.  L'étude  de  M.  Fawtier  n'est  pour  rien  dans  l'opinion  que  j'ai  émise  sur 
le  lieu  d'embarquement  du  saint,  pour  une  bonne  raison  :  c'est  qu'Un  y  a  rien 
{Vie,  p.  60-62).  Je  me  trompe  :  il  y. a  le  nom  de  la  paroisse  de  saint  Sampson 
sur  la  rivière  Fowey,  mais  c'est  encore  une  légende  topographique ,  J'ai  en 
revanche,  montré  que  V embouchure  de  la  Fotuey  est  très  vraisemblablement 
l'endroit  d'où  Samson  s'est  embarqué  pour  l'Armorique.  Au  xvie  siècle  au 
témoignage  de  Lelant,  le  trajet  considéré  comme  le  plus  court  du  Cornwall 
en  Armorique,  était  de  Fowey  au  passage  du  Four.  Le  souvenir  de  cet  évé- 
nement est  marqué  par  le  nom  de  la  paroisse  de  Saint-Sampson,  bien  connu 


332  /.  Lotb. 

pour  l'Armorique,  il  y  a  25  kilomètres  ',  une  petite  journée 
de  marche.  Or  la  Vita  indique  incontestablement  que  Samson 
fait  un  assez  long  voyage  pour  aller  de  Docco  à  son  lieu  d'em- 
barquement. C'est  pendant  ce  voyage  que  se  produit  le  miracle 
de  la  résurrection  du  jockey  dans  le  Pagiis  Tricurius  ;  le  texte 
s'exprime  ainsi  :  quadam  autem  die  cum  per  quendam  pagum 
quem  Tricurium  vocantdeambularetS\  Docco  est  Lanowe,  il  fau- 
drait que  l'hagiographe  fût  peu  au  courant  de  la  topographie, 
car  Lanowe  est  dans  le  Pagus  Tricurius  et  en  se  dirigeant  vers 
le  mare  austreum,  on  sort  du  Pagus  Tricurius,  après  10  km. 
de  marche. 

Comme  M.  Fawtier  semble  parler  sérieusement,  je  me 
résigne  à  faire  taire  ses  scrupules.  Il  ne  ressort  nullement  du 
texte  que  Samson  se  soit  proposé  de  se  rendre  en  droite  ligne, 
par  le  plus  court  chemin,  du  monasîerium  Docco  à  son  lieu 
d'embarquement.  L'expression  cum  deambularet  indiquerait  le 
contraire  :  il  n'a  pas  de  contrat  fait,  avec  délai  fixé  pour  le 
temps  du  voyage,  avec  une  entreprise  de  déménagement,  ou 
de  transports  :  il  voyage  avec  ses  propres  impedimenta,  assez 
sérieux  pour  s'opposer  à  une  marche  rapide  :  un  plaustrum 
pour  :  spiritualia  utensilia  sua  atque  voJumina  :  une  voiture 
apportée  d'Irlande  attelée  de  deux  chevaux  2.  Il  faut  y  ajouter 

par  le  roman  de  Tristan.  La  demeure  du  roi  Marc,  Lancien,  est  dans  cette 
paroisse,  et  c'était  à  l'église  de  Saint-Samson  que  Iseut  et  Marc  allaientfaire 
leurs  dévotions.  En  face,  de  l'autre  côté  de  la  rivière  est  Sains-Winnow  ; 
dans  le  voisinage  sont  des  paroisses  portant  le  nom  de  Meiven  et  Austole, 
deux  compagnons,  dit-on,  de  Samson,  honorés  aussi  en  Armorique.  Si 
l'hagiographe  ne  mentionne  pas  ces  lieux,  c'est  indirectement  une  preuve 
de  l'antiquité  de  ces  sources.  Les  paroisses  portant  les  noms  de  ces  saints 
n'étaient  pas  encore  établies  ou  ne  leur  étaient  pas  encore  dédiées  (La  vie  la 
plus  ancienne  de  s.  S.,  p.  28).  Le  nom  de  la  paroisse  de  Saint-Sampson  con- 
serve le  souvenir  d'un  fait  historique  ;  c'est  tout  le  contraire  d'une  légende 
topographique.  Dans  les  gloses  comiques  à  Smaragdus,  gloses  du  ix<=  siècle, 
au-dessus  de  pleps,  le  glosateur  a  écrit  Galant. 

1.  De  Lanowe  à  Saint-Sampson  (via  Bodmiu  ;  M.  Fawtier  ne  précise  pas), 
il  y  a,  m'écrit  le  Rev.  Tho.  Taylor,  17  milles  1/2.  Il  faut  en  compter 
3  de  plus,  c'est-à-dire  20  milles  12  jusqu'à  l'embouchure  de  la  rivière 
Fowey. 

2.  Ce  détail  n'est  pas  sans  intérêt.  L'auteur  aurait  pu  en  faire  état,  sans 
cloute  avec  d'autres,  pour  corser  le  récit  du  voyage  en  Irlande. 


La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Samsoti.  333 

les  bagages  de  ses  compagnons.  Divers  accidents  ont  pu 
ralentir  sa  marche,  l'obliger  à  plus  d'un  détour.  Il  n'a  pu,  par 
exemple,  se  soustraire  à  une  oeuvre  d'apostolat,  comme  le 
renversement  de  la  fameuse  idole  et  la  conversion  de  ses 
adorateurs.  C'est  après  cet  exploit  qu'il  détruit  le  serpent  qui 
dévastait  le  pavs  ;  un  monastère  est  construit  près  de  l'antre 
du  serpent  et  Samson,  pendant  la  construction,  séjourne 
quelque  temps  dans  l'antre  même  (Lib.  I,   50,  51,  52). 

(A  suivre.)  J.  Loth. 


TANNOIALUM 


Sans  prétendre  à  être  complet,  Auguste  Longnon  a  recueilli 
un  assez  grand  nombre  de  noms  de  lieu  terminés,  sous  leur 
forme  la  plus  ancienne,  en  -oialum,  et  dont  le  premier  terme 
est  manifestement  emprunté  au  règne  végétal  :  Aballoia- 
lum  «  pommeraie  »,  Cassanoialum  «  chênaie  »,  Lemoia- 
lum  «  ormaie  »,  Vernoialum  «  aunaie  »,  etc.  '.Je  crois 
pouvoir  ajouter  à  cette  série  un  type  *Tannoialum,  dont  le 
sens,  plus  que  vraisemblable,  doit  être  «  chênaie  »,  du  radical 
tann-,  commun  au  celtique  et  au  germanique2. 

De  l'existence  de  ce  type  onomastique  on  trouve  au  moins 
deux  témoignages  assurés  : 

I.  —  Dans  le  département  de  la  Haute-Loire,  arr.  du  Puy, 
canton  de  Vorey,  commune  de  Saint-Pierre-Duchamp,  un 
hameau  porte  le  nom  de  Tanai'ts.  Les  anciennes  formes  rele- 
vées dans  le  Dict.  topogr.  de  ce  département3  sont  les  sui- 
vantes :  Tanoiyolh,  13  n  ;  Tanneol,  13 14;  Tanneyol,  1325; 
de  Tanolio,  1406;  Taneoux,  Tannoux,  1500;  Taneaux,  1522; 
Tanayoux,  1695  ;  Tanahits,  1820. 

Une  grande  analogie  se  remarque  entre  l'évolution  de  ce 
nom  de  lieu  et  celle  du  hameau  de  Couteaux,  commune  de 
Lantriac,  canton  de  Saint-Julien-Chapteuil,  arrondissement 
du  Puy,  pour  lequel  le  Dict.  top.  donne  les  formes  suivantes  : 
de  Coltejolo,  v.  970;  villa  que  dicitur  Coltigido,  villa  Cultiguli, 
v.  1100;  Villa   de  Coytcol,    1280;    Couteyol,    1283  ;    Couteol, 

1.  Les  noms  de  lieu  de  lu  France  (Paris,  1920),  p.   65-71. 

2.  Cf.  J.  Loth,  dans  Rev.  Ceit.,  XXIX,  71. 

3.  Rédigé  par  Chassaing,  complété  et  publié  par  Jacotin,  1907. 


*Tannoiaîum.  335 

Cotuols,  1389;  Couteual^,  1455;  Couteal^,  1522;  locus  de 
Coutellis,  1525  ;  Coteaulx,  1544  ;  Couteaulx,  1547. 

Couteaux  a  certainement  le  même  type  étymologique  que 
Couteuges,  commune  du  canton  de  Paulhaguet,  arrondisse- 
ment de  Brioude,  nom  pour  lequel  on  trouve,  dans  le  cartu- 
laire  de  Brioude,  Cullolole,  et  ailleurs,  plus  récemment,  Coul- 
teughol,  1379,  etc.  ;  finalement  Couteuge  en  1720.  Les  auteurs 
du  Die  t.  topogr.  ont  relevé  Couteuges,  mais  non  Couteaux  et 
Tanaiis,  dans  la  liste,  très  incomplète,  qu'ils  ont  donnée  des 
représentants  actuels  du  suffixe  celtique  -oialos1. 

IL  —  Thénioux,  dans  le  département  du  Cher,  arrondisse- 
ment de  Bourges,  canton  de  Vierzon-ville,  figure  dans  un  di- 
plôme du  roi  Charles  le  Chauve,  non  daté,  mais  probablement 
de  833,  où  il  est  question  de  la  forêt  voisine,  appelée  silvani  de 
villa  Tanologio.  Ce  diplôme  n'est  connu  que  par  la  transcrip- 
tion qu'en  donne,  au  fol. 2,  le  cartulaire  de  Vierzon  (Bibl.  Nat., 
lat.  9865),  exécuté  vers  1155  2.  De  là  provient,  par  l'intermé- 
diaire d'une  copie  de  Dom  Estiennot,  l'édition  donnée  par 
Mabillon,  Acla  sanctorum  ordinis  S.  Benedicti,  sasc.  IV,  pars 
2,  p.  160.  Mabillon  a  lu  à  tort  :  VilJa-Canologio.  Le  même 
cartulaire  contient  un  acte  de  1052,  où  l'église  de  Thénioux 
est  appelée  ecclesia  Tanogilensis.  Des  textes  plus  récents  donnent 
Tenuiî,  1210;  Taneolum,  1213  ;  Tenoliuin,  1245  ;  Teneo,  1462, 
etc.  3.  Il  est  certain  que  la  forme  Tanologio,  du  di-plôme  de  843, 
est  due  à  une  métathèse  graphique  ;  cette  étourderie  se  trouve 
dans  le  même  acte  pour  le  nom  de  Mareuil-sur-Arnon,  énoncé 
Marologio.  Est-ce  le  scribe  du  diplôme  original  qui  en  est  res- 
ponsable, ou  celui  du  cartulaire  de  Vierzon  ?  La  question  est 
insoluble.  Toujours  est-il  que  cette  métathèse  apparaît  dans 
d'autres  actes,  dès  le  xe  siècle.  Ainsi  pour  Vouneuil-sur- 
Vienne,arr.  de  Châtelleraut,à  côté  des  formes  normales  Vode- 
nogilo,  909,  Vodonogilo,  v.  942,  nous  avons  Vodonolo^ium,  v. 
960.  Pour  Vouneuil-sous-Biard,  canton    sud  de  Poitiers,  les 

1.  Introd.,  p.  iv. 

2.  Article  de  M.  Jacques  de  Font-Réaulx,  dans  les  Mèm.  de  ta  Soc.  des 
Antiq.  du  Centre,  38e  vol.,  1919,  p.  17. 

5.  Dict.  top.  du  Cher,  par  H.  Boyer  et  R.  Latouche,  article  en  placards, 
dont  je  dois  la  communication  à  mon   confrère  Latouche. 


336  A.    Thomas. 

scribes  hésitent  entre  Voginolio,  9(89,  Vodonolio  et  Vonoîcgio,  988- 
103 1  '.  Marvejols,  chef-lieu  d'arrondissement  de  la  Lozère,  n'est 
mentionné  qu'au  xic  siècle.  Dans  un  acte  daté  de  1060,  mais 
dont  nous  n'avons  qu'une  copie  de  la  main  de  Dom  Chantelou 
(mort  en  1664),  on  lit  :  dono  villam  mcam  qnae  vocatur  Mai- 
rogal  ;  dans  un  acte  non  daté,  mais  qui  est  de  la  même  époque, 
on  trouve  :  in  Maroiulio2,  et,  quelques  lignes  après,  apparaît 
la  forme  purement  romane,  Maroiol  5.Plus  récemment,  Maro- 
logium  est  la  seule  forme  latine  qu'emploient  les  documents 
officiels  4. 

Revenant  maintenant  à  la  désinence  de  Thénioux,  je 
remarquerai  qu'elle  est  celle  du  nom  d'une  commune  de  la 
Creuse,  Mourioux,  canton  de  Bénévent-l'Abbaye,  arrondis- 
sement de  Bourganeuf  :  le  cartulaire  de  Bénévent  (entre  1080 
et  1125)  flotte  entre  les  formes  Moriogilo  et  Moriolo  5.  Un 
hameau  du  même  départemental,  dont  le  nom  s'écrit  aujour- 
d'hui Boissieux  (canton  de  Chàtelus-le-Marcheix,  arrondisse- 
ment de  Bourganeuf)  est  ordinairement  appelé  Boissioux  aux 
xviie  et  xvin0  siècles  :  c'est  certainement  un  représentant  du  type 
bien  connu  Buxoialum,  pour  lequel  Longnon  ne  cite  que 
Bnxcuil  (Aube,  Vienne)  et  Bisseiiil  (Marne),  mais  qui  se  trouve 
aussi  dans  BoisseitiJ  (Haute- Vienne)  et  dans  Busseau-d Ahun, 
station  de  chemin  de  fer,  c"e  d'Ahun  (Creuse). 

En  terminant,  je  tiens  à  mettre  le  lecteur  en  garde  contre 
le  rattachement  du  nom  inexpliqué  de  la  variété  de  chêne  dite 
lait~jn  6  au  radical  tann-,  que  je  crois  reconnaître  dans  Tanaiïs 


1.  Dicl.  top.  tic  la  Vienne,  par  Rédet. 

2.  Et  non  Marojulia,  comme  il  est  dit  dans  une  Notice  historique  sur  la 
ville  de  Marvejols,  signée  :  L.  Denisy  (Bull,  de  la  Soc.  d'agriculture...  delà 
Lo%ère,t.  XXIV,  2e  partie,  1873,  p. 64). 

3.  Bibl.  nat.,lat.  13845,  f.  36  et   37  v°. 

4.  Cf.  un  testament  du  18  mars  1256  (anc.  st.),  où  on  lit  :  apud  Maro- 
logium  (Bull,  cité,  p.  14^)  et  un  acte  de  décembre  126s,  où  on  lit  :  super 
Castro  de  Marologio  (Layettes  du  Trésor  des  Chartes,  n°  5 126,  t.  IV,  p.  164- 
165). 

5.  A.  Lecler,  Dict.top.,  archèol.  et  hist.  de  la  Creuse,  p.  462. 

6.  Littré  donne  tau%e  à  côté  de  taurin  ;  c'est  une  forme  sans  réalité.  Il 
a  aussi  un  article  taussin  «  un  des  noms  vulgaires  du  chêne  cerris,  à 
Mantes,  Beau  vais,   etc.  »  ;  c'est  une  altération  graphique,   sans  valeur  éty- 


Tannoialum.  337 

et  Thénioux  l.  Le  mot  tannin  est  originairement  gascon  2,  et  je 
ne  crois  pas  qu'il  soit  possible,  sans  violenter  la  phonétique, 
de  le  tirer  du  radical  tann-. 

Antoine  Thomas. 

mologique,  mais  qui  doit  quelque  lustre  à  sa  présence  dans  Littré  (Cf.  la 
note  2,  ci-dessous). 

1.  Et  peut-être  aussi  dans  Theneuil  (Indre-et-Loire)  et  Theneuille  (Allier) 

2.  Cf.  Rolland,  Flore  pop.,  X,  176-178.  Les  textes  du  moyen  âge 
écrivent  taitsin  et  (dans  la  région  béarnaise)  tausii.  Il  est  curieux  de  consta- 
ter que  Lespy  et  Raymond,  dans  leur  Dictionnaire  béarnais,  traduisent  par 
«  taussin  »,  comme  si  ce  tanssin  de  mauvais  aloi  (cf.  la  note  6,  ci-dessus, 
p.  336)  était  un  mot  du  français  commun. 


Revue  Celtique,   XXXIX. 


CHRONIQUE 

DE 

NUMISMATIQUE     CELTIQUE 


Après  une  interruption  de  huit  années  ',  je  reprends  ce 
travail  de  bibliographie  critique,  qui  a  paru  de  nature  à 
rendre  quelques  services,  et  je  tiens  à  remercier  d'abord  les 
directeurs  de  cette  revue,  qui  ont  bien  voulu  se  souvenir  de 
ma  collaboration  déjà  ancienne. 

Au  début  de  cette  chronique,  je  signalerai  un  ouvrage 
général,  dont  la  première  partie,  publiée  de  1867  à  1878,  servit 
longtemps  de  guide  à  ceux  qui  étudiaient  les  monnaies  cel- 
tiques. Les  fascicules,  récemment  publiés,  contiennent  de 
nombreuses  indications  de  provenances  de  monnaies  gauloises, 
particulièrement  dans  le  5e  fascicule  du  tome  second2.  Mais 
plusieurs  de  ces  mentions  ont  fort  peu  d'intérêt,  à  cause  du 
manque  de  précision  des  renseignements.  Exemple  :  «  Saint- 
Denis,  canton  de  Sens.  En  185e,  à  Sainte-Colombe,  dans  le 
jardin  de  l'ancienne  abbaye,  l'abbé  Brûlée  a  recueilli  une 
monnaie  gauloise,  fruste,  en  bronze.  »  On  pourrait  faire 
encore  un  autre  reproche  à  la  publication,  où  le  continua- 
teur a  voulu  évidemment  se  borner  à  terminer  l'œuvre,  en 
s'arrêtant  à  peu  près  à  la  même  date  pour  l'ensemble.  Ce  plan 
est  admissible.  Mais  il  eût  fallu  s'y  tenir  et  s'abstenir  de  citer 
des  publications  de  1904,  1906  et  1907  5,  alors  que  d'impor- 

1.  Les  six  premières  chroniques  ont  paru  dans  cette  revue  de  1907  à 

I9I3- 

2.  Dictionnaire  archéologique  de  la  Gaule  (continué  par  Emile  Cartailhac). 

Paris,  1921,  p.  489  à  648  (Saint-Cézaire  à  Soumensac). 

3.  P.  536,  572,  581,  et  d'autres  encore.  —  Je  ne  veux  pas  écrire  ces 
lignes  de  critique, qui  paraissent  entièrement  à  l'adresse  d'un  bon  travailleur, 


Chronique  de  numismatique  celtique.  339 

tants  travaux,  parus  dans  la  même  période,  ont  été  laissés  de 
côté. 

M.  J.  Loth  a  repris  l'étude  du  mot  arcantodan  qui,  comme 
on  le  sait,  est  inscrit  sur  des  monnaies  des  Meldi,  des  Medio- 
matrici  et  des  Lexovii,  et  dont  Charles  Robert  avait  assimilé  la 
dernière  syllabe  au  mot  dan,  équivalent  de  Judex  dans  le 
glossaire  d'Endlicher.  M.  Loth,  tout  en  citant  l'irlandais  dan, 
quia  les  sens  de  «  talent  »,  «  aptitude  »,  «  profession  », 
n'oublie  pas  le  terme  danniis,  associé  à  un  nom  bien  gaulois 
dans  une  inscription  de  la  région  de  Sarrelouis  (C.I.L., 
t.  XIII,  n°  4228  :  per  dannum  Giamillnm),  et  qui  paraît  bien 
indiquer  un  fonctionnaire.  Le  sens  peut  donc  être  tenu  pour 
certain.  Arcanto  doit  être  traduit  par  un  sens  général  de 
«  monnaie  »,  bien  que  ce  soit  le  mot  vieux-celtique  dont  le 
sens  est  argent  ' . 

V Arcantodan  peut  être  le  personnage  chargé  de  surveiller 
la  fabrication  de  la  monnaie  et  cette  monnaie  n'est  pas  néces- 
sairement d'argent.  De  même,  C.  Asinius  Gallus,  à  Rome, 
sous  Auguste,  prend  le  titre  de  triumvir  monétaire  pour  les 
trois  métaux,  bien  qu'il  n'ait  frappé  que  des  espèces  de 
bronze. 

La  question  du  portrait  de  Vercingétorix  a  été  reprise  par 
un  écrivain  qui  accepte  l'hypothèse  affirmative2.  Mais  il  fau- 
drait au  moins  connaître  la  bibliographie  de  la  question.  Cet 
article  n'apporte  rien  de  nouveau,  pas  plus  qu'un  autre  con- 
sacré à  l'explication  des  types  dits  de  Pavor  et  de  Pallor,  sur  les 
deniers  de  L.  Hostilius  Saserna.  Des  travaux  littéraires  de  ce 
genre  alourdissent  la  science  dans  sa  marche,  au  lieu  de  l'aider 
à  progresser. 

Je   citerai  aussi    un  travail  qui  touche  à   la  numismatique 


resté  sur  la  brèche  jusqu'à  son  dernier  soupir  :  Le  travail,  dont  on  lui  avait 
confié  l'achèvement,  aurait  dû  certainement  dépasser  les  bornes  qu'on  dési- 
rait lui  donner  en  1904. 

1.  J.  Loth,  le  gantois  «  Arcantodan  »,  te  nomde  l'argent  che%  les  Celtes,  dans 
Rev.  éludes  anciennes,  t.  XXI,   1919^.263-269. 

2.  G.  Pierfitte,  Le  portrait  numismatique  de  Vercingétorix,  dans  Bull. 
Soc.  Archéol.  du  Midi  de  la  France,  nouvelle  série,  n°44,  1914-191 5,  p.  47 
à  56,  pi.  I  (bas). 


340  A.  Blanchet. 

armoricaine,  car  l'auteur,  reprenant  le  texte  de  Lucien,  a  conclu 
en  faveur  du  dieu  Ogmius1.  Il  trouve  que  la  figure  allégo- 
rique des  chaînes,  réunissant  des  petites  têtes  autour  d'une 
plus  grande,  s'accorde  avec  ce  que  nous  connaissons  de  l'art 
gaulois.  Je  crois  que  la  question  reste  obscure. 

M.  R.  Forrer  2  est  revenu  sur  la  question  de  l'analyse  des 
monnaies  celtiques,  d'après  les  résultats  obtenus  par  le  Dr  C. 
Virchow.  Il  s'agit  en  particulier  du  potin.  On  voit,  d'après  le 
tableau  publié,  que  le  cuivre,  l'étain,  l'antimoine,  l'arsenic, 
le  plomb,  l'argent,  le  zinc,  le  nickel  et  le  fer,  se  rencontrent 
à  des  doses  variables  dans  beaucoup  de  pièces  de  l'alliage  dit 
potin;  mais  le  cuivre,  l'étain  et  le  plomb  forment  la  base  de 
cet  alliage. 

Ces  recherches  ont  toujours  quelque  intérêt.  Mais  il  faut, 
en  les  présentant,  tenir  compte  de  l'état  probable  de  la  métal- 
lurgie aux  époques,  souvent  troublées,  qui  ont  donné  nais- 
sance à  des  émissions  monétaires  précipitées. 

Si  le  Lacydon  était  le  port  de  Massalia  pour  les  contempo- 
rains de  César,  est-il  possible  que  ce  nom  ait  désigné  vrai- 
ment le  port  dès  l'origine  ?  Les  petites  monnaies,  qui 
portent  le  nom,  ont  une  tête  de  jeune  dieu  cornu  :  M.  Camille 
Jullian  remarque,  à  juste  titre,  que,  dans  l'antiquité,  les 
ruisseaux  et  fleuves  sont  ainsi  figurés.  «  Lacydon  a  dû,. par 
conséquent,  être  primitivement  le  dieu  du  ruisseau  sacré,  de 
la  source  sainte  où  s'alimentait  Marseille  »  et  ce  ruisseau 
serait  celui  de  la  «  Pierre  qui  rage  »(=  coule)  5.  Cette  hypo- 
thèse est  bien  séduisante. 

On  a  cru  reconnaître  la  clochette  ou  sounaio  au  cou  d'un 
taureau  représenté  sur  une  monnaie  des  Volques  Areco- 
miques  et  cette  remarque  a  porté  à  croire  que  ce  peuple  aurait 

i.  Friedrich  Koepp,  dans  Bonner  Jahrbûcher,  f.  125,  1919,  p.  38  à73,fig. 
de  ni. 

2.  Berïiner  Mûn^blâtter,  t.  XXXIV,  11°  140,  août  191 3,  p.  651  à  656. Le 
même  auteur  avait  déjà  signalé  les  résultats  des  analyses  dans  hZeitschrift 
/.  Ethnologie,  t.  XLI,  1909,  p.  458-462.  Sans  s'attacher  aux  quelques  lignes 
que  j'ai  consacrées  à  la  question  dans  le  Manuel  de  Numism.  française 
(t.  Ier,  1912,  p.  5),  on  pourrait  relire  les  pages  42  à  44  de  mon  Traite  des 
monnaies  gauloises  (1905),  qui  renferment  des  rapprochements  utiles. 

3.  Académie  des  [user,  et  b.-lettres,  Comptes  Rendus.  1921,  p.  76. 


Chronique  de   numismatique  celtique.  341 

transformé  le  type  massaliète1.  Pour  être  précis,  disons  que 
cette  imitation  fut  très  répandue  en  Gaule  dans  la  première 
moitié  du  premier  siècle  avant  notre  ère. 

Gabriel  Amardel,  mort  il  y  a  peu  d'années,  étudiant  des 
monnaies  trouvées  à  Montlaurès  2,  a  remarqué  particulière- 
ment un  groupe  de  8  exemplaires  d'une  imitation  de  l'obole 
de  Massalia  (avec  MA  et  fleuron)  3  et  1 1  exemplaires  d'une 
obole  à  la  croix,  cantonnée  d'un  croissant  les  pointes  en  dedans 
aux  1,  2  et  4,  et  d'une  hache  dans  le  3e  canton. 

Pour  le  regretté  Amardel,  ces  pièces  en  nombre,  trouvées 
dans  les  fouilles  d'un  oppidum  si  voisin  de  Narbonne,  indi- 
quent que  nous  avons  plusieurs  des  premières  monnaies  de 
cette  cité,  qui  se  trouvait  entre  Rhoda  et  Massalia  et  qui  dut 
par  conséquent  imiter  le  numéraire  de  ces  deux  ports  4. 

M.  H.  Rouzaud,  à  propos  d'un  trésor  de  deniers  de  la 
République  romaine,  découvert  en  191 6,  à  Peyriac-de-Mer 
(Aude),  s'est  trouvé  amené  à  étudier  de  nouveau  le  trésor  de 
Bompas  (à  6  klm.  de  Perpignan)  5,  qui  contenait  650  mon- 
naies gauloises  à  la  croix  et  13  deniers  de  la  République,  dont 
le  plus  récent  serait  celui  du  monétaire  P.  Satrienus,  dont  on 
a  placé  l'émission  vers  74  av.  J.-C.  é.  M.  Rouzaud  est  porté  à 
croire  que  ces  cachettes  doivent  être  contemporaines  de  la 
guerre  de  Sertorius  et  des  répressions  exercées  ensuite  par 
Pompée  7  et  Fonteius.  Cette  hypothèse  est  plausible  et  devien- 
drait très  vraisemblable  si  d'autres  dépôts  contemporains 
étaient  encore  signalés. 


*&' 


1.  Ed.  Bret,  dans  Rhodania,  1919,  p.  45,  n°  53. 

2.  J'ai  déjà  parlé  de  ce  gisement  monétaire  dans  ma  cinquième  chro- 
nique, publiée  en  191 1. 

3.  J'en  ai  donné  un  exemplaire  au  Cabinet  de  France  (Voy.  mon 
Traité  des  monnaies  gauloises,  1905,  p.  241). 

4.  Bull,  delà  Commission  archéol.  de  Narbonne,   1916,  p.  1  à  17. 

5.  Bull,  de  la  Commission  archéologique  de  Narbonne,  1921,  p.    176  à  178. 

6.  J'avais  déjà  démontré  que  ce  trésor,  contenant  deux  deniers  de 
C.  Valerius  Flaccus  (dont  la  conservation  était  excellente),  devait  avoir 
été  enfoui  peu  de  temps  après  83  av.  J.-C.  {Bull.  Soc.  des  antiq.  de  France, 
1911,  p.  133  et  134,  et  ma  chronique  de  numism.  celtique,  publiée  en 
1911). 

7.  J'avais  déjà  indiqué  cette  explication. 


342  A.  Blanchit. 

Au  cours  de  travaux  exécutés  dans  la  commune  de  La 
Tronche,  près  de  Grenoble,  au  Pré  Marguin,  on  trouva,  en 
191 1,  un  vase  de  terre  grise  contenant  une  soixantaine  (?)  de 
pièces  d'argent,  qui  appartenaient  surtout  aux  séries  Ialikovasi 
et  Kasios,  avec  la  tête  laurée  et  la  tête  de  cheval.  Deux  pièces 
seulement  portaient  le  bouquetin  et  il  y  avait  aussi  sept 
oboles  de  Massalia,  de  bon  style,  par  conséquent  anciennes. 
Les  pièces  recueillies  ont  été  étudiées  soigneusement  par  M. 
Millier,  bibliothécaire  de  l'École  de  Médecine  de  Grenoble, 
qui  a  constaté  que  les  espèces  à  la  légende  Ialikovasi  étaient 
plus  légères  et  plus  usées  que  les  pièces  Kasios  '. 

A  la  Société  bourguignonne  d'Histoire  naturelle  et  de  pré- 
histoire, M.  Ernest  Bertrand  a  présenté  des  monnaies  gau- 
loises de  la  région  de  Dijon,  en  s'attachant  plus  particulière- 
ment à  celles  qui  représentent  un  sanglier  et  dont  le  rappro- 
chement n'est  pas  sans  intérêt  2. 

M.  A.  Changarnier  a  donné  une  édition  développée  de  sa 
note  relative  au  dépôt  de  monnaies  celtiques  de  bronze, 
découvert  à  Siaugues-Saint-Romain  >.  Je  ne  saurais  accepter 
la  plupart  des  comparaisons  et  des  attributions  de  M.  Chan- 
garnier ;  mais  le  grand  âge  de  l'auteur  m'interdit  d'entrer 
dans  une  polémique  inutile  4.  Pour  l'essentiel,  je  renvoie  à 
ce  que  j'ai  écrit,  ici,  6111913. 

Dans  la  propriété  de  La  Meilleraie  (canton  de  Pouzauges, 
Vendée),  un  vase  de  terre  contenait  des  monnaies  de  bronze 
avec  les  légendes  Viretios  (15),  Viretios  déformé  (130  dont  2 
avec  le  cheval  ailé),  Virt  (85),  Contoutos  (60),  Atectori  (70), 
Sact  (2  ex.  très  usés),  Dr  do  ri  (2  ex.  beaux),  Vandelos  (1  ex. 
beau),  Conno-Epillos  (1  fruste),  Andugovoni  (1  assez  usé), 
quelques   pièces   anépigraphes,  et  une  à  l'autel  de  Lyon,  de 

1 .  Un  petit  trésor  de  monnaies  gauloises  associées  à  quelques  oboles  marseil- 
laises, de  La  Tronche  {Isère),  dans  Bull,  société  dauphinoise  d'ethnologie  et 
d'anthropologie,  1913-1919,  n°  4  (Extr.,  9  p.,  fig.). 

2.  Le  Bien  public  de  Dijon,  31  décembre  1920. 

3.  Monnaies  des  Boiens  de  la  Germanie  ;  Trésor  de  S.-S.-R.  (Haute-Loire), 
Dijon,  1914,  in-8°,  18  p.,  1  pi. 

4.  Je  note  seulement  les  sic  dont  l'auteur  émaille,  —  sans  indulgence  à 
l'égard  de  confrères  du  Centre,  —  un  texte  qui  en  mérite  peut-être  davan- 
tage. 


Chronique  de  numismatique  celtique.  343 

petit  module,  qui  permet  de  dater  l'enfouissement  des  der- 
nières années  du  premier  siècle  av.  J.-C.  (environ)  '.  Ce 
dépôt  contenait  aussi  deux  disques  de  bronze,  à  faces  lisses, 
dont  le  diamètre  répond  à  celui  des  bronzes  de  Nemausus,  et 
neuf  moitiés  de  flans  du  même  module.  On  sait  que  les 
bronzes  de  la  colonie  de  Nîmes  ont  été  souvent  coupés  en 
deux  parties,  pour  faire  des  monnaies  divisionnaires  2.  L'étude 
minutieuse,  consacrée  par  M.  Chauvet  à  ce  dépôt,  permet  de 
confirmer  et  de  préciser  la  localisation  des  pièces  des  groupes 
Viretios  et  Contoutos  ;  la  pièce  à  l'autel  de  Lyon  fournit  une 
date  assez  précise  et  démontre  que  la  circulation  de  certaines 
espèces  gauloises  continua  sous  le  règne  d'Auguste,  surtout 
dans  l'Ouest.  C'est  à  l'aide  de  travaux  de  ce  genre  que  l'étude 
de  la  Numismatique  celtique  fera  encore  des  progrès. 

Comme  addition  au  trésor  de  la  Chapelle-Laurent  (Can- 
tal) 5  on  a  publié  une  pièce  d'argent  du  type  des  statères 
arvernes  de  la  dernière  période  et  qui  porte  un  cv3  au  dessus 
du  cheval  et  une  large  feuille  au  dessous  4.  On  connaissait 
déjà  des  variétés  de  ce  groupe  qui  me  paraît  mériter  une 
étude  complète  en  tenant  compte  des  exemplaires  publiés 
par  Peghoux  et  M.  Changarnier. 

On  a  signalé  un  statère  d'or  au  type  de  l'androcéphale,  qui 
a  été  trouvé  dans  la  commune  de  Boresse-Martron  (canton  de 
Montguyon,  arr.  de  Jonzac,  Ch.-Inf.),  en  novembre  1912. 
Bien  qu'il  ne  s'agisse  pas -d'un  type  nouveau,  il  y  a  toujours 
un  véritable  intérêt  à  signaler  les  découvertes  locales  de 
monnaies  gauloises,  quelles  qu'elles  soient  5.Pour  cette  raison 

1 .  Gustave  Chauvet,  Monnaies  gauloises  ;  La  Cachette  de  la  Meilleraie-  Til- 
lay  (Vendée);  Analyses  chimiques  par  Gabriel  Chesneau.  Poitiers,  1922,  in- 
8°,  43  p.,  fig.  (Extr.  des  Bull,  de  la  Soc.  des  Antiquaires  de  l'Ouest,  192 1, 
p.  661  à  703). 

2.  Voy.  mon  article  sur  Les  monnaies  coupées,  dans  Rev.  Numism.,  1897, 
p.  1  à   13,  et  dans  htudes  de  Numismatique,  t.  II,  1901,  p.   113  a  125. 

3.  J'ai  signalé  cette  trouvaill-j  dans  ma  quatrième  chronique,  publiée  en 
1910. 

4.  Dr  G.  Charvilhat,  J.  Pages- Allary  et  A.  Aymar,  M.  arverne  inédite 
provenant  du  trésor  du  Suc  de  la  Pè%e  (commune  de  la  Ch.-L.),  dans  la  Rev. 
de  la  Haute-Auvergne,  1917-1918,  p.  266  à  268,  fig. 

5.  Rev.  de  Saintonge  et  d'Aunis,  1913,  p.  3. 


344  A.   Manchet. 

je  signalerai  aussi  un  statère  des  Atrébates,  trouvé  à  Bon- 
Secours,  près  de  Peruwelz  (commune  de  Vieux-Condé,  canton 
de  Condé-sur-1'Escaut,  arr.  de  Valenciennes)  '. 

En  19 13,  dans  un  domaine  de  Castillon  (canton  de  Balleroy, 
arr.  de  Bayeux),  appartenant  à  M.  Vavasseur,  on  a  découvert 
un  dépôt  de  58  statères  d'électrum  à  bas  titre,  très  usés,  de  la 
série  attribuée  aux  Baïocasses.  Sur  29  pièces  entrées  en  pos- 
session de  l'auteur  d'une  note  :,  17  portent  une  lyre,  au  droit, 
au  dessus  de  la  tête,  et  au  revers,  sous  le  cheval  ;  les  12  autres 
présentent  le  sanglier  disposé  de  la  même  manière.  Parmi  les 
pièces  à  la  lyre,  généralement  plus  usées,  4  seulement  ont  un 
cheval  androcéphale  ;  les  autres,  un  cheval  ordinaire  ;  au 
contraire,  les  pièces  au  sanglier  ont  toutes  le  cheval  androcé- 
phale. 

La  nouvelle  trouvaille  confirme  l'attribution  admise;  elle 
est  intéressante,  parce  que  Castillon  a  déjà  fourni  des  mon- 
naies du  même  genre  (avec  des  divisions.  Voy.  mon  Traité 
des  ni.  g.,  p.  316  et  546).  Il  est  regrettable  que  la  dernière 
trouvaille  de  Castillon  n'ait  pas  été  étudiée  en  entier. 

Un  répertoire  archéologique  du  département  de  l'Eure 
contient  des  renseignements  relatifs  à  des  provenances  de 
monnaies  gauloises  5.  L'auteur  n'est  pas  toujours  maître  de 
son  sujet  ;  mais  je  préfère  m 'abstenir  de  critiquer  et  recon- 
naître qu'il  a  fourni,  depuis  de  longues  années,  avec  le  plus 
grand  zèle,  un  travail  considérable,  qui  est  une  base  utile  pour 
des  recherches  complémentaires. 

Je  reviendrai  ultérieurement  sur  la  question  des  statères 
attribués  aux  Éburovices  *. 

Sir  Arthur   Evans    a   donné   au  British    Muséum  la  riche 

1.  L.  Théry,  dans  Rev.  belge  de  Numism.,  1914,  p.  366. 

2.  Comte  de  Castellane,  dans  Procès-verb.  Soc.  fr.  de  Numismatique 
(dans  la  Rev.  Niun.),  192 1,  p.  VI  à  VIII. 

3.  Léon  Coutil,  Départ,  de  Y  Eure.  Archéologie  gauloise,  gallo-romaine, 
franque  et  carolingienne  ;  II,  Arr.  de  Louviers(Louviers,  1 898-1 921,  gr.  in- 
8°,  323  p.  ;  p.  29,86,  92,  167,  etc.)  ;  III,  arr.de  Bernay  (Évreux,  1917  ; 
210  p.;  p.  90-91,  etc.)  ;  IV,  arr.  d'Évreux  (Paris  et  Evreux,  1921,  379p.  ; 
p.  7  à  16,  347,  365,  etc.),  fig. 

4.  Une  note  relative  à  un  trésor  de  ces  monnaies  doit  paraître  prochai- 
nement dans  la  Revue  Numismatique . 


Chronique  de  uunii 's m ah 'que  celtique.  345 

collection  de  monnaies  celto-bretonnes  formée  par  son  père, 
le  regretté  Sir  John  Evans.  M.  G. -F.  Hill  en  a  publié  une 
série  qu'il  considère  comme  une  partie  d'une  trouvaille,  qui 
aurait  été  composée  de  statères  aux  types  classés  ordinairement 
aux  Belîovaci,  aux  Atrebates  et  aux  Morini  '.  On  sait  que  ces 
monnaies  tardives,  où  l'œil  prend  la  forme  d'un  epsilon  et  où 
le  cheval  déformé  est  souvent  désarticulé,  se  rencontrent  aussi 
oien  sur  le  littoral  français  que  sur  celui  d'Angleterre.  La 
note  de  M.  Hill,  qui  signale  d'intéressantes  variétés,  est  donc 
une  utile  contribution  à  l'étude  d'un  groupe  dont  l'histoire 
est  encore  à  faire. 

Etudiant  l'atelier  monétaire  d'Auguste  à  Lyon,  M.  Lodo- 
vico  LafTranchi  2  élargit  le  champ  que  M.  Gabrici  avait  cul- 
tivé d'abord.  On  y  trouvera  quelques  remarques  sur  le  type 
du  taureau,  des  comparaisons  de  style  que  je  ne  saurais 
admettre  toutes  (p.  ex.  un  rapprochement  entre  un  «  moyen 
bronze  »  et  un  aurais),  des  variétés  inédites  et  l'attribution 
nouvelle  de  certaines  piècesau  sujet  desquelles  on  peut  encore 
discuter  (pièces  avec  le  revers  de  Caius  et  de  Lucius  Césars, 
etc.).  Dans  l'ensemble,  le  travail  de  M.  LafTranchi  est  digne 
de  retenir  l'attention. 

Un  autre  mémoire  consacré  à  l'atelier  monétaire  de  Lyon 
réunit  de  nombreux  renseignements  et  discute  les  classements 
de  quelques-uns  des  auteurs  antérieurs  5.  Mais  il  est  regret- 
table que  des  travaux  importants  aient  été  laissés  de  côté  et 
que,  pour  cela-même,  la  première  monnaie  de  Lyon,  aujour- 
d'hui si  bien  connue  cependant,  ait  été  omise.  De  plus, 
l'auteur  professe  des  opinions  difficiles  à  admettre.  Ainsi  le 
style  local  de  Lugdunum  serait  caractérisé  par  le  manque 
de  relief  dans  le  portrait.  La  série   considérable  des  pièces  à 


1.  A  Find  of  ancient  British  çold  coins,  dans  The  Numismatic  Chronicle, 
1919,  p.  172  à  178,  pi.  VIII.  (Observations  utiles  sur  les  poids  et  les  degrés 
d'usure.) 

2.  La  Moneta\ione  di  Auguste,  dans  Riv.  ital.  di  Numistnatica,  191 3, 
303  à  316,  pi.  II  et  III. 

3.  E.  A.  Sydenham,  The  Mini  of  Luçdunum,  dans  The  Numismatic  Chro- 
nicle,  191 7,  p.  55  à  96,  pi.  V  et  VI.  Cf.  du  même,  The  Coinages  qf  Augustus, 
même  revue,  1920,  p.  2}  et  24, 


346  A.   Blanche l. 

l'autel  de  Lyon  constitue  une  preuve  suffisante  de  l'exagéra- 
tion d'une  telle  assertion. 

Au  sujet  du  type  du  taureau  des  monnaies  d'Auguste,  dont 
la  comparaison  avec  celui  des  monnaies  de  Massalia  s'impose 
toujours,  il  y  a  lieu  de  consulter  l'article  que  j'ai  publié  \ 

Près  de  Verdello,  sur  la  route  de  Bergame,  on  a  fait  une 
trouvaille  dont  152  pièces  2  sont  entrées  au  musée  Brera,  à 
Milan.  Sur  67  monnaies,  assez  bien  conservées,  On  en  a  relevé 
36  avec  le  nom  (ou  des  variantes)  de  Virekos,  et  une  dizaine 
avec  le  nom  de  Toulioioros  (c'est  du  moins  la  lecture  qu'on 
peut  en  donner  actuellement)  ;  il  y  avait  aussi  des  imitations 
de  Massalia  3. 

Les  prototypes  des  monnaies  barbares  de  la  série  Biatec 
ont  fait  l'objet  d'une  étude  particulière  *.  Le  cavalier  avec  la 
palme,  la  centauresse,  l'Hercule  étouffant  le  lion,  la  lionne, 
le  griffon,  le  sanglier,  présentent  des  ressemblances  avec  des 
types  monétaires  de  l'Italie,  de  la  Sicile,  de  l'Espagne  et  de  la 
Gaule.  Le  choix  a  pu  dépendre  de  nombreuses  raisons.  Mais  je 
ne  crois  pas  que  les  traditions  aient  pu  avoir  l'influence  que 
l'auteur  paraît  porté  à  reconnaître  dans  ces  imitations,  d'ailleurs 
libres.  La  question  reste  évidemment  toujours  à  l'ordre  du  jour. 

Je  signalerai  brièvement  encore  quelques  notices  sur  des 
monnaies  barbares  des  régions  danubiennes  :  Trouvaille  de 
Kricsova  (comitat  de  Krasso-Szôreny)  5  ;  trouvaille  de  Dunaz- 
ckesô  (comitat  de  Baranya),  composée  de  900  m.  de  bronze, 
apparentées  à  des  séries  barbares,  émises  dans  la  partie  orientale 
de  la  Pannonie,  au  cours  du  Ier  siècle  av.  J.-C.  6.  On  a  aussi 

1.  «  Thurinus  »,  surnom  de  Vemp.  Auguste,  dans  les  comptes  rendus 
Acad.  des  Inscr.  et  b. -lettres,  1919,9.  134  et  142,  et  Mémoires  et  notes  de 
Numism.,  2e  série,  1920,  p.  287  à  294. 

2.  Ce  n'est  pas  la  totalité  du  dépôt,  car  j'en  ai  vu  qui  avaient  été  acquises 
à  Milan  par  un  collectionneur  hongrois. 

3 .  Serafino  Ricci,  //  tesoretto  monetale  gallico  ai  Verdello,  dans  la  Rivista 
ital.di  Numisinatica,  191 3,  p.  245  à  249. 

4.  Edmond  Gohl,  A  Biateccsoportbeli  barharpenqek  prototipusai,  dans  le 
Numi~)iialikai  Ko^lôuy  (organe  num.de  Budapest),  t.  XX,  192 1,  p.  9  à 
17  et  63. 

5.  E.  Gohl,  dans  le  Numismatikai  Kô{lôny,  1914,  1 31-134. 

6.  Du  même,  même  recueil,  191 5,  p.  2  à  10; 


Chronique  de  numismatique  celtique  347 

étudié  un  autre  groupe  de  monnaies  barbares  de  la  Haute- 
Hongrie  '  et  publié  des  variétés  de  pièces  attribuées  aux 
Coistoboci  2.  Les  Celtes  auraient  aussi  imité  les  monnaies 
d'argent  de  Damastium  et  de  Pelagia  5.  Mais,  si  ces  imitations 
ont  été  émises  par  les  Celtes,  il  me  paraît  assez  difficile  de 
préciser  la  région  où  elles  ont  été  fabriquées. 

La  Numismatique  celtique  est  toujours  la  victime  de  fan- 
taisistes. Pour  la  curiosité  du  fait,  je  signalerai  une  phrase  d'un 
écrivain  qui  considère  «  les  médailles  dites  gauloises...  comme 
plus  récentes  que  la  conquête  romaine  »  et  qui  ajoute  :  «  Sur 
les  médailles  de  la  Gaule,  on  voit  môme  de  ces  faux  Jupiter 
dont  toutes  les  boucles  de  la  chevelure  et  de  la  barbe  se  com- 
posent uniquement  de  petits  cygnes  artistement  ajustés.  » 
Plus  haut  il  était  question  «  d'une  enfilade  de  cygnes  ou 
d'oies  4  ». 

En  lisant  ces  fantaisies,  on  pensera  peut-être  à  des  chapitres 
de  Rabelais,  mais  beaucoup  moins  aux  monnaies  gauloises, 
dont  certains  «  amateurs  »  méconnaissent  encore  si  complète- 
ment le  développement  historique  et  la  transformation  des 
types. 

Adrien  Blanchet. 

1.  M.  M.  Dessewffy,  dans  le  même  recueil,  1914,  p.  121,  pi. 

2.  Du  même,  ibid.,  191  5,  p.  12  à  14. 

3.  R.  Forrer,  Die  KeUo-itlyrischen  Nachpràgungen .  .  .  v.D.u.  Pet.,  dans 
Bcrtiner  Mïm\bl.,  1914,  p.   156  et  198-205. 

4.  Je  m'abstiens  de  citer  le  nom  de  l'auteur  de  la  notice,  qui  touche 
d'ailleurs  à  bien  d'autres  questions  et  qui  n'est  pas  une  œuvre  française. 


LE     NOMINATIF    PLURIEL     GAULOIS 


DES 


THEMES    EN    -0- 


On  a  cru  en  général  que  l'inscription  bien  connue  de  Bri- 
ona  ',  trouvée  en  1859  et  maintenant  conservée  dans  la  cano- 
nica  de  la  cathédrale  de  Novare,  fournissait  dans  la  forme  Tano- 
tûliknoi  un  exemple  unique  en  gaulois  de  la  survivance  du 
nominatif  pluriel  des  thèmes  en  -0-  du  celtique  ancien,  à  savoir 
-oi.  Cette  désinence,  empruntée  aux  thèmes  pronominaux  en 
celtique  ainsi  qu'en  grec,  en  latin  et  en  balto-slaveest  régulière- 
ment devenue  -i  en  celtique  2  comme  en  latin.  En  gaulois, 
elle  se  présente  sous  la  forme  -i  partout  ailleurs  ;  on  lit  même 
dans  notre  inscription,  à  côté  de  Tanolalihnoi  (ligne  2),  Esane- 
hoti  (ligne  7)  \ 

J 'ai  examiné  cette  inscription  avec  grand  soin  le  10  avril  1922, 
et  encore  une  seconde  fois  le  jour  suivant,  à  la  demande  de 
monami  M.  R.  S.  Conway,  Litt.  D.,  professeur  de  latin  à  l'Uni- 
versité de  Manchester  ;  on  la  trouvera  dans  son  livre  The  Pre- 
Italic Dialects of  Italy  qui  va  paraître  bientôt,  édité  pour  «  The 
British  Academy  ». 

Moi,  qui  ne  suis  pasceltiste,  je  n'avais  jusque  là  vu  de  l'ins- 
cription que  la  simple  transcription  de  Mommsen  dans  le  C. 

1.  Dottin,  la  Langue  gauloise,  p.    154. 

2.  Brugmann,  Grundriss,2e  éd.,  II  2  pp.  212-3,  I  PP-  227>  239- 

3.  A  la  ligne  1,  la  forme  asoioi,  imprimée  par  Stokes,  CelticDeclensioii  no. 
2,  et  acceptée  par  Rhys,  Celtic  Inscriptions  of France  and  ltaly ,p.  63,  est  une 
«  vox  nihili  »,  qui  résulte  à  la  fois  d'une  division  arbitraire  des  mots,  géné- 
ralement abandonnée  aujourd'hui,  et  d'une  transcription  incertaine  de  lettres 
en  partie  oblitérées.  Les  ccltistes  n'admettent  plus  ce  mot, 


Thèmes  en  -0-.  349 

/.  L.  Fparsii,  p.  7  19,  et  je  n'avais  connaissance  d'aucune  étude, 
soit  sur  l'inscription  même,  soit  sur  des  formes  qu'elle  est  sup- 
posée contenir  ;  je  n'en  ai  abordé  l'examen  que  comme  épi- 
graphiste.  L'alphabet  m'en  était  familier,  pour  avoir  examiné 
déjà  d'autres  inscriptions  écrites  dans  le  même  alphabet  ou  dans 
un  alphabet  très  semblable.  Evidemment  mon  témoignage  quant 
aux  formes  des  lettres  est  d'une  plus  grande  valeur  que  celui 
des  celtistes,  parce  que  je  ne  suis  influencé  par  aucune  idée  sur 
les  désinences  celtiques. 

Revenu  en  Angleterre,  j'ai  montré  mes  notes  avec  le  texte 
de  cette  inscription  à  mon  distingué  collègue,  le  professeur  sir 
John  Morris-Jones  ;  celui-ci  a  immédiatement  remarqué  que 
ma  transcription  portait  à  la  deuxième  ligne  Tanotaliknos,  et 
que  cela  faisait  disparaître  Tunique  exemple  allégué  de  -oi 
comme  nominatif  pluriel  des  thèmes  en  -0-. 

Or,  premièrement  la  lettre  i  dans  cette  inscription  est  régu- 
lièrement I,  absolument  droite  comme  généralement  dans  les 
alphabets  des  dialectes  italiques  et  pré-italiques,  l'alphabet  latin 
non  excepté.  En  effet,  l'iota  tortu,  si  fréquent  dans  quelques- 
unes  des  plus  vieilles  formes  des  alphabets  grecs  ',  est  absolu- 
ment inconnu  dans  les  alphabets  italiques,  bien  qu'on  le  trouve 
—  cela  va  sans  dire  —  dans  les  alphabets  des  inscriptions  grecques 
de  l'Italie  2.  Mais  l'alphabet  de  notre  inscription  est  sans  aucun 
doute  un  alphabet  nord-italique,  de  la  même  famille  que 
l'alphabet  étrusque  sinon  absolument  identique  à  celui-ci  :  il 
serait  donc  irrationnel  d'y  chercher  un  iota  tortu. 

Quant  à  la  lettre  S,  elle  se  présente  sous  une  grande  variété 
de  formes,  mais  toujours  d'un  tracé  tortueux  ;  le  1  racé  est  quel- 
quefois angulaire,  (par  exemple,  aux  lignes  3,  6  — la  première 
s  — ,  10),  quelquefois  arrondi  (lignes  4,  5},  quelquefois  à 
moitié  arrondi  (lignes  7,  8).  Dans  les  lignes  3  et  10,  la  lettre 
est  tracée  à  l'envers.  Quelquefois  enfin  elle  n'est  que  très  peu 
arrondie,  comme  par  exemple  à  la  première  ligne  :  dans  ce  cas 
la  courbe  est  si  légère  que,  sans  l'observer  très  soigneusement, 
on  pourrait  prendre  la  lettre  pour  un  i.  Ainsi   Mommsen  a 


1.  Voir  Roberts,  Greek  Epigraphy,  vol.  I,  pp.  30,  36,  49,  98,  120,  etc. 

2.  Par  exemple,  Roberts,  ibid.,  pp.  303-4,  no.   306,  307. 


550  /•  Whatmough 

écrit  -aioi-  par  erreur  pour  -asoi-  :  la  transcription  corrigée  se 
trouve  dans  les  ouvrages  de  Stokes  et  de  Rhys.  Dans  une 
autre  inscription  Mommsen  litietupk  alors  qu'il  faut  lire setupk 
(voir  Pauli,  Altital.  Forsch.,  I,  p.  n,  n°  24). 

Or  dans  la  deuxième  ligne  la  dernière  lettre  est  légèrement 
arrondie,  particulièrement  en  bas  ;  celui  qui  examinera  l'ins- 
cription elle-même  (tout  épigraphiste  éprouvé  sait  le  peu  de 
valeur  qu'ont  les  facsimilés  ou  les  photographies  pour  décider 
une  telle  question)  verra  tout  de  suite  qu'elle  doit  être  lue  s  et 
non  i.  L'erreur  est  exactement  la  même  que  dans  la  lecture 
-tfwf-pour  -asoi-  à  la  ligne  précédente.  La  désinence  du  nomi- 
natif pluriel  en-oi,  qui  est  toujours  regardée  comme  presque 
anomale  dans  une  inscription  du  second  siècle  avant  J.-C, 
disparaît  dès  lors  ;  au  lieu  de  Tanoialiknoi,  nous  avons  Tanota- 
liknos,  nom  patronymique  au  singulier,  comme  le  gaulois 
Ouepatxvoç,  Oppianicnos  et  tant  d'autres  '. 

On  se  demandera  peut-être  si  un  patronymique,  qui  doit 
signifier  «  fils  de  »  peut  être  employé  seul  comme  nom  propre. 
Il  semble  y  en  avoir  quelques  exemples  même  en  gaulois  : 
C.  I.  L.  III  4849,  Marias  Ructini  [/.]  miles  cohortis  Montanoram 
pritnae,  c'est-à-dire  «  Marius  fils  de  Ructicnus  »  (au  contraire, 
dans  l'inscription  bilingue  de  Todi,  C.  I.  L.  I,  2e  éd.,  2103, 
Trucliknos  est  traduit  par  Dr uti  filins)  ;  Becker  ioé,  148  (cité 
par  Holder,  s.  v.)  Olkcnos,  tout  seul,  comme  nom  propre  ; 
encore  Loucotiknos  sans  prénom,  nom  d'un  prince  sur  une 
monnaie  en  bronze  de  Sicile  2  ;  peut-êtreaussi  un  nom  de  dieu, 
C.  I.  L.  XIII  609*4  et  6478  dco  Taranucno.  En  grec  les  patro- 
nymiques sont  ainsi  employés  fréquemment,  particulièrement 
dans  les  inscriptions,  et  au  masculin  et  au  féminin,  par  exemple 
IIoX'j;$vxîa  ï\x\)i{Co\\\vi-^>e.chtQ\Saminhing d.  gr.  Dialektinschr. 
I  343,  Insc.  Graec.  IX  ii  662,  stèle  thessalienne  du  cinquième 
siècle  avant  J.  C),  IïtaiSwpioaç  (pour  Ileigi-,  Béotie,  Coronea, 
Roehl  Insc.  Graec.  Antiqniss.  212,  seul  mot  de  l'inscription, 

1.  Dottin,  la  Langue  gauloise,  p.  39  ;voir  aussi  Holder,  Alt-kelt.  Spracbsch- 
s.  v.   -ic-no-. 

2.  Muret-Chabouillet,  Catalogue  des  monnaies  gauloises  2368,  deLongos- 
taleten,  près  de  Marseille,  fin  du  second  siècle  avant  J.-C,  Obv.  AOYK- 
ODIKNOC  R*-  AOrroC  TAAHTHN. 


Thèmes  en  -0-.  351 

évidemment  le  nom  Ju  mort).  L'emploi  de  l'adjectif  patrony- 
mique au  lieu  du  nom  du  père  au  génitif  singulier  comme 
TsXafAWVt'oç  Aïaç  (Hom.  //.  XI,  591  TsAay.wviov  u-.iv)  est  rare 
dans  la  littérature  grecque,  mais  normal  dans  les  dialectes  de 
Thessalie,  de  Béotie  et  de  Lesbos  '  ;  et  un  tel  adjectif  peut  faci*- 
lement  être  employé  tout  seul  comme  substantif;  cf. par  exemple 
le  nom  propre  'E-ay.sivwvoa;  (formé  avec  le  suffixe  patrony- 
mique -('.)5ac).  On  voit  aussi  en  examinant  les  patronymiques 
doubles  chez  Homère,  par  exemple,  //.  I,  1  II^X^taoÉo),  (-tcç 
et  -aoï];  étant  tous  les  deux  suffixes  patronymiques)  et  //. 
II,  56e  TaXa't.'ovtoao  (avec  -uavet  -ior,ç)  qu'une  telle  formation 
pouvait  être  employée  seule  comme  nom  propre.  Nous  trou- 
vons aussi  en  vénétique,  dialecte  pré-italique,  un  patronymique 
leme  iïorna ;  (d'après  lemetor),  ou  un  matronymique  v/;(?//-/0«//ïa/i:tf 
(d'après  vhouyiia)  2. 

En  latin  nous  avons  Julius,  nom  propre  qui  est  vraiment 
patronymique,  servant  à  indiquer  la  famille  {gens)  et  formé 
de  Juins  ;  de  la  même  façon,  Claudius  est  tiré  de  Claudus  et 
signifie  proprement  «  fils  de  Boiteux  »,  comme  Albius  «  f.  de 
de  Blanc  »,  Opimius  «  f.  de  Gros  »,  Septimius  «  f.  de  Septième  », 
Flavius  «  f.  de  Jaune  »,  etc.  3  Une  illustration  excellente  du 
changement  en  question  est  fournie  par  la  littérature  latine,  où 
presque  tous  les  patronymiques,  qu'on  avait  employés  en  grec 
comme  adjectifs,  sont  employés  commesubstautifs  ;  par  exemple 
(il  y  en  a  des  vingtaines)  AtlantidesÇ  les  Pléiades),  Virgile  Georg. 
1, 221,  înaisengrec'A-uAxvT^MaÎY;  Hés.  Théog.  938.  Enlatin  nous 
avons  même  des  formations  telles  que  Scipiades  (Lucil.,  Lucr., 
Virg.,  Hor.),  Memmiadae  (Lucr.),  Apulidac  (Lucil.),  Tuscoli- 
darum  (Lucil.,)  Romulidae  (=  Romani  ;  Lucr.,  Virg.,  Pers. 
etc.),  Daunias  (Hor.),  Appias  (Ovide)  —  tous  noms  propres 
employés  comme  substantifs. 

Enfin,  en  anglais  moderne,  Johnson  ne  signifie  plus  «  fils  de 
John  »  ;  un  Johnson  pourrait  être  fils  de  Guillaume  ou  d'Edouard 

1.  Voir  Buck,  Greek  Dialects,p.  123,  cf.  Larfeld,  Syll.  Insc.  Boeot.  Ipp.  xii 
etc.  par  exemple  paat'8a;j.os  Qei'ôwvs'.oç,  Roehl,  Insc.  Gr.  Antiqu.  no.  328. 

2.  Voir Conway Journal  of  the  Royal  Aulhropological  Institute,vol.  XL VI, 
1916,  p.   225. 

3.  Roby,  Lai.  Gram.,  vol.   i,  p.  363. 


352  /.   IVhatnwitgh. 

aussi  bien  que  de  Jean.  Et  de  même  en  gallois  moderne  Wil- 
liams n'est  plus  nécessairement  «  ap  Gtuilyni  »,  ni  Price  «  ap 
Rhys  »  ,  pas  plus  qu'en  écossais  Mac  Adam  n'est  nécessaire- 
ment «  fils  à' Adam  ».  Dans  la  partie  Est  du  Lancashire,  il  y 
a  une  cinquantaine  d'années,  on  pouvait  constater  que  la  cou- 
tume n'avait  pas  encore  entièrement  disparu  de  donner  à  un 
membre  d'une  famille  un  sobriquet  comme  Bill  o'  Jacks  (Bill 
«  fils  de  J.  »)  et  à  un  autre  de  la  même  famille  Ailse  d  Toms, 
même  quand  le  nom  du  père  n'était  ni  'Jack'  ni  'Tom'  !  Je 
pourrais  facilement  multiplier  de  tels  exemples  ;  et  sans  doute 
les  celtistes  peuvent  en  trouver  eux-mêmes  dans  les  langues 
celtiques  anciennes. 

La  question  que  j'ai  tirée  de  mon  étude  de  l'inscription  de 
Novare  pour  l'examiner  ici  avec  quelque  détail  me  parait  seule 
digne  d'intérêt  pour  les  celtistes  ;  pour  le  reste  de  mon  déchiffre- 
ment et  notamment  pour  les  nouvelles  lectures  que  je  propose 
aux  lignes  I  et  II,  je  me  permets  de  renvoyer  à  mon  rapport, 
que  publiera  M.Conway. 


University  Collège,  Bangor 


J.  Whatmough, 
Lecturer  in  Greek  and  Latin. 


IRISH    ARU  "ARAN" 


Attempts  to  explain  this  name  (which  is  probably  identical 
withdru,  g.  sg.  drann,  âirne  "kidney  ")  hâve,  so  far  as  I  know, 
neglected  one  pièce  of  évidence  which  seems  décisive.  In  K. 
Z.  L,  46  ff.,  Pokorny  seeks  to  prove  1)  that  dru  is  not  con- 
nected  with  Gk.  veçpô;  but  belongs  to  the  group  Ir.  âirne  '  csloe  '', 
Goth.  akrau  ;  and  2)  that  the  word  was,  originally,  an-â  stern. 
So  far  as  the  latter  contention  isconcerned,  it  is  difficult  to  see 
how  Pokorny 's  casecan  bedefinitely  proved.  There  hasclearly 
been  a  mixture  of  -à  stem  and  -j'en-  stem  forms,  but  this  varia- 
tion (which  is  corn  mon)  takes  place  in  the  one  direction  as 
often  as  in  the  other(cf.  Pedersen,  Vergl.  Gramm.  II.  no  if.), 
and  in  the  n.  sg.  the  -j'en-  stem  form  dru,  àra  alone  appears. 
To  judgefrom  the  available  évidence,  the  word  is  more  likely 
to  hâve  been  originally  a  -j'en-  stem. 

Ptolemy  in  his  description  of  Britain  mentions  among  the 
islands  offthe  coast  one  which  he  calls  Acpou  'épr,[j.o;  i.  e.  A. 
a  désert  island.  The  mistaken  idea  thztïpr^.o;  was  a  substanti- 
ve  evidently  led  Holder,  Allcelt,  Sprachschat^  s.  v.,  as  it  may 
hâve  led  Pliny,  into  giving  the  name  of  the  island  as  Adros 
(Pliny  has  Andros)  ;  but  there  can  be  no  doubt  whatever  that 
the  nameis  Adrû.  So  Macbain,  Ptolemy  s  Geography  of  Scotland, 
191 1.  From  the  so-called  map  of  Ptolemy  it  will  appear  that 
this  island  is  approximately  in  the  latitude  of  the  CheshireDee; 
hence  the  inévitable  identification  with  Benn  Edair,  Howth 
Head.  But  Adrû  is  also  in  the  latitude  of  the  Selgovae,  who 
were  probably  settled  tothe  North  of  theSolway  Firth,  and  of 
the  Firth  of  Clyde.  The  composite  character  of  Ptolemy' s  map 

Revue  Celtique,  XXXIX.  23 


3$4  /•  Fraser. 

is  well  known  and  accounts  for  the  distortion  which  puts  the 
Solway  Firth  and  the  Firth  of  Clyde  on  the  same  latitude  ins- 
teadof,  roughly,  on  the  saine  longitude.  Ptolemy's  sources  did, 
ho\veverIbelieve,givethe  same  longitude  for  ^dn*  and  the  Firth 
of  Clyde;  and  the  island  ought  to  be  identified  with  Arran, 
Gael.  Arainn  d.  sg.  of  Am,  Ara. 

This  involves  some  conclusions  of  linguistic  interest.  In  the 
first  place,  the  island  name  was,  at  latest  in  the  second  cen- 
tury  A.  D,  of  the  form  ofthen.  sg.  of  a  -jen-  stem.  Ptolemy's 
'AXouiwv,  as  the  rétention  of  the  final  -n  shows,  cf.  Gaulish 
Seboââu,  dates  from  an  earlier  period.  It  is,  therefore,  possible 
that  ;  had  already  disappeared  after  the  group  dr  ;  its  absence 
may,  however,  be  due  to  Ptolemy'  s  authorities.  In  the  second 
place,  it  must  be  assumed  that  the  treatment  of  the  group  dr 
in  intervocalic  position  was  in  the  Goidelic,  as  in  the  British, 
dialects,  parallel  to  that  of  gr.  The  view  that  dr  became  in 
Irish  tr  (Pedersen,  o.  c.  I,  1 12)  rests  on  a  weakfoundation. 

J.  Fraser. 


LES     SAINTS     IRLANDAIS 

DANS  LES 
TRADITIONS    POPULAIRES    DES    PAYS    CONTINENTAUX 

(NOTES    ADDITIONNELLES) 


La  plupart  des  notes  qui  suivent  ont  été  recueillies  au  cours 
d'un  voyage  en  Allemagne,  pendant  lequel  j'ai  pu  poursuivre 
mes  investigations  sur  les  vestiges  des  saints  irlandais  dans 
ce  pays. 

S.  Brendan  (voir  Rev.  celt.,  XXXIX,  1922,  p.  209  s.)  fut 
honoré  à  Bâle,  à  Constance,  mais  spécialement  dans  le 
Mecklembourg-Schwerin  et  sur  d'autres  points  du  littoral  de 
la  Baltique  r. 

Il  est  mentionné  dans  là  litanie  d'un  pontifical,  conservé 
actuellement  à  la  bibliothèque  de  l'université  de  Fribourg-en- 
Brisgau  (Cod.  363),  lequel  fut  écrit  dans  la  région  de  Bâle, 
dans  la  première  moitié  du  ixe  siècle,  et  qui  fut  en  usage  au 
Munster   de  Bâle  2 . 

La  légende  du  cierge  qui  s'alluma  tout  seul  (voir  p.  211) 
est  racontée  dans  un  livre  écrit  en  bas-allemand,  Lèvent  der 
Hylgen,  qui  tut  publié  à  Bâle,  en  15 17  ;  mais  ce  texte  ne 
localise  pas  la  légende  à  Gùstrow. 

Brendan  avait  un  autel  dans  le  Dom  de  Gùstrow  et  un 
autre  dans  l'église  de  Malchin  (Mecklembourg-Schwerin).  Il 

1.  Tous  les  renseignements  qui  suivent  sans  référence  spéciale  sur  S. 
Brendan  sont  tirés  du  Dr  Grotefend,  Dus  Fest  des  heiliçeu  Braiidanus  (Kor- 
responden^lilatt  der  deutschen  Geschichts-und  Altertumsvereine,  57e  année,  1909, 
col.  395-396). 

2.  Max  J.  Metzger,  Zwei  karolingische  Pontificalien  vont  Oberrhein 
(Freiburger  theol.  Studien,  XVII),  Freib.  i.  Br.,  1914.  p.  15,  22,  31-32 
etc. 


356  L.  Gougauâ. 

y  avait  une  Brandaniskerke  à  Terschelling,  une  des  longues 
îles  de  la  mer  du  Nord  qui  forment  barrage  au  nord  du 
Zuiderzee. 

«  Brandan  »  était  un  nom  de  baptême  commun,  dans  le 
Mecklembourg,  du  xive  au  xvie  siècle  ;  et  les  fêtes  de  S. 
Brendan,  au  1 6  ou  17  mai  et  au  29  décembre,  étaient  des 
dates  presque  aussi  populaires,  sur  la  côte  de  la  Baltique, 
que  le  sont  dans  nos  pays  la  Saint-Michel  ou  la  Saint-Mar- 
tin. 

Ste  Brigide  (p.  202  s.).  —  L'église  qui  lui  était  ancienne- 
ment dédiée  à  Cologne  touchait  l'église  abbatiale  de  Saint- 
Martin.  Voir  la  pi.  III  de  l'ouvrage  de  H.  Keussen,  Kohi  im 
Mitlelalter  (Bonn,  1918). 

Ce  que  rapporte  Giraud  le  Cambrien,  dans  sa  Topographie! 
hibernica,  au  sujet  des  «  campeslria  pitlcherrima,  quae  Brigi- 
dae  pascua  vocantur  »,  est  à  rapprocher  de  ce  que  nous  avons 
dit  des  vignobles  et  autres  terres  consacrées  à  Brigide 
(p.  206)  '. 

L'abbaye  de  Saint-Arnoul  de  Metz  posséda  des  reliques 
de  la  sainte,  ainsi  que  de  S.  Gall.  et  de  Ste  Gertrude  de 
Nivelles  2. 

Brigide  est  invoquée  dans  la  litanie  du  pontifical  de  Fribourg- 
en-Brisgau,  dont  nous  venons  de  parler  à  propos  de  S.  Bren- 
dan, de  même  que  Ste  Darerca,  autre  sainte  irlandaise. 
Disons  ici,  pour  n'y  plus  revenir,  que  le  même  texte  renferme 
les  noms  de  deux  S.  Kilian,  un  martyr,  celui  de  Wurzbourg, 
et  un  confesseur,  celui  d'Aubignv,  et  d'un  S.  Colomban, 
martyr,  ce  qui  doit  être  une  erreur  pour  S.  Coloman.  Rele- 
vons encore  les  noms  suivants  :  Colomban,  abbé,  Patrice, 
Columcille,  Comgall,  Cainnech,  Ciaran,  Brendan,  Finnian, 
Fursy,  Ultain  etFeuillen  3. 

S.  Cainnech,  qui  vient  d'être  mentionné,  fut  abbé  d'Agha- 
boe  (Quenn's  Co).  Il  figure  aussi,  au  11  octobre,  dans  le 
calendrier  d'un  missel   de  Freising,    du  xe  siècle    (ms.    6421 

1.  Top.  hib.,  II,  36,  éd.  J.  F.  Dimock,  p.   121-122. 

2.  Dedicat.  eccl.S.  Amulfi  (M.  G.  Script.,  XXIV,  547-548). 

3.  M.  J.  METZGER  fait  de  ces  trois  derniers  saints  des  Belges 
(P-  2V- 


Les  saints  irlandais.  357 

de  Munich),  où  l'on  trouve  aussi  Brigide  (itr  février),  Alto, 
le  fondateur  d'Altomùnster  (9  février),  Patrice  et  Gertrude 
(17    mars)  et  Columcille   (7  juin)1. 

S.  Coloman  (p.  223-224).  —  Sur  son  iconographie,  voir 
le  travail  du  P.  Gregor  Reitlechner,  Bdtrâge  ^iir  kirchlichen 
Bilderkunde  2. 

S.  Feuillen  (p.  215-215). —  Le  psautier  d'Hastière  (ms. 
13067  de  Munich),  du  xie-xne  siècle,  qui  contient  la  prière  de 
S.  Brendan  (fol.  9-16  v),  est  précédé  d'un  calendrier  dans 
lequel  figurent  Brigide  (1  févr.),  Patrice  et  Gertrude  (17  mars) 
et  Feuillen  (31  octobre)  K 

La  plus  ancienne  mention  qu'on  ait  trouvée  de  l'église  de 
Saint-Feuillen  à  Aix-la-Chapelle  se  lit  dans  un  document  daté 
du  24  mars  1166  *. 

S.  Fintan  avait  encore  une  chapelle  sous  son  vocable  à 
Rheinau  en  1573  5. 

S.  Gall  (p.  211  s,).  —  Un  autel  du  Dom  d'Halberstadt 
lui  fut  dédié  é.  Sur  son  iconographie,  voir  Gregor  Reitlechner, 
art.  cité  (XXXIX,  1918,  p.  423-424). 

Ste  Gertrude  de  Nivelles,  amie  des  Irlandais  (p.  216s.). — 
A  Ratisbonne,  ville  qu'un  écrivain  irlandais  appelle  «  urbs 
inclyta,  pia  mater  peregrinorum  praecipueque  Scottorum  7  », 
l'abbaye  de  Saint -Jacques,  peuplée  de  moines  irlandais,  avait 
Ste  Gertrude  de  Nivelles  comme  patronne  secondaire8. 

S.  Kilian   (p.  222).  —  Un  autel  de  la  collégiale    d'Essen 

1 .  Anton  Lechner,  Mittelalteriiche  lui  chenfeste  wid  Kaleiidarieti  in  Bayent, 
Freib.  i.  Br.,   1891,  p.  9-20. 

2.  Dans  Slndien  und  Mitteilungen  ^ttr  Geschichte  des  Benediktinerordens 
(XXXIX.  1918,  p.  156-158). 

3.  A.  Lechner,  Op.  cit.,  p.  207  s.  On  trouve,  dans  ce  calendrier,  au 
IV  Id.  Nov.,  la  mention  suivante  :  «  Dedicatio  novae  ecclesiae  in  hasteria  ». 
Hastière  (Belgique)  eut  un  abbé  irlandais,  Forannan,  au  xe  siècle  (voir  mes 
Chrétientés   celtiques,    p.    169). 

4.  C  Rhoen,  Geschichte  der  St.  Folianshirche  %u  Aachen,  Aachen,  1892, 
p.  6.  ' 

5.  Voir  Carl  Lange,  Die  lateinischen  Osterfeiern,  Mùnchen,  1887, 
p.  68. 

6.  Gesla  episcopor.  Halberstadensium  (M.  G.,  Script.,  XXIII,  p.  88). 

7.  Vita  B.  Mariant  Ratisp.,  I,  1  (Boi.l.,  Febr.  II,  365). 

8.  Vita  B.  Mariant,  IV,  16,  p.  369. 


358  L.  Gongaud. 

était  dédié  à  ce  saint,  et,  avant  la  translation  des  reliques  de 
S.  Liboireà  Paderborn  (836),  le  martyr  irlandais  était  copatron 
du  Mariendora  de  cette  dernière  ville  '. 

S.  Magnus  ou  Moxus  (p.  222-223).  —  Sur  ses  reliques  et 
son   iconographie,  voir  Gr.  Reitlechner,  art.  cité  (XL,    1919- 

1920,  p.  I93-Ï94)- 

SS.  Nimius,  Zimius  et  Marinus.  —  Ces  trois  saints  obscurs 
qu'on  donne  comme  Irlandais,  sont  encore  vénérés  de  nos 
jours,  sous  l'appellation  d'  6  elende  Heilige  »  à  Grie- 
stetten,  dans  la  paroisse  d'Altmùhlmunster,  au  diocèse  de 
Ratisbonne  2. 

S.  Virgile  de  Salzbourg.  —  Sur  son  iconographie,  voir 
Gr.  Reitlechner,  art.  cité  (XL,  p.  229-230). 

L.  Gougaud. 

1.  Fr.  Arexs,  Der  Liber  ordinarius  der  Essener  Stiftskirche,  Essen, 
1901,  p.  257. 

2.  Alfons  Bellèsheim,  Geschichte  der  katholischen  Kirche  in  Irland, 
Mainz,  1890,  I,  p.  343.  Cf.  Heuser,  art.  Elend  (Kirchenlexikon,  IV,  359). 


BIBLIOGRAPHIE 


Sommaire.  I.  R.  Thurneysen,  Die  irische  Helden-  und  Kônigsage,  I. 
—  II.  A.  Longnon,  Les  noms  de  lieu  de  la  France.  —  III.  R.  A.  S. 
Macalister,  The  Latin  and  Irish  Lives  of  Ciaran.  —  IV.  T.  F. 
O'Rahilly,  Ddnfhocail.  —  V.  G.  Fletcher,  The  Provinces  of  Ire- 
land.  I.  Ulster  ;  II,  Munster.  —  VI.  A.  Stanburrough  Cook,  The 
possible  begetter  of  the  Old  English  Beowulf  and  Widsith.  —  VIL 
A.  Pauphilet,  Etudes  sur  la  Queste  del  Saint-Graal,  attribuée  à  Gautier 
Map. 


1 


Rudolf  Thurneysen.  Die  irische  Helden-  und  Kônigsage  bis  \um  sieb- 
lehnten  Jahrhundert,  Teil  l  und  II.  Halle,  Max  Niemeyer,  1921, 
xi-708  p.  8°  (publié  avec  l'aide  du  département  de  langue 
gaélique  de  l'Etat  libre  d'Irlande). 

Lorsqu'en  1883  d'Arbois  de  Jubainville  publia  son  Catalogue 
de  la  littérature  épique  de  V Irlande,  il  fournit  aux  celtistes  un  ins- 
trument de  travail  dont  l'usage  a  prouvé  la  valeur.  Ce  n'était  pas 
seulement  un  répertoire,  très  utile  parce  que  très  complet,  et 
auquel  après  tant  d'années  on  ne  trouve  relativement  que  peu 
de  corrections  à  faire  (v.  le  supplément  publié  par  M.  Dottin  dans 
la  Revue  Celtique,  t.  XXXIII,  p.  1-40).  C'était  aussi  un  travail 
qui  ouvrait  une  voie  nouvelle.  Pour  la  première  fois,  la  saine 
méthode  critique  était  appliquée  à  débrouiller  le  chaos  de  la 
littérature  irlandaise  médiévale.  L'effort  de  d'Arbois  réalisait  la 
tâche  préalable  à  toute  étude  philologique  :  le  classement  des 
sources  manuscrites.  Les  Lectures  on  the  Manuscript  Materials 
d'Eugène  O'Curry  étaient  dépassées.  La  vaste  compilation  exé- 
cutée par  le  même  et  publiée  après  sa   mort  sous  le  titre  On  the 


360  Bibliographie. 

Manners  and  Customs  of  the  ancieni  Irish  était  condamnée  dans  son 
principe,  parce  qu'elle  reposait  sur  une  érudition,  très  méritoire 
sans  doute  par  l'étendue,  mais  aventureuse  et  dénuée  de  critique 
(cf.  Rev.  Celt.,  t.  II,  p.  260  et  ss.).  L'œuvre  de  d'Arbois,  beau- 
coup plus  modeste  dans  son  objet  et  dans  ses  proportions,  était 
une  date  plus  importante  dans  l'histoire  de  la  philologie  celtique. 

Quarante  ans  après  le  Catalogue  de  d'Arbois,  l'ouvrage  de 
M.  Thurneysen  marque  une  nouvelle  étape,  qui  permet  d'appré- 
cier les  progrès  accomplis.  On  en  peut  définir  l'importance  d'un 
mot  :  ce  n'est  rien  de  moins  qu'un  classement  et  une  étude  cri- 
tique des  diverses  versions  des  légendes.  Sans  doute  quelques 
unes  de  ces  légendes  ont  fait  l'objet  de  travaux  de  détail,  parfois 
fort  estimables.  Sans  parler  de  Whitley  Stokes  ou  de  Zimmer, 
de  Kuno  Meyer  ou  de  Windisch,  des  hommes  comme  Nettlau, 
Stern,  W.  M.  Hennessv,  E.  Hogan,  O'Beirne  Crowe  ont  préparé 
l'étude  critique  de  nombreuses  légendes.  Des  œuvres  d'érudition 
solide  comme  le  Dindsenchas  de  M.  Edw.  Gwvnn,  les  recherches 
de  toponomastique  de  M.  Paul  Walsh,  les  belles  découvertes 
paléographiques  de  M.  R.  I.  Best  ont  aidé  à  l'intelligence  et  à 
l'interprétation  des  textes.  Mais  le  travail  accompli  par  ses  devan- 
ciers ne  diminue  en  rien  les  difficultés  de  la  tâche  de  M.  Thur- 
neysen ni  le  mérite  des  résultats  qu'il  a  obtenus.  Car  son  œuvre 
est  à  la  fois  une  œuvre  d'ensemble  et  une  œuvre  personnelle. 
Partant  de  l'étude  directe  des  manuscrits,  il  applique  en  grand 
une  méthode  dont  il  a  donné  des  modèles  dans  ses  Abhandlungen 
~»  irischen  Handschriften  und  Literaîur-denkmâlern  (cf.  Rev.  Celt., 
XXXIV,  p.  88  et  333)  et  dans  plusieurs  autres  articles  (cf.  notam- 
ment Rev. Celt. t XXXVII,  368).  Moins  téméraire  que  Zimmer,  dont 
les  hardiesses  ont  souvent  quelque  chose  de  désordonné,  moins 
timide  que  Windisch,  dont  l'érudition  prudente  reste  trop 
abritée  derrière  les  faits,  M.  Thurneysen  réalise  le  type  com- 
plet que  ses  deux  devanciers  faisaient  seulement  désirer  :  il  est 
aujourd'hui  sans  conteste  le  maître  des  études  de  philologie  irlan- 
daise. 

Suivant  une  division  déjà  ancienne,  dont  d'Arbois  s'était  lui- 
même  servi,  il  a  réparti  les  légendes  épiques  de  l'Irlande  médié- 
vale en  quatre  groupes  ou  cycles  :  le  cycle  d'Ulster,  le  cycle  de 
Finn  ou  d'Ossian,  le  cvcle  historico-mythologique  (y  compris 
les  légendes  des  rois)  et  le  cycle  des  légendes  étrangères  (com- 
prenant à  la  fois  les  remaniements  et  les  traductions).  Ce  premier 
volume  ne  traite  que  du  cycle  d'Ulster,  c'est-à-dire  des  légendes 
qui  se  rapportent  aux  héros  de  la  Branche-rouge,  parmi  lesquels 


Bibliographie.  361 

Conchobor  et  Cuchullin  sont  des  figures  de  premier  plan.  M.  Thur- 
neysen  y  a  joint  les  légendes  qui  se  rapportent  à  Etain  et  à 
Conaire,  bien  qu'elles  rentrent  originellement  dans  le  cycle  des 
légendes  des  rois,  parce  que  de  bonne  heure  des  héros  du  cycle 
d'Ulster  y  ont  été  introduits.  L'ensemble  se  compose  de  84  cha- 
pitres, consacrés  chacun  à  l'étude  d'un  des  récits  épiques  qui 
rentrent  dans  le  cycle.  L'étendue  des  chapitres  varie  naturelle- 
ment avec  celle  des  textes  eux-mêmes,  qui  est  fort  inégale  :  à 
côté. de  brèves  narrations,  de  fragments  de  Dindsenchas  en  vers 
ou  en  prose,  se  trouvent  des  compositions  épiques  aussi  déve- 
loppées que  la  Tâin  bô  Cuailnge  ou  la  Togaïl  Bruidne  Ui  Dergae. 
Mais  le  plan  des  chapitres  est  sensiblement  le  même  ;  une  étude 
critique  des  sources  et  un  résumé  analytique  de  chaque  récit, 
suivant  les  divisions  adoptées  par  les  premiers  éditeurs.  Lors- 
qu'un même  récit  est  conservé  dans  plusieurs  recensions,  chacune 
d'elle  fait  l'objet,  s'il  y  a  lieu,  d'une  étude  spéciale. 

L'auteur  n'a  tenu  compte  que  des  récits  copiés  sur  parchemin. 
Il  a  arrêté  son  examen  au  début  de  «  l'ère  du  papier  »,  qui 
coïncide  avec  l'époque  où  la  conquête  anglaise  réduit  peu  à  peu 
l'irlandais  à  une  langue  de  proscrits  ou  de  classes  inférieures  (p.  74). 
Il  se  produit  alors  une  révolution  dans  la  littérature  irlandaise.  L'ère 
du  papier  mérite  d'être  étudiée  pour  elle-même.  C'est  de  la  litté- 
rature sur  papier,  qui  a  sa  source  dans  les  grandes  compilations 
sur  parchemin  de  la  fin  du  moyen  âge,  que  dérivent  les  récits 
qui  sont  recueillis  aujourd'hui  dans  la  tradition  orale  populaire. 
Cette  dernière  ne  remonte  pas  au  delà  de  l'ère  du  papier  ;  elle 
ne  contient  rien  qui  nous  renseigne  sur  l'état  antérieur  des 
légendes.  Il  était  fort  sage  de  se  limiter  à  la  littérature  sur  parche- 
min, qui  forme  un  ensemble  bien  défini,  et  qui  d'ailleurs  par  sa 
richesse  et  sa  variété  offre  une  tâche  assez  considérable  à  l'acti- 
vité d'un  seul  travailleur.  Toutefois,  nous  ne  possédons  pas  toute 
la  littérature  sur  parchemin.  Il  y  a  certains  récits  épiques  qui  n'ont 
été  conservés  que  dans  des  manuscrits  sur  papier  du  xvne  ou 
xvine  siècles.  D'Arbois  leur  avait  fait  place  dans  son  Catalogue  ; 
mais  on  ne  les  trouvera  pas  mentionnés  dans  ce  livre. 

Sous  cette  réserve,  c'est  l'ensemble  de  la  production  épique  du 
moyen  âge  irlandais  que  M.  Thurneysen  présente  au  public.  Par 
l'exactitude  minutieuse  des  analyses,  la  précision  et  la  commodité 
des  références,  l'abondance  des  notes  et  des  index,  l'ouvrage,  une 
fois  terminé,  sera  un  instrument  de  travail  indispensable  à  tous 
ceux  qui  s'intéressent  aux  littératures  et  traditions  populaires, 
autant  qu'aux  celtistes  et  aux  médiévistes.  Ce  premier  volume,  où 


362  Bibliographie. 

tout  le  cycle  d'Ulster  est  magistralement  étudié,  fait  vivement 
désirer  la  suite. 

Plutôt  que  d'insister  sur  des  mérites  qui  sont  éclatants,  il  vaut 
mieux  peut-être  essayer  ici  d'anticiper  l'avenir  et  d'indiquer  en 
quelque  sorte  la  direction  des  travaux  futurs  que  ce  livre  doit 
inspirer.  L'étude  des  récits  du  cycle  d'Ulster  pourra  sans  doute 
recevoir  de  découvertes  nouvelles  quelques  corrections  ou  addi- 
tions de  détail  ;  mais  dans  l'ensemble,  toutes  les  conclusions  de 
M.  Thurneysen  sur  le  classement  des  manuscrits,  la  répartition 
.des  versions  ou  l'histoire  des  textes  paraissent  définitives.  On  a 
l'impression  qu'une  nouvelle  étape  décisive  est  maintenant  fran- 
chie. Mais  cette  étude,  qui  forme  la  partie  essentielle  du  présent 
volume,  est  précédée  d'une  première  partie  de  caractère  général, 
qui  sert  en  quelque  sorte  d'introduction  à  l'ouvrage  entier.  Il  y 
est  question  de  la  façon  dont  les  légendes  ont  été  formées,  rédi- 
gées et  transcrites,  des  auteurs  qui  leur  ont  donné  forme  et  du 
public  auquel  ils  s'adressaient.  Sur  cet  ensemble  de  problèmes 
complexes,  M.  Thurneysen  ne  donne  que  quelques  indications 
sommaires;  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  il  eût  été 
imprudent  d'aller  plus  loin.  Mais  on  peut  espérer  que  les  idées 
enfermées  dans  cette  brève  introduction,  fécondées  par  les 
recherches  des  nouveaux  travailleurs,  produiront  de  belles  mois- 
sons dans  la  science  de  demain. 

Une  tâche  qui  s'imposera  aux  futurs  celtistes  sera  de  faire  le 
triage  des  traditions,  de  distinguer  la  part  des  influences  exté- 
rieures plus  ou  moins  récentes,  de  dégager  ce  qui  appartient  au 
fonds  le  plus  ancien  de  la  race.  Pour  cela,  l'analyse  des  traditions 
elles-mêmes  est  insuffisante  ;  l'interprétation  exige  des  lumières 
empruntées  d'ailleurs.  On  commence  à  entrevoir  ce  qu'était  l'or- 
ganisation, la  culture,  la  mentalité  de  l'humanité  préhistorique. 
Plus  on  pénètre  le  vocabulaire  de  l'indo-européen,  plus  on  y 
reconnaît  de  termes  précis  se  rapportant  à  des  notions  qui  révèlent 
un  état  social  défini,  très  différent  du  nôtre.  L'étude  des  civilisa- 
tions dites  inférieures  a  fourni  nombre  de  documents  d'où  l'on 
tire  peu  à  peu  la  connaissance  d'un  folklore  universel.  Les  pre- 
miers documents  de  l'humanité,  en  Egypte  par  exemple,  gagnent 
singulièrement  à  être  éclairés  par  l'étude  des  «  primitifs  »  de  nos 
jours.  On  sait  combien  cette  étude  a  renouvelé  déjà,  est  appelée 
à  renouveler  encore  notre  interprétation  de  nombreux  textes  de 
l'antiquité  classique.  Ce  n'est  pas  que  les  Grecs  et  les  Romains 
soient  tellement  rapprochés  de  l'âge  des  clans,  des  totems  et  des 
potlatchs.    C'est   que   l'humanité    est  éminemment  conservatrice, 


Bibliographie.  363 

que  le  présent  est  fait  des  restes  du  passé,  et  que  des  formes  de 
pensée  traditionnelle  conservent  la  trace  d'idées  vieilles  comme 
le  monde.  Or,  entre  toutes  les  races,  celle  des  Celtes  est  parti- 
culièrement attachée  aux  vieilles  formules  et  aux  vieux  usages  ; 
elle  entoure  le  passé  d'un  culte  mystique,  par  opposition  à  cer- 
taines autres  que  l'action  pratique  sollicite  davantage.  On  ne 
peut  s'étonner  de  rencontrer  dans  les  légendes  des  pays  celtiques 
bien  des  détails  portant  la  marque  d'un  caractère  «  primitif  ».  Ce 
mot  n'a  rien  d'injurieux  et  ne  saurait  blesser  les  susceptibilités  de 
l'amour  propre  national.  Le  fait  est  qu'aucun  pays  du  moyen  âge 
ne  conserve  dans  sa  littérature  autant  de  souvenirs  d'une  organi- 
sation par  clans  ou  par  tribus,  d'un  culte  des  forces  mystérieuses 
de  la  nature  et  d'une  observance  des  interdictions  sociales  (tabous). 
Beaucoup  d'épisodes  qui  nous  paraissent  inexplicables  et  qui 
l'étaient  sans  doute  aussi  pour  ceux  qui  les  ont  mis  par  écrit 
peuvent  recevoir  leur  explication  de  la  mentalité  «  primitive  ». 
Un  recueil  et  un  classement  de  toutes  les  «  interdictions  »  men- 
tionnées dans  l'épopée  irlandaise  serait  un  travail  utile  et  dont  se 
dégageraient  d'intéressantes  conclusions. 

La  détermination  du  fonds  primitif  est  toutefois  rendue  délicate 
par  l'action  des  influences  ultérieures.  Aux  temps  préhistoriques, 
les  peuples  ont  vécu  en  des  contacts  constants  ;  chaque  perfec- 
tionnement de  là  civilisation  s'est  rapidement  étendu  d'un  bout 
du  monde  à  l'autre.  L'extension  des  arts  et  des  lettres  classiques 
a  suivi  des  routes  tracées  depuis  longtemps  et  qui  sont  restées 
fréquentées  longtemps  encore.  Dans  les  premiers  siècles  de  l'ère 
chrétienne  les  échanges  de  tout  genre  se  sont  poursuivis  entre 
peuples  barbares.  Or,  une  légende  se  transporte  aussi  aisément 
qu'un  objet  de  verre  ou  de  métal.  Bien  des  similitudes  dans  les 
thèmes  légendaires  de  pays  différents  peuvent  s'expliquer  par  des 
relations  réciproques,  postérieures  à  l'époque  d'une  lointaine 
unité  de  civilisation.  L'épisode  de  la  lutte  du  père  et  du  fils  est 
un  thème  de  folk-lore  universel,  qui  répond  peut-être  à  certaines 
conditions  d'un  état  social  primitif.  Il  figure,  comme  on  sait,  dans 
la  légende  de  Cuchulainn  (Aided  Aenfir  Aife),  mais  pas  avant  le 
vme  siècle  (Thurneysen,  p.  403)  ;  il  y  a  probablement  été  intro- 
duit après  coup,  et  venait  d'ailleurs.  Le  classement  chronologique 
des  éléments  de  la  légende  permet  ici  une  précision,  qui  fait  sou- 
vent défaut.  Mais  la  présomption  subsiste  que  beaucoup  de 
légendes  qui  paraissent  unes  contiennent  des  éléments  postiches 
ou  secondairement  amalgamés. 

Parmi  les  influences  extérieures  qui  ont  agi  sur  l'épopée  irlan- 


3&4  Bibliographie. 

daisc,  il  faut  mettre  à  part  deux  puissants  courants,  dont  nous 
connaissons  la  source  et  le  développement,  le  courant  classique 
et  le  courant  chrétien.  L'étude  des  influences  classiques  en  Irlande 
est  encore  à  faire.  En  dehors  des  traductions  ou  des  imitations 
directes,  on  sait  combien  de  réminiscences  des  légendes  grecques 
sont  éparses  dans  la  littérature  épique  de  l'Irlande  (cf.  Rcv.  Cell., 
XXXI,  393).  Cuchullin  a  certaines  analogies  frappantes  avec 
Achille  (7\  B.  C,  éd.  Windisch,  p.  132).  Hercule  apparaît  nom- 
mément dans  la  Fled  Bricrend  (Thurnèysen,  p.  464),  comme  les 
Furies  dans  la  Fhadh  Dûin  na  ugéadh  (1.  235  ;  cf.  Êriu,  V,  229) 
et  les  Amazones  dans  la  Tain  bô  Cuailnge  (éd.  Windisch,  1.  1478). 
On  pourrait  rattacher  l'histoire  de  Labraid  aux  oreilles  de  cheval 
(Rev.  Celt.,11,  i97et  Keating,  t.  II,  p.  172  éd.  Dinneen)  à  celle 
de  Midas,  si  la  même  ne  se  rencontrait  pas  dans  le  folk-lore 
d'autres  pays.  Il  y  aurait  à  rechercher  quels  sont  les  textes  clas- 
siques que  l'Irlande  a  connus  et  sous  quelle  forme  ils  lui  sont 
venus. 

Les  influences  chrétiennes  se  manifestent  par  des  additions 
et  des  interpolations,  qui  sont  souvent  des  plus  gauches  ;  le  sacre- 
ment du  baptême  apparaît  de  façon  bien  inattendue  dans  le  Scél 
Mucci  Meic  Dathô  (Ir.  Texte,  I,  p.  102,  1.  29)  comme  dans  tel  récit 
des  Mabinogion  (R.  B.,  I,  p.  21,  18).  Mais  en  général,  les  narra- 
teurs irlandais  ont  observé  une  sage  distinction  entre  les  sujets 
sacrés  et  les  sujets  profanes  ;  quand  on  songe  que  beaucoup  des 
recueils  épiques  ont  été  copiés  par  des  moines  et  dans  des  cou- 
vents, on  peut  être  surpris  que  les  idées  chrétiennes  n'y  aient  pas 
pénétré  davantage. 

Il  y  aura  aussi  à  étudier  les  rapports  de  l'Irlande  avec  les  pays 
voisins  au  point  de  vue  littéraire.  Le  contact  qui  a  duré  plusieurs 
siècles  entre  les  pays  Scandinaves  et  l'Irlande  a  laissé  de  nom- 
breuses traces  dans  la  langue  :  les  travaux  de  Sophus  Bugge  sur 
les  influences  des  deux  littératures  sont  à  reprendre  et  à  continuer. 
On  trouvera  sans  doute  aussi  des  traits  communs  entre  les 
légendes  anglo-saxonnes  et  celles  de  l'Irlande  (v.  ci  dessous, 
p.  381  et  s.).  Quant  au  Pays  de  Galles,  il  a  eu  avec  l'Irlande  des 
relations  suivies  dont  la  littérature  porte  maintes  traces.  Il  y  a 
des  légendes  communes  ;  le  Mabinogi  de  Branwen  est  plein  de 
détails  relatifs  à  l'Irlande  et  contient  notamment  un  même  épisode 
que  le  Mesca  Ulad  (Thurnèysen,  p.  481).  Blâthnat  («  Fleurette  ») 
joue  entre  Curôi  son  mari  et  Cuchullin  son  amant  le  même  rôle 
que  Blodeuwedd  («  Visage  de  fleur  »)  entre  Llew  Llaw  Gyffes 
et  Gronw  Pebyr  (cf.-  Loth.  Mab..  2e  éd.,  I,  T99-208).   Le  contact 


Bibliographie.  ^65 

est  évident  ;  on  sait  d'ailleurs  que  la  légende  de  Curôi  était  bien 
connue  en  Galles  (cf.  Thurneysen,  p.  44e  ;  et  v.  B.  of  Taliesin, 
p.  67,  5,  Ev.).  Conchobor  est  mentionné  dans  Kulhwch  ag  Olweu 
(R.  B,,  I,  106,  18)  sous  le  nom  de  Knychwr  ab  Nés  ;  et  Cuchul- 
lin  sous  celui  de  Cocholyn,  dans  le  Book  of  Taliesin  (p.  66,  Ev.)  ; 
cf.  J.  Loth,  R.  Celt.,  t.  XXXII,  p.  436.  La  poursuite  du  Twrch 
Trwyth  de  la  légende  arthurienne  a  un  parallèle  dans  l'épisode  de 
Dumae  Selga  «la  colline  de  la  chasse  »  (Thurneysen.  p.  503-504). 
On  ne  peut  dire  si  l'épopée  irlandaise  a  emprunté  au  gallois, 
et  encore  moins  dans  quelle  mesure.  Pourtant,  quand  le  Fochonn 
loingse  Fergusa  met  en  scène  le  type  du  butor  arrogant  et  provoca- 
teur, qui  est  si  fréquent  dans  les  romans  du  cycle  arthurien,  on 
pourrait  songer  à  une  influence  galloise  (Thurneysen,  p.  321). 
Un  même  procédé  de  description  est  employé  dans  la  Tâin  bô 
Cuailnge  (éd.  Windisch,  1.  2744  et  suiv.)  et  dans  le  Mabinogi  de 
Branwen  (R.  B.,  I,  35  ;  cf.  Loth,  Mab.,  2e  éd.,  I,  .1 37)  ;  mais  les 
auteurs  des  deux  récits  ont  pu  le  tirer  d'un  même  modèle  (Thur- 
neysen, p.  61). 

Les  influences  extérieures  n'ont  eu  souvent  pour  effet  que 
d'introduire  de  nouveaux  épisodes  ou  de  nouveaux  personnages. 
Les  vieilles  légendes  ont  subi  sur  place  des  influences  qui,  en  les 
rajeunissant,  les  ont  plus  gravement  transformées.  Il  est  naturel 
que  suivant  les  lieux  et  les  circonstances,  elles  aient  été  remaniées 
par  ceux  qui  les  colportaient.  On  aura  donc  profit  à  dépouiller  les 
généalogies  des  héros,  souvent  contradictoires,  à  relever  les 
légendes  étymologiques  relatives  aux  noms  d'homme  et  de  lieu. 
Des  poèmes  comme  ceux  du  Dwdsenchas,  des  traités  comme  le 
Coir  Anman  fournissent  à  cet  égard  une  mine  de  renseignements. 
Les  minutieuses  recherches  de  M.  P.  Walsh  peuvent  servir  de 
modèle  à  ce  genre  d'enquête.  Miss  M.  C.  Dobbs  (cf.  R.  Celt., 
XXXVII,  p.  364),  M.  Thomas  J.  Shaw(/.  of  the  R.  Soc.  ofJntiqu. 
of  Ireland,  t.  LL  p.  133)  en  ont  publié  de  très  utiles  sur  la  topo- 
graphie de  la  Tâin.  Appliquées  à  l'ensemble  des  récits  épiques,  de 
semblables  recherches  permettront  de  localiser  plus  étroitement 
le  point  de  formation  et  de  développement  des  légendes,  de  déter- 
miner le  milieu  politique,  social,  intellectuel  dans  lequel  vivaient 
ceux  qui  les  ont  transcrites. 

Alors  on  pourra  entreprendre  une  histoire  de  la  littérature 
irlandaise  médiévale,  qui  ne  sera  pas  seulement  un  classement  de 
manuscrits  ou  une  liste  de  textes  minutieusement  analysés,  mais 
qui  mettra  en  pleine  lumière  l'activité  des  gens  de  lettres,  poètes 
ou  conteurs,  et  les  goûts  du    public  auquel  ils  s'adressaient.  On 


36e  Bibliographie. 

a  cessé  de  considérer  l'œuvre  littéraire  comme  une  création  spon- 
tanée, faillie  d'un  cerveau  divin  à  la  façon  de  Pallas  Athéné.  C'est 
un  produit  social,  élaboré  par  un  individu,  mais  toujours  déter- 
miné par  un  temps  et  par  un  milieu.  Celui  qui  écrit  exprime  sa 
mentalité  propre,  mais  la  mentalité  de  l'écrivain  dépend  de  celle 
de  ses  lecteurs.  Il  s'agit  d'amuser,  de  flatter  ou  de  convaincre. 
Les  fables  sont  nées  de  l'oisiveté,  de  la  superstition  ou  de  l'inté- 
rêt. L'historien  n'a  pas  achevé  sa  tâche,  tant  qu'il  n'a  pas  réussi 
à  dégager  des  œuvres  littéraires  ce  qu'elles  révèlent  sur  les 
auteurs  et  sur  le  public. 

Sans  doute  M.  Thurneysen  a  touché  à  cette  double  question. 
Il  a  résumé  les  conclusions  des  belles  études  qui  lui  ont  permis 
d'esquisser  la  personnalité  du  «  compilateur  »,  auquel  on  doit 
la  Tain  bô  Cuailnge  sous  sa  forme  actuelle  et  plusieurs  autres 
récits  (p.  24  et  ss.).  Il  a  précisé  le  rôle  de  1'  «  interpolateur  »  du 
Leabhar  na  h-Uidhre,  d'après  les  savantes  recherches  de  M.  Best. 
Il  a  signalé  les  traces  de  remaniements  originaux  dans  des  récits 
comme 'le  Cath  Rais  na  Rig  (p.  363)  ou  le  Tochmarc  Etaine 
(p.  598  et  610).  Il  a  montré  les  transformations  que  le  change- 
ment des  goûts  et  la  différence  des  talents  avaient  amenées  dans 
la  tradition  de  cette  touchante  légende  qu'est  le  Longas  mac 
n-Uislenn  (p.  327).  Mais  il  a  été  surtout  guidé  dans  cette  étude 
par  un  souci  de  philologue  :  son  dessein  était  avant  tout  d'établir 
les  rapports  des  récits  et  la  chronologie  des  recensions.  Il  s'est 
servi  de  données  littéraires  pour  dater  les  textes,  comme  on  peut 
faire  de  données  grammaticales,  telles  que  l'usage  du  déponent 
ou  des  pronoms  infixes,  la  présence  de  certaines  formes  de  pré- 
térit ou  de  3e  pers.  sg.  de  présent  en  -enn  (p.  103).  Or  il  ne 
suffit  pas  de  marquer  les  vicissitudes  de  la  tradition  des  textes. 
Un  jour  vient  où  l'on  considérera  ceux-ci  non  plus  comme  des 
matières  à  discussion  pour  les  philologues,  mais  comme  des 
documents  humains  qui  renseignent  sur  les  mœurs  et  l'esprit  des 
nations.  Rien  de  varié  comme  l'épopée  irlandaise  ;  on  y  trouve 
du  merveilleux  et  du  grossier,  du  tragique  et  du  plaisant,  du 
lyrisme  et  de  la  bouffonnerie.  A  côté  de  figures  surhumaines, 
conservées  d'un  passé  mythique,  elle  renferme  des  portraits 
humains,  pris  dans  la  vie  de  tous  les  jours.  Le  sage  Sencha  est 
très  réel,  comme  Bricriu  le  schadenfroh.  L'aventure  de  Clothru 
s'explique  sans  doute  par  un  trait  de  mœurs  primitives  ;  mais 
l'épisode  où  Medb  se  met  en  posture  derrière  son  bouclier  n'est 
qu'une  invention  comique,  et  pas  des  plus  relevées.  Pourquoi 
tout  cela  se  trouve-t-il  amalgamé  sous  la  forme  que  nous  con- 


Bibliographie.  367 

naissons  ?  Quel  dessein  se  proposaient  les  auteurs  ?  Comment 
concevaient-ils  la  vie  ?  Quelle  attitude  était  la  leur  devant  les 
grands  problèmes  du  monde  ?  Il  est  possible  que  ces  questions 
ne  comportent  pas  de  réponse.  Les  gens  du  moyen  âge  n'avaient 
pas  de  la  littérature  l'idée  que  nous  nous  en  faisons  ;  ils  n'y  met- 
taient ni  les  préoccupations  de  leur  esprit  ni  les  besoins  de  leur 
cœur.  Ils  n'y  cherchaient  qu'un  divertissement.  Mais  cela  seul 
est  une  indication  :  s'ils  voulaient  s'échapper  du  monde  réel, 
c'est  apparemment  qu'ils  n'y  trouvaient  pas  les  satisfactions  qu'ils 
souhaitaient.  En  tout  cas  les  procédés  d'évasion  qu'ils  ont  choisis 
valent  d'être  étudiés  d'un  point  de  vue  humain.  Ils  sont  précieux 
par  ce  qu'ils  ajoutent  à  notre  connaissance  de  l'homme. 

Les  celtistes  de  l'avenir  auront  à  dégager  l'idéal  humain  qui  se 
cache  sous  le  gros  tas  poudreux  des  manuscrits  irlandais.  S'ils 
réussissent  dans  cette  tâche,  ils  le  devront  à  M.  Thurneysen, 
qui  leur  a  préparé  la  route.  Son  ouvrage  marque  aujourd'hui  le 
point  ultime  que  la  science  a  pu  atteindre.  En  attendant  les 
ouvrages  futurs  qui  le  dépasseront,  il  remplace  ou  il  annule  tous 
les  précédents. 

J.  Vendryes. 

II 

Auguste  Longnon.  Les  noms  de  lieu  de  la  France,  leur  origine,  leur 
signification,  leurs  transformations  (publié  par  Paul  Marichal  et 
Léon  Mirot).  Ier  fascicule  :  Noms  de  lieu  d'origine  phénicienne, 
grecque,  ligure,  gauloise  et  romaine.  Paris,  Champion,  1920,  p. 
.1-177.  2eme  fascicule  :  Noms  de  lieu  d'origine  saxonne,  bur- 
gonde,  wisigothique,  franque,  Scandinave,  bretonne  et  basque. 
1922,   p.  178-336. 

Auguste  Longnon  a  été  chez  nous  l'initiateur  d'une  discipline, 
la  toponomastique,  dont  il  a  fondé  les  principes  et  fixé  la  méthode, 
et  qui  est  devenue  grâce  à  lui  une  auxiliaire  indispensable  de 
l'histoire  et  de  la  linguistique.  Patiemment,  minutieusement,  il  a 
dépouillé  les  vieux  textes  pour  relever  les  anciennes  formes  des 
noms  de  lieu.  Il  a  classé  par  date  et  par  région  tous  ces  noms, 
humbles  témoins  des  âges  disparus,  rappelant  les  races  qui  se  sont 
succédé  sur  notre  sol,  les  vicissitudes  des  invasions,  des  peuple- 
ments, des  mouvements  sociaux.  Il  a  montré  tout  ce  qu'on  pou- 
vait tirer  de  cette  mine  si  riche.  Il  a  mené  à  bonne  fin  l'œuvre 
qu'avaient    pressentie  ou  même    ébauchée  des  hommes    comme 


368  Bibliographie. 

Auguste  Le  Prévost ',  Houzé  2,  Quicherat  >  et  Cocheris  *.  Tous 
ceux  qui  se  sont  occupés  d'histoire  locale,  les  chartistes,  les  roma- 
nistes ont  été,  plus  ou  moins  longtemps,  les  auditeurs  d'Auguste 
Longnon  à  son  cours  de  l'École  des  Hautes  Études  et  du  Collège 
de  France.  Mais  ce  cours,  qui  s'étendait  sur  plusieurs  années  d'en- 
seignement, qui  a  été  repris,  remanié,  corrigé,  augmenté  par  le 
maître  jusqu'à  ses  derniers  jours,  n'a  jamais  été  imprimé.  Deux  de 
ses  anciens  élèves,  MM.  Marichal  et  Mirot,  ont  entrepris  la  tâche 
pieuse  et  délicate  de  le  faire  connaître  au  public.  Il  faut  les  en 
remercier  sincèrement.  L'ouvrage,  qui  sera  complet  en  quatre  fasci- 
cules, est  de  nature  à  répandre  des  lumières  utiles  sur  la  «  géo- 
graphie humaine  »  de  notre  pays  ;  et  d'autre  part  il  fournira  une 
base  solide  aux  nombreux  chercheurs  isolés  qui  travaillent  sur  les 
noms  de  lieu. 

On  est  toujours  embarrassé  de  faire  la  critique  des  publications 
posthumes.  On  ignore  en  effet  ce  qui  est  imputable  à  l'auteur  lui- 
même  ou  à  ses  exécuteurs;  et  on  ressent  quelque  scrupule  à  con- 
damner comme  actuelles  des  doctrines  qui  étaient  justes  ou  excu- 
sables il  y  a  vingt  ou  trente  ans.  Du  moins,  n'est-ce  pas  manquer 
de  respect  à  la  mémoire  d'Auguste  Longnon  que  de  présumer 
qu'avant  de  livrer  au  public  un  enseignement  auquel  il  avait  tra- 
vaillé toute  sa  vie,  il  aurait  pris  la  peine  de  le  réviser  jusqu'au 
moindre  détail  et  de  redresser  les  parties  caduques,  en  sollicitant 
au  besoin  l'aide  de  spécialistes  compétents.  Il  avait  infiniment  d'es- 
time pour  d'Arbois  de  Jubainville,  qui  le  lui  rendait  bien  ;  il  sui- 
vait avec  soin  les  travaux  des  celtistes,  parce  qu'il  savait  que  la 
toponomastique  française  peut  recevoir  de  la  philologie  celtique 
autant  de  secours  qu'elle  lui  en  fournit.  Or,  ce  cours  de  Longnon, 
publié  en  1920,  présente  au  point  de  vue  celtique  un  état  de  la 
science  de  bien  des  années  antérieur;  on  est  choqué  d'y  rencontrer 
tant  d'erreurs  et  en  même  temps  d'y  constater  tant  de  lacunes. 
La  partie  celtique  serait  à  revoir  d'un  bout  à  l'autre. 

Quelques  observations  suffiront  à  le  prouver.  Les  dialectes 
celtiques  modernes  ne  sont  pas  utilisés  comme  ils  devraient  l'être. 
C'est  une  singulière  méthode  de  faire  intervenir  l'anglais  ou  l'alle- 
mand pour  justifier  une   forme  gauloise  alors  que  l'irlandais  et  le 

1.  Dictionnaire  des  anciens  noms  de  lieu  du  département  de  Pliure,  Evreux, 
1859. 

2.  Etude  sur  la  signification  des  noms  de  heu  en  France,  1864. 

3.  De  la  formation  française  des  anciens  noms  de  lieu,  1867. 

4.  Origine  et  formation  des  noms  de  lieu,  1874. 


Bibliographie.  369 

gallois  suffisent  à  l'établir  :  p.  28,  irl.  dùn,  gall.  diu  prouvent  la 
forme  dûnos  (thème  en  -es-)  du  gaulois  ;  p.  49,  l'irlandais  -rith,  le 
gallois  rhyd  «  gué  »  étaient  à  citer,  à  l'appui  d'un  gaulois  rilu-  (et 
non  ritos),  qui  est  le  même  mot  que  l'allemand  ////'/,  anglais  ford 
(la  quantité  de  Yi  de  ritu-  ne  saurait  faire  de  doute,  il  s'agit  certai- 
nement d'un  i  bref);  p.  43,  il  suffisait  de  citer  l'irlandais  niag 
«  champ  »  (thème  en  -es-),  gallois  ma  (le  breton  mea\,  anc.  maes 
est  un  dérivé);  p.  52,  il  fallait  citer  le  gallois  liant  «  ruisseau  », 
et  p.  50,  le  gallois  dzvfr  «  eau  ».  P.  35,  duras  ayant  un  u  bref, 
comme  le  dit  Longnon  lui-même,  ne  peut  être  l'équivalent  du 
latin dûrus.  P.  54,  malgré  la  forme  onuo  du  glossaire  d'Endlicher,  il 
est  douteux  que  la  finale  -ouna  soit  autre  chose  qu'un  suffixe.  En  re- 
vanche, p.  65,  il  ne  faut  pas  parler  d'un  suffixe  -oialos,  mais  bien  d'un 
mot  ialos  conservé  en  gallois  (ial  «  espace  découvert  »  ;  cf.  Thur- 
neysen  Z.  f.  roui,  Phil.  XV,  268)  ;  la  toponomastique  écossaise 
conserve  peut-être  le  même  mot  dans  des  noms  comme  Morile  (de 
*Mor-ialo~)  et  dans  Balmoral  ;  cf.  A.  Maebai.n,  Place  Naines  oj 
Highlauds  and  Islai'ds  ofScotlaiid,  p.  182.  —  P.  66,  le  nom  celtique 
Petroi\ci\lum  ne  peut  signifier  «  lieu  pierreux  »,  mais  sans  doute 
«  les  quatre  champs  »  ou  plutôt  «  champ  carré  »  (cf.  J.  Loth,  cité 
R.  Celt.,  t.  XXXVIII,  p.  86).  P.  68,  un  Novoialum  est  attesté  dans 
Nuejols,  auj.  Neuf  jours  en  Corrèze  (A.  Thomas,  Nouveaux  essais, 
p.  60).  —  P.  38  et  99,  il  est  question  de  Bajocasses,  alors  que  la 
forme  celtique,  comme  d'Arbois  de  Jubainville  l'a  toujours  ensei- 
gné, était  Bodiocasses.  —  P.  46,  ajouter  Uroniagus  ,  cf.  Rev.  Celt., 
XXXVIII,  363.  —  P.  267,  la  forme  la  plus  ancienne  du  nom  de 
la  Saône,  Souconua,aétè  fournie  par  une  inscription;  cf.  Rev.  Celt., 
XXXIV,  p.  347. 

Il  y  a  une  indication  utile,  p.  18,  sur  la  substitution  d'un  suf- 
fixe celtique  à  un  suffixe  ligure;  et  p.  43,  sur  la  double  appellation 
de  la  ville  de  Néris.  Mais  il  eût  fallu  rappeler  le  nom  de  la  ville 
de  Metz,  de  Mettis  remplaçant  l'ancien  ethnique  Medioniatrici,  et 
celui  de  la  ville  de  Melun,  pour  laquelle  le  nom  de  Metloduuuin 
s'est  substitué  à  un  plus  ancien  Metlosedum  (cf.  Méni.  Soc.  Liugu., 
XIII,  p.  225  ;  corriger  en  conséquence  ce  qui  est  dit  p.  32). 

P.  23,  il  est  bien  douteux  que  alisos  soit  un  mot  ibère;  les  noms 
de  lieu  qui  contiennent  ce  mot  peuvent  remonter  d'ailleurs  à  deux 
sources  différentes,  v.  Rev.  Celt.,  XXXVIII,  p.  184.  —  P.  25, 
le  nom  de  lieu  La  Jarrie  existe  également  en  Vendée  (communes 
deDompierre  et  de  Saligny).  —  P.  28,  il  ne  faut  pas  dire  que  l'al- 
lemand Berg  est  une  «  variante  »  de  Burg.  —  P.  136,  on  trouve 
encore   des  localités  portant  le  nom  de  Bretagne   dans  la    Somme 

Revue  Celtique,  XXXIX.  24 


370  Bibliographie. 

(près  de  l'embouchure  de  cette  rivière)    et  dans   Seine-ei-Oise   (à 
l'Est  d'Etampes). 

Le  breton  armoricain  est  souvent  bien  maltraité  :  ucel  «  élevé  », 
p.  34  est  un  monstre  !  Leschapitres  consacrés  aux  origines  bretonnes 
p.  301  et  ss.,  laissent  fort  à  désirer.  A  vrai  dire  l'histoire  des  noms 
de  lieu  bretons  reste  à  faire;  c'est  un  sujet  difficile,  et  qui  devrait 
bien  tenter  quelque  jeune  celtiste  bretonnant.  Dans  un  livre  sur  les 
noms  de  lieu  de  la  France,  on  pouvait  laisser  de  côté  l'étude  de  la 
toponomastique  armoricaine,  dans  la  mesure  du  moins  où  elle  est 
brittonique;  mais  du  moment  qu'on  l'entreprenait,  il  fallait  la 
faire  aussi  complète  que  possible  et  s'entourer  de  garanties  pour 
l'exactitude  desfaits.  Or,  les  chapitres  en  question  pèchent  beaucoup 
à  ce  double  point  de  vue  ;  des  noms  importants  manquent,  et 
parmi  ceux  qui  sont  cités,  les  fautes  matérielles  ou  les  erreurs 
abondent.  Un  seul  exemple  suffira  :  il  est  dit  p.  320  que  dans  ker- 
nilis  «  la  maison  de  l'église  »  1';/  joue  le  rôle  de  la  préposition 
«  de  »  !  Comment  les  auteurs  n'ont-ils  pas  songé  à  soumettre  au 
moins  les  épreuves  de  leur  travail  au  premier  bretonnant  venu  ; 
il  leur  aurait  épargné  cette  bévue  et  quelques  autres. 

Depuis  l'époque  où  Longnon  enseignait,  il  a  paru  nombre  de 
travaux,  quelques-uns  fort  importants,  sur  les  noms  de  lieu  cel- 
tiques. Les  éditeurs  en  sont  restés  à  Henri  Martin,  dont  l'autorité 
est  invoquée  et  discutée  p.  61  ;  cela  date  l'ouvrage.  En  revanche 
ils  paraissent  ignorer  les  noms  de  Meyer-Lùbke,  ou  de  Grôhler, 
et  même  de  MM.  J.  Loth  ou  Dottin.  La  lecture  de  la  Revue  Celtique 
leur  aurait   été  profitable  à  bien  des  égards. 

J.  Vexdryes. 

III 

R.  A.  Stewart  Macalister,  The  Latin  and  Irish  Lives  of  Ciaran . 
Societv  for  Promoting  Christian  Knowledge  (Translations  of 
Christian  Literature,  séries  Y,  Lives  of  the  Celtic  Saints).  Lon- 
don  and  New  York,  The  Macmillan  Company,  1921.  190  p.  1 6° 

10  sh. 

11  y  a  toujours  un  parallèle  instructif  à  établir  entre  les  vies  de 
saints  d'Irlande  suivant  qu'elles  sont  écrites  en  latin  ou  en  irlan- 
dais. Le  caractère  en  est  généralement  différent,  parce  qu'elles  ne 
s'adressaient  pas  au  même  public.  Les  vies  latines  étaient  destinées 
à  perpétuer  dans  le  monastère  et  à  l'usage  des  clercs  les  hauts 
faits   des  thaumaturges  auxquels  la  maison  devait  sa  célébrité.  Les 


Bibliographie.  371 

vies  irlandaises  s'adressaient  au  peuple.  Ce  sont  beaucoup  moins 
des  biographies  que  des  homélies  sur  la  vie  des  saints;  elles  ont 
la  forme  du  discours  prononcé,  comprenant  généralement  un 
exorde  et  une  péroraison  (qui  sont  souvent  d'un  même  modèle 
pour  toutes  les  vies).  Il  est  vraisemblable  qu'on  les  prononçait  en 
effet  chaque  année  pour  la  fête  du  saint,  sous  réserve  des  modifi- 
cations, abrègements  ou  surcharges  que  comportaient  les  circon- 
stances ou  les  auditoires.  Elles  donnent  en  tout  cas  de  ces  derniers 
une  idée  assez  peu  flatteuse.  Les  contradictions,  les  invraisem- 
blances y  abondent  ;  les  contes  les  plus  absurdes  y  sont  développés 
avec  une  tranquille  assurance  ;  les  miracles  traditionnels  des  grands 
personnages  bibliques,  ceux  de  Jésus  lui-même,  y  sont  reproduits 
avec  candeur  à  l'actif  du  saint  local, sans  que  l'orateur  cherche  à  dissi- 
muler l'emprunt.  Cet  orateur  connaissait  son  public  ;  il  savait  qu'on 
pouvait  lui  faire  tout  accepter.  Des  naïvetés  aussi  grossières  se 
rencontrent  sans  doute  aussi  dans  les  vies  latines.  Mais  elles 
s'étalent  dans  les  vies  irlandaises  avec  moins  de  retenue  ;  elles  y 
passent  à  la  faveur  d'un  ton  simple,  familier,  en  accord  avec  l'in- 
tention d'édification  qui  est  dominante.  Enfin  on  constate  dans 
les  vies  irlandaises  la  préoccupation  de  rattacher  les  événements 
merveilleux  du  récit  à  des  lieux  ou  des  faits  connus  des  auditeurs. 
Les  allusions,  les  détails  topiques  y  sont  plus  nombreux,  plus 
précis  que  dans  les  vies  latines.  C'est  en  effet  un  bon  moyen  de 
retenir  l'attention    du  public  et  d'agir  sur  lui. 

On  peut  aisément  se  rendre  compte  des  différences  indiquées 
ici  en  lisant  le  petit  livre  que  M.  Macalister  consacre  à  saint  Cia- 
ran.  Nous  possédons  en  effet  plusieurs  vies  de  ce  saint.  Il  y  en  a 
trois  en  latin  et  qui  présentent  d'assez  notables  divergences.  La 
première,  qui  est  la  plus  complète,  est  conservée  dans  un  manuscrit 
de  la  Marsh's  Library  à  Dublin,  du  début  du  xve  s.  ;  c'est  celle  que 
M.  C.  Plummer  a  publiée  dans  son  bel  ouvrage,  Vitae  Sandorum 
Hiberuiae  I,  200  (cf.  Rev.  Celt.,  XXXII,  104).  La  seconde  est  con- 
tenue dans  deux  manuscrits  de  la  Bodléienne  (Rawl.  B  485  et 
Rawl.  B  505),  dont  l'un  est  copié  sur  l'autre;  le  plus  ancien  peut 
remonter  au  xiues.  M.  Plummer  n'en  a  donné  que  des  extraits  en 
notes  à  son  édition  de  la  précédente.  La  troisième  vie  latine  est 
celle  du  fameux  Codex  Salmaticensis,  aujourd'hui  à  Bruxelles; 
elle  a  été  publiée  par  les  P.  P.  de  Smedt  et  de  Backer  dans  leur 
édition  de  ce  manuscrit,  col.  1 5 5-160.  Il  y  a  d'autre  part  une  vie 
irlandaise,  qui  est  conservée  dans  le  Book  of  Lismore  et  dans  un 
manuscrit  de  Bruxelles;  elle  a  étépubliée  par  WhitleyStokes  (Lives 
of  Saints  from  the  Book  of  Lismore,  p.  n  7- 13  4). 


§ji  Bibliographie . 

L'ouvrage  de  M.  Macalister  comprend  la  traduction  de  trois  vies 
latines  et  de  la  vie  irlandaise,  et,  en  appendice,  le  texte  complet 
de  la  seconde  vie  latine  dont  seuls  des  fragments  avaient  été 
publiés  jusqu'ici  (voir  ci-dessus).  Ce  qui  donne  à  l'ouvrage  une 
valeur  originale,  c'est  d'une  part  une  substantielle  introduction  et 
d'autre  part  une  série  abondante  de  notes  érudites.  St  Ciaran  d'ail- 
leurs méritait  l'honneur  qui  lui  est  fait.  C'est  un  des  plus  grands 
noms  de  l'hagiographieirlandaise.  Il  estsans  doute  moins  connu  que 
Patrice  ouColumba.  Mais  il  a  sur  le  sol  irlandais  plus  d'attaches  que 
ces  deux  apôtres,  dont  l'un,  Patrice,  était  étranger,  dont  l'autre, 
Columba,  exerça  son  apostolat  surtout  en  dehors  de  l'île.  Pour  être 
d'expansion  plus  limitée,  sa  gloire  n'en  est  peut-être  que  plus  pro- 
fondément enfoncée  dans  la  tradition  irlandaise.  Comme  Brigitte  a 
fondé  le  monastère  de  Kildare,  Brendan  celui  de  Clonfert  et  Kevin 
(Coemgen)  celui  de  Glendalougb,  Ciaran  est  l'immortel  fondateur 
de  Clonmacnois. 

Ce  nom  dit  tout.  Il  n'en  est  guère  de  plus  illustre  dans  les  an- 
nales de  l'Irlande  chrétienne.  Les  poètes  ont  célébré  à  l'envi  la 
splendeur  de  ce  monastère,  où  les  fidèles  se  rendaient  en  foule  : 
L'auteur  du  Félire,  Oengus  fils  d'Oenguba,  oppose  les  ruines  des 
palais  des  rois  païens  aux  établissements  des  moines  chrétiens  : 
«  Rath  Cruachan  s'est  évanoui  avec  la  descendance  victorieuse 
d'Ailill  ;  la  noble  souveraineté  sur  les  princes  appartient  à  la 
cité  de  Clonmacnois  », 

Ràth  Cbruachan  ro  scàichi 

la  hAilill  geiri  tnbùada, 

câin  ordan  ùas  flathïb 

fil  icaihir  Chluana. (Prologue,  v.  177  et  ss.) 

Ce  thème  revient  dans  maint  poème  (cf.  K.  Meyer,  H  ail  Brigil). 
Il  en  est  un,  attribué  à  Colum  Cille  et  récemment  publié  dans 
la  Zeilschrift  fur  celtische  Philologie  (XIII,  9),  qui  commence 
par  : 

Temair  bregh, 
gidh  linmar  libb  lin  a  fer, 
ni  cian  go  mbia  na  fisacb, 
gè  lit  si  àniugh  a  sâsadh. 

«  Tara  la  belle,  si  grand  que  vous  semble  le  nombre  de  ses  habi- 
tants, sera  bientôt  vide,  bien  qu'elle  soit  pleine  aujourd'hui.  » 
Cette  prophétie  pouvait  être  faite  aussi  de  Clonmacnois.  Le  floris- 


Bibliographie.  373 

sant  monastère,,  riche  des  offrandes  de  pèlerins  innombrables, 
a  subi  à  son  tour  le  sort  des  sanctuaires  païens.  C'est  aujourd'hui 
le  cimetière  d'un  cimetière  :  quandoquidem  data  sunt  ipsis  quoque 
fata  sepulcris. 

Il  n'est  rien  de  plus  impressionnant  qu'une  visite  à  Clonmac- 
nois.  Quand  on  part  de  la  petite  ville  d'Athlone,  centre  animé  de 
commerce  et  d'affaires,  on  a  quelque  treize  milles  à  parcourir 
avant  d'y  atteindre.  Le  paysage  est  d'abord  riant  et  sympathique. 
Vers  la  fin  du  trajet,  la  route  s'engage  sur  une  étroite  chaussée,  qui 
paraît  interminable  entre  deux  immenses  tourbières  s'étendant  à 
perte  de  vue.  On  dirait  le  pont  qu'Adamnan  vit  en  rêve,  qui  fait 
communiquer  deux  mondes.  Au  delà  de  cette  chaussée  en  effet 
on  pénètre  dans  le  monde  des  morts.  Un  vieux  château  en  ruines, 
détruit  par  Cromwell,  à  l'air  de  faire  sentinelle  à  l'entrée.  Il  est 
planté  sur  une  hauteur  derrière  laquelle  le  Shannon  coule  ses 
vastes  ondes  paisibles.  A  droite  s'étend  ce  qui  reste  de  Clonmac- 
nois,  le  monastère  de  Ciaran.  Dès  qu'on  a  franchi  le  petit  mur  de 
clôture,  l'œil  ne  découvre  plus  qu'un  horizon  de  pierres  tombales, 
toutes  nues,  toutes  semblables  et  si  pressées  qu'elles  se  touchent. 
Leur  teinte  grise  uniforme  est  à  peine  variée  par  la  mousse  qui 
ronge  les  inscriptions  funéraires.  Çà  et  là  quelques  maigres  ronces 
percent  les  interstices  des  tombes.  De  cette  mer  de  pierres  sur- 
gissent trois  lourdes  croix,  recouvertes  d'emblèmes  sculptés  et  sept 
chapelles,  dont  quelques-unes  n'ont  plus  que  les  quatre  murs.  Le 
spectacle  est  saisissant  et  retiendrait  l'œil  fixé  au  sol  si,  dominant 
l'immense  cimetière,  deux  tours  rondes,  gracieux  symbole  des 
aspirations  de  l'âme  irlandaise,  n'entraînaient  le  regard  vers  les 
deux.  Seul  le  silence  règne  dans  cette  solitude  ;  mais  il  y  est  empreint 
d'une  majesté  grave  et  sereine.  Ce  n'est  pas  le  décor  d'une  scène 
de  sabbat.  C'est  un  site  préparé  d'avance  pour  le  jour  où  la  trom- 
pette du  jugement  dernier  réveillera  tout  d'un  couples  milliers  de 
corps  qui  reposent  dans  ces  tombes  abandonnées. 

Des  ruines  de  Clonmacnois  les  souvenirs  surgissent  en  foule  à 
l'esprit  du  visiteur.  L'histoire  et  la  légende  s'y  mêlent.  La  première 
évoque  à  la  fois  les  soldats  de  Cromwell,  qui  mirent  la  dernière 
main  à  l'œuvre  de  destruction  accomplie  par  le  temps,  Dervorgilla, 
l'épouse  infidèle,  cause  indirecte  de  la  conquête  anglaise,  qui  fit 
construire  une  chapelle  à  un  demi-mille  plus  au  Nord,  Alcuin,  qui 
fit  connaître  la  gloire  du  monastère  jusqu'à  la  cour  de  Charlemagne 
et  tous  les  moines  auxquels  nous  devons  notamment  le  Leabhor 
na  h-Uidhre  ou  les  Annales  de  Tigernach.  La  légende  rappelle 
nombre  de  personnages,  clercs  ou  laïques,  qui  furent  mis  en  rapport 


374  Bibliographie. 

avec  Ciaran,  comme  Coirpre  Cromm  mac  Fer-adaig  (R.  Celt., 
XXVI,  368  et  A.  f.  celt.  Lex.,  III,  225)  ou  comme  St.  Senan 
(Macalister,  p.  86-87,  139-141)  et  toute  la  série  des  princes  et  des 
rois  qu'on  lui  donna  pour  ancêtres.  M.  Macalister  a  reproduit  p. 
103  ces  généalogies  fantaisistes.  Ciaran  Mac  int  Sair  («  fils  de  l'arti- 
san »),  dont  la  naissance  était  sans  doute  des  plus  humbles,  est 
rattaché  tantôt  à  Tigernmas,  le  fabuleux  roi  milésien  de  Tara, 
tantôt  à  Fergus  Mac  Roich,  héros  de  la  Branche  Rouge  d'Ulster. 
Cette  prétendue  parenté  avec  Fergus  explique  qu'on  ait  mêlé  Cia- 
ran à  la  révélation  du  récit  de  la  Titiii.  Dans  l'extravagante  bouf- 
fonnerie qui  porte  le  titre  à'Imthecht  na  Tromdaime,  on  voit  Ciaran 
écrivant  sur  la  peau  de  sa  fameuse  vache  brune  le  récit  que  lui  fait 
Fergus.  Mais  il  a  échappé  à  M.  Macalister  que  les  noms  de  Fergus 
et  de  Ciaran  sont  associés  ailleurs  encore.  Senchan  Torpéist,  con- 
traint parle  roi  de  Connaught  Guaire  de  retrouver  le  récit  perdu, 
avait  d'abord  invoqué  le  secours  de  Brendan  de  Clonfert.  Celui-ci 
apparut  en  songe  à  l'un  de  ses  moines  pour  le  prier  d'avertir  Sen- 
chan que  c'était  à  Ciaran  qu'il  fallait  s'adresser  :  «  la  prière  qu'il 
adresse,  ce  n'est  pas  ici  qu'il  l'obtiendra,  c'est  à  Clonmacnois 
auprès  de  Ciaran  fils  de  l'artisan  »,  in  eitchi  connaigb1  ni  siinn  atâ 
dhô,  acht  a  Ch'tain  mie  Nois  la  Ciaran  mac  in  tsàir(A.  f.  celt.  Lex. 
III,  4).  Comme  le  remarque  M.  Thurneysen  (Irische  Helden-  und 
Kônigsage,  I,  253),  ce  passage  s'explique  par  le  fait  que  Ciaran 
était  un  des  saints  de  la  race  de  Fergus.  Et  Ciaran  effet  envoie 
Senchan  à  Fergus,  qui  lui  fait  connaître  le  détail  de  la  célèbre 
expédition. 

J.  Vendryes. 

IV 

Thomas  F.  O'Rahilly,  Dânfhocail,  Irish  Epigrams  in  Verse.  Dublin, 
The  Talbot  Press,  1921,  115  p.  120  5  sh. 

Le  quatrain  est  la  forme  la  plus  habituelle  de  la  poésie  irlandaise. 
Les  plus  longues  pièces  de  vers,  même  à  l'intérieur  des  récits 
suivis  de  l'épopée,  sont  généralement  composées  de  séries  de 
strophes  de  quatre  vers,  dont  chacune  fournit  un  sens  complet. 
Quiconque  a  un  peu  pratiqué  la  littérature  du  moyen  irlandais  sait 

1.  Lire  in  itge  connaig.  La  forme  connaig  «  il  demande  »  est  à  coitdaig 
(Wb.  8  d  20.  Ml.  35  c  21)  comme  connagam  «  nous  demandons  »  (L.  L. 
jo8  b    12)  à  condegam  (Ml.  107  c  8). 


Bibliographie.  375 

combien  les  textes  en  prose  de  cette  période,  quel  qu'en  soit  le 
caractère,  sont  émaillés  de  quatrains,  groupés  ou  isolés.  Le  qua- 
train vient  naturellement  à  l'esprit  du  conteur,  quand  il  veut 
résumer  d'une  façon  frappante  une  situation  ou  faire  parler  un  de 
ses  personnages  avec  noblesse  et  splendeur.  Il  y  a  d'ailleurs  des 
formes  variées  de  quatrains.  Ce  que  l'on  appelle  quatrain  en  irlan- 
dais (cethramlhu,  a.u\.  ceathramha  ou  rann)  n'est  généralement  que  la 
réunion  de  deux  «  Langzeilen  »  ;  et  chacune  de  celles-ci  comporte 
des  variétés  de  mètres  assez  nombreuses  (voir  K.  Meyer,  a  Primer 
of  Irish  Metrics,  Dublin,  1909,  p.  13  et  ss.).  Un  mètre  des  plus 
répandus  est  celui  qui  porte  le  nom  de  debide  (id.  ibid.,  p.  8). 

Fréquemment,  pour  remplir  les  blancs  des  manuscrits,  lesscribes 
y  ont  inséré  des  quatrains,  qui  leur  revenaient  à  la  mémoire  ou 
qu'ils  copiaient  de  droite  et  de  gauche.  Cela  s'est  produit  surtout 
dans  les  derniers  siècles.  Alors  que  l'anglais  oppresseur  entravait  la 
libre  expansion  de  la  langue  et  de  la  pensée  irlandaises,  le  manuscrit, 
à  défaut  du  livre  imprimé,  a  servi  de  réceptacle  et  de  véhicule  à  la 
littérature  nationale.  Innombrables  sont  les  cahiers  de  papier  sur 
lesquels,  aux  xvne,  xvme  et  même  xixe  siècles,  d'humbles 
scribes,  souvent  inconnus,  ont  fixé  des  traditions  orales  restées 
vivaces,  des  récits,  des  poèmes  qu'on  se  passait  de  main  en  main, 
Les  jeunes  érudits  d'Irlande  sont  particulièrement  attirés  aujour- 
d'hui par  l'étude  de  cette  littérature,  qui  évoque  le  souvenir  des 
siècles  d'épreuve  et  porte  le  témoignage  des  qualités  morales  et 
intellectuelles  d'un  peuple  qui  ne  voulait  pas   mourir. 

M.  Thomas  O'Rahilly  est  de  ceux  qui  se  sont  fait  connaître  le 
plus  avantageusement  par  leur  zèle  et  leur  compétence  à  dépouiller 
les  manuscrits  irlandais  des  derniers  siècles.  Au  cours  de  ses 
dépouillements,  il  a  eu  l'occasion  de  rencontrer  un  nombre  considé- 
rable de  quatrains,  sur  les  sujets  les  plus  variés.  De  ces  quatrains 
il  a  fait  un  choix,  qu'il  publie  sous  le  nom  de  Dàiifhocail,  c'est-à- 
dire  à  peu  près  «  épigrammes  en  vers  »'.  Pour  la  forme,  on  y 
observe  divers  mètres  classiques,  debide,  rannaigecht,  ae  freslige. 
Pour  le  fond,  ce  recueil  constitue  une  anthologie  qui  a  le  mérite 
de  faire  connaître  les  idées  les  plus  familières  aux  Irlandais  sur  le 
monde  et  sur  la  vie.  C'est  un  abrégé  de  la  sagesse  populaire.  La 
forme  poétique  y  renouvelle  souvent  des  proverbes  qui  ont  cours 
dans  tousles  pays  ;  parfois  le  fonds  même  a  une  saveur  proprement 

1.  De  ddn  «  poésie»  et  de  focal  «  mot,  parole  »,  au  sens  où  l'on  dit 
«  mot  historique  »,  «  p.irole  de  soldat  »,  etc.  On  pourrait  traduire  ddnjho- 
cal  par  «  pensée  ou  phrase  en  vers  ». 


376  Bibliographie. 

irlandaise.  Les  quatrains  sont  rangés  suivant  le  sujet  dans  une 
quinzaine  de  rubriques  (générosité  et  avarice,  richesse  et  pauvreté, 
les  femmes  et  l'amour,  jeunesse  et  vieillesse,  la  mort  et  l'éternité, 
le  clergé  et  la  religion,  etc.).  Il  y  en  a  en  tout  290.  Ils  remontent  en 
grande  majorité  à  lapériodequi  s'étend  de  1400a  1700;  quelques- 
uns  peuvent  être  plus  anciens,  ilyen  a  qui  sont  seulementdu  xixc 
siècle.  M.  T.  O'Rahilly  a  uniformisé  la  langue  de  façon  à  rendre 
son  recueil  intelligible  à  quiconque  ne  connaît  que  l'irlandais 
moderne.  Il  a  d'ailleurs  joint  à  son  texte  des  notes  abondantes,  rensei- 
gnant sur  la  provenance  de  chaque  quatrain,  sur  les  circonstances 
auxquelles  il  se  rapporte,  et  sur  l'auteur,  s'il  y  a  lieu,  enfin  expli- 
quant les  principales  difficultés  de  la  langue.  L'ouvrage  se  termine 
en  outre  par  un  petit  lexique  des  mots  rares  et  par  un  index  des 
auteurs  cités,  depuis  Cormac  MacAirt  etColum  Cille  jusqu'à  Olivier 
Plunkett  et  David  Do  Barra. 

On  sait  combien  la  littérature  des  proverbes  est  abondante  en 
Irlande  à  toutes  les  époques.  Plusieurs  collections  ont  été  faites, 
dont  on  trouvera  la  liste  dans  la  Bibliographie  de  Best,  p.  263-264. 
Le  pays  de  Galles  '  et  la  Bretagne  2  ont  également  fourni  aux  collec- 
teurs et  éditeurs  une  abondante  moisson.  Parmi  tous  les  recueils  qui 
ont  été  publiés  en  Irlande,  celui  de  M. F.  O'Rahilly  se  distingue 
par  l'excellence  du  choix  et  par  la  valeur  littéraire  des  quatrains 
choisis. 

J.  Vendryes. 

V 

George  Fletcher.  The  provinces  of  Ireland,  Cambridge,  University 
Press.  1921  :  Ulster,  xi-186  p.,  Munster,  xi-176  p.  8°.  6  s.  6 
d.  chaque  volume. 

Ces  deux  volumes  sont  les  premiers  d'une  série  de  monographies 
consacrée  aux  quatre  provinces  d'Irlande  et  qui  se  terminera  par 
un  volume  d'ensemble  sur  l'Irlande  en  général.  Le  directeur  de 
l'entreprise,  M.  Fletcher,  attaché  au  Department  of  Agriculture  and 
Technical    Instruction   de  Dublin,    a   fait    appel   au   concours  de 

1.  Voir  surtout  the  Myfyrian  Archaioloçy ',  2<*  éd . ,  p.  754-Sn  et  838-867, 
les  Iolo  MSS.,  p.  154-194  et  224-227.  Ce  qui  rappelle  le  mieux  l'œuvre  de 
M.  F.  O'Rahilly,  c'est  d'une  part  Penillion  Telyn  de  M.  W.  Jenkyn  Tho- 
mas (Carnarfon,  1894)  et  d'autre  part  Blodeuglum  oEnglynion  de  M.  W.J. 
Gruffydd  (R.  Celt.,  XXXVIII,  p.  208). 

2.  Voir  Revue  celtique,  t.  XXXIII,  p.  492  et  XXXIV,  p.  108. 


Bibliographie.  377 

savants  compétents  pour  donner  à  ces  volumes  une  documentation 
choisie.  Ainsi  ce  qui  concerne  la  préhistoire  est  dû  à  la  plume  de 
M.  Macalister,  l'archéologie  et  l'histoire  de  l'art  à  celle  de  M. 
Armstrong,  la  biographie  des  grands  hommes  à  celle  de  M.  Best. 
La  géographie  physique,  la  botanique  et  la  zoologie  sont  traitées 
par  M.  Lloyd  Praeger,  la  géologie  par  M.  Isaac  Swin,  la  géo- 
graphie économique  et  administrative  par  M.  Fletcher  lui-même. 
Chaque  monographie  est  illustrée  de  nombreuses  figures,  accompa- 
gnée de  cartes. 

En  un  moment  où  l'Irlande  est  à  un  tournant  décisif  de  son  his- 
toire, où  le  passé  s'éclipse  rapidement  pour  faire  place  à  un  ave- 
nir encore  incertain,  il  est  excellent  qu'une  description  exacte  et 
impartialefixe  les  traits  du  pays  sous  sa  forme  actuelle.  M.  Fletcher 
s'estplacéau-dessus  de  toute  discussion  politiqueou  confessionnelle  : 
c'est  la  figure  de  l'Irlande  elle-même  qu'il  a  voulu  peindre,  du 
pays  dont  l'âme  éternelle  survit  aux  vicissitudes  politiques,  et  qui 
garde  sa  splendeur  malgré  les  taches  qui  momentanément  l'assom- 
brissent. La  collection  peut  être  accueillie  avec  intérêt  aussi  bien 
à  Dublin  qu'à  Cork  et  à  Belfast.  Elle  doit  recevoir  aussi  un  bon 
accueil  à  l'étranger.  L'Irlande  n'est  pas  assez  connue  :  les  curiosi- 
tés naturelles,  les  monuments  artistiques  et  archéologiques,  les 
souvenirs  historiques  y  offrent  pourtant  des  attraits  nombreux.  Les 
volumes  de  la  collection  de  M.  Fletcher,  à  en  juger  par  les  deux 
premiers,  forment  un  complément  indispensable  aux  guides  du 
voyageur  ;  ils  ont  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  faire  connaître 
et  aimer  l'Irlande  et  pour  engager  les  touristes  à  la  visiter. 

J.  Vendryes. 
VI 

Albert  Stanburrough  Cook  [Professor  Emeritus  of  the  English  Lan- 
guage  and  Literature  in  Yale  University],  The  Possible  Begetter 
of  the  OUI  English  Beowulf  and  Widsith  (extrait  des  Tran- 
sactions of  the  Connecticut  Academy  of  Arts  and  Sciences,  vol.  XXV, 
p.  281-346).  New  Haven,  Connecticut.  Yale  University  Press. 
1922 .  %  1.00. 

La  composition  du  poème  de  Beowulf  pose  une  série  de  pro- 
blèmes délicats  qui  ne  sont  pas  encore  entièrement  résolus.  On 
discute  toujours  sur  la  date  à  laquelle  il  a  été  rédigé  et  sur  la  région 
d'où  il  est  sorti.  Le  manuscrit  unique  qui  nous  l'a  conservé  (Bri- 
tish  Muséum,  Cottonian  MSS,   Vitellius  A.  15)  est  de  la  seconde 


378  Bibliographie. 

moitié  du  xc  siècle;  il  provient  du  Wessex  et  a  été  copié  par  quel- 
qu'un de  cette  région.  Mais  le  texte  est  d'une  date  bien  antérieure, 
des  environs  de  l'an  700  suivant  A.  Brandi  (Geschichte  der  altengli- 
scben  Literatur  dans  le  Grundriss  de  Paul,  2me  édition)  ouChambers 
(Beowulf,  1921,  p.  332),  du  début  même  du  vne  siècle,  suivant 
certains  autres.  Comme  la  plupart  des  monuments  poétiques  du 
vieil-anglais,  il  appartient  sans  aucun  doute  au  domaine  des 
Angles  et  non  à  celui  des  Saxons.  Mais  on  peut  hésiter  à  l'attri- 
buer aux  Northumbriens  ou  bien  aux  Merciens. 

Seule  une  analyse  minutieuse  du  poème  permet  d'en  éclaircir  la 
formation.  Cette  analyse  a  été  faite  jadis  par  M.  Ten  Brink  avec 
une  rare  sagacité,  parfois  un  peu  trop  subtile  dans  le  détail  (Beo- 
ivulf,  Strassburg,  1888;  Qiiellen  und  Forschiuigen,  n°  LXII).  Le 
poème  est  consacré  à  la  gloire  du  héros  Beowulf,  le  vaillant  marin, 
se  môdega  merefara,  de  la  race  des  Geâtas  ;  on  y  raconte  ses  prin- 
cipaux exploits,  sa  mort,  ses  funérailles.  L'ensemble,  qui  est 
arrangé  avec  beaucoup  d'art,  comprend  deux  parties  principales 
respectivement  consacrées  à  la  lutte  de  Beowulf  contre  le  monstre 
Grendel  et  à  la  lutte  de  Beowulf  contre  le  dragon.  Ces  deux  par- 
ties sont  adroitement  coupées  d'épisodes  secondaires,  présentés 
sous  forme  de  récits,  comme  la  Course  à  la  nage  entre  Beowulf  et 
Breca,  qui  était  sans  doute  à  l'origine  un  autre  épisode  de  la 
légende,  ou  bien  comme  les  voyages  de  Beowulf,  où  sont  racon- 
tés des  exploits  présentés  ailleurs  en  action,  et  qui  proviennent 
sans  doute  d'autres  développements  de  la  légende  primitive.  L'au- 
teur qui  a  combiné  tout  cela  a  mis  en  tête  de  son  œuvre  une 
introduction,  ajouté  une  conclusion,  et  répandu  sur  le  tout  un  ver- 
nis uniforme  si  bien  que  les  différents  éléments  dont  il  a  tiré  parti 
se  laissent  malaisément  discerner. 

On  peut  admettre  avec  B.  Ten  Brink  que  parmi  le  peuple  des 
Angles,  avant  même  qu'ils  ne  quittassent  le  continent,  il  courait 
diverses  légendes,  relatives  aux  exploits  du  héros  Beowulf.  Ces 
légendes  furent  introduites  en  Grande-Bretagne  lors  des  expéditions 
qui  aboutirent  à  la  fondation  des  royaumes  de  Bernicie  en  547  et 
de  Deire  en  559,  dont  l'ensemble  constitue  la  Northumbrie.  Mais 
les  Angles  de  Mercie,  au  sud  de  l'Humber,  pouvaient  les  connaître 
aussi.  Sur  le  sol  breton,  elles  prirent  corps  et  formèrent  divers 
récits  épiques  indépendants  les  uns  des  autres.  Est-il  possible  de 
localiser  chacun  de  ces  récits  ?  B.  Ten  Brink  l'a  tenté,  attribuant 
par  exemple  à  la  Bernicie  le  combat  de  Beowulf  eontre  le  dragon,  à 
la  Deire  le  voyage  de  Beowulf  vers  le  palais  de  Heorot,  basa  sêlest, 
et  son  combat  contre  Grendel,   à  la  Mercie   plusieurs  des  épisodes 


Bibliographie.  379 

incorporés  secondairement  au  poème.  Cette  répartition  est  bien 
arbitraire,  et  les  raisons  qu'il  donne  pour  la  justifier  paraissent 
contestables.  D'autre  part,  tandis  que  le  poème  se  constituait  par 
la  combinaison  de  morceaux  de  légende  purement  païens,  il  se 
teinta  de  christianisme  par  l'addition  de  digressions  théologiques 
ou  de  discours  édifiants.  Sous  l'influence  du  dogme  et  de  la  morale 
chrétienne,  la  rudesse  presque  barbare  des  mœurs  primitives  s'adou- 
cit; la  légende  s'humanisa.  La  forme  définitive  donnée  au  poème 
trahit  une  autre  influence,  l'influence  de  l'antiquité  classique.  La 
composition  est  ordonnée  avec  goût,  les  épisodes  bien  coupés, 
les  discours  habilement  mêlés  au  récit,  selon  les  meilleures  recettes 
de  l'épopée.  Dans  le  détail  on  a  pu  relever  des  réminiscences, 
sinon  des  imitations  d'Homère.  Celui  qui  a  composé  le  poème 
de  Beowulf  était  un  clerc  lettré;  il  n'a  pu  l'écrire  que  dans  un 
milieu  relativement  poli,  près  d'une  cour  où  la  vie  de  société  était 
garantie  par  un  pouvoir  politique  solide.  Le  public  auquel  il  s'adres- 
sait possédait  sans  doute  des  vertus  guerrières  et  un  fort  sentiment 
national,  il  restait  attaché  à  ses  traditions  de  race,  mais  il  était 
déjà  pénétré  de  christianisme,  et  par  le  christianisme  il  avait  une 
certaine  idée  de  la  littérature  gréco-latine. 

Ces  conclusions  permettent-elles  de  déterminer  la  région  où  le 
poème  fut  composé  ?  Pour  des  raisons  somme  toute  assez  fragiles, 
Ten  Brink  inclinait  à  croire  que  cette  région  était  la  Mercie.  Cette 
opinion  ne  paraît  soutenable  qu'à  condition  de  retarder  d'un  bon 
siècle  la  date  de  composition.  Si  l'on  s'en  tient  au  vne  siècle,  et 
en  particulier  à  la  seconde  moitié  du  vne  siècle,  c'est  bien  plutôt 
à  la  Northumbrie  qu'il  faut  songer.  Ce  pays  réalise  alors  d'une 
façon  remarquable  l'ensemble  des  conditions  qui  viennent  d'être 
indiquées.  Sous  les  rois  Aethelfrith  (593-617),  Edwin  (617-633), 
Oswald  (634-642),  qu'ils  fussent  de  Bernicie  ou  de  Deire,  l'his- 
toire delà  Northumbrie  est  remplie  par  la  lutte  contre  les  Bretons 
et  les  Merciens.  Aethelfrith  avait  battu  à  Chester  en  614  les  Bre- 
tons de  Brochfael  Yskithrawc.  Mais  en  633  les  Bretons  de  Cadwal- 
lon,unis  aux  Merciens  de  Peanda,  écrasèrent  à  Heathfield  (gallois 
Meigen)  les  troupes  du  roi  Edwin,  qui  fut  tué  dans  la  bataille. 
Deux  ans  après,  Oswald  infligeait  à  ses  ennemis  une  revanche  à 
Heavenfield  (gallois  Maes  Nefawl,  7  à  8  milles  au  N.  d'Hexham). 
Cadwallon  y  périt.  A  partir  de  ce  moment,  comme  dit  le  Brut  y 
Tywyssogion,  les  Bretons  perdirent  la  couronne  du  royaume,  qui 
fut  gagnée  par  les  Saxons  (0  hynny  allan  y  colles  y  Brytanyeit  goron  y 
teyrnas,  ac  yd  ennillawd  y  Saeson  hi,  R.  B.,  II,  257).  D'autre  part,  à 
la  mort  du  roi  Peanda,  tué  en  651  à  la  bataille  de  Winwaed  par  le  roi 


j8o  Bibliographie. 

de  Norlhumbrie'Oswy, la  suprématie  sur  les  Merciens  fut  assurée  à 
ce  dernier.  Les  Merciens  essayèrent  à  plusieurs  reprises  de  secouer 
le  joug;  ils  n'y  réussirent  pleinement  qu'en  705.  Il  est  vrai  que 
l'année  685  où  les  Northumbriens  subirent  la  défaite  de  N'echtans- 
mere  marque  pour  eux  le  début  de  la  décadence.  Cependant  durant 
près  de  soixante  ans,  sous  les  princes  Oswy  (642-671),  Ecgfritb 
(671-685)  et  Aldfrith  (685-705),  de  tous  les  royaumes  de  Grande- 
Bretagne,  c'est  la  Nortbumbrie  qui  brilla  du  plus  vif  éclat.  Elle 
était  chrétienne  depuis  627  (date  de  la  conversion  du  roi  Edwin), 
tandis  que  Peanda  et  ses  Merciens  restaient  attachés  au  paganisme. 
L'ordre  y  régnait,  les  lettres  y  étaient  cultivées,  la  religion  y  floris- 
sait  grâce  à  Théodore  de  Tarse  et  à  Wilfrid,  évêque  d'York.  C'est 
dans  ce  milieu  northumbrien  que  le  poème  de  Beowulf  a  dû 
prendre  la  forme  que  nous  connaissons. 

Telle  est  la  doctrine  que  M.  A.  S.  Cook  expose  dans  la  brochure 
dont  le  titre  est  donné  plus  haut.  Cette  doctrine  est  importante 
pour  les  études  celtiques,  car  la  période  où  régnèrent  Oswy, 
Ecgfrith  et  Aldfrith  est  marquée  par  l'influence  irlandaise  en  Nor- 
thumbrie.  Ces  trois  princes  étaient  en  étroits  rapports  avec  le 
monastère  de  Iona.  Déjà,  Oswald,  frère  et  prédécesseur  d'Oswy, 
y  avait  séjourné;  c'est  lui  qui  appela  en  Northumbrie  St.  Aidan'et 
l'installa  comme  évêque  à  Lindisfame.  La  Vita  Sancti  Calumbae 
d'Adamnan  raconte  comment  la  veille  de  la  bataille  d'Heavenfield 
Columba  apparut  en  songe  à  Oswald  et  lui  prédit  la  victoire  (éd. 
Reeves,  p.  14-15);  c'est  ainsi  que  Dieu  lui-même  fit  d'Oswald  le 
roi  de  toute  la  Bretagne  :  totius  Britanniae  imperator  a  Depordinatûs 
est  (ibid,  p.  16).  Oswy  savait  l'irlandais  (Bède,  E.  H.,  III,  25)  et 
avait  vécu  exilé  en  Irlande  (id.,  ibid.  III,  1).  C'est  pendant  son 
séjour  dans  ce  pays  qu'il  eut  avec  une  fille  duClannNeill,  nommée 
Fina,  des  relations  d'où  naquit  Alfrith.  Revenu  en  Northumbrie, 
il  épousa  en  justes  noces  Eanfled,  qui  lui  donna  Ecgfrith  comme 
fils  ;  Ecgfrith  succéda  sur  le  trône  à  son  père  Oswy,  mais  à  la 
mort  d'Ecgfrith,  c'est  au  bâtard  Aldfrith  que  la  couronne  fut  don- 
née. Bien  qu'il  fût  enterré  aussi  à  Iona,  après  une  malheureuse 
guerre  contre  les  Pietés,  où  il  fut  tué  à  la  bataille  de  Dun-Nechtain 
(Vita  sancti  Calumbae,  éd.  Reeves,  p.  186),  Ecgfrith  ne  montra  pas 
toujours  à  l'égard  des  monastères  irlandais  des  dispositions  paci- 
fiques :  il  avait  en  684  envoyé  en  Irlande  une  armée  qui  ravagea 
Mag  Breg  et  la  côte  de  Dublin  à  Drogheda,  sans  épargner  les 
églises  (id.,  ibid.;  et  B*ede,  E.  H.,  IV,  26).  Son  demi-frère  et 
successeur  Aldfrith  fut  au  contraire  un  prince  pieux  et  instruit, 
ami  des    lettres  qu'il  encouragea  dans  son   royaume.    Mac  Firbis 


Bibliographie .  j8l 

l'appelle  «  l'admirable  savant,  disciple  d'Adamnan  »  an  t-egnaiâ 
ambra,  dalta  Adhamhnain  (Reeves,  op.  cit.,  p.  xliv).  Il  eut  en  effet 
des  relations  suivies  avec  Adamnan,  qui  vint  le  voir  en  Northum- 
brie  au  moins  à  deux  reprises  (ici.,  ibid.,  187).  Il  en  eutaussi  avec 
le  célèbre  Aldhelm  de  Malmesbury,  'un  des  plus  savants  hommes 
de  son  temps,  et  qui  avait  lui-même  subi  l'influence  de  la  culture 
irlandaise.  Pendant  le  règne  de  son  frère,  Aldfrith  s'était  tenu  exi- 
lé en  Irlande,  et  la  littérature  irlandaise  a  conservé  son  souvenir. 
Sous  le  nom  de  Flann  Fina  Mac  Ossa,  on  lui  attribue  divers 
poèmes  en  irlandais,  qui  sont  venus  jusqu'à  nous.  L'un,  consacré 
à  la  louange  des  diverses  contrées  de  l'Irlande,  a  été  publié  par  M. 
P.  Walsh  dans  Ériu,  VIII,  64  et  ss.  (v.  R.  Celt.,  XXXVIII,  94); 
l'auteur  s'y  appelle  lui-même  le  beau  Flann  Fina  fils  d'Oswy,  le 
premier  savant  d'Irlande,  Fland  fuid  Fina  mac  Ossa,  ardsui  hErend 
eolossaOv.  89-90).  Un  autre  poème,  sur  la  décollation  de  st.  Jean- 
Baptiste,  a  été  publié  par  Miss  Annie  Scarre  dans  Ériu,  IV,  173. 
Enfin,  on  prête  encore  à  Flann  Fina  des  «  sentences  »  (briathra), 
analogues  à  celles  qui  sont  attribuées  à  Cormac  Mac.Airt  (K. 
Meyer,  Tecosca  Cormaic,  p.  vi)  ou  à  Fitbal  (Thurneysen,  Zu  iri- 
seben  Handschriften  und  Literaturdeukmdleru,\,  p.  21-22);  il  y  a  sou- 
vent confusion  entre  les  unes  et  les  autres.  Des  briathra  Flainn  ont 
été  éditées  par  K.  Meyer  dans  les  Anecdota  from  Irish  MSS,  III, 
p.  10-20  et  dans  la  Zeitschrift  fur  celtische  Philologie,  t.  VIII,  p.  112. 
C'est  Aldfrith, aidé  d'Aldhelmque  M.  S.  Cook soupçonne  d'avoir 
été  le  «  begetter  »  du  poème  de  Beowulf,  et  aussi  d'un  autre 
poème  vieil-anglais,  Widsith,  qui  est  contemporain.  L'hypothèse 
est  des  plus  séduisantes.  Il  faut  laisser  aux  spécialistes  du  vieil- 
anglais  le  soin  de  l'examiner  à  leur  point  de  vue.  Mais  il  importe 
de  marquer  ici  combien  au  point  de  vue  celtique  elle  ouvre  de 
perspectives  intéressantes.  Tout  récemment  M.  Gaidoz  (v.  ci  des- 
sus p.  247)  signalait  des  similitudes  entre  le  Beowulf  et  tel  récit 
épique  irlandais  incorporé  à  la  Fled  Bricreud  '.  Ces  similitudes  se 
comprennent  aisément  si  l'on  admet  l'hypothèse  de  M.  S.  Cook  ; 
un  examen  plus  attentif  en  découvrirait  peut-être  d'autres.  Il  n'est 
pas  indifférent  qu'à  propos  de  Beowulf  la  question  des  rapports  de 
la  littérature  irlandaise  et  de  la  littérature  du  vieil-anglais  soit  posée 
simultanément  par  deux  savants  travaillantdans  des  directions  diffé- 
rentes -.  Elle  mérite  d'être  traitée  d'ensemble.  On  peut  la  recom- 

1.  Voir  toutefois  A.  G.  van  Hamel,  De  ouJste  keltiscbe  en  angelsaksische 
Geschiedbronnen,p.  vin  et  196  (Rev.  Celt.  XXXII,   348). 

2.  En  dehors  des  «  Saxons    ,  nommés  dans  la  Tdiu  ho  Cuailnqe  (11.  821, 


382  Bibliographie. 

mander  à  l'étude  d'un  philologue,  qui  se  serait  familiarisé  avec 
les  deux  domaines;  il  en  obtiendrait  sans  doute  des  résultats  nou- 
veaux et  féconds. 

J.  Vexdryes. 

VII 

Albert  Pauphilet,  Études  sur  la  Oueste  del   Saint  GraaL  attribuée  à 
Gautier  Map.  Paris,  Champion,  1921.  xxxv-207  p.  8°  20  frs. 

L'histoire  de  la  littérature  française  au  moyen  âge  a  fait  en  M. 
Albert  Pauphilet  une  excellente  recrue.  Dans  cet  ouvrage  sur  la 
Queste  del  Saint  Graat,  qu'il  a  présenté  comme  thèse  de  doctorat 
à  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris,  il  se  révèle  en  pleine  possession 
d'un  talent  déjà  mùr  et  qui  promet  beaucoup  encore.  La  doc- 
trine est  ferme,  l'exposé  clair  et  aisé  ;  dès  le  début,  le  sujet  est 
bien  saisi  et  d'un  bout  à  l'autredu  livre  il  est  traité  avec  justesse, 
élégance  et  bon  goût.  A  toutes  ces  qualités  on  reconnaît  l'ensei- 
gnement que  M.  Pauphilet  a  reçu:  il  s'honore  en  effet  d'avoir  été 
l'élève  de  M.  Bédier.  Ce  n'est  pas  le  moindre  intérêt  de  ce  livre 
que  de  donner  l'assurance  que  la  méthode  inaugurée  par  le  maître 
de  notre  littérature  médiévale  sera  continuée  après  lui  et  appliquée 
à  de  nouveaux  objets. 

Les  romans  français  du  cycle  arthurien  offrent  cette  difficulté  à 
celui  qui  les  étudie  que  la  matière  en  est  empruntée  à  l'étranger. 
Les  personnages  qui  y  figurent  sont  nés  en  Grande-Bretagne,  et 
dans  les  régions  celtiques  de  Grande-Bretagne.  Beaucoup  des  traits 
qu'ils  présentent  se  retrouvent  même  en  Irlande.  Il  s'agit  donc 
d'un  vieux  fonds  de  légendes  celtiques  qui  ont  été  transplantées 
chez  nous.  M.  Pauphilet  y  cherche  avant  tout  ce  que  ces  récits 
ont  de  français,  au  sens  national  du  terme,  dans  le  choix  des  épi- 
sodes, dans  la  disposition  des  matières,  dans  l'esprit;  et  après  une 
analyse  très  minutieuse  il  n'y  découvre  somme  toute  rien  que  de 
français.  Cela  n'est  pas  étonnant.  On  sait  sur  quels  principes 
repose  cette  interprétationhistorique,  dontM.  Bédier,  M.C.Jullian, 
M.  Ferdinand  Lot  ont  donné,  chacun  dans  leur  genre,  d'excellents 
modèles.  Une  œuvre  représente  toujours  un   auteur,  une  époque 

2680  éd.  Windisch),  il  est  question  de  trois  «  Saxons  »  dans  la  Toqail 
Bruidneda  Derga,  §  116  (R.  Celt.  XXII,  291)  :  Osait,  Osbrit  aux  longs 
bras  et  Lindas  (ou  Ouït)  qui  avaient  leur  «  chambre  »  (itnda)  dans  le  palais 
de  Conaire  Môr. 


Bibliographie.  383 

et  un  milieu.  Celui  qui  prend  la  peine  d'écrire  met  naturellement 
dans  son  œuvre  sa  propre  sensibilité  et  son  propre  esprit,  môme 
s'il  emprunte  son  sujet  à  des  littératures  étrangères  ou  s'il  raconte 
les  aventures  d'un  passé  lointain.  De  plus,  comme  un  écrivain 
appartient  toujours  à  un  certain  monde  et  qu'il  écrit  toujours  pour 
être  lu  et  apprécié  d'un  certain  public,  c'est  en  somme  l'esprit 
actuel  du  milieu  dans  lequel  il  vit  que  son  œuvre  exprime. 

En  étudiant  la  Oueste  del  Saint  Graal,  M.  Pauphilet  a  été  juste- 
ment frappé  de  deux  faits.  C'est  d'abord  que  le  milieu  dans  lequel 
évolue  la  pensée  de  l'auteur  est  un  milieu  ecclésiastique  ;  les  préoc- 
cupations que  pouvaient  avoir  alors  les  gens  d'église  se  reflètent 
presque  toutes  dans  son  œuvre.  Bien  mieux,  l'atmosphère  du  récit 
est  monastique,  et  plus  précisément  cistercienne  ;  le  roman  réunit 
la  «  fleur  des  histoires  »  merveilleuses  de  l'ordre  de  Cîteaux, 
exprime  sa  doctrine  morale,  ses  rêves  politiques.  D'autre  part,  M. 
Pauphilet  a  l'impression  que  l'auteur,  voulant  faire  paraître  Dieu 
dans  son  œuvre,  s'est  inspiré  des  plus  belles  descriptions  du  monde 
divin  qu'il  connaissait.  Il  a  combiné  les  différents  thèmes  du  mys- 
ticisme de  son  temps,  tels  qu'ils  se  présentaient  à  lui,  consacrés 
par  le  pinceau,  par  le  ciseau  ou  par  la  plume.  Sa  manière  est  faite 
d'un  mélange  de  réminiscences  littéraires  et  artistiques.  Cela  sug- 
gère un  rapprochement  avec  les  beaux  travaux  de  M.  Mâle.  Il  est 
inévitable  en  effet  que  les  œuvres  plastiques  s'imposent  aux  ima- 
ginations et  prêtent  leur  forme  aux  rêves  des  poètes.  La  Oueste  del 
Saint  Graal  est  une  œuvre  française,  jusque  dans  la  façon  dont  le 
christianisme  y  est  conçu  et  représenté. 

Les  celtistes  seraient  mal  venus  à  chicaner  M.  Pauphilet  sur  ses 
conclusions.  Us  doivent  être  convaincus  eux-mêmes  que  la  méthode 
qu'il  a  suivie  est  seule  capable  de  renouveler  l'étude  de  l'épopée 
irlandaise,  le  jour  où  le  travail  philologique  sera  suffisamment 
avancé  pour  en  permettre  l'emploi  (v.  ci-dessus  p.  362  et  ss.).  Que 
Lancelot  et  Gauvain,  que  le  Graal  et  la  Table  ronde  aient  pris  dans 
nos  romans  français  une  tournure  française,  il  ne  pouvait  en  être 
autrement.  Les  héros  de  notre  cycle  arthurien  ne  sont  pas  plus 
celtiques  que  le  Cid  n'est  espagnol  ou  Auguste  romain,  Phèdre 
grecque  ou  Joad  hébreu.  Le  mérite  des  personnages  de  Corneille 
et  de  Racine  est  d'incarner  l'éternelle  vérité  humaine  sous  l'aspect 
de  leur  époque.  L'imitation  étrangère,  les  souvenirs  classiques  ne 
fournissaient  qu'un  cadre,  un  moule:  c'est  l'esprit  français  de  leur 
temps  que  nos  grands  tragiques  y  ont  versé. 

Dans  nos  romans  de  la  Table  ronde,  les  éléments  celtiques  sont 
relégués  au  second  plan,  parfois  même  éliminés.  Ce  qui  donne  à 


|84 


Bib 


uioorapbie 


ph 


la  Queste  del  Si  Graal  le  souffle  de  la  vie,  ce  sont  les  préoccupa- 
tions d'un  moine  français  du  xnr-  siècle.  L'intérêt  se  concentre  si 
bien  sur  la  scène  du  Graal,  qui  n'est  qu'une  transposition  de  la 
scène  de  l'Eucharistie,  que  le  récit  tout  entier  en  a  dû  être  trans- 
formé, dénaturé.  On  s'en  aperçoit  aisément.  Voici  un  détail  bien 
caractéristique.  Le  Roi  Pêcheur  ne  joue  en  somme  dans  le  récit 
français  aucun  rôle  utile.  C'est  une  figure  traditionnelle  et  que  le 
respect  de  la  tradition  a  seul  fait  garder.  Mais  elle  est  parfois 
gênante,  si  gênante  qu'au  moment  essentiel  de  l'aventure,  quand 
les  préoccupations  chrétiennes  s'imposent  et  dominent,  elle  dispa- 
raît. Or,  ce  Roi  Pêcheur  était  certainement  un  personnage  de  haut 
rang  dans  la  vieille  mythologie  celtique.  Je  ne  crois  pas  avoir 
jamais  vu  signalé  un  rapprochement  qui  m'a  frappé  depuis  long- 
temps. Sur  le  fameux  monument  de  Lydney  Park,  consacré  au 
dieu  Nodons  ou  Nodms,  figure  un  pêcheur  dans  l'exercice  de  sa  pro- 
fession '.  Or,  le  celtique  Nodons  (irlandais  Nuadu,  gén.  Nuadat  ; 
gall.  Nitdd)  est  proprement  le  dérivé  en  -ni-  de  la  racine  à  laquelle 
se  rattache  le  gotique  mita  (pi.  milans)  qui  traduit  le  grec  y.livjç,  2. 
Il  n'est  pas  douteux  que  Nodons  ne  soit  originellement  un  dieu 
pêcheur.  C'est  probablement  lui  qui  est  devenu  le  Roi  Pêcheur  de 
nos  romans  arthuriens.  Quelle  déchéance,  quand  on  passe  du  dieu 
de  Lydney  Park  à  ce  vieillard  inerte  et  encombrant  !  Mais  n'est- 
ce  pas  une  déchéance  analogue  qu'a  subie  Arthur?  V  «  empereur 
Arthur  »  joue  un  rôle  peu  actif,  peu  digne  de  sa  renommée,  dans 
nos  romans  français  ;  il  y  apparaît  même  parfois  comme  un  Jupin 
de  comédie.  Il  avait  certes  une  autre  allure  dans  les  récits  primitifs 
qu'on  fit  en  Galles,  si  nous  en  jugeons  par  les  rares  fragments  de 
poèmes  où  il  est  question  de  lui.  Nos  conteurs  doivent  être  en 
en  partie  responsables  de  la  déchéance  d'Arthur.  C'est  à  l'imitation 
des  romans  français  que  les  romans  gallois  de  Peredur,  d'Owein, 
de  Gereint  nous  présentent  à  leur  tour  un  Arthur  si  affadi.  Il  n'y  a 
donc  pas  lieu  d'être  surpris  que  le  sujet  de  la  Oncsie  del  Saint 
Graal  se  soit  transformé  entre  les  mains  de  nos  conteurs.  Ils  l'ont 
taillé  à  la  mesure  de  leur  goûts  littéraires,  ils  y  ont  introduit  leur 
mentalité.  Quelque  puissance  de  vision  que  l'on  ait,  on  ne  voit 
jamais  que  du  point  de  vue  de  son  temps. 

i.  «  in  the  act  of  hookinga  fine  salmon  »,  dit  Rhys  dans  la  description 
qu'il  fait  du  monument  (Celtic  Folk-Lore,  Oxford,  1901,  t.  II,  p.  445  et 
suiv.  ;  cf.  du  même,  Hibbert  Lectures,  Lectures  on  the  Origin  and  Growth  oj 
Religion  as  illustratedby  Cellic  Heatheniom,  London  1888,  p.  127). 

2.  Sur  le  développement  de  cette  racine  en  germanique,  voir  Meringer, 
lndog.  Fschg.,  XVIII,  234  et  s. 


Bibliographie.  385 

Mais  cette  conclusion  ne  résout  pas  la  question  des  rapports  entre 
la  littérature  française  du  moyen  âge  et  les  littératures  celtiques. 
Quand  on  passe  de  la  forme  primitive  d'une  légende,  telle  qu'on 
peut  la  reconstituer  par  des  analogies,  des  comparaisons  et  des 
hypothèses,  à  la  forme  que  présente  un  roman  français,  il  faut 
admettre  que  hien  des  intermédiaires  sont  possibles.  La  transfor- 
mation des  traits  originaux,  l'adaptation 'de  motifs  très  anciens  à  des 
conceptions  modernes,  n'est  pas  nécessairement  le  fait  des  seuls 
Français.  Il  est  admis  que  tel  roman  nous  est  connu  sous  la  forme 
que  lui  a  donnée  une  main  française  ;  mais  d'après  quel  original 
travaillait  cette  main  ?  quel  modèle  a-t-elle  suivi  ?  C'est  une  ques- 
tion que  les  romanistes  ne  peuvent  trancher  par  leurs  propres 
moyens.  Leurs  conclusions  s'arrêtent  à  une  limite  qu'ils  n'ont  pas 
le  droit  de  franchir.  Il  faudrait  d'abord  expliquer  pourquoi  les 
légendes  celtiques  ontexercé  sur  les  romanciers  français  un  si  grand 
attrait.  C'est  apparemment  qu'il  y  avait  des  affinités  entre  le  con- 
tenu des  unes  et  l'esprit  des  autres.  Il  est  juste  de  soutenir  que  le 
Cid  de  Corneille  est  français.  Mais  ce  n'est  pas  sans  raison,  qu'entre 
tant  de  héros  Corneille  est  allé  choisir  l'amant  de  Chimène.  S'il 
a  été  attiré  par  l'œuvre  espagnole,  c'est  qu'il  y  trouvait  une 
matière  adaptée  à  son  génie  autant  qu'aux  goûts  de  son  public. 
L'Espagne  est  donc  en  droit  de  revendiquer  la  paternité  même  du 
personnage  que  Corneille  a  créé  pour  la  scène  française.  Quand 
il  s'agit  de  décider  si  les  caractères  généraux  de  la  Queste  del  Saint 
Graal  pourraient  ou  non  provenir  d'un  original  celtique,  nous 
sommes  réduits  à  des  conjectures,  puisque  l'existence  de  cet  original, 
je  veux  dire  d'un  original  composé  à  la  manière  du  roman  français, 
n'est  rien  moins  que  prouvée.  Mais  l'expérience  qui  a  été  faite  pour 
le  roman  de  Tristan  doit  nous  rendre  circonspects  et  nous  garder 
des  affirmations  trop  promptes.  Tandis  que  certains  s'obstinaient 
à  voir  dans  le  Tristan  de  Béroul  surtout  des  éléments  français,  tout 
comme  M.  Pauphilet  dans  la  Queste  del  Saint  Graal,  M.  J.  Loth  a 
montré  d'un  seul  coup  toute  la  fausseté  de  leur  point  de  vue  :  la 
légende  d'où  Béroul  a  tiré  son  roman  avait  pris  forme  en  Corn- 
wall;  c'est  sur  une  matière  de  Cornwall  qu'il  a  travaillé  (Rev.  Ceit., 
t.  XXXIII,  p.  258  et  ss.).  Certains  des  traits  que  nous  jugeons  les 
plus  français  dans  son  œuvre  sont  peut-être  pris  au  celtique, 
de  même  que  quelques-unes  des  répliques  les  plus  françaises  du 
Cid  sont  traduites  de  l'espagnol. 

Lorsque  deux  civilisations  sont  aussi  voisines  que  celles  de 
France  et  de  Grande-Bretagne,  et  qu'elles  ont  entre  elles  des  con- 
tacts aussi  fréquents  et  aussi  prolongés  que  nous  le  trouvons    au 

Revue  Celtique,  XXXIX.  2" 


38e  Bibliographie. 

moyen  âge,  il  est  malaisé  défaire  le  départ  de  ce  qui  appartient  à 
chacune  d'elles.  Il  conviendrait  donc  que  lesdeux  philologiess'igno- 
rassent  moins  qu'elles  ne  font.  Au  moyen  âge  les  rapports  intellec- 
tuels étaient  constants  entre  moines,  lettrés,  savants  de  la  terre  de 
France  et  des  pays  celtiques.  St.  Bernard  et  St.  Malachie  vivaient 
dans  une  étroite  intimité  de  pensée.  Pour  bien  apprécier  les 
œuvres  du  moyen  âge,  il  faut  établir  aujourd'hui  une  union  sem- 
blable entre  les  romanistes  et  les  celtistes. 

J.  Vendryes. 


CHRONIQUE 


Sommaire  I.  M.  J.  Loth  et  la  langue  gauloise.  —  II.  Études  de  M.  Fran- 
cis C.  Diack  sur  la  Newton  Stone  et  autres  Inscriptions  pietés.  —  III. 
La  question  des  évèques  abbés  traitée  par  Dom  Louis  Gougaud.  —  IV. 
Publication  des  romans  du  cycle  arthurien  par  M.  O.  Sommer.  —  V. 
Edition  du  Purgatoire  de  Saint-Patrice  par  M1Ie  M.  Môrner.  —  VI. 
M.  James  F.  Kenney  sur  la  légende  de  Saint-Brendan.  —  VIL  Un 
ouvrage  inédit  de  Gruffydd  Roberts  à  la  Bibliothèque  de  Cardiff.  —  VIIL 
Traduction  galloise  des  Paroles  d'un  Croyant  par  M.  Ambrose  Bebb.  — 

IX.  Un  nouveau  texte  en  moyen-breton  découvert  par  M.  Thomas.  — 

X.  Le  livre  de  M.  Esnault  sur    Le    Laé.  —    XI  et  XII.  Deux  nouveaux 
périodiques  irlandais,  An  Réult  et  Earua. 

I 

M.  J.  Loth  a  donné  à  la  Revue  archéologique  de  1922  (t.  XIII, 
p.  108-119)  un  compte  rendu  du  livre  de  M.  Dottin  sur  la  langue 
gauloise  (v.  Rev.  CelL,  XXXVIII,  179).  Par  ses  dimensions  et 
l'importance  de  son  contenu,  ce  compte  rendu  a  la  valeur  d'un 
article  original.  L'auteur  s'est  proposé  en  particulier  d'y  corriger 
la  tendance  que  manifeste  M.  Dottin  à  séparer  le  gaulois,  celtique 
continental,  des  dialectes  celtiques  insulaires  (gaéliques  et  britto- 
niques).  Il  montre  qu'en  réalité  il  n'y  a  qu'un  celtique.  C'est  le 
même  que  l'on  rencontre  en  Gaule  et  dans  les  îles  Britanniques  ; 
il  a  sur  toute  l'étendue  du  domaine  les  mêmes  traits  caractéris- 
tiques dans  sa  phonétique,  dans  sa  morphologie,  même  dans  sa 
syntaxe.  Malheureusement  nous  ne  connaissons  le  gaulois  que  très 
imparfaitement,  et  nous  le  connaissons  plusieurs  siècles  avant  l'ir- 
landais et  le  gallois.  C'est  là  pour  la  comparaison  un  double  incon- 
vénient. L'insuffisance  de  la  documentation  expose  à  refuser  au 
gaulois  les  catégories  ou  les  formes  qui  n'y  sont  pas  attestées  ;  la 
conclusion  est  téméraire,  comme  une  récente  découverte  Ta  mon- 
tré en  ce   qui   concerne    le    déponent   (marcosior,    v.    Rev.    CelL, 


388  Chronique. 

XXXVIII,  87).  D'autre  part  la  différence  de  date  entre  les  docu- 
ments gaulois  et  les  plus  anciens  textes  irlandais  ou  gallois  fait 
illusion  sur  le  degré  d'évolution  des  faits  de  chaque  langue.  Il 
faut  rectifier  la  perspective  en  replaçant  chacun  d"eux  à  l'époque 
où  il  apparaît  dans  l'histoire.  On  se  rend  compte  alors  que  le  gau- 
lois est  simplement  en  retard,  comme  il  est  naturel,  sur  les  dia- 
lectes connus  à  date  plus  basse,  mais  qu'il  contient  en  germe  la 
plupart  des  transformations  que  la  langue  devait  subir  dans  les  Iles 
Britanniques.  M.  J.  Loth  développe  à  l'appui  de  cette  doctrine 
quelques   preuves  qui  sont  concluantes. 

II 

En  regard  de  l'Irlande,  l'Ecosse  est  pauvre  en  anciens  documents 
de  la  langue  celtique.  Antérieurement  au  Book  of  Deer,  qui  est 
des  xie-xne  siècles,  on  ne  connaît  en  Ecosse  que  quelques  rares 
inscriptions  ou  plutôt  fragments  d'inscriptions,  la  plupart  en  écri- 
ture oghamique,  et  d'une  date  relativement  basse.  Le  monument 
le  plus  ancien  est  la  fameuse  Newton  Stone,  dans  le  comté  d'Aber- 
deen,  bien  connue  depuis  plus  de  100  ans  des  archéologues  et  des 
épigraphistes  (v.  le  tome  XVII  des  Proceedings  of  tbe  Society  of 
Antiquaries  of  Scolland).  Elle  porte  deux  inscriptions  séparées,  l'une 
en  lettres  latines,  l'autre  en  ogham.  Notre  collaborateur  M.  Francis 
C.  Diack  a  consacré  une  étude  à  l'une  et  à  l'autre  dans  le  numéro 
du  6  février  1922  du  Scotsman  (p.  9,  col.  1-2). 

L'inscription  en  lettres  latines  est  double  et  comprend  en  réalité 
deux  inscriptions  ;   l'une  : 

EVAGAINXIAS 
CI(N)GONOVO  COI 
ETTE 

que  M.  C.  Diack  traduit  :  «  Ette,  son  of  Evagainna,  descendant 
ofCingo,  hère  »  ;  l'autre,  immédiatement  au-dessous  de  la  pre- 
mière : 

MAOQI 

NOVIOGRUTA 

URAELISI 

dont  la  traduction  serait  :  «  The  grave  of  Elisos,  son  of  Novio- 
grus  ». 

L'inscription  en  caractères  oghamiques  doit  se  transcrire  : 

iddaiqnnn  vorrenni  ci  osist 


Chronique.  389 

et  signifierait  :  «  Iddaiqrmn,  son  of  Vorrennos,  hère,  descendant 
of  Os  ». 

La  comparaison  de  ces  trois  inscriptions  entre  elles  et  avec  les 
inscriptions  trouvées  en  Irlande  permet  d'établir  que  les  deux 
écrites  en  lettres  latines  sont  les  plus  anciennes  ;  on  peut  les  dater 
d'environ  400  après  J.-C.  L'inscription  en  ogham  serait  d'un  siècle 
environ  plus  récente.  Il  va  sans  dire  qu'il  faut  renoncer  à  voir  sur 
la  Newton  stone  un  texte  bilingue,  comparable  à  ceux  ,que  le  Pays 
de  Galles  a  fournis.  La  ressemblance  que  ces  trois  inscriptions 
présentent  avec  les  inscriptions  contemporaines  trouvées  en  Irlande 
est  frappante.  Cependant  M.  C.  Diack  relève  avec  raison  quelques 
différences  qui  ne  sont  pas  moins  frappantes.  Une  phrase  comme 
Elle  Evagainnias  Cingonovo  serait  d'après  l'usage  irlandais  Ettos 
(gén.  sg.)  maqqi  Evagainnias  coi  avi  (ou  maqqi,  ou  mucoï)  Chigonas. 
C'est  à  dire  que  l'écossais  emploie  le  nominatif  pour  designer  le 
défunt  au  lieu  du  génitif  qu'emploie  l'irlandais,  le  nom  du  père 
étant  exprimé  ensuite  au  génitif  sans  le  secours  de  maqqos  ([maqqi)  ; 
de  même  dans  le  cas  de  Iddaiqunn  Vorrenni.  Si  le  mot  maqqi 
figure  dans  la  seconde  inscription  latine,  c'est  parce  que  la  formule 
en  est  tout  autre,  le  mot  «  tombe  »,  ura,  étant  exprimé.  Enfin, 
l'écossais  fait  usage  de  suffixes  patronymiques,  comme  le  celtique 
de  Gaule  et  contrairement  à  l'irlandais.  Les  inscriptions  de  New- 
ton offrent  les  deux  noms  Cingonovo  et  Osist  ainsi  formés. 

En  conclusion,  M.  C.  Diack  fait  ressortir  l'exemple  de  parenté 
par  la  mère  qui  présente  la  formule  Ette  Evagainnias  ;  cela  est  con- 
forme à  l'usage  des  Pietés.  Il  signale  aussi  dans  ces  inscriptions 
où  l'on  trouve  employés  des  caractères  latins,  sinon  des  mots 
latins,  l'absence  de  toute  trace  de  christianisme  ;  or,  à  la  date  où 
elles  furent  gravées,  les  Pietés  de  cette  région  étaient  déjà  pénétrés 
d'influence  romaine,  mais  ils  restaient  encore  et  pour  longtemps 
païens.  Enfin,  il  remarque  que  plusieurs  des  noms  propres  de  ces 
inscriptions  se  retrouvent  dans  les  chroniques  comme  ayant  été 
portés  par  des  rois  pietés.  Nous  trouvons  donc  sur  la  Newton 
Stone  un  échantillon  de  la  civilisation  picte,  telle  qu'elle  florissait 
au  Nord  des  Grampians  il  y  a  quinze  ou  seize  cents  ans.  C'est  le 
plus  ancien  titre  de  noblesse  des  habitants  de  cette  région  ;  c'est 
au  point  de  vue  linguistique  leur  «  Serment  de  Strasbourg  ». 

M.  Francis  C.  Diack  a  également  exposé  ses  idées  sur  la  New- 
ton Stone  dans  une  série  d'articles  publiés  en  février  1922  dans 
The  Aberdeen  Free  Press.  Il  y  a  joint  quelques  remarques  sur  d'autres 
inscriptions  oghamiques  du  pays  des  Pietés,  inscriptions  plus 
récentes  que  celles  de  la  Newton  Stone  et  d'un  caractère  différent. 


390  Chronique. 

L'écriture  oghamique,  introduite  d'Irlande  dans  le  pays  des  Pietés, 
y  est  représentée  par  une  quinzaine  d'inscriptions,  échelonnées  du 
comté  de  Fifeaux  Iles  Shetland.  Les  plus  intéressantes  sont  celles 
d'Aboyne,  de  Brandsbutt  (Inverurie)  et  de  Logie-Elphinstone. 
M.  Diack  en  tire  d'utiles  comparaisons  avec  l'inscription  de  New 
Stone. 

Il  a  depuis  réuni  ses  divers  articles  en  une  brochure  de  64  pages, 
comprenant  de  nombreuses  remarques  et  notes  additionnelles,  et 
publiée  à  Paisley  chez  l'éditeur  Alexander  Gardner. 


III 

On  sait  qu'à  la  suite  de  la  publication  de  la  vie  de  saint  Samson  par 
M.  Robert  Fawtier,  une  polémique  s'est  engagée  entre  ce  dernier 
et  divers  savants  au  sujet  des  évêques  abbés  en  pays  celtique  (v.  ci- 
dessus,  p.  301).  Notre  savant  collaborateur  Dom  Louis  Gougaud 
vient  d'exprimer  son  avis  sur  «  la  question  des  abbayes-évêchés 
bretonnes  »  dans  la  Revue  Ma  billon  de  1922,  p.  90-104.  Les  con- 
clusions de  son  article  ne  sont  pas  favorables  à  la  thèse  de  M.  Faw- 
tier. Il  constate  l'existence  d'une  abbaye-évêché  à  Lindisfarne 
(fondé  en  63  5  par  des  moines  scots  venus  d'Iona  avec  Saint  Aidan), 
et  rappelle  que  la  lettre  de  Bède  à  Ecgbert  de  York,  écrite  en 
734,  contient  la  description  d'une  abbaye-évêché  anglo-saxonne. 
En  Bretagne  armoricaine  il  trouve  le  système  de  l'abbaye-évêché 
établi  à  Dol  et  peut-être  aussi  à  Tréguier. 

Poursuivant  ses  recherches  sur  le  continent,  il  relève  notam- 
ment dans  la  région  du  Rhin  et  jusqu'en  Bavière  des  évêques  qui 
étaient  en  même  temps  chefs  d'abbayes  ou  même  des  abbés-prêtres 
ayant  juridiction  sur  les  évêques  à  la  manière  irlandaise  ;  mais 
d'abbayes-évêchés  proprement  dites,  pas  la  moindre  trace  (p.  99). 
C'est  là  une  distinction  importante  ;  on  peut  également  l'appliquer 
à  l'Irlande,  où  parmi  les  très  nombreux  évêques  certains  n'avaient 
pas  toujours  de  circonscriptions  diocésaines  et  n'exerçaient  leurs 
pouvoirs  que  dans  une  «  cité  »  (cathair)  abbatiale  à  la  tête  de  la 
«  familia  »  (muinter)  monastique. 


IV 

L'année  1916  a  vu  se  terminer  la  publication  des  romans  fran- 
çais du  Cycle  arthurien,  entreprise  par  M.  H.  Oskar  Sommer. 
On  doit  être  reconnaissant  à  la  Carneo;ie  Institution  de  Washin°;- 


Chronique.  391 

ton,  sous  les  auspices  et  aux  frais  de  laquelle  M.  Sommer  a  pu 
mener  sa  tâche  à  bonne  fin.  Comme  toutes  les  publications  de  la 
Carnegie  Institution,  celle-ci  est  grandiose  et  monumentale,  for- 
mant sept  gros  volumes  de  belle  impression,  sur  beau  papier. 

Les  romans  français  du  cycle  arthurien,  qu'on  peut  appeler  aussi 
cycle  de  Lancelot-Graal  ou  encore  cycle  de  Gautier  Map,  bien  que 
tous  ne  soient  pas  nommément  attribués  à  ce  personnage,  se  com- 
posent des  suivants  :  YEstoire  del  Saint  Graal,  YEstoire  de  Merlin 
(rédaction  en  prose  de  Robert  de  Borron),  dont  la  seconde  partie 
porte  le  nom  de  Livre  d'Artus,  le  Livre  de  Lancelot  du  Lac,  la 
Queste  del  Saint  Graal  et  la  mort  le  roi  Artus.  Cet  ensemble  ne  se 
trouve  conservé  intégralement  que  dans  six  manuscrits,  dont  quatre 
sont  à  la  Bibliothèque  Nationale  (Ms.  F.  Fr.  nos  98,  du  xve  s.,  1 10, 
du  xme  s.,  1 17-120,  du  xive  s.  et  344,  du  xme  s.),  un  à  la  Biblio- 
thèque de  l'Arsenal  (n°  3479-3480,  du  xve  s.)  et  un  au  British 
Muséum  (Nos  10292-10294,  du  xive  s.).  Pour  des  motifs  de  com- 
modité personnelle,  M.  Sommer  a  choisi,  pour  l'éditer,  le  texte 
conservé  au  British  Muséum.  Son  œuvre  n'est  pas  une  édition 
critique.  C'est  simplement  la  copie  d'un  manuscrit  et  d'un 
manuscrit  qui  n'est  peut-être  pas  le  meilleur.  Le  mérite  d'un 
pareil  travail  est  dans  l'exactitude  de  la  copie.  M.  Sommer  affirme 
dans  sa  préface  qu'il  a  donné  tous  ses  soins  à  obtenir  l'exactitude. 
Malheureusement  pour  nous,  et  pour  lui  —  car  cela  lui  a  coûté 
une  peine  supplémentaire  —  il  ne  s'est  pas  tenu  à  ce  rôle  de  copiste  : 
il  a  çà  et  là  introduit  dans  son  texte  des  corrections  et  même  des 
variantes  empruntées  à  divers  autres  manuscrits.  Ces  corrections 
et  ces  variantes  n'auraient  de  valeur  scientifique  que  si  l'auteur 
avait  établi  au  préalable  un  classement  méthodique  des  manuscrits. 
Ce  n'est  pas  le  cas1.  Il  convient  donc  de  n'utiliser  l'œuvre  de 
M.  Sommer  que  comme  la  copie  d'un  manuscrit.  Elle  pourra 
rendre  un  bon  service  au  philologue  futur  qui  entreprendra  une 
édition  critique  du  cycle  du  Graal  :  après  avoir  collationné  tous 
les  manuscrits,  complets  et  incomplets,  il  en  notera  les  variantes 
en  regard  du  texte  qu'a  copié  M.  Sommer. 

Les  différentes  parties  de  la  publication  de  M.   Sommer  s'éche- 
lonnent de  la  façon  suivante  : 

Tome  I.   L'estoire  del  Saint  Graal,  1909. 

Tome  II.  L'estoire  de  Merlin,  1909. 

Tomes  III-V.   Le  livre  de  Lancelot  du  Lac,  1910-1912. 

1.  Voir  notamment  ce  qu'en    dit   M.    Pauphilet  dans  ses  Etudes  sur  la 
Queste  del  saint  Graal,  p.  xxiij  (ci-dessus,  p.  382). 


392  Chronique. 

Tome  VI.   La  queste  del  Saint   Graal  et  la   mort  le  roi  Artus, 
1913. 

Tome  VII.   Le  livre  d'Artus,  191 3. 

Index  of  Names  and  Places  to  Volumes  I-V1I,  1916. 


V 

C'est  aussi  la  publication  d'un  texte  manuscrit  qu'a  faite  Made- 
moiselle Marianne  Môrner  dans  la  Collection  de  l'Université  de 
Lund,  en  1920  (Lunds  Universitets  Arsskrifl,  N.  F.  Avd.  1,  Bd.  16, 
Nr.  4  ;  xxvij-62  p.  gr.  8°)  ;  mais  comme  elle  a  joint  à  cette  publi- 
cation une  étude  philologique  sur  les  sources,  la  versification  et  la 
langue,  des  notes  grammaticales  et  un  glossaire,  son  travail  a  une 
valeur  scientifique  incontestable  et  admet  des  conclusions  fermes. 
Il  s'agit  d'un  poème  sur  le  Purgatoire  de  Saint  Patrice,  conservé  dans 
un  manuscrit  unique  qui  est  à  la  Bibliothèque  Nationale  (F.  Fr. 
n°  25345,  Ier    quart  du  xivc  s.). 

Cet  épisode  de  la  légende  de  saint  Patrice  est  devenu  au 
Moyen  Age  un  thème  littéraire  fort  répandu  ;  il  y  en  a  des  versions 
anglaises  (Kolbing,  Englische  Studièn  I,  57-121);  on  en  a  publié 
trois  versions  françaises  (sans  compter  celle  que  publie  Mllc  Môr- 
ner) ;  il  a  passé  en  Italie  et  en  Espagne.  Il  a  été  mis  en  vogue  par 
le  Tractatus  de  Purgatorio  Sancti  Patricii,  composé  entre  1 180  et 
1190  par  un  moine  bénédictin,  Henri,  de  l'abbaye  de  Saltrey,  en 
Huntingdonshire.  C'est  de  ce  texte  latin  que  dérivent  plus  ou 
moins  directement  toutes  les  compositions  en  langue  vulgaire. 

La  légende  peut  se  résumer  en  quelques  mots  '.  Dans  un  lac  du 
comté  de  Donegal,  le  Lough  Derg,  il  y  a  une  île  rocheuse,  et 
dans  cette  île  une  caverne,  qui  au  temps  de  saint  Patrice  inspi- 
rait de  l'effroi  à  tous  les  habitants  d'alentour,  parce  qu'ils  la  consi- 
déraient comme  la  demeure  d'esprits  malfaisants.  Saint  Patrice, 
passant  par  là,  entreprit  de  délivrer  ces  braves  gens  de  leur  ter- 
reur. Il  entra  dans  la  caverne  et  y  resta  quarante  jours  en  prière. 
Non  seulement  il  en  chassa  les  mauvais  esprits,  mais  il  y  obtint 
la  faveur  insigne  de  voir  comment  les  péchés  sont  expiés  en  pur- 
gatoire. C'est  un  thème  de  folklore  modifié  par  l'esprit  chrétien  : 
le  saint  a  ouvert   l'entrée  d'une   région   souterraine  ;   quiconque  y 

1.  Voir  Selmar  Eckleben,  die  atteste  Scbitderung  vpm   Fegefeuer  des  beili- 

gen  Pal  ricins,  Halle  a.  S.  1885  ;  Ph.  de  Félice,  Vautre  monde,  Paris  1906  ; 
Marianne  Môrner,  édition  du  Purgatoire  de  saint  Patrice  de  Beroul,  Lund 
1917,  avec  une  bibliographie,  p.   XV. 


Chronique.  393 

pénètre  en  état  de  grâce  et  sort  victorieux   des  épreuves  qui   l'at- 
tendent est  certain  d'avoir  sa  place  marquée  en  paradis. 

Il  n'est  pas  question  de  cette  aventure  dans  les  plus  anciennes 
vies  de  saint  Patrice.  La  légende  a  dû  se  former  en  Irlande  même 
à  une  date  impossible  à  préciser.  Giraud  de  Cambrie  fait  allusion 
au  Purgatoire  de  saint  Patrice  dans  sa  Topograpbia  Hiberniae  ; 
Froissart  le  décrit  d'après  un  récit  que  lui  avait  fait  sir  William 
Lisle,  qui  l'avait  visité.  Mathieu  Paris  le  mentionne  dans  son  His- 
toria  Maior  Augliae,  qui  va  de  io66  à  1259,  et  où  il  copie  Roger 
de  Vendover  en  le  continuant.  On  pourrait  écrire  un  volume  sur 
l'histoire  de  la  légende  à  travers  les  âges  ;  la  caverne  de  saint  Patrice 
est  encore  aujourd'hui  un  lieu  de  pèlerinage,  que  l'on  fréquente  en 
été,  du  Ier  juin  au  15  août. 


VI 

Le  peu  de  renseignements  historiques  que  fournissent  les 
Annales  Irlandaises  sur  saint  Brendan  se  résume  en  ceci  qu'il 
fonda  le  monastère  de  Clonfert  à  l'O.  du  Shannon  (Co.  Galway) 
en  558  ou  564,  et  qu'il  mourut  en  577  ou  583,  âgé  de  95  ans. 
Adamnan  dans  sa  vie  de  Colum  Cille  le  mentionne  en  deux  pas- 
sages sous  le  nom  de  Brendemis  Mocu  Aîti,  et  signale  qu'il  serait 
venu  rendre  visite  à  Columba  dans  l'île  de  Hinba.  Mocu  Alti  est  un 
«  tribal  naine  »  qui  se  réfère  aux  Altraige,  formant  eux-mêmes 
une  division  des  Ciarraige,  dont  le  Comté  de  Kerry  tire  son  nom. 
Le  district  des  Altraige  était  le  N.  O.  du  Kerry,  aux  alentours  de 
la  ville  actuelle  de  Tralee  :  on  y  trouve  aujourd'hui  des  noms 
comme  Brandon  Bay,  Brandon  Point,  Brandon  Headland,  Bran- 
don Hill,  qui  attestent  la  survivance  des  traditions  locales  concer- 
nant saint  Brendan  ». 

1.  La  forme  la  plus  ancienne  du  nom  de  Brendan  est  Brinaind,  mot 
composé  qui  se  ramène  étymologiquement  à  Brén-find  «  cheveux  pour- 
ris »  ou  «  cheveux  puants  »  (cf.  K.  Mever,  Sitqber.  der  preuss.  Akad.  191 2, 
p.  436)  ;  on  trouve  d'ailleurs  encore  la  graphie  Brénfind  (Bn?nfind  on  Broen- 
find)  dans  des  manuscrits  irlandais  de  la  fin  du  moyen  âge.  Mais  de  ce 
nom  composé  a  été  tiré  un  hypocoristique,  de  type  Brénddn  ou  Brèndén  (cf. 
K.  Meyer,  Zur  keltischen  Wortkunde,  n°  33,  dans  les  Situer,  der  preuss. 
Akad.,  1912,  p.  1 148)  ;  c'est  sous  la  forme  de  l'hvpocoristique  que  le 
nom  a  été  vulgarisé.  La  graphie  Broenfind  au  lieu  de  Brénfind  est  due  à 
une  tantaisie  étymologique  :  on  tirait  le  nom  du  saint  de  broeti  «  goutte  », 
eo  quod  multus  in  die  baptismi  eius  ros  esset  (C.  Plunvner,  Vit.  Sanct. 
Hib.,  t.  I,  p.  99), 


394  Chronique. 

Commentée  cénobite  irlandais,  connu  en  son  temps  pour  avoir 
fondé  un  monastère  au  même  titre  que  ses  contemporains  Ciaran 
ou  Finnian,  Congall  ou  Enda,  est-il  devenu,  dans  l'imagination  et 
la  tradition  populaires,  Brendan  le  navigateur,  héros  de  lointaines 
expéditions  maritimes?  Comment  en  est-on  venu  à  lui  attribuer  la 
gloire  d'avoir  découvert  l'Amérique  900  ans  avant  Christophe 
Colomb  ?  C'est  à  cette  question  que  répond  un  article  de  M.  James 
F.  Kenney,  The  Legend  oj Saint  Brendan,  publié  dans  les  Transac- 
tions of the  Royal  Society  of Canada  (section  II,  1920, p.  5 1-67).  L'article 
n'est  guère  qu'un  résumé  des  nombreux  travaux  antérieurs,  mais 
il  est  clair,  composé  avec  méthode  et  avec  goût.  M.  James  F.  Ken- 
ney fixe  au  plus  tard  au  ixe  siècle  la  date  où  s'est  constituée  la 
légende.  On  en  trouve  déjà  les  traits  essentiels  dans  la  Vita  Brendani 
(dont  le  plus  ancien  manuscrit  est  du  Xe  siècle  ;  Cf.  Plummer,  Vit. 
Sanct.  Hib.,  I,  p.  98-151).  C'est  toutefois  dans  la  Navigatio  Bren- 
dani, véritable  composition  épique,  sorte  d'Odyssée  du  christia- 
nisme irlandais,  qu'elle  prend  une  forme  littéraire  complète  '. 
L'auteur  inconnu  qui  la  composa  y  combina  avec  art  les  données 
de  la  géographie  de  son  temps  avec  certaines  traditions  de  la 
mythologie  celtique,  mélangées  de  souvenirs  bibliques  et  de  thèmes 
de  folklore  universel.  Cet  auteur  devait  être  un  moine,  et  un  moine 
irlandais;  il  a  eu  rapidement  des  traducteurs  et  des  imitateurs  en 
beaucoup  de  langues.  La  Navigation  de  saint  Brendan  est  devenu 
un  sujet  favori  de  la  littérature  médiévale  européenne. 

Ce  qu'il  y  a  de  proprement  irlandais  dans  le  récit  se  laisse 
aisément  discerner.  Le  fonds  en  rappelle  celui  des  i/nnirama, 
sujet  rebattu  de  la  littérature  irlandaise.  Bran,  Maelduin,  les  Hui 
Corra,  Snedgus  et  Mac  Riagla  ont  été  les  héros  de  voyages  sem- 
blables, racontés  en  vers  et  en  prose  (v.  Best,  Bibliographv,  p.  115). 
Le  but  du  voyage  est  toujours  un  pays  merveilleux,  situé  au  delà 
de  l'Océan,  un  autre  monde  fortuné,  mag  inell,  tir  na  mbeo,  tir 
na  Fer  Fionn,  tir  taimgiri  ;  on  ne  s'en  approche  qu'au  prix  d'aven- 
tures extraordinaires,  et  souvent  on  n'en  revient  pas.  Il  va  sans 
dire  que  c'est  un  voyage  dans  le  rêve,  une  fiction,  et  que  l'auteur 
ne  se  préoccupe  pas  de  donner  l'impression  de  la  réalité.  Pourtant 

1.  A  consulter  surtout  :  Achille  Jubinal,  La  légende  latine  de  saint  Bran- 
daines,  Paris,  1836  ;  Cari  Schrôder,  Sanct  Braudan,  Ein  lateiniseber  iind 
drei  deutsche  Texte,  Erlangen,  1871  ;  P.  F.  Moran,  Aetn  S.  Brendani, 
Dublin,  1872  ;  Gustav  Schirmer,  Znr  Brendanus-Legende,  Leipzig,  1888  ; 
H.  Zimmer,  Z.J.  d.  Alt.,  XXXIII,  p.  129-220  et  257-338  ;  C.  Steinweg, 
Romaniscbe  Forschungen,  VII,  p.  1-48  :  C.  Plummer,  Z.  f.  celt.  Phil.,  V, 
1 24-141  ;  A.  Schulze,  Z.  f.  rom.  Phil.,  XXX,   257-279. 


Chronique.  395 

l'idée  même  de  semblables  récits,  et  le  succès  qu'ils  obtinrent  en 
Irlande,  où  ils  constituèrent  de  bonne  heure  un  genre  littéraire, 
ne  peuvent  s'expliquer  par  le  simple  hasard.  Il  est  assez  frappant 
que  la  naissance  de  la  légende  de  saint  Brendan  coïncide  à  peu 
près  avec  l'époque  où  l'Irlande  entre  en  contact  avec  le  monde 
Scandinave.  On  est  tenté  de  penser  que,  sous  le  nom  de  Brendan 
le  navigateur,  un  vieux  thème  de  mythologie  celtique  a  été  renou- 
velé par  des  événements  contemporains,  qui  devaient  frapper 
l'imagination  irlandaise.  Au  commencement  du  ixe  siècle,  le  géo- 
graphe Dicuil  mentionne  l'établissement  de  moines  irlandais  dans 
les  îles  Féroé  et  même  en  Islande  (De  mensura  orbis  terrae,  VII, 
2  et  3).  Nansen  a  supposé  que  le  voyage  de  saint  Brendan  avait 
servi  de  modèle  à  certaines  compositions  de  la  littérature  Scandi- 
nave (Jw  Northern  Mists,  London,  191 1,  2  vol.,  chap.  ix).  Il  a  pu 
se  constituer  en  effet,  au  temps  des  expéditions  aventureuses  sur 
les  mers  lointaines,  un  fonds  de  légendes  qui  prit  forme  en  Irlande 
en  se  coulant  dans  un  moule  traditionnel,  et  en  s'imprégnant 
d'esprit  chrétien.  Mais  pourquoi  le  nom  de  Brendan  s'est-il  atta- 
ché à  ces  légendes  ?  Nous  savons  que  saint  Brendan  visita  les  côtes 
de  l'Ecosse  :  prit-il  part  lui-même  à  quelque  traversée  plus 
longue,  ou  fut-il  des  premiers  à  engager  ses  disciples  à  en  tenter  ? 
Une  médaille,  frappée  en  Amérique  il  y  a  quelques  années,  porte 
à  la  face  l'image  de  saint  Brendan,  develator  Americae  priscus. 
Rien  ne  justifie  pareille  assertion.  Si  saint  Brendan  a  découvert 
l'Amérique,  c'est  tout  au  plus  de  la  même  façon  que  Sénèque, 
disant  dans  un  chœur  de  Médée  (v.  375  et  ss.)  : 

Venient  annis  saecula  seris 
quibus  Oceanus  uincula  rerum 
laxet  et  ingens  pateat  tellus, 
Tethysque  nouos  detegat  orbes, 
nec  sit  terris  ultima  Thule. 


VII 

Dans  le  numéro  du  ^septembre  1922  du  journal  Western  Mail, 
de  Cardiff,  page  9,  col.  1  et  2,  M.  Ifano  Jones,  conservateur  de 
la  section  galloise  de  la  Bibliothèque  de  cette  ville,  a  publié  un 
intéressant  article  sur  «  un  manuscrit  gallois  depuis  longtemps 
perdu  »  (A  long  lost  Welsh  MS.)  dont  la  Bibliothèque  de  Cardiff 
a  fait  l'acquisition  en  1919. 

Ce  manuscrit  fut  achevé  de   copier  le  30  juillet  1600;  il  est  de 


39*>  Chronique. 

la  main  de  Llewelyn  Shôn  de  Llangewydd  et  comprend  deux 
ouvrages  différents.  Le  second  (fos  183-371)  est  la  traduction 
galloise  d'un  dialogue  Diuesei  Pauper,  composé  par  Henry  Parker, 
Carme  de  Doncaster,  et  imprimé  pour  la  première  fois  en  1493. 
La  traduction  commence  par  les  mots  :  Llyma  lyfr  a  elwir  Dires 
a  Phawper,  nid  atngen  na'r  kxvoethog  a'r  tlaïud  yn  ymgivesiiwno  a'i 
gilydd  «  Voici  le  livre  qu'on  appelle  Dives  et  Pauper,  c'est-à-dire 
le  Riche  ei  le  Pauvre  se  questionnant  mutuellement  ».  Le  premier 
ouvrage  est  au  contraire  un  original,  et  la  valeur  en  est  d'autant 
plus  grande  que  la  première  partie  seule,  sur  les  trois  qu'il  con- 
tient, avait  été  imprimée  jusqu'ici. 

Il  s'agit  d'un  ouvrage  de  Gruffydd  Roberts,  le  célèbre  auteur  d'une 
grammaire  galloise,  imprimée  à  Milan  en  1567  et  dont  deux  seuls 
exemplaires  étaient  connus,  lorsque  M.  Gaidoz  eut  l'heureuse  idée 
d'en  publier  une  reproduction  comme  supplément  à  la  Revue 
Celtique  (Paris,  Vieweg,  1870-1883).  Ce  Gruffydd  Roberts  était 
un  prêtre  catholique  que  les  rigueurs  de  la  persécution  protestante 
au  temps  d'Elisabeth  avaient  contraint  à  s'expatrier.  A  Milan,  où 
il  vivait,  il  composa  un  ouvrage  d'édification,  qu'il  intitula  Y 
drych  cristianogawl  ;  yn  yr  hwn  y  âichon  pob  Cristiaiun  ganfod  givrei- 
dhin  a  dechreuad  pob  daioni  sprydawî  «  Le  miroir  chrétien;  dans 
lequel  tout  chrétien  peut  apercevoir  la  racine  et  le  principe  de 
tous  les  biens  spirituels  ».  Il  avait  le  plus  vif  désir  de  faire 
pénétrer  cet  ouvrage  en  Galles  ;  mais  les  ressources  lui  manquaient 
pour  le  faire  imprimer.  Un  de  ses  disciples,  Roger  Smith,  égale- 
ment prêtre  catholique,  en  fit  faire  deux  copies,  dont  il  garda  l'une 
par  devers  lui,  tandis  qu'il  envoyait  l'autre  en  Galles.  Bien  mieux, 
alors  qu'il  se  trouvait  à  Rouen,  il  y  fit  imprimer  la  première  par- 
tie de  l'ouvrage,  en  1585.  Un  exemplaire  de  cet  imprimé  se  trouve 
aujourd'hui  à  la  National  Library  of  Wales  d'Aberystwyth  (voir 
(Catalogue  of  Manusoripts  and  Rare  Books  exhibifed  in  Ihe  gréai  bail 
of  ihe  Library,  19 16,  p.  22),  un  autre  à  la  Welsh  Librarv  de  Car- 
diff.  Mais  les  deux  autres  parties,  pour  une  raison  inconnue, 
sans  doute  faute  de  fonds,  restèrent  inédites.  Le  manuscrit  envoyé 
par  Roger  Smith  en  Galles  y  arriva  en  fort  mauvais  état,  après 
une  tempête  où  l'eau  salée  l'endommagea  fortement.  Il  y  fut  séché, 
réparé  avec  le  plus  grand  soin,  «  dried  and  lovingly  and  eagerly 
cared  for  »,  raconte  Roger  Smith,  et  accueilli  partout  avec  fer- 
veur et  respect.  Mainte  copie  en  fut  faite.  C'est  sans  doute  une 
de  ces  copies  qui  a  été  reproduite  en  iéoo  dans  le  manuscrit  de 
Llewelyn  Shôn.  La  première  partie  de  l'ouvrage  y  occupe  les 
folios  8-48,   la  seconde   et   la  troisième  respectivement  les  folios 


Chronique.  $97 

48-108  et  109-182.  On  peut  suivre  l'histoire  du  manuscrit  de 
Llewelyn  Shôn  depuis  environ  un  siècle;  il  fut  acquis  en  1841 
par  John  Henry  Vivian,  père  du  premier  Lord  Swansea.  qui 
habitait  Singleton  Abbey  (près  Swansea)  ;  mais  c'est  seulement 
en  octobre  19 19,  à  la  vente  des  collections  de  Singleton  Abbey, 
qu'il  devint  accessible  au  public  en  entrant  à  la  Bibliothèque  de 
Cardiff.  Il  serait  utile  de  reprendre  et  de  terminer  aujourd'hui  l'édi- 
tion que  désirait  Gruffyd  Roberts  et  que  Roger  Smith  n'avait  pu 
exécuter  qu'en  partie. 

VIII 

La  collection  populaire  galloise,  Cyfres  y  Werin,  dont  la  Revue 
Celtique  a  annoncé  l'an  dernier  le  premier  volume  (t.  XXXVIII, 
p.  208),  et  cette  année  même  plusieurs  des  volumes  suivants 
(ci-dessus,  p.  240)  vient  de  s'enrichir  d'une  traduction  des  Paroles 
d'un  Croyant  de  Lamennais. 

On  notera  avec  satisfaction  la  place  accordée  aux  œuvres  fran- 
çaises :  un  choix  de  nouvelles  de  Maupassant  forme  le  deuxième 
volume,  les  Lettres  de  mon  moulin  le  sixième,  les  Paroles  d'un 
Croyant  le  septième,  le  huitième  volume  sera  Y  Avare  de  Molière. 
Ce  choix  est  des  plus  sages.  Maupassant  et  Daudet,  avec  des  qua- 
lités très  françaises,  ont  une  vision  assez  largement  humaine  pour 
être  appréciés  de  l'étranger.  Molière  est  un  des  génies  les  plus 
représentatifs  de  notre  race  ;  mais  beaucoup  de  ses  œuvres,  et 
Y  Avare  en  particulier,  ont  une  portée  générale  et  éternelle.  Il  est 
temps  qu'il  pénètre  en  Galles,  après  que  Lady  Gregory  l'a  fait 
passer  dans  l'irlandais  de  Kiltartan. 

Quant  à  Lamennais,  il  est  sûr  d'être  bien  accueilli  dans  un  pays 
de  foi  et  de  piété,  plein  de  zèle  à  glorifier  le  Seigneur, 

gwlad  ry  eurglod  i'r  Arglwydd. 

Ce  Celte  d'Armorique  a  tout  ce  qu'il  faut  pour  plaire  à  ses 
frères  de  Galles  ;  et  aucune  de  ses  œuvres  n'est  plus  galloise  que 
les  Paroles  d'un  Croyant.  Il  est  même  étrange  qu'ayant  été  traduit 
en  anglais  dès  1854,  l'année  même  de  sa  publication  en  France, 
l'ouvrage  ait  attendu  près  de  90  ans  pour  l'être  en  gallois.  L'in- 
fluence biblique  y  est  si  marquée  que  les  lecteurs  de  la  traduc- 
tion galloise  y  retrouveront  le  style,  les  images,  l'esprit  de  leurs 
lectures  familières.  Ils  seront  séduits  par  le  souffle  de  fraternité 
démocratique  qui   l'anime,  par   ces  élans   oratoires  qui  soulèvent 


398  Chronique. 

l'âme  jusqu'à  Dieu,  par  ces  prosopopées,  ces  prophéties,  ces 
visions  dont  ils  sont  si  friands  dans  leur  propre  littérature,  par  ce 
que  le  livre  contient  à  la  fois  de  ferveur  évangélique  et  d'exaltation 
romantique.  Tel  de  ses  chapitres,  comme  le  vingt-troisième, 
semble  naturellement  appeler  le  hwyl.  Les  orateurs  y  trouveront 
en  abondance  des  thèmes  a  développer  soit  dans  la  chaire  des 
églises  soit  à  la  tribune  des  assemblées  politiques. 

Nous  avons  entre  les  mains  cette  traduction  qui  a  pour  titre 
Geiriau  Credadun  et  pour  auteur  M.  W.  Ambrose  Bebb.  Elle  se 
recommande  par  un  grand  souci  d'exactitude.  Elle  est  remplie  de 
réminiscences  bibliques,  si  bien  que,  tout  en  se  moulant  sur  le 
texte  français,  elle  est  capable  de  donner  à  des  lecteurs  gallois  une 
impression  originale.  Voici  seulement  quelques  observations  faites 
au  courant  de  la  lecture  : 

P.  20  :  car  fcî  y'tb  carer  «  aime  pour  qu'on  t'aime  »  (le  texte 
porte  :  aime  qui  tu  dois  aimer,  car  yr  hivn  y  dylit  ei  garu). 

P.  23  :  awydd  dial  «  désir  de  vengeance  »  (le  texte  porte  :  sen- 
timent de  haine). 

P.  48  :  après  la  ligne  6,  une  phrase  du  texte  français  a  été 
sautée. 

P.  48  :  dernier  alinéa  ;  il  faut  rétablir  la  ponctuation  comme 
suit  :  Rhoes  Duw  i  ni,  yn  Ei  ddaioni,  cin  bara  beunyddiol  ;  a  pha 
nifer  sydd  nad  oes  ganddynt?  un  cysgod;  a  pha  nifer  na  ivyr  y  m  mha 
le  i  roddi  eu  peu  i  hvwr  ? 

P.  50  :  ni  luclwch  ouid  ychydig  or  avyn  a  deifl y  don  ar  y  traefb 
«  vous  ne  voyez  qu'un  peu  de  l'écume  que  le  flot  jette  sur  le 
rivage  »  (le  texte  porte  :  ...qu'un  peu  d'écume...  ;  il  faudrait 
tourner  autrement  :  ni  welwch  onid  ychydig  0  eiuyn  ivedi  ei  daflu 
gan  y  don  ar  y  traeth). 

P.  54  :  i  gofnodi  eich  alltud'uit'/h  ddirgcl  «  pour  commémorer 
votre  exil  secret  »  (le  texte  porte  :  pour  célébrer  vos  mystères 
proscrits). 

P.  65  :  ol  golcu  «  une  trace  lumineuse  »  (le  texte  porte  :  une 
marque  livide). 

Lors  d'une  seconde  édition,  qui  ne  se  fera  sans  doute  pas  long- 
temps attendre,  ces  menues  erreurs  seront  aisément  corrigées. 
Il  conviendra  que  l'édition  future  contienne  aussi  la  traduction 
de  la  préface,  qui  a  été  négligée  dans  celle-ci.  La  préface  adressée 
«  au  peuple  »  et  tout  imprégnée  d'esprit  chrétien  donne  à  l'ou- 
vrage sa  vraie  signification  ;  elle  ne  peut  qu'attirer  à  Lamennais 
dans  le  Pays  de  Galles  plus  de  lecteurs  encore  et  d'admirateurs. 


Chronique.  399 


IX 

Grâce  à  M.  Antoine  Thomas,  la  littérature  du  moyen»  breton 
vient  de  s'enrichir  d'un  nouveau  texte  signé  d'un  nouvel  auteur. 
Après  Ivonet  Omnès  (v.  Rev.  Celt.,  XXXIV,  241  et  XXXV,  129) 
et  Henri  Dahelou  (v.  Rev.  Celt.,  XXXVII,  408),  un  troisième 
scribe  breton,  Henri  Bossec,  a  été  découvert  par  le  savant  membre 
de  l'Institut.  C'est  dans  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Sainte- 
Geneviève  qu'apparaît  le  nom  de  Bossec.  Ce  manuscrit  qui  se 
compose  de  trois  tomes  épais,  portant  les  numéros  34-36,  contient 
les  Postilles  sur  la  Bible  du  cordelier  théologien  Nicolas  de  Lyre 
(mort  en  1340).  M.  Thomas  a  relevé  dans  le  troisième  tome  les 
deux  phrases  suivantes  en  breton  : 

f°  299.  Henri  Bossec  alauar  mar  car  doe  me  ambe\o  auantur  mat 
ha  quarij  (lire  quae%f). 

et 

f°  26 id.  Henri  Bossec  ascrivas  aman. 

Ce  qui  se  traduit  sans  difficulté  aucune  :  «  Henri  Bossec  dit  : 
si  Dieu  le  veut,  j'aurai  fortune  bonne  et  belle  »  et  «  Henri  Bossec 
a  écrit  ici  » . 

Il  est  fâcheux  qu'Henri  Bossec  n'ait  pas  jugé  à  propos  d'écrire 
davantage.  Il  est  vrai  que  ses  confrères  Omnès  et  Dahelou  n'avaient 
guère  été  mieux  inspirés.  De  son  côté  Bossec  laisse  un  petit  pro- 
blème à  résoudre  à  la  sagacité  des  chercheurs.  Le  deuxième  tome 
du  manuscrit  porte  la  note  finale  suivante  :  H.  Bossec  diocessi  Cor- 
nubie  natus  in  uillula  uocata  Tresfrauc.  Ce  nom  de  lieu  reste  à  iden- 
tifier. 

Pour  la  date,  les  «  textes  »  de  Bossec  ne  sont  guère  postérieurs  à 
ceux  dont  les  celtistes  doivent  déjà  la  découverte  à  M.  Thomas. 
La  Postille  sur  le  second  livre  d'Esdras  est  datée  dans  le  manu- 
scrit copié  par  Bossec  du  20  mars  1 3  3 1 .  L'ensemble  du  manuscrit 
paraît  à  M.  Thomas  avoir  été  copié  vers  la  fin  du  xive  siècle. 


X 

Nous  avons  signalé  en  leur  temps,  à  mesure  qu'ils  paraissaient 
dans  les  Annales  de  Bretagne  les  divers  chapitres  de  l'étude  con- 
sacrée par  M.  Gaston  Esnault  au  poète  breton  Le  Laé.  Ils  ont  paru 
à  part,  réunis  en  un  beau  volume  de  292  pages,  chez  l'éditeur 
Champion  en  1921,  sous  le  titre  :  La  Vie  et  les  œuvres  comiques  de 


400  Chronique. 

Claude  Marie  Le  Lue  (1745-1791).  Ce  volume  aura  une  suite.  Il 
ne  comprend  que  deux  poèmes  français  Les  trois  Bretons,  VOttes- 
sanlide  et  un  poème  breton,  le  burlesque  Sur  mou  war  ar  maro  a 
Vikeal  J'oriu  «  Oraison  funèbre  de  Michel  Morin  ».  Or  Le  Laé  a 
laissé  encore  un  poème  satirique,  ar  Chi  («  le  chien  «),  des 
épigrammes,  des  poésies  diverses  ;  tout  cela  sera  compris  dans  un 
second  volume. 

On  sait  avec  quel  soin  méticuleux  M.  Gaston  Esnault  accomplit 
sa  tâche  d'éditeur.  Peu  satisfait  des  éditions,  dont  la  plus  ancienne 
ne  remonte  pas  plus  haut  que  1795,  il  a  revu  minutieusement  les 
manuscrits  de  son  auteur  pour  établir  le  texte  avec  toute  garantie 
d'exactitude.  Le  texte  breton  du  Morin  est  donné  sur  les  pages 
paires  sous  forme  diplomatique,  avec  un  apparat  critique  des  plus 
complets.  Le  texte  corrigé,  mis  au  net,  ponctué,  figure  sur  les 
pages  impaires  avec  une  traduction  française  et  des  remarques. 
M.  G.  Esnault  se  fait  une  haute  idée  de  la  valeur  littéraire  de 
Le  Laé;  il  le  compare  aux  plus  grands  dont  les  littératures  d'autres 
pays  s'enorgueillissent  ;  il  rêve  de  voir  un  jour  Ar  chi  et  le  Morin 
figurer  comme  textes  d'explication  dans  l'enseignement  des 
«  humanités  celtiques  »  (p.  100).  Si  ce  jour  arrive  jamais,  des 
travaux  comme  le  sien  sont  dignes  d'en  préparer  la  venue.  En 
attendant,  cette  édition  peut  servir  de  modèle  de  critique  verbale 
à  bien  des  philologues,  qui  ne  sont  pas  celtistes. 

La  traduction  appellerait  quelques  réserves.  Pour  rendre  le  ton 
rustique  de  l'orateur  et  imiter  son  vocabulaire  burlesque, 
M.  Esnault  a  recouru  tantôt  aux  archaïsmes,  tantôt  aux  provincia- 
lismes,  ou  bien  il  s'est  inspiré  des  expressions  les  plus  savoureuses 
du  français  populaire  moderne.  Il  a  tenté  d'autre  part  de  rendre 
les  bouffonneries  pédantes  de  son  auteur  par  des  «  latinismes  de 
luxe  ».  L'entreprise  était  difficile  ;  elle  n'a  pas  complètement 
réussi.  En  maint  endroit  le  traducteur  n'a  pas  trouvé  la  note  juste; 
et  en  somme  il  n'est  guère  croyable  que  l'impression  produite 
sur  les  Bretons  par  le  texte  de  Le  Laé  ait  été  semblable  à  celle 
qu'emporteront  les  lecteurs  français  de  la  traduction.  Celle-ci  est 
surchargée  de  tout  ce  que  la  recherche  la  plus  laborieuse  peut 
imaginer  dans  le  genre  précieux  et  affecté.  Le  procédé  tient  de  la 
gageure  ;  il  n'a  rien  de  spontané,  rien  de  coulant,  rien  qui  puisse 
satisfaire  un  auditoire  populaire. 

P.  147  :  au  vers  40e,  M.  Esnault  rend  sarpaut  par  serpillière, 
imaginant  une  confusion  volontaire  du  poète  entre  le  radical  de 
serpent  et  celui  de  serpe  (cf.  p.  101).  J'ai  dans  la  mémoire  une 
vieille    locution,   mainte  fois   entendue    dans  mon    enfance    aux 


Chronique.  401 

environs  de  Paris  :  «  coupant  comme  un  petit  serpent  »  (en  parlant 
d'un  couteau,  d'un  canif). 


.XI 

Sous  le  titre  An  Réult  «  l'Étoile  »,  l'University  Collège  de 
Dublin  a  fait  paraître  en  1922  un  nouveau  périodique,  entièrement 
rédigé  en  irlandais.  An  Réult  a  pour  sous-titre  Irisleabhar  na 
h-ollscoile  «  Journal  de  l'Université  »  ;  ce  sera  un  organe  universi- 
taire, mais,  à  en  juger  par  le  numéro  que  nous  avons  entre  les 
mains,  la  poésie  et  les  oeuvres  d'imagination  y  tiendront  une  large 
place.  Dans  ce  numéro  en  effet,  qui  est  le  second  (mars  1922), 
à  côté  d'un  article  historique  de  M.  Eoin  Mac  Neill  sur  les  Eogha- 
nachta  Mumhan  et  d'un  récit  de  la  bataille  de  Fontenoy  par 
M.  S.  P.  Mac  Enri,  on  trouve  une  «  Mort  d'Ossian  »  (Bas  Oisin) 
signée  Gearoid  O'Murchadha,  une  étude  sur  la  houille  en  Irlande 
(Cûrsai  guail  i  n-Eirinn)  avec  des  documents  statistiques  par 
M.  Mac  Ionnraic,  une  autre  de  M.  Diolûn  sur  l'enseignement  de 
l'histoire  à  l'usage  des  Irlandais  (Cursa  staire  le  h-aghaidh  Eirean- 
nach)  et  enfin  une  série  de  pièces  de  vers,  signées  de  noms  uni- 
versitaires bien  connus, comme  «  an  Craoibhin  »  (M.Douglas  Hyde) 
ou  «  Tôrna  »  (M.  T.  O'Donoghue).  Parmi  les  poèmes  de  Tôrna, 
figure  p.  24  une  traduction  en  vers  irlandais  de  la  chanson  fran- 
çaise du  «  Compère  Guillery  ».  Les  vers  sont  adaptés  à  la  mélodie  ; 
grâce  à  Tôrna,  le  répertoire  déjà  si  riche  des  chansons  irlandaises 
pourra  s'augmenter  d'un  joli  air  de  chez  nous. 


XII 

Pour  faire  pendant,  plutôt  que  concurrence,  à  An  Réult,  et  en 
même  temps  pour  remplacer  l'ancien  Ivernian  Journal,  l'University 
Collège  de  Cork  vient  de  fonder  un  périodique  nouveau,  qui 
porte  le  nom  de  Éarna  ',  et  paraît  à  Cork  chez  l'éditeur  Guy  and 
Co,  au  prix  de  1  sh.  le  fascicule,  à  raison  de  quatre  fascicules  par 
an.  Le  premier  est  daté  de  mars  1922.   C'est  sous  les  auspices  de 

1.  Ce  nom  est  l'accusatif  du  nom  Eraind,  Éarainn  qui  désigne  une  des 
anciennes  populations  du  Munster  (v.  Hogan,  Onomasticon,  p.  400).  Torna 
explique  dans  une  note  du  premier  numéro  qu'il  a  choisi  la  forme  Earna 
(courante  d'ailleurs  en  moyen-irlandais)  plutôt  que  la  forme  plus  correcte 
Éarainn,  pour  éviter  une  confusion  avec  le  nom  de  l'Irlande,  Eirinn. 
Rrvue  Celtique,  XXXIX.  26 


402  Chronique. 

la  Faculté  celtique  de  l'.Université  de  Cork  que  Êarna  est  publié  : 
tout  ce  qui  intéresse  l'Irlande  en  fait  de  science,  de  littérature  et 
d'art  y  sera  donc  bien  accueilli.  L'article  de  début,  Féachaint  rôinn 
«  Un  regard  devant  nous  »  montre  la  tâche  qui  s'impose  à  l'Ir- 
lande pour  l'utilisation  de  ses  ressources  matérielles,  pour  son 
commerce  et  son  industrie.  On  trouve  dans  ce  premier  fascicule 
de  la  philosophie,  de  l'histoire,  de  l'imagination  et  aussi  de  la 
fantaisie  poétique.  Le  poète  Tôrna  en  particulier  y  a  mis  quelques 
poésies,  dont  l'une,  Tôg  do  cbeanit  «  Lève  ta  tête  »,  figure  égale- 
ment dans  le  numéro  2  de  An  Réult.  A  la  fin  du  fascicule,  p.  49 
et  suiv.,  un  petit  lexique  des  mots  irlandais  les  moins  usuels  ou 
les  moins  connus  (quelques-uns  sont  des  néologismes)  est  à  recom- 
mander aux  lecteurs. 

J.  Vendryes. 


PÉRIODIQUES 


Sommaire. —  I.  Annales  de  Bretagne.  —  II.  Revue  des  Études  anciennes. 
—  III.  Mémoires  de  la  Société  de  Linguistique.  -*-  IV.  Le  Fureteur 
breton.  —  V.  Eriu.  —  VI.  Zeitschrift  fur  celtische  Philologie.  —  VII. 
Indogermanische  Forschungen.  —  VIII.  The  Journal  of  the  Welsh 
Bibliographical  Society.  —  IX.  The  American  Journal  of  Philology. 


I 

Au  dernier  fascicule  du  tome  XXXIV  des  Annales  de  Bretagne, 
M.  l'abbé  Duine  a  donné  un  article  sur  «  l'évêque  Haelrit  »  (p. 492- 
503).  L'auteur  y  défend,  contre  l'autorité  de  Mgr  Duchesne,  l'exis- 
tence de  cet  évêque  qu'il  avait  été  le  premier  à  signaler  dans  son 
étude  sur  le  schisme  brelonÇAnn.  de  Br.,  rîov.  1915)  ;  il  maintient 
Haelrit  dans  le  catalogue  épiscopal  de  Dol  (à  la  date  de  842),  mais 
sans  refuser  d'ajouter  à  son  histoire  un  point  d'interrogation. 

Aux  pages  504-507  du  même  périodique  se  trouve  un  conte 
breton,  au  Ilii  digoi-  «  l'église  ouverte  »  recueilli  par  Ivonic  Picard 
d'un  vieillard  de  La  Feuillée  et  accompagné  d'une  traduction 
française. 

A  signaler  dans  le  tome  XXXV  du  même  périodique,  fascicule 
Ier,  p.  32-49  un  article  de  M.  Daniel  Bernard  sur  «  le  Breton  dans 
les  actes  publics  »  à  la  fin  du  xvme  siècle. 


II 

Le  tome  XXII  de  la  Revue  des  Études  anciennes  (1920)  con- 
tient p.  39-40  une  note  de  M.  Dottin  sur  «  le  celtique  clocca  ». 
L'existence  en  celtique  de  cette  forme,  qui  est  l'original  commun 
des  mots  v.  irl.  cloc,  gall.  cloeb,  bret.  cloch  et  d'où  sont  empruntés 
les  mots  germaniques  (ail.  Cloche,  angl.  dock,  dan.  Klakke),  semble 


404  Périodiques. 

attestée  par  un  texte  des  vine-ixe  s.  qui  appartient  au  sacramen- 
taire  de  l'église  d'Angoulêrhe.  L'aire  de  répartition  des  représen- 
tants de  clocca  sur  le  domaine  roman  s'accorde  bien  avec  l'hypothèse 
d'une  origine  celtique  (Mcyer  Lùbke,  Rom.  Elym.  IVtb.,  p.  159). 
D'autre  part  on  connaît  l'importance  des  cloches  chez  les  Celtes 
des  Iles  Britanniques  et  d'Irlande  aussi  bien  que  de  la  Gaule 
ancienne.  Le  mot  clocca  paraît  donc  pouvoir  être  ajouté  au  lexique 
du  celtique  commun. 

Il  faut  signaler  aux  pages  118-120  une  note  très  suggestive  de 
M.  L.  Havet,  qui  à  propos  de  l'expression  «  Camp  de  César  » 
montre  de  façon  lumineuse  combien  il  faut  se  méfier  en  topono- 
mastique  des  prétendues  traditions  relatives  aux  noms  propres.  Un 
nom  de  lieu  comme  «  Camp  de  César  »  se  dénonce  comme  un 
nom  d'origine  savante  et  livresque,  sans  tradition  vivante  :  la 
phonétique  l'indique  aussi  bien  que  l'histoire  de  la  pratique  mili- 
taire. 

P.  1 21-122,  M.  J.  Loth,  revenant  sur  l'étymologie  du  gallo- 
latin  brigantes  «  uermiculi  »  proposée  jadis  par  M.  Zupitza  (Ida. 
Forschg.  An\.  XIII,  51  ;  cf.  Rev.  Celt.,  XXXVIII,  p.  67  n.),  y  signale 
la  particularité  très  intéressante  de  l'évolution  *ijr-,  *///'/-  en  bri-  ; 
il  en  trouve  un  autre  exemple  dans  le  nom  de  la  «  bruyère  »,  pré- 
celt.  *uroiko-  (irl.  moy.froech,  gall.  grug)  donnant  en  gallo-roman 
brftca.  C'est  ce  mot  qui  a  fourni  au  français  le  mot  «  bruyère  »  (de 
brucaria)  et  quia  été  euîprunté  par  les  Bretons  d'Armorique  sous  la 
tormebruk.  Il  y  a  en  irlandais  un  nom  d'homme  Froccb  «  bruyère  »  ; 
il  n'est  pas  rare  de  voir  ainsi  employés  des  noms  d'arbustes  : 
cf.  Mac  Cairlhin  «  fils  de  l'alisier  »,  Mac  Citill  «  fils  du  coudrier  », 
Mac  Dregin  «  fils  de  l'épine  noire  »,  Mac  Ib.rir  «  fils  de  l'if  », 
Mac  Cuilinn  «  fils  du  houx  »,  MacDara  «  fils  du  chêne  »,  etc.  Le 
gallo-roman  brfica  suppose  que  l'ancienne  diphtongue  oi  a  évolué 
en  gaulois  comme  en  brittonique. 

Aux  pages  283-290  se  trouve  un  intéressant  article  de  M.  Piga- 
niol.Une  plaque  de  marbre  trouvée  à  Sardes  en  1906  contient  le 
fragment  d'un  discours  impérial  se  rapportant  à  un  sénatus-consulte 
rendu  vers  177  pour  réduire  les  frais  des  jeux  de  gladiateurs. 
Une  table  de  bronze  trouvée  en  1888  près  de  Séville  nous  avait 
déjà  fourni,  sous  une  forme  d'ailleurs  assez  altérée,  le  discours  pro- 
noncé par  un  sénateur  à  cette  occasion.  Relevant  dans  le  fragment 
de  Sardes  le  mot  trincus  trois  fois  répété  (trincos  deux  fois  et  une 
fois  trinqua),  M.  Piganiol  a  eu  l'idée  de  corriger  en  trincos  sur  la 
table  de  Séville  un  princeps  qui  ne  fournit  pas  de  sens.  On  aurait 
donc  en  tout  quatre  exemples  de  ce  mot  nouveau,  qui  parait  dési- 


Périodiques.  405 

gner  une  certaine  catégorie  de  gladiateurs  provenant  de  la  Gaule. 
Nous  connaissions  déjà  l'es  audabatae  et  les  cruppellarii  ;  la  Gaule 
aurait  en  outre  fourni  aux  jeux  du  cirque  des  trinci.  Pour  diverses 
raisons  M.Piganiol  conjecture  qu'il  s'agit  de  gladiateurs  qui  devaient 
combattre  jusqu'à  la  décollation  ».  Ce  rôle  odieux  et  répugnant 
explique  que  le  sénatus  consulte  se  soit  préoccupé  d'en  limiter 
l'emploi.  Mais  voilà  qui  donne  à  la  découverte  de  M.  Piganiol  un 
intérêt  linguistique.  Le  mot  gaulois  latinisé  en  trincus  (trinquas) 
ainsi  défini  quant  au  sens  comporte  une  étymologie.  Il  doit  se 
rattacher  à  la  racine  qui  a  fourni  entre  autres  le  lituanien  trenkfi 
«  frapper  violemment  »  et  le  latin  truneus (proprement  «tronqué»); 
en  celtique  en  effet,  comme  en  germanique  et  en  latin  (Havet, 
Mém.  Soc.  Liugu.,  VI,  34),  la  voyelles  tend  à  se  fermer  devant 
nasale  suivie  d'occlusive,  et  notamment  de  gutturale  (Pedersen, 
Vgl.  Gr.,  I,  37)  ;  donc  un  ancien  gaulois  *trenkos  tendait  à  passer  à 
trinkos.  La  graphie  trinquus  qui  n'est  pas  possible  en  gaulois,  où  la 
vélaire  est  représentée  par  une  labiale,  peut  s'expliquer  en  latin 
même  comme  une  graphie  analogique  ;  le  marbre  de  Sardes  porte 
d'ailleurs  deux  fois  trincos.  Mais  avons-nous  bien  à  faire  à  un  mot 
celtique  ?  Ne  pourrait-ce  pas  être  aussi  bien  un  mot  italique  appli- 
qué par  les  Latins  à  une  catégorie  de  gladiateurs  Gaulois  ?  Il  est 
possible  d'autre  part  que  trincus  soit  un  mot  tronqué,  premier 
terme  d'un  composé  quiaurait  signifié  par  exemple  «tranche-tête» 
et  aurait  été  bâti  sur  le  type  uerli-cordia,  uinci-pes  ou  flex-animus. 
La  langue  populaire  raccourcit  fréquemment  des  composés  de  cette 
façon.  Si  trincus  représente  un  ancien  thème  verbal  *trenkejQ-,  les 
romanistes  seront  sans  doute  mieux  disposés  encore  à  y  voir  la 
base  des  formes  romanes  v.  fr.  trenchier,  it.  trinciarê,  esp.  trincar, 
comme  le  leur  propose  M.  Piganiol. 

Dans  chacun  des  fascicules  du  tome  XXII  de  la  Revue  des  Études 
Anciennes,  M.  C.  Jullian  continue  ses  précieuses  Notes  gallo-romaines 
et  sa  non  moins  précieuse  Chronique  gallo-romaine  ;  à  voir  particu- 
lièrement ce  que  le  savant  auteur  dit  pp.  53  et  56  des  déesses  mères 
(en  y  joignant  une  note  de  M.  A.  Cuny,  p.    3 10-3  11). 


111 
M.  Holy,er  Pedersen  a  donné  aux  Mémoires  de  la  Société  de 


1.  On  sait  que  dans  la  tradition  celtique,  conservée  en  maint  passage 
de  l'épopée  irlandaise,  un  adversaire  n'était  considéré  comme  vaincu  que 
lorsqu'on  lui  avait  tranché  la  tête. 


40  6  Périodiques. 

linguistique,  t.  XXII,  p.  I-I2  des  notes  étymologiques,  parmi 
lesquelles  il  y  a  à  relever  une  interprétation  fort  séduisante  du  mot 
latin  sospes;  ayant  établi  le  sens  exact  de  ce  mot,  à  savoir  «  qui 
échappe  à  un  danger,  qui  achève  heureusement  un  voyage,  qui 
revient  chez  lui  »,  il  y  voit  un  composé  dont  le  second  terme  est 
la  racine  de  petere  et  le  premier  un  mot*  sodés-  comparable  au  grec 
eôoç,  au  skr.  svadbâ,  à  l'irlandais  sossad  «  domicile  »(de  *swodbs-)  ; 
cf.  d'ailleurs  le  latin sodàlis.  Lemotsospes  peut  indifféremment  sortir 
de  *siuedhcs-pet-s  d'où  *sodes-pet-s,  ou  de  *svodbso-pet-s,  et  le  sens 
serait  «  qui  regagne  son  domicile,  qui  rentre  à  bon  port  chez  lui  ». 
Aux  pages  230-233  du  même  volume  des  Mémoires,  M.  A.  Som- 
merfelt  suggère  une  très  séduisante  explication  du  futur  en  } 
irlandais.  On  sait  quelle  est  la  difficulté  à  laquelle  se  heurte  la 
comparaison  du  futur  en  Matin  et  du  futur  en/  irlandais;  c'est 
qu'elle  laisse  dans  ce  dernier  la  spirante  sourde  /  inexplicable. 
Cette  difficulté  a  paru  si  grave  à  M.  Thurneysen  qu'il  s'est  résigné 
à  briser  tout  lien  entre  les  deux  formations  et  à  imaginer  pour  le 
futur  en/  irlandais  une  origine  particulière,  d'ailleurs  difficilement 
acceptable.  L'hypothèse  de  M.  Sommerfelt  a  d'abord  le  grand 
mérite  de  maintenir  le  rapprochement  du  latin  et  de  l'irlandais,  qui 
s'impose  à  tant  d'égards  ;  mais  elle  a  en  outre  le  mérite  plus  rare 
de  s'appuyer  à  la  fois  sur  des  principes  de  phonétique  générale  et 
sur  une  connaissance  minutieuse  de  la  phonétique  irlandaise  et 
enfin  de  se  justifier  p.ir  les  tendances  mêmes  de  la  langue.  La 
forme  dont  il  part  est  du  type  *b(h)we/0-  précédé  de  voyelle  (cf. 
lat.  uidcbô  de  *uidê-bhwô).  Or,  en  irlandais,  le  groupe  intervoca- 
lique  *-b(J))w-  doit  nécessairement  donner  -iuu'-,  car  l'articulation 
du  b  se  relâche  entre  voyelle  et  -u>-  ;  et  du  coup  les  conditions 
dans  lesquelles  se  trouve  l'ancien  *-&(/;)-  sont  changées.  Il  v  a  en 
effet  dans  le  système  phonétique  irlandais  une  opposition  entre  les 
consonnes  simples  et  les  consonnes  longues  et  en  partie  géminées. 
Les  premières  s'affaiblissent,  mais  les  secondes,  par  réaction,  se 
renforcent.  Cet  état  est  encore  apparent  aujourd'hui  dans  les  parlers 
du  Donegal,  dont  l'auteur  a  étudié  de  très  près  la  phonétique. 
L'articulation  forte  a  sa  place  en  position  initiale.  Du  moment  que 
l'ancien  w-  devient/-  à  l'initiale,  c'es.t  donc  f-  (/")-  que  l'on  est  en 
droit  d'attendre  à  l'intervocalique  comme  traitement  du  -ww-.  Cette 
lumineuse  démonstration  nous  parait  décisive.  Elle  permettra 
d'interpréter  certains  faits,  encore  inexpliqués,  de  la  phonétique 
d'autres  langues.  Le  principe  posé  par  M.  Sommerfelt  pour  l'irlan- 
dais que  l'articulation  des  consonnes  qui  ne  se  trouvaient  pas  en 
position  d'affaiblissement  a  été  renforcée  peut  en  effet  se  véri- 
fier ailleurs. 


■Périodiques.  407 

IV 

A  signaler  dans  le  numéro  62  du  Fureteur  breton  (XIe-  année, 
août-octobre  1921),  p.  42-44  la  reproduction  d'une  pièce  de  vers 
anonyme,  en  anglais,  qui  figure  aux  Archives  du  département  du 
Morbihan  sous  la  cote  bc  482+.  Elle  a  pour  sujet  le  siège  de  Belle- 
Isle,  accompli  avec  succès,  mais  non  sans  peine,  par  les  Anglais, 
au  printemps  de    1761. 

V 

Le  volume  IX  de  Ériu  débute  par  un  article  de  M.  E.J.Gwynn, 
intitulé  «  Tomâs  Costelloe  and  O'Rourke's  wife  »  (p.  1-11)  :  il 
s'agit  de  la  publication  d'un  poème  de  128  vers,  conservé  aux 
pages27-32  du  manuscrit  H.  5.9  deTrinity  Collège  qui  a  été  copié 
vers  1684.  C'est  un  poème  d'amour,  dans  lequel  la  femme  d'un 
certain  Aodh  O'Rourke  expose  le  drame  qui  se  joue  dans  son  cœur 
entre  la  foi  qu'elle  a  jurée  à  son  mari  et  l'amour  que  lui  inspire 
Tomâs  Costelloe.  Malgré  les  allusions  mythologiques  et  les  sou- 
venirs légendaires,  trop  abondants  à  notre  goût,  le  poème  est 
empreint  d'une  sincérité  émouvante  et  contient  quelques  beaux 
accents.  Il  faut  remercier  M.  Gwynn  d'avoir  tiré  de  l'oubli  les 
plaintes  de  cette  amoureuse  éplorée. 

Une  autre  publication  de  texte,  p.  43-54  est  due  à  M.  Tadhg 
O'Donoghue  :  c'est  un  poème  «  Advice  to  a  Prince  »,  conservé 
dans  une  dizaine  de  manuscrits,  dont  le  Book  of  Leinster,  p.  147 
b.  1.  L'auteur  en  paraît  être  Fingein  Mac  Flainn,  qui  florissait  vers 
850  et  était  en  relation  avec  Cashel.  Ce  sont,  en  partie  sous  forme 
de  maximes,  des  préceptes  à  l'usage  d'un  prince.  I!  lui  est  recom- 
mandé d'être  juste,  avisé,  généreux,  pacifique,  etc.  Beaucoup  de  ces 
maximes  se  retrouvent  ailleurs  et  notamment  dans  les  Tecosca 
Cormaic.  On  notera  à  la  strophe  3  la  recommandation  d'avoir  toujours 
chez  soi  des  otages  en  vue  de  négociations  possibles  et  à  la  strophe 
2  celle  de  se  méfier  du  bavardage  des  femmes  :  ///'  innisfind  i  jail  ban 
in  sccl  bad  âil  dam  dochhith  «  je  ne  dirais  pas  en  présence  de 
femmes  quelque  chose  que  je  voudrais  tenir  caché  »  ;  la  même 
précaution  était  habituelle  au  fameux  Mesroida  Mac  Dathô  (Jrische 
Texte,  I,  p.  97),  et  on  la  retrouve  en  plus  d'un  endroit  (Rev.Celt., 
VI,  188,  n.  3;  Ériu  II,  34,  1.  5  ;  Z.f.  celt.  Pbil.,  IX,  192,  §11). 
—  A  la  strophe  18,  on  pourrait  lire  int  ara  fastas  cechech  (ou  a  ech 


408  Périodiques. 

avec  plusieurs  mss.)  «  le  cocher  qui  retient  tout  cheval  »  ou  «son 
cheval  »  [«  c'est  sa  promptitude  qui  vaut  le  mieux  »,  ellma  subs- 
tantif dérivé  de  eïlotn  «  prompt,  prêt  à  »]  ;  cf.  êssi  \J]astuda  ech 
«  rênes  à  retenir  les   chevaux  »,  T. B.C.  éd.  Windisch,  1.  2540. 

M.  Tomàs  O'Mâille  étudie  p.  71-76  le  sens  du  mot  Cuîmen 
employé  à  désigner  un  ouvrage  d'où  toute  science  est  issue.  On 
rencontre  ce  mot  avec  cette  acception  dans  le  Folllsigud  na  Tàna 
(L.L.  245  b  2-7;  cf.  Arch.  f.  Cdt.  Lexic.  III,  5)  et  dans  quelques 
autres  textes.  Zimmer  en  avait  proposé  une  interprétation  qui  n'est 
pas  soutenable  (Nennius  Findicatus,  p.  253-257).  M.  T.  O'Mâille 
prouve  par  d'excellentes  raisons  que  c'est  tout  simplement  le  mot 
latin  cuîmen  au  sens  de  «  comble  de  toute  science,  somme  d'éru- 
dition »,  et  que  par  ce  mot  cuîmen  on  désignait  en  Irlande  le  grand 
ouvrage  étymologique  d'Isidore  de  Séville.  Esodir  in  Chulmin 
«  Isidore  auteur  de  la  Somme  »  (L.  Br.  p.  79)  est  équivalent  de 
Isidorus  Etymologiarum  (ib.  p.  78;  cf.  Stokes,  Fèlire  Oenguso,  ie 
édit. ,  p.  xxxj).  La  réputation  d'Isidore  en  Irlande  a  été  énorme; 
ses  Origines,  composées  entre  622  et  633,  y  étaient  connues  dès  le 
milieu  du  viie  siècle,  à  peine  vingt-cinq  ans  après  qu'elles  eurent 
été  publiées.  Un  détail  que  M.  O'Mâille  ne  donne  pas,  et  qui  con- 
firme sa  thèse,  c'est  que  le  Sanas  Cormaic  doit  énormément  au 
livre  d'Isidore,  notamment  en  ce  qui  concerne  les  mots  qu'il  fait 
venir  du  grec. 

A  signaler  encore  la  suite  des  notes  de  M.C.  Plummer  On  sotne 
passages  in  the  Brehou  laws(p.  31-42  ;  émendations  et  interprétations 
de  ce  texte  difficile)  et  un  article  de  M.  Robin  Flower,  Popular  science 
in  mediaeval  Ireland  (p.  61-67;  étude  de  textes  sur  la  physiologie 
des  émotions  et  sur  l'époque  où  il  convient  de  cueillir  les  simples). 

M.PaulWalsh  étudie  p.  55-60  la  généalogie  des  Ui  Maccn  Nais 
et  il  tire  de  cette  étude  la  double  conclusion  que  les  Annales 
irlandaises  ont  besoin  d'être  confrontées  avec  les  généalogies,  et  que 
les  Index  des  Annales  d'Ulster  aussi  bien  que  des  Annales  des 
Quatre  Maîtres  sont  sujets  à  révision. 

La  grammaire  proprement  dite  est  représentée  dans  ce  cahier 
par  des  notes  ou  articles  de  MM.  A.  Sommerfelt  (Modem  Irish 
Jmperative  pi.  2  in-gi,  p.  68;  a  Reflex  of  the  prehistoric  change  of  ai  : 
a,  p.  70),  Osbom  Bergin  (Metrica  :  III.  The  alleged  unvoicing  of 
dh-  d-;  IV.  The  Allitération  of  th  ;  V.  The  principles  of  allitération  ; 
p.  77-S4;  Nominative  and  Vocative,  p.  92-94)  et  T.  F.  O'Rahillv 
(The  Vocative  in  Modem  Irish,  p.  85-91).  Le  même  M.  O'Rahilly  a 
donné  au  fascicule  des  Miscellanea  (p  12-26  et  95),  ainsi  que 
M.  E.J.  Gwynn  (p.  27-50). 


Périodiques.  409 

Enfin,  M.  Bergin   continue  son   importante  publication  des  Irish 
grammatical  Tracts  (p.  61-92). 


VI 

La  Revue  Celtique  est  fort  en  retard  avec  la  Zeitschrift  fur 
celtische  Philologie,  qui  pendant  les  années  de  guerre  a  continué 
régulièrement  sa  publication    et  dont  le  tome  XIII  est  en  cours. 

Dans  le  dernier  fascicule  le  tome  IX,  deux  articles  grammaticaux 
sont  à  signaler  :  l'un  de  M.  Tomâs  O'Mâille,  Some  cases  of  delenition 
in  Irish  (p.  341-352),  l'autre  de  M.  Josef  Baudis,  Zum  Gebrauch 
der  Verbalnomina  im  Irischen  (p.  380-419).  Les  conclusions  du 
premier  sont  résumées  à  la  dernière  page  ;  il  s'agit  particulièrement 
du  passage  des  groupes  rgCh)  et  rch  à  rc  dans  la  seconde  syllabe 
ou  la  syllabe  inaccentuée  de  certains  mots  quand  ces  groupes  sont 
de  position  «  mince  »,  des  groupes  ng(h)  et  nch  à  ne;  th-gh  à  c  ; 
chth  et  eth  à  cht,chd  quand  la  position  est  «  large  »  ;  de  dh  intervo- 
calique  et  «  large  »  à  g  ;  de  //;  et  dh  à  d  ;  de  gh  mince  ou  de  y  h  g 
entre  voyelles.  L'étude  de  M.  Baudis  est  une  étude  de  syntaxe.  Il 
s'est  proposé  d'examiner  l'emploi  des  substantifs  verbaux  en  irlan- 
dais. On  sait  que  l'un  des  traits  les  plus  originaux  des  langues 
celtiques  est  d'avoir  conservé  à  ces  mots  le  caractère  nominal  (dans 
la  forme  et  dans  l'emploi)  tout  en  les  affectant  à  l'expression  d'un 
fait  en  action.  Le  brittonique,  qui  a  perdu  la  flexion  dans  les  noms, 
est  arrivé  à  en  faire  des  infinitifs  à  peu  près  comparables  à  ceux  du 
latin  ou  du  français.  L'irlandais  au  contraire  les  emploie  toujours 
comme  des  noms  et  il  en  use  très  librement;  c'est  à  cet  emploi 
surtout  qu'il  doit  son  caractère  de  langue  «  nominale  »  par  oppo- 
sition à  une  langue  comme  le  grec  ancien,  qui  est  surtout  «  ver- 
bale ».  Le  substantif  verbal  de  l'irlandais  peut  former  à  lui  seul 
une  proposition  indépendante,  donnant  l'indication  d'un  événement 
ou  exprimant  un  ordre  ;  mais  il  s'emploie  le  plus  souvent  avec  une 
valeur  équivalente  à  celle  d'une  proposition  subordonnée,  décla- 
rative, explicative,  circonstancielle,  finale  ou  consécutive  :  la  pré- 
position devant  le  substantif  verbal  joue  le  rôle  de  la  conjonction 
devant  le  verbe;  quant  au  sujet  de  la  proposition,  il  est  indiqué 
par  une  préposition  (0,  la  ou  do).  Ce  sont  ces  emplois  très  variés 
que  M.  Baudis  passe  en  revue,  en  fournissant  à  l'appui  de  chacun 
des  listes  d'exemples,  empruntés  surtout  aux  anciens  textes.  Il  sera 
intéressant  de  comparer  l'usage  établi  par  M.  Baudis  avec  celui 
qu'enseigne  l'abbé  O'Nolan  dans  sa  syntaxe  de  l'irlandais  moderne 


410  Périodiques. 

(cf.  R.  Celt.,  t.  XXXVIII,  p.  192).  On  sait  d'autre  part  que  l'in- 
finitif de  l'irlandais  ancien  a  déjà  fait  l'objet  d'un  important  travail 
de  Windiscb  (Ben.  Beilr.,  II,  72  et  ss.). 

Comme  précédemment,  l'inédit  tient  une  place  assez  grande 
dans  ce  cahier  de  la  Zeilscbrift.  Kuno  Meyer  y  a  inséré  divers 
morceaux  tirés  de  divers  manuscrits  ;  il  faut  signaler  notamment 
les  «  Synchronismes  »  du  manuscrit  Laud  610  (f°  ii2ai-n6  b  1), 
qui  sont  publiés  aux  pages  471-485  ;  et  la  Balle  Bricin  («  Vision  de 
Bricin  »),  publiée  aux  pages  449-457.  Saint  Bricin,  abbé  de 
Tomregan  (Tuaim  Reccon  ou  Drecan)  près  Bannyconnell  (Co. 
Cavan),  qui  florissait,  dit-on,  au  début  du  vne  siècle,  vit  s'appro- 
cher de  lui  la  nuit  de  Pâques  un  ange  du  seigneur,  qui  lui  ouvrit 
le  ciel  ;  à  la  demande  de  Bricin,  l'envoyé  céleste  lui  fit  connaître 
les  élus  qui  prendraient  place  autour  du  trône  de  Dieu.  Curieux  récit 
rempli  de  noms  propres  et  d'allusions  historiques;  K.  Meyer  en 
donne  le  texte  d'après  deux  manuscrits,  mais  sans  traduction  ni 
commentaire. 

Aux  pages  418-443,  se  trouve  un  article  magistral  de  M.  Thur- 
neysen  sur  la  tradition  manuscrite  de  la  Tàiù  bô  Cùailnge.  Nous  y 
insisterions  davantage  si  les  résultats  ne  s'en  trouvaient  pas  utilisés 
maintenant  dans  le  livre  dont  il  est  rendu  compte  plus  haut  (p.  359). 
Il  conviendra  en  tout  cas  de  ne  jamais  négliger  les  pénétrantes 
analyses  sur  lesquelles  reposent  les  conclusions  du  savant  pro- 
fesseur. Le  tableau  généalogique  dressé  p.  441  les  résume  très 
clairement;  les  philologues  qui  travailleront  sur  le  texte  de  la  Tarn 
devront  toujours  l'avoir  sous  les  yeux.  Le  principal  résultat  en  est 
de  prouver  que  la  version  du  Book  of  Leinster,  bien  loin  de  pro- 
venir d'une  autre  source  que  celle  du  Leabhar  na  h-Uidhre,  est  en 
réalité  la  version  du  Leabhar  na  hUidhre  elle-même,  mais  unifiée 
et  arrangée.  Cette  conclusion  ruine  les  théories  qu'avaient  émises 
aussi  bien  Zimmer  que  Nettlau. 

Le  Tochmarc  Etaine  fait  l'objet  d'une  étude  signée  Lucius  Gwynn 
et  datée  de  Freiburg  i.  B.  (p.  352-357).  La  conclusion  en  est  que 
la  version  de  ce  texte  contenue  dans  le  manuscrit  Egerton  (publiée 
par  Windisch,  Irische  Texte,  I,  p.  117)  est  une  compilation,  qu'on 
peut  fixer  au  xne  ou  xmc  siècle  d'après  la  langue  et  qui  se  com- 
pose d'un  délayage  du  vieux  récit,  dans  lequel  a  été  introduit 
l'épisode  du  début  de  la  Togail  Bvuidne  Da  Derga  et  auquel  a  été 
ajoutée  une  version  en  prose  de  l'enlèvement  d'Etain,  tirée  du 
Dindshenchas de  Râth  Crûachan.  Tout  cela  illustre  bien  les  procédés 
de  composition  des  narrateurs  irlandais. 

A.  signaler  enfin  un  article  de  M.  Oluf  Kolsrud  sur  les  évêques 


Périodiques.  41 1 

celtes  de  l'île  de-Man,  des  Hébrides  et  des  Orcades  (p.  3  57"379)- 

Le  tome  X  de  la  Zeifscbrift  est  dédié  à  Ernst  Windisch,  comme 
l'avait  été  le  tome  XXXV  de  la  Revue  Celtique.  Parmi  les  nom- 
breuses publications  de  textes  qu'il  contient,  il  faut  signaler  : 

C.  Plummer,  Miorbuile  Senain  «  Les  miracles  de  saint  Senan  » 
(p.  1-35),  d'après  deux  manuscrits  de  Bruxelles.  Ce  texte,  qui  se 
rapporte  à  des  événements  bien  postérieurs  à  la  vie  du  saint, 
fournit  d'intéressants  détails  sur  l'Irlande  monastique  du  xive  siècle. 
Douglas  Hvde,  Trachtad  ar  an  aibidil  «  Traité  sur  l'alphabet  » 
(p.  223-224),  curieuses  règles  de  divination  au  sujet  du  sens  caché 
dans  la  lettre  initiale  du  nom  des  inconnus  que  l'on  rencontre. 

Annie  M.  Scarre,  The  meaning  of birth-days  (p.  225-227),  pronos- 
tics tirés  des  jours  de  la  semaine,  publiés  avec  traduction  anglaise 
d'après  le  manuscrit  H.  3 .  17  de  Trinity  Collège. 

Robin  Flower,  afirua  hegna  d'iarroigh  (p.  266-268),  poème  de 
5  strophes  sur  la  nécessité  de  joindre  la  piété  à  l'art  de  la  poésie  ; 
le  premier  vers  signifie  :  «  ô  homme  qui  poursuis  la  poésie  ». 

R.  I.  Best,  Comhrag  Fir  Diadh  ocus  Chon  Cculainn  «  Rencontre 
de  Fer  Diad  et  de  Cuchullin  »  (p.  274-308).  Cet  important 
épisode  de  la  Tâin  n'était  jusqu'ici  connu  que  sous  la  forme  où 
Nettlau  l'avait  étudié  dans  la  Revue  Celtique,  t.  X,  p.  330  et  t.  XI, 
p.  23  et  318.  Deux  versions  en  restaient  inédites,  celle  du  Ms. 
n°  16  du  couvent  des  Franciscains  de  Dublin  et  du  Ms.  Egerton 
n°  106.  Notre  savant  ami  M.  Best  publie  ici  le  texte  du  Ms.  des 
Franciscains  ;  il  y  a  joint  un  court  fragment  du  même  récit,  con- 
tenu dans  le  Ms.  H.  2.12  de  Trinity  Collège. 

R.  Thurneysen,  Eiue  Variante  der  Brendan- Légende  (p.  408-420). 
Il  s'agit  d'un  texte  contenu  dans  un  manuscrit  de  Bruxelles  et 
dans  le  Liber  Flavus  Fergusiorum.  Il  correspond  en  partie  à  la 
vie  de  saint  Brendan,  publiée  par  Whitley  Stokes  d'après  le  Book 
of  Lismore.  On  sait  que  cette  vie  se  trouve  également  dans  le 
manuscrit  de  Paris  (v.  Rev.  Celt.,  t.  XI,  p.  400).  Whitley  Stokes 
n'a  utilisé  que  très  superficiellement  le  texte  du  manuscrit  de  Paris. 
Il  peut  être  intéressant  de  donner  la  leçon  de  ce  manuscrit  dans 
deux  passages  où  M.  Thurneysen  signale  des  variantes.  Au  lieu 
de  rofethnuig  (Lismore  Lives,  1.  3623),  le  ms.  de  Paris  porte  :  is 
ahnsin  tra  minighes  in  muir  focétoir.  Et  au  lieu  de  loiscnecha  (L. 
L.,  1.  3662),  le  manuscrit  de  Paris  porte  :  muighe  lomma  loiscthe- 
chrt  (c'est-à-dire  Joiscta  avec  un  signe  d'abréviation  sur  le  /). 
K.  Meyer  continue  ses  précieuses  Mitteiluiigeu  ans  irischen  Hand- 
schriften  (p.  37-54,  P-  33S-348). 


412  Périodiques. 

P<  7  3-77,  M-  Paul  Walsh  étudie  les  noms  de  lieu  de  la  Vita 
Finniani.  On  connaît  les  précédentes  études  du  même  sur  la  topo- 
nomastique  et  on  sait  quelles  lumières  il  en  a  tirées  pour  l'inter- 
prétation de  certains  textes. 

P.  205-208,  M.  Thurneysen  revient  sur  la  tradition  manuscrite 
de  la  Tàin  bô  Cûailnge  pour  ajouter  quelques  remarques  à  son 
article  précédent  (v.  ci-dessus,  p.  410). 

P.  209-222,  M.  Lùcius  Gwynn  démêle  avec  beaucoup  de  sagacité 
la  q  estion  embrouillée  des  recensions  de  la  Togail  Brnidne  Da 
Derga.  Son  travail  fait  ressortir  l'importance  de  la  découverte  de 
M.  R.  I.  Best  sur  les  interpolations  du  Leabhar  na  hUidhre.  Depuis 
une  vingtaine  d'années,  l'étude  de  la  Togail  Bruidne  Da  Derga 
était  restée  stationnaire,  faute  de  pouvoir  déterminer  la  valeur  du 
texte  de  L.  U.  M.  Lucius  Gwynn  prouve  que  ce  texte  n'est  qu'une 
compilation  à  beaucoup  d'égards  moins  ancienne  que  le  texte  des 
autres  manuscrits.  C'est  le  Yellow  Book  of  Lecan,  pur  de  toute 
interpolation,  qui  fournit,  sous  une  forme  d'ailleurs  complète,  la 
tradition  la  plus  ancienne. 

P.  81-96  se  trouve  un  article  historique  de  M.  John  Mac  Neill 
on  the  reconstruction  and  date  of  the  Laud  Synchronisais. 

Le  travail  le  plus  long  de  tout  le  volume  est  dû  à  M.  A.  G.  van 
Hamel  ;  il  est  consacré  au  Lebor  Gabâla  (p.  96-197).  On  ne  saurait 
entrer  ici  dans  le  détail  de  cette  étude  très  fouillée  des  dix  manus- 
crits qui  contiennent  les  quatre  versions  du  texte.  M.  van  Hamel 
modifie  sur  quelques  points  essentiels  les  conclusions  formulées 
par  M.  Thurneysen  au  sujet  du  Lebor  Gabala  (jji  irischen  Hand- 
schriften  uud  Literattirdenkmâlern,  2e  série).  Il  estime  que  la  forme 
la  plus  ancienne  de  ce  grand  ouvrage  est  fournie  notamment  par 
le  Livre  de  Lecan  et  le  Ms.  Rawlinson  B  512  dans  la  partie  qui  a 
pour  titre  :  Miniugud  gabâl  nÉrenu  7  a  senchas  7  a  remmena  rigraide 
innso  sis  etc. 

L'étymologie  fait  l'objet  d'un  certain  nombre  de  notes  dues  à 
MM.  Pokorny,  J.  Fraser  et  A.  Meillet.  La  note  de  ce  dernier 
(p.  309)  signale  un  rapprochement  saisissant  entre  le  nom  du 
«  saint  »  en  celtique  (v.  irl.  nôeb,  irl.  mod.  naonib)  et  en  grec 
(îscir).  Les  deux  mots  se  rattachent  en  effet  chacun  à  une  racine 
désignant  la  force  agissante  (v.  irl.  niab  «  vigueur,  excitation  », 
gall.  nwyf  «  id.  »  ;  skr.  isirah  «  fort,  florissant  »).  On  sait  que  la 
racine  des  mots  celtiques  en  question  ne  se  retrouve  qu'en  iranien  : 
v.  perse  naiba  «  bon,  beau  »,  persan  nëw  «  fort,  énergique  ».  C'est 
un  fait  à  ajouter  aux  communautés  de  vocabulaire  des  deux 
groupes  dialectaux  sur  le  domaine  religieux. 


Périodiques.  41 J 

A  la  grammaire  proprement  dite  se  rapportent  un  article  de  M. 
J.  Fraser  sur  «  le  présent  et  le  futur  dans  le  verbe  gaélique  »  (p.  55- 
66),  des  notes  de  M.  Pokorny  et  une  importante  étude  signée 
Hans  Hessen  sur  la  Concise  oldlrish  Grammar  de  ce  dernier  (Beitràge 
Tjir  altiriscbeu  Grammaiik,  p.  315-337)-  Cette  étude,  datée  du 
Ier  septembre  1914,  est  sans  doute  la  dernière  qu'ait  publiée  l'au- 
teur; elle  permet  de  mesurer  la  perte  que  la  linguistique  celtique 
a  éprouvée  en  la  personne  de  ce  jeune  érudit  si  bien  doué,  si  cons- 
ciencieux, si  modeste  (cf.  R.   CeJt.,x.  XXXVII,  p.  420). 


VII 

Dans  les  Indogermanische  Forschungen,  tome  XXXIX,  p.  123- 
125,  M.  E.  Kieckers  revient  sur  le  moyen-gallois  heb  «  dit-il  ». 
Il  conteste  l'étymologie  proposée  pour  ce  mot  par  M.  Thurneysen 
(Z.C.Ph.  XII,  413)  et  maintient  le  rapprochement  de  gall.  heb, 
lat.  inseque  et  inquit,  v.  isl.  segja,  gr.  à'ws-s.  Cela  est  conforme  à 
la  doctrine  qui  a  été  déjà  enseignée  ici  :  le  cas  particulier  de  hebyr 
paraît  toujours  pouvoir  s'expliquer  comme  cela  a  été  fait  R.  Celt., 
XXXIV,  p.  141  ;  cf.  J.   Morris-Jones,  a  JVelsh  Grammar,  p.  376- 

377- 

Dans  le  second  fascicule  du  même  tome,  p.  217-220,  M.  J. 
Pokorny  étudie  l'origine  de  l'article  irlandais.  Ce  qu'en  ont  dit 
MM.  Thurneysen  (Hdb.,  §  462)  et  Pedersen  (Vgl.  Gr.,  II,  193)  ne 
le  satisfait  pas  ;  il  reproche  à  ces  deux  maîtres  du  celtisme  des 
&  invraisemblances  phonétiques  »  ou  des  constructions  par  trop 
«  fantastiques  ».  Il  se  déclare  mieux  disposé  à  l'égard  de  l'explica- 
tion proposée  par  sir  John  Morris-jones  pour  l'article  irlandais  Ça 
iVelsh  Grammar,  p.  299)  ;  cependant  il  n'en  est  pas  convaincu  davan- 
tage. La  première  condition  d'une  explication  valable  des  formes 
de  l'article  lui  paraît  être  de  s'appliquer  également  au  gaulois,  au 
brittonique  et  à  l'irlandais.  C'est  débuter  par  une  singulière  affir- 
mation, et  qui  fera  hocher  la  tête  à  plus  d'un  lecteur.  Eh  quoi  !  le 
gaulois,  le  brittonique  et  le  gaélique  n'auraient-ils  pu  chacun  de 
leur  côté  par  des  moyens  différents  se  créer  un  outil  grammatical 
comme  l'article  ?  La  saine  méthode  ne  permettrait  à  cette  question 
une  réponse  catégorique  que  si  les  formes  des  trois  langues  se 
recouvraient  exactement  et  comportaient  une  interprétation  unique, 
absolument  convaincante.  Celle  que  M.  Pokorny  a  imaginée  est 
fantaisie  pure.  Il  part  d'un  indo-européen  %sem,  état  allongé  du 
thème  qu'on  a  en  grec  dans  le  numéral  vc  (*sem-s),  et  qui  serait 


4T4  Périodiques. 

devenu  en  celtique  le  neutre  de.  l'article  défini,  gaulois  -sin,  irlan- 
dais (j)a  11-  !  A  cette  forme  neutre  aurait  été  ajouté  un  élément  -dhe 
ou  -de  ;  puis  de  *si>i-de  on  aurait  tiré  le  thème  flexionnel  *sind-o-s. 
Le  gallois  hwnn  «  celui-ci  »  représenterait  *son-do-,  d'un  plus 
ancien  *som-d(Jj)e  avec  le  degré  vocalique  o  du  thème  *sem-;  etc. 
Si  l'on  met  à  part  l'hypothèse  d'un  thème  neutre  indo-européen 
*sêm,  qui  est  en  l'air,  et  la  difficulté  sémantique  de  l'emploi  du 
terme  de  l'unité  en  fonction  d'article  défini  (cf.  Meillet,  M.  S.  L., 
XXII,  144),  il  n'y  a  peut-être  pas  à  cette  explication  compliquée 
d'objection  formelle  à. faire  :  mais  sur  aucun  point  elle  n'emporte 
la  conviction,  et  l'on  répugne  d'autant  plus  à  l'accepter  qu'elle  est 
présentée  sur  un  ton  plus  péremptoire.  Quand  donc  la  linguistique 
renoncera-t-elle  à  ces  jeux  puérils  de  reconstructions  artificielles, 
qui  n'ont  ni  base  ni  portée,  et  qui  ne  peuvent  que  la  compromettre 
auprès  de  tous  les  bons  esprits  ? 

P.  220-223,  M.  Wackernagel  examine  le  cas  du  vieil-irlandais 
-fitir  «  il  sait  ».  M.  Pokorny  avait  dans  YAn^eiger  du  même  pério- 
dique (t.  XXXVIII-XXXIX,  p.  10)  expliqué  v.  irl.  -fitir  (gall. 
gwyr)  comme  issu  d'une  anc.  3e  pers.  pi.  de  parfait  moyen 
*itiiiidrai  (skr.  vividre)  qui  aurait  passé  au  présent  en  perdant  son 
redoublement.  M.  Wackernagel  exprime  deux  doutes  sur  l'exac- 
titude de  cette  hypothèse. 

Le  premier  est  relatif  à  la  reconstruction  de  *uiuidrai  qui  est 
personnelle  à  M.  Pokorny  :  le  sanskrit  vividré  (ou  vividrire) 
appartient  à  la  racine  vid-  «  trouver  »  ;  la  racine  vid-  «  savoir  »  est 
attestée  au  parfait  exclusivement  sous  la  forme  active  (le  seul 
exemple  contraire  du  Rig-Yeda,  VII,  56,  2  ne  fait  exception  qu'en 
apparence  :  vidre  y  présente  la  valeur  spéciale  de  réfléchi  qui  était 
celle  du  moyen  :  «  ils  se  connaissent  »)  ;  si  l'irlandais  -fitir  doit 
être  rattaché  à  une  ancienne  forme  verbale  en  -r,  ce  ne  peut  donc 
être  qu'au  skr.  vidnh. 

C'est  d'ailleurs  l'interprétation  qu'admet  M.  Pedersen,  Vgl.  Gr., 
II,  406.  Mais  M.  Wackernagel  y  voit  également  une  difficulté, 
dans  le  fait  que  vidnh  est  un  pluriel  et  -fitir  un  singulier.  Tous  les 
moyens  proposés  pour  sortir  de  cette  difficulté  lui  paraissent  des 
échappatoires  dénuées  de  valeur.  Il  se  hasarde  à  comparer  plutôt 
le  grec  (F)îop'.ç  «  qui  sait  »  employé  parfois  comme  prédicat  (par 
ex.  tj  108,  Agamemn.  v.  44e)  en  phrase  nominale  sans  verbe  être. 
Les  scrupules  de  M.  Wackernagel  à  admettre  l'hypothèse  courante 
nous  paraissent  exagérés  :  l'irl.  -fitir,  comme  on  a  essayé  de  le 
montrer  ailleurs  (Rev.  Cell.,  XXXIV,  141),  rentre  dans  l'ensemble 
des  formations  en  -r  de  l'italo-celtique,  qui  semblent  toutes 
remonter  originellement  à  une  3e  personne  du  pluriel. 


Périodiques.  415 


VIII 

Avec  The  Journal  of  the  Welsh  Bibliographical  Society 
nous  avons  aussi  de  l'arriéré  à  réparer.  Depuis  notre  dernière 
notice  (t.  XXXV,  p.  399)  nous  sont  parvenus  les  deux  fascicules 
(numérotés  7  et  8,  août  1914-juillet  191 5)  qui  terminent  le  tome 
premier  et  les  six  premiers  fascicules  du  tome  second  (juillet  1916, 
octobre  19 17,  décembre  1918,  mai  1920,  janvier  et  décembre  1921). 

Dans  le  fascicule  7  du  volume  I  on  trouvera  une  Bibliograpby  of 
Quaker  Literature  in  the  Euglish  Language  relating  to  traies  (p.  203- 
225)  :  c'est  une  utile  contribution  à  l'histoire  de  la  secte  des 
Quakers,  qui  a,  toujours  eu,  comme  on  sait,  de  solides  attaches  en 
Galles.  Dans  le  fascicule  8,  une  notice  sur  Thomas  Jones  the 
Almanacer  ;  ce  personnage,  né  le  Ier  mai  1648  près  de  Corwen  et 
venu  à  Londres  à  l'âge  de  18  ans  pour  y  exercer  le  métier  de 
tailleur,  est  le  premier  qui  ait  publié  un  almanach  en  langue 
galloise.  Cette  publication,  qui  fait  date  dans  un  pays  où  YAlmanac 
y  Miloedd  devait  avoir  tant  de  succès,  est  de  l'année  1679.  La  notice 
sur  Thomas  Jones  est  continuée  dans  le  fascicule  3  du  tome  II 
(p.  97-no). 

Le  fascicule  Ier  du  tome  II  contient  une  étude  de  M.  D.  Rhys 
Phillips  sur  A  forgotten  Welsh  Historian,  William  Davies^  1756-1823 
(p.  1-43)-  L'étude  est  instructive  et  présente  sous  un  jour  sym- 
pathique le  personnage  en  question,  qui  était  de  ces  hommes 
vivant  hors  des  cadres  de  la  hiérarchie  officielle,  loin  des  cénacles 
où  les  réputations  se  fondent,  ignorés  des  académies  où  se  con- 
sacrent souvent  des  gloires  éphémères.  Celle  que  lui  vaudra  l'étude 
de  M.  Rhys  Phillips  mérite  d'être  durable. 

Dans  le  fascicule  4  du  même  tome  II  se  trouvent  un  article  du 
Professor  J.  E.  Lloyd  sur  John  Thomas,  a  forgotten  Antiquary  1736- 
1769  (p.  129-135),  et  une  lettre  écrite  en  1806  par  Humphrev 
Parry  à  David  Thomas  (Dafydd  Ddu  Eryri).  Dans  cette  lettre 
Humphrey  Parry,  un  gallois  de  Cwm  Mawr  (Carnarvonshire) 
installé  à  Londres,  apprécie  de  façon  fort  intelligente  et  fort  juste 
les  innovations  incohérentes  que  tentait  alors  William  Owen  Pughe 
dans  la  grammaire  et  l'orthographe  du  gallois. 

Enfin  dans  les  deux  plus  récents  fascicules,  on  peut  signaler  une 
liste  de  Welsh  books  entêred  in  the  Stalioners'  Company  s  Registers  de 
1554a  1708  par  M.  William  Ll.  Davies  (p.  167-174  et  p.  204- 
210)  et  une  Short-title  list  of  Welsh  books  de  1546  à  1700  (p.  176- 
189  et  210-229).  Un  article  du  Canon  Fisher  sur  the  Old-time  Welsh 


4 1 6  Périodiques. 

School-boy's  Bocks  (p.  193-201)  est  à  recommander  à  ceux  qu'in- 
téresse l'histoire  de  l'éducation  pédagogique  et  de  l'instruction 
religieuse. 

Chacun  des  fascicules  contient  en  outre  des  Bildiographical  noies 
ou  des  Notes  and  Guéries. 


IX 

Le  fameux  Psautier  conservé  à  la  Bibliothèque  Nationale  (Fonds 
Lat.  Ms.  8824,  de  la  première  moitié  du  \ic  siècle)  a  comme  on 
sait  un  extrême  intérêt  par  les  relations  qu'on  lui  a  toujours  suppo- 
sées avec  les  psautiers  anglo-saxons.  M.  Robert  L.  Ramsay,  qui 
est  un  spécialiste  des  études  bibliques  (voir  ses  articles  sur  l'œuvre 
liturgique  de  Théodore  de  Mopsuestia  dans  la  Zeitschrift  fur  cel- 
tische  Philologie,  t.  VIII,  p.  421  et  450),  publie  dans  1' American 
Journal  of  Philology,  t.  XLI,  p.  147-176,  une  collation  du 
texte  latin  du  Psautier  de  Paris.  Il  se  dégage  de  son  travail  cette 
conclusion  importante,  que  le  Psautier  de  Paris  offre  un  texte  plus 
ancien  que  la  plupart  des  psautiers  anglo-saxons,  le  «  Royal  »  par 
exemple  ou  le  «  Bosworth  »,  et  qu'il  a  plusieurs  traits  communs 
avec  le  «  Vespasian  Psalter  »  qui  est  du  début  du  vme  siècle.  Un 
détail  de  l'exposé  (p.  168-169)  nous  intéresse  particulièrement. 
C'est  qu'on  ne  trouve  dans  le  Psautier  de  Paris  aucune  trace  de  la 
division  des  psaumes  en  trois  groupes  (de  cinquante  chacun),  qui 
est  proprement  irlandaise  et  qui  des  écoles  d'Irlande  s'est  ultérieure- 
ment répandue  largement  en  Grande-Bretagne  et  sur  le  Continent. 
La  division  tripartite  à  la  mode  irlandaise  est  celle  du  Psautier  de 
Wessex  (West  Saxon  Psalms)  ;  le  Psautier  de  Paris  n'a  aucun 
rapport  avec  ce  dernier. 

Dans  le  même  volume,  p.  283-286,  M.  W.  Sherwood  Fox 
établit  par  de  nouvelles  preuves  le  caractère  chthonien  de  la  déesse 
grecque  Aphrodite.  Il  insiste  particulièrement  sur  la  récente  trou- 
vaille faite  à  Delphes  dans  les  ruines  d'un  monument  qui  paraît 
être  le  fameux  àBirrov,  le  sanctuaire  impénétrable,  d'un  omphalos 
«  intérieur  »,  différent  de  l'omphalos  «  extérieur  »  bien  connu,  et 
qui  porte  en  caractères  très  archaïques  le  nom  de  la  terre,  ya 
(F.  Courby,  C.R.  deVAcad.  des  Inscr.,  1914,  p.  268).  Miss  J. 
E.  Harrison  déclare  que  cet  omphalos  est  la  plus  grande  trouvaille 
religieuse  du  siècle  (Classical  Studies,  191 5,  p.  73).  Cette  trouvaille 
ajoute  en  tout  cas  une  preuve  à  l'hypothèse  suivant  laquelle  les 
omphaloi    seraient   des   symboles  de  la  terre   mère,   de  la  déesse 


Périodiques.  4  1 7 

chthonienne.  Or,  il  y  avait  à  Paphos'  un  omphalos  célèbre,  qui 
passait  pour  représenter  Aphrodite  (Servius,  ad  Aen.  I,  720; 
Tacite,  Hist.,  II,  2-3  ;  Maxime  de  Tyr,  Diss.,  II,  vu  Hobein). 
M.  W.  Sherwood  Fox  conclut  de  ces  faits  qu'Aphrodite  n'était  à 
l'origine  qu'une  personnification  de  la  Terre  Mère.  Il  paraît  bien 
au  courant  des  données  que  fournissent  à  ce  sujet  la  philologie  et 
l'archéologie  classiques  (cf.  Dieterich,  Militer  Erde,  1913);  il  con- 
naît également  l'article  qu'a  donné  feu  Quiggin  aux  Essays  and 
Studies  presented  to  William  Ridgeway.  Il  est  regrettable  que  l'article 
de  M.  J.  Loth  sur  Y  Omphalos  chei  les  Celtes  lui  ait  échappé  ÇR.  des 
Et.  Ane,  XVII,  193  ;  v.  R.  Celt.  XXXVII,  p.  142). 

Enfin,  le  même  volume  contient  en  deux  parties  un  travail  de 
M.  Francis  A.  Wood,  Naines  of  stinging,  gnawing  and  rending 
animais  p.  223-239  et  336-354.  Il  paraît  peu  original,  au  moins  en 
ce  qui  concerne  le  celtique,  dont  les  données  sont  toutes  de 
seconde  main  ;  elles  sont  d'ailleurs  incomplètes  (p.  344  manque  le 
gaulois  luernos,  bret.  louant)  et  souvent  contestables  (p.  228  irl. 
dergnat,  p.  342  irl.  luch,  gall.  llyg  admettent  une  autre  étymologie). 

J.  Vendryes. 


ADDENDA    ET    CORRIGENDA 
AU    TOME   XXXIX 


P.  64,  1.  21  au  lieu  de  kyt  ved  lire  hyt  ved. 

P.  66,  1.  12  du  bas,  au  lieu  de  cixxin  lire  clxxiij,  et  au  lieu 
de  toto  bêle  lire  toto  fêle. 

P.  71,  1.  ir.  Remplacer  l'alinéa  par  le  suivant  :  L'étymologie 
de  givaelbd  tiré  de  *vaili-,  proposée  par  Wh.  Stokes,  est  plau- 
sible; elle  se  justifie  par  le  v.  gallois  guoilaut  (notes  àl'évan- 
géliaire  de  saint  Chad)  et  est  confirmée  par  le  comique 
goles.  Le  comique  en  effet  ne  désarrondit  pas  *uo-  comme 
le  gallois  et  réduit  oi  (v.  celt.  ai)  et  ui  (v.  celt.  et)  à  0. 

P.  73,  1.  1.  Noter  que  déjà  Ascoli  (G/.  Pal.,  clxxxj)  a 
comparé  lue-liad,  lua-liath  à  leivi-lloil. 


TABLE    DES    MATIERES 

CONTENUES       DANS       LE       TOME       XXXIX 


ARTICLES    DE    FOND 

Pages 

La  bataille  de  Leitir  Ruibhe,  par  Margaret  C.  Dobs i 

On  the  character  of  the  Celtic  Languages,  par  Josef  Baudis 33 

Le  gallo-roman  baltna,  par  J.   Loth 47 

Notes  étymologiques  et  lexicographiques  (suite),  par  J.  Loth 59 

Place  Names  of  Pictland  (suite),  par  F.  C.  Diack 125 

Résumé  des  «  Recherches  sur  l'histoire  du  vieux  norrois  en  Irlande  » 

•  de  Cari  Marstander,  par  A.  Sommerfelt 175 

Les  saints  irlandais  dans  les  traditions  populaires  des  pays  continen- 
taux, par  Dom  Louis  Gougaud 199,  3  3  > 

The  Celtic  Penitentials,   par  John  Thomas  MacNeill ■ 257 

La  vie  la  plus  ancienne  de  saint  Samson,  par  J.  Loth 301 

*Tannoialum,  par  A.  Thomas 334 

Chronique  de  numismatique  celtique,  par  A.  Blanchet 338 

Le  nominatif  pluriel  gaulois  des  thèmes  en  -0-,  par  J.Whatmough.  348 

Irish  Aru  «  Arau  »,  par  J.  Fraser 353 


BIBLIOGRAPHIE 

Armstrong  (E.  C.  R.),  Catalogue    of  Irish  gold  ornaments  in  the 

collection  of  the  Royal  Irish  Academy  (H.  Hubert) 122 

Calloch  (P.),  A  genoux  (J.  Vendryes) 94 

Evans  (Ifor  L.)  et  Lewis  (Henry j,  Cyfres  y  Werin  (J.  Loth) 240 

Fletcher  (George),  The  provinces  of  Ireland,  Ulster,  Munster  (J. 

Vendryes) 376 

Gregory  (Lady),  Visions  and   Beliefs  (J.  Vendryes) 91 

Gwynn-Jones  (T.),  Lleuyddiaeth  Gymraeg  y  bedwaredd  ganrif  ar 

bymtheg  (J.  Vendryes) 93 

Le  Goff  (P.),  Supplément  au  dictionnaire  breton-français  du  dialecte 

de  Vannes  (J.  Loth) 80 

Longnox  (A.),  Les  noms  de  lieu  de  la  France  (J.  Vendryes) 367 


Ta  bîe  '  des  ma  itères .  419 

Macalister  (R.   A.  Stewart),  The  latin  and  Irish  lives  of  Ciaran 

(J .   Vendryes) 370 

MacNeill  (Eoin),  Phases  of  Irish  Hisiory  (J.  Loth).    74 

Morris-Jones  (John),  An  Elementary  Welsh  Grammar  I,  (J.  Loth).  242 
O'Kelleher  (A.)  et  Schoepperle  (Gertrude),  Betha  Colaim  Chille 

(J.  Vendryes) 87 

O'Nolan  (Gerald),  Studies  in  Modem  Irish,  Part  II  (J.  Vendryes). .       89 

O'Rahilly  (Thomas  F.),  Dânfhocail  (J.  Vendryes) 374 

Pauphilet  (A.),    Études  sur  la  Queste  del  Saint   Graal  attribuée  à 

Gauthier  Map  (J.  Vendryes^ 382 

Stanburrough  Cook  (A.),  The  possible  begetter  of  the  Old  English 

Beowulf  and  Widsith  (J.  Vendryes). 377 

Thurneysen  (R.),  Irische  Helden-  und  Kônigsage  bis  zum  i7ten  Iahr- 

hundert  (J.  Vendryes) 359 

Watkin   (Morgan),    The  French   linguistic  influence  in   mediaeval 

Wales  (j.  Loth) 227 


CHRONIQUE 

Bebb  (Ambrose),  traduction  galloise  des  Paroles  d'un  Croyant 396 

Bulletin  of  the  Board  of  Celtic  Studies  of  the  University  of  Wales 254 

Celtic  Review  (The),  reprise  de  la  publication 109 

Diack  (Francis  C.)  et  les  inscriptions  pietés 388 

Earna 40 1 

Ecole  pratique  des  Hautes-Etudes  (Cinquantenaire  de  F) 247 

Esnault  (G.)  ;  son  ouvrage  sur  Le  Laé 399 

Esposito  (M.)  ;  ses  travaux 103 

Examens  de  celtique  à  la  licence  es-lettres 100 

Fraser  (John)  nommé  professeur  à  Oxford 98 

Freeman  (A.  M.)  ;  suite  de  sa  collection  de  chants  populaires  irlan- 
dais   105 

Gaidoz  (H.),  Cuchulain,  Beowulf  et  Hercule 247 

Goblet  (Yann  Morvran)  et  les  études  celtiques  modernes 254 

Gougaud  (Dom  Louis)  ;  les  plus  anciennes  représentations  du  cruci- 
fix en  irlande 249 

—  ;  l'ascétisme  en  pays  celtique 251 

—  ;  la  question  des  évêques  abbés 390 

Gruffyd  Roberts  (ouvrage  inédit  de) 395 

Irlande  (brochures  sur  1') 108 

Jud  (J.);  quelques  substrats  celtiques  en  roman 102 

Kenney  (M.  James  F.)  et  la  légende  de  St  Brendan 393 

Linguistique  générale  (ouvrages  récents  de) 252 

Loth  (J.)  et  la  langue  gauloise 387 

Macbain  (A.)  ;  annonce  de  la  publication  de  ses  Places-Names 109 

Meillet  (A.),  les  effets  de  l'homonymie  dans  les  anciennes  langues 

indo-européennes 248 


420  Table  des  matières. 

Mordiern  (Meven)  et  Abhervé,  Notennou  diu-arbenn  ar  GelteJ  Ko^.  106 

Môrker  (M.),  édition  du  Purgatoire  de  St  Patrice 392 

O'Cuiv  (S.),  The  Sounds  of  Irish 244 

Ouvrages  nouveaux 1 1 0,  255 

Pearse  (Patrick),  œuvres  posthumes 245 

Pedersen  (H.),  les  formes  sigmatiques  du  latin  et  le  futur  indo- 
européen   1  o  1 

Périodiques  nouveaux 254 

Philologica 255 

Philological  Quarterly  (The) 253 

Pokorny  (Dr  Julius),  nommé  professeur  à  Berlin 99 

Réult  (An) 40 1 

Revue  belge  de  philologie  et  d'histoire 255 

Sommer  (O.),  publication  des  romans  du  style  arthurien 390 

Sommerfelt  (Alf.)  les  Norvégiens  dans  le  folk-lore  d'Irlande 251 

—     ;  ses  thèses  de  doctorat 99 

Thomas  (A.),  nouvelle  découverte  d'un  texte  en  breton  moyen 399 


PÉRIODIQUES 

American  Journal  of  Philology  (The),  t.  XLI 416 

Annales    de  Bretagne,  t.  XXXIV-XXXV 403 

Anthropologie  (L'),  t.  XXX 1 1 1 

Antiquaries  Journal  (The),   192 1 122 

Boletin  de  la  Real  Academia  de  la  Historia,  t.  LXXVIII 112 

Ériu,  t.  IX 407 

Fureteur  breton  (Le),  1921 407 

Indogermanische  Forschungen,  t.  XXXIX 413 

Journal  of  the  Royal  Anthropological  Institute  (The),  1915-1918.  .  113 
Journal  of  the  Royal  Society  of  Antiquaries  of  Ireland  (The),  1914- 

1 920 ii),  118 

Journal  of  the  Welsh  bibliographical  Society  (The),  1914-1921 415 

Mémoires  de  la  Société  de  linguistique,  t.  XXII 405 

Proceedings  of  the  Royal  Irish  Academy,  t.  XXXIV 117 

Revue  des  études  anciennes,  t.  XXII 403 

Revue  des  études  grecques,  t.  XXXII ni 

Zeitschrift  fur  celtische  Philologie,  t.  IX-X 409 


Le  Propriétaire-Gérant,  Edouard  CHAMPION. 


MAÇON,    PROTAT    F?  ERES,    IMPRIMEURS. 


PB  1001  ,R5  V.39  SMC 
Revue  celtique 


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